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N° 4697

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 novembre 2021.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant la création d’une plateforme de référencement et de prise
en charge des malades chroniques de la covid19,

 

 

 

Par M. Michel ZUMKELLER,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 3413.

 


 

 


– 1 –

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

INtroduction

I. le covid long, une rÉalitÉ douloureuse pour de nombreux franÇais

A. des COMPLICATIONS prolongÉes aux causes incertaines

1. Des symptômes de mieux en mieux identifiés

2. Des causes encore floues

B. DES consÉquences considÉrables pour deS centaines de milliers de NOS CONCITOYENS

1. Un quotidien très affecté par le Covid long

2. Un million de Français concernés par le Covid long ?

II. Donnons-nous les moyens de traiter correctement les malades chroniques de la covid19 !

A. une RÉPONSE SANITAIRE encore insuffisante

1. Une stratégie nationale impulsée par la Haute Autorité de santé

2. Une mise en œuvre insatisfaisante

B. UNE PLATEFORME POUR MIEUX recenser et ORIENTER LES PATIENTS

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er Création d’une plateforme de suivi des malades chroniques de la covid19

Article 2 Modalités de prise en charge des malades chroniques de la covid19

Article 3 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


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   AVANT-PROPOS

À l’heure où de nouvelles restrictions sanitaires sont mises en œuvre en Europe pour faire face à un regain de l’épidémie de covid‑19, nombre de nos concitoyens continuent de faire état de complications persistantes à la suite d’une infection par le SARS-CoV-2. Si, dans la plupart des cas, les symptômes de la covid‑19 disparaissent au bout de quelques jours, les témoignages s’accumulent depuis plusieurs mois pour décrire des symptômes, variés et fluctuants, qui perdurent : perte de goût et d’odorat, maux de tête, épuisement qualifié parfois de « fatigue terrassante », rapide essoufflement à l’effort, pertes de mémoire, difficultés à se concentrer, véritable « brouillard mental » entraînant des difficultés à penser ou à trouver ses mots, troubles cardio-thoraciques, douleurs articulaires, troubles psychiques, etc.

Le rapporteur a lui-même reçu plus de 2 000 témoignages en quelques jours sur le site internet loicovidlong.fr qu’il a créé dans la perspective de l’examen de la présente proposition de loi. Cet afflux de messages atteste, s’il le fallait encore, le besoin d’être écouté et pris en considération de nos concitoyens.

Les symptômes décrits sont parfois très invalidants et peuvent bouleverser le quotidien des personnes malades. Ils sont la manifestation de ce qui est communément appelé désormais le « Covid long » ([1]). Ces symptômes persistants ont été progressivement reconnus, en particulier par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ([2]) dont les travaux, réalisés en lien avec la communauté scientifique et les associations de malades, ont permis de parvenir récemment à une définition internationale du Covid long.

En France, l’Assemblée nationale a adopté le 17 février 2021 une résolution visant à reconnaître et prendre en charge les complications à long terme de la covid‑19 ([3]). Ce vote est intervenu quelques jours après la publication par la Haute Autorité de santé (HAS) de « réponses rapides » sur les symptômes prolongés suite à une covid‑19 de l’adulte, qui ont permis de mettre en place une stratégie nationale qui a conduit à la création de « cellules de coordination post-Covid ».

Alors que les symptômes du Covid long commencent à être bien identifiés, il n’en va pas de même des mécanismes qui en sont à l’origine. Les causes sont encore mal connues et les conclusions de certaines études scientifiques font l’objet de vifs débats ([4]). Diverses hypothèses, rappelées en juillet dernier par un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), pourraient expliquer ces symptômes persistants. Des troubles psychosomatiques ne peuvent être complètement écartés au regard des états associés d’anxiété ou de dépression. Toutefois, au regard des connaissances actuelles, ils apparaissent davantage comme une conséquence des symptômes, et non comme une cause, bien qu’ils puissent participer à les entretenir ([5]).

S’il appartient à la science d’apporter des réponses à ces questions et de proposer des solutions thérapeutiques, il revient au politique de reconnaître pleinement l’existence de ces symptômes et d’apporter une réponse globale aux difficultés multidimensionnelles rencontrées par les malades chroniques de la covid‑19. Les auditions conduites par le rapporteur ont permis de mettre en lumière les conséquences en cascade du Covid long sur la vie professionnelle, sociale et familiale. Certains patients se retrouvent incapables de reprendre une activité professionnelle et voient leurs revenus diminuer sensiblement alors même que la multiplication des consultations médicales génère des dépenses supplémentaires. Certains adultes ne sont plus suffisamment autonomes pour s’occuper des tâches quotidiennes et de leurs enfants, quand d’autres parents se retrouvent confrontés aux effets au long cours chez un enfant.

Bien qu’ayant été davantage épargnés par la pandémie, les enfants ne sont en effet pas à l’abri de complications. Tout comme le Covid long des adultes, le « Covid long pédiatrique » serait sans doute sous-évalué. Du fait de difficultés de concentration ou des problèmes de mémorisation rencontrés, les conséquences du Covid long sont très dommageables à la scolarité des enfants.

Face à l’ampleur du phénomène, il devient urgent d’organiser une réponse sanitaire ambitieuse.

Une première étape consisterait à recenser dans notre pays les cas de Covid long, sous toutes ses formes. Contrairement aux contaminations et aux décès imputables à la covid‑19, il n’existe en effet aucun décompte officiel du nombre de personnes touchées par le Covid long. Les résultats des études scientifiques et les données épidémiologiques suggèrent pourtant que plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens, potentiellement autour d’un million, seraient sujets à des complications trois à six mois après leur infection. C’est pourquoi, la présente proposition de loi prévoit la mise en place d’une plateforme permettant aux patients ayant développé des symptômes prolongés de se faire référencer.

Cet outil permettrait en outre de faciliter l’orientation des patients et de limiter l’errance médicale, qui est à la fois coûteuse et chronophage. Les patients seraient alors pris en charge soit par leur médecin traitant dans le cadre d’un protocole déterminé, soit dans une unité de soins spécialisée pour les cas les plus graves. Les soins délivrés au titre des symptômes persistants de la covid‑19 seraient intégralement pris en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé. Cette proposition rejoint la demande répétée des associations qui souhaitent la reconnaissance du Covid long comme affection longue durée exonérante.

Ce texte n’épuise évidemment pas tous les leviers qu’il convient de mobiliser pour traiter le Covid long. Il est impératif de mobiliser tous les canaux de communication pour sensibiliser le grand public sur cette question, à commencer par les médecins généralistes dont une partie semble encore ignorer la variété des symptômes de même que les dispositifs mis en place par les autorités sanitaires. Notre pays pourrait s’inspirer de la Catalogne, qui a très tôt mis en place un guide clinique spécifique prévoyant un protocole décliné au niveau local par des référents Covid long au sein de centres médicaux d’assistance primaire. Enfin, le France doit s’engager pleinement dans la recherche scientifique pour faire toute la lumière sur les mécanismes du Covid long et proposer aux malades des traitements adaptés.

 

 

 


– 1 –

   INtroduction

I.   le covid long, une rÉalitÉ douloureuse pour de nombreux franÇais

A.   des COMPLICATIONS prolongÉes aux causes incertaines

1.   Des symptômes de mieux en mieux identifiés

L’expression « Covid long » est désormais couramment utilisée pour décrire les manifestations prolongées d’une infection au SARS-CoV-2, après une phase aiguë ou une phase de récupération. Si les signes de l’infection disparaissent bien souvent en quelques semaines, les symptômes persistent pour certains patients ou réapparaissent après une amélioration.

● Le Covid long a fait l’objet de nombreux travaux scientifiques et de recommandations au niveau international. En France, la Haute Autorité de santé (HAS) a défini en février 2021 une série de trois critères permettant d’identifier les cas de Covid long ([6]) :

– le patient doit avoir présenté une forme symptomatique initiale de la covid‑19 ;

– le patient présente un ou plusieurs symptômes initiaux quatre semaines après le début de la maladie ;

– aucun de ces symptômes ne peut être expliqué par une autre maladie.

● Toutefois, jusque très récemment, il n’existait pas de définition communément admise au niveau international du Covid long, ce qui rendait la maladie difficilement identifiable pour l’ensemble des professionnels de santé. Le 6 octobre dernier, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) est parvenue à une définition de cas clinique : « L’affection post COVID-19 survient chez des personnes présentant des antécédents d’infection probable ou confirmée par le SARS-CoV-2, généralement 3 mois après l’apparition de la COVID-19 avec des symptômes qui persistent au moins 2 mois et qui ne peuvent être expliqués par un autre diagnostic » ([7]).

● Les symptômes du Covid long sont très variés. L’étude de la communauté de recherche ComPaRe de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) en a ainsi référencé plus d’une cinquantaine (voir infographie). Toutefois, ce nombre pourrait être bien supérieur, certaines études recensant plus de deux cents symptômes liés à une infection à la covid‑19 ([8]).

Selon l’OMS, les symptômes les plus courants seraient « la fatigue, l’essoufflement, un dysfonctionnement cognitif, mais aussi d’autres symptômes qui ont généralement un impact sur le fonctionnement quotidien » ([9]). Les personnes auditionnées par le rapporteur ont insisté sur le fait qu’il ne s’agissait pas d’une fatigue banale mais d’une fatigue « terrassante », d’un épuisement souvent prématuré à l’effort pouvant aller jusqu’à provoquer des malaises, de difficultés respiratoires (essoufflement, toux), de troubles cognitifs qualifiés de « brouillard mental » (problèmes de concentration, difficulté à penser ou à trouver ses mots), etc.

Ces différents symptômes peuvent concerner l’ensemble du corps, évoluer au cours du temps dans leur localisation ou leur intensité et varier fortement d’un patient à l’autre. Ils peuvent apparaître au cours de la phase aiguë ou ultérieurement. Pour l’OMS, « les symptômes peuvent être d’apparition nouvelle après un rétablissement initial à la suite d’un épisode de COVID-19 aiguë, ou persister depuis la maladie initiale. Les symptômes peuvent également fluctuer ou récidiver au fil du temps ».

Il existe encore beaucoup d’incertitudes sur les facteurs favorisant l’apparition de ces complications au long cours. Selon le Dr Julien Carricaburu, conseiller médical auprès de la directrice générale de l’offre de soins, la sévérité initiale de la maladie (hospitalisation en soins intensifs ou pas) et le nombre de symptômes présents à la phase aiguë pourraient jouer un rôle dans leur apparition ([10]). De même, il est difficile d’établir un profil type des patients contractant le Covid long, même s’il semblerait que les femmes sans comorbidités et ayant entre 30 et 50 ans pourraient être davantage touchées.

 


DESCRIPTION DES CINQUANTE MANIFESTATIONS DU COVID-LONG MISES EN LUMIÈRE

PAR LES RÉSULTATS DE L’ÉTUDE COMPARE

https://www.aphp.fr/sites/default/files/compare_covid.jpg

Note : Fin octobre 2020, ComPaRE, la communauté de patients pour la recherche de l’AP-HP, a lancé une étude sur le Covid long. Plus de 600 personnes ont détaillé leurs symptômes et ont partagé leurs difficultés quotidiennes. L’infographie présente les cinquante manifestations de Covid long mises en avant par cette première phase de l’étude.

Source : AP-HP.


2.   Des causes encore floues

Alors que les symptômes du Covid long sont de mieux en mieux décrits, les mécanismes qui en sont à l’origine demeurent encore largement méconnus. Les troubles observés ne sont pas toujours associés à des altérations visibles en imagerie.

À ce jour, la communauté scientifique avance plusieurs hypothèses pour expliquer les symptômes du Covid long. Ceux-ci pourraient être dus à une présence persistante du virus dans des endroits indécelables, à une réponse immunitaire inadaptée sur le temps long, à une inflammation persistante de certains organes ou encore des facteurs génétiques, hormonaux ou auto-immuns associés ([11]).

On ne peut pas exclure non plus des troubles psychosomatiques au regard des états associés d’anxiété ou de dépression. Cependant, selon l’OPECST, « en l’état actuel des connaissances, ils apparaissent davantage comme une conséquence que comme une cause des symptômes, mais ils pourraient participer à entretenir ces derniers » ([12]).

B.   DES consÉquences considÉrables pour deS centaines de milliers de NOS CONCITOYENS

1.   Un quotidien très affecté par le Covid long

Le Covid long entraîne des conséquences importantes non seulement sur la santé physique et mentale des patients mais aussi sur leur vie professionnelle, scolaire, familiale ou sociale.

● Ainsi que le relève l’OPESCT dans son rapport de juillet dernier, « ceci se traduit par une perte d’autonomie et de vigueur dans les activités quotidiennes les plus simples. De fréquents malaises post-effort, après une activité cognitive ou physique, empêchent de vivre une vie normale, en particulier pour des patients qui étaient actifs avant la maladie. Cette situation a un impact sur la santé mentale et engendre des troubles du sommeil, de l’anxiété, ou du stress. » ([13])

Dans ces conditions, il peut rapidement devenir impossible de poursuivre une vie normale. Plusieurs personnes auditionnées par le rapporteur ont fait part de leur désarroi face à l’enchaînement des problèmes. Certaines d’entre elles, en arrêt de travail depuis plusieurs mois, n’ont pas pu reprendre une activité professionnelle et connaissent des difficultés financières croissantes. Cette précarisation est accentuée le cas échéant par la perte de l’emploi et par des dépenses de santé élevées liées à la multiplication des consultations médicales.

Cette spirale emporte des conséquences importantes sur la vie sociale et familiale. Certains parents, très fatigués, éprouvent des difficultés à s’occuper de leurs enfants.

● À l’inverse, d’autres parents sont confrontés à ce que l’on appelle désormais le « Covid long pédiatrique ». Même si les mineurs ont été moins touchés que les adultes par la covid, de plus en plus de cas de Covid long semblent être détectés chez les enfants. Selon l’OPECST, « la prévalence du Covid long pédiatrique est certainement sous-évaluée, sans doute du fait que les enfants ne se plaignent pas ». Au Royaume-Uni, selon le UK Office for National Statistics, sur près de 500 000 enfants britanniques testés positifs à la covid‑19, 12,9 % de ces enfants âgés de 2 à 11 ans et 14,5 % de ceux âgés de 12 à 16 ans présentaient des symptômes persistants cinq semaines après leur infection ([14]). Or, cette situation n’est pas sans impact sur leur scolarité puisqu’elle entraîne des difficultés de concentration ou encore des problèmes de mémorisation par exemple.

Ainsi les conséquences du Covid long sur la qualité de vie peuvent être lourdes et entraîner des préjudices en série.

2.   Un million de Français concernés par le Covid long ?

L’absence de définition et la variété des symptômes du Covid long rendent aujourd’hui difficile une estimation précise des personnes concernées.

Selon le Dr Julien Carricaburu, la proportion de cas de Covid long peut varier de 10 à 40 % pour des patients non hospitalisés, et de 25 à 75 % pour des patients hospitalisés ([15]). Ces chiffres rejoignent ceux mentionnés par l’OPECST, qui a réalisé une revue de la littérature scientifique en juillet dernier : « la proportion de patients ambulatoires présentant des symptômes persistants 3 à 6 mois après une infection au SARS-CoV2 se situerait autour de 10 à 15 %. Ce taux pourrait monter à 75 % pour les patients qui ont été hospitalisés. » ([16]) La prévalence du Covid long s’élèverait à 20 % cinq semaines après l’infection selon la HAS ([17]).

Or, au 8 novembre 2021, 7,2 millions de personnes avaient contracté la covid‑19 en France selon Santé publique France. Par conséquent, en appliquant à ce chiffre les pourcentages issus des études scientifiques s’agissant des personnes n’ayant pas été hospitalisées, ce serait entre 720 000 et 1 080 000 personnes qui présenteraient des symptômes persistants trois à six mois après une infection par le virus, et près de 1,5 million de personnes cinq semaines après l’infection.

Ces chiffres donnent une idée de l’ampleur du phénomène, qui apparaît aujourd’hui largement sous-estimé par les pouvoirs publics. Cette situation peut s’expliquer notamment par l’absence de suivi de la majorité des patients qui ont développé des symptômes légers ou intermittents. Le Covid long ne toucherait donc pas seulement quelques dizaines de milliers de personnes dans notre pays, mais plutôt de l’ordre d’un million de personnes !

Aussi est-il urgent d’apporter des solutions efficaces pour recenser tous les cas de Covid long et mettre en place un parcours de soins lisible pour le grand public.

II.   Donnons-nous les moyens de traiter correctement les malades chroniques de la covid‑19 !

A.   une RÉPONSE SANITAIRE encore insuffisante

1.   Une stratégie nationale impulsée par la Haute Autorité de santé

La France a mis en place progressivement des actions visant à mieux reconnaître et prendre en charge les patients ayant développé des symptômes persistant de la covid‑19.

Le 14 décembre 2020, le ministre des solidarités et de la santé a saisi la HAS à propos du Covid long afin notamment d’éviter l’errance médicale des patients, le recours à des traitements non adaptés ainsi que des hospitalisations non pertinentes.

Cette dernière a alors publié des « Réponses rapides » sur le Covid long ([18]), consistant en une stratégie générale et des annexes spécifiques par type de symptômes ou spécialités (fiches « fatigue », « trouble du goût et de l’odorat », ou encore « kinésithérapie »), à destination des professionnels de santé, afin de les accompagner dans la prise en charge et l’orientation des patients atteints du Covid long.

Ces différentes orientations ont ensuite été déclinées par la direction générale de la santé (DGS), qui a publié, le 23 mars 2021, une série de recommandations à destination des professionnels de santé ([19]). La DGS a notamment appelé au développement de « cellules de coordination post-Covid » sur l’ensemble du territoire afin de coordonner la prise en charge des patients et fournir une assistance aux malades et aux médecins traitants.

2.   Une mise en œuvre insatisfaisante

● Les auditions conduites par le rapporteur ont toutefois mis en exergue les lacunes de la réponse sanitaire française. Trop de médecins généralistes et, a fortiori, de patients ignorent d’une part la variété des symptômes persistants liés à la covid‑19 et, d’autre part, l’existence du dispositif mis en place par les autorités sanitaires. De toute évidence, il existe une marge de progression considérable en matière de communication pour sensibiliser les professionnels de santé et le grand public sur le sujet.

● La France pourrait s’inspirer de ce qui été réalisé par la Généralité de Catalogne ([20]). Durement touchée par l’épidémie de covid‑19, la Catalogne a été la première communauté autonome en Espagne à mettre en place en mars 2021 un guide clinique spécifique pour les patients souffrant du Covid long (voir encadré).

Le traitement des malades chroniques de la covid‑19 en Catalogne

La Généralité de Catalogne a établi dès le printemps 2021 un protocole commun au système de soin catalan, qui prend en compte les dimensions somatiques et émotionnelles du Covid long. Ce protocole a été défini par un guide clinique élaboré en concertation avec les professionnels de santé et les patients.

Il a été mis en œuvre au niveau local par des référents Covid long au sein de centres médicaux d’assistance primaire, qui sont chargés d’établir un premier diagnostic. Ces référents ont suivi des formations spécifiques afin qu’ils puissent sensibiliser eux-mêmes leurs collègues (médecins, infirmiers, etc.) à la question des symptômes persistants de la covid‑19.

Les équipes de ces centres de santé de proximité établissent un plan de soins et de suivi individualisé incluant des consultations régulières des patients, sur place ou à distance. Les patients peuvent être orientés vers des spécialistes le cas échéant ou faire l’objet d’un accompagnement psychologique en cas de dégradation de l’état de santé mentale. Le suivi des patients permet aujourd’hui de faire avancer la recherche sur le Covid long.

B.   UNE PLATEFORME POUR MIEUX recenser et ORIENTER LES PATIENTS

Au regard de la situation actuelle, il est indispensable que les autorités sanitaires mettent en place une plateforme de suivi des personnes touchées par le Covid long.

● Cette plateforme aurait pour premier objectif de recenser les personnes ayant développé des symptômes persistants de la covid‑19 et ainsi mieux saisir toute la complexité du Covid long (article 1er). Celle-ci recueillerait les réponses à un questionnaire comportant des questions ouvertes et des questions fermées.

● La plateforme serait utilisée en outre pour faciliter l’orientation des patients, majeurs et mineurs, selon un protocole préétabli, fluidifier leur parcours de soins et réduire ainsi l’errance médicale (article 2). Le dispositif proposé permettrait, sur la base des informations recueillies sur la plateforme, d’orienter directement les patients vers leur médecin traitant, qui doit demeurer leur interlocuteur privilégié, ou vers une unité de soins post‑covid d’un établissement de santé pour les patients nécessitant un suivi médical plus soutenu.

Les analyses et les soins prescrits à l’issue de l’orientation des patients vers ces différentes structures seraient intégralement pris en charge par l’assurance maladie et par les complémentaires santé. Cette prise en charge intégrale irait de pair avec la reconnaissance du Covid long comme affection de longue durée exonérante ([21]), réclamée par les associations. Une telle reconnaissance permettrait de réduire les dépenses de santé des patients dont la situation financière est fragilisée par l’arrêt de l’activité professionnelle.

 

 


– 1 –

   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
Création d’une plateforme de suivi des malades chroniques de la covid19

Adopté avec modifications

L’article prévoit la création d’une plateforme de suivi afin de référencer les patients ayant développé des symptômes persistants de la covid‑19.

I.   L’ABSENCE d’un recEnsement officiel de la population atteinte du Covid long

Si différentes études ont permis de déterminer une proportion de la population atteinte par le Covid long, il n’existe pas à ce jour de chiffres officiels à ce sujet, à l’instar du nombre de cas confirmés de contamination par le virus, du nombre de décès, ou encore du nombre personnes vaccinées, recensés et publiés par le Gouvernement et accessibles en ligne par les citoyens.

Ainsi, selon le Pr Dominique Salmon-Ceron, infectiologue à l’Hôtel-Dieu et coordonnatrice d’une étude sur les symptômes persistants de la covid‑19, 25 à 30 % des patients présentent des symptômes du virus un à deux mois après le diagnostic initial, et 10 à 15 % après six à huit mois ([22]). Ces résultats sont corroborés par une étude britannique d’octobre 2021, selon laquelle plus de 20 % des patients présentent une persistance des symptômes après cinq semaines suite à la première contamination, et 10 % après trois mois ([23]). Les femmes seraient davantage concernées que les hommes ([24]).

II.   LA NÉCESSAIRE MISE EN PLACE D’une plateforme de suivi

Afin de mieux appréhender et prendre en charge le Covid long, il est indispensable que les pouvoirs publics mettent en place une plateforme de suivi des personnes touchées par le Covid long. Cette plateforme sera accessible de différentes façons, en particulier via internet. Le recours à cette plateforme se fera sur la base du volontariat et à titre gratuit.

● Cette plateforme recueillera à la fois des réponses à un questionnaire, construit sur la base de questions et réponses pré-formatées afin de faciliter le traitement des données, mais aussi de commentaires libres. Les questions porteront sur le profil du patient (âge, sexe, état de santé initial), les caractéristiques de la première contamination (nature, durée et intensité des symptômes, hospitalisation ou non), celles des symptômes persistants ainsi que la nature, la durée et les résultats du ou des traitements prescrits. Ces données seront transmises à l’assurance maladie, qui pourra ainsi les compiler et les organiser afin notamment de faire progresser la recherche sur le Covid long.

Un tel dispositif rejoint le projet développé depuis l’an dernier par l’association Tous Partenaires Covid ([25]), qui a mis en place des questionnaires en ligne visant à répertorier les symptômes physiques et psychologiques ressentis après une infection par le SARS-CoV-2. 3 500 personnes ont répondu à ces questionnaires, ce qui témoigne du besoin de nos concitoyens affectés par le Covid long d’être suivis et accompagnés.

● Toutefois, la plateforme prévue par le présent article permettra d’aller bien plus loin dès lors qu’elle sera gérée par les autorités publiques. Sous réserve d’y consacrer des moyens financiers suffisants et d’accompagner son déploiement d’une campagne de communication nationale, elle permettra d’atteindre un public bien plus large. Au regard des estimations du nombre de cas de Covid long, qui s’élèvent à plusieurs centaines de milliers, on mesure tout l’intérêt du développement par l’État d’une telle plateforme.

En outre, le questionnaire médical pourra être utilisé pour faciliter l’orientation des patients selon un protocole préétabli, fluidifier leur parcours de soins et réduire ainsi l’errance médicale : c’est l’objet de l’article 2.

● La commission a adopté un amendement de Mme Laurence Trastour‑Isnart (groupe Les Républicains) prévoyant un décret en Conseil d’État, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, pour préciser les modalités d’application de la plateforme.

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Article 2
Modalités de prise en charge des malades chroniques de la covid19

Adopté avec modifications

L’article prévoit la prise en charge, soit par le médecin traitant, soit par une unité de soins post-covid d’un établissement de santé, des patients, majeurs ou mineurs, atteints du Covid long, après avoir eu recours à la plateforme de suivi. Les analyses et soins prescrits à l’issue de cette orientation seront intégralement pris en charge par l’assurance maladie et par les complémentaires santé.

I.   UNE prise en charge insatisfaisante des malades chroniques de la covid‑19

La prise en charge des patients atteints par le Covid long s’est progressivement organisée en France, en particulier sur la base des orientations de la Haute Autorité de santé (HAS) figurant dans ses « Réponses rapides » sur le Covid long publié le 12 février 2021 ([26]).

● Dans ce document, la HAS insiste en particulier sur les points suivants :

– la majorité des patients peuvent être suivis en « soins primaires », en particulier par leur médecin traitant. Ce dernier doit rester l’interlocuteur privilégié en la matière, suivant une approche globale et personnalisée. Le traitement est symptomatique : il ne s’attaque pas à la cause du Covid long, mais vise à en diminuer les symptômes, qui disparaissent au bout de quelques mois dans la plupart des cas. Ce n’est que par exception qu’une autre structure (séjour hospitalier, médecine spécialisée) doit être sollicitée ;

– la dimension psychologique ne doit pas être ignorée. L’écoute médicale doit être empathique, la démarche personnalisée, et le patient doit être informé et associé au processus de soins. Le professionnel doit lui donner une liste de contacts en cas d’inquiétudes sur ses symptômes, les coordonnées des associations de patients, etc. Le médecin doit veiller aux troubles anxieux et dépressifs et, le cas échéant, proposer un soutien psychologique ;

– la rééducation (respiratoire, olfactive, etc.) doit occuper une place centrale.

● Sur ces bases, la direction générale de la santé (DGS) a publié des recommandations le 23 mars 2021 à destination de l’ensemble des professionnels de santé, où elle a notamment appelé au développement de « cellules de coordination post-covid » sur tout le territoire.

Ces cellules ont été progressivement mises en place par les agences régionales de santé (ARS), souvent à partir de structures préexistantes.

 

SCHÉMA DE LA COORDINATION ENTRE PROFESSIONNELS DE SANTÉ ASSURÉE PAR LES « CELLULES DE COORDINATION POST-COVID »

Source : DGS.

● Les auditions conduites par le rapporteur ont toutefois mis en exergue les lacunes du dispositif actuel.

En premier lieu, il existe de fortes disparités d’une région à l’autre. Même si les ARS Île-de-France, Occitanie et Bretagne ont mis en place un dispositif opérationnel, d’autres régions semblent aujourd’hui à la traîne. Lorsque ces cellules de coordination sont en place, elles sont trop souvent méconnues des patients comme des médecins généralistes, ce qui freine leur efficacité.

Certes, la situation sanitaire de certaines régions, parfois critique comme en outre-mer, peut expliquer le retard pris par quelques ARS. Mais elle ne doit pas servir de prétexte pour ralentir le déploiement de cellules de coordination post‑covid.

L’audition de collectifs de patients souffrant de Covid long n’a fait que renforcer cette triste réalité d’errance médicale, constatée y compris dans des régions fortement touchées dès mars 2020 par la Covid-19.

La lenteur de la mise en place du dispositif prévu par le Gouvernement ainsi que son manque de visibilité justifient d’autant plus la nécessité de la création d’une plateforme de suivi des patients qui facilitera leur orientation.

 

II.   Mieux orienter les patients grÂce À la plaTeforme de suivi

Le dispositif proposé permettra, sur la base des informations recueillies sur la plateforme de suivi, d’orienter directement les patients :

– soit vers leur médecin traitant, dont la HAS a rappelé qu’il devait être l’interlocuteur privilégié en la matière ;

– soit, quand le patient présente un état de santé plus sévère nécessitant des analyses plus poussées, vers une unité de soins post-covid d’un établissement de santé. Dans cette hypothèse, les ARS devront veiller à ce que ces établissements disposent des moyens humains et financiers nécessaires afin de garantir une offre de soins rapide et personnalisée. Selon le Dr Ludovic Toro, médecin généraliste auditionné par le rapporteur, chaque département devrait compter au moins une unité afin de garantir leur accessibilité pour l’ensemble de nos concitoyens.

● Les analyses et les soins prescrits à l’issue de l’orientation des patients vers ces différentes structures seront intégralement pris en charge par l’assurance maladie et par les complémentaires santé.

● La commission a adopté un amendement du rapporteur afin de prendre pleinement en compte la problématique des Covid longs pédiatriques. Il a été précisé que toute personne, majeure ou mineure, pourra être prise en charge par son médecin traitant ou une unité de soins post-covid dès lors qu’elle est enregistrée sur la plateforme de suivi.

Enfin, cette plateforme permettra aux professionnels de santé de s’informer sur l’existence de cette nouvelle maladie et de ces symptômes afin d’adapter la prise en charge de leurs patients.

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Article 3
Gage financier

Adopté sans modification

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation de la charge, pour les organismes de sécurité sociale et l’État, qui résultera de l’adoption de la présente proposition de loi dans le souci d’assurer la recevabilité de cette dernière au stade de son dépôt.


– 1 –

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa seconde séance du mercredi 17 novembre 2021, la commission a examiné la proposition de loi visant la création d’une plateforme de référencement et de prise en charge des malades chroniques de la covid‑19 (n° 3413) (M. Michel Zumkeller, rapporteur) ([27]).

M. Michel Zumkeller, rapporteur. En mars 2020, la France commençait à tenir la triste comptabilité des cas d’infection à la covid‑19. Le 9 juin 2020, à peine trois mois plus tard, Le Journal du dimanche publiait une tribune intitulée « Malades au long cours du covid‑19, il est urgent de coordonner les actions pour nous soigner ». Les membres du collectif Les malades du covid‑19 au long cours y alertaient les autorités sur une forme persistante de la covid‑19 et sur de multiples symptômes affectant durablement de nombreuses personnes.

Souvent passées sous silence, parce que l’urgence était de contenir l’épidémie qui poursuivait son œuvre, ces alertes en disaient long sur une maladie qui était en train de prendre place, progressivement et silencieusement, sur notre territoire. Perte de goût et d’odorat, maux de tête, épuisement qualifié parfois de fatigue terrassante, rapide essoufflement à l’effort, pertes de mémoire, difficultés à se concentrer, véritable « brouillard mental » entraînant des difficultés à penser ou à trouver ses mots, troubles cardiothoraciques, douleurs articulaires, troubles psychiques... La liste des symptômes est malheureusement très longue. La communauté de patients pour la recherche (ComPaRe) de l’AP-HP en a, à ce jour, référencé plus d’une cinquantaine.

Les patients atteints par ces symptômes, qui crient leur souffrance sur les réseaux sociaux, pour eux-mêmes ou pour leurs enfants, ont en commun d’avoir été atteints par le virus. Ils l’ont été à des degrés variables, mais ont souvent développé une forme dite légère de la covid‑19 et n’ont donc, pour beaucoup d’entre eux, pas été hospitalisés. Même si ces personnes sont passées, de ce fait, sous les radars des autorités de santé, elles souffrent quotidiennement d’un mal réel avec lequel elles ne parviennent plus à vivre.

Madame la présidente, mes chers collègues, croyez-moi, leur souffrance est bien réelle ; les auditions que nous avons menées n’ont fait que renforcer nos convictions. Ces malades ne sont ni des malades imaginaires, ni des statistiques. Ils ont un nom, un visage, une famille, un travail, une vie à poursuivre. Or, depuis quelques mois, et parfois plus d’un an, ces personnes souffrent d’un virus qui ne les a jamais quittées. Qu’elles aient été atteintes d’une forme grave ou d’une forme plus bégnine, elles sont meurtries et endurent d’atroces souffrances.

Ces patients souffrent réellement dans leur corps. Or le fait que leurs symptômes ne soient pas reconnus, qu’ils soient trop souvent assimilés à des douleurs post-traumatiques ou dépressives, a des répercussions sociales et professionnelles que de nombreux témoignages confirment, inlassablement, depuis des mois, sur les réseaux sociaux. À cela s’ajoutent aussi des problèmes financiers, car ils sont parfois dans l’incapacité de reprendre une activité professionnelle complète.

Ils sont des milliers à s’être rassemblés dans des groupes de soutien. Des collectifs se sont constitués pour rassembler tous ces malades et faire entendre leurs souffrances. Leur demande est simple et légitime : ils veulent que la maladie du covid19 persistant, ou covid long, soit enfin reconnue et prise en charge efficacement.

Nous pouvons agir, en tant que législateurs. Il nous incombe de reconnaître leur maladie et de mettre fin à l’errance médicale qui ne fait qu’alimenter le désespoir de ces patients, lesquels ne sont pas toujours pris en charge efficacement par notre système de soins.

Nous avons créé un site internet dédié à cette proposition de loi, loicovidlong.fr. Nous avons reçu, en seulement quelques jours, plus de 2 000 témoignages. Cet afflux de messages atteste le besoin qu’ont nos concitoyens d’être écoutés et pris en considération. Tant d’attentes et d’espoirs nous obligent. C’est un vrai défi de santé publique, qui toucherait a priori près d’un million de Françaises et de Français : notre réponse doit être à la hauteur. C’est tout l’objet de cette proposition de loi.

La création rapide d’une plateforme spécifiquement dédiée aux malades post‑covid‑19 garantira une véritable prise en considération de ces patients. Elle permettra à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se faire référencer comme souffrant ou ayant souffert de symptômes post‑covid. Ces personnes devront répondre à un questionnaire médical en indiquant la durée de leurs symptômes et en les détaillant à l’aide de réponses médicales pré‑formatées. Les volontaires pourront également apporter un commentaire personnalisé pour compléter les informations transmises de façon automatisée.

Alors que les contaminations et les décès imputables à la covid‑19 sont comptabilisés, il n’existe aucun décompte officiel du nombre de personnes touchées par le covid long. Toutes les données recueillies par l’assurance maladie permettront d’identifier ces personnes, de recueillir de précieuses informations sur les pathologies qu’elles pourraient avoir en commun, sur la durée de leurs symptômes et sur les traitements ayant porté leurs fruits dans le processus de guérison. Cette étude à grande échelle ne pourra qu’accélérer les recherches qui sont déjà engagées partout dans le monde sur ce phénomène post-viral encore trop peu connu – même si l’Organisation mondiale de la santé (OMS) vient fort heureusement d’en proposer une première définition.

Afin de faciliter la prise en charge médicale des patients qui le souhaitent, le questionnaire médical devra permettre de les orienter, soit directement vers leur médecin traitant – qui deviendra l’élément pivot dans le traitement de la maladie –, à l’aide d’un protocole de prise en charge généralisé aux malades souffrant de covid‑19 persistant, soit dans une unité de soins post‑covid pour les malades atteints de pathologies plus lourdes à traiter et nécessitant des analyses plus poussées.

L’agence régionale de santé (ARS) facilitera la mise en œuvre rapide de ces unités de soins postcovid dans les établissements hospitaliers de proximité, en veillant à leur apporter les moyens humains et financiers permettant de développer un suivi personnalisé à la hauteur de ces symptômes persistants. Cet outil facilitera l’orientation des patients et limitera l’errance médicale, qui est à la fois coûteuse et chronophage.

Les analyses et les soins effectués au titre des symptômes persistants de la covid‑19 seront intégralement pris en charge par l’assurance maladie et les complémentaires santé. Au cours de l’élaboration de ce texte, nous avons étudié ce que font nos voisins et nous pensons que notre pays pourrait s’inspirer de la Catalogne, laquelle a introduit très tôt un guide clinique spécifique et un protocole qui est décliné au niveau local par des référents covid long au sein de centres médicaux d’assistance primaire. Lors de nos auditions, nous avons eu l’honneur de recevoir M. Josep Maria Argimon, ministre de la santé de la Catalogne, qui nous a présenté ces solutions : elles existent et elles fonctionnent. Il nous a d’ailleurs confirmé qu’il travaillait en lien avec nos autorités sanitaires et qu’un effort de coordination était en cours à l’échelon européen. Le Royaume‑Uni a également ouvert des centres de soins dédiés au covid long, y compris des centres spécifiques pour traiter les cas de covid long pédiatrique.

Cette pandémie nous a amenés à penser différemment et à modifier nos habitudes. Le covid long est une maladie nouvelle qui touche des centaines de milliers de nos concitoyens : des hommes, des femmes, mais aussi des enfants. Les auditions que nous avons menées ont en effet mis en lumière l’existence d’un covid long pédiatrique, qui devra être traité spécifiquement.

Au moment de présenter ce texte, je souhaite rappeler que des actions ont déjà été menées par plusieurs de nos collègues sur ces sujets – que ceux que je vais oublier veuillent bien m’excuser. Je pense notamment à Laurence Trastour-Isnart, pour sa proposition de loi visant à une reconnaissance des symptômes persistants du covid‑19 et une prise en charge des personnes atteintes, ainsi qu’à Patricia Mirallès et Julien Borowczyk, pour leur proposition de résolution visant à reconnaître et à prendre en charge les complications à long terme de la covid‑19. Cette proposition de résolution a été adoptée à l’unanimité : cela nous rappelle que le combat contre la maladie doit être mené collectivement.

Depuis, des mesures ont été prises, les choses ont avancé, je ne le nie pas. Mais il faut continuer d’avancer. Cette proposition de loi est une nouvelle étape et il en faudra certainement beaucoup d’autres. L’attente de toutes celles et de tous ceux qui souffrent est immense. Nous ferons honneur à notre mission d’élu en leur montrant que nous sommes à leurs côtés et que nous luttons ensemble pour vaincre cette maladie.

M. Julien Borowczyk (LaREM). Alors que le covid long touche potentiellement, à des degrés divers, plusieurs centaines de milliers de nos concitoyens, il reste mal connu et souvent difficile à diagnostiquer, faute d’un protocole scientifique établi. Les auditions que nous avons menées montrent qu’il est essentiel d’apporter des réponses à celles et ceux qui luttent quotidiennement contre les lourdes conséquences du covid long, qu’il s’agisse d’adultes ou d’enfants.

Je vous remercie, monsieur le rapporteur, pour cette proposition de loi, qui s’inscrit dans le prolongement du travail entamé par la majorité, et qui le complète utilement. Vous avez évoqué la proposition de résolution que j’ai fait adopter, en février 2021, avec Patricia Mirallès. Depuis, le Gouvernement a pris un certain nombre de mesures et nous avons aujourd’hui, grâce à vous, une nouvelle brique législative, au service des patients souffrant de covid long.

Cette proposition de loi a deux axes structurants.

Le premier, c’est la création d’une plateforme de témoignage, d’orientation, de renseignement et de recherche destinée aux patients et aux soignants. Ce dispositif répond à l’absolue nécessité de reconnaître les patients souffrant de covid long et de mieux connaître cette maladie. Cette plateforme innovante viendra renforcer l’expérimentation déjà menée conjointement par l’association Tous Partenaires Covid et la Caisse nationale de l’assurance maladie.

Le deuxième axe est celui de l’information et de la prise en charge. La proposition de loi entend renforcer et accélérer le déploiement des dispositifs lancés par le Gouvernement à la suite de notre proposition de résolution. Je rappelle le travail déjà réalisé : les fiches de la Haute Autorité de santé (HAS), l’information diffusée aux soignants par la direction générale de la santé, les formations continues pour les soignants, la création d’une task force, de cellules de coordination territoriale et d’un centre de référence. Il faut effectivement, monsieur le rapporteur, mieux informer la population et les soignants de tout ce que le Gouvernement a déjà mis en œuvre et je vous remercie de votre travail au service des patients.

Cette proposition de loi vient enrichir les travaux déjà menés par la majorité et démontre la prise en considération unanime par la représentation nationale de cette lourde pathologie qu’est le covid long.

Mme Laurence Trastour-Isnart (LR). Depuis de nombreux mois, des malades de la covid‑19 souffrent de symptômes persistants : fatigue intense, faiblesse musculaire, douleur aiguë dans les bras et les jambes, troubles digestifs, troubles cardiaques, troubles cognitifs, troubles neurologiques, problèmes dermatologiques... Plus de cent symptômes ont été répertoriés par les patients dès le mois de juin 2020. Ils sont révélateurs de séquelles à long terme, qui empêchent la reprise d’une vie normale, aussi bien professionnelle que privée. Le taux de malades développant un covid long s’élève à 10 %. Une étude anglo-saxonne l’a même évalué à 20 %. Ce sujet mérite donc toute notre attention. Nous devons accompagner et soutenir ces personnes.

Vous avez rappelé que des milliers de nos concitoyens se sont rassemblés dans des groupes de soutien et plusieurs ouvrages ont également été écrits sur le sujet. Ces hommes et ces femmes doivent être pris en considération par la puissance publique. En ce sens, la création d’une plateforme spécifique dédiée aux malades post‑covid est une nécessité médicale. Elle permettra de faire avancer plus vite la recherche sur ce phénomène post-viral trop peu connu. Enfin, le suivi personnalisé défendu par ce texte, qui sera facilité par la coordination des ARS avec les établissements hospitaliers de proximité, sera une avancée pour toutes les personnes souffrant de symptômes persistants de la covid‑19. Le groupe Les Républicains votera donc cette proposition de loi.

Mme Michèle de Vaucouleurs (Dem). Voici bientôt deux ans que nous subissons l’épidémie de covid‑19 et nombre des questions relatives à ce virus restent sans réponse. Si la recherche a permis de mettre au point des vaccins rapidement et si des traitements en cours de test s’avèrent prometteurs, on nous rapporte fréquemment des cas de personnes souffrant de symptômes persistants. Face à cela, nous n’avons aucune réponse scientifique établie, ni aucun traitement spécifique. Une étude récente a même montré que les troubles pouvaient toucher des personnes convaincues d’avoir contracté le covid, sans que la contamination soit avérée. Quoi qu’il en soit, des personnes souffrent et se trouvent dans une situation très invalidante. Il convient donc de les prendre en charge correctement. Ces situations ne sont pas ignorées par les autorités de santé : un protocole a été mis en place par les ARS pour orienter les patients présentant des symptômes de covid long.

La proposition de loi qui nous est soumise nous donne l’occasion de réfléchir aux manières d’améliorer ce dispositif et d’évoquer la question de la prise en charge financière des patients. En cela, elle s’avère pertinente. Nous devrons toutefois veiller à rendre cette proposition de loi plus solide juridiquement. Il importe par exemple de sécuriser la plateforme créée par le texte. Notre groupe soutient le principe de cette proposition de loi au stade de la commission, mais son vote en séance publique dépendra du travail qui aura été fait pour en améliorer la rédaction.

M. Joël Aviragnet (SOC). La crise du covid‑19 a bouleversé la vie de tous nos concitoyens et mis à rude épreuve notre système de santé. Face à cette nouvelle pandémie, nous étions dans une totale méconnaissance, à la fois des symptômes et des remèdes possibles. De même, il était presque impossible de prévoir que ce virus allait continuer de frapper certains malades pendant des semaines, voire des mois : c’est ce qu’on appelle le covid long.

Selon une étude française publiée dans la revue Clinical Microbiology and Infection, 60 % des patients hospitalisés à cause du covid‑19 ont développé cette maladie chronique. Or aucune prise en charge spécifique n’est prévue pour ces patients et les pouvoirs publics n’ont aucun moyen de les recenser.

La proposition de loi entend combler ce manque en créant une plateforme numérique dédiée. Plutôt que de créer une plateforme indépendante, il nous semblerait préférable d’ajouter ces informations au dossier médical partagé, dont le traitement des données est sécurisé. Par ailleurs, vous semblez oublier que 16,5 % des Français sont, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, éloignés du numérique. En lien avec les professionnels de santé et les ARS, nous devons proposer à ces Français des solutions pérennes pour que leur forme de covid long puisse être déclarée puis traitée comme étant une maladie chronique.

L’article 2 ne me semble pas assez précis pour être soutenu sans réserve. Il prévoit ainsi que l’ARS « facilite » la mise en œuvre rapide des unités de soins postcovid, alors qu’elle devrait selon moi y être contrainte. De même, le dernier alinéa de l’article devrait préciser qui, de l’assurance maladie ou des complémentaires santé, prendra en charge les frais de santé liés à ces formes de covid long.

Mme Agnès Firmin Le Bodo (Agir ens). Si la plupart des personnes ayant contracté la covid‑19 n’ont heureusement aucune séquelle à moyen ou long terme, une part non négligeable de patients souffrent de symptômes persistant plusieurs semaines, voire plusieurs mois après leur infection. Fatigue chronique, difficultés respiratoires, douleurs musculaires, voire troubles cognitifs : ces symptômes ont un impact sur la vie des personnes concernées.

Contrairement à ce qui a pu être dit ou écrit récemment, ce ne sont pas des malades imaginaires. Les auditions organisées par le rapporteur nous ont permis de le constater. Une récente étude de l’OMS indique par ailleurs que cette pathologie toucherait 10 % des patients covid. En France, cela représenterait donc entre 700 000 et 1 million de personnes : c’est dire l’ampleur du phénomène.

Alors que nous ne sommes pas encore sortis de la crise sanitaire, la recherche sur le covid long en est à ses balbutiements, l’OMS venant tout juste de donner une première définition de cette maladie. Les enjeux en matière de prévention, de traitement et d’accompagnement des patients sont pourtant considérables. Au nom du groupe Agir ensemble, je souhaite donc remercier le groupe UDI et Indépendants d’avoir mis le sujet du covid long à l’ordre du jour de nos débats à travers cette proposition de loi, que j’ai cosignée. Elle fait suite à de nombreuses mesures annoncées et prises par le Gouvernement, qui faisaient elles-mêmes suite à la proposition de résolution de nos collègues Patricia Mirallès et Julien Borowczyk.

En créant une plateforme pour recenser et orienter les patients atteints de covid long dans leur parcours de soins, ce texte permettra d’objectiver une réalité souvent difficilement vécue par celles et ceux qui y sont confrontés. Il permettra par ailleurs de faire progresser la recherche autour de cette pathologie.

Se pose enfin la question de la reconnaissance du covid long comme affection de longue durée (ALD). Pouvez-vous nous indiquer, monsieur le rapporteur, si des avancées sur ce point ont été évoquées au cours de vos échanges ?

Vous l’aurez compris, le groupe Agir ensemble votera en faveur de ce texte, dont il partage pleinement l’ambition.

Mme Valérie Six (UDI-I). Cette proposition de loi déposée par notre groupe met en lumière un angle mort de la politique sanitaire : la prise en charge des malades atteints de covid long. Je tiens donc à féliciter le rapporteur pour son initiative et son investissement sur cette question.

La covid‑19 est qualifiée de covid long dès lors que ses symptômes persistent au‑delà de quatre semaines. Or certaines personnes souffrent toujours, des mois après avoir contracté le virus, de symptômes multiples, allant de difficultés respiratoires à des problèmes neurologiques, en passant par des maux de tête et une fatigue chronique. Au‑delà des séquelles physiques, qui les rendent souvent inaptes à exercer leur activité professionnelle, le manque de reconnaissance de cette forme post-virale de la part des professionnels médicaux crée chez eux une détresse psychologique que nous ne pouvons ignorer.

La plateforme de référencement et de prise en charge proposée ici apparaît donc comme une réelle nécessité. D’une part, il s’agit de répondre au besoin des malades d’être entendus et reconnus. Nous sommes convaincus de l’importance d’un tel référencement, qui permettra d’identifier ces malades, mais aussi de faire avancer la recherche médicale grâce à des statistiques précises. Cette plateforme permettra également de mieux sensibiliser les professionnels de santé aux différentes manifestations possibles de la maladie. D’autre part, cette proposition de loi permettra d’orienter les malades vers un parcours de soins adapté, spécifique à ces nouvelles formes post-virales. La mise en œuvre de ce parcours de soins nécessitera une articulation fine avec le monde médical, afin d’offrir une réponse pluridisciplinaire adaptée, claire et efficace. Elle fera le lien entre la médecine de ville et l’hôpital, mais aussi avec les unités de soins postcovid. C’est donc à la fois par le recueil d’informations et par la mise en place d’un parcours de soins adapté que nous offrirons des solutions concrètes à ces malades, qui sont loin d’être imaginaires.

M. Pierre Dharréville (GDR). Nous sommes inégaux face au covid‑19 : parmi celles et ceux qui le contractent, certains ont des symptômes lourds, alors que d’autres n’en ont aucun. Et certains en subissent les effets dans la durée. Pendant un temps, ces symptômes durables, qui peuvent être invalidants et perturbants, sont restés dans l’ombre. Ils appellent pourtant un véritable accompagnement, une véritable reconnaissance, une véritable prise en charge. On estime en effet qu’une personne sur dix touchées par le virus développe ce que l’on appelle désormais un covid long, qui peut avoir des effets très invalidants longtemps après l’infection. Selon l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), 60 % des patients hospitalisés endurent des symptômes persistants au bout de six mois ; 700 000 personnes seraient ainsi concernées en France, ce qui est considérable.

Alors que nombre de patients se heurtent au scepticisme des membres de la communauté médicale ou de leur employeur lorsqu’ils évoquent leurs symptômes, la proposition de résolution de notre collègue Patricia Mirallès, votée à l’unanimité en février, a constitué un premier pas vers la reconnaissance de leur calvaire. Il convient désormais d’aller plus loin que cette déclaration de bonnes intentions.

Si nous partageons l’objectif visé par cette proposition de loi, qui est une nécessité absolue, et si nous félicitons le rapporteur d’avoir inscrit ce texte à l’ordre du jour, nous avons quelques doutes quant à l’efficacité des mesures qui nous sont proposées. D’abord, pourquoi créer une plateforme de référencement, alors que l’enquête EpiCov, pilotée par l’INSERM et la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, permet déjà de disposer de données statistiques sur l’état de santé des Français et leurs conditions de vie en lien avec l’épidémie actuelle due au coronavirus ? Quelle serait la plus-value du fichier constitué à partir de la nouvelle plateforme ?

S’agissant ensuite de l’accompagnement, nous préférerions que le covid long soit reconnu pour ce qu’il est, à savoir une affection de longue durée, ce qui implique une prise en charge des soins à 100 % par l’assurance maladie. Il appartient désormais au Gouvernement de prendre un décret en ce sens, après consultation de la HAS. Il nous faut également avancer sur la reconnaissance du covid‑19 comme maladie professionnelle lorsque le patient ou la patiente a été, par la nature de son travail, particulièrement exposé au virus. Enfin, il importe d’encourager la recherche sur les causes et les traitements possibles du covid long.

Mme Josiane Corneloup. À la suite de leur contamination, certains patients souffrent d’une forme persistante de la covid‑19, qui se caractérise par de multiples symptômes qui les affectent durablement. On estime à 500 000 le nombre de personnes souffrant de symptômes persistants, qu’il s’agisse de fatigue, d’essoufflement, de douleurs musculaires, de problèmes de mémoire ou de concentration ou de vertiges. Je peux vous dire, pour avoir reçu nombre de ces personnes à ma permanence, que ce ne sont effectivement pas des malades imaginaires. Ce sont des personnes qui ne peuvent plus travailler, du fait de troubles invalidants, ni s’occuper de leurs enfants. Elles souffrent d’un manque de reconnaissance, puisque leurs symptômes ne sont reconnus ni comme une ALD, ni comme une maladie professionnelle – alors que nombre d’entre elles ont été contaminées en milieu hospitalier ou médico-social – ni comme un handicap. Cela a des conséquences financières majeures et place ces personnes dans une situation de grande précarité.

Elles sont complètement désemparées, car leur vie a basculé du jour au lendemain, et isolées. La prise en charge de ces personnes est très insuffisante : elles ne sont pas accompagnées. Une plateforme spécifiquement dédiée aux malades post‑covid contribuerait à une véritable prise en considération de ces patients. Elle permettrait en outre à toutes celles et à tous ceux qui le souhaitent de se faire référencer comme souffrant ou ayant souffert de symptômes post‑covid. Il faut, parallèlement, développer un protocole de prise en charge adaptée associant un soutien psychologique et des soins de kinésithérapie, avec une rééducation à l’effort. Ces soins doivent être pris en charge à 100 % par l’assurance maladie. Par ailleurs, la création d’unités de soins post‑covid dans les hôpitaux de proximité me paraît tout à fait nécessaire pour offrir aux patients une prise en charge globale et coordonnée. C’est un vrai sujet de santé publique et il est indispensable d’envoyer un message de soutien et d’espoir aux malades souffrant de covid long. Je suis évidemment tout à fait favorable à cette proposition de loi.

M. le rapporteur. Je vous remercie de l’attention que vous accordez à cette proposition de loi et, surtout, car c’est le plus important, à tous les gens qui souffrent.

Monsieur Borowczyk, je vous remercie d’avoir participé à presque toutes nos auditions : votre point de vue de médecin nous a beaucoup apporté. Il est vrai que beaucoup a déjà été fait : c’est indéniable. Il s’agit vraiment d’un travail collectif : nous travaillons ensemble, et pas les uns contre les autres.

Madame Trastour-Isnart, vous êtes très investie sur ce sujet et avez rappelé, comme tous nos collègues, la souffrance des malades. Vous avez déposé un amendement proposant que plusieurs dispositions du texte soient précisées par décret. C’est une évidence : la loi ne peut pas tout prévoir et elle n’a d’ailleurs pas intérêt à le faire, car cela signifierait qu’il faut la réécrire à chaque fois que l’on veut modifier quelque chose.

Madame de Vaucouleurs, vous avez raison : des précisions doivent encore être apportées, s’agissant de la prise en charge par l’assurance maladie et les mutuelles. Ce n’est pas un secret : un dialogue est déjà engagé avec les services du ministère de la santé et nous aurons des éléments nouveaux d’ici à l’examen du texte en séance. Nous pourrons travailler ensemble, car il nous importe vraiment de trouver des solutions collectivement. Il ne faut pas trop complexifier la loi : elle offre un cadre, autour duquel nous espérons fédérer tout le monde.

Monsieur Aviragnet, cette proposition de loi n’est certainement pas parfaite, il y a sans doute des précisions à apporter sur la question du financement, mais elle a le mérite d’exister : c’est une première étape. Si vous avez des propositions à faire d’ici à la séance, nous pourrons en tenir compte, mais je répète qu’il ne faut pas trop alourdir cette loi, au risque de la rendre inefficace.

Madame Firmin Le Bodo, vous avez cosigné cette proposition de loi, ce qui atteste votre engagement sur ce sujet comme sur tous les autres sujets de santé.

Monsieur Dharréville, la reconnaissance du covid long comme une affection de longue durée est effectivement une question essentielle, mais ce n’est pas l’objet de cette proposition de loi. Laissons le Gouvernement faire son travail. Du reste, certaines personnes malades de covid long ont déjà été reconnues comme souffrant d’une ALD. On avance, mais ce n’est pas à nous de nous occuper de cette question. Faisons confiance à nos services de santé.

Merci, madame Six, pour votre soutien et celui de notre groupe.

Madame Corneloup, merci d’avoir rappelé la réalité des souffrances qu’endurent les personnes touchées par le covid long. J’imagine combien il doit être pénible, lorsqu’on est malade, qu’un prétendu spécialiste – plus habitué des plateaux de télévision que des cabinets médicaux – vienne vous dire que vous n’avez rien et que c’est seulement psychologique. Cela doit être très difficile à vivre. Notre rôle est de rappeler que ces gens souffrent et, s’ils nous regardent, ils doivent se réjouir de voir que nous sommes réunis pour travailler au bien de tous. Malheureusement, nous ne sommes pas encore sortis de l’épidémie de covid et personne n’est à l’abri. Alors, protégeons-les et protégeons-nous.

La commission en vient à l’examen de la proposition de loi.

Article 1er : Création d’une plateforme de suivi des malades chroniques de la covid19

Amendement AS7 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. L’amendement vise à limiter le référencement sur la plateforme aux seuls symptômes existant au moment de la déclaration. En effet, si l’objectif est de favoriser la reconnaissance et la prise en charge médicale des personnes souffrant d’un covid persistant, la déclaration de symptômes n’ayant plus cours ne présente que peu d’intérêt. Je propose donc de supprimer les mots « ayant souffert ».

M. le rapporteur. Même si je comprends votre logique, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement. Le covid long est une maladie dont les symptômes évoluent beaucoup au fil du temps : il paraît donc difficile – et il serait dommage – de trop figer les choses.

L’amendement est retiré.

Amendement AS8 de Mme Laurence Trastour-Isnart.

Mme Laurence Trastour-Isnart. Nous proposons de renvoyer la définition des modalités de fonctionnement de la plateforme à un décret en Conseil d’État, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL).

Nous ne pouvons pas laisser ces patients s’organiser seuls sans le concours de la puissance publique : il est essentiel qu’ils soient pris en considération. Nous devons donc agir avec méthode, afin de nous assurer du succès de la plateforme.

M. le rapporteur. Je vous rejoins totalement. Il semble essentiel qu’un décret en Conseil d’État apporte les précisions nécessaires et que la CNIL veille à tout ce qui relève de la protection des données. Avis très favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Modalités de prise en charge des malades chroniques de la covid19

Amendement AS4 de Mme Michèle de Vaucouleurs et AS9 de M. Michel Zumkeller (discussion commune).

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il paraît prématuré de prévoir une prise en charge des frais médicaux au-delà de la première consultation effectuée par un médecin traitant ou dans une unité de soins post‑covid, sur la base des seules déclarations des patients sur la plateforme. En revanche, il est pertinent de prévoir que cette première consultation puisse être prise en charge à 100 %, les suivantes, s’il y en a, devant être prises en charge au titre d’une affection de longue durée, reconnue par l’assurance maladie.

M. le rapporteur. Je propose d’ajouter une référence aux personnes « majeures ou mineures » car les auditions ont mis en lumière l’existence d’un covid long pédiatrique. Il m’a donc paru essentiel de faire référence aux enfants qui souffrent de symptômes persistants. Madame de Vaucouleurs, je vous invite à retirer votre amendement au profit du mien.

Mme Laurence Trastour-Isnart. On s’est effectivement aperçu que de nombreux enfants souffrent de covid long, ce qui peut nuire à leur scolarité. Il est donc essentiel de les prendre en considération dans cette proposition de loi.

S’agissant de l’amendement de Mme de Vaucouleurs, le problème des médecins généralistes, c’est qu’ils ne sont pas toujours bien informés sur le covid long. Il y a un gros travail à faire en la matière.

M. le rapporteur. C’est toute la difficulté : le covid long concerne un très grand nombre de personnes, mais chaque médecin n’a que quelques patients, quatre ou cinq, touchés par la maladie. Et celle‑ci peut prendre des formes très diverses. Il faut donc améliorer l’information des médecins, et peut-être aussi leur formation.

M. Julien Borowczyk. Je salue à mon tour la prise en compte des enfants. S’agissant de l’information, elle ne doit pas concerner que le médecin traitant, mais l’ensemble des soignants, car ils peuvent tous contribuer à la reconnaissance de cette pathologie et en faire le diagnostic.

Mme Michèle de Vaucouleurs. La précision apportée par le rapporteur au sujet de la prise en charge des mineurs est effectivement importante. Pour en revenir à mon amendement, il me semblerait utile de sécuriser juridiquement le dispositif d’ici à la séance, en précisant que cette prise en charge se fait selon le protocole défini par les ARS, puisqu’il existe.

L’amendement AS4 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS9.

Amendements AS5 et AS6 de Mme Michèle de Vaucouleurs.

Mme Michèle de Vaucouleurs. J’ai déjà dit un mot de ces amendements. Afin que les patients atteints de covid long soient pris en charge rapidement, il importe que la première consultation, chez le médecin traitant ou dans une unité de soins post‑covid, soit prise en charge à 100 % : personne ne doit renoncer à cette démarche pour des raisons financières – c’est l’objet de l’amendement AS5. Quant à l’amendement AS6, il prévoit une prise en charge à 100 % pour les patients dont le covid long est reconnu comme une affection de longue durée.

Je crois important de distinguer les deux cas de figure. Il me semble un peu problématique que le simple fait d’être enregistré sur la plateforme garantisse une prise en charge à 100 % de tous les soins à venir.

Encore une fois, il s’agit de préciser le texte juridiquement. Il me semble important de bien distinguer ces deux étapes, mais je suis prête à travailler avec vous à une meilleure rédaction, en vue de la séance.

M. le rapporteur. Je pense comme vous que des précisions doivent être apportées et nous allons en discuter avec les services du ministère – vous pouvez d’ailleurs participer à ces discussions. Je vous invite, en attendant, à retirer vos amendements et m’engage à travailler avec vous si vous le souhaitez.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Gage financier

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Enfin, la commission adopte à l’unanimité l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

M. le rapporteur. Je vous remercie : je pense que les personnes qui nous regardent seront heureuses de voir que nous savons travailler dans l’intérêt général. C’est un bel exercice démocratique, au service de la santé publique.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4697_texte-adopte-commission#

 


– 1 –

   ANNEXE :
Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

            Syndicat national des psychologues – M. Patrick-Ange Raoult, secrétaire général du bureau, Mme Christine Manuel, secrétaire du bureau Île‑de‑France, et M. Jerôme Maille, membre du bureau Île‑de‑France

            Task force « suivi des patients Covid » du ministère des solidarités et de la santéDr Julien Carricaburu, conseiller médical, Mme Élodie Senaux, cadre de la direction générale de l’offre de soins (DGOS)

            Mutualité Française * – Mme Delphine Hernu, directrice adjointe à la santé, Mme Meriem Bouchefra, responsable affaires publiques, et M. Benjamin Hebding, chargé d’affaires publiques

            Dr Ludovic Toro, médecin généraliste, maire de Coubron, président de la commission santé de la Métropole du Grand Paris

  Table ronde avec des représentants ou des personnes présentant des symptômes postcovid :

– Association Tous Partenaires Covid – Dr Jean-Louis Fraysse

– Collectif C19 au long cours – Mme Katell Burban et Mme AndréeaCristina Mas

 Collectif #AprèsJ20  Mme Sandrine Pernice, responsable soutien patient

– À titre individuel : Mme Jessica Laddaga, Mme Céline Castera et Mme Anne-Sophie Riou

            M. Josep Maria Argimon, conseller à la santé de la Généralité de Catalogne, M. Daniel Camós Daurella, délégué du gouvernement de Catalogne en France, Mme Montserrat Morante Schiaffino, chef de cabinet, Mme Laia Brufau Pla, directeur de la stratégie, diffusion et communication, M. David Elvira Martínez, ancien directeur du service catalan de la santé, Mme Beatriz Blasco, attachée aux relations institutionnelles, et M. Marcel Bigas, attaché aux relations institutionnelles

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1])  Le présent rapport reprend l’expression « Covid long » qui est plus couramment utilisée que l’expression « Covid longue ». En revanche, il sera fait référence à « la covid‑19 » conformément aux recommandations de l’Académie française.

([2]) Allocution liminaire du directeur général de l’OMS au point de presse sur la covid‑19, 21 août 2020.

([3]) Texte adopté n° 568, issu de la proposition de résolution n° 3792 déposée par M. Julien Borowczyk et Mme Patricia Mirallès.

([4])  A ainsi donné lieu à de vives réactions la publication le 8 novembre 2021 dans le Journal of the American Medical Association (Jama) d’une étude conduite en France suggérant que la présence de symptômes prolongés ne serait pas spécifiquement associée au fait d’avoir contracté la covid‑19. Source : francetvinfo.fr, « Le Covid long est-il psychologique ? Ce qu’il faut retenir de l’étude contestée qui remet en cause le lien entre symptômes et infection », 13 novembre 2021.

([5])  Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Les aspects scientifiques et techniques de la lutte contre la pandémie de la Covid19, 6 juillet 2021, p. 68.

([6]) HAS, « Réponses rapides dans le cadre de la Covid19 : Symptômes prolongés suite à une Covid19 de l’adulte – Diagnostic et prise en charge », 10 février 2021.

([7]) OMS, Une définition de cas clinique pour l’affection post-COVID-19 établie par un consensus Delphi, 6 octobre 2021.

([8]) Voir notamment H. Davis & alii. Characterizing long COVID in an international cohort: 7 months of symptoms and their impact, July 15, 2021.

([9]) OMS, op. cit.

([10]) Entretien avec trois membres de la task force « suivi des patients Covid » de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), 7 octobre 2021.

([11]) Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), Les aspects scientifiques et techniques de la lutte contre la pandémie de la Covid19, 6 juillet 2021, p. 68.

([12]) Ibid.

([13]) Ibid.

([14]) H. Thomson, « Children with long-Covid », New Sci., 27 fev 2021.

([15]) Entretien avec trois membres de la task force « suivi des patients Covid » de la direction générale de l’offre de soins (DGOS), 7 octobre 2021.

([16]) OPECST, op. cit.

([17]) HAS, op. cit.

([18]) HAS, op. cit..

([19]) DGS-Urgent n° 2021-37, « Recommandations d’organisation du suivi des patients présentant des symptômes prolongés suite à une Covid‑19 de l’adulte », 23 mars 2021.

([20]) En Espagne, chaque communauté autonome dispose de compétences étendues pour mettre en œuvre les politiques de santé publique.

([21]) Une affection de longue durée (ALD) est une maladie dont la gravité ou le caractère chronique nécessite un traitement prolongé et particulièrement coûteux. L’assurance maladie distingue deux types d’ALD, qui ne donnent pas les mêmes droits. En cas de maladie grave évoluant pendant plus de six mois et nécessitant un traitement coûteux, les frais de santé liés à la maladie sont pris en charge au maximum remboursable par la sécurité sociale (le patient est exonéré du ticket modérateur), même si certains frais restent à la charge du patient (ALD exonérante). A contrario, si la maladie n’induit pas de traitements coûteux, le patient peut se voir reconnaître une ALD non exonérante, ce qui permet de bénéficier d’un arrêt maladie de plus de six mois et de la prise en charge des transports. Toutefois, l’assurance maladie rembourse aux taux habituels les soins en lien avec la maladie (pas d’exonération du ticket modérateur).

([22]) Citée dans l’article de Pascal Santi, « Le marathon des Covid longs », Le Monde (en ligne), 6 octobre 2021.

([23]) Office for National Statistics, « The prevalence of long COVID symptoms and Covid‑19 complications », 2020.

([24]) Pr Éric Guedj, chef de service à l’Assistance publique-Hôpitaux de Marseille (AP-HM), cité dans l’article de Guillemette Jeannot, « Ils se battent depuis des mois contre les symptômes d’un Covid long “qui dicte leur vie”», francetvinfo.fr, 14 octobre 2021.

([25]) Tous Partenaires Covid est une association fondée en 2020 qui réunit patients, familles, soignants, chercheurs et société civile dans le but d’aider les personnes touchées par la covid‑19. Voir https://touspartenairescovid.org/suivi-long-covid.

([26]) Haute autorité de santé (HAS), Symptômes prolongés suite à une Covid19 de l’adulte - Diagnostic et prise en charge, 12 février 2021.

([27]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11527513_619508033b527.commission-des-affaires-sociales--plateforme-de-referencement-et-de-prise-en-charge-des-malades-chr-17-novembre-2021