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s 4667 et 4668


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 150


SÉNAT

 

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale
le 15 novembre 2021

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 15 novembre 2021

 

RAPPORT

 

FAIT

 

au nom des commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte               sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques (1) et de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques (2),

 

par M. Laurent SAINT-MARTIN,
Rapporteur,

Député
 

 

par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur,

Sénateur
 

 

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, sénateur, président ; M. Éric Woerth, député, viceprésident ; M. Jean-François Husson, sénateur, M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteurs.

 

Membres titulaires : Mme Christine Lavarde, M. Jérôme Bascher, Mme Sylvie Vermeillet, MM. Rémi Féraud, Didier Rambaud, sénateurs ; MM. Alexandre Holroyd, Olivier Damaisin, François Jolivet, Gilles Carrez, Brahim Hammouche, députés.

 

Membres suppléants : MM. Sébastien Meurant, Philippe Dominati, Charles Guené, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Jean-Claude Requier, Éric Bocquet, sénateurs ; Mmes Zivka Park, Bénédicte Peyrol, Valérie Rabault, Lise Magnier, MM. Michel Zumkeller, Charles de Courson, députés.

 

(2) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, sénateur, président ; M. Éric Woerth, député, viceprésident ; M. Jean-François Husson, sénateur, M. Laurent Saint-Martin, député, rapporteurs.

 

Membres titulaires : Mme Christine Lavarde, M. Jérôme Bascher, Mme Sylvie Vermeillet, MM. Rémi Féraud, Didier Rambaud, sénateurs ; MM. Alexandre Holroyd, Olivier Damaisin, François Jolivet, Gilles Carrez, Brahim Hammouche, députés.

 

Membres suppléants : MM. Sébastien Meurant, Philippe Dominati, Charles Guené, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Jean-Claude Requier, Éric Bocquet, sénateurs ; Mmes Zivka Park, Bénédicte Peyrol, Valérie Rabault, Lise Magnier, MM. Michel Zumkeller, Charles de Courson, députés.

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale (15ème législ.) :

Première lecture : 4110 rect., 4113 rect., 4381, 4382, T.A. 647 rect. et T.A. 648

 

Sénat :

Première lecture : 780 rect., 781, 831, 832, 833, T.A. 157 et T.A. 158 (2020-2021)

Commission mixte paritaire : 151 et 152 (2021-2022)

 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Conformément au deuxième alinéa de l'article 45 de la Constitution et à la demande du Premier ministre, les commissions mixtes paritaires chargées d'élaborer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques et de la proposition de loi relative au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques se réunissent au Sénat le lundi 15 novembre 2021.

Elles procèdent tout d’abord à la désignation de leur bureau, constitué de M. Claude Raynal, sénateur, président, de M. Éric Woerth, député, vice-président, de M. Laurent SaintMartin, député, rapporteur pour l’Assemblée nationale, et de M JeanFrançois Husson, sénateur, rapporteur pour le Sénat.

Étaient également présents MM. Jérôme Bascher, Rémi Féraud, Didier Rambaud, Mmes Christine Lavarde, Sylvie Vermeillet, sénateurs titulaires, et M. Jean-Claude Requier, sénateur suppléant, ainsi que MM. Alexandre Holroyd, Olivier Damaisin, François Jolivet, Brahim Hammouche, députés titulaires, et Mme Valérie Rabault, M. Charles de Courson, députés suppléants.

*

*     *

La commission mixte paritaire procède ensuite à l’examen des dispositions restant en discussion.

M. Claude Raynal, sénateur, président. – La proposition de loi organique, dans sa version issue des travaux de l’Assemblée nationale, comportait 26 articles. Le Sénat en a adopté 6 conformes, en a modifié 19, et en a supprimé un. Il en a également ajouté 9, si bien que 29 articles restent en discussion.

La proposition de loi ordinaire comportait 10 articles dans le texte voté par l’Assemblée nationale : 6 ont été adoptés conformes, 2 ont été modifiés et 2 supprimés. Il reste donc pour ce texte 4 articles en discussion.

Nos échanges préliminaires montrent qu’un accord est possible entre nos deux chambres. Je propose de suspendre la séance quelques minutes pour permettre à nos rapporteurs de tenter de finaliser un compromis sur les derniers points restant en débat.

La réunion, suspendue à 18 h 10, reprend à 19 h 05.

M. Claude Raynal, sénateur, président. – Avant de passer la parole à notre vice-président et à nos rapporteurs, permettez-moi de dire quelques mots sur ces deux textes, dont j’ai été co-rapporteur avec Jean-François Husson en première lecture au Sénat.

Ces textes sont issus d’une initiative de nos collègues députés, en particulier le président Éric Woerth et le rapporteur général Laurent Saint‑Martin, dans le prolongement des travaux de la mission d’information de la commission des finances de l’Assemblée nationale relative à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (Milolf), qui avait publié ses conclusions avant le déclenchement de la crise sanitaire. Je tiens à les remercier d’avoir été à l’initiative de cette réflexion sur les évolutions possibles de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), à l’occasion de son vingtième anniversaire.

Au Sénat, nous nous sommes cependant interrogés sur le moment choisi pour cette révision : elle entrera en vigueur à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, alors que la crise sanitaire et économique n’est pas encore derrière nous et que le projet de loi de finances pour 2022 contredit quelque peu la fin du « quoi qu’il en coûte »… En outre, une réflexion est engagée au niveau européen sur la réforme du pacte de stabilité, et son issue ne sera pas sans conséquence sur la gouvernance de nos finances publiques.

Par ailleurs, cette révision ne nous paraissait pas répondre entièrement aux lacunes de cette gouvernance, qui résultent d’abord d’un défaut d’application des dispositions déjà existantes de la loi de programmation et de la LOLF : on peut citer le manque de clarté de la maquette budgétaire, qui est devenue illisible au fil du temps ; le délai toujours plus restreint donné aux parlementaires pour examiner les mesures budgétaires et fiscales nouvelles ; ou le peu de respect de l’autorisation parlementaire, qui peut se mesurer à l’ampleur de la « cavalerie budgétaire » d’un exercice à l’autre.

Sur le fond, la proposition de loi organique a pour ambition de redonner du sens à la programmation pluriannuelle de nos finances publiques, objectif auquel nous souscrivons. En effet, la loi de programmation adoptée en début de quinquennat n’a pas été respectée à la suite du mouvement des « gilets jaunes », puis de la crise sanitaire. Nous espérons que la prochaine le sera davantage grâce à cette révision, mais la gouvernance par temps calme n’est jamais assurée et, sans révision de la Constitution, la loi de programmation ne pourra être davantage contraignante.

Au-delà de ces observations, ces textes présentent certaines avancées que nous pouvons rendre concrètes, et je salue, à cet égard, l’esprit d’ouverture de nos collègues députés par rapport aux propositions du Sénat. Notre examen a été guidé par la double préoccupation de conforter les prérogatives parlementaires et de ne pas sacrifier l’avenir au détriment des générations futures, c’est-à-dire de prendre en compte les dépenses durablement favorables à la croissance économique, au progrès social et environnemental, dans la lignée, d’ailleurs, de la position exprimée par la commission pour l’avenir des finances publiques, présidée par M. Jean Arthuis.

Dans cette optique, je regrette, à titre personnel, l’accent mis sur le montant en valeur des dépenses, sans considération pour le volet « recettes », qui est essentiel dans chaque budget, et le souhait de mettre en avant le thème de la dette, au détriment d’une réflexion plus profonde sur nos choix collectifs.

M. Éric Woerth, député, vice-président. – Nous avons cherché, avec Laurent Saint-Martin, à nous inscrire dans un esprit transpartisan. Nous avions aussi associé le Sénat à notre réflexion. Puis la crise de la covid est arrivée, ce qui explique que nous ayons pris un an de retard. Nous avons également discuté avec le Gouvernement. Le budget s’inscrit, en effet, dans un jeu à trois, entre le Gouvernement qui l’élabore, et les deux chambres qui le votent et en contrôlent l’exécution. Il a donc fallu trouver un point médian, sans renoncer à nos ambitions. Les uns verront ainsi le verre à moitié plein, d’autres le verre à moitié vide.

Notre objectif n’était pas de remettre en cause la LOLF, mais de la moderniser, vingt ans après son adoption, à la lumière de l’expérience acquise, pour la rendre plus efficace. Nous poursuivons trois objectifs : renforcer le pilotage pluriannuel de nos finances publiques ; en améliorer la lisibilité et restreindre les dérogations aux grands principes budgétaires ; et rationaliser la procédure d’examen parlementaire. Nous devons aussi revoir les notions de fonctionnement et d’investissement, très utilisées par le Gouvernement pour qualifier ses dépenses, et recentrer le débat sur la dette, ce qui est essentiel pour garantir la transparence et l’efficacité de nos discussions. Il existe une dette d’investissement et une dette de fonctionnement. Nous devons y voir clair et maîtriser nos finances publiques.

Certes, si l’on veut parvenir à changer les pratiques, rien ne vaut la volonté politique,  mais, à Constitution constante, ce texte organique permettra de poser un jalon. Je me félicite, en tout cas, de la qualité des débats, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, dont je salue les apports importants. J’espère que notre commission mixte paritaire (CMP) sera conclusive.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. – Le Sénat a examiné le 27 septembre dernier les deux propositions de loi qui nous réunissent ce soir et qui visent principalement à réformer la LOLF, vingt ans après son adoption. Comme Claude Raynal, je salue le travail d’Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin, qui sont à l’origine de ces textes. Ce travail a été guidé par le souci, que je partage, d’améliorer nos outils d’analyse et de gestion budgétaires, mais également d’assainir nos finances publiques.

Je ne reviendrai pas sur certains points évoqués par Claude Raynal, même si nous avons pu avoir, parfois, le sentiment de travailler à contretemps ou, à tout le moins, en parallèle des instances européennes qui devraient, peut-être dès l’année prochaine, proposer un nouveau pacte de stabilité.

De même, il paraît assez étonnant de discuter d’un texte qui imposera un objectif d’évolution de la dépense publique dans la prochaine loi de programmation des finances publiques, alors que nous examinons, cette semaine, un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2021 et un projet de loi de finances pour 2022, qui regorgent de mesures nouvelles, lesquelles pèseront, pour certaines durablement, sur les choix du prochain Président de la République et grèveront considérablement les capacités de désendettement de l’État malgré une reprise économique inespérée.

Le Sénat souscrit à nombre des mesures contenues dans ces deux propositions de loi. Nous les avons d’ailleurs enrichies. Certes, nous avons émis des réserves, mais nous soutenons globalement les modifications utiles à la LOLF et qui permettent un examen rénové du budget. Et c’est bien cela qui nous conduit aujourd’hui à vous proposer, Laurent Saint-Martin et moi‑même, un texte de compromis sur la proposition de loi organique qui devrait, je l’espère, obtenir votre assentiment.

S’agissant de la loi ordinaire, c’est tout simplement le texte du Sénat et ses améliorations techniques qu’il vous est proposé d’adopter ce soir.

Nous souscrivons notamment à la principale mesure contenue dans le texte transmis par l’Assemblée, à savoir la fixation d’une norme pluriannuelle de dépenses des administrations publiques.

Nous avions également souhaité que les lois de programmation des finances publiques (LPFP) puissent être plus aisément révisées lorsque leurs orientations pluriannuelles sont manifestement dépassées, comme c’est le cas actuellement. Malheureusement, le texte que nous vous proposons, fruit d’un compromis, ne retient pas notre proposition de LPFP rectificative. Il nous appartiendra de réfléchir ensemble, pour l’avenir, au moyen d’assurer de la cohérence entre les textes en vigueur.

La proposition de loi organique améliore aussi la procédure d’examen de la loi de finances et le calendrier budgétaire. Je salue la simplification que constitue l’examen de l’ensemble des recettes en première partie ; nous avons proposé d’aller plus loin s’agissant des taxes affectées, et je suis heureux que cette disposition soit maintenue dans le texte que nous vous soumettons. La répartition des ressources et des charges en investissement et en fonctionnement, telle qu’elle résulte du projet de loi de finances déposé par le Gouvernement, figurera à l’article d’équilibre, ce qui enrichira notre analyse de l’équilibre du budget proposé.

Le débat unique en avril, regroupant celui sur le programme de stabilité et le débat d’orientation des finances publiques, est également bienvenu ; nous avions considéré au Sénat que ce moment « pluriannuel », tourné vers les grandes orientations budgétaires, pouvait aussi être celui du débat sur la dette. Toutefois, nous comprenons aussi l’ambition de débuter la période budgétaire à la rentrée de septembre par une discussion sur la dette. Aussi, avec Laurent Saint-Martin, nous vous proposerons une solution de compromis pour résoudre ces difficultés de calendrier.

Le Sénat a eu aussi la préoccupation d’encadrer davantage l’exécution budgétaire et de renforcer le contrôle et l’information du Parlement. Ainsi en est-il, par exemple, de la limitation des reports de crédits, qui est conservée dans le texte proposé, tout en prévoyant le cas exceptionnel de la « nécessité impérieuse d’intérêt national ».

En ce qui concerne les données fiscales, je me félicite que nous ayons sécurisé la capacité du Parlement, par le biais des présidents et rapporteurs généraux des commissions des finances, ainsi que des agents qu’ils désignent, d’accéder aux données couvertes par le secret statistique pour chiffrer les dispositions financières. L’intention du législateur est claire : les présidents et rapporteurs généraux de nos commissions, ainsi que les agents qu’ils désignent, disposeraient, ès qualités, d’une habilitation au « secret statistique ». Il appartiendra au décret de prévoir les modalités pratiques de l’accès à ces données.

Nous avons ainsi adopté une attitude constructive pour examiner ces textes, et aussi, je le crois, pour préparer cette CMP. Je remercie d’ailleurs le président Raynal, le président Woerth et le rapporteur général Saint‑Martin pour nos échanges fructueux.

Outre les mesures que je viens d’évoquer, le texte qui vous est proposé permet de retenir plusieurs dispositifs introduits à l’initiative du Sénat et qui ont été parfois retravaillés avec l’Assemblée nationale pour parvenir à un accord. Il s’agit, concernant les lois de programmation, de la présentation par chapitres, recouvrant chacun une catégorie d’administration publique, ou encore de la présence de trois scénarios d’évolution des taux d’intérêt et de leur impact sur la charge de la dette.

Le nouveau calendrier du printemps sera marqué par la concomitance du débat d’orientation des finances publiques (DOFP) et de la communication du programme de stabilité, les documents devant être transmis avant la mi-avril. Le rapport sur le DOFP comprendra également des éléments sur la situation des administrations publiques locales.

Les précisions apportées par le Sénat au contenu du rapport préalable au débat sur les finances locales, en particulier concernant les informations sur les charges transférées aux collectivités territoriales, sont conservées. Laurent Saint-Martin et moi-même vous proposons en outre d’y ajouter une information sur les exonérations facultatives d’imposition.

Je pourrais citer aussi d’autres mesures tendant à renforcer le contrôle du Parlement, s’agissant, par exemple, des reports, des dotations pour dépenses accidentelles et imprévisibles, ou encore des versements du budget général vers le compte d’affectation spéciale (CAS) « Participations financières de l’État ».

Nous avons également maintenu la suppression de certaines dispositions susceptibles d’entraver le travail parlementaire : il restera impossible de ratifier des conventions fiscales au détour de la loi de finances ; de même, le champ des questionnaires budgétaires ne sera pas restreint.

Au cours de l’examen de ces deux propositions de loi, nous n’avons jamais douté de notre capacité à rapprocher nos points de vue avec nos collègues députés pour parvenir à un texte faisant consensus, comme en 2001. J’espère qu’il vous satisfera et que, sans être le « grand soir » de la réforme budgétaire, il améliorera l’examen des textes financiers et le contrôle parlementaire sur l’exécution budgétaire.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Je remercie le Sénat d’avoir enrichi ce texte, nous sommes parvenus à un compromis qui marque une avancée réelle sur cette constitution financière qu’est la LOLF. Nous sommes d’accord sur les objectifs, ceux d’un meilleur pilotage pluriannuel des dépenses et de la dette publiques, d’une application plus rigoureuse de nos principes budgétaires, d’une rationalisation de la discussion parlementaire et du renforcement des capacités d’évaluation parlementaire des politiques publiques.

Pourquoi réformer maintenant, nous demande-t-on, alors que nous avons dû accroître la dépense budgétaire face à la crise sanitaire ? Mais l’enjeu de la gouvernance et de la modernisation des finances publiques est avivé par la crise sanitaire, précisément parce que nous avons levé de nouvelles ancres – et c’est une raison supplémentaire pour faire du Parlement l’organe du contrôle et de l’évaluation des finances publiques qu’il n’a pas suffisamment été jusqu’à présent.

Ce texte a une longue genèse que vous connaissez, dont l’origine est la mission d’information composée notamment par Charles de Courson, Valérie Rabault et Joël Giraud, et nous avons été nombreux à y contribuer. Ce texte est non pas une révolution, mais une très belle évolution : nous sommes arrivés au bout d’une évolution normative. La balle est désormais dans le camp des gestionnaires publics : à eux de se saisir des outils que nous mettons à leur disposition.

Je veux anticiper une critique : avec ce texte, nous ne favorisons pas telle ou telle orientation politique ; notre propos n’est pas de réduire la dépense publique ni de servir une politique « austéritaire » : la norme pluriannuelle de la dépense publique est une mini-révolution, mais ce n’est qu’un outil dont le pouvoir en place fera ce qu’il voudra ; c’est un cadre qui assurera une discussion plus transparente et plus efficace, mais la politique elle-même restera libre.

Le rapporteur du Sénat a bien mis en relief le compromis auquel nous sommes parvenus, et, comme tout compromis, nous avons dû renoncer à certains points, tout comme nous pouvons nous satisfaire de voir inclus d’autres points auxquels nous tenions particulièrement. À titre personnel, je regrette que nous ayons renoncé à rationaliser les questionnaires budgétaires, mais je comprends la position du Sénat, qui examine le budget selon un autre calendrier et qui, étant allé plus avant dans l’évaluation, veut garder les mains libres pour poser d’autres questions. À l’inverse, je me réjouis et je remercie les sénateurs d’avoir accepté de revenir à notre rédaction sur les taxes affectées. C’est une disposition majeure, qui répond à notre vœu de préserver l’universalité budgétaire, donc le consentement à l’impôt. Nous allons vers des discussions parfois difficiles avec des filières qui bénéficient de taxes affectées, mais nous pourrons nous tenir à ce critère qu’est le lien entre la taxe et le service public rendu, depuis le point de vue de l’utilisateur, ce qui est positif.

Je me réjouis également du compromis auquel nous sommes parvenus sur le calendrier respectif du rapport et du débat sur la dette publique : chaque assemblée voit son calendrier respecté, c’est une très bonne chose.

Enfin, sur la distinction entre investissement et financement, nous sommes arrivés à une avancée qui comptera, je remercie en particulier Éric Woerth pour son abnégation : nous pourrons mieux analyser l’endettement et les choix d’investissement, c’est là encore une avancée.

Je crois que nous faisons œuvre utile et ce moment est important. Merci à chacun de vous d’y participer.

Mme Valérie Rabault, députée. – Merci pour ce travail important. Je reste cependant très critique sur l’article 11, qui autorise les présidents de commission et les rapporteurs généraux à déléguer à des agents publics le recueil des données fiscales. Attention, la question est très sensible, il ne faut pas saper la confiance dans la confidentialité des données fiscales. Lorsque le président d’une commission des finances ou un rapporteur général se déplace à Bercy, on le reconnaît, on n’a guère de doute sur la personne à qui l’on donne accès aux données fiscales, mais il en est autrement face à une personne qui a reçu délégation.

Pourquoi, ensuite, ne pas utiliser la procédure qui est en place pour les chercheurs, c’est-à-dire le passage devant le comité du secret statistique ? Ce comité suit une procédure éprouvée. Pourquoi s’en passer, y compris pour des personnes qui auraient reçu une délégation d’un président de commission ou d’un rapporteur général ?

Enfin, il faut faire attention à la matière elle-même : dans la statistique publique, il y a des données médicales, auxquelles le Gouvernement lui-même n’a pas accès. L’article 11 donne au Parlement la possibilité d’y accéder, ce n’est pas satisfaisant.

Je suis bien sûr favorable au contrôle parlementaire sur les finances publiques, mais nous devons veiller à la protection des données fiscales. L’article 11 ne prend pas suffisamment de garanties, et je préférerais que l’accès à ces données soit restreint aux deux présidents de commissions des finances et aux deux rapporteurs généraux.

M. Charles de Courson, député. – Nous nous apprêtons à voter un texte commun, mais connaît-on la position du Gouvernement sur les options que nous prenons ? Devons-nous nous attendre à des amendements de sa part ? Ensuite, quels risques constitutionnels avez-vous identifiés – par exemple sur l’article 11, comme vient d’en parler Valérie Rabault ? Le juge constitutionnel, au nom de la protection des libertés fondamentales, censure des délégations – il l’a fait, par exemple, pour les écrous – : est-ce un risque ici ?

Dans le fond, je me réjouis des avancées obtenues et je vous félicite pour les progrès réalisés, pour ce compromis qui recueille une forte majorité. J’ai toujours rêvé de rendre lisibles les textes relatifs aux lois de finances, nous progressons dans cette direction. J’avais moi-même déjà proposé, il y a vingt ans, de distinguer investissement et fonctionnement ; nous y arrivons progressivement.

Quant à réserver l’exclusivité des amendements fiscaux aux lois de finances, il y a encore du chemin à faire, tant cette idée rencontre l’hostilité des présidents des autres commissions, une constante que nous ne sommes pas près de voir disparaître…

M. Jérôme Bascher, sénateur. – La dette est un sujet de moyen terme, c’est aussi un sujet de politique majeur, davantage que de normes à inscrire dans une loi organique. Cependant, le compromis auquel nous parvenons me va très bien.

Une précision sur les statistiques publiques : elles ne recouvrent pas les questions de santé. Aussi, la rédaction de l’article 11, qui prévoit un décret en Conseil d’État, me semble très bien convenir.

Ensuite, il me semble très sain que les parlementaires aient accès aux données fiscales, les chercheurs y ont déjà accès. Il s’agit de travailler avec des professionnels de la statistique, et je crois qu’on se fait de fausses peurs : ce texte répond au règlement européen sur le secret statistique et au besoin d’information que nous avons pour évaluer la fiscalité.

M. Brahim Hammouche, député. – Je salue, dans le compromis trouvé, l’effort pour moderniser la gestion de nos finances publiques et pour mieux prévoir l’évolution de nos dépenses, c’est une grande avancée. Mon groupe, ensuite, se réjouit que la commission des affaires étrangères ne se trouve pas dessaisie des conventions fiscales.

M. Éric Woerth, député, vice-président. – Ce texte n’est pas sans contenu, sinon nous n’en débattrions pas, et je me félicite que nous soyons entrés dans le détail de nos procédures et de nos calendriers budgétaires, que nous ayons considéré la façon dont chacune de nos deux assemblées prépare et examine le budget, contrôle et évalue l’action du Gouvernement ; nous avons appris de ce travail et nous gagnons à actualiser la LOLF. Je ne sais pas si le Gouvernement a prévu de déposer des amendements à notre texte. Nous avons discuté avec lui en cours de rédaction, il nous a paru ouvert à la réforme – il faut dire aussi qu’elle vient à point nommé, en donnant des gages à l’Europe.

Ce texte comporte-t-il un risque constitutionnel ? Nous avons fait notre possible pour le limiter, en étant auditionnés par l’assemblée générale du Conseil d’État. La réunion, qui fut longue, dense et positive, a entrainé des modifications du texte, mais nous savons que le risque zéro n’existe pas.

Enfin, nous nous sommes mis d’accord sur la définition de l’investissement et du fonctionnement, c’est une très bonne chose. Nous ne devons pas perdre de vue que nous ne faisons pas de la comptabilité, mais de la politique, nous avons donc besoin d’indicateurs pour évaluer nos politiques publiques. La crise que nous traversons n’est pas conjoncturelle, mais structurelle, les plans d’investissement que nous prenons sont inédits et nous devons les analyser dans leur ensemble, pas seulement sur le plan comptable.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – La dette est effectivement une question de long terme, en particulier sa soutenabilité, et il est sain que nous ayons un débat politique régulier sur le sujet. Aussi, nous regrettons que nous n’en débattions pas précisément lors du débat d’orientation des finances publiques en juillet, qui est un débat d’économie politique plutôt que de technique fiscale et où l’on n’aborde guère la dette, son coût, ses modalités de gestion, leurs conséquences sur nos capacités d’investissement.

Je ne sais pas non plus si le Gouvernement se prépare à déposer des amendements sur notre texte, nous espérons qu’il n’y en aura pas – en particulier parce que le compromis auquel nous sommes parvenus est solide et satisfaisant.

Enfin, nous avons tâché de limiter les risques constitutionnels – l’audition par l’assemblée générale du Conseil d’État a été une expérience impressionnante –, mais nous ne sommes jamais à l’abri d’une censure. Je comprends vos réserves sur l’article 11, mais actuellement, ce sont des contractuels de l’Assemblée nationale qui accèdent aux données fiscales…

Mme Valérie Rabault, députée.  Oui, mais ils y sont autorisés par le comité du secret statistique.

M. Laurent Saint-Martin, rapporteur pour l’Assemblée nationale. – Certes, mais ils y accèderont par le truchement des présidents de commissions des finances et par les rapporteurs généraux.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. – Nous parvenons au terme de ce long travail, qui a tout de même concerné plusieurs rapporteurs généraux tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, et je tiens à remercier chacun de vous et tous ceux qui ont contribué à nos travaux.

Je sais Mme Rabault très attachée au respect du secret fiscal, et je voudrais la rassurer en rappelant que toutes les données dont nous parlons sont rendues anonymes. L’unité de la donnée fiscale est un agrégat de 100 ménages, sans possibilité de savoir qui y entre, sans pouvoir descendre en dessous. Nous avons besoin de faire des simulations précises de nos amendements, pour évaluer concrètement leur portée ; j’ai même proposé de bâtir à cette fin une structure commune aux deux assemblées, en se plaçant dans le cadre de l’article 57 de la LOLF. Je précise également que la loi ne permet pas aux membres du Parlement de passer par le comité du secret statistique.

Je confirme qu’il n’y a pas de risque zéro en matière constitutionnelle ; nous verrons ce qu’il en est.

Enfin, s’agissant du débat sur la dette, nous avons raison de prendre en compte les spécificités de nos calendriers respectifs. S’il est légitime que l’Assemblée nationale souhaite un débat sur la dette en septembre, pour faire un ensemble avec l’examen du budget, nous imposer un tel débat à la même date ne revêt pas nécessairement le même intérêt au Sénat compte tenu de notre propre agenda. Nous avions pensé qu’il pourrait être mieux de regrouper, à la mi-avril, ce débat sur la dette publique avec le débat d’orientation sur les finances publiques – ce sera aussi l’occasion qu’une chambre du Parlement français s’exprime sur ce sujet avant la transmission de nos engagements aux institutions européennes.

M. Claude Raynal, sénateur, président. – Nous allons passer à l’examen des textes. Pour la proposition de loi organique, les rapporteurs nous ont soumis un texte de compromis, auquel M. Éric Woerth propose d’apporter une modification.

PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE

La rédaction de compromis des rapporteurs, telle que modifiée par la proposition de rédaction présentée par M. Éric Woerth est adoptée.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l’ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

PROPOSITION DE LOI

La commission mixte paritaire adopte, dans la rédaction du Sénat, l’ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives au Haut Conseil des finances publiques et à l'information du Parlement sur les finances publiques.

 

 


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Tableau comparatif
 

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