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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 novembre 2021
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
SUR LA PROPOSITION DE LOI visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (n° 4398) ET SUR LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte (n° 4375)
PAR M. Sylvain WASERMAN
Député
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 4398, 4375.
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SOMMAIRE
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Pages
Examen des articles de la proposition de loi ordinaire
Titre Ier Dispositions générales
Titre II procédures de signalement
Titre III mesures renforçant la protection des lanceurs d’alerte
Article 11 (article L. 151-8 du code de commerce) Alertes portant atteinte au secret des affaires
Examen des articles de la proposition de loi organique
Première réunion du mercredi 10 novembre (10 heures 50)
Deuxième réunion du mercredi 10 novembre (14 heures 30)
Contribution de Mme CÉcile untermaier, RapporteurE d’application
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Le 10 novembre 2021, la commission des Lois et la commission des Affaires économiques de l’Assemblée nationale ont auditionné Mme Frances Haugen, lanceuse d’alerte au sein de l’entreprise Facebook dont elle a dénoncé les graves dysfonctionnements et ses répercussions sur nos sociétés. Le même jour, la commission des Lois a examiné les présentes propositions de loi ordinaire et organique visant à renforcer la protection des lanceurs d’alerte. Le Parlement peut s’honorer d’avoir su anticiper la montée en puissance du phénomène des lanceurs d’alerte et accorder une grande importance à ces personnes qui font preuve d’un courage immense pour signaler ou divulguer des informations qui protègent notre société, mais s’exposent ainsi dans leur vie professionnelle et personnelle.
Il n’y a pas une semaine sans qu’un lanceur d’alerte ne défraie la chronique : Facebook, les Nations unies, les pratiques d’évasion fiscale, la sûreté de notre alimentation… Les lanceurs d’alerte sont devenus des acteurs incontournables de nos démocraties. Mais ils sont parfois brisés par l’alerte qu’ils lancent, en particulier du fait des représailles qu’ils subissent de la part des intérêts puissants qu’ils contrarient. C’est pour cela que le législateur devait à nouveau intervenir.
En 2016, à la suite d’une étude du Conseil d’État sur le droit d’alerter ([1]), la loi « Sapin 2 » a consacré la protection des lanceurs d’alerte. Il s’agissait à la fois de fusionner les nombreux régimes d’alerte existants, notamment dans les domaines de la santé publique et de la prévention des accidents du travail, et de renforcer les droits qui s’y rattachent. Ce régime unique définissait le lanceur d’alerte comme « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance » ([2]).
Afin de faciliter les signalements, la loi « Sapin 2 » protège les lanceurs d’alerte contre les représailles (licenciement, sanctions, refus de promotion…) et leur offre de nouveaux outils juridiques, notamment pour éviter qu’ils ne fassent eux-mêmes l’objet de poursuites pour avoir violé un secret protégé par la loi ([3]) ou pour diffamation. Ces procédures, dites « baillons », restent aujourd’hui une réalité contre laquelle il est difficile de lutter, mais qui appauvrit et épuise les lanceurs d’alerte.
En contrepartie, les lanceurs d’alerte doivent suivre des règles précises s’ils veulent bénéficier de ces protections. Ils doivent d’abord saisir leur supérieur hiérarchique ou s’inscrire dans la procédure interne de recueil des alertes que les entreprises et les administrations sont désormais dans l’obligation de mettre en place. Sauf pour les situations d’une extrême gravité, les lanceurs d’alerte doivent attendre un « délai raisonnable » avant de pouvoir saisir une autorité publique (administrative ou judiciaire) et un délai supplémentaire de trois mois avant de révéler leurs informations au public. Cette procédure est inefficace tant que les entreprises et les administrations ne jouent pas le jeu : les alertes ne sont pourtant pas des problèmes, elles sont au contraire le meilleur moyen d’éviter de graves dysfonctionnements.
C’est le constat qu’ont fait les différents rapports sur ce sujet, celui de votre Rapporteur pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe ([4]) et celui de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi « Sapin 2 » réalisé en 2021 par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix ([5]) . Leurs constats et leurs propositions nous incitent à aller plus loin pour limiter les représailles qui restent nombreuses.
La législation française a inspiré l’Union européenne qui a adopté, le 23 octobre 2019, une directive sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union ([6]). Si son champ est plus restreint que notre dispositif national, puisque la directive a vocation à s’appliquer dans un contexte professionnel et dans certains domaines du droit de l’Union européenne, elle n’en demeure pas moins très ambitieuse. Elle encourage les États membres à renforcer leurs législations sur les représailles, oblige à un traitement rapide des alertes dans des délais précis (sept jours pour accuser réception, trois mois pour réaliser un retour d’information ou six mois pour les affaires les plus complexes) et, surtout, abolit la hiérarchie entre les canaux d’information en permettant la saisine directe des autorités externes.
Cette dernière avancée, qui faisait défaut au dispositif français, mettra en concurrence directe le dispositif interne de recueil et de traitement des alertes et les mécanismes de signalement interne. Il ne sera plus possible de fermer les yeux sur un signalement.
Les présentes propositions de loi ordinaire et organique transposent en droit français les exigences de cette directive. En février 2020, une première proposition de loi, portée par M. Ugo Bernalicis et le groupe La France insoumise, était examinée par la commission des Lois. La crise sanitaire empêcha son inscription à l’ordre du jour.
Votre Rapporteur, qui s’est depuis longtemps engagé pour la protection des lanceurs d’alerte et pour la transparence des institutions, a proposé un nouveau texte, élaboré après un dialogue avec la société civile et le Gouvernement et soumis pour avis au Conseil d’État par le président de l’Assemblée nationale. Ces travaux, riches d’enseignements et auxquels ont participé des députés de tous les groupes, ont également été nourris par les nombreuses auditions d’acteurs de terrain (associations, syndicats, entreprises…). Qu’ils en soient tous vivement remerciés.
Les deux textes proposés vont plus loin que la directive. Ils tirent le meilleur du droit français et du droit européen pour offrir les plus grandes protections possibles aux lanceurs d’alerte. Certains voudraient aller encore plus loin, nous devons néanmoins être prudents. Si les lanceurs d’alerte de bonne foi doivent être protégés a maxima, ce statut ne doit pas être détourné pour profiter à des « chasseurs de primes » ou à des personnes malveillantes. Il ne doit pas devenir un moyen de se faire justice, ou d’échapper aux limites inhérentes à la liberté d’expression.
Ce que nous proposons est une « ligne de crête » prenant en compte les souhaits et les inquiétudes de tous les acteurs, qui sont unanimes sur la nécessité de légiférer à nouveau de manière ambitieuse.
Ce texte bouleversera de façon majeure la place des lanceurs d’alerte en France. Nous abordons dans ce texte audacieux et volontaire chaque étape de leur parcours.
Chaque lanceur d’alerte, qu’il soit dans un contexte professionnel ou non, pourra se tourner directement vers une autorité indépendante, qui aura l’obligation de traiter son alerte dans des délais impartis. Il ne pourra être inquiété ni civilement pour les préjudices que son signalement aura causés, ni pénalement pour avoir intercepté et emmené des documents confidentiels liés à son alerte. Ses proches, les personnes ou les associations qui l’aident seront également protégés. Les représailles, dont le champ est précisé et étendu, deviendront des délits passibles de sanctions pénales.
Pour encourager les lanceurs d’alerte et les accompagner dans leurs démarches, le juge pourra faire supporter le coût des frais d’avocats de la défense sur la partie qui attaque le lanceur d’alerte, pour contrer les « procédures bâillons » qui visent à le ruiner. Tout au long de son parcours, l’auteur d’un signalement pourra bénéficier de l’appui du Défenseur des droits dont les missions sont renforcées par la proposition de loi organique.
Quand ils seront définitivement adoptés, ces textes feront de la France un pays à la pointe en Europe et dans le monde sur la question des lanceurs d’alerte. Même si le chemin reste long pour que ces derniers prennent leur juste place dans notre société, il s’agit d’une étape décisive dans la protection des droits fondamentaux. Nous pouvons nous féliciter que ces textes soient à la fois le fruit d’un travail parlementaire de longue date et un projet de l’Union européenne, si souvent critiquée pour son éloignement des citoyens.
La protection des lanceurs d’alerte est un véritable marqueur démocratique : à nous d’en prendre pleinement la mesure.
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Examen des articles de la proposition de loi ordinaire
Titre Ier
Dispositions générales
Article 1er
(article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Définition des lanceurs d’alerte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 1er précise la définition du lanceur d’alerte ainsi que le champ des informations pouvant constituer une alerte, complète la liste des secrets applicables et prévoit l’articulation entre les protections apportées par le statut général du lanceur d’alerte et les dispositifs spécifiques.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi « Sapin 2 », a introduit la première définition générale du lanceur d’alerte en droit national.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté neuf amendements (dont quatre rédactionnels) :
– L’amendement CL155 de votre Rapporteur tend à maintenir la condition de connaissance personnelle de l’information, telle qu’elle est actuellement prévue par la loi « Sapin 2 », pour les signalements et les divulgations effectués en dehors du contexte professionnel ;
– L’amendement CL50 de Mme Cécile Untermaier précise, par cohérence, que le champ des alertes couvre également les tentatives de dissimulation d’une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement ;
– Les amendements CL130 de votre Rapporteur et CL34 de Mme Alexandra Louis précisent la formulation de certains secrets ;
– L’amendement CL160 de votre Rapporteur permet à tout lanceur d’alerte entrant dans le champ de l’article 6 ainsi que dans celui prévu par un dispositif spécifique de se voir appliquer les mesures les plus favorables de chaque dispositif.
a. Les dispositions de la loi « Sapin 2 »
L’article 6 de la loi « Sapin 2 » a introduit, dans le droit national, la première définition générale du lanceur d’alerte : celui-ci est une « personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».
Introduite par amendement parlementaire, cette définition est inspirée de l’étude du Conseil d’État de 2016 ([7]), qui définissait le lanceur d’alerte comme une personne qui « signale, de bonne foi, librement et dans l’intérêt général, de l’intérieur d’une organisation ou de l’extérieur, des manquements graves à la loi ou des risques graves menaçant des intérêts publics ou privés, dont il n’est pas l’auteur ».
Cette définition emporte plusieurs conséquences, concernant l’auteur du signalement et le champ de l’alerte. Elle est complétée par des dispositions relatives aux secrets applicables.
i. L’auteur du signalement
L’article 6 de la loi « Sapin 2 » précise les conditions à remplir pour pouvoir être considéré comme un lanceur d’alerte :
– le lanceur d’alerte ne peut être qu’une personne physique : la définition exclut les personnes morales, telles que les associations et les syndicats. Si ces entités peuvent recueillir des alertes et accompagner les lanceurs d’alerte, elles ne bénéficient pas des protections prévues par la loi ;
– le signalement doit être effectué de manière désintéressée et de bonne foi. Ces critères ont vocation à empêcher le détournement du dispositif par des personnes qui n’agiraient pas dans l’intérêt général, mais dans leur intérêt propre, ou dans celui de leur entreprise, par exemple.
De manière générale, la notion de bonne foi renvoie à « l’attitude traduisant la conviction ou la volonté de se conformer au droit, qui permet à l’intéresser d’échapper aux rigueurs de la loi » ([8]). En l’espèce, la Cour de cassation a considéré, dans un arrêt du 8 juillet 2020, que la mauvaise foi ne pouvait résulter « que de la connaissance par le salarié de la fausseté des faits qu’il dénonce et non de la seule circonstance que les faits dénoncés ne sont pas établis », tandis que dans un arrêt du 9 janvier 2020, la cour d’appel d’Amiens a considéré que la bonne foi exige d’avoir procédé au signalement avec « honnêteté et loyauté, […] hors de toute malveillance ».
La notion de désintéressement est entendue de manière particulièrement large, et exclut toute contrepartie financière ou matérielle. Les lanceurs d’alerte ne peuvent ainsi pas être rémunérés ([9]), et toute personne qui aurait un intérêt personnel à réaliser un signalement, par exemple une personne entrant en conflit avec son employeur, ne peut pas être considérée comme un lanceur d’alerte. Ce caractère extensif a fait l’objet de critiques, et le rapport de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi « Sapin 2 », présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, suggérait ainsi de supprimer le critère du désintéressement ([10]) ;
– le signalement doit porter sur des faits dont la personne a eu personnellement connaissance, afin d’écarter les rumeurs, et d’éviter que le lanceur d’alerte n’agisse pour le compte d’un tiers. Le lanceur d’alerte doit ainsi être à la source de l’information.
ii. Le champ de l’alerte
Le champ des faits pouvant faire l’objet d’un signalement est vaste et ne fait pas l’objet de restrictions matérielles particulières. Ainsi :
– tous les crimes et délits sont concernés ;
– seule une violation grave et manifeste peut autoriser une alerte relevant d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement ;
– seuls une menace ou un préjudice graves peuvent autoriser une alerte relative à l’intérêt général.
iii. L’exclusion de certaines informations couvertes par le secret
L’article 6 de la loi « Sapin 2 » prévoit par ailleurs que certains faits, informations ou documents, quels que soient leur forme ou leur support, sont exclus du régime de l’alerte lorsqu’ils sont couverts par :
– le secret de la défense nationale ;
– le secret médical ;
– ou le secret des relations entre un avocat et son client.
Ces exclusions portent sur les informations, et non sur les organismes ou les travailleurs pouvant être concernés par ces champs.
b. Les dispositions de la directive
La définition du lanceur d’alerte prévue par la directive (UE) 2019/1937 ([11]), et le champ des signalements qu’il est possible de réaliser, diffèrent sensiblement de celles qui sont prévues par le droit national.
Ainsi, si le champ de la directive est limité aux faits signalés dans un contexte professionnel, et relevant d’une liste limitative d’actes du droit de l’Union européen, la directive ne pose en revanche aucune condition de gravité concernant les atteintes.
i. L’auteur du signalement
L’article 5 de la directive définit ainsi l’auteur du signalement comme une « personne physique qui signale ou divulgue publiquement des informations sur des violations qu’elle a obtenues dans le cadre de ses activités professionnelles » ([12]).
Le champ de la directive est ainsi limité aux alertes lancées dans le domaine professionnel. Le premier considérant précise notamment que « les personnes qui travaillent pour une organisation publique ou privée ou qui sont en contact avec une telle organisation dans le cadre de leurs activités professionnelles sont souvent les premières informées des menaces ou des atteintes à l’intérêt public qui surviennent dans ce contexte ».
La directive reste muette sur le caractère intéressé ou désintéressé du lanceur d’alerte.
Dans son considérant n° 32, elle précise que « les motifs amenant les auteurs de signalement à effectuer un signalement devraient être sans importance pour décider s’ils doivent recevoir une protection ».
Le considérant n° 30 écarte néanmoins du dispositif les « informateurs », qui « signalent des violations aux services répressifs en échange d’une récompense ou d’une indemnisation ». Ces informateurs bénéficient de procédures spécifiques destinées à garantir leur anonymat, qui sont distinctes des canaux de signalement prévus pour les lanceurs d’alerte, à l’image des « indics » des douanes, ou des aviseurs fiscaux français ([13]).
ii. Le champ de l’alerte
Le signalement peut porter sur des informations sur des violations, entendues comme des « informations, y compris des soupçons raisonnables, concernant des violations effectives ou potentielles, qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire dans l’organisation dans laquelle l’auteur de signalement travaille ou a travaillé ou dans une autre organisation avec laquelle l’auteur de signalement est ou a été en contact dans le cadre de son travail, et concernant des tentatives de dissimulation de telles violations » ([14]).
La notion d’informations, si elle est entendue de manière particulièrement large par la référence aux « soupçons raisonnables », exclut clairement les alertes qui ne seraient pas fondées. Comme le relève le considérant n° 43, « la protection se justifie également pour les personnes qui ne fournissent pas d’éléments de preuve positifs, mais qui font part de préoccupations ou de soupçons raisonnables. Dans le même temps, la protection ne devrait pas s’appliquer aux personnes qui signalent des informations qui sont déjà entièrement disponibles dans le domaine public ou des rumeurs ou ouï-dire non fondés ».
Ces violations sont entendues des « actes ou omissions qui sont illicites et ont trait aux actes de l’Union et aux domaines relevant du champ d’application matériel [de la directive] » ou « vont à l’encontre de l’objet ou de la finalité des règles prévues » ([15]) dans ces mêmes actes et domaines.
Seules certaines violations, appartenant à un champ d’application matériel restreint, peuvent faire l’objet d’une alerte. L’article 2 de la directive vise ainsi les violations relevant du champ d’application des actes de l’Union qui figurent en annexe de la directive, et qui concernent les domaines suivants :
– marchés publics ;
– services, produits et marchés financiers et prévention du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme ;
– sécurité et conformité des produits ;
– sécurité des transports ;
– protection de l’environnement ;
– radioprotection et sûreté nucléaire ;
– sécurité des aliments destinés à l’alimentation humaine et animale, santé et bien-être des animaux ;
– santé publique ;
– protection des consommateurs ;
– protection de la vie privée et des données à caractère personnel, et sécurité des réseaux et des systèmes d’information.
Le champ de la directive concerne également les violations portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, ainsi que celles relatives au marché intérieur.
Enfin, la directive précise que les États membres peuvent l’étendre à d’autres domaines.
iii. L’exclusion de certaines informations couvertes par le secret
L’article 3 de la directive prévoit que certaines informations peuvent être exclues du régime de l’alerte, lorsqu’elles sont protégées par des règles de secret et de confidentialité.
Sont ainsi mentionnés :
– la protection des informations classifiées ;
– la protection du secret professionnel des avocats et du secret médical ;
– le secret des délibérations judiciaires ;
– les règles en matière de procédure pénale.
iv. L’articulation avec les dispositifs spécifiques
L’article 3 de la directive prévoit par ailleurs que, lorsque des règles spécifiques concernant le signalement de violations sont prévues dans les actes sectoriels de l’Union ([16]), ces règles s’appliquent.
Il prévoit également que les dispositions de la directive sont applicables dans la mesure où une question n’est pas obligatoirement réglementée par ces actes sectoriels.
Le considérant n° 20 de la directive précise que « les règles spécifiques […] qui sont adaptées aux secteurs concernés, devraient être maintenues. […] Parallèlement, afin d’assurer la cohérence et de garantir la sécurité juridique dans tous les États membres, la présente directive devrait être applicable à l’égard de toutes les matières non régies par des actes sectoriels et devrait ainsi compléter de tels actes afin qu’ils soient totalement alignés sur les normes minimales ».
Ainsi, la directive ne remplace pas les dispositifs sectoriels d’alerte européens, qui doivent continuer de s’appliquer ; toutefois, les dispositions de la directive peuvent s’appliquer à des questions qui ne sont pas obligatoirement traitées par l’une de ces procédures sectorielles.
Enfin, comme le relève le considérant n° 19, cette articulation doit être « dynamique » : des actes sectoriels postérieurs peuvent s’y insérer.
2. Les dispositions de la proposition de loi
Afin de conformer le droit français aux exigences de la directive, sans réduire le niveau de protection déjà offert par la loi « Sapin 2 » ([17]), l’article 1er de la proposition de loi opère plusieurs modifications.
Alors que le champ d’application matériel de la directive (UE) 2019/1937 est limité à certains domaines du droit de l’Union européenne, et restreint l’alerte au contexte professionnel, la loi « Sapin 2 » ne prévoit pas de telles limitations. Se posait dès lors la question de la meilleure manière d’opérer la synthèse entre les deux textes.
Les auteurs de cette proposition de loi ont fait le choix de ne pas distinguer entre différents régimes d’alerte, selon qu’ils concernent ou non les matières mentionnées par la directive, et qu’ils aient été obtenus ou non dans un contexte professionnel. Les apports de la directive viennent ainsi compléter le droit en vigueur : le champ des alertes défini par la proposition de loi excède ainsi nettement celui de la directive.
Ce choix a été salué par le Conseil d’État, qui, dans son avis, a approuvé « le choix de préserver la clarté pour assurer la clarté et l’intelligibilité du dispositif en évitant, autant que possible, de poser des règles distinctes selon la nature des violations envisagées » ([18]), tout en suggérant de se prémunir du risque d’un élargissement trop important, qui pourrait porter atteinte à l’équilibre subtil du dispositif.
i. La définition du lanceur d’alerte (alinéa 2)
S’agissant d’abord de la définition du lanceur d’alerte :
– la proposition de loi substitue aux termes « révèle ou signale » les termes « signale ou divulgue », afin de reprendre la distinction opérée par la directive entre le signalement, qui renvoie à la communication orale ou écrite d’information par les canaux interne et externe ([19]), et la divulgation, entendue comme la mise à disposition dans la sphère publique d’informations sur des violations ([20]) ;
– elle supprime par ailleurs l’exigence d’une connaissance personnelle de l’information signalée, qui entre en contradiction avec la directive pour les signalements entrant dans son champ. Celle-ci ne fait en effet pas obstacle à ce qu’un lanceur d’alerte signale des faits qui lui ont été rapportés, mais dont la véracité ne lui semblerait pas devoir être remise en cause. En revanche, par rapport à la directive, la rédaction proposée ne comporte aucune restriction liée à la nécessité d’avoir obtenu les informations faisant l’objet de l’alerte dans un contexte professionnel ;
– elle substitue enfin au critère de désintéressement la notion d’absence de contrepartie financière directe, afin d’assouplir la recevabilité de l’alerte dans certaines situations, et notamment celles où le lanceur d’alerte est en conflit avec son employeur, sans pour autant permettre sa rémunération.
ii. Le champ de l’alerte
La proposition élargit par ailleurs le champ des alertes pouvant être réalisées :
– la proposition de loi ouvre la possibilité de faire porter l’alerte sur des « informations » relatives à un crime, un délit, une violation de l’une des normes mentionnées par le texte ([21]), ou une menace ou un préjudice pour l’intérêt général. La notion d’ « information » permet ainsi clairement d’intégrer des alertes portant sur des violations pour lesquelles le lanceur d’alerte a une conviction raisonnablement établie qu’elles se sont produites, ou sont très susceptibles de se produire, ainsi que l’exige la directive ;
– elle abandonne les critères de gravité applicables aux violations pouvant faire l’objet d’une alerte qui, aux termes du droit en vigueur, doivent être « grave[s] et manifeste[s] ». La directive supprime également le critère de gravité applicable aux menaces ou préjudices pour l’intérêt général. Ces critères entrent en effet en contradiction avec la directive ;
– elle intègre les informations portant sur la tentative de dissimulation de telles violations, ainsi que le prévoit la directive ;
– elle complète la liste des normes dont la violation peut faire l’objet d’une alerte par la référence aux violations du droit de l’Union européenne, afin d’expliciter l’intégration de ces normes au dispositif ;
iii. L’exclusion de certaines informations couvertes par le secret (alinéa 3)
S’agissant des matières couvertes par le secret, la proposition de loi transpose strictement la directive.
Elle complète le droit en vigueur par la référence aux secrets qui n’étaient pas déjà prévus par la loi « Sapin 2 » ([22]), c’est-à-dire :
– le secret des délibérations judiciaires ;
– ainsi que le secret de l’enquête et de l’instruction.
Votre Rapporteur relève que la mention du secret de l’enquête et de l’instruction, qui porte essentiellement sur les pièces du dossier, a principalement pour objet d’empêcher la protection d’un agent qui ferait une alerte parce qu’il ne serait pas d’accord avec la décision de classement sans suite du procureur, ou qui entendrait tout simplement utiliser le cadre juridique de la protection des lanceurs d’alerte pour s’affranchir du secret de l’enquête ou de l’instruction auquel il est soumis.
En revanche, la commission d’une infraction par une personne soumise au secret de l’enquête ou de l’instruction ne serait pas couverte par ce secret. L’exclusion du secret de l’instruction du champ de l’alerte ne fait donc pas obstacle, par exemple, à ce qu’un fonctionnaire de police signale qu’un enquêteur a fait disparaître des pièces de procédure, ou qu’un fonctionnaire de juridiction qui découvrirait des turpitudes du juge d’instruction lance une alerte à ce sujet.
La proposition de loi prévoit par ailleurs que lorsque la loi impose ou autorise la révélation d’un secret, les informations concernées peuvent faire l’objet d’une alerte.
iv. L’articulation avec les dispositifs spécifiques (alinéa 4)
La proposition de loi prévoit enfin que, lorsque sont réunies les conditions d’application d’un dispositif spécifique de signalement de violations et de protection de leur auteur, prévus par la loi ou le règlement ou par un acte sectoriel de l’Union européenne mentionné par la directive ([23]) prévoyant des mesures au moins aussi favorables à l’auteur du signalement que celles prévues par la loi ([24]) et préservant le choix du canal de signalement, les dispositions du présent chapitre – c’est-à-dire les dispositions du statut général des lanceurs d’alerte – ne s’appliquent pas.
La liste de ces dispositifs serait fixée par décret.
Afin de mieux articuler les dispositifs existants avec les procédures et protections prévues par la proposition de loi, la direction des affaires civiles et du sceau (DACS) a par ailleurs indiqué à votre Rapporteur qu’un « exercice de recensement et de mise à niveau de nombreux dispositifs avait été entrepris au sein des différents ministères concernés (travail, finances, fonction publique, transition écologique, santé) ».
La DACS rappelle par ailleurs que si la directive n’impose pas de modifier les dispositifs sectoriels d’alerte, elle y invite, et que cette harmonisation est attendue : 64 % des répondants à la consultation publique en ligne conduite par le ministère ([25]) ont estimé fondée la critique de la complexité des multiples dispositifs sectoriels, et 69 % se sont dits favorables à une clarification.
3. La position de la Commission
i. Le champ de l’alerte
Afin de se prémunir du risque d’un élargissement trop important du champ des informations pouvant faire l’objet d’une alerte, qui pourrait porter atteinte à l’équilibre subtil du dispositif, la commission a adopté un amendement CL155 présenté par votre rapporteur, tendant à maintenir la condition de connaissance personnelle de l’information, telle qu’elle est actuellement prévue par la loi « Sapin 2 », pour les signalements et les divulgations effectués en dehors du contexte professionnel.
Cette solution a été jugée préférable à celles envisagées par le Conseil d’État, qui tendait à maintenir l’exigence du caractère « grave et manifeste » des violations signalées pour celles excédant le champ de la directive, ou à réserver la possibilité d’exercer le droit d’alerte sur la base d’« informations sur des violations » seulement lorsque celles-ci sont obtenues dans un contexte professionnel ([26]), ces solutions apparaissant soit trop restrictives pour la première, soit peu opérationnelles pour la seconde.
À l’initiative de Mme Cécile Untermaier, et suivant l’avis favorable de votre Rapporteur, la commission a également adopté un amendement CL53 qui précise que, par cohérence, le champ des alertes couvre également les « tentatives de dissimulation d’une violation » du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.
ii. L’exclusion de certaines informations couvertes par le secret
À l’initiative de votre Rapporteur, la commission a adopté un amendement CL130 qui précise que le secret de l’enquête et de l’instruction est réservé à la matière pénale, suivant ainsi une recommandation du Conseil d’État ([27]).
Suivant l’avis favorable de votre rapporteur, elle a également adopté un amendement CL34 de Mme Alexandra Louis qui clarifie la référence au « secret des relations entre un avocat et son client » en le remplaçant par la référence au « secret professionnel de l’avocat ».
iii. L’articulation avec les dispositifs spécifiques
À l’initiative de votre Rapporteur, la commission a adopté un amendement CL160, qui permet à tout lanceur d’alerte entrant dans le champ de l’article 6 ainsi que dans celui prévu par un dispositif spécifique de se voir appliquer les mesures les plus favorables de chaque dispositif : lorsque certaines mesures prévues par les dispositifs spécifiques seraient plus favorables que le droit commun, celles-ci s’appliqueraient, et le lanceur d’alerte conserverait par ailleurs le bénéfice des mesures prévues par le droit commun qui pourraient être plus favorables que celles prévues par le dispositif spécifique.
Elle a par ailleurs adopté quatre amendements rédactionnels CL131, CL157, CL158 et CL159.
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Article 2
(article 6-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Extension de la protection aux personnes physiques et morales
qui sont en lien avec le lanceur d’alerte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 2 étend certaines des protections offertes aux lanceurs d’alerte, et notamment la protection contre les représailles, aux personnes physiques et morales qui sont en lien avec le lanceur d’alerte : facilitateurs, collègues ou proches, entités juridiques contrôlées par le lanceur d’alerte, pour lesquelles il travaille ou avec lesquelles il est en lien dans un contexte professionnel.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi « Sapin 2 » n’a pas prévu de protections particulières pour les personnes physiques et morales qui sont en lien avec le lanceur d’alerte.
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté six amendements de votre Rapporteur (dont trois rédactionnels) :
– Afin d’éviter que les protections aux facilitateurs ne soient détournées de leur finalité, l’amendement CL132 réserve ces protections aux facilitateurs personnes morales de droit privé à but non lucratif ;
– L’amendement CL133 précise la définition du facilitateur, en reprenant les termes utilisés par la directive ;
– L’amendement CL134 supprime la référence aux personnes qui effectuent un signalement auprès des institutions européennes, car ces dispositions relèvent de la logique de désignation des autorités externes (cette référence ayant été réintroduite à l’article 3 par l’amendement CL143).
1. L’état du droit
Si la loi « Sapin 2 » a prévu des protections pour les lanceurs d’alerte, elle ne comporte en revanche aucune disposition concernant les personnes, physiques ou morales en lien avec le lanceur d’alerte et qui, du fait de ce lien, sont également susceptibles de faire l’objet de représailles.
Comme le rappelle la directive dans son considérant n° 41, la protection devrait être assurée contre les mesures de représailles « prises non seulement directement à l’encontre des auteurs de signalement eux-mêmes, mais aussi contre celles qui peuvent être prises indirectement, y compris à l’encontre des facilitateurs, des collègues ou des proches de l’auteur de signalement qui sont également en lien dans un contexte professionnel avec l’employeur, le client ou le destinataire des services de l’auteur de signalement ». Ces représailles indirectes peuvent également concerner les représentants syndicaux ou les représentants des travailleurs, qui peuvent être notamment amenés à fournir des conseils et une aide à l’auteur de signalement, ainsi que l’entité juridique appartenant à l’auteur de signalement ou pour laquelle il travaille.
À cette fin, le 4 de l’article 4 de la directive prévoit que les mesures de protection des auteurs de signalement s’appliquent également, le cas échéant :
– aux facilitateurs ;
– aux tiers qui sont en lien avec les auteurs de signalement et qui risquent de faire l’objet de représailles dans un contexte professionnel, tels que des collègues ou des proches des auteurs de signalement ;
– ainsi qu’aux entités juridiques appartenant aux auteurs de signalement ou pour lesquelles ils travaillent, ou encore avec lesquelles ils sont en lien dans un contexte professionnel.
Par ailleurs, le considérant n° 35 indique que « la présente directive devrait prévoir qu’une protection est accordée lorsque des personnes effectuent, en application de la législation de l’Union, un signalement auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union, par exemple dans le cadre d’une fraude concernant le budget de l’Union ».
Il est en effet possible de signaler à la Commission européenne des violations en matière de droit de la concurrence et d’aides d’État, par exemple.
Le 4 de l’article 6 prévoit ainsi que les personnes qui signalent auprès des institutions, organes ou organismes de l’Union compétents des violations qui relèvent du champ d’application de la directive bénéficient des protections offertes aux lanceurs d’alerte dans les mêmes conditions que les personnes qui effectuent un signalement externe.
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 2 de la proposition de loi énonce les mesures de protection offertes aux lanceurs d’alerte qui bénéficient également aux personnes qui sont en lien avec les lanceurs d’alerte, et définit ces personnes.
L’alinéa 2 énumère ces différentes mesures de protections. Il s’agit :
– des protections contre les représailles prévues aux articles 10-1 et 12 de la loi « Sapin 2 » modifiée ([28]), c’est-à-dire l’inversion de la charge de la preuve, l’exonération de responsabilité civile à raison du signalement ou de la divulgation, l’exonération de responsabilité civile ou pénale à raison de l’obtention et du stockage des informations, la possibilité de demander une provision pour frais de l’instance, la procédure de référé prud’homal, de l’abondement du compte personnel de formation ;
– de la procédure d’amende civile, prévue au II de l’article 13 de la loi « Sapin 2 » modifiée ([29]) ;
– de l’irresponsabilité pénale en cas d’atteinte à un secret protégé par la loi dans le cadre d’une alerte, prévu à l’article 122-9 du code pénal ([30]) ;
– de la réintégration de toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation, en raison du lancement d’une alerte, qui peut être prescrite par le juge administratif, et qui est prévue à l’article L. 911-1-1 du code de justice administrative ([31]).
En revanche, ces personnes ne peuvent pas bénéficier de l’aide financière et psychologique dont la création est proposée par la proposition de loi ([32]).
Les alinéas 3 à 6 énoncent les catégories de personnes pouvant bénéficier de ces protections.
L’alinéa 3 vise les facilitateurs, entendus « comme toute personne physique ou morale ayant participé à favoriser la révélation ou le signalement par un lanceur d’alerte dans le respect des articles 6 et 8 de la présente loi ».
La rédaction proposée va ainsi plus loin que ce qui est strictement exigé par la directive, puisque celle-ci définit le facilitateur comme une « personne physique qui aide un auteur de signalement au cours du processus de signalement dans un contexte professionnel et dont l’aide devrait être confidentielle », excluant de ce fait les personnes morales, et limitant les personnes physiques au contexte professionnel.
L’alinéa 4 mentionne les « personnes physiques en lien » avec un lanceur d’alerte, et « qui risquent de faire l’objet notamment de l’une des mesures [de représailles] dans le cadre de leurs activités professionnelles de la part de l’employeur, du client ou du destinataire des services de cette personne ».
Pour plus de clarté, la rédaction proposée n’a ainsi pas retenu le terme de « tiers » mentionné par la directive, ni ceux de « représailles dans un contexte professionnel », tout en poursuivant le même objectif.
L’alinéa 5 intègre les « entités juridiques contrôlées, au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce », par un lanceur d’alerte, ou pour lesquelles elle travaille, ou avec lesquelles elle est en lien dans un contexte professionnel.
La notion « d’appartenance » de l’entité n’ayant pas de traduction juridique précise en droit national, la rédaction proposée s’appuie sur la notion de contrôle au sens de l’article L. 233-3 du code de commerce, fondée sur la détention du capital et sur l’influence actionnariale. Le champ de cet article est large, et permet d’intégrer les sociétés civiles et commerciales.
Alors que les trois alinéas précédents adaptent les exigences prévues au 4 de l’article 4 de la directive, l’alinéa 6 traduit quant à lui les dispositions prévues au 4 de son article 6. Il étend la protection de la directive aux personnes recourant à des dispositifs d’alertes sectoriels auprès de l’Union européenne.
3. La position de la Commission
La commission a adopté six amendements de votre Rapporteur.
Afin d’éviter que les protections aux facilitateurs ne soient détournées de leur finalité et puissent profiter à des entreprises ou à des fonds, l’amendement CL132 réserve ces protections aux facilitateurs personnes morales de droit privé à but non lucratif.
Par ailleurs, l’amendement CL133 précise la définition du facilitateur, en reprenant les termes utilisés par la directive.
L’amendement CL134 supprime la référence aux personnes qui effectuent un signalement auprès des institutions européennes, car ces dispositions relèvent de la logique de désignation des autorités externes (cette référence ayant été réintroduite à l’article 3 par l’amendement CL143).
Les amendements CL145 à CL147 sont de nature rédactionnelle.
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Titre II
procédures de signalement
Article 3
(articles 7-1 [nouveau] et 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Procédures de signalement
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article transpose les articles 7 à 15 de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019. Il définit les trois canaux par lesquels un lanceur d’alerte peut procéder à son signalement. En application de la directive, les canaux internes et externes ne sont plus hiérarchisés et peuvent être saisis successivement ou alternativement. Les signalements effectués auprès du canal externe seront traités par une autorité compétente parmi celles désignées par décret. La divulgation publique, en revanche, reste conditionnée à l’absence de traitement, à un danger imminent ou à un risque de représailles.
Sous l’effet de la directive, les obligations incombant aux organisations et aux autorités externes en matière de recueil et de traitement des alertes sont renforcées (délais de réponse, confidentialité, conservation des données…). Dans ce nouveau dispositif, le Défenseur des droits aura la charge d’orienter les lanceurs d’alerte et de réorienter les alertes lorsqu’une autorité externe ne s’estimera pas compétente.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique a créé le mécanisme des canaux hiérarchisés de signalement.
Modifications apportées par la Commission
La Commission des lois a adopté dix-huit amendements, dont huit amendements rédactionnels.
À l’initiative de votre Rapporteur, elle a introduit un article 7-1 dans la loi Sapin 2 qui présente les différents canaux.
Sur proposition de votre Rapporteur et de Mme Cécile Untermaier, elle a également étendu aux entités de moins de cinquante agents ou salariés la possibilité de se doter d’une procédure de recueil et de traitement des alertes, si besoin en la mettant en commun.
Elle a adopté des amendements de votre Rapporteur encadrant plus précisément les renvois au décret concernant les procédures de recueil et de traitement des alertes et la désignation des autorités compétentes pour traiter les signalements externes.
La liste des différents canaux externe a été complétée pour ajouter l’autorité judiciaire et les organes de l’Union européenne.
Enfin, les conditions de divulgation publique ont été modifiées à la marge afin de les rapprocher des exigences de la directive.
1. L’état du droit
a. Des canaux de signalement hiérarchisés
L’encadrement des signalements effectués par les lanceurs d’alerte poursuit deux objectifs : d’une part, favoriser la détection et la résolution rapide de problèmes graves au sein d’une organisation et, d’autre part, protéger les personnes qui, de bonne foi, signalent ces manquements.
C’est dans cet esprit que le législateur, en 2016, a fait le choix de hiérarchiser les canaux par lesquels un lanceur d’alerte devait effectuer son signalement s’il souhaitait bénéficier des protections prévues par la loi. Il a considéré qu’il était préférable qu’un dysfonctionnement soit d’abord signalé en interne, avant que les autorités publiques puissent être saisies ou, en dernier ressort, que la divulgation soit réalisée publiquement.
L’article 8 de la loi « Sapin 2 » prévoit donc que le signalement s’effectue en premier lieu auprès « du supérieur hiérarchique, direct ou indirect, de l’employeur ou d’un référent désigné par celui-ci ».
Le III du même article précise que les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante salariés, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions doivent mettre en place des « procédures appropriées de recueil des signalements ». Ce canal interne est ouvert « aux membres de leur personnel ou par des collaborateurs extérieurs et occasionnels ».
Les obligations en matière de recueil des alertes ont été fixées pour ces entités par un décret du 19 avril 2017 ([33]). Dans les ministères, elles ont été déclinées par arrêté.
arrÊtÉs relatifs à la procÉdure de recueil des signalements Émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ([34])
Arrêté du 31 mai 2021 |
Ministère de la justice |
Ministères économiques et financiers |
|
Arrêté du 12 juillet 2019 |
Services du Premier ministre |
Arrêté du 23 août 2018 |
Ministère des armées |
Arrêté du 12 août 2019 |
Ministère de la transition écologique et solidaire et Ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales |
Arrêté du 3 mai 2019 |
Ministère de l’agriculture |
Arrêté du 12 mars 2019 |
Ministère de la culture |
Arrêté du 10 décembre 2018 |
Ministère de l’éducation nationale |
Arrêté du 3 décembre 2018 |
Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche |
Arrêté du 16 novembre 2018 |
Ministère de l’intérieur Ministère de l’outre-mer |
Arrêté du 29 juin 2018 |
Ministère des affaires étrangères |
Arrêté du 20 avril 2018 |
Caisse des dépôts et consignations |
Source : Légifrance.
Cette procédure indique les personnes référentes, précise le mode de communication des informations et prévoit un moyen d’échange. Elle doit permettre à l’auteur du signalement d’être informé sur le délai raisonnable dans lequel son alerte sera traitée et garantir la confidentialité des faits et des personnes concernées. Le référent doit ainsi « disposer, par son positionnement, de la compétence, de l’autorité et des moyens suffisants à l’exercice de ses missions » ([35]). L’article 4 autorise la désignation d’un référent extérieur à l’entité.
L’article 2 du décret du 19 avril 2017 permet aux organismes soumis au III de l’article 8 de « prévoir que les procédures de recueil des signalements sont communes à plusieurs d’entre eux ». Il n’est pas prévu que des petites organisations puissent se rassembler pour disposer d’un canal interne si elles ne sont pas soumises à cette obligation individuellement. Toutefois, de nombreuses entités se situant sous les seuils fixés au III disposent de procédures de recueil des alertes en raison de la sensibilité de leur activité, de leur appartenance à un groupe plus important ou des exigences de l’évaluation des tiers.
Le canal externe – autorité administrative, autorité judiciaire ou ordres professionnels – ne peut être saisi qu’« en l’absence de diligence de la personne destinataire […] à vérifier, dans un délai raisonnable, la recevabilité du signalement » ([36]).
Ce n’est que trois mois après la saisine de l’une des autorités externes et en l’absence de traitement de l’alerte par celle-ci que le signalement peut être rendu public.
Des exceptions à cette hiérarchie existent d’ores et déjà puisque le II de l’article 8 permet de procéder directement à un signalement externe ou une divulgation publique « en cas de danger grave et imminent ou en présence d’un risque de dommages irréversibles ». La France s’était ainsi conformée à la résolution de l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe du 29 avril 2010 qui exigeait que, « lorsqu’il n’existe pas de voies internes pour donner l’alerte, ou qu’elles ne fonctionnent pas correctement, voire qu’il ne serait pas raisonnable de s’attendre à ce qu’elles fonctionnent correctement étant donné la nature du problème dénoncé par le donneur d’alerte, il conviendrait de la même manière de protéger celui qui utilise des voies externes, y compris les médias ».
Pour aider le lanceur d’alerte dans cette démarche, le législateur a prévu en 2016 de confier au Défenseur des droits la mission d’orienter le lanceur d’alerte vers l’organisme le plus approprié ([37]).
b. Des difficultés persistantes
L’obligation de saisir successivement deux canaux et d’attendre « un délai raisonnable » entre ces deux saisines prive en partie le signalement de son efficacité. Cette durée est propice à la poursuite des faits dénoncés, à la disparition d’informations importantes et à la mise en place de représailles contre le lanceur d’alerte. Le rapport d’évaluation de la loi « Sapin 2 » faisait état de « nombreux témoignages de lanceurs d’alerte, dans le secteur public comme dans le secteur privé, ayant fait l’objet de graves représailles sans que leurs supérieurs hiérarchiques, leur référent ou les pouvoirs publics aient pu assurer leur protection » ([38]). Ses rapporteurs, MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, rappelaient que « ces personnes, qui ont parfois sacrifié leurs vies professionnelle et personnelle pour dénoncer des infractions graves, ont le sentiment d’avoir été abandonnées alors qu’elles pensaient servir l’intérêt général ou agir loyalement pour leur entreprise » ([39]).
L’obligation de saisir le canal interne, en particulier par la voie hiérarchique, présente un caractère désincitatif. L’évaluation réalisée par la commission des Lois de l’Assemblée nationale soulignait cette difficulté : « Les responsables peuvent être placés en situation de conflit d’intérêts ou de loyauté vis-à-vis de leur propre hiérarchie ou bien être eux-mêmes concernés par l’alerte. L’obligation de signalement en interne est donc un frein aux signalements, car les lanceurs d’alerte sont conscients du risque de représailles auquel ils s’exposent » ([40]).
Cette situation présente également une grande insécurité juridique puisqu’un lanceur d’alerte qui ne reçoit aucune réponse par les canaux internes et externes n’est pas en mesure de savoir s’il peut procéder à une divulgation publique qui risque de l’exposer à des représailles et à d’éventuelles poursuites pénales si son statut de lanceur d’alerte n’était finalement pas reconnu.
Enfin, le contrôle de la mise en œuvre par les administrations et les entreprises de leurs obligations en matière de recueil des alertes est limité. Seule l’Agence française anticorruption est compétente, en vertu du 2° du II de l’article 17 de la loi « Sapin 2 » pour contrôler la mise en place d’un dispositif d’alerte interne et saisir la commission des sanctions. Il est cependant possible que le juge considère que l’absence de conformité à la loi et au décret puisse être sanctionnée à titre incident. Un employeur a ainsi déjà été condamné pour avoir « failli à son obligation de sécurité […] en ne justifiant pas avoir mis en œuvre les mesures propres à prévenir la survenance de faits de harcèlement » ([41]). Un tel raisonnement est susceptible de s’appliquer en matière d’alerte.
c. Les obligations résultant de la directive
i. La fin de la hiérarchisation des canaux de signalement
L’article 10 de la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union abolit la hiérarchie entre le canal interne et le canal externe puisqu’il indique que les lanceurs d’alertes peuvent effectuer un signalement externe : « après avoir effectué un signalement par le biais de canaux de signalement interne ou […] directement par le biais de canaux de signalement externe ».
Son article 7 précise toutefois que les États membres peuvent « encourager le signalement par le biais de canaux de signalement interne avant un signalement par le biais de canaux de signalement externe, lorsqu’il est possible de remédier efficacement à la violation en interne et que l’auteur de signalement estime qu’il n’y a pas de risque de représailles ». Si l’incitation à saisir le canal interne est possible, un lanceur d’alerte doit néanmoins conserver le choix du moyen de sa révélation, sans avoir à justifier d’un risque de représailles ou d’une urgence.
Ce changement de paradigme aura pour effet d’inciter les organismes à mettre en œuvre des canaux internes efficaces et fiables, respectant en tout point la confidentialité du lanceur d’alerte pour le prémunir des représailles. Il doit également permettre de traiter plus rapidement les alertes puisque l’auteur d’un signalement ne sera pas tenu d’attendre l’expiration d’un délai pour saisir les autorités externes, ce qui le protègera des représailles et réduira les dommages causés par les manquements qu’il dénonce.
ii. Des obligations accrues en matière de recueil et de traitement des alertes
La directive exclut, comme le prévoit déjà la loi « Sapin 2 », les petites structures de l’obligation de mettre en place un dispositif de recueil et de traitement spécifique. La directive, s’inspirant du seuil fixé par la loi « Sapin 2 », précise à son article 8 que « les États membres peuvent exempter de l’obligation visée au paragraphe 1 les municipalités comptant moins de 10 000 habitants ou moins de 50 travailleurs, ou d’autres entités visées au premier alinéa du présent paragraphe comptant moins de 50 travailleurs ».
L’obligation d’établir une procédure de recueil et de traitement des alertes s’impose à un périmètre semblable à celui de la loi « Sapin 2 » : les personnes morales de droit public ou privé de plus de cinquante travailleurs, les collectivités de plus de 10 000 habitants, les administrations. La directive ajoute à cette liste certaines entités faisant l’objet d’une surveillance particulière, notamment dans le secteur financier ([42]).
La directive précise la qualité des personnes qui pourront saisir le canal interne. Tandis que la loi « Sapin 2 » n’ouvre le canal interne qu’aux membres de leur personnel et aux collaborateurs extérieurs et occasionnels, la directive précise que les canaux internes sont ouverts aux travailleurs, aux travailleurs indépendants, aux actionnaires, aux membres des conseils d’administration, aux bénévoles, aux stagiaires, aux sous-traitants, aux fournisseurs ainsi qu’aux personnes dont la relation de travail a pris fin ([43]).
La directive encadre également les conditions de recueil et de traitement de l’alerte. Outre l’exigence de confidentialité, d’impartialité et de diligence, elle impose la remise d’un accusé de réception sept jours au plus tard après le signalement et un retour d’information au plus tard trois mois après cet accusé de réception (ou trois mois et sept jours après le signalement en l’absence d’accusé de réception). Jusqu’alors le droit français imposait l’accusé de réception ([44]), mais ne précisait pas la durée maximale du délai raisonnable dans lequel le lanceur d’alerte devait recevoir un retour d’information.
Les mêmes obligations de service s’imposent aux autorités pouvant être saisies par le canal externe. L’article 11 de la directive impose aux États membres de « désigner les autorités compétentes pour recevoir les signalements, fournir un retour d’informations et assurer un suivi des signalements, et mettent des ressources suffisantes à la disposition desdites autorités. »
Certaines exigences sont adaptées pour les autorités externes : le délai dans lequel est fourni le retour d’information peut être porté à six mois si cela est justifié, elles doivent être en mesure de transmettre un signalement pour lequel elles ne sont pas compétentes vers une autre autorité et elles peuvent classer sans suite les alertes mineures ou les signalements répétitifs qui ont déjà fait l’objet d’un traitement.
Concernant la divulgation publique, l’article 15 de la directive prévoit qu’elle peut intervenir après des signalements interne et externe, ou après un signalement directement externe, en l’absence de « mesure appropriée » dans les délais prévus. Cette divulgation peut également être immédiate en cas de « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt public, comme lorsqu’il existe une situation d’urgence ou un risque de préjudice irréversible » ou lorsque, « en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation ».
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 3 de la proposition de loi réécrit l’article 8 de la loi « Sapin 2 » afin de procéder aux adaptations exigées par la transposition de la directive et attendues par les lanceurs d’alerte et ceux qui interviennent pour les soutenir et les protéger. Le nouvel article 8 met donc fin à la hiérarchie des canaux de signalement interne (a) et externe (b). Il conserve la spécificité de la divulgation publique (c)
a. Le canal interne
Comme le permet la directive et comme le faisait déjà la loi « Sapin 2 », le présent article distingue la situation des petites entités – organisations de moins de cinquante agents ou salariés et des communes de moins de 10 000 habitants – dans lesquelles les signalements peuvent être adressés au supérieur hiérarchique direct ou indirect, à l’employeur ou à un référent.
Les autres organisations ([45]) doivent établir « une procédure interne de recueil et de traitement des signalements » (et non plus seulement une procédure de recueil comme le prévoyait la loi « Sapin 2 »). Cette procédure devra respecter les règles fixées dans la directive, notamment concernant les délais de réception et de retour d’information.
Cette procédure fera l’objet d’une consultation par les instances représentatives du personnel qui prendra la forme d’un avis.
Le présent article énumère, conformément à la directive, les personnes habilitées à saisir le canal interne : les membres du personnel, y compris ceux dont la relation de travail a pris fin et ceux en phase de recrutement – même si la directive ne l’imposait pas pour ces derniers –, les détenteurs du capital social, les membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance, les collaborateurs extérieurs et occasionnels et les membres ou dirigeants des contractants, sous-traitants et fournisseurs.
Le champ des personnes auxquelles le canal interne doit être ouvert s’élargit donc par rapport à la loi « Sapin 2 » dans laquelle il était restreint aux membres du personnel et aux collaborateurs extérieurs et occasionnels.
b. Le canal externe
Tandis que la loi « Sapin 2 » autorisait, passé un délai raisonnable, à saisir l’autorité judiciaire, l’autorité administrative ou les ordres professionnels, sans davantage de précision, le nouvel article 8 détaille le rôle des autorités externes en matière de traitement des alertes.
Un décret en Conseil d’État devra lister l’ensemble des autorités habilitées à connaître des alertes intervenant dans leur champ de compétence. Ce décret précisera également, conformément à la directive, les conditions et les délais dans lesquels ces autorités devront accuser réception des signalements (sept jours au maximum) et assurer un retour d’informations aux lanceurs d’alerte (trois mois ou six mois dûment justifiés).
Compte tenu de la multitude des autorités externes pouvant être désignées, il est prévu que celles-ci puissent être saisies directement ou par l’intermédiaire du Défenseur des droits au titre de sa mission d’orientation des lanceurs d’alerte ([46]). Le Défenseur des droits est également amené à jouer un rôle de pivot lorsqu’une autorité saisie s’estime incompétente ou partiellement compétente. Cette mission est précisée dans la proposition de loi organique examinée avec la présente proposition de loi ([47]).
c. La divulgation publique
La divulgation publique reste soumise à des exigences élevées. Elle peut avoir lieu en l’absence de traitement du signalement par l’autorité externe dans un délai de trois (ou six) mois.
Elle peut également intervenir en cas de danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général. Sur ce point, l’article ne précise pas, comme le fait la directive, que la notion de « danger » couvre également celle de « risque de préjudice irréversible ».
Enfin, la divulgation publique est autorisée :
– lorsque le canal externe « ne peut permettre de remédier efficacement à l’objet de la divulgation » ;
– ou lorsqu’il « fait encourir à son auteur un risque de faire l’objet des mesures mentionnées à l’article 10‑1 » ;
– ou « en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsque l’auteur du signalement a des motifs sérieux de penser que l’autorité peut être en conflit d’intérêts ou en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation » ([48]).
Sur ce dernier point, la proposition de loi diverge légèrement de la directive qui considère les circonstances particulières de l’affaire comme le critère d’inefficacité du canal externe et non comme un motif autonome permettant la divulgation ([49]).
Il convient de rappeler que la divulgation publique n’est pas interdite lorsque ces conditions ne sont pas réunies puisque la liberté d’expression prévaut. En revanche, son auteur ne bénéficiera alors plus des protections attachées par la loi aux lanceurs d’alerte.
3. La position de la Commission
La Commission des lois a adopté dix-huit amendements, dont huit amendements rédactionnels.
a. Amélioration de la lisibilité des procédures de signalement
À l’initiative de votre Rapporteur, la Commission a adopté un amendement CL142 introduisant un article 7-1 dans la loi Sapin 2. Cet article « introductif » permet de présenter succinctement les trois canaux de signalement (interne, externe et public) et de renvoyer aux dispositions de l’article 8 qui leur correspondent. Le Conseil d’État ([50]), ainsi que plusieurs personnes auditionnées ont en effet souligné la difficulté d’accès du dispositif et la nécessité de le clarifier.
Dans le même esprit, il a semblé utile de préciser au début du II de l’article 8 les différents canaux externes, en ajoutant l’autorité judiciaire (qui était mentionnée dans la loi de 2016, mais ne figurait pas dans la proposition de loi initiale) et les organes de l’Union européenne (qui étaient initialement mentionnés à l’article 2).
b. Possibilité offerte aux petites organisations de se doter d’une procédure commune de recueil et de traitement des alertes
La Commission a adopté l’amendement CL66 de Mme Cécile Untermaier, sous-amendé par votre Rapporteur, afin de permettre à l’ensemble des organisations employant moins de 250 salariés de mettre en commun leur procédure de recueil et de traitement des signalements. Cela permettra aux petites structures de se doter d’une telle procédure si elle le souhaite, ce qui n’était pas prévu jusqu’alors.
Par cohérence, votre Rapporteur a proposé un amendement CL108 visant à prévoir la saisine prioritaire, lorsqu’elle existe, de la procédure interne de traitement des signalements dans les personnes morales de moins de cinquante agents ou salariés et dans les communes de moins de 10 000 habitants.
c. Encadrer les renvois au pouvoir réglementaire
Le Conseil d’État a considéré dans son avis « qu’en imposant l’obligation d’instaurer un canal de recueil et de traitement des signalements externes et en renvoyant à un décret en Conseil d’État le soin de fixer la liste des autorités soumises à ces obligations, sans encadrer aucunement ce renvoi, la proposition de loi méconnaît l’étendue de la compétence du législateur » ([51]). La Commission a donc adopté un amendement CL143 précisant :
– les différentes catégories d’autorités pouvant être désignées par décret en Conseil d’État pour recueillir et traiter les signalements externes : autorités administratives, autorités publiques indépendantes, autorités administratives indépendantes, ordres professionnels et personnes morales chargées d’une mission de service public.
– les domaines dans lesquels des autorités doivent obligatoirement être désignées, à savoir ceux mentionnés par l’article 2 de la directive ;
– d’autres éléments exigés par la directive et devant nécessairement être traités par le décret : l’évaluation triennale des procédures, la formation du personnel affecté au traitement des alertes, la nature des informations devant être transmises au Défenseur des droits afin d’alimenter son rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte.
d. Précision des conditions de divulgation publique
Enfin, les conditions de divulgation publique ont été ajustées à la demande de votre Rapporteur afin de les rapprocher des exigences de la directive. L’amendement CL144 a rappelé que l’encadrement de la divulgation publique n’entravait pas la liberté d’expression, mais qu’il conditionnait le bénéfice des protections réservées aux lanceurs d’alerte. L’amendement CL116 a précisé qu’en l’absence de mesure appropriée dans les délais prévus, le signalement interne puis externe peut également ouvrir la voie à une divulgation publique. L’amendement CL117 a introduit la notion de risque de préjudice irréversible, mentionné par la directive, pour préciser ce qui était entendu au 2° du III par l’expression « danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général ». L’amendement CL118, enfin, corrige une erreur de retranscription de la directive pour rendre cumulatif le motif des « circonstances particulières de l’affaire » avec celui de l’incapacité du canal externe à remédier à l’objet du signalement.
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Article 3 bis (nouveau)
(article L. 1321-2 du code du travail)
Rappel des dispositions relatives aux lanceurs d’alerte
dans le règlement intérieur
Introduit par la Commission
La Commission a adopté l’amendement CL61 de M. Dominique Potier, sous-amendé par votre Rapporteur, qui étend le champ des dispositions législatives devant figurer en annexe du règlement intérieur. En l’état du droit, l’article L. 1321-2 du code du travail prévoit que le règlement intérieur rappelle :
– les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés définis aux articles L. 1332-1 à L. 1332-3 ou par la convention collective applicable ;
– les dispositions relatives aux harcèlements moral et sexuel et aux agissements sexistes prévues par le présent code.
L’amendement proposé prévoyait d’inscrire également les dispositions de la loi Sapin 2 et du code du travail relatives au droit d’alerte et de retrait, ainsi qu’une présentation de la procédure mise en place par l’entreprise pour recueillir et traiter les signalements.
Cet ajout est utile puisqu’il améliore l’information des salariés sur l’existence de ces mécanismes et sur les droits et protections qui s’y rattachent.
Le sous-amendement CL151 de votre Rapporteur a complété les dispositions devant être mentionnées pour qu’elles incluent également la définition des représailles et des protections juridiques. En revanche, il a supprimé la nécessité d’annexer au règlement intérieur la procédure propre à l’entreprise qui doit faire l’objet d’une consultation avec les instances de dialogue social.
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Article 4
(article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Protection de la confidentialité des alertes
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article transpose les articles 16 à 18 de la directive. Il renforce la confidentialité des alertes et des personnes qu’elles concernent. Il encadre également la transmission d’informations relatives à une alerte vers l’autorité judiciaire et précise les conditions de conservation des données relatives au signalement.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique impose la stricte confidentialité des informations relatives aux signalements, à leurs auteurs et aux personnes qu’elles visent. Il prévoit des sanctions pénales en cas de divulgation de ces informations.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté l’amendement CL153 de votre Rapporteur visant à permettre la conservation des données pour la durée utile aux éventuelles enquêtes complémentaires et à encadrer les traitements de données à caractère personnel résultant des signalements.
Elle a également adopté l’amendement CL101 de M. Orphelin, sous-amendé par votre Rapporteur, afin de permettre la conservation de données anonymisées pour une durée de trente ans, en vue de traiter sur le long terme les informations obtenues dans le cadre de certains signalements.
1. L’état du droit
a. Les apports de la loi « Sapin 2 »
L’article 9 de la loi « Sapin 2 » exige que les procédures de recueil des alertes « garantissent une stricte confidentialité de l’identité des auteurs du signalement, des personnes visées par celui-ci et des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement ». À l’exception des informations transmises à la justice, seul le lanceur d’alerte peut consentir à la divulgation d’information susceptible de l’identifier.
Les personnes qui révèlent de telles informations encourent des sanctions pénales s’élevant à deux ans d’emprisonnement et 3 000 euros d’amende.
Concernant la conservation des données recueillies, l’organisme doit prévoir les dispositions nécessaires « pour détruire les éléments du dossier de signalement de nature à permettre l’identification de l’auteur du signalement et celle des personnes visées par celui-ci lorsqu’aucune suite n’y a été donnée, ainsi que le délai qui ne peut excéder deux mois à compter de la clôture de l’ensemble des opérations de recevabilité ou de vérification. L’auteur du signalement et les personnes visées par celui-ci sont informés de cette clôture » ([52]).
b. Les exigences de la directive européenne
i. La confidentialité des signalements
L’article 9 de la directive prévoit que chaque canal de signalement interne « garantit la confidentialité de l’identité de l’auteur de signalement et de tout tiers mentionné dans le signalement ».
Son article 12 exige que les canaux de signalement externe soient « conçus, établis et gérés de manière à garantir l’exhaustivité, l’intégrité et la confidentialité des informations et à empêcher l’accès à ces informations aux membres du personnel de l’autorité compétente non autorisés ».
Son article 16 demande par conséquent aux États membres de « veiller à ce que l’identité de l’auteur de signalement ne soit pas divulguée sans le consentement exprès de celui-ci à toute personne autre que les membres du personnel autorisés compétents pour recevoir des signalements ou pour en assurer le suivi. Cela s’applique également pour toute autre information à partir de laquelle l’identité de l’auteur de signalement peut être directement ou indirectement déduite ». Le droit français, tel qu’il résulte de l’article 9 de la loi « Sapin 2 », est d’ores et déjà conforme à la directive sur ce point.
Le même article 16 encadre les conditions de divulgation de telles informations. Seule la transmission à l’autorité judiciaire ne requiert pas le consentement de l’auteur du signalement. Il doit malgré tout en être informé, « à moins qu’une telle information ne risque de compromettre les enquêtes ou les procédures judiciaires concernées ».
La directive rappelle enfin que « la protection de la confidentialité ne devrait pas s’appliquer aux cas dans lesquels l’auteur de signalement a intentionnellement révélé son identité dans le cadre d’une divulgation publique » ([53]).
ii. Conservation des données
Les traitements de données à caractère personnel en lien avec des signalements doivent se faire en conformité avec le règlement général sur la protection des données (RGPD) ([54]).
L’article 18 de la directive impose aux entités juridiques des secteurs privé et public et aux autorités externes d’archiver l’ensemble des signalements reçus. Il rappelle que « les signalements ne sont pas conservés plus longtemps qu’il n’est nécessaire et proportionné de le faire pour respecter les exigences imposées par la présente directive ou d’autres exigences imposées par le droit de l’Union ou le droit national ».
L’article 12 de la directive indique néanmoins que les canaux externes doivent permettre « le stockage durable d’informations conformément à l’article 18 afin de permettre que des enquêtes complémentaires soient menées ».
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 4 renforce les garanties de confidentialité qui entourent un signalement. Celles-ci couvrent également « tout tiers mentionné dans le signalement ». La confidentialité s’applique non seulement à la procédure de recueil, comme le prévoyait la loi Sapin 2, mais aussi au traitement de l’alerte.
Pour rassurer le lanceur d’alerte sur l’usage qui sera fait des informations qu’il transmet, les conditions dans lesquelles son identité pourra être révélée à la justice sont modifiées. Il devra en être informé, « à moins que cette information ne risque de compromettre la procédure judiciaire concernée », auquel cas des justifications écrites devront être produites.
Enfin, l’article 4 encadre la conservation dans le temps des signalements en précisant que ceux-ci « ne peuvent être conservés que le temps strictement nécessaire et proportionné à leur traitement et à la protection de leurs auteurs, des personnes visées par celui-ci, de tout tiers mentionné dans le signalement ».
Cette obligation est plus stricte que celle prévue par le décret du 19 avril 2017 et par la directive. Ces données ne devront pas pour autant être effacées prématurément dans le but d’entraver un signalement ou de s’opposer à l’intervention ultérieure d’une autorité externe ou de l’autorité judiciaire.
3. La position de la Commission
Le Conseil d’État a souligné dans son avis que « lorsqu’elles font l’objet de traitements, les données à caractère personnel relatives à des alertes doivent être conservées dans le respect du règlement général sur la protection des données et des textes mettant en œuvre ces traitements. Lorsque ces données sont archivées, les durées de conservation, limitées aux finalités poursuivies, doivent tenir compte des délais d’éventuelles procédures contentieuses » ([55]). À l’initiative de votre Rapporteur, la Commission a ainsi adopté l’amendement CL153 visant à permettre la conservation des données pour la durée utile aux éventuelles enquêtes complémentaires et à encadrer les traitements de données à caractère personnel résultant des signalements. Ces derniers devront être conformes aux exigences du règlement général sur la protection des données.
La Commission a également adopté l’amendement CL101 de M. Orphelin, sous-amendé par votre Rapporteur pour des raisons légistiques, afin de permettre la conservation de données anonymisées pour une durée de trente ans dans le but de traiter sur le long terme les informations obtenues dans les domaines de la santé publique et de l’environnement.
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Titre III
mesures renforçant la protection des lanceurs d’alerte
Article 5
(article 10-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et article 122-9 du code pénal)
Renforcement des protections contre les représailles
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article crée un article 10-1 dans la loi « Sapin 2 » afin de transposer les articles 19, 21 et 22 de la directive du 23 octobre 2019 :
– son I énumère les mesures de représailles prohibées ;
– son II rappelle le renversement de la charge de la preuve en matière de discrimination à l’encontre d’un lanceur d’alerte ;
– son III prévoit que le lanceur d’alerte n’encourt pas de responsabilité civile ;
– son IV exonère le lanceur d’alerte de responsabilité pénale pour l’obtention ou le stockage d’information, à condition que l’infraction commise soit proportionnée et nécessaire à l’exercice du droit d’alerter ;
– son V autorise le juge à allouer, à bref délai, une provision pour frais d’instance au lanceur d’alerte faisant l’objet d’une procédure bâillon ou qui conteste une mesure de représailles.
Dernières modifications législatives intervenues
Les articles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ont été introduits par l’article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière.
Ils ont été complétés par l’article 10 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Ils prévoient l’interdiction des discriminations à l’encontre d’un lanceur d’alerte, salarié ou agent public ayant effectué un signalement.
Modifications apportées par la Commission
Outre six amendements rédactionnels, la Commission a adopté l’amendement CL120 de votre Rapporteur définissant la notion de « mesures de représailles » et l’amendement CL150 visant à mieux intégrer la liste des représailles prévue par la directive en droit français.
Elle a également adopté deux amendements visant à préciser la portée des irresponsabilités pénale et civile dont bénéficie le lanceur d’alerte.
1. L’état du droit
a. La protection contre les représailles en milieu professionnel
i. La protection des salariés
L’article L. 1132-3-3 du code du travail a été introduit par la loi du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière afin de protéger les salariés ayant « relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions ».
Il recense les mesures de représailles suivantes :
– être écarté d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation en entreprise ;
– être sanctionné ;
– être licencié ;
– faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat.
L’article 10 de la loi « Sapin 2 » a repris cette même liste pour interdire, dans un deuxième alinéa du même article L. 1132-3-3 du code du travail, les représailles contre les personnes ayant « signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique ». La protection est donc conditionnée au respect des critères du désintéressement et de la bonne foi et des règles de saisine des différents canaux.
Pour faire valoir cette protection, le salarié saisit le conseil des prud’hommes. Il peut le faire par la voie du référé ([56]) pour obtenir plus rapidement la suspension de l’acte contesté ou des mesures provisoires, notamment lorsque sa situation financière s’est gravement dégradée.
ii. La protection des fonctionnaires
L’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, créé par la loi du 6 décembre 2013 et modifié par la loi « Sapin 2 », permet aux fonctionnaires de bénéficier de garanties similaires.
Il protège toute personne ayant « relaté ou témoigné, de bonne foi, aux autorités judiciaires ou administratives de faits constitutifs d’un délit, d’un crime ou susceptibles d’être qualifiés de conflit d’intérêts au sens du I de l’article 25 bis dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » ou ayant « signalé une alerte dans le respect des articles 6 à 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 ».
Les représailles identifiées par l’article 6 ter A sont adaptées au contexte de la fonction publique et insistent sur la problématique des conflits d’intérêts. Sont interdites les mesures discriminatoires, directe ou indirecte, concernant notamment le recrutement, la titularisation, la rémunération, la formation, l’appréciation de la valeur professionnelle, la discipline, la promotion, l’affectation et la mutation.
iii. Des procédures communes
En application de l’article L. 1132-4 du code du travail et du troisième alinéa de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983, les dispositions et actes pris en méconnaissance de ces interdictions sont nuls. Dans le cas des personnes morales de droit public ou des personnes de droit privé chargées de la gestion de service public, le juge administratif peut assortir sa décision d’une obligation de réintégration assortie d’un délai d’exécution ([57]).
Les articles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 prévoient également un renversement de la charge de la preuve en la matière puisqu’il « incombe à la partie défenderesse, au vu des éléments, de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à la déclaration ou au témoignage de l’intéressé » ([58]).
Enfin, les auteurs de signalement peuvent solliciter le soutien du Défenseur des droits qui peut utiliser ses pouvoirs ([59]) pour enquêter sur la discrimination, accompagner le lanceur d’alerte dans ses démarches, et formuler des recommandations ou des observations pour qu’il soit remédié rapidement au manquement.
b. Les protections contre les poursuites pénales engagées contre les auteurs de signalement
Bien qu’ils puissent également faire l’objet de certaines mesures discriminatoires, les lanceurs d’alertes qui n’ont pas effectué leur signalement dans un contexte professionnel et ceux qui ne sont ni salariés, ni agents publics (travailleurs indépendants, sous-traitants, collaborateurs extérieurs, etc.) ne bénéficient pas de ces protections. Ils bénéficient en revanche d’une protection contre le risque juridique résultant de l’alerte.
L’article 7 de la loi « Sapin 2 » a créé dans le code pénal un article 122-9 afin d’exonérer de responsabilité pénale toute personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi dès lors que son signalement respecte les conditions fixées aux articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 » et que « cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause » ([60]).
Les lanceurs d’alerte peuvent néanmoins faire l’objet d’autres poursuites. Le rapport d’évaluation de la loi « Sapin 2 » rappelait ainsi que « les lanceurs d’alerte peuvent être amenés à soustraire les documents nécessaires au lancement de l’alerte, les photocopier ou encore reproduire le contenu informationnel sur un autre support, voir les télécharger. Ils peuvent alors être poursuivis pour violation du secret ou pour vol et recel lorsqu’ils stockent une information confidentielle en vue de lancer une alerte » ([61]).
La possibilité d’engager des poursuites sur ce fondement ou sur celui de la diffamation est parfois utilisée à des fins abusives. Ces procédures dites « baillons » ont pour objectif de perturber les démarches de signalement et de décourager le lanceur d’alerte qui doit, pour chacune d’elles, organiser sa défense. La loi « Sapin 2 » ne permet de les sanctionner que par les amendes civiles prévues pour les procédures abusives et dilatoires dont le montant est porté à 30 000 euros lorsqu’il s’agit de poursuite pour diffamation à l’encontre d’un lanceur d’alerte ([62]).
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 5 transpose, avec l’article 6, le chapitre VI de la directive concernant les mesures de protection des lanceurs d’alerte.
a. L’interdiction des représailles
L’article 19 de la directive du 23 octobre 2019 interdit toute forme de représailles, y compris les menaces ou les tentatives de représailles. Il formule une liste de quinze différentes mesures de représailles. Cette liste précise, quoique non exhaustive, a vocation à ne s’appliquer que dans un contexte professionnel. Cette protection peut être revendiquée par l’ensemble des personnes protégées par la directive (y compris les collaborateurs extérieurs, fournisseurs ou sous-traitants ainsi que les tiers et les facilitateurs). Ce périmètre est plus large que celui du code du travail ou de la loi du 13 juillet 1983.
L’article 5 de la proposition de loi introduit donc un article 10-1 qui s’applique à tous les lanceurs d’alerte. Son I reprend l’ensemble des mesures de représailles mentionnées par la directive :
– suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes (1°) ;
– rétrogradation ou refus de promotion (2°) ;
– transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail (3°) ;
– suspension de la formation (4°) ;
– évaluation de performance ou attestation de travail négative (5°) ;
– mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière (6°) ;
– coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme (7°) ;
– discrimination, traitement désavantageux ou injuste (8°) ;
– non‑conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent (9°) ;
– non‑renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail temporaire (10°) ;
– préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu (11°) ;
– mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité (12°) ;
– résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services (13°) ;
– annulation d’une licence ou d’un permis (14°) ;
– orientation vers un traitement psychiatrique ou médical (15°).
Certaines de ces mesures, notamment les 5° à 8° et les 11° à 15° peuvent bénéficier à d’autres personnes que des salariés ou des agents publics (par exemple des travailleurs indépendants, des collaborateurs extérieurs, etc.). L’article 10-1 élargit ainsi la portée des protections prévues jusqu’alors par la loi « Sapin 2 ».
b. Le renversement de la charge de la preuve
Le renversement de la charge de la preuve, déjà prévu dans les dispositifs existants, est également inscrit au II de l’article 10-1. Il ne saurait néanmoins valoir en cas de poursuites pénales fondées sur ces discriminations, comme le permet l’article 13-1 de la loi Sapin dans la rédaction proposée par l’article 8 de la présente proposition de loi.
Le Conseil constitutionnel précise en effet que, sauf dans certains cas spécifiques, notamment en matière contraventionnelle, « le législateur ne saurait instituer de présomption de culpabilité en matière répressive » ([63]). La Cour européenne des droits de l’Homme formule les mêmes exigences : « Tout système juridique connaît des présomptions de fait ou de droit; la Convention n’y met évidemment pas obstacle en principe, mais en matière pénale elle oblige les États contractants à ne pas dépasser à cet égard un certain seuil » ([64]).
c. Une extension de l’irresponsabilité des lanceurs d’alerte du fait de leur signalement
i. Irresponsabilité civile
L’article 21 de la directive prévoit que les lanceurs d’alerte ayant respecté les procédures fixées par la directive « n’encourent aucune responsabilité d’aucune sorte concernant ce signalement ou cette divulgation publique pour autant qu’elles aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique de telles informations était nécessaire ».
Si l’article 122-9 du code pénal garantit d’ores et déjà l’irresponsabilité pénale du fait de la divulgation d’informations pouvant être soumises au secret, le lanceur d’alerte peut encore voir sa responsabilité civile engagée du fait des pertes que son signalement peut faire subir à l’entité visée par l’alerte.
Il existe deux causes d’exonération de la responsabilité civile : la cause étrangère (faute d’un tiers ou de la victime) et la force majeure. Dans le cas des lanceurs d’alerte, il peut être considéré que lorsque l’alerte est justifiée, les dommages causés du fait de ceux-ci doivent être regardés comme résultant d’un manquement de la « victime », objet du signalement.
Le III de l’article 10-1 exonère donc de toute responsabilité civile l’auteur d’un signalement conforme aux articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 » et nécessaire à la sauvegarde des intérêts en cause.
ii. Irresponsabilité pénale
Le même article 21 de la directive, à son troisième alinéa, prévoit que les auteurs de signalement « n’encourent aucune responsabilité en ce qui concerne l’obtention des informations qui sont signalées ou divulguées publiquement, ou l’accès à ces informations, à condition que cette obtention ou cet accès ne constitue pas une infraction pénale autonome ».
Le IV de l’article 10-1 transpose ce principe en prévoyant que l’accès, l’obtention et le stockage d’information dans le but de lancer une alerte ne puisse fonder des poursuites à l’encontre d’un lanceur d’alerte. Dans le cas où une infraction pénale distincte de l’alerte, mais nécessaire à celle-ci ([65]) a été commise, le lanceur d’alerte n’est pas responsable tant que l’atteinte est strictement nécessaire et proportionnée au but poursuivi.
Les principales causes d’irresponsabilité pénale
– être atteint, au moment des faits, d’un trouble psychique ou neuropsychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes (article 122-1 du code pénal) ;
– avoir agi sous l’empire d’une force ou d’une contrainte (article 122-2 du code pénal) ;
– avoir cru, par une erreur sur le droit qu’elle n’était pas en mesure d’éviter, pouvoir légitimement accomplir l’acte (article 122-3 du code pénal) ;
– avoir accompli un acte prescrit ou autorisé par des dispositions législatives ou réglementaires (article 122-4 du code pénal) ;
– avoir accompli un acte commandé par l’autorité légitime, sauf si cet acte est manifestement illégal (article 122-4 du code pénal) ;
– se trouver devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, et avoir accompli, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte (article 122-5 du code pénal) ;
– avoir tenté d’interrompre l’exécution d’un crime ou d’un délit contre un bien en accomplissant un acte de défense, autre qu’un homicide volontaire, lorsque cet acte est strictement nécessaire au but poursuivi dès lors que les moyens employés sont proportionnés à la gravité de l’infraction (article 122-6 du code pénal) ;
– avoir accompli, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s’il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace (article 122-7 du code pénal).
– porter atteinte à un secret protégé par la loi, dès lors que cette divulgation est nécessaire et proportionnée à la sauvegarde des intérêts en cause, qu’elle intervient dans le respect des procédures de signalement définies par la loi et que la personne répond aux critères de définition du lanceur d’alerte prévus à l’article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (article 122-9 du code pénal).
d. La prise en charge des frais de justice des lanceurs d’alerte (V de l’article 10-1)
L’alinéa 94 de l’exposé des motifs de la directive rappelle qu’« au-delà d’une interdiction explicite des représailles prévue par la loi, il est essentiel que les auteurs de signalement qui font l’objet de représailles aient accès à des voies de recours et à une indemnisation. […] Le recours approprié peut prendre la forme […] d’un dédommagement des pertes financières actuelles et futures, par exemple […] l’indemnisation d’autre préjudice économique, tels que les frais de justice. »
L’article 21 de la directive précise donc que les États membres doivent prévoir « des mesures correctives contre les représailles, y compris des mesures provisoires dans l’attente du règlement des procédures judiciaires » et prendre « les mesures nécessaires pour que des recours et une réparation intégrale soient accordés pour les dommages subis ».
Le V de l’article 10-1 crée donc un dispositif de protection des lanceurs d’alerte visant à limiter le coût des procédures judiciaires ou administratives qu’ils sont dans l’obligation d’engager. Ce mécanisme permet au juge d’allouer une provision pour frais de l’instance aux lanceurs d’alerte contestant une mesure de représailles ou souhaitant se défendre contre une procédure bâillon. Le juge devra se prononcer à bref délai afin d’éviter que le lanceur d’alerte rencontre des difficultés pour financer sa défense alors même qu’il est en train de subir des difficultés professionnelles du fait de son signalement. Cette provision serait mise à la charge de l’autre partie.
Actuellement, l’article 700 du code de procédure pénale permet au juge, au terme du procès, de condamner l’une des parties à payer les frais irrépétibles, c’est-à-dire l’ensemble des frais engagés pour la procédure par l’autre partie. Ces frais sont calculés sur la base d’un barème, mais l’adoption du projet de loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([66]) devrait permettre aux parties d’être indemnisées sur la base des frais réellement supportés, sur justificatif des honoraires.
En attribuant ces frais sous la forme de provision, en début d’instance, cette procédure devrait faciliter les démarches des lanceurs d’alerte et leur apporter un véritable soutien financier, car les dépenses liées à leur défense sont considérables et les amènent parfois à renoncer à leur signalement.
Ce dispositif viendra s’articuler avec les mesures de soutien et d’accompagnement déjà confiées au Défenseur des droits et renforcées par la proposition de loi organique ([67]). Celle-ci prévoit notamment la certification des lanceurs d’alerte par le Défenseur des droits qui pourra faciliter l’office du juge et encourager l’attribution de cette provision.
3. La position de la Commission
À l’initiative de votre Rapporteur, la Commission a adopté l’amendement CL120 définissant la liste des mesures interdites à l’encontre des lanceurs d’alerte comme des « mesures de représailles » dès lors qu’il était fait référence à cette notion plus loin dans le texte (notamment au V du même article 10-1). Dans le même objectif de clarté juridique, l’amendement CL126 modifie le V du même article pour distinguer les mesures de représailles des procédures « visant à entraver le signalement » (dites « procédures baillons »).
La Commission a également adopté l’amendement CL150 de votre Rapporteur qui restructure la liste des mesures de représailles. Dans son avis, le Conseil d’État constatait que la majorité des autres mesures de la liste figurant dans la directive et la proposition de loi existaient déjà en droit français aux articles L. 1132-3-3 du code du travail ou 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 ou encore dans le code pénal. Il recommandait donc de n’inscrire dans la liste de l’article 10-1 que « les garanties présentant un caractère transversal dont l’ensemble des lanceurs d’alerte bénéficierait, qui pourraient être inscrites dans la loi la loi du 9 décembre 2016 et qui reprendraient les dispositions des k, m, n et o de l’article 19 de la directive (UE) 2019/1937 du 23 octobre 2019 » ([68]).
Pour des raisons de lisibilité de la loi Sapin 2 et de sécurité juridique, votre Rapporteur a souhaité renvoyer dans l’article 10-1 aux articles existants, qu’il a veillé à compléter avec les apports de la directive ([69]). Le tableau ci-après présente la correspondance entre les notions de la directive et les notions de droit français, auxquelles il est préférable de se référer.
Comme le proposait le Conseil d’État, les 11°, 13°, 14° et 15° sont maintenus en l’état puisqu’ils peuvent s’appliquer à des lanceurs d’alerte travailleurs indépendants ou extérieurs au contexte professionnel.
En outre, la Commission a adopté deux amendements visant à préciser la portée des irresponsabilités pénale et civile dont bénéficie le lanceur d’alerte :
– l’amendement CL125 précise que l’irresponsabilité civile des lanceurs d’alerte ne vaut que pour les dommages causés du fait de leur signalement ou de leur divulgation publique ;
– l’amendement CL149 déplace à l’article 122-9 du code pénal l’apport du IV de la version initiale de l’article 10-1. L’article 122-9 du code pénal prévoit en effet l’irresponsabilité pénale des lanceurs d’alerte en cas de violation d’un secret protégé par la loi. Votre Rapporteur a proposé d’étendre cette protection à la soustraction, à la révélation et au recel des données soumises au secret ou confidentielles, toujours sous réserve de la nécessité et de la proportionnalité d’atteinte au regard du droit d’alerter. Cette modification permet de clarifier l’intention de la proposition de loi.
Enfin, la Commission a également adopté six amendements rédactionnels.
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Comparaison entre lES REPRésailles mentionnées par lA directive 2019/1937
et les mesures déjà interdites par les artiCles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 TER a DE LA LOI Du 13 juillet 1983 ([70])
Liste des représailles mentionnées à l’article 19 de la directive |
Liste des mesures interdites par les articles |
« 1° Suspension, mise à pied, licenciement ou mesures équivalentes » |
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire » |
« 2° Rétrogradation ou refus de promotion » |
« Reclassement, d’affectation, promotion » |
« 3° Transfert de fonctions, changement de lieu de travail, réduction de salaire, modification des horaires de travail » |
« Rémunération, mesures d’intéressement ou de distribution d’actions » et « horaires de travail » ([71]) |
« 4° Suspension de la formation » |
« Aucune personne ne peut être écartée […] de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle » |
« 5° Évaluation de performance ou attestation de travail négative » |
« Appréciation de la valeur professionnelle » (art 6 ter A) et « Évaluation de la performance » (art. L. 1132-3-3) ([72]). |
« 6° Mesures disciplinaires imposées ou administrées, réprimande ou autre sanction, y compris une sanction financière » |
« Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire » |
« 7° Coercition, intimidation, harcèlement ou ostracisme » |
« Affectation, reclassement » ([73]) |
« 8° Discrimination, traitement désavantageux ou injuste » |
« Mesure discriminatoire, directe ou indirecte » |
« 9° Non‑conversion d’un contrat de travail temporaire en un contrat permanent, lorsque le travailleur pouvait légitimement espérer se voir offrir un emploi permanent » |
« Mutation ou renouvellement de contrat » |
« 10° Non‑renouvellement ou résiliation anticipée d’un contrat de travail temporaire » |
« Mutation ou renouvellement de contrat » |
« 11° Préjudice, y compris les atteintes à la réputation de la personne, en particulier sur les réseaux sociaux, ou pertes financières, y compris la perte d’activité et la perte de revenu » |
Non couvert par le droit existant et pouvant concerner d’autres lanceurs d’alerte que ceux ayant un statut de salarié ou d’agent public (cet alinéa est donc conservé dans l’article 10-1) |
« 12° Mise sur liste noire sur la base d’un accord formel ou informel à l’échelle sectorielle ou de la branche d’activité, pouvant impliquer que la personne ne trouvera pas d’emploi à l’avenir au niveau du secteur ou de la branche d’activité » |
« Aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation professionnelle » |
« 13° Résiliation anticipée ou annulation d’un contrat pour des biens ou des services » |
Non couvert par le droit existant et pouvant concerner d’autres lanceurs d’alerte que ceux ayant un statut de salarié ou d’agent public (cet alinéa est donc conservé dans l’article 5 de la proposition de loi) |
« 14° Annulation d’une licence ou d’un permis » |
Idem |
« 15° Orientation vers un traitement psychiatrique ou médical. » |
Idem |
Article 6
(article L. 1132-3-3 du code du travail et article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires)
Extension de la protection des lanceurs d’alerte contre les représailles dans le champ professionnel
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article complète l’article L. 1132-3-3 du code du travail pour indiquer que la coercition, l’intimidation et le harcèlement sont des mesures discriminatoires interdites à l’encontre d’un lanceur d’alerte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 1132-3-3 du code du travail a été introduit par l’article 35 de la loi n° 2013-1117 du 6 décembre 2013 relative à la lutte contre la fraude fiscale et la grande délinquance économique et financière puis complété par l’article 10 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Il définit l’interdiction des mesures de représailles à l’encontre d’un lanceur d’alerte.
Modifications apportées par la Commission
Tirant les conséquences des modifications apportées à l’article 5, la Commission a adopté l’amendement CL148 de votre Rapporteur visant à compléter et harmoniser les protections contre les représailles prévues pour les agents publics et les salariés
1. Le contenu de la proposition de loi
L’article 10-1 de la loi « Sapin 2 », dans sa rédaction issue de l’article 5 de la proposition de loi ([74]), présente une liste, non exhaustive, de quinze catégories de représailles dont la plupart recoupent les mesures déjà prévues à l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
Toutefois, pour être exhaustif, le présent article propose de compléter l’article L. 1132-3-3 du code du travail avec trois notions supplémentaires : la coercition, l’intimidation et le harcèlement, qui correspondent au 7° du nouvel article 10-1. Les autres items de l’article 10-1 peuvent être considérés comme couverts par la formulation actuelle de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ou ne s’appliquant pas à une relation de travail salarié.
En tout état de cause, un salarié pourra également revendiquer la protection prévue à l’article 10-1 qui est ouverte à l’ensemble des auteurs de signalement ayant respecté les procédures prévues aux articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 ».
La modification de l’article L. 1132-3-3 du code du travail présente en revanche une avancée pour les personnes mentionnées au premier alinéa de ce même article. En effet, elle permettra aux personnes ayant « relaté ou témoigné, de bonne foi, de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions » de bénéficier également de cette nouvelle protection, même s’ils n’entrent pas strictement dans le champ de l’article 10-1, par exemple lorsqu’ils témoignent dans le cadre d’une procédure judiciaire.
2. La position de la Commission
La Commission a adopté un amendement de rédaction globale de votre Rapporteur. Cet amendement complète l’article L. 1132-3-3 du code du travail – auquel l’article 10-1 de la loi Sapin 2 fait désormais référence ([75]) – pour intégrer deux mesures de représailles identifiées par la directive et non reconnues en droit français relatives aux horaires de travail et à l’évaluation de la performance.
Ce même amendement aligne la protection des agents publics lanceurs d’alerte ou témoignant de crimes ou de délits, prévue à l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983, sur celle des salariés. En ce qui les concerne, l’évaluation de la performance n’est pas mentionnée puisque l’article 6 ter A de la loi de 1983 fait déjà référence à « l’appréciation de la valeur professionnelle ».
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Article 7
(article 12, 12-1 [nouveau] et 12-2 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Facilitation de la réinsertion des lanceurs d’alerte du secteur privé,
et saisine du juge administratif en référé-liberté
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 7 améliore les protections offertes aux lanceurs d’alerte en matière professionnelle, pour les salariés comme pour les agents publics. Il prévoit ainsi la possibilité pour le conseil des prud’hommes d’abonder le compte personnel de formation du lanceur d’alerte en plus de toute autre sanction. Il facilite la saisine du juge administratif en référé-liberté. Il consacre enfin l’interdiction de toute renonciation au droit d’alerte par le travailleur.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 12 de la loi « Sapin 2 » prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes en référé.
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté trois amendements rédactionnels.
1. L’état du droit
a. Les dispositions de la loi « Sapin 2 »
i. La saisine du conseil de prud’hommes en référé
L’article 12 de la loi « Sapin 2 » prévoit qu’en cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes en référé.
La formation de référé prud’homal permet aux parties d’obtenir rapidement une décision provisoire, exécutoire de plein droit à titre de provision, bien que dénuée d’autorité de chose jugée au principal ([76]).
La procédure applicable est prévue aux articles R. 1455-1 à R. 1455-11 du code du travail et confère à la formation prud’homale statuant en référé des pouvoirs importants.
Premièrement, dans tous les cas d’urgence, et dans la limite de la compétence des conseils de prud’hommes, la formation de référé peut ordonner toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend ([77]). Les demandes fondées doivent donc remplir deux conditions cumulatives, la première tenant à l’urgence de la situation et la seconde à la nature de la mesure sollicitée. Selon la doctrine, il a urgence lorsqu’un retard dans la décision qui doit être prise serait de nature à compromettre l’intérêt du demandeur, tandis que l’absence de contestation sérieuse implique qu’il n’y ait aucun doute sur le sens sur lequel trancherait le juge du fond, s’il venait à être saisi ([78]).
Deuxièmement, même en présence d’une contestation sérieuse, la formation peut toujours prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent pour prévenir un dommage imminent ou pour faire cesser un trouble manifestement illicite ([79]). Le juge des référés peut ainsi par exemple constater la nullité de la rupture du contrat de travail et accorder une provision, lorsque la mise à pied à titre conservatoire d’une salariée déléguée syndicale était intervenue sans respect de la procédure prévue ([80]). Le juge des référés peut également faire cesser le trouble manifestement illicite que constitue le licenciement d’une salariée en état de grossesse, en ordonnant la continuation du contrat de travail sous forme notamment du versement des salaires qui auraient été perçus pendant la période couverte par la nullité ([81]).
Dans le cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, la formation de référé peut accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire ([82]). Des provisions peuvent ainsi être accordées sur les salaires non acquittés par l’employeur, sur les salaires indûment retenus lorsque l’employeur a mis des salariés protégés en chômage partiel sans leur accord, ou sur des dommages et intérêts.
Enfin, lorsque la demande formée excède ses pouvoirs, mais présente néanmoins une particulière urgence, avec l’accord de toutes les parties, et après avoir procédé à une tentative de conciliation en audience non publique, la formation de référé peut renvoyer l’affaire devant le bureau de jugement ([83]).
Par un arrêt en date du 17 avril 2019 ([84]), le conseil des prud’hommes de Lyon a reconnu le statut de lanceur d’alerte à un cadre d’un établissement public industriel et commercial qui avait signalé des faits susceptibles de constituer des faits de corruption et de trafic d’influence, de 2008 à 2012. Le juge a prononcé l’annulation de la mesure de radiation des cadres, ordonnant sa réintégration sans délai et le paiement des salaires dus.
Comme l’ont rappelé certains commentateurs ([85]), cette décision « apporte une pierre nouvelle à l’édifice de la protection des lanceurs d’alerte en milieu de travail sur le fondement de la loi « Sapin 2 » ». En effet, pour permettre la mise en œuvre des protections prévues par la loi, le juge se place à la date des représailles subies par le requérant, et non des faits. Il neutralise par ailleurs l’ensemble des mesures de représailles dont un lanceur d’alerte avait fait l’objet, y compris lorsque celles-ci sont largement postérieures à l’alerte.
ii. La saisine du juge administratif en référé
Comme le relève le Conseil d’État dans son avis, les lanceurs d’alerte peuvent, dans les conditions du droit commun, recourir au référé suspension, au référé liberté, ainsi qu’au référé mesures utiles, prévus aux articles L. 521-1 à L. 521-3 du code de justice administrative, pour protéger leurs droits ([86]).
En particulier, le référé-liberté est prévu à l’article L. 521-2 du code de justice administrative.
Lorsqu’il est saisi d’une demande en ce sens justifiée par l’urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d’une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public aurait porté, dans l’exercice d’un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Il se prononce alors dans un délai de quarante-huit heures.
Cette voie de recours a montré son efficacité.
b. Les dispositions de la directive
Le 6 de l’article 21 de la directive prévoit que « les personnes visées à l’article 4 [c’est-à-dire les lanceurs d’alerte et les personnes en lien avec eux] ont accès, lorsque cela est approprié, à des mesures correctives contre les représailles, y compris des mesures provisoires dans l’attente du règlement des procédures judiciaires, conformément au droit national ».
Le considérant n° 94 donne des exemples de telles mesures, et rappelle qu’il est « essentiel que les auteurs de signalement qui font l’objet de représailles aient accès à des voies de recours et à une indemnisation ». Le recours approprié devrait être « déterminé par le type de représailles subies, et le préjudice subi devrait être intégralement réparé conformément au droit national », et peut prendre « la forme d’actions en réintégration, par exemple en cas de licenciement, de mutation ou de rétrogradation, de suspension de formation ou de refus de promotion, ou en rétablissement d’un permis, d’une licence ou d’un contrat annulés ; d’un dédommagement des pertes financières actuelles et futures, par exemple pour les pertes de salaires antérieurs, mais aussi les pertes de revenus futurs, et des coûts liés à un changement de profession ; et l’indemnisation d’autre préjudice économique, tels que les frais de justice et les frais médicaux, ainsi que du préjudice immatériel tel que douleur et souffrances ».
L’article 24 de la directive prévoit par ailleurs l’absence de renonciation aux droits et recours. Il dispose que « les États membres veillent à ce que les droits et recours prévus par la présente directive ne puissent faire l’objet d’une renonciation ni être limités par un quelconque accord ou une quelconque politique, forme d’emploi ou condition de travail, y compris une convention d’arbitrage ».
2. Les dispositions de la proposition de loi
a. L’abondement du compte personnel de formation
Les alinéas 1 à 4 de l’article 7 de la proposition de loi complètent l’article 12 de la loi « Sapin 2 » et prévoient la possibilité pour le conseil des prud’hommes d’obliger l’employeur à abonder le compte personnel de formation du salarié ayant lancé l’alerte.
Cette décision pourrait être prononcée en plus de toute autre sanction.
Elle pourrait être décidée à l’occasion de toute procédure portée devant le conseil de prud’hommes, et pas seulement à l’occasion de la procédure de référé.
Le compte personnel de formation du lanceur d’alerte pourrait ainsi être abondé jusqu’au son plafond mentionné à l’article L. 6323-11-1 du code du travail, qui prévoit une majoration du plafonnement de droit commun au bénéfice des salariés peu ou pas qualifiés ([87]). Depuis le 1er janvier 2019, le plafond de droit commun est fixé à 5 000 euros, et le plafond majoré, à 8 000 euros ([88]).
Cette mesure permettrait ainsi de faciliter la reconversion du lanceur d’alerte, lorsque sa réintégration ou son maintien dans l’entreprise n’est plus possible. En effet, indépendamment du bien-fondé de la démarche entreprise par le lanceur d’alerte, la prise de représailles par l’employeur peut conduire à rompre le lien de confiance entre l’entreprise et le lanceur d’alerte et compromettre, à plus long terme, son avenir dans l’entreprise.
b. La saisine en référé liberté
Les alinéas 8 et 9 insèrent un nouvel article 12-1 dans la loi « Sapin 2 », qui vise à faciliter le recours au référé liberté par les agents publics victimes de représailles, afin de mieux les protéger.
Le nouvel article 12-1 de la loi « Sapin 2 » entend ainsi assouplir le recours au référé-liberté :
– d’une part, il prévoit que l’auteur du signalement bénéficie d’une présomption d’urgence au sens de l’article L. 521-2 ;
– d’autre part, il consacre le droit d’alerter en tant que liberté fondamentale au sens du même article, dans le cadre de la liberté d’expression.
Comme cela est prévu en matière de référé-liberté de droit commun, le recours devrait porter sur une atteinte grave et manifestement illégale au droit d’alerter pour pouvoir être accueilli.
Ces dispositions auraient ainsi pour effet de créer une procédure spéciale de référé liberté ouverte aux lanceurs d’alerte.
c. L’interdiction de toute renonciation au droit d’alerte
Les alinéas 8 et 9 de la proposition de loi insèrent un nouvel article 12-2 dans la loi « Sapin 2 », qui prévoit que la protection légale du droit d’alerte ne peut faire l’objet d’aucune renonciation ni d’aucune limitation de la part du travailleur ou par décision de l’employeur.
L’article reprend ainsi fidèlement la formulation de l’article 24 de la directive, en prévoyant que les actions relatives aux dispositions de la loi « Sapin 2 » protégeant le droit d’alerte « ne peuvent faire l’objet d’une renonciation ni être limitées par un quelconque accord ou une quelconque politique, forme d’emploi ou condition de travail », et que toute disposition ou acte contraire serait nul de plein droit.
Cette formulation, volontairement large, permet ainsi de couvrir l’ensemble des situations dans lesquelles le travailleur pourrait être contraint de renoncer à son droit d’alerte, sur le fondement de clauses particulières insérées dans le contrat de travail, ou au sein du règlement intérieur ou de l’accord d’entreprise, par exemple.
3. La position de la Commission
La commission a adopté trois amendements rédactionnels.
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Article 8
(article 13 et 13-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Sanctions civiles et pénales en cas de procédures abusives ou dilatoires
et de représailles
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 8 renforce la possibilité d’infliger des amendes civiles aux personnes ayant mené des procédures abusives ou dilatoires à l’encontre de lanceurs d’alerte. Il crée une sanction pénale applicable aux personnes ayant pris des représailles. Il opère enfin une coordination rédactionnelle avec le délit d’entrave, déjà prévu par la loi.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 13 de la loi « Sapin 2 » a prévu un délit d’entrave au lancement d’une alerte ainsi que le doublement des amendes civiles applicables lorsque, à l’occasion d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte, la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire.
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté un amendement CL141 qui articule la définition des représailles pouvant faire l’objet d’une sanction pénale avec la liste prévue au nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », afin d’assurer le respect du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.
1. L’état du droit
a. Les dispositions de la loi « Sapin 2 »
L’article 13 de la loi « Sapin 2 » prévoit des sanctions pour les personnes tentant d’entraver l’action des lanceurs d’alerte.
Le I crée un délit d’entrave au lancement d’une alerte, qui punit d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende toute personne qui fait obstacle, de quelque façon que ce soit, à la transmission d’un signalement via le canal interne ou le canal externe.
Le II prévoit que, lorsque le juge d’instruction ou la chambre de l’instruction est saisi d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte et qu’il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire, le montant de l’amende civile qui peut être prononcée par application des articles 177-2 et 212-2 du code de procédure pénale est porté à 30 000 euros, au lieu de 15 000 euros dans le droit commun.
L’article 177-2 ([89]) du code de procédure pénale prévoit en effet que, lorsqu’il rend une ordonnance de non-lieu à l’issue d’une information ouverte sur constitution de partie civile, le juge d’instruction peut prononcer contre la partie civile une amende civile dont le montant ne peut excéder 15 000 euros, sur réquisitions du procureur et par décision motivée, s’il considère que la constitution de partie civile a été abusive ou dilatoire. Cette décision peut être frappée d’appel par la partie civile dans les mêmes conditions que l’ordonnance de non-lieu. L’article 212-2 ([90]) du code de procédure pénale prévoit qu’une telle amende peut également être prononcée par la chambre de l’instruction, selon une procédure similaire.
Ces sanctions s’ajoutent à celles prévues par le II de l’article 9 de la loi « Sapin 2 », qui protège la confidentialité de l’alerte, et punit de deux ans de prison et de 15 000 euros d’amende la divulgation de l’identité du lanceur d’alerte, des personnes visées ou des informations recueillies par l’ensemble des destinataires du signalement.
b. Les dispositions de la directive
L’article 23 de la directive dispose que les États membres prévoient des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives applicables aux personnes physiques ou morales qui :
– entravent ou tentent d’entraver le signalement ;
– exercent des représailles contre les lanceurs d’alerte et les personnes ayant un lien avec elles ;
– intentent des procédures abusives contre ces personnes ;
– manquent à l’obligation de préserver la confidentialité de l’identité des auteurs de signalement.
La formulation de l’article est large : la protection joue aux différentes étapes du signalement et a vocation à s’appliquer non seulement aux lanceurs d’alerte, mais également aux personnes qui sont en lien avec eux.
L’article ne détermine cependant pas la nature des sanctions, qui peuvent être pénales, civiles ou administratives.
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 8 de la proposition de loi précise et complète l’article 13 de la loi « Sapin 2 » afin d’étendre et de renforcer la protection des lanceurs d’alerte face aux entraves et à la prise de représailles. Il insère par ailleurs un article 13-1 qui prévoit la publication des jugements prononcés dans ces situations.
Ces mesures seraient applicables, non seulement aux lanceurs d’alerte, mais également aux personnes leur étant liées, en application du nouvel article 6‑1 de la loi « Sapin 2 », dont l’insertion est proposée par le présent texte ([91]).
L’alinéa 3 modifie ainsi le I de l’article 13 de la loi « Sapin 2 », relatif au délit d’entrave au lancement d’une alerte, afin d’opérer une coordination avec la réécriture de l’article 8 de la loi « Sapin 2 » proposée par la proposition de loi, et de continuer à couvrir les signalements réalisés via le canal externe comme le canal interne.
Les alinéas 4 à 6 substituent à la majoration d’amende civile en cas de procédure abusive ou dilatoire dirigée contre un lanceur d’alerte à l’occasion d’une plainte en diffamation, prévue au II de l’article 13 de la loi « Sapin 2 », une procédure autonome d’amende civile qui pourrait être infligée à toute personne physique ou morale qui agit de manière dilatoire ou abusive contre un lanceur d’alerte, sur le modèle de l’article L. 152-8 du code de commerce, applicable en matière de secret des affaires ([92]).
Cette procédure ne s’appliquerait plus uniquement lorsque le juge ou la chambre d’instruction est saisi d’une plainte pour diffamation contre un lanceur d’alerte, mais à l’occasion de toute procédure abusive ou dilatoire.
Son montant ne pourrait être supérieur à 20 % du montant de la demande de dommages et intérêts ou, en l’absence d’une telle demande, à 60 000 euros.
Cette amende civile pourrait être prononcée sans préjudice de l’octroi de dommages et intérêts à la partie victime de la procédure dilatoire ou abusive.
Les alinéas 7 et 8 complètent l’article 13 de la loi « Sapin 2 » par un III qui prévoit que la prise de représailles à l’égard d’une personne en raison de sa qualité de lanceur d’alerte est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende.
Enfin, les alinéas 9 et 10 insèrent un nouvel article 13-1 dans la loi « Sapin 2 », qui prévoit que les sanctions pénales prononcées en cas d’entrave au signalement ou de représailles, les amendes civiles infligées en cas de procédure abusive ou dilatoire ainsi que les décisions relatives aux discriminations subies par les lanceurs d’alerte en matière professionnelle, dès lors qu’ils ont l’autorité de la chose jugée, peuvent être publiés sur tous supports.
Le cas échéant, cette publication peut être opérée aux frais de la personne sanctionnée.
3. La position de la Commission
À l’initiative de voter Rapporteur, et faisant suite à une recommandation du Conseil d’État ([93]), la commission a adopté un amendement CL141 qui articule la définition des représailles pouvant faire l’objet d’une sanction pénale avec la liste prévue au nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », afin d’assurer le respect du principe constitutionnel de légalité des délits et des peines.
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Article 9
(article 14-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique)
Soutien psychologique et financier aux lanceurs d’alerte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 9 prévoit que les autorités externes compétentes assurent la mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des auteurs de signalement, et leur accordent un secours financier temporaire, si elles estiment que leur situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article 14 de la loi « Sapin 2 », qui prévoyait un dispositif d’aide financière au bénéfice des lanceurs d’alerte, a été censuré par le Conseil constitutionnel.
Modifications apportées par la Commission
Afin d’assurer la constitutionnalité du dispositif, la commission a rendu possible, et non plus obligatoire, la mise en œuvre des mesures de soutien psychologique et financier par les autorités externes.
1. L’état du droit
a. Le législateur avait prévu un dispositif d’aide financière au bénéfice des lanceurs d’alerte, qui a été censuré par le Conseil constitutionnel
À l’occasion des débats parlementaires qui avaient conduit à l’adoption de la loi « Sapin 2 » et de la loi organique qui l’accompagnait ([94]), le législateur avait prévu un dispositif de soutien financier au bénéfice des lanceurs d’alerte, dont la gestion aurait été confiée au Défenseur des droits.
Ce dispositif avait été introduit par voie d’amendement parlementaire en première lecture, par le rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, M. Sébastien Denaja, et avait été précisé au cours de la navette.
L’article 1er de la proposition de loi organique votée par le Parlement ajoutait ainsi aux compétences du Défenseur des droits celle « d’orienter vers les autorités compétentes toute personne signalant une alerte dans les conditions fixées par la loi, de veiller aux droits et libertés de cette personne et, en tant que de besoin, de lui assurer une aide financière ou un secours financier » ([95]).
L’article 14 de la loi « Sapin 2 » précisait le fonctionnement du dispositif. Il était ainsi prévu que le Défenseur des droits puisse accorder, « sur sa demande, à une personne physique qui engage une action en justice en vue de faire reconnaître une mesure défavorable prise à son encontre au seul motif du signalement qu’elle a effectué […] une aide financière sous la forme d’une avance sur les frais de procédure exposés ». Accordée sans préjudice de l’aide juridictionnelle, cette aide pouvait être refusée lorsque les faits n’avaient pas été signalés dans les conditions prévues par la loi.
Le montant de l’aide devait être déterminé « en fonction des ressources de la personne et en tenant compte de la nature de la mesure défavorable dont elle entend faire reconnaître l’illégalité lorsque cette mesure emporte privation ou diminution de sa rémunération », et « diminué de la fraction des frais de procédure prise en charge au titre d’un contrat d’assurance de protection juridique ou d’un système de protection équivalent ».
Par ailleurs, indépendamment des actions en justice engagées par le lanceur d’alerte, il était également prévu que le Défenseur des droits puisse lui accorder un « secours financier temporaire s’il estimait qu’en raison du signalement qu’elle avait effectué […], elle connaissait des difficultés financières présentant un caractère de gravité et compromettant ses conditions d’existence ».
À l’occasion du contrôle de ces deux textes, réalisé sur le fondement de l’article 61 de la Constitution, le Conseil constitutionnel a toutefois censuré la disposition prévoyant cette mission supplémentaire d’aide financière et de soutien financier.
Le juge constitutionnel a en effet considéré que « la mission confiée par [l’article 71-1 de la Constitution] au Défenseur des droits de veiller au respect des droits et libertés ne comporte pas celle d’apporter lui-même une aide financière, qui pourrait s’avérer nécessaire, aux personnes qui peuvent le saisir » ([96]), ce qui l’a conduit à déclarer contraire à la Constitution les dispositions précitées ([97]).
b. La directive ouvre la possibilité d’apporter un soutien psychologique et financier aux lanceurs d’alerte, sans y contraindre
L’article 20 de la directive, relatif aux mesures de soutien, prévoit que les États membres peuvent « prévoir une assistance financière et des mesures de soutien, notamment psychologique, pour les auteurs de signalement dans le cadre des procédures judiciaires ».
Il prévoit par ailleurs que les États membres veillent à ce que les lanceurs d’alerte bénéficient d’informations et de conseils complets et indépendants, d’une assistance effective devant les autorités, ainsi que d’une assistance juridique.
Il précise enfin que ces mesures de soutien peuvent, le cas échéant, être apportées par un « centre d’information » ou une « autorité administrative indépendante unique et clairement identifiée ».
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 9 de la proposition de loi insère un nouvel article 14-1 dans la loi « Sapin 2 », qui prévoit que les autorités externes compétentes assurent la mise en place de mesures de soutien psychologique à destination des auteurs de signalement, et leur accordent un secours financier temporaire si elles estiment que leur situation financière s’est gravement dégradée en raison du signalement.
Ces mesures seraient proposées quelle que soit la manière dont les lanceurs d’alerte sont entrés en contact avec ces autorités, c’est-à-dire qu’ils se soient adressés directement à elles, ou qu’ils aient été orientés vers elles par le Défenseur des droits.
Les mesures de soutien psychologique pourraient par exemple prendre la forme d’une ligne téléphonique d’écoute et d’accompagnement ou d’une mise en relation avec des associations spécialisées, par exemple.
Par ailleurs, la prise en charge des frais de procédures judiciaires serait assurée, si les conditions sont remplies, par l’aide juridictionnelle.
L’article prévoit par ailleurs que les autorités externes compétentes puissent assurer en commun la mise en place des mesures de soutien psychologique : ces autorités seraient ainsi libres de déterminer les modalités les plus appropriées et de mutualiser ces mesures si elles le souhaitent.
Enfin, comme cela a été rappelé précédemment, les mesures prévues au nouvel article 14-1 de la loi « Sapin 2 » s’adressent aux auteurs de signalement et non aux personnes physiques et morales ayant un lien avec elles ([98]).
3. La position de la Commission
Dans l’avis rendu sur la proposition de Lois, le Conseil d’État relevait qu’ « en tant qu’elles s’appliquent au Défenseur des droits, les dispositions envisagées sont contraires à la Constitution (Conseil constitutionnel, décision n° 2016‑740 DC du 8 décembre 2016) et qu’elles peuvent en conséquence susciter des interrogations au regard du principe constitutionnel d’égalité si elles étaient réservées à certaines autorités externes » ([99]) .
Afin d’assurer la constitutionnalité du dispositif tout en maintenant ouverte la possibilité pour les autorités externes de mettre en œuvre des mesures de soutien psychologique et d’assurer un soutien financier temporaire, la commission a adopté l’amendement CL137. La mise en œuvre de telles mesures serait ainsi possible, sans être imposée.
Elle a par ailleurs adopté un amendement rédactionnel CL138.
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Article 10
(article L. 911-1-1 du code de justice administrative)
Réintégration des agents publics lanceurs d’alerte en cas de représailles
Adopté par la Commission sans modification
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 10 étend la possibilité ouverte au juge administratif d’enjoindre à l’autorité administrative de réintégrer le lanceur d’alerte à l’ensemble des représailles prévues au nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », inséré par l’article 5 de la proposition de loi.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 911-1-1 du code de justice administrative, qui prévoit la réintégration des agents publics lanceurs d’alerte en cas de représailles, a été inséré par l’article 11 de la loi « Sapin 2 ».
Modifications apportées par la Commission
La commission a adopté cet article sans modification.
1. L’état du droit
a. Les dispositions de la loi « Sapin 2 »
Les articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative constituent les deux piliers du pouvoir d’injonction du juge. Ce pouvoir n’est pas réservé à un juge ou à une formation de jugement en particulier et peut être exercé par le juge de l’excès de pouvoir comme de plein contentieux, par le juge du fond comme par le juge des référés, en première instance comme en appel.
Ainsi, lorsque la décision juridictionnelle implique nécessairement qu’une personne morale de droit public ou qu’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public prenne une mesure d’exécution dans un sens déterminé – c’est-à-dire que la décision du juge ne laisse aucune place, sauf changement de circonstances, à une nouvelle appréciation de l’administration – le juge prescrit la mesure, assortie le cas échéant d’un délai d’exécution ([100]). Le juge peut également prescrire d’office une telle mesure.
Lorsque tel n’est pas le cas, c’est-à-dire lorsque la décision du juge implique nécessairement que la personne prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, le juge prescrit un nouvel examen, cette nouvelle décision devant intervenir dans un délai déterminé ([101]).
Créé par l’article 11 de la loi « Sapin 2 », l’article L. 911-1-1 du code de justice administrative prévoit que dans le cadre de ses pouvoirs d’injonction, le juge administratif peut prescrire de réintégrer toute personne ayant fait l’objet d’un licenciement, d’un non-renouvellement de son contrat ou d’une révocation dans le cadre de représailles, pour avoir signalé une alerte.
Peuvent bénéficier de cette procédure les fonctionnaires ([102]), les militaires ([103]), ainsi que les personnes employées par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public, y compris les personnes leur étant liées par une relation à durée déterminée, auxquelles s’applique le code du travail ([104]).
b. Les dispositions de la directive
Le 6 de l’article 21 de la directive, relatif aux mesures correctives contre les représailles, qui inclut les mesures de réintégration, a été présenté dans le commentaire de l’article 7 de la proposition de loi.
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 10 de la proposition de loi étend aux lanceurs d’alerte ayant fait l’objet de mesures de représailles énumérées au nouvel article 10-1 de la loi « Sapin 2 », et qui ne seraient pas déjà couverts par les dispositions de l’article L. 911-1-1 du code de justice administrative, les possibilités de réintégration pouvant être prononcées en application de cet article.
3. La position de la Commission
La Commission a adopté cet article sans modification.
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* *
Article 11
(article L. 151-8 du code de commerce)
Alertes portant atteinte au secret des affaires
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
L’article 11 permet la divulgation du secret des affaires lors du lancement d’une alerte.
Dernières modifications législatives intervenues
L’article L. 151-8 du code de commerce a été inséré par la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement rédactionnel de votre Rapporteur.
1. L’état du droit
a. Le droit en vigueur
L’accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC), qui constitue une annexe du traité de Marrakech, signé le 15 avril 1994, instituant l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a créé une catégorie de droits dérogatoires échappant à la libre circulation des marchandises, des personnes et des capitaux. Parmi ces droits, sont nommément visés les renseignements économiques non divulgués, autrement dit les secrets des affaires.
En particulier, l’article 39, alinéa 2, de ce texte prévoit trois conditions cumulatives conditionnant la protection des informations confidentielles. Ainsi, les personnes physiques et morales ont la possibilité « d’empêcher que des renseignements licitement sous leur contrôle ne soient divulgués à des tiers ou acquis ou utilisés par eux sans leur consentement et d’une manière contraire aux usages commerciaux honnêtes, sous réserve que ces renseignements :
« a) soient secrets en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles ;
« b) aient une valeur commerciale parce qu’ils sont secrets ;
« c) aient fait l’objet, de la part de la personne qui en a licitement le contrôle, de dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, destinées à les garder secrets ».
Afin de permettre l’harmonisation de la protection de ces informations à l’échelle de l’Union européenne, la directive 2016/943/UE du 8 juin 2016 relative au secret des affaires ([105]) a repris cette définition.
Alors que, dans notre droit, « les modalités de gestion de la confidentialité dans le monde de l’entreprise » étaient, jusqu’à une date récente, « éparpillées entre de nombreux textes législatifs et réglementaires dans des domaines aussi variés que le droit du travail, le droit de la concurrence ou le droit de la propriété intellectuelle » ([106]), la loi du 30 juillet 2018 ([107]), qui transpose la directive du 8 juin 2016 précitée, a introduit la définition du secret des affaires.
L’article L. 151-1 du code de commerce prévoit qu’est « protégée au titre du secret des affaires toute information [qui] n’est pas, en elle-même ou dans la configuration et l’assemblage exacts de ses éléments, généralement connue ou aisément accessible pour les personnes familières de ce type d’informations en raison de leur secteur d’activité, […] revêt une valeur commerciale, effective ou potentielle, du fait de son caractère secret, [et] fait l’objet de la part de son détenteur légitime de mesures de protection raisonnables, compte tenu des circonstances, pour en conserver le caractère secret », suivant ainsi fidèlement les éléments de définition prévus dans les normes supérieures.
Le droit en vigueur prévoit toutefois des dérogations à la protection du secret des affaires.
Le considérant n° 20 de la directive souligne que les mesures, procédures et réparations prévues pour protéger le secret des affaires « ne devraient pas entraver les activités des lanceurs d’alertes », cette protection ne devant ainsi pas s’étendre aux cas « où la divulgation d’un secret d’affaires sert l’intérêt public dans la mesure où elle permet de révéler une faute, un acte répréhensible ou une activité illégale directement pertinents ». L’article 5 de la directive prévoit ainsi une dérogation spécifique concernant les lanceurs d’alerte.
Le code de commerce intègre ainsi une irresponsabilité civile en matière de divulgation du secret des affaires.
L’article L. 151-7 du code de commerce prévoit ainsi que le secret des affaires n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est requise ou autorisée par le droit de l’Union européenne, les traités ou accords internationaux en vigueur ou le droit national, notamment dans l’exercice des pouvoirs d’enquête, de contrôle, d’autorisation ou de sanction des autorités juridictionnelles ou administratives.
L’article L. 151-8 précise par ailleurs qu’à l’occasion d’une instance relative à une atteinte au secret des affaires, le secret n’est pas opposable lorsque son obtention, son utilisation ou sa divulgation est intervenue :
– pour exercer le droit à la liberté d’expression et de communication, y compris le respect de la liberté de la presse, et à la liberté d’information telle que proclamée dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (1°) ;
– pour révéler, dans le but de protéger l’intérêt général et de bonne foi, une activité illégale, une faute ou un comportement répréhensible, y compris lors de l’exercice du droit d’alerte défini à l’article 6 de la loi « Sapin 2 » (2°) ;
– pour la protection d’un intérêt légitime reconnu par le droit de l’Union européenne ou le droit national (3°).
b. Les dispositions de la directive
La directive relative aux lanceurs d’alerte prévoit une exonération de responsabilité civile pour les auteurs de signalement, qui doivent impérativement remplir les conditions fixées par la directive.
Le considérant n° 97 de la directive relative aux lanceurs d’alerte souligne que « les actions engagées contre les auteurs de signalement en dehors du contexte professionnel », par exemple au travers d’une action pour violation de secrets d’affaires, peuvent « sérieusement dissuader de lancer des alertes ».
Le considérant suivant relève que la directive prévoit que « l’obtention, l’utilisation ou la divulgation d’un secret d’affaires est considérée comme licite dans la mesure où elle est autorisée par le droit de l’Union ». Les personnes qui divulguent des secrets d’affaires obtenus dans un contexte professionnel « ne devraient bénéficier de la protection accordée par la présente directive, y compris en termes d’exonération de la responsabilité civile, que si elles remplissent les conditions fixées dans la présente directive, y compris celle tenant à la nécessité de la divulgation pour révéler une violation relevant du champ d’application matériel de la présente directive ».
Aux termes du 7 de l’article 21 de la directive prévoit que « dans les procédures judiciaires, y compris pour diffamation, violation du droit d’auteur, violation du secret, violation des règles en matière de protection des données ou divulgation de secrets d’affaires [les auteurs de signalement et les personnes ayant un lien avec eux] n’encourent aucune responsabilité du fait des signalements ou des divulgations publiques effectués au titre de la présente directive. Ces personnes ont le droit d’invoquer ce signalement ou cette divulgation publique pour demander l’abandon de la procédure, à condition qu’elles aient eu des motifs raisonnables de croire que le signalement ou la divulgation publique était nécessaire pour révéler une violation en vertu de la présente directive ».
Le second alinéa du 7 de l’article 21 précise ainsi que « lorsqu’une personne signale ou divulgue publiquement des informations sur des violations relevant du champ d’application de la présente directive, et que ces informations comportent des secrets d’affaires, et lorsque cette personne remplit les conditions de la présente directive, ce signalement ou cette divulgation publique est considéré comme licite » dans les conditions prévues par la directive sur le secret des affaires.
2. Les dispositions de la proposition de loi
L’article 11 de la proposition de loi assure la transposition du second alinéa du 7 de l’article 21 de la directive, afin d’autoriser expressément la divulgation du secret des affaires dans le cadre des procédures de signalement ou de divulgation.
La rédaction proposée complète ainsi le 2° de l’article L. 151-8 du code de commerce, afin de préciser que l’irresponsabilité civile en matière de secret des affaires est conditionnée au respect des procédures de signalement ou de divulgation prévues aux articles 6 et 8 de la loi « Sapin 2 » : l’alerte devra répondre aux conditions prévues par la loi, et le lanceur d’alerte devra avoir effectué un signalement en saisissant le canal interne ou externe avant d’effectuer une divulgation publique, sauf cas particuliers ([108]).
3. La position de la Commission
La Commission a adopté un amendement rédactionnel CL139 proposé par votre Rapporteur.
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Article 12 A (nouveau)
(article 167 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et article 1er bis de la loi n° 52‑1322 du 15 décembre 1952 instituant un code du travail dans les territoires et territoires associés relevant des ministères de la France d’Outre-mer)
Application outre-mer
Introduit par la Commission
La Commission a adopté l’amendement CL128 de Rapporteur afin de procéder aux coordinations nécessaires pour l’application outre-mer des articles insérés dans la loi Sapin 2 et des modifications apportées au code du travail.
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Adopté par la Commission sans modification
La proposition de loi entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant sa publication. Ce délai est justifié par l’ampleur des dispositions réglementaires que le Gouvernement devra prendre et des adaptations demandées aux organisations et aux futures autorités externes.
La France dépassera de quelques mois le délai de transposition de la directive, dont le terme est fixé au 31 décembre 2021. Elle reste néanmoins l’un des seuls États membres disposant déjà d’un dispositif de protection des lanceurs d’alerte élevé et à avoir engagé la procédure de transposition.
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Supprimé par la Commission
Le présent article prévoit que la charge résultant pour l’État de l’application de la proposition de loi est compensée par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Le gage a été levé par l’adoption de l’amendement CL161 du Gouvernement.
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1
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Examen des articles de la proposition de loi organique
Article 1er
(articles 4 et 6 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits)
Extension de la compétence du Défenseur des droits en matière d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article précise, en l’étendant, la mission du Défenseur des droits en matière d’orientation, de protection et d’accompagnement des lanceurs d’alertes. Le Défenseur des droits sera désormais habilité à traiter les signalements relevant de sa compétence et à reconnaître la qualité de lanceur d’alerte aux auteurs de signalement respectant les conditions fixées par la loi « Sapin 2 ».
Dernières modifications législatives intervenues
La loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte a confié au Défenseur des droits la compétence d’orienter les auteurs de signalement et de veiller à leurs droits et libertés.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté un amendement CL12 de votre Rapporteur portant réécriture globale de l’article 1er. La mission du Défenseur des droits est étendue au conseil, à l’information et à la défense des lanceurs d’alerte en ce qui concerne leur signalement et leurs droits et libertés.
Les obligations du Défenseur des droits en matière de certification des lanceurs d’alerte et en tant qu’autorité externe compétente pour traiter des alertes et la référence au rapport annuel sont déplacées respectivement aux articles 2 et 3.
1. L’état du droit
a. Des prérogatives encadrées par le Conseil constitutionnel
Le comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions de la Ve République, dit « Comité Balladur », avait proposé d’instituer un Défenseur des droits fondamentaux. L’article 71-1 de la Constitution, dans sa rédaction issue de la révision de 2008, prévoit que « le Défenseur des droits veille au respect des droits et libertés par les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics, ainsi que par tout organisme investi d’une mission de service public, ou à l’égard duquel la loi organique lui attribue des compétences ».
La loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits a réuni au sein de cette autorité les missions et les pouvoirs du Médiateur de la République, de la Haute autorité de lutte contre les discriminations (HALDE), du Défenseur des enfants et de la commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS).
La loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte a tiré les conséquences de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Le IV de l’article 8 de la loi « Sapin 2 » prévoyait en effet que « toute personne peut adresser son signalement au Défenseur des droits afin d’être orientée vers l’organisme approprié de recueil de l’alerte ».
Pour le Conseil constitutionnel, l’extension des missions du Défenseur des droits en matière de protection des lanceurs d’alerte était justifiée par son rôle dans la lutte contre les discriminations qui lui permet déjà d’assister toute personne victime de discrimination et de l’aider à identifier les procédures adaptées à son cas ([109]). Il a considéré qu’il était « loisible au législateur organique, qui a estimé que les lanceurs d’alerte courent le risque d’être discriminés par l’organisme faisant l’objet de leur signalement, de charger le Défenseur des droits d’orienter ces personnes vers les autorités compétentes, en vertu de la loi, pour recueillir leur signalement » ([110]).
Le législateur avait également souhaité que le Défenseur des droits puisse accorder aux lanceurs d’alerte « une aide financière sous la forme d’une avance sur les frais de procédure exposés [ou] un secours financier temporaire s’il estime qu’en raison du signalement qu’elle a effectué dans les conditions énoncées au présent chapitre, elle connaît des difficultés financières présentant un caractère de gravité et compromettant ses conditions d’existence » ([111]).
Ces dispositions et leur traduction dans la loi organique ont été censurées par le Conseil constitutionnel qui a considéré que « la mission confiée par les dispositions constitutionnelles précitées au Défenseur des droits de veiller au respect des droits et libertés ne comporte pas celle d’apporter lui-même une aide financière, qui pourrait s’avérer nécessaire, aux personnes qui peuvent le saisir » ([112]).
La mission du Défenseur des droits consiste donc actuellement d’une part à orienter les lanceurs d’alerte vers l’autorité compétente et à les accompagner pour faire valoir leurs droits, notamment en cas de représailles. Le Défenseur des droits a mis en place une procédure spécifique protégeant la confidentialité grâce à un mécanisme de double enveloppe et un accusé réception comportant un numéro identifiant qui est ensuite utilisé pour les échanges.
Dans un premier temps, le Défenseur des droits apprécie si les faits signalés répondent à la définition de l’alerte et si le signalement a été effectué dans les conditions exigées par le législateur. Dans un second temps, il détermine si les représailles alléguées par la personne sont la conséquence du signalement et justifient qu’elle bénéficie de protection.
Si, au terme d’une instruction contradictoire, l’ensemble des critères sont réunis, le Défenseur des droits peut faire usage de tous les pouvoirs dont ils sont dotés pour rétablir le lanceur d’alerte dans ses droits (médiation, observations devant les juridictions, recommandation individuelle).
b. Un bilan mitigé
Évolution du nombre de réclamations reçues par le Défenseur des droits ([113])
|
Nombre de réclamations concernant des lanceurs d’alerte |
Évolution annuelle |
2017 |
71 |
‑ |
2018 |
84 |
+ 18 % |
2019 |
84 |
= |
2020 * |
61 |
‑ 27 % |
Total |
316 |
|
Source : Rapport annuel d’activité du Défenseur des droits (2017, 2018, 2019, 2020)
* NB : Les chiffres de l’année 2020 sont faiblement significatifs eu égard aux effets de la crise sanitaire sur l’activité économique et juridique du pays.
Le Défenseur des droits a été saisi à 316 reprises entre l’entrée en vigueur de la loi organique de 2016 et la fin de l’année 2020. Cependant, le Défenseur des droits ne dispose pas en interne de toutes les ressources humaines suffisantes pour apprécier la portée de l’alerte et l’orienter. Il ne formalise pas l’attribution du statut de lanceur d’alerte, ce qui prive certains auteurs de signalement d’une protection efficace devant la justice.
Les moyens dont il dispose pour exercer cette mission font également défaut puisqu’un seul ETP y est consacré. Le rapport d’évaluation de la loi « Sapin 2 » indiquait à ce propos qu’ « un élargissement des compétences du Défenseur des droits ne saurait se faire sans l’augmentation de ses moyens humains et financiers, qui sont déjà très insuffisants. La mission supplémentaire qui lui a été confiée par la loi “ Sapin 2 ” n’a pas fait l’objet de l’attribution de ressources supplémentaires. À titre de comparaison, les Pays-Bas consacrent 4 millions d’euros à l’accompagnement des lanceurs d’alerte. » ([114]).
c. Un rôle appelé à être renforcé par la transposition de la directive
i. L’orientation et l’information des lanceurs d’alerte
Le Défenseur des droits sera appelé à poursuivre son rôle en matière de lutte et de prévention des discriminations fondées sur le signalement d’une alerte. La présente proposition de loi organique transpose la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
L’article 20 de la directive impose aux États membres de veiller à ce qu’une autorité administrative indépendante unique puisse soutenir les lanceurs d’alerte par :
– « des informations et des conseils complets et indépendants, qui sont facilement accessibles au public et gratuits, sur les procédures et les recours disponibles, sur la protection contre les représailles, ainsi que sur les droits de la personne concernée ;
– « une assistance effective de la part des autorités compétentes devant toute autorité pertinente associée à leur protection contre les représailles, y compris, lorsque le droit national le prévoit, la certification du fait qu’elles bénéficient de la protection prévue par la présente directive ;
– « une assistance juridique dans le cadre des procédures pénales et civiles ».
Concernant « la certification du fait que [les auteurs de signalement] bénéficient de la protection prévue par la présente directive », le Défenseur des droits a déjà procédé à une telle reconnaissance dans le cadre de son rôle de protection des lanceurs d’alerte. Il est ainsi intervenu pour attester qu’une personne bénéficiait des protections rattachées à la qualité de lanceur d’alerte et a présenté des observations pour confirmer, à son sens, l’existence de représailles impliquant une violation de l’article L. 1132-3-3 du code du travail ([115]).
En vue d’assurer un traitement rapide et pertinent des alertes par les autorités externes, l’article 11 de la directive demande également aux États membres de veiller « à ce que toute autorité qui a reçu un signalement, mais qui n’est pas compétente pour traiter la violation signalée transmette le signalement à l’autorité compétente, dans un délai raisonnable et de manière sécurisée, et que l’auteur de signalement soit informé, sans retard, de cette transmission ». La directive n’évoque pas la nécessité de confier cette mission à une autorité unique.
2. Les dispositions de la proposition de loi organique
L’article 1er de la proposition de loi organique précise et étend la compétence du Défenseur des droits en matière d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte. Il modifie le 5° de l’article 4 qui énumère les champs d’intervention du Défenseur des droits.
● L’orientation du lanceur d’alerte s’effectuera désormais vers l’une des autorités externes compétentes mentionnées au II de l’article 8 de la loi « Sapin 2 », dans sa rédaction issue de l’article 3 de la proposition de loi ordinaire. Cette orientation pourra intervenir sur saisine directe du lanceur d’alerte ([116]) ou sur demande de réorientation de la part d’une autorité externe ne s’estimant pas compétente ([117]). L’article 2 de la présente proposition de loi organique précise les relations entre le Défenseur des droits et les autorités externes ([118]).
Le Défenseur des droits n’est appelé à intervenir de nouveau qu’en cas de manquement de l’autorité externe à ses obligations. Il peut alors être à nouveau saisi par le lanceur d’alerte, notamment si celui-ci n’a pas reçu d’accusé de réception ou de retour d’information dans les délais prévus par la directive. Il intervient alors au titre de sa compétence pour « défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public » ([119]).
● La protection des droits et libertés est étendue aux autres personnes protégées dans le cadre du signalement, notamment les tiers et les facilitateurs au sens de l’article 6-1 de la loi « Sapin 2 », dans sa rédaction issue de la proposition de loi ordinaire. Cette protection devra être adaptée à la redéfinition, par la proposition de loi, des mesures de représailles et de discrimination.
● La procédure de reconnaissance formelle de la qualité de lanceur d’alerte, sous la forme d’une recommandation ou d’observations, facilitera l’accès aux diverses mesures de protection contre les représailles et les procédures bâillons ainsi qu’un accès privilégié aux dispositifs de soutien financier prévus par la proposition de loi.
● Enfin, le Défenseur des droits est reconnu comme une autorité externe compétente pour recueillir et traiter les signalements externes dans son domaine. Il pourrait à ce titre connaître des alertes concernant :
– la défense des droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d’une mission de service public ;
– la défense et la promotion des droits de l’enfant ;
– la lutte contre les discriminations et la promotion de l’égalité ;
– l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte ;
– la déontologie dans le domaine de la sécurité.
Il devra remplir cette mission dans le respect des obligations résultant de la directive, précisées par décret en Conseil d’État, en matière de confidentialité, d’indépendance, d’efficacité et d’information du lanceur d’alerte.
En outre, le Défenseur des droits aura pour mission de publier annuellement un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte en France, basée sur les informations – hors données à caractère personnel – que lui transmettront les autorités externes. Ce dispositif pourra notamment permettre à la France de s’assurer, comme l’exige la directive que « les autorités compétentes réexaminent leurs procédures de réception des signalements et de suivi régulièrement, et au minimum une fois tous les trois ans » ([120]).
3. La position de la Commission
Dans son avis sur la proposition de loi organique ([121]), le Conseil d’État recommandait de recentrer la définition de la compétence du Défenseur des droits en matière d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte, malgré l’extension de ses compétences.
À l’initiative de votre Rapporteur, la Commission a adopté un amendement de rédaction global de l’article 1er.
Le 1° modifie le 5° de l’article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 de manière à étendre le périmètre d’intervention du Défenseur des droits en matière d’alerte, mais en allant moins loin de la rédaction initiale. Outre son rôle d’orientation, le Défenseur des droits devra également informer et conseiller les lanceurs d’alerte ([122]). Il a également semblé utile de préciser que le Défenseur des droits « défend » les droits et libertés et lanceurs d’alerte (comme il le fait dans le cadre des relations entre citoyens et administration). Cette protection s’applique aussi aux autres personnes protégées, en particulier les tiers et les facilitateurs.
Enfin, par cohérence avec la transformation d’ensemble de la procédure de recueil et de traitement des alertes, le 2° de l’article 1er modifie l’article 6 de la loi organique du 29 mars 2011 permet aux personnes de saisir directement le Défenseur des droits en matière d’alerte, sans démarche préalable.
L’obligation de rédiger un rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte a été déplacée à l’article 36 de loi organique du 29 mars 2011 qui encadre le rapport annuel du Défenseur des droits ([123]).
Enfin, le rôle d’autorité externe n’est plus mentionné à l’article 4 puisqu’il ne s’agit pas à proprement parler d’une mission de protection des lanceurs d’alerte, mais d’une nouvelle manière de traiter des difficultés entrant dans son champ de compétence (droit de l’enfant, litiges avec l’administration, discriminations, déontologie des forces de sécurité…). Les modalités de traitement des signalements par le Défenseur des droits, ainsi que les modalités de certification du statut de lanceur d’alerte, sont traitées à l’article 2 de la présente proposition de loi.
*
* *
Article 2
(article 35-1 [nouveau] de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits)
Précision des missions du Défenseur des droits en matière d’orientation, de recueil et de traitement des alertes
Adopté par la Commission avec modifications
Résumé du dispositif et effets principaux
Le présent article précise les missions du Défenseur des droits, en particulier les conditions dans lesquelles il oriente ou réoriente une alerte et les prérogatives dont il peut faire usage pour traiter les signalements relevant de son champ de compétence.
Dernières modifications législatives intervenues
La loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte a confié au Défenseur des droits la compétence d’orienter et de veiller aux droits et libertés des lanceurs d’alerte.
Modifications apportées par la Commission
La Commission a adopté cinq amendements de votre Rapporteur :
– l’amendement CL10 déplace l’article créé après l’article 35 ;
– l’amendement CL9 retire la possibilité pour le Défenseur des droits de désigner une autorité externe compétente pour traiter une alerte et précise la manière dont l’absence d’autorité externe peut être résolue ;
– l’amendement CL7 prévoit que la certification du statut de lanceur d’alerte prend la forme d’un avis ;
– l’amendement CL11 définit les obligations du Défenseur des droits en tant qu’autorité externe compétente pour traiter des signalements qui lui sont adressées dans son domaine ;
– l’amendement CL8 procède à une coordination en supprimant un alinéa devenu inutile.
1. L’état du droit
Le législateur organique, à l’occasion de l’examen du projet de loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte, n’a pas jugé utile de préciser la mission d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte confiée au Défenseur des droits.
La nécessité de procéder à ces précisions résulte des nouvelles compétences attribuées au Défenseur des droits et des exigences qui découlent de la transposition de la directive en ce qui concerne les autorités externes.
2. Les dispositions de la proposition de loi organique
Le présent article inscrit dans un nouvel article 38-1 de la loi organique du 29 mars 2011 les conditions dans lesquelles le Défenseur des droits remplit la mission qui lui est confiée en application du nouveau 5° de l’article 4 de la même loi organique.
La seconde phrase du I du présent article précise que le Défenseur des droits, lorsqu’il constate qu’une alerte ne « relève de la compétence d’aucune de ces autorités ou que son objet concerne les compétences de plusieurs autorités », doit désigner l’autorité chargée du traitement, celle-ci pouvant être choisie au sein de la liste des autorités externes ([124]) ou en dehors de cette liste. Il informe également l’auteur du signalement des suites données à son alerte.
Dans son avis, le Défenseur des droits souligne que cette mission « ne lui permettrait en aucun cas de contrôler la qualité de la réponse apportée par l’autorité externe ou d’obtenir des informations sur le contenu du traitement des alertes, mais uniquement de s’assurer que l’alerte est prise en compte et que le lanceur d’alerte obtiendra une réponse » ([125]).
Le Défenseur des droits pourra également intervenir au titre de la compétence que lui confèrent les 1° et 5° de l’article 4 de la loi organique du 29 mars 2011 en cas de manquements des autorités externes à leurs obligations en matière de traitement des signalements externes.
Son II indique que toute personne peut saisir le Défenseur des droits pour se voir reconnaître la qualité de lanceur d’alerte, sans qu’il soit nécessaire qu’elle ait saisi le Défenseur des droits pour bénéficier de sa protection. Un décret en Conseil d’État devra préciser les conditions dans lesquelles cette certification est attribuée.
Son III rappelle que le Défenseur des droits peut faire usage de l’ensemble de ses prérogatives pour traiter les signalements, notamment ses pouvoirs d’enquête (demande d’explication ou d’information, vérifications sur place) et d’intervention (recommandation avec injonction, rapport spécial, transaction, observation, demande de poursuites disciplinaires, saisine de l’autorité judiciaire).
3. La position de la Commission
Votre Rapporteur a soumis cinq amendements visant à modifier l’article nouvellement créé qui définissait les compétences du Défenseur des droits en matière d’orientation, de certification et de traitement des lanceurs d’alerte et de leur signalement.
En premier lieu, le nouvel article est déplacé après l’article 35, ce qui correspond mieux à l’organisation de la loi organique.
En second lieu, la capacité du Défenseur des droits de désigner une autorité chargée du traitement d’un signalement lorsqu’aucune ou plusieurs autorités sont compétentes est supprimée, ainsi que sa capacité à assurer le suivi des traitements. En effet, le Conseil d’État, dans son avis, a estimé « qu’en donnant au Défenseur des droits la compétence nouvelle d’attribuer le traitement d’un signalement à une autorité externe qu’il désignerait par une décision qui s’imposerait à cette autorité et en lui permettant d’user des moyens et pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi organique afin de s’assurer de l’effectivité du traitement du signalement par l’autorité ainsi désignée, la proposition de loi encourt un risque d’inconstitutionnalité » ([126]) en ce qu’elle excèderait le périmètre d’intervention du Défenseur des droits tel qu’il est défini par l’article 71-1 de la Constitution.
La rédaction retenue par la Commission revient donc à la notion d’orientation des alertes, votre Rapporteur estimant que la place du Défenseur des droits dans les institutions lui confère l’autorité suffisante pour s’assurer que les autorités externes répondront aux lanceurs d’alerte qu’il renvoie vers elles.
Pour pallier le risque d’absence d’autorité externe compétente dans le décret prévu à l’article 3 de la proposition de loi ordinaire, la Commission a ouvert la possibilité au Défenseur des droits d’orienter le lanceur d’alerte vers une autre autorité que celles désignée par décret dès lors qu’elle serait « la mieux à même d’en connaître ».
En troisième lieu, votre Rapporteur a souhaité que la certification de la qualité de lanceur d’alerte puisse prendre la forme d’un avis du Défenseur des droits ([127]). Ce document pourra lui permettre de bénéficier plus facilement des protections attachées à son statut.
En dernier lieu, il était nécessaire de préciser au niveau organique les obligations s’imposant au Défenseur des droits, comme à toute autorité externe chargée de traiter un signalement. Compte tenu du statut particulier du Défenseur des droits, autorité constitutionnelle dont le statut est encadré au niveau organique, la loi ne peut suffire pour lui imposer de telles obligations. Le Conseil d’État a ainsi estimé que les dispositions « relatives aux attributions et modalités d’intervention du Défenseur des droits doivent figurer dans la proposition de loi organique, qui peut renvoyer à un décret en Conseil d’État pour en préciser les modalités d’application » ([128]).
La Commission, sur proposition de votre Rapporteur, a donc modifié le III de l’article créé afin que le Défenseur des droits puisse être soumis aux obligations de la directive en matière de délais du retour d’informations et de confidentialité.
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Article 3 (nouveau)
(article 36 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits)
Rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte
Introduit par la Commission
Le présent article a été créé par l’adoption de l’amendement CL13 de votre Rapporteur.
Il modifie l’article 36 de la loi organique du 29 mars 2011 qui prévoit la présentation annuelle au Président de la République et au Parlement :
– d’un rapport sur l’activité du Défenseur des droits ;
– d’un rapport sur les droits de l’enfant à l’occasion de la journée internationale des droits de l’enfant.
Le présent article prévoit la rédaction d’un nouveau rapport consacré au fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte ([129]). Ce rapport sera élaboré à partir de sa propre activité, mais aussi des informations qui lui seront transmises par les autorités compétentes pour traiter et recueillir les signalements. Un amendement précisant l’obligation, pour les autorités externes de transmettre ces informations a été adopté à l’article 3 de la proposition de loi ordinaire ([130]).
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Première réunion du mercredi 10 novembre (10 heures 50)
Lien vidéo : http://assnat.fr/lACjNH
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous sommes saisis de la proposition visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte et de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, dont le rapporteur est Sylvain Waserman.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Ces textes ont de multiples sources d’inspiration.
La première est le rapport de droit comparé que j’ai publié voilà trois ans pour l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (APCE) en vue de faire évoluer les droits nationaux.
La deuxième est la directive du Parlement européen et du Conseil de l’Union européenne sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union du 23 octobre 2019. Même si la directive contient des avancées majeures, son champ est très restrictif, contrairement à celui de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique. Cette loi, dite Sapin 2, va toutefois moins en profondeur. L’objet de ces propositions de loi est de trouver un chemin de crête.
Je me suis aussi inspiré des travaux parlementaires : le rapport de Raphaël Gauvain et Olivier Marleix sur l’évaluation de la loi Sapin 2, ainsi que la proposition de loi d’Ugo Bernalicis, qui avait été examinée par la commission des Lois l’année dernière.
Enfin, nous avons réalisé de nombreuses auditions, auxquelles plusieurs d’entre vous ont assisté.
L’enjeu a été de tenir compte de ces sources ainsi que de l’avis du Conseil d’État, exercice très intéressant tant il est rare qu’une proposition de loi transpose une directive. Conformément à l’esprit de celle-ci, nous faisons preuve d’ambition, en étendant son champ d’application.
Nous avons également beaucoup travaillé avec le ministère de la Justice sur les aspects très juridiques, notamment sur les réponses à apporter aux procédures bâillons.
M. Raphaël Gauvain. La transposition de la directive européenne sur les lanceurs d’alerte est l’occasion de renforcer notre arsenal juridique et d’améliorer le statut des lanceurs d’alerte, tel qu’il résulte de la loi Sapin 2.
Il faut saluer le travail accompli par la précédente majorité sur ce sujet, puisqu’auparavant n’existaient que des régimes de protection éparpillés ; certaines entreprises, sous la pression de législations étrangères, avaient mis en place des plateformes de recueil des alertes, mais sans garanties spécifiques de confidentialité ou de protection contre les représailles. Ces dispositifs étaient peu lisibles et n’incitaient pas aux révélations.
Il s’agissait à la fois de reconnaître le rôle des lanceurs d’alerte, de les accompagner et d’interdire les représailles à leur encontre tout en encadrant les révélations. La loi Sapin 2 a créé un statut du lanceur d’alerte, comportant des droits – accompagnement juridique, protection contre les représailles – mais aussi des devoirs – protection de la vie privée des personnes mises en cause et encadrement des canaux de révélation. Ce faisant, la France s’est hissée, sur cette question, au niveau des standards les plus élevés.
Olivier Marleix et moi avons conduit une mission d’évaluation de la loi Sapin 2. Le premier bilan est nuancé puisque le dispositif a été peu utilisé : il demeure complexe et expose les lanceurs d’alerte à un risque juridique et financier considérable. En outre, les moyens consacrés au recueil et au traitement des alertes sont insuffisants, tout comme l’accompagnement des auteurs des signalements.
Il est paradoxal que la loi incite les lanceurs d’alerte à effectuer des signalements alors qu’en pratique, elle ne les protège pas efficacement : en effet, la protection juridique est soumise à des critères exigeants, comme ceux du désintéressement et du passage prioritaire par le canal interne. Sans soutien des pouvoirs publics, les lanceurs d’alerte craignent de s’exposer.
Les propositions que nous avons formulées dans le cadre de cette évaluation ont été reprises par Sylvain Waserman. Il semble notamment utile de réviser, dans la droite ligne de la directive, les critères de recevabilité des alertes. Le critère du désintéressement, trop flou, fragilise les signalements et doit être amélioré. Les modalités de signalement doivent être simplifiées en permettant dès le début la saisine des autorités administratives ou judiciaires dans des conditions garantissant l’anonymat et la confidentialité des informations.
Il faut dans le même temps que les entreprises se saisissent davantage du dispositif qui était pensé pour prévenir les atteintes à leur réputation.
Enfin, en vue d’améliorer l’accompagnement des lanceurs d’alerte, il convient de formaliser leur soutien par le juge à l’occasion d’une procédure incidente afin de faciliter leurs démarches en cas de représailles ou de procédures bâillons. C’est un élément essentiel de la protection effective des auteurs de signalement, lorsque l’acharnement judiciaire les conduit à supporter des frais d’avocat et de justice importants et qu’ils se voient menacés de lourdes sanctions financières.
M. Olivier Marleix. La proposition de loi va effectivement au-delà de la simple transposition de la directive du 23 octobre 2019.
Si la loi Sapin 2 a eu le mérite de se pencher sur la question des lanceurs d’alerte, elle était porteuse d’ambiguïtés, donnant le sentiment d’une reconnaissance des auteurs de signalement sans que toutes les précautions nécessaires pour leur protection effective soient réunies.
La proposition a le grand mérite de mettre fin à ces ambiguïtés en apportant une réponse beaucoup plus claire. Elle supprime notamment le critère de désintéressement, sur le fondement duquel certains lanceurs d’alerte se sont vus privés du statut, au motif qu’ils avaient, par exemple, engagé une procédure auprès des prud’hommes. La suppression de la hiérarchisation des canaux, la possibilité de recourir directement à un canal externe, la possibilité de sanctionner pénalement ou civilement tout auteur de procédure d’entrave ou de procédure bâillon, la consécration du rôle du Défenseur des droits qui attestera de la qualité de lanceur d’alerte et de nouveaux moyens constituent des avancées importantes.
Si certaines notions devront être précisées au cours de nos débats, je me félicite de cette proposition de loi.
M. Philippe Latombe. Ces dernières années, les lanceurs d’alerte, dont le rôle a été renforcé par les réseaux sociaux, sont devenus des acteurs incontournables de la protection de nos libertés fondamentales. L’affaire des Facebook files et l’audition, aujourd’hui, de Mme Frances Haugen ont montré combien il était important de leur accorder une protection de niveau élevé.
Grâce à la loi Sapin 2, qui a fait du droit d’alerte une liberté fondamentale, la France a été en pointe sur cette question. Il est toutefois indispensable d’assurer une remise à niveau de notre droit, au nom de la transparence et de la préservation des droits et des libertés. Je félicite Sylvain Waserman pour le travail de fond remarquable qu’il a effectué : les deux PPL visent à créer un cadre juridique clair et cohérent qui permettra de nouveau à la France d’être à la hauteur des enjeux liés à la protection du droit d’alerte.
Le premier texte permet notamment de transposer la directive du 23 octobre 2019, une avancée indéniable. Le Conseil d’État estime que les dispositions envisagées permettent d’atteindre un niveau de protection des lanceurs d’alerte conforme aux exigences de la directive, alors que le droit en vigueur ne le permet pas.
Mais le texte a le mérite de donner une définition des lanceurs d’alerte plus étendue, mieux adaptée aux réalités et aux enjeux de leur protection – notamment parce qu’elle supprime la notion ambiguë de « désintéressement » – et plus précise lorsqu’il s’agit de dénoncer certaines violations du droit.
La proposition de loi clarifie également le fonctionnement des canaux internes et externes de signalement, dont le choix est libre, et comporte des exigences en matière de délai vis-à-vis du lanceur d’alerte, qui seront formalisées par décret : sept jours pour accuser réception du signalement, et trois à six mois pour le traiter.
Elle renforce aussi la protection des lanceurs d’alerte en prévoyant des sanctions pénales et civiles contre ceux qui divulguent leur identité, visent à étouffer leur signalement ou à les ensevelir sous des procédures abusives, dites bâillons.
Enfin, elle organise la reconnaissance et une meilleure protection de ceux qui accompagnent le lanceur d’alerte et jouent un rôle actif dans le signalement.
La proposition de loi organique vise quant à elle à préciser le rôle du Défenseur des droits vis-à-vis des lanceurs d’alerte, en soulignant sa mission d’information et d’orientation.
Le groupe Démocrates soutiendra les amendements du rapporteur, qui visent à clarifier les canaux de signalement, à renforcer les garanties apportées aux lanceurs d’alerte, à préciser, en conformité avec la directive, les termes employés, et à renforcer la protection des données personnelles. Leur adoption permettra de répondre aux recommandations du Conseil d’État et de conforter la solidité juridique des textes – il s’agit notamment de retirer de la proposition de loi organique les dispositions qui permettent au Défenseur des droits de traiter lui-même une alerte.
Le groupe Mouvement Démocrate (MoDem) et Démocrates apparentés n’a pas souhaité déposer d’amendements sur ces textes qui lui paraissent équilibrés et nécessaires pour consolider nos libertés fondamentales.
Mme Marie-George Buffet. La proposition de loi ordinaire transpose la directive européenne adoptée en 2019 en proposant des mesures plus larges. Avec son adoption, nous obtiendrons un cadre législatif réellement protecteur des lanceurs d’alerte.
Ceux-ci sont devenus des acteurs majeurs de notre démocratie. Comme on l’a vu dans certaines affaires, notamment en matière de protection de la santé, des hommes et des femmes ont eu le courage de se lever, de faire face aux firmes pharmaceutiques et de tenir bon en dépit de toutes les pressions exercées à leur encontre.
Si les avancées de ce texte doivent être soulignées, je me dois d’insister sur la protection des personnes morales. Je pense notamment aux associations, qui peuvent à la fois accompagner le lanceur d’alerte et jouer elles-mêmes ce rôle de signalement, non sans risque – certaines ont perdu leurs subventions. Nous présenterons des amendements visant à organiser leur protection.
Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera en faveur de ces propositions de loi qui constituent une avancée réelle.
M. Dominique Potier. J’ai été rapporteur de la loi Sapin 2 ainsi que de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre. C’est à ce titre que je prends la parole dans cette commission.
Je salue, cher collègue Sylvain Waserman, une méthode qui a associé tous les groupes politiques, s’est appuyée sur une histoire législative riche et a organisé un débat clair : elle constitue une leçon en matière de démocratie et de travail parlementaire, dont nous devrions nous inspirer en d’autres occasions. Le même état d’esprit avait présidé aux travaux sur la loi Sapin 2, dont le champ était très vaste ; il avait permis une adoption du texte à la quasi-unanimité.
La loi Sapin 2 a permis à la France de rattraper son retard en matière de transparence économique et d’être en pointe sur les lanceurs d’alerte, la transparence de la vie publique et la lutte contre la corruption. Dans ce dernier domaine, l’Union européenne accuse un certain retard et la présidence française du Conseil de l’Union européenne pourrait être l’occasion de plaider en faveur d’une directive qui hisse les États membres à la hauteur de ce que nous avons su engager.
La loi Sapin 2 – je le précise à l’attention des collègues qui n’étaient pas encore députés – a été fondatrice, bien que peu reconnue médiatiquement : elle a posé les bases de ce qui allait être précisé et approfondi par les lois PACTE et EGALIM.
Les quelques divergences du groupe Socialistes et apparentés s’exprimeront au travers d’une trentaine d’amendements, qui concernent essentiellement la place des personnes morales et la prise en charge matérielle des lanceurs d’alerte. Ce sont des points sur lesquels nous nous interrogeons et au sujet desquels nous souhaiterions débattre, mais sur le fond, nous défendons les mêmes valeurs : c’est donc sans surprise que je vous annonce que le groupe socialistes et apparentés apporte son soutien à ces propositions de loi.
Je veux saluer ici Antoine Deltour, à l’origine de l’affaire du Luxembourg, et Frances Haugen, que nous venons d’entendre. « Sans le courage, le peuple reste sans lieu », a écrit Cynthia Fleury ; le courage de ces individus, leur éthique, leur indignation donnent tout son sens à l’État de droit et consolident la démocratie. C’est un cercle vertueux : si nous sommes réunis, c’est pour les protéger et leur permettre de continuer à jouer leur rôle.
On a l’habitude de penser que des multinationales, au nom du profit, peuvent briser des vies ; on a découvert ces derniers mois que des institutions, a priori orientées vers le bien, pouvaient produire des monstruosités. Le devoir de vigilance doit s’imposer en leur sein, les lanceurs d’alerte sont la corde de rappel.
Alors que l’Europe est cernée par des puissances qui sont tout sauf des démocraties, voire des dictatures méprisant les droits humains, alors qu’elle renferme en son sein des nations aux visées illibérales, alors que certaines puissances financières pèsent davantage que les nations, la France doit défendre sa vision d’une démocratie moderne, éclairée et porteuse de valeurs universelles.
Le Gouvernement a annoncé hier une stratégie nationale d’accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage moderne. Il faudra pour cela des lanceurs d’alerte, qui exerceront ce devoir de vigilance dont nous espérons qu’il fera un jour l’objet d’une directive européenne.
Mme Alexandra Louis. On a rarement l’occasion de parler ici du Conseil de l’Europe. Sylvain Waserman démontre la vitalité de cette belle institution, puisqu’il a publié un rapport pour l’APCE, dans le cadre de la commission des questions juridiques et des droits de l’homme – où j’ai l’honneur de siéger – sur les lanceurs d’alerte, dont il s’est inspiré pour rédiger ces propositions de loi. Nous l’avons rappelé avec force à l’APCE, les lanceurs d’alerte jouent un rôle essentiel dans toute démocratie ouverte et transparente.
La proposition de loi organique vise à renforcer le rôle du Défenseur des droits : il est logique que cette institution essentielle pour la protection des libertés devienne la boussole des personnes qui souhaitent effectuer un signalement.
Comme l’a rappelé Virginie Rozière, rapporteure de la directive de 2019, il convient de ne pas se limiter au texte et d’aller au-delà d’une simple retranscription. Ainsi, la proposition de loi prévoit une protection juridique accrue du lanceur d’alerte, une meilleure définition des canaux de signalement et un renforcement des sanctions contre les représailles.
La proposition de loi contient des avancées majeures. Le critère de désintéressement, source de nombreuses ambiguïtés, a fait l’objet de discussions lors des auditions : des universitaires le jugeaient trop vaste, tandis que des chefs d’entreprise plaidaient pour son maintien. Le choix du rapporteur – supprimer cette notion tout en écartant les contreparties directes – paraît le plus judicieux.
La protection des personnes physiques et morales en lien avec le lanceur d’alerte est une avancée considérable car les auteurs de signalement sont souvent accompagnés dans leurs démarches par des collègues, des associations ou des syndicats. Or ces facilitateurs peuvent aussi faire l’objet de représailles, comme les organisations non gouvernementales (ONG) Anticor, Sherpa, Greenpeace ont pu en témoigner lors de leur audition.
La procédure de signalement issue de la loi Sapin 2 était divisée en trois étapes : l’alerte interne, l’alerte externe et la divulgation publique. Ce dispositif était trop complexe, voire décourageant pour le citoyen. Le texte prévoit de supprimer l’obligation d’alerter en interne et précise les possibilités de divulgation publique. Le lanceur d’alerte pourra directement effectuer son signalement auprès de l’autorité compétente, ou du Défenseur des droits, dont le rôle a été renforcé. Le choix d’une définition plus ouverte et accessible a été salué lors des auditions. Par ailleurs, ce schéma incitera les organisations à élever le niveau de leurs procédures internes, afin que les lanceurs d’alerte privilégient d’eux-mêmes ce canal.
La meilleure protection des lanceurs d’alertes contre les représailles est un autre apport majeur de la proposition de loi : en matière pénale, le lanceur d’alerte disposera d’une protection pour l’ensemble des poursuites dont il peut faire l’objet, y compris celles pour vol d’information ; sur le plan civil, sa responsabilité civile ne pourra être engagée dès lors que le signalement était nécessaire à la sauvegarde des intérêts de la personne mise en cause. Par ailleurs, le juge pourra allouer, à bref délai, une provision pour frais d’instance au lanceur d’alerte faisant l’objet d’une procédure bâillon ou qui conteste une mesure de représailles. L’idée d’une intervention du Défenseur des droits ou d’un juge avec référé a été saluée.
Enfin, les autorités externes devront mettre en place des mesures de soutien psychologique. C’est un droit nouveau et important tant est grand l’engagement personnel des lanceurs d’alerte.
M. Philippe Dunoyer. Transposer une directive n’est pas un exercice simple ; le rapporteur l’a réussi.
Il fallait renforcer la protection des lanceurs d’alerte, encore insuffisamment considérés. Si la loi Sapin 2 avait constitué une avancée majeure en créant le cadre actuel, il n’était pas inutile d’y revenir.
Il semblait contre-intuitif d’exiger que le lanceur d’alerte commence par dénoncer, par la voie interne, le comportement de l’entreprise. La non-hiérarchisation des canaux et la possibilité de choisir entre signalement interne ou externe est une liberté nécessaire. La liste des procédures bâillons interdites est utile et permettra aux juges de disposer d’un arsenal face aux tentatives de musellement.
Les lanceurs d’alerte sont un peu les résistants des temps modernes, ils ont le courage de dénoncer. Quelle que soit l’importance de leur signalement, nous devons être à leurs côtés.
Le groupe UDI et indépendants n’a pas déposé d’amendements mais certains points nécessitent selon nous une explication : pourquoi le Défenseur des droits, autorité administrative indépendante, ne peut-il pas être considéré comme l’interlocuteur unique, ou pivot, des lanceurs d’alerte, dans un objectif de simplification des démarches ? Comment faire pour que le supérieur hiérarchique d’un lanceur d’alerte puisse prendre son indépendance vis-à-vis de son propre supérieur ? La démarche est prévue, mais il faut rester prudent, car comme le montre l’exemple de Frances Haugen, plus les entreprises sont importantes, plus la pression est forte. D’où proviendra l’aide financière – fonds spécifique ou crédits budgétaires – et quels frais est-elle censée couvrir ?
Monsieur le rapporteur, le groupe UDI et Indépendants soutient votre démarche et votera ces propositions de loi.
M. Jean-Félix Acquaviva. La définition du lanceur d’alerte retenue dans le droit français est particulièrement large et la France dispose d’une des meilleures protections en la matière. Cette proposition de loi, que nous saluons, autant sur la méthode que sur le fond, transpose une directive européenne et permet d’accroître encore la protection des auteurs de signalement.
Elle prévoit que toute personne qui révèle une violation du droit ou une menace pour l’intérêt général, quel que soit son secteur d’activité, entre dans la catégorie de lanceur d’alerte. Cette définition recouvre toutes les situations, et non uniquement celles liées au cadre de travail.
Le texte comporte plusieurs avancées salutaires. Il élargit la protection aux personnes qui aident les lanceurs d’alerte, appelées « facilitateurs » – le plus souvent des organisations non gouvernementales. Il clarifie le recours aux autorités compétentes pour recevoir et traiter les alertes. Le choix du Défenseur des droits comme point de recueil des signalements nous paraît particulièrement pertinent, puisqu’il renforce le rôle et l’utilité de cette institution au sein de notre démocratie. La PPL donne une liste élargie des mesures de représailles prohibées à l’encontre des lanceurs d’alerte et renforce les dispositions pour protéger les auteurs de signalements et ceux qui les aident.
Toutefois, le texte aurait pu aller encore plus loin et plusieurs associations, tout en en saluant le contenu, proposent de le compléter. Ainsi serait-il logique d’intégrer à la définition des lanceurs d’alerte les personnes morales à but non lucratif, comme les ONG. De nombreux lanceurs d’alerte souhaitant rester anonymes, les ONG peuvent relayer leur alerte. Il serait donc logique qu’elles bénéficient d’un niveau de protection identique.
Certains de nos amendements visent à renforcer le statut de la Commission nationale de la déontologie et des alertes en matière de santé publique et d’environnement (CNDASPE). Instituée en 2013, elle est devenue un acteur majeur de l’alerte environnementale mais ne détient pas de prérogative légale en la matière, ce qui fragilise son statut.
Nous souhaitons également mieux protéger les sources des lanceurs d’alerte. Nous proposerons des amendements visant à assurer aux personnes morales facilitatrices d’alerte la protection du secret de leurs sources.
En outre, comment cette loi s’articulera-t-elle avec la loi du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires ? Cette dernière a été dénoncée car elle affaiblit la présomption de bonne foi du lanceur d’alerte devant la justice.
Ces amendements ont pour seul objectif d’enrichir le texte ; notre regard restera bienveillant tout au long des débats.
M. Ugo Bernalicis. Je félicite le rapporteur pour son travail. L’enjeu n’était pas de transposer a minima la directive et c’est bien la raison pour laquelle le groupe La France insoumise a lui aussi déposé une proposition de loi.
Ce texte permettra de résoudre certains problèmes, dont le plus important est la hiérarchisation des canaux de signalement – et ce, grâce à la directive, il faut le dire. Tous les lanceurs d’alerte auditionnés ont expliqué que devoir prévenir l’entreprise au préalable pour bénéficier du statut était un obstacle, puisque, dans l’immense majorité des cas, c’est la hiérarchie qui pose problème. Le rapport d’information d’Olivier Marleix et de Raphaël Gauvain nous a appris, en outre, que les canaux de signalement internes, prévus par la loi Sapin 2, sont soit défaillants, soit inexistants.
Il ne s’agit pas d’adopter le plus beau texte, mais de faire en sorte qu’il soit effectif et que les lanceurs d’alerte soient réellement protégés. En l’état du droit, le statut de lanceur d’alerte, même reconnu par jugement, ne donne droit à rien : pas de soutien psychologique, pas de secours financier – cela avait été censuré par le Conseil constitutionnel, sans solution de repli. Il ne faut pas décevoir à nouveau les lanceurs d’alerte, comme ils ont pu l’être dans leur parcours personnel et individuel.
Nos propositions iront un peu plus loin que ce que prévoit votre dispositif, mais il est surtout fondamental que nous aboutissions à une solution fonctionnelle, et constitutionnelle, concernant le secours financier.
Je suis heureux que vous ayez repris la proposition de soutien psychologique, qui figurait dans notre texte. Frances Haugen en a souligné l’importance lors de son audition. Nous proposerons un amendement visant à élargir l’accompagnement psychologique aux personnes qui ont lancé une alerte de bonne foi, même s’il s’avère qu’il ne s’agit pas d’une alerte au sens de la loi. Car elles aussi sont en souffrance : j’ai reçu des témoignages qui en attestent et le Défenseur des droits, souvent placé dans cette situation, ne peut rien faire.
La création, en 2013, de la CNDASPE, a été la première pierre législative, avant même la loi Sapin 2. Si la commission n’accompagne pas les lanceurs d’alerte en tant que tels – même si, par la force des choses, elle le fait –, elle est chargée de traiter l’alerte. Il ne faut pas oublier cet aspect de l’équation.
Nous voterons bien entendu pour la proposition de loi, tout en plaidant pour que les améliorations que nous proposons soient adoptées.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cette proposition est la nôtre, car elle s’est nourrie de divers travaux parlementaires. Le Conseil d’État a d’ailleurs salué l’appropriation, par tous, de ce sujet, au travers de la transposition d’une directive. Les échanges que j’ai avec le Gouvernement sont fort nombreux et le texte a bénéficié de l’expertise du ministère sur les points les plus ardus.
TITRE IER
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Article 1er (article 6 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Définition des lanceurs d’alerte
Amendement CL77 de M. Ugo Bernalicis, amendements identiques CL58 de M. Dominique Potier et CL72 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune)
M. Ugo Bernalicis. Il s’agit de reconnaître la qualité de lanceur d’alerte aux personnes morales. La proposition de loi prend déjà en compte le rôle des facilitateurs, qui sont souvent des personnes morales accompagnant les lanceurs d’alerte et bénéficiant, à ce titre, de protections.
Si ce qui nous intéresse est autant l’alerte que le lanceur d’alerte, il serait utile de reconnaître la qualité de lanceur d’alerte aux personnes morales, et non uniquement celle de facilitateur. Ainsi une personne morale pourrait-elle lancer l’alerte à la place du lanceur d’alerte, afin que l’alerte vive, sans risque de représailles pour le lanceur d’alerte personne physique.
Mme Cécile Untermaier. Nous avons déposé notre amendement dans le même esprit. Bien sûr, le rapporteur a raison, la première des urgences, et l’objectif de la directive, c’est de protéger des personnes physiques manifestement en danger. Mais si l’association peut être un facilitateur, elle ne peut être lanceur d’alerte et protéger, par ce biais, la personne physique – ce qui est l’objectif que vous recherchez et que vise la directive – tout en bénéficiant de la protection due au lanceur d’alerte ?
M. Jean-Félix Acquaviva. Comme mes collègues, et sur la proposition de nombreuses associations, notamment la Maison des lanceurs d’alerte (MLA), nous souhaitons que les personnes morales puissent bénéficier des protections attribuées aux lanceurs d’alerte.
Les associations régies par la loi de 1901 jouent un rôle essentiel dans le processus d’alerte, en relayant celles des lanceurs. La directive européenne du 23 octobre 2019 étend le statut de lanceur d’alerte à d’autres acteurs de l’alerte, en particulier les facilitateurs. La proposition de loi transpose cette évolution en créant une immunité pénale élargie pour les lanceurs d’alerte, et en protégeant les personnes morales facilitatrices. Toutefois, cette protection ne s’étend qu’aux personnes morales offrant une assistance juridique aux lanceurs d’alerte, et non à celles qui permettent aux lanceurs d’alerte de rester anonymes en relayant pour leur compte une alerte.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le sujet est fondamental. Je vais donc tenter de vous convaincre. Il y a trois ans, au cours de mes premiers travaux pour le Conseil de l’Europe, je pensais qu’il était judicieux d’inclure les personnes morales dans la législation protégeant les lanceurs d’alerte.
Cette proposition de loi vise avant tout à protéger les femmes et les hommes dont la vie peut être broyée parce qu’ils lancent une alerte.
Il ne s’agit pas, ici, de traiter des droits des syndicats ou des associations, qui disposent de protections constitutionnelles. J’avais d’ailleurs été mis en garde par les services juridiques du Conseil de l’Europe qui s’inquiétaient que, dans certains pays, cela ne réduise les protections déjà accordées à ces organisations.
Au sein de ces dernières, il y a deux écoles de pensée. Nous avons beaucoup travaillé avec la MLA, Transparency International, les syndicats, mais aussi les représentants du patronat, que nous avons auditionnés. Certains souhaitent que les personnes morales soient à la fois facilitateurs et lanceurs, d’autres préfèrent que les personnes morales soient totalement exclues du dispositif.
C’est probablement mon côté centriste, mais j’avance sur une ligne de crête. Le choix demeure audacieux, puisque nous protégeons les lanceurs d’alerte personnes physiques, tout en créant le statut de facilitateur pour les personnes morales, avec une possibilité d’extension des protections. En adoptant de telles dispositions, nous serions le premier pays européen à nous engager dans cette voie – d’autres le feront peut-être après nous, en transposant la directive.
Vous vous êtes fait l’écho, à juste titre, de demandes du monde associatif et syndical. Je ne nie pas qu’ils rencontrent des difficultés, mais je n’ai jamais vu une personne morale dont la vie était broyée, ni se faire licencier, ou avoir besoin d’un soutien psychologique.
Mme Cécile Untermaier. Cela ne change rien à notre appréciation positive sur cette proposition de loi, mais nous pensons qu’il serait important de consacrer un autre texte aux personnes morales.
Nous ne nous faisons pas l’écho des associations, même si nous avons travaillé avec elle, mais nous avons la conviction que certains lanceurs d’alerte ont besoin de pouvoir s’appuyer sur une association. Tout le monde n’est pas Frances Haugen ! Il faut protéger les lanceurs d’alerte qui font appel à une association ; or le texte ne le prévoit pas. Peut-être la solution est-elle à chercher du côté de la protection des sources ? Nous avons déposé un amendement en ce sens.
M. Ugo Bernalicis. Nous sommes tous d’accord pour dire que la priorité absolue est de protéger les personnes physiques. Mais, d’un point de vue démocratique et collectif, ce qui nous intéresse aussi, en tant que parlementaires, ce sont les alertes en tant que telles. Ce n’est pas seulement le parcours de Mme Frances Haugen qui nous interpelle, ce sont aussi les pratiques d’un réseau social. Inscrire les personnes morales dans ce texte, ce serait une manière de favoriser les alertes, dans l’intérêt général.
Le texte fait un peu l’impasse sur le traitement de l’alerte, il ne prévoit rien pour la caractériser en tant que telle ; cela ne me surprend pas, puisque j’ai moi-même buté sur cette question. J’avais suggéré, dans ma proposition de loi organique, de créer un organe rattaché au Défenseur des droits, sur le modèle de la CNDASPE, qui aurait eu pour mission d’aider les lanceurs d’alerte à caractériser leur alerte et de la transmettre aux autorités compétentes. La personne morale aurait eu toute sa place dans ce dispositif.
Vous avez fait un autre choix, mais il me semble qu’on gagnerait tout de même à introduire les personnes morales, pour les alertes en tant que telles.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Que les choses soient claires : cette proposition n’empêche pas les personnes morales de révéler quoi que ce soit. L’objectif premier du texte est de protéger les personnes physiques, celles dont la vie pourrait être mise en péril. Cela n’interdit pas qu’un syndicat lance une alerte ; s’il le fait, il sera protégé par le droit des associations.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL44 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de préciser que la divulgation des informations peut se faire par écrit ou par oral, comme le prévoit l’article 5 de la directive. Nous estimons que la loi doit être claire sur ce point.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Votre amendement est pleinement satisfait. La directive est très claire et je ne crois pas utile de préciser ce point dans la loi. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis. Quand les lanceurs d’alerte ne savent pas comment faire et se trouvent un peu perdus, ils se reportent aux textes de loi qu’ils trouvent sur internet – c’est ce qu’a expliqué Frances Haugen et c’est ce que nous ont dit les personnes auditionnées. C’est dans cet esprit que j’avais proposé la création d’un code du lanceur d’alerte.
J’entends bien que l’amendement est satisfait, mais il serait tout de même important qu’un document législatif rassemble ces informations, de façon claire et accessible à tous. On pourrait se permettre d’être un peu bavards dans cette loi, parce qu’elle sera consultée par les intéressés.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je suis justement en train de préparer un document de synthèse sur ce texte, que je compléterai au terme de son examen. Cela me paraît nécessaire, dans la mesure où il renvoie à la fois à la loi Sapin 2 et à la directive européenne. Ce document, qui traduira le travail du Parlement, n’aura pas de valeur juridique, mais il explicitera la loi et garantira sa lisibilité.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL45 de Mme Cécile Untermaier et CL1 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune).
Mme Cécile Untermaier. L’une des caractéristiques du lanceur d’alerte est qu’il ne reçoit aucune « contrepartie financière directe ». On pourrait se passer de cette précision, car évoquer une possible contrepartie financière, c’est déjà faire peser un soupçon sur le lanceur d’alerte. Du reste, il peut y avoir des contreparties financières directes sans que cela soit forcément répréhensible.
Mme Marie-France Lorho. Cet amendement vise à préciser que le lanceur d’alerte ne reçoit aucune contrepartie financière, qu’elle soit directe ou indirecte. En indiquant que le lanceur d’alerte ne bénéficie d’aucune « contrepartie financière directe », la définition actuelle ouvre, de facto, la possibilité d’une contrepartie indirecte, dont un tiers, lié au lanceur d’alerte, pourrait par exemple bénéficier.
L’article 6 de la loi Sapin 2 donnait à mon sens une meilleure définition que celle proposée ici : le lanceur d’alerte était « la personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit ». Si je conçois qu’il faille préciser la définition du lanceur d’alerte, il me semble préférable de souligner que sa mission suppose un désintéressement total.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. La notion de « désintéressement » ne convient pas. Si l’on est en froid avec son entreprise, si l’on a reçu un blâme quelques années plus tôt, on n’est plus désintéressé : on peut être soupçonné de vouloir nuire à son entreprise.
Nous ne voulons pas non plus de chasseurs de prime, pour reprendre le titre d’un article des Échos à propos du modèle américain. Ce n’est pas notre modèle, ce n’est pas notre culture. Ce que nous voulons éviter, c’est qu’une entreprise A puisse payer l’employé d’une entreprise B pour qu’il lance une alerte. La rédaction que je vous propose me semble équilibrée. En tout cas, ce serait dévaloriser les lanceurs d’alerte que de penser qu’ils agissent en vue d’une prime, octroyée par je ne sais quel intérêt financier. Cela jetterait la suspicion et le discrédit sur leur démarche.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendements CL46 et CL47 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Il me semble que le simple fait d’évoquer une « contrepartie financière directe » fait naître un soupçon, alors même que ce texte vise à protéger les lanceurs d’alerte.
De même, plutôt que d’évoquer la bonne foi des lanceurs d’alerte, nous vous proposons de reprendre les termes de la directive, qui sont très clairs et qui précisent que le lanceur d’alerte est une personne qui a des motifs raisonnables de croire que les faits qu’elle signale sont véridiques, à la lumière des circonstances et des informations dont elle dispose au moment du signalement. L’amendement CL47 est un amendement de repli.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je comprends la logique de vos amendements, mais la notion de « bonne foi » a un sens précis en droit français, qui a été confirmé par la jurisprudence. Je tiens à la conserver dans ce texte et je propose d’en rester là. La directive, pour le reste, explique déjà clairement que les informations doivent s’appuyer sur des soupçons raisonnables. Avis défavorable.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL48 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Marietta Karamanli. Il s’agit d’élargir le champ d’application du signalement d’alerte aux soupçons raisonnables afin qu’il corresponde à celui de la directive européenne.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Pourquoi ne reprendre que partiellement la définition, en ne retenant que la notion de « soupçons raisonnables » ? Nous avons précisément modifié la définition proposée dans la loi Sapin 2 pour y introduire la notion d’ « informations » – au sens de la directive –, qui inclut celle de « soupçons raisonnables ».
M. Ugo Bernalicis. Nous nous sommes aussi creusé la tête sur cette question ! En effet, la notion d’« informations » recouvre les « soupçons raisonnables » ; reprendre les mots de la directive risquerait de restreindre le champ d’application du texte.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL18 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Afin d’élargir la définition du lanceur d’alerte, je propose de préciser que les informations peuvent porter sur un dysfonctionnement. Je prendrai un seul exemple, celui du magistrat Charles Prats, qui dénonce les fraudes fiscales et sociales auxquelles, selon lui, l’État n’accorde pas assez d’attention. On ne peut pas dire de ces fraudes qu’elles sont un crime commis par l’administration. Pourtant, Charles Prats se définit lui-même comme un lanceur d’alerte, et je crois que son action correspond assez bien à cette définition. Une enquête administrative a été ouverte contre lui pour le faire taire, car on le soupçonne d’avoir enfreint son devoir de réserve. Il a par ailleurs des fonctions syndicales et politiques, puisqu’il est secrétaire national de l’Union des démocrates et indépendants (UDI), et devrait pouvoir être dispensé de son devoir de réserve, dans son rôle de lanceur d’alerte.
Vous allez me dire que son cas entre dans le champ de cet article, puisqu’il y est question de « préjudice pour l’intérêt général », mais il me semble qu’en s’en tenant aux crimes et aux délits, on passe à côté d’un tas de dysfonctionnements, qui relèvent pourtant bel et bien de l’action du lanceur d’alerte.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il n’est pas question seulement de crimes et de délits dans le texte, mais aussi de menace et de préjudice pour l’intérêt général. Le terme « dysfonctionnement » peut recouvrir des réalités très différentes. Si un employé estime que l’entreprise dans laquelle il travaille n’est pas gérée de façon efficace, il s’agit peut-être d’un dysfonctionnement, mais le dénoncer ne fait pas de lui un lanceur d’alerte. Si, en revanche, un dysfonctionnement est clairement attentatoire à l’intérêt général, par exemple une fraude, alors on entre dans le champ du lanceur d’alerte. La notion de « dysfonctionnement » paraît donc trop imprécise.
Mme Emmanuelle Ménard. Si je retravaille mon amendement pour spécifier les dysfonctionnements préjudiciables à l’intérêt général, y serez-vous favorable ?
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je dirai que votre amendement est satisfait.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL78 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Je propose d’élargir le champ d’action des lanceurs d’alerte en ajoutant la notion de « risque en matière de santé publique et d’environnement ». Cet amendement nous a été inspiré par l’audition de Mme Marie-Christine Blandin. Celle-ci nous a rappelé qu’en matière de santé et d’environnement, il faut considérer le « risque », autrement dit ce qui pourrait arriver, plutôt que ce qui est arrivé. Or cet aspect n’est pas pris en compte dans votre définition du lanceur d’alerte, si bien qu’un lanceur d’alerte au titre de la CNDASPE pourrait ne pas rentrer dans la définition proposée par ce texte. Afin de n’oublier personne et d’avoir un régime unifié, nous proposons d’ajouter cette précision.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Votre amendement est satisfait. Les questions de santé publique et d’environnement relèvent clairement de l’intérêt général et rentrent donc bien dans le champ d’application du texte. Pourquoi ne faudrait-il retenir que ces deux thèmes et pas, par exemple, la fraude fiscale ?
Le texte évoque une « menace » et vous parlez, quant à vous, de risque. Le terme « menace », parce qu’il renvoie à quelque chose de plus imminent et de plus ciblé, est plus opérant en droit. Le mot « risque », qui peut renvoyer à une infinité de phénomènes, est vraiment trop large.
M. Ugo Bernalicis. « Risque » et « menace » ne sont effectivement pas synonymes et je n’ai pas choisi ce mot au hasard : je l’ai fait, précisément, pour couvrir ce qui pourrait arriver, et pas seulement ce qui est arrivé. Et si je n’ai retenu que la santé publique et l’environnement, c’est parce que c’est dans ces domaines que le principe de précaution s’applique. Je ne suis pas favorable à l’application du principe de précaution « en général » : on sait les dérives que cela peut causer. En revanche, en matière sanitaire et environnementale, ce risque est déjà circonscrit par la CNDASPE.
Ceux qui fauchaient des champs d’organismes génétiquement modifiés (OGM) n’auraient pas pu être considérés comme des lanceurs d’alerte, parce qu’ils se battaient contre un risque potentiel. Il faut éviter que la CNDASPE soit la seule à lancer l’alerte dans les domaines de la santé publique et de l’environnement. Elle ne pourrait même pas apporter sa protection aux personnes qui, alertant sur des risques environnementaux, ne seraient pas considérées comme des lanceurs d’alerte dans votre loi.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL49 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. L’amendement tend à élargir le champ d’application du signalement d’alerte en y intégrant les informations sur des violations potentielles, et non seulement effectives, d’un engagement international ou d’une norme.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je vous renvoie à l’article 5 de la directive. Il dispose que l’on entend par « informations sur des violations », des informations, y compris des soupçons raisonnables, concernant des violations effectives ou potentielles, qui se sont produites ou sont très susceptibles de se produire. Votre amendement est satisfait.
Mme Cécile Untermaier. Certes, mais la concision de la définition pourrait empêcher certains signalements.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL22 de Mme Alexandra Louis.
Mme Alexandra Louis. Il s’agit de supprimer les termes superflus « dissimulation d’une » afin de clarifier la loi. Par hypothèse, une tentative de violation est toujours dissimulée car l’auteur ne cherche pas à faire connaître son geste.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le signalement de la tentative de dissimulation d’une violation est prévu par la directive : l’article 3 prévoit que les informations peuvent faire l’objet d’alertes portant non seulement sur la violation elle-même mais également sur la tentative de dissimulation de la violation. Votre amendement conduit à étendre le champ du dispositif aux tentatives de violation, ce qui n’est pas opportun. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL50 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Défendu.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement qui tend à supprimer, à l’alinéa 2, la dernière occurrence des mots « une violation » : il améliore la rédaction et permet de lever un doute.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL155 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’amendement tend à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Lorsque les informations n’ont pas été obtenues dans le cadre des activités professionnelles mentionnées au I de l’article 8, le lanceur d’alerte doit en avoir eu personnellement connaissance. »
Nous proposons de maintenir l’exigence d’une connaissance personnelle de l’information, actuellement prévue par la loi Sapin 2, pour le signalement ou la divulgation d’informations obtenues en dehors du cadre professionnel, afin de ne pas étendre la définition du lanceur d’alerte à toute personne qui se forgerait son opinion selon la rumeur ou par ouï-dire.
M. Ugo Bernalicis. Je suis plutôt favorable à cet amendement, mais j’aurais préféré que les personnes morales soient comprises dans le périmètre !
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL97 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Nous proposons de supprimer l’alinéa 3 car il ne faut pas exclure du champ les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical, le secret des délibérations judiciaires, le secret de l’enquête et de l’instruction ou du secret des relations entre un avocat et son client.
Cette liste est d’ailleurs plus longue que celle qui figure dans la loi Sapin 2 : le secret des délibérations judiciaires et le secret de l’enquête et de l’instruction ont été ajoutés.
Il peut arriver que des lanceurs d’alerte aient été informés d’un dysfonctionnement de l’institution judiciaire au cours d’une enquête ou d’une instruction. Et si vous instaurez des exceptions pour les situations faisant l’objet de dérogations prévues par la loi, il n’en existe pas pour le secret de l’enquête et de l’instruction – en dehors de la possibilité offerte par l’article 11 du code de procédure pénale au procureur de la République… mais on imagine mal un procureur devenir lanceur d’alerte !
Cependant, je suis attaché au respect de ces secrets. Aussi vous présenterai-je un amendement en séance publique pour qu’un lanceur d’alerte qui voudrait livrer une information couverte par le secret de l’enquête et de l’instruction puisse s’en ouvrir à un juge des libertés et de la détention, par exemple.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Si l’on adoptait votre amendement, la secrétaire d’un cabinet d’avocats qui tomberait sur une pièce à conviction en défaveur d’un client pourrait lancer une alerte. Il est essentiel que les secrets mentionnés soient protégés. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendements CL60 de M. Dominique Potier, CL23 de M. Philippe Latombe, CL130 du rapporteur et CL34 de Mme Alexandra Louis (discussion commune).
Mme Cécile Untermaier. L’amendement vise à supprimer les références au secret des délibérations judiciaires et au secret de l’enquête et de l’instruction.
M. Philippe Latombe. Je retire l’amendement au profit de celui du rapporteur, quitte à le présenter à nouveau en séance publique.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement, qui fait suite à une recommandation du Conseil d’État, tend à préciser que le secret de l’enquête et de l’instruction s’applique en matière pénale.
Mme Alexandra Louis. L’amendement tend à clarifier la définition du secret professionnel de l’avocat, qui est seul tenu à cette obligation, contrairement à son client. Par ailleurs, les correspondances entre avocats sont également couvertes par le secret.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le secret de l’enquête et de l’instruction est une notion très précise. Il ne couvre pas les actes délictueux : ainsi, le fait de révéler qu’on a été témoin de la destruction d’une pièce à conviction par un policier n’est pas une violation de ce secret.
Ce texte représente une avancée majeure par rapport à la loi Sapin 2, car il prévoit une exception pour les situations faisant l’objet de dérogations prévues par la loi. C’est un choix audacieux car à l’avenir, toute nouvelle dérogation ouvrira le champ aux lanceurs d’alerte.
Avis favorable à l’amendement de Mme Louis, défavorable aux deux autres.
M. Ugo Bernalicis. La précision est tautologique, une dérogation fait exception. Je ne propose pas de supprimer les secrets, monsieur le rapporteur, mais de protéger les lanceurs d’alerte contre les poursuites pour violation du secret. Si des documents sont couverts par le secret, comment l’auteur du signalement peut-il être reconnu comme lanceur d’alerte et protégé à ce titre ? C’est pourquoi je réfléchis à l’intervention d’un intermédiaire, par exemple le juge des libertés et de la détention.
Bien évidemment, je ne suis pas d’accord pour que la secrétaire d’un avocat puisse divulguer les pièces dont elle a connaissance. En revanche, le témoin de l’attitude déloyale d’un avocat à l’encontre de son client pourrait être autorisé à le faire savoir. Bref, il faudrait prévoir un régime plus sécurisant et intelligible pour les lanceurs d’alerte, et rappeler expressément les situations qui font l’objet de dérogations.
M. Olivier Marleix. Remarquons l’incohérence entre les deux textes actuellement en discussion au Parlement : cette proposition de loi, qui accorde une place importante au secret des relations entre un avocat et son client, et le texte issu de la commission mixte paritaire, pour la confiance dans l’institution judiciaire, qui bat en brèche ce secret professionnel. Je vous invite, madame la présidente, à trouver une solution qui pourrait s’inspirer de la proposition du Conseil national des barreaux.
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous y réfléchissons. Nous devons trouver l’équilibre entre la préservation du secret professionnel de l’avocat et la lutte contre certaines dérives comme le blanchiment ou la fraude fiscale internationale.
Mme Cécile Untermaier. Mentionner que les situations qui font l’objet de dérogations font exception permet de clarifier le droit, monsieur le rapporteur, mais n’ajoute rien : on ne va tout de même pas interdire aux lanceurs d’alerte ce que la loi autorise pour d’autres.
Ne soyons pas aussi frileux sur le secret de l’enquête et de l’instruction. Il est dévoyé en permanence, ce qui est un scandale, au point qu’on peut s’interroger sur son existence.
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Didier Paris a remis un rapport d’information sur le secret de l’enquête et de l’instruction et Élisabeth Guigou a été chargée d’une mission sur la présomption d’innocence.
La commission rejette l’amendement CL60.
L’amendement CL23 est retiré.
La commission adopte successivement les amendements CL130 et CL34.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL131 du rapporteur.
Amendements CL42 et CL43 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Il s’agit d’encadrer les exceptions et de prévoir qu’elles ne s’appliquent pas en cas de danger grave et imminent pour l’intérêt général. Rappelons que la « clause de non-régression » de la directive prévoit que la transposition ne doit pas conduire à baisser le niveau de protection déjà existant.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Vous aurez compris que l’avis est défavorable.
Ugo Bernalicis. Tel qu’il est rédigé, le texte empêchera de divulguer un fait couvert par le secret, même en présence d’un danger grave et imminent. Les personnes n’utiliseront donc pas les canaux et alerteront la presse de façon anonyme ! Je ne suis pas certain que cela soit l’objectif recherché.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement CL16 de Mme Emmanuelle Ménard.
Mme Emmanuelle Ménard. Il s’agit de préciser que les personnes physiques soumises à un devoir de réserve sont protégées au même titre que tous les lanceurs d’alerte.
Je fais toujours référence au cas de Charles Prats, ce magistrat auquel il est reproché d’avoir manqué à son devoir de réserve en dénonçant les insuffisances de l’administration dans la lutte contre la fraude fiscale et sociale. Le fait de refuser une protection aux fonctionnaires qui contreviennent à leur devoir de réserve restreint considérablement la portée de l’article.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Le devoir de réserve est une obligation de mesure dans l’expression d’une opinion, non de respect du secret professionnel. Exprimer une opinion et lancer une alerte relèvent de deux logiques différentes. Le devoir de réserve est un sujet à part entière mais il n’entre pas dans le périmètre de la proposition de loi.
Mme Emmanuelle Ménard. Si je m’en tiens à votre raisonnement, de deux choses l’une : soit l’administration se fourvoie en soumettant le magistrat à une enquête administrative pour violation du devoir de réserve et la procédure n’ira pas bien loin ; soit la définition du devoir de réserve est sujette à interprétation, et celle de l’administration n’est pas la nôtre.
M. Ugo Bernalicis. J’ai déposé un amendement similaire aux termes duquel le devoir de réserve ne peut être opposé à un lanceur d’alerte pour le priver de protection.
Le fait de s’abstenir d’émettre une opinion est l’une des définitions du devoir de réserve retenues par la jurisprudence, mais elle est loin d’être unique. Nombre de fonctionnaires se voient opposer dans des procédures disciplinaires la violation du devoir de réserve parce qu’ils ont divulgué des informations au public au sens de l’article 1er de la proposition de loi.
J’ai appris lors de mon année de formation à l’Institut régional d’administration de Lille les devoirs des fonctionnaires et les contradictions auxquelles ils sont confrontés : d’un côté, ils sont tenus d’informer le public en vertu de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; de l’autre, ils sont sous la menace d’une sanction s’ils communiquent des informations susceptibles de porter préjudice à l’administration ou à sa réputation. Le devoir de réserve est une source d’insécurité juridique, encore plus grande pour un lanceur d’alerte. Il faut donner des garanties en la matière pour éviter que les fonctionnaires continuent d’être mis en cause pour ce motif.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je ne nie pas que le devoir de réserve puisse poser des questions mais il ne m’appartient pas d’y répondre dans le cadre de la proposition de loi. Si le fonctionnaire divulgue des faits susceptibles de porter atteinte à l’intérêt général, il sera considéré comme un lanceur d’alerte. En revanche, s’il exprime une opinion ou s’il rompt son devoir de réserve, cela relève d’une autre logique. Ne mélangeons surtout pas les deux !
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL157, CL158 et CL159 du rapporteur.
Amendement CL160 du rapporteur
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement important fait encore l’objet de discussions avec le Gouvernement.
Il concerne l’articulation entre la procédure d’alerte de droit commun, et les procédures d’alerte spécifiques prévues par notre droit – devant l’Autorité des marchés financiers ou en matière de défense – et par la partie II de l’annexe de la directive.
Selon l’article 1er, si la procédure spécifique est aussi favorable au lanceur d’alerte que celle prévue par le droit commun, elle s’applique dans son intégralité. L’amendement vise à ajouter que, dans le cas contraire, le lanceur d’alerte bénéficie de la mesure la plus favorable des deux dispositifs. Depuis plusieurs semaines, les services du ministère de la Justice passent au crible l’ensemble des procédures spécifiques pour identifier celles qui peuvent poser problème. Ainsi, je ne tiens pas à mettre en péril l’alerte en matière de renseignement et de défense.
En attendant, je vous invite à adopter cet amendement, aux termes duquel les mesures les plus favorables à l’auteur du signalement s’appliqueraient, qu’elles soient prévues par la procédure de droit commun ou par la procédure spécifique.
Une fois les procédures spécifiques passées en revue, le Gouvernement estimera soit que l’amendement convient, soit qu’il faut le revoir car l’application de la clause la plus favorable pour chaque mesure est trop complexe. Nous serons fixés la semaine prochaine en séance.
Mme Cécile Untermaier. Je suis favorable à l’amendement. Certes, nul n’est censé ignorer la loi, mais comment le lanceur d’alerte saura-t-il quelle est la mesure la plus favorable ?
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Les procédures spécifiques sont en effet très complexes. Le travail du Gouvernement consiste à rehausser les mesures qu’elles comportent lorsque celles-ci sont moins favorables pour les rapprocher du droit commun.
M. Philippe Dunoyer. Il importe d’inscrire le principe de la clause la plus favorable car compte tenu de leur complexité, de leur nombre, de leur ancienneté et de leur relative inadéquation au monde moderne, les procédures spécifiques ont de grandes chances d’offrir une moindre protection aux lanceurs d’alerte, à rebours de notre objectif.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 1er modifié.
Article 2 (article 6-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Extension de la protection aux personnes physiques et morales qui sont en lien avec le lanceur d’alerte
Amendement CL2 de Mme Marie-France Lorho
Mme Marie-France Lorho. Je ne méconnais pas l’intention, elle est louable, mais les alinéas 3 et 4 sont approximatifs : quels seront les critères utilisés pour déterminer si les facilitateurs ont effectivement participé à favoriser la révélation ou le signalement par un lanceur d’alerte ? De quelle nature et de quel degré devront être les liens unissant un lanceur d’alerte et une personne physique ?
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je conviens du problème mais nous divergeons sur la solution, puisque vous proposez de supprimer les alinéas 3 et 4. J’ai déposé un amendement dont l’objet est de substituer à la formulation trop complexe « ayant participé à favoriser » les mots : « qui aide ». Je demande donc le retrait de cet amendement au profit de l’amendement CL133.
L’amendement est retiré.
Amendements CL132 du rapporteur et CL73 de M. Jean-Félix Acquaviva (discussion commune)
M. Jean-Félix Acquaviva. Il s’agit d’un amendement de cohérence avec celui visant à ajouter les personnes morales à but non lucratif à la définition des lanceurs d’alerte dans l’article 1er. Il a pour but de permettre aux facilitateurs de se substituer aux lanceurs d’alerte pour diffuser le signalement.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Mon amendement propose de restreindre le périmètre des personnes morales facilitatrices aux personnes morales de droit privé à but non lucratif. Les associations comme le MEDEF ont demandé d’une seule voix que la protection dont bénéficient les facilitateurs soit centrée sur ces personnes. Il ne s’agit pas de créer un modèle économique des facilitateurs, mais de reconnaître le rôle d’un syndicat ou d’une association.
La commission adopte l’amendement CL132 du rapporteur.
En conséquence, l’amendement CL73 tombe.
La commission adopte l’amendement CL133 du rapporteur.
Amendement CL59 de Mme Cécile Untermaier
Mme Cécile Untermaier. Il convient de préciser que le facilitateur peut se substituer au lanceur d’alerte pour diffuser cette révélation ou ce signalement.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable car cela revient à autoriser une personne morale à être lanceur d’alerte. C’est une manière habile de réintroduire un sujet sur lequel je me suis déjà prononcé.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL145, CL146 et CL147 du rapporteur.
Amendement CL134 du rapporteur
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination suggéré par le Conseil d’État.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CL86 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis. L’amendement vise à traiter des cas comme celui de Julian Assange. Le droit français devrait permettre d’accorder l’asile à une personne qui lance dans son pays une alerte répondant aux critères que nous avons définis.
Imaginons une entreprise sous-traitante de Facebook dont les pratiques en matière de données personnelles sont peu scrupuleuses. La personne qui lance l’alerte sans bénéficier dans son pays d’une protection à ce titre doit pouvoir obtenir l’asile en France.
Le droit donne la possibilité de le lui accorder, encore faut-il la volonté politique de l’utiliser. Notre pays s’honorerait de consacrer un droit d’asile pour les lanceurs d’alerte.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable. Un lanceur d’alerte qui est persécuté dans son pays peut demander l’asile, à condition d’être présent sur le sol français. On ne peut pas ouvrir ce droit à toutes les personnes de la planète.
En revanche, l’Europe a un rôle à jouer au nom des valeurs qu’elle défend. J’ai invité nos collègues européens à se saisir du sujet et à essayer de trouver une solution.
M. Ugo Bernalicis. Nos consulats et ambassades font partie du sol français. La personne qui vient y demander l’asile se trouve au bon endroit.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL88 de M. Ugo Bernalicis
M. Ugo Bernalicis. Lors des auditions, une lanceuse d’alerte a expliqué que malgré l’ouverture d’une enquête consécutive à son alerte, elle n’a pas pu se constituer partie civile. Il est étrange de n’accorder dans la procédure aucune place à la personne qui en est à l’origine, à moins d’une convocation par le juge ou d’une citation comme témoin.
L’amendement vise à combler cette lacune.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Si la définition du lanceur d’alerte était restreinte à la victime, celui-ci pourrait se voir reconnaître le statut de partie civile. Mais nous avons fait le choix d’une définition large – une personne qui assiste au déversement de kilos de mercure dans une rivière par exemple. Octroyer le statut de partie civile à un lanceur d’alerte qui n’a pas subi de préjudice dénaturerait cette notion.
Évidemment, si la personne est victime de représailles par exemple, elle peut demander à être partie civile, cela ne doit pas être systématique. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis. Je propose de donner le droit au lanceur d’alerte de venir expliquer ce qu’il s’est passé, même si on ne le lui demande pas. Ce dernier souhaite certainement aller au bout de sa démarche en prenant part à la procédure qu’il a contribué à ouvrir. J’assume cette conception maximaliste, qui consiste à traiter le lanceur d’alerte et l’alerte en tant que telle.
La commission rejette l’amendement.
Deuxième réunion du mercredi 10 novembre (14 heures 30)
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TITRE II
PROCÉDURES DE SIGNALEMENT
Article 3 (article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Procédures de signalement
Amendement CL79 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement tend à proposer une nouvelle rédaction de l’article 3 en reprenant l’article 8 de la proposition de loi que j’avais déposée dans le cadre de notre journée d’initiative parlementaire pour transposer la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 23 octobre 2019. Il fait notamment référence à l’inspection générale de la protection des lanceuses et lanceurs d’alerte, que nous prévoyions de créer. Selon nous, pour aller au bout de la logique, il faudrait doter le Défenseur des droits de la capacité de caractériser les signalements externes.
S’agissant de la procédure du signalement interne, l’amendement précise certains délais et éléments, dont le détail sera repris dans des amendements ultérieurs.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable. Dans la proposition de loi que vous reprenez, vous avez choisi d’autres solutions que nous. En particulier, l’inspection générale de la protection des lanceuses et des lanceurs d’alerte ne figure pas parmi nos choix.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL142 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il tend à créer un article « chapeau » afin de rendre plus lisible l’articulation des différents canaux de signalement – voie interne, voie externe et divulgation publique –, en renvoyant aux dispositions plus détaillées de l’article 8. Il s’agit de répondre à des demandes de clarification du Conseil d’État et de certains experts, comme Nicole-Marie Meyer, qui avait contribué à la directive. La nouvelle rédaction, dont le sens est identique, est plus claire et lisible pour les citoyens.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL109 et CL107 du rapporteur.
Amendement CL108 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Amendement de précision. On peut aussi choisir de saisir le dispositif de traitement des signalements internes, lorsqu’il existe, au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé de moins de 50 agents ou salariés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL51 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Dans certains domaines à risque, notamment l’environnement et la santé publique, il pourrait être souhaitable d’imposer l’organisation d’un canal interne. Mais il faudrait que ce soit la loi qui le prévoie, pas un décret. Mais l’amendement ne convenant pas, je le retire.
L’amendement est retiré.
Amendement CL62 de M. Dominique Potier.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Nous avons pris le parti d’aller plus loin que l’information prévue par le droit du travail, puisque nous allons jusqu’à la consultation des instances représentatives du personnel, qui doivent donner un avis – il y a donc bien ce dialogue nécessaire. Nous n’allons toutefois pas jusqu’à l’accord obligatoire, qui nécessite tout un dispositif. On fait donc plus que le minimum, sans aller jusqu’au maximum. Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis. Le texte ne parle que d’une information des instances de dialogue social.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Non, il s’agit bien d’une consultation.
M. Ugo Bernalicis. Je défendrai un amendement à ce sujet. Il ne faut pas se tromper : obliger l’instance à rendre un avis conforme pourrait être dangereux, y compris pour les organisations syndicales elles-mêmes. Sans avis conforme, il n’y aurait pas de canal de signalement interne. Ce n’est pas le but recherché.
La commission rejette l’amendement.
Elle adopte successivement les amendements CL114 et CL110, rédactionnels, et CL112, de précision, du rapporteur.
Amendement CL82 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. La consultation est préférable à l’information, encore faut-il qu’elle donne lieu à un avis de la part des organisations syndicales. Sans aller jusqu’à rendre celui-ci contraignant ou conforme, l’idée est d’obliger l’entreprise ou le service concerné à mettre le sujet à l’ordre du jour de son instance de dialogue social. D’où la proposition de substituer aux mots : « après consultation des instances de dialogue social », les mots : « en associant de manière étroite les instances de dialogue social dans l’élaboration et après avoir recueilli un avis simple ».
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Au sens du droit du travail, la consultation suppose l’expression d’un avis formel, quel qu’il soit – pas nécessairement conforme. Elle oblige les partenaires sociaux à réfléchir au sujet et à donner une réponse. Dans mes souvenirs, lorsque je consultais le comité d’entreprise (CE), j’avais bien besoin d’un avis.
M. Ugo Bernalicis. Il y a une nuance, me semble-t-il : on peut consulter des organisations syndicales sans pour autant passer par les organes de dialogue social, comme le comité social et économique. Mon souhait est qu’un avis puisse être rendu par les syndicats dans le cadre des discussions formelles de l’entreprise ou de l’administration. Il n’est pas certain que la formule retenue le satisfasse.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Pour moi, « consulter » signifie demander un avis, positif ou négatif. Nous sommes d’accord sur le fond. Je propose de vérifier pour la séance si, en droit, « consulter les instances représentatives du personnel » signifie bien « obtenir un avis » de leur part, quel qu’il soit.
L’amendement est retiré.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL113 et CL111 du rapporteur.
Amendement CL52 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Malgré la confiance que nous accordons à cette noble institution, confier au Conseil d’État le soin de préciser par décret les délais de retours à l’auteur du signalement ne nous paraît pas souhaitable. La notion de délai est du domaine de la loi ; elle est essentielle à la protection que nous cherchons à donner aux lanceurs d’alerte. C’est pourquoi nous proposons de préciser dans la loi, comme c’est d’ailleurs le cas dans la directive, le délai de sept jours pour l’accusé de réception du signalement et de trois mois suivant l’accusé de réception pour le retour d’informations.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable. Même si c’est par décret que ces obligations seront définies, y compris celles pesant sur les autorités externes, ce décret ne pourra pas déroger aux dispositions de la directive : les délais seront au moins aussi favorables que sept jours, trois mois et six mois. Il n’y a aucune inquiétude à avoir. Le décret nous semble préférable à la fois du point de vue organisationnel, car le cadre en sera affiné par amendements, et du point de vue juridique.
M. Ugo Bernalicis. Ce dont a besoin le lanceur d’alerte, c’est un document unique où trouver l’ensemble des informations.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Qu’il s’agisse des délais ou des autorités externes et de toutes les obligations qui pèsent sur elles, toutes les indications se trouveront au même endroit. Il y aura une liste des interlocuteurs, qui fera état de ce que doivent faire les lanceurs d’alerte pour les saisir et voir leur signalement traité. Cela semble cohérent et lisible.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL84 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. La procédure interne de recueil et de traitement des signalements doit présenter des conditions objectives d’indépendance et d’impartialité – cela tombe peut-être sous le sens, mais cela va mieux en le disant, et c’est la précision que je propose d’apporter. Les organisations syndicales pourraient y trouver un point d’appui légal pour dénoncer un circuit de signalement interne défaillant, par exemple une personne de la structure qui recueillerait l’alerte alors qu’elle est en lien avec la direction de l’entreprise.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. C’est une précision que j’ai ajoutée dans le libellé de mon amendement relatif au décret, s’agissant du canal externe de signalement. Il serait bon de faire la même chose pour le canal interne, effectivement. J’en parlerai au Gouvernement.
Il n’y a pas de doute sur le fond, puisque la directive est claire sur ce point : c’est un impératif. Reste à savoir s’il faut le placer dans les dispositions qui encadre le décret ou directement dans ce dernier. En tout cas, en droit, cela ne change pas la nature des choses. Avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL40 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Nous avons cherché à rapprocher les référents déontologues et de lanceurs d’alerte, pour faire en sorte qu’ils ne coexistent pas de manière indépendante et parallèle dans le futur dispositif.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je n’adhère pas à ce modèle. Il n’est pas souhaitable d’imposer le dispositif du référent déontologue, qui existe déjà dans la fonction publique, à de petites structures. Je parie sur la mise en concurrence directe du canal interne avec un canal externe. Plutôt que de chercher à réglementer le canal interne sous toutes les coutures, laissons faire l’entreprise. Si son canal interne est déficient, personne ne l’utilisera ; tous les signalements se feront à l’extérieur. Je préfère ne pas « surlégiférer », convaincu que c’est l’intérêt de l’entreprise d’avoir un canal interne performant. Avis défavorable.
Mme Cécile Untermaier. Toute l’intelligence du dispositif est d’ailleurs de contraindre sans le dire, à travers une mise en concurrence qui fait que l’entreprise aura intérêt à développer le canal interne.
Notre propos était de rappeler, l’évaluation de la loi « Sapin 2 » ayant révélé un important déficit d’information, que les référents déontologues sont des organes d’information utiles. Ces référents suivent des formations, et se trouvent à un lieu de croisement de l’information. Il s’agissait, non de le surcharger ou de l’imposer lorsqu’il n’existe pas, mais de dire que, quand il existe, il doit prendre sa part d’information s’agissant des lanceurs d’alerte.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. C’est un sujet de communication en effet très important, c’est pourquoi je donnerai un avis favorable à votre amendement visant à obliger l’entreprise à annexer à son règlement intérieur le texte de loi pour informer les salariés de leurs droits.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL66 de Mme Cécile Untermaier et sous-amendement CL152 du rapporteur.
Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de transposer en droit interne une disposition importante de la directive préconisant de faciliter l’organisation d’un service de recueil et de traitement des signalements commun à différents organismes, sans préjudice des obligations de préserver la confidentialité.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Permettre aux entités de mutualiser leurs canaux de signalement interne est une très bonne idée. Je propose d’étendre cette possibilité dès le premier salarié. Avis favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
Amendement CL83 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. La rédaction de cet amendement ne me satisfait pas mais je souhaite m’assurer que les ordres professionnels devront mettre en place un circuit de signalement interne.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Votre demande est satisfaite, puisque les ordres professionnels peuvent à la fois organiser leur circuit et être considérés comme des entités externes – ils figureront à ce titre dans le décret en Conseil d’État.
L’amendement est retiré.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL115 du rapporteur
Amendement CL67 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Il s’agit de préciser que les membres non exécutifs de l’organe d’administration, tels les bénévoles ou les stagiaires, peuvent effectuer un signalement.
M. Sylvain Waserman. Avis défavorable : ces personnes peuvent utiliser le canal externe.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL143 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’amendement précise la définition du canal externe. Il apparaissait nécessaire de rappeler, notamment, que ce peut être l’autorité judiciaire ou, suite à la suppression de l’alinéa 6 de l’article 2, un organe de l’Union européenne.
Les autorités externes compétentes, dont la liste est fixée par le décret en Conseil d’État, sont choisies parmi les autorités administratives, les autorités publiques indépendantes, les autorités administratives indépendantes, les ordres professionnels et les personnes morales chargées d’une mission de service public.
Ce même décret doit fixer les conditions d’indépendance et d’impartialité de la procédure et les délais du retour d’informations des autorités externes aux auteurs des signalements. Enfin, il doit encadrer la formation des personnes concernées – une omission que Mme Nicole-Marie Meyer nous a signalée lors de son audition –, la réévaluation des procédures et les informations qui devront être transmises au Défenseur des droits pour la rédaction de son rapport.
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Les amendements suivants étant susceptibles de tomber avec l’adoption de cet amendement, j’invite leurs auteurs à prendre la parole.
M. Matthieu Orphelin. Nous proposions que le décret précise le délai dans lequel les administrations doivent répondre aux autorités externes qui enquêtent sur un signalement.
Mme Cécile Untermaier. Nous entendions aussi préciser que les autorités externes relèvent des autorités judiciaires, administratives et des ordres professionnels.
M. Ugo Bernalicis. La demande de M. Orphelin, qui concerne le délai de réponse des administrations, n’est pas satisfaite par l’amendement du rapporteur : le décret fixe seulement les délais du retour d’informations fait par les autorités externes aux auteurs des signalements. Or, bien souvent, en raison des retards de l’administration, une organisation comme la CNDASPE ne parvient pas à tenir les délais qui lui sont imposés.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Nous fixons à l’autorité externe un objectif de résultat : elle est chargée de traiter l’alerte, selon sa complexité, en trois ou six mois. Prévoir des délais intermédiaires pour chaque administration, comme autant de sous-objectifs, serait contre-productif.
La commission adopte l’amendement.
En conséquence, les amendements CL54 et CL53 de Mme Cécile Untermaier, les amendements identiques CL12 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et CL100 de M. Matthieu Orphelin, les amendements CL68 de Mme Cécile Untermaier et CL28 de Mme Marie-George Buffet tombent.
Amendements CL55 et CL56 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. En cas de clôture d’une procédure de signalement par une autorité compétente externe, cette dernière doit notifier et motiver sa décision à l’auteur du signalement.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je suis d’accord sur le fond, mais sur la forme, cette précision relève du décret en Conseil d’État prévu par l’amendement que nous venons d’adopter. Je m’efforcerai de trouver, d’ici à la séance, une rédaction qui convienne.
Les amendements sont retirés.
Amendement CL129 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Lorsqu’il y a erreur d’aiguillage et que l’autorité saisie s’estime incompétente, l’alerte doit pouvoir être réorientée directement, sans passer par le Défenseur des droits.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL144 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Sur suggestion du Conseil d’État, cet amendement vise à rappeler que la divulgation publique reste un droit, au titre de la liberté d’expression.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL116 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement reprend les critères fixés par la directive en matière de divulgation publique : en l’espèce, lorsque la personne a effectué un signalement interne et externe, ou directement externe, et qu’aucune mesure appropriée n’a été prise en réponse au signalement dans les délais fixés.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL117 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement reprend également les critères fixés par la directive en matière de divulgation publique, en précisant que le motif du danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général peut consister en un « risque de préjudice irréversible ».
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL118 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Là encore, il s’agit de rétablir les critères de la directive pour définir les conditions dans lesquelles les dysfonctionnements de l’autorité externe justifient la divulgation publique.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 3 modifié.
Après l’article 3
Amendement CL61 de M. Dominique Potier et sous-amendement CL151 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il est important d’informer les salariés sur leurs droits. L’amendement propose de compléter le règlement intérieur avec un rappel des dispositions applicables aux lanceurs d’alerte. J’y suis favorable, sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement qui prévoit de retirer du règlement intérieur la présentation de la procédure d’alerte interne à l’entreprise, celle-ci devant faire l’objet d’une procédure de consultation spécifique.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
Amendement CL104 de M. Matthieu Orphelin.
M. Matthieu Orphelin. Par cohérence avec le nouveau cadre législatif et réglementaire, la CNDASPE doit pouvoir être saisie par un lanceur d’alerte.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Nous avons beaucoup échangé avec le président de la CNDASPE. La commission est dans un entre-deux et il convient de clarifier sa position. Toutefois, ce texte n’a pas vocation à modifier ses compétences.
L’amendement est retiré.
L’amendement CL80 de M. Ugo Bernalicis est retiré.
Amendement CL81 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. L’autorité judiciaire peut être amenée à rendre publics des éléments. Elle doit prévenir l’auteur du signalement et lui donner les raisons de cette divulgation qui pourrait lui être préjudiciable.
Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.
Amendement CL63 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Dans de très nombreuses entreprises, la procédure d’alerte n’a pas été mise en place. Il convient de prévoir une sanction en cas d’absence de canal interne.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable. La commission des sanctions de l’Agence française anticorruption (AFA) peut sanctionner l’absence de canal de signalement interne. En outre, de même façon qu’il peut le faire lorsqu’une entreprise n’organise pas d’élection des représentants du personnel, tout salarié peut saisir le juge, qui constatera le défaut et prononcera une sanction.
La mise en concurrence du canal interne et du canal externe, c’est la réponse absolue. Ce serait pure folie pour une entreprise de ne pas se doter d’un canal de signalement interne. Faut-il prévoir une amende ? La sanction est immédiate : les gens passeront par le canal externe, ce qui nuira à la fluidité et à la rapidité des procédures. Il ne faut pas alourdir les contraintes pesant sur le canal interne.
Mme Cécile Untermaier. Je suis d’accord qu’il faut un dispositif fluide mettant en responsabilité les chefs d’entreprise. Toutefois, si nous imposons un dispositif par la loi, nous ne pouvons pas laisser penser que sa mise en œuvre est à l’appréciation du chef d’entreprise. C’est une question de cohérence. Si cette mise en œuvre est impérative, il faut assortir son absence d’une sanction.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. La sanction est possible par l’AFA.
Mme Cécile Untermaier. Nous demandons une sanction administrative, car il ne faut pas alourdir la charge de travail du juge judiciaire de cette question. J’ignore si l’AFA répond à cette exigence et peut sanctionner. Quoi qu’il en soit, nous ne pouvons plus renvoyer au juge les chefs d’entreprise qui ne se conforment pas à leurs obligations.
M. Ugo Bernalicis. Le périmètre de l’AFA n’est pas exactement identique à celui qui exige la mise en œuvre d’un circuit interne pour les lanceurs d’alerte. Son objet est de prévenir les éventuelles dérives internes à l’entreprise en matière de corruption. Les deux sont proches mais ne se confondent pas. Par ailleurs, je ne rouvrirai pas le débat sur les moyens de l’AFA et sa capacité à mener des contrôles, mais il n’est pas clos. Prévoir une amende me semble une bonne idée, d’autant qu’elle est d’ordre symbolique pour les entreprises. Je voterai l’amendement.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’amende me semble inopérante. Il n’y en aura quasiment aucune. Dans le cas des référents harcèlement, il n’y a pas de sanction, mais l’absence de désignation d’un référent harcèlement engage la responsabilité de l’entreprise en cas de problème, et des sanctions lourdes sont prévues en cas de représailles.
J’ai pris le parti de ne pas alourdir les contraintes pesant sur le canal interne. La meilleure sanction est le recours direct des salariés au canal externe, qui fera rapidement comprendre au patron de l’entreprise concernée qu’il a tout intérêt à disposer d’un canal interne performant, et qu’à défaut il se pénalise lui-même.
Par ailleurs, outre qu’une amende de 3 750 euros ne changera rien, qui l’inflige ? Sur la base de quels contrôles ? Nous avons demandé aux inspecteurs du travail s’ils souhaitaient ajouter cette sanction à leur liste ; ils ne le souhaitent pas. Il aurait fallu prévoir une amende dans la loi « Sapin 2 », qui a introduit l’obligation de recourir au canal interne. À présent, il est trop tard.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL85 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement un peu particulier procède d’une bonne idée. Avant de le présenter, j’indique que, vérification faite, l’AFA se penche sur les faits de corruption, de trafic d’influence, de concussion, de prise illégale d’intérêts, de détournement de fonds publics et de favoritisme, qui certes sont ceux que peuvent dénoncer les lanceurs d’alerte, mais au sein d’un périmètre plus large.
La convention judiciaire d’intérêt public (CJIP) conclue entre une personne morale et une juridiction, qui est le plus souvent le parquet national financier (PNF), prévoit une peine de programme de mise en conformité (PPMC) pour éviter la répétition de l’infraction. Son application est contrôlée par l’AFA.
Nous pourrions faire en sorte que les PPMC soient prononcées en toutes matières, ce qui en fait est déjà le cas, mais tous les faits n’ont pas vocation à être présentés devant une juridiction. Il faut prévoir la possibilité de prononcer une PPMC pour toute alerte lancée, afin que le fait central sur lequel elle porte ne se reproduise pas. Nous renvoyons à un décret en conseil d’État la détermination des autorités compétentes par domaines et des délais. En somme, il s’agit d’appliquer aux lanceurs d’alerte la procédure de mise en conformité prévue par les CJIP.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je confirme qu’il s’agit d’une idée particulière, et même compliquée. Monsieur Bernalicis, vous êtes peut-être trop visionnaire ! Peut-être pourrons-nous prendre cette mesure lorsque le système aura tourné deux ou trois ans. Une mise en conformité suppose l’existence de référentiels. L’amendement nous amènerait un cran plus loin dans leur normalisation. Il est trop compliqué de prévoir la saisine des autorités sur la base d’une mise en conformité à l’aune d’un référentiel qui n’existe pas. L’idée est bonne, mais elle vient trop tôt.
La commission rejette l’amendement.
Article 4 (article 9 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Protection de la confidentialité des alertes
Amendement CL101 de M. Matthieu Orphelin et sous-amendement CL154 du rapporteur.
M. Matthieu Orphelin. Dans le domaine des atteintes à la santé ou à l’environnement, certaines manifestations du danger peuvent se produire de manière très différée, voire à une échelle transgénérationnelle. Le présent amendement vise à préciser que des éléments de signalement dans le domaine de la santé et de l’environnement peuvent être conservés pendant trente ans au plus. Je remercie M. le rapporteur d’avoir déposé un sous-amendement, qui permettra de l’adopter.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Mme Toutut-Picard, qui est très impliquée dans la CNDASPE, avait déposé un amendement identique et regrette de ne pouvoir le défendre.
Il me semble tout à fait pertinent, ainsi qu’à la CNDASPE, de tenir compte de la spécificité des enjeux de santé et d’environnement. Le sous-amendement CL154, de coordination, ne modifie pas le cœur de l’amendement et assure sa cohérence avec l’amendement immédiatement suivant, CL153, que je rectifie en supprimant son dernier alinéa.
La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.
Elle adopte l’amendement 153 rectifié du rapporteur.
La commission adopte l’article 4 modifié.
Après l’article 4
Amendement CL57 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. Cet amendement vise à faire en sorte que les autorités externes rendent publiques et accessibles les conditions pour bénéficier d’une protection, les coordonnées des canaux de signalement externe, les procédures applicables au signalement de violations, le régime de confidentialité applicable aux signalements et les recours et procédures relatifs à la protection des lanceurs d’alerte. Il s’agit de combler une lacune de la loi « Sapin 2 » : l’information.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Sur le fond, je suis tout à fait d’accord : l’information est fondamentale. Cependant, si la communication de ces informations est une obligation et un enjeu majeur, elle relève, me semble-t-il, du pouvoir réglementaire.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL89 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Lors de l’examen de l’article 1er, nous avons envisagé d’introduire dans le décret une obligation d’information en cas de refus d’accorder à quelqu’un le statut de lanceur d’alerte. Le présent amendement prévoit qu’une telle décision est susceptible de recours, dont nous renvoyons les modalités à un décret, afin d’éviter de dresser un inventaire à la Prévert des divers cas, instances et recours possibles. Nous pouvons nous demander s’il faut prévoir un recours devant l’autorité externe « hiérarchique » ou devant le tribunal administratif. Ce qui importe est qu’un recours soit possible.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Les recours de droit commun, applicables à toute décision prise par un juge, suffisent. Surtout n’en inventons pas de nouveaux pour les lanceurs d’alerte ! Avis défavorable.
M. Ugo Bernalicis. L’amendement ne crée pas un recours, il prévoit sa possibilité et renvoie ses modalités à un décret. La possibilité d’un recours doit être précisée, fût-ce dans le décret.
M. Raphaël Gauvain. Le recours de droit commun est d’ores et déjà prévu devant les tribunaux administratifs lorsqu’une décision administrative est cause de préjudice. Il ne semble pas nécessaire de créer une procédure spécifique qui alourdira le dispositif.
M. Ugo Bernalicis. Ce qui m’importe, c’est qu’un recours soit possible et que le droit s’applique. Il peut être utile de rappeler dans le décret que la décision doit être motivée et que les voies et délais de recours contre la décision doivent être précisés. Certes, le droit prévoit que toute décision administrative doit le faire, sans quoi elle est attaquable ad vitam æternam. Toutefois, il arrive que tel ne soit pas le cas.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL93 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Cet amendement, qui reprend une disposition de la proposition de loi visant à la protection effective des lanceuses et des lanceurs d’alerte, me tient à cœur. Il s’agit notamment de recharger le compte personnel de formation (CPF) des lanceurs d’alerte pour leur permettre de se reconvertir lorsqu’ils sont blacklistés dans leur secteur d’activité. Il s’agit également de leur donner accès aux emplois réservés de la fonction publique, en s’inspirant des dispositions applicables aux sportifs de haut niveau, qui bénéficient de facilités pour entrer dans l’administration.
Retrouver du travail dans le secteur privé après avoir lancé une alerte peut être compliqué. L’amendement leur offre un filet de sécurité, pour intégrer la fonction publique s’ils le souhaitent, par le biais d’un emploi réservé, ou pour se former à un autre métier du secteur privé.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Avis défavorable. Contrairement au sportif de haut niveau, qui participe à des compétitions et se reconvertit, le lanceur d’alerte bénéficie de son statut pour une durée variable, de quelques semaines ou de quelques mois. Pendant combien de temps les dispositions proposées seraient-elles applicables ? Certes, la question se pose de savoir quoi faire après avoir lancé une alerte, surtout en cas de représailles, mais la solution proposée ne me semble pas bonne.
M. Ugo Bernalicis. Concrètement, un lanceur d’alerte ne sait pas vraiment qu’il fait l’objet de représailles, qui ne sont jamais assumées comme telles. Il multipliera les entretiens d’embauche auprès d’entreprises qui lui diront « Désolé, nous avons pris quelqu’un d’autre ». Il ne saura jamais que sa candidature est refusée parce que les recruteurs ont constaté un trou dans son CV, appris qu’il a été lanceur d’alerte ou fait des recherches sur Google. Nous nous honorerions de prévoir une voie particulière pour lui permettre de retrouver du travail.
S’agissant des sportifs de haut niveau, ils ne bénéficient pas d’emplois réservés uniquement pour leur reconversion. Ils y ont accès d’emblée pour les aider à concilier leurs entraînements et leur vie professionnelle.
M. Raphaël Gauvain. Le problème de cet amendement, dont je comprends la motivation, est qu’il crée un intéressement et va ainsi à l’encontre de ce que nous souhaitons. Nous sommes tous d’accord en effet sur la nécessité de faire en sorte que le lanceur d’alerte ne doit pas être intéressé, pour ne pas faire de lui un chasseur de primes. Je ne le voterai pas.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL99 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Il prévoit un rapport du Gouvernement sur l’effectivité de la protection des lanceuses et lanceurs d’alerte dans chacune des administrations de l’État, afin que nous puissions effectuer un suivi de ce que nous avons décidé.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. J’émets un avis très défavorable, pour deux raisons. S’agissant d’une proposition de loi, il nous incombe d’en évaluer l’application. Nous n’allons certainement pas demander au Gouvernement de le faire, soit dit en forme de boutade !
Par ailleurs, le Défenseur des Droits, qui publie un rapport annuel, a la responsabilité de statuer sur le fonctionnement global du système, qu’il faut laisser tourner un ou deux ans. Chaque autorité devra rendre des comptes sur la façon dont elle traite les alertes. C’est à nous de demander des comptes au Gouvernement et de réfléchir à l’évaluation globale du dispositif. Demander au Gouvernement une évaluation des dispositions que nous adoptons ne vous ressemble pas, cher collègue !
M. Ugo Bernalicis. Les deux ne sont pas incompatibles. Demander au Gouvernement un rapport ne nous empêche pas de mener des missions d’information et de rédiger des rapports d’application de la loi, et n’empêche pas le Défenseur des Droits de faire connaître son point de vue. Je crois à la multiplication des points de vue sur un objet pour se faire un avis totalement éclairé.
Surtout, je le dis une bonne fois pour toutes, l’Assemblée nationale n’a pas les moyens dont dispose un ministère. Et cela n’a rien d’anecdotique ! Si on me prête l’administration d’un ministère, je n’aurai aucun problème pour rédiger un rapport !
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. L’administration répond aux demandes d’information formulées par le Parlement dans le cadre de ses missions.
M. Ugo Bernalicis. Ou pas !
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Comptez sur moi pour la relancer jusqu’à obtenir une réponse !
La commission rejette l’amendement.
TITRE III
MESURES RENFORÇANT LA PROTECTION DES LANCEURS D’ALERTE
Article 5 (article 10-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Renforcement des protections contre les représailles
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL119 du rapporteur.
Amendement CL120 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement vise à améliorer la rédaction de l’article 10‑1 nouveau de la loi du 9 décembre 2016. Il tend à introduire la notion de mesures de représailles dès le début de celui-ci, dans la mesure où il y est fait référence par la suite.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL150 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement a pour objet de clarifier la liste des mesures de représailles contre lesquelles la loi protège les lanceurs d’alerte. Les quinze mesures qui figurent actuellement dans le texte sont reprises exactement de la directive. Nous avons eu des débats à ce sujet avec les différents ministères, et il y a deux écoles de pensée : certains souhaitent s’en tenir à cette liste ; le ministère du travail, pour sa part, préfère renvoyer aux dispositions pertinentes du code du travail.
Je privilégie cette seconde solution : par mon amendement, je propose de supprimer onze des quinze points de la liste et de faire référence aux articles pertinents du code du travail et de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires. De la sorte, si le droit du travail et le statut des fonctionnaires sont amenés à évoluer, le régime des lanceurs d’alerte évoluera lui aussi. Par ailleurs, certaines notions issues de la directive, notamment la mise sur liste noire – qui correspond au cas que vous évoquiez précédemment, monsieur Bernalicis –, n’existent pas en droit français.
Pour être sûrs de ne rien oublier, nous avons dressé un tableau de correspondance entre les quinze mesures de représailles de la liste initiale et les dispositions existantes du droit français, notamment du code du travail. Je tiens ce tableau à votre disposition. Il en ressort que quatre mesures de représailles ne figurent pas dans notre droit. Nous avons donc décidé d’en conserver la mention dans le texte.
Mme Alexandra Louis. Je n’ai pas eu le temps d’analyser votre amendement, monsieur le rapporteur, mais je vous fais plutôt confiance. Je souhaite néanmoins appeler votre attention sur le fait que la dégradation des conditions de travail ne figure pas dans la liste initiale. Or les conditions de travail peuvent être dégradées de manière très lente mais très sûre. Cela correspond à des situations très simples telles que la mise au placard – qui peut être prise en considération au titre du harcèlement, mais ne l’est pas toujours – ou la suppression de la voiture de fonction. La dégradation des conditions de travail est-elle couverte par la rédaction que vous proposez ?
M. Sylvain Waserman, rapporteur. La suppression des avantages est clairement incluse. Je vous diffuserai à tous le tableau de correspondance. Si, d’ici à l’examen du texte en séance publique, l’un d’entre vous relève que l’une des quinze mesures de représailles n’est pas couverte par mon amendement, je proposerai de l’ajouter au texte.
M. Matthieu Orphelin. La rédaction initiale pose en effet un problème, puisque la mise sur liste noire est envisagée à l’échelle d’un secteur ou d’une branche d’activité mais non à l’échelle d’un territoire, alors que cette pratique est tout aussi condamnable. Monsieur le rapporteur, je vous remercie d’avoir traité cette question, importante aux yeux de certains acteurs, notamment de la CNDASPE. Je retire mon amendement CL102 et vérifierai volontiers que rien n’a été oublié au vu du tableau que vous nous diffuserez.
Les amendements CL35 de Mme Alexandra Louis et CL102 de M. Matthieu Orphelin sont retirés.
La commission adopte l’amendement CL150.
En conséquence, les amendements CL6 de Mme Marie-France Lorho, CL17 de Mme Emmanuelle Ménard, CL7 et CL8 de Mme Marie-France Lorho, CL14 de Mme Élisabeth Toutut-Picard et CL76 de M. Jean-Félix Acquaviva tombent.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL121 et CL123 du rapporteur.
Amendement CL21 de Mme Alexandra Louis.
Mme Alexandra Louis. Il vise à rendre le texte plus précis en supprimant des termes superflus.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je n’y suis pas favorable. La formule « au vu des éléments » est souvent utilisée dans le droit français. Je suis d’avis de la conserver.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL122 et CL124 du rapporteur.
Amendement CL125 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il vise à préciser que l’irresponsabilité civile vaut uniquement pour les dommages ayant un lien avec l’alerte, et non de manière générale.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL98 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Il vise à insérer, à la fin de l’alinéa 20, la phrase suivante : « Le devoir de réserve n’est pas opposable aux agents publics ayant signalé ou divulgué des informations conformément aux articles 6 et 8 [de la loi du 9 décembre 2016]. » Il me semble que c’est le bon endroit pour le faire.
Le statut des fonctionnaires prévoit de nombreuses obligations, entre autres de neutralité, d’impartialité et de loyauté. L’administration peut reprocher à un fonctionnaire lanceur d’alerte d’avoir manqué à l’une de ces obligations et chercher à lui infliger une sanction. Nous proposons qu’elle ne puisse pas invoquer à cette fin le devoir de réserve, qui est la plus floue de ces notions, y compris dans la jurisprudence.
Certes, le texte dispose déjà qu’aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure disciplinaire pour avoir lancé une alerte. Mais il est possible de biaiser en invoquant ce fameux devoir de réserve. C’est un cas non pas hypothétique, mais concret : le policier Amar Benmohamed est mis en cause en ce moment pour manquement au devoir de réserve, en raison de l’alerte qu’il a lancée. C’est une pratique qui a cours et à laquelle il faut parer.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Je vous confirme que cela aurait été le bon endroit pour introduire cette disposition, mais j’y demeure défavorable. Il revient bien sûr au juge d’apprécier chaque cas d’espèce. Mais, si la personne a agi conformément aux articles 6 et 8 de la loi du 9 décembre 2016, qui fixent un cadre très précis, le juge ne lui déniera pas la qualité de lanceur d’alerte au motif qu’elle est soumise à un devoir de réserve. Il n’existe aucun fondement juridique en ce sens.
M. Ugo Bernalicis. Permettez-moi d’insister, monsieur le rapporteur. En droit, c’est exact, l’administration n’est pas censée opposer le devoir de réserve à un agent en raison d’une alerte qu’il a lancée. Pourtant, elle le fait.
Je n’ai travaillé que quatre ans dans l’administration, mais cela m’a suffi pour voir un certain nombre de choses. Certaines administrations font une analyse coûts-avantages et engagent des procédures disciplinaires même si elles savent qu’elles risquent in fine de perdre devant le tribunal administratif. Je l’ai déjà vu et on continuera de le voir. Par cet amendement, nous entendons adresser un message clair aux administrations : n’essayez même pas d’emprunter cette voie ; sinon, vous perdrez en cas de contentieux.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Si vous avez été confronté à un cas où on s’est appuyé sur le devoir de réserve pour contester la qualité de lanceur d’alerte à une personne ayant procédé à un signalement dans les conditions prévues par la loi, veuillez m’en faire part, et nous l’examinerons d’ici à la discussion en séance publique. Je le dis clairement : le devoir de réserve n’est pas opposable à un lanceur d’alerte.
M. Ugo Bernalicis. Du point de vue juridique, je suis d’accord.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Selon moi, il n’y a pas lieu de rappeler qu’il n’est pas légal d’invoquer ainsi le devoir de réserve. En revanche, je pourrais admettre que le législateur remette en cause, à cet égard, une éventuelle jurisprudence avec laquelle il serait en désaccord.
M. Raphaël Gauvain. Je suis de l’avis du rapporteur. On ne peut pas priver l’administration d’un moyen de défense qu’elle peut légitimement invoquer, étant entendu qu’il appartient in fine au juge de trancher. S’il s’avère que la personne n’est pas un lanceur d’alerte, elle pourra être sanctionnée pour manquement au devoir de réserve.
La commission rejette l’amendement.
Amendement CL149 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’article 122-9 du code pénal prévoit l’irresponsabilité pénale de la personne qui porte atteinte à un secret protégé par la loi pour lancer une alerte. Afin de tirer les conséquences de l’avis du Conseil d’État, l’amendement vise à étendre l’irresponsabilité pénale à la soustraction, à la révélation et au recel – c’est-à-dire à la dissimulation, à la détention ou à la transmission – de données soumises au secret ou de données confidentielles dès lors que ces faits sont commis dans le but de réaliser un signalement. Conformément à la rédaction actuelle de l’article 122-9, les éventuelles infractions commises devront être nécessaires et proportionnées à l’objectif visé. L’amendement tend en outre à préciser que l’article 122-9 s’applique aux facilitateurs, ce qui est un point très important.
M. Ugo Bernalicis. Fort bien, mais cela me semble un peu étrange au regard du débat que nous avons eu sur l’article 1er de la proposition de loi, qui exclut du régime de l’alerte les faits, informations ou documents couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical, le secret des délibérations judiciaires, le secret de l’enquête et de l’instruction ou le secret des relations entre un avocat et son client. Si le secret est observé, c’est notamment parce qu’il y a une sanction pénale en cas de manquement.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il n’y a pas de contradiction. Le lanceur d’alerte doit avoir respecté l’article 6 de la loi du 9 décembre 2016, qui préserve effectivement ces cinq secrets. Mais il est question ici des autres secrets protégés par la loi, par exemple le secret des affaires.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL126 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il vise à établir une distinction entre les mesures de représailles et les procédures bâillons. En effet, si les procédures bâillons étaient considérées comme des mesures de représailles, les sanctions pénales qui s’y rattachent pourraient porter atteinte au droit au recours, qui est un principe constitutionnel.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL127 du rapporteur.
Amendement CL71 de Mme Cécile Untermaier.
Mme Cécile Untermaier. J’ai bien compris l’épure dans laquelle vous vous inscrivez, mais je suis persuadée qu’il faudra à un moment donné traiter la question très importante des personnes morales facilitatrices, notamment des associations. Je suis corapporteure d’une mission flash sur la capacité des associations à agir en justice, et nous voyons bien que la justice n’est pas uniquement l’œuvre des magistrats et des avocats. C’est un vaste champ de réflexion qui s’ouvre.
Indépendamment des associations, mon groupe politique s’est interrogé sur la manière de protéger les lanceurs d’alerte, voire d’inciter les personnes concernées – c’est bien l’objectif de la proposition de loi – à devenir des lanceurs d’alerte. Or la possibilité pour le lanceur d’alerte de trouver refuge dans une association est un élément essentiel. Certains lanceurs d’alerte souhaitant préserver leur anonymat, nous proposons que les associations bénéficient de la protection du secret de leurs sources. Certes, c’est une question très difficile, et une telle proposition relève de l’impertinence, voire de l’esprit d’aventure ! Précisons néanmoins qu’il s’agit de protéger non pas l’association, mais le lanceur d’alerte. L’obligation de préserver l’anonymat s’imposerait à l’association, si le lanceur d’alerte le demande.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. C’est effectivement un point très important. Comme je l’ai dit à plusieurs reprises lors des auditions – auxquelles vous avez assisté, et je vous remercie de votre assiduité –, la protection du secret des sources est un régime propre au métier de journaliste et va de pair avec l’existence d’un conseil déontologique, d’une déontologie, d’une formation. De mon point de vue, les associations n’ont pas vocation à en bénéficier, même lorsqu’elles aident un lanceur d’alerte. Je ne suis pas favorable à son extension.
Je suis bien conscient que je n’apporte pas de réponse au problème que vous soulevez. Je rappelle néanmoins qu’il existe déjà un garde-fou : la divulgation de l’identité du lanceur d’alerte sans l’accord de celui-ci est constitutive d’un délit lourdement sanctionné. Cela protège fortement son anonymat, notamment vis-à-vis de son employeur, mais pas vis-à-vis du juge, ce qui me paraît relever de l’évidence. Pourtant, certaines associations voudraient ne pas avoir à communiquer cette identité au juge lorsque celui-ci la leur demande dans le cadre d’une enquête – elles me l’ont dit très clairement.
La commission rejette l’amendement.
La commission adopte l’article 5 modifié.
Article 6 (article L. 1132-3-3 du code du travail) : Extension de la protection des lanceurs d’alerte contre les représailles dans le champ professionnel
La commission adopte l’amendement de cohérence CL148 du rapporteur et l’article 6 est ainsi rédigé.
Article 7 (article 12, 12-1 [nouveau] et 12-2 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Facilitation de la réinsertion des lanceurs d’alerte du secteur privé, et saisine du juge administratif en référé-liberté
La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL135, CL136 et CL140 du rapporteur.
Elle adopte l’article 7 modifié.
Après l’article 7
Amendement CL91 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. L’amendement demande au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport dans lequel il précise l’état de la jurisprudence, évalue les formations pour l’ensemble des acteurs judiciaires et formule des recommandations pour renforcer l’effectivité de cette procédure de référé.
Il a pu arriver, en effet, qu’une lanceuse d’alerte voie son affaire de licenciement renvoyée au fond par le conseil des prud’hommes saisi en référé, sans parler des procédures de référé plus classiques qui ne respectent pas les délais.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. J’entends votre appel mais cette préoccupation s’intégrera dans le cadre de l’évaluation globale à laquelle nous devrons procéder. Un rapport supplémentaire n’est pas nécessaire.
L’amendement est retiré.
Article 8 (article 13 et 13-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Sanctions civiles et pénales en cas de procédures abusives ou dilatoires et de représailles
Amendement CL141 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il s’agit de préciser la nature des représailles pouvant conduire au prononcé d’une sanction pénale.
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’article 8 modifié.
Article 9 (article 14-1 [nouveau] de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Soutien psychologique et financier aux lanceurs d’alerte
Amendement CL137 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’amendement tend à assurer la constitutionnalité du dispositif en ouvrant la possibilité pour les autorités externes d’assurer un soutien psychologique et un secours financier temporaire, sans obligation. Le Conseil d’État a en effet relevé qu’en tant qu’elles s’appliquent au Défenseur des droits, les dispositions envisagées sont contraires à la Constitution.
Le dispositif le plus puissant, cependant, est celui qui consiste à faire porter le coût de la défense à l’attaque. Cela videra de sa substance la procédure-bâillon.
Mme Cécile Untermaier. Malheureusement, il ressort des auditions que ces autorités n’ont pas les moyens d’apporter de soutien psychologique ou financier. Il est dommage que l’article 9 entache ainsi un dispositif très sérieux. La création d’un fonds financier serait une solution. Le Gouvernement pourrait-il nous y aider ?
M. Ugo Bernalicis. Il faudrait confier à la commission d’indemnisation des victimes d’infraction (CIVI) ou au fonds de garantie des victimes la compétence d’évaluer le préjudice et d’apporter un secours financier. Offrir un soutien psychologique devrait être une obligation et non une faculté. Pourquoi ne pas désigner la médecine du travail ? Il faut bien que quelqu’un s’en charge sinon le lanceur d’alerte se retrouvera seul !
La commission adopte l’amendement.
Elle adopte l’amendement rédactionnel CL138 du rapporteur.
La commission adopte l’article 9 modifié.
Article 10 (article L. 911-1-1 du code de justice administrative) : Réintégration des agents publics lanceurs d’alerte en cas de représailles
La commission adopte l’article 10 non modifié.
Article 11 (article L. 151-8 du code de commerce) : Alertes portant atteinte au secret des affaires
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL139 du rapporteur.
Elle adopte l’article 11 modifié.
Après l’article 11
Amendement CL94 de M. Ugo Bernalicis.
M. Ugo Bernalicis. Je profite de cet amendement pour regretter que celui relatif à la CIVI ait été déclaré irrecevable en vertu de l’article 40. J’adjure nos collègues de la majorité de trouver une solution pour que ce texte ne reste pas lettre morte. Le soutien psychologique est essentiel.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. J’ai bien saisi l’importance du sujet mais vous ne pouvez pas dire qu’il ne restera rien de ce texte si cette disposition n’est pas prise. N’oublions pas que les frais de justice restent le principal obstacle. Nous y répondons. Par ailleurs, un préjudice appelle réparation. Reste cette période intermédiaire durant laquelle le lanceur d’alerte est fragilisé. Nous devrons trouver une solution.
M. Ugo Bernalicis. Quid de la prise en charge des frais de justice pour engager une procédure en référé, pour laquelle il est préférable de faire appel à un avocat ?
La commission rejette l’amendement.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Avant l’article 12
La commission adopte l’amendement de coordination CL128 du rapporteur.
Article 12 : Entrée en vigueur
La commission adopte l’article 12 non modifié.
Article 13 : Gage financier
La commission adopte l’amendement CL161 du Gouvernement qui lève le gage et l’article 13 est supprimé.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.
Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à l’examen des amendements à la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d'alerte.
Article 1er (article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits) : Extension de la compétence du Défenseur des droits en matière d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte
Amendement CL12 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Suite aux recommandations du Conseil d’État, cet amendement tend à définir précisément les missions du Défenseur des droits en matière d’orientation et de protection des lanceurs d’alerte. Il retire la mention du traitement des alertes qui se rattache à ses autres compétences. En revanche, il précise sa mission d’information et d’orientation des lanceurs d’alerte, prévue dans la directive et non mentionnée en l’état. Quant à la mention du rapport, elle est plus pertinente à l’article de la loi organique faisant référence au rapport annuel.
La commission adopte l’amendement et l’article 1er est ainsi rédigé.
En conséquence, l’amendement CL4 de Mme Cécile Untermaier tombe.
Article 2 (article 38-1 [nouveau] de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits) : Précision des missions du Défenseur des droits en matière d’orientation, de recueil et de traitement des alertes
La commission adopte l’amendement rédactionnel CL10 du rapporteur.
Amendement CL9 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il s’agit de tenir compte d’une recommandation du Conseil d’État.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL7 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. L’amendement tend à clarifier la compétence du Défenseur des droits pour certifier la qualité de lanceur d’alerte d’une personne. Cette certification, qui ne s’imposera pas au juge, prendrait la forme d’un avis dont le lanceur d’alerte pourra se prévaloir au cours de ses différentes démarches.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL11 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Lorsque le signalement relève de sa compétence, le Défenseur des droits le recueille et le traite, selon une procédure indépendante et autonome. Un décret en Conseil d’État précisera les délais et les garanties de confidentialité applicables à cette procédure, conformément aux exigences de la directive du Parlement européen et du Conseil, en date du 23 octobre 2019.
La commission adopte l’amendement.
Amendement CL8 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa 5 qui n’est plus utile.
La commission adopte l’amendement.
La commission adopte l’article 2 modifié.
Après l’article 2
Amendement CL13 du rapporteur.
M. Sylvain Waserman, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire le rapport sur le fonctionnement global de la protection des lanceurs d’alerte dans l’article 36 de la loi organique du 29 mars 2011 qui concerne le rapport annuel du Défenseur des droits. Ce rapport devra être élaboré à partir des remontées d’informations transmises par les autorités externes.
La commission adopte l’amendement.
M. Ugo Bernalicis. Juste quelques mots sur deux autres amendements de notre groupe qui ont été déclarés irrecevables et auxquels nous pouvons réfléchir. L’un tendait à accorder un bonus, sous la forme d’un avantage fiscal par exemple, aux entreprises qui recrutent un lanceur d’alerte. L’autre visait à proposer un soutien médico-psychologique plutôt que simplement psychologique.
La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi organique modifiée
En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (n° 4398) et la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte (n° 4375) dans les textes figurant dans les documents annexés au présent rapport.
1
– 1 –
Contribution de Mme CÉcile untermaier,
RapporteurE d’application
Après l’arrivée tardive en France du concept de lanceur d’alerte et l’éparpillement des dispositions dans différents textes législatifs, la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi « Sapin 2 », laquelle a unifié le statut du lanceur d’alerte et son régime de protection, a constitué un premier texte ambitieux. La transposition de la directive européenne du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union nous oblige davantage dans le soutien et la protection que nous devons aux auteurs de signalement.
1. Deux propositions de loi entérinant des avancées majeures
Tout l’enjeu des deux propositions de loi réside dans l’articulation de la transposition de la directive européenne et le maintien des acquis de la loi Sapin 2. Une transposition simple aurait eu pour conséquence la réduction du champ d’application prévu actuellement dans le droit interne. Le périmètre de la directive se limite en effet aux informations obtenues dans un contexte professionnel et aux violations du droit de l’Union européenne dans des domaines variés – marchés publics, services financiers, prévention du blanchiment de capitaux, entre autres. La loi « Sapin 2 », plus englobante, ne se cantonne pas au cadre professionnel, ni à des secteurs d’activité spécifiques. La proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte a réussi ce travail de haute-couture juridique en adoptant le champ d’application élargi du droit interne actuel, tout en reprenant les critères de définition, l’organisation des signalements et la protection de leurs auteurs introduits par la directive.
La définition du lanceur d’alerte est désormais plus large et protectrice, grâce à la suppression de l’exigence d’une violation d’une norme « grave et manifeste », de la connaissance personnelle des faits – bien que la commission des Lois ait réintroduit cette exigence pour les informations obtenues hors du cadre professionnel – et l’introduction des termes « informations portant sur un crime ou un délit » et « tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international ». L’intégration de l’interdiction de contrepartie financière directe, qui s’entend, à notre sens, avec la notion de bonne foi, bien connue des juristes, ne doit pas insuffler le doute du législateur sur une démarche d’alerte. La volonté du rapporteur est légitime en ce qu’elle tend à écarter les chasseurs de primes et nous partageons ce souci. Ce terme ne sera toutefois pas sans poser des difficultés d’appréciation. La lanceuse d’alerte, Frances Haugen, lors de son audition à l’Assemblée nationale, ayant par exemple indiqué avoir reçu une rémunération via des dons financiers en contrepartie de son engagement.
La hiérarchisation des canaux de signalement – canal interne, externe, puis divulgation publique – disparaît, laissant ainsi la possibilité au lanceur d’alerte de passer par la voie de son choix. Il s’agit d’une avancée majeure introduite par la directive. La divulgation publique des informations reste toutefois très encadrée et soumise à l’épuisement des voies interne et externe. Le présent texte règle au surplus le problème de la cohabitation simultanée de plusieurs dispositifs de signalement, en particulier dans le secteur public où la mise en œuvre des canaux internes de signalement reste inachevée. Outre le mécanisme prévu par la loi « Sapin 2 », un agent public pouvait également effectuer un signalement en application de l’article 40 du code de procédure pénale et ainsi contourner l’obligation de saisir le canal interne en alertant directement le procureur de la République. En supprimant la hiérarchie des canaux de signalement, la coexistence de ces deux dispositifs est désormais clarifiée.
Enfin, le renforcement du régime de protection est à saluer. Les personnes liées à l’auteur du signalement, à l’instar des facilitateurs, sont davantage protégées, tout comme les lanceurs d’alerte, dans le cadre de leur travail, lesquels ne peuvent faire l’objet de mesures en réponse à leur action. De même, les sanctions pour représailles ou procédures bâillons, visant à faire obstacle aux lanceurs d’alerte sont plus dissuasives. Une action dilatoire ou abusive contre un lanceur d’alerte peut être désormais punie à hauteur de 60 000 euros, tandis que la prise de représailles est punie de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende. L’élargissement et la majoration des sanctions étaient demandés depuis des années notamment par l’association Sherpa, qui regrettait un montant trop peu dissuasif pour les grandes entreprises.
2. Des évolutions législatives à parfaire
Les travaux en commission des Lois ont mis l’accent sur des modifications souhaitables des deux propositions de loi. La définition du lanceur d’alerte, aurait pu être précisée, non pas de manière négative, mais au contraire en apportant les éléments explicites traduisant la bonne foi, tels que le dit la directive. L’élargissement du champ d’application aux « soupçons raisonnables » et aux « violations potentielles » de normes n’a également pas été retenu, au motif que cela était satisfait. D’une manière générale, nous trouvons assez déroutant de considérer que ce que précise une directive européenne n’a pas lieu d’être en droit interne… Notons que les tentatives de dissimulation d’une norme et pas seulement d’un engagement international ont été intégrées à la définition.
Concernant les procédures de signalement, bien que le texte se rapproche à grands pas de la directive européenne, les avis ont été unanimes : l’article 3 manque de lisibilité. Le Conseil d’État recommande même de scinder ce dernier en quatre articles, qui, pour le premier expliciterait les conditions à respecter pour bénéficier de la protection attachée au lanceur d’alerte, à savoir répondre à la définition et respecter la procédure de signalement, et pour les trois suivants, préciseraient plus clairement les règles de signalement via le canal interne, externe et enfin la divulgation publique.
Le rapporteur en a pris acte et a clarifié l’articulation entre les différents canaux de signalement, soulignant la non-hiérarchisation et encourageant la saisine prioritaire des canaux internes, fidèlement à la directive.
De nombreuses mesures relatives à la procédure sont prévues par décret en Conseil d’État. Tel est le cas des délais relatifs à l’accusé de réception et au temps de traitement du signalement. À notre sens, il appartient au législateur d’inscrire dans la loi ces exigences qualitatives du suivi du signalement de l’alerte.
Il a été convenu utile de préciser dans le texte de loi que la clôture d’une procédure menée en interne ou en externe, doit faire l’objet d’une décision motivée, notifiée au lanceur d’alerte. Cette exigence de justification oblige la personne ou le service en charge du traitement des alertes à étudier de manière approfondie l’opportunité de donner suite à ces dernières et d’organiser un retour argumenté à l’auteur du signalement. Enfin, il a été acté, pour les entités de moins de 249 agents, de la possibilité de mutualiser la réception et le traitement des signalements, leur taille pouvant justifier la nécessité pour certaines de partager leurs ressources et de faciliter la mise en place de ce dispositif.
Les catégories d’autorités externes compétentes sont désormais précisées dans la loi, comme le préconisait le Conseil d’État. Le détail, la réévaluation des procédures de signalement ou encore la formation des personnels seront par ailleurs fixés par décret.
La proposition de loi ne traite pas du problème du déploiement encore inachevé des canaux internes dans les administrations, notamment territoriales. À la fin de l’année 2018, moins de 30 % des collectivités de plus de 30 000 habitants respectaient cette obligation. Cette carence concerne surtout les communes. Il convient donc d’accélérer le déploiement de ce dispositif. Nous avons proposé des amendes administratives en cas de non-respect de cette obligation, sous réserve que l’Agence Française anticorruption (AFA) ne soit pas déjà en mesure de prononcer de telles sanctions. Il ne nous semble pas à ce stade d’analyse que l’AFA soit en capacité de le faire.
Une meilleure protection des facilitateurs qui diffusent une alerte à la demande des lanceurs d’alerte est demandée par les associations et les auteurs de l’alerte. Les personnes morales, en particulier les associations loi 1901, jouent un rôle clef dans le processus d’alerte. Elles contribuent à la protection des lanceurs d’alerte en permettant à ces derniers de rester anonyme et de ne pas s’exposer en faisant relayer leur alerte par d’autres structures. Certes, le présent texte, suivant la directive européenne, étend le régime de protection aux facilitateurs, mais ce dernier ne s’applique qu’aux personnes morales offrant une assistance juridique aux lanceurs d’alerte, et non à celles qui permettent aux lanceurs d’alerte de rester anonyme en relayant pour leur compte une alerte.
Enfin, une clarification s’impose concernant les représailles, lesquelles doivent être en cohérence et en lien avec le droit du travail comme avec le droit de la fonction publique.
3. Deux propositions de loi ouvrant la voie à une réforme encore plus ambitieuse
L’examen des deux propositions de loi a ouvert la réflexion à des questions plus larges. Le statut de lanceur d’alerte ne concerne, en l’état du droit, que les personnes physiques et exclut de fait les personnes morales. Une association ne peut donc se prévaloir de ce statut et ne sera considérée que comme « facilitatrice ». La directive européenne ne comporte pas cette évolution et nous n’en faisons pas reproche au rapporteur, la priorité étant la protection de lanceurs d’alerte dont les vies ont été broyées à raison de divulgations faites au service de l’intérêt général.
Se pose également la question de l’éthique du lanceur d’alerte. Le présent texte, dans la suite de la loi « Sapin 2 », intègre déjà des exigences déontologiques : l’auteur doit faire preuve de bonne foi, ne pas recevoir de contrepartie financière directe, passer via les canaux prévus par la loi. Il n’encourt aucune responsabilité pénale quant à l’obtention et le stockage d’informations, tant que ces derniers ne constituent pas une infraction autonome ou si l’intérêt général le justifie. Qu’en est-il de l’auteur d’un signalement qui récupère des informations oubliées par son employeur dans la photocopieuse, sur son lieu de travail, par exemple. La réflexion déontologique doit accompagner le lanceur d’alerte, non pas pour le freiner dans sa démarche, mais pour lui permettre d’en apprécier toute la légitimité. C’est pourquoi, nous avions proposé que le référent déontologue, qui existe dans les centres de gestion de la fonction publique territoriale et qui est d’ailleurs de plus en plus sollicité par les agents, puisse être identifié comme un possible acteur éclairant et utile pour le lanceur d’alerte.
La médiatisation de certains lanceurs d’alerte, à l’instar de celle de Frances Haugen, ancienne cadre de Facebook, que nous venons d’auditionner à l’Assemblée nationale, ne doit pas faire passer au second plan le contenu même de l’alerte. L’effectivité du traitement des alertes doit rester au cœur de nos préoccupations. Le présent texte met l’accent sur la phase correspondant au déclenchement de l’alerte. Nous savons qu’il est indispensable que l’instruction de l’affaire soit rapidement engagée par l’autorité compétente Cette dynamique participe de la protection du lanceur d’alerte.
Enfin, le lanceur d’alerte doit être soutenu financièrement. La création d’un fonds ad hoc, ne peut être présentée ici, à raison de l’article 40 de la Constitution. Pourtant, une telle aide pourrait être proposée en deux temps, comme l’indique le rapport d’information du 7 juillet 2021 sur l’évaluation de la loi « Sapin 2 » : a priori pour compenser les pertes de revenus immédiates et les frais liés aux procédures et a posteriori pour indemniser la prise de risque et les sacrifices opérés dans l’intérêt général. L’attribution d’un fonds de soutien financier par le Défenseur des droits avait déjà fait l’objet de l’article 14 de la loi « Sapin 2 », lequel avait été censuré par le Conseil constitutionnel. La présente loi, à l’article 9, dispose que les autorités compétentes externes apportent le soutien financier et psychologique nécessaire. Toutefois, ces dernières sont dans l’incapacité de le mettre en place.
La proposition de loi organique confirme et précise le rôle du Défenseur des droits, en matière de signalement d’alerte. Le législateur a pris en compte le risque d’inconstitutionnalité. Il serait opportun, comme le Défenseur le souligne dans son avis, de dégager des moyens humains et budgétaires suffisants afin de développer des actions de sensibilisation pour rendre le droit d’alerte effectif. Il ne peut actuellement consacrer qu’un seul ETP au suivi des lanceurs d’alerte, alors que le nombre de saisines se situe en moyenne entre 60 et 90 par an.
En conclusion, il nous reste à remercier le rapporteur, les administrateurs et l’ensemble de nos collègues qui ont participé à la présente réflexion. L’information du public reste à faire. La loi « Sapin 2 » est toujours méconnue, cinq ans après son adoption. La démocratisation de la procédure et les garanties qui s’y attachent, permettant à tout citoyen d’user de son droit d’alerte au service de l’intérêt général, signent la qualité de l’état démocratique d’un pays. Ainsi que nous l’avons affirmé dès l’introduction de nos travaux, nous approuvons ces textes et nous les voterons lors de la prochaine séance publique.
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Personnalités qualifiées
Conseil de l’Europe
– M. Pieter Omtzigt, rapporteur général de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
– M. Günter Schirmer, chef du secrétariat de la Commission des questions et des droits de l’Homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
Défenseur des droits
– Mme Claire Hédon, Défenseure des droits
– Mme Constance Rivière, secrétaire générale
– M. Marc Loiselle, directeur de la protection des droits et des affaires publiques
– Mme France de Saint-Martin, conseillère parlementaire
Administration centrale
– M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du sceau
– M. Pierre Rohfritsch, chef de bureau du droit des sociétés et de l’audit
– Mme Alice Navarro, conseillère juridique du directeur général du Trésor
– Nina Prunier, cheffe du bureau des relations individuelles du travail
– Bruno Campagne, adjoint à la cheffe du bureau
– M. Florian Blazy, directeur, adjoint à la directrice générale de l’administration et de la fonction publique
– Mme Tessa Tournette, bureau du statut général, de la diffusion du droit et du dialogue social
Autorités administratives
– M. Charles Duchaine, président
– M. Laurent Schwebel, chef du service des affaires institutionnelles et du droit public
– M. Raphaël Thebault, adjoint au chef du service
– Mme Maud Guignard, juriste au sein du service
– Mme Delphine Charrier-Blestel, adjointe à la directrice des affaires juridiques
– Mme Laure Tertrais, conseillère parlementaire
– M. Denis Zmirou-Navier, président
– Mme Agnès Popelin, vice-présidente
Universitaires
– M. Mathieu Disant, professeur à l’école de droit de l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne
– Mme Delphine Pollet-Panoussis, professeure à la faculté de droit de l’Institut catholique de Lille
– Mme Jacqueline Bouton, maître de conférences à la faculté de droit de l’Université de Strasbourg
Avocats
– Mme Christelle Mazza
– M. William Bourdon
– M. Stéphane Alamowitch
Associations
– M. Bastien Charbouillot, administrateur d’Anticor
– Mme Tiphaine Beau de Lomélie, chargée de mission à l’association Sherpa
– M. Patrick Lefas, président
– Mme Nadège Buquet, déléguée générale
– M. Jean Philippe Foegle, responsable du plaidoyer
– Mme Juliette Alibert, avocate
– Mme Laura Monnier, juriste
– Mme Brigitte Gothière, directrice
– M. Arthur Créhalet, responsable du plaidoyer
Lanceurs d’alerte
– M. Amar Benmohamed
– M. Denis Breteau
– Mme Marie Dupont ([131])
– M. Antoine Deltour
Représentants des entreprises
– Mme Corinne Lagache, vice-présidente du comité déontologie internationale
– M. Bruno Zabala, directeur juridique, éthique et gouvernance des entreprises
– M. Grégoire Guinand, chargé de mission à la direction des affaires internationales
– M. Antoine Portelli, chargé de mission à la direction des affaires publiques
– M. Bruno Dondero, président de la commission juridique
– M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation
– Mme Odile de Brosses, directrice du service juridique
Syndicats
– Mme Anne-Catherine Cudennec, secrétaire nationale en charge de l’Europe et de l’international
– Mme Francesca Breuil, cheffe du service Europe et international
– Mme Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale de la CFDT Cadres
– Mme Sophie Binet, membre de la direction confédérale
– Mme Nayla Glaise, membre de la direction de l’UGICT-CGT
– Mme Anaïs Ferrer, conseillère confédérale
– M. Franck Gressier, assistant confédéral - secteur des affaires juridiques et du droit syndical
– M. Benoît Teste, secrétaire général
– Mme Émilie Trigo, secrétaire nationale
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([1]) Étude du Conseil d’État, Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger, La Documentation française, février 2016.
([2]) Article 6 de la loi la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2
([3]) Article 122-9 du code pénal.
([4]) Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe, Améliorer la protection des lanceurs d’alerte partout en Europe, octobre 2019.
([5]) Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, XVème législature, 7 juillet 2021.
([6]) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
([7]) Conseil d’État, « Le droit d’alerte : signaler, traiter, protéger », février 2016.
([8]) Gérard Cornu et Association Henri Capitant, Vocabulaire juridique, PUF Quadrige, 12e édition mise à jour, 2018.
([9]) Lors de l’introduction de l’article, le rapporteur de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, M. Sébastien Denaja, relevait qu’il n’était « pas question de rémunérer les lanceurs d’alerte en France » (rapport fait au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale sur le projet de loi relatif à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, et sur la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour la protection des lanceurs d’alerte, en première lecture, par M. Sébastien Denaja, député, XIVème législature, n° 3785 et 3786, le 26 mai 2016, p. 88).
([10]) Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, XVème législature, 7 juillet 2021.
([11]) Directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
([12]) Article 5.7) de la directive (UE) 2019/1937.
([13]) Voir le rapport de Mme Christine Pirès Beaune sur les aviseurs fiscaux, fait au nom de la commission des finances de l’Assemblée nationale, XVème législature, déposé le 5 juin 2019, n° 1991, p. 9 et ss. (lien).
([14]) Article 5.2) de la directive (UE) 2019/1937.
([15]) Article 5.1) de la directive (UE) 2019/1937.
([16]) Le considérant n° 20 de la directive fait ainsi référence aux « règles détaillées sur la protection des lanceurs d’alerte » qui existent déjà dans le domaine des services financiers.
([17]) L’article 25.2 de la directive prévoit une clause de non-régression : « La mise en œuvre de la présente directive ne peut, en aucun cas, constituer un motif pour réduire le niveau de protection déjà offert par les États membres dans les domaines régis par la présente directive ».
([18]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, point n° 19.
([19]) Voir le commentaire de l’article 3.
([20]) Art. 5 de la directive, points 3) à 6).
([21]) Une violation ou la tentative de dissimulation d’une violation d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France, un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, une violation du droit de l’Union européenne, de la loi ou du règlement.
([22]) Secret de la défense nationale, le secret médical ou le secret des relations entre un avocat et son client.
([23]) Ces dispositifs sont énumérés dans la partie II de l’annexe de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
([24]) La proposition de loi fait plus particulièrement référence aux articles 9 (canaux de signalement), 10‑1 (protection contre les représailles), 13 (sanctions des représailles et des procédures bâillon) et 14‑1 (soutien financier et psychologique) de la loi « Sapin 2 ».
([26]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, point n° 10.
([27]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, point n° 11.
([28]) Voir les commentaires des articles 5 et 7 de la proposition de loi.
([29]) Voir le commentaire de l’article 8 de la proposition de loi.
([30]) Créé par l’article 7 de la loi « Sapin 2 ».
([31]) Créé par l’article 11 de la loi « Sapin 2 » et modifié par l’article 10 de la proposition de loi.
([32]) À l’article 14-1 de la loi « Sapin 2 » créé par l’article 9 de la proposition de loi.
([33]) Décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l’État.
([34]) Tableau issu du rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, XVème législature, 7 juillet 2021, p. 146.
([35]) Article 4 du décret n° 2017-564 du 19 avril 2017.
([36]) I de l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.
([37]) Voir le commentaire de la proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, déposé par M. Sylvain Waserman le 15 juillet 2021, n° 4375.
([38]) Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi « Sapin 2 », op. cit., p. 139.
([39]) Ibidem, p. 139.
([40]) Ibidem, p. 143.
([41]) Cour d’appel de Paris, 5 novembre 2015, n° 15/04024.
([42]) Entités relevant du champ d’application des actes de l’Union visés dans les parties I.B et II de l’annexe de la directive.
([43]) Articles 8.2. de la directive.
([44]) II du 1° de l’article 5 du décret n° 2017-564 du 19 avril 2017 relatif aux procédures de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte au sein des personnes morales de droit public ou de droit privé ou des administrations de l’État.
([45]) Les personnes morales de droit public ou de droit privé d’au moins cinquante agents ou salariés, les entités relevant du champ d’application des actes de l’Union européenne mentionnés au B de la partie I et dans la partie II de l’annexe de la directive (UE) 2019/1937 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union, les administrations de l’État, les communes de plus de 10 000 habitants ainsi que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles sont membres, les départements et les régions ainsi que les établissements publics en relevant.
([46]) 5° de l’article 4 de la loi organique de 2011
([47]) Proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, déposé par M. Sylvain Waserman le 15 juillet 2021, n° 4375.
([48]) 3° du III de l’article 8 de la loi « Sapin 2 » dans sa rédaction issue de l’article 3 de la présente proposition de loi.
([49]) L’article 15 de la directive prévoit qu’ « une personne qui fait une divulgation publique bénéficie de la protection prévue par la présente directive si [elle] a des motifs raisonnables de croire qu’en cas de signalement externe, il existe un risque de représailles ou il y a peu de chances qu’il soit véritablement remédié à la violation, en raison des circonstances particulières de l’affaire, comme lorsque des preuves peuvent être dissimulées ou détruites ou lorsqu’une autorité peut être en collusion avec l’auteur de la violation ou impliquée dans la violation ».
([50]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, cons. 17.
([51]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, cons. 20.
([52]) Article 5 du décret n° 2017-564 du 19 avril 2017.
([53]) Considérant 82 de la directive.
([54]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données.
([55]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, cons. 27.
([56]) Article 12 de la loi « Sapin 2 » : « En cas de rupture du contrat de travail consécutive au signalement d’une alerte au sens de l’article 6, le salarié peut saisir le conseil des prud’hommes dans les conditions prévues au chapitre V du titre V du livre IV de la première partie du code du travail. »
([57]) Article 911-1-1 du code de justice administrative, créé par l’article 11 de la loi « Sapin 2 ».
([58]) Cinquième alinéa de l’article 6 ter A de la loi du 13 juillet 1983.
([59]) Articles 18 à 36 de la loi organique de 2011.
([60]) Article 122-9 du code pénal.
([61]) Rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de la loi « Sapin 2 », op. cit., p. 151.
([62]) Article 13 de la loi « Sapin 2 ».
([63]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-411 DC du 16 juin 1999, Loi portant diverses mesures relatives à la sécurité routière et aux infractions sur les agents des exploitants de réseau de transport public de voyageurs.
([64]) CEDH, Affaire Salabiaku c. France (10519/83), 7 octobre 1988.
([65]) Par exemple, le fait d’entrer par effraction dans des locaux pour obtenir les informations signalées.
([66]) Article 31 du projet de loi, dont la lecture des conclusions de la commission mixte paritaire aura lieu le 15 novembre
([67]) Proposition de loi organique visant à renforcer le rôle du Défenseur des droits en matière de signalement d’alerte, n° 4375.
([68]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, cons. 30.
([69]) Voir article 6.
([70]) L’article 6 de la présente proposition de loi aligne les protections prévues à l’article 6 ter A sur celles de l’article L. 1132-3-3 du code du travail.
([71]) Ajout aux articles L. 1132-3-3 du code du travail et 6 ter A de la loi de 1983 (l’article 6 de la proposition de loi adoptée par la Commission).
([72]) Ajout à l’article L. 1132-3-3 du code du travail (article 6 de la proposition de loi adoptée par la Commission).
([73]) Le harcèlement est couvert par les articles L. 1151-1 à L. 1155-2 du code du travail et 222-33-2 à
22-33-2-2 du code pénal et l’intimidation est couverte par l’article 434-5 du code pénal.
([74]) Voir le commentaire de l’article 5.
([75]) Voir le commentaire de l’article 5.
([76]) Cass. Soc. 1er avril 2008, n° 07-40.114.
([77]) Article R. 1455-5 du code du travail.
([78]) Répertoire de droit du travail Dalloz, par M. Cyril Gaillard, mai 2017.
([79]) Article R. 1455-6 du code du travail.
([80]) Cass. Soc. 25 janv. 2006, n° 04-41.240.
([81]) Cass Soc. 19 nov. 1997, n° 94-42.280.
([82]) Article R. 1455-7 du code du travail.
([83]) Article R. 1455-8 du code du travail.
([84]) Conseil des prud’hommes de Lyon, ordonnance de référé, 17 avril 2019.
([85]) Juliette Alibert et Jean-Philippe Foegle, « Première victoire d’un lanceur d’alerte en référé sous l’empire de la loi « Sapin II » », La Revue des droits de l’homme, 29 avril 2019.
([86]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, point n° 36.
([87]) Salarié qui n’a pas atteint un niveau de formation sanctionné par un diplôme classé au niveau 3, un titre professionnel enregistré et classé au niveau 3 du répertoire national des certifications professionnelles ou une certification reconnue par une convention collective nationale de branche.
([88]) Art. R. 6323-3-1 du code du travail, créé par le décret n° 2018-1329 du 28 décembre 2018 relatif aux montants et aux modalités d’alimentation du compte personnel de formation.
([89]) Créé par la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes.
([90]) Loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
([91]) Voir le commentaire de l’article 2 de la proposition de loi.
([92]) Article 1er de la loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.
([93]) Voir le point n° 37 de l’avis.
([94]) Loi organique n° 2016-1690 du 9 décembre 2016 relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte.
([95]) Texte définitif de la proposition de loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (n° 831, adopté le 8 novembre 2016).
([96]) Décision n° 2016-740 DC du 8 décembre 2016.
([97]) Le juge constitutionnel a ainsi censuré les mots « et, en tant que de besoin, de lui assurer une aide financière ou un secours financier » à l’article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits et, par coordination, l’intégralité de l’article 14 de la loi « Sapin 2 ».
([98]) Voir le commentaire de l’article 2.
([99]) Conseil d’État, avis n° 404001, 4 novembre 2021, point n° 38.
([100]) Art. L. 911-1 du CJA.
([101]) Art. L. 911-2 du CJA.
([102]) Art. 6 ter A du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
([103]) Art. L. 4122-4 du code de la défense.
([104]) Art. L. 1132-3-3 du code du travail.
([105]) Directive (UE) 2016/943 du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2016 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites. La directive du 8 juin 2016 utilise l’expression « secret d’affaires » tandis que la jurisprudence française, et la loi de transposition, recourent à celle de « secret des affaires » ; leur définition est identique.
([106]) Voir le rapport fait par M. Raphaël Gauvain, rapporteur, au nom de la commission des Lois de l’Assemblée nationale, sur la proposition de loi portant transposition de la directive du Parlement européen et du Conseil sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites
([107]) Loi n° 2018-670 du 30 juillet 2018 relative à la protection du secret des affaires.
([108]) Absence de traitement de l’alerte, danger imminent ou manifeste pour l’intérêt général, risque de représailles, de destruction de preuve ou de collusion, prévus au III de l’article 8. Voir le commentaire de l’article 3.
([109]) Article 27 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
([110]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-740 DC du 8 décembre 2016, Loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte cons. 5.
([111]) Article 14 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique et article unique de la loi organique relative à la compétence du Défenseur des droits pour l’orientation et la protection des lanceurs d’alerte (censurés par les décisions du Conseil constitutionnel n° 2016-740 DC et n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016).
([112]) Conseil constitutionnel, décision n° 2016-740 DC du 8 décembre 2016 précitée, cons. 5.
([113]) Tableau issu du rapport d’information de l’Assemblée nationale sur l’évaluation de l’impact de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite « loi Sapin 2 », présenté par MM. Raphaël Gauvain et Olivier Marleix, XVème législature, 7 juillet 2021, p. 139.
([114]) Ibidem, p. 149.
([115]) Défenseur des droits, décision n° 2021-088 du 14 avril 2021.
([116]) L’article 8 de la loi Sapin 2, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (n° 4398), précise en effet que les lanceurs d’alerte « peuvent adresser leur signalement à l’autorité externe désignée par décret en Conseil d’État ou au Défenseur des droits qui transmet à l’autorité chargée du traitement ».
([117]) Le même article 8 prévoit que « lorsqu’une autorité externe saisie d’un signalement estime qu’il ne relève pas de sa compétence ou qu’il concerne également la compétence d’autres autorités, elle transmet celui‑ci au Défenseur des droits ».
([118]) Voir supra le commentaire de l’article 2.
([119]) 1° de l’article 4 de la loi organique n° 2011-333 du 29 mars 2011 relative au Défenseur des droits.
([120]) Article 14 de la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
([121]) Conseil d’État, avis n° 404000, 4 novembre 2021.
([122]) a) du 1) de l’article 20 de la directive européenne 2019/1937 du 23 octobre 2019 sur la protection des personnes qui signalent des violations du droit de l’Union.
([123]) Voir article 3 de la présente proposition de loi organique.
([124]) Liste fixée par décret en application du II de l’article 8 de la loi Sapin 2, dans sa rédaction issue de l’article 3 de la proposition de loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte (n° 4398).
([125]) Défenseur des droits, avis sur la présente proposition de loi, n° 21-16 du 29 octobre 2021.
([126]) Conseil d’État, avis n° 404000, 4 novembre 2021, cons. 6.
([127]) Le Conseil d’État a souligné que « rien ne s’oppose à ce que le Défenseur des droits formalise un avis sur la qualité de lanceur d’alerte d’une personne qui l’a saisi » (avis n° 404000, 4 novembre 2021, cons. 5).
([128]) Conseil d’État, avis n° 404000, 4 novembre 2021, cons. 7.
([129]) Cette disposition était initialement inscrite à l’article 1er de la proposition de loi organique.
([130]) Amendement CL143 de votre Rapporteur.
([131]) Il s’agit d’un pseudonyme.