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N° 4710

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 novembre 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE, visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (n° 4628).

PAR M. Vincent THIÉBAUT

Député

——

 

Voir les numéros :

 Sénat : 837 (2020‑2021), 68, 70 et T.A. 24 (2021‑2022).

 Assemblée nationale :  4628.

 


  1  

SOMMAIRE

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Pages

Introduction

COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 1er (articles L. 32, L. 32-4, L. 36-6, L. 36-11, L. 40 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques) Collecte de données environnementales par l’ARCEP

Article 2 (articles L. 111-6, L. 217-22, L. 217-23, L. 217-33 et L. 441-6 du code de la consommation) Coordinations légistiques

Examen en commission

 


  1  

 

   Introduction

Le secteur du numérique joue un rôle majeur dans la transition écologique. Il est à l’origine de gains environnementaux, notamment dans les secteurs industriels les plus émetteurs de gaz à effet de serre. Les innovations qu’il rend possibles contribuent à l’amélioration de l’efficacité énergétique et à la préservation de nos ressources naturelles. Mais la croissance continue de ce secteur a également des impacts en termes d’émissions de gaz à effet de serre, de consommation d’énergie et d’utilisation des ressources abiotiques.

Ainsi, le numérique serait à l’origine de 3,7 % des émissions totales de gaz à effet de serre dans le monde en 2018 et de 4,2 % de la consommation mondiale d’énergie primaire ([1]). Surtout, le rapport d’information sénatorial relatif à l’empreinte environnementale du numérique en France, publié en juin 2020 ([2]), fait état d’un inexorable essor de la pollution numérique : la consommation des données mobiles 4G augmente d’environ 30 % par an, tout comme les équipements en terminaux. Ces derniers sont à l’origine de près de 80 % des impacts environnementaux du secteur en France. Alors que le numérique serait responsable de 2 % des émissions carbone de la France en 2019, il pourrait être à l’origine d’environ 7 % de ces émissions à l’horizon 2040.

Pourtant, le numérique a longtemps constitué un angle mort des politiques publiques mises en œuvre pour atteindre les objectifs de lutte contre le changement climatique prévus par l’Accord de Paris.

Dans ce contexte, le rapporteur se réjouit que le sujet de l’empreinte environnementale ait récemment émergé dans les débats publics et parlementaires.

Plusieurs études et rapports récents, publiés au cours des deux dernières années, traitent ainsi de ce sujet majeur, parmi lesquels l’étude de lAutorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de décembre 2020 « Pour un numérique durable », le rapport du Conseil général de l’économie (CGE) de décembre 2019 visant à « réduire la consommation énergétique du numérique », le rapport du think tank « The Shift Project » d’octobre 2020 pour « déployer la sobriété numérique » ou encore l’étude de juin 2020 du cabinet Citizing consacrée à l’empreinte carbone du numérique en France et aux politiques publiques mises en œuvre pour faire face à l’accroissement des usages.

La réduction de l’empreinte environnementale du numérique a également été placée à l’ordre du jour de l’agenda politique, comme en témoigne la publication le 23 février 2021 de la feuille de route « Numérique et environnement » du Gouvernement, destinée à faire converger transition numérique et transition écologique ([3]).

Surtout, l’avancée la plus importante en matière de régulation environnementale du numérique résulte de la promulgation, le 15 novembre dernier, de la loi n° 2021-1485 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France. Ce texte d’initiative parlementaire résulte d’un travail de co-construction législative entre le Sénat, à l’origine de la proposition de loi, et l’Assemblée nationale, qui l’a enrichie sur de nombreux points.

La loi, constituée de 36 articles, comporte des avancées inédites destinées à concilier le développement inévitable du secteur numérique avec le souci de la préservation de l’environnement et du climat.

Elle permettra notamment de mieux sensibiliser les utilisateurs du numérique à son impact environnemental grâce à la mise en place d’une formation à la sobriété numérique dès le plus jeune âge, mais également lors des études supérieures. Une information fiable sera disponible et accessible grâce à la création d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique, placé auprès de l’ARCEP et de l’Agence de la transition écologique (ADEME). Cette loi comporte par ailleurs plusieurs dispositions destinées à limiter le renouvellement des appareils numériques, en rendant plus opérationnel le délit d’obsolescence programmée ou en renforçant la lutte contre l’obsolescence logicielle. En outre, afin de limiter le gaspillage, l’obligation de fournir des écouteurs lors de la vente de téléphones portables a été supprimée. Ce texte prévoit par ailleurs la mise en place d’un référentiel général d’écoconception des services numériques fixant des critères de conception durable des sites internet et encadre strictement le démarchage téléphonique.

La loi du 15 novembre 2021 traduit ainsi une ambition forte et sans précédent en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique en France.

Alors que le Parlement vient tout juste de légiférer sur ce sujet, la présente proposition de loi visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’ARCEP, adoptée en première lecture par le Sénat le 2 novembre dernier, vient parfaire l’arsenal législatif résultant de la loi précitée.

Son inscription à l’ordre du jour fait suite à la censure, par le Conseil constitutionnel, de l’article 16 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », sur le fondement de l’article 45 de la Constitution.

Cet article confiait à l’ARCEP, d’une part, la faculté de recueillir certains documents ou informations relatifs à l’empreinte environnementale du numérique et, d’autre part, le pouvoir de préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition d’informations relatives à cette empreinte.

Ce pouvoir de recueil des données relatives aux impacts environnementaux du numérique devait par ailleurs servir de support à l’application de plusieurs dispositions de la loi du 15 novembre 2021 précitée, en particulier son article 4 qui prévoit la mise en place d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique.

Cet article censuré par le Conseil constitutionnel aurait donc tout naturellement pu trouver sa place dans la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France.

Toutefois, face aux conséquences environnementales indéniables d’un secteur numérique en pleine expansion et compte tenu de l’insuffisance des politiques actuelles pour y répondre, les sénateurs ont jugé qu’il était urgent que cette dernière proposition de loi voit le jour. C’est pourquoi, conscients des contraintes de calendrier qui ne garantissaient pas la poursuite de la navette parlementaire à l’Assemblée nationale, les rapporteurs au Sénat, MM. Guillaume Chevrollier et Jean‑Michel Houllegatte, ont proposé l’adoption conforme de la proposition de loi lors de son examen en seconde lecture le 2 novembre dernier.

Dans ce contexte, l’article 1er de la présente proposition de loi a pour objet de rétablir l’article 16 de la loi « climat et résilience ». Il permettra d’armer pleinement l’ARCEP dans la mise en place d’une régulation environnementale du numérique.

Par ailleurs, l’adoption conforme par le Sénat, le 2 novembre 2021, de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 juin 2021, n’a pas permis de tirer les conséquences de la publication, dans l’intervalle, de l’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques. Or, cette ordonnance réécrit intégralement les dispositions relatives aux mises à jour de logiciels, également modifiées par les articles 9, 10 et 11 de la loi du 15 novembre 2021 précitée.

Dès lors, l’article 2 de la présente proposition de loi a pour objet de corriger les incohérences légistiques liées à l’absence de coordination entre les deux textes. Il rétablit ainsi les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction issue de l’ordonnance, tout en intégrant les apports de la loi du 15 novembre 2021.

 

   COMMENTAIRES DES ARTICLES

Article 1er
(articles L. 32, L. 32-4, L. 36-6, L. 36-11, L. 40 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques)
Collecte de données environnementales par l’ARCEP

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 1er permet à l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) de collecter des données relatives à l’empreinte environnementale du numérique.

I.   Le droit en vigueur

1.   Des données encore lacunaires sur l’impact environnemental du numérique

Les connaissances relatives à l’empreinte environnementale du numérique sont lacunaires et parcellaires. À cet égard, le cabinet Citizing, dans une étude relative à l’évaluation des politiques publiques menées pour réduire l’empreinte carbone du numérique, réalisée en juin 2020 ([4]), précise que les données relatives aux consommations énergétiques et à l’impact environnemental du numérique « doivent être analysées avec précaution, et les scénarios contrastés doivent être considérés, destinés à tenir compte de la variation d’hypothèses sensibles ».

L’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) fait état de ces difficultés dans un rapport intitulé « Pour un numérique soutenable », paru le 15 décembre 2020 ([5]). L’Autorité note ainsi que si les études existantes sur le sujet mettent toutes en avant l’accroissement de l’empreinte environnementale du numérique, elles s’appuient, en raison d’un manque de données précises, sur des hypothèses et des périmètres sous-jacents différents. À titre d’illustration, le think tank « The Shift Project » évalue la répartition des émissions de gaz à effet de serre entre les différents acteurs du numérique à 19 % pour les centres de données, 16 % pour les réseaux et 65 % pour les terminaux, alors que l’étude du cabinet Citizing précitée estime cette répartition à respectivement 14 %, 5 % et 81 %. En outre, le Conseil général de l’économie (CGE), dans un rapport paru en décembre 2019 ([6]), obtient au niveau national une estimation de l’empreinte carbone du numérique de 11 millions de tonnes équivalent CO2 (tCO2éq) en 2018, contre 15 millions de tCO2éq en 2019 selon l’étude du cabinet Citizing. L’écart entre les résultats des deux études, supérieur à 30 %, interpelle.

Par ailleurs, l’ARCEP note que « certains sujets restent difficiles à traiter en l’absence de métriques communes. En effet, comment comptabiliser les conséquences environnementales du numérique, notamment au-delà de sa composante carbone ? Que doit-on compter et comment doit-on le compter ? Comment développer des méthodologies adaptées à la fois à une mesure d’empreinte individuelle et à une mesure d’empreinte sectorielle, en évitant notamment les risques de double compte ? ».

Au-delà des divergences méthodologiques, l’ARCEP regrette que « certaines questions ne semblent pas avoir trouvé de réponses claires ou à tout le moins circonstanciées. À titre d’exemple, les réseaux fixes semblent consommer au global moins d’énergie par abonné que les réseaux mobiles. Toutefois, ce point a pu être nuancé par certains acteurs ».

L’absence de méthodologie de calcul commune et partagée et le manque de données disponibles imposent aux acteurs de faire un certain nombre d’hypothèses rendant la comparaison des résultats difficile. L’ARCEP estime ainsi qu’« il semblerait dès lors utile d’une part, de disposer de méthodologies communes dont les hypothèses et les périmètres de base sont partagés par les acteurs et d’autre part, de rendre disponibles les données nécessaires à l’application des méthodologies ainsi définies ».

2.   Les travaux en cours pour améliorer la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique

L’amélioration de la connaissance de l’empreinte environnementale du numérique constitue le premier axe de la feuille de route du Gouvernement sur le numérique et l’environnement, rendue publique le 23 février 2021 ([7]).

Celle-ci prévoit notamment :

– le développement d’une méthodologie d’évaluation de la performance des services numériques. L’élaboration de cette méthodologie doit s’appuyer sur le projet de recherche NégaOctet financé par l’Agence de la transition écologique (ADEME), qui a pour but le développement et l’expérimentation d’un référentiel d’évaluation des impacts environnementaux des services numériques reposant sur une approche d’analyse du cycle de vie en vue de l’écoconception de ces services. Le développement de cette évaluation doit également s’appuyer sur la consolidation d’une future base publique de données génériques par l’ADEME ;

– l’établissement d’un plan d’action pour la mobilisation de sources de données environnementales complémentaires, afin de consolider les bases de données environnementales publiques gérées par l’ADEME.

Le Conseil national du numérique, dans sa feuille de route sur l’environnement et le numérique rédigée avec le Haut Conseil pour le climat et publiée en juillet 2020, insiste également sur la nécessité de « mieux évaluer et quantifier l’empreinte environnementale du numérique notamment pour faire prendre conscience des impacts environnementaux du numérique afin de les réduire drastiquement » ([8]).

Par ailleurs, des travaux, qui devraient s’achever à l’été 2022, ont été engagés par l’ADEME et l’ARCEP pour améliorer l’évaluation de l’impact environnemental du numérique en France, en objectivant l’empreinte environnementale des réseaux de télécommunications fixes et mobiles en fonction des usages qu’ils supportent.

Enfin, l’article 13 de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « AGEC », complète l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique pour prévoir que « les équivalents d’émissions de gaz à effet de serre correspondant à la consommation de données sont établis suivant une méthodologie mise à disposition par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie ».

3.   Les avancées prévues par la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France

Plusieurs articles de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France doivent permettre d’améliorer la connaissance relative à cette empreinte.

L’article 4 de la loi crée un observatoire des impacts environnementaux du numérique, placé conjointement auprès de l’ARCEP et de l’ADEME. Il est chargé d’analyser et de quantifier les impacts directs et indirects du numérique sur l’environnement ainsi que la contribution apportée par le numérique à la transition écologique et solidaire.

L’article 25 charge l’ARCEP et l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), en lien avec l’ADEME, de définir le contenu d’un référentiel relatif à l’écoconception des services numériques.

Enfin, l’article 29 prévoit que les opérateurs de communications électroniques publient des indicateurs clés sur leurs politiques de réduction de leur empreinte environnementale, notamment en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre, de renouvellement et de collecte des terminaux mobiles portables, d’écoconception des produits et des services numériques qu’ils proposent, de recyclage et de réemploi des boîtiers de connexion internet et des décodeurs, ainsi que de sensibilisation aux usages responsables du numérique.

4.   Une disposition essentielle de la loi « climat et résilience » censurée par le Conseil constitutionnel

L’article 16 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « climat et résilience », confiait à l’ARCEP, d’une part, la faculté de recueillir certains documents ou informations relatifs à l’empreinte environnementale du numérique et, d’autre part, le pouvoir de préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition d’informations relatives à cette empreinte.

Introduites en première lecture à l’Assemblée nationale, le Conseil constitutionnel a considéré dans sa décision du 13 août 2021 que « ces dispositions ne présentent pas de lien, même indirect, avec l’article 1er du projet de loi initial qui prévoyait l’affichage d’une information sur les caractéristiques environnementales de certains produits » ([9]). En conséquence, il a déclaré l’article 16 contraire à la Constitution.

II.   Le texte initial de la proposition de loi

Le présent article 1er reprend à l’identique l’article 16 de la loi « climat et résilience » censuré par le Conseil constitutionnel.

Le  complète l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques afin qu’y soient définies les notions de système d’exploitation, de fournisseur de systèmes d’exploitation, de centre de données et d’opérateur de centres de données.

Définitions proposées par l’article 1er de la proposition de loi

Système d’exploitation : logiciel contrôlant les fonctions de base du matériel et les ressources logicielles d’un équipement terminal, permettant d’y exécuter des applications et aux utilisateurs d’en faire usage.

Fournisseur de systèmes d’exploitation : toute personne qui, à titre professionnel, édite ou adapte le système d’exploitation d’équipements terminaux ou qui édite ou adapte tout autre logiciel contrôlant l’accès aux fonctionnalités desdits équipements.

Centres de données : installation accueillant des équipements de stockage de données numériques.

Opérateur de centres de données : toute personne assurant la mise à disposition d’infrastructures et d’équipements hébergés dans des centres de données à des tiers.

Le  modifie l’article L. 32-4 du même code afin d’habiliter l’ARCEP à recueillir auprès des personnes fournissant des services de communication au public en ligne (en application du a du ) et auprès des fournisseurs de services de communication au public en ligne, des opérateurs de centre de données, des fabricants d’équipements terminaux, des équipementiers de réseaux et des fournisseurs de systèmes d’exploitations (en application du b du ), les informations ou documents nécessaires relatifs à l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques ou des secteurs étroitement liés à celui‑ci.

Ces prérogatives doivent permettre à l’ARCEP de s’assurer du respect par ces personnes :

– des principes définis à l’article L. 32-1 du même code, qui confie à l’Autorité la responsabilité de prendre des mesures raisonnables et proportionnées pour atteindre divers objectifs, en particulier un niveau élevé de protection de l’environnement et de la santé ;

– des obligations qui pourraient leur être imposées par le code des postes et des communications électroniques ou par les textes pris pour son application.

Le  complète l’article L. 36-6 du même code afin de permettre à l’ARCEP de préciser, après avis de l’ARCOM, les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition, y compris à des organismes tiers recensés par l’Autorité, d’informations fiables relatives à l’empreinte environnementale des services de communication au public en ligne, des équipements terminaux, des systèmes d’exploitation, des centres de données, des réseaux, notamment des équipements les constituant, et des services de communications électroniques, ainsi que la détermination des indicateurs et des méthodes employés pour la mesurer.

Le  modifie l’article L. 36-11 du même code, de manière à intégrer l’ensemble des acteurs concernés par le présent article 1er dans le champ du pouvoir de sanction de l’ARCEP. Alors que l’article L. 36-11 concernait uniquement les exploitants de réseau, les fournisseurs de services de communications électroniques, les fournisseurs de services de communication au public en ligne, les attributaires de ressources de numérotation et les gestionnaires d’infrastructures d’accueil, les a, b, c et d du  ajoutent à cette liste les opérateurs de centre de données, les fabricants de terminaux, les équipementiers de réseaux et les fournisseurs de systèmes d’exploitation.

Le e du  précise les sanctions applicables en cas de méconnaissance de l’obligation de transmission d’informations fiables relatives à l’empreinte environnementale du numérique. La formation restreinte de l’ARCEP peut ainsi prononcer à l’encontre de l’opérateur de centre de données, du fabricant de terminaux, de l’équipementier de réseaux ou du fournisseur de système d’exploitation une sanction financière dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 3 % du montant du chiffre d’affaires mondial le plus élevé réalisé par l’entreprise en cause depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre ([10]). Ce taux est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.

Le  complète l’article L. 40 du code des postes et des communications électroniques afin de permettre aux fonctionnaires et agents habilités du ministère chargé des communications électroniques, de l’ARCEP et de l’Agence nationale des fréquences d’accéder aux locaux, terrains ou moyens de transport à usage professionnel utilisés par les personnes soumises à l’obligation de transmission de données environnementales, en vue de rechercher et de constater les infractions, de demander la communication de tous documents professionnels et de recueillir des renseignements et justifications.

Enfin, le  complète l’article L. 135 du même code, relatif au rapport d’activité établit par l’ARCEP, pour prévoir que celui-ci « dresse un bilan de l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques, des terminaux et des centres de données ».

III.   Les dispositions adoptées par le sénat

Le Sénat a adopté l’article 1er sans modification.

IV.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’article 1er sans modification.

Article 2
(articles L. 111-6, L. 217-22, L. 217-23, L. 217-33 et L. 441-6 du code de la consommation)
Coordinations légistiques

Adopté par la commission sans modification

 

L’article 2 vise à réécrire les articles du code de la consommation relatifs aux mises à jour logicielles afin de rétablir leur version issue de l’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, tout en intégrant les apports de la loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique. En effet, l’adoption conforme par le Sénat, le 2 novembre 2021, de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique, adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale le 10 juin 2021, entraine des incohérences juridiques liées à la publication de l’ordonnance qu’il convient de corriger.

I.   Le droit en vigueur

1.   Le droit européen

La directive (UE) 2019/770/UE du Parlement et du Conseil du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de fourniture de contenus numériques et de services numériques institue le régime juridique des pratiques de mises à jour logicielles.

Son article 8 dispose que « le professionnel veille à ce que le consommateur soit informé des mises à jour, y compris des mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires au maintien de la conformité du contenu numérique ou du service numérique ». Il encadre également la responsabilité des professionnels en la matière, en prévoyant que si le consommateur omet d’installer les mises à jour, le professionnel n’est pas responsable d’un éventuel défaut de conformité résultant uniquement de la non-installation de la mise à jour. Néanmoins, sa responsabilité peut être engagée s’il n’a pas informé le consommateur de la disponibilité de la mise à jour et des conséquences de sa non-installation ou si la non-installation ou l’installation incorrecte sont dues à des lacunes dans les instructions d’installation qu’il a fournies.

Cet article précise par ailleurs que le consommateur reçoit les mises à jour, y compris celles nécessaires au maintien de la conformité du contenu numérique ou du service numérique :

– soit au cours de la période durant laquelle le contenu numérique ou le service numérique doit être fourni au titre du contrat, lorsque le contrat prévoit la fourniture continue pendant une certaine période ;

– soit au cours de la période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre eu égard au type et à la finalité du contenu numérique ou du service numérique et compte tenu des circonstances et de la nature du contrat, lorsque le contrat prévoit une opération de fourniture unique ou une série d’opérations de fourniture distinctes.

La directive (UE) 2019/770 précitée laisse donc les États membres libres de fixer la durée pendant laquelle le consommateur doit pouvoir recevoir les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité de ses biens.

Enfin, l’article 19 de la directive prévoit que le professionnel ne peut modifier le contenu numérique ou le service numérique au‑delà de ce qui est nécessaire pour maintenir la conformité du contenu numérique ou du service que sous certaines conditions. Si la modification a une incidence négative sur l’accès du consommateur au contenu numérique ou au service numérique ou sur son utilisation, le consommateur a droit à la résolution du contrat sans frais dans un délai de trente jours à compter de la réception de l’information ou à compter du moment où le contenu ou le service numérique a été modifié par le professionnel, la date la plus éloignée étant retenue.

2.   La loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire

L’article 8 de la directive (UE) 2019/770 précitée a été en partie transposé en droit national par la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite loi « AGEC ». Son article 27 a ainsi créé une nouvelle section au sein du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation, relative à l’information du consommateur et aux obligations du vendeur concernant les mises à jour de logiciels, composée des articles L. 217-21 à L. 217-23.

L’article L. 217-22 du code de la consommation, tel que créé par la loi AGEC, disposait que, pour les biens comportant des éléments numériques :

– le vendeur veille à ce que le consommateur soit informé des mises à jour, y compris des mises à jour de sécurité, qui sont nécessaires au maintien de la conformité de ces biens. Il veille également à ce que le consommateur soit informé de façon suffisamment claire et précise des modalités d’installation de ces mises à jour ;

– dans le cas où le consommateur refuse l’installation d’une mise à jour et que le vendeur informe le consommateur de la conséquence de ce refus, le vendeur n’est pas responsable d’un éventuel défaut de conformité résultant de la non‑installation de la mise à jour concernée.

L’article L. 217-23 du code de la consommation, tel qu’il résulte de la loi AGEC, disposait quant à lui que « le vendeur veille à ce que le consommateur reçoive les mises à jour nécessaires au maintien de la conformité des biens au cours d’une période à laquelle le consommateur peut raisonnablement s’attendre », qui ne pouvait être inférieure à deux ans.

3.   La loi du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France

Les articles 9, 10 et 11 de la loi n° 2021-1485 du 15 novembre 2021 visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, dite loi « REEN », complètent le régime juridique applicable aux pratiques de mises à jour logicielles afin d’améliorer l’information du consommateur et la disponibilité des mises à jour, de manière à optimiser le fonctionnement des appareils numériques dans la durée.

Ces dispositions n’ont pas été modifiées depuis le 10 juin 2021, lors de l’adoption en première lecture de la proposition de loi par l’Assemblée nationale, le texte ayant été adopté sans modification en seconde lecture par le Sénat le 2 novembre 2021.

L’article 9 de la loi complète l’article L. 217‑22 du code de la consommation pour prévoir que « le vendeur informe le consommateur, de façon lisible et compréhensible, des caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien, notamment l’espace de stockage qu’elle requiert, son impact sur les performances du bien et l’évolution des fonctionnalités qu’elle comporte. ».

L’article 10 de la loi complète quant à lui l’article L. 217-23 pour prévoir que :

– lorsque le contrat prévoit que le contenu numérique ou le service numérique est fourni pendant une durée supérieure à deux ans, le vendeur veille à ce que le consommateur soit informé des mises à jour nécessaires au maintien de la conformité des biens et à ce qu’il les reçoive durant la période pendant laquelle le contenu numérique ou le service numérique est fourni en vertu du contrat ;

– lorsque le consommateur n’installe pas, dans un délai raisonnable, ces mises à jour, le vendeur n’est pas responsable des défauts de conformité résultant uniquement de la non‑installation des mises à jour concernées, à condition que :

1° le vendeur ait informé le consommateur de la disponibilité des mises à jour et des conséquences de leur non‑installation par le consommateur ;

2° et que la non‑installation ou l’installation incorrecte par le consommateur des mises à jour ne soit pas due à des lacunes dans les instructions d’installation fournies au consommateur.

Enfin, l’article 11 de la loi REEN créé un nouvel article L. 217-33 dans le code de la consommation, relatif aux mises à jour qui ne sont pas nécessaires au maintien de la conformité du bien, pour lesquelles le vendeur doit respecter les conditions suivantes :

– le contrat autorise le principe de telles mises à jour et en fournit une raison valable ;

– le vendeur informe le consommateur, de manière claire et compréhensible, de chaque mise à jour envisagée, en lui précisant la date à laquelle elle intervient. Il informe également le consommateur que celui‑ci est en droit de refuser chaque mise à jour ou, le cas échéant, de la désinstaller, si celle-ci a une incidence négative sur son accès au contenu ou au service numérique ou sur l’utilisation de ce contenu ou de ce service. Dans ce cas, la résolution du contrat est de droit et sans frais pour le consommateur, dans un délai de trente jours, à moins que la mise à jour n’ait qu’une incidence mineure pour lui. Le consommateur ne peut toutefois résoudre le contrat si le vendeur lui a proposé de conserver le contenu ou le service numérique sans modification, y compris au moyen d’une désinstallation de la mise à jour ;

– chaque mise à jour est effectuée sans coût supplémentaire pour le consommateur.

4.   L’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité

L’ordonnance n° 2021-1247 du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques du 29 septembre 2021 transpose la directive (UE) 2019/770 précitée et la directive (UE) 2019/771 du 20 mai 2019 relative à certains aspects concernant les contrats de vente de biens.

L’article 9 de l’ordonnance réécrit intégralement le chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation, relatif à l’obligation de conformité dans les contrats de vente de biens.

Des dispositions similaires à celles prévues à l’article L. 217-22 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi AGEC modifiée par l’article 9 de la loi REEN, figurent à l’article L. 111-6 créé par l’ordonnance. Celui-ci prévoit que « le producteur de biens comportant des éléments numériques informe le vendeur professionnel de la durée au cours de laquelle les mises à jour logicielles, que le producteur fournit, restent compatibles avec les fonctionnalités du bien. Le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur selon des modalités précisées par décret ».

L’article 9 de l’ordonnance créé plus particulièrement une sous-section 3 au sein de la section 2 du chapitre VII du titre Ier du livre II du code de la consommation, consacrée aux mises à jour logicielles, qui reprend en des termes quasiment identiques les dispositions issues de la loi AGEC, complétées par les articles 9, 10 et 11 de la loi REEN :

– les dispositions inscrites à l’article L. 217-23 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de la loi AGEC complétée par l’article 10 de la loi REEN, sont déplacées à l’article L. 217‑19 du même code ;

– les dispositions prévues à l’article L. 217-33 du code de la consommation, créé par l’article 11 de la loi REEN, figurent à l’article L. 217-20 du même code.

II.   Les dispositions adoptées par le Sénat

La volonté du Sénat d’adopter sans modification la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique le 2 novembre 2021, dans sa version adoptée par l’Assemblée nationale le 10 juin 2021, soulève des problèmes de coordinations juridiques liés à la publication, dans l’intervalle, de l’ordonnance du 29 septembre 2021 précitée.

En effet, l’ordonnance modifie l’architecture du chapitre du code de la consommation consacré à l’obligation de conformité dans les contrats de vente de biens, qui comporte notamment les dispositions relatives aux mises à jour de logiciels. Dès lors, la promulgation de la loi REEN le 15 novembre 2021 – dont les articles n’ont pas été modifiés depuis le 10 juin 2021 – entraine plusieurs incohérences et erreurs de légistique que le présent article 2 vise à corriger.

Cet article additionnel résulte de l’adoption d’un amendement du Gouvernement en séance publique, sous amendé par les rapporteurs MM. Guillaume Chevrollier et Jean-Michel Houllegatte.

Le  du I réécrit l’article L. 111-6 du code de la consommation.

Le premier alinéa de cet article n’est pas modifié et reprend les dispositions prévues par l’ordonnance en matière d’information du vendeur par le producteur de biens numériques. Cette information porte sur la durée au cours de laquelle les mises à jour logicielles qu’il fournit restent compatibles avec les fonctionnalités du bien. Il est précisé que le vendeur met ces informations à la disposition du consommateur.

Le deuxième alinéa reprend dans les mêmes termes l’alinéa introduit à l’article L. 217-22 du code de la consommation par l’article 9 de la loi REEN en matière d’information du consommateur sur les caractéristiques essentielles de chaque mise à jour des éléments numériques du bien. Alors que la loi REEN prévoyait que cette information était transmise par le vendeur, l’article L. 111-6 prévoit que celle‑ci est transmise par le producteur.

Le troisième alinéa renvoie les modalités d’application de l’article L. 111-6 à un décret.

Les  et  du I rétablissent les articles L. 217-22 et L. 217-23 du code de la consommation dans leur version issue de l’ordonnance du 29 septembre 2021 précitée. Ces articles, relatifs à la garantie commerciale, transposent l’article 17 de la directive (UE) 2019/771 précitée.

Les dispositions relatives aux mises à jour logicielles, qui figuraient aux articles L. 217-22 et L. 217-23 du code de la consommation dans leur rédaction issue de la loi REEN, figurent désormais aux articles L. 111-6 et L. 217‑19 du même code.

Le  du I abroge l’article L. 217-33 du même code, tel qu’il résulte de la loi REEN, ces dispositions ayant été déplacées par l’ordonnance précitée à l’article L. 217-20.

Le  du I procède à une modification de coordination à l’article L. 441-6 du même code, relatif à l’interdiction des pratiques limitant la libre installation des logiciels et des systèmes d’exploitation, créé par l’article 8 de la loi REEN.

L’entrée en vigueur du présent article 2 est fixée au 1er janvier 2022 par le II.

III.   les travaux de la commission

La commission a adopté l’article 2 sans modification.

 


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 24 novembre 2021 au matin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen, sur le rapport de M. Vincent Thiébaut, de la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (n° 4628).

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous examinons la proposition de loi, adoptée par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP), dont M. Vincent Thiébaut est le rapporteur.

M. Vincent Thiébaut, rapporteur. Mes chers collègues, je suis ravi de vous retrouver pour conclure nos travaux sur la régulation de l’impact environnemental du numérique. Le numérique, désormais omniprésent dans notre quotidien, permet certes des gains environnementaux – les visioconférences, par exemple, contribuent à limiter les mobilités – mais il représente près de 4 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) dans le monde et 2 % des émissions de CO2 en France. À politiques constantes, la croissance des émissions de GES dues au numérique devrait être de 60 % d’ici 2040. Il faut aussi prendre en compte l’impact du numérique sur les ressources nécessaires à la fabrication des smartphones, des tablettes ou des ordinateurs.

Le législateur s’est emparé du sujet. Après la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (dite loi « AGEC »), qui a introduit la notion de réemployabilité et l’affichage des indices de réparabilité, la loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France (dite loi « REEN ») a été promulguée le 15 novembre dernier. Je salue le travail qu’ont effectué les sénateurs : les avancées inédites de cette loi, qui comporte trente-six articles, permettent de concilier le développement du secteur numérique et la préservation de l’environnement. Une formation à la sobriété numérique, dès le plus jeune âge et lors des études supérieures, permettra de sensibiliser les utilisateurs à l’impact environnemental du numérique. L’observatoire des impacts environnementaux du numérique, qui sera placé auprès de l’ARCEP et de l’Agence de la transition écologique (ADEME), permettra de disposer d’une information fiable et accessible. Plusieurs dispositions visent à limiter le renouvellement des appareils numériques en rendant plus opérationnel le délit d’obsolescence programmée ou en renforçant la lutte contre l’obsolescence logicielle. Afin de limiter le gaspillage, l’obligation de fournir des écouteurs avec les téléphones portables neufs a été supprimée. Cette loi prévoit également la mise en place d’un référentiel d’écoconception des services numériques avec des critères de conception durable des sites internet. Première loi du genre en Europe, elle traduit une ambition forte et sans précédent en matière de réduction de l’empreinte environnementale du numérique.

La proposition de loi que je vous présente aujourd’hui vient parfaire cet arsenal législatif. Adoptée en première lecture au Sénat le 2 novembre dernier, elle a deux objets principaux.

L’article 1er vise à rétablir les dispositions de l’article 16 de la loi dite « climat et résilience » du 22 août 2021, censuré par le Conseil constitutionnel sur le fondement de l’article 45 de la Constitution. Il renforce le pouvoir de régulation de l’ARCEP en matière environnementale en donnant à l’Autorité la faculté de recueillir les informations relatives à l’empreinte environnementale du numérique auprès des acteurs du secteur : fournisseurs de services de communication au public en ligne, opérateurs de centres de données, fabricants d’équipements de terminaux, équipementiers de réseaux et fournisseurs de systèmes d’exploitation. L’article 1er confère aussi à l’ARCEP le pouvoir de préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition d’informations relatives à l’empreinte environnementale du numérique. Ce pouvoir de recueil des données devrait servir de support à l’application de la loi REEN : l’observatoire des impacts environnementaux du numérique sera notamment chargé de définir des référentiels.

L’article 2 vise à corriger des incohérences légistiques liées à l’absence de coordination entre la loi REEN du 15 novembre 2021 et l’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques. Face aux conséquences environnementales indéniables de l’expansion du secteur numérique en l’absence de législation, les sénateurs ont souhaité adopter le 2 novembre la proposition de loi REEN dans des termes conformes à la version adoptée par l’Assemblée nationale, le 10 juin. Cette version ne tient donc pas compte de l’ordonnance, publiée dans l’intervalle, qui réécrit intégralement les dispositions relatives aux mises à jour de logiciels, lesquelles sont aussi modifiées par les articles 9, 10 et 11 de la loi REEN. L’article 2 rétablit donc les dispositions du code de la consommation dans leur rédaction issue de l’ordonnance, tout en intégrant les apports de la loi REEN.

Notre volonté de mettre en place dans les meilleurs délais une régulation environnementale du numérique efficace et inédite a conduit à inscrire ce texte à l’ordre du jour de notre commission.

M. Yannick Haury (LaREM). Ce texte s’inscrit dans la continuité de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire et de la loi « climat et résilience ». Il comportait initialement un article unique, qui conférait à l’ARCEP un pouvoir de collecte de données relatives à l’impact environnemental du numérique – une reprise de l’article 16 de la loi « climat et résilience », considéré comme cavalier législatif par le Conseil constitutionnel. Un bilan de l’empreinte environnementale du secteur des communications électroniques, des terminaux et des centres de données sera désormais intégré au rapport annuel sur l’état de l’internet de l’ARCEP. Un article 2 a été ajouté en première lecture au Sénat, à l’initiative du Gouvernement, pour mettre en cohérence la loi du 15 novembre 2021 et l’ordonnance du 29 septembre 2021 relative à la garantie légale de conformité pour les biens, les contenus numériques et les services numériques, transposant la directive (UE) 2019/770 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2019.

L’empreinte environnementale numérique a longtemps été un angle mort des politiques environnementales et climatiques. L’adoption de ces différentes lois sous ce quinquennat traduit une prise de conscience des pouvoirs publics, dont les députés du groupe LaREM se réjouissent. La feuille de route « numérique et environnement », présentée par Mme la ministre Barbara Pompili et M. le ministre Cédric O, a pour objectif de faire converger les transitions écologique et numérique, avec notamment la mise en place d’un baromètre environnemental des acteurs du numérique. Nous nous enorgueillissons aussi de la loi du 15 novembre 2021, la première loi qui vise à réduire l’impact du numérique sur l’environnement. Pour poursuivre cette dynamique, nous voterons en faveur de cette proposition de loi, en souhaitant qu’elle entre en vigueur rapidement.

M. Jean-Marie Sermier (LR). L’article 23 bis de la proposition de loi visant à réduire l’empreinte environnementale et numérique en France visait à confier à l’ARCEP un pouvoir de recueil de données relatives à l’impact environnemental du numérique auprès des opérateurs téléphoniques. Lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience », l’Assemblée nationale a adopté un article qui en était inspiré, afin d’étendre le recueil de données à l’ensemble de la chaîne de valeur numérique. Pour éviter toute redondance, les députés ont supprimé l’article 23 bis de la proposition de loi sénatoriale. Malheureusement, le Conseil constitutionnel, saisi par des députés, a censuré l’article 16 de la loi « climat et résilience », jugeant que ces dispositions ne présentaient pas de lien, direct ou indirect, avec le projet de loi initial. Nous refaisons donc aujourd’hui le travail, en examinant l’article 1er de la présente proposition de loi.

Par ailleurs, un amendement du Gouvernement, sous-amendé par les rapporteurs, a été adopté en première lecture au Sénat. Il nous est donc proposé d’adopter l’article 2, qui vise à corriger des erreurs matérielles affectant un certain nombre d’articles du code de la consommation, tout en préservant les apports de la loi du 15 novembre.

Le groupe LR avait soutenu la proposition de loi du sénateur M. Patrick Chaize ; il votera ce texte en espérant qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible.

Mme Florence Lasserre (Dem). L’impact environnemental du numérique demeurait jusqu’à cette année un angle mort des politiques publiques. Pourtant, d’ici 2040, sans action de notre part, le numérique pourrait être à l’origine de 7 % des émissions de GES. À l’échelle mondiale, ce secteur représente déjà 3,7 % des émissions et plus de 4 % de la consommation d’énergie primaire. Les équipements numériques, responsables de près de 80 % de l’empreinte environnementale du secteur, utilisent une quantité croissante de métaux, encore très peu recyclés, et dont l’extraction et le raffinage nécessitent de grandes quantités d’eau et d’énergie.

La loi visant à réduire l’empreinte environnementale du numérique en France, promulguée la semaine dernière, vise à mettre en place une stratégie nationale de réduction des émissions du secteur. Ses trente-six articles ont pour objet de faire converger transition numérique et transition écologique en informant mieux les consommateurs, en limitant le renouvellement des terminaux ou encore en faisant émerger de nouveaux usages écologiquement vertueux.

Le texte que nous examinons doit servir de support à l’application de plusieurs de ces mesures. Il vise ainsi à confier à l’ARCEP un pouvoir de recueil des données sur les impacts environnementaux des réseaux, des services de communications électroniques et des services de communication au public. L’Autorité pourra aussi préciser les règles concernant les contenus et les modalités de mise à disposition des informations, dans la perspective de l’installation d’un observatoire des impacts environnementaux du numérique. Cet outil viendra répondre aux besoins exprimés par l’ARCEP, qui rappelait, dans son rapport « Pour un numérique soutenable » de décembre 2020, la nécessité de disposer de davantage de données, les études s’appuyant trop souvent sur des hypothèses ou des périmètres sous-jacents différents.

Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés votera en faveur de ce texte. Il est indispensable de considérer les gains environnementaux du numérique à la lumière de ses impacts négatifs et d’agir afin de limiter ceux-ci. C’est par une écologie de progrès que nous pourrons continuer sur la voie du développement.

Mme Chantal Jourdan (SOC). La pollution numérique est un enjeu majeur de la lutte contre le réchauffement climatique. Le dernier rapport sénatorial sur ce sujet établissait que si nous poursuivons selon la trajectoire actuelle, le secteur numérique pourrait représenter 7 % de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2040. Nous nous réjouissons que le Parlement se soit saisi de cet enjeu, notamment grâce à la loi REEN.

La présente proposition de loi reprend un article inscrit à l’origine dans la proposition de loi REEN, finalement adopté dans la loi « climat et résilience », puis censuré par le Conseil constitutionnel. L’article 1er permet à l’ARCEP de recueillir des données relatives à l’empreinte environnementale du numérique auprès des fournisseurs de services de communication au public en ligne, des opérateurs de centres de données, des fabricants d’équipements de terminaux, des équipementiers de réseaux et des fournisseurs de systèmes d’exploitation. L’article 2 vise à corriger des incohérences légistiques, tout en préservant les apports de la loi REEN.

Nous regrettons que l’ambition initiale de la loi REEN ait été revue à la baisse par le Gouvernement et sa majorité : nos propositions visant à limiter, par exemple, le forçage des usages n’ont pas été adoptées. Néanmoins, la loi comporte des dispositions importantes et elle est un premier pas indispensable à une prise de conscience générale de l’impact environnemental du numérique. C’est l’objectif de la présente proposition de loi que de les rendre pleinement opérationnelles. Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur de ce texte.

M. Guy Bricout (UDI-I). Il devenait urgent de prendre à bras-le-corps le problème de la pollution numérique et ce texte est la deuxième brique de cette prise de conscience législative, après la promulgation, le 15 novembre, de la loi REEN. Cette urgence devient manifeste si l’on considère les chiffres et le sens de l’histoire : selon l’ADEME, 4 % des émissions de gaz à effet de serre sont dues au digital, un chiffre qui devrait doubler d’ici 2025. Ne nous leurrons pas : au lendemain de la crise sanitaire, rien ne fera reculer le numérique, d’autant qu’il a une dimension vertueuse, puisqu’il permet de réaliser d’importantes économies d’énergie dans les domaines de la mobilité ou de la domotique. Dans un monde où le développement du numérique est tout aussi inexorable que nécessaire, c’est notre manière de l’appréhender et de l’utiliser qu’il nous faut modifier.

Les textes qui se sont succédé ces dernières années, qu’il s’agisse de la loi AGEC, de la feuille de route gouvernementale ou de la loi « climat et résilience », demeuraient trop frileux sur la pollution numérique. Il convenait de revenir sur de telles lacunes : les deux propositions de loi consécutives, en contribuant à rendre plus tangible et plus traçable une pollution aux effets d’autant plus grands que nos concitoyens n’en ont pas conscience, trouvent tout leur sens. Le groupe UDI et indépendants est favorable à ce texte ; il se réjouit de voir la France donner l’exemple et espère qu’elle fera des émules en Europe.

Je tiens à saluer le travail engagé par notre ancienne collègue Mme Laure de la Raudière, aujourd’hui à la tête de l’ARCEP : elle souhaite faire de l’environnement le quatrième pilier de la régulation des télécoms et milite pour toujours plus de dialogue sur ces choix de société cruciaux.

M. Bastien Lachaud (FI). La COP 26 vient de s’achever, sans que des mesures contraignantes pour réduire l’augmentation globale des températures et la cantonner à 1,5 degré Celsius n’aient été prises. En l’absence de telles mesures contraignantes, nous courons à la catastrophe climatique à horizon 2100.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais son manque d’ambition la rendrait presque dérisoire. Elle complète la loi REEN, qui n’allait déjà pas assez loin, en visant à renforcer la collecte des informations sur l’empreinte environnementale du numérique et à prévoir des sanctions en cas de manquement.

Mais le temps n’est plus aux petits pas : nous devons procéder à la planification de la transition écologique, de nos moyens de production et de nos modes de vie. Nous ne pouvons attendre que les pratiques du secteur du numérique se modifient progressivement sous l’effet des choix de consommation. Il faut pouvoir proposer des outils produits dans des conditions sociales et environnementales soutenables.

La dématérialisation du numérique est un leurre. La fabrication des terminaux nécessite de grandes quantités de matériaux, dont l’extraction produit des gaz à effet de serre et nécessite de grandes quantités d’énergie. Les grands fonds marins sont menacés par un extractivisme sauvage qui détruit des écosystèmes entiers.

La neutralité carbone en 2050 nécessitera en 2040 six fois plus d’intrants minéraux qu’aujourd’hui. Sans mesure de sobriété énergétique, cet objectif est insoutenable !

Les mises sur le marché ont augmenté de 50 % entre 2017 et 2020. Il faut des mesures contraignantes pour la réparabilité des terminaux et contre l’obsolescence programmée. En 2019, le numérique représentait 2 % des émissions de GES en France. En 2040, et à politiques constantes, il pourrait représenter 7 % des émissions, soit une augmentation de 60 %.

Certaines technologies, comme la 5G, sont particulièrement énergivores. Elles découlent de choix de société et devraient, à ce titre, faire l’objet d’un débat démocratique. Ce devrait aussi être le cas pour les sources de production d’électricité – nécessaire au fonctionnement du numérique –, et pourtant, le Président de la République vient d’annoncer à la télévision qu’il a décidé, seul, de mettre du nucléaire partout !

Le numérique n’est pas la solution magique pour réduire les émissions de GES. Au contraire, les conditions de production sont très polluantes. Le numérique ne doit pas non plus être le prétexte au recul des services publics : les sites internet ne doivent pas remplacer les guichets de proximité. La planification écologique et le débat démocratique sont nécessaires pour faire face au changement climatique. C’est tout le contraire de ce que font le Président Macron et sa majorité.

Mme Danielle Brulebois. Cette proposition de loi représente une avancée dans la lutte contre l’empreinte environnementale du numérique. Mais, tout comme on interdit les chaudières au fioul et les voitures roulant au gazole, il faudrait réglementer les interventions sur les réseaux sociaux. L’empreinte de ces messages – qui ne servent à rien – est énorme. Ceux‑là mêmes qui sont engagés dans la lutte contre l’empreinte environnementale du numérique sont les premiers à utiliser les réseaux sociaux, plusieurs centaines de fois par jour pour certains.

M. Jean-Pierre Vigier. Nous partageons tous l’objectif de contrôler l’empreinte environnementale du numérique, qui représente 3 % à 4 % des émissions de GES dans le monde, 2 % en France. Dans cette perspective, il faut responsabiliser les acteurs du numérique : consommateurs, professionnels du secteur et acteurs publics. Avec cette proposition de loi, l’ARCEP se trouvera pleinement armée pour mettre en place une régulation environnementale plus efficace.

Je souhaite attirer votre attention, monsieur le rapporteur, sur un point : le déploiement du numérique doit être encore amplifié, notamment dans les territoires ruraux. Comment pensez-vous trouver le juste équilibre avec la régulation environnementale ?

M. Vincent Thiébaut, rapporteur. Je me réjouis de constater que nous partageons la même ambition, celle de réduire l’impact environnemental du numérique. Je salue à mon tour Mme Laure de la Raudière, qui effectue un travail remarquable à la tête de l’ARCEP.

Monsieur Lachaud, la régulation environnementale du numérique nécessite que des référentiels d’évaluation et de mesure soient définis : ce sera la mission de l’observatoire des impacts environnementaux du numérique mis en place par la loi REEN. Il faut aussi pouvoir dresser un bilan des gains environnementaux du numérique afin d’éviter toute décision contre-productive.

Je me permets de vous rappeler quelques mesures contenues dans les lois AGEC, « climat et résilience » et REEN : lutte contre l’obsolescence programmée, qu’elle soit matérielle ou logicielle ; information du consommateur par l’indice de réparabilité ; dispositions sur la collecte, le recyclage et le réemploi ; prise en compte des critères de réparabilité et de réemploi dans la commande publique ; accès non discriminatoire des réparateurs aux pièces détachées. Attendons que ces mesures puissent produire leurs effets et que l’observatoire des impacts environnementaux du numérique mesure et évalue ceux-ci.

Madame Brulebois, ce texte n’a pas pour objet de réglementer les messages postés sur les réseaux sociaux. Je rappelle toutefois que la loi REEN prévoit une formation, dès le plus jeune âge puis à l’entrée à l’université, à la sobriété – donc à la gestion du temps – numérique.

Monsieur Vigier, l’ARCEP accompagne le plan de déploiement de la 4G et de la 5G sur le territoire. Par ailleurs, la loi REEN prévoit que les collectivités territoriales élaboreront une stratégie numérique responsable, qui comprend les questions liées à l’accès. Je rappelle que les 2 000 maisons France Services permettent d’accompagner les populations les plus éloignées dans l’utilisation du numérique.

Article 1er (articles L. 32, L. 32-4, L. 36-6, L. 36-11, L. 40 et L. 135 du code des postes et des communications électroniques) : Collecte de données environnementales par l’ARCEP

La commission adopte l’article 1ernon modifié.

Article 2 (articles L. 111-6, L. 217-22, L. 217-23, L. 217-33 et L. 441-6 du code de la consommation) : Coordinations légistiques

La commission adopte l’article 2 non modifié.

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La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

 

 


([1]) GreenIT.fr, Empreinte environnementale du numérique mondial, septembre 2019 - https://www.greenit.fr/wp-content/uploads/2019/10/2019-10-GREENIT-etude_EENM-rapport-accessible.VF_.pdf  

([2]) http://www.senat.fr/rap/r19-555/r19-555_mono.html  

([3]https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2021/Feuille_de_route_Numerique_Environnement_vremerciement1802.pdf  

([4])  https://www.citizing-consulting.com/wp-content/uploads/Rapport_Empreinte-carbone-du-num%C3%A9rique-2019-%C3%A0-2040_Citizing-1.pdf

([5]) https://www.arcep.fr/uploads/tx_gspublication/rapport-pour-un-numerique-soutenable_dec2020.pdf  

([6]) https://www.economie.gouv.fr/files/files/directions_services/cge/consommation-energique-numerique.pdf  

([7]) Feuille de route « Numérique et environnement : faisons converger les transitions », 23 février 2021 - https://www.economie.gouv.fr/files/files/PDF/2021/Feuille_de_route_Numerique_Environnement_vremerciement1802.pdf

([8]) https://cnnumerique.fr/files/uploads/2020/CNNum%20-%20Feuille%20de%20route%20environnement%20%26%20numerique.pdf  

([9]) Décision n° 2021-825 DC du 13 août 2021 - https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2021/2021825DC.htm  

([10]) Si les comptes de l’entreprise concernée ont été consolidés ou combinés en vertu des textes applicables à sa forme sociale, le chiffre d’affaires pris en compte est celui figurant dans les comptes consolidés ou combinés de l’entreprise consolidante ou combinante. À défaut d’activité permettant de déterminer ce plafond, le montant de la sanction ne peut excéder 150 000 euros. Ce montant est porté à 375 000 euros en cas de nouvelle violation de la même obligation.