N° 4699

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 8 novembre 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (n° 4624)

PAR Mme Patricia LEMOINE

Députée

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 Voir le numéro : 4624

 


 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introductioN

I. Le marchÉ de l’assurance emprunteur pour les crÉdits immobiliers, un marchÉ peu concurrentiel et insuffisamment protecteur des droits des consommateurs

A. Un marchÉ de quasi-monopole au profit du secteur bancaire

B. Un marchÉ insuffisamment protecteur des droits des consommateurs

1. Libéraliser le marché de l’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers : une mesure de pouvoir d’achat neutre pour les finances publiques

2. Lutter contre les mesures dilatoires contraires à l’esprit de la loi, une mesure de protection des droits des consommateurs

II. l’Objet de la prÉsente proposition de loi : un accÈs plus juste, plus simple et plus transparent au marchÉ de l’assurance emprunteur

A. CrÉer un nouveau droit : pouvoir rÉsilier son assurance emprunteur pour un contrat immobilier À tout moment

1. Pouvoir résilier son assurance emprunteur immobilier à tout moment, un droit du consommateur à garantir

2. Mieux informer le consommateur de ses droits pour assurer une libéralisation effective du secteur de l’assurance-emprunteur pour les crédits immobiliers

B. faciliter l’accÈs À l’emprunt pour les personnes les plus fragiles

1. Un long processus pour l’accès à l’emprunt pour les personnes les plus fragiles : la naissance de la convention AERAS

2. Le droit à l’oubli et la grille de référence AERAS, vrai faux progrès ?

a. Le « droit à l’oubli »

b. La grille de référence AERAS

3. Des améliorations nécessaires, objet du titre II de la présente proposition de loi : droit à l’oubli et grille de référence AERAS

Commentaires des articles

Titre Ier Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification

Article 1er (art. L. 113-12-2 du code des assurances, art. L. 221-10 du code de la mutualité) Création d’un droit de résiliation infra-annuel sans frais pour l’assurance emprunteur d’un crédit immobilier

Article 2 (art. L. 313-30 du code de la consommation) Renforcement de l’obligation de motiver les décisions de refus de substitution d’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article 3 (art. L. 113-15-3 [nouveau] du code des assurances, art. L. 313-8 et L. 511-7 du code de la consommation, et art. L. 221-10-4 [nouveau] du code de la mutualité) Obligation de transparence sur le droit à résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier à peine de sanctions administratives

Article 3 bis (nouveau) (art. L. 313-8 du code de la consommation) Information sur le coût de l’assurance sur une durée de huit ans

Article 4 (art. L. 313-31 du code de la consommation) Obligation de produire un avenant au contrat de crédit dans les 10 jours à compter de la demande de substitution de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article 5 (art. L. 341-26-1[nouveau], art. L. 341-39 [abrogé] et art. L 341-44-1 [nouveau] du code de la consommation) Sanctions administratives en cas de non-respect du droit de résiliation infraannuel de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article 6 Entrée en vigueur des dispositions du titre Ier

Titre II Droit À l’oubli et ÉVOLUTION DE la grille de rÉfÉrence DE LA « AERAS »

Article 7 Lancement des travaux pour réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et élargir son bénéfice à d’autres pathologies dans la grille de référence AERAS

Article 8 Présentation d’un rapport du Gouvernement sur les données disponibles sur la mortalité et la morbidité pour une meilleure tarification du risque

examen en commission

Titre Ier Droit de rÉsiliation À tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification

Titre II Droit À l’oubli et grille de rÉfÉrence AERAS

Liste des personnes auditionnées

 


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   introductioN

La présente proposition de loi, Pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, apporte une avancée significative au droit des consommateurs, celui de pouvoir résilier à tout moment leur assurance emprunteur pour les crédits immobiliers.

Alors que le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français, que l’achat d’une résidence principale reste pour beaucoup de Français le projet d’une vie, des freins à l’accession à la propriété demeurent.

Dans un contexte de taux d’intérêts bas, voire historiquement bas, le pouvoir d’achat des Français demeure amputé du coût de l’assurance emprunteur, qui n’est pas au juste prix. En effet, certains établissements peuvent être tentés de récupérer leurs marges sur l’assurance emprunteur.

Quant aux personnes souffrant d’un risque aggravé de santé, l’accès à la propriété se paie au prix fort : les surcoûts des taux d’assurance pouvant être assimilés, comme votre rapporteure a pu l’entendre, lors de plusieurs auditions, à des quasi taux d’usure.

La libéralisation du marché de l’assurance emprunteur a déjà fait l’objet de plusieurs mesures législatives, la loi dite « Lagarde », en 2010, la loi dite « Hamon », en 2014, et l’amendement dit « Bourquin », en 2017. Malheureusement, en pratique, l’applicabilité réelle de ces évolutions permettant à l’assuré de changer d’assurance emprunteur plus facilement, fait encore défaut.

Du fait de mesures dilatoires pratiquées par certains établissements bancaires, identifiées à plusieurs reprises dans les avis du comité consultatif du secteur financier (CSCF) mais aussi par l’Autorité de Contrôle Prudentiel et de Résolution (ACPR), le droit de pouvoir résilier annuellement son assurance emprunteur est resté une mesure largement caduque à défaut d’être devenu un droit effectif.

La présente proposition de loi vise donc à le rendre effectif pour l’ensemble des consommateurs, y compris pour ceux d’entre eux souffrant d’un risque aggravé de santé.

Selon différents calculs, en fonction de l’âge de l’emprunteur, du montant emprunté, le gain moyen de pouvoir d’achat serait de l’ordre de 5 000 à 15 000 euros pour un emprunteur. Autant dire un gain conséquent !

Fruit d’un large travail collectif de concertation avec les associations de malades, les assureurs, les établissements bancaires et les associations de consommateurs, la présente proposition de loi a également fait l’objet d’une longue réflexion de la part de votre rapporteure, afin de proposer un texte équilibré, garant des droits des consommateurs sans pour autant déséquilibrer le modèle économique des établissements prêteurs.

Inspirée d’un amendement, déposé par votre rapporteure, et adopté par notre assemblée dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), la présente proposition de loi va plus loin encore que cet amendement initial.

Le titre Ier, « Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification », propose, en effet, de pouvoir résilier à tout moment son contrat d’assurance emprunteur sans frais ni pénalités.

Pour rendre ce droit effectif, les obligations de transparence et de motivation à l’égard des organismes prêteurs sont renforcées à peine de sanctions administratives pouvant être prononcées par l’autorité de contrôle, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Leur montant a également été augmenté.

Le titre II, « Droit à l’oubli et grille de référence AERAS », vise à réduire les délais du droit à l’oubli pour les personnes souffrant d’une pathologie cancéreuse, à l’ouvrir à d’autres pathologies et maladies chroniques ainsi qu’à déplafonner le montant de prêt garanti par le grille de référence de la convention « AERAS » – « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » pour l’établir à un montant supérieur qui restera à déterminer. Il vise par ailleurs à prendre en compte d’autres pathologies, comme par exemple le diabète, dans cette grille de référence. L’absence de concertation pour faire avancer ces questions conduirait le pouvoir règlementaire à les mettre directement en œuvre.

En effet, les avancées médicales montrent que les risques pour certaines pathologies sont limités : disposer de données scientifiques fiables est donc un préalable pour votre rapporteure, afin de faire bouger les lignes de référence de la convention AERAS.

Pour votre rapporteure, notre devoir, en tant que parlementaire, consiste bien à redonner du pouvoir d’achat aux Français, lorsque les mesures envisagées sont justes et attendues et ce, d’autant plus qu’elles sont neutres pour les finances publiques. L’objet de la présente proposition de loi n’est pas autre !

 

 


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I.   Le marchÉ de l’assurance emprunteur pour les crÉdits immobiliers, un marchÉ peu concurrentiel et insuffisamment protecteur des droits des consommateurs

A.   Un marchÉ de quasi-monopole au profit du secteur bancaire

Le secteur de l’assurance emprunteur représente l’un des domaines les plus importants de l’assurance des personnes sur le marché français. En 2019, selon les derniers chiffres disponibles, cités dans le rapport du comité consultatif du secteur financier (CCSF) sur le bilan de l’assurance emprunteur, ([1]) ce secteur représente 9,8 milliards d’euros, dont près de 7 milliards d’euros au titre de la couverture des prêts immobiliers. Le secteur de l’assurance pour les crédits immobiliers concerne environ 7 millions de Français.

Selon un rapport de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), l’organe de supervision français de la banque et de l’assurance, en 2017, 87,5 % des contrats d’assurance emprunteurs garantissant un crédit immobilier étaient portés par des banques-assureurs.

Selon la Fédération des banques (FDB), 40 % du marché de l’assurance-emprunteur pour un crédit immobilier correspond à une tranche d’âge spécifique, celle des 25-45 ans.

Les banques se trouvent en situation de quasi-monopole sur le secteur assurantiel pour les crédits immobiliers du fait de la spécificité caractérisant le moment de la souscription du crédit. Pressé de pouvoir honorer sa promesse d’achat signée devant notaire, qui impose un délai pour obtenir un crédit et devient caduque en cas de refus de prêt, l’emprunteur, au regard de ces délais contraints, ne se trouve pas véritablement en position de négocier ni de faire jouer la concurrence.

La banque, auprès de laquelle l’emprunteur souscrit un crédit, fait valoir lors de la présentation de l’offre de crédit immobilier la nécessité de l’assurer avec une garantie élevée, à savoir, incapacité totale d’activité, perte de travail, alors que cette garantie ne correspond pas toujours aux besoins de l’assuré ni à l’offre concurrentielle immédiatement accessible.

En effet, la banque exige une garantie et la fournit en même temps, ce qui au-delà du temps contraint, peut décourager également certains acquéreurs de chercher une offre alternative, voire de comparer les offres.

Contrairement à l’assurance habitation ou à l’assurance automobile qui sont obligatoires, l’assurance pour un crédit immobilier, juridiquement, ne l’est pas, mais le devient dans les faits. La prise d’hypothèque sur le bien, par exemple, pourrait avantageusement se substituer à l’offre d’assurance, mais elle n’est jamais proposée sauf à rencontrer un client aguerri aux subtilités juridiques et avec une surface financière qui lui donne un fort pouvoir de négociation.

En outre, dans un environnement de taux bas, voire négatifs, l’assurance est devenue la variable d’ajustement qui permet aux établissements bancaires de faire des marges élevées au détriment du consommateur. Selon une étude de l’ACPR (2018), la marge nette sur les crédits immobiliers proposés par les banques serait négative (- 0,6 %), ce qui a pour conséquence de transformer le crédit immobilier en produit d’appel pour les établissements bancaires afin de vendre une assurance-emprunteur ainsi que d’autres produits pour rattraper leur marge (cotisation compte-courant, produits d’épargne, cautionnement bancaire, carte bancaire, etc. …).

Selon une enquête UFC-Que Choisir (août 2019), la priorité des consommateurs consiste tout d’abord à obtenir un taux bas sans véritablement tenir compte du tarif de l’assurance, qui apparaît dans l’étude précité comme une question secondaire alors qu’elle constitue un poste de dépense important pour l’assuré.

Le secteur assurantiel alternatif, représenté notamment par l’Association pour la promotion de la concurrence en assurance des emprunteurs (APCADE), ne possède que 12, 5 % du marché de l’assurance pour les contrats immobiliers, et paradoxalement, du fait de la faible ouverture concurrentielle de ce secteur, se trouve davantage présent sur les cas que les banques ne savent pas traiter, à savoir :

– les risques aggravés de santé (40 % de part des assureurs dits « alternatifs », à comparer aux 12 % de part totale sur l’ensemble du marché) ;

– les seniors (le taux de délégation est croissant avec l’âge selon le rapport du CCSF).

Dès lors, l’absence de concurrence nuit au consommateur, captif des prix pratiqués par le secteur bancaire, sans pouvoir faire véritablement jouer l’offre concurrentielle.

En effet, le principal inconvénient des services d’assurance proposés par un acteur bancaire est le prix : plus élevé en raison notamment du niveau de commissionnement des réseaux bancaires et du faible taux de marge sur les taux de crédits actuels. Le niveau de garantie n’est pas non plus nécessairement adapté à l’emprunteur, du fait d’une offre relativement standardisée.

B.   Un marchÉ insuffisamment protecteur des droits des consommateurs

1.   Libéraliser le marché de l’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers : une mesure de pouvoir d’achat neutre pour les finances publiques

Libéraliser le marché de l’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers permettrait de redonner aux consommateurs souhaitant acquérir un bien immobilier, un pouvoir d’achat non négligeable.

Les marges opérées sur les contrats d’assurance-emprunteur sont extrêmement rentables. Selon l’ACPR, dans une étude de 2018, le ratio sinistre/primes du secteur, à savoir le rapport entre les euros décaissés par l’assureur pour indemniser les sinistres et les euros de cotisations de primes reçues, est particulièrement intéressant. Ainsi, l’ACPR établit que sur 100 euros de primes encaissés, 68 euros sont conservés par l’assureur et 32 décaissés pour les sinistres. À titre de comparaison, ce montant est de seulement 32 euros d’euros conservés pour l’assurance habitation, et 21 euros sur l’assurance automobile.

Les gains sur les renégociations de contrat peuvent donc être relativement importants. En effet, selon l’UFC-Que Choisir, le gain sur une renégociation de contrat, serait estimé à 5 000 euros sur les nouveaux contrats, et concernant les contrats en stock, les estimations varient entre un gain estimé entre 5 000 et 15 000 euros (selon les modalités du crédit couvert) pour une assurance emprunteur garantissant un crédit bancaire, une somme donc loin d’être négligeable.

Toujours selon les calculs opérés par l’association UFC-Que Choisir, pour un crédit de 250 000 euros souscrit sur 20 ans, le gain estimé pour un changement d’assurance serait de l’ordre de 6 500 euros pour les plus de 65 ans et jusqu’à plus de 15 000 euros pour la tranche d’âge 35 - 45 ans !

En outre, en termes de garantie, le secteur alternatif, s’aligne, au mieux sur les garanties proposées par les banques, puisque pour qu’une substitution d’assurance soit légale, elle doit nécessairement présenter un niveau de garantie équivalent, voire présente des garanties supérieures.

Selon les études conduites par le secteur alternatif, les emprunteurs ne choisissent une assurance hors banque ou ne changent d’assurance que pour des questions de prix, excepté les personnes présentant un risque aggravé de santé au départ, qui changent d’assurance, à la fois pour des questions de prix et de garanties.

Une autre difficulté demeure concernant la protection des droits des consommateurs : il convient de pouvoir mesurer le véritable taux et le véritable coût de l’assurance puisque la partie variable de celle-ci, pas toujours identifiée par l’assuré, est présente dans le taux annuel effectif global (TAEG), ce qui ne permet ni de mesurer véritablement le coût de l’assurance, ni le coût du crédit.

L’absence de concurrence dans le secteur de l’assurance-emprunteur rend les consommateurs captifs et ne leur permet pas de faire respecter leurs droits, sans compter que cela obère sérieusement leur pouvoir d’achat.

2.   Lutter contre les mesures dilatoires contraires à l’esprit de la loi, une mesure de protection des droits des consommateurs

Le législateur a opéré une libéralisation de l’assurance emprunteur pour les crédits immobiliers en trois temps, sans que cela n’ait pu empêcher jusqu’ici certains établissements bancaires d’user de mesures dilatoires à l’encontre des consommateurs pour détourner l’esprit et la lettre de la loi, ni de remettre en question leur position de quasi-monopole sur le marché :

– la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi « Lagarde », décorrèle le choix de l’offre de prêt de celui de l’assurance-emprunteur ;

– la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », va plus loin en permettant à l’assuré de résilier son contrat à tout moment dans les douze premiers mois suivant la signature de l’offre de prêt ;

– l’amendement dit « Bourquin », du nom de son auteur M. Martial Bourquin, voté en 2017, étend le droit de résiliation au-delà de la première année. Or, comme certains contrats n’avaient pas véritablement de date d’échéance indiquée, de fait le dispositif s’est trouvé assez vite inopérant.

Ainsi, aucune de ces mesures législatives n’a, jusqu’à aujourd’hui, véritablement permis de libéraliser le marché de l’assurance-emprunteur qui reste en situation de quasi‑monopole au profit des banques.

Selon Securimut, membre de l’Association pour la promotion de la concurrence en assurance des emprunteurs (APCADE), ce n’est rien d’autre qu’un véritable parcours du combattant qui se présente au consommateur souhaitant faire jouer son droit d’option en matière de changement d’assurances.

Pas moins de 7 obstacles ont été identifiés pour parvenir à une substitution d’assurance, ce qui nécessite, la plupart du temps, l’intervention d’un intermédiaire, un courtier en assurances, le maquis législatif et la force d’inertie des établissements bancaires décourageant tout emprunteur non aguerri au franchissement d’obstacles.

Source : réponse au questionnaire Sécurimut

Le comité consultatif du secteur financier (CCSF) a mis en évidence dans plusieurs avis les mesures dilatoires auxquelles sont confrontés les consommateurs, alors que le principe du libre-choix de l’assurance emprunteur figure dans la lettre de la loi (article L. 113-12 du code de la consommation) :

– manque d’information sur le droit à la délégation, délai irraisonnable de traitement et non-motivation des refus (avis du CCSF de 2012) ;

– rappel de l’obligation de remise de la fiche d’information standardisée (avis du CCSF de 2017) ;

– date d’échéance absente ou « non standard » (avis du CCSF de 2018).

L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) souligne, en 2018 ([2]), des pratiques qui ont « pour effet de priver les clients de leur droit au libre choix de l’assurance emprunteur ».

Les associations locales de l’UFC-Que choisir sont saisies chaque année d’environ 1 000 signalements ayant trait à l’assurance emprunteur, dont un quart a trait à des difficultés liées au changement de contrat.

Aucune des précédentes lois n’a pour autant non plus traité la question de l’avenant au contrat de prêt pour changement d’assurance qui est devenu l’outil privilégié pour esquiver les demandes de substitution (émission tardive, modification du crédit, doubles prélèvements).

Les apories du dispositif législatif en vigueur ont bien été identifiées par votre rapporteure. La présente proposition de loi n’a pas d’autre objet que de les corriger en autorisant un accès, plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur.

II.   l’Objet de la prÉsente proposition de loi : un accÈs plus juste, plus simple et plus transparent au marchÉ de l’assurance emprunteur

A.   CrÉer un nouveau droit : pouvoir rÉsilier son assurance emprunteur pour un contrat immobilier À tout moment

Le titre Ier de la présente proposition de loi, intitulé « Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification », répond à un double objectif : créer un nouveau droit, celui de pouvoir résilier à tout moment son assurance-emprunteur, et rendre ce droit effectif en obligeant les établissements prêteurs à davantage de transparence sur les droits des assurés, notamment celui de résilier infra-annuellement leur assurance-emprunteur.

1.   Pouvoir résilier son assurance emprunteur immobilier à tout moment, un droit du consommateur à garantir

Votre rapporteure, consciente des difficultés auxquelles font face les consommateurs pour s’orienter dans l’actuel maquis législatif, de l’urgence à agir pour donner des gains de pouvoir d’achat, dans une dynamique neutre pour les finances publiques, avait fait une proposition similaire l’an dernier, par voie d’amendement qui avait été adopté, à l’Assemblée nationale, dans le cadre de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique, dite « loi ASAP ».

La présente proposition de loi reprend en partie ces mesures.

L’article 1er de la proposition de loi présente la mesure principale : ouvrir un nouveau droit, celui de pouvoir résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance-immobilier pour des crédits immobiliers.

Non seulement cette mesure rend le droit de résiliation effectif puisque toute demande sera par définition recevable, mais elle offre en plus une meilleure protection pour les personnes ayant eu un risque aggravé de santé et qui ont initialement trouvé une solution « dégradée » d’assurance soit au niveau du prix, soit au niveau des garanties.

Néanmoins, pour éviter toutes mesures dilatoires de la part de certains établissements bancaires, la proposition de loi renforce également tous les aspects du droit à l’information des consommateurs en obligeant les établissements prêteurs à une véritable transparence.

2.   Mieux informer le consommateur de ses droits pour assurer une libéralisation effective du secteur de l’assurance-emprunteur pour les crédits immobiliers

Votre rapporteure a tenu à répondre point par point aux difficultés rencontrées par les emprunteurs.

À cet effet, elle n’a pas souhaité ouvrir seulement un nouveau droit qui aurait pu être contourné comme l’ont montré les trois tentatives législatives précédentes. Bien au contraire, l’obligation de transparence, non respectée à peine de sanctions administratives, a pour objet d’éviter toutes mesures dilatoires et de rendre effectif ce nouveau droit, celui de pouvoir résilier son assurance emprunteur pour un crédit immobilier à tout moment.

L’article 2 a pour objectif de rendre plus transparentes les décisions de refus de substitution d’assurance. La motivation du refus de substitution d’assurance doit être précise et permettre à l’assuré de donner les éléments manquants si le refus de substitution repose uniquement sur un dossier incomplet.

L’article 3 prévoit, pour assurer la meilleure information des emprunteurs une communication annuelle de l’assureur à l’emprunteur de son droit de résiliation à tout moment, ce qui devrait éviter toute mauvaise compréhension du mécanisme. Des sanctions administratives suffisamment dissuasives sont prévues, 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale, en cas de non-respect de cette information ou en cas de non-respect des règles de substitution par les prêteurs et assureurs.

L’article 4 encadre également le délai d’émission de l’avenant bancaire, 10 jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution, pour qu’il soit émis avec l’acceptation de la banque, comme le prévoit la recommandation de l’ACPR depuis juin 2017, jusqu’ici globalement ignorée par les prêteurs.

L’article 5 prévoit des sanctions administratives d’un montant équivalent à celle prévues à l’article 3, en cas de non-respect des règles de substitution par les prêteurs et assureurs, dans l’hypothèse où ils tenteraient d’induire leurs clients en erreur, de ne pas leur répondre ou de le faire horsdélai.

L’article 6 prévoit le délai d’entrée en vigueur de ces dispositions, un an après l’entrée en vigueur de la publication de la loi afin que les acteurs du secteur puissent se préparer. Les contrats en cours seront concernés par ces nouvelles dispositions.

B.   faciliter l’accÈs À l’emprunt pour les personnes les plus fragiles

1.   Un long processus pour l’accès à l’emprunt pour les personnes les plus fragiles : la naissance de la convention AERAS

La convention AERAS, pour « s’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé », est née d’un long processus initié par les pouvoirs publics et les associations de malades jusqu’à sa consécration par la loi n° 2007-131 du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé.

Les associations de malades, dont l’association RoseUp, ont joué un rôle non négligeable dans la prise en compte des pathologies invalidantes, le droit à l’oubli ainsi que la définition d’une grille de référence, dite grille AERAS.

Issue des travaux conclus entre les professionnels de l’assurance et les pouvoirs publics, une première convention a été conclue en septembre 1991. Comme elle répondait de manière partielle aux attentes des associations de malades, une deuxième convention, la convention Belorgey a été signée le 18 septembre 2001, comportant plusieurs améliorations dont la mise en place d’un code de bonne conduite et l’extension du dispositif à d’autres pathologies.

La convention AERAS a remplacé, le 6 juillet 2007, la convention Belorgey. La nouvelle convention, outre la garantie décès, couvre la garantie invalidité et crée un dispositif d’écrêtement des surprimes d’assurance. Elle crée également une commission de médiation et une commission études et recherche.

Un avenant à la convention AERAS dite « révisée » prend en compte le « droit à l’oubli », qui permet pour certains anciens malades du cancer de ne pas le déclarer lors de la souscription d’un contrat d’assurance emprunteur et ainsi de ne pas se voir appliquer une exclusion de garantie ou une surprime du fait de cette ancienne maladie.

Quant à la « grille de référence AERAS », publique, elle comprend les pathologies cancéreuses et autres pathologies, y compris chroniques, pour lesquelles l’assurance-emprunteur sera accordée, sans surprime ou exclusion de garantie ou dans des conditions se rapprochant des conditions standards après certains délais, selon les pathologies.

2.   Le droit à l’oubli et la grille de référence AERAS, vrai faux progrès ?

a.   Le « droit à l’oubli »

Le « droit à l’oubli » apparaît à bien des égards comme un progrès pour l’accès des personnes les plus fragiles à l’emprunt puisqu’il permet de ne pas déclarer à l’assureur, lors du questionnaire de santé présenté par celui-ci, un cancer dont on a guéri, et ainsi de bénéficier d’aucune surprime ou de ne supporter aucune garantie d’exclusion.

Pour autant, ce « droit à l’oubli », inscrit à l’article L. 1141-5 du code de la santé publique, comporte une double limite.

Première limite, le droit à l’oubli ne s’applique qu’aux pathologies cancéreuses, les autres pathologies dont certaines maladies chroniques, telles que le diabète, en sont exclues sans que les risques de morbidité ou de mortalité ne soient connus ni assis sur des données scientifiques objectives.

Seconde limite, les délais de sa mise en œuvre pour les cancers ne correspondent ni à la réalité du marché de l’emprunt immobilier ni à la réalité des études épidémiologiques. Ainsi, en vertu de la loi du n°2016-41 du 26 janvier 2016, pour les cancers déclarés avant 18 ans, lorsque le protocole thérapeutique est terminé depuis plus de cinq ans et qu’aucune rechute n’a été constaté le « droit à l’oubli » s’exerce. La commission de suivi de la convention AERAS a néanmoins étendu ce délai de 18 à 21 ans, à compter du 1er septembre 2020.

Or, pour les crédits immobiliers – le droit à l’oubli et la convention AERAS s’appliquent à tout type de crédit – la tranche d’âge concernée par les emprunts immobiliers est rarement celle des 18 - 25 ans, mais plutôt celle des 35 - 50 ans. Cependant pour les personnes concernées par la maladie après 18 ans selon les termes de la loi, 21 ans depuis l’accord conventionnel, le protocole thérapeutique doit être terminé depuis plus de 10 ans et aucune rechute ne doit avoir été constatée, ce qui exclut de facto les personnes en situation d’emprunter pour un crédit immobilier.

L’association RoseUp milite pour que le droit de l’oubli puisse s’exercer également à partir de 5 ans pour les cancers déclarés après 21 ans puisque, selon l’Institut national du cancer (l’INCA), certaines données épidémiologiques démontrent que pour certains cancers il n’y a pas de rechute après cinq ans, et cinq ans d’attente pour se reconstruire en se projetant par exemple dans un projet immobilier paraît être une durée bien trop longue et non justifiée au regard des connaissances scientifiques actuelles.

b.   La grille de référence AERAS

La grille de référence AERAS apparaît également comme un progrès pour l’accès des personnes les plus fragiles à l’emprunt puisqu’elle définit les caractéristiques des pathologies ainsi que les délais au-delà desquels aucune surprime ni exclusion de garantie ne seront appliquées. Elle définit également les taux de surprime maximum pour les personnes qui ne peuvent accéder à un tarif standard.

Néanmoins, outre qu’un nombre important de pathologies chroniques ne sont pas prises en compte sans que cela ne se justifie au regard des progrès de la médecine et des traitements, le montant des prêts immobiliers assurés selon cette grille ne peut excéder 320 000 euros et l’échéance des contrats d’assurance doit intervenir avant le 71ème anniversaire de l’emprunteur.

Cette double limite n’est pas non plus en cohérence avec la réalité du marché immobilier. Elle exclut de facto les personnes résidant en Île-de-France au regard du montant garanti, mais également un nombre important d’emprunteurs au regard de l’âge limite établi sans que cette double exclusion ne repose sur des études quantifiées notamment en fonction des pathologies.

Si des avancées sont à saluer dans l’élargissement de la grille de référence AREAS à d’autres pathologies, depuis mars 2021, aux personnes porteuses du VIH ainsi qu’à celles diagnostiquées d’une leucémie lymphoïde chronique sans qu’un traitement se soit montré nécessaire, un nombre important de maladies chroniques, telles que le diabète, ou certains cancers, restent à l’heure actuelle les grands oubliés de la convention, faute d’études épidémiologiques sérieuses.

3.   Des améliorations nécessaires, objet du titre II de la présente proposition de loi : droit à l’oubli et grille de référence AERAS

Le titre II de la proposition de loi, intitulé « Droit à l’oubli et grille de référence AERAS », a justement pour objectif de combler ces lacunes juridiques et de faciliter l’accès au marché de l’emprunt des personnes les plus fragiles.

L’article 7 dispose que dans les trois mois après la publication de la présente loi, les partenaires de la convention doivent lancer des travaux pour :

– réduire les délais concernant le droit à l’oubli pour les différentes pathologies cancéreuses, dont notamment celles pour lesquelles il est supérieur à 5 ans ;

 étendre le droit à l’oubli à d’autres pathologies que les pathologies cancéreuses, qui sont actuellement les seules concernées ;

 étendre la grille de référence AERAS à d’autres pathologies ou maladies chroniques pas encore prises en compte.

Les partenaires de la convention doivent également, dans le même délai, lancer une négociation sur la hausse du montant garanti par la convention pour que celui-ci corresponde à la réalité du secteur immobilier, notamment dans les zones dites « tendues ».

À défaut de mise en œuvre de ces travaux et de ces négociations, les conditions d’accès à la convention qui doivent faire l’objet d’une négociation pourront être fixées par décret en Conseil d’État. En tout état de cause les conditions fixées par décret ne pourront pas être moins favorables que celles étant en vigueur à la date de la publication de la loi.

L’article 8 dispose que le Gouvernement doit remettre au Parlement un rapport, dans les douze mois de la publication de la présente loi, détaillant les dispositifs d’études et de recherche permettant de recueillir, d’analyser et de publier les données disponibles sur la mortalité et la morbidité pour fournir les éléments statistiques nécessaires à la tarification du risque.

 

 


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   Commentaires des articles

Titre Ier
Droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification

Article 1er
(art. L. 113-12-2 du code des assurances, art. L. 221-10 du code de la mutualité)
Création d’un droit de résiliation infra-annuel sans frais pour l’assurance emprunteur d’un crédit immobilier

Article adopté sans modification par la commission.

L’article 1er de la présente proposition de loi vise à créer un droit de résiliation infra‑annuel sans frais concernant l’assurance emprunteur d’un crédit immobilier. Le consommateur pourra résilier à tout moment son assurance emprunteur et non plus uniquement chaque année à  la date anniversaire du contrat.

I.   L’État du droit

Sans être juridiquement obligatoire, l’assurance emprunteur, pour garantir un crédit immobilier en cas de défaut de remboursement de traites impayées dues à une incapacité physique, une perte d’emploi, ou le décès de l’emprunteur, est devenue, dans les faits, la principale garantie des prêts immobiliers. ([3])

Comme elle est généralement souscrite en même temps que l’offre de prêt, la part de marché détenue par le secteur bancaire correspond aujourd’hui à environ 88 % du marché global. La libéralisation de ce secteur de l’assurance s’est néanmoins faite progressivement sur le papier sans que cela ne se soit véritablement traduit dans les faits.

La loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite loi « Lagarde », autorise jusqu’à la signature de l’offre de prêt la possibilité de substituer à l’offre d’assurance faite par la banque une offre concurrentielle.

La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », va plus loin en permettant à l’assuré de résilier son contrat dans les douze mois suivant la signature de l’offre de prêt.

Ainsi l’article L. 11312-2 du code des assurances et l’article L. 221-10 du code de la mutualité prévoient, en des termes similaires, la faculté pour l’assuré de résilier son contrat à tout moment dans les douze mois suivant la signature de l’offre de prêt.

L’amendement dit « Bourquin », du nom de son auteur M. Martial Bourquin, voté en 2017, a étendu le droit de résiliation au-delà de cette première année.  

Le droit de résiliation annuel devient possible, à l’échéance contractuelle, défini au premier alinéa de l’article L. 113-12 du code des assurances ainsi qu’au premier alinéa de l’article L. 221-10 – tout en le réservant presque exclusivement à l’assuré ([4]). Les articles L. 113-12-2 et L. 221‑10 précisent les modalités à suivre pour exercer ces droits.

II.   les dispositions de l’article

L’article 1er de la présente proposition de loi modifie les dispositions des articles L. 113-12-2 du code des assurances et L. 221-10 du code de la mutualité pour ouvrir un nouveau droit pour l’assuré, celui de résilier à tout moment son contrat, et non plus seulement à la date anniversaire de celui-ci.

Cette nouvelle disposition déroge aux dispositions de l’article L. 113-12 du code des assurances, qui posent le principe d’un droit de résiliation annuel. Cette nouvelle disposition ne concerne également que les contrats d’assurance emprunteur pour un crédit immobilier tels que définis à l’article L.313-1 du présent code.

L’article 1er crée donc un nouveau droit, un droit de résiliation infraannuel pour les contrats d’assurance emprunteurs pour les crédits immobiliers tels que définis à l’article L.313-1.

Pour votre rapporteure l’objet de ces dispositions consiste à permettre de lutter contre les manœuvres dilatoires de certains établissements bancaires qui ne permettent pas de rendre effectif le droit de résiliation annuel, tel qu’introduit par l’amendement dit « Bourquin ».

III.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article, sans modification.

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Article 2
(art. L. 313-30 du code de la consommation)
Renforcement de l’obligation de motiver les décisions de refus de substitution d’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article modifié par la commission.

L’article 2 vise à renforcer l’obligation de motivation des refus de résiliation ou de substitution de contrat d’assurance pour lutter contre les mesures dilatoires de certains établissements bancaires.

I.   L’État du droit

L’article L. 313-30 du code de la consommation garantit le droit pour l’assuré de pouvoir :

– choisir un autre contrat que celui proposé par l’établissement prêteur jusqu’à la signature du crédit ;

– résilier son contrat d’assurance-emprunteur douze mois après la signature du crédit ;

– résilier annuellement son assurance-emprunteur en vertu des dispositions de l’article L. 113-12 du code des assurances.

La seule justification possible d’un refus de la part de l’établissement prêteur à la demande de résiliation de l’assurance emprunteur repose, selon la lettre de la loi, sur le fait que le nouveau contrat d’assurance ne présenterait pas un niveau de garantie équivalent à celui proposé par l’établissement prêteur auquel il se substitue.

En outre l’article L. 313-30 du code de la consommation dispose que toute décision de refus de la part de l’établissement prêteur doit être motivée.

II.   les dispositions de l’article

L’article 2 modifie l’article L. 313-30 du code de la consommation pour l’étendre à un nouveau cas de figure, celui du droit de résiliation infra-annuel ouvert par l’article 1er de la présente proposition de loi.

Au regard des mesures dilatoires dont il a déjà été fait mention supra, l’article 2 de la présente proposition de loi vise surtout à renforcer l’obligation de motivation des refus de résiliation ou de substitution de contrat d’assurance. Pour cela l’article L. 313-30 est complété par les dispositions suivantes :

– « toute décision de refus doit être explicite et comporter l’intégralité de ses motifs » ;

– « et préciser, le cas échéant, les informations manquantes ».

En effet, lors des auditions conduites par votre rapporteure, des preuves lui ont été apportées de refus sommaire ou de manœuvres dilatoires de la part de certains établissements bancaires qui ne permettaient pas de rendre effectif le droit de résiliation ou de substitution inscrit dans la lettre de la loi. Raison pour laquelle, seule l’inscription d’une motivation renforcée dans le corps de la loi permettra d’y faire face.

III.   La position de votre commission

Après un avis favorable de votre rapporteure, la commission a adopté, un amendement proposant de revenir à la version antérieure du code de la consommation. Ainsi toute décision de refus de la part de l’établissement prêteur doit être motivée (version en vigueur), mais doit être également « explicite ».

L’article 1er de la présente proposition de loi qui permet de résilier à tout moment son assurance emprunteur doit être un droit effectif et certaines banques ne sauraient s’y opposer en refusant une assurance autre que celle qu’elles proposent en arguant de raisons non motivées et explicites. Votre commission a adopté l’article 2 ainsi modifié.

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Article 3
(art. L. 113-15-3 [nouveau] du code des assurances, art. L. 313-8 et L. 511-7 du code de la consommation, et art. L. 221-10-4 [nouveau] du code de la mutualité)
Obligation de transparence sur le droit à résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier à peine de sanctions administratives

Article modifié par la commission.

L’article 3 de la présente proposition de loi crée une obligation d’information annuelle pour les établissements prêteurs concernant le droit de résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur et renforce les sanctions administratives en cas de non-respect de cette obligation.

I.   L’État du droit

L’article 3 complète les dispositions du code des assurances et celles du code de la mutualité par l’introduction de deux nouveaux articles, l’article L. 113-53 au code des assurances et l’article L. 221-10-4 au code de la mutualité (voir infra).

Ces nouvelles dispositions renforcent les obligations de transparence de l’assureur concernant le droit à résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur à peine de sanctions administratives.

II.   les dispositions de l’article

Ainsi, pour les contrats d’assurance-emprunteur, l’assureur doit informer l’assuré, chaque année :

– de l’existence d’un droit de résiliation infra-annuel du contrat d’assurance emprunteur ;

– des modalités de résiliation du contrat d’assurance ;

– des différents délais de notification et d’information que l’assuré doit respecter pour pouvoir résilier son contrat d’assurance.

Les manquements à ces obligations sont passibles d’une amende administrative dont le montant ne peut excéder 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale.

L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer ces sanctions.

L’article L. 511-7 du code de la consommation est ainsi modifié pour introduire dans le champ des infractions à rechercher ces nouvelles dispositions.

L’article L. 313-8 est également complété pour que, dans la notice annexée au contrat de prêt énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance (article L. 319-29 du code de la consommation), figure également l’information selon laquelle l’emprunteur peut résilier le contrat d’assurance à tout moment à compter de la signature de l’offre de prêt.

Ces nouvelles dispositions visent à renforcer les droits des consommateurs et à lutter contre les manœuvres dilatoires de certains établissements bancaires.

III.   La position de votre commission

Votre rapporteure a présenté plusieurs amendements rédactionnels de précision, qui ont été votés par la commission. Votre rapporteure a également précisé que la forme que pourrait prendre cette obligation pourrait être discuté d’ici la séance. Votre commission a adopté l’article 3 ainsi modifé.

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Article 3 bis (nouveau)
(art. L. 313-8 du code de la consommation)
Information sur le coût de l’assurance sur une durée de huit ans

Article introduit par la commission.

La commission a adopté un amendement de votre rapporteure, après l’article 3, visant à introduire une recommandation du Comité consultatif du secteur financier (CSCF) qui oblige les établissements prêteurs à afficher le coût de l’assurance-emprunteur pour huit ans, ce qui correspond à la durée moyenne de remboursement d’un crédit immobilier.

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Article 4
(art. L. 313-31 du code de la consommation)
Obligation de produire un avenant au contrat de crédit dans les 10 jours à compter de la demande de substitution de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article adopté sans modification par la commission.

L’article 4 vise à renforcer l’obligation de produire un avenant au contrat de crédit dans les 10 jours à compter de la demande de substitution de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier.

I.   L’État du droit

L’alinéa 3 de l’article L. 313-31 du code de la consommation dispose que lorsque le prêteur accepte la résiliation du contrat d’assurance, il doit modifier par voie d’avenant le contrat de crédit en mentionnant notamment le nouveau taux annuel effectif global calculé.

II.   les dispositions de l’article

Le présent article introduit des conditions de délai à cette obligation de produire un avenant lorsque l’établissement prêteur a accepté la résiliation du contrat d’assurance.

L’avenant doit, dès lors, être produit dans les dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution.

III.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article, sans modification.

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Article 5
(art. L. 341-26-1[nouveau], art. L. 341-39 [abrogé] et art. L 341-44-1 [nouveau] du code de la consommation)
Sanctions administratives en cas de non-respect du droit de résiliation infraannuel de l’assurance emprunteur pour un crédit immobilier

Article adopté sans modification par la commission

L’article 4 vise à renforcer le montant des sanctions administratives en cas de non-respect du droit de résiliation infra-annuel de l’assurance emprunteur.

I.   L’État du droit

Le dernier alinéa de l’article L. 313-8 précise que préalablement à l’offre de prêt doivent être fournis deux documents :

– une fiche standardisée d’information (FIS) mentionnant la possibilité pour l’emprunteur de souscrire auprès de l’assureur de son choix une assurance en précisant les garanties proposées (L. 313-10 du code de la consommation) ;

– une notice annexée au contrat de prêt énumérant les risques garantis et précisant toutes les modalités de la mise en jeu de l’assurance (article L. 319-29 du code de la consommation).

L’article L. 313-30 du code de la consommation garantit le droit pour l’assuré de :

– pouvoir choisir un autre contrat que celui proposé par l’établissement prêteur ;

– ne pas se voir opposer de refus à ce nouveau contrat s’il comporte des garanties équivalentes à celui proposé par l’organisme prêteur.

En cas de refus l’organisme prêteur doit motiver sa décision de refus.

L’article L. 313-32 garantit qu’en cas de choix d’un contrat d’assurance autre que celui proposé par le prêteur, ou de substitution de contrat d’assurance le prêteur ne peut pas :

– modifier le taux, qu’il soit fixe, variable ou révisable ;

– modifier les conditions d’octroi du crédit, prévus dans l’offre de prêt, mentionnée ;

– exiger le paiement de frais supplémentaires, y compris les frais liés aux travaux d’analyse de cet autre contrat d’assurance.

L’article L. 341-39 dispose que le fait pour le prêteur de ne pas respecter les obligations prévues aux articles L. 313-30 et L. 313-31 est puni d’une amende de 3 000 euros.

Les deux nouveaux articles introduits à l’article 5 de la présente proposition de loi non seulement étendent le champ des sanctions administratives prévues mais renforcent également celles-ci.

II.   les dispositions de l’article

Le nouveau dispositif crée deux nouveaux paragraphes intitulés « Sanctions administratives ».

L’article L. 341-26-1 (nouveau) introduit la possibilité de sanctions administratives pour non-respect des obligations d’information prévues à l’article L. 313-8. Il étend donc le champ de ce qui peut être sanctionné.

L’article L. 341-44-1 étend également le champ des sanctions administratives au non-respect des dispositions de l’article L. 313-32.

Ces deux articles transforment également les sanctions pénales actuellement prévues à l’article L. 341‑39 du code de la consommation en cas de non-respect par un prêteur de ses obligations à l’égard d’un emprunteur lors de la formation du contrat de crédit immobilier en sanctions administratives. Ils en alourdissent également les montants : actuellement limitée à 3 000 euros, l’amende reste à ce montant pour une personne physique mais équivaut à 15 000 euros pour une personne morale.

En conséquence, l’article L. 341-39 est abrogé.

L’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation est l’autorité compétente pour prononcer ses sanctions.

III.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article, sans modification.

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Article 6
Entrée en vigueur des dispositions du titre Ier

 

Article adopté sans modification par la commission

L’article 6 précise la date d’entrée en vigueur des dispositions du titre Ier.

I.   les dispositions de l’article

L’article 6 précise la date d’entrée en vigueur du titre Ier de la présente proposition de loi. Le délai proposé, un an après la promulgation de la loi, laisse un temps nécessaire aux acteurs du secteur pour se préparer à sa mise en œuvre.

Pour rappel, les dispositions du titre Ier de la présente proposition de loi ouvrent la possibilité de résilier à tout moment, donc de manière infra-annuelle, les contrats d’assurance emprunteur pour des crédits immobiliers, et organisent également une plus grande transparence de ce nouveau droit pour le consommateur à peine de sanctions.

Dès son entrée en vigueur, la loi s’appliquera aux contrats d’assurance emprunteurs en cours.

II.   La position de votre commission

Votre commission a adopté cet article, sans modification.

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Titre II
Droit À l’oubli et ÉVOLUTION DE la grille de rÉfÉrence DE LA « AERAS »

Article 7
Lancement des travaux pour réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et élargir son bénéfice à d’autres pathologies dans la grille de référence AERAS

 

Article modifié par la commission.

L’article 7 de la présente proposition de loi vise à lancer des travaux pour réduire les délais du droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses et élargir son bénéfice à d’autres pathologies dans la grille AERAS. Il vise également à revoir le plafonnement du montant de l’emprunt maximum garanti par la grille AERAS.

I.   L’État du droit

Afin de permettre aux personnes souffrant de pathologies cancéreuses ou d’autres pathologies invalidantes ou chroniques de s’endetter à un coût modéré pour leurs projets immobiliers, un processus conventionnel s’est développé entre les pouvoirs publics et les organismes d’assurance.

Initié dans les années 1990, et consacré législativement par la loi                  2007-131 du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé, ce long processus a donné naissance à la convention AERAS, dont l’acronyme signifie « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé ».

La loi n° 2007-131 du 31 janvier 2007 relative à l’accès au crédit des personnes présentant un risque aggravé de santé a donné une portée législative au processus conventionnel et a également introduit le principe du droit à l’oubli.

L’article L. 1141-2 du code de la santé publique instaure une convention nationale relative à l’accès au crédit des personnes présentant, du fait de leur état de santé ou de leur handicap un risque aggravé de santé.

Cette convention, conclue entre l’État, les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance ainsi que des organisations nationales représentant les malades et les usagers du système de santé ou représentant les personnes handicapées, permet un accès facilité au crédit et à l’assurance des prêts des personnes présentant un risque aggravé de santé ou un handicap.

L’article L. 1141-5 du code de la santé publique précise que la convention nationale détermine les modalités et les délais au-delà desquels les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse ne peuvent se voir appliquer ni une majoration de tarifs, ni une exclusion de garantie pour leurs contrats d’assurance garantissant un crédit relevant de cette convention.

La convention prévoit également un « droit à l’oubli » c’est-à-dire les délais au-delà desquels aucune information médicale relative aux pathologies cancéreuses ne peut être recueillie par les organismes assureurs.

L’alinéa 2 de l’article L. 1141-5 du code de la santé publique définit une grille de référence, rendue publique, qui prend en compte la liste des pathologies et délais mentionnés pour une absence de majoration de tarifs ou d’exclusion de garantie ou concernant « le droit à l’oubli ».

L’alinéa 4 du présent article précise également que pour les pathologies cancéreuses le droit à l’oubli commence au plus tôt dix ans après la date de fin du protocole thérapeutique et cinq ans pour celles survenues avant l’âge de dix-huit ans à compter de la fin du protocole thérapeutique selon les termes de la loi du n°2016-41 du 26 janvier 2016. La commission de suivi de la convention AERAS a, néanmoins, étendu ce délai de 18 à 21 ans, à compter du 1er septembre 2020.

II.   les dispositions de l’article

L’article 7 dispose que les signataires de la convention, à savoir l’État et les organisations professionnelles représentant les établissements de crédit, les sociétés de financement, les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance ainsi que des organisations nationales représentant les malades et les usagers du système de santé ou représentant les personnes handicapées engagent, au plus tard trois mois après la publication de la présente loi, une négociation pour :

– réduire les délais au droit à l’oubli pour les pathologies cancéreuses ;

– inclure des pathologies autres que les pathologies cancéreuses pour une absence de majoration de tarifs ou d’exclusion de garantie pour la grille de référence AERAS ;

– inclure des pathologies cancéreuses autres pour la prise en compte « du droit à l’oubli ».

En outre, dans le même délai, les signataires à la présente convention engagent une négociation sur une hausse du montant de prêt garanti (1° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique). Non précisé dans la loi, le montant maximum garanti défini par voie conventionnelle correspond, aujourd’hui, à un montant de 320 000 euros, ce qui, outre la faiblesse de ce montant au regard des prix immobiliers, ne repose sur aucune évaluation chiffrée sérieuse.

Neuf mois après la publication de la présente loi, l’instance de suivi de la convention adresse au Gouvernement et au Parlement un rapport sur l’avancement des travaux.

À défaut de mise en œuvre des dispositions du présent article par la voie de la négociation, les conditions d’accès à la convention pourront être fixées par décret en Conseil d’État.

L’objet de ces dispositions consiste à revoir la grille de référence afin de faire baisser les surcoûts. Selon l’association RoseUp, les prêts assis sur la grille de référence AREAS, loin de la volonté initiale du législateur, s’apparentent parfois à des quasi taux d’usure.

Votre rapporteure entend également faciliter l’accès au crédit pour les personnes souffrant d’un risque aggravé de santé et leur redonner une véritable marge de manœuvre concernant leur pouvoir d’achat.

En outre pour votre rapporteure il est nécessaire que les travaux conventionnels reprennent afin d’inclure de nouvelles pathologies, en particulier les maladies chroniques telles que le diabète, alors que leur exclusion ne repose aujourd’hui sur aucune donnée scientifique fiable.

III.   La position de votre commission

La commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels de précision présentés par votre rapporteure. La commission a adopté l’article 6 ainsi modifié.

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Article 8
Présentation d’un rapport du Gouvernement sur les données disponibles sur la mortalité et la morbidité pour une meilleure tarification du risque

 

Article modifié par la commission

L’article 8 de la présente proposition de loi formule une demande de rapport au Gouvernement sur les données disponibles sur la mortalité et la morbidité pour permettre une meilleure tarification du risque assise sur des données scientifiques fiables.

I.   L’État du droit

Le 7° de l’article L. 1141-2-1 du code de la santé publique prévoit que la convention définit les dispositifs d’études et de recherche permettant de recueillir, analyser, publier les données disponibles sur la mortalité et la morbidité des principales pathologies afin de pouvoir tarifer le risque.

II.   les dispositions de l’article

Les données statistiques sur le sujet sont totalement lacunaires. La pathologie la mieux renseignée, selon l’association RoseUp, auditionnée par la rapporteure, est la pathologie cancéreuse du fait des données établies par l’Institut national du cancer (INCA). Pour autant alors qu’il est clairement établi que certains types de cancers ne récidivent pas passés cinq ans aucune amélioration n’a été constatée dans leur prise en charge par la grille de référence AERAS.

Quant aux autres pathologies, il existe des méta-analyses européennes mais peu de données publiques nationales disponibles. Raison pour laquelle votre rapporteure souhaite que le Gouvernement remette au Parlement, douze mois au plus tard après la publication de la présente loi, un rapport présentant un dispositif permettant d’assurer la bonne mise en œuvre de ces dispositions. Il s’agit de revoir la grille de tarification en s’appuyant sur des données publiques et incontestables pour une meilleure tarification du risque dans l’intérêt des bénéficiaires de la convention.

Pour votre rapporteure ce dispositif vise à objectiver le risque car, aujourd’hui, en l’absence de données épidémiologiques demandées par les assureurs pour faire baisser la tarification du risque, la charge de la preuve repose essentiellement sur les assurés et plus précisément sur les associations de malades.

III.   La position de votre commission

La commission a adopté un amendement rédactionnel de précision de votre rapporteure. La commission a adopté l’article 7 ainsi modifié.

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   examen en commission

Au cours de sa séance du jeudi 18 novembre, la commission des affaires économiques a examiné la proposition de loi pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur (n° 4624) (Mme Patricia Lemoine, rapporteure).

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. À l’heure où le pouvoir d’achat est au cœur des préoccupations des Français, cette proposition de loi prévoit une mesure juste et attendue par nombre de nos concitoyens, notamment ceux qui aspirent à mener à bien l’un des projets les plus marquants de leur vie, l’accession à la propriété.

Elle est le résultat d’un travail collectif engagé en 2020 avec les acteurs des secteurs bancaire et assurantiel, des associations de malades et des associations de consommateurs. L’amendement que j’avais déposé dans le cadre du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) a été adopté mais n’a pas été retenu lors de la réunion, conclusive, de la commission mixte paritaire (CMP).

Dans un contexte de crise économique et sanitaire persistante, j’ai acquis la conviction qu’il fallait aller plus loin, grâce à une proposition de loi complète, dont la première partie porterait sur la possibilité de résilier à tout moment l’assurance emprunteur souscrite pour un crédit immobilier, et la seconde, sur le droit à l’oubli. Le cœur du dispositif reste le même : libéraliser le secteur de l’assurance emprunteur afin de redonner aux Français une liberté de choix et leur permettre de gagner du pouvoir d’achat.

Lors de l’achat d’un bien immobilier, les Français sont souvent captifs de leur établissement bancaire pour le choix de l’assurance emprunteur. Selon les chiffres de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), le secteur bancaire détient 87,5 % des parts du marché. Trois raisons expliquent la position prépondérante des banques dans ce secteur particulier de l’assurance, qui représente un chiffre d’affaires de 9,8 milliards d’euros, dont 7 milliards consacrés à la couverture des prêts immobiliers. D’abord, la banque exige une garantie pour assurer le prêt qu’elle consent, et propose l’assurance emprunteur en même temps. Ensuite, l’emprunteur est soumis à une contrainte temporelle : il doit disposer d’une offre de prêt pour honorer la promesse d’achat qu’il a signée. Enfin, l’emprunteur cherche avant tout à obtenir un taux bas pour son crédit, le coût de l’assurance reste à ce stade secondaire.

Sept millions de foyers sont concernés. Paradoxalement, alors que l’assurance emprunteur n’est pas obligatoire juridiquement, elle le devient dans les faits. Selon une étude conduite en 2018 par l’ACPR, sur 100 euros de primes encaissés, 68 euros sont conservés par l’assureur, le reste étant décaissé pour les sinistres ; pour l’assurance habitation, le montant conservé s’établit à seulement 32 euros et pour l’assurance automobile, à 21 euros.

Ce surcoût et cette rentabilité se font au détriment du consommateur. Selon les calculs réalisés par l’association UFC-Que choisir, pour un crédit de 250 000 euros souscrit sur vingt ans, le gain estimé en cas de changement d’assurance serait de l’ordre de 6 500 euros pour les plus de 65 ans et de plus de 15 000 euros pour la tranche d’âge 35-45 ans, l’économie moyenne se situant entre 5 000 et 15 000 euros. Rendre aux Français cette partie de pouvoir d’achat semble relever de l’évidence, d’autant que cette mesure est totalement neutre pour les finances de l’État.

Certes, me direz-vous, mais pourquoi passer par la loi ?

Au cours des dix dernières années, le législateur a opéré une libéralisation du secteur de l’assurance emprunteur, en trois temps. La loi du 1er juillet 2010 portant réforme du crédit à la consommation, dite « loi Lagarde », a décorrélé le choix de l’offre de prêt de celui de l’assurance emprunteur. La loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « loi Hamon », a permis à l’assuré de résilier son contrat dans les douze premiers mois suivant la signature de l’offre de prêt. En 2017, l’amendement « Bourquin » à la loi Sapin 2 a étendu le droit de résiliation au-delà de la première année.

Toutefois, ces mesures ont très vite montré leurs limites. La société Securimut, que j’ai auditionnée, a identifié pas moins de sept obstacles pour parvenir à une substitution d’assurance. Le maquis législatif et la force d’inertie de certains établissements découragent tout emprunteur non aguerri à un tel franchissement d’obstacles, guère envisageable sans le recours à un courtier en assurances.

La proposition de loi apporte une réponse complète à la question de l’assurance emprunteur. Grâce à elle, il ne sera plus possible de détourner ni l’esprit, ni la lettre de la loi.

Dans le titre Ier, l’article 1er porte la mesure principale : ouvrir un nouveau droit, celui de résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance souscrits pour les crédits immobiliers. Non seulement cette mesure rend le droit de résiliation effectif, à garanties minimales identiques, mais elle offre aussi une meilleure protection aux personnes qui avaient trouvé une offre dégradée, en matière de prix ou de couverture, en raison d’un risque aggravé de santé.

L’article 2 renforce la motivation du refus de substitution d’assurance.

L’article 3 oblige l’assureur à informer chaque année l’emprunteur de son droit à résilier à tout moment son assurance. Il prévoit des sanctions administratives en cas de non‑respect de cette obligation.

L’article 4 encadre le délai d’émission de l’avenant bancaire : il le fixe à dix jours ouvrés à compter de la réception de la demande de substitution. Nous transcrivons ainsi dans la loi une recommandation émise par l’ACPR en juin 2017, qui a été jusqu’à présent globalement ignorée par les prêteurs.

À l’instar de l’article 3, l’article 5 prévoit des sanctions administratives en cas de non-respect des règles de substitution par les prêteurs et assureurs.

Quant à l’article 6, il précise que ces mesures entreront en vigueur un an après la publication de la loi, afin que les acteurs du secteur puissent se préparer à ces nouvelles règles, qui s’appliqueront aux contrats en cours.

Le titre II de la proposition de loi, qui concerne le droit à l’oubli, répond aussi à un objectif d’équité.

Actuellement, les personnes qui présentent un risque aggravé de santé se voient appliquer des surprimes, sans que cela ne repose sur des données scientifiques fiables. Même si la convention AERAS – « S’assurer et emprunter avec un risque aggravé de santé » – facilite l’accès au crédit au regard d’une grille de référence, des limites demeurent : certaines pathologies chroniques comme le diabète en sont les grandes oubliées, et le taux de crédit maximum garanti est plafonné à 320 000 euros, ce qui peut se révéler insuffisant dans certaines zones tendues comme Paris et la petite couronne francilienne.

Par ailleurs, si l’introduction d’un droit à l’oubli dans la loi a constitué un progrès notable, celui-ci reste insuffisant : il ne s’applique qu’aux pathologies cancéreuses et les délais de mise en œuvre ne correspondent ni à la réalité du marché de l’emprunt immobilier, ni à celle des études épidémiologiques.

En vertu de la loi du 26 janvier 2016, pour les cancers s’étant déclarés avant l’âge de 18 ans, le droit à l’oubli s’exerce lorsque le protocole thérapeutique est terminé depuis plus de cinq ans et qu’aucune rechute n’a été constatée. La commission de suivi et de propositions de la convention AERAS a étendu ce délai de cinq ans, à compter du 1er septembre 2020, aux cancers survenus avant l’âge de 21 ans. C’est une bonne chose, mais nous pouvons sans doute aller plus loin.

L’article 7 prévoit que, trois mois au plus tard après la publication de la loi, les partenaires de la convention lanceront des travaux visant, d’une part, à réduire les délais d’application du droit à l’oubli pour les différentes pathologies cancéreuses, d’autre part, à étendre la grille de référence AERAS à d’autres pathologies ou maladies chroniques. En outre, les partenaires de la convention devront, dans le même délai, lancer une négociation sur la hausse du montant garanti par la convention. À défaut de mise en œuvre de ces travaux et de cette négociation, les conditions d’accès à la convention pourront être fixées par décret en Conseil d’État, celles-ci ne pouvant être moins favorables que celles en vigueur à la date de la publication de la loi.

Aux termes de l’article 8, le Gouvernement devra remettre au Parlement, dans les douze mois suivant la promulgation de la loi, un rapport détaillant les dispositifs d’études et de recherche permettant de recueillir, d’analyser et de publier les données disponibles sur la mortalité et la morbidité en vue de fournir les éléments statistiques nécessaires à la tarification du risque.

Mes collègues du groupe Agir ensemble et moi espérons que vous soutiendrez cette proposition de loi.

M. Damien Adam (LaREM). Madame la rapporteure, je me réjouis de cette proposition de loi. J’avais déposé un amendement identique au vôtre lors de l’examen du projet de loi ASAP.

Au cours des quinquennats Sarkozy et Hollande, le législateur a agi en adoptant la loi Lagarde en 2010, la loi Hamon en 2014 et l’amendement Bourquin en 2017. Toutefois, le droit de changer son assurance emprunteur reste en grande partie fictif : les citoyens éprouvent beaucoup de difficultés à changer et à accéder à un meilleur tarif, sur ce qui devrait être un marché concurrentiel sain. Or l’un des principaux engagements de la majorité présidentielle est de garantir à tous les Français des droits réels.

D’après un rapport du Comité consultatif du secteur financier (CCSF), sur une année pleine, on dénombre seulement 90 000 changements de contrat d’assurance emprunteur lié à un crédit immobilier sur un stock de 20 à 25 millions de contrats. Autrement dit, seules 0,03 % des personnes qui le pourraient changent de contrat au cours d’une année.

La proposition de loi, avec l’article 1er, ouvre à chacun la possibilité de changer son assurance emprunteur à tout moment et sans contrainte. Elle tend à libéraliser le marché afin que tous les consommateurs profitent de la concurrence. Ce sera une très belle avancée, notamment pour les Français plus âgés, dans une situation parfois plus fragile, auxquels les acteurs du marché, qui ne jouent pas leur rôle, ne proposent pas les meilleurs tarifs. Les publics plus jeunes, célibataires ou en couple, pourraient économiser 5 000 à 15 000 euros par an.

Le texte tend à renforcer l’information du consommateur sur cette possibilité et à alourdir les sanctions à l’encontre des acteurs qui ne respecteraient pas ces obligations, des dispositions là aussi bienvenues.

Enfin, la proposition de loi traite du droit à l’oubli, ce qui est une très bonne chose car les Français demandent des avancées et les acteurs concernés ont envie de s’engager. Le législateur doit agir : la convention AERAS doit être revue pour que le droit à l’oubli s’applique plus facilement.

Je me réjouis de voter cette proposition de loi et de faire ainsi progresser les droits réels.

M. David Corceiro (Dem). Madame la rapporteure, le groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés avait défendu les dispositions introduites à votre initiative dans le projet de loi ASAP non retenues en CMP ; il votera en faveur de cette proposition de loi.

Il est important que l’Assemblée nationale se saisisse à nouveau de ces questions. Si la souscription d’une assurance emprunteur n’est pas obligatoire pour un prêt immobilier, elle est de fait quasi systématique : le marché de l’assurance emprunteur concerne près de 7 millions de propriétaires ayant un crédit en cours. C’est un sujet majeur, d’autant que cette assurance touche à des aspects cruciaux comme le risque de décès, d’invalidité ou de perte d’emploi. Nous soutiendrons toutes les évolutions dans ce domaine.

Toutefois, des questions ont fait surface dans nos rangs, nous invitant à exercer notre vigilance sur certains aspects de l’article 1er. Sur le marché de l’assurance emprunteur, les tarifs varient en fonction du profil des clients, mais aussi en fonction des établissements. Les banques proposent des contrats groupe, les assurances externes des contrats alternatifs. Du fait de leur modèle économique, les banques ont tout intérêt à assurer un maximum de leurs clients pour qu’ils soient en mesure de contracter un emprunt. Pour proposer des offres accessibles aux profils les plus risqués, elles mutualisent les risques, sachant que leurs clients resteront plusieurs années dans le même établissement.

Aussi, les banques s’inquiètent du bouleversement de leur modèle économique et des conséquences néfastes du droit de résiliation sans frais et infra-annuelle. Si elles mettent fin au dispositif de mutualisation des risques, elles suivront la même logique que les assureurs et privilégieront les profils les plus sûrs.

Nous partageons votre volonté de mieux informer le client sur son droit de résiliation. Le fonctionnement actuel du marché révèle un manque certain d’information sur les différentes possibilités qui s’offrent aux consommateurs.

Concernant le droit à l’oubli, vous proposez de lancer des travaux pour réduire le délai d’application de ce droit pour les pathologies cancéreuses et étendre la grille de référence à davantage de pathologies non cancéreuses. La convention actuelle paraît insuffisante au regard des avancées médicales et des attentes des consommateurs. Le groupe MoDem ne peut que soutenir une telle démarche.

M. Philippe Naillet (SOC). L’engagement de la procédure accélérée laisse penser que cette proposition de loi sera adoptée, c’est une bonne chose. J’espère que les amendements que des députés de la majorité ont déposés pour y faire échec seront rejetés.

Durant cette législature, le groupe Socialistes et apparentés a présenté plusieurs propositions pour faciliter le changement d’assurance emprunteur, notamment lors de l’examen du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, devenu la loi PACTE. Je tiens à saluer l’important travail mené par le sénateur socialiste Martial Bourquin.

Disons-le d’emblée : il s’agira sans doute du seul texte de libéralisation économique que mon groupe aura voté au cours de la législature ! Cette position est motivée par deux dispositions, à commencer par la possibilité de résilier sans frais et à tout moment les contrats d’assurance emprunteur. L’information annuelle de l’assuré et les sanctions en cas de non‑respect des obligations rendent effectif ce droit.

Nous soutenons aussi la révision de la convention AERAS, la réduction, de dix à cinq ans, du délai de mise en œuvre du droit à l’oubli, quel que soit l’âge de l’assuré, ainsi que la meilleure différenciation des pathologies chroniques selon leur tableau clinique. Nous considérons comme vous que le plafond d’emprunt prévu par la grille de référence AERAS doit être relevé, afin de mieux tenir compte des réalités du marché immobilier.

Pour le cas où la négociation échouerait, nous préférerions que la proposition de loi comporte des dispositions « en dur » plutôt qu’elle renvoie à un décret révisant les conditions d’accès au dispositif dans un sens au moins aussi favorable. Nous proposerons en séance publique un amendement en ce sens. Cependant, nous mesurons qu’il s’agit d’une avancée qu’il convient d’entériner, en gardant la possibilité d’y revenir si la négociation ou le décret ne devait pas satisfaire cette ambition.

Nous soutenons aussi les dispositions qui concernent la substitution d’assurance, qu’il s’agisse du cas de dossier incomplet ou des sanctions administratives en cas de mauvaise information de l’assuré par les prêteurs et assureurs.

Cette proposition de loi marque un progrès. Si son équilibre survit à l’adoption de certains amendements, mon groupe la votera.

M. Thierry Benoit (UDI-I). Vous l’avez dit, Madame la rapporteure, nous devons aider nos concitoyens à retrouver des marges de manœuvre financières, du pouvoir d’achat.

Au sein de la commission, plusieurs d’entre nous – je pense notamment à M. Yves Daniel – s’intéressent aux questions agricoles et agroalimentaires du point de vue du consommateur, car les Français doivent pouvoir se nourrir correctement avec des produits de qualité achetés à leur juste prix. Nous devons aussi porter un regard attentif aux services proposés par les banques, par les assurances ou par les opérateurs de téléphonie mobile. Il s’agit d’améliorer la transparence et de faire en sorte que le prix corresponde à la réalité du service rendu.

S’agissant de l’assurance emprunteur, nous pensons au groupe UDI-I que toute initiative consistant à stimuler et à organiser la concurrence, à laisser le libre choix au souscripteur en lui donnant la possibilité de faire jouer cette concurrence, à améliorer la transparence, à réguler et à encadrer est bienvenue. Lorsqu’il souscrit un emprunt, le citoyen n’est pas nécessairement des plus informés sur la nature des risques assurés et sur le montant des primes, qui peut varier du simple au double. Je connais bien le problème : lorsque vous avez plus de 50 ans et que vous êtes atteint d’un cancer ou d’une maladie cardiovasculaire, on vous a à l’œil jusqu’à la fin de vos jours, et il est sacrément compliqué d’emprunter !

Au-delà du droit à l’oubli, que notre groupe a évoqué lors de l’examen de divers textes, il y a la question de la confidentialité des réponses aux questionnaires de santé fort précis adressés aux souscripteurs. Personne ne sait vraiment ce qu’il advient de la multitude de données personnelles consignées dans les dossiers.

Le système assurantiel reposant sur la solidarité et la péréquation, il faut bien sûr que les primes d’assurance permettent d’assurer l’équilibre. Mais il est de notre responsabilité d’y mettre bon ordre, tant il est compliqué de s’y retrouver dans les prestations et les services qui se sont multipliés au cours des vingt dernières années.

La proposition de loi de Mme Patricia Lemoine mérite d’être saluée. C’est une initiative parlementaire qui correspond à une réalité vécue par nos concitoyens et qui vise à leur redonner du pouvoir d’achat. Les sommes en jeu sont significatives. J’ai un exemple en tête : pour un emprunt de 200 000 euros, un assureur a proposé une assurance emprunteur coûtant 7 500 euros, un autre, une assurance coûtant 15 000 euros. Si vous n’êtes pas averti, vous vous faites plumer !

M. Antoine Herth (Agir ens). Le sujet est technique et peut paraître complexe, mais il est de la plus haute importance pour nos concitoyens qui s’engagent dans un contrat de prêt avec une banque.

Replaçons le dossier dans un contexte plus général. Nous le savons bien à la commission des affaires économiques : lors de la grave crise financière de 2008, c’est en partie l’intervention publique, autrement dit les impôts de nos concitoyens, qui a sauvé le système bancaire. Ce serait à mon sens un juste retour des choses que le consommateur bénéficie d’un assouplissement des conditions d’accès au crédit, notamment en ce qui concerne l’assurance emprunteur.

Le marché du financement a beaucoup évolué. Les taux d’intérêt étant extrêmement bas et très peu rémunérateurs pour les banques, celles-ci sont amenées à vendre des services ou des prestations pour assurer le niveau du produit net bancaire. Celui-ci est composé par diverses recettes : les intérêts – il en reste encore un peu ! –, la facturation des frais de dossiers, le produit de la vente de divers services – par exemple, il est souvent fait obligation au souscripteur d’ouvrir un compte auprès de la banque et d’y verser ses revenus –, les frais supplémentaires liés au dépôt d’une caution ou à la constitution d’une hypothèque devant notaire, les primes d’assurance emprunteur. S’agissant de cette assurance, le client est captif, n’ayant pas vraiment la possibilité de négocier. Il convient donc d’assouplir les conditions de changement de contrat d’assurance emprunteur.

Le deuxième pilier de la proposition de loi est le droit à l’oubli. Il y a eu par le passé des avancées, mais il est temps de franchir une nouvelle étape. Je me projette d’ailleurs dans l’avenir : quelles seront les conséquences de la pandémie ? Comment les personnes qui présentent des symptômes de covid long seront-elles traitées par leur banque ? Mme Patricia Lemoine a pris ce chantier à bras-le-corps, il faudra le mener dans la durée. Les discussions sur la grille de référence ne sont pas du ressort du Parlement, mais c’est à nous de donner l’impulsion.

Je souhaite que nous adoptions tous ensemble cette proposition de loi, afin d’améliorer les conditions d’accès au crédit dans notre pays.

M. Charles de Courson (LT). Le groupe Libertés et Territoires est favorable à ce texte, car il présente de nombreuses avancées et est inspiré par une logique d’économie de marché que nous soutenons. Cependant, nous ne nous faisons aucune illusion sur son impact, dans la mesure où il n’opte pas pour la solution radicale au problème : interdire aux banques de vendre conjointement un crédit immobilier et une assurance, à travers leur filiale d’assurance.

Les chances de parvenir avec ce texte à libéraliser le marché de l’assurance emprunteur sont donc réduites. La proposition de loi s’inscrit dans la lignée de la loi Lagarde, de la loi Hamon et de l’amendement Bourquin, qui ne sont pas parvenus à établir une véritable concurrence dans le domaine de l’assurance emprunteur. Leurs auteurs ont défendu le libre choix du consommateur et pris des mesures pour accroître la transparence du marché mais malgré tous ces efforts, 87,5 % des contrats d’assurance sont encore détenus par des banques, et les Français se tournent toujours en priorité vers leur banque pour assurer leur crédit.

Les chiffres ont été rappelés : l’absence de concurrence a une répercussion importante sur le pouvoir d’achat, puisque l’assurance représente 6 % à 15 % du montant emprunté – un crédit de 180 000 euros sur vingt ans souscrit par un emprunteur âgé de 18 à 30 ans coûte en moyenne 9 936 euros en frais d’assurance.

Nous devons poursuivre les efforts pour améliorer l’information des consommateurs. L’article 3, qui impose une obligation d’information annuelle des assurés sur leur droit de résiliation pourrait avoir un effet bénéfique sur le prix des assurances. Il faut faire pression sur les établissements bancaires pour que nos concitoyens obtiennent des réponses dans les délais impartis et puissent faire jouer la concurrence. Toutefois, je ne crois pas que ces mesures seront suffisantes pour libéraliser vraiment ce marché.

Notre groupe votera ce texte en ayant la conviction que nous serons amenés à traiter à nouveau de cette question dans quelques années.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Tous les orateurs se sont dits prêts à voter cette proposition de loi, et je les remercie de leur soutien. Ce texte est utile et important pour nos concitoyens, surtout à un moment où le pouvoir d’achat est un enjeu majeur. Dans un contexte d’augmentation des prix des matières premières, de l’énergie et des carburants, tout ce qui permet de réaliser des économies revêt une grande importance. On sait combien l’acquisition d’un bien peut être difficile pour les primo-accédants ; les gains sur l’assurance emprunteur seront pour eux très appréciables.

Monsieur Corceiro, nous aborderons en détail la question de la mutualisation des risques lorsque nous examinerons l’amendement de suppression de l’article 1er.

Monsieur Benoit, je partage votre inquiétude concernant la confidentialité des réponses aux questionnaires de santé. Les discussions qui s’engageront entre les signataires de la convention AERAS seront l’occasion d’aborder les sujets sensibles, notamment le maintien de la confidentialité des données. En la matière, il faut verrouiller le dispositif – j’emploie à dessein un terme fort.

Vous avez évoqué, Monsieur de Courson, l’interdiction qui pourrait être faite aux banques proposant un crédit immobilier de présenter en même temps une offre d’assurance emprunteur. J’ai fait une étude comparative : cette règle est en vigueur dans un pays européen, mais l’organisation y est très différente. Si nous constations, dans quelques années, qu’il existe encore des manœuvres dilatoires pour empêcher la libéralisation du marché, nous pourrions en venir à cette solution ultime, afin que le consommateur ne soit plus « pris en otage ».

Mais je reste confiante : je suis convaincue que cette proposition de loi – qui sera examinée le 25 novembre, lors de séance réservée au groupe Agir ensemble – apportera des avancées notables pour les consommateurs.

La commission en vient à l’examen des articles.

Titre Ier
Droit de rÉsiliation À tout moment de l’assurance emprunteur et autres mesures de simplification

Article 1er

Amendement de suppression CE2 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. La proposition de loi comporte des aspects positifs, comme le droit à l’oubli et l’information des assurés, mais elle soulève aussi des objections de principe. Cet amendement, cosigné par le rapporteur général de la commission des finances, vise à supprimer l’article 1er, pour trois raisons.

Le principe de l’assurance, de notre point de vue, est la mutualisation du risque et non son individualisation. Or l’article ne correspond pas à notre conception de la solidarité, notamment intergénérationnelle, puisqu’il favorise les jeunes, riches et en bonne santé au détriment des emprunteurs plus âgés, moins aisés et en moins bonne santé.

L’article ne correspond pas non plus à notre conception du respect dû au débat parlementaire. Dans le cadre de l’examen du projet de loi ASAP, nous avions trouvé en CMP une position équilibrée sur l’assurance emprunteur. Par cet article, vous réintroduisez du déséquilibre, de l’instabilité, de l’imprévisibilité dans le régime assurantiel, ce qui entraînera forcément une augmentation des primes de risque, donc une baisse du pouvoir d’achat.

Enfin, l’article ne correspond pas à la conception que nous nous faisons de la nécessaire protection de nos concitoyens. Il risque de déclencher une recherche des bons risques et ceux qui présenteront de mauvais risques devront payer beaucoup plus cher leur assurance emprunteur.

Nous préférons la péréquation tarifaire à la ségrégation tarifaire, la mutualisation du risque à sa démutualisation, la régulation du marché de l’assurance emprunteur au Far West.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Je ne partage absolument pas votre analyse. Le risque de démutualisation est l’argument systématiquement avancé par le secteur bancaire depuis la loi Lagarde de 2010, mais aucune démutualisation ne s’est encore produite. Dans son bilan de 2018, l’ACPR écrit : « Les tarifs appliqués aux emprunteurs les plus âgés ne paraissent pas avoir subi d’augmentation significative, contrairement aux craintes qui avaient pu être exprimées, et il n’a pas été observé de dégradation de la qualité des garanties. Ces dernières ont d’ailleurs été améliorées […]. Il ne peut être établi que l’ouverture du marché a conduit à une éventuelle démutualisation préjudiciable aux personnes malades ou ayant été malades ». Sur les dix années écoulées, le grand chamboulement qui nous avait été annoncé par le secteur bancaire ne s’est pas produit.

Ensuite, il ne faut pas confondre segmentation, solidarité et mutualisation. Sur les marchés assurantiel et bancaire, la segmentation existe : en fonction de son âge, de l’existence d’une pathologie ou de sa profession, on a un certain profil. Quel que soit le segment du marché concerné, aucun établissement ne souffre d’un manque de rentabilité. Je vous rappelle que, sur 100 euros de prime collectés au titre de l’assurance emprunteur, l’assureur en conserve 68. Il réalise des marges ou, au minimum, est à l’équilibre. La mutualisation s’opère au sein de chacun des segments et non par solidarité entre ceux-ci. Je ne partage donc pas vos craintes. Avis défavorable.

M. Daniel Labaronne. Le rapport du CCSF – comité au sein duquel je représente l’Assemblée nationale –, publié en 2020, faisait état d’une baisse très significative des tarifs pour les personnes les plus jeunes, âgées de 25 à 45 ans, qui représentent le plus grand nombre de contrats. Les tarifs appliqués aux personnes au-delà de 55 ans ont augmenté, jusqu’à plus de 33 %. S’il s’avérait que cette hausse est le corollaire de la baisse des tarifs appliqués aux plus jeunes, ce serait le premier signe du passage de la péréquation tarifaire à la discrimination tarifaire.

Mes arguments reprennent les termes du CCSF, une instance qui réunit les assureurs, les banquiers, les épargnants et les consommateurs. Nous sommes plus de soixante-dix autour de la table, sous l’égide de la Banque de France. Le comité établit régulièrement des rapports et essaie de trouver des compromis pour améliorer la situation des assurés. Le CCSF a ainsi précisé quel était le point de départ à prendre en compte pour déterminer la date anniversaire du contrat d’assurance emprunteur. Par ailleurs, Bercy vient de demander au comité de réfléchir à une amélioration du dispositif de l’assurance emprunteur. C’est de la soft law : le comité cherche à obtenir des accords de place entre les assureurs, les banquiers, les épargnants et les consommateurs.

Le CCSF s’était réjoui de l’accord équilibré obtenu lors de la CMP sur le projet de loi ASAP. L’article 1er, de notre point de vue, remet en cause cet équilibre. Les assureurs ont besoin de voir loin : en ouvrant la possibilité de résilier tous les quatre matins, vous introduisez beaucoup d’imprévisibilité, ce qui se traduira par une augmentation des primes de risque.

M. Antoine Herth. M. Labaronne vient de me convaincre qu’il faut adopter d’urgence cette proposition de loi. Des études montrent qu’au-delà de 50 ans, on cumule tous les avantages en termes de carrière et de patrimoine, et que l’on est chéri par les banquiers. À l’inverse, les jeunes générations peinent à entrer sur le marché du travail, à trouver un logement, à obtenir des financements. J’ai presque envie de dire « vive la démutualisation ! », car le seul argument que les jeunes ont à apporter est leur bonne santé. Je voterai contre l’amendement.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Le CCSF indique dans son rapport que le taux de recours aux contrats alternatifs est deux fois plus élevé chez les emprunteurs de plus de 60 ans – 18 % – que chez les moins de 30 ans – 9 %. L’adoption de l’article 1er ne conduira aucunement à la catastrophe, comme vous le laissez entendre. L’essentiel est de laisser le consommateur choisir en son âme et conscience. Certains ne souhaiteront pas mettre les établissements en concurrence, car ils sont attachés à la relation privilégiée qu’ils entretiennent avec leur banquier, d’autres, quel que soit leur âge, feront le choix contraire. Cette proposition de loi leur en donnera la possibilité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE3 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement de repli vise à limiter la déstabilisation du marché qu’entraînerait la possibilité de résiliation infra-annuelle : il introduit une durée d’engagement d’au moins douze mois sur l’ensemble des contrats d’assurance emprunteur, à l’image de ce qui existe pour l’assurance automobile ou habitation.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Le CCSF a étudié, au cours de ses réunions du 25 mai et du 14 septembre 2021, la possibilité de fixer une durée d’engagement : l’ensemble des représentants des secteurs bancaire et assurantiel a exclu cette éventualité. Ce serait une régression des droits des consommateurs par rapport à la loi Hamon, qui permet de résilier à tout moment dans les douze premiers mois suivant la souscription de l’assurance emprunteur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 1er non modifié.

Article 2

Amendement CE4 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. L’article prévoit que la décision du prêteur de refuser la résiliation du contrat « doit être explicite et comporter l’intégralité des motifs de refus. » Cette exigence d’exhaustivité ne nous paraissant pas utile, nous proposons que la décision de refus soit « explicite et motivée ».

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Vous avez raison : il semble suffisant de s’en tenir à une décision motivée. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3

Amendement de suppression CE5 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. L’article 1er donnant à l’emprunteur un droit de résiliation infra-annuelle, il ne paraît pas nécessaire d’imposer au prêteur une obligation d’information annuelle.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. L’obligation d’information annuelle et les sanctions prévues à l’article 3 me semblent essentielles. Lorsqu’on signe un contrat, quel qu’il soit, on est informé du fait qu’on peut renoncer à son engagement. Je souhaite que les sanctions prévues puissent, le cas échéant, s’appliquer. Toutefois, nous pouvons discuter d’ici à la séance de la forme que pourrait prendre cette information, et s’il est nécessaire d’envoyer tous les ans un écrit au client.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE35, CE37, CE36 et CE38 de Mme Patricia Lemoine.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendement CE25 de Mme Patricia Lemoine.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Le 12 octobre, le CCSF a recommandé l’affichage du coût de l’assurance sur huit ans – qui est la durée moyenne de remboursement d’un emprunt immobilier – afin d’éclairer le choix des consommateurs. Par cet amendement, nous proposons d’introduire cette disposition dans la loi.

La commission adopte l’amendement.

Article 4

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Article 5

La commission adopte l’article 5 non modifié.

Article 6

Amendement CE6 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à faire passer le délai de mise en œuvre du dispositif de douze à dix-huit mois.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Le délai de douze mois me paraît assez long pour permettre aux acteurs de s’organiser. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 6 non modifié.

Après l’article 6

Amendement CE18 de M. Daniel Labaronne.

M. Daniel Labaronne. Cet amendement vise à ce que le CCSF remette au Parlement un rapport sur l’application de la loi dans un délai d’un an suivant sa promulgation.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Je suis favorable sur le principe, mais il faudrait préciser la rédaction. Dans le dispositif de l’amendement, il est écrit que le rapport doit être remis « dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi », mais le titre Ier ne doit entrer en vigueur qu’à l’échéance de ce délai. Je vous propose de retirer l’amendement et de le redéposer en séance, après avoir verrouillé la rédaction sur le plan juridique ; j’émettrai alors un avis favorable.

L’amendement est retiré.

 

 

 

 

Titre II
Droit À l’oubli et grille de rÉfÉrence AERAS

Avant l’article 7

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE28 de Mme Patricia Lemoine.

Amendement CE23 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. Cette proposition de loi propose de lancer des travaux dans les prochains mois pour favoriser l’accès au dispositif de la convention AERAS. Il nous paraît souhaitable d’introduire dès à présent dans la loi des dispositions visant à favoriser un meilleur accès des personnes présentant un risque aggravé en raison de leur état de santé ou d’un handicap.

L’amendement vise à modifier l’article L. 1141-2 du code de la santé publique, en cohérence avec le code des assurances, afin de prévoir que la convention « garantit » plutôt qu’elle ne « facilite » l’assurance des prêts demandés par ces personnes.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. La convention AERAS ne confère pas aux emprunteurs un droit systématique à une garantie, elle prévoit seulement une étude approfondie de leur dossier. Si vous souhaitez que des garanties soient systématiquement accordées, il convient de les définir et de déterminer qui assumera les risques, dans le cadre de la convention, avec l’ensemble de ses parties prenantes. L’article 7 charge l’instance de dialogue et de concertation de travailler sur ces sujets. Je partage votre objectif, mais on ne peut imposer d’emblée la garantie, sans concertation. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement CE20 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. Le 20 janvier dernier, à ma demande et en lien avec MM. Jean-François Mbaye et Raphaël Gérard, la commission des affaires sociales a auditionné plusieurs associations de patients et des experts, notamment Séropotes, AIDES, France Asso Santé, Mme Dominique Costagliola, épidémiologiste et M. Gilles Bignolas, animateur du groupe de travail « Grille de référence – droit à l’oubli », rattaché à la commission de suivi et de proposition du dispositif AERAS. Ces personnes attendent une évolution depuis plusieurs années, et les assureurs ont conscience que des améliorations sont possibles.

Cet amendement vise à introduire dans le code de la santé publique des précisions relatives à l’âge en dessous duquel il doit être possible d’emprunter, au montant maximal empruntable – qui doit être supérieur à 500 000 euros –, à la durée de remboursement du prêt – qui ne doit pas être inférieure à quinze ans.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Vous avez raison de souligner ces difficultés, dont m’ont fait part, notamment, lors de leur audition, les associations RoseUp et UFC-Que Choisir. L’article 7 prévoit que ce travail de concertation sera engagé et que les partenaires devront se mettre d’accord sur ces points cruciaux pour les malades. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE24 de Mme Laurence Vanceunebrock.

Mme Laurence Vanceunebrock. La charge de la preuve du sur-risque, qui justifie une surprime ou des exclusions de garantie, est l’un des obstacles au bénéfice de l’assurance emprunteur les plus fréquemment évoqués. Les personnes concernées doivent prouver leur état de santé, et les risques qui en découlent, en se fondant sur des études qu’il est difficile d’effectuer sans moyens humains ou financiers. Cette charge incombe aux associations de patients, qui peinent à financer des études dont le coût est très élevé.

Les assureurs ayant la faculté de réunir ces données, il semble plus juste de leur demander de justifier eux-mêmes les surprimes ou les exclusions de garantie qu’ils imposent aux assurés.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Là encore, je partage votre constat. Le sida est un bon exemple des difficultés rencontrées. Mais il faut laisser les partenaires travailler sur ces sujets – je ne doute pas que vos amendements donneront de la matière pour alimenter les discussions qui auront lieu dans le cadre de la convention AERAS. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 7

Amendements identiques CE1 de Mme Valérie Six et CE27 de Mme Laurence Vanceunebrock.

M. Thierry Benoit. L’amendement vise à ramener de dix à cinq ans le délai d’accès au droit à l’oubli pour les personnes ayant souffert d’une pathologie cancéreuse. Il convient de tenir compte des progrès médicaux considérables concernant le traitement du cancer.

Mme Laurence Vanceunebrock. Nous proposons d’aller plus loin que les dispositions de l’alinéa 2, en ramenant à cinq ans le délai d’attente maximal pour bénéficier du droit à l’oubli, s’agissant des adultes guéris d’un cancer, quels que soient l’âge du candidat à l’emprunt et la quotité empruntée.

Mme Patricia Lemoine, rapporteure. Nous avons longuement discuté du droit à l’oubli avec les associations de malades. Comme vous, je souhaite qu’on améliore le dispositif. Pour certains cancers, il sera possible de faire passer le droit à l’oubli de dix à cinq ans, notamment parce qu’on pourra s’appuyer sur les données publiées par l’Institut national du cancer (INCA) ; pour d’autres, ce sera plus difficile.

Ce travail doit être engagé dans le cadre de la convention AERAS. Les auditions que nous avons menées ont montré que l’attente était forte et la demande pressante. Toutefois, je ne voudrais pas que l’on aille trop vite et que l’on produise des dommages collatéraux qui se traduiraient par une augmentation des primes.

Je vous renvoie à l’article 7 : l’instance de dialogue travaillera sur le droit à l’oubli, non seulement pour les cancers, mais aussi pour d’autres pathologies. Des personnes souffrant d’hypertension ou de diabète sont pénalisées parce qu’on estime, parfois sans fondement, que leur risque de décès est supérieur à celui d’une personne lambda.

Je suis convaincue que les travaux de la convention AERAS déboucheront sur des avancées majeures, et rapidement : les propositions devront être faites dans un délai de neuf mois après la promulgation de la loi. Retrait ou avis défavorable.

M. Thierry Benoit. Il faudrait quand même que les personnes présentant des pathologies graves et persistantes puissent être assurées sans être stigmatisées. Quand on a eu une maladie grave et qu’on se porte mieux, on fait des projets. Si, quand on veut faire un emprunt, on vous ramène à la dure réalité avec une prime d’assurance très élevée en raison du « risque », ce peut être un vrai traumatisme, en tout cas une source d’inquiétude pour les personnes concernées, fragiles, et leur entourage. Il faut arrêter de stigmatiser les personnes malades ou qui l’ont été. Mais je vous fais confiance, je retire l’amendement de Valérie Six.

Mme Laurence Vanceunebrock. Les victimes de ce système ont, à juste titre, un sentiment de double peine : même lorsqu’elles sont remises de leur problème de santé et alors qu’elles disposent souvent d’un suivi médical plus régulier que le citoyen lambda, elles n’ont pas les mêmes droits. Mais, comme mon collègue, je vais m’en tenir au dispositif tel qu’il est présenté et retirer mon amendement.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE30, CE31, CE32, CE33 et CE34 de Mme Patricia Lemoine.

Elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE29 de Mme Patricia Lemoine.

Elle adopte l’article 8 modifié.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 


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   Liste des personnes auditionnées

Fédération bancaire française (FBF) *

Mme Maya Atig, directrice générale

M. Pierre Bocquet, directeur département Banque de détail

M. Nicolas Bodilis Reguer, directeur des relations institutionnelles France

Rose Up *

Mme Céline Lis-Raous, directrice générale de l’association

Mme Isabelle Huet, directrice générale adjointe

APCADE

Mme Catherine Charrier-Leflaive, présidente

M. Sylvain Coriat, vice-président de l’APCADE, membre du comité exécutif d’Allianz France en charge des assurances de personnes

M. Paul Le Bihan, membre de l’APCADE, président du groupe MNCAP

SECURIMUT *

Mme Isabelle Delange, présidente du directoire

M. Xavier Michel, directeur des affaires publiques d’Aéma groupe

M. Guillaume Roy, consultant à Kairos, MSC

UFC Que Choisir *

M. Damien Barbosa, chargé de mission relations institutionnelles

M. Matthieu Robin, chargé de mission secteur financier

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) https://www.ccsfin.fr/rapport-bilan-de-lassurance-emprunteur, Rapport bilan de l’assurance emprunteur, novembre 2020, CCSF

([2]) Libre choix de l’assurance emprunteur : 8 ans après la loi Lagarde, ACPR 2018.

([3]) Selon les données de l’étude Xerfi, Le marché de l’assurance emprunteur, l’assurance emprunteur correspondrait à 73 % de la garantie des prêts immobiliers.

([4]) Les derniers alinéas de l’article L. 113-12-2 du code des assurances prévoient que :

« Ce droit de résiliation appartient exclusivement à l’assuré.

« Pendant toute la durée du contrat d’assurance et par dérogation à l’article L. 113-4, l’assureur ne peut pas résilier ce contrat d’assurance pour cause d’aggravation du risque, sauf dans certaines conditions définies par décret en Conseil d’État, résultant d’un changement de comportement volontaire de l’assuré. »