N° 4714

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 24 novembre 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI,
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant la ratification de l’accord modifiant
le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité,

PAR M. Christophe Di POMPEO

Député

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

 

 

 

 Sénat : 806 (2020-2021), 65, 66 et T.A. 20 (20212022).

 Assemblée nationale : 4620  


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Le mÉcanisme europÉen de stabilitÉ : un instrument au service de la stabilitÉ Économique et financiÈre de la zone euro, qui doit être amÉliorÉ

A. le mÉcanisme europÉen de stabilitÉ et l’union bancaire : la constitution progressive d’un pare-feu contre les crises de l’euro

1. Le mécanisme européen de stabilité : un mécanisme pérenne créé dans l’urgence

2. La création de l’Union bancaire

B. Un instrument qui doit tirer les lecons de ses premiÈres annÉes d’existence

1. Un instrument perfectible

2. Le projet de révision du traité initial

II. La rÉvision du traitÉ initial : une avancÉe majeure pour la résilience et le cadre de gestion de crise de la zone euro

A. des modifications portant sur quatre points principaux

1. L’introduction d’un filet de sécurité, un progrès essentiel pour l’Union bancaire

2. Un renforcement opportun des instruments d’assistance financière de précaution

3. Le renforcement des compétences et de l’indépendance du MES : la pérennisation d’un mécanisme intergouvernemental

4. L’inscription d’une nouvelle règle de vote pour les situations de restructuration de l’endettement public d’un État

B. des incertitudes qui restent À lever

1. L’entrée en vigueur du dispositif

2. Une gouvernance complexe

3. Les modalités de contributions ex post des banques

EXAMEN en commission

Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


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   introduction

 

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité (MES), signé les 27 janvier et 8 février 2021 par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro, et pour lequel le Sénat a été saisi en première lecture. Il s’agit d’une étape importante dans l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, qui vise à renforcer la résilience de la zone euro et son cadre de gestion de crise.

Le projet d’accord tire les leçons des premières années d’existence d’un dispositif pérenne créé dans l’urgence au début des années 2010, pour répondre à l’engrenage constaté entre crise des dettes souveraines et crise bancaire. Il permettra de rendre la zone euro plus solide face aux marchés en accroissant la capacité des banques européennes à contribuer collectivement à la résolution des crises bancaires, et en passant ainsi d’une logique de responsabilité des États à un système de responsabilité des banques. En outre, les conditionnalités requises pour recourir aux instruments de précaution du MES seront considérablement assouplies pour les États disposant de fondamentaux économiques solides, ce qui les rendra plus acceptables par ces derniers.

Dans une période de crise qui a montré l’importance d’envoyer aux marchés un signal sur la solidité de la zone euro, c’est paradoxalement à l’absence d’utilisation du dispositif que l’on peut mesurer son efficacité : le seul renforcement des instruments de défense de la zone euro doit suffire pour rassurer les marchés et immuniser la zone contre les tentatives de spéculation.

Votre rapporteur est favorable à l’adoption du présent projet de loi, qui montre une nouvelle fois que les États européens répondent aux crises en accroissant les solidarités de fait qui les unissent.

 

 


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I.   Le mÉcanisme europÉen de stabilitÉ : un instrument au service de la stabilitÉ Économique et financiÈre de la zone euro, qui doit être amÉliorÉ

A.   le mÉcanisme europÉen de stabilitÉ et l’union bancaire : la constitution progressive d’un pare-feu contre les crises de l’euro

Pour répondre à la crise des dettes souveraines et à la fragilisation du secteur bancaire de la zone euro observées au début des années 2010, deux évolutions majeures ont été décidées : la définition d’un outil de stabilisation financière de la zone euro avec l’institution du Mécanisme européen de stabilité (MES), et le renforcement du cadre prudentiel du système bancaire européen, avec la création de l’Union bancaire.

1.   Le mécanisme européen de stabilité : un mécanisme pérenne créé dans l’urgence

Comme le rappelle le sénateur Jean-Marie Mizzon dans son rapport sur le présent projet de loi ([1]), en mai 2010, dans l’urgence de la crise des dettes souveraines dans la zone euro, les États membres de l’Union européenne ont mis en place un dispositif de stabilisation financière prenant la forme de deux programmes de prêts :

- le Mécanisme européen de stabilisation financière (MESF), mécanisme créé au sein de l’ordre juridique européen permettant d’apporter une assistance à tous les États membres de l’Union européenne par l’autorisation accordée à la Commission européenne d’emprunter au nom de l’Union jusqu’à 60 milliards d’euros sur les marchés financiers, avec une garantie implicite du budget de l’UE. Trois États membres ont bénéficié de son aide (l’Irlande, le Portugal et la Grèce), pour un montant total de 54 milliards d’euros environ ;

- le Fonds européen de stabilité financière (FESF), dispositif intergouvernemental et temporaire créé uniquement par les États membres de la zone euro, doté d’une capacité de prêt effective totale de 440 milliards d’euros, financée par les titres émis par le FESF sur les marchés et garantis par ses actionnaires – les États membres de la zone euro. Trois pays ont bénéficié de son soutien – l’Irlande, le Portugal et la Grèce –, pour un montant cumulé de 188,4 milliards d’euros.

Le MES a pris la suite de ces deux instruments. Il a été mis en place en octobre 2012 par les États membres de la zone euro, sous forme d’un traité intergouvernemental ([2]), en dehors du cadre juridique européen. Constitué sous forme d’une institution financière internationale, le MES a pour but de mobiliser des ressources financières et d’apporter un soutien à la stabilité économique et financière de la zone euro. Sa gouvernance reflète la logique intergouvernementale ayant présidé à sa création, puisqu’il s’appuie sur :

- un conseil des gouverneurs, composé de l’ensemble des ministres des finances des États parties, avec à sa tête le président de l’Eurogroupe ;

- un conseil d’administration élu par les gouverneurs ;

- un directeur général, élu par le conseil d’administration pour une durée de cinq ans.

Sa capacité de prêt totale atteint 500 milliards d’euros, financée par des emprunts du MES sur les marchés financiers et garantis par ses actionnaires. À la différence du FESF, le MES est doté en capital par ses actionnaires, à hauteur de 702 milliards d’euros, dont 80 milliards de capital effectivement libéré, les droits de vote des États membres correspondant à leur part dans le capital : 26,9 % pour l’Allemagne, 20,2 % pour la France, et 17,8 % pour l’Italie (les trois principaux contributeurs).

Fournie à la demande de l’État membre, l’aide est conditionnée à l’engagement de l’État bénéficiaire de prendre des mesures correctrices, formalisées dans un protocole d’accord – memorundum of understanding ou MoU. L’assistance peut prendre différentes formes : une ligne de crédit, un prêt direct ou en vue d’aider un État à recapitaliser ses institutions financières, une intervention sur les marchés pour soulager les conditions d’emprunt de l’État, etc.

2.   La création de l’Union bancaire

En 2012, afin de renforcer le cadre de gestion de crise de l’Union et la résilience de la zone euro, a été lancée l’Union bancaire, qui repose sur trois piliers :

- un mécanisme de surveillance unique (MSU), entré en vigueur le 4 novembre 2014, sous l’égide de la Banque centrale européenne ;

- un mécanisme de résolution unique (MRU), opérationnel depuis le 1er janvier 2015, qui est placé sous l’égide du Conseil de résolution unique (CRU), l’agence européenne chargée de la résolution des établissements de crédits ;

- une garantie européenne des dépôts.

Si les deux premiers piliers sont effectifs, le troisième reste à finaliser afin de remplacer l’harmonisation des systèmes nationaux de garantie des dépôts par un véritable système européen. Les propositions formulées en ce sens par la Commission européenne n’ont pour l’instant pas abouti, faute de consensus entre les États membres.

L’objectif principal du MRU est d’éviter que le contribuable soit, comme en 2008-2009, contraint de venir au secours des banques en difficulté.

Pour cela, il est structuré autour du Conseil de résolution unique (CRU), agence de l’Union européenne, et s’appuie sur deux dispositifs :

- le renflouement interne, aussi désigné sous l’anglicisme de « bail-in », qui vise à impliquer directement les personnes privées en cas d’entrée en résolution d’un établissement de crédit. Il est ainsi prévu que les actionnaires et les créanciers de la banque concernée assument les premières pertes, à hauteur de 8 % du passif ;

- le Fonds de résolution unique (FRU), qui peut intervenir sur décision du CRU, dans la limite de 5 % du passif de la banque concernée. De fait, en cas d’utilisation du FRU, le CRU devient automatiquement responsable du plan de résolution, quelle que soit la taille de l’établissement bancaire. Le recours au fonds de résolution n’est toutefois pas automatique et suppose notamment de vérifier une condition d’intérêt public.

Dans le cadre du MRU, le FRU est abondé par des contributions ex ante des banques des États participants dans des compartiments nationaux progressivement mutualisés, selon des modalités prévues dans l’accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, signé le 21 mai 2014.

Son niveau cible est fixé à 1 % des dépôts couverts de tous les établissements des États membres participants, devant être atteint au 31 décembre 2023. Initialement estimée à 55 milliards d’euros, cette cible atteint désormais près de 75 milliards d’euros.

B.   Un instrument qui doit tirer les lecons de ses premiÈres annÉes d’existence

1.   Un instrument perfectible

Créé pour rétablir la confiance des marchés, le MES a pleinement rempli ce rôle. Depuis sa création, il a porté assistance à trois pays (la Grèce, l’Espagne et Chypre), pour un montant total de 89 milliards d’euros. Aucun programme d’aide n’a été engagé depuis 2015, ce qui témoigne de la stabilité retrouvée de la zone euro. À cet égard, la non-utilisation du MES depuis 2015 ne signifie pas qu’il n’a pas été utile, puisque sa mission est de prévenir les crises en rassurant les marchés sur la solidité de la zone euro.

Le dispositif actuel souffre cependant de trois défauts principaux. D’abord, le FRU, qui dispose actuellement d’environ 52 milliards d’euros, est insuffisant en cas de crise majeure sur le système bancaire. En outre, la possibilité donnée au MES d’octroyer un prêt pour recapitaliser un établissement de crédit ne permet pas de couper le lien entre système bancaire et finances publiques nationales.

Enfin, le caractère intrusif et stigmatisant des conditionnalités requises pour obtenir l’aide ont pu avoir un effet dissuasif. Ce problème d’image est l’une des raisons pour laquelle, lors de la première vague de la Covid-19, entre février et mai 2020, l’Italie n’a pas souhaité recourir à la ligne de crédit de 240 milliards d’euros mise à sa disposition par la MES, sans aucune autre condition que de devoir dépenser les crédits dans les services de santé. Avec un taux d’intérêt de 0 %, les emprunts du MES étaient pourtant financièrement avantageux, le coût des emprunts italiens approchant à la même époque 2 % pour les obligations à dix ans.

2.   Le projet de révision du traité initial

La révision du MES s’inscrit dans l’ambition plus large d’approfondissement de l’Union économique et monétaire (UEM), défendue par la France, notamment depuis le discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017 du Président de la République, et par la Commission européenne. L’objectif initial était d’intégrer cet instrument dans l’ordre juridique de l’Union européenne, en constituant un fonds monétaire européen. En 2017, la Commission européenne a proposé un règlement en ce sens, qui aurait notamment permis d’unifier les fonctions de suivi et d’évaluation de la situation macroéconomique et financière des États membres et d’assistance financière en cas de difficulté.

Ce projet ayant été rejeté par plusieurs États membres, l’Eurogroupe a envisagé la révision du traité instaurant le MES. Dans le cadre de la déclaration de Meseberg du 19 juin 2018, la France et l’Allemagne ont posé les bases de cette révision, fixant trois objectifs à la révision du traité :

- l’inclusion d’un filet de sécurité commun (ou backstop) au profit du FRU ;

- le renforcement de l’efficacité des instruments de précaution ;

- le renforcement du rôle du MES dans l’évaluation et le suivi des futurs programmes.

L’accord modifiant le traité instituant le MES a été signé les 27 janvier et 8 février 2021 par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro. Il a été signé en même temps que l’accord modifiant l’accord intergouvernemental sur le transfert et la mutualisation des contributions au FRU, qui n’est pas soumis à ratification, car il ne concerne que les modalités d’appel par le FRU des contributions ex post des banques en cas de mobilisation du filet de sécurité. Le Gouvernement considère qu’il ne relève pas de l’article 53 de la Constitution, au titre duquel est soumis à autorisation législative préalable la ratification des traités ou accords qui « engagent les finances de l’État, […] modifient des dispositions de nature législative, […] relatifs à l’état des personnes, […] comportent cession, échange ou adjonction de territoire ».

II.   La rÉvision du traitÉ initial : une avancÉe majeure pour la résilience et le cadre de gestion de crise de la zone euro

A.   des modifications portant sur quatre points principaux

1.   L’introduction d’un filet de sécurité, un progrès essentiel pour l’Union bancaire

Le principal apport de la révision du traité réside dans la constitution d’un filet de sécurité (ou backstop) en faveur du FRU, qui permet de couper le lien entre système bancaire et finances publiques, objectif recherché depuis la crise de la zone euro, au début des années 2010. Concrètement, en cas de besoins supérieurs aux disponibilités du FRU, le MES pourra prêter jusqu’à 68 milliards d’euros au Conseil de résolution unique, l’agence européenne chargée de la résolution des établissements de crédits, ce qui représente un quasi-doublement des ressources disponibles pour répondre à une crise bancaire.

Cette intervention est strictement encadrée, puisqu’elle est :

- subsidiaire, n’étant ouverte qu’en cas d’épuisement des ressources du FRU ;

- temporaire, étant subordonnée à une étude préalable de la capacité du CRU à rembourser le MES au moyen des contributions mutualisées ex post du système bancaire européen, conformément au principe de neutralité budgétaire à moyen terme qui guide son action. Le CRU, qui dispose d’une capacité de prélèvement obligatoire sur le secteur bancaire de l’ensemble de l’Union bancaire, doit donc avoir une capacité de remboursement suffisante pour rembourser à moyen terme tous les prêts octroyés dans le cadre du filet de sécurité. Le règlement de 2014 sur le mécanisme de résolution unique ([3]), dit règlement « SRMR », prévoit que le FRU doit atteindre un niveau cible de 1 % du montant des dépôts couverts de l’ensemble des établissements de crédits au 31 décembre 2023.

Comme l’indique le sénateur Jean-Marie Mizzon dans le rapport précité, deux éléments sont à relever ;

- Ce n’est plus l’État membre dont la banque est mise en résolution qui intervient directement, mais le MES par le truchement du CRU. Autrement dit, les États membres ne sont ici qu’indirectement concernés, au titre de leur participation au capital du MES ;

- Surtout, le MES n’intervient qu’à titre subsidiaire, en dernier ressort et après s’être assuré de la capacité du CRU à lui rembourser les sommes prêtées, selon le principe de neutralité budgétaire à moyen terme. Les montants levés par le MES et prêtés au CRU font ensuite l’objet d’un remboursement par ce dernier, au moyen de contributions ex post du secteur bancaire.

Enfin, ajoutons qu’il s’agit d’un dispositif qui a vocation à ne pas être utilisé, puisque sa force réside dans le signal de confiance envoyé aux marchés sur la solidité de la zone euro.

Comme le souhaitait la France, le soutien accordé prendra la forme d’une ligne de crédit renouvelable, afin de crédibiliser et de pérenniser le filet de sécurité apporté au CRU.

L’entrée en vigueur de cet instrument est prévue dès le début de l’année 2022.

Conséquences de l’introduction du filet de sécurité sur l’utilisation de ressources publiques en cas de résolution d’une banque de la zone euro

Source : Commission des finances du Sénat

2.   Un renforcement opportun des instruments d’assistance financière de précaution

Priorité française, les outils de précaution que le MES peut mobiliser sont diversifiés et assouplis par le présent accord.

Pour l’heure, le MES ne dispose que d’un seul instrument : la ligne de crédit assortie de conditions renforcées, à laquelle un État ne peut accéder que sous réserve de la conclusion préalable d’un protocole d’accord prévoyant les réformes structurelles sur lesquelles il doit s’engager. Afin de corriger le caractère trop intrusif et stigmatisant de la procédure, tout en permettant aux créanciers de conserver un droit de regard sur l’aide proposée, l’accord introduit un nouvel outil : la ligne de crédit assortie de conditions. Les conditions d’octroi de cette nouvelle ligne seront assouplies, mais les conditions d’éligibilité renforcées : les États qui en font la demande n’auront plus à signer un protocole d’accord, mais devront respecter ex ante des critères attestant d’une situation macroéconomique et financière saine.

Ces conditions, qui figurent dans une nouvelle annexe, renvoient notamment aux règles du pacte de stabilité et de croissance. Le traité permet au conseil des gouverneurs du MES de décider d’une modification de ces critères, faculté qui pourrait par exemple être utilisée en cas d’évolution des règles budgétaires européennes.

Présentation des deux instruments d’assistance financière du MES à titre de précaution

Source : Commission des finances du Sénat

3.   Le renforcement des compétences et de l’indépendance du MES : la pérennisation d’un mécanisme intergouvernemental

Après l’échec des négociations sur la création du fonds monétaire européen, qui aurait permis une unification fonctionnelle et juridique en intégrant le MES au système institutionnel européen, des ajustements s’imposaient afin de le pérenniser comme dispositif intergouvernemental et de préciser son positionnement par rapport aux institutions européennes.

Le présent accord précise ainsi la gouvernance et les missions du MES : le rôle de son directeur général est renforcé, puisqu’il se voit notamment confier un rôle d’évaluation et de suivi de la situation macroéconomique et financière. L’accroissement du rôle du MES et son financement par les États parties justifient en effet la reconnaissance de ses missions de soutien à l’Union bancaire et d’assistance économique.

En outre, un protocole de coopération a été conclu entre le MES et la Commission européenne, afin de clarifier la répartition de leur mission.

4.   L’inscription d’une nouvelle règle de vote pour les situations de restructuration de l’endettement public d’un État

Afin de réduire le risque qu’un groupe minoritaire de créanciers récalcitrants, parmi lesquels figurent souvent les « fonds vautours », s’oppose à la restructuration d’une dette publique d’un État dans l’espoir d’obtenir, par la suite, de meilleures conditions de remboursement, une nouvelle règle de vote a été introduite : les créances émises à partir du 1er  janvier 2022 prévoiront des clauses d’action collective avec clauses d’agrégation simple – dites « single-limb CACs ». Par rapport au cadre juridique en vigueur, cette modification entraîne deux changements en cas de renégociation de l’endettement : l’application de la majorité simple au lieu de la majorité qualifiée, et la négociation globale et non au niveau de chaque ligne d’émission.

Principaux changements introduits par l’accord modificatif au traité instituant le MES

 Les principaux changements apportés par l’accord modificatif au traité initial de 2012 concernent les articles suivants :

- l’article 3, concernant les buts du MES, afin d’étendre les missions du MES à la fourniture du filet de sécurité au FRU et au suivi et à l’évaluation de la situation macroéconomique et financière de ses membres ;

- l’article 12, concernant les principes du MES, afin de permettre au MES de fournir le filet de sécurité au FRU avec des prêts qui ne sont octroyés « qu’en dernier ressort et uniquement si cela est budgétairement neutre à moyen terme » et de prévoir l’application de clauses d’agrégation simple à tous les nouveaux titres d’État d’une maturité supérieure à un an émis dans la zone euro à partir du 1er janvier 2022 ;

- l’article 14, concernant l’assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution, afin d’introduire la ligne de crédit de précaution assortie de conditions (PCCL), en renvoyant à la nouvelle annexe III le détail des critères d’admissibilités applicables (cf. infra) ;

- l’introduction de l’article 18 bis, concernant la facilité du dispositif de soutien, à savoir le filet de sécurité que le MES peut apporter au FRU ;

- l’article 40, concernant le transfert des soutiens octroyés au titre du FESF, afin de permettre au conseil des gouverneurs de décider une augmentation de capital du MES pour faciliter la reprise des droits et obligations du FESF, sous réserve de l’accomplissement, par chacun des États parties, de leurs procédures nationales applicables ;

- l’introduction de l’annexe III, détaillant les critères d’admissibilité applicables à l’assistance financière octroyée par le MES à titre de précaution ;

- l’introduction de l’annexe IV, concernant les critères d’approbation des prêts et des versements au titre du filet de sécurité du MES au FRU.

 Outre l’article 1er, qui procède aux modifications au sein du traité initial, l’accord modificatif dont la ratification est proposée comprend quatre autres articles :

- l’article 2, qui confie au secrétariat général du Conseil de l’Union européenne le rôle de dépositaire ;

- l’article 3, qui prévoit la publication, par le dépositaire, d’une version consolidée du traité instituant le MES ;

- l’article 4, qui concerne la ratification de l’accord modificatif par chacune des parties et charge le dépositaire d’informer les autres signataires du dépôt de chaque instrument de ratification ;

- l’article 5, qui précise que l’accord modificatif entre en vigueur lorsque l’ensemble des signataires ont déposé leur instrument de ratification.

 

Source : Commission des finances du Sénat

B.   des incertitudes qui restent À lever

1.   L’entrée en vigueur du dispositif

Les États parties ont convenu d’une application anticipée du filet de sécurité dès le 1er janvier 2022, ce qui explique le caractère serré du calendrier de ratification par le Parlement. Or la loi autorisant la ratification de l’accord par l’Allemagne fait actuellement l’objet d’un recours devant la cour Constitutionnelle de Karlsruhe, ce qui pourrait remettre en question la date d’entrée en vigueur du dispositif.

Cependant, la direction générale du Trésor est confiante quant à l’issue du recours, la Cour constitutionnelle allemande ayant déjà rejeté un recours similaire portant sur le traité initial. Le présent accord ne porte que sur des aménagements aux principes fondamentaux du traité initial.

2.   Une gouvernance complexe

Le MES étant une institution intergouvernementale, elle repose sur la règle de l’unanimité. Dans le cadre des négociations, l’Allemagne et ses alliés (Pays-Bas, Finlande, Autriche) réclamaient des procédures systématiquement à l’unanimité et une discrétion totale du conseil d’administration. La France et ses alliés (Italie, Espagne, Portugal) insistaient, à l’inverse, sur des procédures de vote à la majorité qualifiée et la possibilité pour les administrateurs de s’opposer à un décaissement seulement sur la base de critères précis. La France demandait en particulier l’instauration d’une procédure d’urgence permettant d’abaisser le seuil de majorité en cas de menace à la stabilité financière.

Il en est résulté un compromis, que le sénateur Jean-Marie Mizzon qualifie de « baroque » : les décisions restent prises à l’unanimité, mais une procédure d’urgence est introduite, qui permet de passer à une majorité qualifiée de 85 % en cas de menace pour la viabilité économique et financière de la zone euro. Il s’agit donc, dans des circonstances extrêmes, de simplifier le recours au filet de sécurité du MES, qu’un club d’États pourrait bloquer. Toutefois, il ne peut être fait usage que deux fois de cette procédure : son application est ensuite suspendue, jusqu’à ce que les ministres de l’économie et des finances de la zone euro décident à l’unanimité de la réactiver, le cas échéant en renforçant le seuil de vote applicable.

Aussi complexe que soit cette procédure, elle répond à la logique d’activation du filet de sécurité en cas de circonstances exceptionnelles.

Par ailleurs, la nouvelle ligne de crédit du MES est conditionnée au respect de critères attestant d’une « situation macroéconomique et financière saine », lesquels renvoient au pacte de stabilité et de croissance. En effet, les négociations ont eu lieu avant la crise de la Covid-19 et n’ont pas tenu compte de son impact tant sur les finances publiques des États membres que sur le pacte de stabilité et de croissance, suspendu jusqu’à la fin de 2022, et dont la réforme est mise en débat. Sur ce sujet, l’interprétation des critères devra faire preuve d’autant de souplesse que celle dont a fait preuve le pacte de stabilité et de croissance lui-même.

3.   Les modalités de contributions ex post des banques

Le recours au filet de sécurité est conditionné à une étude préalable de la capacité du CRU à rembourser le MES au moyen des contributions ex post du système bancaire européen. Le secteur bancaire français, qui se caractérise par la présence d’établissements de grande taille et qui est le premier contributeur au FRU, considère que cette faculté ne doit être mobilisée que dans le cas où il est établi que l’établissement de crédit mis en résolution ne peut rembourser le soutien en liquidité obtenu. Il conviendra donc d’utiliser toute la souplesse prévue par l’accord politique des États parties, autorisant un échelonnement du remboursement du CRU au MES sur une période maximale de cinq ans, afin d’ajuster précisément les contributions ex post requises de la part des banques.

 


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   EXAMEN en commission

Lors de sa réunion du mercredi 24 novembre 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Christophe di Pompeo, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité (n° 4620).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Notre rapporteur, M. Christophe di Pompeo, ne peut être parmi nous pour des raisons personnelles impérieuses. Il sera suppléé par Mme Brigitte Liso, que je remercie d’avoir accepté de nous prêter son concours.

Le mécanisme européen de stabilité (MES) procède d’une idée très simple : la nécessaire solidarité entre les États européens sur le plan financier – sans oublier celle entre les acteurs de la société civile des différents pays. Mais, comme toujours dans l’Union européenne, cette idée simple a été débitée en morceaux compliqués. Il y a eu un premier texte, qui a ensuite été modifié. À chaque fois, la maïeutique européenne conduit à des subtilités et des exceptions qui font que n’importe quelle bonne idée apparaît comme totalement incompréhensible à la fin. Les lois européennes correspondent à cette définition fameuse : « Un chameau, c’est un cheval dessiné par une commission d’experts ».

Mme Brigitte Liso, suppléant M. Christophe di Pompeo, rapporteur. Je salue le travail effectué par Christophe di Pompeo.

Nous examinons le projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité. Ce traité a été signé les 27 janvier et 8 février 2021 par la France et les dix-huit autres États membres de la zone euro. Le Sénat a été saisi en premier du projet de loi de ratification.

Il s’agit d’une étape majeure pour l’approfondissement de l’Union économique et monétaire, qui permettra de renforcer la résilience de la zone euro et son cadre de gestion de crise.

Au début des années 2010, en réponse aux crises de la dette souveraine qui avaient ébranlé la zone euro, deux évolutions majeures ont été décidées : d’une part, le MES, créé pour éteindre rapidement l’incendie et soutenir les États membres qui faisaient face à des difficultés ; d’autre part, l’union bancaire, qui vise à couper le lien entre finances publiques nationales et crises bancaires en rendant les banques européennes solidairement responsables par la constitution d’un fonds commun financé par les contributions des banques, le Fonds de résolution unique (FRU), créé en 2016.

Avec une capacité de près de 500 milliards d’euros, le MES a pleinement joué son rôle d’instrument de soutien financier aux États destiné à rétablir la confiance des marchés. Depuis sa création, il a porté assistance à trois pays : la Grèce, l’Espagne et Chypre, pour un montant total de 89 milliards. Depuis 2015, aucun autre programme date d’aide n’a été engagé, ce qui témoigne de la stabilité monétaire retrouvée de la zone euro. À cet égard, le fait que le MES n’ait pas été utilisé depuis 2015 ne signifie pas qu’il a été inutile, puisque sa mission première est de prévenir les crises en rassurant les marchés quant à la solidité de la zone euro.

Le dispositif souffre cependant de plusieurs défauts. D’abord, il est insuffisant. En cas de faillite d’une banque, le FRU dispose de 52 milliards, avec un objectif cible de 1 % des dépôts, soit 75 milliards en 2024. Ce montant ne suffirait pas en cas de crise majeure touchant le système bancaire. Il reviendrait donc en dernier ressort au MES, donc aux États, de recapitaliser les établissements de crédit concernés. Le lien entre système bancaire et finances publiques nationales ne serait donc pas complètement coupé.

Ensuite, il a des effets pervers. Le caractère intrusif et stigmatisant des réformes requises pour obtenir l’aide du MES, douloureusement vécues par la Grèce, ont pu avoir un effet dissuasif et ternir l’image du mécanisme. Ainsi, lors de la première vague du covid-19, entre février et mai 2020, l’Italie n’a pas souhaité recourir à la ligne de crédit de 240 milliards pourtant mise à sa disposition par le MES. Avec un taux de 0 %, les emprunts du MES étaient pourtant très avantageux : le coût des emprunts italiens approchait alors 2 % pour les obligations à dix ans.

Le MES est donc un mécanisme pérenne créé dans l’urgence qu’il faut revoir à la lumière des enseignements tirés de ses premières années d’existence. Les modifications du traité portent sur quatre points principaux.

Premièrement, il fallait passer complètement d’une logique de responsabilité des États à un système de responsabilité des banques, en concrétisant l’objectif initial d’étanchéifier dettes souveraines et secteur bancaire. Tel est l’objet du filet de sécurité, qui constitue la principale avancée de l’accord. Concrètement, en cas de besoins supérieurs aux disponibilités du FRU, le MES pourra prêter jusqu’à 68 milliards au Conseil de résolution unique (CRU), l’agence européenne chargée de la résolution des établissements de crédits, ce qui représente un quasi‑doublement des ressources disponibles pour répondre à une crise bancaire. Le dispositif est strictement encadré, puisque le MES n’intervient qu’à titre temporaire et subsidiaire, en dernier ressort et après s’être assuré de la capacité du CRU à lui rembourser les sommes prêtées, selon le principe de neutralité budgétaire à moyen terme. Les montants levés par le MES et prêtés au CRU font ensuite l’objet d’un remboursement par ce dernier, au moyen de contributions ex post du secteur bancaire.

Deuxièmement, afin d’éviter que l’aide du MES revête un caractère trop intrusif et stigmatisant, l’accord introduit un nouvel outil : la ligne de crédit assortie de conditions. Les conditions d’octroi de cette nouvelle ligne seront assouplies, mais les conditions d’éligibilité renforcées : les États qui en font la demande n’auront plus à signer un protocole d’accord mais devront respecter ex ante des critères attestant d’une situation macroéconomique et financière saine.

Troisièmement, l’accord procède à des modifications de la gouvernance visant à renforcer les compétences et l’indépendance du MES. Il s’agit en effet de pérenniser le MES comme dispositif intergouvernemental et de préciser sa position par rapport aux institutions européennes.

Quatrièmement, afin de réduire le risque qu’un groupe minoritaire de créanciers récalcitrants s’oppose à la restructuration de la dette publique d’un État dans l’espoir d’obtenir par la suite de meilleures conditions de remboursement, une nouvelle règle de vote a été introduite : l’application de la majorité simple au lieu de la majorité qualifiée. Par ailleurs, la négociation ne porte pas sur chaque ligne d’émission : elle est globale.

À l’instar de Jean-Marie Mizzon, rapporteur du texte au Sénat, je tiens simplement à souligner trois points d’attention.

Le premier tient à l’entrée en vigueur du filet de sécurité. Les États parties ont convenu d’une application anticipée dès le 1er janvier 2022. Or la loi autorisant la ratification de l’accord par l’Allemagne fait actuellement l’objet d’un recours devant la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, ce qui pourrait repousser la date d’entrée en vigueur du dispositif. Toutefois, ce recours ne devrait pas remettre en question le dispositif : la Cour constitutionnelle allemande a déjà rejeté un recours similaire portant sur le traité initial.

Le deuxième a trait à la complexité de la gouvernance du filet de sécurité, fruit d’un compromis entre les États parties. Les décisions sont prises à l’unanimité du Conseil des gouverneurs mais, à la demande de la France notamment, une procédure d’urgence a été introduite, qui permet de passer à une majorité qualifiée de 85 % en cas de menace pour la viabilité économique et financière de la zone euro. Toutefois, il ne peut être fait usage que deux fois de cette procédure ; son application est ensuite suspendue jusqu’à ce que les ministres de l’économie et des finances de la zone euro décident à l’unanimité de la réactiver, le cas échéant en renforçant le seuil de vote applicable. Si complexe que soit cette procédure, elle répond à la logique d’activation du filet de sécurité en cas de circonstances exceptionnelles.

Le troisième point d’attention concerne les modalités de la contribution ex post des banques européennes au remboursement du MES. Le secteur bancaire français, qui se caractérise par la présence d’établissements de grande taille et qui est le premier contributeur au Fonds de résolution unique, considère que cette faculté ne doit être mobilisée que dans le cas où il est établi que l’établissement de crédit mis en résolution ne peut rembourser le soutien en liquidités obtenu. Il conviendra donc d’utiliser toute la souplesse prévue par l’accord politique des États parties, qui autorise un échelonnement du remboursement du Conseil de résolution unique au MES sur une période maximale de cinq ans, afin d’ajuster précisément les contributions ex post des banques.

L’année 2022 sera un grand moment pour l’approfondissement de l’union bancaire, défendue par le Président de la République dans son discours de la Sorbonne de septembre 2017. Espérons que l’Union européenne saura profiter de cet élan pour continuer à faire progresser l’Union économique et monétaire et parachever le cadre de gestion de crise doté de bases solides et solidaires.

Compte tenu de ces différentes remarques, je vous propose d’adopter le présent projet de loi.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. On a encore une fois le sentiment que la devise européenne pourrait être : pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

M. Nicolas Forissier (LR). Je remercie Brigitte Liso d’avoir suppléé notre rapporteur au pied levé, d’autant plus que le dispositif est très complexe.

Notre groupe votera bien entendu le projet de loi, puisque cet accord contribue à assouplir et à renforcer le mécanisme européen de stabilité, donc à améliorer le fonctionnement de la solidarité financière européenne. J’ajoute, monsieur le président, qu’il serait utile que nous entendions les autorités de l’État ou de la Commission sur l’évolution de ces questions financières et de solidarité économique.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Une telle audition aurait en effet sa place dans le cadre des travaux que nous menons dans la perspective de la présidence française de l’Union européenne.

Mme Nicole Le Peih (LaREM). Je tiens à saluer le chemin parcouru depuis la crise de 2007 : la solidarité a été renforcée et l’Union européenne est montée en puissance. Nous nous donnons enfin les moyens d’agir et de protéger nos concitoyens. De fait, nous avons grandement progressé, et c’est une excellente nouvelle.

Rappelons-nous : en 2007, éclatait la crise financière ; en 2013, les dettes des États européens étaient déclarées fragiles et les marchés vacillaient. La tempête dans laquelle nous avons été pris alors paraissait interminable. Elle a conduit à un déballage des accords, parfois, et à un manque d’organisation criant. Au moins fallait-il en tirer les conséquences. On dit que l’Europe grandit lorsqu’elle doit surmonter des crises. Force est de constater qu’elle a suffisamment grandi pour ne pas subir la crise de la covid-19, même si, à l’occasion de cette dernière, beaucoup a encore été accompli.

Nous nous apprêtons à approuver une réforme du mécanisme européen de stabilité. Grâce à cette institution au nom passablement obscur, nous bénéficierons de nouvelles protections pour nous prémunir contre les fragilités des dettes souveraines et celles de nos institutions bancaires. Le mécanisme européen de stabilité est en effet doté de 700 milliards d’euros, et le mécanisme de résolution bancaire pourra désormais s’appuyer sur ces fonds en cas d’urgence. Ce filet de sécurité, véritable dispositif antisismique, permettra, en cas de choc, d’atténuer l’impact, donc de gagner en résilience.

Plus largement, il importe de rappeler que prévenir la crise nécessitera de rester strictement attentif à l’évolution de nos finances, publiques et privées. Depuis maintenant cinquante ans, l’endettement de nos États s’est creusé et il est à présent urgent de faire preuve d’une plus grande exigence dans la gestion de nos comptes publics. Deux stratégies sont possibles. La première consiste à opter pour un désendettement brutal, au risque de provoquer un ralentissement de notre économie. La seconde, plus sage, consiste à consacrer une partie des fruits de la croissance au désendettement. Or, selon l’INSEE, grâce aux plans de relance européen et français, notre PIB devrait retrouver, avant la fin de l’année, son niveau d’avant crise. Nous avons de l’avance sur nos partenaires européens. Les derniers chiffres de la croissance dépassent nos espérances. C’est une excellente nouvelle, et nous allons pouvoir en profiter pour engager notre désendettement. En cela, nous suivrons la trajectoire de nos entreprises puisque, selon les dernières données disponibles, la dette financière nette de ces dernières s’est stabilisée par rapport à 2019, là encore grâce à des investissements qui leur ont permis de retrouver des niveaux de marge élevés.

Le renforcement du cadre financier européen est à l’image d’une Europe en pleine transformation, et nous pouvons, sans forfanterie, être fiers du chemin parcouru.

Mme Maud Gatel (Dem). Merci, madame la rapporteure, de nous avoir si bien présenté la substantifique moelle de cet accord.

L’approfondissement des mécanismes européens de résilience et de solidarité face aux crises, qu’elles soient sanitaires, sociales ou économiques, est la clé de notre capacité de réaction aux chocs. Soudaines, souvent mondiales, ces crises doivent être anticipées ; c’est ce à quoi contribue l’accord dont nous nous apprêtons à autoriser la ratification.

Le mécanisme européen de stabilité, né en 2012 à la suite de la crise des dettes souveraines, a pour objet de doter la zone euro d’outils favorisant une plus grande stabilité économique et financière. Les Européens ont appris de leurs erreurs, notamment de leur gestion de la crise de 2008. Un fonds commun de créances a ainsi été créé, afin de renforcer la stabilité économique et financière et de se prémunir contre toute éventuelle défaillance de l’une des économies de la zone euro. Grâce à l’accord en cours de ratification, nous renforçons ce mécanisme de stabilité. L’approfondissement de l’Union économique et monétaire était l’un des objectifs défendus par Emmanuel Macron dans son discours de la Sorbonne. Il était également l’un des engagements de la Commission, qui a présenté un paquet en décembre 2017.

L’accord trouvé par les États membres comprend quatre évolutions majeures, qui contribuent au renforcement des compétences et de l’indépendance du mécanisme ainsi qu’à une simplification des règles – même si l’on pourrait aller encore un peu plus loin dans ce domaine. Ces quatre dispositions principales, assez techniques, traduisent l’ambition de disposer des outils appropriés pour briser la spirale conduisant d’une crise financière à une crise des dettes souveraines. L’accord comporte des avancées notables. Sans doute pourrait-on simplifier davantage encore et approfondir toujours plus notre union, notamment en ce qui concerne la réassurance de la garantie de dépôt. Mais il faut bien reconnaître qu’un pas notable est franchi vers la finalisation de l’Union bancaire.

C’est la raison pour laquelle le groupe MODEM votera en faveur du projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité.

M. Alain David (SOC). Si nous prenons bonne note des principales avancées de l’accord modifiant le traité instituant le mécanisme européen de stabilité, nous souhaiterions émettre quelques critiques.

Le recours au MES, dont les programmes d’aides sont pour la plupart conditionnés à la négociation de protocoles d’accords prévoyant la mise en œuvre de réformes structurelles, ne permet pas, en l’état, d’éviter, semble-t-il, les écueils de ce que fut la Troïka. Le recours à la ligne de crédits de précaution est soumis à des conditions très strictes qui pourraient être de nature à empêcher la majorité des États membres de recourir à ce mécanisme. On peut donc se demander si ces règles ne devront pas faire l’objet, comme le pacte de stabilité, d’une interprétation plus souple. Enfin, le contrôle démocratique du MES ne fait l’objet d’aucune disposition. Le Parlement européen n’est formellement associé à aucune procédure de contrôle parlementaire, non plus que les parlements nationaux.

En conséquence, nous formulerons vraisemblablement plusieurs propositions complémentaires lors de l’examen du texte en séance publique.

Mme Brigitte Liso, suppléant M. Christophe di Pompeo, rapporteur. J’apprécie que le projet de loi fasse l’objet d’une approbation quasi unanime, M. David ayant exprimé quelques réserves. À ce propos, je précise, puisqu’il a mentionné ce point, qu’aux termes de l’accord, les États qui demanderont à bénéficier de la nouvelle ligne n’auront plus à signer un protocole d’accord : ils devront respecter ex ante certains critères macro-économiques.

 

La commission adopte, à l’unanimité, l’article unique sans modification.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Madame la rapporteure, pour un coup d’essai, c’est un coup de maître !

 


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   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

Article unique

Est autorisée la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d’Allemagne, la République d’Estonie, l’Irlande, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, la République italienne, la République de Chypre, la République de Lettonie, la République de Lituanie, le Grand‑Duché de Luxembourg, la République de Malte, le Royaume des Pays‑Bas, la République d’Autriche, la République portugaise, la République de Slovénie, la République slovaque et la République de Finlande, signé à Bruxelles les 27 janvier et 8 février 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 


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annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur

● Direction générale du Trésor (ministère de l’économie et des finances) 

 

— Mme Anne Blondy-Touret, chef du service des politiques macroéconomiques et               des affaires européennes ;

— M. Hubert Bretheau, adjoint au chef du bureau Coordination et stratégie  européenne ;

— Mme Leïla Larbi, adjointe au chef du bureau Union économique et monétaire.

 

 

 


([1]) Rapport fait, au nom de la commission des finances du Sénat, sur le projet de loi autorisant la ratification de l’accord modifiant le traité instituant le Mécanisme européen de stabilité, octobre 2021.

([2]) Traité instituant le mécanisme européen de stabilité, signé à Bruxelles le 2 février 2012.

([3]) Règlement (UE) No  806/2014 du 15 juillet 2014 établissant des règles et une procédure uniformes pour la résolution des établissements de crédit et de  certaines  entreprises  d'investissement  dans  le  cadre  d'un  mécanisme  de  résolution  unique  et d'un Fonds de résolution bancaire unique, et modifiant le règlement (UE) no  1093/2010