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N° 4721

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 25 novembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCEDURE ACCÉLÉRÉE,
relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration
et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale

par Mme Élodie JACQUIER-LAFORGE,
M. Bruno QUESTEL, Mme Maina SAGE
Députés

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

par M. Mickaël NOGAL

Député

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES

par M. Didier MARTIN

Député

——

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE
ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

par M. Jean-Claude LECLABART, Mme Laurianne ROSSI

Députés

——

TOME III

COMPTES RENDUS

 

 

Voir le numéro : 4406


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SOMMAIRE

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Pages

travaux de la commission des Lois

I. Audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, et discussion générale

Première réunion du lundi 22 novembre à 17 heures

II. Examen des articles

Deuxième réunion du lundi 22 novembre à 21 heures

Première réunion du mardi 23 novembre à 17 heures

Deuxième réunion du mardi 23 novembre à 21 heures 30

Deuxième réunion du mercredi 24 novembre à 14 heures 30

Troisième réunion du mercredi 24 novembre à 21 heures

Travaux de la commission des affaires économiques saisie pour avis

I. DISCUSSION gÉnÉrale

II. Examen des articles

Réunion du mardi 16 novembre à 21 heures

Première réunion du mercredi 17 novembre à 9 heures 30

Seconde réunion du mercredi 17 novembre à 15 heures

Travaux de la commission des affaires sociales saisie pour avis

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

Seconde réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 15 heures

TRAVAUX DE LA COMMISSION du développement durable et de l’aménagement du terrIToire saisie pour avis

I. DISCUSSION gÉnÉrale

II. Examen des articles

Première réunion du mardi 16 novembre 2021 à 18 heures

Deuxième réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9 heures 30

 

travaux de la commission des Lois

I. Audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, et discussion générale

Première réunion du lundi 22 novembre à 17 heures

II. Examen des articles

Deuxième réunion du lundi 22 novembre à 21 heures

Première réunion du mardi 23 novembre à 17 heures

Deuxième réunion du mardi 23 novembre à 21 heures 30

Deuxième réunion du mercredi 24 novembre à 14 heures 30

Troisième réunion du mercredi 24 novembre à 21 heures

Travaux de la commission des affaires économiques saisie pour avis

I. DISCUSSION gÉnÉrale

II. Examen des articles

Réunion du mardi 16 novembre à 21 heures

Première réunion du mercredi 17 novembre à 9 heures 30

Seconde réunion du mercredi 17 novembre à 15 heures

Travaux de la commission des affaires sociales saisie pour avis

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

Seconde réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 15 heures

TRAVAUX DE LA COMMISSION du développement durable et de l’aménagement du terrIToire saisie pour avis

I. DISCUSSION gÉnÉrale

II. Examen des articles

Première réunion du mardi 16 novembre 2021 à 18 heures

Deuxième réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9 heures 30


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   travaux de la commission des Lois

I.   Audition de Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et de Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, et discussion générale

Première réunion du lundi 22 novembre à 17 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/FDnERS

Lors de sa première réunion du lundi 22 novembre 2021, la Commission auditionne Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques, et procède à la discussion générale sur le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (n° 4406) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Bruno Questel et Mme Maina Sage, rapporteurs).

Mme la Présidente Yaël Braun-Pivet. Mes chers collègues, nous débutons l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit 3DS.

Ce texte, examiné par le Sénat, comprend de très nombreux articles, sur lesquels plus de 1 300 amendements ont été déposés. D’ores et déjà, 178 ont été déclarés irrecevables par la commission des Finances au titre de l’article 40. De mon côté, je n’ai pas encore terminé l’examen de recevabilité au titre de l’article 45. Je vous livrerai le chiffre des irrecevabilités que j’aurai prononcées soit ce soir, soit demain. Cet examen est toujours très difficile, et c’est tout particulièrement le cas s’agissant de ce texte.

Nous procéderons cet après-midi à l’audition de Mme Jacqueline Gourault et de Mme Amélie de Montchalin, qui sera suivie de la discussion générale dans le cadre de laquelle chaque groupe s’exprimera.

Nous avons délégué plusieurs articles aux trois commissions des Affaires économiques, du Développement durable et des Affaires sociales. Notre commission des Lois ne reviendra donc pas dessus, s’en tenant à ceux qu’il lui appartient de traiter.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Le projet de loi « 3DS » vient parachever le travail important que nous avons réalisé ensemble depuis 2017 avec la loi « engagement et proximité », la loi organique sur les expérimentations locales, la loi sur la collectivité européenne d’Alsace, et, plus récemment, avec la réforme de la formation des élus. Nous avons construit ces réformes ensemble et la commission des Lois y a pris toute sa part. Nous les avons conduites au fond en suivant une même boussole : simplifier l’action publique, lever les freins et les blocages, faciliter la vie des maires et des élus. C’est le mouvement que je vous propose de poursuivre à présent avec ce projet de loi « 3DS ».

Ce texte a connu une longue maturation. Voilà deux ans que nous y réfléchissons et que nous l’élaborons avec les élus des territoires, deux ans au cours desquels j’ai fait le tour de France, à la rencontre des maires, des présidents d’intercommunalité, des présidents de département et de région, même si la crise de la covid a ralenti notre démarche. Dans le cadre de nos échanges, nous posions une même question aux élus : qu’est-ce qui, au quotidien, fait concrètement obstacle à l’exercice efficace de votre action ?

Avec les préfets, nous avons recueilli un grand nombre de propositions et les avons étudiées avec les associations d’élus pour identifier tout ce qui relevait de la loi.

Les attentes étaient fortes et concrètes. Non, les élus ne veulent pas d’un big bang ni d’un énième redécoupage des périmètres et des compétences ; ils veulent de la stabilité, des moyens et un cadre sécurisant. C’est cette vision d’une loi concrète, utile et de terrain que je défends.

Le texte repose sur quatre piliers.

Premièrement, la différenciation qui doit permettre à nos élus d’adapter au mieux la règle aux réalités de leur territoire, dans le respect du principe d’égalité inscrit dans notre Constitution. Il en va ainsi, par exemple, des dispositions sur le logement social et de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), qui vise à maintenir une ambition forte en matière de construction, tout en permettant l’adaptation locale aux contraintes des communes.

Deuxièmement, la décentralisation que nous proposons de poursuivre sur le fondement d’une idée simple : la décentralisation de projets. Il revient aux territoires de décider les compétences nouvelles qu’ils souhaitent exercer. C’est dans cet esprit que nous proposons d’engager la décentralisation sur une base volontaire de 10 000 kilomètres de routes nationales aux métropoles, aux départements et, à titre expérimental, aux régions qui le souhaitent.

Nous avons pleinement travaillé avec l’Assemblée des départements de France (ADF) et Régions de France pour aboutir à un accord afin que la répartition des tronçons entre départements et régions intervienne dans la concertation et dans un souci d’efficience des moyens consacrés aux réseaux routiers. Je vous présenterai deux amendements, conjointement avec le rapporteur.

Troisièmement, la déconcentration, corollaire de la décentralisation, sera renforcée autour de la figure du préfet, par exemple en nommant le préfet de région délégué territorial de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (ADEME), à l’image de ce que nous avons déjà fait pour d’autres agences, comme l’Agence nationale de cohésion des territoires (ANCT), afin de garantir l’unité de l’action de l’État et de ses opérateurs, ou encore en faisant du Centre d’études et d’expertise sur les risques (CEREMA), qui possède une ingénierie forte, un outil commun de l’État et des collectivités.

Quatrièmement, la simplification, que je promeus avec Amélie de Montchalin, consiste à alléger les normes qui pèsent sur le quotidien de nos concitoyens et de nos élus, à travers des mesures facilitant le partage d’informations entre administrations pour mieux protéger les élus exposés à des situations de conflit d’intérêts, faciliter leur travail en matière d’urbanisme et de revitalisation des centralités.

Telle est l’architecture de ce projet de loi qui s’inscrit pleinement dans la filiation du travail que nous avons réalisé ensemble depuis maintenant plus de quatre ans. Ce projet de loi a été adopté au Sénat en juillet. Le travail avec les sénateurs s’est bien passé. Aucune des mesures phares du texte initial n’a été supprimée.

Il reste, bien sûr, des sujets de désaccord, sur l’intercommunalité, par exemple. Tout au long de ce quinquennat et dans ce texte en particulier, le Gouvernement a fait le choix de ne pas réaliser de nouveaux transferts au profit des intercommunalités. Tel était le souhait de nombreux maires. Non, nous n’avons pas dépossédé les maires de leurs prérogatives depuis 2017, comme on l’entend dire parfois. C’est faux. Bien au contraire, à la faveur de la loi « engagement et proximité », nous avons donné aux maires la souplesse qu’ils réclamaient. C’est la raison pour laquelle je ne suis pas favorable à certains amendements adoptés par le Sénat qui tendent à revenir en arrière, sur l’eau et l’assainissement, par exemple. Je rappelle qu’au moins un cinquième de l’eau est perdu en raison d’infrastructures vétustes et qu’il s’agit d’un enjeu majeur car, avec le changement climatique, la ressource va se raréfier. Il nous faut préserver la construction intercommunale qui, dans l’immense majorité des cas, se déroule bien, voire très bien.

Un mot sur la métropole Aix-Marseille-Provence, actuellement entravée par un mode de gouvernance très particulier, hérité de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) et de la loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe). Nous travaillons avec en tête trois objectifs clairs, que j’ai présentés à l’ensemble des maires du territoire : restituer les compétences de proximité aux communes et conforter la métropole dans ses compétences stratégiques ; simplifier le fonctionnement de la métropole, ce qui passe par la suppression des conseils de territoire et le renforcement de ses services déconcentrés ; créer les conditions d’un rééquilibrage des relations financières entre la métropole et les communes. Nous progressons bien avec l’ensemble des acteurs et serons en mesure de vous présenter des propositions concrètes en séance.

J’ai rencontré bien des élus pour construire cette loi ; vous-mêmes échangez au quotidien avec ceux de vos circonscriptions respectives. Ils nous demandent de les laisser travailler, de leur donner des moyens, de faciliter leur travail et de les accompagner dans leurs projets. C’est en travaillant main dans la main que la confiance se construit. C’est ce que je porte au quotidien, et je suis fière de notre mobilisation depuis 2017 en faveur des collectivités. Je rappelle la stabilité financière, aussi bien de la dotation globale de fonctionnement (DGF), que des dotations d’investissement qui, grâce au plan de relance, sont à un niveau historiquement élevé ; la fin de la lente érosion des services départementaux de l’État ; la mise en place des programmes de l’ANCT, qui viennent en soutien de projets portés par les élus – Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services, France très haut débit.

Avec ce projet de loi « 3DS », je vous propose de prolonger cette action concrète, pragmatique et ambitieuse. Nos échanges, j’en suis sûre, seront très riches, à l’image du travail particulièrement constructif que nous avons mené ensemble ces dernières années.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la Transformation et de la fonction publiques. Ce projet, dans son ensemble, promeut une vision de simplification et reflète la manière dont nous concevons l’action publique depuis 2017, ainsi que l’a rappelé le Président de la République à la tribune du congrès des maires, la semaine dernière. Nous voulons une action publique à l’écoute de celles et ceux qui utilisent au quotidien des services publics, et une action publique qui permette à ceux qui les organisent de les faire bien fonctionner, aux côtés des collectivités et des élus qui assument des responsabilités de service public.

L’exigence de simplification de l’action publique a été au cœur de très nombreuses réformes législatives depuis 2017, que ce soit la loi pour un État au service d’une société de confiance (ESSOC) instaurant le droit à l’erreur, la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), la loi d’accélération et simplification de l’action publique (ASAP) qui a donné lieu à la suppression des commissions administratives et la déconcentration des décisions individuelles, ou encore tout ce qui a favorisé une action publique menée au bon niveau, plus simple et plus efficace.

Dès ma prise de fonction, j’ai placé la simplification au cœur de la transformation de l’action publique, guidée par deux boussoles. La première est l’impératif de transparence de l’action publique. Grâce au baromètre des résultats de l’action publique, lancé en janvier dernier, chaque Français peut savoir, en visitant le site du Gouvernement, comment se déploient, dans son département, les quarante-trois réformes prioritaires. L’immense majorité d’entre elles n’est d’ailleurs pas le seul fait du Gouvernement mais bien le fruit d’un travail partagé entre collectivités et État ou entre collectivités, impliquant d’ailleurs parfois l’action des citoyens ou des entreprises.

Seconde boussole, un pilotage de l’action publique cohérent avec une vision territorialisée, un pilotage « jusqu’au dernier kilomètre », par le renforcement de l’État territorial départemental. Le préfet du département, notamment, a gagné des marges de manœuvre budgétaires et en ressources humaines, les effectifs étant redéployés partout dans le territoire, l’action publique dans son ensemble étant pilotée par une feuille de route interministérielle adaptée – la feuille de route de la Seine-Maritime n’a rien à voir avec celle de la Charente-Maritime ou celle d’un département plus rural ou plus urbain.

Je commencerai par détailler des mesures très emblématiques qui figurent dans ce titre consacré à la simplification, particulièrement liées à l’utilisation numérique.

L’innovation numérique doit, en effet, être mobilisée pour améliorer la qualité des services publics et, partant, la relation entre l’administration et les Français. L’article 50 du projet de loi instaure ainsi, en quelques mots, un réel changement de paradigme en accélérant le partage de données entre administrations. L’une des complexités principales rencontrées par les usagers dans leurs démarches tient à l’obligation de fournir encore et encore les mêmes informations que celles dont les administrations disposent déjà. Cette disposition concrétise une simplification profonde qui doit aboutir à une action publique unifiée pour les usagers, que celle-ci soit conduite par l’État, par une collectivité ou par un opérateur social.

Ce matin même, avec Jacqueline Gourault, nous rencontrions les associations d’élus pour suivre le déploiement des 88 millions d’euros de France relance consacrés à la mise à niveau numérique des collectivités. Nous avons notamment rappelé l’ambition partagée, très forte, de déployer France Connect dans l’ensemble des collectivités – régions, départements, intercommunalités, communes.

La règle, aujourd’hui, est l’interdiction du partage de données entre administrations, sauf dérogation expressément autorisée par voie réglementaire, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). J’ai souhaité que la logique soit inversée et que le partage devienne la règle par défaut. Ce sera le cas avec l’article 50, pourvu que le partage de données bénéficie à l’usager. Cet article a, bien évidemment, fait l’objet d’un travail précis et approfondi avec la CNIL, afin de maintenir un cadre respectueux de la protection des données à caractère personnel de nos concitoyens.

Le but est aussi d’accompagner les Français dans leurs démarches. Dans de nombreuses communes, par exemple, les démarches sont souvent très lourdes pour inscrire un enfant à la crèche, pour calculer un tarif de cantine scolaire. Les familles doivent fournir de nombreux justificatifs de quotient familial ou de revenus. Pourquoi devoir encore fournir notre date de naissance, celle de nos enfants, nos adresses, des informations que la ville, la direction des finances publiques ou les allocations familiales connaissent déjà ?

Ce partage de données représente avant tout, pour moi, un outil destiné à lutter contre le non-recours – une priorité pour de très nombreux parlementaires depuis des années. Un meilleur partage des données, c’est l’octroi automatique de droits ouverts par les parlementaires. Le chèque énergie a été déployé de cette manière, et l’inscription automatique à la complémentaire santé solidaire, votée dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, rendra les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ou du minimum vieillesse directement éligibles, grâce au partage de données.

Tout cela pousse à décloisonner l’action publique, à inciter les administrations d’État et les administrations des collectivités territoriales à travailler main dans la main. Nombre des démarches qu’il nous appartient de simplifier sont réalisées à l’échelon des collectivités, quelle que soit leur taille. C’est la raison pour laquelle madame la rapporteure Jacquier-Laforge, que je tiens sincèrement à remercier, propose un amendement de rétablissement de l’article initial du projet de loi. Le seuil de 10 000 habitants introduit par le Sénat est inutile, car le texte prévoit déjà que les administrations techniquement dans l’incapacité de partager leurs données, notamment les plus petites, n’auront pas l’obligation de le faire. L’article ouvre des possibilités sans contraindre.

Pour aller plus loin, je vous proposerai un amendement pour faire en sorte que le partage de données entre administrations permette d’attribuer de façon proactive aux usagers le bénéfice des aides auxquelles ils ont droit, sans qu’ils aient eux-mêmes à en faire la démarche. Il s’agit d’ailleurs d’une pratique qui s’est développée pendant la crise sanitaire. Pour certaines aides aux entreprises, les administrations sont allées au-devant des besoins pour en assurer la pleine efficacité.

Plus largement, cette vision du numérique s’inscrit dans notre plan de numérisation des 250 démarches les plus usuelles du quotidien des Français, entreprises comme particuliers. Nous avons atteint 86 % de l’objectif et nous nous engageons à le remplir à 100 % au cours de l’année 2022.

Parce que le numérique ne remplace évidemment pas la proximité, et parce qu’il n’est pas utile ni réaliste d’opposer développement d’un numérique de qualité et développement d’un très bon réseau de proximité, fondé sur un accompagnement humain et personnalisé, Jacqueline Gourault a usé d’un volontarisme soutenu pour déployer, avec les élus locaux, le réseau France services. D’ici à la fin de l’année, ce réseau disposera de 2 000 lieux d’accueil de proximité de service public sur le territoire, puis 2 500 d’ici à la fin 2022. Ce n’est en rien un gadget. Les élus qui s’engagent dans cette dynamique disent déjà combien, après six ou neuf mois d’ouverture, l’accès aux droits des personnes en difficulté s’en trouve changé.

Une autre avancée majeure de ce texte est la part donnée à l’expérimentation au service de l’innovation de l’action publique. En matière d’expérimentation et de dérogation, on doit déjà à Jacqueline Gourault le texte majeur qu’est la loi organique sur l’expérimentation, qui a permis d’ouvrir le droit de dérogation des préfets. Mais il importe de donner aux acteurs publics comme aux entreprises davantage de marges de manœuvre en termes d’innovation.

Depuis 2016, la démarche France expérimentation a accompagné 350 projets proposés, pour un quart d’entre eux, par des start-up, mais également par des groupements d’intérêt public et des associations. Entre avril et juin, cette année, j’ai lancé un nouvel appel à projets pour que les acteurs économiques de tous nos territoires puissent solliciter des dérogations législatives expérimentales et temporaires. Le texte prolonge donc l’appel à projets France expérimentation dans le contexte de la relance. Une centaine de dossiers a été déposée. La majorité d’entre eux trouvera un accompagnement, une expérimentation de niveau réglementaire ou une clarification de leur cadre juridique d’action. Le but est de s’assurer que les lois d’hier n’empêchent pas l’innovation de demain et que tous nos territoires bénéficient de projets qui facilitent leur organisation. Par exemple, comment permettre la réutilisation des eaux usées traitées pour irriguer ? Comment entretenir des logements vacants pour donner plus de perspectives d’installation à des entreprises ou à des citoyens ? Nous présenterons probablement une disposition intéressante pour faciliter la colocation de personnes âgées dans des lieux de vie sociaux qui, aujourd’hui, ne sont pas ouverts à de telles expérimentations.

Bref, ce projet de loi « 3DS » vient ici renforcer un dispositif catalyseur d’innovation dans les territoires, tout en permettant aux agents de s’impliquer et de se former sur le terrain. Nous travaillons à de nouvelles propositions qui arriveront dans les jours qui viennent.

Le Président de la République avait pris l’engagement fort de bâtir une action publique plus proche et plus efficace. Le Gouvernement s’emploie à le tenir depuis quatre ans, et ce texte y participe réellement. À l’issue de cette période, 72 % de nos concitoyens disent faire confiance à l’administration, soit une progression de trois points depuis 2016. Du côté des entreprises, le taux de confiance dans l’administration est à ce jour de 76 %, contre 66 % en 2019. En un an, nous avons gagné dix points de confiance, ce qui montre que la manière de faire change radicalement la perception des usagers des services publics.

Parce que ces résultats nous commandent de continuer à agir, l’objet de ce projet de loi et l’action du Gouvernement s’inscrivent pleinement dans cette exigence d’une relation de confiance avec nos concitoyens.

M. Bruno Questel, rapporteur pour les titres Ier à V. Ce projet de loi est attendu et marquera, c’est certain, l’histoire des collectivités locales.

Le 15 janvier 2019, le Président de la République lançait le grand débat. En sont ressorties des attentes fortes qui se sont imposées à nous : renforcement de l’action publique de proximité ; meilleure prise en compte des particularités locales ; assouplissement de l’organisation territoriale des politiques publiques. Les acteurs locaux aspiraient à être mieux compris et soutenus dans l’exercice de leur mission. Ils exprimaient une fatigue résultant des réformes institutionnelles incessantes, les traumatismes engendrés par les lois NOTRe et MAPTAM n’étant toujours pas résorbés pour certains d’entre eux. Avec la loi « engagement et proximité », nous avons redonné aux élus, en particulier aux premiers d’entre eux, les maires, la possibilité d’agir sur le quotidien des citoyens et de mettre en œuvre leurs engagements.

La revalorisation de l’action des élus ainsi actée, le Gouvernement a repris l’ouvrage pour nous proposer un texte utile et pragmatique. Celui-ci ne peut être appréhendé avec des œillères occultant tout ce qui a été fait sous cette législature pour conforter l’action des collectivités territoriales. En matière financière, je pense à la sanctuarisation de la DGF et aux efforts importants en faveur de l’investissement, avec la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), en période ordinaire, et la dotation de soutien à l’investissement (DSIL), en période extraordinaire, avec principalement le plan de relance.

S’agissant du principe de différenciation, nous avons commencé à lui donner une concrétisation en adoptant la réforme des procédures d’expérimentation, qui a constitué la première pierre de l’édifice. Sans entrer dans le détail des dispositions des articles 1er à 5 du présent projet de loi, je relèverai néanmoins l’affirmation du principe de différenciation, indispensable à la mise en œuvre d’une approche plus fine et plus intelligente des politiques publiques, pour répondre aux problématiques spécifiques des différents territoires. Qu’il s’agisse des mesures adaptées aux enjeux transfrontaliers, de l’expérimentation tant attendue d’un financement différencié du RSA en métropole ou du développement du pouvoir réglementaire des collectivités locales, nous jetons les bases d’une pratique qui devra inéluctablement être prolongée à l’avenir.

Je relève également un nouvel acte de décentralisation routière, avec les articles 6, 7 et 8 qui permettront notamment et principalement de transférer des routes du réseau national pour les confier à titre expérimental aux régions.

Concernant les gestionnaires de collèges et lycées, le Gouvernement a proposé un début de réponse aux difficultés constatées sur le terrain depuis des décennies, avec l’article 41 – malheureusement supprimé par le Sénat. Je serai donc favorable à son rétablissement sous la forme aménagée proposée par le Gouvernement.

Initialement composé de 84 articles, ce texte a quasiment triplé de volume à l’issue de son examen par le Sénat. Il en compte désormais 217. Nombre de ces ajouts s’avèrent pertinents et ont vocation à jeter les bases d’un travail conjoint entre nos deux chambres. Certains articles devront néanmoins être supprimés, mais je souhaite ici saluer les deux rapporteurs du Sénat, Françoise Gatel et Mathieu Darnaud qui, comme à leur habitude, ont œuvré pour les collectivités locales, avec la force de persuasion qui les caractérise. Nous les retrouverons, avec mes collègues Maina Sage et Élodie Jacquier-Laforge, en commission mixte paritaire pour, j’en suis persuadé, travailler conjointement, dans le respect de nos deux assemblées, au renforcement des collectivités dans le cadre novateur que nous souhaitons tous.

Avec mes deux collègues rapporteures de la commission des lois, mais aussi avec les rapporteurs des trois autres commissions saisies du texte, nous avons mené un travail approfondi et fructueux, fondé sur l’écoute et le pragmatisme. Je salue également la contribution de la délégation aux collectivités territoriales et de son président, Jean-René Cazeneuve. Je souhaite adresser mes remerciements à notre ministre des relations avec les collectivités locales, Jacqueline Gourault, à son cabinet, ainsi qu’à la direction générale des collectivités locales (DGCL) et à son directeur.

Madame la ministre, vous avez engagé le travail de concertation sur ce texte il y a maintenant près de deux ans. Depuis, vous n’avez pas dévié de votre cap, faisant preuve d’une constance et d’une détermination sans faille. Je sais que le souci d’écoute et de concertation a été permanent, jusqu’à la dernière minute sur certains sujets, notamment aux articles 6 et 7, et qu’il se poursuit encore sur d’autres – je pense à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Je nous souhaite des débats de fond constructifs et sereins, qui aboutiront, j’en suis certain, à une loi équilibrée et juste, dans l’intérêt de toutes les collectivités territoriales de métropole, de Corse et d’outre-mer.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour les titres VI et VII. Les titres VI et VII portent sur les mesures relatives à la déconcentration et la simplification. Il me sera impossible de toutes les présenter dans mon propos liminaire, aussi insisterai-je sur quelques points.

Dans le titre VI, consacré aux mesures de déconcentration, plusieurs dispositions renforcent le rôle des préfets. Notamment, le préfet de région devient délégué territorial de l’ADEME, et le préfet coordonnateur de bassin assurera désormais systématiquement la présidence du conseil d’administration des agences de l’eau.

L’expertise du CEREMA sera mise à la disposition des collectivités territoriales qui le souhaitent.

Les maisons France services seront enfin inscrites dans la loi, la labellisation France services garantissant à tous les usagers un accès aux services publics du quotidien à moins de trente minutes de leur domicile.

S’agissant du titre VII et des mesures de simplification, je tiens à saluer le dispositif d’échange d’informations entre administrations, prévu à l’article 50. Il améliorera le principe du « Dites-le nous une fois ». Je vous proposerai de revenir sur certaines modifications du Sénat, qui fragilisent le mécanisme, mais aussi d’étendre ce dernier au domaine de l’insertion professionnelle, avec ma collègue iséroise, Monique Limon.

Autre mesure saluée, la consécration du recours à la visioconférence pour les assemblées délibérantes locales, prévue à l’article 52 bis, complète utilement le dispositif introduit pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) dans la loi « engagement et proximité ». Je vous proposerai d’étendre cette possibilité à certaines collectivités omises par le Sénat – la Corse, la Guyane et la Martinique –, ainsi qu’aux commissions permanentes, ce qui devrait répondre aux attentes de nombreux collègues.

L’article 56 concerne la réforme touchant la métropole Aix-Marseille-Provence. Il s’agit pour le Gouvernement d’en inscrire le principe dans le texte, en cohérence avec l’engagement sans précédent du chef de l’État et du Gouvernement pour ce territoire. Le Sénat a proposé des aménagements, et le travail se poursuit, à l’heure où je vous parle, entre tous les acteurs concernés pour aboutir – enfin ! – à une organisation et à des modalités d’exercice des compétences pleinement dignes de l’ambition de la deuxième métropole de notre pays. Comme mes collègues rapporteurs et moi-même l’avons souvent indiqué lors des auditions, nous ne pouvons pas nous permettre d’échouer sur ce sujet.

L’article 59 permettra d’approfondir la coopération entre les collectivités transfrontalières, en ouvrant la possibilité aux collectivités étrangères d’investir dans des sociétés publiques locales (SPL). Le besoin est réel : ces structures permettront de favoriser les projets communs, par exemple la réalisation de services de transports ou de réseaux transfrontaliers, en mutualisant les coûts. Il nous faudra veiller à préserver le contrôle des collectivités françaises dans ces entreprises, et ainsi revenir sur certaines des modifications apportées par le Sénat.

Je salue également le dispositif aménageant la responsabilité civile des gardiens d’espaces naturels s’agissant de certains sports, comme l’escalade, dispositif au sujet duquel Xavier Roseren et moi-même vous proposerons une précision utile.

Une série d’articles traitent des entreprises publiques locales (EPL). De récents rapports d’évaluation ont révélé le réel engouement suscité par le recours aux procédés de prise de participation et de filialisation par les entreprises publiques locales. Ces techniques permettent la diversification de leur activité, mais ne sont pas sans risque pour les collectivités : risque de dilution de leur pouvoir de contrôle, mais également risques financiers. Les articles 70 et 71 apportent des solutions, en renforçant le contrôle des assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires sur les EPL, et en élargissant les cas et les modalités d’intervention des commissaires aux comptes dans ces entreprises.

Un autre volet concernant les EPL est celui, capital, de la prévention des conflits d’intérêts. Un cadre juridique sécurisé est prévu, notamment à l’article 73 ter ; je vous proposerai de le préciser. Nous pouvons nous réjouir de l’évolution proposée conjointement par le Gouvernement et le Sénat. Je vous proposerai également d’étendre à toutes les EPL et à leurs filiales l’encadrement des rémunérations des élus locaux, dont l’écrêtement suggéré par la Cour des comptes.

Des simplifications déclaratives auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) ont également été introduites au Sénat. Elles vont dans le bon sens. Je vous proposerai de les préciser et de les compléter pour mettre en œuvre plusieurs recommandations de la HATVP.

Le texte comporte également d’intéressantes évolutions en matière d’évaluation des politiques publiques. En particulier, l’article 74 autorisera les collectivités territoriales à saisir la cour régionale des comptes compétente sur une thématique d’évaluation. Je vous proposerai d’aller plus loin, en permettant à ces collectivités de solliciter l’expertise des juridictions financières sur les grands projets d’investissement.

Enfin, le Sénat a enrichi le texte d’évolutions intéressantes en matière de droit funéraire, que je vous proposerai de compléter.

Pour conclure, je m’associe à mon corapporteur pour remercier mesdames les ministres et leurs cabinets du travail accompli. Je suis sûre que nous trouverons sur tous les sujets des solutions pratiques pour les élus dans le but final de répondre aux besoins de nos concitoyens.

Mme Maina Sage, rapporteure pour le titre VIII. Le texte relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et la simplification intéresse les collectivités d’outre-mer, car celles-ci présentent des spécificités géographiques, juridiques et culturelles. Pour rappel, les outre-mer représentent onze territoires, cinq départements, six collectivités, répartis dans trois océans différents, situés entre 8 000 et 22 000 kilomètres de la métropole, et près de 3 millions de nos concitoyens. Le titre VIII est certes consacré à des sujets propres aux outre-mer, mais ces territoires sont également concernés par l’ensemble du texte, en vérité. C’est pourquoi j’ai tenu à les entendre sur tous les titres.

Nous avons fortement ressenti le besoin des territoires d’outre-mer d’être mieux écoutés et pris en considération. Aussi ai-je cosigné avec mes collègues rapporteurs un amendement à l’article 1er bis, qui réclame au minimum un accusé de réception pour les demandes transmises au Premier ministre ainsi que leur recensement dans un rapport annuel rendu public. Je salue l’attention portée à ce que ces demandes soient transmises au Parlement, tout en souhaitant que les délégations aux collectivités territoriales et aux outre-mer puissent en être destinataires.

La première grande mesure du titre VIII découle des travaux menés par nos deux chambres à la suite de l’ouragan Irma qui a frappé les Antilles en 2017. L’article 75 du projet de loi permet d’instaurer par décret dans une collectivité d’outre-mer ou en Nouvelle-Calédonie l’état de calamité naturelle exceptionnelle, sous certaines conditions. Cela permettra de faciliter et d’accélérer les procédures menées par l’État en réponse à la crise.

Les missions spécifiques que nos deux chambres avaient conduites sur la gestion des risques naturels majeurs avaient donné lieu à la création d’une délégation interministérielle aux risques majeurs. Pendant deux ans, l’ensemble des territoires s’y sont réunis pour formuler des propositions à la fois sur le volet préventif, sur la gestion de la crise et sur la reconstruction. Je salue, à cet égard, les travaux de notre collègue Fabien Matras. Pour ma part, je soutiendrai des amendements pour renforcer les actions de développement de la culture du risque, notamment dans le milieu scolaire.

Enfin, il me semble utile de clarifier le déclenchement de ce mécanisme dans les collectivités relevant de l’article 74 de la Constitution et en Nouvelle-Calédonie ainsi que de travailler à des outils de transparence et d’évaluation de ce dispositif.

L’article 76 prévoit et organise le transfert des zones des agences des cinquante pas géométriques vers les collectivités de Guadeloupe et de Martinique. Le Sénat a procédé à cet apport très utile, repris dans la loi « climat et résilience ». C’est la raison pour laquelle il a vocation à être supprimé. Il conviendra néanmoins de préparer les collectivités pour assurer la qualité de ce transfert et les accompagner, étape par étape. Nous proposons également que les agences puissent être présidées par des représentants de ces collectivités.

Cet article facilite aussi la régularisation foncière, problème récurrent dans tous les territoires d’outre-mer. L’article 77, ajouté par le Sénat, promeut la prescription acquisitive pour accélérer la régularisation des problématiques foncières à Mayotte.

L’organisation de la santé est particulièrement sensible en outre-mer. L’article 81 bis prévoit un rapport sur l’organisation du système de santé à Saint-Barthélemy pour poser les contours de la création d’une caisse autonome. J’ai souhaité soutenir la demande de notre collègue Olivier Serva d’un rapport spécifique à la Guadeloupe. Dans les circonstances actuelles, je tiens à apporter tout notre soutien à nos collègues élus de Guadeloupe et aux autorités locales. La crise sanitaire révèle des retards structurels et la situation mérite toute notre attention et notre vigilance. Puissions-nous, en votant ce texte, être utiles et aider à rétablir le dialogue le plus rapidement possible.

Plus rapidement, d’autres dispositions du titre VIII traitent de sujets liés aux terres australes, tels les prêts participatifs que nous étendrons aux conventions de mandat ou encore l’organisation des conseils économiques sociaux de ces territoires.

Un amendement tendra à ajouter un article facilitant la cohérence de l’application de la loi « littoral » en Guyane et à Mayotte pour tenir compte des spécificités de ces territoires

Pour terminer, j’appelle l’attention sur une difficulté récurrente dans l’ensemble du texte. Le fait que certains territoires soient cités et pas d’autres nuit à la lisibilité du droit applicable en outre-mer. Il serait utile que nous soutenions ensemble la création d’un véritable code des outre-mer.

Je tiens à remercier l’ensemble des personnes auditionnées, les administrateurs de la commission et toutes les équipes ministérielles avec lesquelles nous avons travaillé sur ces différents articles. Un dernier mot à l’adresse à mes collègues Bruno Questel et Élodie Jacquier-Laforge pour évoquer l’excellente coopération qui a présidé à la préparation de ce texte.

M. Rémy Rebeyrotte. On continue d’entendre ici ou là des discours infondés.

D’abord, l’intercommunalité n’est pas l’ennemi des communes, bien au contraire, et le sera de moins en moins avec ce texte qui va rétablir l’équilibre entre communes et intercommunalités.

En 1992, les communes ont vu augmenter leurs compétences, parmi lesquelles certaines qu’elles ne pouvaient plus gérer seules et dont la gestion avait besoin de stabilité –développement économique, collecte et traitement des déchets, en particulier. Le choix a été fait du maintien de la proximité communale parallèlement à la construction d’outils de gestion stables au travers des intercommunalités. Nous avons ainsi, heureusement, échappé à des fusions autoritaires de communes qu’on a pu voir dans d’autres pays.

L’intercommunalité se révèle encore plus pertinente aujourd’hui au regard des enjeux de la transition écologique et de la résilience climatique : gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations (GEMAPI), eau potable et assainissement, mobilité, organisation du territoire, préservation des espaces naturels, etc.

Dans le même ordre d’idée, la loi SRU, dont il s’agit ici de réaffirmer la nécessité et de prolonger les effets, a été faite, non pas pour ennuyer les communes, mais pour lutter contre la ghettoïsation, le cloisonnement urbain des populations, et pour maintenir, sans doute insuffisamment, une mixité des publics et des parcours dans l’habitat – d’où les mesures tendant à renforcer la mixité et la diversité dans le texte.

Faut-il également rappeler ici la nécessaire unicité de l’État sur le plan national mais aussi et surtout dans les territoires ? Plus que jamais, les élus et les acteurs locaux en ont besoin. Rien n’est plus déstabilisant que d’avoir, sur un dossier, des avis divergents, exprimés par des directions appartenant toutes à l’État, parfois devant le préfet lui-même, un peu comme si, parallèlement aux préfets de département ou de région, il y avait un préfet de l’environnement ou un préfet de la santé, pour ne prendre que deux exemples de grands secteurs de compétence de l’État.

Non, les agences et les services extérieurs ne sont pas autonomes ou autarciques ; ils doivent travailler très étroitement avec les préfets, sous leur autorité – qui est celle du Gouvernement – et dans un rapport de confiance indispensable. Dire cela n’est pas remettre en cause l’existence des agences ou des services extérieurs, c’est réaffirmer l’unicité de l’État, toujours nécessaire et encore plus impérieuse dans une période de crise majeure. L’État débat en interne, comme toute institution mais, vis-à-vis de ses partenaires, l’information et la décision doivent être fluides, claires, uniques et incarnées. Dans ce texte, nous faisons des pas en ce sens.

On nous reprochera sans doute de faire la part belle aux départements, un peu aux métropoles aussi, dans de nouveaux enjeux de décentralisation – sans revenir, heureusement, à la clause de compétence générale. Or, depuis la loi de 2016, la taille de certaines régions a renforcé la place du département, l’intérêt de sa dimension et de sa proximité. De plus, depuis l’origine, le département est une institution de gestion dotée de services et de personnels, ce qui en fait une institution stable et apte à accueillir de nouvelles compétences, si elle le souhaite, ou à conforter les compétences existantes. Le texte tient compte de ces réalités.

S’agissant de la différenciation, le choix a été fait d’étendre le pouvoir réglementaire local ainsi que la possibilité des expérimentations, c’est-à-dire d’aller au maximum de ce qu’il est possible de faire sans changement constitutionnel. C’est là un débat qui dépasse nos préoccupations de ce jour.

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais rappeler au moment où nous abordons ce dernier texte du mandat, qui facilitera la vie des élus et des acteurs locaux de nos territoires – c’est bien ce qui caractérise les différents textes dont nous avons eu à débattre au cours de cette législature. Ainsi nos collègues élus et les acteurs locaux pourront-ils prendre plus facilement l’initiative, à un moment où leur engagement pour la relance du pays est un enjeu majeur dans l’ensemble de nos territoires.

M. Sébastien Jumel. Ce sont juste deux questions qui ne sont pas abordées dans la loi !

M. Vincent Bru. Ce projet de loi était très attendu, comme en témoigne l’ample travail accompli par nos ministres depuis deux ans, en lien avec les différents acteurs locaux, tous désireux de faire de ce texte un véritable atout pour la vitalité et le développement harmonieux de nos territoires.

S’il ne bouleverse pas fondamentalement le cadre de la décentralisation, ce texte a vocation à rendre plus fluide et plus efficace l’action publique dans les territoires, à faciliter le quotidien des élus au sein de nos collectivités. La crise sanitaire nous a en effet montré l’importance qu’il y a à introduire plus de souplesse, plus de simplification, plus de pragmatisme dans l’action publique.

Depuis 2010, les réformes à répétition n’ont pas toujours été à la hauteur des enjeux, il faut bien le reconnaître. C’est pourquoi ce projet de loi doit véritablement traduire l’ambition nouvelle du Président de la République et de notre majorité pour nos territoires : celle de la confiance dans nos élus locaux, dans les territoires et dans la valorisation de la proximité.

Le Sénat nous a transmis un texte qui a fortement évolué. Notre groupe a choisi de ne pas partir dans tous les sens et de se concentrer sur quatre axes prioritaires. Premièrement, la gouvernance des agences publiques doit être plus efficace et plus lisible pour une meilleure action au service du territoire. Nous soutiendrons des amendements en ce sens. Deuxièmement, les compétences des collectivités en matière de transition écologique et de mobilité doivent être renforcées, car elles ont un rôle à jouer dans ce domaine. Troisièmement, s’agissant de l’urbanisme, et notamment du logement, nous mettons un point d’honneur à ce que soit renforcée la mixité sociale. Quatrièmement, en matière de coopération transfrontalière, nous nous préoccupons de la répartition des compétences de police administrative ou de santé.

Notre groupe pense qu’il ne faut pas présenter des amendements trop nombreux, et nous sommes tous d’accord pour rétablir en grande partie les articles modifiés par le Sénat. C’est la raison pour laquelle nous soutiendrons les amendements qui seront présentés par les rapporteurs.

Nous avons également essayé d’apporter des éléments nouveaux. Je défendrai, en particulier, un amendement portant sur les biens sans maître – essentiellement des terrains –, afin de faciliter leur appropriation par les communes.

À l’initiative de Sylvain Waserman, nous proposerons des amendements relatifs à la coopération transfrontalière. Ils visent à développer l’apprentissage transfrontalier, à faciliter les manifestations sportives transfrontalières et à protéger les sociétés publiques locales dans lesquelles des collectivités étrangères détiennent des capitaux.

Notre collègue Christophe Blanchet est également à l’origine d’amendements, dont l’un concerne l’élargissement au département de l’utilisation de mécanismes de mise en réserve, déjà pratiquée au niveau interdépartemental, pour gérer la répartition du fonds national de péréquation des droits de mutation à titre onéreux.

Un de nos amendements tendait à donner, à titre expérimental et pour une durée de trois ans, aux départements et régions la possibilité de déléguer les compétences concernant les infirmières, les gestionnaires et intendants de collèges et de lycées. Je viens d’apprendre que cet amendement a été déclaré irrecevable, mais je pense que le sujet nécessite néanmoins d’être traité. J’aimerais d’ailleurs avoir l’avis de madame la ministre sur ce sujet.

La discussion qui s’ouvre aujourd’hui doit nous permettre d’avancer ensemble vers un renforcement de la cohésion de notre territoire et de l’efficacité de l’action publique en son sein. C’est la raison pour laquelle notre groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés soutient très largement ce projet de loi.

M. Hervé Saulignac. Nous voilà donc devant un texte très attendu, sans doute parce que très annoncé à la suite du grand débat national. Celui-ci a été l’occasion pour le Président de la République de se confronter au mal-être des élus locaux, en manque de considération, de moyens ou de latitude pour agir – ils ont pourtant été déterminants dans la lutte contre la covid-19, par leurs initiatives, leur audace, leur réactivité et leur capacité à se mobiliser. J’avais donc cru comprendre que ce texte devait être la traduction des engagements du chef de l’État, constituer une réponse, même partielle, à la crise des Gilets jaunes, et un nouvel élan donné à la république territoriale.

Chacun constatera que rien de ce qui a été promis par le Président de la République n’y figure. Cela ne signifie pas pour autant que rien n’est intéressant, mais on ne trouve pas de trace des débats sur les échelons administratifs trop nombreux, les niveaux de collectivités qui s’empilent, l’ambition de changer le mode d’organisation de notre République, la nécessité d’une plus grande proximité, d’une plus grande clarté dans l’action publique, etc. Nulle part ne figurent des réponses à ces questions, dont pourtant chacun partage le bien-fondé. À aucun moment, le texte ne semble vouloir se connecter un tant soit peu avec l’esprit des pères fondateurs de la décentralisation, malgré ce que son titre laisse accroire.

Alors même que ces fameux 3D devraient contribuer à revigorer la démocratie, on peine à croire que plus de 200 articles, souvent sans grande cohérence, n’atteignent pas leur objectif. Ce texte a d’ailleurs recueilli les avis défavorables du Conseil national d’évaluation des normes, ainsi que du Conseil d’État qui, lui-même, déplore les absences de ce texte.

Loin d’engager une grande réforme, ce texte paraît boucher des trous tous azimuts. Boucher des trous, pourquoi pas, mais bouchons-les ensemble et essayons au moins de le faire en cohérence avec l’objectif de simplification affiché. Force est de constater que certains articles alourdissent plus qu’ils n’allègent, que d’autres ont un caractère particulièrement limité, si limité que l’on pourrait peut-être admettre que leur vertu simplificatrice est à peu près nulle.

Il faudrait être malhonnête pour ne pas voir, dans ce grand catalogue, des avancées sur les agences publiques d’État, sur l’aide à l’installation des professions de santé, et sur un certain nombre de procédures de délégations de compétences entre l’État et les collectivités. Mais ce texte répondra-t-il aux attentes de nos concitoyens, dont chacun sait qu’ils nourrissent de la défiance à l’égard de leurs élus et des institutions ? Si la confiance vis-à-vis de l’administration s’améliore, et c’est tant mieux, la défiance envers les élus, elle, ne s’améliore pas. Ce texte aurait pu être l’occasion d’y remédier.

Apporte-t-il des réponses solides aux élus qui, pour les plus anciens, ont bien vu que notre modèle prétendument décentralisé est en réalité très dépendant d’un État qui lentement reprend la main ces dernières années ? Nous aurions aimé parler levier fiscal, relations financières avec l’État, coordination de l’action publique, tous sujets qui intéressent vraiment les élus locaux et dont ils parlent entre eux. Nous aurions aussi aimé débattre de démocratie locale, à l’heure où l’abstention règne en maître, de participation citoyenne, de processus électoraux, quand on ne sait plus vraiment distribuer une profession de foi ou dématérialiser une procuration. Malheureusement, nous allons légiférer sur l’alignement des arbres, sur la mise en place de radars automatiques par les collectivités, sur la visioconférence pour les commissions permanentes ou bien encore, pour celui qui dispose de trois francs six sous, sur la façon de récupérer le RSA sur un livret épargne. J’ose espérer que l’on corrigera cela !

On attendra donc encore un peu pour connaître une nouvelle ère de la décentralisation. Nous défendrons, quand les articles nous le permettront, une république des territoires qui a besoin de retrouver du souffle, du sens et de l’efficience, car il y va de l’avenir de notre démocratie.

M. Christophe Euzet. En 2017, le Président de la République Emmanuel Macron appelait déjà de ses vœux une nouvelle donne territoriale, un État partenaire appelé à se substituer à l’État censeur, trop souvent décrié. Depuis, des événements majeurs sont venus bouleverser notre pays ; le mouvement des Gilets jaunes et la covid-19 ont révélé une demande et un besoin criants de collectivités territoriales.

Mesdames les ministres, vous nous présentez ce projet de loi au terme de trois ans de travail. Il arrive considérablement enrichi, parfois même alourdi, par le Sénat, ce qui incite le groupe Agir ensemble à rechercher une position d’équilibre entre la version initiale et celle portée à notre connaissance aujourd’hui.

Ce texte repose sur un certain nombre de piliers que les précédents orateurs ont déjà évoqués. Le renforcement de la différenciation territoriale et de l’expérimentation devrait être largement abordé dans la suite des débats. Sur les nouvelles étapes de la décentralisation, les paroles sont tenues, notamment en matière de logement, de transport, de transition écologique. Sur la question de la déconcentration, le renforcement des pouvoirs du préfet nous paraît une bonne chose. En dépit de ce qu’on peut en dire par ailleurs, ce projet de loi est un nouvel acte de décentralisation, adapté et fortement orienté, qui reprend résolument les annonces du Président de la République à l’issue du grand débat national le 25 avril 2019.

Il faut rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce texte ainsi que les dispositifs législatifs multiples qui ont été déployés depuis le début de la législature. Je pense à la loi « engagement et proximité », à la loi « expérimentations locales », mais également à la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Il était utile, madame la ministre, de rappeler que des dispositifs majeurs comme Action cœur de ville, Petites villes de demain ou France très haut débit ont jalonné l’action continue du Gouvernement et de sa majorité pendant toute la période, avec une volonté claire de simplifier, de faciliter, de lever freins et blocages.

La nécessité a été évoquée d’aller bien plus loin et de provoquer un changement majeur. En tout état de cause, ce projet de loi, à droit constitutionnel constant, fait œuvre utile et pratique au regard de la stabilisation de l’intercommunalité – qui n’est effectivement pas l’ennemi de la commune –, des grands équilibres et des grands blocs, notamment de la DGF, dans un souci d’accompagnement des collectivités territoriales et de bienveillance, car l’État ne saurait davantage être l’ennemi des collectivités territoriales. Ils fonctionnent de concert, comme chacun sait.

Pour ce qui est du groupe Agir ensemble, il accueille avec bienveillance la pérennisation du dispositif SRU. Nous veillerons néanmoins à ce que les considérations quantitatives ne soient pas privilégiées au détriment du qualitatif. Nous nous préoccupons également des questions de mixité sociale, de sanctions et du décompte des logements sociaux.

Nous voyons également d’un bon œil l’amendement très positif des rapporteurs, visant à assortir d’un certain nombre de garanties la transmission des demandes d’adaptation de l’ensemble des collectivités. Il est en effet utile de favoriser un changement de pratiques afin que les forces de proposition des collectivités territoriales soient pleinement entendues et prises en considération.

Madame la ministre de Montchalin, vous avez évoqué un amendement à venir qui devrait nous faire basculer vers une administration proactive dans le cadre de l’article 50. À quel type de prestation pensez-vous ? Quels droits pourraient être attribués automatiquement ? À qui et sous quelles conditions ?

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Vingt années de députation et presque autant de textes promettant décentralisation, déconcentration et simplification pour nos territoires ! En réalité, aucune loi n’a su faire ses preuves autant que les premières lois de décentralisation, mises en œuvre en 1982. Dernier grand acte, la loi NOTRe et la fusion des vingt-deux régions en treize nouveaux territoires, comportant son lot d’incohérences et ses irritants qui ne sont toujours pas corrigés, y compris par ce texte. Même si retracer sur une carte tous vos déplacements depuis 2017 est une tâche bien ardue, madame le ministre, je ne suis pas persuadé que ce long et sérieux travail de terrain, que vous avez réalisé à la rencontre de nos élus locaux et des préfets, se retrouve entièrement dans ce projet. Charge à nous, parlementaires, de suivre la voie ouverte par les sénateurs pour, non pas détricoter le travail des uns et des autres, mais avancer ensemble.

La différenciation est présentée comme une aspiration majeure du projet. Comme le Conseil d’État l’avait relevé dans son avis du 7 décembre 2017 sur la différenciation des compétences, la reconnaissance aux collectivités territoriales de marges de manœuvre accrues est de nature à renforcer la démocratie locale et à leur permettre d’exercer leurs compétences avec une plus grande efficacité.

Le principe d’égalité a été consacré au sein du bloc de constitutionnalité par la Déclaration des droits de l’Homme, notamment son article 6, et par le préambule de la Constitution de 1946. Il l’a également été par la jurisprudence, depuis la décision du Conseil constitutionnel du 27 décembre 1973, dite taxation d’office, qui en a fait un élément majeur du contrôle de conformité des lois. Bien qu’elle soit, par principe, proscrite par le bloc de constitutionnalité, une jurisprudence constante du Conseil constitutionnel considère que le principe d’égalité devant la loi ne s’oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu’il déroge à l’égalité pour des raisons d’intérêt général. Des exemples existent d’ores et déjà : la collectivité européenne d’Alsace, la Corse et les DOM-TOM.

Votre projet de différenciation apportera-t-il une réelle avancée ou restera-t-il une pétition de principe ? Je crains que notre droit ne soit très complexe et j’émets de forts doutes. Je proposerai néanmoins, par amendements, de poser les jalons d’une réflexion pour un statut adapté à l’hyper-ruralité. Certains territoires n’y parviendront que par des mesures particulières. Il ne peut y avoir de territoires oubliés de la République. Madame la ministre, êtes-vous prête à engager une réflexion sur une expérimentation spécifique sur la notion d’hyper-ruralité, chère au feu sénateur de la Lozère, Alain Bertrand ?

Cela permettrait également de traiter de manière spécifique le département de la Lozère, territoire de montagne situé à 1 000 mètres d’altitude et le seul à compter moins de 100 000 habitants – 76 000, avec une moyenne de 15 habitants au kilomètre carré. Autant dire que nous sommes toujours atypiques, pour ne pas dire en dehors de toutes les normes, et ce serait un geste de la part du Gouvernement que de bien vouloir en tenir compte.

Nos collègues sénateurs ont introduit un article 13 quater qui autorise l’abattage des loups. Ceux-ci constituent un fléau particulier aux zones de montagne, et il serait bon de permettre des avancées sur ce sujet.

Je salue, au nom de mon groupe, le renforcement du poids des élus dans les agences régionales de santé (ARS), même si l’utilité de ces monstres administratifs, continuellement critiqués, reste à définir.

Enfin, mes collègues de l’UDI, Philippe Gomès et Philippe Dunoyer, seront particulièrement attentifs au volet relatif aux outre-mer et vous proposeront des évolutions par voie d’amendement.

M. Paul Molac. En 2019, le Président de la République avait annoncé un nouvel acte de décentralisation, souhaitant changer le mode d’organisation de notre République, notamment sur les problématiques de la vie quotidienne – transition écologique, logement, transport –, avec un objectif de garantie de décision au plus près du terrain. Pour notre groupe, le texte qui nous est présenté n’a rien d’une loi de décentralisation, et encore moins d’une loi relative à l’autonomie des collectivités locales et l’autonomie régionale que nous appelons de nos vœux. Par rapport à nos voisins, qui sont tous des États régionaux ou fédéraux, la France est bien singulière.

Ce projet de loi risque donc d’être une occasion manquée, et la déception est pour nous assez grande. Si certains articles sont bienvenus, on voit bien que l’État se débarrasse de ce qu’il ne veut plus gérer. Je pense aux petites lignes de chemin de fer, qui ne sont plus entretenues depuis des années, ou au défaut d’investissement dans les établissements publics de santé. Cela ne me paraît pas totalement anodin. À titre d’illustration, le centre hospitalier de la ville de Redon doit être reconstruit pour un montant de 200 millions d’euros ; l’ARS nous propose une participation de 22 %, et nous laisse trouver les 78 % restants. Ce n’est pas avec un hôpital en déficit, comme le sont tous les hôpitaux, que nous pourrons contracter un emprunt. On voit bien la tendance qui se dessine : débrouillez-vous avec vos collectivités locales ! Mais quels financements mobiliser ? Une part de CSG, peut-être ?

S’agissant des routes nationales, il en reste assez peu à transférer.

Nous aurions aimé qu’il soit répondu aux demandes de compétences concernant la santé, la formation, l’emploi, l’eau, l’environnement et notamment la gestion de la politique agricole commune, souhaitée par la région Bretagne. Si quelques velléités se dessinent, ce texte ne va vraiment pas au bout des choses.

Les critères drastiques de recevabilité des amendements font que les deux tiers de nos amendements ont été jugés irrecevables : demander des transferts de compétences est désormais considéré comme une charge, ce qui est contestable puisque l’on ne fait que les transférer de l’État aux régions. Nous sommes donc circonspects s’agissant de la déconcentration. Donner plus de pouvoir au préfet, ce n’est pas donner plus de pouvoir aux élus du peuple, c’est donner plus de pouvoir à l’administration, en l’occurrence, au ministre de l’Intérieur qui devient un super ministre. Je ne sais si l’inspection académique, qui dépend directement du ministère de l’Éducation nationale, dépendra des préfets, comme ce sera le cas pour l’ADEME, si la loi est votée, mais cela m’inquiète, car faire de la décentralisation et de l’autonomie régionale n’est pas leur rôle.

Nous plaidons pour l’autonomie fiscale, qui a été réduite à trois fois rien. Vous avez supprimé la taxe d’habitation, et avant vous « la patente » avait connu le même sort. Or les élus doivent pouvoir lever des impôts en fonction des compétences qui sont les leurs, sans avoir à attendre une dotation qui viendrait de l’État. Ainsi, les départements qui demandent la recentralisation du RSA peinent peut-être à le payer à cause d’une péréquation insuffisante. Je ne pense pas que ce soit une bonne disposition de recentraliser le RSA.

S’agissant des mesures de différenciation, vous avez dit, à juste titre, que la carte des régions a été une erreur – je l’avais moi-même dit en 2015 et j’avais voté contre. Je note que deux territoires réclament une adaptation : l’Alsace, qui souhaite redevenir une région ; la Bretagne qui plaide pour sa réunification historique à cinq départements et non quatre. À cet égard, le département de Loire-Atlantique a demandé l’organisation d’un référendum au Président de la République, qui ne lui a toujours pas répondu.

Pour conclure, ce projet de loi est très en deçà de ce que nous sommes en droit d’attendre.

M. Sébastien Jumel. Au sein du groupe GDR, nous sommes pour un État qui protège, pour un État qui prend soin. Nous considérons que la première pierre sur laquelle repose tout l’édifice républicain est la capacité de l’État à rendre concrète l’égalité républicaine. Cela suppose que, où que l’on habite, où que l’on naisse, y compris dans les territoires oubliés, humiliés de la République, l’on puisse avoir accès aux mêmes droits – au logement, à la santé, à l’éducation, à l’emploi –, et aspirer à une vie digne, du berceau jusqu’à la tombe. Force est de constater que, même si vous êtes très sympathique, madame la ministre, et très à l’écoute, le compte n’y est pas. Vos différentes réformes ont abîmé la République, qui devrait être présente partout et pour tous. Le seul exemple des déserts médicaux et des 6 millions de Français qui n’ont pas accès au droit fondamental à la santé illustre concrètement cette absence de l’État qui prend soin.

Cet attachement à un État fort qui tient son rang et son rôle sur les questions d’aménagement du territoire et de péréquation, y compris en termes de moyens, n’est pas contradictoire avec notre volonté de défendre ardemment la commune et le principe de libre administration des collectivités locales. De ce point de vue, je le dis avec les maires de France : les communes, piliers de la République de proximité, ne demandent pas à être flattées ; elles veulent seulement être écoutées, accompagnées, respectées. Une chose est de saluer leur mobilisation exemplaire pendant la crise sanitaire, une autre est de veiller à ce que les compensations des dépenses interviennent dans les temps et à l’euro près, ce qui n’est pas le cas. Le niveau de dépendance des collectivités à l’égard de l’État a augmenté de façon préoccupante du fait de la suppression de la taxe d’habitation, pour les communes, et de la suppression des impôts de production, pour les intercommunalités.

Les députés de la majorité pourraient crier en chœur : hors sujet ! Eh bien, non ! Car moins l’État assure, moins l’État assume, moins l’État protège, plus il est enclin à se délester sur les collectivités locales en leur demandant de financer ce qu’il n’est plus en situation d’assumer lui-même. Les routes nationales abandonnées, les petites lignes nécessaires pour aller se soigner, travailler ou se former, l’invitation à participer aux investissements pour pallier l’abîme de l’hôpital public en sont l’illustration.

Hormis les outre-mer et la Corse, qui peuvent légitimement prétendre à une adaptation, la différenciation nous semble dangereuse pour l’unicité de la République. La décentralisation à la carte est tout aussi dangereuse, qui explose l’unicité de la France « façon puzzle », comme on dit chez les Tontons flingueurs ! Enfin, on a peine à croire sur le terrain que la déconcentration corrigera concrètement le déménagement du territoire et la préoccupante métropolisation des réponses publiques depuis la loi NOTRe. D’ailleurs, les corrections que le Président de la République, à Bourgtheroulde, chez notre collègue de l’Eure, avait envisagé d’y apporter ne sont pas dans ce projet de loi.

Votre admirable sens de l’égalité consiste à donner tout à ceux qui ont déjà beaucoup. Le couple préfet-maire est un couple à l’ancienne, où le premier décide de tout, tout le temps, pour toute la famille. Dans les faits, les directeurs académiques des services de l’éducation nationale (DASEN) continuent de faire pression sur les maires pour réduire les classes, voire pour supprimer des écoles en milieu rural. Dans le même temps, les sous-préfets continuent d’être notés en fonction des intercommunalités mastodontes qu’ils construisent, voire qu’ils imposent dans les territoires.

Quant à l’objectif que vous assignez de réduire ce qui fait obstacle au quotidien à l’exercice des missions des maires – plans de prévention des risques inondation (PPRI), plans de prévention des risques naturels (PPRN), défense incendie –, ces normes sont élaborées loin du cœur, loin des yeux, en tout cas loin du terrain, complexifiant l’exercice quotidien de nos maires. Tout semble conçu comme s’il s’agissait de faire entrer les élus locaux dans des moules confectionnés loin des réalités quotidiennes.

Si certains dispositifs vont dans le bon sens lorsqu’ils sont accompagnés financièrement – Action cœur de ville apporte vraiment des corrections dans les villes moyennes –, force est de constater que la généralisation des appels à projets, dans des délais intenables techniquement, voire administrativement, est de nature à renforcer les inégalités territoriales. Les collectivités ne sont pas toutes armées de la même manière en ingénierie et en compétences pour y répondre.

Renforcement du poids des élus et des usagers dans la gouvernance et l’élaboration des réponses aux questions qui les concernent en matière de santé et de logement, place essentielle du couple communes-département dans l’action de proximité, renforcement du rôle des régions et de l’État dans l’aménagement du territoire, j’espère que le débat nous permettra d’aborder tous ces sujets.

M. Raphaël Schellenberger. Au départ, il y avait une difficulté majeure de votre pouvoir avec les corps intermédiaires. La première crise d’ampleur du quinquennat, celle des Gilets jaunes, est née, sans conteste, de votre incapacité à concevoir que la décision publique se construit avec des acteurs intermédiaires – des relais dans l’entreprise, dans la vie associative et les fédérations ou les collectivités territoriales, dans la vie politique. Vous avez entendu la critique politique sur l’absence de prise en compte des territoires et la déconnexion de la réalité des collectivités territoriales. Vous avez tenté d’apporter une réponse avec la loi « engagement et proximité », qui cherchait à répondre à la question de la place des maires, à peu près au moment où il fallait recruter des candidats aux élections municipales. C’était opportun !

Au cours de la discussion de ce texte, on a beaucoup parlé d’Alexis de Tocqueville, de sa conception de la démocratie en Amérique et de la nécessité de faire confiance à la proximité et à cet échelon où le citoyen comprend et participe activement à la décision publique locale. Mais attention, le cadre était posé : il n’y aurait pas de Grand soir de l’organisation territoriale en France, même si tout le monde convenait que le principal grain de riz dans les rouages – qui était tout même très gros – était cette loi NOTRe, voulue sous le quinquennat précédent par nos amis socialistes. Il y avait donc à la fois une promesse de stabilité – on ne touche pas à la loi NOTRe – et une promesse de récupération des corps intermédiaires.

La loi « engagement et proximité » n’était pas suffisante et il fallait bien que la ministre de tutelle du ministre délégué qui l’avait soutenue propose un texte plus ambitieux. Naquit le projet de loi « 3DS » – déconcentration, décentralisation, différenciation, simplification, cette dernière remplaçant avantageusement le terme de « décomplexification » un temps évoqué par le Premier ministre. Si cela est plus simple à comprendre, ces termes ne veulent pas dire grand-chose pour les Français.

Nous qui sommes tous, notamment au sein de cette commission, des spécialistes de la construction de la décision publique locale, de l’administration locale, nous savons à peu près ce que signifie « décentralisation ». La « déconcentration », ceux qui ont fait un peu de droit l’ont rencontrée au moins une fois au détour d’un cours et ceux qui ont exercé des mandats locaux ont à peu près compris qu’il s’agissait du sous-préfet. Quant à la « différenciation », c’est la recette miracle : quand le système ne marche pas, on invente un nouveau terme ! Dans tous les cas, on cherche à apporter une réponse complexe à un problème pourtant simple : la responsabilité et la capacité d’agir des élus locaux. Avec la loi au titre pompeux de « nouvelle organisation territoriale de la République », on a compliqué la capacité d’agir des élus locaux. Plutôt que de leur rendre la capacité d’agir en les laissant simplement faire ce dont ils avaient besoin, se saisir des problèmes, créer des politiques innovantes et de nouveaux moyens d’action, on leur a dit de demander s’ils en avaient le droit, et que, si l’on jugeait cela opportun sur leur territoire, alors peut-être on légiférerait pour leur donner le droit de faire ! C’est là une façon bien compliquée de concevoir un système simple d’action locale et d’action efficace.

Je sais qu’il est très difficile d’accepter l’idée que d’autres que soi-même peuvent faire bien, différemment et efficacement. On le voit y compris dans les collectivités territoriales, quand le département et la région ne s’entendent pas ou quand le département et les communes ont des objectifs différents. Pourtant, c’est aussi cela l’administration locale, la libre administration des collectivités. C’est ce qui fait la beauté de notre politique locale que chacun puisse librement s’administrer, même de façon différente. Malheureusement, ce n’est pas tout à fait l’esprit de ce texte, qui se fonde plutôt sur la volonté de contrôler ce que feront les collectivités locales, considérées comme des niveaux infra de l’État, des exécutantes des décisions du niveau central. Cela ne nous satisfait pas.

Le texte du Sénat est un minimum. Malheureusement avec quatre-vingts amendements de suppression déposés par vos rapporteurs et plus de 60 % de nos amendements jugés irrecevables, il nous semble difficile de tomber sur un point d’accord.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je partage la vision de Rémy Rebeyrotte d’une intercommunalité qui conforte les communes. C’est toujours ce que j’ai pensé et en quoi j’ai cru. Ce texte ne fragilise en rien les communes, bien au contraire. Merci de l’avoir rappelé.

Nous sommes absolument d’accord sur l’unicité de l’État dans les territoires. J’indique à monsieur Jumel que les préfets représentent l’ensemble du Gouvernement, l’ensemble des ministres. Notre destin ne passe pas par le ministère de l’Intérieur, sauf pour l’aspect sécuritaire. Amélie de Montchalin et moi-même travaillons en permanence avec les préfets. Je crois à cette unicité ou unité de l’État, car il est impossible que certains établissements publics oublient les liens qui les unissent à l’État, ce qui est souvent reproché dans les territoires.

Vincent Bru s’est préoccupé de la recherche de la fluidité de l’action publique : elle s’inscrit précisément dans l’esprit de notre loi, tout comme la confiance et la proximité. S’agissant de la possibilité de donner délégation pour les gestionnaires de collège et de lycée, nous en avions introduit le principe dans la loi. Le Sénat l’a supprimé, non pas parce qu’il n’était pas d’accord, mais parce qu’il trouvait que nous n’allions pas assez loin. Bien évidemment, il faut répondre à la demande de clarification des relations des gestionnaires dans les collèges et lycées. Le Gouvernement a présenté par voie d’amendement une nouvelle proposition, qui, je l’espère vous satisfera.

Monsieur Hervé Saulignac, je crois que vous vous êtes trompé de quinquennat ! Contrairement à ce que vous avez indiqué, nous avons entrepris des réformes structurantes. Pérenniser la loi SRU n’est pas totalement secondaire, c’est important. Décentraliser 50 % du réseau routier national l’est tout autant. Quant à l’expérimentation de la reprise du financement du RSA par l’État, je rappelle qu’il s’agissait d’une demande des départements, en particulier ceux de gauche. Nous avons passé un accord construit avec monsieur Stéphane Troussel. Tout cela a du sens. Il s’agit de mesures structurantes et il nous faut travailler ensemble dans un esprit constructif.

Je le souligne, car vous avez indiqué qu’il avait donné un avis négatif, que le Conseil d’État peut émettre des remarques sur certains articles mais ne donne pas d’avis sur les projets de loi. Votre expression n’est donc pas juste.

J’ai toujours cru à la république des territoires. Nous n’avons pas envisagé de grandes réformes territoriales car, dès notre arrivée au pouvoir, les élus ont réclamé une pause. Les réformes avaient été très nombreuses depuis 2010. Je n’en dis pas plus pour ne pas être désagréable – je vous aime bien.

Monsieur Morel-À-L’Huissier, je suis d’accord avec vous, ce projet de loi n’est pas équivalent aux lois Defferre votées sous la présidence de François Mitterrand à partir de 1982. À l’époque, tout était à faire, car il s’agissait de changer un système entièrement centralisé et jacobin. Je m’en souviens car, en 1983, j’étais conseillère municipale. Les lois de décentralisation de Jean-Pierre Raffarin n’avaient déjà pas non plus l’ampleur des lois Defferre. On entend dire qu’il faut toujours plus décentraliser, mais arrive un moment où on se heurte au mur du régalien. Les Français sont aussi attachés à l’État, monsieur Jumel l’a rappelé, comme garant de l’égalité des droits et des devoirs, quel que soit l’endroit où l’on vit.

La différenciation, c’est aider par la contractualisation les territoires qui en ont le plus besoin et reconnaître la spécificité de leurs problèmes. Il peut s’agir de problèmes liés à l’hyper-ruralité, comme ceux que connait la Creuse ; à la désindustrialisation, comme ceux que connaît le territoire de Sambre-Avesnois-Thiérache, dans lequel je me suis rendue avec le Président de la République, ou encore à la montagne. Quand nous votons une loi montagne, que nous signons un pacte comme celui du territoire de Sambre-Avesnois-Thiérache ou que nous mettons en œuvre un plan pour la Creuse, nous faisons bien de la différentiation. Je rappelle qu’une étude du Conseil d’État recommandait d’élargir l’expérimentation et la différenciation, et que la politique de différenciation est menée dans le cadre de la loi organique du 19 avril 2021, qui a été votée à une large majorité.

Monsieur Molac, la France n’est pas un État fédéral et je pense que la majorité des Français n’en voudraient pas. Ce n’est pas notre histoire et c’est ce que je sens. Ce n’est pas parce que je suis ministre que je ne connais pas les territoires. La déconcentration, c’est la présence de l’État dans les territoires qui se manifeste par l’ensemble des personnes qui agissent au nom de l’État, mais le préfet a vocation à les représenter toutes.

De nombreuses petites lignes de chemin de fer ont été fermées, mais beaucoup de régions ont depuis demandé leur réouverture. L’État et la SNCF ont donc signé des accords avec les régions. C’est une bonne chose et je suis allée moi-même signer de tels accords, dans le Grand Est et chez moi en Centre-Val de Loire. En signant ces accords, l’État ne se décharge pas de ses responsabilités. Les collectivités territoriales ne peuvent pas tout faire toutes seules. C’est en travaillant main dans la main qu’on arrive à trouver des solutions.

Vous êtes contre la recentralisation du RSA ; je vous rappelle qu’il s’agit d’une demande des élus. Cette demande a d’abord émané d’élus de gauche de territoires urbains, mais elle est aujourd’hui également portée par des élus de droite de territoires ruraux. Je ne parle pas de ceux du centre, car sinon vous m’accuseriez de faire de la politique.

Enfin, je ne suis pas sûre que le transfert d’une quote-part de TVA aux régions constitue un recul des moyens des régions.

Monsieur Schellenberger, nous n’avons pas souhaité traiter du périmètre des régions dans ce projet de loi. La loi sur la collectivité européenne d’Alsace a été faite à la demande des Alsaciens ; ce n’est pas nous qui leur avons demandé de passer de deux départements à une seule collectivité. J’ai beaucoup travaillé avec Édouard Philippe pour la satisfaire et ce travail a abouti aux accords de Matignon qui posaient deux conditions à la création de la collectivité européenne d’Alsace : la nouvelle collectivité devait rester dans la région Grand Est et elle ne devait pas avoir de statut particulier. La loi créant cette collectivité ne vous satisfait peut-être pas entièrement, mais elle est le signe que nous avons tenus les engagements que nous avions pris.

Vous m’invitez à expliquer la cohérence entre la loi « engagement et proximité » et la loi « 4D ». La réponse est simple : elles ont été construites dans le même esprit de confiance entre les élus et les collectivités territoriales, mais la loi « engagement et proximité » traite du couple communes et intercommunalités alors que la loi « 4D » se concentre sur les politiques publiques des collectivités en général. Elles sont donc complémentaires.

Monsieur Jumel, j’ai bien aimé votre expression « prendre soin ». C’est le rôle de l’État, associé aux collectivités territoriales, de prendre soin de nos concitoyens. J’ai été maire pendant vingt-cinq ans. Rien dans cette loi n’abîme les mairies ou les collectivités territoriales en général. Par ailleurs, la suppression de la taxe d’habitation est compensée à l’euro près.

Vous estimez que l’État n’a pas fait grand-chose pendant la crise sanitaire.

M. Sébastien Jumel. Je n’ai pas dit cela. L’engagement des collectivités pendant la crise sanitaire n’a pas été compensé. L’Association des maires de France (AMF) le dit elle-même !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’AMF ne détient pas la vérité !

Pendant la crise sanitaire, l’État a mis en place un filet de sécurité pour les collectivités territoriales, et nous avons récemment décidé de prolonger à l’année prochaine certaines mesures de la loi de finances de l’année dernière, notamment celles concernant les régies. On ne peut pas à la fois nous reprocher de ne pas en faire assez et de ne pas surveiller suffisamment les finances de l’État. Nous essayons de respecter un équilibre.

Concernant les appels à projets, je suis plutôt d’accord avec vous. Je préfère, dans mon ministère, déconcentrer les financements. Cela dit, nous avons développé, avec l’Agence nationale de cohésion des territoires, l’accompagnement en ingénierie. C’est un acquis important pour les territoires.

Monsieur Molac, les régions et le Gouvernement sont très liés pour la gestion des fonds européens.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Euzet, vous m’avez interrogée sur les projets qu’on pourrait imaginer pour informer proactivement les citoyens et leur fournir une assistance de manière proactive.

L’information proactive permet aux citoyens de mieux connaître leurs droits. On le fait déjà concernant l’éligibilité des collégiens et des lycéens aux bourses scolaires, car le taux de non-recours aux bourses est aujourd’hui encore élevé. On peut aussi informer les citoyens des démarches d’inscription sur les listes électorales au moment où ils signalent leur changement d’adresse sur la carte crise après un déménagement. À partir du moment où l’administration est au courant d’une démarche ou d’une situation, elle informe les citoyens d’autres droits et démarches. On peut appliquer ce principe dans de très nombreux domaines, mais le plus intéressant pour le citoyen, c’est qu’il n’ait pas à faire de démarches du tout s’il estime que l’information que détient l’administration sur sa situation est correcte.

Ainsi, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 prévoit que toute personne touchant le minimum vieillesse ou le RSA sera automatiquement éligible et inscrite à la complémentaire santé solidaire. Je peux citer d’autres exemples : les pensions alimentaires fixées à la suite d’un divorce, qui, à partir de 2022, seront automatiquement versées par l’intermédiaire de la caisse d’allocations familiales (CAF), sauf avis contraire des deux époux ; l’allocation de rentrée scolaire ; le chèque énergie ou la déclaration automatique d’imposition depuis 2020.

Nous devons changer notre vision de l’administration. Elle ne peut être réduite à un ensemble de guichets derrière lesquels les fonctionnaires attendent que le citoyen bien informé trouve le bon guichet pour faire valoir ses droits. Cela reviendrait à organiser institutionnellement le non-recours. L’administration doit se mettre au service de l’exercice réel des droits que vous, parlementaires, avez ouvert aux citoyens. À partir du moment où l’administration sait qu’un citoyen est éligible à tel ou tel droit, elle doit lui y donner accès.

Pendant la crise sanitaire, l’État a mené des actions différentes qui ont bien fonctionné. Ainsi, la Caisse nationale d’assurance vieillesse a appelé par téléphone les personnes âgées isolées qui touchaient une retraite inférieure au minimum vieillesse et qui n’avaient pas d’autres revenus, pour les aider à activer le minimum vieillesse, si elles le souhaitaient. Un autre exemple de la lutte pied à pied, citoyen par citoyen, contre le non-recours est le préremplissage en temps réel de demandes de certaines aides sociales, comme l’aide personnalisée au logement (APL), à partir de données fiables. Ce principe de contemporanéisation des aides sociales est un mécanisme efficace de lutte à la fois contre le non-recours et contre la fraude. À partir du moment où les informations sur l’éligibilité aux droits sont fiables et échangées directement, le citoyen qui a accès à un droit perçoit la prestation alors que celui qui n’y est pas éligible n’y aura pas accès. Les critiques de ceux qui associent l’ouverture de nouveaux droits à l’augmentation de la fraude deviennent ainsi stériles.

Le principe de proactivité est essentiel à une administration moderne qui génère de la confiance. Il permet à l’administration, comme le recommande Pierre Rosanvallon, de créer de la certitude et de la prévisibilité.

Monsieur Jumel, je tiens à vous dire de la façon la plus solennelle que le Président de la République, le Premier ministre et l’ensemble des ministres souhaitent que le préfet soit celui qui incarne l’ensemble des politiques publiques dans les territoires. Pour faire vivre cette vision, nous nous sommes engagés, lors des deux derniers comités interministériels de la transformation publique à Mont-de-Marsan et à Vesoul, à ce que les préfets soient évalués sur les résultats des politiques publiques que les Français voient dans leur vie quotidienne.

Ces résultats sont publiés par le baromètre de l’action publique, disponible sur le site du Gouvernement. Grâce à cet outil, il suffit de taper son code postal pour visualiser les résultats des quarante-trois politiques prioritaires définies par le Gouvernement qui sont autant d’enjeux dans la vie quotidienne des Français : accès au numérique par la fibre, santé, éducation, apprentissage, etc. Pour chacune de ces politiques, des indicateurs présentent la situation initiale depuis 2017, la valeur actuelle, ainsi que la cible en 2022. C’est sur la base de ces résultats que le Premier ministre a envoyé à chaque préfet sa lettre de mission. La feuille de route de l’Oise n’est pas celle de la Seine-Maritime, qui n’est pas celle de l’Isère. Ce changement majeur s’inscrit dans le cadre de la réforme de la haute fonction publique que je porte activement. Il implique que nos fonctionnaires soient évalués non plus à partir d’indicateurs de moyens budgétaires, mais à partir d’indicateurs mesurant l’impact réel de l’action publique dans la vie de ceux et celles qu’ils servent chaque jour avec beaucoup d’ambition et beaucoup de volonté.

M. Sébastien Jumel. Donner au préfet, au DASEN ou au directeur d’ARS le soin de mettre en œuvre les politiques publiques ne garantit pas l’unicité de la République. Je travaille depuis plusieurs semaines sur la lutte contre les déserts médicaux. Certes, des situations différentes demandent des réponses différentes, c’est le sens de la différenciation, mais à situation égale, à besoin de santé équivalent et à déserts médicaux équidistants, les réponses publiques varient sur l’ensemble du territoire national du simple au quadruple.

Je respecte profondément les hauts fonctionnaires, ils sont consubstantiels à l’unicité de la République à laquelle je suis attaché. Mais je constate que beaucoup de DASEN conditionnent la mobilisation de la DETR ou de la DSIL à la fermeture par les maires des écoles qu’ils jugent trop petites, alors même que le Président de la République a déclaré qu’aucune école ne sera fermée sans une délibération du conseil municipal pour respecter la libre administration des communes. C’est la réalité des territoires !

De la même manière, alors qu’on a dit qu’il ne fallait pas de big bang territorial, qu’il fallait faire une pause dans le processus de création d’intercommunalités, et malgré l’analyse, y compris politique, des retours d’expérience des commissions départementales de coopération intercommunale (CDCI), je connais des sous-préfets, et pas seulement dans mon arrondissement, qui vont voir les responsables d’intercommunalités pour leur dire qu’elles sont trop petites et qu’il faut poursuivre les fusions à tout prix. Font-ils du zèle ou agissent-ils sciemment en contradiction avec les objectifs fixés par le législateur ? Voilà ce que je voulais dire en parlant, d’un côté, des orientations stratégiques et, de l’autre, de la réalité du terrain.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sur l’intercommunalité, je vous demande de me donner des exemples précis.

M. Sébastien Jumel. Je vous en donnerai

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les préfets n’ont reçu aucune injonction du Gouvernement de demander aux petites intercommunalités de fusionner. Il peut arriver tout au plus que des préfets ou des sous-préfets le suggèrent dans le cadre de discussions informelles.

La loi « engagement et proximité », portée par Sébastien Lecornu, prévoit au contraire la possibilité de sortie d’une structure intercommunale. L’État a ainsi récemment autorisé la scission de la communauté de communes des Hautes-Vosges. Il existe un autre cas dans le Morbihan. Les injonctions à fusionner ont pu exister dans le passé ; ce n’est plus le cas aujourd’hui.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Jumel, ce que vous avez dit est très important. La mise en œuvre des politiques publiques par les préfets ne se fait pas nécessairement de manière homogène et c’est pour cela que nous avons créé le baromètre de l’action publique. Depuis son élection, le Président de la République a une obsession, qui est celle de s’assurer que, malgré les spécificités et les difficultés de chaque territoire, les résultats des politiques publiques soient les mêmes pour tous les Français.

Prenons l’exemple des maisons de santé pluriprofessionnelles, qui sont une vraie réponse à la désertification médicale tout en facilitant l’exercice coordonné, la libération de temps médical et la santé de proximité. Il en existe trente en Seine-Maritime, onze dans l’Orne, vingt-trois dans l’Eure, seize dans le Calvados et vingt et une dans la Manche, soit un total de 101 maisons en Normandie et 130 en Bretagne. Ce n’est pas parce que, tout ministre que l’on est, nous avons fixé des objectifs qu’ils se réaliseront. Nous suivons donc département par département leur réalisation. C’est notre obsession. Le baromètre de l’action publique permet justement de suivre la réalisation de nos objectifs en toute transparence. Ainsi, pour les maisons pluriprofessionnelles de santé, nous constatons que l’objectif est atteint en Seine-Maritime alors que d’autres départements en sont plus éloignés.

M. Sébastien Jumel. L’Orne et la Manche, par exemple.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Nous reconnaissons donc que certains objectifs ne sont pas atteints. Nous donnons alors aux acteurs de terrain des outils pour atteindre les objectifs et ces outils ne se réduisent pas à des moyens budgétaires. Ceux-ci, en effet, ont souvent été accordés de façon homogène. Par conséquent, si les objectifs ne sont pas atteints, c’est bien qu’il existe également d’autres enjeux, notamment de coopération et de travail politique.

Je me rends régulièrement sur le terrain, comme tous les ministres, car le Gouvernement ne considère pas que les territoires doivent se débrouiller avec les moyens qui leur sont accordés. Ce gouvernement est exigeant quant aux résultats qu’il veut apporter à chaque Français.

M. Jean-Félix Acquaviva. Ce projet de loi était attendu. Il suscite quelques regrets, mais aussi des espoirs.

Les regrets concernent la conception par le projet de loi de la différenciation et du pouvoir réglementaire. Ce texte nous semble avoir davantage une portée pédagogique qu’un véritable pouvoir normatif. Le Sénat l’a d’ailleurs souligné en se rapportant aux avis du Conseil d’État ou à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur la déclinaison du principe d’égalité dans le respect de l’article 73 de la Constitution prévoyant la catégorisation des collectivités territoriales : celles de droit commun, celles d’outre-mer et celles à statut particulier, dont la Corse fait partie.

Nous espérons, par des amendements, pouvoir renforcer le pouvoir réglementaire local sur les compétences des collectivités, qui reste trop subsidiaire, et améliorer la procédure de demande d’adaptation des lois et des règlements, qui est aujourd’hui trop contrôlée en opportunité par l’administration centrale. Les élus du peuple doivent être placés au centre des discussions avec l’État et avec le Gouvernement. Cela nous semble essentiel d’un point de vue démocratique.

Je le dis sans polémique, madame Gourault, mais je regrette de vous entendre dire qu’il faut réduire l’ampleur de la décentralisation, car nous aurions connu un trop grand mouvement de décentralisation à la suite des lois de décentralisation initiales. Cela me rappelle le principe de la productivité marginale en économie. Si on rentre dans le détail des échanges d’expérience des collectivités à statut supposément particulier, comme la Corse, on constate que l’État a donné d’un côté, mais n’a pas transféré de l’autre, je pense notamment au transfert de charges.

Je rappelle également que les élus corses n’ont reçu aucune réponse positive aux soixante-dix demandes d’adaptations réglementaires qu’ils ont faites en vingt ans. J’espère que nous pourrons rattraper les choses au fil des débats. Je constate que le Gouvernement a répondu favorablement aux demandes des élus alsaciens concernant la création de la collectivité européenne d’Alsace ainsi qu’à celles de recentralisation du RSA. J’espère qu’il saura répondre favorablement aux demandes réitérées des élus régionalistes corses, qui ont été validées par le suffrage universel, à plus de 70 %, lors des dernières élections territoriales, car le choix de répondre à certaines demandes et pas à d’autres me semble plus politique que juridique.

M. Rémy Rebeyrotte. Les préfets doivent retrouver un rôle majeur de coordination de l’action publique, dans tous ses domaines. Nous avons tous connu des situations abracadabrantesques. Par exemple celle où le préfet attribue une subvention au titre de la DETR pour financer des travaux de modernisation d’une école que le DASEN propose de fermer deux ans après. Autre exemple, dans le domaine de la santé : il arrive qu’un directeur de l’ARS soit obligé d’appeler le préfet à la rescousse, car il n’arrive plus à gérer une situation difficile avec les usagers à la suite d’une décision prise hâtivement. Je suis en train de le vivre sur mon territoire. Je ne parle même pas de la crise sanitaire au cours de laquelle il y a eu, dans certaines régions, des problèmes de coordination entre la préfecture et l’ARS. Nous avons besoin d’un préfet qui incarne pleinement l’unité de l’État. De nombreux collègues y sont très attachés et c’est en cela que cette loi est importante.

On parle beaucoup de décentralisation, mais on parle nettement moins de déconcentration. Il est tout aussi important pour les élus locaux d’avoir une décentralisation réussie qu’une déconcentration réussie.

M. Sébastien Jumel. C’est une question qui n’est pas abordée dans la loi.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Acquaviva, je n’ai pas dit que les lois de décentralisation de 1982 et 1983 étaient trop importantes. J’ai dit qu’elles étaient très importantes puisqu’elles s’attaquaient à un État entièrement centralisé.

Par ailleurs, je crois savoir que le rapporteur fera des propositions intéressantes sur la procédure de demande d’adaptation des collectivités. Ces propositions devraient vous satisfaire doublement, puisqu’elles sont très intéressantes sur le fond et viennent du rapporteur.

II.   Examen des articles

Lors de ses réunions des lundi 22 novembre, mardi 23 novembre et mercredi 24 novembre 2021, la Commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (n° 4406) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Bruno Questel et Mme Maina Sage, rapporteurs).

Deuxième réunion du lundi 22 novembre à 21 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/xTKU0I

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous entamons l’examen des articles du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale (no 4406).

Lorsque nous aborderons les articles dont l’examen au fond a été délégué à d’autres commissions, nous mettrons directement aux voix, sans discussion, les amendements et articles concernés, puisqu’ils ont été discutés par les commissions compétentes.

Je vous rappelle que M. Bruno Questel est rapporteur pour les titres Ier à V.

titre Ier
La différenciation territoriale

Article 1er (art. L. 1111-3-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Définition du principe de différenciation

Amendement CL1222 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Il s’agit de reconnaître dans la loi que la définition des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences applicables à une catégorie de collectivités territoriales est déterminée en conciliant le principe d’égalité et celui de subsidiarité, lequel consiste à confier l’exercice d’une compétence à l’échelon territorial le plus pertinent au regard de l’efficacité qui en est attendue.

M. Bruno Questel, rapporteur pour les titres Ier à V. La différenciation permet de concrétiser le principe de subsidiarité. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL917 de M. Jean-René Cazeneuve, amendements identiques CL359 de M. Hervé Saulignac et CL474 de M. Charles de Courson (discussion commune).

Mme Catherine Kamowski. L’amendement CL917 est issu des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il s’agit d’un amendement de clarification rédactionnelle.

M. Hervé Saulignac. L’amendement CL359 vise à préciser les fondements de la différenciation. Celle-ci doit tenir compte de la nature rurale ou urbaine des collectivités territoriales. L’expression « différences de situations », à l’article 1er, risque d’être interprétée sous l’angle démographique. Or la différenciation devrait tenir compte des spécificités géographiques des territoires, en particulier la densité de leur population.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’article 1er inscrit dans le code général des collectivités territoriales (CGCT) un principe de différenciation territoriale, qui permet de tenir compte, dans l’élaboration des règles relatives à l’attribution et à l’exercice des compétences locales, des différences de situation existant entre des collectivités relevant de la même catégorie.

C’est une avancée, mais la rédaction du texte risque de conduire à interpréter ces différences de situation sous l’angle démographique, alors qu’il est nécessaire d’analyser la différenciation à travers les spécificités géographiques des territoires, en particulier la densité de population. Les difficultés ne sont évidemment pas les mêmes dans une commune périurbaine comptant moins de 500 habitants et dans une commune de même taille mais située dans un territoire hyperrural – au sens de la nouvelle définition du terme donnée par l’INSEE.

Les amendements identiques sont inspirés d’une des propositions formulées par Jean-Pierre Cubertafon dans son rapport intitulé « Action publique et ruralité à l’ère de la différenciation ».

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement CL917 apporte une simplification rédactionnelle. J’y suis favorable, même si je me demande s’il n’aurait pas mieux valu faire référence aux « différences objectives de situation ».

Monsieur Saulignac, monsieur Acquaviva, vous avez oublié les territoires rurbains, notion reconnue par les urbanistes et les géologues et qui est prise en compte en matière d’aménagement du territoire. Au-delà de cette question, je suis défavorable aux amendements identiques car ce n’est pas seulement sur ce fondement que l’on différencie les territoires.

La commission adopte l’amendement CL917.

En conséquence, les amendements CL359 et CL474 tombent.

Amendement CL644 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il s’agit de poser une définition claire du principe de différenciation, notamment dans son rapport avec le principe d’égalité, comme le faisait l’avant-projet de loi.

M. Bruno Questel, rapporteur. Vous proposez d’inscrire dans la loi la jurisprudence du Conseil constitutionnel relative aux marges de manœuvre que permet le principe d’égalité. Si je ne suis pas défavorable à votre amendement, je vous demande de le retirer pour en retravailler la rédaction d’ici à la séance, de manière à éviter toute difficulté d’interprétation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On comprend bien l’objectif poursuivi. Celui-ci est inscrit dans la Constitution, du reste, mais si vous voulez réécrire le texte pour préciser les choses, pourquoi pas.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CL849 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Je défends à travers cet amendement une belle et juste idée : la reconnaissance dans la loi de la spécificité des îles de la Manche et de l’Atlantique – Ouessant, Belle-Île-en-Mer, Houat, Hoedic, Arz, Sein, l’Île-aux-Moines, Groix, ou encore Bréhat. Cette reconnaissance est justifiée par des « handicaps significatifs entraînant des conditions de vie plus difficiles et restreignant l’exercice de certaines activités économiques », à l’instar de ce que prévoit la loi Montagne de 1985. Ces îles se caractérisent aussi par un « accroissement important des coûts » et une « limitation considérable des possibilités d’utilisation des terres » – pour citer de nouveau le même texte.

Ces communes insulaires font face à des défis majeurs auxquels il convient d’apporter des réponses adaptées : l’hyperfréquentation touristique, l’envolée des prix du foncier, le maintien de la population locale ainsi que la protection d’un écosystème fragile, notamment face à la montée des eaux.

Leur reconnaissance dans la loi est également justifiée par l’histoire et les modes de vie propres à ces communautés insulaires, qu’il convient de préserver car elles sont une part essentielle du patrimoine national.

Certains de ces territoires ne sont pas plus grands que des confettis, il est facile d’ignorer leur existence ; mais, sans eux, la France ne serait pas la France. J’en veux pour preuve les mots du général de Gaulle selon lesquels l’île de Sein était « le quart de la France ». Ces îles sont notre histoire et notre géographie.

Avec plusieurs députés insulaires, nous vous proposons de rappeler l’attachement de la République à ces petites îles de la Manche et de l’Atlantique, de dire leur importance et de reconnaître leurs spécificités. La démarche est symbolique, mais elle doit aussi garantir la possibilité pour ces communes insulaires de demander à bénéficier du droit à la différenciation. Au-delà de cette question, leur reconnaissance dans la loi rappellera leur existence à chaque acteur public concerné, politique et administratif, lors de sa prise de décision.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement est très intéressant et je serais enclin à émettre un avis favorable, mais il mériterait un travail de réécriture avec le cabinet de la ministre et la commission. Je vous propose donc de le retirer.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pourquoi ne citez-vous pas Noirmoutier et Oléron, monsieur Pahun ?

M. Jimmy Pahun. Nous n’avons retenu que les territoires vraiment insulaires, c’est-à-dire qui ne sont pas reliés au continent par des ponts.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Quoi qu’il en soit, c’est tout le problème avec cet amendement comme avec les précédents : quand on commence à entrer dans le détail s’agissant de la différenciation, on peut être sûr que cela va coincer à un moment ou un autre. Moins on précise les choses, plus on a de chances, en réalité, de faire en sorte que la différenciation s’applique à un grand nombre de situations – car la différenciation peut concerner un territoire insulaire, de montagne, frontalier, etc. Il vaut mieux se contenter de poser le principe.

Il m’est difficile d’accepter cet amendement tel qu’il est rédigé. En effet, pourquoi seulement les îles de l’Atlantique et de la Manche – sinon par patriotisme, ce que je comprends très bien ? La différenciation ne peut pas ne pas s’appliquer aux îles de Méditerranée, par exemple.

M. Paul Molac. Je ne peux que soutenir M. Pahun : bien que je sois un député de l’intérieur des terres en Bretagne – je n’ai qu’une seule commune littorale dans ma circonscription –, je connais bien les enjeux insulaires. Ce sont de très beaux endroits, avec la mer et un écosystème formidable, mais il n’est pas évident d’y vivre : il est compliqué, notamment, de calculer ses trajets en fonction des horaires des bateaux. Samedi, par exemple, j’ai croisé sur le continent des habitants de Belle-Île qui étaient obligés de dormir sur place et de reprendre le bateau le lendemain. Outre la contrainte que cela représente pour les îliens, cela entraîne pour eux des coûts importants. Je ne sais pas comment on pourrait rédiger cet amendement pour qu’il soit satisfaisant, mais lorsqu’il sera présenté de nouveau en séance, je pourrai tout à fait le voter.

M. Jimmy Pahun. Pour bien différencier ces îles de toutes les autres qui parsèment le littoral, nous avons ciblé celles qui forment une seule commune – à l’exception des Glénans, qui dépendent de la commune de Fouesnant.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n’est pas difficile de réécrire cet amendement.

M. Jimmy Pahun. Avec l’aide de vos services, certainement…

L’amendement est retiré.

Article 1er bis (art. L. 3211-3 [nouveau], L. 3444-2, L. 4221-1, L. 4422-16, L. 4433-3, L. 7152-2 et L. 7252-2 du code général des collectivités territoriales) : Demande de mise en œuvre du principe de différenciation par les collectivités territoriales

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1006 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL918 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Catherine Kamowski. Il s’agit d’un amendement de coordination rédactionnelle, proposé par le groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation chargé d’étudier le projet de loi. Il vise à prendre en compte l’inscription du principe de différenciation dans le CGCT.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement l’amendement rédactionnel CL1007 et l’amendement de précision CL1008 rectifié de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL1009 rectifié de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer les dispositions de l’article 1er bis qui imposent au Premier ministre de notifier aux collectivités territoriales, dans un délai de six mois à compter de leur réception, les suites données aux propositions qu’elles présentent en vue de modifier ou d’adapter les dispositions législatives ou réglementaires qui les concernent.

Il s’agit de permettre aux collectivités en question d’avoir l’avis de l’exécutif sur les demandes de dérogation qu’elles formulent. Un trop grand nombre de ces collectivités – qu’il s’agisse de l’outre-mer ou de la Corse – ne reçoit pas de réponse, ce qui n’est pas acceptable. Le rapport mentionné dans l’amendement serait rendu public, ce qui assurait la transparence totale de la gestion de ces demandes de dérogation.

Mme Maina Sage, rapporteure pour le titre VIII. Dans tous les territoires d’outre-mer nous entendons parler des nombreuses demandes restées sans réponse. Il faut, à tout le moins, acter l’envoi d’un accusé de réception. Un document retraçant annuellement toutes les demandes doit également être établi et rendu public. Je souhaiterais d’ailleurs que, lors de transmission aux assemblées, il arrive jusqu’à la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation et à la délégation aux outre-mer.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable. C’est une réponse opérationnelle qui est également conforme à la Constitution.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL655 de M. Jean-Félix Acquaviva, amendements CL913 et CL943 de M. Michel Castellani (discussion commune).

M. Jean-Félix Acquaviva. L’amendement CL655 vise à permettre à la collectivité de Corse de demander d’expérimenter des mesures relevant de dispositions législatives en vigueur ou en cours d’élaboration lorsque celles-ci présentent, pour l’exercice de ses compétences, des difficultés d’application liées aux spécificités de l’île. Nous avons déjà défendu cette idée dans le cadre de l’ordre du jour réservé au groupe Libertés et Territoires.

D’une part, l’amendement permettrait d’accroître l’effectivité de la procédure prévue au II de l’article L. 4422-16 du CGCT et de renforcer le pouvoir réglementaire de la collectivité de Corse. D’autre part, il s’agit de réintroduire une disposition de la loi du 22 janvier 2002 relative au statut de la Corse, censurée à l’époque par le Conseil constitutionnel. Entre-temps, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l’organisation décentralisée de la République a introduit un quatrième alinéa à l’article 72 de la Constitution, qui dispose : « les collectivités territoriales ou leurs groupements peuvent, lorsque, selon le cas, la loi ou le règlement l’a prévu, déroger, à titre expérimental et pour un objet et une durée limités, aux dispositions législatives ou réglementaires qui régissent l’exercice de leurs compétences ». Les travaux préparatoires de cette révision constitutionnelle sont éclairants : la censure de cet article de la loi de 2002 était bien le socle de l’évolution proposée.

L’amendement prévoit que la demande soit formulée par délibération motivée de l’assemblée de Corse, prise à l’initiative du conseil exécutif. Il appartient bien sûr au législateur de fixer la nature et la portée de l’expérimentation. L’amendement fixe également les modalités d’information du Parlement sur la mise en œuvre de ces dispositions. Enfin, les mesures prises à titre expérimental par la collectivité cesseront de produire leurs effets au terme du délai fixé si le Parlement, au vu du rapport d’évaluation qui lui est fourni, n’a pas été procédé à leur adoption ou modification.

L’expérimentation de différenciation que nous proposons semble réalisable. Même si, par ailleurs, nous sommes de fervents partisans d’un statut particulier d’autonomie pour la Corse, elle marquerait une avancée essentielle. La collectivité a en effet formulé soixante-dix demandes d’adaptations réglementaires et législatives – une a reçu un avis négatif, les autres n’ont pas été traitées.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je demande le retrait des amendements CL913 et CL943 au profit de l’amendement CL655, auquel je suis favorable. Il s’agit de dispositions que nous avons adoptées ici même en mars. Or il n’est pas dans notre habitude de nous déjuger.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour ma part, je suis également défavorable à l’amendement CL655. La création d’une voie nouvelle voie d’expérimentation spécifique à la collectivité de Corse n’est pas conforme à la Constitution : le législateur ordinaire ne peut prévoir une délégation du pouvoir législatif à une collectivité territoriale en dehors des cas prévus dans la Constitution. Pour cette raison, l’amendement n’est pas recevable. Je vous demande de le retirer.

Par ailleurs, la loi organique du 19 avril 2021 permet des expérimentations. Elle s’applique à tous les territoires, y compris la Corse.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je maintiens cet amendement ainsi que les deux autres.

S’agissant de la constitutionnalité du dispositif, mon interprétation est différente de la vôtre. La procédure proposée est précise ; c’est le Parlement qui définit le champ de l’expérimentation et peut prononcer son extinction. Il n’y a donc aucune délégation du pouvoir législatif. Eu égard aux propos tenus par Pascal Clément et René Garrec, rapporteurs du projet de loi constitutionnelle de 2003, la cause nous semble largement défendable devant le Conseil constitutionnel.

La Corse est une collectivité à statut particulier – cette fameuse troisième catégorie citée par le Conseil d’État et par le Conseil constitutionnel, à côté des collectivités de droit commun et des collectivités d’outre-mer. Il nous semble donc tout à fait possible de faire ce petit pas supplémentaire. Cela nous paraît nécessaire pour rendre le processus d’adaptation des lois et règlements plus systémique.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’article 1er bis modifié.

Après l’article 1er bis

Amendement CL1628 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. La rédaction de cet amendement tient compte des conditions d’irrecevabilité découlant de l’article 40 de la Constitution. Il vise à faire en sorte que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport relatif à la spéculation foncière et immobilière en Corse et aux outils de différenciation susceptibles d’être mobilisés pour y faire face, notamment en permettant à la collectivité de Corse d’instaurer et d’exercer, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, un droit de préemption sur les transferts de propriété bâtie ou non bâtie. Cette disposition a été adoptée dans le cadre de la proposition de loi de M. Acquaviva que nous avons examinée en mars – les propositions de loi ne sont pas soumises au même régime de recevabilité financière, ce qui explique que la mesure ait réussi à franchir les fourches caudines de l’article 40. L’amendement a pour objet de permettre que le débat ait lieu en séance, car la disposition est essentielle pour l’île de Beauté.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er ter (art. L. 1115-4-3 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Rôle des départements frontaliers dans le cadre de la coopération transfrontalière

Amendements de suppression CL1010 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL919 de M. Jean-René Cazeneuve, CL1154 de M. Christophe Euzet et CL1364 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet article, ajouté par le Sénat, concerne la coopération transfrontalière. Or l’article 59 bis vise à doter les départements frontaliers d’un rôle de chef de file spécifique dans ce domaine.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er ter est supprimé et les amendements CL834 de Mme Catherine Osson et CL625 de M. Mansour Kamardine tombent.

Article 2 (art. L. 111-4, L. 123-6, L. 132-1, L. 245-3, L. 262-3-1 [nouveau] et L. 262-49 du code de l’action sociale et des familles, art. L. 241‑11 du code forestier, art. L. 2333-84 et L. 4134-2 du code général des collectivités territoriales, art. L. 4383-2 du code de la santé publique, art. L. 143-25, L. 153-25, L. 153-26 L. 421-4 et L. 421-5 du code de l’urbanisme et art. L. 312-10 du code de l’éducation) : Extensions du pouvoir réglementaire local

Amendement CL920 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Catherine Kamowski. Cet amendement a pour objectif d’affirmer un principe de portée générale selon lequel les collectivités territoriales disposent d’un pouvoir réglementaire pour mettre en œuvre les compétences qui leur ont été reconnues par la loi.

Au lieu d’énumérer dans cet article une liste de politiques publiques où il y aurait lieu de renforcer le pouvoir normatif local, il est préférable de faire figurer en exergue du CGCT le principe selon lequel ce sont les organes délibérants des collectivités territoriales qui décident des mesures d’application, sauf si un texte de loi renvoie à un décret en Conseil d’État ou à un texte réglementaire national. À travers cet amendement, nous essayons de renforcer le principe de libre administration des collectivités territoriales.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je demande le retrait de cet amendement, même si je partage le constat et comprends les raisons qui ont poussé le président Cazeneuve et les membres de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation à le déposer. Le dispositif doit être retravaillé. Il pourrait notamment être inscrit à un autre endroit du texte.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement vise à réécrire entièrement l’article, alors que la disposition pourrait venir en complément.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL1011 de M. Bruno Questel et CL300 de M. Hervé Saulignac.

M. Hervé Saulignac. Il s’agit de supprimer les alinéas 2 et 3. Ces dispositions, ajoutées par le Sénat et qui modifient le code de l’action sociale et des familles, permettraient de fonder le refus d’une prestation au seul motif que le postulant ne remplit pas les conditions fixées par le règlement départemental d’aide sociale. S’agissant de prestations sociales et de solidarité nationale, on ne peut admettre qu’il y ait des variations sur le territoire en fonction des desiderata des collectivités départementales.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1012 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendements identiques CL1013 de M. Bruno Questel et CL301 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac. Il s’agit cette fois de supprimer les alinéas 5 à 7 permettant aux collectivités de procéder, selon leurs propres critères, à des évaluations des ressources des personnes sollicitant une aide sociale.

La commission adopte les amendements.

La commission adopte successivement les amendements identiques CL1014 de M. Bruno Questel et CL1495 de M. Hervé Saulignac, les amendements identiques CL1015 de M. Bruno Questel et CL1302 de M. Hervé Saulignac, faisant ainsi tomber l’amendement CL626 de M. Mansour Kamardine, et les amendements identiques CL1016 de M. Bruno Questel et CL1303 de M. Hervé Saulignac.

Amendement CL1017 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il vise à donner la possibilité aux collectivités territoriales et aux groupements concernés de déterminer librement les représentants à associer au sein de la commission consultative des services publics locaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements CL1018 et CL 1019 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendements identiques CL1020 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL378 de M. Yannick Kerlogot et CL865 de M. Christophe Euzet

M. Yannick Kerlogot. Suite au rapport que M. Euzet et moi-même avons présenté, nous rappelons par la suppression de l’alinéa 42 le travail engagé auprès du Premier ministre et du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports pour inscrire dans la loi, pour la première fois, la définition d’un enseignement bilingue par immersion alors que cet alinéa tend à le restreindre aux seules écoles privées sous contrat.

M. Christophe Euzet.  Cet alinéa se situe en effet très en-deçà de la définition de l’enseignement immersif que nous avons obtenue.

M. Paul Molac. Mon amendement CL1422, qui tombera si ces amendements sont adoptés, visait précisément à revenir à une définition permettant de laisser aux pédagogues le soin de répartir le temps nécessaire à l’apprentissage de la langue régionale et du français avec un seul but : l’égale maîtrise des deux langues.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis favorable à l’adoption de l’amendement de M. Molac. La définition de l’enseignement immersif adoptée par le Sénat n’est en rien satisfaisante, même si la présence d’une définition légale constituait une avancée.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable aux amendements identiques et non à celui de M. Molac.

La commission adopte les amendements identiques.

L’amendement CL1422 de M. Paul Molac tombe.

Elle adopte l’amendement CL1021 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

Amendement CL455 de M. Mansour Kamardine. 

M. Raphaël Schellenberger. Il vise à s'assurer de l'application de l’article 2 à Mayotte, collectivité unique qui exerce les compétences du département et de la région.

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait. Une application spécifique pour Mayotte n’est pas nécessaire.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL361 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac. Il reprend une proposition de France urbaine qui s’inscrit pleinement dans la logique de différenciation puisqu’il vise à permettre aux élus locaux d’accélérer la transition en matière de performance énergétique.

Dès lors qu’ils disposent d’un programme de l’habitat exécutoire, les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) doivent pouvoir se porter volontaires pour fixer un critère de performance énergétique à respecter plus exigeant que celui prévu par le décret.

M. Bruno Questel, rapporteur. La loi Énergie-Climat du 8 novembre 2019 a renforcé la prise en compte de la performance énergétique. Elle impose notamment de fixer un seuil maximal de consommation énergétique au-delà duquel le logement doit être considéré comme indécent. Le décret du 11 janvier 2021 a fixé cette consommation à 450 kilowattheures d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. Nous avons donc instauré un maximum quand vous proposez de fixer un critère minimal. Je vous propose de laisser entrer en vigueur, au 1er janvier 2023, la mesure que nous avons d'ores et déjà votée. Demande de retrait, sinon, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 2 bis (art. L. 1511-8 du code général des collectivités territoriales, art. L. 216-2 du code de l’éducation, art. L. 2121-3 du code des transports et art. 21 de la loi n° 2009-1572 du 17 décembre 2009 relative à la lutte contre la fracture numérique) : Extensions du pouvoir réglementaire local

Amendements identiques CL1022 de M. Bruno Questel, rapporteur et CL362 de M. Hervé Saulignac

M. Hervé Saulignac. Il s’agit de supprimer les alinéas 1 à 3.

Nous reprenons une proposition défendue par l’Association des communautés de France, visant à maintenir le principe de l'intervention d'un décret en Conseil d’État concernant les mécanismes destinés à attirer les professionnels de santé.

En effet, en l’absence de mécanismes modérateurs, les stratégies locales pourraient considérablement accroître les inégalités territoriales – les collectivités les plus riches pouvant verser des aides plus importantes – et les effets d’aubaine dont bénéficient les professionnels de santé courtisés.

M. Raphaël Schellenberger. Nous en sommes tous d’accord, la démographie médicale est problématique dans un certain nombre de territoires mais rarement dans ceux qui sont financièrement attractifs en raison des activités et des services qu’ils proposent, ce qui ne justifie pas la politique que vous préconisez.

Vous alourdissez en effet les procédures en retirant aux collectivités territoriales une possibilité d’action alors que nous sommes déjà confrontés à un certain nombre de lourdeurs institutionnelles en matière d’installation médicale, auxquelles les grands corps de l’État se montrent assez poreux.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL1023 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous propose de supprimer l’alinéa 4 afin de revenir sur la disposition adoptée par le Sénat, notamment parce que les modalités de classement des établissements d’enseignement public de la musique, de la danse et de l’art dramatique ont vocation à rester du ressort de l’État afin d’assurer une cohérence nationale.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Schellenberger, nous rétablissons des dispositions supprimées par le Sénat qui sont fort utiles.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1024 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de permettre à l’État d'accomplir sa mission de garant de l’unicité du système de transport ferroviaire. 

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL558 de M. Raphaël Schellenberger et CL613 de M. Paul Molac. 

M. Raphaël Schellenberger. Proposé par Régions de France, cet amendement vise à ce que le périmètre des zones de revitalisation rurale (ZRR) soit établi par délibération du conseil régional et non plus par arrêté conjoint des ministres chargés du budget et de l’aménagement du territoire, ce qui semble logique dès lors que les régions ont des prérogatives en matière de planification et qu’elles élaborent des documents importants tels que les schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII) et les schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET).

M. Paul Molac. La loi portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a modifié la définition des ZRR et j’ai parfois un peu de mal à m’y retrouver. Des zones qui n’y figuraient pas s’y retrouvent désormais sans pour autant avoir besoin du même accompagnement que des zones qui connaissent de vraies difficultés. Pire : les industriels qui s’y trouvent préfèrent parfois « délocaliser » leur activité vers la ville centre, à une vingtaine de kilomètres, alors que ces zones devraient pouvoir maintenir une activité industrielle soutenue.

M. Bruno Questel, rapporteur. Un classement en ZRR permet de bénéficier d’exonérations sociales et fiscales qui relèvent du budget de l’État, lequel doit donc avoir son mot à dire dans la procédure. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Autrement dit, ce serait inconstitutionnel.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte l’article 2 bis modifié.

Article 3 (art. L. 1111-8, L. 1111-9-1, L. 1511-2 et L. 4221-1-1 du code général des collectivités territoriales) : Conférences territoriales de l’action publique

Amendements identiques CL1025 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL1181 de M. Christophe Euzet et CL1365 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Rémy Rebeyrotte. Il s’agit simplement de rétablir l’article 3 dans la rédaction initiale du projet de loi.

M. Raphaël Schellenberger. Nous revenons considérablement sur les travaux du Sénat alors que certains d’entre eux méritent d’être discutés d’une manière plus approfondie.

Dans la rédaction du Sénat, cet article rappelle – enfin ! – ce qu’est vraiment la subsidiarité, trop souvent confondue avec le « grand mouvement » de la décentralisation lancé en 1982 et la possibilité, pour l’État, de confier à des collectivités territoriales l’exercice d’un certain nombre de compétences. Or la subsidiarité, ce n’est pas aller du haut vers le bas mais du bas vers le haut. Si elle était appliquée sur le plan européen comme elle l’est en France, nous la jugerions insupportable !

Cet article défend au contraire une vision moderne de la subsidiarité de telle sorte, par exemple, que des EPCI puissent confier une compétence au département.

La commission adopte les amendements et l’article 3 est ainsi rédigé.

En conséquence, tous les autres amendements portant sur l’article tombent.

Après l’article 3

Amendement CL1103 de M. Jean-Félix Acquaviva

M. Paul Molac. La loi reconnaît à plusieurs reprises le statut d’autorité organisatrice à différents niveaux de collectivités locales, l’exemple le plus emblématique étant celui des autorités organisatrices des mobilités (AOM) défini dans le code des transports.

Ce statut permet aux régions, départements et intercommunalités d’être reconnus comme les autorités en charge de l’exercice de la politique publique de la mobilité. Il permet notamment aux AOM de définir des règlements en matière de mobilité et d’être obligatoirement associées par le chef de file lorsque celui-ci édicte un document de planification. En contrepartie, les AOM sont pleinement responsables de leurs interventions.

Chaque répartition des compétences entre collectivités publiques est un exercice périlleux. Si la technique du « jardin à la française » est reconnue dans le monde en matière de botanique, elle s’applique assez mal à notre organisation institutionnelle. Le législateur y est parvenu dans le champ de la mobilité, comme dans celui du développement économique, grâce à l’articulation entre un niveau en charge de la mise en œuvre opérationnelle de la compétence et, à un autre, de la stratégie globale et de la coordination.

Cet amendement vise à permettre d’étendre cette organisation à d’autres politiques publiques en définissant dans la loi la notion d’autorité organisatrice. Cette dernière doit reposer sur deux piliers : une collectivité ou un groupement exerce une responsabilité d’autorité organisatrice lorsqu’elle est en charge d’un service public déterminé, dont elle a la responsabilité exclusive, ou lorsqu’elle dispose d’une responsabilité de planification fixée par le législateur ; toute réglementation nationale ou tout document de planification régional ayant pour effet d’encadrer les responsabilités d’une autorité organisatrice, voire de lui imposer des obligations et charges supplémentaires, font l’objet d’une concertation approfondie, déterminée par la loi, avec leurs représentants.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement revient à donner des injonctions aux pouvoirs réglementaire et législatif. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je précise que les AOM ont succédé aux autorités organisatrices de transport (AOT) et que le texte reconnaît les autorités organisatrices de l’habitat (AOH). Il conviendra bien évidemment d’encadrer ces dispositions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL796 de M. Paul Molac. 

M. Paul Molac. Si les politiques de tourisme sont partagées entre l’État et les collectivités territoriales, chacun s’accorde sur la nécessité de les coordonner, particulièrement au niveau de ces dernières.

Comme le projet de loi initial de la loi NOTRe l’avait prévu, nous proposons de confier à la région un rôle de chef de file chargé d’organiser les modalités de l’action commune des collectivités et de leurs groupements dans ce domaine. À cet effet, elle serait chargée d’élaborer un projet de schéma régional de développement touristique fixant les objectifs stratégiques d'aménagement, de développement et de promotion touristiques des destinations de la région, établi en concertation avec l'ensemble des collectivités et de leurs groupements compétents, puis débattu dans le cadre de la conférence territoriale de l’action publique (CTAP). Ce schéma tiendrait lieu de convention territoriale d’exercice concerté de la compétence tourisme et prévoirait, à ce titre, l’articulation des interventions des collectivités entre elles dans ce domaine.

M. Bruno Questel, rapporteur. Vous proposez en effet de rétablir l’article 4 du projet de loi NOTRe, qui avait été supprimé en commission mixte paritaire par nos collègues sénateurs, le Sénat n'ayant pas souhaité remettre en question les actions importantes menées par chaque échelon local à partir de cette compétence partagée. Je m'en remets donc sur ce point à sa grande sagesse et émets un avis défavorable à l’adoption de votre amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le tourisme a en effet été reconnu comme une compétence partagée car il est parfois nécessaire qu’une ou deux régions conduisent cette politique, comme tel est le cas pour les châteaux de la Loire, mais il n’en est pas de même pour une commune comme Deauville, qui se suffit à elle-même. De plus, la région a la possibilité d’élaborer des schémas. Demande de retrait.

M. Paul Molac. C’est la politique que nous menons déjà en Bretagne, où la CTAP élabore des destinations touristiques. Nous y associons d’ailleurs le département de la Loire-Atlantique, le cinquième département breton où se trouve la grande capitale de la Bretagne, Nantes !

L’amendement est retiré.

Amendement CL569 de M. Raphaël Schellenberger

M. Raphaël Schellenberger. Il s’agit de conforter la compétence touristique de la Collectivité européenne d’Alsace en lui permettant non seulement de « promouvoir » le tourisme mais aussi de le « favoriser », donc, de pouvoir intervenir directement auprès des entreprises de l’économie touristique.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article L. 4221-1 du CGCT donne au seul conseil régional la compétence pour promouvoir le développement économique. Vous souhaitez donc introduire une mesure de différenciation au profit de la Collectivité européenne d’Alsace.

La loi du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace lui a confié une compétence spécifique en matière de coordination transfrontalière en raison de sa situation géographique singulière. En revanche, je ne vois pas d’élément tangible concernant l’économie touristique et culturelle de la région. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis, et M. Schellenberger sait bien pourquoi.

M. Raphaël Schellenberger. Nous avons déjà beaucoup discuté de cette question lorsque nous avons débattu de la loi d’août 2019 mais les spécificités de l’Alsace sont évidentes, qui font d’elle une destination touristique à part entière : marchés de Noël, typicités des paysages, etc. Je rappelle que l’Alsace a souvent été distinguée sur le plan mondial comme une destination touristique singulière.

La collectivité qui épouse ses contours et porte son nom doit pouvoir intervenir dans le champ touristique, non seulement pour le promouvoir mais pour préparer l’avenir et développer son territoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL621 et CL622 de M. Paul Molac (discussion commune).

M. Paul Molac. Dans un souci de souplesse et d’efficacité, le conseil régional peut déléguer au président de nombreux pouvoirs, qui sont notamment listés à l’article L. 4221-5 du CGCT. En revanche, le président ne peut, en l’état actuel du droit, recevoir délégation du conseil pour l’octroi des aides aux entreprises. Or ces dernières ont le plus souvent besoin d’être fixées rapidement quant à la possibilité de bénéficier de contributions financières de la région pour le montage ou la mise en œuvre de leurs projets. Ce besoin de réactivité n’est toutefois pas toujours compatible avec un examen des décisions d’octroi des aides par l’assemblée délibérante.

C’est pourquoi, afin de fluidifier les procédures d’instruction et d’attribution des aides aux entreprises, il est proposé, comme cela avait été prévu pendant la crise sanitaire, d’introduire dans le droit commun la faculté pour le conseil régional de déléguer au président sa compétence d’octroi des aides. En revanche, la compétence pour fixer les règles d’attribution relèverait toujours, comme actuellement, du seul organe délibérant, le président demeurant lié par le cadre préalablement défini par l’assemblée.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’émettrai également un avis défavorable. Vous proposez que le président puisse attribuer des aides aux entreprises allant jusqu’à 100 000 euros, ce qui me paraît beaucoup. Par ailleurs, je crois qu’il ne faut pas retirer à l’assemblée délibérante sa capacité de décision. Enfin, une telle disposition pourrait mettre en danger les présidents, par les temps qui courent.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL740 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous proposons de modifier la composition de la chambre des territoires de la collectivité de Corse. Cette instance consultative a été introduite par la loi NOTRe et par l’ordonnance du 21 novembre 2016 qui ont fusionné, en une collectivité unique, la collectivité de Corse, les deux départements de Corse-du-Sud et de Haute-Corse et la collectivité territoriale de Corse.

Dès son installation, les membres de cette nouvelle assemblée ont fait état d’un déséquilibre en son sein et proposé au gouvernement de l’époque une composition différente. Un consensus s’est dessiné pour dire qu’il fallait faire plus de place aux maires, ce qui va dans le sens de la loi « engagement et proximité », ainsi qu’aux présidents des intercommunalités, afin que tous les territoires de l’île participent à la définition des politiques publiques de la collectivité de Corse.

En mai 2021, l’Assemblée de Corse a adopté une délibération en ce sens, après avoir consulté les associations de maires ; le consensus était total. Nous souhaiterions que ce projet de loi intègre cette modification, afin que la collectivité de Corse soit une collectivité décentralisée, conformément au souhait initial du législateur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je m’apprêtais à émettre un avis favorable sur votre amendement, car je sais qu’il est fondé, justifié et adapté aux besoins de représentativité des maires sur le territoire insulaire. Toutefois, à la demande du Gouvernement, je vais vous demander de le retirer, car il nécessite une réécriture.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il est absolument nécessaire de réécrire cet amendement, même si nous sommes d’accord sur le fond. Le président de la collectivité est mentionné deux fois, en tant que président de l’exécutif et en tant que président du comité de massif, ce qui est problématique.

L’amendement est retiré.

Article 3 bis A (art. L. 5215-20, L. 5215-20-1 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) : Exercice de la compétence « promotion du tourisme » par les communes

Amendements identiques CL1026 de M. Bruno Questel, rapporteur CL371 de M. Hervé Saulignac, CL922 de M. Jean-René Cazeneuve, CL1107 de M. Paul Molac et CL1366 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Paul Molac. Avec ce nouvel article introduit par le Sénat, les communes membres d’une communauté urbaine ou d’une métropole et reconnues « communes touristiques érigées en stations classées de tourisme » pourraient décider de conserver ou de retrouver l’exercice de la compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme ». Le groupement conserverait, concurremment à ladite commune et sur son territoire, l’exercice de cette même compétence, à l’exclusion de la création d’offices de tourisme.

Ce nouvel article vise directement des territoires qui se sont récemment transformés en communauté urbaine ou en métropole. Or les élus ont adopté ce statut en connaissance de cause. Un tel retour en arrière risquerait de déstabiliser l’ensemble des communautés urbaines et des métropoles. Même s’il ne s’agirait que d’une faculté, une minorité d’élus pourrait décider de lancer le débat, ce qui ne manquerait pas de ralentir la mise en œuvre des projets métropolitains. En outre, lors de chaque renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires, les nouveaux élus pourraient relancer le débat sur la répartition des compétences entre communes et intercommunalité.

Par ailleurs, cette disposition nécessiterait de revoir les dotations de ces groupements. Si leurs compétences sont moins nombreuses, il n’y aurait plus de raison pour que leurs dotations soient plus élevées que celles d’une communauté d’agglomération.

Cette disposition va à l’encontre de la recherche de stabilité réclamée par l’ensemble des associations d’élus locaux.

M. Hervé Saulignac. Penser la promotion d’une commune, si touristique soit-elle, indépendamment de son environnement, cela a pu marcher par le passé, mais ce n’est plus le cas. Désormais, une ville comme Annecy, par exemple, ne vaut que par le massif alpin et les communes qui l’environnent.

Cet article introduit par le Sénat consacrerait une forme de repli territorial et nous ferait perdre en efficacité. C’est pourquoi nous demandons sa suppression.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable aux amendements identiques.

M. Raphaël Schellenberger. Il me semble que vous idéalisez un peu la manière dont peuvent s’exercer certaines compétences à l’échelle d’une communauté urbaine ou d’une métropole. Vous oubliez qu’en matière de tourisme, le choix d’une telle échelle peut nuire à la ville centre ou à de plus petites villes, même si elles sont le fleuron touristique du territoire. On peut comprendre la volonté d’intégration pour les communautés urbaines ou les métropoles, mais le développement et la promotion touristique sont des compétences vraiment particulières, en ce qu’elles sont souvent attachées à un lieu ou à une spécificité qui est tellement localisée qu’elle ne correspond à aucun découpage administratif. Il me semble donc nécessaire de laisser de la liberté aux communes. Je m’étonne que M. Paul Molac soit défavorable à cette mesure qui renforcerait la liberté des pouvoirs locaux. Cela ne me semble pas très cohérent.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de rester cohérent avec ce que nous avons voté ensemble dans la loi « engagement et proximité ».

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 bis A est supprimé et l’amendement CL1118 de M. Stéphane Peu tombe.

Article 3 bis B (art. L. 5224 du code général des collectivités territoriales) : Déséquilibres du tissu commercial de proximité à l’intérieur du périmètre d’un schéma de cohérence territorial

Amendements identiques CL1027 de M. Bruno Questel et CL524 de la commission du développement durable.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. L'article 3 bis B introduit par le Sénat propose qu’en cas de « déséquilibre du tissu commercial » dans le périmètre d’un schéma de cohérence territoriale (SCoT), les groupements de collectivités territoriales consultent les syndicats de salariés et les organisations d’employeurs sur un encadrement des jours et heures d’ouverture de certains commerces. Or le code du travail comporte déjà des dispositions de concertation sur l’ouverture des commerces. Il est donc proposé de supprimer cet article.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 bis B est supprimé et les autres amendements portant sur l’article tombent.

Article 3 bis (art. L. 1111-8-1 du code général des collectivités territoriales) : Facilitation de la délégation de compétences entre l’État et les collectivités

Amendement CL1028 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose de supprimer l’article 3 bis, introduit par le Sénat, qui modifie la procédure applicable au mécanisme de délégation de compétence par l’État à une collectivité territoriale ou à un EPCI à fiscalité propre. Il supprime le décret de validation finale de la procédure au profit de la seule convention signée par le préfet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis surpris que vous soyez favorable à la suppression de cet article, madame la ministre, car cette disposition était un parfait exemple de ce que devrait être la différenciation. Il convient que l’État puisse différencier les territoires, c’est-à-dire confier des compétences différentes à chacun d’entre eux en fonction des réalités locales, sans passer par des processus administratifs particulièrement longs, et en faisant confiance à ses représentants dans les territoires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 bis est supprimé et l’amendement CL305 de M. Hervé Saulignac tombe.

Article 3 ter (art. L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales et art. L. 5311-3, L. 5311-3-1, L. 5312-3, L. 5312-4, L. 5312-10, L. 6123-3 et L. 6123-4 du code du travail) : Compétences des régions en matière d’emploi, de formation professionnelle et d’apprentissage

Amendement CL1129 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Certains présidents de région sont des « Monsieur Plus » : ils essaient de faire à la place de l’État, et parfois plus mal que l’État – je pense à la Normandie, que je connais bien, mais je pourrais citer d’autres régions. J’ai rappelé dans mon intervention liminaire à quel point le principe d’égalité territoriale devant la loi était consubstantiel à l’adhésion à la République. Il faut veiller à ne pas dégrader ce qui fait République et ce qui fait l’unicité de la République. Permettre le transfert à la carte de compétences aussi déterminantes que celles liées à la formation – sachant que les régions sont déjà compétentes en la matière – me paraît préoccupant. Je propose donc de supprimer l’article 3 ter, pour ne pas aller trop loin dans la République éclatée façon puzzle.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous invite à retirer votre amendement au profit de mon amendement CL1029, qui propose une réécriture de l’article 3 ter. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Vous voulez supprimer l’article 3 ter, qui transfère la coordination du service public de l’emploi aux régions. Je suis d’accord avec vous sur le fond, mais je vous invite, moi aussi, à retirer votre amendement au profit de celui du rapporteur. Il paraît en effet souhaitable que Pôle emploi et les régions travaillent ensemble sur les programmes de formation – sans transfert de compétence.

M. Sébastien Jumel. Ma grand-mère aurait dit « C’est moins pire que si c’était mieux », donc je retire mon amendement.

M. Matthieu Orphelin. Ce qui est important, c’est que les conseils régionaux et l’État travaillent main dans la main sur ces questions. Trop de conseils régionaux essaient, comme celui des Pays de la Loire, de réinventer Pôle emploi, alors que ce qui importe, c’est la coordination des deux échelles.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1029 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Mon amendement a très bien été présenté par Mme la ministre.

M. Raphaël Schellenberger. Coordonner, c’est bien mais, en matière de formation professionnelle, il faudrait aussi laisser une plus grande marge de manœuvre aux régions. Je sais que cela peut sembler contradictoire avec la réforme de la formation professionnelle, telle qu’elle a été menée jusqu’ici mais j’ai été interpellé par plusieurs petites structures de formation. Je ne parle pas d’entreprises de formation à but lucratif qui, à certains moments, ont pu être peu scrupuleuses, mais de structures de formation publiques ou soutenues par la collectivité, qui forment à des métiers de niche.

Je pense notamment aux métiers d’art ou à l’enseignement artistique spécialisé : ce sont des secteurs où il est déjà difficile de trouver un organisme de formation. Or, quand on en trouve un, il dépend généralement d’une collectivité territoriale. La réforme de la formation professionnelle fait que ces structures n’arrivent pas à être reconnues en tant que telles, alors même que les régions cherchent à monter des programmes d’emploi dans ces domaines, car ils assurent la transmission, dans le territoire et dans le temps, d’un savoir-faire particulier.

Je peux comprendre que vous ne vouliez pas d’une réforme systémique, mais nous pourrions laisser aux régions la possibilité d’agir en la matière. J’ai le sentiment, monsieur le rapporteur, que votre amendement ne va pas assez loin.

M. Christophe Jerretie. Vous écrivez, monsieur le rapporteur, que les régions « peuvent créer une instance régionale de coordination avec l’action de Pôle emploi ». Parce qu’il est essentiel de renforcer les interactions entre Pôle emploi, les formations d’apprentissage et les régions, je me demande s’il ne faudrait pas rendre cette création obligatoire : je propose que l’on y réfléchisse, d’ici à l’examen du texte en séance publique. Mais peut-être cette rédaction est-elle le fruit d’un compromis avec les acteurs locaux ?

M. Bruno Questel, rapporteur. Effectivement, le dialogue permet toujours d’avancer avec les associations d’élus locaux.

M. Thibault Bazin. Vous nous avez promis, avec ce projet de loi, un grand acte de la décentralisation...

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Justement, non !

M. Thibault Bazin. C’est pourtant ce que j’avais cru comprendre. Mais si vous proposez seulement un ajustement technique, faisons au moins en sorte qu’il soit adapté aux territoires.

Certains territoires ont de vraies spécificités régionales et je ne suis pas sûr que, tel qu’il est rédigé, l’article adopté par le Sénat garantirait la souplesse et la différenciation nécessaires pour développer des formations ad hoc, notamment dans les métiers d’art. La Lorraine et l’Alsace ont vraiment des spécificités en la matière.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce serait une bonne chose que les intercommunalités puissent elles aussi intervenir. Je ne sais pas à quel niveau cela doit se faire, certainement pas au niveau de la direction, mais les réflexions en cours doivent associer les intercommunalités et les territoires, aux côtés des régions.

C’est déjà le cas en matière économique mais il est absolument indispensable que ce soit aussi le cas en matière de formation, aux côtés de Pôle emploi. Il me semble que la région n’est pas la plus à même d’estimer les besoins de formation d’un territoire : elle reste un peu lointaine et il importe qu’elle dialogue avec ses intercommunalités pour savoir de quels plans de formation les territoires ont besoin. Le couple constitué par les régions et les intercommunalités s’impose désormais dans bien des domaines, en particulier dans celui de la formation.

M. Bruno Questel, rapporteur. Moi qui habite la même région que M. Sébastien Jumel, je peux vous dire que l’actuel président de région réunit les intercommunalités pour aborder ces questions. Cela relève aussi de la libre administration des collectivités locales.

M. Ludovic Mendes. Dans la région Grand-Est, l’Alsace et la Moselle ont un droit spécifique, qui a aussi des effets sur la formation et l’emploi. Le caractère frontalier de la région pose également des questions particulières en matière de formation. Dans ce contexte, faire intervenir les départements et les EPCI serait effectivement une bonne chose : cela aurait un véritable impact au niveau du territoire.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 ter est ainsi rédigé.

Article 3 quater (art. L. 1251-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et art. 78 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Comité État-régions

Amendements identiques CL1030 de M. Bruno Questel et CL1368 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 3 quater, adopté par le Sénat, pourrait s’entendre s’il n’existait pas déjà des associations d’élus et si les gens ne se parlaient pas dans la vraie vie. En l’occurrence, il est superfétatoire. Je propose donc de le supprimer.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 quater est supprimé.

Article 3 quinquies (art. L. 4124-1 du code général des collectivités territoriales) : Facilitation de l’inscription à l’ordre du jour d’une fusion d’une région et des départements qui la composent

Amendement CL1119 de M. Stéphane Peu.

M. Sébastien Jumel. Nous souhaitons revenir sur un ajout adopté au Sénat, qui assouplit la procédure permettant la fusion en une collectivité unique d’une région et de ses départements.

Cela paraîtra peut-être ringard aux représentants du nouveau monde, mais je suis profondément attaché à la commune, comme pilier de la République. Je suis nostalgique d’un État qui protège, d’un État stratège, qui aménage et planifie, d’un État qui prend soin de la population, quel que soit l’endroit où l’on habite. Je suis profondément attaché, enfin, au couple que forment la commune et le département, car c’est lui qui peut répondre, au plus près, aux besoins de la population. C’est la raison pour laquelle je combats tout ce qui est de nature à effacer le département à l’insu de son plein gré.

M. Bruno Questel, rapporteur. Heureusement que M. Acquaviva n’est plus là, parce que vous l’auriez contrarié. La collectivité territoriale de Corse a vu disparaître ses deux départements et je crois comprendre que tout se passe bien. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Paul Molac. Je n’idéalise rien et je regarde les choses telles qu’elles sont, y compris l’État, avec ses forces et ses faiblesses. Si des collectivités locales sont d’accord pour fusionner en une seule, je ne vois pas de quel droit on les empêcherait de le faire. Ce n’est pas plus compliqué que cela.

Des personnes militent en Bretagne pour que nous ayons une collectivité locale rassemblant les compétences de la région et des départements. Cela supposerait sans doute de changer le fonctionnement de la collectivité régionale, le nombre de conseillers régionaux et leur mode d’élection, qui pourrait associer un scrutin de liste et un vote par circonscription, afin d’assurer à la fois la représentation politique des partis et celle des territoires. Sachez que l’on y songe, même s’il paraît compliqué de faire fusionner cinq départements en une seule collectivité. En tout cas, je ne vois pas l’intérêt de supprimer cet article.

M. Raphaël Schellenberger. Cet article ne fait que perfectionner la loi de réforme des collectivités territoriales de 2010, qui a donné la possibilité aux régions de fusionner avec leurs départements. À l’époque, cette fusion n’était possible que si une série de conditions étaient remplies : des délibérations concordantes, une consultation de type référendaire des habitants et une majorité qualifiée, tant à l’échelle de la région que de chaque département, avec un seuil de participation minimal.

En 2013, alors que 57% des Alsaciens s’étaient prononcés en faveur de la fusion de leurs deux départements et de la région Alsace, cette fusion n’a pas eu lieu, parce que toutes ces conditions n’étaient pas satisfaites. Cet amendement aurait été pertinent avant le grand découpage régional, qui a créé de très grandes régions : je ne vois que peu d’exemples, aujourd’hui, de régions qui pourraient vouloir fusionner avec leurs départements. Mais comme on n’est jamais à l’abri d’une bonne nouvelle, je préfère que l’on inscrive cette possibilité dans la loi. On peut très bien envisager un nouveau redécoupage en régions plus petites, qui faciliterait ce type de fusion.

M. Sébastien Jumel. À cette heure-ci, la dialectique de notre collègue de droite m’échappe un peu… La loi NOTRe a servi d’accélérateur au déménagement du territoire, à la métropolisation des régions, à l’éloignement des villes moyennes et du milieu rural. Les grandes métropoles aspirent l’ensemble des services de l’État, qui connaissent si mal le terrain qu’ils doivent regarder Google maps pour instruire des dossiers de fermeture de classe ou de permis de construire.

L’avis des gens compte ! Dans ma circonscription, des maires ont été balayés aux municipales parce que les habitants n’avaient pas été consultés sur la création de communes nouvelles. C’est à la fois rassurant et inquiétant, car ces pratiques où les élus décident entre eux, parce qu’ils sont supposément les seuls à comprendre les enjeux, peuvent ouvrir un boulevard aux ennemis de la République. Partout où les choses se font sans les gens, la République recule.

C’est pourquoi je suis très attaché à ce que la loi, et les principes démocratiques, encadrent les mécanismes de fusion.

M. Thibault Bazin. Il faudrait que cet article vise des cas concrets, sans quoi il pourrait créer un doute, introduire une instabilité. Une fusion entre région et départements peut avoir du sens si l’on recherche l’efficacité et la proximité, mais il faut qu’on puisse la justifier et que les périmètres soient pertinents.

Comme Sébastien Jumel, je crois dans les cellules de base de la démocratie que sont la commune et le département. Le problème, ce sont les EPCI et les régions taille XXL : ils risquent de susciter, comme l’Europe, la défiance. Avec ces articles, nous devons chercher à résoudre la crise de confiance des citoyens dans les collectivités.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je voudrais ramener le débat à sa juste mesure en rappelant que cet article, introduit par un amendement au Sénat, vise à abaisser à 5 % la proportion de conseillers départementaux qui peuvent lancer l’initiative de fusion. Il ne concerne que le début du processus.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 3 quinquies non modifié.

Après l’article 3 quinquies

Amendement CL875 de M. Yannick Kerlogot.

M. Yannick Kerlogot. Vous avez expliqué, monsieur le rapporteur, qu’il n’était pas question de bouleverser les équilibres issus de la loi NOTRe ; c’est le sens de l’allocution du Président de République, qui a rappelé aux maires réunis en congrès que, conformément à ses engagements de candidat, son mandat n’aura pas connu de grandes réformes institutionnelles, excepté les changements apportés par les élus eux-mêmes – à l’image de la création de la collectivité européenne d’Alsace.

Toutefois, plusieurs années après le redécoupage des régions, les citoyens continuent de se mobiliser. En 2019, une pétition signée par 105 000 habitants de Loire-Atlantique réclamait qu’un référendum soit organisé sur le retour de ce département au sein de la région Bretagne. Il est important que les parlementaires entendent cette demande. Notre amendement, qui relaie une proposition de l’association « À la Bretonne ! », rappelle que le débat n’est pas clos.

Il s’agit d’ouvrir la voie à une correction à la marge du découpage des régions en permettant aux départements de changer de région, après consultation des électeurs du département sortant, accord de la région d’accueil et avis simple de la région de sortie.

M. Bruno Questel, rapporteur. Le redécoupage des régions est incontestablement une mauvaise réforme, tant les conditions dans lesquelles il a été effectué sont discutables – excepté pour la Normandie, puisque les deux régions ont fusionné de manière naturelle, selon le vœu de nombreux élus, y compris ceux présents dans cette salle…

Toutefois, et conformément aux engagements du Président de la République, nous n’entendons pas le réviser, même localement. Il ne peut y avoir d’exception à cela – y compris pour la Bretagne.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article L. 4122-1-1 du CGCT autorise un département et deux régions contiguës à demander une modification des limites régionales visant à inclure le département dans le territoire de la région limitrophe. Or jamais les assemblées du conseil départemental de Loire-Atlantique et du conseil régional de Bretagne n’ont fait usage de cette faculté.

M. Matthieu Orphelin. Le référendum organisé en Loire-Atlantique est sans conteste un élément important de la réflexion sur le retour d’une Bretagne à cinq départements. Mais ce qui me gêne dans cette proposition de l’association « À la Bretonne ! », c’est qu’elle ne prévoit pas de consultation des habitants des autres départements de la région de sortie. Quel que soit le redécoupage concerné, il ne peut y avoir deux classes de citoyens.

Il faudrait que les deux régions administratives concernées, la Bretagne et les Pays-de-la-Loire commencent par mieux travailler ensemble. Il est lamentable de constater à quel point cela leur est difficile alors qu’il y a tant de choses à faire concernant les transports ou la recherche !

M. Sébastien Jumel. Au début du mandat présidentiel, la réforme était un principe irréfragable, c’était « Vous allez voir ce que vous allez voir ! » ; désormais, le macronisme s’apparente à du Raymond Barre revisité, c’est « il faut mettre un frein à l’immobilisme » ! Être macroniste, aujourd’hui, consiste à ne surtout pas faire peur à qui que ce soit en engageant une réforme. Voyez comme, s’agissant de la pêche, la France s’est couchée à la première quinte de toux anglaise… Le souffle du Nouveau monde s’est éteint.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Centrez vos propos sur les amendements, monsieur Jumel, et vous serez plus convaincant.

M. Paul Molac. Je dois le vérifier mais il me semble, madame la ministre, que le droit d’option prévu par la loi NOTRe s’est éteint en 2021.

La pétition pour que soit organisée une consultation de la population de Loire-Atlantique sur le retour du département en Bretagne, portée par l’association Bretagne réunie, a recueilli 105 000 signatures, soit un peu plus de 10 % des habitants. Il est important que cette demande aboutisse : dois-je rappeler que le non-respect d’un référendum précédent – sur la construction d’un aéroport… – a créé un certain traumatisme ?

Le département de Loire-Atlantique et la région de Bretagne en ont appelé au Président de la République. Il existe donc bien une demande de la part des deux collectivités. Je voterai cet amendement car, même si la région Pays-de-la-Loire refuse de voir la Loire-Atlantique retourner dans sa région d’origine, il me semble que c’est d’abord aux citoyens du département d’en décider.

M. Raphaël Schellenberger. Même si la littérature sur la question est très abondante, j’ignorent ce que ressentent les Bretons et, en bon décentralisateur et tenant des pouvoirs locaux, je ne me sens pas légitime à exprimer mon point de vue sur le retour de la Loire-Atlantique en Bretagne.

Je réagirai cependant à vos propos, monsieur le rapporteur. Vous expliquez que le redécoupage des régions a été mal fait, que c’est une erreur majeure du quinquennat socialiste, mais vous répétez depuis quatre ans – je reconnais votre constance – que la majorité n’y changera rien. Sébastien Jumel a raison : lorsqu’une réforme est mauvaise, vous vous précipitez pour ne pas la corriger !

M. Bruno Questel, rapporteur. Cher collègue, nous avons tous les deux mené une mission d’information sur l’évaluation de l’impact de la loi NOTRe et fait le constat du mauvais découpage d’un certain nombre de régions. Nous avons aussi préconisé de procéder à une évaluation de l’impact humain et financier préalablement à une nouvelle réforme de la carte, non de faire du cas par cas, dans une visée clientéliste.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 (art. L. 1112-16 et L. 1821-1 du code général des collectivités territoriales) : Modalités d’organisation d’une consultation locale des électeurs dans les collectivités territoriales

Amendement CL1031 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose que le conseil municipal ou le bureau de l’assemblée délibérante se prononce sur la recevabilité de la pétition et, si elle est recevable, que le maire ou le président de l’assemblée délibérante en fasse rapport lors de la prochaine réunion.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL372 de M. Hervé Saulignac et CL1369 de Mme Émilie Chalas. 

M. Hervé Saulignac. La loi prévoit qu’un électeur ne peut signer qu’une seule demande tendant à l’organisation d’une consultation par une même collectivité territoriale. Nous proposons de supprimer cette disposition absurde, qui constitue une limitation à la liberté des citoyens d’exercer leur droit de pétition.

M. Bruno Questel, rapporteur. Le souci légitime de favoriser la participation citoyenne ne doit pas conduire à paralyser l’action publique. Le risque est que les électeurs en viennent à harceler les élus. Dans les petites communes, en particulier, il n’est pas très difficile d’atteindre le seuil de signataires requis.

En tout état de cause, il ne faudrait pas que le nombre de demande par électeur excède, par année, celui des réunions de l’assemblée délibérante. Je vous propose de retirer vos amendements afin que nous travaillions ensemble à une rédaction aboutie en vue de la séance, en concertation avec le cabinet.

M. Rémy Rebeyrotte. Je retire l’amendement CL1369.

M. Hervé Saulignac. Lorsque le rapporteur parle de harcèlement des élus, il exprime une crainte à l’égard de nos concitoyens à laquelle je refuse de m’associer ! Je maintiens l’amendement.

M. Matthieu Orphelin. Entre le risque de harcèlement des élus – une formule étrange – que le rapporteur met en avant et la proposition tout à fait légitime de nos collègues, nous pouvons trouver un compromis. Il est important de renforcer la possibilité qu’ont les citoyens de participer à la démocratie.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ce harcèlement existe dans la vraie vie ! Sans vouloir entrer dans les détails, il m’est arrivé plus d’une fois, dans mon activité professionnelle, de traiter ce genre de question. On ne peut laisser se multiplier les pétitions, ces débordements sont dus à la nature humaine. Il nous faut trouver un juste milieu et poser un cadre : c’est bien la raison pour laquelle j’ai proposé de retravailler la rédaction de ces amendements.

L’amendement CL1369 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL372.

Amendement CL67 de M. Matthieu Orphelin. 

M. Matthieu Orphelin. Tout ce qui favorise la participation citoyenne dans les décisions et dans les débats est bienvenu. Nous proposons que les collectivités territoriales assurent la promotion de ce dispositif de participation citoyenne, encore trop méconnu.

M. Bruno Questel, rapporteur. J’ai toute confiance dans le tissu associatif pour qu’il assure lui-même son autopromotion. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette proposition, fort louable, n’a pas de caractère normatif.

M. Matthieu Orphelin. La réponse de la ministre est amusante car elle sait bien que des milliers de dispositions sans portée législative ont pourtant été inscrites dans la loi ces cinq dernières années !

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendements identiques CL244 de M. Thibault Bazin, CL363 de M. Hervé Saulignac, CL654 de M. Sébastien Jumel et amendement CL798 de M. Xavier Breton (discussion commune).

M. Thibault Bazin. Cette nouvelle rédaction des dispositions du CGCT relatives à la consultation citoyenne permet de renforcer la démocratie de proximité. Elle lève notamment l’ambiguïté sur la possibilité d’y recourir dans le cas d’un projet de regroupement au sein d’une collectivité unique – le sujet est à nouveau soulevé depuis le renouvellement des conseils municipaux. Il convient de préciser à quel moment cette procédure prend place et si les résultats de la consultation citoyenne engagent les conseils municipaux.

Monsieur le rapporteur, j’espère que vous considérerez avec bienveillance cette proposition et que vous ne lui réserverez pas le même sort qu’aux articles issus du Sénat.

M. Sébastien Jumel. Cela peut paraître bizarre pour les élus des métropoles, mais la République c’est une mairie, une école et même, dans certains villages, une église – et c’est un coco qui vous le dit !

Ceux qui ne l’ont pas compris ont créé des mastodontes intercommunaux, éloignés de tout et auxquelles on ne comprend rien ; ils ont, en créant des communes nouvelles, effacé cette identité qui fait la France. Ce faisant, ils ont participé à l’aggravation de la fracture entre les citoyens et la puissance publique. Vous pouvez trouver cela ringard, mais c’est ma vie : chez moi, les gens sont attachés à leur commune, à leurs racines.

Je le dis avec gravité : je ne veux pas qu’on laisse cela aux ennemis de la République. S’offrir le luxe de fusionner les communes sans consulter les citoyens est une erreur politique majeure.

Les maires ont affirmé leur attachement à la commune comme instance de démocratie vivante à Bourgtheroulde : nous y étions tous deux, monsieur le rapporteur – vous jouiez à domicile, j’étais là pour bousculer l’ambiance cosy du lancement du grand débat. Il faut préserver à tout prix cet échelon de la démocratie.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous remercie d’avoir fait référence au lieu où je suis né, où j’ai exercé et où j’habite toujours. Mais permettez-moi de corriger : il s’agit de Grand Bourgtheroulde, une commune nouvelle créée en application de la loi, après consultation de la population au moyen de plusieurs réunions publiques.

Ces amendements visent à permettre aux conseils municipaux de consulter les électeurs avant de délibérer sur la création d’une commune nouvelle, donnant ainsi un pouvoir de blocage à chaque commune dans les cas où le rejet des électeurs s’accompagne d’un vote négatif du conseil municipal.

Ils sont en partie satisfaits puisque les communes ont déjà la possibilité d’organiser des consultations, avant une décision dans des conditions de droit commun. Par ailleurs, s’il n’y a pas accord de tous les conseils municipaux et si au moins deux tiers des conseils municipaux sont favorables à la création de la commune nouvelle, une consultation électorale est organisée automatiquement. Il n’est pas souhaitable d’alourdir la procédure existante. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Nous vous disons : meilleure prise en compte de l’avis des citoyens et des conseillers municipaux ; vous nous répondez : alourdissement. Nous ne sommes pas là pour alourdir ou simplifier – à ce compte, le régime le plus simple, c’est la dictature !

Dans certains endroits s’expriment des craintes, des angoisses, parce qu’il y a un problème d’adhésion et que les projets ne sont pas suffisamment concertés. Si nous avons proposé cet amendement – certes satisfait pour ce qui est de sa première partie –, c’est pour améliorer le dispositif existant.

M. Sébastien Jumel. Les Marcheurs ont pris des mauvaises habitudes – je ne parle pas du fonctionnement de cette commission, madame la présidente – : ils considèrent que la démocratie est une perte de temps.

M. Rémy Rebeyrotte. Alors qu’au parti communisme, on est démocrate !

M. Sébastien Jumel. La démocratie n’est jamais une perte de temps, elle peut même être gage d’efficacité.

M. Bruno Questel, rapporteur. Permettez-moi de préciser que Grand Bourgtheroulde compte non pas une, mais cinq églises et que sans la création de la commune nouvelle, trois d’entre elles n’auraient pu être rénovées.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL863 de M. Yves Blein.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il convient d’intéresser davantage les citoyens aux décisions publiques locales. Si la loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité garantit à tous les habitants d’une commune le caractère effectif du droit à en être informés, les règles encadrant la diffusion de l’information sont anciennes. Eu égard aux moyens numériques dont nous disposons, je propose que les citoyens soient systématiquement informés de l’ordre du jour des conseils municipaux.

M. Bruno Questel, rapporteur. Précisons que l’amendement prévoit la publication en ligne non seulement de l’ordre du jour mais aussi de la convocation et de la note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération. Il est en partie satisfait par l’ordonnance du 7 octobre 2021 portant réforme des règles de publicité, d’entrée en vigueur et de conservation des actes pris par les collectivités territoriales et leurs groupements, laquelle a réalisé des avancées importantes en la matière, en prévoyant notamment que le procès-verbal de chaque séance est arrêté au commencement de la séance suivante puis publié sous forme électronique de manière permanente et gratuite sur le site internet de la commune, lorsqu’il existe. Ce procès-verbal contient notamment l’ordre du jour, les délibérations adoptées et les rapports au vu desquels elles ont été adoptées.

Quant à la convocation, l’article L. 2121-10 du CGCT prévoit déjà qu’elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ajoute qu’un des principes fondateurs du droit d’accès aux documents administratifs est la non-communication des documents préparatoires à une décision administrative : ce sont les documents finaux qui doivent être produits.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL873 de M. Yves Blein.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Dans le même esprit, il convient que les séances des commissions permanentes soient publiques, sauf si deux membres ou le président s’y opposent.

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : dans sa décision du 14 janvier 1999 relative à la loi relative au mode d’élection des conseillers régionaux et des conseillers de l’assemblée de Corse et au fonctionnement des conseils régionaux, le Conseil constitutionnel a censuré des dispositions similaires, au motif qu’« en imposant aux débats de la commission permanente le principe de la publicité, plutôt que de laisser au règlement intérieur du conseil régional le soin de déterminer cette règle de fonctionnement, le législateur a restreint la libre administration d’une collectivité territoriale, au point de méconnaître les dispositions de l’article 72 de la Constitution ».

L’amendement est retiré.

Article 4 bis A (art. L. 5211-49 du code général des collectivités territoriales) : Modalités d’organisation d’une consultation locale des électeurs dans les établissements publics de coopération intercommunale

Amendement CL1371 de Mme Yaël Braun-Pivet.

M. Rémy Rebeyrotte. Il s’agit de faciliter l’utilisation des outils de démocratie locale en supprimant la limite annuelle d’une seule demande tendant à l’organisation d’une consultation au sein d’un EPCI par électeur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait en vue d’un travail en liaison avec le cabinet.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 4 bis A non modifié.

Après l’article 4 bis A

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL781 de M. Thomas Rudigoz.

Article 4 bis B (art. L. 3633-2 du code général des collectivités territoriales) : Rôle de la conférence métropolitaine au sein de la métropole de Lyon

Amendement CL492 de M. Jean-Louis Touraine et sous-amendement CL1592 de Mme Blandine Brocard.

M. Jean-Louis Touraine. En septembre dernier, quarante-quatre des cinquante-neuf maires de la métropole de Lyon ont signé une tribune pour critiquer une gouvernance qu’ils considéraient comme « dogmatique et verticale ». Ils soulignaient notamment le fait que la majorité des communes n’est pas représentée au sein des instances délibératives de la métropole.

De fait, l’expérience montre qu’il serait nécessaire de mieux faire participer les maires aux décisions stratégiques de la métropole pour le territoire. Aussi le présent amendement vise-t-il à améliorer le fonctionnement de la conférence métropolitaine de manière à renforcer la démocratie locale. La conférence métropolitaine pourrait ainsi émettre un avis sur certains dossiers en amont de leur présentation devant le conseil de la métropole, où les maires ne siègent pas.

Mme Blandine Brocard. La métropole de Lyon dispose d’un statut unique, et ce depuis une date récente, puisque cela remonte à mars 2020. Elle est dotée d’un conseil élu au suffrage universel direct par un scrutin de listes à deux tours – de manière distincte du conseil municipal – et d’une conférence métropolitaine dans laquelle siègent les maires des cinquante-neuf communes constituant la métropole, les deux plus importantes étant Lyon et Villeurbanne. Le problème, c’est que dans le cadre de cette organisation, les communes les plus petites ne pèsent plus autant qu’elles pouvaient le faire auparavant, au sein du conseil de la métropole. Comme l’a dit Jean-Louis Touraine, il serait nécessaire de faire évoluer les choses sans pour autant bouleverser tout l’édifice, afin que la totalité des maires des cinquante-neuf communes aient voix au chapitre. Mon sous-amendement vise simplement à éviter tout effet contre-productif.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable sur l’amendement et le sous-amendement : si la modification du nom de la conférence et celle des modalités suivant lesquelles elle peut interpeller le conseil de la métropole ne semblent a priori pas soulever de difficultés, je suis plus que réservé sur les autres propositions. Il me semble en particulier délicat d’introduire une forme de dyarchie au sein de la métropole, à travers la « cohabitation », pour ainsi dire, de deux présidents, celui de la conférence des maires et celui de la métropole elle-même, car cela pourrait poser des problèmes de gouvernance et de lisibilité de l’action de la collectivité territoriale. En outre, je ne suis pas favorable à une redéfinition des règles de majorité. Il me semble préférable de maintenir les équilibres établis par la réforme de 2014.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis moi aussi défavorable à l’amendement et au sous-amendement, bien que certaines des propositions formulées ne me gênent pas fondamentalement – ainsi le changement de nom de la conférence ou la possibilité d’inscrire à l’ordre du jour du conseil de la métropole une résolution dès lors qu’un certain nombre de maires le demandent. Le reste me semble plus problématique.

Par ailleurs, une mission sénatoriale va être créée en vue d’évaluer la gouvernance de la métropole de Lyon : il serait sage d’attendre son rapport pour que l’on puisse travailler avec sérénité sur le sujet. S’il est certain que la gouvernance est à améliorer, en faisant participer l’ensemble des maires, on ne peut pas tout changer du jour ou lendemain, d’autant qu’il s’agit d’une collectivité à statut particulier, élue au suffrage universel direct.

M. Sébastien Jumel. Tiens, une fois qu’on a perdu la main, on s’aperçoit que les contre-pouvoirs ont du bon ? Pour le coup, je suis d’accord : c’est une question qui mérite d’être posée, et au-delà du cas spécifique de la métropole de Lyon, puisque, dans nombre d’intercommunalités – surtout depuis qu’on a réduit le nombre d’élus en leur sein –, des communes ne sont pas représentées. Étant profondément attaché à la commune, je souscris à cet amendement : la conférence des maires est une instance souveraine qui devrait être consultée à chaque fois que des questions de souveraineté communale sont en jeu.

M. Raphaël Schellenberger. Je trouve moi aussi que ces amendements sont intéressants et je suis surpris de la capacité de certains – notamment du rapporteur – à défendre de façon asymétrique la place des maires. Quand il s’agit de la Corse, on voudrait que les maires soient davantage entendus ; quand le résultat de l’élection du président de l’Association des maires de France ne va pas dans le sens souhaité, on dit que l’association n’est pas représentative parce que le principe « un maire, une voix » n’est pas juste ; quand on est à quelques mois d’une élection municipale où La République en marche présente des candidats, on fait une loi « engagement et proximité » pour revaloriser le rôle du maire ; mais pour Lyon, on voudrait continuer à cautionner un système dans lequel la majorité des maires sont dessaisis de leurs compétences habituelles au profit de la métropole et ne peuvent même pas émettre des avis sur les sujets qui les concernent !

Revoir le fonctionnement de la conférence des maires me semble une bonne idée, d’autant que ladite conférence ne dispose pas du pouvoir délibératif. Je ne vois pas en quoi le fait d’en confier la présidence à un maire élu par les autres maires plutôt qu’au président de la métropole créerait un déséquilibre manifeste. On a voulu encourager les conférences de maires par la loi « engagement et proximité », en soulignant que les préoccupations des communes et celles de l’intercommunalité n’étaient pas tout à fait les mêmes et que le président de la conférence des maires ne devait pas être nécessairement celui de l’EPCI, mais à Lyon, ce ne serait plus valable ? Je trouve l’amendement plutôt équilibré, car il permettrait de corriger une erreur sans remettre en cause le verdict des urnes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il me semble avoir dit à peu près la même chose : nous sommes prêts à travailler sur cette question après que la mission d’information du Sénat aura remis son rapport.

M. Bruno Questel, rapporteur. Mon collègue Schellenberger usant facilement du procès d’intention, je vais clarifier ma position : l’adoption de l’amendement et du sous-amendement provoquerait un rééquilibrage institutionnel entre la conférence des maires et la métropole de Lyon, qui instaurerait une forme de dyarchie pour tout ce qui concerne l’organisation générale de la métropole. Vous savez très bien qu’on ne peut pas inscrire cela dans la loi.

La commission rejette successivement le sous-amendement et l’amendement.

Elle adopte l’article 4 bis B non modifié.

Après l’article 4 bis B

Amendement CL966 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je propose que le conseil de la métropole élise en son sein un conseiller délégué pour chaque circonscription. L’élection s’effectuant à l’échelon de la circonscription, cela permettrait que chaque citoyen dispose d’un élu référent et que soit mieux articulés le travail entre les maires et le conseil de la métropole, sur le modèle des mairies d’arrondissement instaurés par loi « PLM ».

M. Bruno Questel, rapporteur. La représentation de chacune des circonscriptions est déjà permise par la loi : il revient au conseil de métropole de s’organiser ainsi. Aller au-delà irait à l’encontre du principe de libre administration des collectivités locales. Je peux comprendre les difficultés liées à l’exercice du mandat actuel, mais on ne peut modifier la loi pour en atténuer les effets.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il faudra examiner cela à l’issue du travail engagé par le Sénat.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit non pas de modifier le dispositif actuel, mais de prévoir un échelon intermédiaire. Dans le cas d’une collectivité de quelque 1,4 million d’habitants, les citoyens peuvent difficilement s’adresser directement au président de la métropole.

M. Raphaël Schellenberger. S’il importe d’apporter des modifications à la conférence des maires, qui sont des élus particuliers, je ne crois pas qu’il soit du ressort de la loi de définir en détail les modalités d’organisation du pouvoir exécutif. On n’en finirait pas : il faudrait aussi préciser que dans les conseils départementaux, il faut un vice-président par territoire, dans les conseils régionaux, un vice-président par département, etc. Laissons aux exécutifs la liberté de s’organiser comme ils le veulent, au risque que ce ne soit pas toujours optimal – mais que voulez-vous, ce sont les joies de la libre administration des collectivités territoriales !

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL742 de Mme Blandine Brocard et CL1047 M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

Mme Blandine Brocard. Nos amendements visent non pas à bouleverser l’équilibre institutionnel, mais à le parfaire, monsieur le rapporteur. Il s’agit d’un dispositif unique et très récent, que nous nous efforçons d’ajuster afin qu’il fonctionne le mieux possible et que les habitants de la métropole soient pleinement représentés au sein du conseil de la métropole, de même que les communes, à travers leur maire, au sein de la conférence métropolitaine, et cela quelle que soit leur taille.

Outre cette conférence métropolitaine, il existe des conférences territoriales des maires, qui n’ont d’autre fonction que de pouvoir être consultées par la métropole. Je propose qu’à l’instar de la conférence métropolitaine, et afin que tous les maires aient leur mot à dire, chaque conférence territoriale puisse demander l’inscription de certains sujets à l’ordre du jour du conseil de la métropole.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il importe en effet que chaque conférence territoriale puisse demander que soient abordés des sujets qui sont essentiels pour elle, comme les schémas de cohérence territoriale, les schémas de secteur, les plans locaux d’urbanisme, les programmes locaux d’habitat, les plans de mobilité, ou, au moins, qu’on lui demande son avis sur ces questions.

M. Bruno Questel, rapporteur. Madame Brocard, nous avons fait le choix de renforcer le pouvoir d’interpellation de la conférence des maires, qui me semble être l’échelon le plus approprié.

Monsieur Isaac-Sibille, c’est à la conférence métropolitaine qu’il revient d’émettre des avis, et non aux échelons inférieurs ; sinon, on n’en finirait pas et on se heurterait inéluctablement à des difficultés d’application sur le terrain.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je pense que l’amendement CL1047 est satisfait. Quant au CL742, il s’agit d’une proposition intéressante, mais qui doit s’inscrire dans une réflexion globale. Demande de retrait.

L’amendement CL1047 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL742.

Amendement CL741 de Mme Blandine Brocard.

Mme Blandine Brocard. Sous l’impulsion de notre collègue Catherine Di Folco, sénatrice du Rhône, le Sénat a introduit la possibilité pour la conférence métropolitaine de demander, par une résolution adoptée à la majorité des deux tiers, l’inscription d’un sujet à l’ordre du jour du conseil de la métropole. Or l’article de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM) instaurant la conférence métropolitaine prévoit que celle-ci rend ses avis à la majorité simple des maires représentant la moitié de la population totale des communes situées sur le territoire de la métropole de Lyon. Concrètement, cela signifie que des avis peuvent être adoptés avec les seules voix des maires de Lyon et Villeurbanne. Mon amendement vise, dans un souci d’harmonisation, à imposer la majorité des deux tiers pour toutes les décisions de la conférence métropolitaine.

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable : nous avons déjà eu le débat à l’article 4 bis B.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Pour le coup, j’y suis défavorable.

Mme Blandine Brocard. Je ne comprends pas, madame la ministre : cette mesure est cohérente avec ce qui a été voté au Sénat, et elle est très mesurée. Ce que nous souhaitons, c’est éviter que deux énormes communes décident de tout, sans que les cinquante-sept autres aient voix au chapitre, comme c’est le cas depuis un an et demi. Il faut veiller à ce que certains sujets qui concernent plus spécifiquement certains territoires puissent eux aussi être débattus.

M. Sébastien Jumel. Je soutiens cet amendement, ne serait-ce que parce que la maire de Vénissieux m’en voudrait si je ne le faisais pas, mais je me demande si l’on aurait déposé des amendements du même type du temps de Gérard Collomb… Ce qui vous semble juste aujourd’hui ne l’était-il donc pas hier ?

M. Paul Molac. Compte tenu du fait majoritaire, la plus grande ville détient tous les pouvoirs et la conférence métropolitaine ne représente plus les territoires. Or, en démocratie, le fait majoritaire n’est pas suffisant. Dans de nombreux pays, les territoires sont pris en compte : ainsi, le Parlement allemand est composé de l’équivalent de notre assemblée nationale et d’une chambre des régions. Le problème vient peut-être du fait que le Sénat représente surtout les maires en général, et pas assez les petits maires et les élus des autres collectivités. Faire en sorte que notre système ne fonctionne pas uniquement selon le fait majoritaire, c’est être plus démocrate et même plus intelligent.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 bis C (art. L. 5211-5-1 A du code général des collectivités territoriales) : Modalités de scission d’une intercommunalité

Amendements de suppression CL1032 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL923 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Bruno Questel, rapporteur. Dans le cadre d’un projet de partage d’une communauté de communes ou d’agglomération, il ne nous paraît pas opportun de déroger aux règles classiques de création des EPCI en prévoyant une situation de compétence liée du préfet pour fixer le périmètre de l’intercommunalité.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur, l’exposé sommaire de votre amendement ne correspond pas du tout au dispositif proposé par le Sénat. L’article 4 bis C vise à simplifier la procédure en cas de délibérations concordantes sur un projet de périmètre d’EPCI, en prévoyant que le préfet se borne à prendre acte de cet accord. Vous dites que le préfet doit garder son pouvoir d’appréciation en la matière et vérifier que le nouveau périmètre envisagé ne porte pas atteinte aux équilibres des bassins de vie, mais si tout le monde est d’accord, je ne vois pas pourquoi il interviendrait ! Faisons confiance aux élus locaux, comme vous le souhaitez vous-même, et facilitons la vie des collectivités !

M. Bruno Questel, rapporteur. Si vous ne comprenez pas l’exposé sommaire de mon amendement, lisez celui de l’amendement CL307 de M. Saulignac, qui est identique au mien mais n’a pas pu être défendu. Il est sans doute plus intelligible pour vous.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 bis C est supprimé et les amendements identiques CL206 de M. Vincent Descoeur, CL245 de M. Thibault Bazin, CL314 de Mme Émilie Bonnivard, CL1085 de M. Jean-Félix Acquaviva et CL1333 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier tombent.

Article 4 bis D (art. L. 5211-19 du code général des collectivités territoriales) : Procédure de retrait d’une intercommunalité

Amendements de suppression CL1033 de M. Bruno Questel et CL924 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Bruno Questel, rapporteur. Le maintien de l’article 4 bis D affaiblirait inéluctablement les fondements des communautés d’agglomération.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. La suppression de cet article aurait pour effet de vider de sa substance l’intention du législateur dans la loi « engagement et proximité ». On ne peut pas affirmer que l’on permet à une commune de quitter un EPCI si l’on interdit dans le même temps à cet EPCI de passer en dessous d’un certain seuil de population. En somme, certaines communes seraient moins libres que d’autres. Admettez que le respect de ces seuils est un peu contraignant.

M. Sébastien Jumel. Imaginez que la ville centre d’une communauté d’agglomération de 50 000 habitants décide de se rattacher à une autre intercommunauté : ce faisant, elle fera nécessairement passer la communauté d’agglomération en dessous du seuil de 50 000 habitants. Cette liberté de se détacher d’un EPCI n’appartiendrait-elle qu’aux communes à faible poids démographique ? Le principe de libre rattachement ne s’applique donc qu’aux communes d’un certain niveau de population. Êtes-vous sûre que cela est constitutionnel ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Rappelez-vous comme on a perturbé les territoires lorsqu’on a abaissé à 15 000 le nombre d’habitants de la ville centre à partir duquel une communauté de communes pouvait se transformer en communauté d’agglomération. Du fait de cette mesure, il existe aujourd’hui des communautés d’agglomération qui sont, en réalité, entièrement rurales, mais qui n’en sont pas moins soumises à la réglementation des communautés d’agglomération et doivent, en conséquence, assumer un plus grand nombre de compétences obligatoires. Arrêtons de jouer avec les seuils : c’est comme cela qu’Alençon et les communes alentour ont pu former une communauté urbaine. Ce n’est vraiment pas raisonnable ! Si les communautés d’agglomération ne sont pas organisées autour d’une ville centre, elles rencontreront de nombreuses difficultés.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis tout à fait d’accord avec vous. Cependant, si certains territoires ruraux ont souhaité accéder au statut de communauté d’agglomération, ce n’est pas pour les compétences supplémentaires que cela impliquait ou pour des raisons d’image – même s’il paraît plus prestigieux de se présenter comme le président d’une métropole que comme celui d’une communauté urbaine. En réalité, c’est souvent la bonification de dotation globale de fonctionnement (DGF) qui a poussé des communautés de communes à se transformer en communautés d’agglomération. Or, en maintenant ce statut à bout de bras, on continue d’alimenter cet effet de seuil. En ce qui me concerne, je plaide pour que l’on supprime le statut de communauté d’agglomération et que l’on fasse un peu le ménage dans les statuts d’EPCI disponibles.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 bis D est supprimé.

Article 4 bis (art. L. 5211-17-1 et L. 5211-17-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales et art. 1636 B octies du code général des impôts) : Transfert de compétences « à la carte » des communes membres vers leur établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre

Amendements de suppression CL1034 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL925 de M. Jean-René Cazeneuve et CL1372 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 4 bis introduit par le Sénat est contraire au principe de solidarité sur lequel est basée l’intercommunalité.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 bis est supprimé.

Article 4 ter (art. L. 5214-16, L. 5216-5, L. 5215-20 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) : Critère de l’intérêt communautaire ou métropolitain pour l’exercice de diverses compétences au sein du bloc communal

Amendements de suppression CL1035 de M. Bruno Questel, CL682 de la commission du développement durable, CL926 de M. Jean-René Cazeneuve et CL1108 de M. Paul Molac.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 4 ter élargit la liste des compétences soumises à l’intérêt communautaire ou métropolitain. Il nous semble au contraire important de préserver la stabilité de l’exercice des compétences.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. La construction communautaire comme outil de coopération locale n’a d’intérêt que lorsque ce projet est partagé. Alors qu’on entend souvent une partie de la majorité expliquer à quel point le projet politique est important au niveau local, vous dites aujourd’hui que l’intérêt communautaire, à la base de la construction du projet, est moins important que la loi. Depuis le début de son quinquennat, Emmanuel Macron vante les mérites de la subsidiarité et du « bottom up », mais vous êtes plutôt dans une logique de « top down » : vous imposez les choses d’en haut, par la loi, sans écouter les territoires qui ont envie de construire un projet ensemble.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous n’imposons rien : nous ne changeons pas la loi.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 4 ter est supprimé et les amendements CL1334 et CL1335 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier ainsi que l’amendement CL247 de M. Thibault Bazin tombent.

Après l’article 4 ter

Amendement CL1128 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Je ne suis pas défavorable au fait intercommunal : lorsque les communautés d’agglomération, les métropoles ou, plus largement, les intercommunalités sont à dimension humaine, elles peuvent produire des effets positifs au service de leur territoire. Cependant, elles assurent mal certaines compétences. Par exemple, elles ne savent pas animer les conseils intercommunaux de sécurité et de prévention de la délinquance, car les populations et les forces de l’ordre ne connaissent que le maire, qui reste d’ailleurs compétent en matière de sécurité. Il en est de même pour les sujets de proximité. Si le transfert de certaines compétences à l’EPCI peut se justifier, l’intercommunalité doit aussi pouvoir déléguer aux communes tout ou partie d’une de ses compétences lorsque l’efficacité le commande.

M. Bruno Questel, rapporteur. Nous avons déjà introduit un dispositif de délégation dans la loi « engagement et proximité » pour une compétence précisément identifiée – la gestion de l’eau – et selon des modalités encadrées. Or vous voulez en faire un principe général, sans même énoncer les conditions dans lesquelles les communes pourraient accepter ou refuser cette délégation de compétences. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous ne pouvons pas prévoir une disposition aussi générale. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1171 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Cet amendement vise à mieux identifier, dans la très grande diversité des formes d’EPCI, la catégorie spécifique des EPCI à fiscalité propre. Il est ainsi proposé de regrouper sous le terme générique « intercommunalité », désormais mieux connu des Français, les différents statuts d’EPCI à fiscalité propre, qui resteront naturellement maintenus mais en formant une catégorie commune. La création de cette catégorie permettra de mieux expliquer à nos concitoyens le fait intercommunal, à travers une sémantique claire, et de simplifier l’écriture des lois et règlements tout en la sécurisant.

Outre l’obligation, pour toute commune, de faire partie d’un seul EPCI à fiscalité propre, le législateur a prévu l’exercice d’un certain nombre de compétences à l’échelle de l’intercommunalité. Les conseillers communautaires et métropolitains issus des communes de plus de 1 000 habitants sont directement élus par nos concitoyens.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement restreint le champ de l’intercommunalité, puisqu’il en exclut les syndicats de communes, qui rendent pourtant de nombreux services à la bonne administration des territoires. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement reprend une vieille demande de l’Assemblée des communautés de France, qui s’appelle d’ailleurs aujourd’hui Intercommunalités de France. Que l’on appelle « intercommunalités », dans la vie courante, les EPCI à fiscalité propre ne me dérange pas, mais au-delà des explications de M. le rapporteur, le CGCT parle d’« établissements publics de coopération intercommunale », ce qui emporte une valeur juridique. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL261 de M. Thibault Bazin et CL1174 de M. Paul Molac.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de remédier à un oubli de la loi NOTRe.

M. Paul Molac. Cet oubli concerne la politique locale du commerce.

M. Bruno Questel, rapporteur. La loi NOTRe n’a pas oublié cette compétence pour les communautés urbaines, comme en témoigne l’article L. 5215‑20 du CGCT. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement CL261, l’amendement CL1174 étant retiré.

Amendements CL264 et CL248 de M. Thibault Bazin et amendement CL353 de Mme Agnès Firmin Le Bodo (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’intitulé actuel de la compétence « cimetières et sites cinéraires » des communautés urbaines est source de confusion et d’insécurité juridique. La notion de gestion et le principe d’intérêt communautaire ne sont pas mentionnés : dès lors, la compétence de la communauté urbaine en matière de cimetières comprend-elle ou non l’extension des cimetières communaux existant au moment de sa création ? Dans la mesure où les dispositions législatives préétablies ne visent pas expressément la gestion des cimetières, la communauté urbaine doit-elle assurer la gestion des cimetières qu’elle aurait créés, étendus ou déplacés ? Par ailleurs, quid de la gestion des cimetières communaux existant au moment de la création de la communauté urbaine ?

L’amendement CL264 vise à clarifier et simplifier le cadre juridique applicable en alignant le libellé de la compétence sur celle exercée à ce jour par les métropoles, qui inclut la gestion des cimetières et crématoriums et soumet les cimetières concernés à l’intérêt communautaire.

L’amendement CL248 a le même objet.

M. Christophe Euzet. Je souscris aux explications de M. Bazin : l’intitulé de cette compétence est imprécis dans la mesure où il ne mentionne ni la notion de gestion ni le principe d’intérêt communautaire. Une interprétation malencontreuse de cette rédaction conduit parfois les services de l’État à considérer que la compétence en matière de cimetières et de crématoriums a été intégralement transférée aux EPCI, ce qui ne correspond pas à la volonté du législateur.

M. Bruno Questel, rapporteur. M. Bazin a raison, il faut clarifier et simplifier l’intitulé de cette compétence. Je donne donc un avis favorable à l’amendement CL264 et demande le retrait des deux autres.

La commission adopte l’amendement CL264, l’amendement CL248 étant retiré.

En conséquence, l’amendement CL353 tombe.

Amendement CL246 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’appliquer les principes de subsidiarité et d’adaptation locale.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ce dispositif présente un risque sérieux de démutualisation pour les plus petites communes, qui se retrouveraient à exercer seules des compétences parfois complexes et coûteuses. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Thibault Bazin. Ce n’est pas forcément une question de taille de la commune. On peut être de petite taille et avoir un grand cœur !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL262 de M. Thibault Bazin et CL1176 de M. Paul Molac ; amendement CL263 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin. Ces amendements visent, une fois encore, à remédier à un oubli de la loi NOTRe.

M. Paul Molac. Le rapporteur nous expliquera certainement qu’ils sont satisfaits.

M. Thibault Bazin. N’allez pas retirer votre amendement, monsieur Molac : il est arrivé que le législateur prévoie des dispositions pour les communautés urbaines mais oublie les métropoles, ou inversement.

M. Bruno Questel, rapporteur. M. Molac a raison, les amendements identiques CL262 et CL1176 sont satisfaits. S’agissant de l’amendement CL263, nous ne souhaitons pas modifier l’équilibre des compétences de la Métropole du Grand Paris. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Première réunion du mardi 23 novembre à 17 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/PDM4tV

Article 4 quater (art. L. 1121-1 et L. 1121-2 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales et art. L. 132-14 et L. 143-21 du code de l’urbanisme) : Conférence de dialogue État-collectivités

Amendement de suppression CL1036 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur pour les titres Ier à V. L’article 4 quater, ajouté par nos collègues sénateurs, aurait pour effet de rendre inutile les associations d’élus locaux. Je propose sa suppression.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 quater est supprimé, et l’amendement CL231 de Mme Sandra Marsaud tombe.

Après l’article 4 quater

Amendements identiques CL397 de Mme Jeanine Dubié et CL1212 de Mme Pascale Boyer.

M. Jean-Félix Acquaviva. Les caractéristiques propres aux communes de montagne justifient d’organiser une faculté d’expression et de concertation sur les décisions qui affectent la vie de leurs populations. L’amendement CL397 prévoit, pour les intercommunalités, les départements et les régions comptant au moins 20 % de communes situées en zone de montagne ou 20 % de leur population dans une zone de montagne, qu’au moins une des délégations attribuées porte sur les problématiques et les enjeux spécifiques de la montagne. C’est une demande très forte de l’Association nationale des élus de la montagne, notamment.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable. Contraindre les assemblées délibérantes à imposer des compétences aux exécutifs locaux en ce qui concerne les enjeux très larges de la montagne ne paraît pas pertinent.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. Naturellement, des délégations sont données à des vice-présidents, par politique publique. Je le dis par avance à M. Schellenberger, ces deux amendements ont déjà été déposés au Sénat, et repoussés.

M. Raphaël Schellenberger. Je remercie Mme la ministre pour sa réponse circonstanciée à une question que je n’avais pas posée – cela change de l’hémicycle. Elle conforte, qui plus est, l’observation que j’avais faite hier soir, lors de la discussion d’un amendement de la majorité : la délégation des exécutifs relève de la libre administration des collectivités territoriales.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL954 de M. Michel Castellani.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’amendement, inspiré de la proposition 2 du rapport sur l’évolution institutionnelle de la Corse, rédigé par la professeure Wanda Mastor, vise à corriger les incohérences et les insuffisances de l’article L. 4422-29 du CGCT. Selon l’interprétation qui en est faite, le président du conseil exécutif de Corse ne peut intenter une action en justice au nom de la collectivité de Corse que sur une délibération d’autorisation en justice de l’Assemblée de Corse. Cela lui confère un pouvoir moindre que celui des présidents de région. Nous en appelons à la sagesse de la commission, pour considérer qu’il s’agit d’un amendement de cohérence et rectifier ce qui semble être une erreur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je suis favorable à l’amendement. Le CGCT oblige le président du conseil exécutif, bien qu’il ait reçu délégation à agir par ce dernier, à demander à chaque fois l’avis de l’assemblée délibérante, l’Assemblée de Corse.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le droit commun est applicable à la collectivité de Corse. En vertu des dispositions de l’article L. 4421-1 du CGCT, la délégation de compétences à l’exécutif est automatiquement donnée pour la durée du mandat, dès lors que, au début de son mandat, on a donné au président la capacité à représenter la collectivité en justice. Je considère que l’amendement est satisfait. Demande de retrait.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL370 de M. Hervé Saulignac et CL1178 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Hervé Saulignac. Les impôts directs locaux relèvent exclusivement des communes et des intercommunalités à fiscalité propre. Il apparaît nécessaire et légitime d’associer leurs représentants aux travaux des commissions départementales des impôts directs (CDID).

M. Jean-Félix Acquaviva. Puisque les impôts directs locaux relèvent exclusivement des communes et des intercommunalités à fiscalité propre, il apparaît nécessaire et légitime d’associer leurs représentants aux travaux des CDID.

M. Bruno Questel, rapporteur. Comme nous l’avons vu hier s’agissant de la Corse, on ne peut pas modifier la représentativité d’une catégorie de collectivités locales sans travailler sur les autres. De même que le retrait des amendements concernés a été demandé, je vous suggère de retirer ceux-ci pour les retravailler ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Le rôle des CDID devra être revu dans le cadre de la révision des valeurs locatives des locaux d’habitation, prévue par l’article 146 de la loi de finances pour 2020. Ce sera l’occasion de rééquilibrer le dispositif, dans son ensemble. Il n’est pas opportun de le modifier maintenant.

M. Hervé Saulignac. S’agit-il d’une demande de retrait pour le retravailler d’ici à la séance ou d’une demande de retrait pur et simple ?

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait dans la perspective d’un travail en commun plus tard, après 2022...

La commission rejette les amendements.

Amendement CL825 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Lors de la refonte de la loi « montagne » en décembre 2016, une disposition relative à la présidence du comité de massif de Corse, prévue par la loi du 22 janvier 2002 relative à la Corse, transférant les compétences concernant l’animation, la coordination et les règles de composition du comité de massif, n’a pas été reportée dans la nouvelle rédaction de l’article 7.

Il s’agit de corriger cet oubli et de sécuriser juridiquement le comité de massif de la Corse.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit d’une conséquence de la rédaction hâtive de l’ordonnance Baylet sur la loi NOTRe. Comme précédemment pour le droit d’ester en justice, le droit commun ne s’applique pas.

Je suis favorable à clarifier la rédaction et réparer cet oubli.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement me semble satisfait puisque les choses fonctionnent. L’ajout de cette précision ne semble pas indispensable, dans la mesure où le président du conseil exécutif de Corse est déjà président du comité de massif. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL572 de M. Bertrand Sorre.

Mme Hélène Zannier. Un millier de communes sont concernées par le régime juridique de la loi du 16 juillet 1971, dite loi Marcellin, qui avait permis les fusions simples ou fusions-associations des communes. La loi n’a pas évolué depuis 1971, et nos concitoyens ne comprennent pas pourquoi ils sont obligés de célébrer leur mariage ou d’enregistrer leur pacte civil de solidarité dans la mairie de la commune associée de résidence, et n’ont pas la possibilité de choisir celle du chef-lieu.

La loi « engagement et proximité » a modifié un article du CGCT pour permettre aux habitants résidant dans le territoire d’une commune nouvelle de se marier ou de se pacser dans la mairie de la commune nouvelle, et non plus seulement dans l’annexe de la mairie du lieu de résidence. Cette évolution législative doit pouvoir s’appliquer aux communes qui sont sous le régime Marcellin. Tel est l’objet de l’amendement.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis favorable à cet amendement de bon sens.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Sagesse. Je connais bien mon pays, notamment les communes déléguées. Il est normal que l’amendement soit voté, mais cela fera jaser.

M. Rémy Rebeyrotte. J’y suis favorable. Les familles habitant dans une commune déléguée qui souhaitent un mariage à la mairie principale de l’agglomération contournent la règle en trouvant une famille qui peut le demander. Plutôt que d’encourager le vice, encourageons la vertu, et le mariage !

M. Raphaël Schellenberger. Je n’avais pas perçu jusque-là le caractère moralisant de la majorité ! Je suis favorable à la simplification mais le parallèle avec les cimetières qui est fait dans l’exposé sommaire est juridiquement inexact. Chacun peut demander à être inhumé dans n’importe quel cimetière, sans lien d’habitation : c’est la règle. La commune gère en fonction de règles dont elle s’est dotée, souvent en raison de contingences de place. Juridiquement, rien ne s’oppose à ce que la règle s’applique dans les communes régies par la loi Marcellin.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL827 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Malgré les nouvelles compétences octroyées aux collectivités territoriales, en particulier dans les collectivités à statut particulier, telles que la collectivité de Corse, le nombre de collaborateurs de cabinet n’a pas augmenté. Le conseil exécutif de Corse gère à la fois les compétences de droit commun des deux départements fusionnés, des régions et des compétences spécifiques de la collectivité de Corse. Le nombre réduit de collaborateurs crée un engorgement de travail.

L’amendement vise à demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur la refonte du décret du 16 décembre 1987 relatif aux collaborateurs de cabinet des autorités territoriales.

M. Bruno Questel, rapporteur. Lorsque nous l’avons rencontré à Ajaccio avec Raphaël Schellenberger, le président Gilles Simeoni a effectivement insisté sur cette question. La collectivité territoriale de Corse a dû assimiler les prérogatives de l’ex-région, des deux ex-départements et les nouvelles compétences de la collectivité unique. Les huit offices indépendants de la collectivité ont aussi des compétences spécifiques, ce qui entraîne certaines difficultés de gestion pour le cabinet du président du conseil exécutif.

La demande de modification est justifiée, mais ce n’est pas un rapport du Gouvernement qui permettra à la collectivité de Corse d’avancer sur le sujet. Je vous demande de retirer votre amendement, persuadé que Mme la ministre aura une réponse à vous apporter sur le fond.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les sujets que vous soulevez relèvent du domaine réglementaire ; je m’engage à les examiner de près – le Gouvernement n’y est pas opposé par principe.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1425 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Dans une étude publiée le 30 avril 2021, l’INSEE a modifié la conception statistique de la ruralité, qui n’est plus définie en creux par rapport aux espaces urbanisés. Désormais, le critère de la densité de la population partage les communes françaises en quatre types : les communes « peu denses » et « très peu denses » forment la ruralité ; les communes « denses » et « de densité intermédiaire », les espaces urbains. Selon cette définition, 88 % des communes et 33 % de la population sont rurales, ce qui fait de la France le deuxième pays le plus rural d’Europe, la moyenne européenne étant de 28 %. Cette distinction en quatre types, dont deux au sein de la ruralité, introduit à demi-mot le concept d’hyper-ruralité, qui concernerait 26 % du territoire et 5,4 % de la population. L’hyper-ruralité, ce sont des zones où se cumulent les handicaps naturels et d’accès aux services publics et privés, et où rien n’est possible sans un accompagnement spécifique de l’État. Ce sont, non pas des territoires de seconde zone, mais des acteurs clés en matière de production agricole et, parfois, de patrimoine.

Une étude tenant compte de ce que dit l’INSEE devrait être menée, pour analyser les vrais enjeux de ces territoires. Elle permettrait d’envisager la différenciation que vous proposez dans le projet de loi.

M. Bruno Questel, rapporteur. Le secrétaire d’État chargé de la ruralité, Joël Giraud, diffuse régulièrement une « pause rurale » – je vous incite à vous abonner à son compte sur les réseaux sociaux. Un rendez-vous hebdomadaire est plus important qu’un rapport annuel.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un rapport vient d’être récemment rendu par votre collègue Jean-Pierre Cubertafon. Un rapport de plus n’est pas souhaitable. Avis défavorable.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je ne suis pas convaincu que le secrétaire d’État réponde à cette problématique. Ensuite, le rapport Cubertafon est très intéressant, mais il s’agit de disposer d’éléments objectifs d’analyse de ce que l’on appelle l’hyper-ruralité. À ce jour, aucun gouvernement n’a tenu compte de cette notion, qu’avait développée feu le sénateur socialiste Alain Bertrand, et des territoires spécifiques de notre pays ne sont pas suffisamment pris en compte. Il nous faudrait des éléments objectifs, statistiques pour appuyer certaines politiques publiques et certaines demandes. Nous ne les avons pas, et c’est pourquoi j’insiste sur la nécessité de disposer d’une étude objective de la part du Gouvernement.

La commission rejette l’amendement.

TITRE II
LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

Chapitre Ier
La répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique

Article 5 A (art. L. 1231-1 du code des transports) : Permettre aux pôles métropolitains d’exercer le rôle d’autorité organisatrice de la mobilité

La commission adopte successivement les amendements CL972, de coordination, CL973, rédactionnel et CL975, de correction, de M. Bruno Questel, rapporteur.

Elle adopte l’article 5 A modifié.

Article 5 B (art. L. 1231-1 du code des transports) : Ajustements relatifs à l’exercice de la compétence d’organisation de la mobilité sur le territoire des communautés de communes

La commission adopte successivement les amendements CL977 et CL979, de coordination, et CL980, de correction, de M. Bruno Questel, rapporteur.

Elle adopte l’article 5 B modifié.

Article 5 (art. L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales) : Actions des collectivités territoriales en matière de transition écologique

Amendement CL1345 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement vise à rétablir pour partie la rédaction initiale du texte. L’article, dans sa rédaction adoptée par le Sénat, ne permet pas de clarifier la répartition des compétences dans le domaine de la transition écologique, ni de préciser les domaines d’intervention des différentes collectivités territoriales en tant que chefs de file.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 est ainsi rédigé.

Article 5 bis (art. L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales et art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de commune) : Suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines » aux communautés d’agglomération et aux communautés de communes

Amendements de suppression CL981 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL694 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, CL927 de M. Jean-René Cazeneuve, CL1279 de M. Denis Sommer et CL1373 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur.  L’article 5 bis introduit par le Sénat remet en cause le transfert obligatoire des compétences en matière d’eau et d’assainissement aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Ce serait un retour en arrière non souhaité et non souhaitable, d’où cet amendement de suppression.

En commission mixte paritaire sur le projet de loi engagement et proximité, grâce à l’apport de nos collègues sénateurs, nous avions trouvé un excellent équilibre, en ouvrant la possibilité, sur demande des communes, de faire redescendre ces compétences de l’intercommunalité vers un syndicat mixte infra-communautaire, dans le cadre d’une convention au contenu précis. Il est inutile de toucher à ce bel édifice.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis de la commission du développement durable. Les dispositions adoptées au Sénat remettent en cause l’exercice obligatoire des compétences relatives à l’eau et à l’assainissement pour les communautés de communes et les communautés d’agglomération ainsi que le caractère obligatoire de la compétence de gestion des eaux pluviales urbaines pour les communautés d’agglomération.

M. Denis Sommer. Nos collectivités, en particulier les intercommunalités, ont besoin de stabilité. Depuis quelques années se manifeste une volonté d’aller-retour des compétences eau et assainissement, derrière laquelle se cachent parfois des intérêts locaux. Dans ma circonscription, les présidents d’intercommunalités crient halte au feu. Le temps du débat a eu lieu, le texte a été amélioré, les dispositifs fonctionnent. On a besoin de gérer intelligemment la ressource en eau à l’échelle de tout le bassin. Cela ne peut se faire qu’avec des moyens, et ce sont les intercommunalités qui le permettent. Il faut vraiment supprimer cet article.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Je relève que toutes les voix de la majorité qui s’intéressent aux questions relatives aux collectivités depuis le début du quinquennat ont défendu le même amendement de suppression d’un article rétablissant une liberté locale en matière d’organisation des compétences eau et assainissement. C’est un peu le comique de répétition de la législature : on ne compte plus le nombre de fois où cette disposition a été débattue dans les différentes niches parlementaires et textes de loi.

Vous avez un peu reconnu la nécessité d’une souplesse, avec la possibilité de faire redescendre les compétences. Dans nombre de territoires, qui ne sont généralement pas ceux dans lesquels la gestion de ces compétences pose problème, la conjugaison de ces compétences obligatoires avec la refonte de la carte des intercommunalités conduit à des blocages dans l’organisation de ce service public de première nécessité. Comme toujours, on cherche à défaire ce qui fonctionne.

L’article est de bon sens, on ne cessera pas de le dire. Si, dans des territoires où il y avait des freins, les compétences montées aux intercommunalités par la force de la loi permettent de fonctionner, tant mieux : on ne les redescendra pas. Mais, dans ceux où elles sont remontées et que cela ne fonctionne pas, ne serait-ce que pour ces territoires, l’article vaut le coup d’être défendu.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. D’autres décisions ont été prises. Notamment, la proposition de loi relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes, présentée par le président M. Richard Ferrand et par M. Marc Fesneau, alors député, a permis d’assouplir le régime des syndicats d’eau à cheval sur des intercommunalités. Nous avons permis qu’ils perdurent, en abaissant le nombre nécessaire d’intercommunalités de trois à deux, ce qui a apporté une solution à de nombreux territoires.

On ne peut pas réfléchir uniquement en regardant qui fait quoi. Il faut aussi considérer l’enjeu écologique : 20 % de l’eau perdue dans les fuites, c’est beaucoup – et encore, cette estimation est basse. Dans certains départements, l’eau devient une denrée rare – on me l’a récemment expliqué dans le détail, dans la Drôme. Il faut favoriser tous les systèmes qui permettent l’investissement. Souvent, il ne peut être réalisé que lorsque l’intercommunalité engage sa force de financement, afin de réduire les fuites, de créer des interconnexions, d’assurer la conformité microbiologique : cela est bien plus efficace que lorsque la question est traitée au niveau des communes.

Il faut dépasser ce débat stérile entre communes et intercommunalités, en rappelant, au passage, que les intercommunalités sont composées de communes.

M. Stéphane Mazars, président. Demain matin, en commission des lois, nous examinerons une proposition de loi sur ce sujet, dans la niche parlementaire réservée au groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR). C’est vraiment le marronnier de la législature !

M. Rémy Rebeyrotte. Le sujet faisant partie des fameux « irritants » de la NOTRe, il est normal que l’on y revienne régulièrement. Même si la loi engagement et proximité a réglé bien des problèmes, des frottements se produisent encore sur certains sujets. C’est le propre des lois « mal digérées ».

Cette question nécessite de la stabilité. Il faut encourager nos collègues maires à ne pas attendre 2026, pour éviter ce que l’on a pu connaître à cause des délais, lorsque la loi NOTRe a fixé la date du transfert de 2020. Nombreux sont ceux qui se sont demandé comment gérer des enjeux aussi lourds à cette échéance, alors même que certains avaient déjà commencé des études. D’où le report.

Mme la ministre l’a dit, il s’agit de faire rapidement cesser certaines situations qui deviennent complexes. Dans une partie de ma circonscription, ce ne sont pas 20 % de fuites qui sont enregistrées, mais 35 % – et jusqu’à 70 % dans une commune. Dans la situation que nous connaissons, avec les sécheresses à répétition et les tensions sur l’usage de l’eau, cela n’est plus concevable.

M. Jean-Félix Acquaviva. J’entends les arguments de l’externalité positive et de l’effet de seuil en vertu desquels les intercommunalités seraient mieux placées pour réaliser les investissements nécessaires au rattrapage qui s’impose et au fonctionnement du service ensuite.

Néanmoins, dans de très nombreux cas, en Corse, mais certainement ailleurs aussi, les intercommunalités nées des regroupements au forceps imposés par la loi NOTRe sont moins armées, sur le plan budgétaire et fiscal, que les communes pour faire les investissements, ce qui menace gravement ces derniers.

J’étais maire d’une commune dans laquelle les déperditions sur le réseau d’eau atteignaient, non pas 70 %, mais 90 %. Si la commune n’avait pas décidé d’être maître d’ouvrage et s’il avait fallu attendre l’intercommunalité, les investissements, pour un montant de 1 million d’euros, n’auraient pas été réalisés. Pour la gestion, nous avons opté pour la régie qui est moins onéreuse que la concession ou à la délégation de service public qu’aurait choisie l’intercommunalité.

Le diable se niche dans les détails. Les regroupements géographiques, administratifs et technocratiques ont été créés sans avoir pris le temps de s’assurer de leur viabilité sur le plan fiscal et budgétaire. Sans accélération de la maîtrise d’ouvrage communale d’ici 2026, le sujet reviendra sur la table, car nombre d’élus refuseront d’être pris entre le marteau et l’enclume.

M. Thibault Bazin. Après trois tentatives, un compromis a été trouvé pour faire évoluer la loi NOTRe, ce dont nous vous sommes reconnaissants, madame la ministre. Ce compromis donne-t-il satisfaction ? La réponse venue du terrain est négative.

Non seulement les EPCI ne sont pas garants de l’efficacité dans la lutte contre les fuites, mais surtout, dans certains territoires, le transfert n’apparaît pas pertinent. Les arguments qui justifiaient le report du transfert obligatoire restent valables.

Vous mettez en avant la capacité de financement des EPCI, mais dans mon territoire, ceux qui ont gelé les investissements ne sont ni des communes, ni des syndicats mais des communautés de communes. Ce faisant, elles ont mis en péril des projets attendus.

Les maires ruraux, notamment en zones de montagne mais pas seulement, souhaitent vivement le maintien de l’article 5 bis. Il va dans le sens de la différenciation et ne remet pas en cause les transferts programmés sur lesquels l’accompagnement des agences de l’eau est très utile. Il faut conserver la possibilité de faire évoluer la situation dans les territoires où le transfert n’est pas pertinent, sinon il faudra encore remettre l’ouvrage sur le métier.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 bis est supprimé.

Article 5 ter (art. L. 5211-61 du code général des collectivités territoriales) : Possibilité de délégation, par un EPCI-FP, des compétences « gestion des eaux pluviales urbaines » et « défense extérieure contre l’incendie » à un syndicat infra-communautaire

Amendement de suppression CL817 de M. Hervé Saulignac.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il ne faut pas supprimer tout ce que le Sénat a adopté. En l’occurrence, l’article 5 ter permet de transférer à un ou plusieurs syndicats infra-communautaires l’exercice des compétences de gestion des eaux pluviales urbaines et de défense extérieure contre l’incendie. Cela peut s’avérer nécessaire dans certains territoires. Avis défavorable, à défaut de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à la souplesse que le Sénat a introduite et qui étend aux eaux pluviales ce qui est déjà possible pour l’eau et l’assainissement.

M. Hervé Saulignac. Je ne veux pas supprimer tous les apports du Sénat. Sur 215 articles, dix amendements de suppression ne représentent jamais que 5 %.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL983 et CL985 de M. Bruno Questel, rapporteur.

La commission adopte l’article 5 ter modifié.

Article 5 quater A : Rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre des règles départementales relatives à la défense extérieure contre l’incendie

La commission adopte successivement les amendements de précision CL986 et CL984 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Elle adopte l’article 5 quater A modifié.

Article 5 quater (art. L. 213-12 du code de l’environnement) : Exercice, par un même syndicat mixte sur des parties distinctes de son périmètre, des compétences d’un établissement public territorial de bassin ou d’un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux

Amendements identiques CL988 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1374 de Mme Catherine Kamowski

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement vise, tout en adaptant sa rédaction, à conserver l’esprit de l’article 5 quater aux termes duquel un même syndicat mixte peut, sur des parties distinctes de son périmètre administratif, exercer les compétences propres à un établissement public territorial de bassin (EPTB) ou à un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux (EPAGE).

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable à la nouvelle rédaction, qui simplifie le dispositif dans le respect de l’esprit du texte initial.

La commission adopte les amendements et l’article 5 quater est ainsi rédigé.

Article 5 quinquies (art. 1530 bis du code général des impôts) : Affectation du produit de la taxe GEMAPI

Amendements de suppression CL989 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL696 de la commission du développement durable, CL928 de M. Jean-René Cazeneuve, CL1272 de M. Christophe Euzet et CL1375 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. La taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, dite taxe GEMAPI, est exclusivement affectée au financement de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations. Il n’est pas souhaitable d’y recourir pour financer des opérations concourant exclusivement à la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Les discussions sur la taxe GEMAPI démontrent les difficultés que posent les taxes affectées. La politique qui découle d’une taxe affectée n’est pas toujours celle que le législateur imaginait en instaurant cette dernière. On ne force pas une collectivité librement administrée à faire quelque chose qu’elle ne veut pas faire.

Il est totalement inexact de penser que la compétence GEMAPI s’exerce indépendamment des autres politiques liées à l’eau – c’est un écosystème. La maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement contribue évidemment à la préservation des milieux aquatiques et à la lutte contre les inondations.

En leur refusant la possibilité de mobiliser la taxe, vous empêchez des collectivités d’agir. À force d’être trop rigides, vous en devenez incohérents.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’autonomie des collectivités locales s’applique en matière financière et non fiscale, vous le savez, cher collègue. Votre intervention, non dépourvue de talent oratoire, est sur le plan juridique totalement aléatoire.

M. Rémy Rebeyrotte. Il faut absolument concentrer les moyens sur ce qui relève de la gestion d’un risque. Le réchauffement climatique et les actions que nous aurons à mener pour faire face à ses conséquences dans nos territoires renforcent cette conviction.

Dans le domaine des eaux pluviales et de ruissellement, d’autres moyens peuvent être mobilisés, ceux des agences de l’eau, par exemple. À force d’avoir élargi leurs compétences – qui trop embrasse mal étreint –, celles-ci ne sont pas toujours focalisées sur les enjeux majeurs. La GEMAPI doit disposer de fonds dédiés pour que certains territoires puissent faire face à ces enjeux.

M. Thibault Bazin. En entendant « qui trop embrasse mal étreint », j’ai cru que M. Rebeyrotte parlait de l’attitude du Gouvernement et de la majorité à l’égard des maires.

On ne peut pas dire que la prévention des inondations et la gestion des milieux aquatiques, d’un côté, et la maîtrise des eaux pluviales et de ruissellement, de l’autre, sont dépourvus de liens.

Nous nous heurtons à des difficultés juridiques pour nous adapter aux besoins du terrain. L’amendement adopté par le Sénat a certainement été inspiré par des problèmes très concrets, parfois posés par l’interprétation des normes. Dans la logique de la décentralisation et de la confiance faite aux territoires, il faut accepter l’extension qui est proposée. Je regrette que vous souhaitiez la supprimer. Peut-être faut-il l’encadrer pour éviter les abus, mais vous ne pouvez pas balayer ainsi les problèmes sur le terrain.

Mme Frédérique Tuffnell. La taxe GEMAPI couvre difficilement le financement des actions pour prévenir les inondations.

Au cours du futur quinquennat, il faudra traiter la question de l’eau, qu’il s’agisse du ruissellement, des inondations ou du surplus d’eau. Une loi-cadre devrait revoir le financement des réseaux et définir une véritable politique de l’eau. Pour l’instant, une telle réforme me semble prématurée, raison pour laquelle je suis favorable à la suppression de l’article.

M. Hervé Saulignac. Il ne faut pas supprimer tout ce que le Sénat a pu introduire. Je connais les vertus des taxes affectées, mais l’extension proposée nous semble parfaitement cohérente et raisonnable. Nous ne soutiendrons donc pas la suppression de l’article.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce n’est pas l’ancienne sénatrice que je suis qui accablera le Sénat. Néanmoins, j’ai suffisamment de mémoire pour vous rappeler que la taxe GEMAPI a été créée à l’initiative d’un sénateur.

Il ne me paraît ni opportun ni lisible d’affecter la taxe GEMAPI à d’autres actions.

Le problème auquel entend remédier l’article 5 quinquies est déjà résolu par l’interprétation constante que les services de l’État font de la législation existante. Les actions menées pour limiter le ruissellement dans le but de réduire les risques d’inondation relèvent bien de la prévention de ces dernières et peuvent donc être financées par la taxe GEMAPI.

Je me souviens d’un déplacement dans le département de la Somme, territoire dans lequel les inondations sont causées par le ruissellement. Le syndicat mixte levait la taxe GEMAPI pour lutter contre ce phénomène.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 quinquies est supprimé.

Article 5 sexies A : Expérimentation d’un financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer d’un EPTB par des contributions fiscalisées

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL991, CL990 et CL993 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL1273 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement vise à préciser que l’opposition d’une commune à la fiscalisation de la contribution budgétaire ne concerne que sa propre contribution, sans préjudice des décisions des autres communes membres de l’établissement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable à cette rédaction plus lisible et sûre.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL818 de M. Hervé Saulignac tombe.

La commission adopte les amendements rédactionnels CL994 et CL995 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Elle adopte l’article 5 sexies A modifié.

Article 5 sexies (sous-section 5 [nouvelle] de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier et art. L. 541‑47 [abrogé] du code de l’environnement) : Droit de veto du conseil municipal préalablement au dépôt d’une demande d’autorisation environnementale pour l’installation d’éoliennes

Amendements de suppression CL996 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL697 de la commission du développement durable, CL71 de M. Matthieu Orphelin et CL1376 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Matthieu Orphelin. Dans sa croisade contre l’éolien, la droite sénatoriale a décidé de donner aux maires la possibilité de déclarer un moratoire sur l’implantation d’éoliennes. L’amendement vise à supprimer cette disposition.

M. Rémy Rebeyrotte. Certains maires souhaiteraient subir moins de pression en ce qui concerne l’éolien, ce qui justifie d’autant plus l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans le prolongement de l’argument avancé par M. Rémy Rebeyrotte, ce n’est pas rendre un bon service aux maires que de leur accorder un droit de veto.

D’abord, les projets éoliens dépassent souvent les limites communales. C’est une charge pour les communes et les risques de contentieux sont importants. Ensuite, la procédure d’enquête publique prévoit déjà une consultation des collectivités et du public qui est prise en considération pour décider d’autoriser ou de refuser l’installation. Enfin, la loi « climat et résilience » a renforcé le rôle des maires en amont des projets. Ceux qui les développent doivent informer le maire, répondre formellement aux observations qu’il formule et présenter les éventuelles évolutions qui en résultent.

Je suis donc favorable aux amendements.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’un article important. De nombreux élus craignent de voir des éoliennes venir contrarier leurs projets pour leur ville, sur la base desquels ils ont été choisis par les habitants.

Certains souhaitent développer les éoliennes – c’est leur droit –, d’autres veulent pouvoir s’y opposer, car ils en ont reçu le mandat de la population. Ils demandent à donner, non pas seulement leur avis, mais leur accord. L’information est une avancée mais elle n’est pas suffisante. Il faut maintenir le droit de veto des maires, qui sont souvent engagés dans la transition écologique, dont les éoliennes ne sont pas l’alpha et l’oméga.

M. Raphaël Schellenberger. Je m’étonne de ce que certaines responsabilités en matière d’aménagement communal semblent, à vos yeux, trop écrasantes pour les maires.

Je comprends que pour les projets d’envergure nationale, le cadre juridique permette de faire prévaloir l’intérêt national sur l’intérêt local. En matière d’éolien, je suis dubitatif sur la primauté de l’intérêt national.

Alors que les maires se voient confier des missions essentielles en matière de développement durable – la maîtrise de la consommation foncière et de l’artificialisation des sols –, ils sont désarmés face aux projets d’éoliennes, ils n’ont pas voix au chapitre. C’est le seul domaine dans lequel l’artificialisation des sols est autorisée.

Le rôle consultatif auxquels sont cantonnés les maires est à l’origine d’un problème majeur de notre démocratie : l’abstention. Comment s’étonner que les électeurs s’abstiennent lors du scrutin suivant lorsque le maire qu’ils ont choisi est incapable d’agir, faute de disposer d’un pouvoir de décision ?

M. Matthieu Orphelin. L’éolien est devenu un sujet politique encore plus sensible que par le passé. Je regrette que la position des Républicains sur le sujet soit en recul par rapport à celle qu’ils défendaient lors du Grenelle de l’environnement.

L’éolien est devenu un argument de campagnes électorales. C’est dommage, car il n’est pas possible de relever avec succès le défi climatique sans les énergies renouvelables ni les éoliennes, qu’elles soient en mer ou terrestres. Dans l’intérêt des territoires et pour préserver l’avenir, on peut se passer d’un moratoire contre ces « satanées éoliennes », selon l’expression popularisée ces derniers jours.

M. Jean-Louis Bricout. Madame la ministre, vous étiez vendredi aux côtés du Président de la République pour signer le pacte pour la réussite de la Sambre-Avesnois-Thiérache. En traversant ce territoire, vous avez sans doute vu des éoliennes un peu partout. Leur omniprésence aboutit à l’encerclement de certains villages et au mitage de certains territoires, ce qui va à l’encontre du projet de territoire.

Sans aller jusqu’à doter le maire d’un droit de veto qui risque de condamner les éoliennes, nous vous proposerons plusieurs solutions pour réguler leur implantation tout en respectant le mix énergétique. Nous souhaitons que le développement de l’éolien se poursuive de manière harmonieuse. Nous ne sommes pas au pays des Teletubbies couvert d’éoliennes.

Nos amendements viseront notamment à redonner la parole aux élus locaux et aux habitants, afin de leur permettre de dire stop quand les éoliennes risquent d’être en trop grand nombre dans le territoire.

M. Hervé Saulignac. Bien souvent, les projets éoliens s’invitent dans un territoire. Autrement dit, les personnes chargées de la prospection identifient un gisement de vent et contactent – pas toujours – le maire pour l’informer de leur intention d’étudier un projet d’implantation. Ces projets correspondent rarement à un engagement de campagne d’un élu local. Ils créent souvent de fortes tensions, a fortiori dans des territoires à forte valeur environnementale.

Dans mon département, qui compte environ 180 installations, il n’y a pas une seule éolienne sans une ou plusieurs associations qui la contestent. Les maires sont aujourd’hui démunis pour faire face aux projets qui s’invitent dans leur territoire. Nous devrons, d’une manière ou d’une autre, les doter d’outils pour gérer ces situations conflictuelles et pour décider, au lieu de donner des avis.

M. Paul Molac. Je ne partage pas l’analyse de M. Raphaël Schellenberger : ce n’est pas parce que la production est diffuse qu’elle ne relève pas de l’intérêt général. L’éolien fait partie du mix énergétique. Pour s’en passer, il faut accepter de diminuer sa consommation, ce qui n’est pas aisé.

L’électron va toujours vers le lieu de consommation le plus proche. Autrement dit, les électrons produits par une éolienne servent d’abord à satisfaire les besoins électriques de la commune où elle est installée. Ensuite, ils alimentent les finances locales.

En leur octroyant un droit de veto, vous placez les maires en première ligne face aux propriétaires de résidences secondaires opposés à toute éolienne qui risquerait de faire baisser le prix de leur maison – c’est aussi un placement pour eux. Ces derniers sont capables d’arrêter les projets, car ils refusent tout, considérant qu’ils sont propriétaires du paysage.

La suppression de l’article me paraît plutôt de nature à protéger les maires.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il est possible d’interdire, dans le plan local d’urbanisme (PLU) ou dans le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), l’implantation d’éoliennes sur certaines parcelles pour des raisons objectives tenant, par exemple, à la protection des paysages ou la présence de monuments historiques. C’est un outil trop peu connu.

Par ailleurs, il ne semble pas opportun de revenir sur les accords qui ont été trouvés lors de la commission mixte paritaire du projet de loi « climat et résilience », adopté définitivement il y a quelques mois.

Néanmoins, j’entends les arguments de M. Jean-Louis Bricout. Il est vrai que certains territoires concentrent beaucoup d’éolien, ce qui peut évidemment s’expliquer par la permanence du vent, comme en Beauce. Des résidents à l’année trouvent parfois cela excessif. On en viendrait presque à regretter les zones de développement éolien (ZDE), si on ne savait que les zonages ont provoqué de nombreux contentieux juridiques.

Le Premier ministre a demandé aux préfets, par une instruction écrite, de définir avec les élus locaux des secteurs propices à l’éolien. Le développement de ces installations doit en effet passer par le dialogue déconcentré.

Les amendements sont adoptés.

En conséquence, l’article 5 sexies est supprimé et les autres amendements s’y rapportant tombent.

Après l’article 5 sexies

Amendement CL916 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Comme vous l’avez dit, madame la ministre, il n’est pas souhaitable que la possibilité d’opposer un veto à l’implantation d’éoliennes repose sur les seules épaules du maire, du fait aussi que les projets de parc éolien dépassent souvent les frontières de la commune. D’où cet amendement, qui vise à soumettre ces projets à l’information préalable, non seulement du maire et des membres du conseil municipal de la collectivité concernée, mais aussi à celle des communes limitrophes.

J’en ai déposé un autre, l’amendement CL915, qui a ma préférence, qui tend à conditionner l’installation d’éoliennes à l’autorisation préalable des conseils municipaux concernés : celui de la commune sur le territoire de laquelle l’implantation est projetée, ainsi que ceux des communes limitrophes directement affectées par le projet. Dans ma circonscription, un maire avait accepté l’installation d’un parc éolien sur sa commune sans prévenir les communes limitrophes que des éoliennes seraient installées beaucoup plus près des habitations de villages limitrophes que de sa commune.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement CL916 relève plus du règlement de l’assemblée délibérante concernée. De surcroît, cette précision n’est pas nécessaire, car le maire, pour faire valoir ses observations, doit obtenir une délibération de son conseil municipal, et transmettre au préalable à ses membres le résumé de l’étude d’impact. Avis défavorable.

Par l’amendement CL915, vous souhaitez conférer un droit de veto aux communes limitrophes. Ce dispositif serait exorbitant du droit commun. Avis défavorable également.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je partage votre point de vue sur la nécessité de transmettre l’information. La loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) prévoit déjà l’obligation de présenter un résumé de l’étude d’impact aux maires de la commune concernée et des communes limitrophes un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation. Cela dit, j’ai exprimé tout à l’heure un avis défavorable au droit de veto, et je n’ai pas changé de position.

Mme Emmanuelle Ménard. Le conseil municipal de la commune concernée est nécessairement informé, mais il n’en va pas de même des conseils municipaux des communes limitrophes. C’est pourquoi je propose de rectifier l’amendement CL916 afin de prévoir l’information de ces derniers. Dans l’exemple que je vous ai cité, les maires des communes limitrophes étaient vent debout contre le projet. Ils réclament la possibilité de donner leur avis et, le cas échéant, de s’opposer à l’installation d’un parc, surtout lorsqu’il affecte davantage leur territoire.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement est encore pire que celui des Républicains en ce qu’il étend le droit de veto aux maires des communes limitrophes. Il est assez savoureux de l’entendre défendre comme contribuant à la démocratie écologique.

M. Rémy Rebeyrotte. Je serais favorable à ce qu’une partie de l’imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), notamment celle destinée aux intercommunalités, puisse revenir aux communes limitrophes.

Il arrive en effet que les éoliennes ne soient pas visibles depuis le centre-bourg de la commune concernée, mais que les habitants de la commune voisine ne voient qu’elles. Il faut donc veiller à certains équilibres.

Madame la ministre, je vous demande d’être à nos côtés lorsque des collègues, maires ou conseillers municipaux, subissent des menaces après avoir donné un avis favorable à un projet éolien. Je demande que les ministères de l’intérieur et de la justice manifestent la plus grande fermeté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL289 de Mme Frédérique Tuffnell.

Mme Frédérique Tuffnell. Je propose de réguler le développement de l’éolien en sécurisant le versement par les opérateurs de la garantie financière, celle-ci s’élevant à 50 000 euros par pied d’éolienne. Je crains que certains d’entre eux ne disposent pas d’une garantie suffisante lorsque les installations seront démantelées, dans quinze à trente ans. Le démantèlement pourrait alors constituer une bombe à retardement financière pour les collectivités territoriales, qui devront en assumer la charge. Il est facile, à l’heure actuelle, d’obtenir une caution bancaire. Je propose, pour ma part, d’imposer une consignation environnementale, c’est-à-dire un versement d’argent. Il s’agit certes d’un effort financier considérable – qui doit être prévu, en amont, dans le plan de trésorerie –, mais ce serait un moyen de régulation efficace, qui permettrait de s’assurer du sérieux de l’opérateur. Je ne peux pas imaginer que l’on ait, demain, des cimetières d’éoliennes.

Des incidents peuvent survenir : dans l’Aude, en 2009, un site éolien a été très abîmé par une tempête. EDF a obtenu le renouvellement des baux et des autorisations pour faire traîner plusieurs années la coûteuse démolition des machines.

J’ai fait vérifier et réassurer l’amendement par la Caisse des dépôts et consignations. Je laisse au décret le soin de fixer le montant – qui pourrait être inférieur à 50 000 euros – et les modalités de versement de la consignation, qui pourrait être fractionné ou progressif. C’est un dispositif original et très ouvert.

M. Bruno Questel, rapporteur. La consignation administrative ici proposée est plus sécurisante, mais aussi plus complexe à obtenir qu’un cautionnement bancaire. Supprimer ce dernier mécanisme, aujourd’hui le plus courant, risquerait de freiner à l’excès le développement de l’éolien, ce qui menacerait l’atteinte de nos objectifs climatiques.

Puisque vous avez souligné que votre amendement a été « réassuré » par la Caisse des dépôts et consignations, nous nous sommes rapprochés d’elle. Voilà la réponse que j’ai reçue : « Je me permets de vous confirmer que l’amendement CL289, déposé par Mme Frédérique Tuffnell, qui mentionne la Caisse des dépôts et consignations dans son exposé sommaire, ne reflète en aucun cas une position officielle de l’établissement public. » Je vous invite à vous rapprocher d’eux ; on verra pour la séance.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les éoliennes font partie des catégories d’installations soumises à garantie financière, de même que les carrières, les installations de stockage de déchets et les installations Seveso. L’exploitant d’un parc éolien ou, en cas de défaillance, sa société-mère, est responsable du démantèlement ou de la remise en état du site, lorsqu’il est mis fin à l’activité, quel que soit le motif de la cessation. La mise en service d’un parc éolien est subordonnée à la constitution de garanties financières destinées à permettre la réalisation des opérations en cas de défaillance.

L’arrêté du 22 juin 2020 a renforcé, après concertation avec les parties prenantes et consultation du public, les dispositions relatives aux garanties financières. Désormais, aux 50 000 euros s’ajoute un montant supplémentaire de 10 000 euros par tranche de 1 mégawatt de puissance, au-delà de 2 mégawatts. Ainsi, les éoliennes plus puissantes et plus grandes sont soumises à des obligations supérieures. À ce jour, il n’a jamais été nécessaire de faire appel à ces garanties financières.

Votre amendement vise à ajouter un niveau d’exigence en imposant la consignation. Je vous demande de le retirer ; il faut regarder de plus près cette question.

Mme Frédérique Tuffnell. J’ai eu un échange en visioconférence avec le service des consignations de la Caisse des dépôts et consignations, laquelle n’a, bien entendu, pas exprimé de position officielle.

En maintenant la garantie financière sous la forme d’une simple caution bancaire, on ne régulera pas le niveau des opérateurs sur le terrain. La contrainte de versement serait un outil très efficace pour le faire. Certains, de très petite taille, dérangent les collectivités. Je ne vois pas d’autre instrument financier possible. J’ai peur d’avoir demain, sur notre territoire, comme en Californie, des cimetières d’éoliennes. Je suis à votre disposition pour retravailler le dispositif en vue de la séance.

M. Mansour Kamardine. J’ai été convaincu par les arguments de Mme Frédérique Tuffnell. Sur d’autres sujets, des organismes m’ont dit qu’ils ne s’engageaient que si l’État était d’accord, avant toute consultation officielle.

Par ailleurs, on connaît de nombreux exemples d’entreprises voyous qui font des affaires puis disparaissent. Mieux vaut deux garanties qu’une, si aucune disposition juridique ne l’interdit, si cela peut éviter aux communes d’assumer la charge financière.

M. Raphaël Schellenberger. Si vous l’aviez déposé, monsieur le rapporteur, vous auriez pu dire qu’il s’agit d’un amendement de précision selon lequel, pour les éoliennes, ne serait retenue comme garantie financière que la consignation environnementale. Ce serait une sécurité de bon aloi.

Par ailleurs, un courriel de la Caisse des dépôts et consignations ne saurait empêcher la représentation nationale de voter un amendement prévoyant que cet établissement public, qui est placé sous le contrôle du Parlement, soit l’opérateur de la constitution des garanties environnementales. Cet argument est invraisemblable et c’est bien celui qui ne peut nous convaincre.

L’accélération de la construction des éoliennes donnera plus d’acuité à la question du démantèlement dans les toutes prochaines années. On commence à voir émerger le scandale du stockage des pales sur des kilomètres de terres généralement arables parce qu’on ne sait pas les recycler. Par ailleurs, on ne parle pas des tonnes de béton coulées pour former la base des éoliennes et qui rendent infertiles les sols cultivables sur une surface cumulée de plusieurs kilomètres carrés. C’est un véritable scandale. On se bat pour conserver des espaces naturels, agricoles, et, en même temps, on se tire une balle dans le pied en ne se donnant pas les moyens de démanteler correctement les éoliennes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On peut penser que la Caisse des dépôts et consignations serait d’accord pour recueillir des consignations et les faire fructifier : c’est son métier. Cela étant, la consignation impose de verser immédiatement l’argent, contrairement à la caution bancaire. Garanties financières plus consignation, cela fait beaucoup !

M. Sacha Houlié. Le rapport de RTE (Réseau de transport d’électricité) montre qu’il faudra déployer de nombreuses éoliennes sur notre territoire, terrestre mais aussi maritime, pour atteindre la neutralité carbone dans les trente prochaines années. Il me semble que, d’une part, conférer un pouvoir d’autorisation au conseil municipal et, d’autre part, réduire le nombre de garanties financières susceptibles d’être apportées risquerait de restreindre l’implantation des éoliennes. Ce serait totalement contraire aux objectifs que nous poursuivons à travers la stratégie nationale bas-carbone, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 et dans le cadre européen. Malgré de bonnes intentions, ces amendements risquent de nous faire entrer dans une nasse.

Mme Frédérique Tuffnell. Aujourd’hui, les garanties financières prennent la forme d’une caution bancaire ou d’une consignation environnementale. Il s’agirait, par cet amendement, d’imposer le second outil. L’objectif est avant tout de sécuriser les opérations. On ne veut pas limiter l’installation d’éoliennes mais garantir la qualité des opérateurs, sachant que la somme de 50 000 euros par pied d’éolienne n’est pas suffisante pour tout démanteler et remettre le terrain en état. La consignation rassurera les collectivités, et la Caisse des dépôts et consignations sécurisera le dépôt pendant trente ans. On ne sait pas si certains opérateurs seront encore là dans dix ans. Des sites deviendront des cimetières d’éoliennes.

Il faut, bien sûr, atteindre les objectifs de la PPE mais en sécurisant les Français et les collectivités territoriales. Je suis prête à retravailler l’amendement avec vous, madame la ministre, en vue de la séance.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je donne lecture de l’article L. 553-3 du code de l’environnement :

« L’exploitant d’une installation produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent ou, en cas de défaillance, la société mère est responsable de son démantèlement et de la remise en état du site, dès qu’il est mis fin à l’exploitation, quel que soit le motif de la cessation de l’activité. Dès le début de la production, puis au titre des exercices comptables suivants, l’exploitant ou la société propriétaire constitue les garanties financières nécessaires. Pour les installations produisant de l’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent, classées au titre de l’article L. 511-2, les manquements aux obligations de garanties financières donnent lieu à l’application de la procédure de consignation prévue au II de l’article L. 171-8, indépendamment des poursuites pénales qui peuvent être exercées. »

Les mécanismes existent donc aujourd’hui.

Je n’ignore pas les prérogatives de la Caisse des dépôts et consignations, mais il me paraît gênant d’indiquer que l’institution soutient l’amendement, alors qu’elle nous a informés que ce n’était pas le cas. On ne peut engager cet établissement si les choses ne sont pas verrouillées. Je vous invite à ce que l’on travaille ensemble pour ce faire.

Mme Frédérique Tuffnell. Je retire l’amendement avec l’assurance d’engager un travail avec le ministère.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement CL915 de Mme Emmanuelle Ménard.

Article 5 septies A (art. L. 515-44 du code de l’environnement) : Relèvement, par les régions, de la distance minimale entre des éoliennes et des habitations

Amendements de suppression CL998 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL698 de la commission du développement durable, CL616 de M. Paul Molac et CL1377 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement vise à supprimer cet article, adopté au Sénat, qui confère aux régions la faculté de relever la distance minimale entre les éoliennes et les habitations. Depuis 2011, l’implantation d’éoliennes de grande taille est soumise à une distance d’éloignement minimale de 500 mètres des habitations. L’article 139 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte a d’ailleurs précisé que ce seuil de 500 mètres constitue un minimum.

M. Paul Molac. Cet amendement émane de Régions de France, qui souhaite, avant toute chose, évaluer cette mesure. Or cette disposition a été votée sans que l’association en ait été prévenue.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable. Les régions ont perçu le danger.

M. Raphaël Schellenberger. Je n’ai pas peur, pour ma part, de confier des responsabilités aux régions, même si c’est parfois risqué ou glissant politiquement, et nous avons des candidats aux élections régionales qui sont prêts à les assumer. Je me bats pour que l’on confie des pouvoirs aux collectivités. À ce titre, j’approuve l’intention que vous avez manifestée au début de l’examen du texte, madame la ministre, d’accorder des attributions réglementaires aux régions. C’est bien de cela qu’il s’agit ici. Ce serait un premier pas vers l’attribution d’un nouveau pouvoir normatif aux collectivités territoriales.

M. Rémy Rebeyrotte. Vous nous dites régulièrement qu’il faut écouter le terrain : nous écoutons le terrain !

M. Hervé Saulignac.  En augmentant la distance minimale entre les éoliennes et les habitations, cet article aurait pour effet de concentrer le développement de l’éolien dans des zones faiblement ou très faiblement peuplées, dans la ruralité ou l’hyper-ruralité. Cela irait à l’encontre de ce que souhaitent certains territoires, c’est-à-dire un développement plus harmonieux de l’éolien.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne suis pas opposée à l’attribution d’un pouvoir normatif aux collectivités territoriales, mais cela doit se faire au bon niveau. Je ne suis pas sûre que, du point de vue de la proximité, les régions soient les mieux placées pour définir ces normes.

M. Raphaël Schellenberger. On peut proposer de confier cela aux maires.

M. Matthieu Orphelin. On sait très bien ce qu’il y a derrière cette proposition de distance minimale. Il s’agit, en réalité, de donner au président d’un conseil régional la possibilité de fixer une distance tellement grande qu’elle rende impossible, de fait, la construction d’éoliennes sur son territoire. Il s’agit, en d’autres termes, de rendre possible un moratoire.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 5 septies A est supprimé et les amendements CL658 de M. Luc Lamirault, CL25 de M. Daniel Labaronne et CL744 M. Xavier Batut tombent.

Après l’article 5 septies A

Amendement CL1179 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Le fond du problème n’est pas tant la production d’énergie que la régulation de l’implantation. De ce point de vue, l’effort n’est pas très bien partagé. Si les installations se concentrent au nord et à l’est du pays, ce n’est pas seulement en raison du vent, c’est aussi parce que cela apporte des revenus aux territoires les plus pauvres. Il y a parfois une course à la fiscalité de la part des élus locaux.

La mise en œuvre des objectifs régionaux peut aboutir, à l’échelle des EPCI, à une surconcentration, source de division au sein des villages et des conseils municipaux, voire de conflits d’intérêts et de pressions. Les préfets se trouvent dans une situation délicate lorsqu’ils doivent se prononcer sur un projet éolien, car leur décision, qu’elle aille dans l’un ou l’autre sens, risque de faire l’objet d’un recours contentieux.

L’amendement permettrait de respecter les objectifs de production, mais de manière régulée. Une fois que la région aurait atteint son objectif, elle pourrait délibérer pour augmenter la distance entre les éoliennes et les habitations, ce qui revient en effet à instituer une sorte de moratoire.

En séance, nous proposerons un amendement visant à introduire de la régulation à l’échelle des microterritoires.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement a le même objet que l’article 5 septies A, que nous venons de supprimer, même si sa rédaction est plus raisonnable. Il permettrait aux régions de réguler le développement de l’éolien uniquement si les objectifs régionaux en matière de production sont atteints.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit d’un autre type de moratoire, un peu plus souple que celui qui était prévu par l’article 5 septies A. Je regrette qu’un membre du groupe Socialistes puisse défendre un amendement anti-éolien comme celui-là.

M. Jean-Louis Bricout. Ce n’est pas un amendement anti-éolien : il vise à répartir l’effort et à fournir les outils juridiques permettant de refuser ou d’interrompre des projets quand il en est encore temps. Venez dans notre territoire ! Dans le petit village de Chevresis-Monceau, dans la vallée de l’Oise, il y a des projets éoliens tout le long de la ligne de crête : les habitants vont être complètement encerclés. Si on additionne les projets en cours et ceux à venir, cela fait 248 éoliennes sur 20 kilomètres. C’est inacceptable ! M. Sacha Houlié s’étonnait que nous protégions notre territoire ; c’est pourtant normal ! Il faut être conscient des problèmes que ces implantations posent dans une vallée, parmi des bocages. Je sais bien que certains n’ont pas d’éoliennes chez eux, mais chez nous, cela commence à gronder sérieusement !

M. Sacha Houlié. Vous n’êtes pas le seul à rencontrer le problème de la densification des éoliennes : nous y sommes également confrontés dans le nord de la région Nouvelle-Aquitaine. Cette densité implique la vigilance des préfets, notamment par le biais d’outils d’urbanisme existants, comme les schémas de cohérence territoriale (SCOT) ou les PLUI rénovés. Les EPCI ont les moyens de ménager des zones réservées ou de distinguer dans les projets d’aménagement et de développement durable (PADD) les zones où on peut prévoir l’implantation d’éoliennes de celles où ce n’est pas possible.

Tout ce que je dis est que la recherche d’éléments juridiques compromettant ou réduisant l’implantation d’éoliennes est contraire à la volonté politique que nous avons été nombreux à exprimer dans le cadre de la dernière programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). En revanche, la question de la densité peut être légitimement posée.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 septies B (art. L. 1251-3-1 [nouveau] du code des transports) : Droit de veto du conseil municipal préalablement à la construction ou à la modification d’infrastructures de transport par câbles en milieu urbain

La commission adopte les amendements de suppression CL999 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL699 de la commission du développement durable et CL1378 de M. Rémy Rebeyrotte.

En conséquence, l’article 5 septies B est supprimé.

Article 5 septies (art. L. 1425-2, L. 4251-1, L. 4251-4 et L. 4251-8 du code général des collectivités territoriales) : Intégrer un volet relatif à la stratégie aéroportuaire dans le SRADDET

Amendement CL997 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose de réécrire l’article, qui insère dans les objectifs du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) une stratégie régionale en matière aéroportuaire, pour le remplacer par une coordination juridique résultant de l’article 219 de la loi dite climat et résilience.

La commission adopte l’amendement et l’article 5 septies est ainsi rédigé.

Après l’article 5 septies

Amendement CL1353 de M. Paul Molac.

M. Paul Molac. Le classement automatique des réseaux de chaleur urbains a été instauré lors de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « énergie-climat », avec pour objectif d’inverser la logique de classement pour les réseaux vertueux. Cette disposition peut sembler de bon aloi, mais, en réalité, le seuil de 50 % d’énergie renouvelable pour entraîner le classement automatique est trop bas : certains réseaux de chaleur urbains peuvent être classés alors même qu’ils utilisent du charbon ou du fioul comme source d’énergie.

En outre, la procédure est rendue plus complexe : si le classement est automatique, ses modalités pratiques ne sont pas définies, ce qui fait peser un risque juridique sur le classement. La commune doit alors délibérer pour définir des zones et mettre en cohérence son document d’urbanisme. La procédure de classement automatique dépossède la collectivité de la gestion de la temporalité du classement. Les conséquences sur les permis de construire et les raccordements obligatoires n’ont pas été anticipées.

Nous proposons donc que l’on renonce au classement automatique au profit d’un classement volontaire.

M. Bruno Questel, rapporteur. Le classement des réseaux de chaleur urbains vise à encourager le développement des réseaux de chaleur ou de froid alimentés pour plus de moitié par des énergies renouvelables ou de récupération. À cette fin, la loi « énergie-climat » a prévu qu’à compter du 1er janvier 2022, tous les réseaux de chaleur alimentés à plus de 50 % par des énergies renouvelables et de récupération, gérés par des collectivités et réunissant certains critères seront classés automatiquement, sauf décision contraire de la collectivité.

L’amendement risquerait de freiner le développement de ces réseaux de chaleur. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL392 et CL393 de M. Sylvain Templier.

M. Sylvain Templier. La notion de prise en compte constitue le niveau le moins contraignant de l’opposabilité. Elle permet une meilleure articulation entre les différents schémas, une quasi-connaissance mutuelle. L’amendement CL392 propose donc que le SRADDET prenne en compte le plan régional de l’agriculture durable (PRAD).

En 2015, le Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (CGAAER) estimait souhaitable que les orientations du SRADDET portent sur les activités agricoles. En effet, le SRADDET fixe les objectifs à moyen et à long terme concernant des sujets tels que la lutte contre le changement climatique, la pollution de l’air, la restauration de la biodiversité ou la prévention des déchets, tous liés de près ou de loin à l’agriculture. Le PRAD précise, quant à lui, les actions relatives à l’aménagement des territoires ruraux et à la protection des terres agricoles ainsi que des milieux naturels. Autrement dit, SRADDET et PRAD ont des sujets communs. Il convient donc de les associer, ce qui aboutirait à ajouter le domaine agricole au SRADDET, au nom d’une logique de cohérence entre plans et schémas.

Quant à l’amendement CL393, il tend à mettre davantage en cohérence les objectifs nationaux de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et les objectifs régionaux du SRADDET. Alors que les régions avaient jusqu’au 29 juillet 2019 pour élaborer leur SRADDET, la SNBC révisée a été adoptée par décret le 21 avril 2020. Lorsqu’il a publié son rapport annuel, en juin dernier, le Haut Conseil pour le climat lui a joint une note fort intéressante sur les outils juridiques pour la neutralité carbone, où l’on constate certaines discordances entre SRADDET et SNBC, en Auvergne-Rhône-Alpes comme en Provence-Alpes-Côte d’Azur.

Le code de l’environnement dispose que les collectivités territoriales prennent en compte la SNBC. Or, je l’ai dit, la prise en compte est l’échelon le plus faible de l’opposabilité. Elle permet donc les discordances évoquées. Je propose qu’on lui préfère la notion de compatibilité, afin de respecter les principes essentiels de la norme supérieure. Il serait illogique de ne pas assurer la cohérence entre la SNBC et les documents de planification des collectivités, notamment s’agissant de l’atteinte des objectifs.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement CL392 entraînerait une obligation de mise à jour des SRADDET, alors que les deux outils, PRAD et SRADDET, sont des documents de planification distincts et qui fonctionnent bien en parallèle. Demande de retrait ou avis défavorable.

Même avis sur l’amendement CL393, car le code de l’environnement, en son article L. 222-1-B, prévoit déjà la prise en compte de la SNBC par les schémas régionaux, dont le SRADDET fait partie.

Les amendements sont retirés.

Chapitre II

Les transports

Article 6 : Transfert aux départements, aux métropoles et à la métropole de Lyon de certaines routes nationales non concédées

Amendements identiques CL1631 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1630 du Gouvernement, et sous-amendement CL1665 de M. Matthieu Orphelin.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement réécrit entièrement l’article afin de tenir compte des concertations menées avec les régions et les départements sur les modalités de cette nouvelle étape importante de la décentralisation des routes, notamment quant à l’articulation entre les articles 6 et 7.

Outre l’affirmation de la compétence des départements sur le réseau routier départemental, conformément à une demande appuyée de l’Assemblée des départements de France (ADF), il précise, en coordination avec l’article 7, la procédure de décentralisation des routes nationales : publication d’une liste énumérant les voies du réseau routier national non concédé que l’État propose soit de transférer aux départements et métropoles, soit de mettre à la disposition des régions ; concertation, organisée par les préfets de région, entre l’ensemble des collectivités afin de faire émerger une répartition des voies décentralisables par niveau de collectivité ; fixation de cette répartition par décret ; demande des collectivités, dans un délai de deux mois, au ministre des transports quant aux routes dont elles souhaitent le transfert ou la mise à disposition ; décision du ministre des transports, dans un délai d’un mois, au vu notamment de la cohérence des itinéraires.

L’amendement supprimerait également les dispositions du projet de loi qui prévoyaient, par dérogation à son article 44, un régime spécifique en matière de transfert de personnel et de services. En effet, l’article 44 contient des dispositions générales relatives à la mise à disposition et au transfert de personnel, applicables de plein droit aux transferts de compétence à titre définitif prévus dans la loi, au nombre desquels figurent le transfert des routes aux départements et aux métropoles. Il n’y a donc pas lieu d’adopter des dispositions spécifiques pour le transfert des routes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Rappelons, en complément, que la rédaction sénatoriale de cet article avait suscité un assez large accord au sein de la Haute Assemblée, mais que nous avions conscience d’un besoin de précision et surtout de négociations entre l’ADF et Régions de France. Dans le cas de l’ADF, il s’agit de décentralisation alors que, pour les régions, il s’agit d’une expérimentation.

Nous avons réuni les présidents des deux associations et trouvé un accord dont la rédaction ici proposée est le fruit. Il inclut, par exemple, une concertation de six mois dans chaque région, sous l’égide du préfet de région, afin d’essayer d’aboutir à une répartition consensuelle entre collectivités des routes que l’État proposera à la décentralisation. À l’issue de cette concertation auront lieu des consultations définitives par les collectivités concernées.

Une carte des routes décentralisables a été fournie par les services de l’État.

M. Matthieu Orphelin. Mon sous-amendement est de précision. Il vise à systématiser le transfert d’informations, qui, selon les amendements, ne se ferait que sur demande. C’est nécessaire à la concertation.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ce sous-amendement ne change pas le fond du dispositif, mais il implique une injonction au représentant de l’État alors que l’on ne peut imaginer que celui-ci, sollicité, ne réponde pas aux questions des collectivités. En outre, le dispositif dans son ensemble a été rédigé au terme d’une concertation entre l’État, les départements et les régions que je vous demande à toutes et tous de respecter.

Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce que prescrit le sous-amendement est déjà prévu dans la méthode choisie. Il n’est donc pas utile.

M. Rémy Rebeyrotte. Je remercie le rapporteur et la ministre d’être parvenus à un équilibre sur un sujet délicat. On part ici du terrain : certains départements demandent de bénéficier du transfert de voies nationales pour des raisons d’homogénéité de la gestion de l’ensemble de la voirie et parce qu’ils ont développé des services pour ce faire. Il aurait été catastrophique de produire une sorte de mise en concurrence entre les régions, auxquelles l’expérimentation offre la possibilité de s’orienter vers ce type de services, et les départements.

L’équilibre est bon car les départements, bénéficiaires des logiques de décentralisation, ont la main. La région ne peut intervenir qu’en cas d’accord avec les départements, notamment si l’un d’entre eux n’est pas en mesure d’assurer la montée en puissance nécessaire à la gestion de ces routes. En outre, l’échelon régional ne peut être impliqué que de façon expérimentale.

Cette approche pragmatique satisfait la demande des départements volontaires.

M. Matthieu Orphelin. Chaque frein à la transmission d’informations me pose un problème, en particulier du point de vue des groupes minoritaires au sein des collectivités concernées, même si le président de collectivité décide qu’il n’a pas besoin de ces informations. Si j’entends les arguments qui me sont opposés, je maintiens donc mon sous-amendement.

M. Mansour Kamardine. Je me réjouis de parler à des gens qui connaissent Mayotte. Mayotte est le dernier territoire où la décentralisation a eu lieu. La pauvreté y est élevée, les dotations n’y sont pas toujours au même niveau que sur le reste du territoire national et c’est là que les routes nationales, n’ayant pas évolué en quarante ans d’existence, sont les plus reculées. Imaginer une décentralisation des routes nationales à Mayotte, où elles couvrent 86 kilomètres, c’est condamner définitivement ces routes et le développement, notamment économique, du territoire.

Lorsque l’on a procédé à la fois à la départementalisation et à la décentralisation, il a été considéré que, dans certains domaines, la décentralisation ne se ferait pas. Alors que, sur l’ensemble du territoire national, elle a une quarantaine d’années, à Mayotte, on arrive à peine à dix ans, compte tenu de nos retards et difficultés techniques. L’État a ainsi décidé de conserver l’autorité de gestion des fonds européens.

Voilà pourquoi j’ai déposé un amendement, le CL452, aux termes duquel les dispositions en discussion ne pourront s’appliquer au département de Mayotte tant que l’on n’aura pas permis à ce territoire de progresser.

M. Hervé Saulignac. Il est heureux que les amendements de réécriture de l’article introduisent une concertation sous l’égide des préfets de région, mais il faut imaginer tous les scénarios. Supposons ainsi que deux collectivités soient en concurrence : un département qui revendique le transfert des routes nationales sur son territoire et la région qui souhaite expérimenter la gestion de ces routes. Si la concertation ne permet pas de définir une bonne répartition, comment celle-ci va-t-elle s’opérer ? Accordera-t-on la priorité au transfert des routes nationales au département ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans ce cas, l’État tranche dans l’intérêt général et au nom de la cohérence de l’itinéraire routier.

M. Pacôme Rupin. Dans la région francilienne, Île-de-France Mobilités (IDFM), autorité organisatrice de la mobilité (AOM), rassemble dans son conseil d’administration les départements, la région, qui y est majoritaire, et les intercommunalités et communes, notamment la Ville de Paris. Comment va y être gérée l’articulation entre expérimentation et décentralisation ? On gagnerait à donner le maximum de pouvoirs à IDFM en la matière, pour une gestion cohérente des transports publics et des principaux réseaux routiers, puisque l’un des enjeux est l’intermodalité, donc la bonne coordination entre la gestion des transports en commun et celle des routes.

M. Rémy Rebeyrotte. Les deux collectivités, départementale et régionale, ne sont pas tout à fait sur le même plan : au niveau des départements, il s’agit de renforcer la décentralisation, puisqu’ils ont déjà des compétences en matière routière, tandis que, pour les régions, le transfert est expérimental. Pouvez-vous nous le confirmer, madame la ministre ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je le confirme.

Par ailleurs, pour rassurer M. Mansour Kamardine, je rappelle que la décentralisation de routes ou de portions de routes nationales n’est possible que si la collectivité le demande. Cette précision s’applique évidemment à Mayotte.

Monsieur Pacôme Rupin, pour l’instant, nous avons confié les routes aux collectivités territoriales ; il ne serait pas impossible d’en transférer la gestion à Île-de-France Mobilités, mais le Gouvernement n’a pas choisi de le faire dans ce texte, dans l’attente d’une plus grande réforme de la métropole de Paris.

La commission rejette le sous-amendement.

Elle adopte les amendements et l’article 6 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements s’y rapportant tombent.

Article 6 bis (art. L. 153-1 du code de la voirie routière) : Harmonisation de l’usage des ressources du péage d’un ouvrage d’art

La commission adopte l’article 6 bis non modifié.

Article 7 : Mise à disposition des régions volontaires et à titre expérimental de voies du domaine public routier national non concédé

Amendements identiques CL1632 rectifié de M. Bruno Questel et CL1629 rectifié du Gouvernement.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de la procédure de mise à disposition des voies aux régions. L’amendement supprime le I A de l’article adopté au Sénat et fusionne les premières étapes de la procédure et celles du transfert aux départements, aux métropoles et à la métropole de Lyon, en cohérence avec les modifications introduites par les amendements à l’article 6 que nous venons d’adopter. Il étend également aux routes nationales ou sections de routes nationales assurant la continuité du réseau autoroutier l’avis que devra rendre le représentant de l’État territorialement compétent s’agissant des projets d’aménagements substantiels des autoroutes mises à disposition des régions.

M. Raphaël Schellenberger. Une simple remarque sans visée de remise en cause : il s’agit de transférer une infrastructure de l’État aux régions, qui n’ont pas pour l’instant de compétence en matière de routes. Or une route n’est pas n’importe quelle infrastructure. Jusqu’à présent, le transfert d’infrastructures routières bénéficiait à une collectivité qui avait déjà une expertise dans ce domaine. Il ne s’agit pas seulement de construire des routes, mais aussi de les exploiter et de les entretenir. C’est un changement majeur.

J’ai bien conscience du fait que, pour certains itinéraires d’envergure nationale, le département n’est pas le bon échelon. La compétence départementale, qui fonctionnait très bien en Alsace, où le fonctionnement routier est assez simple – un axe nord-sud qui épouse la géographie de la région –, est moins évidente dans d’autres départements.

Toujours est-il que l’on va se trouver dans une situation que l’on voulait éviter : des départements et des régions compétents en matière de route, et les points de frottement qui en résulteront. Ce ne sera pas nécessairement plus simple qu’actuellement entre départements et État.

C’est donc la fin du réseau routier national qui couvre des grands axes d’envergure stratégique, ceux qui font l’objet de la grande planification, notamment pour l’investissement dans le renouvellement et la modification de l’infrastructure. Jusqu’à présent, le contrat de plan État-région (CPER) était un moyen pour l’État de se faire financer une partie de ses investissements par les collectivités. Lorsque l’infrastructure appartiendra à la collectivité territoriale, l’État continuera-t-il à intervenir à son profit dans ce cadre ? Je schématise : j’ai bien compris que les infrastructures sont sorties du CPER.

J’avais déjà posé la question dans le cadre du débat sur la loi « Alsace » ; il m’avait été répondu de façon circonstanciée que, pour les routes transférées de l’État à la collectivité européenne d’Alsace, ce serait le cas, mais qu’en est-il désormais, hors de ce cas d’espèce et dans le cadre, non plus d’une différenciation, mais bien d’une standardisation des transferts ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’expertise des services techniques sera évidemment mise à la disposition des régions : il n’est donc pas besoin de créer de nouvelles expertises.

Nous avons décidé que les CPER n’obéiraient pas à des maquettes nationales, mais que les priorités seraient négociées avec chaque région. Bien sûr, nous maintiendrons le financement des opérations prévues pour la mobilité dans le volet 2023-2027 des CPER.

Enfin, le rattachement aux régions se justifie par les échanges entre transports en commun et routes, évoqué par M. Pacôme Rupin à propos de l’Île-de-France. Les régions, du fait de leur compétence en matière de transports, peuvent avoir intérêt à s’impliquer s’agissant des routes.

M. Raphaël Schellenberger. Il s’agit tout de même du transfert de plusieurs milliers de kilomètres d’infrastructures valant plusieurs milliards. Je ne conteste pas la pertinence du transfert, ni même le choix d’en faire bénéficier les régions. En revanche, il faut avoir conscience du fait qu’il modifie la nature même de la région. Jusqu’à présent dominait la dichotomie entre compétences de gestion pour le département et compétences de planification et de vision prospective pour la région. Or l’exploitation d’une route relève bien de la gestion.

La commission adopte les amendements et l’article 7 est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements s’y rapportant tombent.

Article 7 bis (art. 1er de l’ordonnance n° 2021-408 du 8 avril 2021 relative à l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais et art. L. 1243-1-1 [nouveau] du code des transports) : Ouverture à la région Auvergne-Rhône-Alpes de la possibilité de se retirer de l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais

Amendements de suppression CL1000 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL717 de la commission du développement durable et CL493 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose de supprimer les dispositions qui permettent le retrait de la région Auvergne-Rhône-Alpes des membres de droit de la nouvelle autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais.

M. Jean-Louis Touraine. Créée récemment, la nouvelle autorité organisatrice des territoires lyonnais doit entrer en activité le 1er janvier prochain et remplacer le syndicat mixte des transports pour le Rhône et l’agglomération lyonnaise. La métropole de Lyon, plusieurs EPCI à fiscalité propre et la région Auvergne-Rhône-Alpes sont membres de droit de cet établissement public local. Le périmètre de ce nouvel établissement doit permettre de répondre aux enjeux de mobilité du bassin de vie lyonnais, raison pour laquelle la région y est intégrée au titre des services de mobilité qu’elle opère dans ce bassin de vie en tant que cheffe des mobilités. Ainsi, le projet de RER pour l’aire métropolitaine lyonnaise, qui fut au cœur des débats lors des dernières élections régionales, représente une solution aux besoins de mobilité de la métropole et de la région. Il ne serait donc pas souhaitable que la région puisse se retirer de cette nouvelle autorité organisatrice.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Pacôme Rupin. Cet article illustre bien la complexité du millefeuille territorial. Je ne suis pas certain que l’on y réponde clairement. J’ai bien noté la réponse de la ministre – attendre –, mais nous attendons depuis trop longtemps cette réforme. Tant que l’on n’aura pas défini précisément les compétences de chacun, il ne faudra pas s’étonner du taux d’abstention aux élections départementales et régionales !

Pour ce qui est de l’établissement public créé pour la métropole de Lyon, il est bien normal que tous les acteurs en soient membres mais il faudra clarifier les compétences. Il est indispensable de simplifier l’organisation du millefeuille territorial dans un domaine aussi important pour nos concitoyens que celui des transports.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 7 bis est supprimé.

Article 8 (art. L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 121-5 [nouveau] du code de la voirie routière et art. L. 2411-1, L. 2651-5, L. 2661-5, L. 2671-5 et L. 2681-5 du code de la commande publique) : Transfert temporaire de la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement routier aux collectivités territoriales et à leurs groupements

Amendements identiques CL1508 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL719 de la commission du développement durable.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit d’éviter les situations de blocage auxquelles pourraient donner lieu les dispositions adoptées par le Sénat relatives aux opérations d’aménagement débordant du territoire d’une collectivité, en restreignant le droit de véto aux collectivités qui disposent de la même compétence pour la maîtrise d’ouvrage des travaux.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL1054 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL720 de la commission du développement durable.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement tend à supprimer l’obligation de motivation spéciale de la décision de l’État de ne pas transférer la maîtrise d’ouvrage d’une opération d’aménagement routier.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1055 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

Amendements identiques CL1056 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL721 de la commission du développement durable.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’application de l’article 8 aux territoires ultramarins, qui est impossible dans les faits, faute de réseau routier concerné.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 8 modifié.

Article 8 bis (section 2 [nouvelle] du chapitre V du titre Ier du code de la voirie routière et art. L. 2411-1 du code de la commande publique) : Élargissement des transferts de maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement et de travaux du domaine routier

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1057 et CL1058 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

Elle adopte l’article 8 bis modifié.

M. Stéphane Mazars, président. Nous abordons les premiers articles dont l’examen a été délégué à d’autres commissions. Comme la présidente de la commission des Lois l’a indiqué hier, il nous faut formellement adopter ces articles, sans rouvrir les débats.

Par conséquent, je vais mettre directement et successivement aux voix les amendements adoptés par la commission du développement durable, puis les articles.

Article 9 (examen délégué) (art. L. 2111‑1‑1, L. 2111‑9‑1 A, L. 2111‑9‑1 B [nouveau], L. 2122‑2 et L. 2221-1 du code des transports et article L. 3114‑1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Conforter les possibilités de transfert des petites lignes ferroviaires

La commission adopte successivement les amendements CL722, CL723, CL724, CL726, CL728, CL729 et CL730 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 9 modifié.

Article 9 bis (examen délégué) (art. L. 1241‑6 et L. 1241‑7‑1 du code des transports) : Avancer l’ouverture à la concurrence des RER A, B, C et D

La commission adopte l’amendement de suppression CL731 de la commission du développement durable.

En conséquence, l’article 9 bis est supprimé.

Article 9 ter (examen délégué) (art. L. 2121‑22 du code des transports) : Prise en compte des évolutions d’effectifs lors d’un changement d’attributaire d’un contrat de service public ferroviaire

La commission adopte l’amendement CL732 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 9 ter ainsi modifié.

Après l’article 9 ter (examen délégué)

La commission adopte l’amendement CL733 de la commission du développement durable.

Article 9 quater (examen délégué) (art. 4 de la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités) : Étendre la possibilité de créer une société de projet pour financer et réaliser des projets d’infrastructures de transport phasés et à un stade plus précoce de leur élaboration

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL734 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 9 quater ainsi modifié.

Article 9 quinquies (examen délégué) : Expérimentation du transport autonome sur rail par les conseils régionaux

La commission adopte l’amendement CL735 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 9 quinquies ainsi modifié.

M. Stéphane Mazars, président. Nous reprenons l’examen du texte au titre de la commission des Lois, saisie au fond.

Article 10 (art. L. 130‑9 du code de la route) : Faculté pour les collectivités territoriales et leurs groupements d’installer des radars automatiques

Amendements de suppression CL824 de la commission du développement durable et CL400 de M. Guillaume Garot.

M. Hervé Saulignac. L’amendement tend à supprimer cet article qui prévoit d’autoriser les collectivités territoriales et leurs groupements à installer des radars automatiques. Il suffit d’en parler à son préfet si l’on pense qu’il en manque un. Cette décision doit relever de l’État.

M. Bruno Questel, rapporteur. Les collectivités territoriales sont des acteurs majeurs de la sécurité routière au niveau local, gérant les infrastructures et disposant du pouvoir de police de la circulation, en particulier s’agissant de l’abaissement de la vitesse maximale autorisée. Dans ces conditions, les élus locaux sont souvent les mieux placés pour juger du bien-fondé de l’implantation d’un radar sur la voirie qu’ils gèrent et dont ils ont la responsabilité.

Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet article répond à une forte demande des maires de pouvoir installer des radars, après avis du préfet. Il ne s’agit pas de les multiplier pour complaire à qui que ce soit. Le ministère de l’intérieur y est favorable, mais il continuera à veiller à la cohérence des implantations. Il ne s’agirait que d’une faculté laissée aux maires.

Avis défavorable.

M. Pacôme Rupin. Une nouvelle fois, vous prenez le risque de brouiller la répartition des compétences, en accordant au maire un pouvoir qu’il devra partager avec le préfet. L’installation des radars doit relever exclusivement de l’État. Surtout, les élus locaux peuvent d’ores et déjà solliciter le préfet s’ils jugent nécessaires d’en implanter un nouveau. Par ailleurs, le maire pourrait être tenté de céder à la pression de ses administrés là où le préfet aurait une approche plus globale de la situation.

M. Rémy Rebeyrotte. L’intérêt de cette proposition est évident, surtout pour sécuriser l’entrée dans certaines villes. En revanche, il me semble indispensable de prévoir un avis conforme du préfet. Le maire sera pris en tenaille entre ceux qui voudront que la vitesse soit régulée et ceux qui se plaindront d’être attrapés pour excès de vitesse. Le préfet sera mieux placé pour juger de l’intérêt d’une telle décision et il pourra réfléchir avec le maire à la meilleure solution à retenir.

M. Hervé Saulignac. Je ne pensais pas que vous feriez ce cadeau au Sénat. Naïvement, j’étais convaincu que vous supprimeriez cet article dangereux. Nous aurons ainsi les radars du maire et ceux du ministre de l’intérieur.

Je suppose qu’une fois la décision prise par la collectivité territoriale d’installer un radar, c’est cette dernière qui en assumera la dépense. L’économie ainsi espérée pour l’État explique peut-être votre position mais qui encaissera les recettes ? Je comprendrais mal que ce soit l’État.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il ne s’agit pas d’un cadeau au Sénat mais d’un article initial du projet de loi. Pour avoir été maire et conseiller départemental, je mesure toute la complexité du problème. Rappelons cependant que l’avis du préfet devra être conforme, ce qui garantira la cohérence de l’implantation des radars.

L’installation d’un radar coûte plusieurs milliers d’euros et cette somme ne sera sans doute pas couverte par la dotation d’équipement des territoires ruraux. Beaucoup de maires reculeront face à la dépense. Enfin, la question, quand on est « à portée d’engueulade », n’est pas tant celle de la vitesse que de la sécurité, que nous devons toujours privilégier.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai été maire durant vingt-cinq ans : il est arrivé que des radars soient installés dans ma commune sans que j’en sois informée et tout le monde pensait que c’était le radar du maire !

Par ailleurs, les maires peuvent réguler la vitesse dans leurs communes. Les radars s’inscrivent dans cette logique. Leur installation sera à la charge des municipalités mais leur gestion relèvera de l’Agence nationale de traitement automatisé des infractions (ANTAI). Les amendes seront reversées à la collectivité territoriale.

La commission rejette les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte successivement le sous-amendement rédactionnel CL1634 de M. Bruno Questel, rapporteur, et l’amendement CL1379 de Mme Nathalie Sarles sous-amendé.

La commission adopte successivement les amendements CL1292, de précision, et CL1059, rédactionnel, de M. Bruno Questel, rapporteur.

Elle adopte l’article 10 modifié.

Après l’article 10

L’amendement CL745 de la commission du développement durable est retiré.

Article 11 (art. L. 4316-12 [nouveau] du code des transports et art. L. 2132-10 du code général de la propriété des personnes publiques) : Renforcement des sanctions sur le domaine public fluvial

Amendements identiques CL1061 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL746 de la commission du développement durable.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de rétablir le caractère immédiat de la majoration de la redevance en cas d’installation sans titre d’ouvrage.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement de précision CL1062 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

Amendement CL1530 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement tend à lever le plafond contraventionnel de la majoration de la redevance hydraulique en cas de rejets de sédiments non autorisés.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL747 de la commission du développement durable et CL1069 de M. Bruno Questel, rapporteur (discussion commune).

M. Bruno Questel, rapporteur. J’invite le rapporteur pour avis à retirer l’amendement de la commission du développement durable.

L’amendement CL747 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL1069.

Amendement CL1070 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de supprimer la précision, introduite par le Sénat, selon laquelle l’autorité administrative veille à ce que le montant global des sanctions éventuellement prononcées ne dépasse pas le montant le plus élevé de l’une des sanctions encourues. En vertu du principe constitutionnel de proportionnalité des peines, il n’est pas nécessaire d’y faire explicitement référence.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1072 de M. Bruno Questel, rapporteur.

La commission adopte l’article 11 modifié. 

Après l’article 11

Amendements identiques CL1536 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1535 du Gouvernement.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement tend à créer, dans une logique de partenariat, un régime de convention qui permettrait à l’État de confier à une collectivité territoriale ou à un groupement de collectivités territoriales tout ou partie de l’aménagement, de l’exploitation et de l’entretien du domaine public fluvial. Ce faisant, ce régime offrirait une alternative au transfert de propriété. L’État resterait propriétaire de la voie d’eau et les collectivités prendraient une part active à la valorisation du domaine.

M. Raphaël Schellenberger. Je voterai ces amendements, car il est souhaitable que les collectivités territoriales puissent engager des projets pour des infrastructures fluviales de l’État. Cette proposition, cependant, ne vaut que pour l’avenir. Concernant le passé, les canaux de la Hardt et le canal Vauban en plaine d’Alsace, délaissés par l’État, sont sur le point d’être repris par la collectivité européenne d’Alsace en raison de leur importance pour l’aménagement hydraulique et à l’aménagement agricole. Cependant, la question de leur statut reste à trancher : s’agit-il d’infrastructure relevant du domaine public ou privé de l’État ? Je suppose que le ministère concerné saura y répondre en moins de trois ans.

Par ailleurs, les infrastructures sont occupées à titre gratuit, ce qui est bien compréhensible. En revanche, cela l’est moins lorsqu’elles sont laissées à des entreprises privées. C’est le cas de certaines installations hydroélectriques sur le Rhin et le canal du Rhin, concédées à EDF sans paiement de redevance aux collectivités territoriales. Si l’on compare cette situation à celle du Rhône, le manque à gagner pour les collectivités territoriale est abyssal.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Bien évidemment, je ne peux pas vous répondre ! Je transmettrai votre demande au ministère chargé des transports.

La commission adopte les amendements.

Chapitre III
La lutte contre le réchauffement climatique et la préservation de la biodiversité

Article 12 (art. L. 131-4 et L. 131-6-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Réforme de la gouvernance de l’ADEME et délégation d’une partie des fonds « chaleur » et « économie circulaire » aux régions

Amendement CL1073 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de rétablir la rédaction initiale du projet de loi s’agissant de la présence d’un représentant des EPCI à fiscalité propre au conseil d’administration de l’ADEME. Il n’est pas souhaitable, comme l’a fait le Sénat, de fixer dans la loi la proportion de telle ou telle catégorie de représentants au sein du conseil d’administration. De telles précisions relèvent du domaine réglementaire.

Les collectivités territoriales et les EPCI représenteront ainsi de l’ordre de 15 % des membres du conseil d’administration, proportion relativement proche de celle prévue par le Sénat.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements se rapportant à l’alinéa 2 tombent.

Amendement CL1074 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de rétablir, à quelques différences rédactionnelles près, la rédaction initiale du projet de loi s’agissant de la délégation aux régions volontaires de la gestion des fonds « chaleur » et « économie circulaire ». La rédaction issue du Sénat ne précise pas suffisamment le montant des fonds délégués à chaque région. Elle laisse penser qu’il serait possible de confier à chaque région 20 % de l’ensemble des crédits de l’agence, ce qui est impossible en pratique.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL929 de M. Jean-René Cazeneuve tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1075 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

Elle adopte l’article 12 modifié.

Après l’article 12

Amendement CL1076 de M. Bruno Questel, rapporteur. 

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de modifier la composition du conseil d’administration de l’Agence nationale de l’habitat en prévoyant une représentation de Régions de France.

La commission adopte l’amendement.

Article 12 bis (art. 78 et intitulé du chapitre VII du titre II de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Transfert aux régions de la fonction comptable de la gestion des fonds structurels et d’investissement européens

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1077 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL456 de M. Mansour Kamardine. 

M. Raphaël Schellenberger. Cet amendement traduit l’inquiétude légitime de M. Mansour Kamardine quant à l’applicabilité de cet article à Mayotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. L’article 12 bis prévoit que l’État confie aux régions, en leur qualité d’autorité de gestion des fonds européens, les missions relevant de la fonction comptable pour la période de programmation 2021-2027. Or Mayotte n’est pas une autorité de gestion.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’article 12 bis modifié.

Article 12 ter (art. L. 112-1-1 et L. 112-1-2 du code rural et de la pêche maritime) : Modification de la composition des commissions départementale et territoriale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers

Amendements de suppression CL1078 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL748 de la commission du développement durable et CL358 de M. Hervé Saulignac.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement tend à supprimer l’article afin de maintenir la composition actuelle des commissions de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Renforcer le poids des collectivités territoriales en attribuant au moins 50 % des sièges à leurs représentants reviendrait à amoindrir la représentation des autres acteurs. Ces collectivités et groupements sont déjà fortement représentées dans les CDPENAF. Enfin, une telle précision relève du domaine réglementaire.

M. Hervé Saulignac. Il serait regrettable, en effet, de briser l’équilibre, notamment au détriment des professions agricoles.

M. Paul Molac. Sans oublier les professions forestières, les chambres d’agriculture, les organismes nationaux et les associations de défense de l’environnement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 12 ter est supprimé et les amendements CL425 de Mme Sereine Mauborgne, CL227 de Mme Sandra Marsaud et CL1256 de Mme Danielle Brulebois tombent.

M. Stéphane Mazars, président. Nous en venons aux articles 13 à 13 quater délégués à la commission du développement durable.

Article 13 (examen délégué) (art. L. 414-1, L. 414-2 et L. 414-3 du code de l’environnement ; art.1395 E du code général des impôts) : Transfert de la compétence de gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions

La commission adopte successivement les amendements CL749, CL750, CL751, CL752, CL753 et CL754 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 13 modifié.

Article 13 bis (examen délégué) (art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation au seuil de participation minimale du maître d’ouvrage pour le financement d’une opération en faveur de la restauration de la biodiversité

La commission adopte l’amendement CL755 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 13 bis ainsi modifié.

Article 13 ter (examen délégué à la commission du développement durable) (art. 167 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages) : Modalités de compensation de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains situés sur un site Natura 2000 faisant l’objet d’un engagement de gestion

La commission adopte l’amendement de suppression CL756 de la commission du développement durable.

En conséquence, l’article 13 ter est supprimé.

Article 13 quater (examen délégué à la commission du développement durable) : Application différenciée des plafonds d’abattage des loups définis au niveau national

La commission adopte l’amendement de suppression CL757 de la commission du développement durable.

En conséquence, l’article 13 quater est supprimé.

Deuxième réunion du mardi 23 novembre à 21 heures 30

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Article 14 (art. L. 360-1 [nouveau] et L. 571-7 et chapitre III du code de l’environnement, art. L. 5211-9-2 et L. 5842-4 du code général des collectivités territoriales et paragraphe 4 [nouveau] de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme) : Création d’un pouvoir de police spéciale dans les espaces naturels protégés

Amendement CL1079 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL758 de la commission du développement durable (discussion commune).

M. Bruno Questel, rapporteur pour les titres Ier à V. L’amendement tire les conséquences de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite climat et résilience, promulguée après l’adoption par le Sénat du présent projet de loi. Son article 231 permet déjà au maire ou au préfet de réglementer ou d’interdire l’accès aux espaces naturels protégés. Il prévoit également une interdiction des atterrissages d’aéronefs motorisés à des fins de loisirs en zones de montagne, rendant ainsi caduques les dispositions du présent article.

Mon amendement reprend toutefois la proposition du Sénat qui ouvre la possibilité, pour les maires, de transférer, de façon facultative, ce nouveau pouvoir de police des espaces naturels protégés au président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI).

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je suis favorable à l’amendement CL1079 et demande le retrait de l’amendement CL758.

L’amendement CL758 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL1079 et l’article 14 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements identiques CL252 de M. Thibault Bazin, CL387 de Mme Marie-France Lorho, CL535 de M. Raphaël Schellenberger et CL1318 de M. Fabrice Brun tombent.

Après l’article 14

Amendement CL1381 de Mme Émilie Chalas.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement prévoit le transfert automatique de certains pouvoirs de police administrative en matière environnementale au président du conseil de métropole. Je comprends l’objectif, mais il s’agit là de pouvoirs de police d’ultraproximité et je m’interroge donc sur la pertinence de les laisser aux maires, plutôt qu’aux présidents de métropoles.

En outre, sur le plan juridique, les transferts de pouvoir de police ne s’appliquent qu’en cas de transferts de compétences de la commune vers l’EPCI dans le domaine réglementé.

Enfin, le transfert de pouvoir de police que vous prévoyez est automatique, et non facultatif, ce qui me semble excessif. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1152 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. Il s’agit de transférer des pouvoirs de police aux intercommunalités qui, avec les maires, en feraient la demande. En l’état du droit, c’est impossible.

M. Bruno Questel, rapporteur. Votre amendement est déjà satisfait par l’article L. 541-44 du code de l’environnement et le décret n° 2020-1573 du 11 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation et de simplification dans le domaine de la prévention et de la gestion des déchets.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1380 de Mme Émilie Chalas.

M. Rémy Rebeyrotte. Il est défendu.

M. Bruno Questel, rapporteur. Défavorable.

M. Rémy Rebeyrotte. Par solidarité, j’ai souhaité défendre ces amendements, mais vous avez raison de vous interroger sur l’unicité du pouvoir de police. La proximité est importante.

L’amendement est retiré.

Article 14 bis (art. L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation aux règles régissant le financement des opérations dont les syndicats mixtes d’aménagement et de gestion de parcs naturels régionaux sont maîtres d’ouvrage

Amendement CL1529 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de conserver l’esprit de l’article 14 bis introduit par le Sénat, tout en le sécurisant juridiquement et en l’encadrant. L’amendement permet à un syndicat de parc naturel régional (PNR) et, plus largement, à un syndicat mixte fermé ou ouvert restreint, à un pôle métropolitain ou à un pôle d’équilibre territorial et rural (PETR) de comptabiliser les concours financiers au budget du syndicat versés par ses membres, y compris les contributions exceptionnelles, comme des participations du maître d’ouvrage au financement des projets. Cela permettra d’assurer le financement des projets d’investissement des syndicats de PNR.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 14 bis modifié.

Article 14 ter (art. L. 122-1 et L. 181-10 du code de l’environnement) : Obligation de consultation du syndicat mixte d’aménagement et de gestion de parc naturel régional pour les plans et projets soumis à évaluation et autorisation environnementale

Amendement CL1066 de suppression de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous propose de supprimer cet article, qui vise à rendre obligatoire la consultation des PNR dans différentes procédures d’évaluation et d’autorisation environnementale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 14 ter est supprimé.

Après l’article 14 ter

La commission rejette l’amendement CL1327 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

 

TITRE III 
URBANISME ET LOGEMENT

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous allons mettre aux voix les articles qui ont fait l’objet d’une délégation à la commission des affaires économiques.

Article 15 (examen délégué) (art. L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation) : Évolutions des modalités de détermination de la liste des communes exemptées de l’application des obligations SRU

La commission adopte successivement les amendements CL1429, CL1430, CL1431, CL1432 et CL1433 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 15 modifié.

Après l’article 15 (examen délégué)

La commission adopte l’amendement CL1434 de la commission des affaires économiques.

Article 15 bis (examen délégué) (art. L. 302-5 du code de la construction et de l’habitation) : Pondération par typologie de prêt des logements intégrés au décompte SRU

La commission adopte l’amendement de suppression CL1435 de la commission des affaires économiques.

L’article 15 bis est supprimé.

Article 16 (examen délégué) (art. L. 302-7 du code de la construction et de l’habitation) : Contrôle préfectoral renforcé sur le bon usage des ressources financières issues du prélèvement SRU

La commission adopte successivement les amendements CL1436, CL1437, CL1438 et CL1439 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 16 modifié.

Article 17 (examen délégué) (art. L. 302-8 du code de la construction et de l’habitation) : Suppression de la date butoir de mise en conformité avec les obligations SRU et différenciation du rythme de rattrapage selon les communes

La commission adopte successivement les amendements CL1440, CL1441, CL1442, CL1443, CL1444, CL1445 et CL1446 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 17 modifié.

Article 18 (examen délégué) (art. L. 302-8-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Consécration législative du contrat de mixité sociale et capacité d’adapter l’échéancement du rattrapage des communes déficitaires

La commission adopte successivement les amendements CL1447, CL1448, CL1449, CL1450, CL1451, CL1452, CL1453 et CL1454 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 18 modifié.

Article 19 (examen délégué) (art. L. 302-9-1 du code de la construction et de l’habitation) : Adaptation de la carence à la création du contrat de mixité sociale et instauration d’un taux de majoration minimal en cas de carence

La commission adopte l’amendement CL1455 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 19 modifié.

Article 19 bis (examen délégué) (art. L. 210-1 du code de l’urbanisme) : Suppression de l’exercice du droit de préemption par le préfet en cas d’arrêté de carence

La commission adopte l’amendement CL1456 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 19 bis modifié.

Article 20 (examen délégué) (art. L. 302-9-1-1 du code de la construction et de l’habitation) : Suppression de la procédure d’aménagement des objectifs triennaux et des commissions départementales

La commission adopte l’amendement CL1457 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 20 modifié.

Article 20 bis (examen délégué) (art. L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation) : Co-présidence par un élu du comité régional de l’habitat de l’hébergement (CRHH)

La commission adopte l’amendement CL1458 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 20 bis modifié.

Article 20 ter (examen délégué) (art. L. 364-1 du code de la construction et de l’habitation) : Élargissement des missions du comité régional de l’habitat de l’hébergement (CRHH)

La commission adopte l’amendement de suppression CL1459 de la commission des affaires économiques.

L’article 20 ter est supprimé.

Article 20 quater (examen délégué) (art. L. 411-5-1 du code de la construction et de l’habitation) : Avis conforme du préfet de département et du maire sur le déconventionnement de logements sociaux par les bailleurs institutionnels

La commission adopte l’article 20 quater non modifié.

Article 20 quinquies (examen délégué) (art. L. 442-6-4 du code de la construction et de l’habitation) : Rétablissement du lien entre le bail d’un logement social et celui de l’aire de stationnement associée dans les communes soumises à la loi SRU

La commission adopte l’amendement de suppression CL1460 de la commission des affaires économiques.

L’article 20 quinquies est supprimé.

Article 20 sexies (examen délégué) (art. L. 302-5-1 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Limitation de l’autorisation de construction des logements sociaux financés en prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans les communes comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux

La commission adopte l’amendement de suppression CL1461 de la commission des affaires économiques.

L’article 20 sexies est supprimé.

Article 20 septies (examen délégué) : Remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les conséquences du zonage du financement des logements sociaux dans les communes soumises à la loi SRU

La commission adopte l’amendement de suppression CL1462 de la commission des affaires économiques.

L’article 20 septies est supprimé.

Article 21 (examen délégué) (art. L. 313-34 du code de la construction et de l’habitation) : Élargissement de l’objet social de l’Association foncière Logement

La commission adopte l’article 21 non modifié.

Article 22 (examen délégué) (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation, art. 111 et 114 de la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 et art. 81 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017) : Renforcement des dispositifs de mixité sociale dans le logement social, accès au logement social des travailleurs des secteurs essentiels et report des réformes de la gestion en flux des réservations et de la cotation des demandes de logements sociaux

La commission adopte successivement les amendements CL1463, CL1464 et CL1465 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 22 modifié.

Après l’article 22 (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements CL1466 et CL1467 de la commission des affaires économiques.

Article 22 bis A (examen délégué) (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) : Exemption des logements réservés par les établissements publics de santé de la gestion en flux annuel des logements sociaux

La commission adopte l’article 22 bis A non modifié.

Après l’article 22 bis A (examen délégué)

La commission adopte l’amendement CL1468 de la commission des affaires économiques.

Article 22 bis B (examen délégué) (art. L. 353-15, L. 411-3 et L. 442-6 du code de la construction et de l’habitation) : Ouverture de la possibilité de changer le statut ou l’usage de logements locatifs sociaux faisant l’objet d’une opération de renouvellement urbain et suppression du droit au maintien dans le logement

La commission adopte l’amendement CL1469 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 22 bis B modifié.

Article 22 bis (examen délégué) (art. L. 441-2 du code de la construction et de l’habitation) : Réunion dématérialisée des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL)

La commission adopte l’article 22 bis non modifié.

Article 22 ter (examen délégué) (art. L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation) : Ajout au contingent communal d’attribution de logements sociaux du reste des logements non réservés

La commission adopte l’amendement de suppression CL1470 de la commission des affaires économiques.

L’article 22 ter est supprimé.

Article 22 quater (art. L. 441-1, L. 441-1-5 à L. 441-1-6, L. 441-2, L. 441-2-2 et L. 441-2-3 du code de la construction et de l’habitation) : Attribution des logements sociaux dans les résidences fragiles

La commission adopte l’amendement de suppression CL1471 de la commission des affaires économiques.

L’article 22 quater est supprimé.

Article 23 (examen délégué) (art. 140 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Prolongation de l’expérimentation relative à l’encadrement des loyers dans le cadre fixé par l’article 140 de la « loi ELAN »

La commission adopte l’amendement CL1472 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 23 modifié.

Après l’article 23 (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements CL1473 et CL1627 de la commission des affaires économiques.

Article 24 (examen délégué) (art. 206 et 209 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Prolongation des délais de mise en conformité des règlements de copropriété à propos de la consistance des lots transitoires et de la mention des parties communes spéciales ou à jouissance privative

La commission adopte l’article 24 non modifié.

Article 25 (examen délégué) (art. L. 301-5-1 du code de la construction et de l’habitation ; art. L. 3641-5, L. 5217-2 et L. 5218-2 du code général des collectivités territoriales) : Harmonisation des régimes de délégation de compétences de l’État entre les EPCI et les métropoles en matière de politique de logement et d’hébergement

La commission adopte l’article 25 non modifié.

Article 25 bis A (examen délégué) : Reconnaissance aux collectivités et à leurs groupements du statut d’autorités organisatrices de l’habitat

La commission adopte l’amendement CL1474 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 25 bis A modifié.

Article 25 bis (examen délégué) (art. L.5219-1 du code général des collectivités territoriales) : Prorogation des conventions de délégation de compétences en matière de politique d’aide au logement et d’hébergement entre l’État et la Métropole du Grand Paris

La commission adopte l’article 25 bis non modifié.

Article 26 (examen délégué) (art. L. 303-3 [nouveau] du code de la construction et de l’habitation) : Ouverture des opérations de revitalisation de territoire aux communes périphériques d’une intercommunalité polycentrée

La commission adopte l’article 26 non modifié.

Article 27 (art. L. 1123-1, L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques, art. L. 2243-1, L. 2243-3, L 2243-4, L. 6213-7, et L. 6313-7 du code général des collectivités territoriales) : Biens sans maître et biens en état manifeste d’abandon

Amendement CL143 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Il s’agit de faciliter l’appropriation des biens sans maître par les communes. Dans la rédaction actuelle de l’article, le bien n’a pas de maître si « aucun successible ne s’est présenté » à la succession ou en l’absence de « propriétaire connu ».

La notion de « successible » et le fait que ce dernier doive se « présenter » semblent insuffisants. La vérification au fichier immobilier tenu par le service de la publicité foncière serait un critère objectif de vérification.

De même, de qui doit être « connu » le propriétaire ? L’ajout du terme « identifiable » permettrait de recourir au fichier d’état civil, aux matrices cadastrales ainsi qu’à tout document objectif, ce qui sécuriserait la procédure.

M. Bruno Questel, rapporteur. Votre amendement, intéressant, comporte deux parties. La première porte sur les biens en déshérence après un décès et pour lesquels personne ne se présente pour hériter. En l’état du droit, le régime des biens sans maître peut s’appliquer au bout de trente ans, lorsqu’aucun successible ne s’est présenté. Votre amendement propose de remplacer la notion de présentation du successible par une consultation du fichier immobilier. Après échange avec le Gouvernement, il apparaît que le dispositif actuel est plutôt satisfaisant. Par conséquent, j’émets un avis défavorable sur cette partie de l’amendement.

La deuxième partie de votre amendement porte sur les biens pour lesquels aucun propriétaire n’est connu et dont la taxe foncière n’est pas payée. La difficulté que rencontrent les communes pour identifier ces biens est réelle et la question que vous soulevez est pertinente et légitime. Toutefois, la solution que vous proposez ne me paraît pas de nature à résoudre la difficulté – elle la déplace au contraire. Vous proposez de remplacer le mot « connu » par « identifiable », ce qui n’est pas plus clair. Je vous invite à retirer votre amendement au profit de celui que j’ai déposé après l’article 27 – le CL967.

L’amendement est retiré.

Amendement CL828 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. Les régions méditerranéennes sont particulièrement exposées au risque d’incendie de forêt. Ainsi la Corse est-elle touchée en moyenne chaque année par plus de 2 500 incendies détruisant 21 000 hectares selon la base de données Prométhée et se déclenchant même en hiver, comme ce fut le cas dans la nuit du 3 au 4 janvier 2018. Dans le contexte actuel de changement climatique – et donc d’augmentation de la température moyenne – ainsi que de désertification rurale, le risque est extrêmement élevé dans les régions déjà touchées par le phénomène, mais ce dernier peut largement se répandre à d’autres régions habituellement moins touchées.

Parmi les mesures juridiques de prévention des incendies, l’obligation de débroussaillement des parcelles par les propriétaires est très importante, notamment pour limiter la propagation des feux proches des habitations. En cas de défaillance du propriétaire, le maire de la commune doit procéder au débroussaillement, puis au recouvrement des sommes payées auprès du propriétaire.

Cependant, de nombreux propriétaires sont défaillants et les opérations de débroussaillement et de recouvrement deviennent de plus en plus complexes à mettre en œuvre par les communes. Elles pèsent sur les budgets déjà faibles. À cela s’ajoutent parfois pour les zones montagneuses les difficultés liées au relief, comme le précisent des chercheurs de l’École nationale supérieure des mines de Paris, dite MINES ParisTech : « la carence dans la mise en œuvre de l’obligation de débroussaillement est aussi due à la difficulté de procéder au débroussaillement dans des reliefs accidentés et en lieu et place de propriétaires défaillants, ce qui constitue une lourde charge financière pour les communes, notamment les communes rurales ou de zones de montagne peu habitées ».

Afin de remédier aux carences de débroussaillement par les propriétaires bien souvent inexistants ou laxistes, et face au risque important d’incendie qui en découle, l’amendement vise à considérer qu’un bien est sans maître si son propriétaire n’a pas remboursé les sommes engagées par la commune dans un délai de douze mois à compter de l’affichage du constat de carence établi par le maire.

En outre, afin de ne pas porter atteinte au droit de propriété de manière disproportionnée, en plus du délai d’un an, les dispositions de l’article L. 2222‑20 du code général de la propriété des personnes publiques relatives à l’action en revendication s’appliqueraient pour le propriétaire.

M. Bruno Questel, rapporteur. Nous avions adopté un tel dispositif lors des débats à l’Assemblée nationale de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite engagement et proximité. Nous avons ensuite accepté sa suppression en commission mixte paritaire car, si on comprend son objectif, il pose plusieurs problèmes d’ordre juridique et constitutionnel.

Votre amendement propose d’appliquer le régime des biens sans maître – et donc de priver de propriété – des personnes qui ne se soumettraient pas à l’obligation de débroussaillement. Cela ne tiendrait pas devant les tribunaux. Je suis donc défavorable à l’amendement. Mais je suis à votre disposition pour traiter le problème dans un autre cadre.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un bien sans maître n’a pas de propriétaire. En l’espèce, le problème est différent : des propriétaires, connus, ne coupent par exemple pas les branches de leurs arbres, qui dépassent chez le voisin ou dans l’espace public. Dans ce cas, on fait réaliser les travaux et le propriétaire règle la facture. Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1307 de M. Michel Castellani.

M. Paul Molac. Il s’agit de corriger un défaut de rédaction des articles L. 1123‑3 et L. 1123‑4 du code général des personnes publiques, ainsi que de l’article 713 du code civil, tels que modifié par l’article 109 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

Le législateur avait alors souhaité rendre possible, sous conditions, le transfert de biens vacants et sans maître aux conservatoires d’espaces naturels. Tels que rédigées, ces dispositions limitent l’application de la procédure aux seuls périmètres de compétence géographique du Conservatoire du littoral. Or la maîtrise des biens vacants et sans maître dépasse les limites des périmètres d’interventions du Conservatoire du littoral.

La modification proposée contribuerait à la préservation des espaces naturels et des écosystèmes en développant la lutte contre l’artificialisation des sols. Par son extension à l’ensemble du territoire national, elle permettrait aux conservatoires d’espaces naturels d’accompagner les collectivités dans la gestion des biens vacants comportant un intérêt en termes de biodiversité.

M. Bruno Questel, rapporteur. En l’état du droit, la propriété des biens sans maître est transférée selon les cas à la commune ou à l’État. Dans le cas où elle est transférée à l’État, elle peut être transférée à certains opérateurs ou établissements, comme aux conservatoires régionaux d’espaces naturels (CREN). Il suffit que les CREN en fassent la demande, à condition toutefois que le bien soit situé dans le périmètre de compétence géographique du Conservatoire du littoral.

Votre amendement propose d’étendre le périmètre géographique d’intervention des CREN à tous les cas de figure où la propriété du bien sans maître revient à l’État. Cela me paraît pertinent car les périmètres d’intervention des CREN ne se limitent pas à celui du Conservatoire du littoral. Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne serai pas du même avis que le rapporteur même si, sur le fond, je suis d’accord puisqu’il s’agit d’étendre au niveau national une possibilité qui existe en Corse.

Toutefois, tel qu’il est rédigé, votre amendement ne fonctionne pas. Nous envisagions de le sous-amender mais cela impliquerait de trop nombreuses dispositions de coordination. Je vous propose donc de le retirer et de vous rallier, pour la séance publique, à la nouvelle rédaction que nous avons préparée et qui répond à votre préoccupation. Je la tiens à votre disposition.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 27 non modifié.

Après l’article 27

Amendements identiques CL424 de Mme Jeanine Dubié, CL430 de M. Raphaël Schellenberger et CL1211 de Mme Pascale Boyer.

M. Paul Molac. En métropole, la forêt appartient aux trois quarts à des propriétaires privés. Sur plus de 3 millions de propriétaires français, 2,2 millions possèdent moins d’un hectare. Les 50 000 propriétaires possédant plus de 25 hectares réunissent quant à eux environ 52 % de la surface forestière privée et assurent les trois quarts de la commercialisation des bois des forêts privées. La forêt publique domaniale ou communale représente, quant à elle, un quart de la forêt métropolitaine et fournit près de 40 % de la récolte de bois.

Ces statistiques montrent que les forêts qui disposent d’un plan de gestion durable – celles de plus de 25 hectares et les forêts publiques –  sont plus productives que les petites forêts privées. Le morcellement de la forêt privée est plus important en montagne qu’en plaine et constitue un frein à son exploitation. En zone de montagne, la forêt privée se caractérise par des propriétés de faible taille, comprises entre 1,5 hectare et 5 hectares, un accroissement de la forêt privée liée à la déprise des parcelles agricoles vivrières sans aucun remembrement, et des propriétaires qui n’ont pas de culture forestière et ont souvent hérité. Parfois, certains ignorent même qu’ils sont propriétaires forestiers !

Il est nécessaire de faciliter l’utilisation de la procédure d’acquisition des biens sans maître pour les communes forestières en ramenant à dix ans – au lieu de trente actuellement – le délai pour lancer une telle procédure pour les parcelles forestières en zone de montagne, en accordant, en contrepartie, une indemnisation au propriétaire si celui-ci se manifeste avant l’échéance de la prescription acquisitive de trente ans.

Mme Catherine Kamowski. Cet amendement, porté par l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM), vise à ramener à dix ans, au lieu de trente, le délai pour lancer une procédure d’acquisition de bien sans maître.

M. Bruno Questel, rapporteur. Des amendements similaires ont été déposés à l’article 27. Votre objectif est d’étendre aux parcelles forestières des communes de montagne le dispositif proposé à l’article 27 consistant à réduire de trente à dix ans le délai à partir duquel un bien peut être considéré comme sans maître.

Mon avis est défavorable. L’extension que vous proposez porte une atteinte au droit de propriété, qui n’est pas proportionnée avec l’objectif d’intérêt général poursuivi, à savoir la redynamisation de certaines zones, entraînant un risque d’inconstitutionnalité.

L’amendement CL967 que je vous présenterai après l’article 27 permettra de faciliter l’appréhension de ces biens en prévoyant une dérogation au secret fiscal en faveur de la commune. Cela me paraît donc de nature à résoudre les difficultés que vous soulevez, sans faire peser de risques constitutionnels sur l’article.

Je vous demanderai de bien vouloir retirer ces amendements. À défaut, j’y serai défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. En élargissant trop, on affaiblit le dispositif et on risque l’inconstitutionnalité.

M. Rémy Rebeyrotte. Je suis très partagé car les arguments de M. Molac sont pertinents : la forêt privée française est morcelée et beaucoup de biens sont complètement à l’abandon. Parfois, les propriétaires ne savent même pas qu’ils sont propriétaires de 1, 2 ou 3 hectares de forêt ! Comment dynamiser et mobiliser nos moyens forestiers ? Ne pourrait-on aller plus loin que la simple levée du secret fiscal ?

M. Raphaël Schellenberger. Je retire mon amendement, qui est un amendement d’appel, et qui contrevient en effet au droit de propriété. Le détachement de parcelles au fil des générations successives est un vrai sujet. Il s’agit souvent de biens possédés en indivision par de nombreux propriétaires qui en ignorent l’existence.

En outre, la forêt ne suscite pas vraiment d’intérêt parmi les jeunes générations qui quittent les métropoles et les villes pour s’installer à la campagne. Concernant la forêt privée, il faut distinguer le petit affouagiste qui fait du bois pour lui-même et son voisin sur ses quelques hectares de forêt des grands exploitants forestiers. Dans les années à venir, nous devrons trouver un équilibre entre les petites parcelles, qui, même sous-exploitées, présentent un intérêt certain pour la forêt, et les grandes parcelles, parfois exploitées de façon intensive.

Mme Catherine Kamowski. L’amendement CL1211, dont nous sommes plusieurs cosignataires, est issu des travaux de l’Association nationale des élus de la montagne. J’ai été maire d’une commune située en pied de montagne. À la suite d’un incendie assez important en 2013 sur un mont particulièrement raide et difficile d’accès, nous avons eu beaucoup de mal à retrouver les propriétaires des parcelles pour faire abattre les arbres qui avaient été fragilisés. Le recensement n’a pas été aisé même pour une commune de 15 000 habitants employant 400 équivalents temps plein (ETP) de personnel. Nous ne retrouvions plus, dans les archives municipales, les propriétaires de ces terrains longs et étroits que l’on appelle des drailles.

Je maintiens l’amendement, dont je ne suis pas la première signataire, tout en entendant les difficultés juridiques qu’il soulève. J’appelle l’attention sur les difficultés que rencontrent les maires en matière d’identification des propriétaires de parcelles, qui en ont parfois hérité d’un bisaïeul dont ils ne savent plus rien. Il s’agit aussi d’un problème d’occupation du territoire, non seulement en milieu rural, mais aussi, spécifiquement, en zone de montagne.

M. Paul Molac. Nous sommes confrontés au même problème en Bretagne, qui n’est pourtant pas encore une zone de montagne. Nous avons du mal à retrouver les propriétaires de parcelles de moins d’un hectare. Lorsque c’est le cas, nous parvenons parfois à faire vendre le bois et à replanter, car notre région compte de nombreuses scieries, qui produisent notamment des palettes. Leur pérennité dépend précisément de la possibilité de faire pousser des arbres.

M. Rémy Rebeyrotte. Cette situation engendre aussi des problèmes de sécurité dès lors qu’on ne peut pas entrer dans cette forêt fractionnée et qui n’est pas entretenue. Le modèle de la petite parcelle suppose en effet l’intervention des affouagistes. Or il en existe de moins en moins, et certains villages n’en ont même aucun. La forêt est donc à l’abandon, les propriétaires, souvent inconnus, ne souhaitant pas s’en occuper.

L’amendement CL430 est retiré.

La commission rejette les amendements CL424 et CL1211.

Amendements identiques CL967 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1382 de Mme Alice Thourot.

M. Bruno Questel, rapporteur. Ces amendements devraient répondre aux interrogations et aux inquiétudes des uns et des autres. Ils visent à fusionner les procédures prévues aux articles L. 1123-3 et L. 1123-4 du code général de la propriété des personnes publiques (CG3P) relatives à l’acquisition d’un bien bâti ou non bâti présumé sans maître, laquelle est applicable si les taxes foncières afférentes n’ont pas été recouvrées pendant trois ans. Il s’agit d’introduire une dérogation au secret fiscal en la matière. En pratique, il suffira à la commune ou à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) concerné de fournir aux services fiscaux les références cadastrales de la parcelle d’assise du bien concerné pour recevoir son état de situation d’imposition et engager les procédures adaptées.

M. Rémy Rebeyrotte. Cette disposition, associée à la possibilité offerte aux acteurs de la forêt d’accéder au cadastre numérique, ce qui leur permet d’engager des démarches auprès des propriétaires, permettra, dans une logique de dialogue, de débloquer certaines situations.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement CL142 de M. Vincent Bru tombe.

Article 27 bis A (art. L. 2213-25 du code général des collectivités territoriales) : Extension du pouvoir de police spéciale du maire en matière d’entretien des terrains non bâtis

Amendement CL664 de M. Luc Lamirault.

M. Christophe Euzet. Afin de parer au danger que présentent certains biens non entretenus par leurs propriétaires, le droit en vigueur offre au maire la possibilité de leur demander l’exécution de travaux et d’y procéder d’office, à leurs frais, en cas d’inexécution après mise en demeure. L’amendement vise à permettre à la commune d’acquérir le bien, conformément à la procédure d’expropriation applicable aux biens en état d’abandon manifeste.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je crains que l’amendement ne contrevienne au droit de propriété. S’agissant des biens en situation de péril, il existe des procédures permettant de réaliser des travaux aux frais du propriétaire, voire de les démolir. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 27 bis A non modifié.

Article 27 bis B (art. L. 323-3 du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique) : Acompte dû aux locataires en cas d’expropriation du local professionnel dans lequel ils exercent leur activité

La commission adopte l’article 27 bis B non modifié.

Article 27 bis (art. L. 161-6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Régime applicable aux chemins ruraux : interruption et suspension de la prescription acquisitive

Amendements identiques CL1347 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL1095 de M. Patrick Loiseau et CL1383 de Mme Jacqueline Dubois.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de prévoir une suspension, au lieu d’une interruption, du délai de prescription applicable en cas de recensement des chemins ruraux. Un riverain qui s’approprie à tort, de façon involontaire sans doute, un chemin rural, devient automatiquement propriétaire de sa parcelle d’assise trente ans après si la commune ne fait rien pour la récupérer. Ce délai très long laisse beaucoup de temps pour réagir. En droit civil, ce mécanisme est appelé usucapion ou prescription acquisitive. Les dispositions adoptées au Sénat prévoient une interruption de celle-ci pendant le recensement des chemins ruraux. L’amendement vise à remplacer le mot « interruption » par le mot « suspension », en vue de garantir leur constitutionnalité.

La commission adopte les amendements.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1489 de M. Bruno Questel.

Amendements identiques CL759 de la commission du développement durable, CL24 de M. Bertrand Pancher, CL435 de M. Raphaël Schellenberger, CL549 de Mme Lise Magnier et CL820 de M. Hervé Saulignac.

M. Paul Molac. Il s’agit de s’assurer que le recensement des chemins ruraux vise à les conserver et à éviter leur suppression pure et simple.

M. Raphaël Schellenberger. La propriété forestière, les biens présumés, les chemins ruraux, autant de sujets importants en milieu rural ! Parfois, le retour à la ruralité est d’abord le fait des ruraux, qui en redécouvrent certains usages, même s’ils y vivent depuis plusieurs années.

Cette question est moins anodine qu’elle n’en a l’air. Souvent, les chemins ruraux qui ont été oubliés l’ont été après des remembrements, qui leur ont fait perdre leur utilité. En raison des changements de la société rurale, ils en retrouvent une. Les amendements visent à donner le temps aux acteurs des milieux ruraux et périurbains de se les réapproprier. Ils leur offrent de la souplesse, car recenser tous les chemins ruraux d’une commune n’est pas toujours simple. Certains recensements sont incomplets. Les recenseurs ont droit à l’erreur.

M. Christophe Euzet. Les chemins ruraux, pour la pratique du sport ou en raison de l’intérêt environnemental et paysager qu’ils présentent, font l’objet d’un regain d’intérêt manifeste. Au cours des dernières décennies, ils ont souvent disparu au gré des remembrements et des aliénations successives. Leur inventaire doit être exhaustif.

M. Hervé Saulignac. La suppression de l’alinéa 4, dont la rédaction induit la possibilité de ne procéder qu’à un recensement partiel des chemins ruraux, permet d’éviter la contestation du droit de propriété des communes. Il importe de procéder à leur recensement exhaustif pour éviter que la commune ne soit contestée dans son droit de propriété à l’issue de la période de prescription acquisitive.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je n’ai rien d’autre à ajouter à cet œcuménisme qu’un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL556 de M. Raphaël Schellenberger, CL945 de Mme Emmanuelle Ménard et CL1093 de M. Charles de Courson.

M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements peuvent être utiles aux affouagistes qui exploitent une parcelle de forêt en utilisant un tracteur. Ils permettent de résoudre les difficultés soulevées à propos de la réappropriation des chemins ruraux, en permettant des échanges facilitant leur redéfinition. S’ils ont été oubliés, c’est parfois parce qu’ils sont mal placés au sein d’une parcelle, ou parce que celle-ci a été décalée en raison de l’évolution des modes d’exploitation. Il y a lieu de permettre aux collectivités locales d’échanger les parcelles où se trouvent des chemins ruraux. Il est un peu surprenant qu’elles ne le puissent pas. Au demeurant, elles le font parfois, de façon un peu cavalière. Il s’agit de leur permettre de le faire dans un cadre légal respectable.

Mme Emmanuelle Ménard. En raison d’une interprétation littérale des dispositions de l’article L. 161-10 du code rural et de la pêche maritime, le Conseil d’État prohibe l’échange des chemins ruraux. Conformément à une jurisprudence constante établie dès 1980, la haute juridiction considère que le législateur n’a pas entendu ouvrir aux communes, pour l’aliénation des chemins ruraux, d’autres procédures que celle de la vente dans les conditions précisées à cet article. Cette jurisprudence est la même quel que soit l’objectif de la commune, fût-ce la rectification de l’assiette d’un chemin.

Depuis plusieurs années, les gouvernements successifs sont priés de revenir sur cette position, en vue de résoudre à l’amiable le rétablissement des continuités. Il s’agit d’une mesure de bon sens, qui permettrait par exemple l’échange d’une portion de chemin rural située au milieu d’un champ cultivé avec une bande de terrain située à son périmètre, ce qui semble logique. Autoriser cette pratique en bonne intelligence de part et d’autre simplifierait les choses pour tout le monde, commune comprise.

M. Paul Molac. En cas d’échange de chemins ruraux, la largeur et la qualité environnementale du chemin créé devront être identiques à celles du chemin remplacé. Cela permet de la souplesse, tout en comportant un garde-fou.

M. Bruno Questel, rapporteur. Demande de retrait ou avis défavorable. En effet, les amendements seront satisfaits, dans leur esprit et dans leur lettre, par l’article 27 ter, qui vise à régir l’échange de parcelles au sein du régime applicable aux chemins ruraux, en préservant leur qualité d’origine.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. La disposition proposée a été adoptée par le Sénat, avec l’avis favorable du Gouvernement. Elle figure, en effet, à l’article 27 ter. Demande de retrait ou avis défavorable.

Les amendements sont retirés.

La commission adopte l’article 27 bis modifié.

Après l’article 27 bis

Amendement CL947 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Mon amendement prévoit le recensement quinquennal, par les communes, de leurs chemins ruraux. Au cours des dernières décennies, nous avons déploré la disparition d’au moins 200 000 kilomètres – 250 000 ou 300 000 d’après certaines estimations – de chemins ruraux, au gré des remembrements, des aliénations successives et des accaparements par des riverains plus ou moins indélicats. Or le réseau des chemins ruraux constitue un patrimoine inestimable qu’il convient de préserver, surtout à l’heure où les Français sont de plus en plus désireux de renouer avec la nature, donc avec les promenades qu’ils permettent. Il est nécessaire de les connaître et de les recenser régulièrement.

M. Bruno Questel, rapporteur. Madame Ménard, si l’esprit de votre amendement peut emporter l’adhésion, sa rédaction méconnaît le principe de libre administration des collectivités. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL821 de M. Hervé Saulignac.

M. Hervé Saulignac. Mon amendement vise à préciser les conditions dans lesquelles les communes peuvent revendiquer la propriété des chemins ruraux sans titre, en étendant ce droit aux chemins permettant de relier deux voies publiques.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement prive la commune de la liberté d’organiser comme elle le souhaite son espace rural et de recenser ses chemins ruraux au rythme où elle le souhaite. Par ailleurs, il a pour effet d’élargir la définition du chemin rural, car il ne retient pas le critère de son affectation au public. Il constitue donc une atteinte au droit de propriété. L’incorporation automatique dans les chemins ruraux de tout chemin reliant deux voies publiques opérerait automatiquement un transfert de propriété en faveur de la commune, même s’il s’agit d’un chemin privé ou d’exploitation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le droit en vigueur apporte une réponse suffisante au problème des chemins ruraux sans titre, dans la mesure où il fixe une présomption de propriété selon des critères légitimes. Soit le chemin rural est affecté à l’usage du public, ou fait l’objet d’actes réitérés de surveillance et de voirie accomplis par l’autorité municipale, et il est présumé appartenir à la commune ; soit il sert exclusivement à la communication entre fonds privés ou à leur exploitation, et il est présumé appartenir à une indivision propriétaire de ces fonds. Les critères de la présomption de propriété ne peuvent être élargis sans risquer de remettre en cause un droit de propriété existant. Les dispositions proposées encourent un risque d’inconstitutionnalité. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Nous sommes tous de grands défenseurs des chemins ruraux, mais il ne faut pas oublier qu’ils sont d’abord des chemins d’exploitation. Si l’exploitation, notamment agricole, et notamment de petites parcelles, a changé, suscitant parfois leur abandon et leur oubli, puis leur reconquête rurale nécessitant leur réappropriation publique, il ne faut pas oublier que leur vocation initiale est l’exploitation.

Le droit offre un outil assez largement utilisé en Alsace, les associations foncières de remembrement (AFR). Cela fonctionne plutôt bien jusqu’au jour où la DGFIP considère qu’il serait préférable que la collectivité s’occupe des chemins ruraux au lieu de les confier à une AFR, vue comme une sorte d’incongruité administrative qui rend complexe la comptabilité publique et dont la digestion des investissements est difficile, tant et si bien que l’AFR finit par être liquidée, et que l’on oublie que le chemin rural était un outil d’exploitation. Il devient un lieu de promenade, sur lequel le tracteur sera bientôt interdit ! Je crains que l’amendement, en considérant systématiquement le chemin rural comme un bien public, ne s’inscrive dans cette logique.

Le chemin rural est d’abord un vecteur d’exploitation. Il serait de bon ton que les agents locaux de la direction générale des finances publiques (DGFIP), et les conseillers aux décideurs locaux (CDL) appelés à les remplacer, évitent de considérer trop souvent que l’AFR est un mauvais outil. Il s’agit du meilleur outil pour associer correctement les exploitants à la gestion de leurs chemins ruraux, qui sont par ailleurs au service de l’intérêt commun.

La commission rejette l’amendement.

Article 27 ter (art. L. 161-10-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime, art. L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques) : Régime applicable aux chemins ruraux : échanges de parcelles

Amendement CL552 de Mme Lise Magnier.

M. Christophe Euzet. Le critère de « qualité environnementale » est flou, ce qui est propice aux contentieux. Le chemin rural étant une voie de circulation, il faut avant tout prendre en compte les besoins de ses utilisateurs.

La formulation proposée par l’amendement permet de garantir l’adéquation entre les caractéristiques du nouvel aménagement et les besoins des usagers.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 27 ter prévoit que l’acte d’échange doit conserver la qualité environnementale du chemin rural remplacé ou modifié par rapport au précédent, mais aussi sa largeur. Il est aussi prévu que cet acte comporte des clauses permettant de garantir la continuité du chemin rural

L’amendement est en grande partie satisfait par la rédaction actuelle, notamment en ce qui concerne la question de la largeur. Concernant les autres critères proposés par l’amendement, ils sont englobés par les notions de qualité environnementale et de garantie de la continuité du chemin. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable, car je crois davantage à ce que M. Molac a défendu précédemment.

L’amendement est retiré.

Amendement CL551 de Mme Lise Magnier, amendements identiques CL437 de M. Raphaël Schellenberger et CL550 de Mme Lise Magnier (discussion commune).

M. Christophe Euzet. L’amendement CL551 prévoit que l’aliénation d’un chemin rural n’est possible qu’après enquête publique, ce qui permet aux usagers locaux d’exprimer leur avis sur le projet et éventuellement de s’y opposer.

L’acte d’échange doit garantir la même possibilité de contrôle par le public, à tout le moins grâce à une concertation publique, moins lourde et moins coûteuse. C’est ce que propose l’amendement de repli CL550.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’enquête publique que vous demandez n’aurait pas de sens en matière d’échange de parcelles, puisque le but de celui-ci est de conserver l’affectation d’un itinéraire au public. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. On nous accuse parfois de créer trop de normes ; or la procédure proposée pour un échange de parcelles est lourde.

M. Raphaël Schellenberger. J’hésitais à vous faire partager mon expérience de l’échange du chemin du Hagenbach, mais du coup je vais le faire.

On a voulu échanger un morceau de chemin contre un autre, pour permettre un remembrement. Il a donc fallu réaliser une enquête publique, avec toute la publicité que cela suppose – dans la presse et au moyen d’un écriteau planté sur le chemin pour informer ceux qui l’emprunteraient. Résultat : aucun lecteur de la presse n’a compris où se situait ce chemin, et comme plus personne ne l’empruntait personne n’a vu l’écriteau.

On aurait pu organiser une concertation plus légère qu’une enquête publique. Mais vous le refusez, madame la ministre, en étant défavorable à mon amendement qui propose de remplacer l’enquête publique par une concertation. Dans l’exemple que je vous ai présenté, la concertation aurait pu être menée avec l’association qui entretient les chemins, à l’occasion de la réunion publique annuelle de la commune, et considérer que cela valait enquête publique. Cela aurait été certainement bien plus efficace en matière de publicité et de sensibilisation du public.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article ne prévoit ni enquête publique ni concertation ; il organise l’échange de parcelles.

M. Raphaël Schellenberger. L’échange est une forme de cession du terrain. Il y aura donc nécessité de réaliser une enquête publique.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’échange est actuellement interdit en matière de chemins ruraux. L’article 27 ter a pour objet de l’autoriser, sans prévoir d’enquête publique contrairement à ce qui est prévu pour les cessions.

L’amendement CL437 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements CL551 et CL550.

Amendements identiques CL1348 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL760 de la commission du développement durable.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement propose de supprimer l’alinéa 4, car l’exonération fiscale concernant l’acte d’échange relève d’une loi de finances.

La commission adopte les amendements.

La commission adopte l’article 27 ter modifié.

Après l’article 27 ter

Amendements CL822 de M. Hervé Saulignac et CL810 de M. Pascal Brindeau (discussion commune).

M. Hervé Saulignac. Cet amendement vise à réintégrer les dispositions relatives aux chemins ruraux adoptées par les deux chambres lors de la discussion du projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, mais qui ont été censurées par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution.

M. Pascal Brindeau. Cet amendement a le même objet : rétablir les dispositions de l’article 235 du projet de loi précité, adopté de manière consensuelle par l’Assemblée nationale et le Sénat, mais qui ont été considérées comme un cavalier législatif par le Conseil constitutionnel.

Il s’agit de protéger les chemins ruraux – qui ont été réduits de moitié en quarante ans – en prévoyant que seule l’absence d’utilisation du chemin comme voie de passage par le public permettra leur désaffectation préalable à une vente. Cela permet de revenir sur une jurisprudence constante assez néfaste pour la protection des chemins ruraux. La commune pourra imposer une contribution spéciale aux responsables de dégradations des chemins et autoriser des associations à en prendre soin, sans que cela engage la commune à les entretenir.

Je pense me faire le porte-voix de nombreux collègues en saluant les associations, et notamment la fédération française de randonnée pédestre, pour leurs actions de défense et d’entretien des chemins ruraux.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis favorable à l’amendement CL810, pour des raisons rédactionnelles, et demande de retrait pour l’amendement CL822, qui est satisfait.

L’amendement CL810 prévoit en effet, tout d’abord, que la présomption d’affectation à l’usage du public ne peut pas être renversée par une décision administrative – en évitant la disparition des chemins ruraux, cela constitue une garantie pour le public qui les emprunte ; ensuite, que des contributions spéciales pourront être exigées auprès des personnes qui dégradent les chemins ; enfin, que la commune pourra confier l’entretien des chemins ruraux à des associations loi 1901.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je remercie tout d’abord M. Brindeau d’avoir accepté de retirer de l’ordre du jour sa proposition de loi relative aux chemins ruraux. Ses dispositions sont reprises dans ce projet de loi.

Avis favorable à l’amendement CL810, plus complet et mieux rédigé.

L’amendement CL822 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL810.

Amendements identiques CL23 de M. Bertrand Pancher et CL823 de M. Hervé Saulignac.

M. Paul Molac. En principe, l’aliénation d’un chemin rural est la conséquence de son absence d’utilisation par le public ou les riverains, ce qui conduit à sa désaffectation, et permet de l’aliéner – c’est le cas par exemple lorsqu’il est envahi par la végétation.

Mais la jurisprudence a été remise en question par la cour administrative d’appel de Nantes, qui a considéré dans un arrêt du 20 septembre 2020 qu’un chemin rural encore utilisé par des promeneurs pouvait être aliéné.

Pourtant, en 1999 le législateur avait voulu renforcer les critères de l’affectation des chemins ruraux au public en modifiant l’article L. 161-2 du code rural. Mais la législation reste encore imprécise.

Cet amendement précise qu’un chemin rural encore utilisé par le public ou les riverains, régulièrement ou non, ne peut être supprimé. En outre, il autorise les communes à interrompre l’aliénation après l’enquête publique, ce que la jurisprudence refuse.

M. Hervé Saulignac. Cet amendement précise qu’un chemin rural encore utilisé par le public ou les riverains, régulièrement ou non, ne peut être aliéné. En outre, il permet aux communes d’interrompre l’aliénation après l’enquête publique, ce que la jurisprudence n’autorise pas aujourd’hui.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable.

Un chemin rural ne peut être vendu que s’il n’est plus affecté au public. C’est d’ailleurs l’objet de l’enquête publique préalable de vérifier si le chemin est affecté au public. Inversement, il peut parfaitement être vendu s’il est emprunté à titre privé ou bien pour un usage qui exclut l’affectation au public.

Refuser ce type de vente serait contraire au droit de propriété des communes et au principe de leur libre administration. L’amendement empêcherait notamment tout réaménagement de l’espace rural.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement présente deux difficultés. D’une part, il fait référence à une utilisation par le public qui peut être irrégulière, donc difficile à évaluer. D’autre part, il prévoit la faculté pour le conseil municipal d’interrompre une procédure de vente, ce qui est déjà possible. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Article 27 quater : Régime applicable aux chemins ruraux : révision du plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée

Amendements de suppression CL976 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1040 de M. Pascal Brindeau.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 27 quater instaure une obligation pour le département de réviser le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée pour tenir compte du recensement des chemins ruraux mené par les communes.

Les départements sont parfaitement libres de réviser ce plan quand ils le souhaitent. Il n’y a pas lieu d’imposer une telle obligation. Par ailleurs, un département ne peut unilatéralement incorporer les chemins ruraux dans les itinéraires de promenade et de randonnée.

Cet article est donc inopérant.

M. Pascal Brindeau. Je remercie la ministre pour son avis favorable sur mon amendement CL810, qui reprend effectivement les dispositions de ma proposition de loi. Les intégrer dans ce projet de loi nous permet de gagner du temps.

L’article 27 quater est en effet sans objet, dans la mesure où l’article L. 361-1 du code de l’environnement prévoit en tout état de cause une délibération du conseil municipal pour autoriser que le plan départemental des itinéraires comprenne un chemin rural.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 27 quater est supprimé et les amendements CL350 de M. Julien Dive, CL553 de Mme Lise Magnier et CL228 de Mme Sandra Marsaud tombent.

Après l’article 27 quater

Amendement CL555 de Mme Lise Magnier.

M. Christophe Euzet. Le code de l’environnement impose à la commune de préserver la continuité des itinéraires départementaux de randonnée en cas d’aliénation d’un chemin rural inscrit dans un plan départemental d’itinéraires de randonnée.

Par cohérence, il est proposé d’étendre cette continuité à tous les cas de figure possibles, qu’il s’agisse d’aliénation, d’échange ou de suppression – cette dernière pouvant intervenir lors d’un inventaire ou d’un remembrement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Mme la président Yaël Braun-Pivet. Nous allons procéder au vote d’articles qui ont fait l’objet d’un examen délégué à la commission des affaires économiques.

Article 28 (examen délégué) (art. L. 255-2, L. 255-3, L. 421-4, L. 422-2, L. 422-3 et L. 443-7, du code de la construction et de l’habitation, et L. 329-1 du code de l’urbanisme) : Extension des compétences des organismes de foncier solidaire (OFS)

La commission adopte successivement les amendements CL1475, CL1476 et CL1488 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 28 modifié.

Article 28 bis A (examen délégué) (art. 150 U du code général des impôts)  : Exonération de l’imposition sur le revenu lors d’une plus-value sur la cession immobilière à un organisme de foncier solidaire

La commission adopte l’article 28 bis A non modifié.

Article 28 bis (examen délégué) (art. L. 211-2 du code de l’urbanisme) : Délégation du droit de préemption à un organisme de foncier solidaire

La commission adopte l’amendement CL1477 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 28 bis modifié.

Mme la président Yaël Braun-Pivet. Nous reprenons l’examen des articles par notre commission.

Article 29 (article L. 302-2-1 [nouveau] du code de la construction et de l'habitation) : Assistance des départements aux communautés de communes pour l’élaboration de leur programme local de l’habitat

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1490 de M. Bruno Questel.

Amendement CL982 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement prévoit que le département peut mettre à la disposition des seules communautés de communes une assistance technique pour l’élaboration de leur programme local de l’habitat (PLH).

Par ailleurs, il étend cette possibilité entre établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), lorsqu’ils appartiennent à des pôles d’équilibres territoriaux et ruraux.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 29 modifié.

Mme la président Yaël Braun-Pivet. Nous allons procéder au vote d’articles qui ont fait l’objet d’un examen délégué à la commission des affaires économiques.

Article 30 (examen délégué) (art. L. 211-2, L. 214-1-1, L. 312-2-1 [nouveau], L. 312-5, L. 312-7 et L. 321-2 du code de l’urbanisme) : Nouvelles dispositions et dérogations au profit des grandes opérations d’urbanisme

La commission adopte l’amendement CL1478 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 30 modifié.

Après l’article 30 (examen délégué) 

La commission adopte l’amendement CL1479 de la commission des affaires économiques.

Article 30 bis A (examen délégué) (art. 157 de la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique) : Simplification de la mise en œuvre d’un permis d’aménager multi-sites dans le périmètre d’une convention d’ORT

La commission adopte l’amendement CL1480 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 30 bis A modifié.

Article 30 bis B (examen délégué) (art. 136 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et urbanisme rénové, art. L. 153-3 et 153-31 du code de l’urbanisme) : Limitation des transferts de compétence du plan d’urbanisme local

La commission adopte l’amendement CL1481 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 30 bis B modifié.

Article 30 bis C (examen délégué) (art. L. 153-41 du code de l’urbanisme) : Accord des maires lors des modifications du droit de construction du plan local d’urbanisme intercommunal

La commission adopte l’amendement CL1482 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 30 bis C modifié.

Article 30 bis D (examen délégué) (art. L. 321-5 [nouveau] du code du tourisme) : Cession à titre gratuit du droit de préférence de l’exploitant d’une résidence de tourisme à un opérateur public du développement touristique

La commission adopte l’article 30 bis D non modifié.

Article 30 bis (examen délégué) (art. L. 321-1 et 324-2 du code de l’urbanisme) : Articulation des rapports entre les établissements publics fonciers d’État et locaux lorsqu’ils couvrent un même territoire

La commission adopte l’amendement CL1483 de la commission des affaires économiques.

La commission adopte l’article 30 bis modifié.

Article 30 ter (examen délégué) (art. L. 324-2-1 et 324-2-1 du code de l’urbanisme) : Dispositions de coordination avec les dispositions de la loi ELAN assouplissant les conditions d’adhésion d’un EPCI à un établissement public foncier local

La commission adopte l’article 30 ter non modifié.

Article 30 quater (examen délégué) (art. L. 213-9 et L. 213-11 du code de l’urbanisme et art. L. 145-46-1 du code de commerce) : Exclusion des biens préemptés du droit de préférence

La commission adopte l’article 30 quater non modifié.

Mme la président Yaël Braun-Pivet. Nous allons procéder au vote d’articles qui ont fait l’objet d’un examen délégué à la commission des affaires sociales.

TITRE IV
LA SANTÉ, LA COHÉSION SOCIALE, L’ÉDUCATION ET LA CULTURE

Chapitre Ier
La participation à la sécurité sanitaire territoriale

Article 31 (examen délégué) (art. L. 1432-1, L. 1432-2, L. 1432-3, L. 1442-2 et L. 1442-6 du code de la santé publique) : Réforme de la gouvernance des agences régionales de santé

La commission adopte successivement les amendements CL793, CL794, CL795 et CL797 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 31 modifié.

Après l’article 31 (examen délégué) 

La commission adopte l’amendement CL801 de la commission des affaires sociales.

Article 31 bis A (examen délégué) (art. L. 1434-10 du code de la santé publique) : Renforcement de la participation des usagers dans les conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé

La commission adopte l’article 31 bis A non modifié.

Article 31 bis B (examen délégué) (art. L. 5511-2-2 [nouveau] du code de la santé publique) : Modification des règles relatives à la création d’officines de pharmacie à Mayotte

La commission adopte l’article 31 bis B non modifié.

Article 31 bis (examen délégué) (art. 199 quindecies, 199 sexvicies, 1391 B bis et 1414 B du code général des impôts et art. L. 6143-5 du code de la santé publique) : Suppression de la possibilité ouverte aux parlementaires de siéger au conseil de surveillance des établissements publics de santé

La commission adopte l’amendement CL802 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 31 bis modifié.

Article 32 (examen délégué) (art. L. 1422-3, L. 1423-3 et L. 1424-2 [nouveaux] du code de la santé publique) : Participation des collectivités territoriales au financement du programme d’investissement des établissements de santé

La commission adopte successivement les amendements CL803, CL804 et CL806 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 32 modifié.

Article 33 (examen délégué) (article L. 6323-1-5 du code de la santé publique) : Recrutement des personnels de centres de santé

La commission adopte l’amendement CL807 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 33 modifié.

Article 34 (examen délégué) (art. L. 6323-1-3 du code de la santé publique, art. L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 201-10 du code rural et de la pêche maritime) : Compétence des départements en matière de politique publique de sécurité sanitaire et d’accès aux soins de proximité

La commission adopte l’article 34 non modifié.

Après l’article 34 (examen délégué) 

La commission adopte l’amendement CL808 de la commission des affaires sociales.

Article 34 bis (examen délégué) : Expérimentation d’une nouvelle organisation administrative par la Ville de Paris

La commission adopte l’article 34 bis non modifié.

Chapitre II
Cohésion sociale

Article 35 (examen délégué) : Expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active

La commission adopte successivement les amendements CL809 et CL1173 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 35 modifié.

Article 35 bis (examen délégué) (art. L. 262-10, L. 262-40-1 [nouveau] et L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles) : Pouvoir de contrôle du président du conseil départemental à l’égard des bénéficiaires du revenu de solidarité active

La commission adopte l’amendement de suppression CL1213 de la commission des affaires sociales.

En conséquence, l’article 35 bis est supprimé.

Article 36 (examen délégué) (art L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, art L. 233-1-1, art. L. 281-2-1 du code de l’action sociale et des familles et art. L. 302-10 et L. 302-11 du code de la construction et de l’habitation) : Compétence départementale en matière d’habitat inclusif et d’adaptation des logements au vieillissement de la population

La commission adopte l’amendement CL1232 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 36 modifié.

Après l’article 36 (examen délégué) 

La commission adopte successivement les amendements CL1245, CL1242 et CL1253 de la commission des affaires sociales.

Article 36 bis A (examen délégué) (titre VIII du livre V et art. L. 582-1 et L. 582-2 du code de l’action sociale et des familles [nouveaux]) : Adaptation de l’organisation de la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap à Saint-Barthélemy

La commission adopte l’article 36 bis A non modifié.

Après l’article 36 bis A (examen délégué) 

La commission adopte l’amendement CL1257 de la commission des affaires sociales.

Article 36 bis (examen délégué) (art L. 631-12-1 du code de la construction et de l’habitation [nouveau]) : Location de courte durée des résidences universitaires à des publics prioritaires

La commission adopte l’amendement CL1663 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 36 bis modifié.

Article 37 (examen délégué) (art. L. 123‑4‑1 du code de l’action sociale et des familles) : Création d’un centre intercommunal d’action sociale dans les métropoles et les communautés urbaines

La commission adopte l’amendement CL1260 de la commission des affaires sociales.

La commission adopte l’article 37 modifié.

Article 38 (supprimé) (examen délégué) (art. L. 224-1, L. 224-2, L. 224-3-1 et L. 224-9 du code de l’action sociale et des familles) : Transfert aux départements de la tutelle des pupilles de l’État

La commission maintient la suppression de l’article 38.

Mme la président Yaël Braun-Pivet. Nous reprenons l’examen des articles par notre commission.

Article 39 (articles L. 221‑2‑2, L. 221‑2‑3 [nouveau] du code de l’action sociale et des familles ) : Recours obligatoire au traitement automatisé d'appui à l'évaluation
de la minorité pour l'évaluation de la minorité et de l'isolement
des personnes se déclarant mineurs non accompagnés

Amendements de suppression CL987 de M. Bruno Questel, rapporteur, CL290 de Mme Isabelle Santiago et CL969 de M. Paul Molac.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de supprimer l’article 39, puisque cette disposition figure à l’article 15 du projet de loi relatif à la protection des enfants adopté par l’Assemblée nationale en juillet dernier et qui sera examiné prochainement par le Sénat.

M. Hervé Saulignac. L’amendement CL290 propose la suppression de l’article 39, qui instaure un recours obligatoire au traitement automatisé d’appui à l’évaluation de la minorité en matière de mineurs non accompagnés.

L’examen d’un article similaire dans le cadre du projet de loi relatif à la protection des enfants avait suscité de très vives réactions de la Défenseure des droits et de nombreux acteurs de la protection de l’enfance.

M. Paul Molac. L’article 39 est redondant car il est déjà en partie satisfait. Il met aussi les travailleurs sociaux dans une position délicate, en les forçant à rompre leur secret professionnel.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je trouve très étrange de supprimer un article sous prétexte qu’une disposition similaire sera peut-être votée au Sénat le mois prochain. Cette dialectique est un peu bizarre. Je propose au contraire de voter dès maintenant cette disposition et d’y revenir au cours de la navette, le cas échéant.

Je comprends parfaitement que cette obligation de recourir aux fichiers d’appui à l’évaluation de la minorité suscite des débats, mais je trouve la méthode retenue très discutable.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous rassure, madame Ménard : les sénateurs ayant adopté l’article 39, on peut penser qu’il ne se contrediront pas lors l’examen de l’article 15 du projet de loi relatif à la protection des enfants. Ne vous inquiétez pas, tout ira très bien.

M. Raphaël Schellenberger. À ce stade de la législature, il ne faut pas faire des projections sur ce que pourrait être l’agenda législatif. On a le sentiment que le texte que nous examinons pourrait aboutir à un vote définitif avant la suspension des travaux parlementaires, ce qui doit inciter à y faire figurer les dispositions jugées importantes. Tous les textes en cours d’examen ne sont pas assurés d’aller au bout de la navette parlementaire.

Il est important de légiférer sur ce sujet d’actualité. Les demandes de personnes qui ne sont pas mineures mais qui cherchent à bénéficier du dispositif en faveur des mineurs non accompagnés explosent, et les départements sont complètement démunis face à ce problème. On sait qu’un certain nombre de réseaux malveillants contribuent à ce phénomène.

L’article 39 permet deux choses. Tout d’abord, et contrairement à ce que dit M. Molac, il sécurise le travailleur social grâce au recours automatique à une expertise de l’État en cas de doute. Ensuite, il permet le partage d’informations entre les départements, pour lutter contre les demandes successives dans différents départements – avec pour objectif d’obtenir au bout du compte une décision favorable dans l’un deux, soit parce qu’il est moins bien armé pour réaliser les contrôles, soit parce qu’il est dépassé par le nombre de demandes. Lorsqu’une personne a essayé de frauder une fois au sujet de sa minorité, il n’y a pas de raison de la laisser recommencer ailleurs.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 39 est supprimé et les amendements CL970 de M. Paul Molac, CL1223 Mme Emmanuelle Ménard, CL971 de M. Paul Molac, CL1227 et CL1231 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Après l’article 39

Amendement CL1235 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Le fait pour un étranger de se présenter comme mineur alors qu’il est majeur est répréhensible. L’octroi de la nationalité française ou d’un titre de séjour doivent être conditionnés à l’honnêteté du demandeur d’asile. La nationalité française ne peut être bradée à des personnes qui se jouent de notre système social et du statut de mineur non accompagné.

Un demandeur d’asile qui serait majeur et qui se ferait passer pour un mineur non accompagné doit pouvoir faire l’objet d’une obligation de quitter le territoire français.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis défavorable. Un tel dispositif ne relève ni de la décentralisation, ni de la déconcentration, ni de la simplification.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement est déjà satisfait par le droit en vigueur.

La commission rejette l’amendement.

Article 40 (art. L. 315‑8 du code de l’action sociale et des familles) : Détachement des directeurs des établissements des services départementaux de l’aide sociale à l’enfance dans la fonction publique territoriale

La commission adopte les amendements rédactionnels CL1146, CL1504 et CL1505 de M. Bruno Questel, rapporteur.

La commission adopte l’article 40 modifié.

Chapitre III
L’Éducation et l’Enseignement supérieur

Article 41 A : Rapport sur le transfert de la médecine scolaire aux départements

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1502 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL1147 de M. Bruno Questel.

M. Bruno Questel, rapporteur. Cet amendement rend facultative la tenue d’un débat sur le rapport relatif à la médecine scolaire, le caractère obligatoire d’un tel débat au sein des assemblées n’étant pas constitutionnel.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 41 A modifié.

Article 41 (supprimé) : Renforcement du lien des gestionnaires de collèges et lycées avec les collectivités territoriales

Amendements identiques CL1100 de M. Christophe Euzet et CL1385 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Christophe Euzet. L’article 41 vise à améliorer les relations entre les collectivités territoriales et les établissements d’enseignement secondaire. Il emprunte la voie rassurante de l’expérimentation en permettant qu’une convention autorise l’organe exécutif de la collectivité territoriale à donner des instructions à l’adjoint chargé des fonctions de gestion matérielle, financière et administrative de l’établissement – dans le respect du principe de l’autorité du chef d’établissement. Cette possibilité existe déjà depuis 2004 pour les techniciens et ouvriers de service.

Le groupe Agir ensemble est favorable au rétablissement de l’article 41, supprimé par le Sénat

M. Rémy Rebeyrotte. Cet amendement vise à rétablir l’article 41, supprimé par le Sénat, quitte à en améliorer ensuite la rédaction. C’est tout l’intérêt du parlementarisme, qui permet de travailler avec le Gouvernement pour améliorer encore les choses.

M. Bruno Questel, rapporteur. Avis favorable à ces amendements qui rétablissent cet article.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable, et s’il faut encore améliorer la rédaction, le Gouvernement est disposé à le faire.

M. Raphaël Schellenberger. Les amendements que nous examinons me semblent incompréhensibles. Pour être efficace et opérationnelle, une mesure doit être simple : un agent public doit savoir qui est son supérieur hiérarchique, autrement dit de qui il dépend directement. En réalité, l’intention du Gouvernement rejoint les demandes des collectivités territoriales, qui veulent avoir un chef de service au sein des établissements. Pour mener des politiques ambitieuses à la cantine – développer les approvisionnements en circuit court, encourager le bio – ou en matière d’entretien des bâtiments – introduire divers changements techniques, par exemple des changements de produits –, elles doivent exercer une autorité hiérarchique sur le gestionnaire. Or le ministère de l’Éducation nationale met en avant le rôle pédagogique que joue aussi cette personne, notamment dans l’organisation des voyages scolaires, pour justifier son maintien au sein de ses effectifs.

Les amendements de M. Euzet et de M. Rebeyrotte ne tranchent rien, puisqu’ils se limitent à permettre aux collectivités territoriales de demander quelque chose au gestionnaire sous couvert du chef d’établissement – c’est déjà ce qui se passe dans la réalité. Si nous voulons vraiment faire en sorte que les politiques publiques menées par les collectivités dans les établissements dont elles assurent l’entretien soient efficaces, nous ne devons pas faire dans la demi-mesure : nous devons transférer les gestionnaires aux collectivités territoriales.

M. Paul Molac. Je suis d’accord avec M. Schellenberger. Tous les fonctionnaires placés sous l’autorité de l’intendant sont des fonctionnaires régionaux, dans les lycées, ou des fonctionnaires départementaux, dans les collèges. La situation est quelque peu loufoque : il serait de bon sens que l’intendant soit lui aussi transféré à la collectivité de rattachement de l’établissement, ne serait-ce que pour assurer la cohérence des politiques publiques locales – je pense par exemple aux projets alimentaires territoriaux (PAT) pilotés par les régions. Je ne comprends pas pourquoi le Sénat a supprimé cet article. Quoi qu’il en soit, nous devrons aller plus loin : je vous ferai une proposition en ce sens en séance.

M. Rémy Rebeyrotte. Si nous allons dans le sens de l’unicité de l’autorité, alors il faudra aussi remettre en cause notre modèle de sécurité civile, puisque les sapeurs-pompiers relèvent de la double autorité du préfet et du président du département. Dès lors que nous modifierons l’équilibre actuel et que nous donnerons au président du département une autorité hiérarchique sur le gestionnaire, exercée conjointement avec le chef d’établissement, cela obligera les deux côtés à travailler ensemble et à s’entendre pour faire avancer l’établissement dans le bon sens. La mise en œuvre des PAT, évoquée par M. Molac, se heurte parfois à des blocages venant d’un côté ou de l’autre. Cette double autorité n’est pas forcément un problème insurmontable, mais nous verrons dans le cadre de l’expérimentation comment les choses se passent.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Sénat a supprimé l’article 41 au motif qu’il n’allait pas assez loin. J’entends ce que vous dites, et je ne doute pas que la rédaction de cet article puisse être améliorée. Cela dit, je vous invite à voter les amendements identiques que viennent de défendre vos collègues, quitte à retravailler ensuite la rédaction de cette disposition en vue de la séance publique.

Les intendants ou gestionnaires de collège ou de lycée exercent non seulement des missions relevant de l’autorité du président du conseil départemental ou régional – vous avez parlé des PAT, du recours aux circuits courts et à l’achat direct de produits locaux pour les cantines scolaires –, mais également des missions relevant de l’autorité de l’éducation nationale. Il est encore possible de clarifier les choses.

M. Raphaël Schellenberger. Le fait que les gestionnaires exercent également des missions pour le compte de l’éducation nationale, en particulier dans les petits établissements qui ne disposent pas d’une équipe de direction, pose en effet une difficulté. Globalement, les choses se passent en bonne intelligence, mais cette dualité de missions se heurte tout de même à quelques limites. Si une collectivité veut mettre le paquet sur la qualité de l’entretien, elle n’a d’autre relais que le gestionnaire de l’établissement, qui est le supérieur hiérarchique des personnels techniciens, ouvriers et de service (TOS) mais qui relève lui-même de l’éducation nationale. Cette question de conservation du patrimoine pose bien plus de problèmes que le changement de stratégie d’approvisionnement de la cantine – on parle beaucoup de ce sujet car il est à la mode et que l’on cherche partout à développer les circuits courts et à mener une politique ambitieuse en faveur du bio –, qui finit toujours par être évoqué au conseil d’administration du collège ou du lycée et à être mis en œuvre, malgré quelques réticences. De mon point de vue, l’autorité principale du gestionnaire devrait être la collectivité territoriale.

M. Stéphane Mazars. Les discussions autour des PAT ne sont pas qu’un effet de mode : depuis l’entrée en vigueur de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), les collectivités ont l’obligation d’assurer la montée en charge des produits sous signe ou label de qualité, des produits bio et de favoriser les circuits courts. Elles s’emparent donc de cette politique, en mettant en avant leurs filières agricoles, mais elles nous disent qu’elles rencontrent des obstacles, notamment parce qu’elles n’ont pas la possibilité d’influer sur le cours des choses dans les collèges et les lycées. Pour atteindre les objectifs ambitieux de la loi EGALIM, il faut faire preuve d’un peu plus de souplesse et permettre aux collectivités territoriales de s’intéresser à l’alimentation de nos enfants au sein des établissements scolaires.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 41 est ainsi rétabli.

Après l’article 41

Amendement CL1497 de M. Bruno Questel.

M. Bruno Questel, rapporteur. Nous demandons au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport évaluant les conditions d’une délégation aux régions de la gestion opérationnelle du programme européen « Lait et fruits à l’école ».

Ces dernières années, la part des Français en situation de surpoids ou d’obésité s’est accrue ; elle est désormais proche de 50 %, et les jeunes sont particulièrement touchés par ce fléau. Il est donc nécessaire d’aller de l’avant. Pour que l’ambitieux programme « Laits et fruits à l’école » produise réellement des résultats, il me semble pertinent d’en confier la gestion opérationnelle aux régions, qui ont l’habitude de gérer les fonds européens. Une expérimentation pourrait être menée dans des régions pilotes, avant de généraliser cette mesure en tirant les enseignements de la phase expérimentale. J’espère susciter la bienveillance du Gouvernement sur ce sujet qui peut tous nous réunir.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est une bonne idée, qui me rappelle le temps où Pierre Mendès France avait décidé que tous les enfants devaient boire du lait à l’école – j’avais horreur de cela…

M. Raphaël Schellenberger. Gageons que ce rapport conclura à la nécessité de transférer aux collectivités l’emploi des gestionnaires !

M. Paul Molac. Je vous comprends tout à fait, madame la ministre. La décision de Pierre Mendès France visait en réalité à retirer le vin ou le cidre qui se trouvait alors sur la table des enfants, à la cantine, au moment du déjeuner – chacun sait qu’à travers l’histoire, l’eau, qui contenait de nombreux microbes, a tué beaucoup plus de monde que l’alcool…

La commission adopte l’amendement.

Article 41 bis (art. L. 123‑1, L. 165‑1, L. 166‑1, L. 167‑1, L. 211‑7, L. 214‑2, L. 232‑1, L. 255‑1, L. 256‑1, L. 257‑1, L. 614‑3 [abrogé], L. 671‑1, L. 681‑1, L. 683‑1, L. 684‑1, L. 681‑6, L. 683‑2, L. 684‑2, L. 711‑4, L. 711‑6 et L. 718‑5 du code de l’éducation et art. L. 812‑1 du code rural et de la pêche maritime) : Renforcement du rôle des régions dans le pilotage de la politique d’enseignement supérieur et de recherche

Amendements de suppression CL1148 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL615 de Mme Michèle Victory.

M. Bruno Questel, rapporteur. En adoptant l’article 41 bis, le Sénat a souhaité renforcer le rôle des régions dans le pilotage des politiques d’enseignement supérieur et de recherche. Or il ne m’apparaît pas judicieux de permettre aux régions de conclure des contrats pluriannuels d’établissement et de site, qui se fondent sur une relation exclusive entre l’État et ses opérateurs. La présence de trois représentants des régions au Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) risque de déséquilibrer cette institution. Par ailleurs, la consultation obligatoire des régions sur certains projets, dans lesquels ces collectivités jouent déjà un rôle important, ne me semble pas justifiée. Enfin, il ne me paraît pas souhaitable de supprimer la carte des formations supérieures. Pour toutes ces raisons, je vous invite à supprimer l’article.

M. Hervé Saulignac. Je souscris entièrement aux arguments de M. le rapporteur.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 41 bis est supprimé et les amendements CL618 de M. Paul Molac ainsi que les amendements CL1237 et CL1238 de Mme Emmanuelle Ménard tombent.

Article 41 ter (article L. 3232‑1‑2 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement de la compétence des départements en matière d’aides à la filière halieutique

Amendements de suppression CL992 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1386 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 41 ter, introduit par le Sénat, remet fondamentalement en cause la répartition des compétences entre départements et régions en matière d’aide économique. Il permet en effet aux départements de définir leur propre régime d’aide en matière d’agriculture et de pêche, sans le moindre encadrement et sans que les aides ne soient complémentaires avec celles octroyées par la région. Ce dispositif méconnaît totalement – sans doute involontairement – la compétence exclusive des régions dans ce domaine. C’est pourquoi je vous propose de le supprimer.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Imaginons qu’une région ait une zone côtière assez peu étendue, où se pratique la conchyliculture, et que le reste de sa surface soit composé de grandes prairies consacrées à l’élevage de Salers. Une intervention du département côtier visant à soutenir la filière conchylicole pourrait être pertinente, tandis que la coordination avec la région ne serait pas forcément évidente.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n’est pas interdit aux départements d’intervenir en matière d’aide économique. Il leur est simplement demandé d’agir en complémentarité avec la région.

M. Paul Molac. Les départements peuvent très bien conclure avec la région une convention portant sur certaines activités économiques. Ainsi, la région Bretagne agit en coordination avec les départements, quand ils le veulent bien, pour soutenir la microéconomie, les petits circuits courts et les marchés.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 41 ter est supprimé et les amendements identiques CL448 de M. Philippe Meyer et CL584 de M. Raphaël Schellenberger tombent.

Article 41 quater (articles L. 214‑2 et L. 612‑3 du code de l’éducation) : Planification pluriannuelle des besoins en capacités d’accueil des filières du premier cycle de l’enseignement supérieur

Amendement de suppression CL1005 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. En confiant aux régions le soin d’effectuer le travail d’identification des besoins en capacités d’accueil dans l’enseignement supérieur, l’article 41 quater remet fondamentalement en cause la répartition des compétences entre l’État et les régions dans ce domaine. Je vous invite donc à le supprimer.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Ménard. L’adoption de cet amendement de suppression fera tomber mon amendement CL1241, que je souhaite défendre succinctement.

J’aimerais que les collectivités territoriales soient davantage intégrées aux schémas régionaux de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (SRESRI). Je pense en particulier aux communes et aux EPCI, qui connaissent le mieux les besoins de leur territoire, notamment en matière de formation. Ainsi, dans l’académie de Montpellier, 75 % des étudiants sont à Montpellier et 1,8 % à Béziers : ma ville souffre donc d’un manque criant de formations. À l’antenne de l’université de Montpellier située à Béziers, on étudie les lettres et la psychologie, ce qui est très bien, mais il existe aussi d’autres besoins de formation que la ville et la communauté d’agglomération Béziers Méditerranée sont tout à fait capables de définir. Afin d’adapter le mieux possible les formations aux demandes et aux besoins des entreprises qui recrutent, on gagnerait donc à associer à l’élaboration des SRESRI les collectivités ayant une bonne connaissance de ces sujets, quel que soit leur échelon, surtout lorsque les territoires concernés sont marqués par la pauvreté et le chômage.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 41 quater est supprimé et l’amendement CL1241 de Mme Emmanuelle Ménard tombe.

Article 41 quinquies (article L. 151-4 du code de l’urbanisme) : Prise en compte des équipements sportifs dans le diagnostic du rapport de présentation du plan local d’urbanisme (PLU)

Amendement de suppression CL1042 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 41 quinquies est satisfait par les dispositions actuelles du code de l’urbanisme relatives aux rapports de présentation des plans locaux d’urbanisme (PLU). Je vous propose donc de le supprimer.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 41 quinquies est supprimé et l’amendement CL690 de Mme Marie-George Buffet tombe.

Chapitre IV
La culture

Article 42 (art. L. 2251‑4 et L. 3232‑4 du code général des collectivités territoriales) : Intervention des collectivités territoriales en faveur des établissements de spectacles cinématographiques

La commission adopte l’article 42 non modifié.

Après l’article 42

Amendement CL581 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Nous proposons d’ériger le département au rang de chef de file en matière d’éducation artistique et culturelle. Il ne s’agit pas d’engager une bataille entre collectivités mais de faire preuve de cohérence et d’efficacité. En effet, l’éducation artistique et culturelle doit être une priorité, ce qui justifie l’intervention des collectivités territoriales en appui des actions du ministère de la culture ; or c’est au niveau du collège, qui relève de la compétence du département, qu’il me semble nécessaire d’agir prioritairement. Surtout, le département est déjà chargé d’élaborer un schéma de développement des enseignements artistiques spécialisés, une tâche qu’il accomplira d’autant mieux en tant que chef de file pour l’éducation artistique et culturelle, qui a, d’une certaine façon, vocation à susciter la pratique artistique.

M. Bruno Questel, rapporteur. Vous proposez une expérimentation octroyant au département la qualité de chef de file en matière d’éducation artistique. Or la culture est une compétence partagée entre tous les niveaux de collectivités. Le bloc communal – communes et EPCI – mène des actions très importantes dans ce domaine, au plus près des populations, au bénéfice de ceux qui sont les plus éloignés de la culture. Il en va de même pour les régions, qui encouragent notamment la jeune création et l’éducation artistique et culturelle dans les lycées. Je ne suis donc pas convaincu qu’accorder au département un rôle de chef de file soit la solution la plus adaptée. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. Loin de moi l’idée de ne plus faire de la culture une compétence partagée : je souhaite simplement que les départements puissent donner une nouvelle impulsion à l’éducation artistique et culturelle. Ils sont déjà chargés de l’élaboration d’un schéma départemental de développement des enseignements artistiques spécialisés. Peut-être que tous ne le font pas, mais ceux qui le font n’agissent pas seuls. Les plus ambitieux, comme ceux de la collectivité européenne d’Alsace, définissent même une politique de soutien et de subventionnement d’établissements municipaux, intercommunaux et de conservatoires à rayonnement départemental ou régional. Le fait que le département joue un rôle de chef de file dans ce domaine essentiel de l’éducation artistique et culturelle ne lui confère pas une compétence exclusive en la matière. Il faut bien qu’un niveau de collectivité se saisisse prioritairement de ces questions importantes, et c’est le département qui me semble l’échelon le plus approprié.

La commission rejette l’amendement.

Article 42 bis (art. L. 3211‑1‑1 [rétabli] du code général des collectivités territoriales) : Création d’un schéma départemental de la solidarité territoriale

Amendements de suppression CL1149 de M. Bruno Questel, rapporteur, et CL1153 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’article 42 bis, introduit par le Sénat, oblige les départements à élaborer tous les six ans un schéma départemental de la solidarité territoriale. Il n’est pas souhaitable de leur imposer cette nouvelle obligation, et le schéma proposé risque de heurter les compétences des autres niveaux de collectivités, qui interviennent également dans ce domaine.

M. Paul Molac. Cet article me semble un peu curieux et source de confusion, car il fait empiéter le département sur la compétence que la région détient depuis les débuts de la décentralisation en matière d’aménagement du territoire. La participation financière des régions aux projets des communes et de leurs groupements devrait même être compatible avec le financement des départements !

Par ailleurs, l’échelon départemental n’est pas forcément pertinent. La ville de Carhaix-Plouguer, par exemple, se trouve au carrefour de trois départements – les Côtes-d’Armor, le Morbihan et le Finistère. Pire encore, le Pays de Redon est composé de communes situées dans trois départements et deux régions différentes : il relève tantôt de la préfecture de Rennes, tantôt de la préfecture de Vannes, tantôt de la préfecture de Nantes. Je vous laisse imaginer les difficultés administratives que cela occasionne…

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 42 bis est supprimé.

 

 

  TITRE V
DISPOSITIONS COMMUNES À L’ENSEMBLE DES MESURES DE LA PRÉSENTE LOI EN MATIÈRE FINANCIÈRE ET STATUTAIRE

Article 43 : Compensations financières des transferts de compétences opérés par le projet de loi

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1537 et CL1538 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL1044 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. En application de l’article 72-2 de la Constitution, l’article 43 ouvre aux collectivités un droit à compensation au titre du transfert de certaines compétences prévu par le présent projet de loi. S’agissant des charges de fonctionnement, la compensation doit être égale à la moyenne des dépenses réalisées pendant les trois ans précédant le transfert de compétences. Le Sénat a décidé que ces trois années devaient constituer une période minimale, et non maximale. Je vous propose de rétablir la version initiale de l’article et de prendre en compte une période maximale de trois ans.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Je ne suis pas sûr que le vote du Sénat soit une erreur. Nous savons bien comment l’État – je ne fais pas le procès d’un gouvernement en particulier, je parle de l’État profond – se comporte lorsqu’il transfère des infrastructures : les projets d’investissements sont arrêtés et l’entretien est ralenti, ce qui permet d’économiser assez facilement une ou deux années de dépenses. Si l’on prend en compte, pour le calcul de la compensation, les trois dernières années précédant le transfert de compétences, il faut avoir conscience que cette période peut comporter deux années de sous-investissement. Les infrastructures, dont la qualité se sera dégradée, nécessiteront alors un surinvestissement des collectivités locales, et ces dernières se trouveront prises entre le marteau et l’enclume.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1045 de M. Bruno Questel.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je propose de supprimer l’alinéa 14, qui prévoit l’éligibilité du réseau routier transféré au financement des futurs contrats de plan État-région (CPER).

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Mon intervention de tout à l’heure était prémonitoire. Les réseaux routiers transférés aux régions ne seront plus éligibles aux CPER. Vous m’aviez dit qu’il n’y aurait pas de problème, mais vous voulez supprimer l’alinéa garantissant qu’ils seraient éventuellement éligibles, pour vous assurer que le principe selon lequel les collectivités paient les infrastructures de l’État ne peut surtout pas être renversé. J’appelle l’attention des régions : ne prenez pas les routes que l’État voudrait vous transférer car l’État ne paiera pas dans le cadre des CPER.

M. Paul Molac. Je ne crois pas, en fait, que le problème soit là. Le CPER fait l’objet d’une négociation entre les régions et l’État. Ce que dit l’alinéa, c’est que le réseau transféré serait d’office inclus dans le CPER. Or c’est un contrat : si on détermine d’emblée ce qu’il comprend, c’est un peu compliqué. La question est plutôt de savoir s’il y aura toujours des CPER à l’avenir. Ce n’est pas certain, car il était prévu à un moment de les supprimer. Autre interrogation, y aura-t-il suffisamment d’argent pour des financements concernant les routes ou des trains ? Cela coûte extrêmement cher.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1539 de M. Bruno Questel.

Amendement CL1049 de M. Bruno Questel.

M. Bruno Questel, rapporteur. Il s’agit de supprimer les alinéas 17 à 19, qui introduisent une obligation de réévaluation du droit à compensation tous les cinq ans, sans limitation de durée.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 43 modifié.

Article 43 bis : Exclusion des dépenses de solidarité sociale des « contrats de Cahors »

Amendement de suppression CL1050 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. Mon amendement tend à supprimer cet article : on pourrait considérer qu’il aurait davantage sa place dans une loi de programmation des finances publiques. Il exclut en effet les dépenses de solidarité sociale des collectivités territoriales de tout objectif national visant à encadrer l’évolution des dépenses, ce qui n’a pas de rapport avec l’objet du projet de loi. Une telle discussion doit avoir lieu lors de la prochaine loi de programmation pluriannuelle des finances publiques.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet article est totalement virtuel, autant le supprimer.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 43 bis est supprimé.

Article 44 (art. 80, 81 et 82 de la loi n° 2014‑58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, et art. 10 et 11 de la loi n° 2009‑1291 du 26 octobre 2009 relative au transfert aux départements des parcs de l’équipement et à l’évolution de la situation des ouvriers des parcs et ateliers) : Transfert des services et agents de l'État aux collectivités et groupements concernés par les transferts de compétences opérés par le projet de loi

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1540, CL1541, CL1542, CL1544, CL1545, CL1548, CL1549, CL1550, CL1552, CL1554, CL1051 et CL1555 de M. Bruno Questel, rapporteur.

Amendement CL1080 de M. Bruno Questel, rapporteur.

M. Bruno Questel, rapporteur. L’amendement vise à rétablir la méthode de compensation au coût au « pied de corps » qui s’applique aux fractions d’emploi et aux emplois vacants pour refléter au mieux le coût de recrutement des nouveaux agents, en début de carrière, au sein des collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1558 de M. Bruno Questel, rapporteur.

La commission adopte l’article 44 modifié.

Après l’article 44

Amendement CL914 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Je demande un rapport pour évaluer la corrélation entre les nouvelles compétences accordées aux collectivités et les moyens financiers dont elles disposent.

M. Bruno Questel, rapporteur. Je vous renvoie au jaune budgétaire annuel portant sur les transferts financiers de l’État aux collectivités territoriales.

La commission rejette l’amendement.

  TITRE VI
MESURES DE DÉCONCENTRATION

Article 45 (art. L. 133-1, L. 133-9, L. 614-1, L. 624-1, et L. 635-1 du code l’environnement) : Octroi au préfet de la fonction de délégué territorial d’agences nationales

Amendement CL1087 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour les titres VI et VII. Cet amendement de mise en cohérence vise à rétablir la rédaction d’origine du présent article : la qualité de délégué territorial de l’ADEME accordée au haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie a été supprimée par le Sénat. Cette disposition permettra de garantir la bonne articulation entre l’action de l’Agence et celle des autres services de l’État au niveau local et au niveau national.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CL1084 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL761 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je vous propose de supprimer l’extension de l’article 45 à l’Office français de la biodiversité (OFB) qu’a décidée le Sénat. L’Office est un établissement public assez jeune, puisqu’il a été créé le 1er janvier 2020 à la suite de la fusion entre l’Agence française de la biodiversité et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Il ne paraît pas opportun, à ce stade, de modifier la gouvernance de l’OFB, qui travaille d’ores et déjà en bonne intelligence avec les services déconcentrés de l’État.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable. On aurait pu se poser la question, mais il vaut mieux laisser la situation en l’état, compte tenu de la jeunesse de l’Office.

M. Raphaël Schellenberger. Nous nous sommes aussi posé la question et nous aimerions une autre réponse… La nature de l’ADEME et celle de l’OFB ne diffèrent pas tant que cela : pourquoi les traiter différemment et ne pas faire du préfet, dans les deux cas, le délégué territorial ? Il prendra en compte les instructions : les préfets sont de bons agents de l’État.

Quand il y a des contradictions entre ministères, il est sûr que cela devient compliqué et intéressant pour un ministère technique de disposer d’une forme de liberté par l’intermédiaire d’une organisation plus ou moins autonome dans les territoires, et c’est là que le bazar commence. C’est pour cette raison que vous avez vous-même considéré, madame la ministre, dans le texte, qu’il serait bon que le préfet soit le représentant de l’État pour l’ADEME dans les territoires. Ce raisonnement, qui est excellent, peut valoir aussi pour l’OFB. Bien qu’il soit jeune, il a en soi les mêmes faiblesses que l’ADEME ou d’autres structures de ce type.

J’ajoute que l’OFB est chargé de prérogatives de police – police rurale ou police de la chasse. S’agissant de la chasse, qui est un enjeu important dans mon département, il faut que le préfet puisse, à son niveau, assurer correctement la coordination entre les différentes parties prenantes. Nous avons besoin d’une position forte de l’État dans ces domaines. Une divergence avec l’OFB peut rendre l’action de l’État particulièrement inefficace.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 45 modifié.

Article 46 (articles L. 213-8, L. 213-8-1 et L. 213-9-2 du code de l’environnement) : Renforcement du rôle du préfet dans l’attribution des aides des agences de l’eau

Amendement de suppression CL401 de Mme Jeanine Dubié.

M. Paul Molac. Cet article confie la présidence du conseil d’administration de l’agence de l’eau au préfet coordonnateur de bassin où l’agence a son siège. Dans le cas de la Loire, qui prend sa source au mont Gerbier-de-Jonc, en Ardèche, et qui se jette dans l’Atlantique en aval de Nantes, c’est le préfet de la région Centre-Val de Loire qui deviendrait le grand chef du bassin. Pour l’instant, c’est un élu qui exerce cette fonction. Une telle tentative de reprise en main de la part de l’administration inquiète assez les élus. En effet, les compétences liées à la gestion de l’eau comptent parmi les plus essentielles du bloc communal, et on a l’impression d’une recentralisation.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 46 renforce le rôle du préfet coordonnateur de bassin dans le fonctionnement des agences de l’eau en systématisant l’attribution à celui-ci de la présidence du conseil d’administration. Vous vous inquiétez de cette mesure au motif qu’elle dissimulerait un phénomène de recentralisation de la gestion de l’eau, mais j’avoue ne pas comprendre cette préoccupation. Sur ce point, le projet de loi ne fait que consacrer la pratique actuelle.

Selon l’étude d’impact, la présidence du conseil d’administration était historiquement partagée de manière égale entre les préfets coordonnateurs de bassin et les ingénieurs généraux du ministère de l’environnement. Suite à un arbitrage du Président de la République, les présidences de conseil d’administration des agences de l’eau sont toutes occupées, depuis février 2021, par des préfets coordonnateurs de bassin.

Cet article ne fait que consacrer une évolution et un fonctionnement que vous décrivez vous-même à la fin de votre exposé sommaire comme tout à fait satisfaisant. Par conséquent, avis défavorable à l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Trois nouveaux préfets ont été nommés par décret à la tête des agences de l’eau. On ne fait qu’étendre la pratique, et il n’y a pas d’inquiétude particulière à avoir, car cela se passe bien.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CL1088 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL763 de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je propose de rétablir la rédaction initiale de l’article car la version adoptée par le Sénat ne me paraît pas opérationnelle. En pratique, elle impliquerait que plusieurs préfets effectuent de façon successive la présentation d’un rapport devant le comité de bassin, ce qui ne me paraît pas vraiment réaliste.

Il est plus judicieux de renforcer le rôle du préfet coordonnateur de bassin dans le fonctionnement des agences de l’eau en systématisant l’attribution à celui-ci de la présidence du conseil d’administration et en lui confiant la mission de porter à la connaissance de ce dernier les priorités de l’État ainsi que la synthèse des projets de l’État et des collectivités territoriales.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 46 modifié.

Article 46 bis (art. L. 1111‑6 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement de l’État déconcentré : autorisation préfectorale pour déroger à des textes réglementaires

Amendements de suppression CL1090 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL1387 de M. Rémy Rebeyrotte.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article 46 bis, introduit par le Sénat, visant à permettre aux préfets d’autoriser des dérogations au pouvoir réglementaire en faveur des collectivités territoriales. La reconnaissance d’un droit de dérogation aux normes réglementaires nationales est contraire à la Constitution : seul le pouvoir réglementaire national peut autoriser des dérogations à des dispositions réglementaires nationales.

M. Rémy Rebeyrotte. Heureusement que l’Assemblée est là pour faire respecter la Constitution de notre pays.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. La rédaction adoptée par le Sénat ne conduisait pas les collectivités territoriales à déroger, mais le préfet de département à fixer le cadre le permettant. Il ne faut pas monter sur ses grands chevaux et dire que le Sénat est complètement irrespectueux de notre Constitution. Des garanties étaient prévues, et elles me semblaient suffisantes. Je trouve qu’il serait dommage de supprimer cet article.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 46 bis est supprimé et l’amendement CL1151 de M. Christophe Euzet tombe.

Article 46 ter (article L. 2255‑1 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement de l’État déconcentré : généralisation de l’information préalable des collectivités en cas de suppression d’un service public

Amendement de suppression CL1093 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je propose de supprimer également cet article, qui part d’une bonne intention mais n’est pas du tout réaliste et opérationnel. Il généralise l’obligation d’information du maire et du président de l’EPCI par le préfet en cas de fermeture ou de déplacement d’un service. Actuellement, cette obligation d’information n’existe que dans les territoires concernés par une ORT, une opération de revitalisation de territoire. Généraliser ce dispositif risquerait de le rendre inapplicable, ce qui se retournerait contre les territoires qui en ont le plus besoin et bénéficient actuellement de ce dispositif d’information.

Cette généralisation n’est pas davantage utile, notamment dans les territoires dynamiques et très denses, dans lesquels il existe des services n’assurant aucun accueil du public. En pratique, cela gênerait beaucoup les opérations de réorganisation de services, en particulier en région parisienne et dans les métropoles.

Par ailleurs, l’information des élus sur les fermetures ou les déplacements de services envisagés dans leur territoire a d’ores et déjà vocation à être assurée au sein des instances de suivi des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public, rendus obligatoires par la loi NOTRE au 1er janvier 2016.

Il n’est donc pas nécessaire de modifier le droit en vigueur, surtout par un dispositif qui n’est pas opérationnel.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Ménard. Je trouverais dommage que l’on supprime cet article, car il prévoit une obligation d’information et non de concertation ou de recueil d’un avis. Ce dispositif peut être vraiment très utile dans certains cas de figure. Les maires et les présidents de communauté d’agglomération ne sont pas toujours informés des restructurations de service, qui peuvent entrer en contradiction avec les politiques menées dans des centres-villes, par exemple. Informer les communes et les EPCI à l’avance peut permettre de travailler dans la même direction.

M. Raphaël Schellenberger. Cet article a le mérite d’ouvrir un débat intéressant. Il existe une administration assez exceptionnelle en la matière : la DGFIP, la direction générale des finances publiques, qui est la gestionnaire des deniers publics. Elle considère depuis quelques années qu’on gère mieux en louant des locaux aux collectivités locales plutôt qu’en étant propriétaire. Elle demande donc aux collectivités de mettre à disposition des locaux adaptés. Dans ma circonscription, la direction départementale a tout d’un coup quitté un local et cessé de payer le loyer, sans qu’il y ait eu le moindre dialogue à ce sujet. Je peux donc comprendre qu’on aboutisse à ce genre d’article, même s’il est inutile et inopérant. Si on faisait preuve d’un peu de bon sens et s’il y avait un peu de discussion, on n’en serait pas là.

M. Rémy Rebeyrotte. Ce type de cas se présente parfois, mais il ne faut pas oublier que le Gouvernement remet des services centraux de l’administration, de la DGFIP et bientôt de l’intérieur, dans des territoires. Cela représente des familles, des compétences et des services, et c’est quand même plutôt vertueux.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 46 ter est supprimé.

Article 46 quater (articles L. 2334-36, L. 2334-37, L. 2334-42, L. 2334-43 [nouveau], L. 2522, L. 3334-10 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement de l’État déconcentré : modalités d’attribution de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL)

Amendement de suppression CL1096 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 46 quater institue des commissions départementales pour la DSIL, la dotation de soutien à l’investissement local. Outre que c’est contraire à ce que nous avons voté en loi de finances, il serait dangereux de fusionner les modalités d’attribution de la DETR, la dotation d’équipement des territoires ruraux, et de la DSIL. Ces deux dotations ont des objectifs vraiment spécifiques.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis absolument d’accord. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 46 quater est supprimé et tous les amendements portant sur l’article tombent.

Article 46 quinquies (article 4 de la loi n° 92‑125 du 6 février 1992 relative à l’administration territoriale de la République) : Renforcement de l’État déconcentré : rôle prépondérant du représentant de l’État dans le département

Amendements de suppression CL1097 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL930 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet article, introduit par le Sénat, prévoit que toute décision de l’État prise au niveau territorial, y compris sur le plan régional, relève du préfet de département. Cette disposition semble assez peu praticable et, surtout, la répartition des attributions et des compétences entre les diverses autorités et les services qui relèvent du pouvoir exécutif a un caractère réglementaire. Il revient donc au Gouvernement d’intervenir dans ce domaine. Cet article excède les prérogatives du législateur.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. L’argument relatif à l’excès de pouvoir du législateur me surprend toujours dans ce genre de texte. Je suis assez d’accord avec l’idée que la déconcentration relève d’abord de l’organisation interne de l’État et du Gouvernement et qu’elle regarde donc relativement peu le législateur. Mais dans ce cas, il ne faut pas présenter un texte comportant « déconcentration » dans son titre. Si nous ne sommes pas censés débattre de la déconcentration, il ne faut pas l’inscrire à l’ordre du jour : un projet de loi « 2DS » aurait peut-être suffi. À partir du moment où vous présentez un texte visant à légiférer sur la déconcentration, débattre du process administratif et de la place du préfet me semble plutôt pertinent.

C’est aussi une question d’efficacité. Il est souvent question de maires qui découvrent une décision prise par l’intercommunalité concernant leur commune. Quand le maire n’est plus au courant de ce qui se passe dans sa commune et que les habitants viennent lui demander s’il savait, l’intercommunalité ne peut pas fonctionner. C’est un peu pareil pour l’État. Comment voulez-vous qu’un préfet, qui est censé avoir une vision transversale du département, puisse s’en sortir si toutes les administrations techniques et les autorités ou offices indépendants prennent des décisions sans qu’il soit informé, alors qu’il mène parfois des politiques dans les mêmes domaines – cela arrive plus souvent qu’on le croit.

Cet amendement du Sénat me semble tout à fait adapté compte tenu de l’objet du texte et de nature à améliorer l’efficacité de l’action publique locale.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 46 quinquies est supprimé et l’amendement CL1250 de Mme Emmanuelle Ménard tombe.

Après l’article 46 quinquies

Amendement CL1659 de M. Bruno Questel.

M. Bruno Questel. La proposition de la loi visant à lutter contre la maltraitance animale et conforter le lien entre les animaux et les hommes prévoit une interdiction de la présentation d’animaux d’espèces non domestiques dans les spectacles de cirques itinérants, dans un délai de sept ans. Il faudra s’organiser pendant cette période et protéger les exploitants des cirques itinérants, qui peuvent rencontrer des difficultés d’installation dans certains territoires communaux. Je vous propose donc d’instituer un mécanisme de médiation placé sous la responsabilité des préfets.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Raphaël Schellenberger. C’est amusant. On se dit que discuter de la façon dont les administrations prennent leurs décisions en s’intéressant au rôle du préfet ne relève pas du domaine de la loi, mais là on demande que le préfet mène une médiation en cas de problème : c’est marcher sur la tête.

M. Rémy Rebeyrotte. Je soutiens cet amendement. Dans ce domaine, les préfets intiment quasiment des ordres aux communes car il faut bien trouver des solutions pour accueillir les cirques. Or c’est absolument catastrophique pour le cirque et pour la commune : vous imaginez un peu dans quel état d’esprit cela met tout le monde. Une médiation ne peut qu’être favorable.

La commission adopte l’amendement.

Deuxième réunion du mercredi 24 novembre à 14 heures 30

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Article 46 sexies (article L. 1232-1 du code général des collectivités territoriales) : Conseil d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Amendements de suppression CL1099 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure et CL764 de la commission du développement durable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 46 sexies, introduit par le Sénat, modifie la composition du conseil d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour introduire une parité entre les représentants des collectivités territoriales et ceux de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations.

Plusieurs raisons justifient la suppression de cet article. L’ANCT est un opérateur de l’État, financé par l’État : la composition de son conseil d’administration a donc vocation à donner une majorité aux représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations. Par ailleurs, les collectivités territoriales sont déjà correctement représentées au sein du conseil d’administration de l’ANCT, puisqu’elles détiennent dix sièges sur trente-trois et que la présidence et la vice-présidence de l’agence leur sont confiées. Enfin, lorsqu’une délibération ne recueille pas la majorité de leurs voix, elle n’est pas adoptée ; le président du conseil d’administration doit alors inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil une nouvelle délibération portant sur le même objet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avis favorable. Il serait gênant de modifier cet équilibre alors que l’ANCT a été installée en janvier 2020.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 46 sexies est supprimé.

Article 47 (supprimé) : Révision des contrats de cohésion territoriale

Amendement CL765 de la commission du développement durable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le contrat de cohésion territoriale avait vocation à devenir le cadre contractuel unifié permettant d’homogénéiser et de rationaliser les différentes démarches contractuelles engagées par l’ANCT avec les différents types de collectivités territoriales. Il n’a cependant jamais été déployé en tant que tel. Il subsiste à ce jour une multitude de démarches contractuelles, essentiellement au niveau infrarégional.

Je suis favorable à cet amendement visant à supprimer la référence à un décret pour la mise en œuvre des contrats de cohésion territoriale. En effet, ces contrats ont été mis en œuvre, sous des dénominations différentes, essentiellement par voie de circulaire. Différents types de contractualisations ont été institués au fil du temps par divers textes, le plus souvent par des circulaires. Il est donc inutile de prévoir dans la loi une référence à un décret qui ne sera jamais pris.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 47 est ainsi rétabli.

Article 48 (articles 44, 45, 45-1 [nouveau], 46 et 47 de la loi n° 2013‑431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports) : Révision du statut, des missions et de la gouvernance du Cérema

La commission adopte l’article 48 non modifié.

Article 49 (art. 27 et 27-2 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations, articles L. 5214‑16 et L. 5216‑5 du code général des collectivités territoriales, articles 29 et 29-1 de la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire, art. L. 221‑5 du code forestier, art. 30 de la loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance, art. 30 de la loi n° 99‑533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire) : Transformation des maisons de services au public en espaces « France Services »

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1560 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendements identiques CL1101 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL778 de la commission du développement durable et CL1155 de M. Paul Molac.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 49 vise à inscrire dans la loi le rôle et les missions du réseau France Services, qui a vocation à remplacer les maisons de services au public.

Le Sénat a ajouté un alinéa qui prévoit que, si un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) est signataire de la convention France Services, les maires de ses communes membres doivent être préalablement associés au projet de convention. Je vous propose de supprimer cet alinéa, qui pose plus de problèmes qu’il n’en résout. L’association la plus large des élus concernés par un projet de convention France Services est souhaitable, mais une telle consultation relève du fonctionnement interne de l’EPCI et n’a pas vocation à être inscrite dans la loi. En outre, l’alinéa n’est pas opérant car il ne précise pas si cette association doit passer par une consultation des conseils municipaux ou par une autre voie.

M. Paul Molac. L’alinéa 5 revient à dire aux EPCI comment ils doivent s’organiser : il me semble de bon sens de le supprimer.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CL403 de Mme Jeanine Dubié et CL429 de M. Raphaël Schellenberger.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les critères conditionnant l’attribution du label France Services ne sont pas fixés dans la loi ; or ces amendements ne permettent pas de savoir quel critère précis serait assoupli.

Par ailleurs, ils donnent l’impression que les usagers en zone de montagne n’auront pas droit à des espaces France Services de même qualité que les autres.

Enfin, le critère relatif à la présence de deux agents, qui pose problème aux auteurs de ces deux amendements, n’est pas aussi strict que ne l’indiquent les exposés sommaires. Une réponse ministérielle du 11 février dernier a apporté la précision suivante : « Concernant le critère de présence de deux agents d’accueil, il est à noter que ceux-ci peuvent être affectés à plein temps ou à temps partiel […]. Si la présence des deux agents ne peut être matériellement assurée, l’unique agent de la structure France Services doit être en mesure d’assurer un service public de proximité au moins vingt-quatre heures par semaine, sur cinq jours ouvrés. »

Pour toutes ces raisons, je donne à ces amendements un avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. La labellisation dépend de la qualité du service. Il n’y a aucune raison d’assouplir les critères dans les zones de montagne ; au contraire, ces territoires ont vraiment besoin de services publics de proximité où le personnel est présent. S’il a été difficile, au début, de faire admettre la présence de deux agents dans les espaces France Services, cette exigence est désormais tout à fait entrée dans les mœurs. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL1562 et CL1564, l’amendement de coordination CL1561 ainsi que les amendements rédactionnels CL1566 et CL1559 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 49 modifié.

Article 49 bis (articles L. 125-1 et L. 194-1 du code des assurances) : Création d’une commission consultative pour la reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle

Amendements de suppression CL1104 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL779 de la commission du développement durable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 49 bis, introduit par le Sénat, consacre dans la loi l’existence d’une commission nationale chargée d’émettre un avis sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Toutefois, cet article n’est pas à sa place et relève davantage d’un texte spécifique sur les catastrophes naturelles. Justement, une proposition de loi consacrant, dans son article 4, l’existence d’une commission nationale consultative des catastrophes naturelles a été adoptée par l’Assemblée nationale le 28 janvier dernier, puis par le Sénat le 21 octobre dernier. Une commission mixte paritaire doit se réunir prochainement pour tenter de trouver un accord entre les deux assemblées. Dans ces conditions, il convient de retirer, par cohérence, l’article 49 bis du présent projet de loi.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette disposition figure en effet dans la proposition de loi visant à réformer le régime d’indemnisation des catastrophes naturelles évoquée par Mme la rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 49 bis est supprimé.

TITRE VII
MESURES DE SIMPLIFICATION DE L’ACTION PUBLIQUE

Chapitre Ier
Accélération du partage de données entre administrations au bénéfice de l’usager

Article 50 (art. L. 113‑12, L. 113‑13, L. 114‑8, L. 114‑9, L. 552‑3, L. 562‑3 et L. 572‑1 du code des relations entre le public et l’administration) : Accélération de l’échange de données entre administrations

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1601 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendements identiques CL1514 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL79 de M. Matthieu Orphelin.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il n’est pas souhaitable de limiter le mécanisme d’échange d’informations entre administrations aux plus grandes collectivités. Plus de 97 % des communes et la moitié de la population nationale se trouveraient, de fait, exclues d’un dispositif pourtant utile. Notre droit prévoit déjà une clause de sauvegarde pour éviter qu’une obligation n’entraîne une charge disproportionnée pour une collectivité. Afin d’assurer la bonne application du dispositif à l’égard de tous, je vous propose donc de supprimer cette limitation injustifiée introduite par le Sénat.

M. Matthieu Orphelin. L’exclusion des communes de moins de 10 000 habitants du mécanisme de transmission des informations dans le cadre du dispositif « Dites-le nous une fois » va à l’encontre du principe d’égalité de traitement des usagers devant le service public. Les habitants précaires des petites communes se verraient refuser l’application de ce dispositif censé faciliter l’accès aux prestations sociales. L’uniformité de traitement dans l’ensemble du territoire est absolument nécessaire pour lutter contre les situations de non-recours aux prestations sociales. Je demande donc la suppression de cette limitation, comme l’ont également proposé les membres du groupe écologiste du Sénat.

Mme Amélie de Montchalin, ministre de la transformation et de la fonction publiques. L’article 50 change le paradigme des échanges de données entre acteurs publics – État, collectivités territoriales et organismes de sécurité sociale. Aujourd’hui, pour échanger des données dans un cadre sécurisé au bénéfice des citoyens, il faut demander l’autorisation explicite de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ce qui ralentit beaucoup les procédures. Après avoir échangé avec la CNIL, j’ai proposé d’inverser cette logique : désormais, les échanges de données entre l’État, les collectivités et la sécurité sociale seront permis par défaut dès lors qu’ils se feront au bénéfice des usagers et qu’ils permettront d’informer proactivement les citoyens de leurs droits – nous examinerons même un peu plus tard un amendement visant à leur octroyer directement les aides et prestations auxquelles ils peuvent prétendre sans qu’ils n’aient à entreprendre aucune démarche. La CNIL a validé ce principe à condition de pouvoir surveiller réellement les échanges de données, ce qu’elle ne peut pas faire aujourd’hui en temps réel. Là encore, c’est une bonne chose, qui va dans le sens de la modernisation. Ce principe, qui s’inscrit dans le cadre de la démarche « Dites-le nous une fois », va révolutionner la relation des citoyens avec les administrations et simplifier la vie d’un grand nombre d’entre eux. Pour autant, cet échange de données est une possibilité, non une obligation. Il serait dommage d’exclure du dispositif les communes de moins de 10 000 habitants qui aimeraient y participer : je suis donc favorable à ces deux amendements.

M. Raphaël Schellenberger. À vous entendre, l’alinéa 7 empêcherait les communes de moins de 10 000 habitants qui seraient volontaires de participer à ce dispositif. Ce n’est pas le cas : l’alinéa 7 permettra, à l’inverse, aux communes qui ne sont pas volontaires de ne pas être contraintes d’y participer.

Certes, pour améliorer les services rendus à la population, nous avons tous intérêt à ce que le plus grand nombre de collectivités participent à ce dispositif. Néanmoins, nous discutons d’un projet de loi « relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale », et il serait paradoxal que les mesures de simplification ne s’adressent pas à ceux qui sont concernés par la différenciation, la décentralisation et la déconcentration, c’est-à-dire aux élus locaux ! Comme vous, nous sommes absolument convaincus de la nécessité de simplifier la vie de nos concitoyens et de faciliter le partage des données, mais si cela se fait au détriment des maires et des administrations des toutes petites communes, nous n’aurons rien gagné. Je le répète, l’alinéa 7 n’empêche pas les petites communes de participer au dispositif : il tempère vos velléités de suradministration dans les petites collectivités qui n’en ont pas les moyens.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Un membre de votre famille politique a parlé d’« enfer bureaucratique ». Pour ma part, je n’utilise pas ces termes, mais je constate qu’il existe des outils modernes permettant une réelle simplification des procédures.

La précaution qu’a voulu prendre le Sénat est redondante avec l’article L. 114-10 du code des relations entre le public et l’administration (CRPA), qui interdit d’imposer aux administrations ou aux collectivités des obligations en matière de « Dites-le nous une fois » qu’elles seraient dans l’impossibilité technique d’assumer. Le droit actuel permet donc déjà aux maires des petites communes de ne pas partager des données. Cependant, c’est dans l’autre sens que l’échange de données peut être intéressant : ce dispositif permettra aux maires des petites communes de calculer automatiquement le tarif de cantine applicable à leurs administrés sans avoir à leur demander leur avis d’imposition ou leur quotient familial. Je vous garantis que cela facilitera tant la vie administrative des communes que la vie quotidienne de leurs habitants. Il ne suffit pas de parler de simplification : encore faut-il en imaginer les outils et avoir le courage de les mettre en œuvre.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1603 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL1493 du Gouvernement et sous-amendement CL1635 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Au-delà du préremplissage de formulaires et de l’information proactive des citoyens au sujet de leurs droits, nous souhaitons que cet échange d’informations permette d’aller au bout de la démarche « Dites-le nous une fois » et d’attribuer automatiquement des droits ou des prestations sociales. Vous connaissez déjà quelques exemples de cette pratique – je pense au chèque énergie, à l’indemnité inflation, ou encore à l’inscription automatique des bénéficiaires du RSA ou du minimum vieillesse à la complémentaire santé solidaire prévue par le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. À partir du moment où l’on connaît la situation des personnes, on évite toutes sortes d’erreurs voire de fraudes : tout en évitant le non-recours, on sécurise donc le système et on préserve la confiance entre les citoyens et l’administration.

L’outil au cœur de ce dispositif est FranceConnect, utilisé par 32 millions de Français. C’est un facteur de souveraineté numérique et, surtout, de sécurité, puisqu’il nous atteste l’identité de la personne qui se connecte et nous permet de l’informer en fonction de sa situation personnelle, de préremplir des formulaires et de lui octroyer des droits.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement, que Mme la ministre avait annoncé lundi, nous permet de faire un grand pas en direction des usagers et dans la lutte contre le non-recours aux droits. Dans l’unique intérêt de nos concitoyens, il prévoit que les administrations échangent des données de façon proactive, non seulement pour informer les usagers de leurs droits, mais aussi pour les leur attribuer. Cette mesure tout à fait bienvenue aidera de façon très concrète de très nombreuses personnes, souvent précaires, qui ignorent qu’elles ont droit à des aides. Avis très favorable, donc.

Mon sous-amendement CL1635 est rédactionnel.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je donne un avis favorable à ce sous-amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Dans le domaine du numérique, l’enfer est pavé de bonnes intentions. Cela ne me dérange pas du tout d’être le rabat-joie de service pour mettre en lumière ce qu’implique un tel amendement.

Est-il normal d’accéder automatiquement à des droits et de recevoir des aides sans même les avoir demandées ? C’est un projet de société, une question politique qu’il vous revient de trancher.

Ce faisant, vous vous apprêtez à interconnecter l’ensemble des bases de données de l’État et des collectivités territoriales. Quel est l’avis de la CNIL ? Le fait que cette mesure soit introduite par voie d’amendement est d’ailleurs surprenant – cela permet sans doute d’éviter de produire certaines études d’impact… Quels risques l’interconnexion des nombreuses données dont l’État dispose sur chacun des Français, notamment en matière fiscale, sociale et sanitaire, emporte-t-elle ? Toutes ces informations seront, « si besoin », accessibles aux collectivités locales. Quelles seront précisément les données transmises aux élus locaux, aux maires, à leurs adjoints et à leurs services ? J’entends bien que cela facilitera le calcul du tarif de cantine, mais il peut aussi s’agir de données personnelles, très sensibles, dont certains Français ne souhaitent pas qu’elles soient portées à la connaissance de n’importe qui.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ce sont des questions importantes, sur lesquelles je veux lever toutes les inquiétudes.

La CNIL a évidemment été saisie de l’ensemble de l’article 50 et du présent amendement, qui a nécessité un important travail de rédaction – c’est pourquoi il ne vous est présenté qu’aujourd’hui. Au-delà de l’information des usagers et du préremplissage des formulaires, elle a émis publiquement un avis favorable à l’octroi des aides de manière proactive.

Le Conseil d’État a rendu le 10 novembre un avis très intéressant sur ce qu’on appelle les « bases ressources ». Notre système social compte une trentaine de ces bases – pour faire simple, il existe une base par aide sociale, et il arrive que les familles monoparentales, par exemple, ne soient pas régies par la même base que les autres usagers, ce qui signifie que les critères fiscaux ou de ressources pour bénéficier de certaines aides sont différents. C’est cette complexité que nous entendons pallier. Notre projet n’est pas d’organiser une société de la surveillance pilotée par l’État, mais de s’assurer que les droits créés par le Parlement puissent être réellement appliqués. Face à ces trente bases ressources recensées par le Conseil d’État, deux solutions sont possibles : favoriser le préremplissage des formulaires, la proactivité de l’administration et le « aller vers », ou bien fusionner l’ensemble de ces bases, ce qui peut également constituer un grand projet politique. En matière de simplification, nous devons nous donner tous les moyens d’avancer et écouter ce que disent les autorités administratives indépendantes, qui font remarquer que la complexité du système peut être combattue avec des outils adaptés. C’est bien ce que nous proposons ici.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CL1636 et CL1637 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL1515 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement vise à supprimer le mécanisme permettant aux maires de bénéficier des échanges d’informations entre administrations pour constituer un registre de la population de leur commune. D’un point de vue juridique, cette extension du dispositif de l’article 50 est plus que fragile car elle s’écarte de la finalité constitutionnellement admise de ce type d’outils – je vous renvoie à la décision n° 2014-690 DC du Conseil constitutionnel. Elle n’est pas non plus opportune, puisqu’il existe déjà des outils permettant aux maires d’obtenir les données souhaitées, comme le traitement prévu à l’article L. 131-6 du code de l’éducation.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Dans la droite ligne des propos de M. Schellenberger, il est très important de ne pas constituer, contre l’avis de la CNIL, des bases de données dont on ne connaîtrait pas la finalité précise au moment de leur création. La CNIL a toujours considéré que les traitements de données devaient être réalisés dans une finalité très précise et que les droits et consentements des usagers devaient être garantis. Depuis plusieurs années, elle admet que les communes ont, dans certains cas, le droit de constituer des fichiers de personnes habitant sur leur territoire, par exemple pour créer des registres communaux d’alerte, d’information des populations ou de communication municipale. Ces fichiers peuvent, d’ailleurs, être alimentés par d’autres fichiers d’imposition locale, de listes électorales ou de fournisseurs d’énergie. L’alinéa 12 ne précisant pas expressément la finalité de ces registres, je suis favorable à sa suppression.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis toujours très prudent lorsqu’on envisage d’interconnecter des bases de données et d’ouvrir à certaines personnes un accès à des informations qui, ajoutées les unes aux autres, peuvent être colossales. Il y a là un risque d’intrusion dans la vie privée des individus concernés.

Pour un maire, cependant, le fait de disposer d’un simple fichier de la population de sa commune, sans plus de précisions que celles relatives à l’état civil de ses concitoyens, sans lien avec la situation fiscale ou l’état de santé de ces derniers, s’avère tout à fait utile. Un tel fichier ne serait constitué que de données publiques, même s’il n’a pas de finalité précise – il pourrait avoir chaque jour un usage différent. Cela fait quelques années que nous nous battons pour que les maires aient la possibilité de constituer ces fichiers simples de la population de leur commune, qui se borneraient à répertorier le nom, le prénom, la date de naissance et l’adresse de leurs concitoyens, et qui pourraient être bien utiles un jour ou l’autre. Je conviens toutefois que cela ne correspond pas exactement à la disposition introduite par le Sénat.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1516 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il n’est pas utile de prévoir un avis du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) sur le décret d’application du mécanisme d’échange d’informations. Cette demande est satisfaite par le droit en vigueur, à l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je confirme que le CNEN sera consulté sur le décret d’application : la mention ajoutée par le Sénat n’est donc pas nécessaire. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL211 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Cet amendement vise à donner aux maires les moyens de constituer un registre des mobilités, qui leur permettrait d’organiser une veille et d’alerter immédiatement les autorités lorsqu’ils sont sans nouvelle d’une personne censée revenir sur le territoire national.

Selon le dernier rapport du Gouvernement sur la situation des Français établis hors de France, environ 1 650 de nos compatriotes sont incarcérés à l’étranger chaque année, et près d’un tiers le sont sans cause connue. Ces détentions arbitraires, disparitions forcées ou prises d’otages politiques concernent des journalistes, des chercheurs, des touristes, des étudiants et des professionnels divers. Dans ces situations de crise, chaque seconde compte : c’est pourquoi l’implication des maires dans cette chaîne visant à secourir nos concitoyens à l’étranger est indispensable.

L’accès à une partie des données du fichier Ariane et du centre de crise et de soutien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, dans le respect d’un cadre défini par la CNIL, permettrait aux maires d’exercer une vigilance supplémentaire, de déclencher des alertes, de lever des doutes sur certaines situations et de participer à l’accompagnement des victimes à l’étranger.

J’ai préparé cet amendement avec quatre maires bretons traumatisés par ce qui est arrivé à Michel Thierry Atangana. Stéphane Cloarec, maire de Saint-Pol-de-Léon, Pierre-Yves Mahieu, maire de Cancale, Jean-Paul Vermot, maire de Morlaix, et Jacques Edern, maire de Sibiril, souhaitent participer ainsi à une forme de décentralisation de la diplomatie française.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Vous proposez la mise en place d’un échange de données entre les administrations chargées d’accompagner nos concitoyens à l’étranger, d’une part, et les maires, d’autre part. Si je comprends votre objectif, qui est de fournir aux maires toutes les informations qui permettraient d’aider les personnes se trouvant dans des situations plus que délicates à l’étranger, le dispositif ne me semble pas pour autant opportun. Sur le fond, je ne sais pas si le maire d’une commune française est vraiment le mieux placé pour accompagner des victimes à l’étranger. En outre, d’un point de vue juridique, je ne suis pas certaine que ces échanges entrent dans le cadre constitutionnel autorisé, puisque la mise en place d’échanges de données est strictement encadrée par la Constitution et le règlement général sur la protection des données (RGPD). Votre amendement me paraît d’autant plus fragile qu’il ne prévoit pas la possibilité, pour les usagers, d’exercer un droit d’opposition. Je vous invite donc à le retirer, faute de quoi je lui donnerai un avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Raphan, il me semble important de valoriser le combat très salutaire que vous menez pour la protection des libertés de nos concitoyens retenus, incarcérés ou privés de leurs droits à l’étranger. Néanmoins, votre amendement n’est pas opérant – plus précisément, il ne le serait que si l’ensemble des Français signalaient à leur mairie tout départ à l’étranger. Je doute que nos concitoyens y soient prêts. Le Quai d’Orsay suit déjà les mouvements que permet de retracer l’utilisation des passeports biométriques ; je ne pense pas que la constitution d’un fichier qui irait au-delà permette réellement de lutter contre les problèmes que vous soulevez. Demande de retrait.

M. Pierre-Alain Raphan. On ne perd jamais de temps à essayer de sauver des vies. L’inscription au fichier Ariane est déjà basée sur le principe du volontariat : on ne force pas les Français à déclarer leurs voyages, mais ils peuvent tous se retrouver enfermés à l’étranger s’ils ne le font pas. Outre la nécessité de sensibiliser nos concitoyens à cette démarche – le Gouvernement pourrait aussi nous y aider –, il faudrait les encourager à partager, sur la base du volontariat, ces données avec leur maire qui, en lien avec les familles, sera à même de donner l’alerte, le cas échéant, et d’organiser la remontée d’informations. Peut-être pourrions-nous retravailler cet amendement ensemble, d’ici à la séance, pour le rendre opérant rapidement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Vous l’avez dit : lorsqu’une personne pense s’exposer à un risque en partant à l’étranger, elle peut déjà s’inscrire au fichier Ariane qui permettra d’assurer un suivi. Vous appelez de vos vœux une coordination plus étroite entre les services du Quai d’Orsay, qui suivent et protègent les Français en déplacement ou en résidence à l’étranger, et les maires des communes dont ils sont originaires. Il y a des manières beaucoup moins lourdes, plus opérantes et plus efficaces d’organiser ce partage d’informations que de constituer un fichier numérique, avec toutes les questions relatives à la vie privée que cela pose. Nous pourrons évidemment en reparler, mais je ne suis pas sûre que la meilleure solution passe nécessairement par la loi.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 50 modifié.

Après l’article 50

Amendement CL1416 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Ouvrir, faire circuler et exploiter les données publiques : c’est l’une des priorités fixées par le Premier ministre lors du dernier comité interministériel de la transformation publique et dans les feuilles de route interministérielles que j’ai présentées suite aux travaux menés par Éric Bothorel, que je tiens ici à saluer, dans le cadre de la mission parlementaire qui lui a été confiée. L’amendement CL1416 cherche à atteindre cet objectif dans le domaine des transports.

Afin d’offrir à nos concitoyens une information fiable et en temps réel, l’article 25 de la loi d’orientation des mobilités (LOM) demande aux autorités organisatrices de transport d’ouvrir les données des services qu’elles organisent ; il leur permet de déléguer la charge de cette ouverture aux opérateurs de transport chargés de l’exécution de ces services. Ce chantier avance bien, notamment grâce à la mise en place du point d’accès national transport.data.gouv.fr. Cependant, les données en temps réel sont souvent produites par des systèmes embarqués, les systèmes d’aide à l’exploitation et à l’information voyageur (SAEIV). Le présent amendement vise donc à étendre aux opérateurs de ces systèmes la possibilité de se voir déléguer par les autorités organisatrices de transport la charge de l’ouverture des données. En leur permettant d’ouvrir directement leurs données, de manière simple et juridiquement sécurisée, nous accélérerons ce mouvement et améliorerons l’expérience des transports en commun pour tous.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement est bienvenu : il enrichira les informations utilisées pour améliorer l’information des voyageurs et proposer des possibilités de report modal pour des déplacements moins polluants. En somme, il favorise la mobilité durable : je lui donne donc un avis favorable.

Les SAEIV facilitent la conduite, assistent les exploitants de transport et informent les usagers sur leur trajet et les conditions de transport. Cela signifie-t-il que des applications telles que Google Maps ou Waze seront sollicitées ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’amendement permettra aux autorités organisatrices de transport comme Île-de-France Mobilités de confier la charge de l’ouverture des données de transport à des opérateurs de SAEIV – il ne s’agit pas des acteurs que vous avez cités mais de sociétés auxquelles on a délégué, par exemple, l’exploitation d’une ligne dans le cadre de l’ouverture à la concurrence.

M. Raphaël Schellenberger. Qu’est-ce qui n’est pas possible actuellement? Est-il impossible pour l’exploitant d’un réseau de tramway ou de métro de mettre des données à disposition du public ?

M. Rémy Rebeyrotte. Il faudrait également que nous légiférions pour permettre les échanges d’informations sans compensation financière. Je m’explique : actuellement, si la région Bourgogne veut communiquer les horaires de ses navettes – assurant par exemple les transferts jusqu’aux gares – sur les systèmes d’information SNCF, elle doit d’abord négocier un accord financier. Cela crée des blocages absolument partout ! À partir du moment où nous souhaitons favoriser la fluidité des transports entre les grandes sociétés et les autorités organisatrices de la mobilité (AOM), et l’intermodalité, il faut éviter ce type d’accords à caractère commercial et développer d’autres modes de compensation car, pendant ce temps, ce sont les usagers qui paient l’addition, attendent pour disposer d’informations complètes et, éventuellement, de billets combinés.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Les autorités organisatrices délèguent par exemple à un opérateur la conduite d’une ligne de bus. Dans le bus, une autre entreprise fournit ce que l’on appelle un système d’aide à l’exploitation et à l’information voyageurs (SAEIV), qui peut être un petit GPS permettant au conducteur de bus de savoir où il en est dans son plan de charge. Les données de cet outil sont non pas la propriété de l’entreprise qui gère le bus, mais celle de l’entreprise qui fournit le GPS. Nous souhaitons que ces données soient extraites et partagées en temps réel avec le public.

M. Raphaël Schellenberger. Cela signifie-t-il qu’en l’état du droit, l’entreprise qui vend le GPS – pour reprendre votre exemple – fournit une prestation en temps réel à l’exploitant, mais que les données restent sa seule propriété ? Si tel est le cas, les contrats entre les opérateurs et ces prestataires ne sont-ils pas bancals ? Les données ne devraient-elles pas tout simplement être la propriété des premiers, et non des seconds ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Pour les données en temps réel, la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM) n’a pas été écrite avec toutes les chaînes de délégation. Les informations relatives aux lignes, aux arrêts, aux grilles horaires sont fournies en temps réel par les systèmes d’aide à l’exploitation, mais n’étaient initialement pas incluses dans la LOM. C’est l’objet de l’amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL146 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement permet aux autorités organisatrices de la mobilité d’améliorer leur connaissance des besoins de mobilité domicile-travail des travailleurs, de la répartition de leur demande entre les différents modes de transport et des contributions des employeurs aux frais de transport de leurs employés, notamment via le dispositif du forfait mobilités durables (FMD).

Alors qu’on ne connaît pas de façon transparente et exhaustive l’état d’avancement du déploiement du FMD dans les entreprises françaises, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) enregistre les données en lien direct avec le transport et la mobilité, relatives au forfait mobilités durables, via les déclarations sociales nominatives des employeurs.

Partager les données relatives au FMD entre administrations permettrait d’améliorer l’efficacité du dispositif, au bénéfice des salariés et agents qui seront plus nombreux à se déplacer à vélo ou en covoiturage, au bénéfice de la santé économique des entreprises et de l’environnement.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je comprends la finalité de votre amendement – et la partage, tout comme le Gouvernement puisqu’un de ses amendements, que nous venons d’adopter, va dans le même sens en améliorant la circulation des informations et données pour favoriser les reports modaux et accroître les mobilités durables.

Mais, d’un point de vue pratique, il me semble peu opportun. Si l’ACOSS transmet déjà au bloc communal certains éléments recueillis lors du recouvrement du versement mobilités, ces éléments concernent les aspects qui permettent d’établir le montant du versement, pour des raisons fiscales. S’adosser, comme vous le demandez, au versement mobilités ne me semble pas idéal. En outre, pour que de tels échanges soient constitutionnels, il faut qu’ils soient strictement nécessaires et au bénéfice des usagers – ce que ne prévoit pas l’amendement.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, au profit du dispositif du Gouvernement que nous venons d’adopter.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Monsieur Orphelin, nous avons tous très envie que le forfait mobilités durables soit massivement utilisé et qu’il participe effectivement au report sur des modes de transport plus durables. Nous avons mis en place un baromètre qui permet d’en suivre l’évolution – nombre de personnes par employeur, par région, etc.

Nous savons que 30 % des employeurs sondés ont validé la mise en place d’un forfait mobilités durables et nous sommes en train de réaliser le bilan des accords d’entreprise, ce qui nous permettra de disposer d’un état des lieux de la mise en œuvre. À l’inverse, les données que vous souhaitez voir transmises aux AOM sont nominatives. Je ne suis pas sûre que ce soit le plus intéressant. Mon avis sera donc également défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je le répète, le suivi de la mise en œuvre du forfait mobilités durables dans les entreprises, comme dans les collectivités territoriales, pose problème. Madame la ministre, interrogez vos services pour qu’ils vous expliquent ce que signifient ces 30 % et quelles sont les entreprises concernées. Vous aurez des surprises ! Je ne veux pas polémiquer, mais je m’inquiète car il s’agit d’un beau dispositif et il faut qu’il se déploie.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1388 de Mme Valérie Oppelt.

Mme Valérie Oppelt. Toute subvention attribuée par une autorité administrative ou l’organisme chargé de la gestion d’un service public industriel et commercial doit, lorsque cette subvention dépasse un seuil défini par décret de 23 000 euros, conclure une convention avec l’organisme de droit privé qui en bénéficie, définissant l’objet de la subvention, son montant, ses modalités de versement et ses conditions d’utilisation. Les données essentielles de cette convention doivent ensuite, en théorie, être rendues disponibles sous forme électronique dans un standard ouvert aisément réutilisable et exploitable par un système de traitement automatisé.

Les données concernant l’attribution des subventions doivent faire l’objet de davantage de transparence et d’accessibilité au grand public. Nous proposons donc une extension de l’obligation à la totalité des subventions attribuées à un seul organisme dont le montant cumulé, lors des douze derniers mois civils, est supérieur au seuil de 23 000 euros.

Les collectivités territoriales disposent d’une norme réglementaire qui permet de rationaliser la publication des données des subventions. Une extension du dispositif ne représenterait donc pas un coût supplémentaire significatif.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Comme l’a rappelé Mme Oppelt, la loi prévoit que, si une subvention accordée à un organisme excède le seuil réglementaire de 23 000 euros, elle fait l’objet d’une convention avec l’autorité qui la verse, et les éléments essentiels de cette convention sont publiés.

L’amendement propose que, si plusieurs subventions sont versées à un même organisme et si leur montant cumulé dépasse le seuil de 23 000 euros, elles soient publiées. Cela me semble tout à fait bienvenu. L’amendement est cohérent avec l’économie générale de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations (DCRA) et la logique de transparence. Il vise à éviter que des fractionnements abusifs de subventions ne permettent d’échapper aux obligations de transparence. Enfin, il est équilibré, en prévoyant un encadrement temporel pour apprécier si le cumul dépasse le seuil.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je m’en remettrai à la sagesse de la commission. Votre amendement concourt à un objectif louable, et partagé : la transparence démocratique – l’information des citoyens étant fondamentale en démocratie. En effet, les subventions sont parfois accordées de manière discrétionnaire par la puissance publique alors qu’elles procurent un avantage financier.

Mais, pour que votre amendement soit pleinement opérationnel, il faut que les autorités concernées disposent des outils – notamment numériques – pour connaître le montant cumulé des subventions qu’elles accordent. Or tel n’est pas forcément le cas. À cet égard, le plan France relance accompagne la mise à niveau numérique de nombreuses collectivités locales. Ainsi, en Haute-Savoie, nous soutenons un projet de numérisation des demandes de subventions.

Si l’intention de votre amendement est louable, il faut être conscient que, tant que les collectivités n’ont pas basculé vers ces outils numériques, la charge administrative qu’il implique risque d’être assez lourde pour les acteurs.

M. Raphaël Schellenberger. Je comprends l’ambition de l’amendement mais cela me semble particulièrement complexe et risque de faire peser une nouvelle charge sur les collectivités. Il est très fréquent que des organismes bénéficient de 23 000 euros de subventions cumulées… En outre, au-delà d’un certain seuil, les associations doivent par exemple déjà recourir à un commissaire enquêteur pour la validation de leurs comptes. Le contrôle et la transparence ne sont donc pas inexistants.

Enfin, je ne comprends pas ce que vous entendez par les « douze derniers mois civils » ? S’agit-il d’une année civile ou de douze mois glissants ? Dans ce dernier cas, cela devient incompréhensible, les flux de trésorerie des collectivités étant variables d’un mois et d’une année sur l’autre. Il faut absolument se caler sur l’année civile.

M. Rémy Rebeyrotte. Il faut préciser qu’il s’agit de l’exercice budgétaire d’une collectivité. En tout état de cause, l’amendement représente un progrès en termes d’information pour le citoyen car, volontairement, ou parfois involontairement, on a tendance à fractionner le versement des subventions et on peut dépasser les 23 000 euros. Pourquoi imposer à ceux qui reçoivent une seule subvention de 23 000 euros une convention, et pas à ceux qui reçoivent la même somme de manière fractionnée ?

En outre, cela contribue à améliorer la gestion des moyens publics de la collectivité car la convention implique la transmission de pièces comptables et cela peut permettre d’anticiper d’éventuelles difficultés de la structure – nous avons tous en tête des exemples de clubs sportifs.

Mme Valérie Oppelt. Depuis un décret de mai 2017, il est de toute façon obligatoire de produire ces données. En outre, on constate des obligations similaires, voire plus drastiques, dans les autres pays européens. Ainsi, en Espagne, un citoyen peut avoir accès à de très nombreuses données, y compris les factures. L’amendement vise à simplifier l’accès à ces données pour tous les citoyens, dans un souci de transparence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1134 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Ma commune, j’y vis ; mes services publics, j’y tiens. Madame la ministre, vous savez à quel point je suis – peut-être de manière irrationnelle – attaché à la commune comme instance de proximité et de démocratie vivante.

La décision de retirer aux communes la délivrance des cartes nationales d’identité (CNI) les a dévitalisées dans leurs rapports à la population. Bien sûr, on a attribué aux communes « centres » des équipements, mais les transferts de charges ont été mal compensés. En outre, nous subissons désormais un nouveau phénomène : le week-end, des Parisiens viennent faire leur demande de passeport ou de CNI en Normandie – c’est moins long chez nous qu’à Paris.

Du fait des contraintes imposées par l’article 40 de la Constitution, mon amendement n’est pas aussi ambitieux que je le voulais mais il vise à permettre aux communes qui le souhaitent de recouvrer la délivrance des cartes nationales d’identité.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Monsieur Jumel, moi aussi, je vis dans ma commune – j’aurais du mal à vivre ailleurs. Vous proposez que les communes ne disposant pas de matériels pour la délivrance dématérialisée des cartes d’identité puissent manifester leur souhait de délivrer ces cartes en se rapprochant des communes équipées.

Vous parlez d’un lien entre la commune et le citoyen : je rappelle quand même que la délivrance des titres d’identité est faite au nom de l’État – par le maire en qualité d’agent de l’État, et le préfet.

Par ailleurs, la demande ou le renouvellement de CNI ne dépend pas du domicile et peut être fait dans toute mairie équipée d’une station d’enregistrement. De plus, je ne suis pas certaine de l’apport de votre dispositif en termes de sécurité. Mais, surtout, le déploiement de la nouvelle CNI est en cours ; ce n’est donc pas le moment de changer les procédures.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je suis également très attachée au rôle essentiel des communes en la matière. Demain, avec Joël Giraud, secrétaire d’État auprès de la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, chargé de la ruralité, je serai dans le Loiret pour rencontrer des secrétaires de mairie, qui sont le premier contact de proximité avec le service public pour une grande majorité de la population.

J’ai lu avec beaucoup d’attention votre amendement, mais je ne suis pas sûre de comprendre. Vous voulez que les communes puissent saisir le préfet. Mais c’est précisément déjà son rôle que de mailler correctement chaque territoire en matériels afin que les données soient correctement saisies et que les titres puissent être correctement remis. Peut-être faut-il revoir la rédaction pour améliorer la portée normative de votre intention ? En l’état, je ne peux qu’émettre un avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Avec une organisation centralisée, sécurisée, et les outils numériques, on aurait parfaitement pu retirer aux maires leur rôle d’officier d’état civil. Mais ce n’est pas le choix qui a été fait. D’ailleurs, dès la Révolution de 1789, les libertés communales ont été proclamées et ces services de proximité reconnus comme corollaire de la démocratie locale. Certes, le maire les rend au nom de l’État, mais dans l’objectif de maintenir ainsi un lien humain direct et concret entre la collectivité et ses administrés.

En l’espèce, l’amendement évoque les cartes nationales d’identité, mais le raisonnement pourrait s’appliquer aux mariages : pourquoi le maire les célèbre-t-il ? Après tout, il s’agit d’un acte contractuel entre les deux époux. Posez-vous la question ! Certes, la délivrance d’une carte nationale d’identité est peut-être un peu moins solennelle – quoique – mais ne négligeons pas l’importance du contact humain pour notre République et la démocratie locale.

M. Sébastien Jumel. Pour rédiger mon amendement, j’ai été confronté au mur infranchissable de l’examen de la recevabilité des amendements au titre des articles 40 et 45 de la Constitution, ce qui explique ce bricolage. L’interprétation de ces articles n’est d’ailleurs pas la même au Sénat et à l’Assemblée. Y a-t-il deux Constitutions, une pour la chambre haute et une pour la chambre basse ?

Mon amendement vise simplement à appeler votre attention sur le risque d’aggravation du fossé entre le maire et les habitants d’une commune du fait de la fin de la délivrance, par certains maires, des cartes nationales d’identité. Il ne m’a pas échappé que, pour cette mission, le maire représente l’État – j’ai été maire pendant dix ans.

Quand on veut réaffirmer la présence de la République partout et pour tous, on ne peut pas retirer cette impérieuse mission aux maires. Les secrétaires de mairie que vous allez rencontrer, madame la ministre, vous l’expliqueront aussi bien que moi. Dans ma belle circonscription de Seine-Maritime, qui va de Dieppe au pays de Bray, en passant par la vallée de la Bresle et Le Tréport, quand le maire d’un petit village remet sa carte d’identité à des habitants qu’il ne connaît pas – nous avons beaucoup de nouveaux venus dans nos communes depuis le début de la crise de la covid‑19 –, il en profite pour faire connaissance avec la famille et l’informer sur les services, les activités et les animations de la commune. Ainsi le maire stimule-t-il le vivre ensemble et les liens.

M. Bruno Questel. On peut comprendre la philosophie de la démarche du collègue Jumel, mais l’amendement n’est pas opérationnel. Les équipements sont propriété de l’État et mis à disposition des communes dans le cadre d’une convention. Comment mutualiser ? En outre, cela ne règle pas la question du lien. En général, ce sont les secrétaires de mairie, et non les maires, qui remettent les cartes d’identité. Et il n’y a pas de cérémonie particulière à cette occasion.

Mme Marietta Karamanli. Bien sûr, les cartes d’identité ou les titres de nationalité française sont remis par le représentant de l’État mais, en tant que représentante de la nation, je regrette que les parlementaires ne soient pas systématiquement associés à cette démarche importante.

Par ailleurs, j’étais présidente de la mission d’information commune sur l’identité numérique dont les recommandations ont été publiées en juillet 2020. Or, à ce jour, nous n’avons aucune information sur les évolutions en cours. Ne serait-il pas intéressant d’en débattre pour nous en inspirer ? Mesdames les ministres, en tant qu’ancienne sénatrice et ancienne députée, je sais que vous êtes sensibles au travail des parlementaires.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les cartes nationales d’identité sont renouvelables tous les dix ou quinze ans, selon leur date de délivrance. J’ose espérer que le lien avec les administrés se tisse autrement…

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame Karamanli, FranceConnect, c’est 32 millions d’usagers. Nous sommes l’un des pays européens où l’identité souveraine est la plus mature et la plus développée. Par identité souveraine, j’entends un code source ouvert développé par l’État, qui ne dépend d’aucun opérateur numérique étranger ou privé, et qui permet à 32 millions de Français d’utiliser un identifiant et un mot de passe unique pour mille services publics – j’avais d’ailleurs demandé aux questeurs de l’Assemblée nationale que les députés puissent avoir accès à leur sécurité sociale avec FranceConnect.

Nous avons effectué une déclaration auprès de la Commission européenne pour déployer une solution plus sécurisée en collaboration avec La Poste – FranceConnect+. FranceConnect est donc une très bonne base pour développer l’identité numérique sécurisée.

Avec le soutien de Mme Gourault, avec les associations d’élus et les collectivités territoriales, je prépare une charte afin que FranceConnect puisse se déployer dans toutes les collectivités territoriales et tous les services publics. Trente-cinq départements ont déjà FranceConnect, ce qui permet de préremplir les demandes sociales. Soixante-cinq doivent encore sauter le pas. Le plan France relance peut les soutenir à hauteur de 5 000 euros. J’annoncerai dans les prochains jours les modalités pour aboutir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL680 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marietta Karamanli. Nous ne sommes pas toujours favorables aux demandes de rapports mais, là, il s’agit d’un rapport sur la pertinence de mettre à jour quasi-systématiquement le répertoire électoral unique, en inscrivant automatiquement les citoyens français sur les listes électorales à l’occasion de l’accomplissement de démarches administratives, sauf avis contraire de leur part.

Cet amendement est issu de plusieurs constats : l’abstention ; le fait que 15 % des inscrits sur les listes électorales, soit plus de 7 millions d’électeurs, sont mal inscrits ; les préconisations de la commission supérieure du numérique – à laquelle appartient M. Saulignac, premier signataire de l’amendement – et celles de la mission d’information commune sur l’identité numérique.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je suis favorable à tout ce qui peut faciliter l’inscription sur les listes électorales de nos concitoyens – comme l’inscription automatique des majeurs que nous avons mise en place – et qui peut ainsi améliorer la participation.

Je rappelle cependant qu’une mission d’information est en cours sur la participation électorale, à laquelle M. Leseul, également signataire de l’amendement, participe en tant que vice-président. Attendons ses conclusions, qu’elle devrait rendre d’ici à mi-décembre. Demande de retrait.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Votre amendement fait indirectement écho à celui du Gouvernement présenté à l’article 50 afin de réfléchir aux démarches qui pourraient être réalisées automatiquement grâce à l’échange de données – c’est ce qu’on appelle l’administration proactive.

Sur le fond, alors qu’une mission est en cours à l’Assemblée nationale visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, le Gouvernement peut difficilement produire des documents qui auraient davantage leur place dans le rapport de cette mission.

M. Raphaël Schellenberger. J’ai courageusement oublié de lever la main lors du vote sur votre amendement à l’article 50, mais si j’avais su qu’il vise par exemple l’automaticité de l’inscription sur les listes électorales du fait de l’accomplissement d’une autre démarche – le paiement de ses ordures ménagères par exemple –, j’aurais voté contre !

Où va-t-on si les Français n’ont plus besoin de demander des aides sociales et qu’on les leur verse automatiquement ? S’ils n’ont plus besoin de s’inscrire sur les listes électorales et qu’on les inscrit automatiquement, sans même se poser la question de savoir si c’est au bon endroit ? Les citoyens doivent avoir le droit de choisir où ils votent ! Cela a son importance pour les scrutins locaux. En poursuivant dans cette logique, vous allez finir par choisir vous-même pour qui votent les Français !

Mme Marietta Karamanli. Nous validons globalement la démarche à l’article 50, mais il n’est pas bienvenu de renvoyer à plus tard ce que nous pouvons faire tout de suite, au motif qu’une mission d’information est en cours et va rendre ses conclusions dans un mois car, dans un mois, nos débats auront bien avancé.

En outre, je suis bien placée pour savoir que les préconisations des missions d’information ne sont pas toujours reprises. Assurons-nous donc que la mission d’information examine ce point. Mais rien ne nous empêche de voter l’amendement en complément.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. On ne peut pas être inscrit dans deux communes sur les listes électorales.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Qu’ai-je voulu dire en parlant de faciliter les démarches ? Si vous effectuez, par exemple, un changement d’adresse sur votre carte grise, le ministère de l’intérieur vous informe, proactivement, de la manière dont vous pouvez aussi modifier votre inscription sur les listes électorales. Il vous informe, mais ne vous inscrit pas automatiquement.

En l’occurrence, l’amendement de Mme Karamanli précise bien « sauf avis contraire de leur part ». On peut donc imaginer un système où, demain, le citoyen qui vient de changer l’adresse de sa carte grise demande à être automatiquement inscrit sur les listes électorales de son nouveau domicile. Mais il faudra qu’il le demande. On ne saurait le priver de ses droits.

La commission rejette l’amendement.

Article 50 bis (art. L. 1113‑8 [nouveau] et L. 2334‑44 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Droit à l’erreur au bénéfice des collectivités territoriales et de leurs groupements

Amendement CL1517 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. La création d’un droit à l’erreur pour les collectivités territoriales est une idée qui peut paraître intéressante. Toutefois, les dispositions de l’article 50 bis ne sont pas opportunes. En outre, une grande partie d’entre elles est largement satisfaite par le droit en vigueur.

Je m’interroge sur leurs effets concrets et sur les situations réelles auxquelles ces dispositions auraient vocation à s’appliquer. En outre, la logique du droit à l’erreur consiste à améliorer et à apaiser les relations entre l’administration et les usagers, non à remédier à une éventuelle complexité normative pour certaines administrations. Elle consiste également à passer l’éponge sur la première erreur de bonne foi. Or les dispositions proposées, en supprimant cet aspect, tendent à créer un droit à l’erreur permanent qui couvrirait des erreurs récurrentes, ce que personne ne souhaite.

À toutes fins utiles, je rappelle que les collectivités territoriales bénéficient d’ores et déjà du droit à l’erreur en leurs qualités de contribuables et d’employeurs, par exemple au titre de l’article L. 62 du livre des procédures fiscales (LPF). Par ailleurs, si elles connaissent des difficultés dans l’application ou l’interprétation d’une norme, elles peuvent d’ores et déjà s’adresser aux services déconcentrés de l’État, qui assurent auprès d’elles une mission de conseil et d’assistance. Au demeurant, elles demandent régulièrement aux parlementaires que nous sommes de les accompagner dans leurs démarches.

Enfin, les dispositions relatives aux demandes de subventions sont satisfaites par le droit en vigueur, qui prévoit, à l’article R. 2334-23 du CGCT, la possibilité de les régulariser, et empêche le rejet des dossiers incomplets de la demande sans que soit préalablement signalé leur caractère incomplet.

Cet amendement vous propose donc de supprimer cet article.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable. Il existe des régimes de régularisation en cas d’erreur applicables aux collectivités territoriales, en tant qu’employeurs ou contribuables. Ils permettent d’accompagner leur bonne foi si des difficultés se présentent.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 50 bis est supprimé.

Article 50 ter (art. L. 1425‑2 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement du contenu de la stratégie de développement des usages et services numériques

La commission adopte l’amendement de précision CL1518 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL215 de M. Pierre-Alain Raphan.

M. Pierre-Alain Raphan. Il s’agit d’intégrer aux schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique (SDTAN) les actions de formation des agents en matière de cybersécurité.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 50 ter prévoit de compléter la stratégie de développement des usages et services numériques (SDUSN) d’un volet relatif au renforcement de la cybersécurité des services publics. La formation des agents peut en faire partie, car la portée de l’article est large, comme le suggère l’usage de l’adverbe « notamment » dans l’amendement, qui est satisfait dans son principe. Toutefois, consacrer expressément la formation des agents à la cybersécurité est bienvenu, compte tenu de l’importance du sujet. Avis de sagesse.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis. Jacqueline Gourault et moi-même avons installé ce lundi un groupe de travail rassemblant les associations d’élus, dédié à l’appropriation des enjeux de cybersécurité dans les communes, petites et grandes. L’enjeu de la formation des agents est l’une des pistes de travail, que l’article 50 ter permet. Nous déployons cette mesure plutôt que d’écrire dans la loi des mots qui, trop souvent, n’ont aucune signification concrète. Surtout, le plan France relance prévoit un investissement de 136 millions d’euros pour la mise à niveau de la cybersécurité des collectivités territoriales, de l’État et des administrations.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 50 ter modifié.

Après l’article 50 ter 

Amendements identiques CL1583 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL1389 de Mme Monique Limon.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Dans la logique de l’article 50, il s’agit de permettre, dans un cadre sécurisé et encadré, conforme au Règlement général sur la protection des données (RGPD), des échanges d’informations entre les acteurs de l’insertion professionnelle. L’objectif est d’améliorer chaque étape de l’accompagnement des personnes concernées, pour mieux connaître leurs besoins ainsi que leurs parcours et adapter les actions à leur égard.

Ces dispositions profiteront à toutes les parties prenantes de la réinsertion : aux personnes accompagnées, grâce à l’amélioration de l’offre et à l’application concrète du fameux principe « Dites-le-nous une fois » ; aux professionnels de l’accompagnement, auxquels elles éviteront de saisir plusieurs fois les mêmes informations et offriront la possibilité d’améliorer leur visibilité sur les personnes accompagnées pour renforcer leur employabilité ; aux décideurs des politiques de réinsertion, auxquels elles permettront de mieux piloter et orienter leur action.

Ces dispositions très positives seront particulièrement bienvenues pour les personnes vulnérables, que nous devons collectivement aider et accompagner.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable. Les outils numériques permettent d’améliorer la qualité d’une politique publique donnée et de dépasser le statut juridique des uns et des autres pour travailler ensemble.

Dans le monde de l’insertion, qu’il s’agisse de l’emploi, de la formation, de l’hébergement, des soins ou de la mobilité, plusieurs acteurs ne sont pas stricto sensu des acteurs étatiques ou directement liés à des collectivités territoriales. Il est essentiel de pouvoir s’assurer que l’information circule.

En effet, 60 % des professionnels de l’insertion déclarent passer plus de trente minutes par jour à chercher des informations sur les personnes qu’ils reçoivent, et 20 % plus d’une heure, soit autant de temps d’accompagnement perdu à rechercher des données sur le parcours et les expériences qui ont déjà été fournies. Par ailleurs, il s’agit de procéder à un accompagnement plus humain de ces personnes, en leur évitant de devoir raconter leur vie à chaque étape de leur parcours. L’enjeu est à la fois l’efficacité et la nécessaire fluidité.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis dubitatif. En effet, l’amendement va bien au-delà des informations habituellement recueillies par l’État et celles-ci vont circuler au sein d’instances dont la liste est très large : sécurité sociale, collectivités territoriales, EPCI et « tout autre organisme public ou privé » contribuant au parcours d’insertion socioprofessionnelle ou professionnelle. C’est colossal ! Ces dispositions, que vous considérez particulièrement bienvenues, madame la rapporteure, me laissent donc dubitatif précisément parce qu’elles concernent les plus fragiles.

Quant au formulaire prérempli à leur arrivée à l’association chargée de les accompagner en matière d’insertion ou aux agences de Pôle emploi, rien n’implique que l’agent le lira, mais, en tout cas, l’échange sera plus réduit.

M. Sébastien Jumel. Mon groupe aura une discussion pour consolider son opinion sur l’amendement, qui n’est pas neutre. Le sentiment affiché semble généreux et positif. Simplifier les démarches et gagner du temps administratif pour y consacrer de l’humanité semble un objectif louable.

Toutefois, le contexte dans lequel s’inscrit l’amendement est particulier. Nous en débattons en effet le jour où la majorité balaie d’un revers de la main le droit à l’amour pour les bénéficiaires de l’allocation adulte handicapé (AAH).

Mme Catherine Kamowski. Cela s’appelle la déconjugalisation de l’AAH !

M. Sébastien Jumel. Moi, j’appelle cela le droit à l’amour. Nous en débattons le jour où les Marcheurs envisagent de priver les demandeurs d’emploi de leur allocation chômage s’ils ne sont pas en mesure de démontrer qu’ils n’ont pas refusé une offre raisonnable d’emploi ou d’insertion sans motif légitime. Je m’interroge : l’ouverture de leurs données informatiques aux organismes publics et privés de l’emploi n’est-elle pas de nature, non à consolider des droits ou à en ouvrir, ce qui serait un objectif que je partage, mais à en supprimer ?

Par ailleurs, comme l’a démontré le rapport que j’ai rédigé au nom de la commission d’enquête sur l’inclusion des élèves handicapés dans l’école et l’université de la République, quatorze ans après la loi du 11 février 2005, lorsque les droits sont numérisés, 23 % de nos concitoyens dans le champ du handicap renoncent à les exercer. L’amendement ne règle rien à cet égard.

En raison de ce flou, notre groupe réserve son vote.

La commission adopte les amendements.

Article 51 (art. 10, 20, 22‑1 [nouveau] et 125 de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés) : Simplification des procédures de mise en demeure et de sanction de la Commission nationale de l’informatique et des libertés

Amendement CL1638 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit de supprimer l’article 51, qui vise à simplifier certaines procédures de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), notamment en matière de sanctions. Ces dispositions tout à fait opportunes figurent, mieux rédigées, à l’article 19 du projet de loi relatif à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 51 est supprimé.

Après l’article 51 

Amendement CL678 de M. Hervé Saulignac.

Mme Marietta Karamanli. Il s’inspire des travaux de la mission d’information sur l’identité numérique. Il s’agit de faire en sorte que les départements puissent adopter un schéma départemental d’inclusion numérique et de lutte contre l’illectronisme.

Nous faisons chaque jour le constat, auprès de nos concitoyens, qu’ils sont nombreux à connaître des difficultés et à se trouver désemparés en matière de démarches administratives numérisées, quels que soient leur âge et le type de quartier ou de commune où ils vivent. Certains départements ont adopté de tels schémas, avec succès. Nous proposons de saisir l’occasion offerte par l’examen du présent projet de loi pour leur donner une valeur législative, afin d’amplifier le nécessaire accompagnement de nombreuses populations sur le terrain.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Tout en partageant l’objectif visé par l’amendement, je ne suis pas certaine qu’il soit opportun de créer une nouvelle obligation à la charge des départements. D’ailleurs, nous avons supprimé l’article 41 bis pour cette raison. Certains départements, notamment le Doubs, les Pyrénées-Atlantiques et le Lot-et-Garonne, ont adopté de tels schémas. Faisons confiance aux collectivités, à leurs élus et à l’intelligence des territoires au lieu de les leur imposer !

Par ailleurs, plusieurs outils sont à leur disposition, notamment les fonds et les crédits dédiés alloués par l’État et les collectivités territoriales, ainsi que les Maisons France services, que nous avons consacrées dans la loi. L’Union européenne y consacre aussi des fonds. Le Pass numérique, qui bénéficie à 400 000 personnes, permet d’accompagner et de former les gens. Citons également les labels « Numérique inclusif » et « Territoire d’action pour un numérique inclusif ». Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Madame Karamanli, je vous remercie de votre proposition. Je rappelle que les départements sont chargés des schémas départementaux d’amélioration de l’accessibilité des services au public (SDAASAP), qui comportent deux volets.

En matière d’accès physique aux services publics, le programme France services, mené par Jacqueline Gourault et l’ANCT, en lien avec les départements, permet d’accompagner les intercommunalités et les territoires. En matière de lutte conte l’illectronisme et d’accompagnement de la médiation numérique, Jacqueline Gourault et Cédric O déploient 4 000 conseillers numériques France services. La plupart d’entre eux seront rattachés aux départements. D’ores et déjà, cinquante-huit structures départementales ont été validées, dans le cadre de contrats de conseil numérique, ce qui a permis de déployer 450 conseillers.

Nous avons intérêt à accompagner les départements pour les outiller et réfléchir avec eux à l’accès au service public, qui fait partie de leurs missions, plutôt que leur fixer une nouvelle obligation, d’autant que certains d’entre eux se saisissent de la question avec de grandes ambitions. Je ne suis pas certaine que l’ajout de quelques mots dans le projet de loi simplifie grand-chose. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marietta Karamanli. Je retire l’amendement. Notre groupe le retravaillera, à la lumière des propos de Mme la ministre, en vue de l’examen du texte en séance publique. Nous n’en constatons pas moins que, en dépit des quelques schémas, initiatives et autres services qui existent, un vide demeure. Nous nous proposons de le combler en incitant les départements, qui sont chargés de la solidarité.

L’amendement est retiré.

Article 52 (art. L. 2121‑30 et L. 2213‑28 du code général des collectivités territoriales) : Accélération de la mise en place des bases adresses locales utiles pour le déploiement du très haut débit

La commission adopte l’article 52 non modifié.

Article 52 bis (art. L. 3121‑9‑1 [nouveau], L. 4132‑9‑1 [nouveau] et L. 5211‑11‑1 du code général des collectivités territoriales) : Facilitation de l’usage de la visioconférence pour les réunions des assemblées délibérantes locales

Amendement CL1519 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, amendements CL619 et CL620 de M. Paul Molac (discussion commune).

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 52 bis, introduit par le Sénat, vise à étendre aux collectivités territoriales la possibilité de réunir leurs conseils par visioconférence. Je soutiens cette disposition, qui s’inscrit dans la continuité de celles que nous avons adoptées pour les EPCI à fiscalité propre dans le cadre de la loi relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique. Je propose de les compléter pour en ouvrir le bénéfice aux assemblées de Corse, de Guyane et de Martinique, ainsi qu’aux commissions permanentes des conseils départementaux, des conseils régionaux et des assemblées de Corse et de Guyane. Cette extension me semble logique et cohérente.

Il est opportun de confier la définition des modalités pratiques du déroulement des visioconférences aux règlements intérieurs des assemblées considérées. Il s’agit d’un gage de souplesse et de confiance. Au demeurant, elles ont procédé ainsi depuis le début de la crise sanitaire. Les règlements devront garantir l’exigence de neutralité, et plus généralement les exigences requises pour les délibérations locales.

Un fonctionnement comme celui que nous avons expérimenté en commission des lois, selon des formats totalement en visioconférence ou mixte, depuis tout lieu, en tenant compte des éventuelles difficultés de connexion, voilà qui me semble bienvenu ! Les amendements CL619 et CL620, qui ciblent certaines collectivités en particulier, sont satisfaits par le mien.

M. Paul Molac. Il s’agit d’une mesure de bon sens. Nous voterons l’amendement CL1519.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable à l’amendement CL1519, d’autant que M. Molac a oublié de faire figurer la Corse dans ses amendements, à ma grande surprise ! (Sourires.)

M. Raphaël Schellenberger. Je suis déçu que Mme la rapporteure n’ait pas présenté un amendement de suppression de l’article 52 bis, que j’aurais voté.

En fait, nous sommes en train de transformer des règles de gestion de la crise en règles de droit commun applicables au fonctionnement des assemblées locales. Qu’il s’agisse du conseil municipal, départemental, régional ou syndical, ou de l’Assemblée de Corse, les assemblées locales sont des instances délibératives, comme l’Assemblée nationale. La politique s’y vit de façon charnelle, et non en faisant autre chose ou en participant à une autre réunion après avoir coupé la caméra de son ordinateur. Quand on prend des décisions engageant de l’argent public, l’avenir d’un territoire et le quotidien de nos concitoyens, on se déplace physiquement, on se prononce verbalement et on s’implique dans ce qu’on fait, dont on est responsable très concrètement.

J’ai très peur de la numérisation de la délibération. Progressivement, on assistera à un détachement devant l’écran. Les élus diront : « C’est passé en visioconférence, je n’ai pas fait pas attention, ce n’est pas de ma faute ! ». Tout cela, nous le voyons venir.

Le fonctionnement adopté pendant cette période de crise n’est pas satisfaisant. Ce palliatif nous a permis de continuer à fonctionner alors même que l’on ne pouvait pas se déplacer et qu’il fallait réduire les contacts. Mais le propre de la vie politique, c’est de se rencontrer, de débattre, de se contredire et de construire, dans la délibération et parfois dans la confrontation, la décision publique.

Dépenser de l’argent public, ce n’est pas rien. Cela ne se fait pas avec trois clics de souris.

M. Sébastien Jumel. Moi, je crois en l’agora et en la vitalité de la démocratie. Quand on se frotte, quand on se cogne, quand on débat, on s’enrichit mutuellement, et de là naît la démocratie. Raccommoder les liens entre les habitants et la vie politique est une impérieuse nécessité, car ils s’abiment chaque jour un peu plus, à tel point que les ennemis de la République s’engouffrent dans les trous.

Depuis un an et demi, et par la force des choses, nous avons dû expérimenter les réunions numérisées. C’était mieux que rien, comme disait ma grand-mère ! Il reste que la visioconférence est une machine à aseptiser le débat.

Mme Catherine Kamowski. À le réguler !

M. Sébastien Jumel. Ça, c’est pour ceux qui n’aiment pas le débat ! C’est une machine à fabriquer du consensus mou.

Mme Valérie Oppelt. Au contraire !

M. Sébastien Jumel. Vos réactions en sont la preuve : mes propos vous font réagir ! Voilà ce qui fait la démocratie !

Je ne suis pas pour la démocratie des startuppers. Je ne suis pas pour la démocratie virtuelle. Je suis pour la démocratie vivante, physique, au sein de laquelle nous assumons nos responsabilités. Choisir d’assister ou non à une réunion, d’y intervenir ou non, est déjà un geste politique et un signe de démocratie.

Enfin, le vote contraint, en démocratie, peut poser problème – un vote appartient intuitu personæ à celui qui l’émet. La seule façon de s’en prémunir est de veiller à ne pas trop numériser nos réunions, ce à quoi je m’oppose, sauf circonstances exceptionnelles.

M. Sylvain Waserman. Faites confiance aux élus ! Faites confiance aux présidents des exécutifs locaux pour décider s’il est opportun d’utiliser l’outil numérique ! En l’occurrence, il s’agit bien de laisser la possibilité de prendre cette décision à un président d’exécutif local de décider, avec sa majorité, avec le bureau de son assemblée…

M. Sébastien Jumel. Sans son opposition !

M. Sylvain Waserman. La décision à la majorité est la règle en démocratie.

Combien de fois vous ai-je entendu dire qu’il fallait faire confiance aux élus locaux ! Certes, il ne faut pas aseptiser les débats, et ceux-ci impliquent des contacts, mais faisons confiance aux élus locaux – certaines réunions de commissions permanentes sont peut-être moins importantes que d’autres.

La France ne peut rester l’un des rares pays à interdire un tel fonctionnement. Je suis favorable à cet amendement, et je mise sur la confiance dans les exécutifs locaux, qui savent très bien comment faire vivre la démocratie locale.

M. Paul Molac. Sébastien Jumel craint qu’un président de région ou d’EPCI ne se conduise un peu comme un dictateur, et décide seul, pour être tranquille, d’aseptiser le débat en mettant chacun derrière son ordinateur. Cela pourrait poser problème, en effet. Mais je ne vois pas comment assurer la collégialité d’une telle décision. Tous les groupes politiques sont représentés au sein de la Conférence des présidents de notre assemblée. Ce modèle pourrait-il être une cote mal taillée pour un EPCI ? Je pose la question et la livre à votre sagacité, chers collègues.

Mme Catherine Kamowski. L’amendement CL1519 dispose : « Le règlement intérieur fixe les modalités pratiques de déroulement des réunions en plusieurs lieux par visioconférence ». Or le règlement intérieur d’une assemblée locale est voté à l’issue d’une délibération. Il dispose également : « Les votes ne peuvent avoir lieu qu’au scrutin public. En cas d’adoption d’une demande de vote secret, le président reporte le point de l’ordre du jour à une séance ultérieure qui ne peut se tenir par visioconférence ».

Certes, le débat en direct est plus riche. Les variations de gestes et de tons y sont mieux ressenties. Je comprends vos préoccupations, monsieur Jumel, mais il me semble qu’elles sont satisfaites par la rédaction de l’amendement, que les membres de La République en Marche voteront.

M. Sébastien Jumel. Tout d’abord, la Conférence des présidents n’est pas institutionnalisée dans les collectivités locales. Elle n’a donc pas de valeur légale.

Ensuite, le règlement intérieur y est adopté à la majorité des suffrages exprimés, ce qui ne garantit pas les droits de l’opposition. Or notre responsabilité de législateur est de garantir le respect des droits de l’opposition, ce qui, soit dit en passant, est de nature à favoriser une République apaisée.

Par ailleurs, qui, en visioconférence, donne la parole et peut le cas échéant priver quelqu’un de son droit de parole sans que cela ne suscite aucune réaction, dès lors que celui qui n’a pas la parole n’a pas la main sur le micro ? Le président de séance !

Enfin, comment garantir la publicité des débats tenus en visioconférence, hors ceux des commissions permanentes dont seul le relevé de décisions fait l’objet d’un affichage ?

Voilà autant de problèmes, qui s’ajoutent à ceux que j’ai évoqués, et qui ne sont pas résolus.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Comme l’a rappelé Mme Kamowski, le règlement intérieur est voté. J’ajoute que le Conseil d’État a maintes fois rappelé, dans sa jurisprudence, que le droit d’amendement, le droit de prendre la parole et le droit de poser des questions, pour l’opposition, doivent être respectés. Il s’agit de droits souverains.

Par ailleurs, comme l’a rappelé Sylvain Waserman, un président de collectivité locale ne multipliera pas les visioconférences par plaisir. En outre, certains sujets, notamment le budget, ne pourront pas être traités par visioconférence. Les modalités pratiques figureront dans le règlement intérieur.

J’entends les observations et la méfiance qui s’expriment mais les dispositions proposées sont bordées au maximum.

J’ajoute enfin qu’indépendamment de la crise sanitaire, les conseillers régionaux sont demandeurs de ces dispositions. La Creuse est loin de Bordeaux ! De temps à autre, la visioconférence peut rendre service. Par ailleurs, un nombre minimal de réunions en présentiel est prévu.

M. Raphaël Schellenberger. Quatre par an !

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Monsieur Jumel, j’appelle votre attention sur le fait que l’amendement prévoir que les réunions en visioconférence sont diffusées en direct, à l’attention du public, sur le site internet de la collectivité concernée. La publicité des débats est donc assurée.

La commission adopte l’amendement CL1519.

En conséquence, les amendements CL619 et CL620 tombent.

La réunion est suspendue de seize heures trente à seize heures trente-cinq.

Présidence de Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1584, CL1585 et CL1605 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL1336 de M. Pierre Morel-À-L’Huissier.

Amendement CL1520 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement vise à articuler les dispositions de l’article 52 bis avec celles du projet de loi portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.

M. Raphaël Schellenberger. Je répète que cet article change profondément la nature des institutions locales. Le pouvoir exécutif et le pouvoir délibératif n’y sont pas séparés, et ce dernier peut confier de très importants moyens d’action au chef de l’exécutif, que ce soit le président du conseil régional, du conseil départemental ou le maire.

Avec cet article, on va de surcroît permettre aux instances délibératives – qui ont pour mission de contrôler l’exécutif et de voter le budget – de recourir à la visioconférence, c’est-à-dire de se réunir d’une manière dépersonnalisée. J’entends qu’il faut aseptiser la vie publique, mais l’expression de la volonté populaire prend un tour physique et personnel.

Même si cet article a été introduit par le Sénat en séance publique, je m’oppose à son adoption, car on ne mesure pas complètement les conséquences de ce bouleversement sur le fonctionnement des assemblées délibératives.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je précise, monsieur Schellenberger, que ce dispositif ne concerne pas les mairies.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 52 bis modifié.

Article 52 ter (art. L. 2121‑28, L. 3121‑24, L. 4132‑23, L. 5215‑18, L. 5216‑4‑2, L. 7122‑26 et L. 7222‑26 du code général des collectivités territoriales) : Précision du montant des crédits nécessaires aux dépenses afférentes aux personnes affectées aux groupes d’élus au sein des assemblées délibérantes locales

La commission adopte l’article 52 ter non modifié.

Après l’article 52 ter

Amendement CL325 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. Trois villes ont une ceinture verte définie par une loi de 1990, qui prévoit que les constructions ne doivent pas y dépasser un seuil maximum fixé en pourcentage. L’un des problèmes rencontrés est que la mesure du pourcentage des constructions déjà effectuées fait défaut. C’est le cas à Strasbourg, où les constructions se poursuivent. Faute de document opposable précisant la surface encore constructible, il est difficile d’attaquer les permis de construire ou de démontrer que la collectivité abuse en bétonnant de manière excessive.

L’amendement prévoit qu’un arrêté précisant la part de la ceinture verte pouvant être encore urbanisée soit publié chaque année, pour pouvoir vérifier si le seuil de 20 % fixé par la loi est respecté. L’amendement charge la ville de Strasbourg de cette tâche, mais on peut néanmoins réfléchir à l’opportunité de la confier à la collectivité compétente en matière de plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI), à savoir l’Eurométropole de Strasbourg.

En tout état de cause, il est important d’avoir une écologie du résultat, c’est-à-dire de disposer d’une mesure sérieuse et transparente des choses et de ne pas s’en tenir aux seules intentions.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement est partiellement satisfait. L’état d’occupation des sols de ces zones est déjà publié sous la forme d’arrêtés municipaux annuels. À titre d’illustration, dans un avis du 28 novembre 2019, la Commission d’accès aux documents administratifs (CADA) a fait droit à la demande d’un administré d’obtenir la communication des vingt-trois arrêtés municipaux pris en la matière entre 1990 et 2012.

En outre, la rédaction de l’amendement supprime la communication au préfet de cet état d’occupation ; or elle est utile, notamment pour que celui-ci puisse contrôler l’acte.

En revanche, je suis d’accord sur le fait qu’il serait intéressant que cet état d’occupation fasse grief – ce que le juge administratif ne reconnaît pas, comme le montre un jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 15 juillet 2020.

Je vous invite donc à retirer cet amendement pour l’améliorer en vue de la séance. Pour renforcer la transparence, une mise à disposition par mise en ligne pourrait également être prévue. La nouvelle rédaction pourrait aussi indiquer que l’acte fait grief, en précisant que ce document peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir dans les conditions prévues par le code de justice administrative.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est effectivement la métropole qui est compétente, et il faut donc travailler à nouveau cet amendement.

L’amendement est retiré.

Chapitre II
Simplification du fonctionnement des institutions locales

Article 53 (art. L. 2122-22, L. 3211-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales) : Délégation à l’exécutif local des décisions d’admission en non-valeur des titres de faible montant

La commission adopte l’article 53 non modifié.

Article 53 bis (art. 106 de la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République) : Extension du droit d’option permettant aux collectivités et à leurs groupements d’adopter le référentiel comptable « M57 » à d’autres personnes publiques

Amendement CL1599 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet article étend le droit d’option prévu par l’article 106 de la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (loi NOTRE), qui permet aux collectivités territoriales d’adopter le cadre budgétaire et comptable des métropoles et collectivités à statut particulier, régi par le référentiel comptable « M57 », à d’autres personnes publiques – dont les services d’incendies et de secours (SDIS), le centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) et les centres de gestion de la fonction publique territoriale (CDG).

L’amendement vise à adapter les dispositions du cadre budgétaire des métropoles à ces entités, en conservant les modalités de vote de leur budget ou les exigences en matière d’informations accompagnant leurs décisions budgétaires.

Il apporte également des corrections rédactionnelles.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 53 bis ainsi modifié.

Après l’article 53 bis

Amendement CL931 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. Cet amendement part d’un double constat, largement partagé.

D’une part, chacun sait que les recettes des départements sont caractérisées par une forte volatilité. D’autre part, il faut augmenter la résilience de ces derniers, car la conjoncture économique peut changer rapidement. On l’a vu avec la crise de l’année dernière, qui a été suivie par une augmentation particulièrement forte des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) en 2021. Ceux-ci devraient représenter entre 2 et 3 milliards d’euros de recettes supplémentaires pour l’ensemble des départements.

L’idéal aurait été de mettre en place un fonds de garantie global, mais le temps a manqué pour y parvenir. Aussi cet amendement de repli consiste-t-il à répondre à une demande de l’Assemblée des départements de France en créant un fonds de réserve, alimenté par les excédents de recettes. La création de cette nouvelle imputation comptable permet de sécuriser l’opération, afin que les départements puissent utiliser cette réserve en cas de retournement de conjoncture.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2022, le Gouvernement a annoncé qu’il ferait droit à votre demande et instituerait dès 2022 un mécanisme de provisionnement individuel des DMTO. Cette modification ne relève pas de la loi : elle suppose la modification du cadre budgétaire.

D’après les informations dont je dispose, les instructions budgétaire et comptable « M52 » et « M57 » d’un département ou d’une collectivité territoriale unique seront modifiées en ce sens et présentées au Conseil national d’évaluation des normes le 9 décembre prochain. Elles institueront les comptes correspondants, qui seront utilisables à compter du 1er janvier 2022. Votre demande sera donc bientôt satisfaite.

Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Monsieur Cazeneuve, vous avez eu raison de souligner qu’il s’agit de répondre à une demande de l’Assemblée des départements de France, à l’initiative notamment de son vice-président délégué aux finances, M. Jean-Léonce Dupont.

L’amendement est retiré.

Amendements CL144, CL149, CL150, CL151, CL152, CL153 et CL154 de M. Christophe Blanchet.

M. Christophe Blanchet. L’amendement CL144 a été inspiré par Jean-Léonce Dupont, président du conseil départemental du Calvados. Il s’agit de permettre aux départements d’atteindre une autonomie financière en procédant à une mise en réserve budgétaire de l’excédent des DMTO. Ces derniers constituent la deuxième ressource des départements et ils sont très volatils d’une année à l’autre – cette année, ils seront très élevés.

La mise en réserve serait possible après délibération du conseil départemental, avec une obligation de rendre compte annuellement des dotations ainsi mises en réserve.

Modifier la réglementation comptable permettra la constitution de réserves issues des DMTO lorsque le marché de l’immobilier est dynamique, afin de continuer à investir lorsque les recettes s’effondrent.

Les autres amendements, de repli, prévoient des barèmes décroissants pour le montant de ces mises en réserve.

Je prends note de l’engagement ferme de procéder rapidement aux modifications nécessaires du cadre comptable, mais nous serons vigilants.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Demande de retrait, pour les mêmes raisons que celles évoquées lors de la discussion de l’amendement précédent.

Les amendements sont retirés.

Article 53 ter (art. L. 1611-7-1 du code général des collectivités territoriales) Faculté des collectivités et de leurs groupements de recourir au financement participatif pour leurs investissements

Amendements de suppression CL1593 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL1143 de M. Sébastien Jumel.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les dispositions de cet article sont satisfaites par des avancées récentes de la législation.

En effet, le Parlement a adopté la loi du 8 octobre 2021 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine des transports, de l’environnement, de l’économie et des finances. Son l’article 48 ouvre la possibilité aux collectivités et à leurs groupements de confier à un organisme public ou privé l’encaissement de tout revenu tiré d’un projet de financement participatif.

Je vous propose donc de supprimer l’article 53 ter.

M. Pierre Dharréville. Mme la rapporteure considère que cet article est satisfait ; pour nous, il n’est pas satisfaisant.

Le service public repose sur le financement par l’impôt, avec une fonction de redistribution des richesses. C’est la condition de l’égalité de traitement de tous les citoyens. Nous sommes opposés au financement participatif des services publics, car cela peut à terme être un moyen pour l’État, voire pour les collectivités, de se dédouaner de leurs responsabilités. L’impôt doit demeurer le mode de financement des collectivités.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 53 ter est supprimé.

Article 53 quater (art. L. 1611-7-2 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Faculté pour les régions de confier par convention de mandat à des tiers l’encaissement et le paiement des aides économiques régionales

Amendement CL588 de M. Antoine Savignat et sous-amendement CL1667 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, amendement CL1390 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune).

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement CL588 propose d’étendre les possibilités de délégation à un organisme public ou privé, d’une part, de l’encaissement des recettes des services de transports mis en œuvre par les autorités organisatrices de la mobilité et, d’autre part, du paiement des dépenses de remboursement des usagers de ces services.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Avis favorable à l’amendement CL588, que je propose de compléter par un sous-amendement qui fait explicitement référence aux régions en tant qu’autorités organisatrices de la mobilité. Le sous-amendement intègre, en outre, les services de stationnement et les services numériques d’information et de billettique multimodales, qui permettent la vente de services de mobilité, de stationnement ou de services fournis par une centrale de réservation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable à l’amendement CL588 sous-amendé ; tout cela est un peu technique, mais utile.

La commission adopte successivement le sous-amendement CL1667 et l’amendement CL588 sous-amendé.

En conséquence, l’amendement CL1390 tombe.

La commission adopte l’article 53 quater modifié.

Après l’article 53 quater

Amendement CL701 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. À la différence d’autres collectivités, et en particulier des départements, les régions ne disposent souvent que d’un nombre limité de biens immobiliers. Ainsi, les présidents de conseil régional dont la résidence personnelle se situe en dehors de l’agglomération comprenant la commune chef-lieu de la région peuvent parfois se retrouver dans la situation de ne pouvoir bénéficier d’un logement dans un immeuble propriété de la collectivité. Cette réalité est d’autant plus pénalisante avec des régions qui sont aujourd’hui de grande taille.

Certes, le CGCT prévoit dans cette hypothèse la possibilité d’une indemnité de séjour. Mais l’article L. 4135-19-2 de ce code est imprécis quant aux modalités d’attribution. Il fait référence au plafond des indemnités journalières mais ne précise pas explicitement que l’indemnité de séjour peut servir à prendre en charge un loyer. Aussi le présent amendement apporte-t-il cette clarification, tout en maintenant la règle du plafond des indemnités journalières applicable par ailleurs à l’ensemble des fonctionnaires d’État.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le CGCT prévoit que le président du conseil régional peut bénéficier d’un logement de fonction, lorsque le domaine de la région comprend un tel logement. Il faudrait un état précis du nombre de présidents de conseil régional qui n’en disposent pas.

Le conseil régional peut également décider de prendre en charge des frais engagés pour être présent au chef-lieu de la région pour assurer la gestion des affaires de la région. Cela permet de proportionner la dépense au nombre de nuitées passées dans le chef-lieu pour assurer la gestion des affaires.

Ces possibilités de prise en charge me paraissent équilibrées.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis défavorable. L’amendement introduirait une indemnité forfaitaire basée sur une période de trente jours, ce qui est totalement en contradiction avec les modalités d’indemnisation de droit commun qui, en l’espèce, n’autorisent le versement d’une indemnité qu’au titre des seuls frais engagés pour être présent au chef-lieu de la région pour assurer la gestion des affaires de celle-ci. Ce sujet a été longuement débattu au Sénat, sans que ce dernier adopte le dispositif proposé par cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 53 quinquies (art. L. 2122-22, L. 3211-2 et L. 4221-5 du code général des collectivités territoriales) : Délégation aux exécutifs locaux de la conclusion de conventions en matière d’archéologie préventive

La commission adopte l’article 53 quinquies non modifié.

Article 54 (art. L. 3212‑3 et L. 5511‑4 du code général des collectivités territoriales) : Facilitation de la cession de biens meubles à titre gratuit par les collectivités

La commission adopte l’article 54 non modifié.

Article 55 (art. L. 5211‑9‑2 du code général des collectivités territoriales) : Clarification du délai de renonciation du président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre au transfert des pouvoirs de police spéciale

Amendement CL1159 de M. Paul Molac.

M. Jean-Félix Acquaviva. Cet amendement prévoit l’organisation d’un débat au sein de la conférence des maires ou, à défaut, du bureau communautaire, préalablement à la décision des maires de faire obstacle au transfert des pouvoirs de police spéciale.

L’objectif est que ce choix soit préparé en toute connaissance de cause grâce à une discussion entre les élus. Ce débat porterait, d’une part, sur l’opportunité du transfert des attributions de police au président de l’intercommunalité, pour la durée de son mandat, compte tenu de la nature des pouvoirs de police concernés et du lien avec les compétences exercées par l’intercommunalité. D’autre part, le débat aborderait les modalités d’exercice de ces pouvoirs de police administrative spéciale par les maires ou le président d’intercommunalité, selon les choix qui seront faits, en cohérence avec l’exercice de ses compétences par l’intercommunalité.

L’amendement ne remet pas en cause les choix effectués à la suite des élections de 2020 : ce débat a vocation à s’appliquer à partir des prochaines élections des présidents d’intercommunalité.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le sujet des polices spéciales est en effet important, mais je ne pense pas que votre proposition soit opportune.

La conférence des maires n’a pas d’ordre du jour obligatoire ; c’est une latitude bienvenue. Il est d’ores et déjà possible d’y discuter de tous les sujets. L’amendement est donc satisfait sur ce point. Rendre ce débat préalable obligatoire me semble d’autant plus inopportun que cela présente une difficulté juridique : un maire qui n’aurait pas pu y participer pourrait voir le transfert de son pouvoir de police spéciale annulé, alors même qu’il y était favorable.

Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement est satisfait. L’article L. 5211-9-2 du CGCT prévoit les modalités selon lesquelles les maires et le président de l’EPCI à fiscalité propre peuvent s’opposer ou renoncer au transfert automatique des pouvoirs de police spéciale. La décision d’opposition au transfert appartient au maire et, bien entendu, il peut la faire valoir à tout moment lors de la discussion sur ce transfert.

Demande de retrait.

M. Sébastien Jumel. Je soutiens cet amendement. On ne peut pas multiplier les déclarations d’amour aux maires sans que les actes suivent. Le pouvoir de police du maire est une fonction régalienne à laquelle il faut veiller comme à la prunelle de nos yeux.  On ne peut pas faire comme s’il n’y avait pas de problèmes de gouvernance dans des intercommunalités construites comme des mastodontes et de manière désincarnée.

Certes, le CGCT prévoit qu’un maire peut notifier par écrit son opposition au transfert des pouvoirs de police spéciale, mais nombreux sont les maires de petites communes qui n’ont pas une connaissance fine de ce code. Si la question n’a pas fait l’objet d’un débat formel au sein de la conférence des maires de l’intercommunalité, ils peuvent se faire rouler dans la farine et voir leurs pouvoirs de fait transférés.

M. Jean-Félix Acquaviva. Il ne s’agit pas de se substituer à la décision individuelle des maires, mais d’éclairer leur choix par un débat. Certains d’entre eux ont pu avoir des regrets au sujet de ces transferts automatiques, une fois expiré le délai de six mois au cours duquel il est possible de s’y opposer. Passé ce délai, on ne peut plus revenir sur le transfert de pouvoirs de police spéciale pendant toute la durée du mandat.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement de correction CL1606 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

La commission adopte l’article 55 ainsi modifié.

Article 55 bis (art. L. 5211‑4‑2 du code général des collectivités territoriales) : Modification du détenteur de l’autorité fonctionnelle sous laquelle sont placés les agents des services communs des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre

La commission adopte l’article 55 bis non modifié.

Article 56 (art. L. 5218‑2 et L. 5218‑7 du code général des collectivités territoriales) : Répartition des compétences au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence

La commission adopte l’article 56 non modifié.

M. Sébastien Jumel. Je souhaitais prendre la parole sur l’article.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Il n’y a pas d’amendement à l’article. Dans ce cas l’usage est de passer directement au vote, sans possibilité de s’inscrire sur l’article. Cela ne se fait qu’en séance.

M. Sébastien Jumel. Avec tout le respect que je vous dois, je ne comprends pas l’accélération subite de la discussion.

L’article 56 porte sur le sujet important du fonctionnement de la métropole Aix-Marseille-Provence, et il n’y a pas de débat. Or on apprend que le Gouvernement va rencontrer les élus concernés et présenter, le cas échéant, un amendement en séance. Et l’on ne dispose d’aucune indication du Gouvernement pour savoir à quelle sauce cette métropole va être mangée !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lorsque nous examinons un texte, toutes les questions peuvent être posées lors de l’audition des ministres concernés et de la discussion générale. Ensuite, la commission examine les amendements et chaque député peut intervenir à cette occasion. Mais s’il n’y a pas d’amendement, nous passons directement au vote de l’article. C’est ainsi que nous procédons depuis le début de la législature.

M. Sébastien Jumel. Avec quelques minutes de temps de parole lors de la discussion générale, il n’est pas possible d’évoquer tous les sujets abordés par un projet de loi qui comporte plus de 200 articles. Le vote éclairé du Parlement est inhérent au fonctionnement de la démocratie. Et ce encore plus s’agissant d’un sujet de cette importance, qui ne peut être balayé de cette manière.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinons ce texte depuis lundi. On ne peut donc pas dire que nous le faisons à la va-vite.

Après l’article 56

Amendement CL1144 de M. Stéphane Peu.

M. Pierre Dharréville. Les pratiques varient selon les commissions, madame la présidente. Cela dit, je pense que quand un débat est nécessaire il faut prendre le temps. En l’espèce, c’est le cas de cet article, même s’il ne s’agit que d’un article parmi beaucoup d’autres et qu’il traite de problèmes provençaux qui n’intéressent pas forcément tout le monde.

Plusieurs points sont soulevés à l’occasion de la modification du fonctionnement de la métropole Aix-Marseille-Provence : la répartition des compétences, les conseils de territoire – qui, d’après ce que nous savons, sont dans le viseur du Gouvernement – et les attributions de compensations.

Il est nécessaire d’améliorer les choses et c’est ce que les élus attendent. La métropole marseillaise ne fonctionne pas. Elle a été mal conçue et dans l’opposition des élus. Il faut donc prendre des décisions, mais qui aillent dans le bon sens.

Madame la ministre, je regrette que nous soyons informés par la publication d’un document de travail dans la presse, il y a deux jours. Nous avions espéré pouvoir travailler en commun, et ce document qui annonce les intentions du Gouvernement n’a été adressé qu’à certains élus. Pour ma part, je n’ai rien reçu. 

Je le dis une nouvelle fois, un consensus est possible. Mais on n’en prend pas le chemin. Il faut davantage d’écoute. J’ai le sentiment que l’administration centrale s’efforce d’obtenir ce qu’elle n’avait pas eu lors de la précédente législature. C’est franchement regrettable. On ne va pas régler le problème de la métropole marseillaise de cette façon-là.

Encore une fois, je suis disponible pour travailler à une solution qui puisse satisfaire très largement l’ensemble des élus concernés.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Lors des travaux menés avec les corapporteurs Bruno Questel et Maina Sage, nous avons entendu les acteurs locaux : l’union des maires des Bouches-du-Rhône, les présidents des conseils de territoire, la présidente de la métropole et le maire de Marseille.

Je partage votre avis sur l’intérêt de disposer de structures de proximité. La conférence des maires fonctionne bien et les discussions entre les acteurs locaux doivent avoir lieu.

En revanche, l’amendement est déclaratif et dépourvu de portée normative. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Peut-être est-il nécessaire que je rappelle que toutes les discussions que j’ai eues à ce sujet à Marseille se sont déroulées en présence de l’ensemble des députés et sénateurs, de la majorité comme de l’opposition – et donc de vous-même. Aucune autre réunion n’a eu lieu. Pour être parfaitement complète, je précise que j’ai, bien entendu, aussi eu des conversations téléphoniques avec le maire de Marseille et avec la présidente de la métropole.

Il est exact que le Gouvernement prépare un amendement, dont la rédaction sera achevée ce soir. Comme vous, je regrette qu’il y ait eu une fuite dans la presse. Je crois savoir, monsieur Dharréville, qu’on vous a déjà téléphoné pour vous donner une date de réunion et vous indiquer que l’amendement vous serait transmis.

Je suis toujours prête à entendre des critiques, mais en l’occurrence le Gouvernement n’a rien fait en dehors de la présence des quatre-vingt-douze maires de la métropole et de l’ensemble des députés et sénateurs des Bouches-du-Rhône. Nous continuons à travailler et, comme vous, je pense qu’on peut trouver une issue à ce dossier, ce qui est absolument nécessaire.

M. Pierre Dharréville. Ce que vous avez rappelé est exact, je le dis publiquement. Vous avez en effet organisé un certain nombre de réunions, auxquelles j’ai pu participer à chaque fois que j’étais invité.

Il n’y avait pas de mauvais esprit dans mes propos. Mais vous conviendrez qu’il est dommage de découvrir le matin des annonces dans deux pages du journal. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai insisté sur la nécessité de prendre le temps de débattre, madame la présidente. Ce sujet traîne depuis des années. Je regrette que cette réunion de commission ne nous permette pas de délibérer de la manière appropriée sur les propositions du Gouvernement.

J’espère que ses intentions, telles que rapportées par la presse, vont évoluer. Si elles demeurent en l’état, nous n’arriverons pas à un accord.

J’ai entendu quel était votre état d’esprit et je vous ai fait part du mien. Il faudra bien que nous arrivions à nous rencontrer.

Nous souhaitons marquer notre attachement aux conseils de territoire. Ils sont nécessaires au bon fonctionnement de la métropole ; sur ce point, les présidents de conseils de territoire qui ont été auditionnés sont unanimes. L’amendement mériterait donc d’autant plus d’être adopté que peu de choses fonctionnent au sein de la métropole Aix-Marseille-Provence.

M. Sébastien Jumel. Sur la forme, il ne s’agissait pas de vous manquer de respect, madame la présidente. Mais je ne regrette pas de vous avoir interpellée, car cela a permis d’obtenir un petit débat. Il est difficile de déposer des amendements sur un texte qui n’est pas consolidé.

En ce qui concerne le fond, même si l’analyse politique de Pierre Dharréville inspirera l’appréciation que notre groupe portera sur le texte, je sais aussi qu’il est d’accord avec moi lorsque je dis que l’avenir de la métropole Aix-Marseille-Provence n’est pas seulement le problème des habitants et des élus des Bouches-du-Rhône. C’est celui de la France. Depuis le début de l’examen de ce texte, je répète que je suis attaché à préserver l’unité de la République. Comme chaque citoyen, je suis donc tout autant intéressé par l’avenir de la métropole Aix-Marseille-Provence que par celui de la métropole de Lyon, évoquée lundi, ou de n’importe quelle partie du territoire national.

C’est donc au sein de cette commission que le débat doit avoir lieu. Qu’un amendement circule dans la presse avant que les parlementaires en soient saisis est déjà un problème en soi. Mais que les députés qui s’intéressent à la métropole Aix-Marseille-Provence ne puissent pas savoir en commission à quelle sauce cette métropole va être mangée, c’est aussi un problème.

Nous aurons l’occasion de revenir en séance sur cette question fondamentale.

La commission rejette l’amendement.

Article 57 (examen délégué à la commission des affaires sociales) (art. L. 1434-2 et L. 1434-3 du code de la santé publique) : Intégration d’un volet relatif à la coopération sanitaire transfrontalière dans les schémas régionaux de santé

La commission adopte l’article 57 non modifié.

Article 57 bis (examen délégué à la commission des affaires sociales) (art. L. 1434-12 du code de la santé publique) : Association aux communautés professionnelles territoriales de santé des professionnels exerçant dans les territoires étrangers frontaliers

La commission adopte l’amendement CL1262 de la commission des affaires sociales.

Elle adopte l’article 57 bis ainsi modifié.

Chapitre III
Coopération transfrontalière

Article 58 (supprimé) (art. L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales) : Consultation facultative des collectivités territoriales étrangères limitrophes sur le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET)

La commission maintient la suppression de l’article 58.

Après l’article 58

Amendement CL844 de Mme Virginie Duby-Muller.

M. Raphaël Schellenberger. Les dynamiques et les enjeux des territoires voisins doivent être mieux pris en considération dans les territoires frontaliers français afin de permettre de véritables stratégies d’aménagement partagées. Faute de reconnaissance dans notre droit, les documents d’aménagement français, tels les schémas de cohérence territoriale (SCOT), tiennent assez peu compte des stratégies arrêtées par nos voisins ou par les groupements publics de collectivités françaises et étrangères. L’amendement vise à ce que les SCOT prennent en compte les objectifs des schémas d’aménagement du territoire et des documents d’urbanisme réalisés par un groupement transfrontalier couvrant tout ou partie de leur périmètre.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cela risquerait de complexifier le contenu des SCOT et conduirait aussi, dans une certaine mesure, à donner aux documents de planification réalisés par les groupements transfrontaliers une valeur supérieure à celle des SCOT. Cet ajout ne me paraît donc pas opportun. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement est totalement inutile. L’article L. 131-10 du code de l’urbanisme prévoit que les documents d’urbanisme applicables aux territoires frontaliers prennent en compte l’occupation des sols dans les territoires des États limitrophes. Le droit actuel permet déjà aux documents d’urbanisme tels que les SCOT de prendre en compte les documents d’urbanisme et de planification des territoires frontaliers. Par ailleurs, l’ordonnance du 17 juin 2020 a clarifié et simplifié les liens unissant les différents documents : un lien de compatibilité a principalement été retenu.

Enfin, les périmètres d’intervention des collectivités territoriales nationales et de leurs groupements, d’une part, et ceux des groupements transfrontaliers, d’autre part, ne sont pas nécessairement identiques, et les acteurs en présence ne sont pas tous les mêmes. Le dispositif proposé complexifierait la situation, en particulier la hiérarchie des normes applicables.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 58 bis (article L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales) : Association des départements à l’élaboration du SRADDET

Amendements de suppression CL1594 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL780 de la commission du développement durable.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit de supprimer une disposition, introduite par le Sénat, qui associe les départements à l’élaboration des SRADDET, d’une façon systématique et non plus, comme en l’état du droit, pour les seuls aspects relatifs à la voirie et à l’infrastructure numérique. Il est logique de n’associer les départements à l’élaboration des SRADDET que dans le cadre des compétences qui leur sont dévolues. Il ne me semble donc pas souhaitable de modifier la procédure actuelle.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

M. Raphaël Schellenberger. Voilà une logique intéressante ! Les collectivités territoriales seraient finalement les seules institutions, publiques ou privées, qui ne pourraient s’exprimer que dans un champ restreint de thématiques lors de l’élaboration des SRADDET, alors que ces documents font l’objet de larges consultations, auprès de quasiment tout le monde, voire de n’importe qui. Les collectivités locales, élues démocratiquement, n’auraient la parole que pour les infrastructures de voirie et l’infrastructure numérique. Pour tout le reste, on ne voudrait pas les entendre. C’est dommage.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les départements sont associés à la définition des SRADDET dans le cadre de leurs compétences. On ne va pas compliquer la situation. Les SRADDET relèvent des régions.

M. Sébastien Jumel. Si je me trompe, dites-le-moi, je ne m’en formaliserai pas.

La loi « climat et résilience » a donné aux SRADDET, notamment pour les questions d’artificialisation des sols, des compétences et des objectifs qui ont des conséquences immédiates sur la capacité de construire. Un maire rural confronté à la question du risque incendie, à un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI), à un plan de prévention des risques naturels (PPRN) et désormais aux objectifs du SRADDET en matière d’artificialisation des sols ne peut plus défendre une ruralité vivante.

À ma connaissance, les départements ont une compétence en matière de programme local de l’habitat (PLH), qui couvre le logement, notamment social, et l’accompagnement des collectivités dans ce domaine. Que les départements ne puissent pas, dans d’autres domaines que la voirie et les infrastructures numériques, émettre un avis sur le SRADDET, qui va percuter de plein fouet leurs compétences en matière de logement, me préoccupe beaucoup. De plus, les SRADDET, déjà compliqués pour les élus, qui ont de l’expertise, sont des usines à gaz incompréhensibles pour les gens. C’est on ne peut plus technocratique alors que cela touche le quotidien. Les SRADDET sont aux SCOT et aux PLU ce que la Constitution européenne est à la Constitution nationale : ils sont « supracommunaux » et « supradépartementaux ». Il est donc utile d’ouvrir la voie à des co-élaboration avec les départements et même avec les communes.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 58 bis est supprimé.

Après l’article 58 bis

Amendement CL777 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. Les SRADDET doivent intégrer diverses obligations, notamment celles issues de la loi « climat et résilience » et de l’article 16 de la loi d’orientation des mobilités.

Si la loi « climat et résilience » autorise les régions à ne recourir qu’à la procédure de modification de leur schéma pour intégrer ces obligations, la somme des modifications à opérer conduira inévitablement tout ou partie des régions à réviser leur schéma. Or cette procédure est beaucoup plus lourde, beaucoup plus chronophage et beaucoup plus coûteuse.

Pour remédier à cette difficulté, il est nécessaire d’alléger la procédure de révision des SRADDET en remplaçant l’enquête publique par une procédure de consultation du public dont les modalités seraient fixées par délibération du conseil régional.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. J’y suis défavorable pour plusieurs raisons.

Tout d’abord, la soumission du projet de schéma à enquête publique est prévue depuis le début. Cela permet d’assurer le respect des obligations découlant de la Charte de l’environnement relatives à l’élaboration et au contenu du schéma.

Vous avez aussi rappelé qu’il existe une procédure de modification des SRADDET qui est plus souple que celle de leur révision. Le premier alinéa de l’article L. 4251-9 du code général des collectivités territoriales prévoit que lorsque les modifications ont pour objet l’intégration de nouvelles obligations directement imposées par la loi ou n’ont pas pour effet de porter atteinte à son économie générale, le SRADDET peut être modifié sur proposition du président du conseil régional. Une simple concertation est alors prévue, ce qui permet de simplifier la procédure. Un allègement a eu lieu, vous l’avez dit, dans la loi « climat et résilience ». En revanche, une révision de grande ampleur devra nécessairement suivre la même procédure que celle employée pour l’élaboration initiale du schéma.

La commission rejette l’amendement.

Article 58 ter (article L. 4251-14 du code général des collectivités territoriales) : Association des départements à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation

Amendements de suppression CL1595 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL762 de M. Paul Molac.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement tend à supprimer l’article 58 ter qui associe les départements à l’élaboration du schéma régional de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII).

Les départements ne disposent plus de compétences principales en matière de développement économique, il n’est donc pas logique d’en faire des acteurs de l’élaboration de ce schéma stratégique dans le domaine économique, au côté des métropoles et des EPCI à fiscalité propre. Le bloc communal, lui, dispose d’une compétence exclusive en matière d’immobilier d’entreprises qui justifie son association à l’élaboration du SRDEII.

Par ailleurs, le projet de schéma est présenté et fait l’objet d’une discussion dans le cadre des conférences territoriales de l’action publique (CTAP), dont les départements sont membres. Ils disposent donc déjà d’instances dans lesquelles ils peuvent faire valoir leur point de vue.

La crise sanitaire ne justifie pas un tel retour sur les équilibres en matière de compétence économique. La mise en place immédiate de fonds régionaux démontre que les régions ont pleinement su se mobiliser et mobiliser les EPCI aux côtés de l’État. Nombre d’entre eux ont contribué par des conventions à leur financement.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 58 ter est supprimé.

Article 58 quater (article L. 751-2 du code de commerce) : Association des collectivités territoriales étrangères et des groupements européens de coopération transfrontalière aux travaux de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC)

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1639 et CL1640 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 58 quater modifié.

Après l’article 58 quater

Amendement CL902 de Mme Emmanuelle Ménard.

Mme Emmanuelle Ménard. Cet amendement tend à modifier la composition de la commission départementale d’aménagement commercial (CDAC) : je souhaite y inclure le maire de la commune la plus peuplée de la zone de chalandise. Il s’agit de redonner aux élus locaux les moyens de contrôler réellement l’extension des zones commerciales proches, pour s’assurer qu’elles ne portent pas préjudice au développement des commerces dans les centres-villes. Sont en particulier visées les villes moyennes qui essaient de relancer leurs centres, dans le cadre des plans Action cœur de ville. Il arrive que des villages alentour veuillent monter des centres commerciaux, des galeries commerciales parfois surdimensionnées, et le maire de la commune-centre ne fait pas forcément partie de la CDAC.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le maire de la commune d’implantation siège déjà dans la CDAC, et les cas que vous avez évoqués sont finalement réglés dans ce cadre. Sinon, il existe aussi des instances nationales. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. On ne peut pas prendre une décision de cette manière – ce serait très mal vu par les élus locaux. Il peut y avoir deux maires dans les CDAC. Normalement, les associations des maires, dont on sait qu’elles sont très représentatives et démocratiques, régulent.

Cela se passe plutôt cordialement dans les départements, mais je comprends le fond de votre argumentation : vous évoquez des communes périphériques qui peuvent avoir des tentations. Il faudrait mener une réflexion globale, plutôt que d’agir au détour d’un amendement, mais le raisonnement est juste.

M. Sébastien Jumel. À ma connaissance, les opérations de revitalisation de territoire (ORT) que vous avez créées permettent aux maires de la commune la plus concernée par la question des commerces en cœur de ville de transmettre un avis à la CDAC, alors que ce n’était pas le cas auparavant.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis intervenue à deux ou trois endroits dans des communes concernées par Action cœur de ville, où on réalise des investissements et où il y avait des projets de construction de grandes surfaces en périphérie, parfois dans des communes proches et parfois dans la commune elle-même. On a laissé le choix : soit la grande surface, soit Action cœur de ville. Le bon choix a toujours été fait.

La commission rejette l’amendement.  

Amendements identiques CL859 de M. Sylvain Waserman, CL1309 de M. Antoine Herth et CL1393 de M. Christophe Arend, amendements identiques CL858 de M. Sylvain Waserman, CL1310 de M. Antoine Herth et CL1392 M. Christophe Arend (discussion commune).

M. Sylvain Waserman. Le projet de loi comporte un titre consacré à la coopération transfrontalière. Je crois que c’est le premier texte qui le fait depuis le début de la législature. Le traité d’Aix-la-Chapelle, dont nous avons autorisé la ratification, prévoit la création d’un comité de coopération transfrontalière, qui fonctionne réellement depuis l’arrivée des secrétaires généraux pour la coopération franco-allemande en décembre dernier. Quel est le but ? Il s’agit d’apporter des réponses aux problèmes concrets dans la vie des gens qui habitent dans les territoires frontaliers, les « irritants du quotidien ».

Ces amendements sont les premières réponses issues des travaux du comité. Depuis 2016, les courses à pied qui avaient l’habitude de partir d’Allemagne et de faire une boucle en France en traversant un pont, pour brasser les sportifs et les populations, ne peuvent plus le faire puisque la France impose un certificat médical, contrairement à l’Allemagne. Les courses doivent donc rester de l’autre côté du pont.

M. Sébastien Jumel. Il n’y a qu’à changer le sens de la course !

M. Sylvain Waserman. Vous en riez, monsieur Jumel, mais tous ces problèmes concrets de la vie quotidienne des citoyens frontaliers ne doivent pas être pris à la légère. C’est parce qu’on a toujours tendance à considérer qu’ils doivent passer après tout le reste qu’on ne s’y est jamais intéressé.

Mes deux amendements visent à résoudre les problèmes des sportifs. Lorsqu’ils sont licenciés d’une fédération allemande, ils pourront s’inscrire dans une course française au même titre que les licenciés français, et les conditions d’inscription pourront dépendre du lieu de résidence, ce qui permettra de s’affranchir du problème. Je vous propose pour cela deux amendements : mon premier amendement, qui prévoit la reconnaissance des licences sportives étrangères, est peut-être déjà satisfait, mais pas le second, qui permettrait, pour l’inscription à une compétition sportive, l’application de la réglementation en vigueur sur le lieu de résidence du sportif.

M. Antoine Herth. La France exercera la présidence du Conseil de l’Union européenne au premier semestre de l’année prochaine. Il faut évidemment travailler sur les politiques d’avenir au sein de l’Europe et convaincre nos partenaires d’avancer sur certains sujets, mais il faut agir également aux étages inférieurs. On doit, comme le prévoit le traité d’Aix-la-Chapelle, faire avancer des projets concrets et permettre tout simplement aux collectivités et aux citoyens de se rencontrer et de travailler ensemble sur le terrain. C’est aussi comme cela qu’on fera vivre l’esprit européen, et c’est en ce sens que nous avons déposé ces amendements.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’application de la réglementation en vigueur dans le lieu de résidence me paraît une mesure de simplification bienvenue, de nature à encourager les projets sportifs transfrontaliers, et proportionnée au but que vous visez. Un sportif dont le pays d’origine n’exige pas de certificat médical pourrait ainsi participer à une compétition organisée en France sans avoir à présenter un certificat.

En revanche, la reconnaissance des licences délivrées par une fédération d’un pays frontalier, que vous souhaitez inscrire dans la loi, me paraît satisfaite. Votre amendement prévoit que les fédérations « peuvent » reconnaître les licences délivrées par une fédération d’un pays frontalier ; or il revient aux fédérations d’établir leur régime, et celles-ci peuvent décider de cette reconnaissance. En préciser la possibilité sur le territoire d’un groupement européen de coopération territoriale (GECT) ou d’une zone de coopération transfrontalière ne me paraît pas nécessaire ; cela pourrait même créer un a contrario.

Je donne donc un avis favorable aux amendements CL858, CL1310 et CL1392, et vous demanderai de bien vouloir retirer les autres.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Mme la rapporteure a parfaitement exposé la question. Même avis.

M. Sébastien Jumel. Je ne voudrais pas laisser croire à mon éminent collègue Sylvain Waserman que je me suis moqué des préoccupations concrètes et légitimes des habitants des territoires transfrontaliers. Ce qui m’a fait sourire, c’est que les capitaux circulent entre les pays sans avoir besoin de certificats ni de contrôles, alors qu’il faudrait s’en préoccuper. Ce qui est risible, par ailleurs, c’est que ceux qui s’intéressent à ces questions en ce moment nous parlent d’un temps que ceux qui n’ont vécu que ce quinquennat ne peuvent pas connaître : le durcissement des mesures de contrainte sur les transports au sein de nos départements nous privera peut-être, dans trois jours, de toute possibilité de déplacement. Vous faites partie de ceux qui ont réduit les libertés fondamentales d’une manière préoccupante ces derniers temps. Voilà ce qui me faisait rire.

M. Raphaël Schellenberger. Heureusement qu’on peut en rire – je ne parle pas des sportifs frontaliers qui subissent cette situation mais de l’inconséquence des règles qu’on applique dans ce genre de cas. Elles sont ridicules.

Je suis tout à fait d’accord avec la volonté de nos collègues de régler ce problème, mais je crains que la façon dont ils veulent le traiter, en créant une nouvelle règle, n’apporte pas de solution. Face à un effet de bord, on va en effet décaler le dispositif et créer un autre effet de bord : il faudra que la course se déroule au sein d’un groupement de coopération de coopération territoriale. Que se passera-t-il si elle est à cheval sur deux territoires ?

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il n’y a quand même pas cinquante groupements.

M. Raphaël Schellenberger. Avez-vous déjà regardé à quoi ressemble une carte représentant ces groupements, madame la ministre ? Il y en a plusieurs rien que dans ma circonscription, et elle ne compte pourtant pas beaucoup de frontières.

Vous prévoyez, par ailleurs, d’appliquer la règle du pays d’origine, ou plutôt de résidence, des participants. Cela veut dire que l’organisateur allemand d’une course qui traverse la frontière pour venir en France devra contrôler où le coureur habite pour savoir s’il lui demande ou non un certificat médical. Il faut corriger ce biais, mais l’intention est bonne.

M. Sylvain Waserman. Il ne s’agit pas de légiférer pour ajouter une norme, mais d’enlever des verrous qui existent dans notre droit. Quand l’organisateur d’une course se heurte à un problème tout simple comme celui-là, on lui répond à la préfecture que la loi interdit clairement d’apporter les solutions que nous proposons. Nous allons corriger des effets de bord qui se produisent aux frontières du fait des dissonances entre les droits. Je regarderai d’ici à la séance la question du problème qui pourrait se poser entre plusieurs GECT.

Je vais retirer mon premier amendement. Les clarifications qui ont été apportées sont très importantes : il y a encore des doutes sur le terrain.

Les amendements CL859, CL1309 et CL1393 sont retirés.

La commission adopte les amendements CL858, CL1310 et CL1392.

Amendements identiques CL681 de M. Sylvain Waserman, CL1308 de M. Antoine Herth et CL1391 de M. Christophe Arend.

M. Sylvain Waserman. Mon amendement traite d’un problème crucial et concret qui concerne de jeunes apprentis en zone frontalière : si leur organisme de formation se trouvait à Strasbourg, par exemple, leur entreprise ne pouvait pas être de l’autre côté du Rhin, ce qui les privait de débouchés. Brigitte Klinkert, qui siège au comité de coopération transfrontalière, a donc essayé de voir avec vous, madame la ministre, et avec la ministre du travail, quelle pouvait être la solution. Une mission de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a permis d’y travailler. Ces amendements visent à clarifier la situation. Les perspectives de croissance de l’apprentissage transfrontalier présentent un réel intérêt pour nos jeunes.

M. Rémy Rebeyrotte. Il s’agit de compléter ce qui a été fait par la collectivité européenne d’Alsace (CEA) pour permettre de mieux travailler sur le plan transfrontalier – c’était un des éléments clefs lors de la création de cette collectivité. Tout cela va dans le sens de la fluidité et de la capacité à faire Europe.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Après les brillants exposés de mes collègues, je ne peux que donner un avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis, évidemment.

M. Raphaël Schellenberger. Ce n’est pas parce que ce sont un Alsacien et le rapporteur du projet de loi créant la CEA qui se sont exprimés que les amendements ne concernent que ce territoire. D’autres territoires frontaliers sont confrontés au même problème.

La commission adopte les amendements.

Amendements CL1351, CL1361 et CL1400 de M. Sylvain Waserman.

M. Sylvain Waserman. La foire européenne de Strasbourg, qui est connue et existe depuis des décennies, rassemble beaucoup de PME françaises et allemandes. Tout se passait très bien jusqu’au jour où la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a fait une descente et a infligé une contravention à tous les stands allemands dont les documents n’étaient pas traduits en français.

Je suis un ardent défenseur de la langue française, mais je pense qu’elle ne serait pas en péril si un artisan allemand de la foire européenne de Strasbourg continuait à avoir un stand en allemand. Nous proposons qu’avec l’accord du préfet, car on ne doit pas faire n’importe quoi, la langue du pays voisin puisse être acceptée dans le cadre de tels événements, à caractère bilatéral ou international.

Je suis néanmoins conscient que des difficultés d’application peuvent se poser, notamment en matière de droit de la consommation et des risques potentiels pour certains produits. Il faudra peut-être retravailler sur ce point d’ici à la séance, mais les stands en allemand de la foire européenne de Strasbourg doivent pouvoir continuer à exister.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement CL1351 permettrait l’usage de la langue du pays frontalier dans les documents commerciaux ou destinés au public lors des foires ou d’évènements internationaux, sur autorisation du préfet, et vous avez prévu des solutions de repli, par exemple uniquement pour les territoires frontaliers de l’Allemagne.

Il ne me paraît pas opportun de créer des dérogations à l’article 2 de la loi Toubon, qui n’a pas été modifiée depuis son adoption en 1994 : elle apporte une garantie importante aux consommateurs. Si vous vendez sur un marché des saucisses, la question ne se pose pas de la même manière que si vous vendez des produits électroniques. Je vous propose de retirer les amendements pour travailler à une nouvelle rédaction en vue de la séance. Il faut adopter un dispositif aussi pertinent que possible pour permettre ces foires tout en garantissant la sécurité des consommateurs.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Retravailler un peu sur ces amendements me paraît une bonne idée.

M. Sébastien Jumel. L’existence de spécificités liées aux territoires transfrontaliers, et nécessitant des ajustements, ne m’avait pas échappé. Je suis frontalier de la Grande-Bretagne, avec laquelle l’entente n’est pas cordiale en ce moment – j’espère qu’on va faire respecter la voix des pêcheurs –, mais nous avions tout de même l’habitude d’avoir des marchés conjoints, des initiatives communes et des opérations de promotion autour du lien transmanche. Je ne vois pas pourquoi on n’appliquerait pas ce que vous proposez à d’autres frontières, en vertu du principe d’égalité devant la loi. J’imagine qu’il existe aussi des initiatives transfrontalières fréquentes dans le Béarn, à la frontière avec l’Espagne. En tant que député de la nation, j’ai le souci que ce principe d’égalité soit respecté. 

M. Raphaël Schellenberger. C’est prévu dans les amendements : sauf celui de repli, ils ne concernent pas que les territoires frontaliers de l’Allemagne.

Il ne s’agit peut-être pas du bon texte, je peux l’entendre, mais les dispositions proposées ciblent des événements commerciaux très particuliers, qui sont soumis à des règles, notamment de droit commercial pour les garanties ou les échanges, elles-mêmes particulières. On n’achète pas dans les mêmes conditions lors d’une foire que dans un supermarché ou un magasin spécialisé. Un droit particulier s’applique, et les garanties dont bénéficie le consommateur sont également assurées de cette manière ; elles ne dépendent pas uniquement de la langue utilisée pour la transaction et les éléments qui l’accompagnent.

Dans un territoire frontalier tel que l’Alsace, il reste des personnes qui s’en sortent aussi bien avec une notice en allemand qu’avec une notice en français et peut-être aussi, mais de moins en moins, qui s’en sortiraient mieux avec une notice en allemand. Il y a encore quinze ans, on distribuait également la propagande électorale en allemand parce que toute une génération n’a appris que cette langue à l’école. Oui, il faut protéger la langue française, mais des langues se croisent souvent dans les territoires frontaliers, et ce n’est pas un drame de le permettre dans ces lieux de rencontre et d’échange que sont les foires et les salons.

M. Sylvain Waserman. Je retire ces amendements pour les retravailler en vue de la séance, mais je voudrais revenir sur un point. J’ai trop souvent entendu dire que si on fait quelque chose à un endroit, il faut le faire partout. Je comprends cette logique mais en l’occurrence je la conteste, non pas seulement du fait de mes convictions mais parce que nous avons signé un traité avec l’Allemagne, celui d’Aix-la-Chapelle. Il prévoit des convergences entre la France et l’Allemagne, y compris par des accords sur la frontière dérogeant au droit national, dans un cadre naturellement validé par la loi. De tels traités n’existent pas avec l’Espagne, le Luxembourg ou la Belgique, mais j’en serai très respectueux le jour où ils seront signés.

J’ai trop souvent entendu dire dans l’administration française qu’on ne peut rien faire chez nous parce qu’un problème se poserait au pays basque. Depuis que le traité d’Aix-la-Chapelle a été signé, le franco-allemand ne va pas à la vitesse du plus lent mais s’inscrit dans une nouvelle dynamique. Voilà l’intention et l’enjeu de ces amendements.

M. Jean-Félix Acquaviva. Vivement alors le traité du Quirinal avec l’Italie, pour que la Corse puisse avancer de la même manière. Je soutiens évidemment la demande de notre collègue.

Les amendements sont retirés.

Article 59 (art. L. 1522-1 et L. 1531-1 du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour les collectivités territoriales et groupements étrangers de participer au capital des sociétés publiques locales

Amendement de suppression CL647 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Nous réaffirmons notre opposition à ce que des collectivités territoriales étrangères puissent participer au capital de sociétés publiques locales françaises. Il paraît dangereux d’ouvrir leur capital à des collectivités étrangères dont les objectifs, les besoins et les intérêts sont fondamentalement différents de ceux des collectivités françaises.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 59 rend possible la participation de collectivités territoriales étrangères et de leurs groupements au capital des SPL. Cela répond à un véritable besoin : ces structures favoriseront les projets communs, par exemple la réalisation de services de transports ou de réseaux transfrontaliers, en en mutualisant les coûts. J’ajoute qu’il est déjà possible de créer des sociétés d’économie mixte locales transfrontalières.

La rédaction proposée encadre le recours à ces sociétés. D’abord, l’objet social des SPL transfrontalières ne pourra inclure, par définition, que des activités relevant de la compétence des collectivités ou groupements français actionnaires. Ensuite, je proposerai de réintroduire la limitation de la part de capitaux des collectivités étrangères, que le Sénat a supprimée. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis d’accord avec la rapporteure. Le texte initial prévoyait que les capitaux français représentent au moins 50 % du total. Le Sénat a supprimé cette clause. Je vous invite à retirer votre amendement, au profit de ceux qui vont suivre, qui réintroduisent ce seuil de 50 %.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL1600 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, CL1086 de M. Sylvain Waserman, CL1289 de M. Christophe Euzet et CL1394 de M. Christophe Arend.

M. Sylvain Waserman. Je me réjouis que ce projet de loi permette l’entrée de collectivités étrangères au capital des SPL. Cette disposition va répondre à des problèmes qui se posent concrètement aux collectivités. À Strasbourg, par exemple, alors que les trams traversent le pont pour aller jusqu’à Kehl, cette ville n’avait pas la possibilité d’entrer au capital de la compagnie des transports strasbourgeois, parce que c’est une SPL. Ce sera désormais possible.

Il me semble toutefois important de prévoir un garde-fou, en limitant la part des capitaux étrangers. Nous proposons donc de revenir à la rédaction initiale du projet de loi. Madame la ministre, puisque c’est le dernier amendement issu des travaux du comité transfrontalier, je tiens à vous remercier, vous et toutes vos équipes, pour votre écoute.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 59 modifié

Après l’article 59

Amendement CL839 de Mme Virginie Duby-Muller. 

M. Raphaël Schellenberger. Ma collègue Virginie Duby-Muller, est élue de Haute-Savoie, un département largement concerné par les problématiques transfrontalières. Elle propose que l’État désigne un point de coordination transfrontalière national, qui s’inscrirait dans le cadre de la proposition de règlement portée par la Commission européenne, visant à la création d’un mécanisme européen transfrontalier. Il s’agit, une fois encore, de simplifier la vie des habitants de ces territoires transfrontaliers.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je comprends la préoccupation, mais ces dispositions relèvent du domaine réglementaire. Par ailleurs, la référence à un « point de coordination transfrontalière national » est trop imprécise.

Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. J’ajoute que le Gouvernement a instauré des conseillers diplomatiques auprès des préfets de région pour renforcer le dialogue et la prise en compte de la dimension européenne et étrangère dans les enjeux locaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1684 du Gouvernement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous vous proposons un dispositif qui permettrait de répondre aux besoins de mutualisation d’équipements, de services et de moyens entre les collectivités territoriales, les établissements publics d’enseignement supérieur (EPES) et les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS). Cette proposition vise à gagner en efficacité et en simplicité dans la gestion de projets de construction, de rénovation ou d’aménagement de campus, y compris dans le domaine du logement.

Il s’agit également de sécuriser et de faciliter les processus de décision des organes délibérants des actionnaires de la société, d’institutionnaliser le partenariat existant entre collectivités territoriales, EPES et CROUS, et de faciliter l’engagement des EPES et des CROUS dans des projets d’aménagement urbains partagés avec les acteurs de leur territoire d’implantation, au service de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Ces opérations présentent un véritable intérêt pour les collectivités, puisque l’implantation d’établissements d’enseignement supérieur constitue un élément de valorisation et d’attractivité du territoire. Plusieurs amendements avaient été déposés pour permettre ce type d’opérations, sous une forme différente car ils prévoyaient la possibilité de créer des SPL, mais ils sont tombés sous le couperet de l’article 40. La mesure que vous proposez, madame la ministre, me semble attendue et j’y suis évidemment favorable.

M. Ugo Bernalicis. Pour ma part, je ne suis pas du tout favorable à cet amendement. Il va favoriser les partenariats avec des structures privées, dans une logique de marché, alors que cela fait des années que les CROUS ont des difficultés à conclure des partenariats classiques avec certaines collectivités territoriales, à obtenir des terrains et à lancer des opérations avec des bailleurs sociaux publics.

Ce que vous voulez, c’est que le CROUS cesse d’être un opérateur du logement, et que ne s’en chargent désormais que les seules collectivités locales et structures privées – celles-là mêmes qui profitent du manque de moyens des CROUS. En ne donnant pas assez de moyens au centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS), donc aux CROUS, on favorise en réalité le secteur privé.

C’est ce que l’on observe depuis sept ou huit ans. Sous le précédent quinquennat avait été lancé un plan de construction de 80 000 logements étudiants, dont la grande majorité avaient été construits dans le parc privé. À force, certains CROUS finissent par avoir le fonctionnement de n’importe quelle entreprise privée. À une époque – je n’étais pas né –, le logement et les repas étudiants étaient subventionnés. Aujourd’hui, le logement étudiant n’est plus financé par l’État : les étudiants sont obligés de le financer eux-mêmes et les CROUS sont mêmes bénéficiaires. Ce n’est pas l’idée que je me fais du service public.

Votre amendement ne fait que parachever une évolution à laquelle je m’oppose. Je suis pour des œuvres universitaires fortes, qui aient les moyens de fonctionner et qui n’aient pas besoin d’être amalgamées dans des structures de droit privé pour gratter quelques logements étudiants. Les CROUS ne seront bientôt plus que des gestionnaires, ils se contenteront de mettre des étudiants dans un logement, au profit d’autres structures.

M. Sébastien Jumel. J’avoue ne pas être en mesure de me prononcer sur cet amendement. S’il s’agit de permettre aux SPL de conclure des partenariats intelligents pour améliorer l’offre de logements étudiants, j’y suis plutôt favorable. Mais j’entends aussi les craintes de mon collègue Ugo Bernalicis et je veux m’assurer que l’on n’est pas en train d’ouvrir la voie à des partenariats publics-privés, qui entraineraient une sorte de privatisation des CROUS, ce à quoi je m’oppose. Je vais prendre le temps d’expertiser l’amendement gouvernemental, afin de voter en connaissance de cause lors de l’examen du texte en séance publique.

M. Jean-Félix Acquaviva. Notre groupe avait déposé un amendement qui a été jugé irrecevable. Il portait sur les sociétés publiques locales universitaires (SPLU), ce qui est un peu différent, et répondait à une demande forte de la fédération des entreprises publiques locales. Nous avons en Corse la plus petite université de France et de Navarre. Pour une ville université, où le corps urbanistique et le campus se confondent, il y avait un intérêt à ne pas aborder séparément logement étudiant et aménagement urbain. Le débat sur les SPLU universitaires ne devrait pas être enterré aussi vite, compte tenu de l’intérêt que ces sociétés peuvent avoir dans des tas de domaines et dans de nombreuses villes universitaires.

La commission adopte l’amendement.

Article 59 bis (art. L. 3432-1 à L. 3432-3 [nouveaux] du code général des collectivités territoriales) : Extension à l’ensemble des départements frontaliers des compétences reconnues à la Collectivité européenne d’Alsace en matière transfrontalière

Amendements de suppression CL1596 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL771 de M. Paul Molac. 

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 59 bis étend à toutes les collectivités frontalières les prérogatives octroyées à la seule collectivité européenne d’Alsace. Or les dispositions applicables à la CEA faisaient l’objet d’un consensus local entre toutes les collectivités concernées, et je ne suis pas favorable à leur extension systématique à tous les départements frontaliers. C’est pourquoi je vous demande la suppression de l’article 59 bis.

M. Paul Molac. Les départements frontaliers sont effectivement confrontés à des problèmes particuliers, et c’est précisément pourquoi il n’est pas souhaitable de généraliser ce qui se fait dans la collectivité européenne d’Alsace.

De plus, il existe déjà, à l’échelle européenne, des coopérations transfrontalières entre régions. Ne prenons pas le risque d’avoir des schémas départementaux qui ne seraient pas concordants avec ceux des régions. Cela paraît en tout cas un peu prématuré.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 59 bis est supprimé.

Chapitre IV
Mesures de simplification de l’action publique locale en matière d’aménagement et d’environnement

Article 60 (art. L. 218-1, L. 218-3, L. 218-4, L. 218-8, L. 218-11 à L. 218-13 du code de l’urbanisme, art. L. 132-3 et L. 192 [nouveau] du code de l’environnement) : Élargissement du droit de préemption des terres agricoles sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable

Amendement CL1037 de Mme Sylvia Pinel. 

M. Paul Molac. L’article 60 étend le droit de préemption aux syndicats mixtes compétents, en sus des communes et des groupements de communes, et vise à permettre à l’ensemble de ces titulaires de déléguer ce droit aux régies dotées de la personnalité morale et de l’autonomie financière.

Il est préférable de réserver l’exercice du droit de préemption sur tout ou partie d’une aire d’alimentation de captages aux seuls titulaires que sont les communes, les groupements de communes et les syndicats mixtes compétents, qui doivent en conserver la pleine maitrise. Les titulaires précités, qui demeurent les garants de l’intérêt public, disposeront toujours de la faculté de rétrocéder, le cas échéant, le foncier acquis à des régies si cette rétrocession se révèle nécessaire.

En conséquence, le présent amendement vise à supprimer la possibilité de délégation à un établissement public local visé à l’article L. 2221-10 du code général des collectivités territoriales.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Une commune, un EPCI à fiscalité propre ou un syndicat peut déléguer tout ou partie de sa compétence en matière d’eau potable à un établissement public créé à cet effet. Dans ce cas de figure fréquent, la compétence n’est pas exercée en régie directe, mais par l’intermédiaire d’une régie « personnalisée ». L’article 60 prévoit que l’autorité compétente puisse aussi déléguer à cet établissement public local l’exercice de son droit de préemption de terrains agricoles pour la préservation des ressources en eau potable.

La possibilité de délégation du droit de préemption me paraît tout à fait pertinente, car les établissements publics locaux compétents disposent d’une connaissance des enjeux relatifs à la qualité de l’eau qui les rend aptes à identifier les parcelles à préempter.

Avis défavorable à l’amendement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis. J’ajoute que, dans certains cas, comme à Paris, Nice ou Metz, ce sont des établissements publics locaux qui exploitent le service d’eau potable. C’est le cas pour 6,2 millions de Français. Par ailleurs, l’exercice du droit de préemption délégué aux établissements publics locaux s’exerce sous le contrôle de l’État, par la voie de l’autorité préfectorale. C’est une possibilité, ce n’est en rien une obligation.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1642 et CL1641 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteur.

Amendement CL852 de M. Michel Castellani.

M. Jean-Félix Acquaviva. L’article 60 enrichit les dispositions relatives au droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine aux surfaces agricoles dans l’aire d’alimentation de captages. Il est donc indispensable que les acteurs fonciers de ces territoires travaillent en bonne intelligence, notamment en concertation avec les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER), tout en respectant l’esprit qui a inspiré l’élaboration de l’article 60. Il s’agit de renforcer la compatibilité entre l’agriculture et l’environnement.

Le présent amendement a pour objet d’apporter une précision de bon sens, sans limiter la possibilité d’analyse et d’intervention éventuelle des communes.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je ne suis pas favorable à ce que l’on impose aux communes ou à leurs groupements de se concerter lors de l’exercice du droit de préemption. Les SAFER sont partie prenante de toute la gestion du foncier agricole et des enjeux de préservation de ce patrimoine, dont découlent les questions de l’eau. La loi prévoit déjà leur consultation et leur information. Le texte que nous examinons a pour objectif de renforcer les libertés locales et de simplifier l’action publique locale ; il ne me paraît pas pertinent de prévoir une obligation supplémentaire.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Même avis. Le code de l’urbanisme prévoit déjà que les SAFER sont consultées lors de l’institution du droit de préemption pour préserver des ressources en eau destinées à la consommation humaine et qu’elles sont informées lorsque le titulaire du droit de préemption ou son délégataire envisage d’acquérir des terrains.

Par ailleurs, le ministre de l’agriculture est en train d’élaborer une charte d’engagement entre les représentants des collectivités, la fédération nationale des SAFER et l’État pour que les SAFER s’impliquent davantage dans la protection des aires d’alimentation en eau. Je pense que la loi n’a pas vocation à obliger à une telle concertation : ce serait contre-productif. Les SAFER sont déjà dans la boucle, il faut que l’on travaille mieux avec elles, mais je ne pense pas qu’il faille le préciser dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1643 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendements CL1003 de Mme Sylvia Pinel, CL1001 et CL861 de M. Charles de Courson (discussion commune)

M. Paul Molac. L’amendement CL1003 propose de privilégier le recours aux contrats de prestations pour services environnementaux sur les biens acquis par les communes ou les groupements de communes afin d’assurer une rémunération, à sa juste valeur, des services découlant des cahiers des charges apportés par les exploitants agricoles.

L’amendement CL1001 vise les clauses environnementales liées à la protection de la ressource en eau proposées au preneur. Il est essentiel que ces clauses soient élaborées dans la bonne compréhension de leur incidence sur l’exploitation agricole de celui-ci. Un accompagnement par une chambre d’agriculture susceptible d’apporter des conseils pédologiques, technico-économiques et agronomiques serait de nature à garantir les résultats attendus en termes de qualité de l’eau tout en préservant un équilibre économique pour le locataire en place.

Quant à l’amendement CL861, il part du principe que le droit de préemption constitue une limite à l’exercice du droit de propriété et que les titulaires de ce droit ne doivent pas pouvoir rétrocéder sans délai les parcelles acquises. Il tend donc à imposer un délai de conservation dont la durée équivaut à celui de la durée minimale d’un bail rural, c’est-à-dire neuf ans.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les contrats de prestations pour services environnementaux, auxquels vous faites références dans l’amendement CL1003, n’ont pas d’existence juridique. L’amendement n’aurait donc pas d’effet et il me paraît sans objet.

La concertation avec les chambres d’agriculture sur les clauses environnementales susceptibles d’être insérées dans un contrat de bail portant sur un terrain agricole préempté, proposée par l’amendement CL1001, me paraît contraire au principe de liberté contractuelle. Les baux peuvent être librement négociés et signés entre les acteurs, qui sont tout à fait capables d’intégrer des clauses environnementales. Faisons confiance aux élus des collectivités. Par ailleurs, une telle concertation n’irait pas dans le sens de la simplification que nous recherchons.

S’agissant de l’amendement CL861, il ne me paraît pas pertinent de créer une obligation supplémentaire en prévoyant une durée minimale de conservation du bien. L’esprit du dispositif est de permettre que les terrains préemptés soient conservés dans la durée par les collectivités ou les établissements publics. Toutefois, une durée de neuf ans est trop longue et rigidifierait à l’excès le dispositif. Il me paraît pertinent de prévoir la possibilité pour les collectivités de céder ce bien après quelques années.

L’exercice du droit de préemption est déjà clairement encadré : il peut être institué par l’autorité administrative de l’État ; il porte sur des surfaces agricoles ; il ne peut être exercé que sur un territoire délimité en tout ou partie dans l’aire d’alimentation de captages utilisés pour l’alimentation en eau destinée à la consommation humaine, et dans le seul objectif de préserver la qualité de la ressource en eau dans laquelle est effectué le prélèvement. Cet encadrement apporte des garanties suffisantes concernant l’usage qui en sera fait.

Avis défavorable sur les trois amendements.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je suis défavorable à l’amendement CL1003, qui vise à supprimer l’obligation pour les baux nouveaux de comporter des clauses environnementales. À partir du moment où l’on introduit une clause environnementale, elle reste attachée durablement au terrain, quel qu’en soit le propriétaire. Si notre objectif est de préserver la ressource, il paraît contradictoire de supprimer l’obligation de clause environnementale.

S’agissant de l’amendement CL1001, les chambres d’agriculture doivent déjà être consultées, il n’est donc pas nécessaire de le repréciser. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Je ne comprends pas très bien l’objectif de l’amendement CL861 et de l’obligation de conservation d’au moins neuf ans dont il entend assortir les biens acquis par préemption pour en limiter les échanges. À partir du moment où l’on introduit des clauses environnementales, tout acheteur sera obligé de les respecter, puisqu’elles sont attachées au foncier. Dans la mesure où l’on cherche à simplifier la vie des collectivités, je ne vois pas l’intérêt d’ajouter une procédure aussi lourde, qui pourrait conduire à des expropriations. Avis défavorable.

M. Paul Molac. N’étant pas l’auteur des amendements, je ne peux les retirer.

Je confirme que lorsqu’un bail concerne une zone de captages, la chambre d’agriculture est bien consultée, ce qui me semble tout à fait normal.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL53 de M. Bertrand Pancher.

M. Jean-Félix Acquaviva. Le dispositif des obligations réelles environnementales (ORE) permet aux propriétaires d’affecter une vocation environnementale durable à leur propriété. Il s’applique à la biodiversité sans distinguer selon sa nature, son état de préservation ou le périmètre réglementaire dans lequel se trouve la propriété identifiée. L’article 60 vide les ORE de leur substance.

En transformant un contrat « autoporteur » en contrat accessoire au droit de propriété, il amoindrit la pérennité et l’intensité du lien entre protection de l’environnement et foncier à protéger – avec ce que l’on pourrait appeler « l’accessoirisation » du contrat et l’ajout d’une clause de fin du contrat.

En restreignant la possibilité de conclure des obligations de protection de l’environnement aux « cas prévus par la loi », il limite ces obligations à la seule compensation. Il rend impossibles les ORE patrimoniales, purement volontaires de la part de propriétaires souhaitant transmettre un héritage vert, et les ORE « politique publique », à l’initiative de collectivités ou d’entités qui souhaiteraient s’emparer du dispositif pour protéger des espaces présentant un enjeu naturel particulier.

En prévoyant que seul le « titulaire d’un droit réel » consentirait des obligations, il fait disparaître la réciprocité des obligations entre les parties, ce qui porte atteinte à la philosophie « gagnant-gagnant » au bénéfice de l’environnement, qui est l’un des atouts du régime actuel des ORE.

Le I du présent amendement vise donc à corriger les écueils de la loi, afin de maintenir une cohérence entre l’article L. 218-13 du code de l’urbanisme et l’article L. 132-3 du code de l’environnement, de pérenniser la protection de la ressource en eau en conférant la durée maximale de protection autorisée par la loi, à savoir quatre-vingt-dix-neuf ans, d’intégrer de façon efficace la conclusion de l’ORE dans le processus de cession du foncier, le cas échéant avec la collectivité cédante, de conserver la collectivité dans la boucle de la préservation de la qualité de l’eau postérieurement à la vente, en tant que cocontractante de l’ORE.

Le II vise à maintenir l’existence des ORE et le régime qui leur est applicable, et fixe une durée maximale.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement CL1421 de Mme Valérie Petit, qui n’a pas été défendu, était plus précis que le vôtre sur le régime des ORE. Je souhaitais le modifier par un sous-amendement tendant à préciser que la durée de quatre-vingt-dix-neuf ans pour laquelle le contrat était conclu était maximale et non impérative. Votre amendement va dans le bon sens, mais il nécessiterait des améliorations auxquelles je vous propose de travailler ensemble d’ici à la séance publique.

Demande de retrait.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. J’aurais été plutôt favorable à l’amendement CL1421, sous-amendé par la rapporteure, qui n’est pas défendu.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 60 modifié.

Article 61 (examen délégué à la commission du développement durable) (art. L. 122-4 du code de la voirie routière) : Financement des ouvrages autoroutiers non compris dans le contrat de concession

La commission adopte l’article 61 non modifié.

Article 62 (examen délégué à la commission du développement durable) (art. L. 350-3, L. 181-2 et L. 181-3 du code de l’environnement) : Régime des alignements d’arbres

La commission adopte successivement les amendements CL783, CL785, CL786, CL791, CL792, CL799, CL787 et CL800 de la commission du développement durable.

Elle adopte l’article 62 modifié.

Article 63 (examen délégué à la commission des affaires économiques) (art. L. 432-15 à L. 432-21 [nouveaux] du code de l’énergie, L. 554-1, L. 554-10 et L. 554‑12 [nouveau] du code de l’environnement) : Modification du régime de propriété des canalisations de gaz et du régime de responsabilité et de sanction en cas d’atteinte à certains réseaux

La commission adopte successivement les amendements CL1484, CL1485 et CL1486 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 63 modifié.

Article 63 bis (examen délégué à la commission des affaires économiques) (art. L. 121-46 du code de l’énergie) : Introduction d’un principe de non-concurrence de l’extension de la desserte de gaz avec le développement de la chaleur renouvelable

La commission adopte l’article 63 bis non modifié.

Article 64 (art. L. 271-4 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 2224-8 du code général des collectivités territoriales, art. L. 1331-4, L. 1331-11 et L. 1331-11-2 [nouveau] du code de la santé publique, art. 18 et 24-11 [nouveau] de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis) : Contrôle du raccordement des immeubles au réseau public d’assainissement collectif

Amendement de suppression CL1597 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 64 prévoyait de rendre obligatoire, au moment de la vente ou de la location d’un bien immobilier, le diagnostic du raccordement de l’habitation au réseau public d’assainissement.

Depuis l’adoption du présent projet de loi par le Sénat, la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a été promulguée. Son article 63 prévoit, dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, l’entrée en vigueur de dispositions similaires sur les territoires dont les rejets d’eaux usées et pluviales ont une incidence sur la qualité de l’eau pour les épreuves olympiques de nage libre et de triathlon en Seine.

L’article 64 étant satisfait, je vous propose de le supprimer.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je suis favorable à cet amendement de coordination avec une loi promulguée.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 64 est supprimé.

Article 64 bis A (art. L. 1331-8 et L. 1331-11 du code de la santé publique) : Modification de la procédure de sanction du manquement aux obligations du propriétaire en matière d’assainissement

Amendement de suppression CL1604 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article L. 1331-8 du code la santé publique prévoit que le service public d’assainissement puisse majorer, dans la limite de 100 % et après délibération de l’autorité compétente, la redevance assainissement perçue auprès des usagers du service tant que les propriétaires des habitations ne se sont pas conformés à leurs obligations en matière d’assainissement. L’article 64 bis A propose de remplacer ce dispositif par une mise en demeure avec astreinte. Cette proposition est motivée par le fait que le dispositif actuel serait une sanction déguisée en redevance pour services rendus et qu’il ne serait pas suffisamment incitatif.

Toutefois, la majoration de la redevance constitue bien une taxe fiscale, ce qu’a reconnu le Conseil constitutionnel dans sa décision du 29 décembre 1983. De plus, l’instauration d’un système de mise en demeure préalable et d’astreinte retarderait le moment où la pénalité financière serait infligée, et n’inciterait pas le propriétaire à se mettre aux normes. Par ailleurs, si aucune difficulté de mise en œuvre n’a été portée à la connaissance de vos rapporteurs par les services de la direction générale des collectivités locales, la mise en demeure et l’astreinte rendraient plus complexe le travail à mener pour les collectivités.

Enfin, l’article L. 1331-8 du code la santé publique a été modifié par l’article 62 de la loi « climat et résilience » précitée. Premièrement, le montant maximal de l’astreinte pouvant être exigée du propriétaire a été porté à 400 % de la redevance qu’il aurait payée. Deuxièmement, il est désormais prévu que cette somme n’est pas recouvrée si le propriétaire s’est conformé à ses obligations dans un délai de douze mois à compter de la date d’envoi de la notification de la pénalité. Cet article avait été introduit par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, à l’initiative de ses rapporteurs, M. Pascal Martin et Mme Marta de Cidrac, afin de de renforcer l’efficacité de la lutte contre les petites pollutions récurrentes aux milieux aquatiques dues aux inversions de branchement au réseau d’assainissement.

Je vous propose donc de supprimer l’article 64 bis A.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Avis favorable. Le but est de simplifier, et non d’imaginer des dispositifs encore plus complexes que ceux qui existent.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 64 bis A est supprimé.

Article 64 bis (art. L. 2226-1 du code général des collectivités territoriales, et art. L. 1331-11 du code de la santé publique) : Renforcement des prérogatives des autorités locales compétentes pour assurer le contrôle du raccordement des immeubles au réseau public de collecte des eaux pluviales urbaines

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1644 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 64 bis ainsi modifié.

Article 65 : Habilitation à réformer le régime de la publicité foncière par ordonnance

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1645 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL1412 du Gouvernement

Mme Amélie de Montchalin, ministre. L’article 65 habilite le Gouvernement à prendre des mesures pour améliorer la lisibilité du droit de la publicité foncière et pour la moderniser. Le Sénat craignait que la rédaction initiale de cet article ne nous expose à un risque de censure constitutionnelle. Toutefois, pour qu’il puisse mener à bien cette réforme de la publicité foncière, il importe que le Gouvernement puisse utiliser d’autres moyens que ceux qui sont énumérés à l’article 65 et qu’il dispose ainsi d’une marge de manœuvre. C’est pourquoi je vous proposer de réintroduire le mot « notamment » aux alinéas 2, 3 et 4 de cet article.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1646 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 65 modifié.

Après l’article 65

Amendement CL1681 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Mme Laurence Gayte, députée des Pyrénées-Orientales, a appelé notre attention sur le cadre réglementaire d’exercice de la police de l’eau du système de répartition des eaux de la Neste. Les coteaux de Gascogne sont régis par une loi datant de 1846. L’amendement vise à faire rentrer ce territoire dans le droit commun, pour que les règles de la police l’eau dans ce secteur soient les mêmes qu’ailleurs en France. Les préfets coordonnateurs de bassin et les élus locaux, qui ont été consultés, souhaitent tous cette mesure de simplification.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL1590 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Il est prévu d’organiser certaines épreuves sportives des Jeux olympiques et paralympiques sur la Seine, ce qui impose d’adapter les conditions habituelles du domaine public fluvial et de déplacement d’office des bateaux ou établissements flottants stationnés à quai. Une concertation et des discussions amiables seront engagées par l’organisateur avec les occupants réguliers du domaine public pour trouver les solutions les plus adaptées. Cependant, et uniquement en dernier recours, si des occupants du domaine devaient ne pas se conformer aux demandes de l’autorité préfectorale et de l’organisateur des Jeux, il serait nécessaire de déplacer les bateaux ou les établissements flottants. Il n’est pas question, bien entendu, de les détruire mais simplement de les déplacer temporairement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Chapitre V
Mesures de simplification du fonctionnement des établissements publics

Article 66 : Mutualisation des fonctions support de certains établissements publics de l’État

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1607, CL1608, CL1609 et CL1610 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. 

Elle adopte l’article 66 modifié.

Après l’article 66

Amendement CL1428 du Gouvernement.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Cet amendement tend à élargir les possibilités de mutualisation des archives intermédiaires entre les personnes publiques, soit l’État, les collectivités territoriales, les établissements publics et les autres personnes morales de droit public. Ainsi, les dispositions nouvelles permettront la mutualisation, entre personnes publiques de toute nature, de la gestion de leurs archives intermédiaires, y compris à des acteurs dont aucun n’a de service public d’archives. Il vise à procéder à un élargissement de même nature s’agissant des archives définitives entre ces mêmes personnes publiques dès lors qu’au moins l’une d’entre elles dispose d’un service public d’archives.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement vise à permettre aux personnes publiques de mutualiser leurs archives intermédiaires et définitives, afin de lever les freins induits par l’archivage numérique et ses exigences techniques et organisationnelles. Cette proposition permettra d’améliorer le service des archives et de limiter la charge des collectivités et des autres personnes publiques. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Article 67 (art. L. 121‑3 du code monétaire et financier) : Réforme des statuts de l’établissement public industriel et commercial La Monnaie de Paris

Amendement identiques CL1521 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL1396 de Mme Nicole Dubré-Chirat.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il me semble opportun de conserver la précision initialement prévue pour la notion d’opération de valorisation immobilière, en raison de la très grande variété de ce type d’opérations. Cela permettrait de sécuriser juridiquement les opérations de La Monnaie de Paris.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je suis favorable au rétablissement de la rédaction initiale qui concerne en particulier les domaines immobiliers de La Monnaie de Paris à Pessac.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 67 modifié.

Après l’article 67

Mme Amélie de Montchalin, ministre. Je regrette que l’amendement CL589 de M. Antoine Savignat n’ait pas été défendu car j’y aurais été favorable, sous réserve de l’adoption du sous-amendement de la rapporteure. Il serait essentiel pour l’Île-de-France de permettre que les emprises foncières dont Île-de-France Mobilités serait propriétaire, et inutilisées lors de projets de maîtrise d’ouvrage d’infrastructures de transport et d’aménagement, puissent être valorisées. On manque de foncier pour construire en Île-de-France.

Article 67 bis (art. L. 1233‑5 du code général des collectivités territoriales) : Instauration du comité social d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

Amendement CL1522 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Par cohérence avec la loi de transformation de la fonction publique du 6 août 2019, il est proposé de remplacer les instances représentatives de l’ANCT par un comité social d’administration, comme cette loi le prévoit pour les autres administrations. L’amendement tend à ajuster le dispositif introduit par le Sénat, et prévoit une entrée en vigueur différée.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. La ministre de la fonction publique que je suis a installé les comités sociaux d’administration de l’ensemble des administrations, aussi ne peut-elle être que favorable à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CL805 de la commission du développement durable tombe.

La commission adopte l’article 67 bis modifié.

Chapitre VI
Mesures liées à l’appel à projets France expérimentation au service de la relance et des activité s économiques innovantes

Article 68 (examen délégué à la commission des affaires économiques) (ordonnance n° 2019-59 du 30 janvier 2019 relative à l’exercice et au transfert, à titre expérimental, de certaines missions dans le réseau des chambres d’agriculture) : Prolongement de l’expérimentation relative à l’organisation des missions des chambres d’agriculture

La commission adopte l’amendement CL1487 de la commission des affaires économiques.

Elle adopte l’article 68 ainsi modifié.

Article 68 bis (examen délégué à la commission des affaires économiques) (art. L. 511-4 du code rural et de la pêche maritime) : Délégation aux chambres départementales d’agriculture de missions de service public relatives à la politique d’installation

La commission adopte l’article 68 bis non modifié.

Article 69 : Élargissement à titre expérimental des possibilités de mise à disposition des fonctionnaires de l’État dans le cadre du mécénat de compétence

Amendement CL1523 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le Sénat a jugé utile de prévoir un contrôle déontologique à la fin du mécénat de compétence, lors du retour de l’agent public dans son administration. Or, cela est déjà prévu par le droit en vigueur pour les agents exposés, en vertu de la loi de 2019 de transformation de la fonction publique.

Mme Amélie de Montchalin, ministre. La loi de transformation de la fonction publique que vous connaissez bien a permis de renforcer les contrôles déontologiques pour les agents dits exposés, c’est-à-dire soumis à une déclaration d’intérêts, en instaurant un double contrôle pour ces agents. La nature des activités prévues dans le cadre du mécénat de compétence, ne justifie pas ces contrôles car les agents n’exercent pas des missions exposées.

L’objectif est d’inciter les agents publics à valoriser leurs compétences auprès d’autres institutions. Avis favorable à l’amendement de la rapporteure.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1524 de Mme Élodie Jacquier-Laforge.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il semble préférable de prévoir une durée de mise à disposition de dix-huit mois avec un renouvellement possible dans la limite de trois ans. En effet, cette proposition permet de couvrir le champ des missions déployées par le secteur privé dans le cadre du mécénat de compétence et d’éviter de distendre excessivement le lien entre l’agent et son administration d’origine, laquelle se trouve renforcée par les compétences acquises lors de la mise à disposition.

Suivant l’avis favorable du Gouvernement, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1586 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 69 modifié.

Chapitre VII
Transparence et agilité des entreprises publiques locales

Article 70 (art. L. 1524-5 et L. 1862-3 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement du contrôle des entreprises publiques locales par les assemblées délibérantes des collectivités territoriales et de leurs groupements actionnaires

Amendement CL449 de M. Sacha Houlié.

M. Nicolas Turquois. Dans la Vienne et les Deux-Sèvres, ce n’est pas EDF qui distribue l’électricité mais un syndicat de communes : cela représente près de 270 communes, et seules les grandes villes sont alimentées par EDF. Les dispositions prévues à l’article 70 vont dans le bon sens : l’acquisition d’une filiale ou sous-filiale d’une société d’économie mixte doit recevoir l’avis expresse des collectivités actionnaires. Toutefois, quand il s’agit de demander l’avis de 270 communes, cela ne peut pas être fonctionnel ! La société d’économie mixte de la Vienne possède des filiales qui produisent de l’électricité d’origine renouvelable – éolienne, méthanisation, parc photovoltaïque – : à chaque nouveau projet, il faudrait demander l’avis des 270 communes.

Nous vous proposons de supprimer l’extension de l’obligation de recueil préalable de l’accord des assemblées délibérantes aux participations indirectes des sociétés d’économie mixte.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Vous proposez de supprimer l’obligation d’accord exprès de l’assemblée délibérante pour les prises de participation effectuées par les sociétés contrôlées par les sociétés d’économie mixte locales. Cette disposition est nécessaire et permet de répondre à un enjeu de contrôle démocratique et financier. Les risques associés à la filiation en cascade ont pourtant été dénoncés dans de récents rapports d’évaluation, qu’il s’agisse de la dilution des pouvoirs de contrôle exercés par les collectivités sur les sociétés, ou du manque de connaissance de ces filiales par les collectivités actionnaires et des risques financiers potentiels associés.

Il est essentiel de maintenir un pouvoir de contrôle a priori des collectivités actionnaires sur ces prises de participation. En revanche, je propose de l’assouplir pour les participations indirectes, en retenant un seuil de 10 % du capital ou des droits de vote de la société cible. Je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement tient à conserver le principe d’un accord des actionnaires avant les prises de participation. Or, les actionnaires qui se prononcent sont les deux syndicats de communes. Bien évidemment, ne pas le faire irait à l’encontre des préconisations de la Cour des comptes qui a jugé en 2019 que le phénomène de filialisation devait être contrôlé, ne serait-ce que pour des raisons démocratiques. Or, un contrôle ex post ne permet pas de remplacer un accord a priori des actionnaires.

Je souhaite apporter quelques précisions. Le contenu du rapport du mandataire sera précisé par un décret qui prévoira une information relative aux filiales et aux sous-filiales des entreprises publiques locales (EPL). Une société d’économie mixte (SEM) comme l’une de ces filiales peut solliciter, après l’attribution d’un contrat, l’accord de son actionnaire, afin de constituer une société dédiée à un projet. Nous étudions de quelle manière ce cadre pourrait s’appliquer dans votre département où une telle société gère le réseau électrique, sachant que les deux syndicats de communes sont les actionnaires. Le bureau peut se prononcer par délégation.

Je vous invite, par conséquent, à retirer votre amendement.

M. Nicolas Turquois. Je comprends la nécessité de renforcer la transparence mais l’adoption d’une telle proposition ne permettrait plus à des sociétés, comme celles de la Vienne ou des Deux-Sèvres, d’être aussi réactives qu’elles le sont aujourd’hui. Nous devons trouver un juste milieu.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce problème est résolu. Ce n’est pas chaque commune actionnaire qui sera obligée de se déplacer mais chaque syndicat, qui représente l’ensemble des communes actionnaires.

M. Nicolas Turquois. Le conseil d’administration du syndicat de la Vienne compte 110 représentants !

L’amendement est retiré.

Amendement CL1620 rectifié de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je vous propose de revenir à la rédaction initiale du projet de loi tout en reprenant certaines précisions apportées par le Sénat.

Toutes les prises de participation directe de la société d’économie mixte locale (SEML) devront faire l’objet d’un accord exprès de l’assemblée délibérante des collectivités et groupements actionnaires.

Seules les prises de participation indirectes des sociétés contrôlées par la SEML qui conduisent à la détention d’une participation supérieure à 10 % du capital ou des droits de vote de la société cible devront faire l’objet d’un accord exprès. Le critère de contrôle était déjà implicitement présent dans la rédaction initiale de l’article. Je vous propose de reprendre la condition introduite par le Sénat d’une participation indirecte supérieure à 10 % du capital ou des droits de vote de la société cible. C’est un assouplissement important.

Les autres prises de participation feraient l’objet d’une information de l’assemblée délibérante.

Il ne paraît pas pertinent de distinguer entre les sociétés civiles ou commerciales, aussi cette distinction est-elle supprimée.

Enfin, toute prise de participation directe ou indirecte à un groupement d’intérêt économique (GIE) sans capital devra faire l’objet d’un accord exprès.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 70 modifié.

Article 71 (art. L. 1524-8 du code général des collectivités territoriales et L. 822‑15 du code de commerce) : Renforcement du rôle des commissaires aux comptes dans les entreprises publiques locales

Amendement CL1271 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. L’amendement tend à affirmer l’obligation de nommer un commissaire aux comptes dans toutes les filiales et les GIE, en instaurant, comme pour les autres entreprises, un dispositif applicable uniquement aux filiales significatives de SEML et aux GIE qui dépassent les seuils de la loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises dite loi PACTE.

Au regard de l’enjeu, l’obligation pour les filiales de petite taille de se doter d’un commissaire aux comptes en propre n’apparaît pas nécessaire, d’autant plus que les commissaires aux comptes des SEM mères peuvent déjà consulter les comptes de ces filiales.

L’augmentation sensible des charges de gestion que représenterait le fait de se doter d’un commissaire aux comptes pour les petites filiales serait de l’ordre de 3 500 à 5 000 euros. Cette obligation semble d’autant plus disproportionnée qu’elles sont souvent constituées pour des projets ponctuels comme des opérations de réhabilitation d’ensembles immobiliers destinés à être loués à loyer modéré.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Avis défavorable. Concernant le fond, la nomination d’au moins un commissaire doit être prévue dans toutes les sociétés contrôlées par la SEML afin d’assurer la qualité de la gestion des sociétés contrôlées par les EPL. Il s’agit également de faciliter les signalements d’activités frauduleuses ou mettant en péril les EPL et les sociétés qu’elles contrôlent. Quant à la forme, vous prévoyez d’écrire que les filiales des SEML seraient soumises au droit commun.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Le projet de loi prévoit de nommer le même commissaire aux comptes pour l’EPL et la société qu’elle contrôle, ce qui limite les conséquences de la disposition pour les petites structures.

M. Jean-Félix Acquaviva. Dans ces conditions, l’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements de coordination CL1683, rédactionnel CL1647 et de précision CL1648 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 71 modifié.

Article 72 (art. 3 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique) : Extension du contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA) à toutes les entreprises publiques locales

Amendement CL637 de Mme Laurianne Rossi.

M. Jean-Michel Mis. Cet article vise à soumettre au contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA) les entreprises publiques locales autres que les SEM qui y sont déjà assujetties, complétant ainsi le dispositif de la loi du 9 décembre 2016, dite loi Sapin 2.

Alors que l’article 73 quinquies prévoit un suivi des observations des chambres régionales des comptes sur la gestion des entreprises publiques locales, il apparaît nécessaire d’instaurer un suivi des observations et recommandations émises par l’AFA à l’occasion d’un contrôle de l’application des mesures de prévention et de détection de la corruption.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cette proposition bienvenue s’inscrit dans le prolongement des recommandations de l’excellent rapport de nos collègues Raphaël Gauvain et Olivier Marleix avant l’été. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 72 modifié.

Après l’article 72

Amendement CL1203 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Ugo Bernalicis. L’Agence française anticorruption manque aujourd’hui de moyens pour contrôler. Qu’en sera-t-il demain lorsque son périmètre sera élargi ? Les nouveaux postes promis n’ont pas été intégralement accordés. Pire, l’AFA a dû en rendre. Il est bien beau de prétendre vouloir lutter contre la corruption s’il n’y a plus personne pour accorder des moyens.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Ce débat est intéressant mais il dépasse le cadre du présent projet de loi. La modification proposée à l’article 72 n’est pas de nature à modifier structurellement la charge de travail de l’agence. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Nous ne pourrons pas répondre aux besoins de l’AFA par ce texte mais le sujet devra être abordé.

M. Ugo Bernalicis. Ce n’était déjà pas le sujet lors de l’examen du projet de loi de finances ! La Défenseure des droits subit le même sort ! On vient de voter un texte pour améliorer la protection des lanceurs d’alerte mais seuls vingt postes ont été créés auprès de la Défenseure des droits pour 2022, alors qu’elle manque déjà d’effectifs pour accomplir ses missions. Nous devons prendre nos responsabilités : je ne veux pas que l’on se félicite d’avoir élargi le contrôle de l’AFA si les moyens ne suivent pas.

La commission rejette l’amendement.

Article 73 (art. L. 1524‑1 du code général des collectivités territoriales) : Sanction du défaut de communication des délibérations des organes des entreprises locales au représentant de l’État

Amendement CL1528 rectifié de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je vous propose de revenir au principe prévu par le texte initial et de rétablir la sanction de nullité des actes des SEM qui n’auront pas été communiqués au préfet. Le dispositif retenu par le Sénat risque de ne pas être opérant alors que la nullité le sera.

Il s’agit d’une nullité au sens du code du commerce, qui peut donc être régularisée par la SEM selon des modalités bien connues des entreprises.

Par ailleurs, je vous propose de doubler le délai de communication au préfet pour le porter à un mois, et de rendre possible la communication par voie électronique, comme dans le contrôle de légalité, ce qui devrait satisfaire les auteurs d’autres amendements.

Je vous invite à adopter ce dispositif opérationnel qui rendra effective l’obligation de communication au préfet des actes des SEM, sans rompre leur équilibre.

La commission adopte l’amendement et l’article 73 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements identiques CL518 de Mme Isabelle Florennes, CL594 de M. Raphaël Schellenberger et CL1275 de M. Jean-Félix Acquaviva tombent.

Article 73 bis A (art. L. 365‑1 du code de l’environnement et L. 311‑1‑1 [nouveau] du code du sport) : Allégement de la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public

Amendements identiques CL1038 de Mme Élodie Jacquier-Laforge et CL841 de M. Xavier Roseren.

Mme Caroline Abadie. Le Sénat a introduit une exonération à la responsabilité du gardien d’un site naturel pour les dommages causés à l’occasion de l’exercice d’un sport de nature ou d’une activité de loisirs : la responsabilité du gardien ne serait engagée qu’en cas de faute prouvée et non du seul fait de la garde du site. Cependant, pour ne pas restreindre les possibilités pour une victime d’agir en responsabilité, l’amendement tend à limiter expressément l’exonération du gardien à l’acceptation d’un risque par le pratiquant. Précisons que l’exonération de responsabilité concernerait les seuls risques normaux et raisonnablement prévisibles, inhérents à la pratique sportive concernée.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Lors de l’examen de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, les deux assemblées avaient trouvé un accord. La disposition avait ensuite disparu. Elle revient dans ce texte. Puisqu’il y a un consensus, j’y serai favorable.

M. Stéphane Mazars. La proposition de la rapporteure et de M. Roseren, originaires de départements qui favorisent la pratique de sports de nature, permettrait d’aboutir à un équilibre.

M. Paul Molac. Qu’est-ce qu’un risque normal et raisonnablement prévisible ? Surtout, je suis choqué par les revendications de certains sportifs qui s’adonnent à des pratiques dangereuses, comme l’escalade, et se retournent contre la collectivité en cas d’accident, d’autant plus volontiers que le juge leur donne souvent raison ! Pour un peu, il faudrait installer des avertisseurs sonores sur les falaises ! Je suis pour la liberté mais aussi pour la responsabilité ! Quand on agit en connaissance de cause, on ne se plaint pas ensuite si un problème est survenu. Je ne suis pas d’accord pour qu’on s’en prenne à la collectivité, voire aux propriétaires privés d’un site ! Certains pénètrent sans autorisation dans une propriété, tombent dans un trou et intentent un procès aux propriétaires parce que le trou n’avait pas été signalé ! On marche sur la tête !

Mme Catherine Kamowski. Je partage l’indignation de M. Molac. Toute prise de risque suppose une prise de responsabilité. Cependant, cette proposition est importante pour les collectivités comme pour les particuliers. Dans la ville dont j’étais maire, deux falaises du domaine public servaient pour la pratique de l’escalade, ce qui nous obligeait à les faire purger si nous ne voulions pas être tenus pour responsables en cas d’accident. En dehors de cette obligation, nous aurions aussi pu être attaqués en cas de chute d’un escaladeur mal équipé sous prétexte que nous aurions dû interdire l’accès à ces falaises. Ces amendements, par conséquent, sont les bienvenus.

M. Jean-Félix Acquaviva. Je plaide la sagesse pour que nous puissions revoir cette rédaction d’ici la séance. Les notions de normalité et de prévisibilité ne veulent rien dire en montagne où le climat peut radicalement changer en quelques instants.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les deux assemblées ont mûrement réfléchi à cette disposition, que le ministère de la justice a vérifiée. Vous pouvez la voter sans crainte.

M. Stéphane Mazars. Ces notions sont bien établies par la jurisprudence.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 73 bis A modifié.

Article 73 bis (art. L. 1524‑5‑1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Statut des élus locaux siégeant au sein des organes des filiales d’entreprises publiques locales

La commission adopte successivement les amendements rédactionnel CL1611 et de coordination CL1666 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 73 bis modifié.

Article 73 ter (art. L. 1111‑5‑1 [nouveau] et L. 1524‑5 du code général des collectivités territoriales) : Conditions d’application des règles relatives aux conflits d’intérêts aux élus locaux représentant une collectivité territoriale ou un groupement au sein d’organismes extérieurs

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL932 de M. Jean-René Cazeneuve.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1587 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendements CL933 de M. Jean-René Cazeneuve, CL784 de M. Jean-Félix Acquaviva, CL1106 de Mme Cécile Untermaier, CL1614 rectifié de Mme Élodie Jacquier-Laforge, amendements identiques CL815 de M. Jean-Félix Acquaviva, CL1105 de Mme Cécile Untermaier (discussion commune).

Mme Catherine Kamowski. Cet amendement vise à distinguer les élus qui ont un pouvoir d’influence caractérisé car ils siègent au sein de l’exécutif d’un organisme extérieur, de ceux qui n’ont pas de fonction exécutive. Dans le premier cas, la prévention du conflit d’intérêt doit être exigeante, dans le second il n’y aurait pas d’obligation de déport. Lorsqu’un élu exerce des fonctions exécutives, l’obligation de déport ne s’appliquerait qu’aux votes attribuant un prêt ou une subvention.

M. Jean-Félix Acquaviva. Selon le présent article, lorsque la loi prévoit qu’une collectivité territoriale « participe aux organes d’une personne morale de droit public ou de droit privé, ses représentants ne sont pas considérés, de ce seul fait, comme étant intéressés à l’affaire » au sens du CGCT, du code pénal et de la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique. Il s’agit d’une avancée de nature à limiter les risques de conflit d’intérêts pour les élus locaux.

Toutefois, l’article 73 ter prévoit aussi que « les représentants d’une collectivité ne peuvent participer […] aux délibérations attribuant un prêt, une subvention ou une aide […] ». Afin d’éviter tout problème de quorum, il nous semble plus adapté de prévoir que les représentants des collectivités ne peuvent participer au vote portant sur un prêt, une subvention ou une aide. Les priver de participation aux délibérations sur ces sujets ne semble pas justifié.

Mme Marietta Karamanli. L’amendement CL1106 vise à sécuriser juridiquement les élus concernés par cette disposition, en l’ajustant au cadre déontologique déjà défini par de très nombreuses collectivités locales. En précisant que les exceptions au principe général de protection entraînent la non-participation des élus au vote des délibérations, il permet de concilier l’exigence déontologique et le bon fonctionnement des collectivités, tout en garantissant l’expression des élus concernés lors des débats portant sur les dossiers dont ils sont responsables.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le terme d’aide est sans doute trop vague et gagnerait à être précisé : même s’il existe déjà tel quel dans le CGCT, le circonscrire éviterait tout risque juridique pour les élus. En revanche, il n’est pas souhaitable de le supprimer car il existe d’autres formes d’aides financières que les prêts et les subventions. Je vous propose donc, avec l’amendement CL1614, de définir ce terme par renvoi aux dispositions du CGCT qui définissent les aides que les collectivités et leurs groupements peuvent accorder aux entreprises. Ainsi, nous sécurisons les élus en retenant une référence qu’ils connaissent déjà bien, tout en évitant de créer un vide regrettable.

M. Jean-Félix Acquaviva. Si les prêts et subventions sont clairement identifiés, la notion d’aide de la collectivité apparaît aussi large qu’imprécise. Son maintien risquerait de conduire à l’effet inverse de celui recherché et de réduire fortement la portée des dispositions introduites. L’amendement CL815 vise donc à supprimer cette notion.

Mme Marietta Karamanli. La notion d’aide n’étant pas suffisamment précise, l’amendement CL1105 vise à supprimer cette notion et à s’en tenir à la subvention, afin de sécuriser juridiquement les élus.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cette discussion commune aborde divers sujets. Certains amendements proposent d’autoriser la participation d’un élu à la délibération qui le désigne dans l’organisme. Je crois au contraire qu’il s’agit d’un cas où le déport se justifie ; la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a d’ailleurs exclu une telle participation. D’autres amendements proposent de n’imposer le déport qu’aux élus membres de l’exécutif. Je ne crois pas que cela soit opportun car il n’y a pas de lien entre ces fonctions et celles exercées dans l’organisme extérieur ; cela n’exempte pas du risque de conflit d’intérêts.

Plusieurs amendements proposent le déport pour le seul vote, permettant la participation aux délibérations. Or une telle participation peut conduire à exercer une certaine influence sur le vote. Je ferai un parallèle avec le rapporteur public devant le Conseil d’État : il assiste au délibéré mais n’y prend pas part, c’est-à-dire qu’il reste muet pendant que les juges délibèrent, précisément pour éviter qu’il influe sur leur décision. Ces amendements, en s’écartant de cette logique, pourraient fragiliser la sécurité juridique des élus sur le plan pénal. Du reste, les élus qui représentent la collectivité doivent rendre des comptes à l’assemblée délibérante en lui présentant un rapport : la loi prévoit donc déjà une information générale. Je vous renvoie à ce que préconise la HATVP, qui juge normal que l’élu siégeant dans une SEM informe l’assemblée délibérante avant le débat – et non pendant le débat.

Enfin, vous êtes nombreux à proposer de supprimer la notion d’aides ou de la cantonner aux aides économiques. Cela réduirait considérablement la portée du dispositif car il existe d’autres formes d’aides que les prêts et les subventions. Mon amendement CL1614 propose de préciser la notion d’aides par renvoi aux formes d’aides déjà prévues aux articles L. 1511‑2 et L. 1511‑3 du CGCT – telles que les prêts, les subventions, les rabais et les avances remboursables –, auxquelles nous ajouterions les garanties d’emprunt. Cet amendement préserve la cohérence du dispositif et sécurise les élus en renvoyant à une notion bien connue. Je demande donc le retrait de vos amendements au profit du mien.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. La notion de conflit d’intérêts est très importante pour gérer les élus désignés par leurs collectivités pour les représenter dans une autre personne morale. Nous avons intégré nombre d’avancées dans le texte lors de l’examen au Sénat mais nous pouvons encore l’améliorer. Pour ce faire, nous sommes en relation étroite avec la HATVP, le ministère de la justice, les associations d’élus et les fédérations des EPL.

Les avis que je vais vous donner ne sont pas le signe d’une fermeture mais d’une invitation à poursuivre le travail, pour améliorer la rédaction et pour protéger au mieux les élus. Ainsi, je souhaite le retrait de l’amendement CL933 ; j’émets un avis défavorable sur l’amendement CL784, car le déport me paraît nécessaire, ainsi que sur l’amendement CL1106 ; l’avis est favorable à l’amendement CL1614 de la rapporteure et, par conséquent, je demande le retrait des amendements concurrents.

L’amendement CL933 est retiré.

La commission rejette les amendements CL784 et CL1106.

Elle adopte l’amendement CL1614 rectifié.

En conséquence, les amendements CL815 et CL1105 tombent.

Amendement CL934 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Catherine Kamowski. Cet amendement est issu des travaux du groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. La légitime prévention des conflits d’intérêts ne justifie pas que les élus ne puissent pas participer aux délibérations portant sur leur désignation, et risquer ainsi que le quorum ne soit pas atteint. Toutefois, ayant entendu les arguments de la rapporteure, je retire cet amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CL636 de Mme Laurianne Rossi.

M. Jean-Michel Mis. Le Gouvernement a présenté au Sénat un amendement réécrivant des dispositions de l’article 73 ter pour préciser les cas de figure dans lesquels les élus locaux seront amenés à se déporter afin d’éviter tout risque de conflit d’intérêts. Nous souhaitons renforcer cette obligation de déport et l’étendre aux travaux préparatoires car ils participent à la compréhension du sujet et peuvent avoir une incidence sur les délibérations. Nous entendons ainsi éviter que les décisions politiques soient biaisées.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Si votre amendement vise les délibérations antérieures aux votes, il est satisfait. Si, en revanche, il vise l’exclusion de tous les travaux concernant la SEM, je crains que cela ne soit trop large. Je rappelle que les élus qui siègent dans des organes extérieurs peuvent présenter à leurs collègues un rapport d’activité. La HATVP reconnaît d’ailleurs la pertinence de cette information. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cet amendement est satisfait par le code pénal et la jurisprudence : vous pouvez donc le retirer tranquillement.

L’amendement est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL1568 de Mme Cécile Untermaier.

Elle adopte l’article 73 ter modifié.

Après l’article 73 ter

Amendement CL1588 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les indemnités perçues par les élus locaux et celles qu’ils tirent d’autres mandats ou fonctions sont plafonnées à une fois et demie l’indemnité parlementaire de base, déduction faite des cotisations, soit environ 8 500 euros. Si ce plafond est dépassé, il y a écrêtement. Celui-ci concerne le cumul des indemnités des mandats électoraux et des fonctions exercées, au titre de ces mandats, au sein d’un établissement public local, du Centre national de la fonction publique territoriale ou dans les organes de direction d’une SEM. Sont incluses les indemnités versées par un syndicat de commune ou un EPCI à fiscalité propre. Cependant, la rémunération d’un élu qui siégerait au sein d’une filiale d’une SEM n’est pas encadrée.

Je vous propose donc de mettre en œuvre une préconisation de la Cour des comptes en soumettant les rémunérations perçues par les élus au titre de leur participation dans toutes les entreprises publiques locales à un encadrement de droit commun, à savoir une autorisation préalable de l’autorité délibérante et la soumission aux règles d’écrêtement. Cela concernerait donc non seulement les SEM locales mais toutes les entreprises publiques locales et leurs filiales. C’est une mesure de bon sens, cohérente et opportune.

Il me semblerait bon d’engager une réflexion sur l’inclusion dans le champ de l’écrêtement d’autres rémunérations, telles que celles versées par certaines associations au sein desquelles siègent les élus et, plus généralement, toutes les rémunérations versées par des structures où siègent les élus en cette qualité, que la loi impose ou non leur participation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable : c’est une question de transparence.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL634 de Mme Laurianne Rossi.

M. Jean-Michel Mis. Afin de parfaire l’exigence de transparence voulue par le législateur, il est proposé de prévoir que chaque collectivité territoriale dresse un état complet de l’ensemble des indemnités perçues par ses élus au titre des différents mandats et fonctions qu’ils exercent.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Votre proposition est intéressante sur le principe, mais j’ai tout de même une réserve : elle reviendrait à obliger chaque collectivité ou EPCI à collecter auprès des autres l’ensemble des indemnités qu’ils versent aux élus. Cela risque d’être lourd, voire peu opérationnel, surtout pour les plus petites collectivités. Je rappelle au demeurant que de nombreux élus sont soumis à des obligations déclaratives à la HATVP. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne suis pas favorable à cet amendement.

M. Jean-Michel Mis. J’entends ce que disent la rapporteure et la ministre. L’argument mérite d’être clarifié Nous allons y retravailler pour compléter notre proposition.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL1081 de M. Paul Molac et CL1397 de M. Rémy Rebeyrotte.

M. Paul Molac. Il s’agit de répondre aux difficultés rencontrées par certains maires désignés pour présider ou siéger dans différents conseils d’administration d’organismes nationaux, lorsque ceux-ci comportent un collège représentant des élus locaux. Aucune disposition légale ou réglementaire n’octroie de temps d’absence autorisé à ce titre pour les élus exerçant une activité professionnelle salariée, qu’elle soit publique ou privée. Seul l’exercice d’un mandat d’exécutif local donne droit à des autorisations d’absence et des crédits d’heures. Or des élus locaux salariés rencontrent de grandes difficultés pour exercer dans de bonnes conditions ces missions, qui ne font l’objet d’aucune indemnité de fonction spécifique. Il convient donc de combler cette lacune.

M. Rémy Rebeyrotte. Il est proposé d’accorder des temps d’absence aux salariés élus désignés pour siéger dans des organismes nationaux.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Vous proposez d’étendre les autorisations d’absence dont bénéficient les élus locaux dans certaines situations, telles que les réunions du conseil municipal, les réunions d’organismes nationaux où siègent ces élus après avoir été désignés par une association nationale d’élus locaux, comme le conseil d’administration de l’IRCANTEC ou le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER).

J’entends les difficultés que peuvent rencontrer certains de ces élus s’ils n’ont pas d’autorisation d’absence claire pour remplir les fonctions pour lesquelles ils ont été désignés par leurs pairs. Toutefois, et même si je porte un regard bienveillant sur vos propositions, celles-ci me semblent incomplètes car l’article du code que vous souhaitez modifier ne concerne que les élus communaux : il conviendrait d’étendre cette disposition aux autres élus. J’émets un avis de sagesse sur le principe, tout en soulignant que le dispositif n’est pas complet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à ces amendements sous réserve de préciser que cela entre dans le cadre de la législation actuelle sur le nombre d’heures autorisé : il ne faudrait pas ensuite nous demander d’augmenter ce nombre d’heures.

M. Rémy Rebeyrotte. Ces amendements constituent une réelle avancée. Adoptons le principe ; nous aurons ensuite le temps d’y retravailler pour gommer les imperfections.

La commission adopte les amendements.

Article 73 quater (art. L. 1531‑1 du code général des collectivités territoriales) : Habilitation des sociétés publiques locales à exercer des activités accessoires

Amendement de suppression CL1525 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je suis attachée à ce que l’exclusivité de l’objet social des sociétés publiques locales (SPL) soit conservée car celui-ci recoupe parfaitement les compétences des collectivités actionnaires. Cela assure en outre un ancrage territorial à ces sociétés.

Par ailleurs, je crains, avec l’ouverture proposée par le Sénat, une rupture de concurrence avec les TPE et PME des territoires, ce que personne ne souhaite. J’ai été alertée par de nombreuses fédérations d’entreprises, qui s’en inquiètent, la Fédération des élus des entreprises publiques locales étant même opposée à une telle évolution. En outre, le seuil proposé et ses modalités de calcul induisent un risque de requalification juridique des contrats et un risque pénal pour les élus, ce qui irait à rebours de tous nos efforts en la matière.

Dans sa revue de dépenses de 2017, consacrée aux EPL, l’Inspection générale de l’administration souligne que la SPL « pourrait devenir, si on n’y prend pas garde, un élément d’émancipation vis-à-vis des règles de concurrence et de contrôle des coûts du service public ». Cela n’est pas souhaitable : je vous propose donc de supprimer cet article.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à cet amendement. Toutes les fédérations d’EPL soutiennent cette démarche car elles considèrent que leur mission est de travailler pour leur collectivité et non d’étendre leur périmètre.

M. Bruno Questel. Avant que la suppression de l’article ne soit adoptée, je tenais à indiquer que j’avais fait une proposition alternative pour encadrer pleinement le dispositif, de manière expérimentale, avec un objet unique et une obligation de modifier les statuts de la SPL si l’expérience devait durer au-delà d’une courte période. Je préfère retirer mon amendement avant qu’il ne tombe.

L’amendement CL1682 de M. Bruno Questel est retiré.

La commission adopte l’amendement CL1525.

En conséquence, l’article 73 quater est supprimé.

Après l’article 73 quater

Amendements identiques CL1410 du Gouvernement et CL1398 de Mme Anne-Laurence Petel.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il s’agit de permettre aux collectivités et à leurs groupements de consentir aux sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) dont ils sont actionnaires des avances en compte courant, dans les mêmes conditions qu’aux sociétés d’économie mixtes. De plus, il est proposé d’autoriser les groupements de collectivités à verser des subventions aux SCIC.

M. Rémy Rebeyrotte. Cela démontre le caractère à la fois pragmatique et essentiel de ce texte.

Suivant l’avis favorable de la rapporteure, la commission adopte les amendements.

Amendement CL830 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Paul Molac. Il s’agit de préciser qu’une société anonyme coopérative d’intérêt collectif pour l’accession à la propriété (SACICAP) peut étendre son activité au-delà des limites de sa région dans les territoires limitrophes qui ne disposent pas d’une telle société.

Le réseau de l’Union d’économie sociale pour l’accession à la propriété, Procivis, représente les intérêts communs des SACICAP. Dans le cadre d’une convention quinquennale signée avec l’État, il s’est engagé dans le financement de la rénovation du parc privé de logements pour la période 2018-2022. Ce dispositif permet un préfinancement des aides publiques et la prise en charge du reste à charge des ménages modestes, exclus des circuits de financement bancaire.

Or, en Corse, les ménages modestes et les copropriétaires de copropriétés dégradées n’ont toujours pas accès au préfinancement du réseau Procivis. Pour que celui-ci puisse intervenir dans l’île, et dans d’autres territoires qui en sont dépourvus, il faut que les SACICAP puissent étendre leur activité au-delà des limites de leur région. L’autorisation d’extension soumise à l’accord de l’autorité administrative est trop restrictive : aucune délivrance d’autorisation n’a eu lieu pour la Corse, par exemple.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Votre proposition ne me semble pas forcément opportune car la dérogation existe déjà : elle repose sur un agrément, ce qui permet de maintenir un contrôle, nécessaire quand des fonds publics sont en jeu, ce qui est le cas lorsque des collectivités sont actionnaires de ces sociétés. De ce fait, la dérogation actuelle est plus large que ce que vous proposez, parce que la loi ne cantonne pas l’activité de la SACICAP hors de sa région aux seuls territoires limitrophes ; de plus, elle n’exige pas l’absence de SACICAP pour ce faire. Je vous invite donc à retirer l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le cadre législatif actuel permet de traiter cette inégalité et de mettre un terme à cette carence. En effet, l’article L. 215-2 du code la construction et de l’habitation prévoit que le ministre du logement peut autoriser, par agrément, une société à opérer au-delà des limites d’implantation de sa région. Pour le dire simplement, il faudrait que la Corse le demande : or elle ne l’a jamais fait.

M. Paul Molac. Même sans le décodage à la fin, j’avais compris que cela dépend du ministre du logement et que la collectivité territoriale corse doit lui présenter une demande.

La commission rejette l’amendement.

Article 73 quinquies (art. L. 243‑8‑1 [nouveau] et L. 243‑9‑1 [nouveau] du code des juridictions financières) : Suivi des observations des chambres régionales des comptes sur la gestion des entreprises publiques locales

La commission adopte l’amendement CL1526 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL1527 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 73 quinquies introduit par le Sénat transpose une proposition de la Cour des comptes pour renforcer le suivi des SEM. Je salue cette initiative, et mon amendement, de cohérence, propose de compléter le dispositif s’agissant des contrôles des chambres régionales des comptes (CRC) sur les filiales de ces SEM, afin que les organes de direction de la SEM et la collectivité actionnaire soient pleinement informés des conclusions des CRC.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1589 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 73 quinquies modifié.

Troisième réunion du mercredi 24 novembre à 21 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/OvFUKD

Article 73 sexies (art. 238 bis du code général des impôts) : Extension du régime fiscal du mécénat aux sociétés publiques locales culturelles

Amendement de suppression CL1615 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure pour les titres VI et VII. Par cohérence avec la position adoptée de manière constante par notre assemblée et par sa commission des finances sur les projets de loi de finances pour 2019, 2020, 2021 et 2022, il convient de supprimer cet article qui étend le champ d’une dépense fiscale relative au mécénat.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 73 sexies est supprimé.

Article 73 septies (art. 25 quinquies de la loi n° 83‑634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et art. 11 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Dispense de déclaration de situation patrimoniale ou d’intérêts en cas de cessation de fonctions avant deux mois

Amendement CL1616 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. La dispense de dépôt de déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale pour les personnes qui restent moins de deux mois en fonction, prévue par l’article 73 septies, est opportune ; il s’agit d’ailleurs d’une recommandation de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Je vous propose d’aller jusqu’au bout de la logique, en étendant cette dispense aux autres fonctions pour lesquelles est prévu le dépôt de déclarations à la Haute Autorité, à savoir les membres du Gouvernement – d’ailleurs mentionnés, à titre d’exemple, par la HATVP au soutien de sa recommandation –, certains militaires, les membres du Conseil d’État et de la Cour des comptes, ainsi que les magistrats des tribunaux administratifs, des cours administratives d’appel et des chambres régionales des comptes. Il s’agit donc d’un amendement de coordination.

La commission adopte l’amendement et l’article 73 septies est ainsi rédigé.

Article 73 octies (art. 11 de la loi n° 2013‑907 du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique) : Déclaration d’intérêts unique

Amendement CL1617 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Si je partage l’objectif visé par le Sénat dans cet article, les modalités qu’il a retenues ne me semblent pas opportunes : il n’est pas souhaitable de prévoir une dispense totale de déclaration d’intérêts même si l’on en a déposé une peu avant, car les intérêts peuvent évoluer rapidement. Il ne me paraît donc pas judicieux de transposer aux déclarations d’intérêts les dispositions applicables aux déclarations de situation patrimoniale.

Je vous propose de remplacer cette dispense générale par une procédure simplifiée de déclaration, à travers un mécanisme d’actualisation de la déclaration d’intérêts en fonction des nouveaux mandats ou fonctions exercés. Ce nouveau mécanisme a été élaboré en liaison avec la HATVP.

Enfin, comme pour l’article précédent, je vous propose d’étendre le champ du dispositif aux autres fonctions pour lesquelles est prévu le dépôt à la HATVP d’une déclaration d’intérêts.

J’en profite pour harmoniser les listes des déclarations dont le dépôt depuis moins d’un an permet d’alléger les obligations déclaratives car, d’un dispositif à l’autre, cette liste varie beaucoup – sans réelle justification, le contenu des déclarations étant le même.

Bref, il s’agit d’un amendement de cohérence, qui vise à effectuer des coordinations utiles et à mettre en place un mécanisme de simplification opérant et garant des exigences de transparence, dans la droite ligne des recommandations de la HATVP.

La commission adopte l’amendement et l’article 73 octies est ainsi rédigé.

Après l’article 73 octies

Amendement CL596 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. L’amendement vise à ce que, lorsqu’un élu devient administrateur ou membre du conseil de surveillance d’une société d’économie mixte locale, il se voie proposer, au cours de l’année qui suit sa nomination, une formation portant sur le contrôle financier, les missions du conseil d’administration, ainsi que sur le management et la stratégie d’entreprise. Cela paraît nécessaire compte tenu de la responsabilité juridique et personnelle assumée par les élus.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. La formation des élus a été significativement améliorée cette année grâce aux ordonnances des 20 et 27 janvier 2021, que nous avons ratifiées en juin. Les élus ont droit à une formation adaptée à leurs fonctions – étant précisé qu’une formation obligatoire est prévue la première année pour ceux qui ont reçu une délégation. En outre, ils peuvent exercer, comme bon leur semble, leur droit individuel à la formation pour suivre des formations utiles au mandat et aux fonctions. Enfin, ils disposent d’un accès gratuit à des modules de formation nécessaires à l’exercice du mandat.

La loi leur accorde donc de nombreux moyens. Il ne paraît pas nécessaire d’ajouter une formation obligatoire.

D’autre part, le répertoire des formations des élus sera publié l’an prochain. Pourquoi ne pas attendre de connaître précisément son contenu et de voir quelle traduction on lui donnera, avant de prévoir de nouvelles obligations ?

Enfin, le dispositif que vous proposez est un peu bancal. Soit la formation est utile à la société d’économie mixte locale et celle-ci pourra la proposer d’elle-même, sans qu’il soit nécessaire d’instituer une obligation légale ; soit elle est utile à la collectivité et, en ce cas, c’est plutôt à cette dernière de financer la formation.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. La loi portant réforme de la formation des élus locaux a en effet prévu de nombreux dispositifs – j’en remercie Bruno Questel, qui fut le rapporteur du texte. Je rappelle qu’elle a été votée à l’unanimité dans les deux chambres, ce qui est assez rare pour être souligné.

Au surplus, il ne me semble pas souhaitable d’instituer une obligation légale de formation. Les élus ont la capacité de se former, soit grâce au budget inscrit sur les lignes des conseils municipaux ou intercommunaux, soit par l’utilisation du droit individuel à la formation. Le faire ou non relève de la liberté de chacun.

M. Raphaël Schellenberger. J’en suis bien d’accord, et c’est bien pourquoi il ne s’agirait que de « proposer » une formation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Dans ce cas, c’est différent – quoique je ne sois pas certaine que cette disposition relève du domaine de la loi. Je m’en remets à la sagesse de la commission.

La commission adopte l’amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Il est appréciable qu’après avoir supprimé tant d’amendements adoptés par le Sénat, la commission en accepte un provenant de nos bancs. L’assiduité paie !

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Ce n’est pas le premier, cher collègue, et cela prouve que la commission sait adapter sa position en fonction de la discussion.

Amendement CL1618 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit de préciser le contenu de la déclaration d’intérêts déposée à la HATVP afin d’y inclure les mandats et fonctions passés, ce qui paraît non seulement logique mais aussi indispensable pour apprécier les intérêts et les éventuels conflits entre eux. Certains élus le font d’eux-mêmes, mais autant clarifier la loi afin d’éviter tout problème.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1619 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporeture.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je vous propose d’harmoniser le délai de dépôt des déclarations de situation patrimoniale qui doivent être faites à la HATVP à la fin du mandat ou des fonctions, de manière à aligner le délai prévu pour les élus sur celui des autres personnes soumises à cette obligation. Ces déclarations seraient ainsi systématiquement remises après l’expiration des mandats ou des fonctions. Il n’y a aucune raison que les élus déposent les leurs avant la fin du mandat, d’autant que la HATVP ne dispose pas du temps nécessaire pour les contrôler avant l’échéance. De surcroît, les délais actuels sont difficilement lisibles si l’on exerce d’autres fonctions et des délais dérogatoires sont prévus dans certaines hypothèses, ce qui renforce les risques d’incompréhension. Il s’agit d’une proposition de bon sens et d’équilibre, qui a été élaborée en liaison avec la HATVP.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis tout à fait d’accord, car il n’est pas toujours facile de s’y retrouver.

M. Raphaël Schellenberger. Cela ne concernerait que les élus européens et les élus locaux ?

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Oui, parce que les règles applicables aux députés et sénateurs relèvent de la loi organique. L’objectif est de soumettre tous les élus au même régime.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis favorable à l’harmonisation des règles, mais encore faut-il que tout le monde soit concerné !

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. On ne peut pas le faire dans la présente loi pour les députés et sénateurs mais, idéalement, il conviendrait en effet d’harmoniser tous les délais.

La commission adopte l’amendement.

 

Chapitre VIII
Modernisation des missions des chambres régionales des comptes

Article 74 (art. L. 211-15, L. 235-1 et L. 245-1 [nouveaux] du code des juridictions financières) : Nouvelle mission d’évaluation des politiques publiques territoriales des chambres régionales des comptes

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1649 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendements identiques CL1621 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL1399 de Mme Valérie Oppelt.

Mme Valérie Oppelt. L’article 74 offre la possibilité aux présidents des conseils régionaux, des conseils départementaux et de la métropole de Lyon de saisir de leur propre initiative, ou sur la proposition de l’assemblée délibérante, la chambre régionale des comptes, afin qu’elle procède à l’évaluation d’une politique publique territoriale. Le présent amendement, qui émane des députés de La République en marche, vise à étendre cette possibilité à l’ensemble des métropoles, compte tenu de leur importance territoriale, démographique ou financière. Il tend également à conférer la faculté au président d’un conseil régional, d’un conseil départemental, d’une métropole ou d’une communauté urbaine, ainsi qu’à l’ordonnateur de toute collectivité à statut particulier, de saisir la chambre régionale des comptes pour avis sur un projet d’investissement exceptionnel.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à cette disposition. Le premier président de la Cour des comptes, avec qui nous avons eu des discussions à ce sujet, accueille également favorablement cette évolution.

La commission adopte les amendements.

La commission adopte l’amendement de coordination CL1650 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporeteure.

Amendement CL1674 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement vise à préciser le nombre de saisines de la chambre régionale des comptes pouvant être effectuées par une collectivité territoriale ou un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1651 et CL1652 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 74 modifié.

Article 74 bis A (art. L. 4134-1 du code général des collectivités territoriales) : Attribution d’une mission de prospective au Conseil économique, social et environnemental régional

La commission adopte l’article 74 bis A non modifié.

Article 74 bis B (art. L. 5211-11-1-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Possibilité pour les EPCI à fiscalité propre de 20 000 habitants et plus de créer une mission d’information et d’évaluation

Amendement CL1622 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit d’abaisser à 20 000 habitants le seuil de création d’une mission d’information et d’évaluation dans les EPCI défini par l’article L. 5211-1 du code général des collectivités territoriales, sans pour autant créer dans ce dernier un article supplémentaire. Nous respectons l’intention du Sénat.

La commission adopte l’amendement et l’article 74 bis B est ainsi rédigé.

Après l’article 74 bis B

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL564 de M. Raphaël Schellenberger.

Article 74 bis (art. L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales) : Renforcement de la portée des avis du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN)

Amendement CL1623 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement vise, conformément au souhait du Sénat, à renforcer les obligations de motivation qui s’imposent aux ministères à la suite d’un avis défavorable rendu par le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) sur un texte réglementaire. Il est ainsi proposé d’étendre, à des fins d’harmonisation, les obligations de motivation auxquelles est astreint le Gouvernement, à l’ensemble des projets de texte réglementaire, et cela quel que soit le mode de saisine du CNEN. Les avis du CNEN demandés en extrême urgence par le Premier ministre seraient eux aussi concernés. Dans cette hypothèse, une seconde délibération serait toutefois exclue, conformément au droit en vigueur et à la rédaction issue du Sénat, afin de pas retarder de manière disproportionnée la publication du texte.

Ces nouvelles obligations ne s’appliqueraient qu’aux seuls projets de texte réglementaire.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis favorable à cette disposition, qui conserve l’intention du Sénat tout en renforçant sa portée concernant les projets de texte réglementaire.

La commission adopte l’amendement et l’article 74 bis est ainsi rédigé.

Article 74 ter (art. L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales) : Élargissement des conditions de saisine du CNEN

Amendement de suppression CL1624 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 74 ter vise à permettre aux présidents de l’Assemblée nationale et du Sénat, ainsi qu’aux présidents des commissions permanentes des deux assemblées, de demander au CNEN un avis sur un projet de loi aux fins d’apprécier sa pertinence au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.

Or l’article L. 1212-2 du code général des collectivités territoriales prévoit déjà la saisine obligatoire du CNEN sur l’ensemble des projets de texte – y compris les projets de loi – qui créent ou modifient des normes applicables aux collectivités territoriales. Ses avis sont systématiquement rendus publics. Il n’y a donc pas lieu de saisir une seconde fois le CNEN après le dépôt du projet de loi au Parlement.

En outre, il ne revient pas au CNEN de se prononcer sur la conformité d’un projet de loi à l’article 72 de la Constitution, cette compétence revenant au Conseil constitutionnel, conformément à l’article 61 de la loi fondamentale.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 74 ter est supprimé.

Article 74 quater A (art. L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales) : Remplacement des membres du CNEN en cours de mandat

Amendements CL1676 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et CL935 de M. Jean-René Cazeneuve (discussion commune).

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Les conditions de remplacement des membres du CNEN sont assez restrictives : lorsqu’un membre de cette instance perd son mandat à la suite d’une élection, son siège reste le plus souvent vacant jusqu’au prochain renouvellement complet du Conseil. Afin de garantir la continuité, la représentativité, donc la légitimité du CNEN, l’article 74 quater A ouvre la possibilité de remplacer les membres de l’institution dont le mandat a cessé. Je vous propose d'en clarifier la rédaction. Ainsi, dès lors qu’en cours de mandat, un membre du CNEN aura cessé d’exercer le mandat local ou les fonctions au titre desquels il siège au sein du conseil, il pourra soit être remplacé par un nouveau membre, soit être maintenu dans ses fonctions au CNEN, avec son accord préalable, et ce uniquement jusqu’à la fin du mandat en cours. Pour des raisons rédactionnelles, je vous demande d’adopter mon amendement de préférence à celui de M. Cazeneuve.

Mme Catherine Kamowski. L’amendement CL935, issu des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de notre assemblée, a le même objet que celui de Mme la rapporteure, mais sa rédaction est plus ramassée et moins explicite.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je demande à Mme Kamowski de retirer l’amendement CL935 au profit de celui de la rapporteure, qui me paraît plus juste, même si sa rédaction n’est peut-être pas complètement aboutie.

L’amendement CL935 est retiré.

La commission adopte l’amendement CL1676.

Elle adopte l’article 74 quater A modifié.

Article 74 quater B (art. L. 1212-1 du code général des collectivités territoriales) : Création d’une troisième vice-présidence du CNEN

La commission adopte l’article 74 quater B non modifié.

Après l’article 74 quater B

Amendements identiques CL104 de M. Vincent Descoeur, CL427 de Mme Jeanine Dubié, CL431 de M. Raphaël Schellenberger et CL1306 de Mme Pascale Boyer.

M. Paul Molac. Le CNEN devrait comprendre obligatoirement un conseiller municipal d’une commune de montagne parmi ses membres : tel est l’objet de ces amendements.

M. Raphaël Schellenberger. Ces amendements, je le précise, émanent de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM). Les spécificités de la montagne, qui s’apparentent à celles de la ruralité mais s’en distinguent par d’autres aspects, méritent qu’un regard particulier leur soit porté au sein du CNEN.

Mme Catherine Kamowski. Il serait logique qu’un élu de la montagne siège au CNEN. Certes, les spécificités des territoires de montagne ont déjà été reconnues par les lois « montagne » 1 et 2, mais un rappel est toujours bienvenu.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je porte évidemment un regard bienveillant sur les propositions de l’ANEM, mais pourquoi s’en tenir aux élus de la montagne ? Pourquoi ne pas prévoir que siège aussi un élu du littoral ou des communes touristiques ? Il me paraît plus sage de laisser le collège des maires, c'est-à-dire les associations d'élus municipaux, choisir leurs représentants.

En outre, le président de la commission permanente du Conseil national de la montagne peut saisir le CNEN d'une demande d'évaluation de normes réglementaires en vigueur, au même titre que le Gouvernement, les commissions permanentes de l'Assemblée nationale et du Sénat, les collectivités territoriales et les EPCI à fiscalité propre.

Je demande donc le retrait des amendements ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai toujours été opposée par principe aux amendements de ce genre. Pourquoi un élu de la montagne et pas de la plaine, du littoral, des communes touristiques ou des communes thermales ? Il existe d’innombrables associations d’élus qui pourraient prétendre à être représentées.

En outre, l’État veille toujours à ce que tout le monde soit représenté au sein des structures nationales.

Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Article 74 quater (art. L. 5211-7, L. 5711-1, L. 5842-4 et L. 5843-1 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation au scrutin secret pour l’élection des délégués des communes et des EPCI dans les syndicats de communes et les syndicats mixtes

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1653 et CL1654 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Elle adopte l’article 74 quater modifié.

Article 74 quinquies A (art. L. 3121-7 du code général des collectivités territoriales) : Permettre au conseil départemental de déterminer le siège de l’hôtel de département

Amendement de suppression CL1625 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’article 74 quinquies A prévoit que l’emplacement de l’hôtel du département est déterminé par le conseil départemental.

L’emplacement de l’hôtel de région est fixé par le conseil régional depuis la loi du 16 janvier 2015 afin de permettre aux régions auxquelles celle-ci a donné naissance de choisir le lieu adapté à leur nouveau périmètre. En revanche, l’hôtel du département, comme la préfecture de département, est situé dans la commune chef-lieu du département. Il ne semble pas pertinent de permettre de le déplacer : on risquerait de créer une confusion chez les usagers, qui sont très attachés à l’échelon départemental et habitués à trouver les services de la préfecture et du conseil départemental dans un seul et même chef-lieu.

Il ne paraît pas davantage opportun d’encourager des opérations immobilières qui ne sont pas justifiées par une modification du périmètre des collectivités.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’approuve entièrement.

M. Raphaël Schellenberger. Je ne comprends pas où est le problème. Vous n’éviterez pas les opérations immobilières inappropriées des collectivités en les empêchant de changer l’adresse de leur siège !

M. Paul Molac. Le chef-lieu du Morbihan est situé sur la côte, ce qui n’est pas des plus commodes. Pourquoi ne serait-il pas à Locminé, qui est au centre du département ? Il me paraît normal de laisser le département décider du lieu où sont installés son assemblée et ses services.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si la région décidait que le conseil régional de la Bretagne réunie s’installait à Nantes, que diriez-vous ?

M. Paul Molac. Je dirais : avec plaisir ! (Sourires) Je suis favorable à ce que le département choisisse son chef-lieu.

Les élus régionaux ont décidé, à deux voix près, que l’hémicycle serait sis à Rennes plutôt qu’à Pontivy, ce qui m’aurait arrangé. Pour un élu qui vient de la campagne, l’accès au centre-ville est souvent compliqué : je mets plus de temps pour aller de la périphérie au centre que de mon domicile aux abords de Rennes. Une petite agglomération de 15 000 habitants peut constituer un très bon choix pour le siège du conseil régional.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 74 quinquies A est supprimé.

Article 74 quinquies (art. L. 2223-17, L. 2223-18-1-1 [nouveau], L. 2223-21-1, et L. 2223-33 du code général des collectivités territoriales) : Modifications en matière de droit funéraire

Amendement de suppression CL1204 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Ugo Bernalicis. Les représentants des pompes funèbres ont visiblement trouvé une oreille attentive au Sénat.

Ce projet de loi ne nous semble pas être le lieu approprié pour une réforme du droit funéraire. Celle-ci devrait à nos yeux être plus large et redonner plus de place au service public, le coût des services funéraires ayant explosé depuis la libéralisation du marché – selon la Cour des comptes, en vingt-cinq ans, les tarifs des prestations funéraires ont augmenté deux fois plus vite que l’inflation.

L’article 74 quinquies comporte des dispositions étranges, parmi lesquelles celle imposant que le contrat avec l’opérateur funéraire détermine le sort des métaux précieux issus de la crémation, le profit tiré de leur cession pouvant éventuellement être versé à ceux qui n’ont pas les moyens de financer des obsèques ou à une association reconnue d’utilité publique. Tout cela manque de clarté. Nous proposons donc la suppression de l’article.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. J’y suis défavorable. Je présenterai d’ailleurs dans quelques instants plusieurs amendements visant à préciser et enrichir celui-ci.

S’agissant du statut des métaux précieux issus de la crémation, le texte représente une avancée importante. Il précise la destination des recettes financières qui peuvent être tirées de ces derniers : le produit de la cession reviendrait au budget du crématorium, qui pourrait les affecter soit au financement de la prise en charge des obsèques des personnes dépourvues de ressources suffisantes, soit aux dons à une association d’intérêt général ou à une fondation reconnue d’utilité publique.

L’article renforce également les obligations des opérateurs en matière de devis type, même si les modalités d’information méritent encore d’être modernisées – peut-être pourrons-nous le faire d’ici à la séance.

Enfin, il simplifie les règles applicables en cas de cessation définitive d’activité des opérateurs funéraires, et assouplit certaines interdictions pesant sur les opérateurs afin de résoudre certaines situations difficiles en cas de décès à domicile.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Sénat compte parmi ses membres un spécialiste du sujet en la personne de Jean-Pierre Sueur. Celui-ci a souhaité faire évoluer la législation. Il me semble important de ne pas remettre en cause le travail important qui a été fourni par le sénateur socialiste ainsi que par votre rapporteure. J’émettrai donc un avis défavorable sur l’amendement.

M. Raphaël Schellenberger. Je suis partagé. C’est un sujet qui détermine notre humanité, la crise récente l’a montré – la mort a parfois été traitée de manière administrative.

Le droit funéraire a besoin d’être réformé en profondeur et je ne suis pas sûr que le travail d’un sénateur, fût-il M. Sueur, suffise pour exprimer notre vision collective. L’évolution de la législation ne peut pas être laissée entre les seules mains du spécialiste du Sénat et de notre rapporteure, quelles que soient leurs qualités. L’Assemblée nationale dans son ensemble doit se saisir pleinement de ce sujet de société.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous rassure, le travail qui a été mené ne se résume pas au dialogue que vous mentionnez. Il a donné lieu à une concertation avec les opérateurs funéraires ainsi qu’avec les représentants des familles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL1679 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. L’amendement reprend la recommandation n° 3 du rapport de la Défenseure des droits intitulé « Des droits gravés dans le marbre ? La personne défunte et ses proches face au service public funéraire ». Je vous invite à lire ce travail de grande qualité, monsieur Schellenberger.

Il vise à inscrire dans le code général des collectivités territoriales l’obligation d’information des ayants droit sur leur droit à renouvellement, à l’échéance d’une concession temporaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1626 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Il s’agit de prévoir que les métaux issus de la crémation d’un défunt sont récupérés par le gestionnaire du crématorium. Il peut s’agir par exemple de résidus de prothèses ou de broches métalliques. En pratique, la récupération de ces métaux peut s’avérer difficile car la quantité et la composition des résidus métalliques présents dans le corps humain ne sont connues ni de la famille ni des opérateurs funéraires avant la crémation.

Aux termes de l’amendement, et conformément aux préconisations du Conseil national des opérations funéraires, qui comprend notamment des représentants des collectivités, des opérateurs funéraires, des organisations représentatives du personnel funéraire et des familles, la récupération fait l’objet d’une information préalable renforcée des familles, par le moyen de tout document de nature contractuelle prévoyant la crémation du défunt ainsi que d’un affichage dans les crématoriums.

Enfin, il est précisé que le produit éventuel de la cession ne peut être destiné qu’à l’une des opérations énumérées par la loi, à l’exclusion de tout autre objectif.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1677 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Le Sénat a introduit l’obligation pour les opérateurs funéraires d’actualiser chaque année les devis types.

Si l’objectif d’une meilleure information est louable, le rythme annuel risque d’être trop contraignant. C’est la raison pour laquelle je propose que la fréquence de l’actualisation soit fixée à trois ans.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1675 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Afin d’assurer une meilleure transparence des tarifs pour les consommateurs fragilisés par le deuil, je propose de modifier les modalités de mise à disposition des devis types.

Tant les opérateurs funéraires que les représentants des familles et des consommateurs reconnaissent la désuétude du dispositif actuel, qui repose sur le dépôt de devis types en mairie. Afin de moderniser ces derniers et d’améliorer l’accessibilité pour les familles, l’amendement prévoit la publication des devis sur le site internet des communes de plus de 5 000 habitants. Il s’agit d’une solution transitoire dans l’attente d’un dispositif pérenne en vue d’améliorer l’information des familles sur les prix des services funéraires.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL1655 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure.

Amendement CL941 de M. Ian Boucard.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Cet amendement tend à autoriser les prestations de transport ou de dépôt de corps, quels que soient le jour et l’heure, pour les décès à domicile et sur la voie publique. Or l’article assouplit déjà les interdictions pesant sur les opérateurs funéraires afin de résoudre certaines difficultés. Ainsi, dans le cas d’un décès à domicile, les démarches à domicile des personnels des régies, entreprises ou associations habilitées sollicitées par la personne ayant qualité pour pourvoir aux funérailles du défunt seront autorisées, mais uniquement les dimanches, jours fériés et aux heures de nuit. Cette dérogation ne concernera que la commande de prestations de transport ou de dépôt de corps avant mise en bière et de soins de conservation à domicile.

Cela me paraît répondre aux besoins des familles. Il ne me paraît pas pertinent d'aller plus loin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Successivement, la commission adopte les amendements rédactionnels CL1656 et CL1658 de Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure, et, suivant l’avis de la rapporteure, rejette l’amendement CL942 de M. Ian Boucard.

Elle adopte l’article 74 quinquies modifié.

Après l’article 74 quinquies

Amendement CL202 de M. Jimmy Pahun.

M. Vincent Bru. Il convient de renforcer la sauvegarde des aires marines protégées en prévoyant une révision annuelle des autorisations de pêche octroyées de manière dérogatoire.

L’exemple du chalutage entre les îles de Houat et Hoëdic est éclairant. L’usage de filets remorqués est interdit à moins de trois milles de laisse de basse mer, sauf dérogations. En l’espèce, un arrêté de 1956 autorise le chalut de fond au plus près des côtes des îles. Or il n’a fait l’objet d’aucune révision depuis que la zone a été classée site Natura 2000.

L’objet de l’amendement est non l’interdiction du chalutage dans les aires protégées, mais l’actualisation des dérogations au cas par cas.

Mme Élodie Jacquier-Laforge, rapporteure. Je vous rejoins sur la nécessité d'accorder une attention particulière à la sauvegarde des aires marines protégées. Cependant, il n'y a pas lieu de prévoir une injonction au Gouvernement de modifier annuellement les arrêtés qui fixent des dérogations : si la situation environnementale évolue, les dérogations seront revues en conséquence, à une périodicité qui ne sera pas toujours annuelle selon les cas.

Une telle injonction encourt en outre l’inconstitutionnalité puisqu’elle méconnaît le principe de la séparation des pouvoirs et les dispositions de l'article 21 de la Constitution.

Je demande donc le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis, d’autant que le cadre juridique actuel et les travaux menés en concertation avec les acteurs permettent d’assurer la compatibilité des activités autorisées, y compris à titre dérogatoire, dans les espaces protégés sans qu’il soit nécessaire de prévoir un réexamen annuel systématique.

L’amendement est retiré.

  TITRE VIII
DISPOSITIONS RELATIVES À L’OUTRE-MER

Article 75 : Création à titre expérimental d’un état de calamité naturelle exceptionnelle en outre-mer

Amendement CL1509 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Mme Maina Sage, rapporteure pour le titre VIII. Il convient de remplacer « d’outre-mer et en Nouvelle-Calédonie » par « les collectivités mentionnées à l’article 72-3 de la Constitution », afin que l’état de calamité naturelle exceptionnelle concerne bien l’ensemble des collectivités ultramarines, qu’il s’agisse de celles régies par l’article 73, de celles régies par l’article 74 ou de la Nouvelle-Calédonie.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL1531 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Mme Maina Sage, rapporteure. L’article 75 permet donc d’instaurer cet état de calamité naturelle exceptionnelle, à titre expérimental et pour une durée de cinq ans, dans l’ensemble des territoires d’outre-mer. Or les territoires de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie jouissent d’une très large autonomie et sont compétents dans des domaines qui touchent aussi aux interventions en période de calamité naturelle. Cet amendement vise à ce que, dans chacune de ces deux collectivités, l’état de calamité naturelle exceptionnelle ne puisse être déclaré qu’à la demande du chef de l’exécutif.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette proposition paraît en contradiction avec l’objet même de la mesure, qui est de pouvoir déclencher immédiatement un régime facilitant l’action des autorités lorsque le fonctionnement des institutions est gravement compromis. Il serait sage de retirer votre amendement pour le retravailler, madame la rapporteure.

Mme Maina Sage, rapporteure. Dont acte, mais eu égard aux nombreux échanges que j’ai eus avec lesdits territoires, il est impératif que nous aboutissions en séance à une autre rédaction, plus efficace.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1510 rectifié de Mme Maina Sage, rapporteure.

Mme Maina Sage, rapporteure. Il est proposé qu’après le premier mois d’état de calamité naturelle exceptionnelle, qui permettra d’évaluer la situation, son éventuel renouvellement se fasse par périodes d’un à deux mois. Cela permettrait de gagner en souplesse et en efficacité.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est une bonne idée.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1511 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Elle adopte l’article 75 modifié.

Après l’article 75

Amendements identiques CL1685 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL1670 du Gouvernement.

Mme Maina Sage, rapporteure. Je propose, comme je vous l’avais indiqué lors de la présentation du texte lundi, de compléter le dispositif que nous venons d’adopter par le renforcement du volet préventif, afin que soient dispensées des formations à la prévention aux risques naturels à la fois dans le milieu professionnel et dans le cadre scolaire, avec des exercices adaptés.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL628 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Mayotte est en train de vivre un épisode sismique exceptionnel. Bien que personne ne sente la terre trembler, les spécialistes affirment que le phénomène perdure, qu’il aura de lourdes conséquences sur le bâti et qu’il provoquera des difficultés financières. Nous demandons donc au Gouvernement de nous remettre d’ici au mois de juillet un rapport afin que nous puissions appréhender la situation et accompagner la population.

Mme Maina Sage, rapporteure. Il importe de se donner les moyens d’une connaissance scientifique approfondie de tels phénomènes et de développer la résilience des populations concernées et la capacité des acteurs publics à réagir en cas de crise. L’article 75 du projet de loi, que nous venons d’adopter, y contribue.

Beaucoup de choses ont en outre été engagées par le Gouvernement. Je laisse à Mme la ministre le soin de vous présenter les politiques publiques menées pour faire face aux risques sismiques et volcaniques.

Cela me semble suffisant. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Un point sur l’activité sismo-volcanique et sur l’avancée des connaissances scientifiques est réalisé une fois par mois au minimum à l’occasion de la publication du bulletin d’information mensuel du réseau de surveillance volcanologique et sismologique de Mayotte (REVOSIMA) ; il est consultable en ligne sur les sites des organismes de recherche et de la préfecture. Un bulletin quotidien résumant l’activité sismique et transmettant les données de déformation et de dégazage de la veille est également disponible sur la page internet du REVOSIMA. Enfin, celui-ci publie un communiqué à chaque séisme ressenti. Il ne me paraît donc pas utile de faire un rapport.

Le ministre des outre-mer et son cabinet se tiennent à votre disposition pour plus de précisions.

M. Mansour Kamardine. Combien de fois avez-vous visité le site du REVOSIMA, madame la ministre ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Personnellement, je ne l’ai jamais consulté.

M. Mansour Kamardine. Ma mère non plus, pas plus que mon grand-père, ma grand-mère ou moi-même. Votre réponse est totalement déconnectée de la réalité locale !

D’abord, pour consulter le site de REVOSIMA, encore faut-il disposer d’un terminal – et à Mayotte, il n’y en a pas beaucoup.

Ensuite, je préfère que l’on nous informe par une communication gouvernementale, plutôt que par un site internet.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Êtes-vous certain qu’un rapport gouvernemental soit plus efficace pour informer les habitants de Mayotte ? Si vous estimez que l’action du réseau, qui réunit pourtant à la fois des scientifiques et les services de la préfecture, n’est pas suffisante, le mieux serait peut-être d’organiser des réunions à la préfecture.

La commission rejette l’amendement.

Article 76 (articles 3, 4, 5 et 6 de la loi n° 96-1241 du 30 décembre 1996, article 27 de la loi 2015-1268 du 14 octobre 2015, articles L. 2132-3-2, L. 5112-1, L. 5112-3, L. 5112-4, L. 5112-5, L. 5112-6, L. 5112-6-1 et L. 5112-9 du code général de la propriété des personnes publiques, articles, L. 211-1 et L. 211-2-2 du code de l’urbanisme) : Propriété et aménagement de la zone des cinquante pas géométriques en Guadeloupe et en Martinique

Amendement de suppression CL1671 du Gouvernement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’article 76 a pour objet de définir un nouveau processus pour le transfert de la zone des cinquante pas géométriques (ZPG) : reporter de trois ans l’échéance du transfert, du 1er janvier 2022 au 1er janvier 2025 ; redéfinir au sein de la ZPG les zones à risques dans lesquelles les cessions aux occupants sont interdites ; favoriser la régularisation foncière la plus large ; prolonger de dix ans la durée de vie des agences des cinquante pas géométriques ; leur donner un rôle accru en matière d’aménagement ; les instituer délégataires du droit de préemption urbain mis en place sur la ZPG ; les doter d’un pouvoir de police domaniale. Du fait de la nécessité de modifier avant le 31 décembre l’échéance du transfert, ce nouveau processus a été introduit dans le projet de loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dit climat et résilience, à l’article 247. Par conséquent, l’article 76 du présent projet de loi est désormais sans objet. C’est pourquoi j’en suggère la suppression.

Mme Maina Sage, rapporteure. Je ne peux être que favorable à cette suppression puisque ces dispositions ont déjà été adoptées dans le cadre de la loi « climat et résilience ». Je souhaite néanmoins appeler l’attention de la commission et du Gouvernement sur deux points. D’abord, si l’on veut éviter un nouveau report dans cinq ans, il faut impérativement que le transfert fasse l’objet d’un suivi au moins annuel de la part des acteurs intéressés. Ensuite, il serait bon que les collectivités concernées prennent la présidence des agences pendant la durée de transition afin qu’elles soient pleinement opérationnelles à l’issue du transfert.

M. Mansour Kamardine. Je souscris pleinement à cette dernière idée. Je rappelle que la loi du 21 février 2007 portant dispositions statutaires et institutionnelles relatives à l’outre-mer avait déjà prévu le transfert des ZPG urbanisées. Je ne sais pas ce qui s’est passé dans les autres collectivités d’outre-mer, mais à Mayotte, il n’y a pas eu plus de 1 000 actes de cession. Tous les villages de Mayotte sont bâtis sur le littoral : si l’on laisse l’État local gérer seul le processus, sans que les élus y soient associés, on n’y arrivera jamais.

Cela pose en outre d’autres problèmes. Si les transferts avaient été faits, les populations qui occupent ces espaces auraient pu être imposées à la taxe foncière, ce qui est juridiquement impossible aujourd’hui, alors que les collectivités ont besoin d’argent. Tout le monde y perd : les communes, comme l’État.

Il faut une action hardie, volontariste pour transférer ces zones. Quel Gouvernement osera dire qu’il va les récupérer aux personnes qui occupent les lieux depuis des générations ? Le transfert permettra à ces populations de prétendre par exemple à des prêts bancaires pour réaliser des travaux d’aménagement, sans les obliger à attendre des financements publics. C’est une question de bon sens ! Je suis tout à fait partisan de faire participer les élus locaux à ces opérations.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 76 est supprimé.

Article 77 (article 13 de l’ordonnance n° 2005-870 du 28 juillet 2005) : Conditions de la prescription acquisitive immobilière à Mayotte

La commission adopte l’article 77 non modifié.

Article 77 bis (article 35-2 de la loi n°2017-256 du 28 février 2017) : Actes de notoriété à Saint-Barthélemy

La commission adopte l’article 77 bis non modifié.

Article 78 (sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales) (examen délégué à la commission des affaires sociales) : Création dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte d’une catégorie d’établissements publics à caractère industriel et commercial en matière de formation professionnelle

La commission adopte l’article 78 non modifié.

Article 79 (article 5-1 de la loi du 6 août 1955) : Autorisation du recours aux conventions de mandat pour les Terres australes et antarctiques françaises

Amendements identiques CL1680 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL1672 du Gouvernement.

Mme Maina Sage, rapporteure. L’article 79 étend aux Terres australes et antarctiques françaises le mécanisme des conventions de mandat en vue d’un recours à des financements participatifs. Il convient de le mettre en conformité avec la loi n° 2021-1308 du 8 octobre 2021, qui a ouvert cette possibilité au financement de tout service public.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 79 modifié.

Article 80 (articles L. 7124-2, L. 7124-3, L. 7124-5, L. 7226-2, L. 7226-3 et L. 7226-5 du code général des collectivités territoriales) : Modification des conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique

Amendement CL1156 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Les conseils économiques, sociaux, environnementaux, de la culture et de l’éducation (CESECE) de Guyane et de Martinique, instaurés par la loi du 27 juillet 2011 relative aux collectivités territoriales de Guyane et de Martinique, sont issus de la fusion des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux (CESER) et des conseils de la culture, de l’éducation et de l’environnement (CCEE), engagée dans la continuité de celle des conseils départementaux et régionaux respectifs de ces territoires. Toutefois, les membres du CESECE déplorent que l’organisation de cette instance soit calquée sur celle des CESER de l’Hexagone, alors même que la loi du 27 juillet 2011 devait leur permettre de bénéficier d’une organisation adaptée au nouveau paysage institutionnel de la Guyane et de la Martinique. Afin d’améliorer l’exercice de leurs fonctions, des aménagements ont donc été consentis, qui sont inscrits dans le présent article, lequel supprime notamment l’organisation en deux sections.

S’il convient de saluer ces avancées, l’alinéa 8 renvoie l’application de ces mesures au prochain renouvellement des instances concernées, à savoir en 2024. De ce fait, il les maintient dans l’incapacité à appliquer la loi, puisque pendant encore trois ans, les CESECE de Guyane et de Martinique ne pourront pas réunir les deux sections et mener à bien leurs travaux. Par conséquent, le présent amendement tend à rendre ces dispositions immédiatement applicables.

Mme Maina Sage, rapporteure. Le décret du 24 novembre 2016 a déjà écourté le mandat des membres de ces conseils pour qu’il coïncide avec la date de renouvellement des CESER en France hexagonale. Je comprends le sens de cet amendement, mais il faut aussi avoir le souci de la stabilité.

Se pose certes le problème de la spécificité d’un fonctionnement avec deux sections. Néanmoins, à l’occasion des auditions, aucun des acteurs concernés ne nous a fait part de difficultés particulières. Il faudra vérifier cela d’ici à la séance. Dans cette attente, je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je suis d’accord avec la rapporteure : il est toujours délicat de modifier le mode de fonctionnement d’une assemblée en cours de mandat. Il faut en outre se donner du temps pour la préparation du décret d’application en Conseil d’État et de l’arrêté du représentant de l’État. Il faut laisser aussi du temps aux nouveaux conseils pour qu’ils se mettent place. L’échéance n’est pas si éloignée, puisque nous sommes bientôt en 2022.

Pour plus d’explications, le ministre de l’outre-mer et son cabinet se tiennent à votre disposition.

M. Lénaïck Adam. Je suis à la fois élu de la nation et de la Guyane. Nous nous saisissons des sujets à l’issue de discussions, et non arbitrairement. Or j’ai été interpellé à plusieurs reprises par des membres du CESECE, qui m’ont expliqué qu’ils se trouvaient dans l’incapacité de le faire fonctionner avec deux sections, l’une culturelle, l’autre économique. Ils sont enfermés dans ce schéma binaire, sans avoir la possibilité d’examiner d’autres thématiques. L’échéance de 2024 n’est peut-être pas éloignée, mais pour l’heure, ils ne peuvent pas travailler. Soyons pragmatiques, engageons le renouvellement de ces assemblées, et faisons en sorte qu’elles puissent fonctionner.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cela concerne non seulement la Guyane, mais aussi la Martinique, monsieur le député. Peut-être rencontrez-vous localement des difficultés de fonctionnement, mais il me semble plus sage et plus démocratique d’attendre l’échéance et de repartir sur de bonnes bases.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1569 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Elle adopte l’article 80 modifié.

Article 81 : Ratification des dispositions de l’ordonnance n° 2020-1733 du 16 décembre 2020 portant partie législative du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, prises sur le fondement de l’article 74-1 de la Constitution

La commission adopte l’amendement de correction CL1513 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Elle adopte l’article 81 modifié.

Après l’article 81

Amendement CL457 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Depuis plusieurs années, une arrivée massive de population à Mayotte alimente un trafic de documents. L’idée est d’associer les élus locaux à la vérification du justificatif de domicile produit, ce qui ferait gagner du temps et de l’argent, et éviterait de demander au préfet de détruire les faux certificats.

Mme Maina Sage, rapporteure. L’amendement vise à vérifier le domicile du demandeur d’un titre de séjour auprès du maire de la commune. Il semble toutefois limité aux demandeurs du titre de séjour passeport talent, au lieu de cibler l’ensemble des demandeurs. Je vous propose de le retirer afin d’en améliorer la rédaction d’ici à la séance.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Votre amendement vise à adapter les dispositions relatives au passeport talent à la situation de Mayotte, en introduisant un nouveau critère sur le logement. La proposition ne semble toutefois pas pertinente eu égard au public ciblé, qui doit plutôt répondre à des critères de rémunération ou de capacité d’investissement. Le nombre de passeports talents portant la mention « emploi salarié ou fonction en lien avec le projet de recherche et développement de l’entreprise », « salarié en mission » ou « emploi hautement qualifié », est inférieur à cinq pour chacune de ces catégories. Le Gouvernement est donc défavorable à l’amendement.

Le cabinet du ministre des outre-mer apprécie toutefois votre intuition concernant le logement. Vous pourriez revenir vers le ministère de l’outre-mer à ce sujet car un texte sur Mayotte est en préparation pour le début de l’année 2022.

M. Mansour Kamardine. J’entends ce que dit le Gouvernement, et lui fais une contre-proposition responsable, qui montre que nous partageons les mêmes préoccupations. Cet amendement pose un problème légistique, je l’admets, mais nous avons jusqu’à la séance pour le rédiger. Nous ne pouvons pas attendre jusqu’à ce que le projet de loi relatif à Mayotte vienne en discussion, probablement d’ici un an. Ce sera trop tard, car, en face, le mouvement ne s’arrête pas !

Je retirerai donc l’amendement si le Gouvernement s’engage à travailler pour améliorer sa rédaction d’ici à la séance.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous pouvons regarder d’ici la séance si les maires peuvent être informés et associés, mais pas leur donner tous pouvoirs.

M. Mansour Kamardine. Ce n’était pas le sens de l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Très bien. Vous verrez cela avec le cabinet du ministre des outre-mer.

L’amendement est retiré.

Article 81 bis : Remise de rapport sur l’organisation du système de santé et de sécurité sociale à Saint-Barthélemy

Amendements identiques CL1498 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL955 de M. Olivier Serva.

Mme Maina Sage, rapporteure. Ces amendements d’appel sont soutenus par de nombreux collègues. Ils proposent d’étendre le rapport prévu à cet article à l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale en Guadeloupe.

M. Philippe Dunoyer. Dans son exposé des motifs, le président de la délégation aux outre-mer Olivier Serva détaille l’état préoccupant du système de santé guadeloupéen. Il rappelle l’incendie qui a détruit le CHU (centre hospitalier universitaire) de Pointe-à-Pitre ainsi que la fermeture de la maternité du centre hospitalier de Marie-Galante, qui laisse à craindre pour la sécurité des mères et des enfants en cas de grossesse à risque. Des établissements privés de santé ferment également certains services, du fait d’un manque de personnel. En conséquence, nous demandons que le rapport sur l’organisation du système de santé et de la sécurité sociale, prévu pour Saint-Barthélemy, s’intéresse également à la Guadeloupe.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Demande de retrait ou avis défavorable. Le rapport a été demandé par la sénatrice de Saint-Barthélemy en vue d’étudier la situation spécifique de ce territoire pour ce qui est de la sécurité sociale. En raison des différences qui existent entre les territoires, il n’apparaît pas opportun d’élargir le sujet du rapport. Cela ne signifie pas qu’il n’y ait pas de problème ailleurs, comme vous venez de l’exprimer, mais Saint-Barthélemy connaît des faiblesses particulières – elle n’a pas d’ARS (agence régionale de santé), notamment. Laissons le rapport se focaliser sur Saint-Barthélemy, cela n’empêchera pas de faire des points de situation fréquents pour l’ensemble du territoire.

M. Philippe Dunoyer. Je me permets d’insister, au nom du président Serva, car une nouvelle occasion d’inscrire ce rapport dans un texte législatif ne se présentera pas de sitôt. Naturellement, des différences existent entre les territoires, et pas seulement en outre-mer, mais on ne peut que s’inquiéter des difficultés du système de santé guadeloupéen, qui ne sont pas les mêmes que celles de Saint-Barthélemy.

Cette proposition mérite d’être réexaminée dans un avenir proche, en tout cas avant l’examen du texte en séance.

Mme Maina Sage, rapporteure. J’apporte mon soutien à cette demande. Loin de nous l’idée de remettre en cause la spécificité des problèmes de Saint-Barthélemy, qui justifie la demande initiale – le rapport prévu à l’article 81 bis porte précisément sur l’opportunité de créer une caisse de sécurité sociale propre à Saint-Barthélemy. La situation de la Guadeloupe mérite toutefois que l’on s’y attarde. Le retrait de l’amendement nous permettrait de faire une proposition en séance pour parvenir à traiter de la situation de la Guadeloupe, ou des Antilles, voire de l’ensemble de nos territoires d’outre-mer, étant donné la situation sociale actuelle.

L’amendement CL1498 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL955.

Elle adopte l’article 81 bis non modifié.

Après l’article 81 bis

Amendements identiques CL1499 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL964 de M. Olivier Serva.

Mme Maina Sage, rapporteure. Encore des amendements identiques avec Olivier Serva, qui visent à mieux associer les représentants des territoires à la présidence du conseil de surveillance de l’ARS de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin – ces trois territoires étant gérés par une seule et même agence.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous soutenons une organisation identique à celle retenue dans l’Hexagone. L’amendement est satisfait. Demande de retrait.

Mme Maina Sage, rapporteure. Il est vrai qu’il y a eu des avancées : désormais, les trois collectivités pourront bénéficier d’une vice-présidence, ce qui est un premier pas. Je me suis toutefois associée à cette demande pour rappeler, surtout à la suite de la crise sanitaire, la volonté des collectivités d’outre-mer d’être pleinement associées aux décisions des ARS, comme l’ensemble des régions de l’Hexagone le sont.

Je retire l’amendement CL1499 en espérant que ces vice-présidences se mettent en place rapidement.

M. Philippe Dunoyer. Les vice-présidences sont bien en place. C’est un motif de satisfaction, mais le président Serva insiste pour monter à l’échelon supérieur : sans priver le préfet de région de la présidence, il s'agit d’instaurer une coprésidence, tournante, avec les présidents des trois collectivités. La proposition est probablement satisfaite sur le plan administratif, mais politiquement, le message envoyé avec cette coprésidence des présidents de région serait bien compris et permettrait une meilleure association des collectivités à la gestion de l’agence.

L’amendement CL1499 est retiré.

La commission rejette l’amendement CL964.

Amendement CL451 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Il existe un dispositif pour pallier les difficultés de recrutement de médecins. C’est une mesure adaptée à nos collectivités, qui sont très éloignées du centre parisien. L’amendement, qui demande un rapport sur l’extension de ce dispositif à Mayotte, mérite sans doute un avis favorable du Gouvernement, pour permettre à la majorité de le voter.

Mme Maina Sage, rapporteure. Le dispositif existe déjà en Guadeloupe et en Martinique, en Guyane et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Mayotte, qui doit faire face à une pénurie de médecins, doit pouvoir en bénéficier. Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Ce rapport ne nous semble pas nécessaire. Le Gouvernement est favorable à l’extension du dispositif, afin de recruter plus facilement des médecins étrangers à Mayotte et de répondre au déficit de professionnels médicaux. C’était l’objet d’un amendement de votre collègue Ramlati Ali, qui a été jugé irrecevable en commission des affaires sociales. En fonction de nos échanges, la disposition pourrait être introduite dans le projet de loi dédié au territoire de Mayotte.

M. Mansour Kamardine. Dans dix ans !

Mme Ramlati Ali. Je regrette que mon amendement ait été jugé irrecevable. J’ai bien entendu que cette disposition pourrait être intégrée au projet de loi relatif à Mayotte mais, comme Mansour Kamardine l’a dit, il n’aboutira que dans un an. Or, comme la crise l’a montré, Mayotte est dans une urgence sanitaire. Il serait préférable de retravailler l’amendement pour le discuter en séance.

M. Mansour Kamardine. L’amendement de Mme Ali, que j’avais d’ailleurs cosigné, a été considéré comme un cavalier budgétaire, mais rien n’empêche le Gouvernement de le reprendre à son compte pour que nous puissions le voter. Si la volonté y est, nous trouverons le cheval pour porter le cavalier !

Mayotte connaît de vrais défis en matière de santé. Heureusement, nous avons bénéficié de l’envoi de la réserve sanitaire. Pallier les difficultés de cette nature serait une excellente chose. Je souhaite que le Gouvernement réfléchisse à l’idée de reprendre l’amendement, de telle sorte qu’il soit examiné en séance.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Lorsque l’irrecevabilité résulte de l’article 40 de la Constitution, qu’elle est donc basée sur des motifs financiers, le Gouvernement peut reprendre l’amendement à son compte. En revanche, l’article 45 de la Constitution, qui exige un lien direct ou indirect de l’amendement avec le texte, s’applique de la même manière aux parlementaires et au Gouvernement. Avec la présidence de l’Assemblée nationale, nous y veillons scrupuleusement. Il n'est pas question d’apprécier cette irrecevabilité différemment, selon l’origine de l’amendement. Vous le savez, en commission des lois, nous n’hésitons pas à déclarer irrecevables des amendements gouvernementaux.

M. Mansour Kamardine. Je vous remercie pour cette belle leçon de droit constitutionnel, mais il y a urgence.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je n’en doute pas, mais nous devons appliquer les règles, qui sont les mêmes pour tous.

La commission rejette l'amendement.

Article 82 : Adaptation et extension par ordonnances

La commission adopte l’article 82 non modifié.

Article 83 (art. L. 5142-1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Modalités de cession de biens immobiliers de l’État en Guyane

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1662 rectifié et CL1633 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Elle adopte l’article 83 modifié.

Article 83 bis A : Expérimentation en Guyane visant à remplacer l’obligation de réaliser une enquête publique par la participation du public

Amendement CL468 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Il s’agit d’ajouter à cet article l’opération d’intérêt national de Mayotte. Depuis 2018, le Gouvernement, appréciant très justement la situation à Mayotte, a considéré qu’il était plus qu’urgent d’y lancer une opération d’intérêt national (OIN). Mais si des dispositions d’allègement, notamment des avis sur les questions environnementales, ne sont pas prises, nous n’aurons pas encore vu le début de l’opération dans dix ans. Ce qui est bon pour la Guyane pourra aussi l’être pour Mayotte.

Mme Maina Sage, rapporteure. Une OIN a été lancée en Guyane en 2016. Il est souhaitable que Mayotte bénéficie du même type d’opération prochainement. L’amendement vise à étendre à Mayotte la procédure de participation du public, qui pourra remplacer l’obligation d’enquête publique en Guyane. Mais cette demande semble satisfaite, puisque cette procédure est applicable depuis 2006, en vertu de l’article L. 651-53 du code de l’environnement. Demande de retrait.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis : l’amendement est satisfait. Je précise que l’OIN de Mayotte en est encore au stade de l’élaboration. La phase de l’étude des périmètres vient de s’achever.

L’amendement est retiré.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CL1660 et CL1661 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Elle adopte l’article 83 bis A modifié.

Article 83 bis (art. L. 321-36-6-2 [nouveau] du code de l’urbanisme) : Exonération de tout droit, taxe ou impôt des cessions gratuites d’immeubles domaniaux à l’établissement public foncier et d’aménagement de Guyane :

La commission adopte l’amendement CL1673 de levée de gage du Gouvernement.

Elle adopte l’article 83 bis modifié.

Après l’article 83 bis

Amendement CL1158 de M. Lénaïck Adam.

M. Lénaïck Adam. Je me félicite de l’institution de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) de Guyane, dernière SAFER à avoir été créée depuis soixante ans qu’elles existent. Cette nouvelle structure, vivement demandée depuis 1981 par la filière agricole de Guyane et qui faisait partie des accords de Guyane soutenus par le Président de la République, a tenu son assemblée constitutive en mai dernier.

Il faut aujourd’hui la doter de tous les outils nécessaires pour que son fonctionnement soit optimal. Il faut donc lui conférer un droit de préemption adapté aux réalités du territoire, dans la mesure où, situation sans égale sur le territoire national, le domaine privé de l'État constitue 96 % du territoire guyanais, ce qui freine le développement de la Guyane.

Pour un agriculteur, obtenir la propriété d’un terrain sur une zone agricole s’apparente à un parcours du combattant. La solution alternative trouvée par l’État en Guyane est d’octroyer des baux emphytéotiques pour la mise en valeur agricole des terres concernées, avant d’aboutir, dans de rares cas, à une cession des terres concernées à titre onéreux, si les services préfectoraux sont satisfaits de cette mise en valeur.

Ainsi, compte tenu de leur utilisation fréquente sur le territoire guyanais par l’État, il conviendrait d’intégrer les baux emphytéotiques et les droits réels au champ d’application du droit de préemption de la SAFER nouvellement créée.

Mme Maina Sage, rapporteure. On peut effectivement se réjouir de la création de la SAFER de Guyane, et il faut lui donner tous les moyens nécessaires pour réussir sa mission titanesque.

Néanmoins, l’octroi d’un droit de préemption relève du décret, afin d’être révocable à tout moment en cas de manquement de la société. J’émets donc un avis de sagesse. Peut-être le Gouvernement peut-il prendre un engagement permettant de sortir rapidement ce décret très attendu en Guyane ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous demande de retirer votre amendement, auquel il n’est pas possible de donner un avis favorable. Je serai en revanche favorable à votre amendement CL1157.

M. Lénaïck Adam. Si le Gouvernement prend l’engagement ferme de sortir le décret rapidement et donne un avis favorable à l’amendement CL1157, j’accepte de retirer le présenta amendement. Mais il faut vraiment faire vite. Cela fait soixante ans que la Guyane attend pour développer une stratégie agricole. Le monde agricole guyanais compte sur moi, et sur vous. Ce n’est pas une faveur que demande la Guyane, puisque c’est ce qui se fait dans les autres SAFER. Peut-on rassurer le monde agricole guyanais ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Si je ne peux accepter votre amendement, c’est parce qu’il ne tourne pas sur le plan constitutionnel. Mais bien évidemment, aussitôt que la SAFER sera définitivement installée, le décret sera pris.

M. Lénaïck Adam. La SAFER est déjà installée. Nous attendons un certain nombre d’éléments qui sont à la main du Gouvernement : le nécessaire sera-t-il fait pour que le décret soit pris, afin qu’on avance sur ce sujet avant la fin de l’année ? Le ministre Julien Denormandie est d’accord.

La Guyane attend depuis trop longtemps.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Voulez-vous que je vous signe un papier ? Lorsque les derniers agréments auront été accordés à la SAFER, le décret sera pris : c’est noté au compte rendu, monsieur le député.

M. Lénaïck Adam. Même si je ne fais pas partie de la commission, peut-on débattre des sujets qui préoccupent notre territoire ?

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Les engagements du Gouvernement sont clairs et fermes. Vous pouvez lui faire confiance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CL1501 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL1157 de M. Lénaïck Adam.

Mme Maina Sage, rapporteure. J’apporte tout mon soutien à Lénaïck Adam. Nous sommes tellement loin ! Je vous demande un peu de compréhension car outre-mer, on a parfois le sentiment qu’ici, tout se fait beaucoup plus vite que là-bas.

Je laisse M. Adam défendre cet amendement.

M. Lénaïck Adam. Il s’agit de donner à la SAFER de Guyane l’usage plein et entier de son droit de préemption, au même titre que les autres SAFER du territoire national.

L’amendement vise à abroger l’article L. 181‑39 du code rural et de la pêche maritime, qui permettait à l’établissement public foncier d’aménagement de la Guyane (EPFAG) d’exercer, en l’absence d’une SAFER, le droit de préemption défini à l’article L. 143‑1 du même code. La SAFER de Guyane ayant tenu son assemblée constitutive le 10 mai 2021, cette disposition n’est plus nécessaire.

Je précise que l’EPFAG Guyane n’a jamais pu user de ce droit de préemption. Il n’était en effet autorisé à le faire qu’à condition d’avoir consulté une commission dont les modalités de compositions devaient être fixées par décret. Ce décret n’ayant jamais été pris par le pouvoir réglementaire, l’article est inopérant depuis sa création. Permettez-moi donc de m’inquiéter pour les décrets en cours de préparation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable, comme je l’ai dit tout à l’heure.

La commission adopte les amendements.

Amendement CL472 de M. Mansour Kamardine et amendements identiques CL1503 de Mme Maina Sage, rapporteure, et CL845 de Mme Ramlati Ali (discussion commune).

M. Mansour Kamardine. À Mayotte, les problèmes de désordre foncier se cumulent avec une forte croissance démographique : entre 2000 et 2020, la population a doublé, passant de 150 000 à environ 300 000 habitants. Elle devrait encore doubler compte tenu du développement continu de l’immigration. La conséquence est un manque de terrains constructibles qui fait obstacle à tout aménagement du territoire et au développement économique de l’île.

La protection du littoral, organisée à juste titre par la loi du même nom, codifiée au code de l’urbanisme, est tout à fait nécessaire. Elle doit cependant pouvoir être aménagée lorsque des dérogations soigneusement étudiées sont indispensables pour créer des équipements collectifs répondant à un intérêt général, placés sous la maîtrise d’ouvrage exclusive des collectivités locales, et qui sont eux-mêmes indispensables à la réduction des dommages à l’environnement causés par l’urbanisation anarchique qui s’est développée en retrait des côtes.

Mme Maina Sage, rapporteure. Il faut absolument adapter la loi « littoral » dans les milieux insulaires. C’est essentiel pour la Guyane et Mayotte, et, je pense, pour l’ensemble des territoires d’outre-mer. Il est souvent impossible d’y appliquer la loi telle qu’elle a été conçue dans l’Hexagone. Dans ces milieux, les zones constructibles sont en effet bien plus réduites que sur le continent.

Mme Ramlati Ali. La loi « littoral » peut poser des difficultés d’application du fait des particularismes de certains littoraux. La Guyane et Mayotte sont deux territoires particulièrement concernés : la réalisation de certains équipements collectifs y est très difficile, ou impossible. Pour des raisons techniques et géographiques, les marges de manœuvre y sont plus réduites et l’implantation des équipements en continuité n’est pas toujours possible.

En Guyane par exemple, le territoire de certaines communes peut se prolonger à l’intérieur des terres, parfois jusqu’à 200 kilomètres. La loi « littoral » trouve ainsi à s’appliquer très loin des côtes, et l’application du principe de continuité à l’ensemble du territoire communal soulève certaines difficultés. Il faut en tenir compte et ramener services et équipements publics au plus près de nos administrés.

La modification proposée vise à élargir les dispositions dérogatoires existantes afin d’y ajouter une dérogation au principe de continuité permettant d’appliquer un régime adapté aux projets d’équipements collectifs d’intérêt général indispensables à ces territoires, mais qui seraient incompatibles avec le voisinage des zones habitées, comme les installations de stockage et de traitement des déchets ou de production d’eau.

À Mayotte, l’exiguïté et le caractère accidenté du territoire nécessitent en outre de ne pas appliquer la limitation de l’autorisation de ces équipements au-delà d’une bande de trois kilomètres, faute de quoi la législation serait quasiment inapplicable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’amendement CL472 est trop général : j’en demande donc le retrait au profit des deux amendements identiques, qui définissent plus précisément les dérogations au principe de continuité de la loi « littoral ».

L’amendement CL472 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques.

Article 83 ter (articles 9A, 10, 11, 12, 13, 14 et 15 [nouveaux] et article 9 de la loi du 6 août 1955) : Statut de La Passion – Clipperton

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL1570 de Mme Maina Sage, rapporteure.

Après l’article 83 ter

Amendement CL811 de M. Philippe Dunoyer.

M. Philippe Dunoyer. Avec 1,4 million de kilomètres carrés, la zone économique exclusive (ZEE) de Nouvelle-Calédonie, totalement intégrée dans le parc naturel de la mer de Corail, concentre d’importantes ressources halieutiques et environnementales d’une très grande diversité.

Pour faire face aux enjeux de protection et de préservation, des compétences sont attribuées, pour résumer, aux provinces dans les eaux territoriales, et à la Nouvelle-Calédonie et à l’État dans la ZEE. Or la Nouvelle-Calédonie ne dispose pas de moyens hauturiers propres pour assurer les contrôles. Les navires de la marine nationale réalisent heureusement des missions de surveillance mais, le code de l’environnement ne s’appliquant pas en Nouvelle-Calédonie, il convient d’habiliter les officiers de marine et le commandant des aéronefs de l’armée à constater les infractions à la réglementation locale, qu’elle soit provinciale ou calédonienne. Il reviendra ensuite aux provinces et à la Nouvelle-Calédonie de reconnaître ces officiers habilités comme agents assermentés. Des mesures répressives pourront ainsi enfin être prises contre les pollutions issues des navires, le pillage de certaines ressources et la dégradation des espaces naturels notamment.

Mme Maina Sage, rapporteure. Avis très favorable. En séance publique, je vous proposerai une extension de ce dispositif à l’ensemble des collectivités d’outre-mer, étant entendu qu’il s’applique déjà dans l’Hexagone.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est une excellente idée.

La commission adopte l’amendement.

Article 83 quater (articles L. 5911-1, L. 5912-1, L. 5912-2, L. 5912-3, L. 59-12-4, L. 5913-1, L. 5913-2, L. 5914-1, L. 5915-1, L. 5915-2 et L. 5915-3 du code général des collectivités territoriales, et article L. 1811 -3 du code des transports) : Association des maires au congrès des élus départementaux et régionaux de Guadeloupe

La commission adopte l’article 83 quater non modifié.

Après l’article 83 quater

Amendement CL460 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine. Il vise à confier la présidence de l’établissement public foncier et d’aménagement (EPFA) de Mayotte à un élu. Le dispositif en vigueur est en effet perçu comme un instrument de défiance de l’État à l’endroit des élus, et surtout un moyen de nous ôter la possibilité de participer au développement et à l’aménagement de notre territoire, comme si nous n’avions aucun droit de regard sur ce qui s’y passe sur le plan foncier. La gouvernance doit être assurée par un élu du territoire, comme c’est le cas pour les autres établissements publics fonciers.

Mme Maina Sage, rapporteure. C’est un amendement de bon sens. Partout où cela est possible dans les outre-mer, les élus locaux doivent pouvoir s’impliquer dans les conseils d’administration et dans les conseils de surveillance. Avis de sagesse.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’EPFA de Mayotte est très récent, puisqu’il est opérationnel depuis 2019, et sa présidence est confiée à un inspecteur général expérimenté, M. Jacques Touchefeu, afin d’assurer un accompagnement renforcé. D’après ce que je sais, tout fonctionne bien. Compte tenu du résultat des premières opérations, nous considérons qu’il convient de stabiliser ce modèle.

Cela ne signifie pas pour autant que le Gouvernement s’opposerait à ce qu’un élu puisse présider cet EPFA, mais le cadre d’intervention en matière d’aménagement du territoire mahorais n’est pas encore parachevé. Le schéma d’aménagement régional est en cours d’étude et le périmètre de l’opération d’intérêt national n’est pas encore arrêté. Ce n’est pas un manque de confiance, monsieur Kamardine, mais la réforme que vous préconisez nous paraît prématurée.

M. Mansour Kamardine. Ces arguments sont irrecevables. Tout ce qui est fait sans nous l’est contre nous.

Personne ne sait ce qui se passe dans cet EPFA. J’ai été surpris d’apprendre tout à l’heure que le périmètre de l’OIN avait été établi : pas un seul élu de Mayotte ne le connaît ! Pas un seul ne sait si l’établissement fonctionne ou non ! Parce que nous n’avons pas notre place dans cet établissement, nous n’assistons pas aux réunions. Voulez-vous vraiment construire Mayotte sans les Mahorais ? Continuez donc ainsi !

Je vous dis, moi, que tout ne se passe pas bien et que les élus mahorais entendent prendre toute leur place au sein de cet établissement : comme c’est le cas Guyane et ailleurs sur le territoire national, ils souhaitent pouvoir le contrôler. Pour l’instant, tout se fait dans le dos des Mahorais.

La commission rejette l’amendement.

Article 84 (sous-section 4 de la section 5 du chapitre III du titre V du livre VI du code rural et de la pêche maritime, II de l’article 95 de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l'agriculture, l’alimentation et la forêt) (examen délégué à la commission des affaires économiques) : Dissolution de l’établissement public du « Haras national du Pin »

La commission adopte l’article 84 non modifié.

TITRE

Amendement CL318 de M. Raphaël Schellenberger.

M. Raphaël Schellenberger. Je vous rassure : il ne concerne pas une fois de plus les problématiques d’outre-Vosges, mais tente de rétablir un peu de cette confiance en la vie politique qui s’est délitée tant les écarts sont grands entre les actes et les discours. Ce sera d’ailleurs aussi le cas avec ce texte, qui promet une décentralisation, une différenciation et une déconcentration ambitieuses mais, après l’adoption des amendements du Gouvernement et des rapporteurs, restera bien en deçà de tels objectifs.

Nous vous proposons donc un titre un peu moins grandiloquent et plus proche de la réalité en le nommant projet de loi « portant diverses mesures d’aménagement de la gestion des collectivités territoriales ». Pour la postérité : DMAGCT. Comme tous les textes balais de fin de quinquennat, il a vocation à simplifier un peu la vie des gens mais il n’entrera pas dans les annales de l’histoire législative.

Mme Maina Sage, rapporteure. Je préfère l’acronyme 3DS ! Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je remercie la rapporteure de son soutien !

Ce texte a déjà changé de titre une fois, le Conseil d’État ayant considéré que le quatrième D prévu, pour décomplexification, était… compliqué à prononcer. Il a également estimé qu’aux 3D que vous connaissez, il était possible d’ajouter « portant diverses mesures de simplification », d’où 3DS. Il serait donc malvenu de le changer à nouveau, même si je me réjouis que vous reconnaissiez dans ce texte la présence de mesures d’aménagement. Avec un petit effort, vous y trouverez aussi la décentralisation, la différenciation et bien d’autres choses !

Contrairement à ce que laisse entendre l’exposé des motifs de votre amendement, le Président de la République a toujours dit qu’il n’engagerait pas de grande réforme territoriale. Peut-être n’avons-nous pas fait tout ce que nous aurions souhaité, notamment pour les métropoles, mais je n’en remercie pas moins l’ensemble des députés ici présents, vous inclus, monsieur Schellenberger, pour leur important travail.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale (n° 4406) (Mme Élodie Jacquier-Laforge, M. Bruno Questel, Mme Maina Sage, rapporteurs).

 


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   Travaux de la commission des affaires économiques saisie pour avis

Au cours de ses réunions du mardi 16 novembre à 21 heures, et du mercredi 17 novembre à 9 heures 30 et 15 heures, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur sollicitation de la commission des lois, les articles 15, 15 bis, 16 à 19, 19 bis, 20, 20 bis, 20 ter, 20 quater, 20 quinquies, 20 sexies, 20 septies, 21,  bis A, 22 bis B, 22 bis, 22 ter, 22 quater, 23 à 25, 25 bis A, 25 bis, 26, 28, 28 bis A, 28, 30, 30 bis A, 30 bis B, 30 bis C, 30 bis D, 30 ter, 30 quater, 63, 63 bis, 68, 68 bis et 84 du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale pour lesquels la commission des lois a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques (n° 4406) (M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis).

I.   DISCUSSION gÉnÉrale

Lien vidéo : https://assnat.fr/Arn7Ev

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Je vous prie de bien vouloir excuser l’absence du président Roland Lescure, qui ne peut participer aux travaux de la commission cette semaine. En revanche, Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée chargée du logement, nous accompagnera tout au long de ceux-ci, et je l’en remercie.

Nous allons examiner le texte dit 3DS selon une procédure un peu complexe. Celui-ci a été transmis par le Sénat à l’Assemblée nationale bien enrichi, avec 215 articles contre 84 initialement. Il a été renvoyé au fond à la commission des lois. Faisant usage de la procédure prévue à l’article 87, alinéa 2, du Règlement, celle-ci a sollicité l’avis de trois autres commissions permanentes – celles des affaires économiques, du développement durable et des affaires sociales – sur des articles relevant de leurs champs de compétences.

L’avis de notre commission a été sollicité sur quarante-trois articles : les articles 15 à 26, 28 à 28 bis, 30 à 30 quater, 63, 63 bis, 68, 68 bis et 84. La majeure partie de ces articles relève du titre III relatif à l’urbanisme et au logement.

La saisine pour avis de notre commission est assortie d’une délégation sur le fond, procédure qui emporte plusieurs conséquences.

Tout d’abord, nous ne sommes saisis que des articles délégués par la commission des lois. Les amendements déposés devant notre commission et portant sur d’autres articles ont été déclarés irrecevables.

Ensuite, les amendements portant sur les quarante-trois articles délégués, ainsi que les amendements portant articles additionnels en lien avec l’un de ces mêmes articles, seront uniquement examinés par la commission des affaires économiques. Il ne sera pas possible de déposer des amendements à ces articles devant la commission des lois la semaine prochaine.

Enfin, par voie de conséquence, la commission des lois s’engage à intégrer dans le texte adopté par la commission toutes les dispositions que nous aurons votées sur les articles ainsi délégués.

S’agissant des amendements déclarés irrecevables, plusieurs d’entre eux portaient sur des articles ne figurant pas dans le champ de notre délégation. Seize constituaient des charges et ont donc été écartés par le président de la commission des finances, au titre de l’article 40. Enfin, sur les 638 amendements déposés, j’ai été conduite à en déclarer irrecevables 116, en tant que constituant des cavaliers législatifs. Il nous reste donc à examiner 426 amendements.

J’ai adopté une approche très ouverte concernant le lien, direct ou indirect, des amendements avec les dispositions du projet de loi. Alors que, selon la jurisprudence du Conseil constitutionnel, le contrôle doit s’exercer au regard du contenu du texte déposé sur le bureau de la première assemblée saisie, et non pas sur le texte transmis, j’ai accepté des amendements ayant un lien avec des articles additionnels introduits par le Sénat.

Je n’ai, cependant, pas pu retenir les amendements sur l’hébergement d’urgence, sur l’habitat indigne ou encore sur les meublés de tourisme. Je rappelle, en effet, que l’article 45 de la Constitution dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte […] ». L’article 98, alinéa 6, du Règlement de l’Assemblée nationale reprend cette formulation, qui a été explicitée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis sa première décision en la matière du 13 décembre 1985. Il faut surtout noter que le Conseil constitutionnel se réfère au contenu du texte déposé pour procéder à son contrôle. L’amendement doit pouvoir se rattacher à un article précis. Le titre du projet ou de la proposition de loi, l’exposé des motifs ou l’intitulé des chapitres ne sont pas des critères d’appréciation. Dès lors, il ne suffit pas qu’un amendement porte sur le logement pour être recevable.

Enfin, l’irrecevabilité au titre de l’article 45 de la Constitution n’a pas été opposée aux seuls députés de l’opposition ; elle a été appliquée aussi à quarante-deux amendements de députés de la majorité, ainsi qu’à des amendements du rapporteur pour avis, voire du Gouvernement.

J’indique, pour terminer, que, du fait que nous ne sommes plus astreints à une jauge de présence, les amendements dont aucun signataire ne sera présent seront considérés comme non défendus.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Je suis très heureuse de participer avec vous à l’examen au fond du titre III du projet de loi 3DS. Ce titre comprend deux volets : le premier porte sur le logement social, le second, sur l’urbanisme.

Ce projet de loi comporte tout d’abord une avancée majeure : il pérennise l’article 55 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains (SRU), relatif à la production de logements sociaux. Cette loi a 20 ans et je voudrais saluer sa longévité et sa pertinence, car elle a fondé une belle politique publique. Le bilan de son application est en effet très largement positif : près de la moitié des logements sociaux construits ces vingt dernières années – soit environ 900 000 logements –, l’ont été dans des communes déficitaires et dans le cadre de la loi SRU.

L’accès au logement social est toujours d’actualité : plus de 70 % des Français sont éligibles au logement social, plus de 2 millions de ménages attendent une attribution et un peu plus de 1 000 communes n’ont pas encore atteint l’objectif fixé par la loi. Parmi celles-ci, près de la moitié se situent à 10 points en-dessous de leur taux légal, ce qui est inquiétant pour leur capacité à rattraper leur retard dans le calendrier actuel. Il est donc très important de maintenir l’exigence du développement d’une offre suffisante de logement social partout où il y en a besoin.

La loi SRU s’achève en 2025, ce qui pose un double problème. D’une part, il n’y aurait plus d’incitation à construire des logements sociaux après cette date. D’autre part, la dernière période triennale 2023-2025 devrait fixer un objectif de rattrapage de 100 % du déficit des logements sociaux, dont on sait qu’il ne pourrait pas être atteint par les communes les plus en retard. Ne pas changer la loi reviendrait donc à accepter qu’après 2025 certaines communes déficitaires passent entre les mailles du filet et ne respectent plus leurs obligations. Cela pénaliserait aussi durement, au cours de la dernière période triennale, des communes qui sont volontaires pour avancer en matière de logement social, mais qui ont un déficit trop important. Enfin, ce serait se priver d’un levier important qui a démontré son utilité sociale, qui est reconnu et accepté par les acteurs, mais qui nécessite, néanmoins, d’être adapté.

Face à ce constat, le Gouvernement a choisi de confier à la commission nationale SRU une mission de réflexion sur les nécessaires évolutions à apporter à cette loi, tout en maintenant ses principes fondamentaux. Le Gouvernement a choisi de reprendre la quasi totalité des propositions de cette mission, pilotée par M. Thierry Repentin, président de la commission nationale SRU, après avis du Conseil national de l’habitat (CNH).

Le projet de loi propose de pérenniser et d’adapter le dispositif de l’article 55 de la loi SRU, en procédant à deux avancées majeures. La première consiste à supprimer l’échéance de 2025, ce qui conduit à pérenniser l’obligation de construction de logements sociaux – tel est l’objet de l’article 17. La deuxième, prévue par ce même article, réside dans l’adaptation du taux de rattrapage du déficit, que nous proposons de fixer à un tiers par période triennale afin d’en lisser les effets dans le temps. Notre objectif est clair : maintenir des objectifs de production de logements sociaux ambitieux, mais également réalisables et adaptés à la réalité de chaque territoire. Pour cela, nous nous appuyons sur la création des contrats de mixité sociale (CMS), signés par le préfet et la commune ou l’intercommunalité, qui permettront d’adapter temporairement le rythme de rattrapage des communes en tenant compte des spécificités et des contraintes locales, sans pour autant changer de cible.

L’ensemble de ces dispositions a fait l’objet de concertations approfondies avec les associations représentatives des collectivités territoriales et elles font désormais l’objet d’un large consensus. Le Sénat a d’ailleurs choisi de maintenir la pérennisation du dispositif et la trajectoire de rattrapage. Il faut souligner que les débats avec l’ensemble des élus ont été constructifs.

Toutefois, pour conserver l’équilibre du dispositif SRU, le Gouvernement soutiendra le rétablissement de plusieurs mesures essentielles du texte initial ou présentes dans le droit en vigueur et que le Sénat a supprimées. Je pense en particulier au rétablissement des leviers de production de logements sociaux que constituent les sanctions non financières que peuvent prononcer les préfets dans les communes déficitaires en logement social – comme la reprise du droit de préemption et des permis de construire. Je pense également au rétablissement des taux plancher de majoration du prélèvement SRU en cas de carence, parce qu’ils sont la contrepartie de l’adaptation du rythme de rattrapage que nous opérons dans ce texte.

Ce projet de loi intègre également quelques dispositions importantes en matière d’attribution de logements sociaux, afin d’atteindre des objectifs de mixité sociale.

Il est prévu d’accélérer la conclusion des conventions intercommunales d’attribution, qui sont la clé de voûte de la politique locale en matière d’attribution et qui doivent fixer des objectifs chiffrés d’attribution de logements sociaux dans et en dehors des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le respect de ces objectifs constitue la mesure anti-ghettos la plus juste et la plus efficace. Désormais, à défaut de convention, ces objectifs seront fixés par la loi et seront opposables aux bailleurs et aux réservataires, ce qui permettra aux préfets de prononcer des sanctions s’ils ne sont pas atteints.

Ce projet de loi permet aussi de prendre en compte les travailleurs clés de la nation dans le système d’attribution du logement social. Afin de tenir compte des enseignements de ces dix-huit derniers mois, nous avons en effet voulu assurer un meilleur accès au logement à ceux qui sont en première ligne par leur profession et qui assurent des missions essentielles.

Enfin, le projet de loi renforce plusieurs outils pour le développement du logement abordable et l’aménagement du territoire. C’est le cas, en premier lieu, du bail réel solidaire, qui est l’un des moyens les plus efficaces pour mettre à disposition davantage de logements abordables, en complément du logement social, en particulier dans les centres urbains et dans les zones tendues où les prix de l’immobilier sont de plus en plus élevés.

Le texte sécurise l’intervention des organismes HLM en tant qu’offices fonciers solidaires. Il consacre la vocation première du bail réel solidaire à l’accession sociale à la propriété. Il ouvre de manière subsidiaire le champ d’activité des organismes de foncier solidaire (OFS) au logement intermédiaire et aux locaux d’activités, pour assurer une bonne mixité sociale et fonctionnelle. Par ailleurs, le projet de loi renforce l’ingénierie mise à la disposition des collectivités territoriales en facilitant la mise en place d’opérations de revitalisation des territoires, la récupération des biens sans maître par les collectivités et le déploiement des établissements publics fonciers d’État (EPFE).

Ce titre III est important. Il est déjà dense et constitue la garantie d’un soutien pérenne au logement social et abordable. Je ne doute pas qu’il sera enrichi par vos échanges.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis heureux d’être de nouveau rapporteur d’un texte sur le logement, un sujet qui me tient à cœur depuis le début de la législature. J’ai plaisir à retrouver les collègues qui ont participé à la discussion de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN), et je salue l’ensemble des collègues qui se sont mobilisés sur ces questions. C’est aussi un plaisir de travailler aux côtés du Gouvernement pour améliorer le quotidien des Français en matière de logement.

Nous travaillons sur ce projet de loi 3DS depuis plusieurs semaines, avec de nombreuses auditions. Je remercie donc les administrateurs qui m’ont assisté, ainsi que mes collaborateurs.

Comme l’a indiqué la présidente, l’essentiel des articles dont a été saisie notre commission concerne le champ du logement. Après que notre majorité s’est attaquée à un grand nombre d’aspects de la politique du logement dans la loi ELAN de 2018, puis aux questions de rénovation énergétique et d’artificialisation des sols dans la loi « climat et résilience » cette année, les thèmes abordés par le projet de loi 3DS sont plus circonscrits mais pas moins importants. Ils concernent au premier chef le développement de l’offre de logements sociaux, leur attribution et l’encadrement des loyers.

Nous sommes au cœur des objectifs les plus fondamentaux de la politique du logement – et de sa plus grande complexité : il s’agit de permettre à nos concitoyens, notamment les plus défavorisés, d’accéder à un logement adapté, abordable et décent, tout en renforçant la mixité sociale des villes et des quartiers. Il s’agit, plus généralement, de réaliser les objectifs nationaux de solidarité, tout en tenant compte des spécificités des bassins de vie. Ces articles ont bien toute leur place dans un projet de loi sur la différenciation territoriale, car je suis persuadé que la politique de l’habitat est plus efficace si elle est partagée et peut être adaptée, dans la mesure du possible. Mais sur tous ces objectifs, il convient de trouver le bon équilibre.

Après avoir auditionné quarante-huit associations d’élus ou de secteurs professionnels, responsables d’administrations ou d’autorités publiques, représentants d’organisations de défense des locataires ou œuvrant pour le logement des personnes défavorisées, et quelques personnalités qualifiées, j’ai choisi de présenter un certain nombre d’amendements.

J’insisterai ici sur les mesures qui me paraissent essentielles.

S’agissant du développement de l’offre de logements sociaux, le projet de loi pérennise le dispositif SRU au-delà de 2025. Il permet à tous – élus locaux et nationaux, administrations, bailleurs sociaux, locataires – de se projeter dans la durée, en dotant les règles qui arrivaient à échéance d’une stabilité qui ne peut que les renforcer. Le dispositif SRU structure ce secteur depuis vingt ans, et il représente aujourd’hui la moitié de la production de logements sociaux dans notre pays ; il est important de le sécuriser et de le conforter.

Prévue par l’article 17 du projet de loi, la pérennisation du dispositif sans en changer les aspects fondamentaux est réussie. Je m’en réjouis, car, comme la grande majorité des personnes que j’ai auditionnées, je considère que la loi SRU est un succès majeur de la politique du logement. En reprenant ce dispositif, nous devons bien entendu être attentifs aux nécessités de l’adaptation locale et de la différenciation, comme l’indique le titre du projet de loi.

Mais la différenciation n’est pas l’atténuation. C’est pourquoi je proposerai de revenir sur une grande partie des assouplissements voulus par nos collègues sénateurs, qui ont mis en cause, à mon sens, l’existence du dispositif. Par exemple, ils ont supprimé à l’article 19 l’ensemble des sanctions que peut mettre en œuvre le préfet à l’occasion de la mise en carence d’une commune qui ne remplit pas ses obligations. Or, que vaut un dispositif où les manquements ne sont pas sanctionnés d’une manière ou d’une autre ?

Je ne suis pas le seul à tenir à l’intégrité du dispositif, car bon nombre des amendements déposés visent aussi à maintenir sa force et son effectivité. C’est pourquoi j’émettrai un grand nombre d’avis favorables à des amendements provenant de tous les bancs. La loi SRU est une pierre de touche que nous avons en partage, et je pense qu’au-delà des appartenances politiques, la grande majorité d’entre nous comprend le sens du logement social pour notre modèle de mixité sociale.

Le projet de loi consacre également, avec l’article 18, la contractualisation des objectifs avec les communes, et il permet, grâce à l’article 16, un renforcement du contrôle exercé sur l’utilisation des fonds issus du prélèvement SRU – au sujet de laquelle la Cour des comptes a pointé des déficiences dans un rapport de mars 2021. L’article 15 adapte le fonctionnement des exemptions, selon les recommandations de M. Thierry Repentin et de la Commission nationale SRU. J’ai eu l’occasion d’échanger avec M. Repentin et il m’a confirmé à quel point la loi SRU était un succès et devait être confortée sans être abîmée.

En ce qui concerne l’attribution des logements locatifs sociaux et la mixité sociale, nous pouvons être fiers de l’article 22 qui prévoit la reconnaissance du besoin des travailleurs essentiels de loger à proximité de leur lieu de travail. Je considère toutefois que la définition de ce caractère essentiel peut varier d’un territoire à un autre ; c’est la raison pour laquelle je propose un amendement la confiant aux conventions intercommunales d’attribution, pierres angulaires de la mixité sociale.

En revanche, plusieurs dispositifs introduits par nos collègues du Sénat posent problème. C’est particulièrement le cas de deux articles dont je proposerai la suppression : l’article 20 sexies, qui interdit les prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans les communes comptant plus de 40 % de logements sociaux ; et l’article 22 quater, qui prévoit d’identifier des résidences présentant une fragilité sociale particulière, afin de permettre, d’une part, l’attribution prioritaire de leurs logements à des ménages « permettant un équilibre en matière de mixité sociale » et, d’autre part, le refus des ménages qui pourraient « accentuer cette fragilité ».

Les sénateurs expriment la préoccupation de ne pas « ajouter de la pauvreté à la pauvreté », que je partage pleinement. Mais leurs réponses me semblent inadaptées, quand elles ne sont pas juridiquement hasardeuses. En outre, il existe déjà des dispositions et des outils permettant d’éviter un tel résultat et d’œuvrer efficacement au rééquilibrage du peuplement d’un territoire. Le Gouvernement a ainsi publié une circulaire demandant aux préfets d’évaluer l’impact des nouveaux programmes de logements sociaux dans les communes qui en sont déjà fortement dotées. Quant aux collectivités, elles disposent de plusieurs leviers, à commencer par les conventions intercommunales d’attribution. Un quart seulement des intercommunalités qui le doivent ont mis en place de telles conventions ; il reste donc du chemin à parcourir.

D’autres articles du titre III du présent projet de loi apportent des précisions utiles qui enrichissent le droit en vigueur. L’article 26 permet d’élargir les opérations de revitalisation de territoire (ORT), que notre majorité a créées dans la loi ELAN. Des communes qui ne sont pas les villes principales de leur établissement public de coopération intercommunale (EPCI) seront désormais éligibles. L’article 28 étend, pour sa part, les compétences des OFS et sécurise les outils qui sont à leur disposition. L’article 30 prévoit des simplifications en ce qui concerne les grandes opérations d’urbanisme.

S’agissant de l’encadrement des loyers, le projet de loi propose d’abord de porter de cinq à huit ans la durée de l’expérimentation en cours, à compter de la promulgation de la loi ELAN. Cette mesure revient à en fixer l’échéance au 21 novembre 2026. Ensuite, l’article 23 affirme de manière expresse la compétence de la commission départementale de conciliation pour l’examen des litiges relatifs à une action en diminution du loyer intentée par un locataire. Enfin, il complète le dispositif de la loi ELAN afin de plafonner le montant de la somme des loyers pouvant être perçus par un bailleur en cas de colocation à baux multiples. Le texte que nous examinons n’a fait l’objet d’aucune modification au Sénat sur ces derniers points. De fait, le dispositif me semble assez équilibré.

Cela ne signifie pas pour autant que le projet de loi règle tous les problèmes liés à l’encadrement des loyers. L’expérience acquise à Paris et à Lille depuis près de deux ans montre, en effet, que les textes peuvent donner lieu à interprétation et que des pratiques contestables subsistent. Je pense naturellement aux compléments de loyer sans rapport avec la localisation, l’agencement ou l’équipement d’un logement. Je peux comprendre la volonté de perfectionner le dispositif, de renforcer les contrôles et d’alourdir les sanctions, mais nous devons nous garder de mesures susceptibles de mettre en cause rétrospectivement l’équilibre d’un dispositif qui répond aux exigences de la jurisprudence constitutionnelle. Aussi est-il raisonnable de poursuivre l’expérimentation de l’encadrement des loyers dans un cadre stabilisé et de nous donner les moyens d’en tirer les leçons en temps utile.

C’est avec le même souci de pragmatisme et d’efficacité que j’aborderai l’examen des articles 25 et 25 bis. Pour l’essentiel, ils visent à établir, sur des fondements juridiques uniformes, la définition de l’objet et des modalités de transfert de compétences de l’État relatives à la politique du logement et de l’hébergement. Ces délégations peuvent d’ores et déjà être réalisées au bénéfice des EPCI ainsi que des métropoles. Elles contribuent à l’enracinement territorial de politiques destinées à satisfaire l’un des besoins les plus essentiels de nos concitoyens, en capitalisant sur la connaissance du terrain et l’initiative locale. Aussi, je recommande leur adoption en des termes conformes à ceux votés par le Sénat.

L’article 25 bis A prête davantage à discussion, car il établit un statut d’autorité organisatrice de l’habitat, à ce jour inédit dans le code de la construction et de l’habitation. Chacun peut comprendre l’ambition d’une telle mesure, mais sa mise en œuvre pratique ne va pas de soi au regard de la diversité des acteurs, ainsi que de la répartition des compétences dans le champ de la politique de l’habitat. C’est la raison pour laquelle je vous proposerai d’apporter au texte adopté par le Sénat des modifications destinées à en préciser la portée.

Au-delà des enjeux de l’habitat, de l’urbanisme et de l’hébergement, nous aurons également à examiner des dispositions aussi diverses que celles relatives à la sécurisation des canalisations de gaz, à la mise en conformité des règlements de copropriété ou à l’expérimentation d’une nouvelle organisation du réseau et des missions des chambres d’agriculture. La délégation accordée par la commission des lois porte même sur un ultime article consacré à la dissolution de l’établissement public du Haras national du Pin.

La diversité des articles fait assurément la richesse de ce projet et je ne doute pas qu’elle stimule votre créativité. Je gage que nous pourrons faire œuvre utile en apportant les améliorations indispensables à un texte conçu pour faire progresser la décentralisation et la simplification des procédures administratives et des politiques publiques.

M. Richard Lioger (LaREM). Ce projet de loi 3DS est important, car il concerne les collectivités territoriales, avec l’objectif de rapprocher l’action publique des citoyens. Il constitue une opportunité pour améliorer l’accès au logement. Je ne doute pas qu’il connaîtra le même sort que le projet de loi ELAN, qui avait fait l’objet d’un accord en commission mixte paritaire (CMP) – en tout cas, je l’espère fortement.

Le titre III porte sur l’urbanisme et le logement ; il comprend bien entendu un volet très politique, dont nous discuterons tout à l’heure. Les articles 15 à 20 proposent de pérenniser les dispositions relatives au logement social de la loi SRU. Cette loi fait l’objet d’une forme de consensus républicain depuis de nombreuses années. Elle impose à certaines communes de disposer d’un nombre minimum de logements sociaux. Force est de constater que l’objectif n’est pas atteint puisque plus de 1 000 communes n’en respectent encore pas les critères. Pourtant, 70 % des Français sont éligibles au logement social, mais 2 millions d’entre eux attendent encore une attribution.

En ce qui concerne le dispositif SRU, le projet de loi comporte trois grandes évolutions, parmi lesquelles il faut souligner la suppression de l’échéance de 2025, qui permet d’adapter sensiblement la trajectoire et de fixer, pour chaque période triennale, un objectif de rattrapage d’un tiers du retard de construction de logements sociaux. Toutefois, la spécificité des territoires est toujours prise en compte. Les contrats de mixité sociale, signés par le préfet et la commune ou l’intercommunalité, complètent les dispositifs de rattrapage. Ils déterminent les modalités et les moyens de déploiement des logements sociaux et donnent la possibilité de bénéficier d’un taux dérogatoire. La deuxième partie du titre III, c’est-à-dire les articles 25 à 30, détaille les mesures sur l’urbanisme.

Le Sénat a conservé la plupart de ces dispositions, mais il a aussi apporté un certain nombre de modifications sur lesquelles notre groupe souhaite revenir. Le rapporteur pour avis en a fait état et je n’y reviens donc pas.  D’une manière générale, le préfet peut déjà accorder des dérogations et, en cas de désaccord avec la collectivité concernée, le ministère peut intervenir. Il n’est pas opportun de vouloir modifier la loi pour régler des situations particulières, qui peuvent trouver une solution localement.

L’ensemble des dispositions figurant dans ce texte a fait l’objet de concertations avec l’ensemble des parties prenantes, notamment les associations représentatives des collectivités territoriales. La mixité sociale fait partie du pacte républicain. Elle garantit à tous un accès digne au logement, condition indispensable pour s’intégrer dans la société et accéder à l’école ou trouver un travail. La majorité à l’Assemblée nationale œuvre dans ce sens et le sujet dépasse de loin les clivages politiques. Nous souhaitons tous une politique du logement en faveur des ménages modestes et des classes moyennes.

M. Thibault Bazin (LR). En juillet 2020, le Président de la République avait annoncé un nouvel acte de décentralisation, avec un projet de loi qui devait répondre au mouvement des gilets jaunes. Or, loin d’être un nouvel acte de décentralisation, ce texte comporte une série de mesures concrètes relatives à l’organisation des collectivités territoriales. Il souffre d’un excès de timidité remarquable, pour reprendre les mots de la rapporteure du Sénat, laquelle regrette aussi un inventaire à la Prévert. Pire encore : les maires restent dépossédés de la plupart des décisions en matière de logement social au profit du préfet, privilégié par le projet de loi initial du Gouvernement.

Le titre III traite ainsi de l’urbanisme et du logement. Madame la ministre, vous semblez ne pas du tout rechercher le consensus, ce qui met en péril le résultat de la future CMP. Pourtant, le Sénat a effectué des avancées. Il a imaginé une nouvelle étape de territorialisation de la politique de l’habitat, avec la possibilité de reconnaître les intercommunalités comme autorités organisatrices de l’habitat. Le Gouvernement ne semble pas y être prêt.

Le Sénat a amélioré le texte en donnant de nouvelles marges de manœuvre aux collectivités locales, pour leur permettre de s’adapter à la réalité de leur territoire. Cette réalité du terrain est à l’origine des articles additionnels qui visent, par exemple, à résoudre les nuisances de voisinage importantes engendrées par l’absence de lien obligatoire entre le bail d’un logement aidé et l’aire de stationnement.

La ghettoïsation, qui contribue à alimenter des risques de séparatisme, est un autre problème dans certains quartiers. Les sénateurs ont proposé de limiter la construction des logements les plus sociaux quand le parc social représente déjà plus de 40 % des logements des communes concernées.

Ils ont aussi prévu certains aménagements à la marge de la loi SRU, qui méritent d’être conservés car ils donnent une place accrue aux élus locaux – en particulier, la mise en place d’une procédure contradictoire entre le préfet et l’exécutif local concernant le pouvoir de contrôle du préfet.

Les sénateurs ont également apporté des améliorations à la procédure de mutualisation des objectifs au sein d’un programme local de l’habitat (PLH), le dispositif actuel apparaissant illisible et incohérent.

Ils ont surtout cherché à rétablir, à raison, la place des communes et le rôle des maires dans la politique du logement. Ainsi, les communes contributrices devront donner leur accord avant de se voir imposer la construction de logements supplémentaires. L’avis conforme du maire serait désormais requis concernant le déconventionnement des logements aidés. Le transfert de la compétence du plan local d’urbanisme (PLU) au niveau intercommunal ne pourra pas se faire sans délibération explicite des communes membres. Les maires disposeront d’un droit de véto contre une baisse des droits à construire introduite par une simple modification décidée par l’EPCI.

Les sénateurs ont également opéré quelques ajustements, comme la possibilité de renouveler les contrats de mixité sociale au-delà de six ans, car une politique du logement, de l’aménagement et de l’urbanisme doit s’inscrire dans la durée.

Ce projet de loi se limite à des aspects organisationnels et fait l’impasse sur la question des moyens qui permettraient d’atteindre les objectifs partagés. Ainsi, le financement du logement social dans la zone 3 n’est pas évoqué. Le Sénat a certes demandé un rapport du Gouvernement au Parlement sur les conséquences de l’application du zonage déterminant le financement du logement social, mais cela demeure insuffisant si l’on veut vraiment se donner les moyens de répondre aux besoins d’une politique d’aménagement plus équitable du territoire.

Le Gouvernement présente la dissociation du foncier et du bâti comme un élément susceptible de favoriser grandement la construction. J’en doute, même si le dispositif méritait d’être amélioré.

Le projet de loi initial prévoyait encore une fois une habilitation à légiférer par ordonnance ; les sénateurs ont eu raison de la juger trop floue et trop large.

Le gouvernement avait fixé trois objectifs au travers de la loi ELAN : construire plus, mieux et moins cher. Le résultat en est bien éloigné. Moins de 400 000 logements sont construits par an, et ce problème était déjà manifeste avant la crise sanitaire. Les coûts de construction n’ont pas diminué, même avant l’augmentation du coût des matières premières. Ce projet est censé accélérer la construction de logements sociaux, hors QPV. J’en doute. Il ne va quasiment rien y changer.

Ce projet ne correspond pas à une nouvelle étape majeure de la décentralisation. La déception est au rendez-vous, faute d’une politique volontariste pour vraiment donner à tous les territoires les moyens de produire du logement pour tous. Espérons que les débats à venir permettront de dessiner une véritable étape de la décentralisation.

M. Jean-Luc Lagleize (Dem). La décentralisation est au cœur de l’ADN de notre groupe. L’État et les collectivités locales ont la République en partage. Ce projet de loi représente la dernière étape d’un mouvement de décentralisation engagé depuis 2017 par le Gouvernement pour donner aux territoires les outils nécessaires à l’application des politiques publiques, en assouplissant un cadre excessivement rigide et uniforme. C’est pourquoi nous regrettons que les sénateurs aient apporté certaines modifications.

Alors que 70 % des Français sont éligibles au logement social, plus de 2 millions d’entre eux sont en attente d’attribution, et plus de 1 000 communes n’ont pas encore atteint les objectifs fixés par la loi SRU. Nous devons en tirer les conclusions. À cet égard, nous saluons la volonté du Gouvernement de pérenniser et de sécuriser cette loi, mais il faudrait aller plus loin en généralisant le recours au contrat de mixité sociale pour toutes les communes qui n’ont pas encore atteint l’objectif.

Le projet de loi 3DS est aussi celui de la simplification. Travaillons ensemble dans cette direction. Il conviendrait ainsi d’assouplir certaines procédures comme celle qui s’impose aux agents titulaires d’une carte professionnelle pour obtenir un permis de louer. Cette obligation complique leur travail et se comprend mal en pleine crise du logement. De même, nous vous proposerons de prolonger l’expérimentation des plafonnements de loyer, lancée par la loi ELAN.

Nous veillerons également à ce que ce texte prévoie des mesures fortes pour lutter contre la ghettoïsation des villes, combat que nous menons depuis 2017. Après avoir fait, durant trois ans, de la réduction du coût du foncier et de l’augmentation de l’offre de logements accessibles notre leitmotiv, notre groupe souhaite sanctionner les pratiques qui alimentent une forme de ségrégation territoriale, comme l’inégale répartition du parc social, les écarts de loyers ou l’intervention de certains acteurs dans l’attribution de logements sociaux. Nous vous proposerons ainsi de condamner à une pénalité financière les réservataires qui ne respectent pas les obligations d’attribution, voire de les priver de leur contingent.

Si nous regrettons la sévérité avec laquelle peuvent s’abattre les fourches caudines de la recevabilité au titre de l’article 45, nous défendrons tout de même nos propositions pour limiter le coût du foncier : interdire la vente par adjudication du foncier public et renforcer les conditions d’élaboration des services des domaines en offrant aux collectivités locales la possibilité de faire appel à un expert privé.

Par ailleurs, nous soutenons le renforcement et l’extension des compétences des organismes de foncier solidaire. Il conviendrait d’aller plus loin en leur accordant le même statut que celui des bailleurs sociaux.

M. Jean-Louis Bricout (SOC). Je vous remercie de m’accueillir au sein de votre commission mais mon groupe regrette qu’une commission spéciale n’ait pas été constituée.

En consacrant un titre entier au logement et à l’urbanisme, le Gouvernement avait la possibilité de répondre aux difficultés que nous soulevons depuis plusieurs années. Hélas, le texte n’est pas à la hauteur des enjeux. Les principales dispositions du titre III concernent les aménagements apportés à loi SRU pour mettre fin à quelques blocages. Bien évidemment, l’objectif est louable, mais le résultat pas tout à fait satisfaisant. En 2019, à l’issue de la période triennale 2017-2019, 280 communes ont fait l’objet d’un constat de carence et 990 communes n’ont pas respecté leurs obligations en 2020. Selon le ministère chargé du logement, le taux des communes n’ayant pas atteint leurs objectifs a augmenté entre les deux périodes triennales puisqu’il atteint 51 % contre 41 % en 2016. Si toutes les communes respectaient leurs obligations, la France disposerait de 600 000 logements sociaux supplémentaires pour 1,7 million de demandeurs, sans compter les mutations.

Le Gouvernement entend rattraper son retard grâce au contrat de mixité sociale, qui permet une modulation encadrée des objectifs de rattrapage. Nous proposerons d’améliorer ce dispositif, qui peut être utile si le contrôle exercé par le préfet est renforcé et les pénalités financières aggravées. Malheureusement, la droite sénatoriale a profité de ces dispositions pour alléger dans des proportions inacceptables les sanctions contre les communes carencées. Les communes qui préfèrent s’acquitter des pénalités plutôt que de construire des logements sociaux rejettent le principe de solidarité nationale et devraient être sanctionnées à ce titre. Nous souhaitons donc que les modifications apportées par le Sénat soient supprimées et que soient prises de nouvelles sanctions, en donnant notamment aux préfets la possibilité de grever les plans locaux d’urbanisme (PLU) des communes carencées d’emplacements réservés à la construction de logements sociaux.

Enfin, le Sénat a voulu interdire aux communes qui comptaient plus de 40 % de logements sociaux de construire des logements PLAI. En pleine crise du logement, cette mesure empêcherait les communes concernées de diversifier leur parc social, voire de le renouveler. Nous proposerons de la supprimer.

M. Antoine Herth (Agir ens). Je remercie le Gouvernement et les services de l’Assemblée nationale de nous proposer un calendrier si parfait qu’il nous permet d’examiner ce texte au moment où les maires réunis en congrès annuel sont conviés à l’Hôtel de Lassay. De la sorte, nous échappons à une nouvelle réception et préservons notre foie des petits fours qui l’accompagnent.

Ce texte important pour les collectivités territoriales permet de renforcer la décentralisation et le principe de subsidiarité. Le concept de différenciation me tient particulièrement à cœur, notamment pour les territoires frontaliers.

L’originalité de ce projet de loi tient à sa volonté de stabilisation. L’idée n’est pas de tout bouleverser mais de renforcer, préciser, consolider. Les articles dont notre commission est saisie témoignent de cette continuité puisqu’ils visent à poursuivre les efforts initiés par la loi ELAN. L’évaluation des lois apparaît d’autant plus nécessaire dans ce contexte.

Je suis d’accord sur la nécessité de prolonger le dispositif de la loi SRU qui, au bout de deux décennies, a fait ses preuves mais a aussi montré quelques limites. Je partage également l’analyse du rapporteur pour avis sur les mesures qu’il convient de prendre. En particulier, s’agissant de la mixité sociale, qui n’est pas uniquement une affaire de quantité de logements, les contrats de mixité sociale sont une bonne mesure. Peut-être conviendrait-il également de réfléchir à la question du contrôle des loyers – plusieurs types de dispositifs existent, notamment dans le domaine agricole. Quant à l’urbanisme, nous devons trouver l’équilibre entre les mesures de ce projet de loi et celles de la loi « climat et résilience » ayant vocation à lutter contre l’artificialisation des sols.

Je termine en saluant le travail du rapporteur pour avis. Notre groupe soutiendra ce texte mais veillera à ce que la stabilité ne se transforme pas en immobilisme.

Mme Sylvia Pinel (LT). Pas moins de 2,2 millions de ménages attendent un logement social en France. Le chiffre est d’autant plus inquiétant qu’il ne cesse d’augmenter du fait du mouvement de ciseaux qu’impriment l’accroissement de la demande et le déclin de l’offre depuis le début du quinquennat. La priorité est donc de répondre à la pénurie de logements sociaux. C’était précisément l’ambition de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain. L’analyse du bilan triennal 2017-2019 témoigne de son efficacité puisque près de 211 000 logements sociaux ont été mis en service ou financés dans les communes concernées, soit 107 % des objectifs cumulés.

Cependant, ces bons résultats masquent d’importantes disparités. Beaucoup de communes restent carencées et certains élus mettent de la mauvaise volonté à remplir leurs obligations. Nous devons sans cesse lutter contre les égoïsmes locaux. Dans ce contexte, nous sommes favorables à la pérennisation de l’article 55 de la loi SRU qu’il faudra aménager avec prudence pour ne pas altérer le dispositif. Bien évidemment, je n’approuve pas les nombreuses modifications que le Sénat a apportées, car elles rompent l’équilibre de la loi SRU. La mesure de rattrapage glissant et différencié selon les communes carencées va dans le bon sens, mais je regrette que les seuils d’entrée progressive, applicables aux communes nouvellement concernées par l’obligation de construire des logements sociaux, aient été abaissés.

De même, la possibilité laissée offerte à la mutualisation intercommunale entre les communes déficitaires appartenant à un même EPCI ne permettra pas de bien répartir les logements et pourrait donner lieu à des dérives – par exemple, concentrer les logements sociaux loin du centre. Je suis défavorable à cette demande répétée des communes carencées.

Quant à l’interdiction de construire des logements locatifs très sociaux dans les communes qui comptent plus de 40 % de logements sociaux, elle pourrait, sous couvert de renforcer la mixité sociale, empêcher certaines personnes fragiles d’obtenir un logement.

L’ouverture à de nouveaux publics prioritaires me semble superfétatoire. Elle pourrait retarder et alourdir la procédure d’attribution. Il serait plus judicieux de renvoyer cette mesure au niveau réglementaire ou de laisser aux territoires le soin de les définir. Les bénéficiaires de logements sociaux attendent en moyenne treize mois entre leur demande et l’entrée dans un logement – souvent beaucoup plus en Île-de-France.

Même si je regrette que certaines de vos décisions aient fragilisé les bailleurs sociaux ou réduit les aides à l’accession, la pérennisation de la loi SRU va dans le bon sens. Cependant, la relance de la construction de logements sociaux impose que l’État accompagne les organismes HLM et les collectivités, et soutienne l’accession sociale à la propriété pour atteindre les objectifs de mixité sociale. J’espère que nos débats nous permettront d’avancer sur ce terrain.

Mme Bénédicte Taurine (FI). Se nourrir, se déplacer, se chauffer, se loger coûtent de plus en plus cher ces derniers temps. Selon le baromètre de la pauvreté du Secours populaire, publié en partenariat avec Ipsos, un tiers de la population rencontre des difficultés pour payer son loyer. Des communes tentent d’y remédier par l’encadrement des loyers. Des associations, comme la Fondation Abbé Pierre, ont des propositions pour améliorer le texte. Nous nous en ferons les porte-parole.

Un infirmier à Paris ne gagne pas plus de 1 500 euros par mois, si l’on ne tient pas compte des primes. Une étude de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris en date de 2019 a montré que 30 % des membres de son personnel vivent à plus d’une heure de leur lieu de travail. Ce sont autant de raisons qui expliquent le manque d’attractivité pour ce métier et cette structure. Le problème se pose pour de nombreuses autres professions mais, malheureusement, vous n’avez rien prévu dans ce texte pour y répondre. Au contraire, vous semblez renoncer à contraindre les communes déficitaires à atteindre leurs objectifs alors que la Défenseure des droits a rappelé la nécessité d’engager un programme massif de construction de logements sociaux.

Pire, ce texte pourrait permettre aux communes de ne pas respecter la loi SRU en prévoyant des dispositifs qui les autorisent à contourner les quotas. Ainsi, l’article 15 modifie les critères permettant d’exempter une commune de ses obligations en matière de logements sociaux. L’article 16 réduit les sanctions pécuniaires prévues pour les communes déficitaires. L’article 17 abaisse de 20 % à 10 % le taux de logement social à atteindre pour les communes nouvellement soumises au dispositif. L’article 18 autorise une commune carencée à signer un contrat de mixité sociale qui lui fixe des objectifs triennaux moins importants en comptabilisant les prisons ou autres logements d’urgence, qui n’ont rien à voir avec des hébergements sociaux « durables ».

Nous attendions des mesures fortes, notamment le durcissement des sanctions à l’encontre des communes hors la loi. Dans son rapport sur l’application de l’article 55 de la loi SRU, la Cour des comptes souligne le faible recours aux sanctions, ce qui fait reposer l’intégralité de la charge sur les communes soucieuses de respecter la loi et de loger leurs habitants, notamment les plus précaires. Ce n’est pas en dédouanant certains de leurs responsabilités que les objectifs de mixité sociale seront atteints.

M. Stéphane Peu (GDR). Notre groupe regrette, lui aussi, qu’une commission spéciale n’ait pas été constituée pour examiner un texte aussi vaste. Cela étant, je me félicite de la pérennisation de la loi SRU et de la volonté de revenir au projet de loi 3DS initial, avant son examen au Sénat.

Nous sommes très attachés à la loi SRU – il est vrai qu’on la doit à l’un des nôtres, Jean-Claude Gayssot, ministre du gouvernement de Lionel Jospin, soutenu par le secrétaire d’État Louis Besson. En 2000, au moment de son vote, un autre ministre, Jean-Pierre Chevènement, avait pointé le risque d’« apartheid social et territorial », notamment en Île de France. Vingt ans après, nous pouvons nous féliciter des effets positifs de la loi SRU, puisque 50 % des logements sociaux construits depuis l’ont été dans les communes concernées. Malheureusement, elle n’aura pas suffi pour empêcher la crise du logement de s’aggraver, du fait de l’augmentation du nombre de familles monoparentales ou de l’allongement de la durée de la vie. À y regarder de plus près, on constate que les communes qui ne respectent pas la loi SRU se concentrent dans certains secteurs et sont celles où la situation du logement est la plus tendue. C’est particulièrement vrai en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Île-de-France, c’est-à-dire là où la solidarité nationale devrait s’exprimer le plus.

Cette loi n’a été remise en cause qu’une seule fois, en 2006. Un député, Patrick Ollier, maire à l’époque de Rueil-Malmaison, dans l’ouest parisien, avait présenté un amendement pour vider la loi SRU de sa substance. L’abbé Pierre, alors âgé de 93 ans, assistait aux débats depuis les tribunes de l’hémicycle. Le Président Chirac avait alors ordonné à sa majorité de renoncer à sa position. Chirac n’est plus là, Patrick Ollier n’est plus député, l’abbé Pierre est décédé, mais le Sénat tient tout de même à supprimer la loi SRU – c’est dire si la droite est obstinée !

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous ne retiendrons pas, en effet, toutes les modifications apportées par le Sénat, car il est nécessaire de revenir à un texte équilibré qui soit ambitieux, souple et incitatif, en assortissant certaines règles de sanctions. J’en conviens avec Richard Lioger, la politique du logement doit être menée pour les classes moyennes et les ménages modestes.

Je rappellerai à M. Bazin que ce texte n’est pas un projet de loi de finances, mais que celui-ci prévoyait de nombreuses avancées en faveur du logement social, en particulier la compensation de l’exonération de taxe sur le foncier bâti pour les communes qui construisent des logements sociaux. Par ailleurs, nous retiendrons quelques propositions du Sénat, notamment la coprésidence du comité régional de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), le contrat de mixité sociale intercommunal, ainsi que certaines exemptions.

Je remercie M. Jean-Luc Lagleize pour son soutien. L’enjeu de la mixité sociale doit être au cœur de ce texte, tant pour ce qui concerne la construction de logements sociaux que la procédure d’attribution, qui doit tenir compte d’un certain équilibre. J’ai bien noté ses remarques sur la simplification et sur les sujets fonciers – mais la recevabilité nous permettra-t-elle de les aborder ?

Monsieur Bricout, vous êtes déçu mais la décision de pérenniser la loi SRU est un acte fort. Vous partagez nos objectifs et vous avez-vous-même relevé que les sanctions avaient été mieux appliquées au cours du dernier triennal que du précédent. La sanction ne frappe que les communes très éloignées de leurs objectifs. Fort heureusement, beaucoup de communes sont près du but. Elles peuvent donc être redevables de l’amende de base, sur laquelle le texte ne revient pas car c’est un élément d’équilibre, sans pour autant être carencées.

Monsieur Herth, je suis désolée pour ce calendrier qui vous prive de la réception des maires. Ce texte renforce la décentralisation et la différenciation même si, en matière de logement, le maire joue déjà un rôle central puisqu’il signe les permis de construire. Nous avons trouvé, me semble-t-il, un bon équilibre entre les pouvoirs du maire, le rôle de garant du préfet et la négociation locale. À ce titre, j’attache beaucoup d’importance aux contrats de mixité sociale. Le contrôle des loyers sera sans doute abordé au cours de la discussion. Quant à l’absence de toute artificialisation nette des sols, nous devons rassurer les élus, en particulier les maires. Nous avons eu le souci de trouver l’équilibre en définissant une trajectoire progressive qui tienne compte des spécificités locales. La lutte contre l’artificialisation des sols doit devenir une préoccupation constante sans pour autant bloquer automatiquement tout projet.

Merci à Madame Sylvia Pinel pour son soutien. Nous reviendrons au texte initial concernant la loi SRU. Le Gouvernement ne souhaite autoriser la mutualisation intercommunale que dans le cadre d’un contrat de mixité sociale intercommunale entre communes soumises à la loi SRU et déficitaires. Il n’est pas question d’autoriser une mutualisation totale au sein d’un EPCI, car elle pourrait conduire à une forme de spécialisation, certaines communes acceptant de construire plus de logements sociaux que nécessaire pour prendre à leur charge ceux que d’autres refusent de construire. La mutualisation ne peut s’opérer qu’entre communes déficitaires, ce qui me semble un garde-fou important.

Madame Taurine, l’une des mesures de ce texte prévoit de rendre prioritaires les travailleurs clés que vous avez cités, comme les infirmiers, pour l’attribution d’un logement social. Nous travaillons avec les bailleurs et les grands employeurs, notamment les hôpitaux, autour des questions du logement social et du logement intermédiaire. Nous présenterons un amendement en ce sens. En revanche, vous êtes sévère, le Gouvernement est loin d’avoir abdiqué. Au contraire, il a choisi de prolonger la loi SRU plutôt que de la laisser expirer fin 2025.

Enfin, je remercie M. Peu de son rappel historique. Nous devons continuer à nous placer sous le regard de l’abbé Pierre pour remplir notre responsabilité politique et morale. N’oublions pas que cette loi permet de loger les personnes en difficulté, de développer une offre abordable dans tout le territoire et de lutter contre les ghettos.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je salue, à mon tour, les propos des orateurs. Nous partageons le même objectif : veiller à ce que l’évolution de la loi SRU favorise la mixité sociale. Malheureusement, en effet, les communes qui se dégagent de leurs obligations sont souvent celles où les classes populaires et moyennes ont les plus grandes difficultés à se loger. Plus de sept Français sur dix sont éligibles au logement social et 2,2 millions de ménages en attendent un – un tiers occupent déjà un logement social mais souhaitent en changer, pour en obtenir un plus spacieux ou parce qu’ils rencontrent des difficultés particulières. Prenons garde à ne pas détricoter ce texte par des mesures d’exemption ou comme l’ont fait les sénateurs. Nous devrons revenir en partie au texte initial, en ne conservant du Sénat que les mesures qui nous semblent pertinentes.

II.   Examen des articles

Réunion du mardi 16 novembre à 21 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/Arn7Ev

La commission passe à l’examen des articles.

TITRE III
L’URBANISME ET LE LOGEMENT

Article 15 Évolutions des modalités de détermination de la liste des communes exemptées de l’application des obligations SRU

Amendement CE541 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Natalia Pouzyreff. Nous partageons tous l’objectif d’une plus grande mixité sociale. S’il me semble possible d’atteindre le taux de 25 % de logements sociaux dans des villes de plusieurs dizaines de milliers d’habitants, cette exigence me paraît problématique, voire irréaliste, pour des villages.

L’amendement vise à porter de 1 500 à 3 500 habitants le seuil à partir duquel l’obligation s’applique pour les communes de la grande couronne appartenant à l’unité urbaine parisienne.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis.  Votre amendement concernerait trente‑sept communes parmi lesquelles trois remplissent leur obligation légale. Dans les autres, les situations sont très disparates, la proportion de logements sociaux variant de 3 % à 23 %. À 3 %, on peut considérer qu’il y a une absence de volonté plutôt que des difficultés à construire. Dès lors, il est légitime que la loi lui impose des obligations.

Nous souhaitons accompagner les communes visées par la loi SRU même si elles sont éloignées de l’objectif qui leur est assigné. Il faut du logement social partout. Dans les communes d’Île-de-France où la demande de logements est forte, l’effort de construction de logements sociaux est d’autant plus important.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait. Un point d’équilibre a été trouvé dans la loi ELAN en réservant le seuil de 1 500 habitants à la seule unité urbaine de Paris. Il semble prématuré de revenir sur une modification aussi récente.

Mme Natalia Pouzyreff. Je retire l’amendement mais je vous invite à visiter les villages concernés qui ne sont pas dimensionnés pour supporter un afflux supplémentaire d’habitants, en particulier s’il faut renoncer à l’artificialisation des sols.

À moins d’un assouplissement de la loi ou d’un allongement des délais, certaines communes ne seront jamais capables d’atteindre l’objectif, sans qu’il y ait une quelconque mauvaise volonté de leur part.

L’amendement est retiré.

Amendement CE202 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. L’amendement s’intéresse à l’articulation entre les différents documents d’urbanisme que doivent respecter les communes. Au titre de la loi SRU, plusieurs communes se trouvent rattachées à des agglomérations qui ne sont pas celles dont elles relèvent pour le schéma de cohérence territoriale (SCoT).

Ainsi, une commune située dans le Nord qui dépend du SCoT de Lille est rattachée, à 20 mètres près, à une agglomération du Pas-de-Calais au nom de la continuité géographique. Cette confusion l’oblige à revoir son plan local d’urbanisme (PLU) et à augmenter de manière importante le nombre de ses logements sociaux. Pourtant, cette commune a fait d’importants efforts dans ce domaine. Elle ne comprend pas pourquoi elle ne dépend pas de la même intercommunalité que pour tous les autres documents d’urbanisme.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le critère pour définir le territoire d’application SRU est un critère démographique, car la demande de logement est intimement liée à la démographie d’un territoire. Ce critère n’a plus évolué depuis la loi DALO de 2007 et est bien compris par les acteurs. À l’inverse, la délimitation des SCoT au niveau du bassin de vie correspond à des besoins en matière d’aménagement du territoire, de planification du déploiement des équipements, des transports et des activités économiques, et de protection de l’environnement. Le logement n’est pas une considération centrale dans l’élaboration d’un SCoT.

Du reste, ce critère donnerait lieu à une dynamique d’arbitrage des collectivités pour lesquels l’appartenance ou non à un SCoT deviendrait une opportunité d’échappement au dispositif SRU.

Avis défavorable, car les deux sujets sont distincts.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les deux réglementations ne sont pas du même ordre. L’obligation d’appartenir au périmètre du même SCoT est sans rapport direct avec l’objectif de la loi SRU d’offrir suffisamment de logements abordables dans chaque commune concernée.

Je demande le retrait, car le fait d’être soumis à un autre SCoT n’est pas un motif suffisant pour dispenser une commune de remplir ses obligations au titre de la loi SRU.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Je le retire mais je n’ai pas obtenu de réponse sur l’intercommunalité. Je tâcherai de mieux défendre mon amendement en séance.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CE118 de M. Stéphane Peu et CE353 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Stéphane Peu. Malgré les effets bénéfiques de la loi SRU, la crise du logement s’est aggravée depuis vingt ans, et ce pour diverses raisons. Dans les zones tendues, les délais pour obtenir un logement social peuvent atteindre plusieurs années.

Je préfère parler de logement à loyer modéré plutôt que de logement social, qui s’adresse à plus de 70 % des habitants de notre pays. La résorption de la crise passe essentiellement par l’accroissement de la production de logements, mais aussi de la part de logements sociaux dans cette production.

C’est la raison pour laquelle l’amendement vise à rehausser à 30 % l’objectif de logements sociaux au titre de la loi SRU, une évolution souhaitable si l’on considère que l’obligation initiale avait été fixée à 20 % en 2000, puis portée à 25 % pour répondre à la crise du logement.

Mme Bénédicte Taurine. Il s’agit de porter de 25 % à 30 % le quota de logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait, sinon avis défavorable, même si je comprends votre intention.

Aujourd’hui, 2 109 communes sont comprises dans le périmètre de la loi SRU et la moitié d’entre elles présentent un déficit de logements sociaux par rapport aux objectifs de 20 % ou 25 %. Puisque nous allons pérenniser la loi SRU, la date de 2025 pour atteindre l’objectif devient caduque. Surtout, je ne suis pas favorable à l’accroissement du taux de logements sociaux exigé. Accompagnons d’abord les collectivités et soyons fermes sur l’objectif de 25 %. Pour les communes déficitaires, le taux de rattrapage fixé par le texte à 33 % me semble satisfaisant.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Notre premier objectif est de faire en sorte que les 1 111 communes déficitaires atteignent leurs objectifs dans un délai raisonnable – pour 750 d’entre elles, celui-ci est de 25 %. Je ne suis donc pas favorable au durcissement du taux que vous proposez.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE483 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait, car nous aurons une discussion plus développée sur l’intercommunalité dans le dispositif SRU au sujet du contrat intercommunal, introduit par le Sénat à l’article 17.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’amendement permet de moduler le taux pour chaque commune appartenant à un EPCI dès lors qu’au sein de celui‑ci, le taux de 25 % est respecté. Or il me semble important de conserver la dynamique dans toutes les communes déficitaires. La mutualisation entre communes déficitaires est souhaitable mais le périmètre intercommunal est trop large.

Mme Véronique Riotton. Je maintiens l’amendement, car il répond à une demande très forte des EPCI et de certaines communes en difficulté.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Comme Mme la ministre déléguée, je suis très attaché à la responsabilisation de chaque commune.

Seulement 2 109 communes sont concernées par la loi SRU. Parmi elles, environ 250 sont exemptées en raison de divers critères parmi lesquels l’inconstructibilité. Le législateur n’a jamais été sourd aux difficultés topographiques auxquelles sont confrontés les élus locaux. Les contraintes liées à un plan d’exposition au bruit ou à un plan de prévention des risques d’inondations sont prises en considération.

S’il est calculé au niveau intercommunal, l’effort de construction de logements sociaux risque de ne pas être équitablement réparti : les mêmes communes en supporteront la plus grande part. Cela risque d’accentuer un phénomène que l’on observe déjà dans certaines communes carencées, dont les élus en font même un argument politique. Je suis donc totalement défavorable.

M. Stéphane Peu. L’exposé sommaire fait référence à de petites communes d’Île‑de-France qui, si elles construisaient des logements sociaux, ne trouveraient pas de candidats pour y habiter. Présentez-les-moi ! Il s’agit quand même de l’une des zones les plus tendues en France, restons sérieux !

Cet amendement faisait déjà partie de ceux présentés en 2006 par Patrick Ollier, que j’évoquais précédemment. C’est pour inciter les députés à rejeter précisément ce type d’amendement que l’abbé Pierre s’était déplacé et que le président Chirac avait rappelé à l’ordre sa majorité de l’époque. Rien de neuf sous le soleil ! Les tentatives pour détricoter la loi SRU restent les mêmes.

M. Jean-Luc Lagleize. Cet amendement est l’exemple même de la disposition qui créera des ghettos. Déjà, alors que la loi SRU s’applique au niveau communal, le risque de ghettoïsation peut être appréhendé par quartiers, certains, avec 80 % voire 90 % de logements sociaux, devenant des ghettos de pauvres, d’autres s’apparentant à des ghettos de riches. Si le respect des obligations de la loi SRU est apprécié au niveau intercommunal, le risque de ghettoïsation sera décuplé. Il faudrait, au contraire, découper certaines grandes communes en quartiers.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE454 de Mme Béatrice Piron.

Mme Natalia Pouzyreff. Il s’agit de comptabiliser dans le quota de la loi SRU certains logements répondant aux critères du logement social qui ne l’ont pas été pour des raisons historiques.

Ainsi, à La Celle-Saint-Cloud, 2 550 logements à caractère social appartenant à une société d’économie mixte de la ville de Paris ne sont pas pris en compte. Cette situation est injuste pour la ville dans laquelle ces logements représentent 30 % du total des résidences principales.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait. Les logements que vous évoquez relèvent du logement intermédiaire et non du logement social, lequel est conditionné à un plafond de ressources.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Je ne nie pas la nécessité d’apporter une solution à certains cas particuliers, mais en l’espèce, celle-ci passe par un conventionnement APL. Si le bailleur, en l’occurrence la société d’économie mixte, conventionne avec l’État, les logements entreront dans le droit commun.

Je suis prête à revoir les modalités de conventionnement pour nous assurer de leur caractère opérationnel mais cela ne relève pas du niveau législatif.

Tel n’est pas l’objet de votre amendement, je le sais, mais de fil en aiguille, on risque finalement de considérer que tous les logements loués à des personnes dont les ressources sont inférieures aux plafonds font partie du parc social et doivent être comptabilisés dans le cadre de la loi SRU.

Mme Natalia Pouzyreff. La réponse de la ministre sur le conventionnement satisfera ma collègue auteure de l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CE4 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. L’amendement vise à rappeler l’exigence de cohérence en matière d’aménagement territorial.

Notre objectif est d’offrir un logement accessible à 70 % des Français sur l’ensemble du territoire. La notion d’unité urbaine formée de communes dont les bâtiments sont distants de moins de 200 mètres aboutit à des incohérences. Les limites administratives ne constituent pas un critère plus approprié. Il faut raisonner par territoire et veiller à l’offre de logement dans toutes les communes.

Dans ma circonscription, l’agglomération bayonnaise est soumise à la loi SRU de même que trois communes du sud des Landes – Tarnos, Saint-Martin-de-Seignanx et Saint‑André-de-Seignanx. D’autres communes – Labenne, Ondres, Capbreton, Hossegor, Seignosse –, parce qu’elles sont situées à plus de 200 mètres de celles-ci, échappent à la loi SRU alors que les besoins y sont encore plus forts.

Pour éviter de telles incohérences, l’amendement, contrairement à bien d’autres, vise à élargir le nombre de communes soumises à la loi SRU.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Vous connaissez mon attachement à la loi SRU et ma volonté, lorsque cela est justifié, d’imposer de nouvelles obligations, notamment dans les territoires les plus tendus. Cependant, l’amendement rendrait éligibles un trop grand nombre de communes et son champ d’application reste flou.

En revanche, il met à juste titre en lumière la notion d’agglomération, qui, j’en conviens, ne donne pas toujours pleine satisfaction, ce qui doit peut-être, en vue de la séance, justifier un travail de réflexion sur ses évolutions possibles.

Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les Landes et le Pays basque font partie des territoires en tension. Je reconnais également le caractère un peu arbitraire de la règle des 200 mètres.

Néanmoins, nous manquons de recul sur l’incidence de l’élargissement à 15 kilomètres que vous proposez. En outre, dans le projet de loi initial, le Gouvernement a souhaité respecter l’équilibre politique auquel était parvenue la Commission nationale SRU
– qui comprend des élus, des bailleurs sociaux et des représentants des associations de lutte contre l’exclusion – entre l’ambition et la fermeté, d’un côté, et la nécessité de ne pas alourdir inconsidérément les obligations et les sanctions, de l’autre. Or l’amendement rompt cet équilibre.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

M. Lionel Causse. Il s’agit d’un amendement d’appel. Le rayon de 15 kilomètres autour d’une commune éligible dans lequel la loi SRU s’appliquerait est très ambitieux, j’en conviens, et les conséquences de cette mesure n’ont pas été évaluées.

Néanmoins la notion d’unité urbaine n’est pas pleinement satisfaisante. Peut-être pouvons-nous réfléchir à des unités d’habitat ou de logement, à l’instar des bassins de mobilité que nous avons créés dans la loi d’orientation des mobilités. Je retire l’amendement afin de le retravailler.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CE79 de Mme Sylvia Pinel et CE119 de M. Stéphane Peu.

Mme Sylvia Pinel. Je reviens sur l’amendement précédent pour mettre en garde contre l’adoption d’une disposition en séance sur ce sujet. La loi SRU repose sur la notion d’agglomération telle qu’elle est définie par l’INSEE. Je comprends les problèmes qu’elle pose dans certains territoires. Cependant, il me semble dangereux de proposer une nouvelle définition qui modifierait tout l’équilibre de la loi au détour d’un amendement en séance, sans étude d’impact ni vision globale.

L’amendement CE79 vise à rehausser à 30 % l’objectif de production de logements sociaux à Paris, Lyon et Marseille et d’adapter en conséquence le rythme de rattrapage qui pourrait passer de 33 % à 25 % afin de répondre à la forte demande dans ces territoires.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’un amendement de repli. Prenant au mot l’intitulé du projet de loi, nous proposons, au titre de la différenciation, de porter à 30 % la part de logements sociaux dans les trois métropoles citées par Mme Pinel, dans lesquelles la tension est particulièrement forte en matière de logement.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Certes, ces communes n’ont pas encore atteint l’objectif de 25 %, mais le taux de logements sociaux est passé de 13,4 % en 2001 à 21,4 % en 2021 à Paris et de 17,7 % à 21,5 % à Lyon, tandis qu’à Marseille il se situe également autour de 21 %.

Vos amendements seront satisfaits par l’article 17, qui prévoit un mécanisme de rattrapage. Pour les communes qui s’approchent de l’objectif de 25 %, le taux de rattrapage du déficit de logements sociaux sera plus important que celui de droit commun fixé à 33 % – j’y reviendrai en détail.

Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement ne souhaite pas modifier l’objectif de 25 %, qui s’applique à deux tiers des communes. Paris, Lyon et Marseille ont encore un peu de chemin à parcourir pour l’atteindre – cela représente des volumes considérables de production de logements sociaux. Notre priorité est de les y aider, notamment au travers du mécanisme de rattrapage.

Demande de retrait ; à défaut avis défavorable.

M. Jean-Luc Lagleize. Il est possible d’en partager l’esprit – Paris a besoin de logements sociaux –, mais ces amendements risquent de produire l’effet inverse de celui recherché : la ghettoïsation. L’augmentation du nombre de logements sociaux ne donnera pas nécessairement lieu à une répartition équilibrée sur le territoire de la ville.

J’avais songé à un amendement visant à calculer le taux de la loi SRU par arrondissement à Paris, Lyon et Marseille pour éviter que les logements sociaux soient beaucoup plus nombreux dans le 18e que dans le 7e arrondissement de Paris. L’adjoint à l’urbanisme de la ville de Paris, après avoir salué l’idée, m’a expliqué que cela n’aurait pas pour effet d’augmenter le nombre de logements sociaux construits dans le 7e mais que la mairie de Paris serait obligée de payer l’indemnité de carence puisqu’elle est la seule à en avoir les moyens.

Au lieu de résoudre le problème des déséquilibres au sein d’une même commune, l’amendement accentuera la ghettoïsation. Je partage l’avis qu’il faut le retirer.

M. Stéphane Peu. Quel que soit l’arrondissement, le logement à Paris est inaccessible aux salariés modestes, voire aux classes moyennes. Député d’une circonscription limitrophe, je suis bien placé pour savoir que les salariés parisiens cherchent à se loger en périphérie, faute de pouvoir le faire intra muros, même dans le 18e arrondissement.

Comme nous avons de la suite dans les idées, cet amendement se conjugue avec un autre, que je présenterai un peu plus tard, visant à introduire une différenciation par arrondissement. Le taux global serait fixé à 30 % pour répondre aux besoins, mais il ferait l’objet d’une modulation selon les arrondissements pour assurer un équilibre plus harmonieux.

La commission rejette les amendements.

Amendements CE249 et CE250 de Mme Typhanie Degois.

Mme Typhanie Degois. Ces amendements visent à alléger le taux de construction de logements sociaux dans les communes particulièrement attractives qui connaissent une forte accélération démographique.

Dans le département de la Savoie, il n’est pas rare d’observer des hausses de plus de 10, 15 % voire 20 % de la population en dix ans. Or le territoire est soumis à la loi « Littoral », en raison des lacs alpins, ou à la loi « Montagne », parfois aux deux. Malgré des contraintes géographiques fortes, il faut construire beaucoup et vite, pas toujours dans les meilleures conditions du fait d’un afflux d’habitants.

Dans le respect de la loi SRU et de l’objectif de mixité sociale, les amendements visent à permettre aux collectivités de construire bien et de mieux intégrer les nouveaux habitants, en leur laissant le temps nécessaire pour le faire.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les amendements visent à alléger les obligations liées à la loi SRU dans les communes qui connaissent une forte croissance démographique. Or c’est précisément dans de tels territoires que l’effort de construction de logements sociaux doit être maintenu. C’est la raison pour laquelle je demande le retrait des amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je comprends votre préoccupation d’accompagner les communes en croissance pour leur permettre d’organiser l’accueil de nouveaux habitants dans de bonnes conditions. L’ajustement des trajectoires me semble y répondre en autorisant un taux de rattrapage de 25 % dans de nombreux cas, dans le cadre d’une contractualisation entre le maire et le préfet.

Il y a néanmoins un paradoxe à considérer que là où la population augmente, la production de logements sociaux doit baisser. Votre amendement est satisfait par l’instauration, au travers des contrats de mixité sociale, d’une modulation. En outre, la rédaction pose une difficulté, car elle substitue au seuil de 15 000 habitants celui de 3 500 qui est bien plus exigeant.

Demande de retrait.

Mme Typhanie Degois. Des communes de 10 000 habitants qui connaissent une augmentation de leur population de 20 % en l’espace de cinq à dix ans doivent construire encore plus de logements sociaux, malgré leur petite taille. Il faut les accompagner pour qu’elles puissent construire les logements nécessaires dans le temps.

Les amendements sont retirés.

Amendement CE251 de Mme Typhanie Degois.

Mme Typhanie Degois. Il s’agit de diminuer le taux de construction de logements sociaux lorsque le taux de rotation de ces logements est faible, comme c’est le cas dans des communes très attractives, à l’image d’Aix-les-Bains : beaucoup de monde veut venir y habiter, et ceux qui occupent des logements sociaux ne les quittent pas. Dans ces communes, le rapport entre le nombre de demandes de logements sociaux et les biens disponibles est supérieur au ratio de 4, ce qui les soumet à un taux de construction de logements sociaux de 25 %, au lieu de 20 %. Les collectivités qui offrent une bonne qualité de vie et proposent de la mixité sociale se voient ainsi imposer, de façon assez injuste, des obligations supplémentaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Si l’on occupe un logement social, c’est qu’on a les ressources correspondantes, et je ne pense pas qu’on puisse avoir pour objectif d’y rester toute sa vie. Nous avons travaillé sur cette question dans la loi ELAN. Nous avons réexaminé les conditions d’occupation des logements : les CAL (commissions d’attribution des logements) sont devenues les CALEOL (commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements). Le système de la cotation va être généralisé. Mais si l’on veut accroître la rotation, il faut aussi construire davantage de logements sociaux. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il y a un paradoxe à dire que, lorsqu’il n’y a pas suffisamment de logements disponibles et que la demande s’accroît, il faut réduire le volume de logement social à atteindre. Le présent texte apporte des modifications à la loi SRU : il prévoit un objectif de construction de logements sociaux qui doit être atteint, mais sans date limite ; l’obligation s’applique jusqu’à ce que la commune y parvienne. L’échéancier de rattrapage à un tiers, voire à un quart de l’écart, permet d’accompagner la montée en charge dans des communes soumises à une tension forte. Le desserrement de la contrainte répond à votre problématique. Avis défavorable ou demande de retrait.

Mme Sylvia Pinel. Madame Degois, le problème que vous évoquez n’est pas lié à la loi SRU, mais à la diversification de l’offre. Vous pointez du doigt la nécessité de fluidifier les parcours résidentiels, ce qui exige des opérations mixtes, mêlant du logement social, de l’accession sociale à la propriété, de l’accession à la propriété et éventuellement, si nécessaire, de l’intermédiaire. Il faut déployer tous les outils existants.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement CE430 de M. François Pupponi est retiré.

Amendement CE207 de M. Xavier Roseren.

Mme Véronique Riotton. Dans certaines communes, par exemple en Haute-Savoie, la constructibilité est interdite ou limitée sur une partie du territoire, du fait des législations relatives aux espaces sensibles ou à la prévention des risques, ou encore en application de la loi « Littoral ». Il est proposé de diminuer le taux de construction de logement social de 2 % par tranche de 10 % du territoire communal inconstructible.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait. Nous allons garder, parmi les ajouts du Sénat, une exemption liée aux caractéristiques physiques des communes, et notamment au recul du trait de côte, lequel concerne 250 collectivités. Votre demande sera ainsi pour partie satisfaite.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous nous fondons sur l’inconstructibilité : si le territoire de la commune est inconstructible à plus de 50 %, elle est exemptée ; dans le cas contraire, elle se voit appliquer le mécanisme, que nous rendons plus progressif. Lorsque la présence d’un espace naturel protégé rend le territoire inconstructible, la question est donc résolue ; mais s’il n’empêche pas de construire, il n’y a pas de raison d’appliquer à la commune un traitement différent des autres. L’équilibre qui a été trouvé est globalement satisfaisant. Demande de retrait.

Mme Véronique Riotton. Je retire l’amendement et inviterai M. Roseren de regarder de plus près la question de l’inconstructibilité en vue de la séance.

L’amendement est retiré.

Amendement CE566 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il a pour objet de supprimer la disposition, introduite par le Sénat, autorisant une commune à exercer un recours auprès du préfet en cas d’absence de proposition d’exemption de la part de l’EPCI. La liste des communes exemptées est fixée par décret, pris sur la proposition initiale des intercommunalités, après avis du préfet de région et de la commission nationale SRU. Au Sénat, la commission a ajouté à la liste des personnes dont l’avis est recueilli le préfet de département, ce qui est bienvenu. En revanche, je vous propose de supprimer le droit de saisine du préfet par la commune, qui me paraît susceptible de créer des litiges sans fin entre les communes au sein de l’intercommunalité.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable. Les intercommunalités ont un rôle de chef de file en matière de politique de l’habitat. Elles doivent rester à l’initiative de la procédure d’exemption pour garantir la cohérence des propositions et leur pertinence au regard des politiques locales de l’habitat.

M. Thibault Bazin. Voilà un premier exemple d’ajout du Sénat qui rétablit la place des maires. Certes, il ne faut pas affaiblir les intercommunalités, qui jouent un rôle important en matière d’habitat, mais la sanction, en cas d’irrespect des règles de construction de logements sociaux, frappe la commune et non l’EPCI. Il convient donc d’offrir la possibilité à la commune de se défendre en saisissant l’État. Cela ne signifie pas que l’État déjugerait l’EPCI, mais cela pourrait permettre une discussion. Peut-être pourrait-on retravailler cette disposition, en veillant à ne pas affaiblir l’EPCI ? Car certains maires ont le sentiment de ne pas pouvoir dialoguer avec l’État : je pense à une commune dont une partie du territoire est en zone minière et qui peine, dans ce dialogue, à parvenir à la définition d’un protocole de constructibilité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement ne concerne pas tant les sanctions que la liste des communes exemptées et visées par l’EPCI.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Comme je l’ai indiqué, le Gouvernement va suivre l’avis du Sénat sur un certain nombre de points. La Chambre haute a renforcé le caractère automatique du régime de l’exemption pour inconstructibilité. Elle a supprimé, pour ce seul régime, le pouvoir d’initiative de l’EPCI. Cette adaptation nous paraissant acceptable, nous ne reviendrons pas dessus. S’agissant de l’exemption totale pour inconstructibilité, il est important que cela passe par l’EPCI, quitte à ce que le dialogue s’instaure entre la commune, l’EPCI et l’État. Il faut éviter que l’EPCI soit mis devant le fait accompli : la cohérence de la politique qu’il mène doit être respectée.

M. Thibault Bazin. Jamais une commune ne pourra établir seule un programme local de l’habitat (PLH). Or, toutes les communautés de communes ne disposent pas d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUi). Il faut garder de la souplesse. Le rôle de la commune en matière d’urbanisme diffère selon les intercommunalités. Il faut avoir une lecture différenciée pour prendre en compte ces situations variées.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE266 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Je propose de supprimer les mots « qui ne sont pas situés dans une agglomération de plus de 30 000 habitants », à l’alinéa 4. L’appartenance à une agglomération est une notion pertinente, mais on peut contester le fait qu’elle devienne un critère majeur de différenciation. Des communes peuvent faire partie, d’un point de vue géographique, d’une agglomération, au sens de l’unité urbaine de l’INSEE, alors que les critères physiques de continuité du bâti ne correspondent pas au territoire de projet ou même à la réalité des bassins de vie. La notion définie à l’alinéa 4, telle qu’elle a été reprise par le Sénat, peut susciter des interrogations lorsqu’on se trouve sur le littoral, dans une petite commune en périphérie lointaine d’une grande ville, ou encore dans une commune nouvelle, dont la population peut passer légèrement au-dessus du seuil de 3 500 habitants à la suite d’une fusion. Il faut veiller à l’applicabilité de cette disposition.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le nouveau critère d’isolement proposé par le projet de loi me semble répondre à votre souhait. Par ailleurs, M. Thierry Repentin m’a confirmé, au cours de son audition, que la Commission nationale SRU étudie attentivement chaque situation. Demande de retrait ou défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La transformation du critère de mauvaise desserte par les transports collectifs en un critère d’isolement ou de faible attractivité constitue un progrès. Cela permettra de mieux prendre en compte les communes qui n’appartiennent pas à une agglomération d’au moins 30 000 habitants. Pour les autres, il y a aussi des motifs d’exemption, qui tiennent à l’inconstructibilité ou à la faiblesse de la demande en logement social. Le point d’équilibre auquel nous sommes arrivés me paraît satisfaisant. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement de coordination CE567 de M. Mickaël Nogal.

Amendement CE456 de M. Jean-René Cazeneuve.

Mme Laurence Gayte. Cet amendement est issu des travaux d’un groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Il vise, dans un souci d’équité, à substituer à la dispense d’obligation de construction dans les communes dont plus de la moitié du territoire urbanisé est soumise à une inconstructibilité, une obligation atténuée en fonction de la surface pouvant être utilisée.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les communes dont moins de la moitié du territoire est inconstructible sont en effet pénalisées par les effets de seuil. Pour y remédier, je vous propose que l’on retravaille l’amendement en vue de la séance. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CE3 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Il est beaucoup question d’exemptions, mais avant d’en bénéficier, les communes doivent remplir des devoirs, à commencer par la définition d’une stratégie locale en matière d’habitat. Cela passe en particulier par le PLH, le meilleur outil, qui est à la main des élus locaux. Je souhaite qu’une commune ne puisse bénéficier d’une exemption que si elle dispose d’un PLH.

La loi SRU, ce n’est pas une punition : c’est le moyen de travailler l’habitat de façon plus exigeante. Je le dis pour avoir été le maire d’une commune qui est passée, en l’espace d’un mandat, de 6 % de logements sociaux à un niveau compris entre 18 et 20 %.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je partage l’avis de M. Causse : il est bon de rappeler que le logement social est une chance, et qu’il en faut partout, de manière équitablement répartie. Toutefois, l’amendement me paraît aller un peu trop loin. Ne serait-il pas plus judicieux d’envisager l’octroi de l’exemption dans le cadre d’un contrat de mixité sociale (CMS) dérogatoire, à la condition que la commune dispose d’un PLH ? Je suis disposé à y travailler, en vue de la séance, afin d’élaborer un dispositif plus précis.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’exemption pour inconstructibilité au-delà de 50 % du territoire de la commune est liée à la nature physique de l’espace communal : c’est une impossibilité matérielle. Le projet de loi lui confère une forme d’automaticité, en simplifiant la procédure. Je suis très favorable au PLH, qui me semble un outil indispensable, mais je ne suis pas certaine qu’il faille le lier à l’exemption pour inconstructibilité, car ces deux dispositifs se situent sur des plans légèrement différents. Par ailleurs, sur le triennal 2020-2022, 24 communes sont exemptées pour motif d’inconstructibilité, dont 14 ont un PLH exécutoire et 8 un PLH en cours d’élaboration, 2 seulement n’en ayant pas encore. Les communes sont donc déjà engagées dans ce processus. Demande de retrait.

M. Lionel Causse. Je vais retirer l’amendement pour le retravailler, peut-être en liant l’exemption au CMS, comme y invite notre rapporteur. Même si cela concerne peu de communes, il est bon de rappeler aux élus locaux qu’ils ont des devoirs et, surtout, des outils à leur disposition pour atteindre les objectifs.

L’amendement est retiré.

Amendement CE267 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. J’ai élaboré un PLH lorsque j’étais en charge de l’habitat dans ma communauté de communes : cela n’offre aucune garantie d’atteindre les objectifs visés. Nous avions prévu de produire 900 logements, dont un tiers en logement aidé. Mais les bailleurs n’ont pas voulu participer, pour des raisons de capacité d’autofinancement ou de difficulté à viabiliser les opérations, même lorsque les terrains leur étaient donnés. Bref, fixer des objectifs de production de logements sociaux ne peut être l’alpha et l’oméga d’une politique du logement : il faut aussi penser aux moyens dont disposent les bailleurs.

Madame la ministre déléguée, il faut faire avec les stocks et les flux, l’existant et l’à venir, mais aussi avec les textes que vous avez précédemment fait adopter et qui ont des incidences en matière de logement. Ainsi, l’application territorialisée de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets aura un impact sur l’artificialisation. On ne peut pas demander à une commune de produire du logement si on lui interdit dans le même temps d’artificialiser, alors même que certaines parties de son territoire sont inconstructibles.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Cet amendement propose deux évolutions majeures. D’une part, il propose de modifier un critère d’exemption : il ne s’agirait plus du fait que la moitié du territoire urbanisé soit inconstructible, mais de ne plus pouvoir « significativement s’étendre ». Je vois cela moins comme une clarification juridique que comme une source de multiplication des contentieux locaux. D’autre part, l’amendement ajoute un motif d’exemption : l’inconstructibilité liée à la réduction de l’artificialisation imposée en application de l’article 194 de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique. Je rappelle que l’absence de toute artificialisation nette des sols est un objectif à atteindre d’ici à 2050. La loi « climat et résilience » n’interdit pas aux collectivités de construire, au contraire ; elle les conduit simplement à le faire de manière pertinente, en fonction des besoins locaux. Mais la volonté d’encourager les collectivités et les bailleurs sociaux à construire est naturellement toujours là. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Selon la loi « climat et résilience », la consommation des terres naturelles et agricoles doit se faire à bon escient. Il faut essayer de la limiter lorsque c’est possible. L’objectif est de réduire le rythme de consommation de ces espaces dans les dix prochaines années et de tendre vers l’absence de toute artificialisation nette des sols en 2050.

La mise en conformité des divers objectifs doit se faire, sur le fondement de l’article 194, par le biais des discussions régionales relatives aux schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) et dans le cadre des conférences des schémas de cohérence territoriale (SCoT), mais aussi et surtout au sein des SCOT, des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des PLUi. La loi « climat et résilience » rappelle que les terres naturelles et agricoles sont précieuses mais n’interdit pas toute consommation : les projets de développement continueront à exister. Sachant qu’on a artificialisé 280 000 hectares au cours des dix dernières années, on pourra artificialiser 140 000 hectares au cours des dix ans à venir. Cela laisse de la marge pour continuer à répondre aux besoins de la population. Avis défavorable.

M. Lionel Causse. Si les solutions engendrant l’artificialisation des sols suffisaient à régler les problèmes de logement, y compris social, il n’y aurait plus de problèmes ! Il y a d’autres enjeux, et d’autres outils permettant d’atteindre les objectifs. En matière d’artificialisation, nous allons passer, en rythme annuel, de 30 000 à 15 000 hectares – soit près d’une fois et demie la surface de la ville de Paris. Il faut rassurer les élus locaux : il y a encore de larges possibilités pour accueillir des habitants et des activités sur tous les territoires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE568 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le Sénat a ajouté deux motifs justifiant l’inconstructibilité : le recul du trait de côte et la présence de champs captants en eau potable. Je souhaite conserver le premier, mais pas le second, car ces champs ne se trouvent pas en zone urbanisée.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE457 de M. Jean-René Cazeneuve et CE496 de M. Thibault Bazin.

Mme Laurence Gayte. Cet amendement est également issu des réflexions d’un groupe de travail de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, et reprend une initiative du sénateur Alain Richard. Il vise à diminuer les obligations pesant sur les communes soumises à une inconstructibilité sur moins de 50 % de leur territoire urbanisé. Ce taux est le seuil de dispense totale. Les communes qui ne l’atteignent pas mais dont une part substantielle de la superficie est tout de même concernée subissent une charge disproportionnée, puisqu’elles sont soumises à l’intégralité de l’obligation de production de logements. Elles sont donc obligées de trouver les disponibilités requises sur seulement 55 ou 60 % de leur territoire constructible, ce qui mène parfois à des situations inextricables.

Je propose donc que l’obligation de la loi SRU s’applique de manière proportionnée. Ainsi, pour une commune dont 40 % de la superficie du PLU est inconstructible, comme il s’en trouve bon nombre dans les secteurs urbains proches des aéroports ou ayant des sites Seveso, l’obligation de disposer de 25 % de logements sociaux serait ramenée à 15 %, ce qui constituerait un effort de réalisation analogue à celui des communes non soumises à ces contraintes environnementales.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Même avis que précédemment : je ne sais pas quel est le bon mécanisme pour traiter la situation de ces communes, mais le texte de l’amendement mérite d’être retravaillé. Je vous propose de le revoir en vue de la séance publique.

M. François Pupponi. Cette proposition m’étonne. Les communes situées à proximité des aéroports sont soumises à un plan d’exposition au bruit (PEB) et, à ce titre, sont exonérées de l’application de l’article 55 de la loi SRU. Il arrive toutefois qu’au sein d’une intercommunalité comprenant des communes sous PEB, on démolisse des logements sociaux là où il y en a beaucoup, dans le cadre des opérations de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), pour les reconstruire dans les communes sous PEB qui n’ont pas atteint le taux de 25 % – car si, sous PEB, l’on ne peut pas augmenter les logements, l’on peut reconstituer l’offre. Si ces communes sont exemptées, la reconstruction ne se fera pas dans les communes qui sont au-dessous de 25 % de logements sociaux, mais dans celles qui en ont beaucoup. Dans la même intercommunalité, en matière de rénovation urbaine, il faut permettre la construction de logements sociaux dans les communes sous PEB qui n’ont pas atteint le seuil de 25 %.

M. Jean-Luc Lagleize. La loi « climat et résilience » prévoit un certain nombre de mesures pour atteindre l’objectif de l’absence de toute artificialisation nette des sols. Or construire du logement social ne consiste pas obligatoirement à artificialiser un terrain nu. Les communes sont dotées d’un droit de préemption, qui leur permet d’acheter en priorité une maison ou un immeuble mis en vente et de le revendre ensuite à un bailleur social : c’est ainsi qu’elles peuvent transformer un logement classique en logement social et, ce faisant, augmenter leur taux SRU. Effectivement, la préemption ne permettra pas à elle seule de passer de 0 % à 25 %, mais elle donne même aux communes totalement inconstructibles la possibilité d’accroître progressivement leur nombre de logements sociaux.

M. Stéphane Peu. Je souscris aux propos de M. Lagleize : ce n’est pas seulement en construisant de nouveaux logements, mais également en transformant des logements existants que des communes peuvent atteindre le taux de 25 % de logements sociaux. Celles qui le veulent y arrivent très bien.

L’amendement CE457 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE496.

Amendements CE569 et CE608 de M. Mickaël Nogal.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement CE569, tout en conservant l’automaticité de l’exemption accordée au titre de l’inconstructibilité de la moitié des espaces artificialisés, votée par le Sénat, renvoie à un arrêté fixant la liste des communes remplissant les conditions évoquées.

Le CE608, lui, est un amendement de fond. Les 250 communes dont 50 % du territoire est inconstructible sont exemptées de l’application de la loi SRU ; cela ne les exonère pas pour autant de participer à l’effort collectif de construction de logements sociaux. C’est pourquoi je propose d’imposer à ces communes exemptées d’une obligation en stock une nouvelle obligation en flux. Concrètement, pour les opérations de construction d’une certaine ampleur, elles seraient obligées d’y intégrer au moins 25 % de logements locatifs sociaux. Cela permettrait d’assurer un développement harmonieux du logement social sur l’ensemble du territoire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à l’amendement CE569, qui précise que la liste des communes bénéficiant de l’automaticité de l’exemption pour inconstructibilité est fixée par arrêté préfectoral.

Je reconnais que l’amendement CE608 tente de répondre à une question importante. Lorsqu’une commune bénéficiant de l’exemption pour inconstructibilité continue de mener des opérations de construction, lui imposer un objectif en termes de logements sociaux me paraît aller dans le bon sens. Je suis d’autant plus favorable à cette mesure qu’elle ne s’appliquerait qu’aux nouveaux logements construits dans les territoires connaissant une tension sur la demande de logements sociaux, puisque l’amendement prévoit une dérogation pour les quartiers déjà bien pourvus en logements de ce type. Toutefois, nous n’avons pas abordé cette question dans la concertation menée avec les collectivités locales en amont de ce projet de loi, contrairement à ce que nous avons souhaité faire pour les autres dispositions. J’émets donc un avis de sagesse, mais qui est tout à fait bienveillante.

Mme Sylvia Pinel. Combien de communes seraient-elles concernées ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Vingt-quatre. Comme l’a précisé Mme la ministre déléguée, l’amendement CE608 prévoit certains critères permettant aux préfets d’accorder, au cas par cas, des dérogations à cette nouvelle obligation.

M. François Pupponi. Êtes-vous sûr de ce chiffre ? Il me paraît faible.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Au total, 250 communes sont exemptées de l’application de la loi SRU, au motif qu’elles sont soumises, par exemple, à un PEB ou à un plan de prévention des risques. Parmi elles, 24 ont été exemptées pour inconstructibilité entre 2020 et 2022 – je peux notamment citer Champlan et Wissous, en Île-de-France, Tarascon, en Provence-Alpes-Côte d’Azur, Salazie, à La Réunion, Cuxac-d’Aude, en Occitanie, La Ville-aux-Dames, dans le Centre-Val-de-Loire, ou encore Indre et Saint‑Aignan-Grandlieu, dans les Pays-de-la-Loire. Ces communes seraient donc concernées par cette nouvelle obligation de 25 % de logements sociaux en flux, et non en stock.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements CE538 de Mme Valérie Petit, CE10 de Mme Véronique Riotton, CE252 de Mme Typhanie Degois, CE546 de Mme Valérie Petit, CE200 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, et CE544 et CE545 de Mme Valérie Petit (discussion commune).

M. Antoine Herth. Les amendements de Mme Petit portent sur le périmètre de définition des logements sociaux. L’amendement CE538 y intègre notamment les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), les établissements pénitentiaires ainsi que les installations de résidences mobiles sur les aires d’accueil de gens du voyage. Les CE546, CE544 et CE545 sont des amendements de repli.

Mme Véronique Riotton. L’amendement CE10 permet la prise en compte, dans les obligations issues de la loi SRU, des efforts communaux en matière de construction et d’entretien d’aires permanentes d’accueil des gens du voyage. De nombreuses communes consentent ces efforts et subissent les coûts qui y sont associés, comme la scolarisation des enfants ou la gestion des déchets. En somme, nous proposons de soumettre les terrains communaux au même régime que les terrains familiaux locatifs. Ce système incitatif serait un moyen de pallier la faible appétence des communes pour la construction et l’entretien des aires d’accueil, en avantageant celles qui jouent le jeu.

Mme Typhanie Degois. L’amendement CE252 vise également à intégrer les aires permanentes d’accueil des gens du voyage dans le périmètre du parc locatif social des communes. Il constituerait une incitation à la création d’aires d’accueil, dont nous manquons. Sur les plus de 33 000 places préconisées, seules 26 000 ont été réalisées ; or nous avons besoin d’un nombre suffisant de places pour éviter que certaines exploitations agricoles soient occupées l’été par des gens du voyage, ce qui occasionne des pertes importantes pour les agriculteurs.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’inventaire des logements considérés comme des logements sociaux au sens de la loi SRU n’a cessé de s’allonger au fil des années. La loi ELAN, notamment, a permis la prise en compte des baux réels solidaires et des logements vendus à leurs occupants pendant dix ans au lieu de cinq, ce qui avait d’ailleurs fait l’objet de débats nourris avec M. Stéphane Peu, entre autres.

Les présents amendements visent notamment à y intégrer les aires permanentes d’accueil des gens du voyage, les places de prison et les maisons d’accueil spécialisées. J’y suis plutôt défavorable car la loi SRU doit, à mon sens, se limiter aux logements sociaux pérennes. Il me semble nécessaire de préserver le fragile équilibre que nous avons trouvé dans la loi ELAN. Pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, par exemple, on comptabilise un logement pour trois places, alors qu’il ne s’agit nullement de logements sociaux : nous sommes donc déjà à la limite de ce qu’il est possible de faire. Par ailleurs, nous avons débattu tout à l’heure du conventionnement APL : cela nous rappelle que le logement social est conditionné à des plafonds de ressources. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je demande également le retrait de ces amendements, faute de quoi je leur donnerai un avis défavorable, pour des raisons très proches. L’équilibre trouvé dans la loi ELAN est satisfaisant. Il faut revenir aux fondamentaux : la loi SRU a pour objectif de mettre à la disposition des ménages, sous conditions de ressources et pour des loyers acceptables, de vrais logements qui soient des résidences principales.

Les terrains locatifs familiaux destinés aux gens du voyage sont déjà comptabilisés dans le périmètre de la loi SRU. Les aires d’accueil, dont l’occupation doit être temporaire, sont vraiment trop éloignées de la définition d’un logement social. En revanche, les dépenses engagées par les communes pour la construction et l’entretien de ces aires sont déductibles du prélèvement SRU.

S’agissant des places de prison, nous sommes là encore très loin de la philosophie de la loi SRU. Les processus d’attribution sont tout de même extrêmement différents !

Quant aux lits des foyers pour personnes âgées, ils entrent dans le quota SRU s’ils sont attribués sous conditions de ressources dans le cadre d’un système conventionné ; mais ils n’ont pas grand-chose à y faire s’ils se caractérisent par des loyers libres.

M. Lionel Causse. En effet, il ne faut pas mélanger les aires d’accueil des gens du voyage avec les logements sociaux. L’incitation à construire ces aires doit davantage passer par des aides financières directes ou des garanties tenant à la gestion et l’entretien de ces installations, qui s’avéreraient, à mon sens, plus efficaces.

Par ailleurs, comme Mme la ministre déléguée l’a précisé, il y a déjà des lits conventionnés dans les EHPAD.

M. François Pupponi. Il ne me semble pas opportun de développer les aires d’accueil des gens du voyage dans des communes qui connaissent déjà de grandes difficultés et comptent déjà beaucoup de logements sociaux. En effet, au-delà des coûts liés à l’entretien de ces aires, les populations accueillies vont mettre leurs enfants à l’école et demander à bénéficier d’un certain nombre d’aides sociales et de prestations, ce qui est bien normal. N’allons pas ghettoïser le ghetto ! Pourquoi ne pas inciter les communes comptant moins de 25 % de logements sociaux à construire des aires ? Cela permettrait de transférer cet effort vers les collectivités qui ont le moins de difficultés.

M. Stéphane Peu. Une fois n’est pas coutume, je ne suis pas d’accord avec M. Pupponi. Les lois Besson de 1990 et 2000 obligent toutes les communes d’une certaine taille à prévoir les conditions d’accueil des gens du voyage. Certes, leurs dispositions ne sont pas assez respectées et les préfets ne sont pas assez fermes en la matière, mais ne confondons pas l’accueil des gens du voyage et la construction de logements sociaux : comme l’ont très bien expliqué Mme la ministre déléguée et M. le rapporteur pour avis, il s’agit de deux sujets très différents.

Mme Sylvia Pinel. Pour une fois, je ne partage pas non plus le point de vue de M. Pupponi. La construction d’aires d’accueil des gens du voyage n’a rien à voir avec la loi SRU, qui vise à faciliter l’accès au logement pérenne, durable. Il faut bien distinguer ces aires de passage et les terrains familiaux, où les gens du voyage sont sédentarisés et qui peuvent être assimilés à une résidence principale. Les terrains familiaux, pour leur part, sont d’ores et déjà pris en compte dans l’inventaire SRU. Le sujet de la construction et de l’aménagement des aires d’accueil ainsi que des coûts induits ne doit pas être traité dans le cadre de la loi SRU. Il fait l’objet de dispositifs dédiés. Il existe des schémas départementaux d’accueil des gens du voyage, et des dispositions relatives aux aires de grand passage, qui sont à la main du préfet.

La commission rejette successivement les amendements CE10, CE252 et CE200, les amendements CE538, CE546, CE544 et CE545 ayant été retirés.

Amendement CE253 de Mme Typhanie Degois.

Mme Typhanie Degois. Je propose d’inclure les résidences étudiantes dans le calcul du parc locatif social. Certains logements en résidence universitaire sont déjà pris en compte : il s’agit donc d’étendre une mesure qui existe déjà. Alors que nous avons un déficit de 60 000 logements étudiants, nous devons accélérer la construction de ce type de logements et inciter les communes à faire de même.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Comme vous l’avez rappelé, les résidences universitaires qui logent des étudiants sous conditions de ressources sont déjà prises en compte. Votre amendement vise donc à élargir cette disposition aux résidences étudiantes où ne s’applique aucun plafond de ressources. Nous avons déjà soulevé ce problème tout à l’heure à propos des conventions à l’aide personnalisée au logement (APL) : le logement social a vocation à bénéficier à nos concitoyens dont les ressources sont les moins importantes, c’est-à-dire aux classes populaires et aux classes moyennes, et non aux Français les plus aisés qui peuvent se loger dans le parc libre.

Je vous rejoins sur un point : nous avons besoin de construire plus de logements étudiants, tant au sein des résidences universitaires comme celles des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) que dans le cadre d’une offre privée. Cependant, intégrer toutes les résidences universitaires, sans distinction de ressources, dans le périmètre de la loi SRU remettrait en cause le principe même de cette loi.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En réalité, cet amendement est satisfait : la très grande majorité des résidences universitaires sont déjà prises en compte dans la loi SRU puisqu’elles font l’objet d’un conventionnement à l’APL. Cela signifie qu’elles ouvrent droit aux APL pour les étudiants concernés, ce qui est indispensable au regard de leur budget. Je n’ai connaissance d’aucun cas particulier où des résidences sous plafond de loyer, sous plafond de ressources et donc parfaitement éligibles au conventionnement ne seraient pas conventionnées – les CROUS s’en chargent systématiquement. Je ne suis donc pas sûre que cet amendement réponde à un besoin réel. Je parle sous le contrôle de M. Richard Lioger, qui est un expert de ces questions.

Par ailleurs, ma collègue Frédérique Vidal et moi encourageons la construction de logements sociaux à proprement parler, gérés par des bailleurs sociaux, sur des terrains universitaires ou à proximité. Nous souhaitons en effet que l’offre de logements étudiants à prix maîtrisés émane à la fois des résidences universitaires comme celles des CROUS et des bailleurs sociaux.

M. Thibault Bazin. Dans certains territoires, il est impossible pour les étudiants de trouver un logement au loyer convenable, car la capacité des résidences universitaires est insuffisante. Cet amendement d’appel me semble donc intéressant. Il précise que les logements en résidence étudiante sont intégrés dans le périmètre de la loi SRU « sous réserve que le loyer pratiqué au mètre carré soit inférieur ou égal à un montant défini par arrêté du ministre chargé du logement » : il pourrait donc s’appliquer à des résidences ne remplissant pas forcément les conditions du conventionnement mais constituant tout de même une offre accessible. N’y a-t-il pas là une piste à creuser, pour étendre l’offre au-delà des CROUS ? À Paris ou ailleurs, les étudiants et même certains jeunes actifs qui cherchent à se loger vivent une vraie galère !

M. Richard Lioger. Dans le cadre de la mission qui m’a été confiée sur le logement et la précarité chez les étudiants, les apprentis et les jeunes actifs, je mène effectivement de nombreuses auditions. Il existe de plus en plus de logements conventionnés, y compris dans les zones tendues, et notamment à Paris : ils entrent dans le périmètre de la loi SRU. Si l’on sort du conventionnement, on sort ipso facto du logement social, comme l’a très bien expliqué M. Stéphane Peu.

Je reconnais la bonne foi des uns et des autres, mais tous les amendements que nous examinons en ce moment concernent des cas particuliers et ne feraient qu’enfoncer un coin dans la grande loi de consensus politique qu’est la loi SRU. Revenons aux principes de base que chacun a rappelés lors de la discussion générale. Il ne faut pas multiplier de telles dérogations.

M. Antoine Herth. Je comprends votre volonté, d’ailleurs largement partagée, de défendre la loi SRU, mais je trouve tout de même intéressant d’examiner ces amendements. Avant d’aller dans l’hémicycle, où nous entendrons différents points de vue, il est important que notre commission fasse l’inventaire des thématiques à aborder. Tout le monde n’est pas spécialiste de l’urbanisme et du logement social, et les regards un peu particuliers que certains portent sur ce sujet méritent d’être connus.

Mme Typhanie Degois. L’objectif de mon amendement est de pallier la carence de logements CROUS. Madame la ministre déléguée, pouvez-vous me confirmer que des logements du secteur privé pourraient, dans un grand nombre de cas et dans les limites évoquées par M. Bazin, pour éviter des effets d’aubaine, bénéficier d’un conventionnement APL qui permettrait aux étudiants de payer un loyer modéré ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Si un logement privé respecte les critères du conventionnement, qui portent à la fois sur le niveau de loyer et sur le niveau de ressources des étudiants – car un logement conventionné est avant tout destiné à ceux qui n’ont pas les moyens de se loger dans le parc privé libre – alors il pourra en bénéficier. Je ne peux vous garantir que la totalité du parc privé se trouve dans cette situation.

Nous avons d’ailleurs confié à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable une mission d’évaluation du dispositif de réduction d’impôt « Censi-Bouvard », destiné aux constructions de résidences étudiantes et de résidences pour personnes âgées. En effet, nous cherchons à savoir si ce dispositif fiscal finance un équivalent de parc social, c’est-à-dire des résidences à prix maîtrisés, ou au contraire des résidences à prix libre.

L’amendement est retiré.

Amendements CE120 et CE121 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. On a plusieurs fois évoqué un grand monsieur du logement social, M. Thierry Repentin. En tant que président de la Commission nationale SRU, il préconise, à juste titre, d’exclure du décompte SRU les logements financés en usufruit locatif social (ULS). Ce montage, jusqu’ici assez marginal, tend à se développer. C’est le Canada Dry du logement HLM : il en a le goût, l’odeur et presque le nom, mais il n’a rien à voir avec du logement social. Aussi mon amendement CE120 reprend-il la proposition de M. Repentin.

Tout à l’heure, M. le rapporteur pour avis a fait allusion à nos débats lors de l’examen de la loi ELAN : j’étais alors hostile au fait que la durée pendant laquelle un logement HLM vendu peut encore être considéré comme un logement HLM au titre de la loi SRU – alors que, dans les faits, il ne l’est plus – soit allongée à dix ans. Ce délai nous semble tout à fait excessif : l’amendement CE121 vise donc à le ramener à cinq ans, ce qui correspond à la durée de la garantie de rachat prévue lorsqu’un organisme HLM vend un logement à son locataire. Après cinq années sans défaillance de l’acquéreur, la garantie expire : dès lors, il nous semblerait logique de considérer que le logement n’est plus un HLM.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Si nous avons, dans le cadre de la loi ELAN, porté à dix ans la durée pendant laquelle les logements HLM vendus peuvent être pris en compte dans le périmètre de la loi SRU, c’est parce que la vente de ces logements, en priorité à leur occupant, sinon à un autre occupant du parc social, sinon à un acquéreur extérieur, s’inscrit dans un parcours résidentiel et dans un effort de mixité. Sur 4,7 millions de logements sociaux, 12 000 logements HLM sont vendus chaque année : ce ratio est loin de fragiliser l’équilibre général. Ces ventes constituent même plutôt une opportunité pour les bailleurs sociaux.

Quant à l’usufruit locatif social, il n’a effectivement pas la même durabilité qu’un prêt locatif aidé d’intégration (PLAI), un prêt locatif à usage social (PLUS) ou un prêt locatif social (PLS) classique. Cependant, les conventions d’usufruit sont conclues pour une durée minimale de quinze ans, parfois vingt. Ce dispositif permet donc réellement de construire du logement social de manière pérenne, y compris dans les zones tendues.

Je suis défavorable à ces deux amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’usufruit locatif social se situe dans le champ du logement social ; le délai de cinq ans à l’issue de la durée de jouissance de l’usufruit pendant lequel le logement continue d’être considéré comme un logement social permet de faire tampon lors de la sortie du dispositif. S’agissant des logements HLM vendus, la période de dix ans décidée dans la loi ELAN me paraît opportune.

M. François Pupponi. Nous savons bien comment cela se passe : ce sont les « pépites » que vendent les bailleurs sociaux, d’anciens logements en PLS ou même en PLAI, qui ne se situent pas forcément dans les quartiers les plus défavorisés, et parfois même dans des villes comptant moins de 25 % de logements sociaux. En réalité, certaines communes jouent de la règle des dix ans, avec la complicité des bailleurs sociaux : elles construisent des logements sociaux qui n’en sont pas vraiment, puis les vendent quelques années plus tard ; cela ne se voit pas dans leur taux SRU, mais dans les faits, leur parc social a bel et bien diminué ! Nous devons donc examiner ce problème avec la plus grande attention. Nous pourrions défendre, en séance, un amendement visant à intégrer cette question dans les contrats de mixité sociale.

M. Thibault Bazin. La vente de logements HLM faisait partie de la stratégie de la majorité dans le cadre de la loi ELAN. Nous étions en désaccord, d’autant que vous encouragiez les ventes en bloc. Le résultat n’est d’ailleurs pas forcément au rendez-vous, et c’est heureux. Ce n’est pas la même logique d’accompagner les locataires sociaux dans un parcours d’accession à la propriété que de vendre une partie du parc.

Le présent projet de loi prolonge, en quelque sorte, la loi SRU. Jusqu’à présent, les conventionnements étaient temporaires : que va-t-il se passer maintenant que le système SRU est pérennisé ? M. Peu a raison de s’interroger sur le devenir des logements concernés. Nous devrons reconsidérer la notion de flux temporels. La financiarisation du logement a parfois permis d’apporter des solutions, mais elle ne peut pas être une réponse structurelle aux carences de logement constatées dans certains territoires.

M. Jean-Luc Lagleize. Je voudrais tempérer les propos de M. Pupponi. Dans l’agglomération toulousaine, les bailleurs sociaux ne vendent pas des « pépites » mais plutôt des appartements standards, abordables, situés dans des quartiers classiques. Leur seul atout est d’avoir bénéficié d’une rénovation intérieure et énergétique. De toute façon, les pépites ne sont pas abordables : le public visé ne saurait pas les acquérir. En centre-ville, dans les lieux tendus, les bailleurs sociaux n’ont pas forcément les moyens d’acheter des logements : ce sont alors des propriétaires privés qui acquièrent la nue-propriété tandis qu’ils détiennent l’usufruit – cela permet de loger dans des endroits très chers des populations beaucoup moins favorisées. Cependant, l’usufruit locatif social est de plus en plus rare depuis que les OFS ont pris la suite de ces démembrements de propriété.

M. Stéphane Peu. Je maintiens bien sûr mes amendements. J’en proposerai un autre en séance pour que le délai soit réduit au moins pour les communes comptant moins de 25 % de logements sociaux. J’étais opposé à la vente de logements HLM dans les villes qui n’en ont pas assez ; vous l’avez fait quand même, ce qui a entraîné un déséquilibre. Si vous voulez conserver le principe, réduisez au moins le délai pour ces communes.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE531 de Mme Marguerite Deprez-Audebert.

Mme Marguerite Deprez-Audebert. Les logements qui sont la propriété des collectivités locales et des centres communaux d’action sociale (CCAS) ne sont pas considérés comme des logements sociaux : ils ne sont donc pas pris en compte dans le calcul du numérateur. En revanche, étant considérés comme des résidences principales, ils font partie intégrante du dénominateur. Cette anomalie pénalise de manière injustifiée les communes et les CCAS possédant un parc de logements locatifs sociaux. Je propose donc d’inclure ces derniers dans le décompte des logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable. Les logements propriétés de communes ou de CCAS peuvent être utilisés de manières très diverses : la nature du propriétaire ne suffit pas à en faire des équivalents de logements sociaux. La solution passe par le conventionnement. Nous devons nous pencher sur cette procédure, peut-être trop lourde, et essayer de la simplifier. Je suis tout à fait prête à y travailler.

L’amendement est retiré.

Amendements CE458 de M. Jean-René Cazeneuve et CE480 et CE482 de M. JeanNoël Barrot (discussion commune).

Mme Laurence Gayte. Il s’agit, dans la ligne des travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, de supprimer la modification du calcul des résidences principales introduite au Sénat, qui exclut de ces dernières les logements en caserne des militaires de la gendarmerie nationale. Cette disposition aurait pour effet d’augmenter artificiellement le taux de logement social des communes concernées en restreignant le champ des résidences principales comptabilisées. Dès lors que les logements militaires sont occupés de manière habituelle et à titre principal par un ménage, il n’existe aucune raison de ne pas les décompter en tant que résidences principales.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Je souhaite conserver la rédaction très équilibrée du Sénat excluant les logements des militaires du décompte des résidences principales, afin, à la demande du ministère des armées, de ne pas peser sur le programme CEGELOG, dont l’objet est de construire 2 500 à 3 000 logements pour les militaires. Il ne s’agit pas de les comptabiliser comme des logements sociaux.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Nous n’entendons pas revenir sur ce point sur lequel un accord a été trouvé. Il s’agit d’exclure du dénominateur des logements occupés par des militaires qui peuvent être appelés à les quitter à tout moment pour les nécessités du service.

Quant aux amendements CE480 et CE482, ils visent à exclure l’ensemble des logements de fonction du dénominateur, ce qui me paraît un peu trop large. La disposition adoptée par le Sénat est justifiée par la spécificité des fonctions des militaires.

L’amendement CE458 étant retiré, la commission rejette successivement les amendements CE480 et CE482.

Amendement CE9 de Mme Véronique Riotton

Mme Véronique Riotton. Il vise à exclure des résidences principales comptabilisées dans le cadre de la loi SRU les logements intermédiaires neufs construits à partir du 1er janvier 2019, date à laquelle la crise a perturbé les indicateurs de la construction. Ce mécanisme permettrait d’encourager la production de logements intermédiaires et le développement de la mixité sociale, sans affecter les obligations des communes ni le volume de construction de logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis favorable à la coexistence de logements sociaux, intermédiaires et libres dans les territoires. Néanmoins, l’exclusion des logements intermédiaires du décompte des résidences principales ne me semble pas justifiée. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Il existe de nombreuses mesures de soutien au logement intermédiaire, notamment la compensation de la fin de l’exonération de la taxe sur le foncier bâti par un crédit d’impôt sur l’impôt sur les sociétés et la mise en conformité des exigences en matière de logement social, là où il y a du logement intermédiaire, sur les normes applicables dans les communes SRU quand elles sont en dessous du seuil de 25 %. Nous avons donc un système incitatif, qui devrait permettre le développement du logement intermédiaire. La question est de savoir si on veut continuer à donner du sens au calcul de la loi SRU, à ce qu’on met au numérateur et au dénominateur pour la détermination des 25 %, ou si on le considère comme un mécanisme pur d’incitation aux sanctions financières. Même si je comprends votre logique, il est difficile de considérer que le logement intermédiaire ne fait pas partie des résidences principales. Demande de retrait.

L’amendement est retiré.

Amendement CE537 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. Cet amendement vise à transférer, à titre expérimental, aux agglomérations et aux intercommunalités à fiscalité propre de plus de 400 000 habitants la supervision de la répartition des logements sociaux entre les communes, sans toucher aux quotas initialement fixés.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’ai eu l’occasion d’expliquer pourquoi j’étais défavorable à ce transfert, y compris à titre expérimental. Par ailleurs, nous discuterons demain du contrat intercommunal de mixité sociale, qui peut déterminer des objectifs de rattrapage, discutés à l’échelle intercommunale, dans les communes déficitaires. Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Première réunion du mercredi 17 novembre à 9 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/e1ZZYk

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Nous poursuivons l’examen du projet de loi : il nous reste 380 amendements à examiner. Au rythme d’hier soir, cela représente seize heures trente de débats. Je vous invite à ne pas multiplier les interventions, surtout si elles ne font qu’aller dans le sens d’une intervention précédente. Je pourrais être amenée à appliquer l’article 100 du règlement, qui permet de n’entendre qu’un intervenant « pour » et un intervenant « contre ». Je vous demande également de faire preuve de concision dans vos prises de parole.

Après l’article 15

Amendement CE422 de M. François Pupponi.

M. François Pupponi. Les communes soumises à un plan d’exposition au bruit (PEB) sont exemptées, au-delà d’un certain seuil, de l’obligation de construire 25 % de logements sociaux, au motif qu’une partie de leur territoire serait inconstructible. Or, même sous PEB, certaines communes peuvent être ou redevenir constructibles, qu’il s’agisse de construire des logements nécessaires à l’activité aéronautique ou de reconstituer une offre de logements détruits dans le cadre d’un PEB ou d’une rénovation urbaine. Dans ce cas, il faut leur appliquer la loi et les obliger à avoir 25 % de logements sociaux.

Dans le cas d’une rénovation urbaine où l’on détruit des logements sociaux dans des quartiers où ils sont nombreux, le préfet n’a pas les moyens d’imposer à des communes qui ne satisfont pas à l’obligation de 25 % de logements sociaux de reconstruire les logements sociaux détruits. L’amendement lui donnerait un pouvoir supplémentaire pour permettre de reconstituer l’offre de logements.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’entends votre souhait et suis d’accord sur le fond. Les contrats de développement territorial (CDT) que vous évoquez dans l’exposé des motifs ne peuvent pas être révisés, du moins à court terme. Nous devons trouver une solution à ce problème.

Comme je mesure mal les incidences de l’amendement, qui devra être expertisé et retravaillé d’ici à la séance, je vous suggère de le retirer. Je m’en remettrai aussi à l’avis du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Je comprends qu’il existe déjà des dérogations dans le cadre des PEB, mais nous devons veiller à ne pas exposer de nouveaux habitants au bruit. Leur protection reste un sujet de préoccupation.

De plus, l’amendement conduirait à traiter différemment les logements selon qu’ils sont sociaux ou pas. Il est néanmoins possible que nous n’ayons pas entièrement compris sa portée et que des échanges complémentaires soient nécessaires. À ce stade, demande de retrait et, à défaut, avis défavorable.

M. François Pupponi. La loi prévoit qu’on ne peut pas augmenter la population sous PEB, sauf dans le cadre des CDT, où le préfet rend une commune constructible. L’article 55 de la loi SRU exempte les communes soumises à un PEB des obligations relatives à la construction de logements sociaux, en tant qu’elles ne sont pas constructibles, mais un autre article de loi dispose qu’on peut construire sous PEB. Il y a là une incohérence législative. Je propose de rectifier cette anomalie.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous avons longuement débattu hier des critères d’inconstructibilité et du fait qu’un territoire inconstructible à plus de 50 % est exempté de la loi SRU. Nous nous sommes notamment demandé s’il fallait être un peu plus souple quant à l’exemption.

Parce que des dérogations sont possibles pour construire sous PEB, vous estimez qu’il faudrait forcer les communes soumises à un PEB à construire des logements sociaux, ce qui signifie exposer des populations au bruit. Je ne suis donc pas sûre de suivre votre raisonnement. J’émets un avis défavorable pour le moment, quitte à en rediscuter d’ici à la séance pour bien comprendre l’articulation.

M. François Pupponi. Aujourd’hui, le préfet demande à des communes concernées par un plan de rénovation urbaine – par exemple Sarcelles, Garges-lès-Gonesse ou Villiers-le-Bel – de démolir des logements sociaux, que l’on ne doit pas reconstruire car elles ont déjà trop de logements de ce type. Le préfet demande de les reconstruire ailleurs, dans des territoires proches qui n’ont pas 25 % de logements sociaux. Mais parfois, la commune d’à côté n’est pas considérée comme constructible, alors qu’en détruisant des logements, on a rouvert des droits à construire. Résultat : on continue à construire des logements sociaux là où il y en a déjà. C’est un cas concret et cela fait vingt ans qu’on essaie d’expliquer cette question à l’État !

Peut-être peut-on reconstruire des logements sociaux là où il n’y en a pas, dans des communes soumises à un PEB, sans augmenter la population sous PEB et donc sans pénaliser la population.

Je retire l’amendement et réexpliquerai cela en séance.

L’amendement est retiré.

L’amendement CE423 de M. François Pupponi est retiré.

Amendement CE235 de M. Richard Lioger.

M. Richard Lioger. Il s’agit de conforter l’effort de construction de logements destinés aux militaires, comme à Metz où leur présence est historiquement forte. Dans le cadre du contrat d’externalisation de la gestion des logements domaniaux (CEGELOG), le ministère des armées s’est engagé dans un vaste programme de construction de 2 500 à 3 000 logements domaniaux neufs et de réhabilitation de logements destinés à ses agents, afin de renforcer son implantation dans les territoires.

L’amendement dispense la construction et la réhabilitation de ces logements du respect des règles de mixité sociale – leur application aurait pour conséquence qu’une part substantielle des logements concernés relèverait du logement social et serait attribuée à d’autres publics que les militaires. Cette disposition préviendra tout effet d’éviction et garantira que les logements construits ou rénovés dans le cadre du programme CEGELOG pourront effectivement être attribués à des militaires.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

Article 15 bis : Pondération par typologie de prêt des logements intégrés au décompte SRU

Amendements de suppression CE570 du rapporteur pour avis, CE24 de Mme Sylvia Pinel, CE122 de M. Stéphane Peu, CE299 de M. Jean-Louis Bricout, CE354 de Mme Bénédicte Taurine et CE373 de M. François Pupponi.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La mesure ajoutée par le Sénat pour surpondérer les logements très sociaux et de grande surface pose un problème de fond et de forme.

D’abord, les besoins des territoires sont bien différents et les bailleurs sociaux eux-mêmes affirment que des logements de petite surface sont nécessaires dans de nombreux endroits.

Ensuite, c’est en partant du territoire que l’on détermine les besoins en matière de prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et de prêts locatifs sociaux (PLS). J’ai été assez surpris que le Sénat propose un dispositif figé, alors que nous travaillons à la déconcentration et à la différenciation.

Mon amendement vise donc à supprimer cet article, qui ne va pas dans le bon sens.

M. Olivier Falorni. Mêmes arguments que le rapporteur pour avis. Il est important que ces amendements de suppression soient adoptés.

M. Stéphane Peu. Les villes qui ne respectent pas l’obligation de 25 % de logements sociaux ont pu satisfaire aux exigences de la loi SRU en utilisant abusivement les PLS, les petites surfaces et les résidences spécifiques en logement intermédiaire, sans relever le défi de la mixité sociale et du logement des familles les plus modestes, notamment à travers des logements familiaux en PLAI.

Il y a de multiples raisons de supprimer ce très mauvais article provenant d’un amendement du Sénat et de renforcer, au contraire, les obligations de construction de logements pour les familles les plus modestes.

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutiendrons la suppression de l’article pour les mêmes raisons. Ce dispositif dérogatoire, qui module le décompte des logements locatifs sociaux, risque d’affaiblir et de stigmatiser les logements PLAI.

M. Jean-Luc Lagleize. Affecter les logements PLAI ou PLS de coefficients n’est pas une bonne idée. Je rappelle aussi que les organismes de foncier solidaire entrent dans le décompte au titre de la loi SRU : ne les oublions pas.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable. Le calcul actuel permet à la fois d’avoir des objectifs quantitatifs et de vérifier que les objectifs qualitatifs de répartition sont atteints. Une surpondération n’est pas nécessaire et n’irait pas dans le bon sens.

M. Thibault Bazin. Je comprends les arguments de mes collègues contre le dispositif pondérateur proposé par le Sénat. Pourtant, des problèmes se posent, qui sont liés aux stocks et aux flux. Certains territoires disposent de nombreux logements en PLAI ; d’autres, de peu de logements, car les PLS sont privilégiés. Il faut regarder comment on pourrait instituer des mécanismes incitatifs de manière à favoriser la diversité. Les contrats de mixité sociale, tels qu’ils sont imaginés dans le projet de loi, devront donner lieu à des discussions entre les préfets et les communes concernées.

Il faut également déterminer si vous voulez un texte commun à l’issue de la commission mixte paritaire et quelle est la ligne de crête que vous souhaitez défendre, madame la ministre déléguée. Si vous balayez tous les apports du Sénat, hormis les corrections nécessaires pour rectifier les oublis du texte initial, on risque d’arriver à tout sauf à un consensus.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 15 bis.

En conséquence, l’amendement CE298 de M. Jean-Louis Bricout tombe.

Article 16 : Contrôle préfectoral renforcé sur le bon usage des ressources financières issues du prélèvement SRU

Amendements identiques CE599 du rapporteur pour avis et CE230 de Mme Laurence Gayte.

Mme Laurence Gayte. Les députés du groupe La République en marche sont opposés à l’exonération de prélèvement pour les communes qui touchent la dotation de solidarité rurale (DSR) : cela ne paraît pas justifié eu égard aux objectifs visés par la dotation. Par ailleurs, des exemptions des obligations au titre de la loi SRU sont d’ores et déjà possibles pour les communes en secteur rural, situées dans des territoires faiblement tendus ou hors des agglomérations de plus de 30 000 habitants et mal connectées aux bassins de vie.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le texte du Gouvernement, que le Sénat a maintenu, prévoit de remplacer le critère d’exemption relatif à une faible desserte en transports par un critère beaucoup plus ouvert, relatif au caractère isolé des communes, hors agglomérations de plus de 30 000 habitants. Cela permettra de traiter le cas de ces collectivités sans que l’on ait besoin d’instaurer un lien automatique entre le fait de percevoir la DSR et la position vis-à-vis de la loi SRU. Je suis donc favorable aux amendements.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. À l’heure actuelle, au moins 33 079 communes perçoivent une fraction de DSR. Les modifications du Sénat conduiraient immédiatement à exonérer 137 communes supplémentaires. Nous en avons débattu hier soir, et nous y sommes défavorables.

M. Thibault Bazin. Sans paraître défendre à chaque fois les changements apportés par le Sénat – je ne suis pas certain que les sénateurs se battraient jusqu’au dernier pour les positions des députés (Sourires) –, je souhaiterais être éclairé sur le montant de la dotation de solidarité rurale touchée par ces 137 communes et sur celui du prélèvement concerné par l’exonération. Sont-ils équivalents ?

M. Sébastien Jumel. Vous vous en doutez, je ne demande pas la parole pour défendre la position du Sénat. Je souscris à l’objectif consistant à ne pas toucher à ce qui fait la sève et l’identité de la loi SRU. Je profite de ces amendements pour appeler l’attention sur les difficultés auxquelles les maires ruraux sont confrontés pour construire du logement social, y compris lorsqu’ils le souhaitent vraiment.

D’abord, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) a déshumanisé les bailleurs sociaux : elle a fabriqué des mastodontes éloignés des réalités territoriales.

Ensuite, la loi « climat et résilience », qui a fait de la lutte légitime contre l’artificialisation des sols l’alpha et l’oméga de toute politique d’aménagement, rend pratiquement impossible la construction de logement dans la plupart des communes rurales. On dit aux maires qu’ils devront s’occuper des « dents creuses » et des friches, mais ils n’ont pas un rond pour cela. Et ce n’est pas le programme « Petites villes de demain », qui est une coquille vide, qui leur donnera des moyens pour le faire.

Enfin, le couple préfet-maire n’existe pas – c’est une vision de l’esprit – ou alors, si vous me permettez l’expression, c’est un couple à l’ancienne, un de ces couples dont on ne veut plus entendre parler où le préfet décide de tout et impose au maire des contraintes sans nom. Malgré un rapport sénatorial très positif, la défense extérieure contre l’incendie interdit aux maires ruraux toute construction. De même, les règlements, tous plus technocratiques les uns que les autres – plan de prévention des risques littoraux (PPRL), plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) et j’en passe –, que l’on pond à l’échelle européenne et que l’on applique avec zèle, rendent impossible toute construction de logements en milieu rural. Certains maires, qui ne sont pas réacs et qui veulent construire des logements sociaux, ne peuvent pas le faire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour répondre à monsieur Bazin : ce que je réfute, c’est le lien d’automaticité entre perception de la DSR et exonération de la loi SRU. Il faut examiner la situation de ces 137 communes. Cela va de pair avec l’idée de différenciation et d’analyse territoriale. Parmi ces communes, certaines ont peut-être vocation à être exemptées des obligations de la loi SRU parce qu’elles sont isolées dans une zone faiblement tendue et sont situées en dehors d’une agglomération de plus de 30 000 habitants ; d’autres n’ont peut-être aucune raison d’être exonérées.

Monsieur Jumel, sur le sujet que vous soulevez, qui n’est pas directement lié à l’amendement en question, les regroupements de bailleurs, qui sont en train de se terminer, ont en général adossé des acteurs de petite taille à des sociétés anonymes de coordination, entre autres. On a donc un assez bon équilibre entre proximité et capacité d’intervention financière. Dans de nombreuses opérations, les bailleurs sont restés proches du terrain. Par ailleurs, même avant la loi ELAN, certains territoires avaient du mal à attirer des bailleurs. Les offices publics de l’habitat, qui sont souvent les opérateurs de la ruralité, ne sont pas les acteurs les plus dynamiques en matière de construction, en tout cas du point de vue des volumes à l’échelle nationale.

L’article 194 de la loi « climat et résilience » s’appliquera dans les dix prochaines années, par une déclinaison au travers des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET) puis de l’évolution des schémas de cohérence territoriale (SCoT) et des plans locaux d’urbanisme (PLU). Elle demande seulement de faire attention à la mobilisation des terres naturelles et agricoles. Cette loi ne peut pas, tout d’un coup, bloquer la construction de logements sociaux : c’est une loi pour l’avenir. Dans les dix prochaines années, nous divisons par deux l’enveloppe d’artificialisation et nous autorisons donc 140 000 hectares d’artificialisation. L’idée est de concilier des contraintes, non de rendre une contrainte plus forte qu’une autre.

Les préfets auront aussi des outils qui pourront aider les maires, notamment le fonds « friches ». Le résultat de son deuxième appel à candidatures sera publié en fin de semaine : 350 millions d’euros supplémentaires financeront des opérations sur des friches. Les trois cents premiers millions d’euros ont financé 55 000 projets de logement, souvent en zone rurale. On est ainsi en mesure d’aider.

M. Thibault Bazin. Madame la ministre déléguée, vous ne répondez pas à ma question sur le rapport entre les montants de DSR et de prélèvement SRU. Surtout, qui dit « DSR » dit territoire en souffrance, faible capacité d’investissement et souvent zone 3, où les bailleurs ont du mal à équilibrer et à réaliser des opérations.

Quand je vous ai alertée sur les difficultés de financement des opérations en zone 3, vous avez répondu par la compensation de l’exonération de taxe foncière, mais cela n’offre pas de solution pour viabiliser ces opérations ab initio. Vous n’avez pas répondu à la question des moyens qui doivent permettre de produire davantage de logements aidés, dans tous les territoires de notre pays. Vous faites l’impasse sur cet enjeu, en indiquant que le texte n’est pas un projet de loi de finances. Certes ! Mais alors, il y a aura encore beaucoup de mots et très peu d’actes.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE600 du rapporteur pour avis et CE555 de Mme Laurence Gayte.

Mme Laurence Gayte. Il s’agit d’améliorer la rédaction des dispositions, introduites par le Sénat, concernant la prise en compte des coûts d’éviction dans les dépenses déductibles du prélèvement SRU.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE601 du rapporteur pour avis et CE558 de Mme Laurence Gayte.

Mme Laurence Gayte. Il s’agit de supprimer les alinéas 4 à 8.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Thibault Bazin.  Cet amendement porte notamment sur les dépenses qui peuvent être déduites du prélèvement effectué au titre de la loi SRU sur les communes déficitaires. Quand les communes font un effort en matière d’infrastructures, il faut le regarder. Il existe un lien entre l’attractivité, le cadre de vie et la politique du logement. Ces éléments devront être pris en compte dans les contrats de mixité sociale que vous appelez de vos vœux.

Le Sénat a essayé de s’appuyer sur la réalité du terrain. Vous balayez tout, ce que je déplore profondément. Il faut que l’on examine ce qui peut être amélioré dans le texte sans en remettre en cause les fondements.

M. Stéphane Peu.  En ce qui concerne la question du versement du prélèvement à l’EPCI, également évoquée à l’amendement, la métropole du Grand Paris, dont il est question à l’alinéa 8, dispose d’une organisation territoriale différente, avec une métropole, des établissements publics territoriaux (EPT) et un séparatisme social et territorial comme il n’en existe nulle part ailleurs.

À la fin des années 1990, le ministre Jean-Pierre Chevènement parlait du risque d’apartheid social en Île-de-France. On y est et le phénomène s’aggrave. Les amendements déposés au Sénat visaient à essayer d’écarter l’obligation urgente de résorber la fracture sociale dans cette région.

Il est « fort de café » de demander que les pénalités de la loi SRU aillent à la métropole du Grand Paris ! Non parce qu’elle est présidée par M. Patrick Ollier, qui avait voulu supprimer la loi SRU en 2006, mais parce que la métropole du Grand Paris, qui devait bâtir un programme local de l’habitat à l’échelle de la métropole, a été incapable de le faire, depuis quatre ans qu’elle essaie, ce qui la disqualifie pour recevoir les amendes de la loi SRU.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE80 de Mme Sylvia Pinel, CE123 de M. Stéphane Peu, CE300 de M. Jean-Louis Bricout, CE355 de Mme Bénédicte Taurine, CE552 de M. Fabien Matras et CE213 de M. Thibault Bazin tombent.

Amendement CE556 de Mme Laurence Gayte.

Mme Laurence Gayte. Cet amendement vise à modifier la rédaction du Sénat afin d’en améliorer la syntaxe, sans modifier le fond – il s’agit de la remise d’un rapport par le préfet du département sur l’utilisation des sommes remises dans le cadre du prélèvement SRU.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Sébastien Jumel. Cette série d’amendements vise à exonérer de leur mise à contribution les communes ne respectant pas la loi SRU. Pour les communes qui respectent cette loi, l’abattement de taxe foncière sur les propriétés bâties dans les zones urbaines sensibles permet de réinjecter de l’argent dans la gestion urbaine de proximité. Le Gouvernement a-t-il l’intention de remettre cela en cause ? Je serais très heureux que ce ne soit pas le cas, car c’est un dispositif vital.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous n’avons aucune intention de le remettre en cause.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 16 ainsi modifié.

Article 17 : Suppression de la date butoir de mise en conformité avec les obligations SRU et différenciation du rythme de rattrapage selon les communes

Amendements CE127, CE126 et CE124 de M. Stéphane Peu, amendements identiques CE81 de Mme Sylvia Pinel et CE128 de M. Stéphane Peu (discussion commune).

M. Stéphane Peu. Le logement social est une expression générique, qui recouvre des réalités diverses : il y a le logement très social, le logement social et le « Canada Dry » du logement social, notamment le prêt locatif social (PLS).

Si l’on vise l’objectif initial de la loi SRU, à savoir une plus grande mixité sociale et une meilleure répartition de l’effort de solidarité nationale dans l’ensemble des territoires, il faut absolument que le logement familial pour les personnes les plus en difficulté, dans le cadre du PLAI – c’est là que la crise du logement est la plus forte –, fasse l’objet de dispositions un peu plus détaillées. En effet, les contraintes sont insuffisantes.

L’amendement CE127 fixe à au moins 40 % la part des logements familiaux financés au titre du PLAI et à 20 % au maximum celle des logements financés en PLS, pour les communes qui n’ont pas atteint l’objectif de 25 % de logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cette série d’amendements. Depuis la loi Duflot de 2013, des objectifs qualitatifs – un plancher de 30 % de PLAI et un plafond de 30 % de PLS, abaissé à 20 % quand les communes disposent de moins de 10 % de logements sociaux – ont été fixés dans le droit, pour assurer une certaine mixité. Réduire le taux de PLS ou relever le plancher de PLAI ne me semble pas adapté.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les dispositifs issus de la loi de 2013 sont déjà suffisamment ambitieux – 30 % de PLAI au minimum, 30 % de PLS au maximum et des obligations renforcées pour les communes entrantes. Il importe de faire déjà respecter ces mesures.

Dans le cadre du bilan 2017-2019, nous avons notamment vérifié que ces obligations entrent bien en considération dans l’analyse de la carence. Selon les derniers chiffres, 69 % des communes respectent leurs obligations en la matière, contre 60 % durant le triennal précédent.

J’estime qu’il faut de la stabilité pour ces obligations qualitatives. Avis défavorable.

M. Stéphane Peu. Je l’entends, mais les difficultés des familles modestes à se loger ne connaissent pas, elles, de stabilité. Parmi les deux millions de demandeurs de logements HLM, la moitié – dont de nombreuses familles – vit en dessous du seuil de pauvreté.

La loi SRU a eu le mérite de s’adapter, depuis vingt ans. Porter l’effort pour le logement familial des plus modestes en priorité sur les villes où le logement HLM est rare ou trop faible me semble un excellent objectif de mixité sociale.

Il ne faut jamais perdre de vue le double objectif de la loi SRU : faire un effort de solidarité nationale pour loger nos compatriotes, notamment ceux qui en ont le plus besoin, et mieux répartir cet effort sur l’ensemble du territoire national. C’est aussi comme cela que l’on fait nation – cela ne doit pas être un mot creux. Il faut aussi que chacun satisfasse à l’obligation de solidarité nationale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CE125 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il s’agit de renforcer le dispositif de la loi SRU à Paris, Lyon et Marseille en déclinant les obligations par arrondissement. Il ne vous a pas échappé que, dans ces trois métropoles, les exigences de la loi peuvent être satisfaites à l’échelle de la commune alors que le séparatisme territorial se creuse entre les quartiers et les arrondissements. Ainsi, nous constatons tous que le 7e arrondissement de Paris ne ressemble pas au 19e ou au 20e ! C’est la même chose à Marseille, entre les quartiers nord et le reste de la ville.

Quand l’offre de logement est déjà largement constituée, on peut satisfaire aux obligations en matière de logement social en transformant des bâtiments existants, comme l’illustre le chantier en cours à cinquante mètres de l’Assemblée nationale. C’est une bonne chose, mais cela reste trop marginal.

Décliner les obligations de la loi SRU par arrondissement dans ces grandes villes, toutes trois particulièrement ségréguées, c’est tenter de résorber leurs fractures sociales.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous avons commencé à débattre de ce sujet hier soir, par le biais d’amendements de M. Peu et de Mme Pinel. Les arrondissements n’ayant pas la personnalité juridique, il est difficile de leur imposer des quotas. Si des sanctions sont prononcées en cas de carence, les communes – par exemple, la Ville de Paris – seront seules concernées, et non les mairies d’arrondissement. Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Julien Aubert. Je suis heurté par la philosophie de l’amendement et je m’interroge sur ses conséquences pratiques.

Vous portez atteinte à la libre administration des collectivités locales et vous remettez en cause la manière dont un maire choisit d’administrer son territoire.

Paris est une petite ville. Que les logements sociaux se situent dans le 17e ou le 5e arrondissement importe peu, d’autant que le métro est très développé. Mais à Marseille, commune extrêmement vaste dotée de seulement deux lignes de métro, où les déplacements sont compliqués, vivre dans le 9e ou le 10e arrondissement ne signifie pas la même chose que d’habiter dans le 6e ou le 1er arrondissement, en plein centre. On risque donc de se retrouver avec des logements sociaux qui ne seront pas demandés dans certains arrondissements. Personne ne nie l’actuelle ségrégation sociale et géographique, mais on peut laisser les élus gérer la situation avec intelligence. Ils ne sont pas uniquement mus par la volonté de ne pas avoir des pauvres dans certaines rues ou certains quartiers.

M. Sébastien Jumel. Qu’en termes élégants ces choses-là sont dites ! De quoi s’agit-il ? On concentre la construction de logements sociaux dans les quartiers les plus pauvres parce que les bourges les refusent, que ce soit à Paris, Lyon, Marseille ou ailleurs.

S’agissant du respect du principe de libre administration, j’ai dit ce que je pensais du couple préfet-maire. Ce n’est pas nous qui avons voté tous les textes qui ont progressivement délité ce principe, comme la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

Il faut de nouveaux critères et de nouveaux objectifs d’aménagement du territoire pour la construction de logements sociaux. Sinon, la paupérisation va se poursuivre. Cela dépend de la volonté politique des élus et des moyens dont ils disposent pour construire des logements, mais l’État aménageur et régulateur doit également s’y intéresser, dans le respect du principe de libre administration.

Je suis favorable à l’amendement de Stéphane Peu, car il faut un rééquilibrage. Vous allez dire que je fais une fixation sur les préfets mais, tout de même, ils ont tendance à concentrer les dispositifs de prise en charge de la pauvreté dans les quartiers qui font déjà des efforts colossaux pour accueillir les gens en détresse. On installe rarement un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (CADA) dans la commune la plus bourgeoise d’un arrondissement. C’est inacceptable et ce n’est plus supportable !

M. Jean-Luc Lagleize. Je partage l’objectif. J’avais d’ailleurs l’intention de déposer un amendement similaire. Mais en l’état du droit, un tel dispositif ne serait pas applicable. Qui paiera l’amende si, par exemple, la maire du 7e arrondissement de Paris refuse de construire des logements sociaux ? Ce n’est pas la mairie de cet arrondissement – elle n’a pas de budget – mais la Ville de Paris qui devra payer. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CE129 de M. Stéphane Peu.

Amendements identiques CE582 du rapporteur pour avis, CE82 de Mme Sylvia Pinel et CE130 de M. Stéphane Peu, amendements CE356 de Mme Bénédicte Taurine et CE301 de M. Jean-Louis Bricout (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à rétablir les seuils initialement prévus dans le projet de loi.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de rétablir les seuils initiaux pour l’entrée progressive dans le cadre de la loi SRU des communes nouvellement concernées par les obligations de production de logements sociaux.

M. Jean-Louis Bricout. En ce qui concerne les communes nouvellement soumises aux obligations de rattrapage, je propose de rehausser de cinq points les objectifs de réalisation pour les porter à 15 %, 25 % et 30 % lors des trois premières périodes triennales, afin d’accélérer le processus. Le mécanisme de rattrapage est en effet trop lent par rapport à la durée couverte, de neuf années.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable aux trois premiers amendements ; demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable s’agissant des autres.

Les amendements CE356 et CE301 sont retirés.

La commission adopte les amendements CE582, CE82 et CE130.

Amendement CE571 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement de coordination concernant les contrats de mixité sociale. La même disposition figurant à l’article 18, je propose de supprimer l’avant-dernière phrase de l’alinéa 16.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Thibault Bazin.  Vous ne m’avez pas donné la parole tout à l’heure, mais il faut parler du rythme. Quand la montagne à gravir est trop haute, certains ne s’y attaquent pas. Le Sénat avait donc prévu un rythme spécifique pour les communes nouvellement concernées et les contrats triennaux visent à fixer des étapes. Il faudrait examiner l’article de façon globale, car il est très technique.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Quel est le débat de fond ? Il s’agit de déterminer le rythme de rattrapage pour les communes déficitaires nouvellement concernées. Le rapporteur pour avis et le Gouvernement souhaitent revenir au rythme initialement prévu.

L’amendement du rapporteur pour avis supprime une phrase qui figure ailleurs dans le projet de loi. Elle prévoit que, lorsqu’une commune a des difficultés à tenir le rythme, elle peut demander la conclusion d’un contrat de mixité sociale (CMS). Ce sera possible pour toutes les communes. Un tel contrat, sous réserve des débats qui auront lieu plus tard, permettra de réduire le rythme de rattrapage de 33 à 25 %.

M. Julien Aubert.  Un maire de ma circonscription a calculé qu’il lui faudrait 400 ans pour arriver à respecter les obligations de la loi SRU au rythme actuel… Il faut aussi prendre en compte les moyens objectifs des communes.

Il est toujours de mauvaise politique de modifier la loi pour quelques personnes réfractaires, qui ont un problème idéologique avec le logement social. C’est ce qui guide ceux qui veulent aller plus vite, plus loin, en s’affranchissant de la prudence du Sénat.

Monsieur Jumel, vous parliez des CADA. J’ai déjà participé à la création d’un CADA et je peux vous dire que ce sont les maires dits de gauche qui y étaient hostiles et que c’est M. Louis Guédon, alors maire de droite en Vendée, qui l’a accueilli. Parfois, les apparences sont trompeuses !

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE302 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pour les communes nouvellement soumises aux obligations de rattrapage, il s’agit de fixer l’objectif de réalisation lors de la première période triennale partielle en calculant le taux au prorata de la durée restante de cette période.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je préfère maintenir l’ambition initiale, d’autant que le calcul d’un taux variable serait complexe. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’entends votre argument, monsieur le rapporteur pour avis, mais l’amendement laisserait un peu de souplesse aux communes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE581 du rapporteur pour avis, CE83 de Mme Sylvia Pinel et CE131 de M. Stéphane Peu, amendement CE132 de M. Stéphane Peu (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Cet amendement, identique à ceux de plusieurs groupes, vise à rétablir l’avis préalable de la commission nationale chargée de l’examen du respect des obligations de réalisation de logements sociaux, dite « commission nationale SRU », sur la conclusion d’un CMS qui prévoirait un aménagement des objectifs.

Mme Sylvia Pinel. Je suis ravie de voir que nous sommes d’accord sur le rétablissement de l’avis préalable de la commission nationale SRU.

M. Stéphane Peu. L’amendement CE132 demande un avis conforme de cette commission sur le contenu du contrat de mixité sociale, afin que les préfets n’aient pas les mains libres pour faire des petits arrangements dans leur coin. J’ai constaté que cela arrivait – nous avons vingt ans de recul depuis l’adoption de la loi SRU et je tiens à votre disposition de nombreux exemples d’application à géométrie variable. J’ai même vu un préfet de région demander aux préfets de département de rester dans les clous.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Mon avis est favorable concernant les trois premiers amendements, qui visent à rétablir un avis simple de la commission, afin d’assurer de la visibilité sur les pratiques et de l’homogénéité. Mon avis est défavorable, en revanche, s’agissant de l’amendement qui demande un avis conforme.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, nous débattons d’éléments relatifs au contrat de mixité sociale que nous n’examinerons que plus tard.

La commission adopte les amendements CE581, CE83 et CE131.

En conséquence, l’amendement CE132 tombe.

Amendements CE269 de M. Thibault Bazin et CE572 du rapporteur pour avis (discussion commune).

M. Thibault Bazin. Mon amendement vise à ce que l’objectif de réalisation soit fixé dans le contrat de mixité sociale, au lieu des taux prévus à l’article 17. Si l’on permet une contractualisation, c’est en effet pour qu’il y ait de la souplesse.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement CE572 tend à réintroduire une limite de deux périodes triennales consécutives, au maximum, pour un contrat de mixité sociale dérogeant aux objectifs de droit commun.

M. Bazin propose, quant à lui, de supprimer les seuils minimaux de 25 %, 40 % et 80 % pour les CMS qui dérogent aux objectifs. Mon avis est défavorable à son amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable à l’amendement de M. Bazin, qui va plus loin que le texte du Sénat. Il est important de garder des taux planchers. Le rattrapage pourra être réalisé selon un rythme égal à 33 % de l’écart, par période triennale. Quand une commune est soumise à des difficultés particulières, elle pourra négocier un contrat de mixité sociale avec le préfet, après avis de la commission nationale SRU, et voir le taux réduit. Sans taux plancher, on ouvrirait la possibilité d’une absence de rattrapage ou d’un rattrapage extrêmement symbolique.

En revanche, je suis favorable à l’amendement du rapporteur pour avis, qui permet de conserver un garde-fou en limitant la dérogation dans le temps. Il faut rester ambitieux, car de nombreuses personnes sont encore en attente de logements sociaux.

M. Thibault Bazin. Finalement, on contractualise mais en restant dans l’esprit initial. On ne change donc pas grand-chose ! Vous reprenez la philosophie des contrats triennaux en les renommant « contrats de mixité sociale ».

Je vous proposais quatorze critères, de manière à ne pas faire n’importe quoi. Il ne s’agit pas de ne rien faire, mais de s’adapter aux situations et aux problématiques locales. Je reviens notamment dans mon exposé sommaire sur la question des recours contre les permis de construire délivrés par certaines communes.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les CMS sont conclus à titre dérogatoire par rapport au droit commun et on peut moduler les taux, ce qui n’était pas le cas jusqu’à maintenant. Si ces dérogations deviennent applicables sans limite de temps, ce ne sont plus des dérogations, mais du droit commun…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le projet de loi représente un changement fondamental par rapport à la loi actuelle puisque celle-ci ne permet pas de moduler la cible dans un CMS. Actuellement, cette dernière est la même pour tous : 33 % de rattrapage pour la sixième période triennale, puis 50 % et ensuite 100 %.

La commission rejette l’amendement CE269.

Elle adopte l’amendement CE572.

Amendement CE573 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit d’apporter des corrections rédactionnelles et de supprimer le renvoi à un décret en Conseil d’État pour fixer les limites du contrat de mixité sociale dérogatoire.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE25 de Mme Sylvia Pinel, CE133 de M. Stéphane Peu, CE303 de M. Jean-Louis Bricout et CE374 de M. François Pupponi.

Mme Sylvia Pinel. La mutualisation des objectifs de réalisation de logements locatifs sociaux constitue un affaiblissement de la portée de la loi SRU, car elle ouvre la possibilité de prévoir des objectifs inférieurs à ceux qui sont fixés au niveau national. Ce dispositif contractuel encouragera la volonté de certaines communes de ne pas accueillir de logements sociaux, alors que deux millions de personnes attendent toujours d’en avoir un. En conséquence, notre amendement tend à supprimer cette mesure.

M. Stéphane Peu. Il y a une forme d’hypocrisie. Hier, nous évoquions notre souhait de conserver les objectifs de la loi SRU à l’échelle des communes et pourtant, par ce dispositif, le contrat de mixité sociale signé à l’échelle intercommunale permettra de moduler les objectifs à l’intérieur de l’intercommunalité.

Cela ne se justifie pas, d’abord parce que c’est une façon d’autoriser certaines villes à ne pas respecter la loi SRU. S’il y a un problème particulier, la loi permet à une commune de négocier avec l’État et de signer, après avis de la Commission nationale SRU, un contrat de mixité sociale.

Ne faisons pas rentrer par la fenêtre ce qu’on a rejeté par la porte : ce dispositif ne fera que renforcer la ségrégation sociale à l’échelle des agglomérations.

M. Jean-Louis Bricout. Mon groupe tient aussi à préserver l’esprit de la loi SRU, à éviter les phénomènes de ghettoïsation et à respecter les équilibres territoriaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à ces amendements.

J’anticipe un peu la présentation de l’amendement CE575 pour expliquer ma philosophie. Je suis assez favorable aux contrats de mixité sociale à l’échelle intercommunale, qui visent à traiter les communes déficitaires, mais je propose de porter le plancher prévu par le Sénat, qui est d’un tiers de l’effort de droit commun, à deux tiers, ce qui équivaut à 22 %.

Il n’est pas question de mutualiser les objectifs de logements sociaux à l’échelle de toutes les intercommunalités. Nous l’avons souligné hier soir, ce serait délétère. Lors de mes auditions, la pérennisation de la loi SRU et le mécanisme de rattrapage ont été salués par tout le monde, y compris les bailleurs sociaux.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La possibilité de mutualisation à l’échelle intercommunale est extrêmement encadrée, puisqu’elle ne concerne que les communes déficitaires, pour deux contrats triennaux au maximum. Par ailleurs, l’objectif total devra respecter les objectifs cumulés de toutes les communes déficitaires et chaque commune devra respecter un seuil minimal.

Nous donnerons un peu de marge au niveau de l’intercommunalité, mais pas d’une manière générale : il ne s’agit pas d’ouvrir la possibilité d’une spécialisation entre des communes qui accueilleraient du logement social et d’autres qui s’y refuseraient. Nous autoriserons, éventuellement, des communes déficitaires à avancer à un rythme un peu différent, y compris en fonction des opérations réalisées à l’échelle intercommunale, qui peuvent aboutir à livrer davantage de logements dans une commune au cours d’un premier contrat triennal, puis dans une autre au cours d’un second contrat.

Nous ne sommes pas en train de dénaturer l’esprit de la loi SRU, mais d’ouvrir une toute petite soupape, d’une façon extrêmement encadrée. Je suis donc défavorable aux amendements.

Mme Sylvia Pinel. Je suis, d’expérience, défavorable à la mutualisation intercommunale car ceux qui la demandaient à l’époque – et continuent à le faire – sont ceux qui sont déficitaires depuis fort longtemps et n’ont pas eu la volonté de rattraper leur retard en construisant des logements sociaux.

Que se passe-t-il en général ? La commune-centre, la plus tendue, est carencée. Elle incitera en conséquence les communes de l’agglomération à une mutualisation pour renvoyer en périphérie la construction de logements sociaux et très sociaux, ce qui posera des problèmes en matière d’éloignement des services, de mobilité et d’aménagement du territoire.

Certes, ce sera entre communes déficitaires mais, bien souvent, celles qui le sont dans ces agglomérations sont entrées plus tardivement dans le dispositif SRU parce qu’elles ne cochaient pas tous les critères, notamment en matière d’habitants. Elles sont carencées mais connaissent souvent une poussée démographique. En réalité, on va déséquilibrer le territoire et concentrer des personnes fragiles en périphérie.

Ce n’est pas la bonne méthode. La loi SRU doit continuer à s’appliquer à l’échelle communale. Le dispositif proposé vise en réalité à permettre aux communes en retard d’échapper aux prélèvements et aux mesures de contrôle préfectoral.

M. Sébastien Jumel. Sylvia Pinel a développé une argumentation irréfragable. Une commune qui ne respecte pas les objectifs de la loi SRU mais a la maîtrise de la gouvernance de l’intercommunalité, notamment des projets d’investissement accompagnés et de la répartition de la dotation de solidarité intercommunale, va continuer à s’exonérer de ses obligations en répartissant la charge des objectifs de construction de logements sociaux sur les communes périphériques, qui réalisent déjà des efforts, alors que le principal objectif de la loi SRU était de veiller à la construction équilibrée des logements sociaux au sein du territoire.

Alors que je me réjouissais que vous ne tombiez pas dans le piège tendu par le Sénat, vous ouvrez tout de même une brèche. Nous voulons supprimer ces dispositions.

M. Stéphane Peu. Je partage l’analyse de Sylvia Pinel et de Sébastien Jumel, et je suis surpris par les propos du rapporteur pour avis : toutes les personnes auditionnées auraient approuvé cette mesure. Je peux pourtant vous citer deux acteurs majeurs qui nous ont alertés et qui y sont extrêmement opposés, l’Union sociale pour l’habitat et la Fondation Abbé Pierre.

Thibault Bazin. La répartition des compétences et des responsabilités entre la commune et l’intercommunalité est une question essentielle.

Vous souhaitez que le contrat de mixité sociale puisse être conclu à l’échelle intercommunale. La mutualisation en matière d’habitat est une réalité puisqu’il existe désormais des bailleurs intercommunaux, mais les sanctions continuent de s’appliquer aux seules communes. Si un bailleur souhaite construire des logements sociaux dans une commune, comment le maire peut-il s’y opposer ? Il ne le peut pas, même s’il est à tout le moins réticent.

Si nous voulons produire plus de logements, il faut davantage de cohérence entre la planification et la réalisation, entre les règles et les sanctions. Nous tournons autour de la question sans trouver de solutions face aux problèmes de certains ou face à ceux qui ne jouent pas le jeu. Nous devons à la fois lutter contre les abus et prendre en considération les réalités. Il faudra à un moment crever l’abcès au niveau intercommunal.

M. Antoine Herth. Je suis contre ces amendements. Le débat oppose un peu les anciens et les modernes. À vous écouter, le seul intérêt de mutualiser au niveau d’une intercommunalité est de se « refiler la patate chaude ». Mais c’est ignorer ce que sont les intercommunalités aujourd’hui. Ces structures, qui hier géraient les ordures et l’assainissement, sont devenues des communautés de projets. Certaines d’entre elles peuvent manifester la volonté d’aborder positivement et collectivement le logement social. Le contrat de mixité sociale est un bon outil pour permettre à celles qui le veulent d’aller dans cette direction. En résumé, vous avez manqué quelques étapes dans l’évolution de la vie locale…

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE574 du rapporteur pour avis.

Amendement CE575 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’ai déjà présenté cet amendement, il s’agit d’une modification visant à faire en sorte que le plancher d’effort, dans le cadre d’un contrat intercommunal de mixité sociale, ne puisse pas descendre en-deçà de la production de 22 % des logements manquants.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable. C’est l’un des garde-fous permettant de maintenir dans le texte les contrats de mixité à l’échelle intercommunale.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 17 ainsi modifié.

Article 18 : Consécration législative du contrat de mixité sociale et capacité d’adapter l’échéancement du rattrapage des communes déficitaires

Amendements identiques CE576 du rapporteur pour avis, CE27 de Mme Sylvia Pinel et CE304 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Ces amendements identiques visent à revenir à une durée de trois ans, au lieu de six, pour les contrats de mixité sociale.

La commission adopte les amendements.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CE271 de M. Thibault Bazin.

Amendement CE598 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’objectif est d’associer les personnes morales intéressées à la conclusion d’un contrat de mixité sociale, notamment les bailleurs sociaux et les établissements publics fonciers.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE580 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement vise à autoriser, au sein de la métropole du Grand Paris, la conclusion de contrats de mixité sociale à l’échelle des établissements publics territoriaux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement de coordination CE577 du rapporteur pour avis.

Amendements identiques CE578 du rapporteur pour avis, CE84 de Mme Sylvia Pinel, CE134 de M. Stéphane Peu, CE305 de M. Jean-Louis Bricout et CE357 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Cette série d’amendements identiques vise à supprimer une disposition adoptée par le Sénat pour prendre en compte des équipements non compris dans l’inventaire réalisé dans le cadre de la loi SRU au titre des efforts de production de logements sociaux. Cet inventaire est déjà très large – nous en avons discuté à l’article 15 – et je ne saisis pas bien ce que recouvre la notion d’équipements non compris dans l’inventaire.

M. Stéphane Peu. J’aimerais comprendre un jour l’obsession du Sénat, qui transparaît dans plusieurs amendements, d’établir un parallèle entre les prisons et le logement HLM. C’est assez choquant. Certains ont écrit au sujet des « classes laborieuses et classes dangereuses », tandis que d’autres ont parlé de « salauds de pauvres »…

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE26 de Mme Sylvia Pinel et CE375 de M. François Pupponi.

Mme Sylvia Pinel. Nous en avons déjà un peu parlé. Aux termes de mon amendement, à Paris, Lyon et Marseille, le contrat de mixité sociale détermine, pour chacune des périodes triennales qu’il couvre et pour chacun des arrondissements, ces mêmes objectifs et engagements « de façon à favoriser la mixité sociale et à assurer entre les arrondissements une répartition équilibrée et diversifiée de l’offre de logements. »

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements.

Amendement CE135 de M. Stéphane Peu.

M. Sébastien Jumel. J’adore quand les libéraux se prennent pour des modernes et font de nous des anciens. Alors que le congrès des maires vient de s’ouvrir, défendre la commune, est-ce ancien ? Défendre un État qui aménage le territoire, qui prend soin, qui régule, qui veille à l’égalité des droits sur tout le territoire, est-ce ringard ? Vouloir préserver à tout prix la commune, instance de démocratie vivante, est-ce ringard ?

À ces conditions, je veux bien être ringard et laisser aux libéraux le délitement de l’État, l’effacement des communes et la promotion des intercommunalités mastodontes qui, entre nous soit dit, posent question en matière de démocratie : je laisse aux libéraux la modernité et j’assume la ringardise.

L’amendement vise à réaffirmer notre attachement à la commune et à la libre administration des collectivités en supprimant la tutelle de l’intercommunalité pour la conclusion des contrats de mixité sociale. Je suis attaché à la commune, peut-être parce que j’ai été maire : je suis un « vieux con », mais j’assume…

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les compétences sont partagées en matière de programmes locaux de l’habitat (PLH) ou d’aides à la pierre. L’avis de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) sur le contrat de mixité sociale, qui est signé avec la commune, garantit la cohérence des politiques publiques au sein de l’intercommunalité. Sans entrer dans la querelle des anciens et des modernes, mon avis est défavorable.

M. Thibault Bazin. Ces amendements sont bienvenus. Si mes collègues sont fiers d’être ringards, je suis fier de l’être avec eux pour défendre la commune en tant que cellule de base de notre démocratie.

Madame la ministre déléguée, il y a un problème d’asymétrie. Vous avez raison, les compétences en matière d’habitat appartiennent essentiellement à l’intercommunalité. Mais la rédaction de l’article impose l’accord et non l’avis de l’EPCI. Dans d’autres domaines, il est prévu un simple avis de l’Agence régionale de santé (ARS). Soyons cohérents ! Avec cet article, vous obligez une commune qui souhaite signer un contrat à demander l’accord de l’EPCI.

Je suggère d’adopter l’amendement, quitte à retravailler sur cette question d’ici à la séance. À l’heure du congrès des maires, tirons les leçons de la crise des gilets jaunes et replaçons les maires au cœur de la démocratie. Ces derniers sont responsables de ce qui se passe dans leur commune, ils doivent assumer les projets de construction de logements. Leur rapport avec l’autorité de contrôle, en l’occurrence l’État, doit absolument être direct.

M. Charles de Courson. L’articulation entre les compétences transférées à l’EPCI et celles qui ne le sont pas est source de difficultés. La suppression des mots : « avec l’accord de l’établissement public de coopération intercommunale auquel elle appartient » ne résout pas le problème. Si des compétences relèvent de l’intercommunalité, il est légitime que celle-ci soit partie prenante. Dès lors, pourquoi ne pas ajouter les mots : « pour les seuls éléments relevant de sa compétence » ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le contrat de mixité sociale est un élément très important du nouveau dispositif destiné à pérenniser la loi SRU, puisqu’il permet d’adapter la trajectoire.

Tel que nous l’avons conçu en nous appuyant sur nos travaux très consensuels avec les membres de la commission SRU, y compris les représentants des collectivités, le contrat de mixité sociale est conclu entre la commune, l’État et l’EPCI, selon les termes de l’alinéa 2. Le contrat et la réduction du rythme de rattrapage qu’il acte engagent aussi l’EPCI, délégataire des aides à la pierre et pilote de la politique de l’habitat.

Le partage des responsabilités entre commune, EPCI et État me semble équilibré. Le dispositif a été approuvé par l’Association des maires de France lorsqu’elle a été consultée. Le contrat de mixité sociale permet un assouplissement dans le cadre d’une négociation entre les trois parties sur le rythme du triennal.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. N’opposons pas les communes et les intercommunalités.

Les compétences en matière d’urbanisme et d’habitat sont de plus en plus exercées par les intercommunalités et toutes ne se sont pas encore dotées des outils que le législateur a mis à leur disposition pour que la politique du logement soit mieux territorialisée.

J’ai toujours plaidé pour le maintien entre les mains des maires de la délivrance du permis de construire. Pour pérenniser la loi SRU, à laquelle je crois, il importe de conserver des objectifs ambitieux pour chaque commune. Toutefois, parce que les bassins de vie dépassent les frontières des communes, les politiques d’aménagement doivent être pensées à l’échelle des territoires.

Les mécanismes envisagés comportent des garde-fous pour éviter que certains imposent leur vision à d’autres. L’accord préalable de l’EPCI permet de s’assurer que les communes qui demandent une dérogation ne se dispensent pas de la concertation au niveau local.

M. Thibault Bazin. L’amendement vise à supprimer l’obligation d’un accord de l’EPCI, qui s’apparente à une tutelle.

Ce n’est pas sur l’absence de concertation ou d’information que je m’interroge. Le maire doit pouvoir saisir le préfet sans l’accord de l’EPCI. En vertu de l’alinéa 5, la commune ne pourrait plus faire une demande sans un tel accord, ce qui contrevient au principe de libre administration des collectivités territoriales.

L’échelon communal est le plus légitime. C’est en lui que nos concitoyens ont le plus confiance – et il ne faut pas rompre cette confiance. Vous mettez en avant les garde-fous mais les maires ne sont pas des fous !

M. Sébastien Jumel. Je ne fais pas de procès d’intention au rapporteur pour avis ni à la ministre déléguée. Si l’on suit votre raisonnement, l’intercommunalité qui détient une compétence en matière d’habitat sera nécessairement signataire du contrat de mixité sociale. Raison de plus pour ne pas ajouter une disposition instaurant une tutelle d’une collectivité sur une autre. À l’heure du congrès des maires, ce ne serait pas très opportun.

Je vous invite à vous rapprocher de la Fédération des villes moyennes : le nombre de villes-centres où se concentre la construction de logements sociaux et qui sont minoritaires, voire absentes, de l’exécutif des intercommunalités, n’est pas marginal. Ces villes pourraient se voir imposer une tutelle en matière d’objectifs de construction. Des métropoles mastodontes se délestent de turpitudes qu’elles ne veulent pas assumer en se tournant vers des villes situées à leur périphérie.

Je ne suis pas opposé au fait intercommunal, j’admets qu’il peut être mis au service de l’aménagement du territoire mais je défends le respect, à tout prix et sur tous les sujets, de la commune et du maire, qui sait ce qui est bon pour les habitants.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’objectif est de s’assurer qu’il y a une concertation. Le texte prévoit déjà une discussion entre l’État, la commune et l’EPCI dans la perspective de la signature des contrats. La rédaction de l’alinéa 5 est peut-être trop lourde. C’est la raison pour laquelle j’exprime finalement un avis de sagesse bienveillante à l’égard de l’amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. À l’issue de la discussion, je me range à cet avis. Le contrat étant signé par la commune, l’État et l’EPCI, ce dernier le valide voire le coconstruit. Cela ne me choque pas que la commune puisse présenter une demande sur un point particulier sans solliciter l’accord de l’EPCI, dès lors que celui-ci reste signataire.

M. Richard Lioger. J’approuve cette évolution. Toutefois, la demande donnera lieu à un débat au sein de l’EPCI, qui se conclura inévitablement par un vote : donc, cela revient au même.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CE579 du rapporteur pour avis et CE306 de M. Jean-Louis Bricout (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement vise à supprimer la référence à des éléments « objectifs et chiffrés » introduite par le Sénat et dont on ne comprend pas très bien à quoi elle renvoie. J’ignore si la confusion est semée volontairement, mais il convient de la dissiper.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de préciser que la situation financière de la commune, qui détermine les possibilités d’acquisition de foncier notamment, doit être prise en considération dans les contrats de mixité sociale.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable à l’amendement CE579 et défavorable à l’amendement CE306 car la discussion permettra d’établir les critères.

La commission adopte l’amendement CE579.

En conséquence, l’amendement CE306 tombe.

Amendements identiques CE136 de M. Stéphane Peu et CE232 de M. Richard Lioger.

M. Stéphane Peu. Il s’agit d’éviter les arrangements avec le préfet et, plus généralement, l’application à géométrie variable de la loi dans les départements, selon la sensibilité de ce dernier.

Aux termes de l’amendement, les contrats de mixité sociale qui entérinent la révision à la baisse des objectifs de construction pour diverses raisons doivent être approuvés par la commission nationale SRU.

M. Richard Lioger.  L’autonomie des maires est, à bon droit, limitée par l’exigence d’un avis conforme de la commission nationale, car le sujet ne peut être laissé à l’entière discrétion de ces derniers.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte les amendements.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 18 ainsi modifié.

Article 19 : Adaptation de la carence à la création du contrat de mixité sociale et instauration d’un taux de majoration minimal en cas de carence

Amendement CE137 de M. Stéphane Peu.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement vise à obliger le préfet à prononcer la carence lorsqu’il constate un écart important entre les objectifs et les réalisations.

Au nom de la différenciation, il importe au contraire de laisser au préfet la possibilité d’apprécier les circonstances locales et d’adapter les sanctions. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE139 de M. Stéphane Peu et CE308 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Stéphane Peu. Par cet amendement, nous nous opposons à la limitation des sanctions applicables aux collectivités qui ne respectent pas leurs engagements au titre de la loi SRU.

Je déposerai un autre amendement en séance visant au contraire à les durcir, allant peut-être jusqu’à l’inéligibilité des maires délinquants. À ceux qui s’offusquent, je rappelle que lors des récentes élections municipales, certains candidats ont fait du non-respect de la loi un argument de campagne – autrement dit, « faites-moi confiance, vous n’aurez pas de pauvres près de chez vous ».

M. Jean-Louis Bricout. Et ils ont été réélus !

M. Stéphane Peu. Ce type de comportement n’est pas acceptable et mériterait, s’il était récurrent, d’être sanctionné par une peine d’inéligibilité.

Mme Marie-Noëlle Battistel.  Notre amendement vise à supprimer les dispositions adoptées par le Sénat et ayant pour effet de restreindre considérablement les prérogatives du préfet, afin de préserver les moyens d’action en faveur de l’habitat social.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Un mécanisme coercitif sans sanction n’a pas d’intérêt. Malgré leur soutien à la loi SRU, nos collègues sénateurs ont fait en sorte de supprimer presque toutes les sanctions à l’encontre des communes carencées.

Je demande le retrait de ces amendements au bénéfice de mon amendement CE584 qui rétablit l’ensemble des sanctions, parmi lesquelles le taux de majoration plancher, à l’exception de celle visant le logement intermédiaire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Je suis favorable au rétablissement des sanctions dans la rédaction proposée par le rapporteur dans l’amendement CE584 plus complet.

M. Stéphane Peu. Nous misons sur la confiance à ce stade et nous retirons l’amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Pareillement.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CE28 de Mme Sylvia Pinel, CE377 de M. François Pupponi et CE444 de M. Stéphane Peu.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement a pour objet de rétablir les prérogatives données au représentant de l’État en cas de carence prononcée, prérogatives que le Sénat a supprimées. Je suppose que l’avis du rapporteur pour avis et de la ministre déléguée sera le même que sur les amendements précédents, auquel cas je retirerai aussi le mien.

M. Jean-Luc Lagleize. L’amendement CE377 est défendu et sera éventuellement retiré pour les mêmes raisons.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Même avis que précédemment.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même demande de retrait au profit de l’amendement du rapporteur pour avis.

Mme Sylvia Pinel. Nous faisons confiance au rapporteur pour avis et retirons l’amendement.

M. Jean-Luc Lagleize. Idem.

M. Stéphane Peu. Confiance… mais pas aveugle.

Les amendements sont retirés.

Amendements identiques CE584 du rapporteur pour avis et CE231 de Mme Christelle Dubos, amendement CE307 de M. Jean-Louis Bricout, amendements identiques CE85 de Mme Sylvia Pinel et CE358 de Mme Bénédicte Taurine (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je viens de présenter l’amendement CE584.

Le Sénat, allant bien au-delà du champ de l’article initial, a supprimé la quasi-totalité des sanctions susceptibles d’être appliquées en cas de carence prononcée : l’instauration d’un taux minimal de majoration du prélèvement ; le transfert du contingent communal au préfet pour loger les ménages éligibles au droit au logement opposable ; la possibilité pour le préfet de prendre la compétence de l’octroi des autorisations d’urbanisme sur tout ou partie des communes défaillantes ; la possibilité pour le préfet de conclure une convention avec un bailleur social pour la réalisation d’une opération de logements sociaux intégrant une contribution financière obligatoire de la commune ; la suspension de la possibilité de construire du logement locatif intermédiaire sur le territoire de la commune, dont je souhaite maintenir la suppression.

Mme Christelle Dubos. Chers collègues, je vous invite à voter les yeux fermés ces amendements, puisqu’ils rétablissent les sanctions et ce faisant, l’équilibre du texte.

M. Dominique Potier. L’amendement CE307 s’inscrit dans l’opération de « retricotage » menée par le rapporteur pour avis puisqu’il vise à rétablir le texte initial de l’article 19, qui prévoyait une mesure de coordination liée à l’instauration des contrats de mixité sociale ainsi que le renforcement des sanctions contre les communes carencées SRU s’agissant de la majoration du prélèvement.

J’en profite pour apporter notre soutien par avance à une initiative de M. Peu destinée à renforcer les sanctions et l’efficacité de la loi SRU.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CE85 vise à rétablir les peines plancher et les sanctions à l’égard des communes carencées.

Mme Bénédicte Taurine. Dans son rapport sur l'application de la loi SRU, la Cour des comptes note le faible recours aux sanctions. Partant de ce constat, il convient non pas de supprimer les sanctions, mais plutôt de les appliquer. L’amendement a été suggéré par la fondation Abbé Pierre.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable aux amendements CE584 et CE231 qui permettent de restaurer l’équilibre initial du texte en rétablissant les sanctions. Les sanctions sont le corollaire de l’adaptation des trajectoires et de la pérennisation de la loi.

M. Stéphane Peu. Avant de voter, sans fermer les yeux, j’ai deux questions pour le rapporteur. Tout d’abord, le préfet peut-il exercer le droit de préemption, dans le cadre de la possibilité qui lui est donnée de prendre la compétence de l’octroi des autorisations d’urbanisme, bien que les deux sujets soient distincts ?

Ensuite, la construction de bureaux est parfois subordonnée à la délivrance d’un agrément par le préfet de région. Certaines communes soumises à la loi SRU n’ont jamais de terrains disponibles pour construire du logement social, mais elles en trouvent toujours pour accueillir des bureaux. J’avais travaillé avec Jean-Pierre Duport, qui a été préfet de la région Île-de-France, pour que l’octroi de l’agrément pour les bureaux soit conditionné au respect des obligations de la loi SRU.

Or ces deux éléments ne sont pas mentionnés dans le texte – c’est l’inconvénient des listes qui ne sont jamais exhaustives.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le rétablissement de l’exercice du droit de préemption par le préfet figure dans l’article 19 bis.

M. Thibault Bazin. Vous nous avez habitués à des propos plus mesurés, monsieur le rapporteur pour avis. Il est inexact de dire que les sénateurs ont tout supprimé. Vos amendements visent à rétablir la version initiale du Gouvernement.

Quelles sont les conséquences des dispositions adoptées par le Sénat ? Le préfet dispose de certains pouvoirs dans une commune carencée – il ne s’agit pas de sanctions, mais de moyens d’action. Mais si un contrat est signé entre le préfet et le maire ou l’intercommunalité, cela signifie bien que les deux parties se sont mises d’accord.

Les alinéas qui ont été supprimés par le Sénat portaient, non pas sur les sanctions financières, mais sur les leviers de l’État pour agir – et je n’en conteste pas l’utilité. Le contrat de mixité sociale a vocation à fixer des objectifs, des moyens et une répartition des compétences. En caricaturant la position du Sénat, vous risquez de dénaturer son objectif et de le vider de son sens, faute de vous intéresser à la manière de réussir à conclure de tels contrats. Le chemin est sans doute le plus important pour réussir à produire davantage de logements.

M. Charles de Courson. Madame la ministre déléguée, les décisions prises par les préfets en cas de carence font-elles l’objet de recours ? Si tel est le cas, quelle est la jurisprudence en la matière ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur Bazin, dans la panoplie des sanctions applicables par le préfet en cas de carence, qu’un contrat de mixité sociale ait été conclu ou non, le Sénat a supprimé les sanctions non financières, à savoir la possibilité pour le préfet, en lieu et place de la commune, d’exercer le droit de préemption urbain – qui fait l’objet de l’article 19 bis –, de délivrer les permis de construire et de procéder aux attributions de logements sociaux. Le Sénat a en outre supprimé le taux minimal de majoration du prélèvement SRU que le Gouvernement propose. C’est pourquoi nous invitons la commission à rétablir le texte initial. Précisons que cela restera une faculté : le préfet pourra décider de mobiliser ces outils ou de ne pas le faire. Si l’on retenait la rédaction du Sénat, il lui serait impossible d’y recourir.

Monsieur de Courson, les décisions prises par les préfets en cas de carence font régulièrement l’objet de recours. Je ne connais pas le contenu de la jurisprudence, mais nous pouvons revenir vers vous à ce sujet d’ici à la séance publique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. On peut jouer sur les mots, monsieur Bazin, mais le transfert au préfet des autorisations d’urbanisme, notamment du droit de préemption urbain et de la délivrance des permis de construire, est bel est bien perçu par les maires comme une sanction. C’est pour cette raison que je les traite conjointement avec le taux plancher de majoration du prélèvement SRU, qui constitue une sanction financière.

M. Stéphane Peu. Qu’en est-il de la possibilité de suspendre l’agrément « Bureaux » ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’intention du Gouvernement est de conserver l’ensemble des sanctions financières et non financières applicables par le préfet, y compris celle-là. La version initiale du texte n’y touchait pas. Nous allons vérifier si elle est bien maintenue.

M. Charles de Courson. Si tel n’est pas le cas, déposerez-vous un amendement pour la rétablir ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Si la possibilité de suspendre l’agrément « Bureaux » a été modifiée par le Sénat – je ne crois pas que ce soit le cas, mais nous allons le vérifier –, nous reviendrons sur cette modification.

La commission adopte les amendements CE584 et CE231.

En conséquence, les amendements CE307, CE85 et CE358 tombent, ainsi que les amendements identiques CE140 de M. Stéphane Peu, CE560 de Mme Bénédicte Taurine et CE561 de Mme Sylvia Pinel, l’amendement CE141 de M. Stéphane Peu et les amendements identiques CE64 de Mme Sylvia Pinel, CE467 de M. François Pupponi et CE468 de M. Stéphane Peu.

Amendement CE138 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Nous souhaitons qu’en cas de non-respect des engagements triennaux, le taux de majoration du prélèvement SRU soit réellement dissuasif. Nous proposons de fixer un plancher et un plafond, de façon à encadrer le pouvoir de sanction des préfets.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. En ce qui concerne le taux de majoration, je propose de revenir à la version initiale du texte. Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’émets un avis défavorable, car les taux plancher et plafond que vous proposez sont très élevés. Je considère que les sanctions actuellement applicables sont équilibrées.

M. Stéphane Peu. Je maintiens l’amendement. Si les sanctions étaient aussi équilibrées que vous le dites, madame la ministre déléguée, il n’y aurait pas autant de maires qui préfèrent payer plutôt que d’appliquer la loi ! Compte tenu du nombre de communes qui s’affranchissent ainsi de la loi, sachant que ce ne sont généralement ni les plus pauvres ni les plus démunies, nous aurions intérêt à rendre les pénalités financières dissuasives.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE142 de M. Stéphane Peu.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Vous demandez que l’on ne prenne pas en compte dans l’inventaire SRU des communes carencées les logements produits en prêt locatif social (PLS), faisant l’objet d’une convention avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) ou réalisés en bail réel solidaire (BRS). J’émets un avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Stéphane Peu. Savez-vous ce qui se passe concrètement ? Pour satisfaire à leurs obligations en matière de logement social, les villes les plus malignes – au mauvais sens du terme – font du logement étudiant en PLS. Ainsi, elles n’ont pas à accueillir de manière durable des familles avec enfants et évitent notamment la charge supplémentaire que cela représente pour les écoles. Or ce n’est pas ainsi que l’on répond au problème des familles en difficulté, qui sont en attente d’un logement social !

Dans ces villes, qui plus est, les logements en PLS sont attribués à 90 % à des familles modestes dont les ressources sont inférieures au plafond fixé pour les logements en prêt locatif à usage social (PLUS), voire à celui fixé pour les logements en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). Cela a pour seul effet de leur imposer un taux d’effort qui dégrade leur pouvoir d’achat.

Empêchons les villes carencées de remédier à cette carence en produisant du logement social « Canada Dry ».

La commission rejette l’amendement.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 19 ainsi modifié.

Après l’article 19

Amendement CE536 de Mme Valérie Petit.

M. Antoine Herth. L’amendement vise à préciser que le représentant de l’État doit apporter dans un délai de deux mois une réponse argumentée aux observations présentées par le maire de la commune susceptible d’être concernée par une procédure de constat de carence. Cela permettrait d’accélérer le dialogue entre l’État et la commune.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le dialogue local entre le préfet et le maire est déjà effectif. L’amendement est, selon moi, satisfait et j’en demande le retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Antoine Herth. Je suppose que cet amendement de ma collègue Valérie Petit a été inspiré par des expériences locales. Je le retire, mais elle soulèvera probablement la question dans l’hémicycle.

L’amendement est retiré.

Amendement CE310 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement vise à renforcer les contraintes imposées aux communes faisant l’objet d’un arrêté de carence en permettant au préfet d’instituer au sein du PLU, à l’occasion de l’élaboration, de la révision ou de la modification de celui-ci, des emplacements réservés à la construction de logements sociaux. Ce serait une mesure raisonnable. Comme l’a relevé précédemment M. Peu, certaines communes trouvent des emplacements pour construire des bureaux, mais pas pour construire des logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je comprends votre intention, mais cela me paraîtrait difficilement réalisable, car l’élaboration des PLU prend plusieurs années. De plus, à mon sens, il ne revient pas au préfet de définir dans le PLU des secteurs réservés aux logements sociaux. Je vous invite à retirer votre amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Jean-Louis Bricout. Le préfet pourrait exercer cette prérogative au moment de la révision ou d’une modification du PLU.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Comme je l’ai indiqué tout à l’heure à M. Peu, nous rétablissons les sanctions, notamment la possibilité pour le préfet de se saisir de la compétence d’instruction et de délivrance des permis de construire. Le préfet joue déjà son rôle de gardien ; ne rendons pas la loi plus complexe.

La commission rejette l’amendement.

Article 19 bis : Suppression de l’exercice du droit de préemption par le préfet en cas d’arrêté de carence

Amendements de suppression CE18 de M. Matthieu Orphelin, CE29 de Mme Sylvia Pinel, CE143 de M. Stéphane Peu, CE309 de M. Jean-Louis Bricout et CE359 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Matthieu Orphelin. Mon amendement vise à rétablir l’exercice du droit de préemption urbain par le représentant de l’État dans les communes visées par un arrêté de carence, en vue de la constitution de réserves foncières destinées à la construction de logements locatifs sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’invite les auteurs des amendements de suppression à les retirer au profit de mon amendement CE585, qui vise lui aussi à rétablir la possibilité pour le préfet de se saisir du droit de préemption urbain, tout en prévoyant qu’il peut renoncer à l’exercice de ce droit dans des cas très particuliers.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je demande, moi aussi, le retrait de ces amendements au profit du CE585, qui prévoit effectivement que le préfet peut renoncer à exercer le droit de préemption urbain dans des cas précis pour permettre la réalisation d’autres opérations d’intérêt général que la construction de logement social. Nous sommes régulièrement sollicités en ce sens.

M. Stéphane Peu. Je maintiens mon amendement, car je ne vois pas bien l’intérêt de cet ajout. Le dispositif est simple : lorsqu’un maire refuse de construire des logements sociaux, le préfet se saisit du droit de préemption pour mobiliser du foncier à cette fin. Les lois simples sont toujours les meilleures.

M. Matthieu Orphelin. J’ai moi aussi du mal à comprendre l’intérêt de cette précision, qui complexifierait les choses. Dans quels cas le préfet renoncerait-il à l’exercice de ce droit ? Ce n’est pas clair.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement, le rapporteur pour avis et les auteurs des autres amendements sont tous d’accord : il convient de rétablir la possibilité pour le préfet de se saisir du droit de préemption urbain dans les communes carencées. Cependant, une fois que le préfet a repris ce droit, s’il ne l’exerce pas parce qu’il considère que le bien en question ne permettra pas de réaliser une opération de logement social, la commune ne peut pas l’exercer non plus, y compris pour d’autres motifs d’intérêt général. L’amendement du rapporteur pour avis tend à ouvrir cette faculté, pour couvrir ces cas particuliers.

M. Charles de Courson. L’État dispose-t-il de crédits pour préempter des biens ? Quel est leur montant ? Ce droit de préemption est-il effectivement exercé par l’État ou reste-t-il théorique ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. En cas de carence, l’État exerce effectivement le droit de préemption, certes pas systématiquement, mais souvent. Les préemptions sont financées par des crédits du programme 135 Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat. Je n’en connais pas le montant exact, mais nous pouvons là aussi revenir vers vous.

En cas de carence, le droit de préemption urbain est transféré automatiquement au préfet. En l’état du droit, si celui-ci renonce à l’exercer sur un bien qu’il juge inadapté pour réaliser une opération de logement social, la commune ne peut pas l’exercer non plus. Le Gouvernement et le rapporteur pour avis proposent que, dans ce cas, sur demande motivée de la commune, le préfet puisse désormais donner son accord pour que celle-ci exerce le droit de préemption pour un autre motif d’intérêt général, par exemple l’extension d’un équipement public. Telle est la faculté supplémentaire prévue par l’amendement CE585.

M. Stéphane Peu. Je comprends, mais je ne suis pas d’accord. Quand un préfet préempte un terrain en lieu et place d’une commune, c’est pour le céder à un bailleur social en vue de construire du logement social. S’il est impératif pour le maire de réaliser un équipement public ou de faire passer une route, le préfet peut de la même manière préempter un bien et le rétrocéder à la commune. Selon moi, le droit de préemption doit demeurer dans les mains du préfet, comme moyen de dialogue avec la commune, voire de pression sur celle-ci. L’opération doit être négociée et validée par le préfet, le cas échéant en contrepartie d’engagements de la commune en matière de logement social. Sinon, il sera trop facile à une commune de s’affranchir de ses obligations, et l’application sera à géométrie variable selon les sensibilités, selon le préfet et selon le poids politique du maire.

Je maintiens mon amendement. Le dispositif doit être simple : en cas de carence, le droit de préemption est transféré au préfet et n’a pas vocation à être restitué partiellement à la commune à la faveur de discussions sur lesquelles nous n’exercerons aucun contrôle.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. D’après les dispositions en vigueur du code de l’urbanisme, le transfert du droit de préemption est automatique en cas de carence, et le préfet ne peut préempter un bien que pour la réalisation d’une opération de logement ; il ne peut pas le rétrocéder à une autre fin. Dans le cas où il n’est pas possible de réaliser une opération de logement et où la commune a par ailleurs besoin d’un équipement, il y a un blocage. Je suis disposée à examiner ce point de plus près d’ici à la séance publique.

M. Stéphane Peu. Je conteste complètement cette interprétation. J’ai en tête de très nombreux exemples, y compris récents, dans lesquels un préfet a préempté un bien et l’a rétrocédé à une commune ou à une intercommunalité pour faire tout autre chose que du logement social.

Mme Sylvia Pinel. J’entends ce que vous dites concernant l’état du droit, madame la ministre déléguée, mais je vous invite à regarder ce qui se passe concrètement sur le terrain. Je souscris aux propos de Stéphane Peu, car j’ai moi aussi en tête des cas dans lesquels le préfet a rétrocédé un bien après l’avoir préempté. J’aimerais que l’on éclaircisse ce point important d’ici à la séance publique.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis prêt, moi aussi, à examiner la question de plus près d’ici à la séance publique. Je le répète, nous partageons le même objectif : rétablir le transfert du droit de préemption au préfet en cas de carence. Dans mon amendement CE585, je prévois simplement une exception : dans le cas où le préfet ne l’exerce pas pour faire du logement social, il peut le restituer au maire pour une opération donnée, notamment la réalisation d’un équipement public – rien de plus.

M. Charles de Courson. Madame la ministre déléguée, êtes-vous sûre que cette disposition est conforme au principe de libre administration des collectivités territoriales qui figure dans la Constitution ? La solution ne serait-elle pas tout simplement de préciser que le droit de préemption dont dispose le préfet est cantonné au domaine du logement ? On permettrait au préfet de sanctionner une municipalité qui ne fait pas son boulot en la matière, mais on n’empêcherait pas celle-ci de préempter un bien à d’autres fins, par exemple la construction d’une station d’épuration ou d’une halle sportive.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Vous appelez notre attention sur un aspect important, monsieur de Courson. À ce stade, je maintiens ma demande de retrait des amendements de suppression au profit de mon amendement CE585. Comme je l’ai indiqué dans l’exposé sommaire, il vise à traiter un cas très précis, en réponse à une demande qui remonte du terrain. Je suis disposé à en préciser, si nécessaire, la rédaction d’ici à la séance publique.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE585 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il est défendu

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

Mme Sylvia Pinel. Je complète mon propos précédent. Dans l’hypothèse où le préfet n’exerce pas le droit de préemption pour construire du logement social, on pourrait en effet envisager une dérogation permettant à la commune de l’exercer pour réaliser un équipement public, mais il faudrait alors veiller à ce qu’elle ne l’utilise pas pour construire du logement intermédiaire ou pour mener à bien un projet qui ne serait pas un équipement structurant ; ce ne serait pas conforme à l’esprit de la loi SRU. Il est nécessaire que nous ayons, d’ici à la séance publique, une vision claire et précise de la manière dont le droit en vigueur est appliqué sur le terrain.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je m’engage à revenir sur le sujet en séance publique et à apporter des clarifications. S’il s’avère qu’il y a une différence entre le droit en vigueur et l’application qui en est faite, il faudra soit faire évoluer le droit, soit faire en sorte que les acteurs se conforment au droit.

M. Stéphane Peu. Précisément ! Pour éviter des interprétations à géométrie variable, il faut que la loi soit claire. Or, telle que la disposition est rédigée, un maire pourra invoquer des arguments de toutes sortes pour recouvrer le droit de préemption – je me mets à la place d’un élu local et peux même, par la pensée, me glisser dans la peau du maire d’une commune carencée ! (Sourires.) Une maire pourra annoncer son intention de couvrir sa ville de gymnases, de stations d’épuration et de routes en tous sens, faire adopter des délibérations à cette fin en conseil municipal et l’inscrire dans les documents d’urbanisme, mais ne jamais faire voter les lignes de crédit correspondantes. Il récupérera ainsi les terrains sans faire de logement social.

Rappelons qu’il est question de villes carencées, qui ne respectent pas la loi. Le seul moyen pour l’État d’avoir la main, c’est que le droit de préemption revienne au préfet. Celui-ci peut, le cas échéant, rétrocéder un bien, mais cela doit se faire dans le cadre d’une négociation. L’État, garant de la politique du logement, doit alors être en position de force, non de faiblesse.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE144 de M. Stéphane Peu tombe.

M. Stéphane Peu. J’ai du mal à comprendre pourquoi l’adoption de l’amendement CE585 a fait tomber le CE144, qui traitait d’un sujet distinct : le recours au droit de préemption non pas pour constituer des réserves foncières d’intérêt public, mais pour réguler les prix du foncier là où l’on constate des phénomènes de spéculation. Cette question a fait l’objet d’un rapport de nos collègues corses et d’une proposition de loi de Jean-Luc Lagleize. Nous en avons débattu dans l’hémicycle à propos des zones touristiques, notamment en Corse, mais cela vaut aussi pour les zones tendues.

Mme Annaïg Le Meur, présidente. L’amendement CE144 est tombé car nous avons procédé à une réécriture globale de l’article 19 bis en adoptant le CE585.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis disposé à discuter de l’extension du droit de préemption avec vous, monsieur Peu. Toutefois, la formulation de l’objectif, « lutter contre la spéculation immobilière et foncière », me semble un peu large. J’aurais donc donné un avis défavorable à votre amendement.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 19 bis ainsi modifié

Article 20 : Suppression de la procédure d’aménagement des objectifs triennaux et des commissions départementales

Amendement de suppression CE145 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’article 20 vide de leur substance les dispositions relatives aux communes qui ne respectent pas les obligations en matière de mixité sociale et au contrôle a posteriori du respect des obligations triennales en l’absence de contrat de mixité sociale. Je propose donc de supprimer cet article.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 20 vise uniquement à supprimer un dispositif d’aménagement du rythme de rattrapage, redondant avec le nouveau contrat de mixité sociale. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE586 du rapporteur pour avis, amendements identiques CE30 de Mme Sylvia Pinel, CE311 de M. Jean-Louis Bricout et CE498 de M. Thibault Bazin, amendement CE497 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le Sénat propose de créer, de manière un peu artificielle, deux collèges au sein de la commission nationale SRU et de choisir un ancien préfet pour la présider. L’amendement CE586 vise à rétablir la composition actuelle, que ne modifiait pas la version initiale du texte, et la désignation d’une personnalité qualifiée à la présidence de la commission.

Mme Sylvia Pinel. L’amendement CE30 tend à rétablir la rédaction initiale de l’article 20 relatif à la composition de la commission nationale SRU. La présidence doit être confiée à un élu local, et non à un préfet comme le prévoit la rédaction adoptée par le Sénat. Je relève que l’amendement du rapporteur pour avis évoque à cet égard une « personnalité qualifiée », qui ne sera donc pas nécessairement un élu local.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CE311 vise de même à rétablir la rédaction initiale en ce qui concerne la composition de la commission nationale SRU. Il ne serait pas opportun de remplacer le président actuel par un préfet ou un ancien préfet. L’exercice de la présidence par un élu local n’est pas remis en cause, compte tenu notamment de la qualité du travail de la commission.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, je vous invite à retirer votre amendement au profit des trois amendements identiques, car nous nous accordons sur une rédaction commune. Je ne comprends pas pourquoi vous tenez à préciser que la commission nationale est « placée auprès du ministre chargé du logement » ; vous ne l’expliquez pas dans l’exposé sommaire. En outre, il importe de bien préciser que la présidence est confiée à « une personnalité qualifiée désignée par le ministre chargé du logement ». La commission est actuellement composée à 50 % d’élus et présidée par un élu, Thierry Repentin, qu’il ne faudrait surtout pas remplacer par un préfet ou un ancien préfet. Cette politique exige le regard d’un élu local.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Tous les amendements prévoient que la commission nationale SRU est présidée par une personnalité qualifiée, ce qui est d’ailleurs le droit en vigueur. Quant à la précision selon laquelle elle est « placée auprès du ministre chargé du logement », seule différence entre mon amendement et les vôtres, elle figurait dans la version initiale du texte.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’idée est bien de revenir à la version initiale proposée par le Gouvernement, qui clarifiait le positionnement de la commission nationale SRU en précisant qu’elle est « placée auprès du ministre chargé du logement ». Je ne vois pas d’autre différence entre vos amendements et celui du rapporteur pour avis : ils prévoient tous que la commission est présidée par une personnalité qualifiée.

La commission adopte l’amendement CE586.

En conséquence, les amendements CE30, CE311, CE498 et CE497 tombent.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 20 ainsi modifié.

Après l’article 20

Amendement CE86 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Il convient de rétablir l’agrément de l’État pour la production et la mise en location de logements intermédiaires et de renforcer ainsi les pouvoirs de l’État sur les communes déficitaires en logements sociaux, afin de réorienter la production vers le logement locatif social.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. L’agrément dont il est question ne porte pas sur l’opportunité de l’opération, il s’agit seulement de vérifier que celle-ci satisfait à toutes les conditions : le rétablir ne répondrait donc pas à vos attentes.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Cet agrément a été supprimé pour simplifier les procédures.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CE146 de M. Stéphane Peu.

Article 20 bis : Coprésidence par un élu du comité régional de l’habitat de l’hébergement (CRHH)

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE587 du rapporteur pour avis, émettant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 20 bis ainsi modifié.

Article 20 ter : Élargissement des missions du comité régional de l’habitat de l’hébergement (CRHH)

Amendement de suppression CE588 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les sénateurs veulent donner des prérogatives nouvelles aux comités régionaux de l’habitat et de l’hébergement (CRHH), notamment en matière de proposition d’expérimentations et d’adaptation des règles nationales. Les CRHH disposent déjà de cette capacité dans le cadre de leurs missions consultatives. En l’inscrivant dans la loi, l’article donne l’impression qu’ils pourraient imposer leurs propositions à l’État. Je propose donc de le supprimer.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis d’accord.

M. Charles de Courson. Pourquoi supprimer cet article ? Il ne s’agit aucunement d’imposer. On peut toujours proposer : cela n’a pas une grande portée.

M. Thibault Bazin. Votre présentation ne vous paraît-elle pas en effet un peu excessive, monsieur le rapporteur pour avis ? Je comprends le jeu qui consiste à caricaturer la version du Sénat. Mais prenez garde, car certains sujets ont fait l’unanimité ! Si vous voulez vraiment franchir une nouvelle étape dans la décentralisation, il convient de rechercher le consensus national et la concorde entre l’échelon local et l’État. Ce qui est ici proposé n’est qu’un élargissement facultatif des missions des CRHH : il ne s’agit nullement d’imposer à l’État des expérimentations !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les CRHH peuvent déjà, à titre consultatif, en proposer. Certes, cet article a une portée limitée, mais faut-il l’adopter pour autant ? Je persiste à en demander la suppression, car il est inutile.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Selon moi, il va trop ou pas assez loin. Les CRHH peuvent de toute façon proposer ce qu’ils veulent : il n’est nul besoin de l’inscrire dans le code de la construction et de l’habitation. Et s’il s’agit d’expérimentations ou d’adaptations de règles nationales, il faudra suivre une procédure, sur laquelle l’article ne donne aucun détail. On nage un peu entre deux eaux.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 20 ter.

Article 20 quater : Avis conforme du préfet de département et du maire sur le déconventionnement de logements sociaux par les bailleurs institutionnels

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 20 quater non modifié.

Article 20 quinquies : Rétablissement du lien entre le bail d’un logement social et celui de l’aire de stationnement associée dans les communes soumises à la loi SRU

Amendements de suppression CE589 du rapporteur pour avis, CE31 de Mme Sylvia Pinel, CE149 de M. Stéphane Peu et CE313 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer le rétablissement par le Sénat de l’obligation de prendre en location le parking associé au logement social dans les immeubles collectifs. Nous sommes nombreux ici, issus de différents groupes, à le demander – même si M. Bazin s’y opposera.

M. Stéphane Peu. Cette suppression est d’autant plus nécessaire que le dispositif s’appliquerait non seulement aux logements sociaux neufs, mais à toute relocation de logement social à compter du 1er janvier 2023 – et cela, même si l’on ne possède pas de voiture : vous imaginez les disparités et la discorde que cela introduirait !

M. Jean-Louis Bricout. J’ajoute que les bailleurs auront bien d’autres occasions de louer les places de stationnement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Effectivement, monsieur le rapporteur pour avis, je ne suis pas favorable à la suppression de cet article, quoique celui-ci soit imparfait, parce qu’il risque de porter atteinte au pouvoir d’achat des bénéficiaires de logements sociaux et qu’il ne me paraît pas souhaitable d’associer systématiquement place de stationnement et logement social. Cela étant, d’autres types de problèmes peuvent se poser : une agence d’urbanisme a ainsi constaté un taux de vacances élevé des places de stationnement dans le parc social associé à une forte occupation des emplacements dans les rues adjacentes, provoquant des conflits de voisinage. On est confronté là à une difficulté d’usage, à savoir l’accès au stationnement – la question ne se limite d’ailleurs peut-être pas aux communes carencées. Prenez donc cet article comme un appel à une réflexion globale, qui associerait approches micro et macro.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La rédaction du Sénat n’est pas du tout satisfaisante et c’est pourquoi je suis favorable aux amendements de suppression. Il faut prendre en considération deux préoccupations qui ne vont pas forcément de pair, ce qui impose de creuser encore le sujet. La première est celle du pouvoir d’achat : on ne peut pas imposer à un locataire de louer une place de stationnement, surtout s’il n’a pas de voiture. La seconde découle du constat que, sur le terrain, certains parkings de logements sociaux sont vides parce que personne ne loue les emplacements, alors qu’en surface, le stationnement est engorgé. Je ne suis pas sûre que l’on puisse régler ce problème rapidement – en tout cas, pas d’ici à l’examen du texte en séance –, parce que toute mesure de portée générale risque d’être prise au détriment des locataires de logements sociaux et que la question soulève des enjeux redoutables liés aux capacités du stationnement urbain, à la desserte par les transports en commun et à l’évolution de la place de la voiture dans notre société.

M. Stéphane Peu. Je suis d’accord avec la ministre déléguée. J’ajoute que le fait de ne pas lier obligatoirement dans le bail le logement et la place de stationnement incite, d’une part, les bailleurs à rendre leurs parkings plus attractifs, par exemple en les sécurisant au moyen de caméras ou en créant des boxes, d’autre part, les collectivités à réglementer le stationnement en surface. Que chacun assume ses responsabilités et fasse des efforts – mais il ne faut en aucun cas contraindre le locataire, qui ne possède pas nécessairement de véhicule, à payer une place de parking.

M. Richard Lioger. D’autant qu’il est extrêmement difficile de prévoir aujourd’hui quelle sera la place de la voiture dans dix à vingt ans ! Aux Pays-Bas, par exemple, on anticipe déjà la réhabilitation en logements des parkings qui sont construits aujourd’hui. La ministre déléguée a raison : cela mériterait de mener à l’échelle nationale une réflexion approfondie.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 20 quinquies.

Après l’article 20 quinquies

Amendement CE148 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Dans une ville qui fait l’objet d’un arrêté de carence, on ne devrait pas pouvoir vendre les rares logements HLM qui existent ! C’est une mesure d’un tel bon sens qu’elle devrait faire aisément l’unanimité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous avons déjà eu ce débat à l’occasion de l’examen du projet de loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN). Il avait été décidé de soumettre la vente de ces logements sociaux à l’avis conforme du maire. Je pense qu’il faut nous en tenir là. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : la loi donne au maire un droit de veto dans de tels cas.

M. Stéphane Peu. Vous faites semblant de ne pas comprendre ou quoi ? Comment imaginer que le maire d’une ville carencée, qui par conséquent se refuse à construire du logement social, s’opposera à la vente de logements HLM ? Moins il en a, mieux il se porte ! Il faut appliquer la loi SRU et, pour le coup, cela relève, non de la responsabilité du maire, mais de celle de l’État.

M. Thibault Bazin. Sans vouloir aller plus loin que Stéphane Peu, il serait peut-être intéressant d’examiner aussi le cas des communes qui sont à la limite de la carence, certains bailleurs pouvant vouloir vendre des logements particulièrement intéressants par anticipation…

Mme Sylvia Pinel. Nous en avons en effet déjà débattu lors de l’examen du projet de loi ELAN et j’estime que ce qui a été décidé est une erreur, car on a laissé aux communes carencées la possibilité de se débarrasser du petit nombre de logements sociaux dont elles disposent, répondant ainsi à la demande de maires qui souhaitaient pouvoir vendre des biens intéressants bien que leurs communes aient été déclarées carencées après chaque bilan triennal. Résultat : dans certains territoires, il n’y en a plus du tout. Tout cela ne fait que renforcer les égoïsmes locaux. Puisque nous sommes appelés, à travers ce texte, à revoir la loi SRU, je vous invite à réfléchir à la portée de telles dispositions. Corrigeons les erreurs qui ont pu être commises.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Eh bien, refaisons les débats, puisque vous le souhaitez – et Richard Lioger et Christelle Dubos, qui étaient les corapporteurs du projet de loi ELAN, pourront intervenir eux aussi !

Vous associez la vente de logements HLM à un refus de construire des logements sociaux, mais ce n’est pas toujours le cas ; bien au contraire, cela permet parfois de construire davantage de logements sociaux.

Mme Sylvia Pinel. Dans la réalité, ce n’est jamais le cas !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Bien sûr que si ! Quand les entreprises sociales pour l’habitat (ESH) vendent des logements, c’est pour en reconstruire. C’était d’ailleurs tout l’enjeu de nos échanges à l’époque : faire en sorte que le produit de ces ventes finance la construction de nouveaux logements sociaux.

Je crois avoir assez prouvé mon attachement à la loi SRU depuis le début de l’examen de ce texte, en militant pour le maintien d’objectifs ambitieux et en refusant de nouvelles exemptions. Les communes carencées représentent 15 % environ des communes concernées par la loi SRU. Il faut faire montre de vigilance à leur égard, mais, d’une part, prenons garde à ne pas présenter la vente de logements HLM comme un outil qui, par essence, mettrait fin à la mixité ou nuirait à la construction de logements sociaux, et, d’autre part, remettons les choses en perspective : cela concerne 12 000 logements pour un parc de 4,7 millions de logements !

L’avis conforme du maire me semble suffisant, d’autant que le préfet doit, par ailleurs, présenter au CRHH les effets de la vente des logements HLM sur la production nouvelle de logements sociaux.

M. Thibault Bazin. Il n’existe aucune obligation de construire de nouveaux logements au même endroit ! Et nombre d’opérations de vente sont poussées non par les maires, mais par les bailleurs, suivant des stratégies qui leur sont propres. Certains maires acceptent la vente pour plaire à un bailleur avec qui ils entretiennent de bonnes relations et quand ils vont le solliciter, quelques années plus tard, pour produire du logement aidé afin de répondre aux besoins de la commune, le bailleur répond que cela ne l’intéresse pas. D’ailleurs, sur le terrain, on n’a jamais aussi peu construit.

La commission rejette l’amendement.

Article 20 sexies : Limitation de l’autorisation de construction de logements sociaux financés en prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans les communes comptant déjà plus de 40 % de logements sociaux

Amendements de suppression CE590 du rapporteur pour avis, CE32 de Mme Sylvia Pinel, CE150 de M. Stéphane Peu, CE314 de M. Jean-Louis Bricout et CE360 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 20 sexies, introduit par le Sénat, vise à interdire la production de logements financés par des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) dans les communes comptant déjà plus de 40 % de logements locatifs sociaux. J’y suis totalement opposé : cela revient à présenter le logement social comme quelque chose de négatif, alors qu’on en a besoin et qu’on a besoin aussi de logements très sociaux eu égard au niveau de ressources des ménages éligibles au logement social. Le manque de mixité, l’insécurité ne découlent pas de la proportion de logements sociaux dans une commune.

En revanche, il faut veiller à ce que l’effort soit réparti de manière homogène. Comme je l’ai dit dans la discussion générale, les ministres déléguées chargées du logement et de la ville ont signé une circulaire appelant les préfets à la vigilance afin de ne pas ajouter de la pauvreté à la pauvreté. Néanmoins, cet article envoie un très mauvais signal, et c’est pourquoi je vous en propose la suppression.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit en effet d’une conception stigmatisante du logement social ! Dans beaucoup de territoires comptant plus de 40 % de logements sociaux, on ne rencontre aucun problème. En outre, les territoires potentiellement concernés ont besoin de logements très sociaux et une telle interdiction empêcherait de satisfaire nombre de demandes. Elle ne réglerait pas le problème de l’accès au logement et n’apporterait rien en matière d’aménagement du territoire ni de mixité. Cette mesure, qui découle d’une vision à court terme et simplificatrice, n’entraînerait que difficultés et désordres.

M. Stéphane Peu. Les sénateurs osent tout ! Non contents de vider la loi SRU de sa substance, ils vont jusqu’à sinon criminaliser, du moins faire porter le poids des difficultés que l’on peut rencontrer en certains endroits sur les villes les plus vertueuses. C’est le monde à l’envers !

J’aurai en outre l’occasion de redire en séance ce que je pense de la circulaire des ministres déléguées – je l’ai déjà fait lors des questions au Gouvernement.

M. Jean-Louis Bricout. Je suis d’accord : c’est une conception stigmatisante du logement social. De surcroît, cela empêcherait les communes qui engagent des opérations mixtes – logements en accession, logements sociaux, logements commerciaux ou d’activité – de le faire en atteignant l’équilibre économique.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis favorable à ces amendements de suppression parce que je considère que le logement social est celui des classes moyennes, qu’il bénéficie à tous les Français et qu’il a vocation à être réparti sur tout le territoire national. Il est vrai qu’il convient d’être vigilant pour les agréments, et c’est pourquoi j’ai signé avec Nadia Hai une circulaire qui appelle les préfets à les délivrer au cas par cas lorsqu’un risque pour la mixité sociale peut se présenter. En revanche, une interdiction générale inscrite dans la loi me paraît une mesure contre-productive et stigmatisante pour le logement social. De surcroît, dans de nombreux cas d’opérations de renouvellement urbain, de lutte contre l’habitat indigne ou de création de nouveaux quartiers, on a besoin de produire de nouveaux logements sociaux, y compris en PLAI, pour conserver de la mixité sociale – je pense par exemple à l’aménagement des Ardoines, à Vitry.

M. Thibault Bazin. Ne caricaturons pas ! La question fait l’objet d’un débat. Vous percevez cet article comme stigmatisant, alors qu’il ne concerne pas l’ensemble du logement social, il ne cible que les communes qui disposent déjà de plus de 40 % de logements locatifs sociaux ; il s’agit juste de dire que, tout comme l’on fixe des planchers, il convient d’établir des plafonds.

Certes, la rédaction est peut-être à revoir, notamment parce qu’il ne faudrait pas empêcher des opérations permettant d’assurer la mixité sociale, mais la préoccupation de nos collègues est d’éviter la création de ghettos et que l’on construise toujours plus de logements sociaux là où il y en a déjà beaucoup, parce que certaines communes n’en veulent pas chez elles. Il me semble d’ailleurs que, sur le fond, vous êtes d’accord, madame la ministre déléguée, et j’entends votre réponse : s’il ne faut pas inscrire d’interdiction dans la loi, il faudrait tout de même trouver le moyen de limiter la concentration de logements sociaux au même endroit de manière à préserver un équilibre et une mixité sociale. En tout cas, il ne s’agit nullement de stigmatiser le logement social – qui, par ailleurs, est très divers : un prêt locatif social (PLS) n’a rien à voir avec un PLAI.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 20 sexies.

Article 20 septies : Remise par le Gouvernement d’un rapport au Parlement sur les conséquences du zonage du financement des logements sociaux dans les communes soumises à la loi SRU

Amendement de suppression CE591 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Cet article, introduit par le Sénat, prévoit la remise par le Gouvernement d’un rapport sur les conséquences de l’application du zonage déterminant le financement du logement social dans les communes assujetties à l’article 55 de la loi SRU. Je propose de le supprimer.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Je suis pour ma part très attaché à cette demande de rapport. Même si vous avez raison, madame la ministre déléguée, il ne s’agit pas d’un projet de loi de finances, la question des moyens dont disposent les bailleurs et du zonage du financement n’en est pas moins fondamentale. Nous attendons toujours le rapport sur les différents zonages. Dans mon territoire, on souhaiterait construire du logement aidé, mais on a du mal parce qu’on se trouve en zone 3 et que, du fait du taux de locataires APLisés, l’office HLM a une capacité d’autofinancement réduite et rencontre des difficultés à financer ses investissements, même avec les dispositifs très intéressants qui ont été mis en place à la suite au « coup de rabot » sur les APL. Il me semble que cette demande de rapport a été largement soutenue au Sénat. Cela ne vous engage pas à grand-chose et permettrait de nous éclairer sur les moyens dont nous disposons en regard des objectifs fixés.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 20 septies.

Après l’article 20 septies

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CE117 de M. Stéphane Peu.

Article 21 : Élargissement de l’objet social de l’Association foncière Logement

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 21 non modifié.

Seconde réunion du mercredi 17 novembre à 15 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/iey1Ed

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Mes chers collègues, nous poursuivons l’examen du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

Article 22 : Renforcement des dispositifs de mixité sociale dans le logement social, accès au logement social des travailleurs des secteurs essentiels et report des réformes de la gestion en flux des réservations et de la cotation des demandes de logements sociaux

Amendements identiques CE151 de M. Stéphane Peu et CE315 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de supprimer les dispositions relatives à l’absence de conclusion d’une convention intercommunale d’attribution (CIA) par les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) concernés. Elles contredisent les ambitions de la réforme de la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux, qui vise à définir une stratégie intercommunale en matière d’attribution partagée dans le cadre des conférences intercommunales du logement (CIL).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis très attaché aux CIA et aux CIL, qui sont les meilleurs outils pour établir une mixité sociale – non la mixité formelle qui figure dans la loi, mais la mixité réelle, sur le terrain.

Seules un quart – 130 sur 421, précisément – des intercommunalités dont la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit qu’elles doivent conclure une CIA, s’en sont dotées. Il importe de saisir l’occasion offerte par le présent projet de loi, consacré à la décentralisation et à la différenciation, pour accélérer la mise en œuvre de la nouvelle gestion de l’attribution des logements sociaux. Ce sujet a souvent été évoqué dans le cadre de la mission que vous m’avez confiée en me nommant à la tête du Conseil national de l’habitat, madame la ministre déléguée. Il existe un consensus sur ce point entre les acteurs du logement social.

Les dispositions de l’article 22 devraient inciter les partenaires locaux à accélérer la conclusion de CIA. Elles me semblent donc de bon augure, sinon nécessaires. Je donne un avis défavorable aux amendements visant à supprimer certains alinéas de l’article 22.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement. Même avis. Loin de contredire les ambitions de la réforme de la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux, les dispositions visées par les amendements rendent opérationnelle l’obligation de conclure des CIA, qui, pour l’heure, est dépourvue de sanctions, ce qui explique que seules un quart des intercommunalités s’en soient dotées. Dorénavant, le taux d’engagement d’attribution de logements sociaux sera fixé par la loi à défaut de la conclusion d’une CIA, ce qui est incitatif.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE592 et CE593 du rapporteur pour avis.

Amendement CE152 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement vise à supprimer les alinéas 7 et 8. Le projet de loi introduit un nouveau critère de priorisation dans l’accès au logement social, en faveur des travailleurs dits « essentiels », dont la définition reste floue. À force de rendre prioritaires des publics sans en donner une définition précise, et faute de production de logements suffisante, la file d’attente s’allonge et les coups de fil s’ajoutent aux coups de fil, ce qui tend à rendre illisible l’ensemble.

Je défendrai en séance publique des propositions plus simples. Parmi les travailleurs essentiels, on compte des agents publics, par exemple des agents de la fonction publique hospitalière, des policiers et des pompiers. Je ne comprends pas pourquoi – comme je le vois dans mon département, qui compte tant de salariés de la « première ligne », ceux qui ont payé le plus lourd tribut à la crise de la covid-19 – nous n’utilisons pas ou peu le contingent préfectoral, normalement destiné en priorité au relogement des fonctionnaires.

Les infirmières, les aides-soignantes, les policiers, les agents de préfecture et tant d’autres fonctionnaires qui ne parviennent pas à se loger recourent au contingent communal ou à celui des bailleurs. En Allemagne, les autorités ont recréé, quelques années après l’avoir dissous, un grand organisme public fédéral dédié au logement des fonctionnaires, dont les salaires sont souvent bas et qui ne bénéficient pas de l’équivalent allemand du 1 % logement. Le contingent préfectoral est fait pour ça, mais il n’est pas utilisé ainsi, notamment dans les zones tendues.

Au lieu de multiplier les effets d’annonce et les priorisations, ce qui finit par faire disparaître toute priorité, ayons une action déterminée pour faire en sorte que le contingent préfectoral soit utilisé à ce pour quoi il est prévu ! Dans les grands quartiers populaires de la Seine-Saint-Denis, il n’est utilisé que pour reloger des personnes en grande difficulté, ce qui en accroît la paupérisation – car on oublie de les reloger ailleurs, notamment dans l’ouest parisien.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait de l’amendement au bénéfice des amendements identiques CE317 et CE501, qui viendront bientôt. J’ai moi-même retiré un amendement à leur bénéfice.

J’aimerais rassurer M. Peu : ni l’article 22 ni ces amendements ne visent à ajouter un public prioritaire à la liste figurant à l’article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Nous l’avons fait – notre collègue Richard Lioger pourra le confirmer – dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) pour faciliter le relogement des femmes victimes de violences conjugales, ce qui faisait consensus.

L’article identifie aujourd’hui une quinzaine de publics prioritaires. L’idée n’est pas de créer une catégorie supplémentaire en faveur des travailleurs clés, mais de définir un objectif volontariste d’attribution et de procéder à leur identification à l’échelle locale, notamment dans le cadre des CIL et des CIA. Selon les territoires, les travailleurs clés ne sont pas les mêmes. Il ne faut pas en figer la définition dans la loi : son rôle est plutôt de rappeler que l’État fait preuve de vigilance à leur sujet et porte un regard particulier, à l’échelle locale, sur leurs besoins.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les dispositions visées par l’amendement constituent une forme de reconnaissance de l’apport des travailleurs clés de la première ligne. Elles permettent de s’assurer qu’ils trouvent leur place dans la politique d’attribution de logements sociaux menée à l’échelle intercommunale, à côté des publics prioritaires inscrits dans la loi. Leur secteur d’activité varie d’un territoire à l’autre, selon les services publics essentiels que l’on y trouve, par exemple un hôpital ou un centre de traitement des ordures ménagères. Il s’agit de faire en sorte que les politiques intercommunales d’attribution de logements sociaux définissent clairement, à l’échelle du quartier par exemple, qui doit être logé au sein de l’intercommunalité.

Je précise par ailleurs que le contingent préfectoral sert bien à loger les publics prioritaires définis par le CCH. Il n’est affecté aux fonctionnaires qu’à hauteur de 5 %. Je partage l’idée que nous devons être plus offensifs et plus efficaces en matière d’accès au logement social des travailleurs clés, ceux du secteur privé comme ceux qui relèvent de l’une des trois fonctions publiques. Toutefois, le contingent préfectoral ne peut pas être l’outil principal pour ce faire. Les CIA et les décisions des bailleurs sociaux, d’une part, l’application à certains employeurs clés du territoire du droit de première offre, d’autre part, peuvent produire des effets opérationnels.

Je n’ai aucune objection à la suppression du décret en Conseil d’État précisant les modalités de mise en œuvre de l’alinéa 8 en vue de laisser la main aux CIL. J’émettrai donc, comme M. le rapporteur pour avis, un avis favorable aux amendements identiques CE317 et CE501. En revanche, je suis opposée à la suppression de cet alinéa 8 : ce serait passer un curieux message, selon lequel les travailleurs essentiels n’ont pas vocation à être traités de manière préférentielle dans les politiques d’attribution de logements sociaux.

M. Charles de Courson. Madame la ministre déléguée, monsieur le rapporteur pour avis, nous prenons acte de votre avis favorable aux amendements CE317 et CE501, ce qui est mieux que rien. Il n’en reste pas moins que la définition de publics prioritaires dans la loi est nécessairement faite au détriment d’autres catégories de travailleurs tout aussi respectables. À la souplesse qu’offrent les amendements que vous soutenez, nous préférons la suppression de l’alinéa 8, qui les ferait tomber. Nous nous rallierons cependant. Mais je signale que le présent texte est largement inspiré par la crise sanitaire et qu’une crise d’un autre ordre, international par exemple, peut lui succéder.

M. Stéphane Peu. Quand on fait la loi, il faut éviter de se payer de mots. Si nous voulons véritablement porter attention aux salariés de la première ligne, prenons des mesures effectives. Je regrette de le dire en ces termes, mais celles dont nous débattons sont de l’ordre de l’annonce et n’auront aucun effet concret. Si l’on veut être concret et efficace, il existe d’autres mesures à prendre. J’en citerai deux, auxquelles je vous invite à réfléchir, car je les présenterai en séance publique par voie d’amendement.

Le groupe Carrefour utilise l’essentiel de sa collecte du 1 % logement pour offrir à ses cadres des prêts à taux zéro, dans le cadre d’une politique de ressources humaines visant à recruter des cadres de haut niveau. Quant aux caissières, elles ne bénéficient pas du 1 % logement. Ce n’est pas normal, c’est un détournement du 1 % logement ! Il est possible, dans le cadre des conventions conclues avec Action logement, de le recentrer sur le logement des salariés de la première ligne, d’autant que le cas de Carrefour n’est pas isolé.

Madame la ministre déléguée, vous avez aussi signé une circulaire prévoyant d’encadrer la construction de logements sociaux dans les communes qui en comptent plus de 40 %. Pourquoi ne mobilise-t-on pas, ce que la loi n’interdit pas, 50 % du contingent préfectoral dans les villes qui comptent plus de 40 % de logements sociaux pour y loger les fonctionnaires de la première ligne ? Comment se fait-il que défilent dans ma permanence des policiers, des pompiers, des infirmières, des aides-soignantes et des agents de l’État dont les demandes de logement social restent sans réponse ? Pourquoi ne pas augmenter, au nom de la mixité sociale et de l’amélioration de la réponse aux demandes de logement des salariés de la première ligne, le taux d’attribution du logement social aux fonctionnaires, notamment les fonctionnaires de catégorie C et les agents les moins rémunérés, en mettant à contribution le contingent préfectoral ?

Je verse au débat ces deux pistes de réflexion : mettre un terme, dans le cadre des conventions conclues avec Action logement, au détournement du 1 % logement au profit de politiques de ressources humaines visant à attirer des cadres supérieurs au détriment des salariés de la première ligne ; mobiliser le contingent préfectoral pour les agents publics dans une proportion supérieure à 5 %, qui est une règle du CCH n’ayant rien d’intangible. Au demeurant, cette proportion n’est atteinte nulle part : je vous mets au défi de trouver 5 % de fonctionnaires dans les attributions de logements sociaux du contingent préfectoral en Seine-Saint-Denis…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur Peu, je ne partage vraiment pas votre analyse selon laquelle les dispositions des alinéas 7 et 8 seraient uniquement déclaratives et n’auraient aucun effet. Les publics prioritaires sont définis en fonction de la situation des personnes concernées, notamment les difficultés qu’elles rencontrent, et de la reconnaissance d’un droit au logement opposable. Puis viennent les publics éligibles au logement social. Pour la première fois, un texte de loi dispose que les salariés indispensables à la continuité de la vie de la nation font partie des publics bénéficiant d’un traitement préférentiel. Sur cette base, les politiques d’attribution de logements sociaux, à l’échelle de l’intercommunalité, les intégreront pleinement.

Quant au contingent préfectoral, il répond, parfois parce que les autres contingents le font moins bien, aux besoins de logement de la dizaine de publics prioritaires définis par le CCH.

Les alinéas 7 et 8 ont bel et bien une portée juridique. La définition opérationnelle des publics prioritaires relèvera des élus locaux. L’exemple des infirmières a souvent été cité, mais il s’agit en réalité d’une définition très large : il s’agit de toute personne « exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la Nation ». Il s’agit de faire en sorte que les salariés qui doivent se rendre chaque jour à leur travail et dont nous avons besoin pour faire fonctionner la société ne soient pas oubliés dans l’attribution de logements sociaux. Outre le message politique dont elle est porteuse, cette disposition aura un effet juridique.

M. Thibault Bazin. Je ne suis pas élu en Île-de-France, mais j’ai dans ma circonscription des jeunes embauchés à Paris, dans la police ou les professions de santé, et qui ne parviennent pas à se loger.

Madame la ministre déléguée, dès lors qu’il s’agit d’aller vite, existe-t-il un projet pour le décret en Conseil d’État prévu à l’alinéa 8 ? Si oui, est-il de nature à nous rassurer ? Affirmer des principes et des idées est une chose, les rendre effectifs en est une autre. La continuité de la vie de la nation peut faire l’objet d’interprétations très larges ou très restreintes. À la limite, tout relève de la vie de la nation, comme l’a démontré la crise de la covid-19 : le périmètre de cette notion a été élargi au fur et à mesure des discussions, tant tout est lié.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 22 vise à fixer un objectif volontariste d’attribution de logements sociaux aux demandeurs exerçant une activité professionnelle qui ne peut être assurée en télétravail dans un secteur essentiel pour la continuité de la vie de la nation. J’ai retiré un amendement qui prévoyait la définition de ces travailleurs clés par les CIA, tout en intégrant la notion de territoire, au profit des amendements CE317 et CE501, qui suppriment le renvoi à un décret en Conseil d’État en rédigeant la seconde phrase de l’alinéa 8 comme suit : « Les modalités de mise en œuvre du présent alinéa sont précisées par la conférence intercommunale du logement en fonction des besoins du territoire. ».

Confier aux CIL et aux CIA le soin de déterminer précisément les publics visés à l’échelle des bassins de vie et des intercommunalités, a fait l’objet d’un consensus des collectivités territoriales, des bailleurs sociaux et des réservataires au cours des auditions que j’ai menées. Il n’est pas question de dresser une liste positive distinguant les travailleurs clés des autres. Il s’agit de tenir compte de la diversité des besoins des travailleurs clés.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Que M. Bazin se rassure : M. le rapporteur pour avis et moi-même émettrons un avis favorable à son amendement CE501, qui vise à supprimer le renvoi à un décret en Conseil d’État, au profit des CIL.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CE500 de M. Thibault Bazin et CE316 de M. Jean-Louis Bricout, amendements identiques CE317 de M. Jean-Louis Bricout et CE501 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’amendement CE500 vise à substituer au mot : « qui » les mots : « notamment ceux dont l’activité » à la première phrase de l’alinéa 8.

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement CE316 vise à supprimer la mise en concurrence entre travailleurs selon qu’ils sont considérés comme essentiels ou non. M. le rapporteur pour avis a émis par avance un avis favorable à l’amendement CE317. Je me réjouis que l’attention particulière portée aux travailleurs de la première ligne soit synonyme d’implantation dans les territoires et de mixité sociale.

Toutefois, je m’interroge sur la façon dont les priorités seront définies. Il me semble que beaucoup de gens seront prioritaires en matière d’attribution de logements sociaux, ce qui pourrait finir par manquer de sens. Certes, selon que l’on confie la décision à un décret en Conseil d’État ou aux CIL, l’appréciation des priorités change.

M. Thibault Bazin. L’amendement CE501 peut nous rassembler. Il s’agit de confier aux CIL, donc aux acteurs locaux, en fonction des besoins de chaque territoire, les modalités de mise en œuvre des dispositions de l’alinéa 8. Comme le démontre l’exemple du zonage médical et paramédical, les territoires carencés ne sont pas les mêmes selon les professions. La situation peut rapidement évoluer en fonction des départs, des mobilités et des besoins du territoire.

Une fois établis les priorités et les besoins, il serait intéressant que l’État puisse, s’il s’agit de produire davantage de logements aidés, accompagner les territoires, qui seront d’autant plus moteurs pour accompagner ces professionnels essentiels. J’espère, tout en ayant bien conscience que nous n’examinons pas un projet de loi de finances, que nous pourrons accompagner les territoires concernés par des moyens spécifiques supplémentaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suggère le retrait des amendements CE500 et CE316 et émets à défaut un avis défavorable. Avis favorable aux amendements CE317 et CE501.

Le parc de logement social répond d’ores et déjà aux besoins des actifs. D’après les chiffres de l’Union sociale pour l’habitat, ceux-ci bénéficient de 55 % des attributions.

Il est pertinent de confier aux acteurs locaux le soin de déterminer précisément qui peut être considéré comme un travailleur clé. En outre, la situation peut évoluer. Aujourd’hui, il s’agit surtout des personnels soignants mais demain, selon l’évolution des besoins de chaque territoire, la priorité sera peut-être donnée à un autre public. L’essentiel est d’apporter des solutions aux Français qui en ont besoin. Par ailleurs, l’impossibilité d’exercer son activité en télétravail est un critère de définition des publics qui doivent pouvoir bénéficier d’un traitement préférentiel.

Par ailleurs, il faut rappeler que sept à huit Français sur dix sont éligibles au logement social. Pour être précis, 72 % des Français satisfont aux critères d’attribution du prêt locatif social (PLS). Bien entendu, cette proportion diminue un peu si on considère les Français éligibles au prêt locatif à usage social (PLUS) et au prêt locatif aidé d’intégration (PLAI). De nombreux Français sont éligibles à un logement social ; la réponse se trouve dans les territoires.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. J’assume vraiment la volonté d’aider plus particulièrement les travailleurs qui ne peuvent exercer leur activité en télétravail et qui sont essentiels à la vie de la nation. Chacun a pris conscience, pendant la crise de la covid-19, que de nombreux professionnels assurent la vie de la société et sont absolument essentiels. Nous nous sommes engagés à leur manifester une reconnaissance sous diverses formes. La réponse apportée par le texte n’est pas la seule possible, mais elle en est bel et bien une.

L’amendement CE500 est retiré.

La commission rejette l’amendement CE316. Elle adopte les amendements identiques CE317 et CE501.

Amendements identiques CE318 de M. Jean-Louis Bricout et CE505 de M. Thibault Bazin.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de supprimer la réduction du délai de deux ans supplémentaires pour la conclusion des CIA. Dès lors que la mise en œuvre de la cotation de la demande de logement social, ainsi que celle de la gestion en flux des réservations de logements sociaux, sont reportées à la fin de l’année 2023, l’amendement CE318 ramène à deux ans, dans une logique de mise en cohérence, le calendrier fixé pour conclure les CIA, quel que soit le territoire. Ce délai offrira un temps de concertation locale plus approfondie, tout en permettant aux EPCI prêts à conclure une CIA dans un délai plus court de le faire. Localement, les préfets pourront, en lien avec les EPCI, fixer un calendrier pour déployer la réforme de la gestion de la demande et des attributions dans un délai de deux ans.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. Plusieurs intercommunalités se sont dotées d’une CIA, mais encore trop peu ; il faut inciter les autres à accélérer. D’autres n’ont pas attendu la gestion en flux des réservations de logements sociaux pour travailler à l’échelle intercommunale en la matière.

Établir un lien entre les deux, comme le font les amendements, pose un problème de fond. Quant à l’accélération du déploiement des CIL et des CIA, elle fait l’objet de l’article 22, qui en confie la charge aux EPCI si les bailleurs n’en concluent pas. La CIA rassemble les bailleurs, les réservataires et l’EPCI, soit bien plus d’acteurs que le dispositif temporaire destiné à en accélérer la conclusion, prévu à l’article 22.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Thibault Bazin. La lecture de l’exposé sommaire laisse penser que les amendements établissent un lien entre les CIA et la réforme de la gestion de la demande et des attributions de logements sociaux. En réalité, ce lien est tout simplement établi par l’alinéa 13, auquel ils font référence. Il ne faut pas inverser les choses. Si l’alinéa 13 ne ramenait pas à huit mois le délai de deux ans supplémentaires pour la mise en œuvre de la cotation de la demande de logement social, nous n’aurions pas déposé d’amendement.

Nous avons voté plusieurs lois qui se percuteront dans leur application. Les élus locaux demandent de la stabilité. L’idée est de fixer une mise au point générale à l’horizon de deux ans. Certes, les périmètres diffèrent, mais il s’agit de laisser du temps au temps et de permettre aux élus d’appliquer les dispositions que nous adoptons. Il s’agit d’une attente de leur part, comme le démontre le congrès des maires et des présidents d’intercommunalités de France qui se déroule en ce moment. Lorsque nous dialoguons avec les élus locaux, ils nous demandent où nous allons, quelles seront les règles applicables demain et s’ils auront du temps pour les mettre en œuvre !

Dans le contexte de mandats intercommunaux perturbés par la crise de la covid-19, l’installation des CIA a été difficile, d’autant que nous ne savons pas où nous allons en matière de répartition des compétences. Il faut tenir compte des réalités du terrain. Huit mois, à l’échelle intercommunale, c’est très court, surtout si l’on veut adopter le texte au plus vite, sachant qu’il est permis de douter que la commission mixte paritaire soit conclusive compte tenu des amendements déposés par M. le rapporteur pour avis.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La question du délai dans lequel les EPCI peuvent conclure des CIA comporte deux aspects qui ne sont pas tout à fait sur le même plan.

À la demande des collectivités locales et des organismes de logement social, nous avons accepté de reporter de deux ans les deux réformes structurelles de la loi ELAN que sont la cotation de la demande et la gestion en flux des attributions de logement social, qui mettent en branle une mécanique assez lourde. Compte tenu du calendrier particulier des élections municipales qui se sont tenues l’année dernière et de l’installation progressive des exécutifs des intercommunalités, la mise en œuvre de ces réformes de gestion n’aurait pas bénéficié de bonnes conditions.

La CIA, quant à elle, n’est pas vraiment concernée par ce décalage. Il s’agit d’une obligation ancienne. Son contenu est déterminé par les principes qui fixent les orientations générales de mobilisation des contingents de logements sociaux. L’objectif est de parvenir à un accord entre toutes les parties prenantes sur le territoire pour savoir comment mobiliser les contingents des divers réservataires et quelle politique d’accueil et de priorisation des demandeurs de logements sociaux unifiée doit être menée sur le territoire. Tout cela est disjoint de la mécanique de la cotation de la demande et de la gestion en flux, lesquelles nécessitent de conclure énormément de conventions entre les différents acteurs et avec chacun des bailleurs sociaux.

La conclusion des CIA traîne depuis un certain temps, si je puis me permettre de le dire ainsi. Un quart des intercommunalités concernées en ont conclu une. Il devient urgent de mener une vraie politique pour répondre aux enjeux de la lutte anti-ghetto, ainsi que d’équilibre et de mixité de la population. La CIA est vraiment le document politique par lequel les parties prenantes et les réservataires s’accordent sur les besoins prioritaires de leur territoire. Sa conclusion demande moins de temps que la mise en œuvre de la gestion en flux et de la cotation de la demande.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE157 de M. Stéphane Peu.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement vise à exempter les communes situées en zone non tendue de la mise en œuvre de la cotation de la demande. Comme l’a rappelé Mme la ministre déléguée, l’entrée en vigueur de cette dernière a été retardée. Les systèmes d’information des bailleurs sociaux ne sont pas prêts. Il n’en reste pas moins que la réforme ne distingue pas les zones non tendues des autres. Elle a vocation à satisfaire un besoin de transparence dans les attributions. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. La cotation de la demande n’est pas obligatoire partout. Elle est prévue pour les EPCI tenus de se doter d’un programme local de l’habitat ou exerçant la compétence « politique locale de l’habitat » et comportant au moins un quartier prioritaire de la politique de la ville (QPV), soit les 400 principales zones urbaines du pays.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CE153 de M. Stéphane Peu et CE362 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. D’après la fondation Abbé Pierre, les outils que sont la cotation de la demande et la gestion en flux sont très attendus pour accélérer l’attribution des logements sociaux en faveur de ceux qui en ont le plus besoin.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le pragmatisme oblige à admettre que nous ne sommes pas prêts à mettre en œuvre ces réformes immédiatement. Le report de deux ans est nécessaire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La détermination du ministère du logement à mener à bien ces deux réformes est totale. Nous avons consacré à ces sujets complexes des comités de pilotage, rassemblant les représentants du monde du logement social.

Il faut néanmoins résoudre des problèmes sous-jacents de systèmes d’information et définir un cadre de contractualisation susceptible d’être généralisé pour chacun des bailleurs et pour les collectivités correspondantes. S’agissant d’une évolution obligatoire, il me semble que prévoir deux ans est œuvre de bonne gestion et de prudence. Nous souhaitons mener ces réformes aussi rapidement que possible, mais je doute que nous disposions d’un nouveau véhicule législatif d’ici la mi ou la fin 2022. Nous visons le courant de l’année 2023, si possible son début.

La commission rejette les amendements.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette les amendements identiques CE554 de Mme Bénédicte Taurine et CE564 de M. Stéphane Peu.

Amendements identiques CE319 de M. Jean-Louis Bricout et CE502 de M. Thibault Bazin.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit d’encourager la mobilisation des EPCI, insuffisante à nos yeux, dans une logique de simplification de la gestion en flux, en permettant aux territoires qui le souhaitent de conclure, sous forme d’expérimentation, une convention unique multipartite rassemblant l’organisme de logement social, l’EPCI, l’État et les réservataires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Sur le papier, l’idée est séduisante, d’autant qu’il s’agit d’une expérimentation. Toutefois, cela soulève plusieurs difficultés. Comment la convention, conclue à l’échelle de l’intercommunalité, pourrait-elle s’articuler avec l’obligation faite au bailleur de conclure une convention par réservataire à l’échelle du département ? En outre, il faut éviter de remettre en cause les conventions de gestion en flux déjà signées.

Par ailleurs, le Gouvernement m’a fait savoir qu’il travaille avec l’Union sociale pour l’habitat pour définir un cadre amenant les acteurs de l’attribution de logements sociaux à mieux travailler ensemble et mieux se coordonner à l’échelle de l’EPCI. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre délégué. Même avis. Nous sommes prêts à retravailler l’amendement, dont la rédaction est trop lourde et introduit une incohérence des niveaux de convention entre l’EPCI et le département, d’ici l’examen du texte en séance publique.

M. Thibault Bazin. S’il s’agit d’améliorer notre gouvernance et l’efficacité de nos dispositifs, vos arguments sont lumineux, monsieur le rapporteur pour avis. L’amendement aurait pour effet d’introduire deux contractualisations à deux échelles distinctes pour un même objet. Dans les zones détendues, cela ne pose pas de problème. Dans les zones tendues, la tension des flux créerait une tendance aux arbitrages.

Nous avons d’ores et déjà une politique du logement à deux vitesses. Certaines métropoles et certaines communautés d’agglomération ont déjà des délégations d’aides à la pierre ; on leur confie quasiment les clés de la gestion du logement aidé. Quant aux EPCI de taille moyenne ou modeste, qui ont très peu de prise sur les bailleurs, ils ont du mal à contractualiser.

Je retire mon amendement, non sans émettre le vœu que nous réfléchissions à des politiques vertueuses quelles que soient la taille des territoires et l’importance que leur donne l’État, afin que la contractualisation ne soit pas réservée aux « gros EPCI », ou à ceux qui sont « bien vus ». Dans ma circonscription, certains EPCI n’ont toujours pas d’opération programmée d’amélioration de l’habitat. Certes, il s’agit d’un sujet distinct, mais, en matière de logement, les difficultés forment une chaîne.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’ai bien compris les difficultés qui se posent – même si nous proposons une expérimentation, qui ne vaut pas uniformisation à l’échelle du territoire national, et qui est laissée à l’initiative des EPCI n’ayant probablement pas encore conclu de contrat avec quiconque. Il s’agit de fluidifier la gestion en flux de l’attribution de logements sociaux. Nous retirons l’amendement pour le retravailler en vue de la séance publique.

Les amendements sont retirés.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 22 ainsi modifié.

Après l’article 22 

Amendement CE163 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. L’amendement vise à renforcer notre capacité d’intervention sur le droit au logement opposable (DALO). Les obligations d’Action logement en matière de logement des actifs reconnus prioritaires DALO ont été fixées il y a plus de dix ans. Pourtant, le nombre d’attributions de logements au bénéfice des ménages concernés diminue. Or il ne s’agit pas nécessairement de personnes ou de familles désocialisées ou au chômage. De nombreux salariés, dont les entreprises cotisent à Action logement, sont éligibles au DALO. J’en connais beaucoup.

Il n’est pas normal qu’Action logement ne soit pas proactif en matière de relogement des personnes et des ménages éligibles au DALO, notamment des salariés dont les entreprises cotisent au 1 % logement. Ils sont particulièrement nombreux en zone tendue, car les critères d’éligibilité au DALO incluent un délai d’attente anormalement long. Il s’agit de mettre Action logement en conformité avec ses ambitions.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le CCH prévoit en effet qu’au moins un quart des attributions annuelles de logements réservés à Action logement est destiné aux salariés ou aux demandeurs d’emploi désignés comme prioritaires. Il en va de même s’agissant des logements appartenant à l’Association foncière Logement ou à l’une de ses filiales.

Mais s’agissant de votre amendement, le code prévoit déjà des sanctions pécuniaires en cas de non-respect des règles d’attribution. Quant au montant de la pénalité que vous proposez, il me semble disproportionné. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Les dispositions du CCH rappelées par M. le rapporteur pour avis sont sanctionnées par l’Agence nationale du contrôle du logement social (ANCOLS). L’amendement est satisfait en droit, même si les pratiques peuvent être améliorées.

M. Stéphane Peu. Nous parlons, soit dit sans vouloir incriminer personne, comme si la crise du logement n’était pas en train de s’aggraver ! Nous avons un dispositif qui était déjà peu satisfaisant, et qui fonctionne de moins en moins bien. Les chiffres sont têtus : à l’aune des obligations fixées il y a dix ans, la contribution d’Action logement au relogement des publics DALO est de plus en plus faible. Cela fonctionne de moins en moins bien et la crise est de plus en plus aiguë. On continue ou on change ?

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE156 de M. Stéphane Peu et CE324 de M. Jean-Louis Bricout

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit de préciser la notion de premier quartile de ressources pour la mise en œuvre des obligations d’attribution de logements hors QPV. Nous proposons le critère d’un revenu inférieur à 40 % du revenu médian, soit 8 600 euros par an, ce qui correspond à la conception la plus restrictive du seuil de pauvreté.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le sujet est difficile, notamment parce que, comme le signalent régulièrement les bailleurs sociaux, le système national d’enregistrement (SNE) des demandes de logement locatif social n’est pas toujours bien complété. Cette absence de fiabilité des données informatiques des dossiers rejaillit inévitablement sur la gestion de l’attribution, notamment sur le respect de la règle de 25 % de logements hors QPV pour les demandeurs du premier quartile. Même si je suis défavorable à ces amendements, qui soulèvent divers problèmes, j’admets qu’il faudrait peut-être modifier ou aménager l’indicateur pour ces demandeurs, car il n’est pas totalement opérant.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. L’indicateur proposé se cumulerait à l’indicateur de quartile ; de plus, 40 % du revenu médian n’est pas le seuil de pauvreté, qui est à 60 %, mais le seuil de grande pauvreté.

M. Stéphane Peu. Comment peut-on dénoncer les ghettos tout en refusant de prendre des mesures pour endiguer le phénomène ? C’est justement parce qu’il s’agit de personnes souffrant de grande pauvreté qu’il faut absolument leur attribuer des logements hors QPV. Dans la vraie vie, ces personnes – qui existent, qu’on le veuille ou non – sont majoritairement relogées dans un QPV ; après quoi, on se réveille et on geint à cause de la paupérisation et de la ghettoïsation. Mais chaque fois que nous proposons une mesure pour infléchir la tendance – non pas un effet d’annonce, mais une mesure concrète, même s’il s’agit d’un indicateur supplémentaire – on nous la refuse ! Où est la volonté politique de lutter contre les ghettos ? Quand je fais le bilan de toutes les propositions que nous avons faites et de tous les refus qu’elles ont essuyés, je me le demande. On ne peut pas en rester à des phrases creuses sur les métiers essentiels – qu’au demeurant, on ne définit pas – qui resteront lettre morte.

M. Charles de Courson. Connaît-on, par secteur, la proportion, dans les attributions, des personnes dont le revenu est inférieur à 40 % du revenu médian ? Peut-être l’amendement est-il déjà satisfait dans les faits.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Il me semble que la question est plutôt destinée à M. Peu, qui propose ce nouvel indicateur, qu’au Gouvernement ; en tout cas, pour ma part, je n’ai pas ce chiffre.

M. Stéphane Peu. Il existe tout de même un indicateur que tout le monde, et pas seulement moi, a à sa disposition et, j’espère, à l’esprit : on compte plus de 2 millions de demandeurs de logements, dont plus de la moitié est en dessous du seuil de pauvreté. La ventilation départementale est également facile à trouver – et j’ai ma petite idée sur le sujet, pour croiser cette pauvreté tous les matins et tous les soirs dans mon immeuble et mon quartier.

Ne cherchons pas à noyer le poisson. Veut-on ou non que l’effort de solidarité nationale soit mieux réparti au profit de ces personnes en très grande difficulté, notamment en dehors des QPV ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’objectif porte à la fois sur le relogement hors QPV des demandeurs du premier quartile et sur le logement dans les QPV : ces deux critères sont destinés à assurer la mixité.

Actuellement, on n’est pas à 25 %, mais entre 16 et 18 %. Avant d’intégrer un nouvel indicateur, il faudrait donc se préoccuper de ce non-respect de l’objectif fixé par la loi. Sur ce sujet comme à propos de l’atteinte des objectifs de la loi SRU, je suis pragmatique : il faut accompagner l’ensemble des EPCI, au moyen des outils locaux que nous avons déjà détaillés, afin qu’ils veillent à loger les ménages les plus modestes en dehors des QPV. Ce n’est pas en ajoutant un indicateur que l’on atteindra l’objectif de 25 %.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CE322 de M. Jean-Louis Bricout et CE506 de M. Thibault Bazin

M. Jean-Louis Bricout. Il s’agit toujours de l’exigence d’attribution hors QPV aux ménages du premier quartile. Comme le disait M. Peu, où vont ces personnes en grande précarité sinon dans les QPV ? D’où la ghettoïsation.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Pour en revenir au débat précédent, nous avons un objectif de mixité dans les attributions, qui se traduit pour l’instant par l’obligation faite aux intercommunalités et aux bailleurs d’attribuer 25 % des logements en dehors des QPV aux ménages du premier quartile de revenus. Le débat est le suivant : l’indicateur actuel est-il le bon ou vaut-il mieux se fonder sur les ressources des demandeurs évaluées par rapport au seuil de pauvreté ?

Les amendements en discussion proposent une modulation du taux de 25 % à la hausse ou à la baisse – ce qui implique, dans ce cas, une ambition réduite – avec, le cas échéant, une progressivité : ce serait plutôt un recul par rapport à l’exigence actuelle. Je n’y suis donc pas favorable.

La commission rejette les amendements.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CE463 de M. François Pupponi.

Amendements identiques CE323 de M. Jean-Louis Bricout et CE507 de M. Thibault Bazin

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de permettre aux EPCI mentionnés à l’article L. 441‑1 de préciser localement, en lien avec leurs partenaires dans le cadre de la conférence intercommunale du logement, la définition des publics prioritaires pour leur territoire et les modalités de traitement des demandes. Il faut parvenir à une définition des publics prioritaires commune aux acteurs chargés de la gestion de la demande et adaptée au contexte local, pour une meilleure prise en charge des demandeurs.

M. Thibault Bazin. Cela fait écho aux amendements que nous venons d’adopter à l’unanimité. En permettant aux EPCI de préciser la définition des publics prioritaires au niveau local, on ouvre la possibilité de répondre de manière encore plus juste aux besoins locaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable.

S’agissant de la possibilité de compléter la liste des publics prioritaires, les amendements sont satisfaits : selon l’article L. 441-1-5 du code de la construction et de l’habitation, « Les orientations adoptées [par la CIL] peuvent prévoir des catégories de demandeurs ou de logements et des secteurs du territoire concerné pour lesquels les logements disponibles, réservés ou non, font l’objet d’une désignation de candidats d’un commun accord entre les bailleurs, les réservataires et l’établissement public de coopération intercommunale. ».

Quant à donner la possibilité de revenir sur la définition des publics prioritaires, j’y suis très défavorable, car cela favoriserait la tentation de réduire la portée des dispositions législatives.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE321 de M. Jean-Louis Bricout

M. Jean-Louis Bricout. L’amendement vise à préciser que la responsabilité d’atteindre les objectifs d’attribution hors QPV aux ménages du premier quartile de revenus est partagée par tous les acteurs du processus de sélection des demandeurs et d’attribution des logements. Cette clarification rendra le processus plus opérant.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Comme les précédents, cet amendement est satisfait par le CCH. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis : le texte actuel pose déjà le principe selon lequel l’objectif est partagé par tous les réservataires et s’impose à eux.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CE162 de M. Stéphane Peu et CE330 de M. Jean-Louis Bricout

M. Stéphane Peu. Dans les opérations conduites par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), il faut reloger rapidement les habitants des immeubles voués à la démolition. Le bailleur est tenu de faire trois propositions. La commission d’attribution ne délibère pas, puisque le régime est celui de l’obligation, mais il existe une coutume consistant à l’informer des logements proposés et retenus et de la typologie des ménages ; or cette coutume n’est plus systématiquement respectée. Voilà pourquoi nous souhaitons qu’elle soit inscrite dans la loi. Il n’est pas question de ralentir le processus, mais de garantir la bonne information des commissions d’attribution, sachant que les éléments dont il est proposé de les informer ont un intérêt du point de vue des stratégies de peuplement et de mixité sociale.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’avais mal compris votre amendement. Votre idée est-elle bien d’informer la commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL) des propositions formulées ?

M. Stéphane Peu. Les maîtrises d’œuvre urbaine et sociale traitent souvent de manière spécifique les familles habitant les immeubles destinés à être démolis, et les commissions d’attribution ne sont plus toujours informées. Je le répète, elles n’ont pas à statuer, puisque le relogement est une obligation du bailleur, et mon intention n’est pas du tout de ralentir le processus de relogement, déjà beaucoup trop long. Mais qu’elles soient informées a posteriori des logements acceptés, de leur adresse et de la typologie des ménages concernés leur permet de suivre l’évolution du parc. Un bon bailleur, un bon maire, très attentif aux attributions, sait que la mixité sociale se joue à l’échelle de la case d’escalier. Ce n’est pas un domaine théorique qui se gère à coups de reportings annuels !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les dossiers en question ont-ils déjà fait l’objet d’un examen par la CALEOL ?

M. Stéphane Peu. Normalement, non : les relogements dans le cadre de l’ANRU ne passent pas par elle. J’insiste : il ne s’agit pas de la faire statuer, mais seulement de rendre obligatoire l’information que les bailleurs, de plus grande taille qu’auparavant et parfois plus éloignés des territoires, ne lui donnent plus systématiquement. Mon amendement n’a rien de révolutionnaire, mais apporte un peu de transparence.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Merci pour ces explications. Avis favorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Selon notre compréhension du fonctionnement actuel du système, les CALEOL sont déjà informées dans ce cas particulier du relogement dans le cadre de l’ANRU. Toutefois, au nom de la confiance qui nous lie s’agissant de l’examen du présent texte, je vais également donner un avis favorable, quitte à déposer ensuite un amendement de suppression si nous nous rendions compte d’ici à la séance que la disposition figure déjà dans un article de loi.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE155 de M. Stéphane Peu, CE320 de M. Jean-Louis Bricout et CE504 de M. Thibault Bazin et sous-amendement CE619 du rapporteur pour avis

M. Stéphane Peu. Il s’agit de l’accès au système national d’enregistrement (SNE) des demandes de logement locatif social.

M. Jean-Louis Bricout. Les dispositions actuelles concernant les personnes morales habilitées ne permettent pas aux communes qui sont réservataires de logements mais non guichets d’enregistrement d’accéder au fichier SNE, ce qui entraîne des difficultés lors de la désignation de candidats à l’attribution de logements sociaux.

Le but de notre amendement est de permettre à ces communes, ainsi qu’aux EPCI tenus de se doter d’une convention intercommunale d’attribution ou souhaitant le faire, d’accéder aux données du SNE.

M. Thibault Bazin. On ne peut pas réserver les devoirs aux maires et les droits aux EPCI ! Dans le cadre d’une politique de concertation, les maires doivent avoir accès aux fichiers du SNE, d’autant que ce sont eux qui, in fine, devront gérer les choses au niveau des services publics sur le terrain.

En outre, cela leur permettra d’identifier les besoins du territoire, de les qualifier et d’alimenter ainsi leur réflexion. Certaines politiques communales ne concernent pas le niveau intercommunal, par exemple la cohésion sociale, qui relève des centres communaux d’action sociale – même si un article du projet de loi permet aux métropoles et aux agglomérations de créer des centres intercommunaux d’action sociale.

Votre sous-amendement, monsieur le rapporteur pour avis, tend à faire entrer la disposition en vigueur un an après la promulgation de la loi. Est-ce un sous-amendement de précision ou remet-il en cause l’effectivité du dispositif que nous souhaitons ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Ce délai d’un an supplémentaire que je propose est nécessaire pour résoudre des problèmes techniques. Avis favorable aux amendements sous cette réserve.

M. Thibault Bazin. Le même genre de délai technique que celui de deux ans dont vous n’avez pas voulu à l’article 22…

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Ce n’est pas le même sujet ! Je n’ai rien contre les délais destinés à traiter des problèmes techniques, comme on l’a vu à propos du système de cotation et de gestion en flux.

M. Thibault Bazin. Une question de méthode, madame la présidente : dans la mesure où nous sommes saisis pour avis, les amendements que nous votons, sous-amendés ou non, doivent-ils ensuite être validés par la commission des lois saisie au fond ?

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Ils seront adoptés d’office : c’est le vote qui a lieu ici qui compte. Ils seront repris par la commission saisie au fond.

M. Thibault Bazin. La présidente de la commission des lois a indiqué que sa commission les examinerait également.

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Il s’agit d’un vote formel.

M. Thibault Bazin. Donc nous n’avons pas besoin de redéposer un amendement qui aurait été adopté ici ?

Mme Annaïg Le Meur, présidente. Non : il ne serait même pas retenu. Nous sommes saisis par délégation, ce qui n’est pas habituel, d’où cette procédure.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement est lui aussi favorable aux amendements sous-amendés. Le sous-amendement s’explique par la nécessité d’adapter un système national d’information géré par un groupement d’intérêt public, ce qui est assez lourd. Il serait difficile de faire entrer la mesure en vigueur dès la promulgation de la loi, que nous espérons rapide.

La commission adopte successivement le sous-amendement et les amendements ainsi sous-amendés.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CE508 de M. Thibault Bazin.

Amendement CE154 de M. Stéphane Peu

M. Stéphane Peu. J’expliquais hier comment le président Jacques Chirac avait sauvé la loi SRU en 2006, contre sa propre majorité. Mais après l’élection de Nicolas Sarkozy en 2007, Mme Christine Boutin, alors ministre du logement, a fait voter une loi qui a abaissé de 10 % les plafonds d’accès au logement social, attentant ainsi à la mixité sociale et au caractère généraliste du logement HLM.

Un Français sur deux a vécu en HLM ; en ce qui me concerne, j’y ai passé plus des trois quarts de ma vie. Nous proposons donc de revenir sur la loi Boutin en rehaussant de 10 % les plafonds de ressources en deçà desquels on peut accéder au logement HLM, pour une plus grande mixité sociale.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. Selon des chiffres certes un peu datés, 72 % des ménages sont éligibles aux logements PLS, 55 % aux PLUS et 23 % aux PLAI. Pour moi, l’enjeu est plus dans l’augmentation de l’offre que dans les plafonds de ressources.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Il y a déjà 2,2 millions de ménages demandeurs auxquels nous devons réussir à proposer une solution, ce qui implique de construire plus et de développer la mixité dans le parc existant. C’est la priorité, avant d’envisager une augmentation du plafond de ressources.

M. Stéphane Peu. A posteriori, vous donnez donc raison à Mme Boutin. C’est très dommage !

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE515 de M. Thibault Bazin et CE329 de M. Jean-Louis Bricout

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’ampleur de la vacance, loin d’affecter uniquement les bailleurs sociaux, frappe également les collectivités d’implantation des logements. En effet, plus la vacance est élevée, moins le quartier est attractif, ce qui contribue à accroître encore cette vacance en retour. De plus, c’est la rentabilité économique et sociale des infrastructures et services implantés par la collectivité qui est affectée par ce phénomène, puisque le volume de population diminue. Plus le taux de vacance est élevé, moins les fonds propres, nécessaires à l’investissement, le sont.

Nous proposons donc une expérimentation « Territoires zéro vacance » dans les zones détendues.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable, même s’il s’agit d’une expérimentation. Pour pallier la vacance, il est déjà possible dans certains territoires de déroger à certaines règles, notamment concernant les plafonds de ressources. En revanche, je ne vois pas le lien entre les problèmes de vacance et la gestion en flux ou la cotation. Par ailleurs, l’expérimentation que vous souhaitez serait ouverte à l’ensemble des zones détendues, alors que certains endroits peuvent connaître des tensions entre l’offre et la demande – c’est le problème récurrent du zonage.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, nous sommes en désaccord profond. Toute votre stratégie en matière de logement est dictée par votre obsession des zones en tension. Votre politique fiscale est orientée vers les zones A et B1. Or les endroits sans tension ne sont pas pour autant dépourvus de besoins spécifiques ; du moins, ils ont besoin d’une politique vertueuse en matière de logement. Les territoires détendus doivent aussi résoudre les problèmes de vacance et être en mesure d’adapter les règles, car celles qui peuvent se justifier en zone très tendue ne correspondent pas exactement aux besoins des zones détendues.

Les territoires sans tension connaissent paradoxalement des problèmes de mal-logement et d’accès au logement, certaines familles n’ayant pas les moyens d’habiter dans un logement de taille appropriée, et cela malgré une vacance importante. Une expérimentation ne coûte rien et pourrait nous apporter des éléments intéressants pour mener une politique permettant à tous d’accéder au logement, dans tous les territoires.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Dans certains territoires, force est de constater que les dispositifs existants ne fonctionnent pas. Il nous faut innover, peut-être en permettant une adaptation à la configuration du territoire – n’est-ce pas, d’ailleurs, le sens de ce projet de loi ? Pour y parvenir, l’expérimentation semble la solution la plus appropriée.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Sous réserve de l’avis de la ministre déléguée et même si je trouve votre rédaction trop large, j’entends vos arguments. Je suis prêt à réétudier ces amendements d’ici à la séance pour essayer de trouver une version plus précise, tout en restant expérimentale. Toutefois, à ce stade, je renouvelle ma demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis également prête à retravailler la question d’une expérimentation dans les endroits où la vacance est élevée. Je ne mettrais pas sur le même plan la cotation de la demande, qui est une mesure de transparence importante, et la gestion en flux, assez lourde à instaurer pour les bailleurs et dont on pourrait se demander si on peut les en dispenser dans les zones détendues dans le cadre de l’expérimentation.

La rédaction actuelle est trop large, mais nous pourrions réfléchir à un mécanisme plus ciblé. Je demande le retrait des amendements pour permettre ce travail.

M. Thibault Bazin. Je retire mon amendement. Une promesse nous est faite ; nous verrons d’ici à la séance si elle est tenue.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous retirons également le nôtre. Il serait bon de prévoir un moment pour y travailler ensemble.

Les amendements sont retirés.

Article 22 bis A : Exemption des logements réservés par les établissements publics de santé de la gestion en flux annuel des logements sociaux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 bis A non modifié.

Après l’article 22 bis A

Amendement CE615 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Discuté notamment avec l’AP-HP, l’amendement vise à permettre aux personnes morales, pour qu’elles puissent loger des travailleurs clés, de prendre à bail des logements intermédiaires gérés par les bailleurs sociaux afin de les sous-louer à leur personnel. Je tiens beaucoup à cet amendement, qui me paraît très utile.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable. C’est une mesure complémentaire de la priorité accordée aux travailleurs clés pour le logement social. Les plafonds de loyers n’étant pas les mêmes dans le logement intermédiaire, tous les travailleurs clés n’ont pas la possibilité de s’y loger, mais certains le peuvent, et les employeurs – pas seulement l’AP-HP – souhaitent prendre directement à bail ces logements pour les louer à leurs salariés. Cela pourrait contribuer à répondre aux besoins de logement de ces travailleurs.

M. Stéphane Peu. Je suis favorable à cet amendement par principe et je le voterai, mais avez-vous une idée du loyer du logement intermédiaire dans le périmètre de l’AP-HP, c’est-à-dire à Paris et dans une partie de la petite couronne ? Il va de 16 euros – dans des cas très rares – à 22 ou 24 euros par mètre carré. À part un médecin, qui, parmi ceux qui travaillent pour l’AP-HP, peut se loger à ce coût ? Pas une infirmière, pas une sage-femme, pas un agent administratif, encore moins un agent de nettoyage. À la maternité de l’hôpital de Saint-Denis, où j’étais la semaine dernière, les sages-femmes ayant dix à quinze ans d’ancienneté touchent 1 700 ou 1 800 euros par mois !

Les salariés de la première ligne sont donc très peu concernés par votre amendement. Si vous voulez vraiment les reloger, pourquoi ne pas appliquer le même principe aux logements PLUS, PLS ou même PLAI ?

M. Thibault Bazin. Nous soutenons nous aussi l’amendement, mais il va falloir l’articuler avec l’article 22 bis A, qui exempte de la gestion en flux des réservations de logements sociaux ceux destinés aux établissements publics de santé. Il nous faut une stratégie globale, pour savoir où l’on va. Allons-nous parvenir à proposer une solution aux professionnels de santé qui, outre leur difficulté à trouver un logement abordable, ont parfois une heure de trajet à faire avant le départ du premier métro et sont donc frappés de plein fouet par la hausse du coût de l’énergie ?

M. Charles de Courson. Tel que l’amendement est rédigé, il concerne uniquement les organismes visés à l’article L. 411‑2 du code de la construction et de l’habitation. De mémoire, il s’agit d’établissements hospitaliers ou médico-sociaux. Mais les pompiers, par exemple, ne sont pas tous encasernés, ni les militaires. Peut-on étendre le périmètre de l’amendement ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’ai évoqué l’AP-HP, parce que c’est avec elle que nous avons discuté de cette solution. Mais l’amendement concerne l’ensemble des employeurs personnes morales qui auraient la possibilité de recourir au dispositif, au-delà du seul cas des personnels soignants.

Monsieur Peu, l’AP-HP, pour reprendre cet exemple, pourra prendre à bail et sous-louer à un loyer inférieur à celui que vous évoquez ; c’est ce qu’elle fait généralement.

M. Charles de Courson. J’ai une seconde question, sur la nature des relations entre l’organisme logeur et l’employeur. Le texte prévoit que celui-ci répercute le loyer, mais est-ce à l’euro près ? Peut-il l’abaisser, voire l’augmenter ? Il ne va tout de même pas réaliser un bénéfice dans cette affaire ! Et que se passerait-il si l’on découvrait que, sur dix logements loués, seuls six ou sept sont sous-loués ? Certes, l’organisme logeur serait payé, mais, en zone tendue, ce ne serait pas une bonne chose. Il s’agit d’une expérimentation, certes, mais elle devrait permettre de tester tous ces éléments.

M. Fabien Di Filippo. Pour moi aussi, cet amendement soulève des questions, s’agissant d’abord des revenus des personnes concernées. Dès lors qu’il y a sous-location par l’employeur, cela induit un avantage en nature : comment allez-vous le traiter fiscalement ? Ensuite, en sortant les logements intermédiaires du marché, on accentue encore le phénomène de tension dans les zones déjà tendues, ce qui va empêcher de se loger toute une autre catégorie de la population. Le remède n’est-il pas pire que le mal ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Monsieur Peu, je l’ai dit, cette mesure est complémentaire de l’effort à fournir s’agissant du logement social ; je n’ai jamais prétendu que le logement intermédiaire remplaçait le logement social et j’ai indiqué d’emblée que le dispositif ne pouvait s’adresser à la totalité des salariés de première ligne. Toutefois, avec deux salaires, un loyer intermédiaire en Île-de-France, de 17 à 20 euros par mètre carré ou un peu plus, peut être intéressant dans certains cas.

Monsieur de Courson, dire que les conditions de loyer prévues au 3° de l’article L. 302‑16 du code de la construction et de l’habitation sont applicables aux contrats de sous-location signifie que les loyers sont plafonnés, à un niveau fixé par la loi et par décret. Il n’est donc juridiquement pas possible qu’un preneur à bail décide de relouer le logement au prix du marché pour faire un bénéfice. Au contraire, on imagine que le preneur à bail pourrait lui-même assumer une partie du loyer et sous-louer à des tarifs inférieurs. Dans le modèle du logement intermédiaire, une part de l’effort est fournie directement par l’employeur, public ou privé, ce qui lui permet d’accéder à de nouveaux logements dont le prix de base correspond au loyer intermédiaire.

Il ne s’agit alors pas d’un avantage en nature : le droit fiscal et social valant pour tout effort de l’employeur s’applique.

M. Thibault Bazin. Je me joins à M. Fabien Di Filippo : il faudrait étudier l’impact de l’amendement en matière fiscale, car, vu les différentiels de loyer, l’avantage en nature peut être très substantiel.

Par ailleurs, ceux qui ont investi dans les logements intermédiaires doivent fournir le nom et le prénom des bénéficiaires pour permettre les contrôles. Si un tiers intervient, il faut s’assurer que les informations soient transmises, car la loi oblige à indiquer ces éléments chaque année. Les établissements qui auront sous-loué vont avoir une sacrée responsabilité et il ne faudrait pas que les investisseurs se trouvent pénalisés parce que les tiers ne font pas leur travail.

M. Stéphane Peu. J’entends l’argumentation de la ministre déléguée, et je voterai l’amendement. Mais ce qu’il permet de faire en matière de logement intermédiaire, nous pourrions le faire pour le PLS et le PLUS, voire le PLAI. Cela permettrait à l’AP-HP de proposer à l’ensemble des catégories sociales de l’hôpital une offre de logements pris à bail. Pourquoi réserver ce principe aux logements intermédiaires, dont les loyers sont très élevés pour l’immense majorité des salariés de l’AP-HP ?

La commission adopte l’amendement.

Article 22 bis B : Ouverture de la possibilité de changer le statut ou l’usage de logements locatifs sociaux faisant l’objet d’une opération de renouvellement urbain et suppression du droit au maintien dans le logement

Amendements de suppression CE164 de M. Stéphane Peu et CE364 de Mme Bénédicte Taurine

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Défavorable. Il s’agit de l’un des sujets qui, malheureusement, m’opposent à M. Stéphane Peu. On ne peut vraiment pas parler de « privatisation du logement social » avec cet article.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’article 22 bis B, introduit au Sénat, permet de renforcer les outils favorisant la mixité sociale et fonctionnelle au sein du patrimoine social dans le cadre des projets ANRU. Le Gouvernement y est favorable.

M. Stéphane Peu. C’est un amendement pour les marchands de sommeil ! Vendre en bloc à des personnes morales du logement social, c’est créer des copropriétés dégradées. Vous avez peut-être eu vent de la décision du préfet de vider une tour en une semaine à Épinay-sur-Seine ? En Seine-Saint-Denis, à Clichy-sous-Bois, à Montfermeil, sans parler de La Grande Borne, Grigny et autres, d’immenses problèmes urbains et sociaux surviennent dans des copropriétés dégradées – c’est pareil à Marseille et dans des tas d’endroits.

Autoriser que l’on vende du logement HLM à ses occupants s’ils le souhaitent et s’ils en ont les moyens, très bien. Mais le vendre en bloc à des personnes morales, c’est mettre le ver dans le fruit. Je vous mets au défi de dire le contraire. Allez voir partout où les logements sociaux ont été vendus de cette manière : lorsqu’Icade a vendu 45 000 logements en Île-de-France, une personne morale achetait en bloc un immeuble de 100 ou 150 logements, puis divisait le lot, attirant tous les « marlous » habitués à acheter dans les salles de vente ou les tribunaux. Ce sont aujourd’hui des copropriétés dégradées.

Il est incompréhensible que le Sénat ait introduit un amendement qui permette de vendre en bloc des logements HLM. C’est un amendement « marchands de sommeil », il n’y a pas d’autre mot.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Les risques que pointe Stéphane Peu sont réels. L’idée est que les ventes en bloc soient réalisées de la manière la plus encadrée possible, avec l’avis à la fois de l’ANRU et du maire. Ces conditions sont rassurantes et permettent d’éviter le rachat par des marchands de sommeil.

M. Stéphane Peu. Les marchands de sommeil, ce n’est pas comme le Port-Salut, ce n’est pas écrit dessus !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. C’est vrai, mais les avis de l’ANRU et du maire sont des garde-fous importants.

Par ailleurs, mon amendement CE621 proposera d’introduire plusieurs modifications. D’abord, la vente et le changement d’usage ne pourront concerner que des ensembles de plus de cinq logements. Ensuite, les communes déficitaires en logements sociaux seront exclues du dispositif. Enfin, les modalités de fin de convention APL des logements concernés seront explicitées.

Je renouvelle mon avis défavorable à l’amendement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le dispositif est bien encadré par des conventions pluriannuelles de renouvellement urbain : les ventes ne se feront donc pas en dehors d’un cadre strict. Une des premières utilisations concernera les tours Aillaud, à Nanterre, et je ne crois pas que Patrick Jarry soit animé de l’intention de favoriser les marchands de sommeil sur son territoire.

La commission rejette les amendements.

Elle adopte l’amendement CE621 du rapporteur pour avis, émettant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 22 bis B ainsi rédigé.

Article 22 bis : Réunion dématérialisée des commissions d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (CALEOL)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 22 bis non modifié.

Après l’article 22 bis

Amendement CE517 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement a pour objet de préciser le rôle de la commission d’attribution et d’examen de l’occupation des logements, qui est plus limité en cas de démolition car l’obligation de relogement s’impose aux bailleurs, quelle que soit la situation du ménage en place. Il s’agit de préciser que la commission est informée des relogements effectués en application des articles L. 442-6 et L. 353-15 du code de la construction et de l’habitation, « après transmission par le bailleur des éléments détaillant la situation familiale et financière des ménages occupants ainsi que de l’offre de relogement ayant fait l’objet d’une acceptation ».

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous avons accepté un amendement de Stéphane Peu qui reprend exactement cette formulation. Je vous invite à retirer le vôtre.

M. Thibault Bazin. Mea culpa. Je me réjouis que l’amendement de mon collègue ait été adopté.

L’amendement est retiré.

Article 22 ter : Ajout au contingent communal d’attribution de logements sociaux du reste des logements non réservés

Amendements de suppression CE595 du rapporteur pour avis, CE165 de M. Stéphane Peu et CE233 de M. Damien Adam.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer l’article 22 ter, ajouté par le Sénat, qui prévoit de reverser au contingent communal le reste des logements non réservés ou non attribués aux candidats des réservataires.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 ter.

Article 22 quater : Attribution des logements sociaux dans les résidences fragiles

Amendements de suppression CE596 du rapporteur pour avis, CE166 de M. Stéphane Peu, CE234 de M. Nicolas Démoulin et CE365 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Dans le droit-fil de notre discussion sur la limite de construction des logements financés par PLAI dans des zones comprenant déjà beaucoup de logements sociaux, ou dans les résidences identifiées comme fragiles, nous proposons de supprimer l’article du Sénat qui prévoit une attribution prioritaire des logements sociaux dans les résidences fragiles aux ménages renforçant la mixité, et le refus des candidatures les plus fragiles. La convention intercommunale d’attribution est l’outil majeur qui permet de satisfaire aux objectifs de l’article. Mais M. Thibault Bazin nous précisera peut-être les attentes du Sénat…

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable. L’article 22 quater pose un certain nombre de difficultés. D’abord, je ne comprends pas bien le sens de la nouvelle catégorie de ménages prioritaires, les « ménages permettant un équilibre en matière de mixité sociale ».

Ensuite, le 3° de l’article autorise un refus d’attribution de logement social à un ménage qui « [accentue] cette fragilité ». Ces notions étant assez peu définies, elles sont une source importante d’arbitraire. Au regard de la tension sur le logement social, elles pourraient priver des catégories de population particulièrement fragiles de l’accès au parc social.

Enfin, comme M. le rapporteur pour avis, j’estime que les conférences intercommunales du logement et les conventions intercommunales d’attribution sont les bons outils pour définir la politique d’attribution à l’échelle d’un EPCI.

M. Thibault Bazin. Monsieur le rapporteur pour avis, je ne suis pas le porte-parole des sénateurs. En commission mixte paritaire, j’ai toujours voté contre, chacun le sait. Le texte dont nous discutons est celui du Sénat, réagissant au projet de loi initial du Gouvernement. Nous mettons sur la table des sujets dont on nous a dit qu’ils ne pouvaient pas figurer dans la loi ELAN, ni dans la loi « séparatisme », et qu’il fallait les renvoyer au projet de loi « 3DS ». Nous partons donc un peu dans tous les sens, sans avoir de débat précis. N’ayons pas peur d’avoir des désaccords politiques : c’est normal. Qu’il y ait une gauche et une droite est plutôt sain dans un débat démocratique, sinon on ne discute de rien.

Vous nous parlez de la CIA. Nous défendons plutôt une politique du peuplement, avec un souci de la mixité. Dans certains immeubles, beaucoup de personnes sont en difficulté, dont de nombreuses familles monoparentales. Nous en avions débattu lors de la loi ELAN : tout concourt à sélectionner une énième famille monoparentale, mais une personne qui ne satisfait pas les critères prioritaires, tout en répondant à certaines conditions qu’il faut encadrer, pourrait avoir un effet bénéfique et stabilisateur pour l’immeuble.

La proposition n’est peut-être pas parfaite, j’en conviens, mais il faut parler de cette nécessité de piliers stabilisateurs dans les immeubles. Au-delà des trucs technos que nous écrivons, il faut savoir comment vivent les quartiers et les immeubles. Comment faire en sorte d’avoir une vraie mixité ? Aujourd’hui, il faut le dire, cela ne fonctionne pas : on a de moins en moins de mixité et de plus en plus de personnes en difficulté. Nous avons là une proposition pour intégrer des ménages qui, sans être fortunés, sont un peu plus aisés : en dérogeant à des règles, on apporte un plus en qualité d’usage. La question mérite d’être posée.

M. Stéphane Peu. Le problème, avec les amendements du Sénat, est qu’ils disent partout qu’il ne faut pas de gens modestes, mais nulle part où ces derniers pourraient être acceptés. Pire, ils détricotent la loi SRU et veulent diminuer ou affaiblir les contraintes. Notre pays a vu le nombre de gens vivant sous le seuil de pauvreté augmenter de 1 million. Ils représentent 15 % de la population française : soit on regarde cette réalité en face, on s’y attaque, on s’intéresse à ces gens, on essaie de trouver des solutions, soit on les efface de la réalité nationale. Certains pensent peut-être qu’ils votent tellement peu que cela ne vaut pas le coup de s’en occuper. Mais quand on est un républicain, ce n’est pas ainsi que l’on réfléchit. Cette façon de faire est choquante.

À l’inverse, dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville, il est possible d’attribuer des logements à des personnes dont les revenus sont 30 % au-dessus des plafonds de ressources. Où en est-on en la matière ? Dans ma circonscription, composée à 97 % de QPV, je suis obligé d’écrire aux bailleurs pour leur rappeler les termes de la loi, qu’ils ignorent, ou pour certains feignent d’ignorer, afin de reloger des foyers source de mixité sociale, qui sont 10, 15 ou 20 % au-dessus des plafonds de ressources et qui souhaitent rester dans leur quartier.

Je n’aime pas trop demander des rapports, mais il serait intéressant d’en demander aux bailleurs pour ce qui concerne les attributions dans les QPV à des personnes dépassant les plafonds de ressources dans les conditions fixées par la loi.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Monsieur Bazin, excusez ma taquinerie amicale, mais il y a tout de même des similitudes entre les idées que vous défendez et celles de vos collègues sénateurs… Les divergences portent surtout sur les outils.

Tel qu’il est proposé par le Sénat, l’article ne répond pas du tout à l’objectif que vous affichez. Si l’amendement de suppression est soutenu par autant de groupes, c’est bien que nous partageons le même but. Le rôle de la CIA est précisément de définir des objectifs d’attribution, par secteur géographique et en tenant compte des capacités d’accueil et des conditions d’occupation des immeubles. Vous dites que cela ne fonctionne pas : forcément, puisqu’un quart seulement des intercommunalités se sont lancées dans les CIL et les CIA. Plutôt que de le regretter, aidez-nous à faire en sorte d’accélérer le déploiement de ces outils : c’est ainsi qu’on parviendra à une meilleure mixité sociale partout dans le territoire.

La commission adopte les amendements, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 22 quater.

En conséquence, tous les autres amendements portant sur l’article tombent.

Article 23 : Prolongation de l’expérimentation relative à l’encadrement des loyers dans le cadre fixé par l’article 140 de la loi ELAN

Amendements CE341 de M. Vincent Bru et amendements identiques CE616 du rapporteur pour avis, CE236 de M. Richard Lioger, CE268 de M. Antoine Herth et CE464 de Mme Florence Lasserre (discussion commune)

M. Vincent Bru. L’amendement CE341 a été rédigé à la suite d’échanges avec des agents territoriaux. Il visait à élargir la liste des EPCI qui peuvent prendre part à l’expérimentation relative à l’encadrement des loyers prévue par l’article 140 de la loi ELAN – les communautés de communes, notamment – en réouvrant jusqu’au 24 novembre 2022 le délai imparti pour déposer une candidature – qui est clos depuis le 24 novembre 2020. Il s’agit de permettre à de nouveaux EPCI de présenter leur demande et à ceux qui ont été refusés de faire à nouveau acte de candidature.

Je le retire au bénéfice de l’amendement suivant du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement CE616 prolonge le délai initialement fixé dans la loi ELAN. L’idée est de donner la possibilité aux collectivités qui le souhaitent de prendre part à l’expérimentation.

M. Richard Lioger. Lors de l’examen du projet de loi ELAN, le blocage des loyers avait donné lieu à de nombreuses discussions et nous l’avions envisagé avec prudence. Nous avons auditionné pour le présent projet de loi les représentants de mairies, de Lille notamment, qui sont également prudents devant les retours d’expérience. Il est important d’ouvrir à d’autres mairies la possibilité de procéder à des blocages de loyer dans les zones tendues.

M. Antoine Hertz. Je partage les mêmes arguments que mes collègues ont développés et je soutiens leurs amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. J’aurais demandé le retrait de l’amendement CE 341 s’il ne l’était déjà, car je suis favorable aux amendements identiques. Avec le recul que nous avons à présent, il est intéressant de permettre à davantage d’EPCI de se porter candidats, ou de renouveler leur candidature s’ils n’ont pas été éligibles. Le ministère a récemment validé les candidatures de Montpellier, Lyon et d’une partie de la métropole de Bordeaux. D’autres, qui n’ont pas pu être validées, seront retravaillées. La réouverture du délai pour deux ans a donc beaucoup de sens.

L’amendement CE341 est retiré.

La commission adopte les amendements identiques CE616, CE464, CE268 et CE236.

Puis elle examine l’amendement CE342 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. L’expérimentation prévue à l’article 140 de la loi ELAN fixe quatre conditions, notamment sur le niveau des loyers et la production de logements. L’une d’entre elles n’est pas satisfaite au Pays basque, puisque la production de logements y est élevée. Pourtant, le prix des loyers y augmente considérablement. En 2019, selon l’observatoire local des loyers, il varie dans les zones tendues de 9,90 euros par mètre carré à 11,70 euros dans les grandes métropoles. Plus on crée de logements, plus les loyers augmentent car ces logements sont principalement utilisés comme résidences secondaires ou meublés saisonniers de tourisme.

Nous demandons une adaptation de la législation, afin de maîtriser le coût des loyers.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable ou demande de retrait. Nous avions travaillé dans la loi ELAN sur les conditions d’encadrement des loyers. Un décret en a précisé les critères, notamment en matière de tension dans la demande de logement social, ou d’écart de loyer entre logement social et libre. Par ailleurs, le ministère du logement instruit au cas par cas chaque demande faite par une collectivité avant d’accorder ou non l’expérimentation.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je vous demande de retirer votre amendement, car l’objectif que vous poursuivez par le biais de cet amendement peut être satisfait à législation constante. Le texte tel qu’il a été proposé par le Gouvernement et voté par le Sénat prévoit que l’expérimentation en cours sera prolongée de deux ans. Vous venez de plus de voter l’entrée de nouveaux EPCI dans l’expérimentation. Du reste, à ma connaissance, la communauté d’agglomération du Pays basque n’a encore jamais présenté de candidature.

Quant au critère de la vitalité de la construction, on ne l’évalue jamais indépendamment de la tension sur le marché et de l’augmentation des prix. Dans la métropole de Bordeaux, même si la construction de logements est soutenue, la tension est telle qu’il a été jugé que l’encadrement des loyers correspond aux critères légaux. C’est pourquoi le ministère a donné un avis favorable à l’entrée dans l’encadrement des loyers. L’analyse du volume de constructions n’est donc pas un facteur bloquant selon les critères législatifs existants.

La position du Gouvernement est de rallonger l’expérimentation de deux ans, de rouvrir une fenêtre de candidature, mais pas de modifier l’équilibre des critères.

M. Vincent Bru. J’entends ces arguments mais je maintiens l’amendement car il est soutenu par la communauté d’agglomération du Pays basque, qui compte 158 communes.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Elle pourra présenter sa candidature.

La commission rejette l’amendement CE342.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements CE170 et CE169 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine l’amendement CE346 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Lors de la conclusion du contrat de bail, les parties fixent librement le loyer de base des logements mis en location, dans la limite du loyer de référence majoré en vigueur à la date de signature du contrat. Une action en diminution de loyer peut toutefois être engagée, si ce loyer de base est supérieur. L’amendement précise que l’action doit être intentée dans un délai de trois mois à compter de la signature du bail, afin d’assurer une cohérence avec les dispositions relatives au complément de loyer.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable. Votre amendement, qui a pour objectif de préciser la procédure, conduit aussi à fixer un délai de trois mois au locataire pour intenter une action, ce qui réduit ses droits.

L’amendement CE346 est retiré.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE173 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine l’amendement CE345 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Puisque l’article 140 de la loi ELAN encadre les loyers, il parait logique d’encadrer également le complément de loyer, en le plafonnant à 30 % du loyer de base applicable. Il ne serait pas cohérent de tolérer des compléments de loyer excessifs par rapport aux loyers de base.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous ne souhaitons pas faire évoluer les règles concernant l’encadrement des loyers. Le dispositif est bien cadré, tant pour la sélection des collectivités concernées, que pour les règles applicables en droit. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Demande de retrait ou avis défavorable, pour les mêmes raisons : nous ne voulons pas modifier les règles en cours d’expérimentation.

L’amendement CE345 est retiré.

Puis la commission examine l’amendement CE5 de Mme Stéphanie Do.

Mme Stéphanie Do. Certaines dispositions de la loi ELAN doivent être précisées car elles peuvent donner lieu à des interprétations abusives, au détriment des locataires. C’est le cas de la notion de complément de loyer, dont l’interprétation extensive par certains propriétaires donne lieu à de nombreux litiges depuis la promulgation de la loi du 23 novembre 2018 – ce qui constitue une source d’encombrement inutile pour des tribunaux déjà largement surchargés.

L’amendement précise la notion de complément de loyer, d’abord en plafonnant son application dans la même mesure que la majoration légale du loyer de référence, et en rationalisant cette demande de complément par l’ajout de références concrètes en annexe au contrat de bail.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis, pour les mêmes raisons : il ne faut pas modifier en cours d’expérimentation les règles qui s’appliquent.

Mme Stéphanie Do. Ce ne sont pourtant pas les mêmes précisions que l’amendement précédent.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Concernant les niveaux de sanction pour mauvaise application ou non-application de l’encadrement des loyers par les propriétaires bailleurs ou les plafonnements du complément de loyer, nous avons débuté l’expérimentation prévue par la loi ELAN à Paris, puis à Lille. Des agréments ont été donnés à plusieurs autres communes de la région parisienne, à Lyon, à Villeurbanne et à Montpellier. Nous préférons stabiliser les règles et conditions du dispositif jusqu’au moment d’évaluer les résultats de l’expérimentation, qui aura lieu dans un grand nombre de villes en France. Nous saurons alors s’il est nécessaire de plafonner le complément de loyer. Les locataires ont toujours la possibilité d’intenter une action en diminution du loyer lorsqu’ils estiment que la loi n’est pas respectée.

L’amendement CE5 est retiré.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE177 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine l’amendement CE176 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Les logements classés F et G sont des logements de très mauvaise qualité, pouvant être qualifiés d’indécents. L’amendement fixe le loyer des premiers au loyer médian et celui des seconds au loyer de référence minoré, tout en interdisant tout complément de loyer– ce qui est la moindre des choses.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La loi « climat et résilience », adoptée cet été, prévoit plusieurs étapes pour contraindre les propriétaires louant des passoires énergétiques : un plafonnement des loyers à partir de 2022 ; puis une interdiction de la mise en location des logements classés G, F et E respectivement en 2025, 2028 et 2034. L’amendement semble donc satisfait. Demande de retrait.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Nous avons en effet eu tous ces débats dans le cadre de l’examen de la loi « climat et résilience ». Elle empêche dès 2023 l’augmentation des loyers lors d’une relocation, et surtout annonce l’interdiction de mise en location. Cette mesure contraignante implique un plan d’accompagnement des bailleurs, afin qu’ils puissent réaliser les travaux dans les temps. Il ne faut pas de la modifier à travers l’expérimentation d’encadrement des loyers. Nous nous en tenons donc à la loi « climat et résilience ». Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE176.

Puis elle examine l’amendement CE343 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. Le dispositif expérimental de la loi ELAN crée une distorsion entre les parties selon que, lors de sa conclusion, le contrat mentionne ou non le loyer de référence et le loyer de référence majoré. Si cette mention n’est pas portée, l’article 140 prévoit, dans son V, que le locataire ne dispose que d’un mois pour mettre en demeure le bailleur de porter cette information au bail. Ce délai paraît particulièrement court : l’allonger permettrait au locataire de mettre le propriétaire en demeure de se conformer à cette exigence légale lorsque la mention est absente.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. Le dispositif proposé ne paraît pas satisfaisant du point de vue de l’exécution des contrats de location, car il allonge sensiblement le délai durant lequel la mise en demeure peut être réalisée. Il pourrait aussi être inopérant dès lors que le délai de prescription prévu pour l’action judiciaire, qui tend à diminuer le loyer, correspond à celui prévu pour la mise en demeure relative à l’inscription des mentions portées au contrat de location. L’action judiciaire pourrait être empêchée du fait d’une mise en demeure tardive.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Vincent Bru. Les arguments du rapporteur pour avis m’ont convaincu : je retire l’amendement.

L’amendement CE343 est retiré.

Puis la commission examine l’amendement CE344 de M. Vincent Bru.

M. Vincent Bru. La loi ELAN évoque les baux « renouvelés », ce qui s’entend des baux ayant fait l’objet d’un renouvellement exprès entre les parties et de ceux qui se poursuivent par tacite reconduction. Or, dans une décision du 20 mars 2014, le Conseil constitutionnel exclut les baux ayant fait l’objet d’une tacite reconduction de mesures prévues en cas de bail renouvelé. L’amendement propose d’apporter les précisions nécessaires afin d’éviter toute confusion source de contentieux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Vous soulevez un vrai sujet ! J’ai pu discuter avec le réseau des agences départementales d’information sur le logement de cette différence d’interprétation entre la Cour de cassation et le Conseil constitutionnel sur la définition du renouvellement du bail. Mais en l’état, l’amendement ne semble pas opérant pour les conventions qui sont légalement conclues. C’est pourquoi je vous suggère de le retirer afin de le retravailler d’ici à la séance. Il y a effectivement des améliorations à apporter mais la complexité juridique du sujet invite à consulter des acteurs extérieurs.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Nous verrons si nous pouvons aboutir à une rédaction satisfaisante d’ici à la séance.

M. Charles de Courson. L’exposé des motifs le rappelle, la décision du Conseil constitutionnel indique que les baux ayant fait l’objet d’une reconduction tacite sont exclus. Dès lors, la question de la compatibilité de l’amendement même avec la décision se pose.

Par ailleurs, selon une étude, 80 % des nouveaux baux signés à Paris ne respectent pas le plafonnement. Il y a de quoi se demander si nous avons bien légiféré !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Pour ce qui est de la reconduction tacite, la réponse est clairement non. Quant au respect de l’encadrement des loyers, le chiffre de 80 % me semble très élevé. Il faut aussi distinguer le parc intermédié par des professionnels du parc de location géré de particulier à particulier, où le respect est moindre. Nous préciserons ce chiffre en séance.

M. Vincent Bru. Je retire l’amendement en vue de l’améliorer d’ici à la séance.

M. Richard Lioger. Lors de son audition, l’adjoint au maire de Paris a bien expliqué que la difficulté résidait dans le contrôle : il faudrait augmenter le nombre de fonctionnaires, comme cela a été fait pour vérifier les locations de type Airbnb. À chaque fois que l’on crée un dispositif de cette nature, des contrôles sont nécessaires, qui reposent presque essentiellement sur les communes.

L’amendement CE344 est retiré.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette successivement les amendements CE178 et CE171 de M. Stéphane Peu.

Puis elle examine l’amendement CE367 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Bénédicte Taurine. Nous proposons d’augmenter les sanctions contre les propriétaires qui ne respectent pas l’encadrement des loyers, au bénéfice des locataires lésés. L’objectif est à la fois de dissuader les propriétaires de ne pas respecter la loi et d’inciter les locataires à effectuer des signalements, afin de rendre l’encadrement des loyers effectif là où il est mis en place.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Après un temps d’installation, la procédure, précontentieuse et contentieuse, fonctionne plutôt bien – il y a eu 260 saisines dont l’issue a été favorable au locataire. L’amendement alourdit la procédure et propose une sanction financière qui s’affranchit des principes de proportionnalité et d’individualisation. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE367.

Puis elle examine les amendements CE366 de Mme Bénédicte Taurine et CE 172 de M. Stéphane Peu (discussion commune).

Mme Bénédicte Taurine. L’amendement CE366 vise à renforcer la probabilité d’être sanctionné et le niveau des sanctions en cas d’infraction à l’encadrement des loyers. Il oblige le préfet qui observe le non-respect de l’encadrement des loyers à mettre en demeure le propriétaire et à le sanctionner, ce qui n’est pour l’instant qu’une possibilité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Demande de retrait ou avis défavorable. On pourrait augmenter le montant maximal des amendes données par le préfet, qui est de 5 000 euros. Mais dans les faits, elles n’excèdent pas 2 000 euros – si bien que les propriétaires bailleurs qui ne respectent pas l’encadrement des loyers gagnent parfois davantage que le montant de l’amende. Le législateur signale aux préfets qu’il souhaite que les pénalités atteignent parfois le plafond fixé. Une fois que nous aurons plus de recul sur l’expérimentation, nous reverrons peut-être le niveau des amendes. La balle est dans le camp des préfets.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Richard Lioger. L’encadrement des loyers a été demandé, à juste titre, par certaines villes abritant des zones extrêmement tendues, dont Paris. Une fois décidé, se pose la question des contrôles et du niveau des amendes : en un an, un propriétaire à Paris a largement récupéré le montant de la sanction si celle-ci est de 2 000 euros. C’est un vrai problème, à propos duquel il faudra tirer les leçons de l’expérimentation. Il est vrai que cela peut paraître décevant par rapport à l’idée initiale.

La commission rejette successivement les amendements CE 366 et CE 172.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 23 ainsi modifié.

Après l’article 23

La commission examine les amendements identiques CE 53 de Mme Sylvia Pinel et CE 167 de M. Stéphane Peu.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de permettre aux bailleurs sociaux de moduler les hausses de loyers.

Suivant les avis favorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission adopte les amendements CE53 et CE167.

Puis la commission examine les amendements identiques CE44 de Mme Sylvia Pinel et CE159 de M. Stéphane Peu.

Mme Sylvia Pinel. Il vise à permettre la colocation à une association ou à une personne morale en vue de la sous-location à une personne physique.

Suivant les avis favorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission adopte les amendements CE44 et CE159.

Puis elle examine les amendements identiques CE45 de Mme Sylvia Pinel, CE160 de M. Stéphane Peu et CE511 de M. Thibault Bazin.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit d’ouvrir aux codemandeurs la possibilité d’opter entre le statut de colocataire et celui de cotitulaire.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Thibault Bazin. C’est dommage car une telle précision va dans le bon sens. Elle vise à réserver la colocation aux demandeurs qui le souhaitent et à laisser aux codemandeurs le choix entre les deux statuts. J’espère que nous saurons vous convaincre d’ici à la séance.

La commission rejette les amendements CE45, CE160 et CE511.

Puis elle examine les amendements identiques CE46 de Mme Sylvia Pinel, CE161 de M. Stéphane Peu et CE512 de M. Thibault Bazin.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de prévoir la possibilité de réviser le montant du forfait charges que le bailleur peut décider d’appliquer en cas de colocation, dans les mêmes conditions que le loyer principal, comme c’est le cas pour la colocation dans le parc privé.

M. Thibault Bazin. Cela me fait plaisir de constater que nous nous retrouvons tous autour des mêmes amendements.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable car une telle possibilité n’existe pas dans le parc social. Avec ces amendements, le forfait charges pourrait être révisé chaque année en fonction de l’indice de référence des loyers (IRL), alors que celui-ci est découplé des charges et de leur évolution réelle. En fin de compte, cela pourrait nuire au pouvoir d’achat des locataires.

M. Thibault Bazin. Je comprends que vous nous rappeliez ce qui existe. Mais nous profitons de l’examen de ce texte pour relayer des attentes car nous avons ressenti un besoin d’adaptation. La colocation permettrait à des ménages actifs, dont certains appartiennent à des catégories de travailleurs « essentiels », d’accéder à un logement plus rapidement. Il faut que les charges puissent évoluer. C’est plutôt une mesure de bon sens !

La commission rejette les amendements CE46, CE161 et CE512.

Puis elle examine les amendements identiques CE93 de Mme Sylvia Pinel et CE174 de M. Stéphane Peu.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de plafonner les loyers des logements indécents en dessous des prix du marché.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette les amendements CE93 et CE174.

Article 24 Prolongation des délais de mise en conformité des règlements de copropriété à propos de la consistance des lots transitoires et de la mention des parties communes spéciales ou à jouissance privative

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 24 non modifié.

Article 25 Harmonisation des régimes de délégation de compétences de l’État entre les EPCI et les métropoles en matière de politique de logement et d’hébergement

La commission examine l’amendement CE180 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Il vise à supprimer l’article 25 car nous estimons qu’il n’est pas du tout souhaitable d’encourager les délégations de compétences en matière de logement au profit des métropoles.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 25 se borne à préciser des dispositions relatives aux transferts de compétences que l’État peut consentir. La suppression de cet article ne remettrait d’ailleurs pas en cause les transferts de compétences réalisés ou à venir. Du reste, la responsabilité de l’État demeure entière dans un régime de conventionnement. Nous avons donc un désaccord de fond sur cette question. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. L’article 25 ne renforce pas les délégations : il ne fait qu’harmoniser les procédures applicables aux métropoles avec celles applicables aux autres établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

M. Stéphane Peu. Cela concerne principalement Paris et Marseille. À Paris, la métropole est paralysée : il est temps de tirer des conclusions sur son incapacité à se mettre d’accord sur un programme métropolitain de l’habitat. Et je ne vous parle même pas de Marseille ! L’État doit rester le garant, en œuvrant avec les collectivités au plus près des territoires.

La commission rejette l’amendement CE180.

Puis elle examine l’amendement CE179 de M. Stéphane Peu.

M. Stéphane Peu. Défendu.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cet amendement est satisfait car il vise à rappeler que les compétences délégables sont exercées au nom de l’État, ce qui est déjà le cas. Avis défavorable donc !

La commission rejette l’amendement CE179.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 non modifié.

Après l’article 25

La commission examine l’amendement CE23 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de prévoir qu’à Paris, à Lyon et à Marseille, la convention de délégation de compétences conclue entre l’État et les EPCI concernés précise qu’une part de la production de logements locatifs sociaux est prioritairement orientée vers les arrondissements disposant de moins de 15 % de logements sociaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable car les arrondissements n’ont pas de personnalité juridique. Inscrire un tel objectif dans la loi ne me paraît pas possible dès lors qu’on ne peut pas leur appliquer de sanctions – même si nous partageons l’objectif de fond.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis défavorable. En revanche, on pourrait envisager que le contrat de mixité sociale dans les métropoles s’intéresse à la situation de chaque arrondissement, et pas seulement à celle de la métropole.

La commission rejette l’amendement CE23.

Puis elle examine les amendements CE101 de Mme Sylvia Pinel et CE183 de M. Stéphane Peu (discussion commune).

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de créer un critère permettant aux personnes à mobilité réduite et occupant un logement non adapté d’être reconnues au titre du droit au logement opposable (DALO).

M. Stéphane Peu. Il s’agit de faire correspondre les critères de priorité du logement social avec ceux du DALO. Ce serait beaucoup plus efficace pour l’attribution de logements aux personnes en situation de handicap, à mobilité réduite, qui sont à l’évidence prioritaires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La possibilité de saisir sans délai la commission de médiation n’aboutit pas nécessairement à la reconnaissance d’un intérêt à agir sur le fondement du DALO. Par ailleurs, une telle disposition aurait des conséquences que l’on ne sait pas bien mesurer, d’autant qu’on peut qualifier de personne à mobilité réduite toute personne gênée dans ses mouvements et ses déplacements de manière provisoire ou permanente, que cela soit en raison de sa taille, de son état, de son âge, de son handicap permanent ou temporaire. Ces notions sont trop vastes. Avis défavorable aux deux amendements.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. La procédure DALO donne un accès prioritaire au parc social mais ne garantit pas d’obtenir un logement adapté. Ces deux procédures ne se correspondent pas bien.

M. Thibault Bazin. Nous rencontrons parfois dans nos permanences des personnes vivant dans un logement qui n’est pas adapté à leur situation. Il est difficile de leur attribuer prioritairement un logement. La question de la priorité donnée au handicap doit être traitée, peut-être pas par ce biais. Cela fait beaucoup de sujets à traiter dans le champ du logement, Madame la ministre ! Il vous reste quelques mois…

La commission rejette successivement les amendements CE 101 et CE 183.

Suivant les avis défavorables du rapporteur pour avis et du Gouvernement, la commission rejette l’amendement CE182 de M. Stéphane Peu.

Article 25 bis A : Reconnaissance aux collectivités et à leurs groupements du statut d’autorités organisatrices de l’habitat

La commission examine l’amendement CE618 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 25 bis A adopté au Sénat accorde le statut d’autorité organisatrice de l’habitat (AOH) aux intercommunalités. C’était un engagement pris par le Premier ministre devant le congrès des Intercommunalités de France. Je laisse donc à la ministre le soin de préciser ce que cela recouvre.

Ce statut me paraît intéressant car l’intercommunalité se situe à l’échelle des bassins de vie. De plus en plus de compétences leur sont données et on les pousse à se doter de tous les outils possibles. Accorder la qualité d’autorité organisatrice de l’habitat est une reconnaissance qui, sur le fond, ne change pas fondamentalement les choses. Mais cela permet d’assurer une certaine cohérence. Je vous propose une nouvelle rédaction de cet article.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cela fait partie des ajouts du Sénat sur lesquels le Gouvernement a un avis globalement favorable – comme quoi nous ne sommes pas systématiquement en désaccord avec le Sénat…. Un certain nombre de précisions sont toutefois nécessaires. De plus, cela ne fonctionne pas pour la totalité des compétences énumérées dans la rédaction du Sénat. Pour être reconnu autorité organisatrice de l’habitat, un EPCI doit avoir adopté une convention intercommunale d’attribution, disposer d’un programme local de l’habitat (PLH) et d’un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) exécutoires, et bénéficier des délégations d’aides à la pierre pour le parc social et le parc privé.

Nous sommes d’accord avec une partie des compétences mentionnées dans l’article adopté par le Sénat, mais pas avec certains points, en particulier la délégation de MaPrimeRénov’. En effet, celle-ci n’est pas une aide à la pierre. De plus, son attribution est gérée et instruite à l’échelon national. Elle a trouvé son public et marche bien. La délégation marquerait donc un retour en arrière.

Nous ne sommes pas non plus d’accord avec l’idée que les autorités organisatrices de l’habitat pourraient revenir sur la limite des 120 jours pour la location meublée de résidences principales. Les collectivités locales confrontées à ce sujet, avec qui nous avons longuement expertisé ce sujet, ne sont pas demandeuses d’une remise en cause de cette limite.

Pour le reste, l’amendement du rapporteur, soutenu par le Gouvernement, est plutôt une manière de préciser les compétences définies dans cet article.

Mme Sandra Marsaud. Dans l’amendement que je dois défendre juste après, mais qui va sans doute tomber, je propose d’ajouter une condition supplémentaire : l’existence d’un plan départemental de l’habitat (PDH). Ce document est intéressant pour assurer une forme de rééquilibrage et réguler différemment entre zones tendues et sous-tendues, particulièrement dans les territoires dépourvus de PLH, de schémas de cohérence territoriale (SCoT) et de PLUI. Je ne sais pas si je me suis faite comprendre mais vive les PDH !

M. Thibault Bazin. Votre amendement, Monsieur le rapporteur, diminue grandement la portée de cet article car il ne concerne plus que les EPCI, alors que le texte qui nous était soumis visait tant les collectivités que leurs groupements. Des collectivités auraient pu se regrouper afin de devenir autorité organisatrice. Sur le plan des compétences, le dispositif que vous proposez n’apporte plus grand-chose ! Je comprends que l’on sorte la question de la durée maximale de location d’un meublé de tourisme, mais il y avait bien d’autres aspects ! Le dispositif adopté par le Sénat évoquait l’attribution des aides ou l’établissement d’une convention avec l’État pour réviser les zonages liés aux dispositifs d’investissement locatif et de prêts à taux zéro. Sur ce point, on n’envisage plus qu’une concertation. L’ambition initiale était très forte ; avec votre amendement, il ne se passe plus rien ! Il serait intéressant de trouver un consensus si vous voulez aboutir à un accord en commission mixte paritaire. Mais nous en sommes encore loin...

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je m’opposerai toujours à une délégation de la compétence en matière de rénovation énergétique parce que le dispositif actuel fonctionne bien, avec MaPrimeRénov’, et qu’un nouveau service public de rénovation énergétique, baptisé France Rénov’, sera lancé à partir du 1er janvier 2022.

Le statut d’autorité organisatrice de l’habitat, sans être révolutionnaire, est utile car il permettra une montée en puissance des intercommunalités dans ce domaine. Il nous faut tout à la fois accompagner davantage les intercommunalités et nous montrer plus exigeants pour qu’elles se dotent de cet outil. Je propose ainsi que la condition de l’adoption d’un contrat de mixité sociale soit remplacée par la signature d’une convention intercommunale d’attribution – qui, vous le savez, me tient à coeur. Concernant les prérogatives nouvelles confiées à l’autorité organisatrice de l’habitat, mon amendement vise à ouvrir aux intercommunalités la possibilité d’être consultées sur les projets d’arrêtés révisant les zonages fiscaux, lesquels rendent compte du niveau de tension du logement dans un territoire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Le Gouvernement se retrouve bien dans la rédaction proposée par le rapporteur, qui reprend l’essentiel de l’article adopté par le Sénat. Même si elle procède à la réécriture de l’ensemble du dispositif, seuls deux points sont retirés : MaPrimeRénov’, dispositif national qui n’est pas une aide à la pierre, et la possibilité de moduler la durée maximale de location meublée, de type Airbnb. En réalité, les collectivités confrontées à ce phénomène souhaitent surtout disposer des outils d’enregistrement et de contrôle prévus dans la loi ELAN et pour lesquels les décrets ont tous été publiés.

Pour le reste, l’amendement vise plutôt à améliorer la rédaction. La conclusion d’une convention en matière de révision des zonages fiscaux est remplacée par une consultation. L’amendement précise qu’un EPCI ayant le statut d’AOH peut être signataire d’une convention d’utilité sociale. Enfin, concernant la distinction entre EPCI et groupement, nous n’avons pas d’objection à ce que l’on précise que les groupements peuvent également signer, à la condition qu’il y ait un EPCI avec un PLH validé. Nous pourrons éventuellement compléter la rédaction sur ce point en séance.

M. Charles de Courson. Par rapport au texte adopté au Sénat, vous supprimez le terme « collectivités », parlant uniquement des EPCI à fiscalité propre. Or un département est une collectivité, qui aurait pu souhaiter utiliser ce dispositif. Pourquoi l’excluez-vous ?

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’habitat est une compétence qui relève principalement du bloc communal et intercommunal, et non départemental.

M. Richard Lioger. Le Sénat – qui fait beaucoup de politique en opposition au Gouvernement… – rend un hommage vibrant à MaPrimeRénov’. Il faut le souligner ! Par ailleurs, l’accord avec la plateforme Airbnb est le fruit de négociations menées directement par le ministre, avec notre aide. Nous n’avions pas légiféré sur la question mais obtenu des plateformes qu’elles s’autorégulent. C’est une très bonne démarche qu’il convient de poursuivre.

La commission adopte l’amendement et l’article 25 bis A est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CE491 de Mme Sandra Marsaud et CE184 de M. Stéphane Peu tombent.

Article 25 bis Prorogation des conventions de délégation de compétences en matière de politique d’aide au logement et d’hébergement entre l’État et la Métropole du Grand Paris

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 bis non modifié.

Après l’article 25 bis

La commission examine les amendements identiques CE59 de Mme Sylvia Pinel et CE 523 de M. Thibault Bazin.

Mme Sylvia Pinel. Défendu !

M. Thibault Bazin. La simplification proposée faciliterait la vie des bailleurs en leur permettant de recevoir et de publier les informations relatives au parc HLM. Ce serait un allégement de leur travail administratif, notamment au sujet des multiples enquêtes dont ils sont déjà destinataires.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Ces amendements étant déjà satisfaits, j’en demande le retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis. Le code de la construction et de l’habitation prévoit, dans son article R. 411-4, l’accès au répertoire des logements locatifs sociaux pour les bailleurs sociaux et pour leurs fédérations.

M. Thibault Bazin. Cette demande émane justement des bailleurs sociaux : il est étonnant qu’ils demandent une simplification si celle-ci existe déjà. Pourquoi ne sont-ils pas destinataires de ces éléments ?

Mme Sylvia Pinel. C’est une demande du monde HLM : si l’amendement était satisfait, il ne reviendrait pas vers nous pour nous proposer de déposer un amendement pour clarifier ce point.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Cela n’a jamais été évoqué dans les échanges réguliers que nous avons avec le monde HLM. Nous allons donc nous rapprocher des acteurs de l’Union sociale pour l’habitat (USH) pour vérifier s’il y a un écart entre ce que nous comprenons et ce qu’ils comprennent. Nous sommes d’accord sur le fond mais nous vérifierons ce point.

M. Thibault Bazin. Madame la ministre, en témoignage de la confiance que vous avez voulu instaurer avec cette commission, je vous propose d’adopter ces amendements. S’il faut les rectifier d’ici à la séance, vous pourrez déposer un amendement – vous disposerez d’un délai plus important que nous puisqu’il peut arriver à tout moment... Nous avons, nous aussi, des relations avec le monde HLM. Il est intéressant de comparer nos échanges et de co-construire le texte.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous allons également vérifier si ce point ne peut pas se régler par voie réglementaire.

La commission rejette les amendements CE59 et CE523.

Avant l’article 26

Amendements identiques CE55 de Mme Sylvia Pinel et CE335 de M. Jean-Louis Bricout.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de compléter l’article L. 303‑2 du code de la construction et de l’habitation afin que les organismes HLM soient associés de droit à l’élaboration des conventions qui définissent le projet urbain, économique et social dans le cadre des opérations de revitalisation de territoire (ORT).

M. Jean-Louis Bricout. Je rappelle que sur les 9 600 logements produits dans le cadre du programme « Action Cœur de ville », 90 % ont été financés par Action Logement.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis car les organismes HLM peuvent déjà être signataires de la convention ORT et associés à son élaboration. Vous souhaitez qu’ils le soient obligatoirement ; cela ne concernerait qu’un seul type d’acteurs, alors que de nombreux acteurs sont concernés. L’équilibre actuel me paraît satisfaisant.

La commission rejette les amendements.

Article 26 Ouverture des opérations de revitalisation de territoire aux communes périphériques d’une intercommunalité polycentrée

La commission adopte l’article 26 non modifié.

Article 28 Extension des compétences des organismes de foncier solidaire (OFS)

Amendements identiques CE559 du rapporteur pour avis et CE237 de M. Richard Lioger.

M. Richard Lioger. La rédaction issue du Sénat autorise la vente sans condition de logements sociaux au moyen d’un bail réel solidaire (BRS) dans les communes déficitaires en logements sociaux au titre de la loi SRU – loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains. Afin de veiller à l’impact de cette disposition sur la part du parc locatif social dans les communes déficitaires en logements sociaux, le présent amendement encadre ces ventes en BRS en les soumettant à l’avis conforme du maire et du préfet.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Notre collègue ayant parfaitement défendu l’amendement, je n’ai rien à ajouter.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable car la disposition est ainsi suffisamment encadrée.

M. Thibault Bazin. Je me réjouis de la sollicitude de notre collègue Richard Lioger envers les maires. Il devrait se rapprocher de nos collègues de la commission du développement durable, qui ont supprimé l’avis des maires pour l’implantation des éoliennes : en plein congrès des maires, ce n’était vraiment pas le message à envoyer !

Le faible nombre d’amendements déposés à l’article 28 signifie que les corrections apportées par le Sénat vont dans le bon sens : cela mérite d’être souligné. Concernant l’encadrement des BRS, il faudra être attentif aux consignes que vous donnerez aux préfets de département. La dissociation, ce n’est pas si simple et cela peut avoir des effets de bord. Il serait donc intéressant d’informer la Représentation nationale de votre vision et de votre stratégie en la matière.

La commission adopte les amendements.

Amendement CE557 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous saluons la position du Sénat, qui a apporté deux améliorations majeures dans l’action des organismes de foncier solidaire (OFS) en direction des publics modestes, d’abord en rehaussant les plafonds de ressources applicables au BRS pour aider au logement des ménages intermédiaires, ensuite en étendant les compétences des OFS à des opérations portant sur des logements existants ou des locaux d’activité en rez-de-chaussée des immeubles d’habitation.

Je vous propose de revoir les niveaux des plafonds de ressources, et de préciser que la cession de logements à des ménages modestes est l’activité principale des OFS, ce qui permet de restreindre le décompte SRU aux logements destinés à ces seuls ménages. Le travail de coconstruction entre sénateurs et députés sera très utile.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE209, CE216, CE337 et CE339 tombent.

Amendement CE614 du Gouvernement.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. À la suite de l’adoption de l’amendement du rapporteur, qui autorise l’extension, à titre subsidiaire, de la compétence des OFS aux opérations portant sur le logement intermédiaire et les locaux d’activité, nous avons besoin de préciser le régime des baux en la matière. Même si les parlementaires ne sont pas friands des habilitations à légiférer par ordonnance, la définition de ce régime des baux nécessite un important travail technique, justifiant le recours à une ordonnance. À défaut, l’amendement du rapporteur sera sans effet opérationnel.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis favorable. Je remercie la ministre de tenir compte de ces objectifs et d’avoir fait au mieux pour restreindre le champ de l’ordonnance.

M. Thibault Bazin. Le texte du Sénat est connu depuis juillet. Habituellement, on demande des ordonnances pour aller vite, pas pour traiter des sujets complexes, surtout quand ils suscitent des inquiétudes. Le recours systématique aux ordonnances est la dérive de ce quinquennat, le but n’étant pas de réformer rapidement mais de priver la Représentation nationale de la possibilité de débattre et d’alerter sur les risques.

Cet amendement fait courir le risque d’une dilution des OFS. J’aurais préféré que vous amendiez les dispositions adoptées par le Sénat, afin qu’un travail technique soit mené. Je vous invite donc à retirer votre amendement car l’habilitation demandée est trop large, trop floue et nous prive d’un vrai débat.

M. Richard Lioger. Ce n’est pas seulement pour aller vite que l’on procède ainsi. S’agissant de la loi ELAN, toute la partie sur le droit des copropriétés, juridiquement complexe, a été faite par ordonnance. Il est tout à fait normal de légiférer de la sorte et de revenir ensuite devant la Représentation nationale pour ratifier l’ordonnance.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Je suis attentive à respecter les pouvoirs du Parlement, qui définit les principes. Je ne crois pas que l’on outrepasse ses pouvoirs en demandant une habilitation pour une rédaction dont la technicité est telle qu’elle nécessite de passer par une ordonnance. En l’occurrence, c’est une recommandation du Conseil d’État lui-même. Le BRS a été créé comme cela, son principe étant adopté dans la loi et ses modalités définies par ordonnance. L’amendement a un champ beaucoup plus réduit que le texte initial du Gouvernement, qui prévoyait une habilitation très large.

M. Thibault Bazin. Nous nous étions opposés au recours aux ordonnances concernant les copropriétés. Les retours du terrain montrent que certains sujets sont problématiques parce qu’il y a contradiction entre différentes lois. Les sénateurs, sont réputés pour leur sagesse – puisque vous parlez souvent de garde-fous, ce ne sont pas des fous –, et leur rédaction n’est pas complètement hors de propos. Je préférerais donc que vous mettiez à profit les quinze jours restants pour nous proposer une rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 modifié.

Après l’article 28

Amendements identiques CE58 de Mme Sylvia Pinel et CE522 de M. Thibault Bazin.

Mme Sylvia Pinel. Il s’agit de préciser que l’USH participe au comité d’études de l’Agence nationale de contrôle du logement social (ANCOLS).

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable car l’ANCOLS doit veiller au contrôle du secteur : il ne me semble pas pertinent d’associer systématiquement l’USH aux travaux de l’agence.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

M. Thibault Bazin. Quelle est votre inquiétude ? L’USH a une expertise qui peut intéresser le comité d’études de l’ANCOLS. Cela ne remettrait pas en cause son indépendance.

M. Charles de Courson. L’argument serait pertinent si l’USH participait au contrôle, mais il ne s’agit que de participer aux études. Ce n’est pas le contrôleur contrôlé !

M. Jean-Louis Bricout. Nous soutenons cet amendement car le travail d’études n’a rien à voir avec le contrôle : il intervient très amont et ce rôle d’expertise peut être très pertinent.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. L’ANCOLS est une agence indépendante qui diligente des contrôles et mène des études, parfois à partir des résultats de ses contrôles. Chacun est à sa place mais il est important de garantir par la loi l’indépendance de chaque organisme, y compris lorsqu’il réalise une étude. Si l’on prévoit que l’ANCOLS fait participer à ses travaux l’Union sociale pour l’habitat, on intervient dans sa manière de mener une étude. Je comprends votre intention de rapprocher des organismes qui agissent dans un même domaine mais nous devons laisser chacun travailler à sa place.

La commission rejette les amendements.

Article 28 bis A Exonération de l’imposition sur le revenu lors d’une plus-value sur la cession immobilière à un organisme de foncier solidaire

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 bis A non modifié.

Article 28 bis Délégation du droit de préemption à un organisme de foncier solidaire

Amendement CE609 du rapporteur pour avis. 

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit de borner la délégation du droit de préemption à l’objet principal des organismes de foncier solidaire (OFS).

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

M. Thibault Bazin. Cet amendement va dans le bon sens mais que pourraient-ils faire d’autre ? Je m’inquiète pour les ordonnances que vous entendez prendre au sujet des OFS ! Ils ne comptent tout de même pas utiliser ce droit de préemption pour construire des gymnases ou des stations d’épuration !

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La compétence des OFS a été élargie aux commerces de pied d’immeuble.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 28 bis modifié.

Article 30 Nouvelles dispositions et dérogations au profit des grandes opérations d’urbanisme

Amendement CE606 du rapporteur pour avis. 

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le projet de loi a autorisé l’extension du périmètre d’un établissement public foncier d’État (EPF) par une procédure dérogatoire simplifiée lorsqu’elle se fait dans le cadre d’une grande opération d’urbanisme (GOU). Le Sénat a souhaité mieux encadrer cette faculté. Je vous propose un amendement qui tient compte de ces évolutions. Il s’agit de pérenniser l’expérimentation issue de la loi ELAN en ce qui concerne l’octroi du permis d’aménager multi-sites dans le secteur d’intervention d’une opération de revitalisation de territoire (ORT) et d’accorder la possibilité de déroger, sur accord préalable du maire, au règlement fixé au code de l’urbanisme, la motivation de sa décision par le maire n’étant plus obligatoire.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

M. Thibault Bazin. Je suppose que cet amendement, extrêmement précis, a été écrit avec le Gouvernement ! Je me souviens de nos débats autour des grandes opérations d’urbanisme. Cela devait être la solution pour accélérer les grands projets urbains. Or, contrairement aux promesses du Gouvernement, les GOU ont été rares depuis la promulgation de la loi ELAN

Vous réécrivez l’article issu des travaux du Sénat et je m’en inquiète. Le régime, totalement dérogatoire, fait fi des bonnes pratiques, notamment en matière de concertations, le risque principal étant de voir le maire dessaisi dans le cadre des GOU. Je déduis de la rédaction de l’article que vous avez pris conscience du danger mais je me demande si vous avez des projets concrets en tête. Nous avons bien voulu voter un régime exorbitant pour les GOU, croyant que beaucoup verraient le jour. Il n’en a rien été. Qu’en est-il aujourd’hui ? Combien d’opérations se concrétiseront ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La GOU n’est pas l’alpha et l’oméga de notre politique de construction et d’aménagement. Du reste, la GOU s’accompagnait de la signature de projets partenariaux d’aménagement (PPA). Ainsi, le PPA du projet Grand Matabiau a été signé. Deux grandes opérations urbaines sont menées à Marseille et à Charenton. Celle de Marseille représente 10 000 logements et c’est grâce à la GOU qu’elle a pu être menée à bien. Sans aller jusqu’à y recourir systématiquement, la GOU est un outil utile.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 modifié.

Après l’article 30

Amendement CE6 de Mme Sylvia Pinel.

Mme Sylvia Pinel. Cet amendement tend à élargir le champ d’application des concessions d’aménagement à la redynamisation commerciale et artisanale des centres-villes afin de permettre aux collectivités de charger un opérateur d’obtenir la délégation du droit de préemption voire d’engager des procédures d’expropriation afin de faciliter la maîtrise foncière des locaux.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je vous invite à retirer votre amendement qui est satisfait depuis la création des ORT par la loi ELAN.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis mais je suis d’accord pour approfondir le sujet d’ici à la séance.

Mme Sylvia Pinel. Les opérations d’aménagement renvoient traditionnellement à la zone d’activité économique. Ma proposition concerne plutôt les commerces de centre-ville. Les acteurs locaux ne sont pas satisfaits par le dispositif actuel.

M. Richard Lioger. Je suis d’accord avec Mme Pinel.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE612 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit de sécuriser les documents d’urbanisme. Le sujet est d’autant plus urgent que le tribunal administratif de Toulouse a annulé en mai dernier le plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI-H) de Toulouse Métropole, qui regroupe trente-sept communes, restaurant ainsi les trente-sept PLU et plans d’occupation des sols (POS) existants. La situation risque de se reproduire car de nouvelles obligations ont été imposées. Nous devons rassurer les élus.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

Mme Sylvia Pinel. Comment comptez-vous sécuriser ces documents ainsi que les actes qui en découlent, et pour combien de temps ?

M. Charles de Courson. Je ne vois pas en quoi la prise de position formelle du représentant de l’État dans le département sécurisera le dispositif.

M. Thibault Bazin. Pour ma part, je ne vois pas le lien entre le texte de l’amendement et son exposé des motifs mais, de toute manière, je ne suis pas certain que votre proposition suffise à sécuriser les documents. Je suis sensible à votre témoignage car je suis bien convaincu que nos expériences doivent nourrir le débat. Vous êtes élu d’un territoire où le ruissellement fonctionne. Il a d’ailleurs servi de modèle aux travaux de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation sur la fracture entre les territoires urbains et ruraux.

Cela étant, j’aimerais que votre proposition vaille pour l’ensemble du territoire dans des situations analogues. Il arrive que des communes de taille plus modeste aient des difficultés à faire aboutir leurs projets. Le préfet pourrait-il se porter garant dans ces cas aussi ? On mesure bien les enjeux dans l’exemple que vous citez mais les conséquences peuvent être tout aussi importantes pour des collectivités plus petites. C’est une question d’équité.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Le recours au préfet vise à renforcer l’outil mais on ne pourra pas décider à la place du juge administratif. Le préfet n’est pas
au-dessus de lui. C’est par analogie avec le rescrit préfectoral introduit en 2019 dans la loi dite « Engagement et proximité » que nous vous proposons de prévoir que, dans l’élaboration du document d’urbanisme, la collectivité pourra, au cours du montage du projet de PLUI-H ou lors de sa modification, demander au préfet de prendre formellement position sur le diagnostic et les projections en matière de consommation foncière.

M. Charles de Courson. Quand bien même le préfet jugerait réaliste l’estimation de consommation foncière, le juge administratif ne serait pas tenu de le suivre. D’ailleurs, l’affaire de Toulouse en témoigne puisque le préfet et ses services ont sans doute été associés à l’élaboration du PLUI. Qu’en avaient-ils pensé ?

M. Thibault Bazin. Nous partageons votre objectif, Monsieur le rapporteur, mais je ne vois pas pourquoi des opérateurs prendraient des risques simplement parce que le préfet s’est porté garant. Les montants en jeu sont colossaux ! Je serais curieux de savoir ce qu’en pense le Conseil d’État.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Monsieur de Courson, l’élaboration du document a pris plusieurs années. Dans un premier temps, le préfet a appelé à la vigilance des collectivités sur cette estimation. Le calcul a été régulièrement revu tout au long de la construction du PLUI-H. Par sécurisation, j’entends la mise à disposition des collectivités d’un outil supplémentaire pour les aider à bâtir leur PLUI. En l’espèce, cet amendement ne vise pas à résoudre un problème qui s’est posé dans ma circonscription. Je me base simplement sur cet exemple personnel pour proposer un dispositif qui aidera d’autres élus, dans la France entière. Des situations analogues ne manqueront pas de se répéter, ne serait-ce qu’autour de la consommation d’espace et du principe de zéro artificialisation nette. L’appui formel du préfet, prévu depuis 2019, s’avèrera très utile.

La commission adopte l’amendement.

Article 30 bis A Simplification de la mise en œuvre d’un permis d’aménager multi-sites dans le périmètre d’une convention d’ORT

Amendement CE613 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 30, amendé, prévoit de prolonger l’expérimentation du permis d’aménager multi-sites dans le secteur d’intervention d’une ORT. Je vous propose par conséquent de supprimer l’article 30 bis A devenu sans objet.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 30 bis A.

Article 30 bis B Limitation des transferts de compétence du plan d’urbanisme local

Amendement CE610 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’amendement tend à supprimer cet article qui remet en cause le dispositif actuel de transfert de la compétence PLU à l’échelle intercommunale et vise à ne pas imposer l’instauration d’un PLUI couvrant l’intégralité du territoire d’un EPCI.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

M. Thibault Bazin. On peut lire dans l’exposé sommaire que le Sénat souhaite rejouer la bataille du transfert aux intercommunalités des compétences en matière d’urbanisme. Il faut faire attention à ce que l’on écrit si l’on veut un accord entre les deux chambres ! La rectification apportée par le Sénat répond aux attentes des territoires qui n’ont pas basculé et elle est intéressante. Nous en débattrons en séance mais pour des sujets tels que l’eau potable ou l’assainissement, la loi telle qu’elle est rédigée s’appliquera difficilement dans certains territoires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 30 bis B.

Article 30 bis C Accord des maires lors des modifications du droit de construction du plan local d’urbanisme intercommunal

Amendement CE611 du rapporteur pour avis. 

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Cet article, ajouté par le Sénat, prévoit de soumettre à l’accord préalable du conseil municipal des communes concernées les décisions du président d’une intercommunalité qui visent la diminution des possibilités de construction qui résultent de l’application des règles du PLU ou la réduction de la surface d’une zone urbaine ou à urbaniser. L’article 136 de la loi ALUR prévoit déjà une minorité de blocage : si au moins 25 % des communes représentant au moins 20 % de la population s’y opposent, ce transfert de compétences n’a pas lieu. Ce dispositif me semble équilibré et il n’y a pas lieu d’ouvrir un nouveau droit de veto des communes dans le cadre de la procédure de modification de droit commun d’un PLUI Lorsque celui-ci est décidé par l’EPCI compétent, les communes sont appelées à se prononcer au moment de l’élaboration du document qui est adopté à la majorité qualifiée.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Favorable.

M. Thibault Bazin. On ne peut pas envoyer des déclarations d’amour aux maires et ensuite ne pas tenir compte de leur avis ! Que vous modifiez la règle, soit ! Mais la méthode est pour le moins contestable. Des décisions ne peuvent pas être prises au détriment d’une commune sans l’avis de la commune concernée, ce que le principe de la majorité qualifiée ne permet pas. Je souhaite porter la voix des communes, pendant et après le congrès des maires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, la commission émet un avis favorable à la suppression de l’article 30 bis C.

Article 30 bis D Cession à titre gratuit du droit de préférence de l’exploitant d’une résidence de tourisme à un opérateur public du développement touristique

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 bis D non modifié.

Après l’article 30 bis D

Amendements identiques CE210 de Mme Jeanine Dubié, CE215 de M. Thibault Bazin et CE336 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Sylvia Pinel. Nous demandons un rapport sur la mise en œuvre des moyens, des outils et des méthodes dont dispose l’ANCT, l’Agence nationale de la cohésion des territoires, pour la réhabilitation de l’immobilier de loisir dans les communes classées en zone de montagne.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Même avis.

Mme Sylvia Pinel. Je ne souhaite pas allonger les débats, mais la réhabilitation de l’immobilier de loisir est un sujet important du point de vue économique. Cela fait partie des demandes récurrentes de l’ANEM, l’Association nationale des élus de la montagne, et il faut au moins essayer d’apporter des réponses, d’autant que l’économie de montagne a particulièrement souffert ces dernières années, avec la crise de la covid.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Une disposition législative prévoit déjà que l’ANCT remet chaque année un rapport d’activité au Gouvernement et au Parlement. Au-delà du rapport, le Gouvernement s’est vraiment emparé de cette question dans le cadre du plan Avenir montagnes, qui est très largement concerté avec les collectivités concernées. Par ailleurs, l’article 30 bis D vise à organiser la réhabilitation de l’immobilier de montagne dans la durée en permettant à des foncières locales de racheter plus facilement des biens vendus par des particuliers, selon une vraie stratégie patrimoniale. Votre demande est donc satisfaite sur tous les plans.

La commission rejette les amendements.

Article 30 bis Articulation des rapports entre les établissements publics fonciers d’État et locaux lorsqu’ils couvrent un même territoire

Amendement CE607 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je propose de supprimer l’avis conforme de toutes les communes concernées par l’extension d’un EPF – établissement public foncier – de l’État. À partir du moment où l’EPCI – établissement public de coopération intercommunale – auquel elles appartiennent a donné son accord, la procédure prévue par le Sénat engendrerait surtout une complexification considérable de la procédure. Mon amendement vise à en rester au droit actuel.

Mme Emmanuelle Wargon, ministre déléguée. Avis favorable.

M. Thibault Bazin. Je vais continuer à défendre les communes en m’opposant à cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 bis modifié.

Article 30 ter Dispositions de coordination avec les dispositions de la loi ELAN assouplissant les conditions d’adhésion d’un EPCI à un établissement public foncier local

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 ter non modifié.

Article 30 quater Exclusion des biens préemptés du droit de préférence

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 30 quater non modifié.

 

 

 

 

TITRE VII

mesures de simplifiation de l’ACTION PUBLIQUE

Chapitre IV

Mesures de simplification de l’action publique locale en matière d’aménagement et d’environnement

Article 63 Modification du régime de propriété des canalisations de gaz et du régime de responsabilité et de sanction en cas d’atteinte à certains réseaux

Amendements identiques CE597 du rapporteur pour avis et CE66 de M. Charles de Courson.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il s’agit de dispenser le gestionnaire du réseau de la visite préalable au transfert des canalisations de gaz à l’intérieur des appartements quand il en assure déjà l’entretien et le renouvellement. Cela permettra d’accélérer le processus de transfert de la propriété des conduites de gaz et d’économiser environ 40 millions d’euros en frais de visite.

M. Charles de Courson. J’ajoute que beaucoup de problèmes se posent au-delà des compteurs. Il y a des fuites, et parfois des concentrations et des explosions de gaz. Il ne faut pas attendre pour assurer le transfert de ces parties des canalisations, pour qu’elles soient entretenues par le concessionnaire.

La commission adopte les amendements.

Amendement CE67 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet amendement tend à rallonger d’une année la période de réalisation des visites de bon fonctionnement : elle serait portée à quatre ans après la date de transfert définitif des canalisations. Cette année supplémentaire se justifie par le contexte très particulier dans lequel s’inscrivent les visites à réaliser : le périmètre géographique ciblé fera porter sur un nombre limité de prestataires un nombre de visites très important. Un délai supplémentaire permettra aux professionnels d’effectuer les visites dans de bonnes conditions.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Avis favorable : l’amendement me paraît de bon sens.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CE8 de M. Paul Molac, CE68 de M. Charles de Courson, CE98 de M. Jacques Marilossian et CE112 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Charles de Courson. L’article 63 vise à transférer au réseau public de distribution la propriété des canalisations des immeubles collectifs situées en amont des dispositifs de comptage de gaz. Afin de s’assurer de la sécurité et du bon fonctionnement de la partie privative de ces ouvrages avant le transfert de propriété, des visites de bon fonctionnement seront rendues obligatoires.

Toutefois, pour pouvoir accéder à la partie privative des canalisations de gaz situées à l’intérieur des logements, il faut que les opérateurs de distribution puissent entrer dans les immeubles d’habitation concernés. Or ils se heurtent actuellement à de grandes difficultés pour entrer dans les immeubles d’habitation et pour accéder aux ouvrages de gaz situés dans les parties communes. La rédaction actuelle de l’article L. 126‑15 du code de la construction et de l’habitation, qui prévoit l’accès des opérateurs aux ouvrages relatifs à la distribution de gaz et d’électricité, est insuffisante.

L’objectif de cet amendement est donc de renforcer l’obligation d’accessibilité de ces ouvrages dans les immeubles d’habitation, en particulier dans les parties communes. C’est une condition sine qua non de la réalisation des visites de bon fonctionnement concernant les parties privatives des canalisations situées à l’intérieur des logements, sous réserve, bien sûr, de l’accord des occupants. À défaut, l’effectivité des visites risque d’être remise en cause.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Un problème réel se pose effectivement dans les copropriétés. Il faut trouver des solutions.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je suis parfaitement favorable à ces amendements.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques CE7 de M. Paul Molac, CE69 de M. Charles de Courson, CE100 de M. Jacques Marilossian et CE113 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Charles de Courson. Il s’agit, dans le cadre de leurs missions d’entretien des réseaux, que les gestionnaires aient accès aux informations du registre des copropriétés dans le périmètre de leurs concessions. Un dispositif législatif est pour cela nécessaire.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Les opérateurs de réseau rencontrent souvent beaucoup de difficultés pour contacter les différents syndics car ils n’ont pas du tout accès à ces informations.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. J’ai un avis un peu différent sur ces amendements.

Même si je comprends la facilité que permettrait un accès direct au registre des copropriétés, cela poserait un problème compte tenu des exigences de la CNIL, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, en matière de confidentialité des données personnelles. Le registre contient notamment des informations concernant les impayés de charges.

Par ailleurs, l’accès à ce registre n’est pas nécessaire pour obtenir les coordonnées des syndics : elles seront bientôt disponibles dans un annuaire accessible au grand public ; la plateforme data.gouv.fr est en cours d’adaptation pour permettre leur publication. Enfin, les collectivités, qui sont les autorités concédantes des réseaux de distribution de l’électricité et du gaz naturel, ont d’ores et déjà accès aux données du registre dans leur territoire. Les gestionnaires de réseau peuvent se rapprocher d’elles pour obtenir les informations dont ils ont besoin.

Je vous invite à retirer ces amendements, qui sont en partie satisfaits.

M. Charles de Courson. Les informations ne sont qu’en partie disponibles, et le problème des concessionnaires n’est pas de savoir s’il y a des problèmes de charges. Il leur faut simplement un listing à jour. Les amendements prévoient que « les gestionnaires de réseaux obtiennent, à leur demande, communication des informations du registre relatives aux copropriétés situées sur le périmètre de leurs concessions ». Il s’agit d’obtenir les noms des personnes pour pouvoir les contacter, c’est tout.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Si je comprends bien votre réponse, Monsieur le rapporteur pour avis, ces amendements seront très prochainement satisfaits. Est-ce bien cela ?

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Il y a deux éléments. D’abord, ces amendements sont déjà en partie satisfaits car les concessionnaires ont la possibilité de se rapprocher des collectivités pour obtenir les informations ciblées dont ils ont besoin. S’agissant de la plateforme data.gouv.fr, c’est en cours : je n’ai pas de date à vous donner, mais j’espère pouvoir vous en communiquer une en séance publique. Par ailleurs, on m’a alerté sur le respect des données personnelles et l’accès non limité à des données trop nombreuses par rapport aux besoins réels, notamment de GRDF.

M. Thibault Bazin. Les opérateurs avaient toutes ces données avant la séparation des activités. Qu’on veuille protéger les données, très bien, mais il est fondamental de pouvoir les obtenir pour assurer la sécurité. Il faut donc se donner les moyens nécessaires. Vous nous dites, monsieur le rapporteur pour avis, que la question sera bientôt résolue, mais ce n’est pas le retour que nous avons. Un problème récurrent se pose. Je propose donc d’adopter ces amendements et d’avoir un échange avec les différentes parties prenantes d’ici à la séance publique.

M. Charles de Courson. Quelles sont les informations nécessaires aux concessionnaires pour entretenir ces canalisations qui posent un problème en matière de défense des libertés individuelles ? Je n’en vois pas. Il s’agit simplement de savoir quelles sont les personnes concernées, pour pouvoir les contacter afin d’entrer dans les logements.

Vous nous dites qu’il suffit de s’adresser aux services fiscaux, mais ce n’est pas possible. Ce serait d’ailleurs sur la base de la taxe d’habitation, et non de la taxe foncière sur les propriétés bâties. C’est en effet le locataire ou le propriétaire occupant qu’il faut pouvoir contacter pour faire les vérifications. Or la taxe d’habitation a disparu pour 90 % des Français. Votre position ne me paraît donc pas raisonnable.

Vous reconnaissez vous-même qu’on ne peut avoir accès qu’à une partie des gens dans la situation actuelle. Prenons l’annuaire téléphonique : de plus en plus de personnes n’y sont pas, car elles n’ont que des portables. Il y a un problème d’accès.

Mme Marie-Noëlle Battistel. J’entends vos réserves concernant la CNIL, Monsieur le rapporteur pour avis, mais il ne s’agit pas que les opérateurs aient des données dont ils ne sauraient que faire. L’objet de la demande est de pouvoir contacter les gens pour accéder aux logements.

Vous nous dites que le problème sera résolu : on pourra revoir la question si vous avez une idée du calendrier d’ici à la séance publique, mais si vous ne connaissez pas le délai, il faudra adopter ces amendements, peut-être en les encadrant un peu mieux. Nous devons résoudre le problème.

Mme Christelle Dubos. Nous allons retirer l’amendement CE100 : nous sommes déjà satisfaits des avancées réalisées grâce au travail avec GRDF.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Nous nous rejoignons sur la nécessité d’avoir les données pour pouvoir solliciter les syndics et les propriétaires. Mais on pourra les contacter par d’autres biais que l’accès au registre des copropriétés, qui intègre des données dont les opérateurs n’ont pas besoin et n’ont pas à avoir connaissance. Ce n’est pas seulement le nom des copropriétaires qui sera connu : il ne faut pas donner trop d’informations.

L’amendement CE100 est retiré.

La commission rejette les amendements restants.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 63 modifié.

Article 63 bis Introduction d’un principe de non-concurrence de l’extension de la desserte de gaz avec le développement de la chaleur renouvelable

Amendement de suppression CE70 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Cet article introduit par le Sénat fait peser sur les concessionnaires la responsabilité de limiter le développement des réseaux de distribution publique de gaz en limitant voire en interdisant les raccordements de nouveaux abonnés éligibles à un raccordement à un réseau de chaleur urbain. Or les réseaux appartiennent aux autorités concédantes. C’est donc à ces dernières qu’incombe la responsabilité juridique et politique du développement de la desserte en gaz et en chaleur renouvelable. Ce sont les autorités concédantes qui définissent, dans le cadre des contrats de concession, les objectifs et les axes de développement des réseaux concédés, de même que les conditions de raccordement des nouveaux abonnés.

Par ailleurs, il s’agit de favoriser le développement des réseaux de chaleur urbains qui seraient plus « verts », c’est-à-dire qui utiliseraient notamment moins d’énergie fossile et émettraient moins de gaz à effet de serre que les réseaux de distribution de gaz. Or il est acquis qu’au niveau local, dans le périmètre des concessions, un nombre croissant de réseaux de distribution de gaz seront à court terme alimentés à 100 % par du biométhane. Compte tenu des objectifs de réduction des énergies fossiles et de limitation des émissions de gaz à effet de serre, il ne paraît pas justifié de favoriser le développement des réseaux de chaleur urbains au détriment de ceux de distribution de gaz. C’est pourquoi nous proposons de supprimer le présent article.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Je veux rassurer Monsieur de Courson, tout en disant à Monsieur Bazin que cet article introduit par le Sénat fait partie de ceux que je veux préserver car je souhaite, comme lui, une CMP conclusive. L’article 63 bis ne fait qu’ouvrir la possibilité d’encadrer, dans le contrat de service public passé avec l’État, le développement de la desserte en gaz en tenant compte du développement de la chaleur renouvelable. Mais le contrat de service public ne traitera ce sujet que si l’État juge nécessaire de préciser des objectifs ou des modalités d’amélioration de la desserte en gaz, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui. En tout état de cause, ce cadre serait défini en concertation avec les représentants des collectivités que sont les autorités concédantes de la distribution publique de gaz et tiendrait donc compte de la diversité des projets locaux. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Charles de Courson. L’article que nous examinons vise à limiter la concurrence avec les réseaux de chaleur urbains exercée par les réseaux de distribution de gaz au motif que cette concurrence serait contradictoire avec les objectifs nationaux de réduction de la consommation d’énergies fossiles et de développement de la chaleur renouvelable. Je demande simplement un système ouvert, de concurrence, c’est-à-dire qu’on ne privilégie pas un type de réseau, en conformité avec l’objectif de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le gaz dit « naturel » – le pétrole est également « naturel » – émet davantage de gaz à effet de serre que le gaz vert ou les réseaux de chaleur, alimentés par du bois ou grâce au traitement des ordures ménagères.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 63 bis non modifié.

 

 

 

Chapitre VI

Mesures liées à l’appel à projets France expérimentation au service de la relance et des activités économiques innovantes

Article 68 Prolongement de l’expérimentation relative à l’organisation des missions des chambres d’agriculture

La commission examine l’amendement CE620 du rapporteur pour avis.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. L’article 68 concerne les transferts de compétences entre les chambres départementales et régionales d’agriculture, à la suite de l’ordonnance prise en 2019, après une longue concertation. J’ai moi aussi entendu l’ensemble des parties et je propose de supprimer l’alinéa 7 de l’article 68.

M. Charles de Courson. N’est-ce pas plutôt l’alinéa 6 que vous voulez supprimer ? Il prévoit que la référence à 2020 est remplacée par une référence à 2022.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. C’est bien l’alinéa 7 que je vise. Il concerne la remise d’un rapport d’évaluation au Parlement.

La commission adopte l’amendement CE620.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 68 ainsi modifié.

Après l’article 68

La commission examine les amendements identiques CE274 de M. Thibault Bazin, CE283 de M. Pierre Venteau et CE419 de M. Antoine Herth.

M. Thibault Bazin. Il s’agit de donner aux chambres départementales d’agriculture la possibilité de se transformer en chambres territoriales, dépourvues de personnalité juridique mais dotées d’élus locaux, au sein d’une chambre interdépartementale.

M. Antoine Herth. Lors des auditions menées par notre rapporteur, il a plusieurs fois été question de la taille extrêmement importante de certaines grandes régions, qui rend très difficile le travail des chambres d’agriculture à cette échelle. La possibilité de travailler à l’échelle interdépartementale pour certaines fonctions – mais pas les fonctions support, qui resteraient à l’échelle régionale – permettrait de mieux coller aux notions de bassins de production et de terroirs, qui correspondent à la véritable vocation des chambres d’agriculture.

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. Ces amendements qui prévoient d’étendre le champ de l’habilitation à légiférer par ordonnance seraient tout de suite retoqués par le Conseil constitutionnel. Par ailleurs, l’article 79 de la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique vise déjà « les missions exercées par la chambre de région en lieu et place de la chambre régionale, des chambres départementales et des chambres interdépartementales rattachées, ainsi que les missions de proximité exercées par les chambres territoriales ». Par conséquent, demande de retrait ou avis défavorable.

M. Antoine Herth. Il n’y a donc plus qu’à espérer un redécoupage de la carte des régions, évoqué à un moment par le Premier ministre, si on veut arriver à une situation plus conforme aux réalités locales. En attendant, je vais retirer mon amendement et brûler quelques cierges (Sourires).

M. Thibault Bazin. Je ne retirerai pas mon amendement car ma confiance envers le Gouvernement est nulle. Je ne crois pas les promesses annoncées à l’aube des échéances électorales. C’est une question importante : nous avons des territoires très éloignés les uns des autres. En Lorraine, nous sommes loin de l’Alsace et de la Champagne-Ardenne. Les enjeux agricoles ne sont pas identiques et nous avons des coopérations qui ne concernent pas les fonctions support : nous avons l’habitude de travailler sur le plan interdépartemental dans certains domaines. Il y a une vraie attente en la matière. Vous nous dites que c’est déjà traité mais ce n’est pas le retour que nous avons.

M. Richard Lioger. Il m’est difficile de retirer l’amendement CE283 dans la mesure où c’est M. Venteau qui en est le premier signataire. J’ajoute que la question du nombre des représentants est également importante.

M. Charles de Courson. Prenons l’exemple de la chambre d’agriculture de la région Grand Est, d’où viennent plusieurs d’entre nous. Le président de cette chambre, qui est lui aussi marnais, m’a dit que les déplacements lui prenaient un temps considérable. Pourrait-on s’organiser, en l’état actuel des textes, pour déléguer des choses au niveau territorial et mieux faire fonctionner la chambre régionale ? À notre connaissance, non, mais nous nous trompons peut-être…

M. Mickaël Nogal, rapporteur pour avis. La création de chambres interdépartementales est déjà prévue. Par ailleurs, le transfert de compétences au niveau régional doit être validé par deux tiers des chambres départementales. Je ne reviens pas sur la loi NOTRe: je n’étais pas là quand elle a été votée. S’agissant de la Nouvelle-Aquitaine ou d’autres grandes régions, il y a parfois des difficultés à se parler et on n’a pas toujours la même vision sur le terrain, mais vos demandes sont satisfaites par les outils déjà adoptés. J’ajoute qu’il n’est pas question d’imposer quoi que ce soit – à ce stade, seules trois régions ont procédé à un transfert de compétences.

L’amendement CE419 est retiré.

La commission rejette les amendements CE274 et CE 283.

Article 68 bis Délégation aux chambres départementales d’agriculture de missions de service public relatives à la politique d’installation

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 68 bis non modifié.

titre ix

dispositions relatives À LA DISSOLUTION DE L’ÉTABLISSEMENT PUBLIC DE L’ÉTAT « HARAS NATIONAL DU PIN »

Article 84 Dissolution de l’établissement public du « Haras national du Pin »

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 84 non modifié.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.


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   Travaux de la commission des affaires sociales saisie pour avis

Réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

Au cours de sa réunion du mardi 16 novembre 2021, la commission des affaires sociales examine pour avis les articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78, délégués, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, pour lesquels la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a sollicité l’avis de la commission des affaires sociales (n° 4406) (M. Didier Martin, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/s4msCs

Mme la présidente Fadila Khattabi. Chers collègues, nous examinons pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS ».

La commission des lois a délégué l’examen des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 à notre commission. Les amendements concernant les autres articles ne seront pas examinés par notre commission et doivent être déposés auprès des commissions compétentes. En conséquence, 27 amendements ont été déclarés irrecevables car ils portaient sur des articles n’entrant pas dans le champ de la saisine de notre commission. En outre, plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables au titre des articles 40 et 45 de la Constitution, dans une proportion relativement inférieure à celle observée généralement. De ce fait, 116 amendements sont en discussion.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. « Si nous sommes ensemble aujourd’hui, ce n’est pas pour ajuster une nouvelle fois les lois de décentralisation aux réalités contemporaines ou pour chercher à expliquer aux Français en quelque sorte que leur vie devrait se plier à nos organisations administratives et institutionnelles (…), c’est bien plutôt pour refonder le rôle de l’État et des collectivités territoriales dans la vie quotidienne des Françaises et des Français et adapter ce rôle aux transitions que notre pays doit affronter. » Ces mots prononcés par le Président de la République lors de la Conférence nationale des territoires en juillet 2017, reflètent fidèlement l’ambition de ce texte et, en particulier, des articles dont l’examen revient à la commission des affaires sociales.

Le projet de loi « 4D », devenu « 3DS » – différenciation, décentralisation, déconcentration et simplification –, est le produit d’une réflexion au long cours, engagée dès le début du quinquennat. Il apporte des réponses aux besoins de proximité et d’efficacité exprimés par les élus et les citoyens. De plus, la crise sanitaire que nous traversons a démontré toute l’utilité de la collaboration entre l’État territorial et les collectivités pour conduire des politiques publiques sanitaires et économiques efficaces. Le présent projet de loi va dans ce sens en permettant de rapprocher les acteurs publics territoriaux des administrations déconcentrées de l’État, de renforcer leurs liens fonctionnels et de faire vivre la démocratie locale en relation avec l’action de l’État.

La commission des affaires sociales s’est vue déléguer par la commission des lois, saisie au fond, l’examen des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78 du projet de loi adopté par le Sénat en première lecture, le 21 juillet 2021. Ces dix-huit articles, issus pour près de la moitié d’initiatives de sénateurs, soucieux d’enrichir un texte déjà dense à son dépôt, touchent à de nombreux sujets liés à la santé et à la cohésion sociale. La commission reprendra sans doute à son compte plusieurs modifications introduites dans le texte au Sénat, mais elle sera nécessairement conduite à s’interroger sur le bien-fondé de certaines évolutions souhaitées par nos collègues sénateurs.

Les articles délégués à la commission des affaires sociales touchent d’abord aux questions de santé. L’article 31, traduisant l’un des engagements pris par le Gouvernement à l’occasion du Ségur de la santé, transforme le conseil de surveillance des agences régionales de santé (ARS) en conseil d’administration, dans le but de faire une plus grande place aux élus locaux dans la conduite des politiques de santé à l’échelon territorial. Cette réforme répond à une réelle attente des élus locaux. Le Sénat a apporté de nombreuses modifications à cet article, bouleversant les équilibres actuels. Je vous proposerai donc de revenir sur plusieurs d’entre elles. Il ne me semble par exemple pas pertinent de confier la présidence du conseil d’administration conjointement au préfet de région et au président du conseil régional ni de charger ce conseil d’administration d’approuver le projet régional de santé.

L’article 32, qui sécurise juridiquement la possibilité pour les collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissements des établissements de santé publics et privés, revêt une importance capitale. Les auditions d’associations d’élus locaux ont confirmé leur attente très forte en la matière. Le Sénat a souhaité encadrer strictement le dispositif proposé par le Gouvernement car il craignait un possible désengagement de l’État. Cette crainte doit être dissipée : l’État continuera d’exercer sa compétence régalienne dans le domaine de la santé. Cet article n’a d’autre objet que de permettre aux collectivités volontaires de participer au financement des investissements des établissements de santé.

L’article 33 a vocation à renforcer le maillage sanitaire du territoire en permettant aux collectivités gestionnaires de centres de santé de recruter le personnel – professionnels médicaux, auxiliaires médicaux et personnels administratifs – et de l’affecter à l’exercice des missions de ces centres. En consacrant une pratique existante, cet article la clarifie et la sécurise.

L’article 34 précise la compétence détenue par les départements pour promouvoir l’accès aux soins de proximité et gérer l’ouverture de centres de santé et, d’autre part, pour participer à la politique publique de sécurité sanitaire, par l’intermédiaire des laboratoires d’analyses départementaux.

Les articles 57 et 57 bis ont pour objet de favoriser la coopération sanitaire transfrontalière, la crise sanitaire ayant clairement démontré la nécessité de progresser dans ce domaine. Enfin, le Sénat a ajouté cinq articles au volet santé du projet de loi qui, pour l’essentiel, me semblent aller dans le bon sens.

Le deuxième volet de la partie du texte que nous examinons concerne la cohésion sociale et la solidarité. L’article 35 du projet de loi prévoit un dispositif d’expérimentation, pour les départements volontaires, de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et du revenu de solidarité outre-mer (RSO). Une telle mesure, qui a déjà été décidée en Guyane, à Mayotte et à La Réunion, répond à une demande formulée par le conseil départemental de Seine-Saint-Denis. Le Premier ministre a répondu favorablement, en octobre 2020, en déclarant que « l’on ne peut pas continuer à faire peser sur le contribuable local une dépense de solidarité nationale ». Une telle expérimentation devrait permettre de soulager significativement les départements les plus en difficulté. Il est indispensable que ce dispositif, également prévu à l’article 12 du projet de loi de finances pour 2022, entre en vigueur au plus vite. C’est pourquoi je proposerai un amendement visant à mettre en cohérence les deux articles et à parfaire la mesure d’expérimentation.

L’article 36 confie au département la compétence de coordination du développement de l’habitat inclusif et d’adaptation du logement au vieillissement de la population. Nous proposons de rétablir la compétence du département sur ce dernier point, tout en reprenant de nombreux ajouts du Sénat relatifs à l’habitat inclusif.

L’article 37 ouvre aux communautés urbaines et aux métropoles la possibilité de créer un centre intercommunal d’action sociale (CIAS) – celle-ci n’est actuellement ouverte qu’aux communautés de communes et aux communautés d’agglomération. Ce dispositif ne bouleverse pas la répartition des compétences au sein du bloc communal et offre des garanties suffisantes aux communes membres de ces établissements.

Enfin, l’article 38 du projet de loi, qui visait à transférer aux départements la compétence de la tutelle des pupilles de l’État, ne nous a pas semblé faire l’unanimité au cours des auditions que nous avons menées. Nous ne proposerons donc pas de rétablir cet article supprimé en commission des affaires sociales par le Sénat.

S’agissant du volet relatif à la cohésion sociale, le Sénat a adopté plusieurs articles additionnels. Parmi ceux-ci, l’article 36 bis A vise à pérenniser l’expérimentation lancée en 2017 et consistant à autoriser les résidences universitaires à louer leurs logements vacants pour de courtes durées à des publics prioritaires. Cela nous paraît particulièrement bienvenu. En revanche, nous reviendrons sur l’article 35 bis portant sur le renforcement des contrôles de la situation des bénéficiaires du RSA par le conseil départemental car il est superfétatoire, contrevient à la volonté de simplifier le parcours des allocataires et contribue à les stigmatiser.

Enfin, l’article 78 permet à chacune des régions d’outre-mer de créer un établissement public industriel et commercial (EPIC) en matière de formation professionnelle afin d’harmoniser le déploiement des organismes publics de formation.

Les articles du projet de loi « 3DS » soumis à notre examen comportent de nombreuses avancées concrètes pour la vie quotidienne de nos concitoyens. Ils préservent aussi un équilibre subtil entre le principe de la reconnaissance de la diversité des territoires et celui du respect du principe d’égalité, si chers à notre pays.

Mme Véronique Hammerer (LaREM). À l’issue du grand débat national, le Président de la République a annoncé le lancement d’un nouvel acte de décentralisation adapté à chaque territoire. Nous y sommes, avec ce projet de loi à la fois dense et ambitieux qui nous revient du Sénat. Ses dispositions, qui ont trait à diverses politiques publiques – formation professionnelle, éducation, environnement, logement, urbanisme, solidarités, transports et santé –, concernent le quotidien de nos concitoyens, affectent leur vie et celle de leurs proches. Nous devons leur garantir des règles claires et efficaces.

Nous soutiendrons les enrichissements apportés par le Sénat, comme la meilleure représentation des usagers, notamment les personnes en situation de handicap, au sein des conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé. Nous avons également travaillé sur le financement des établissements de santé par les collectivités territoriales ou encore en faveur d’une meilleure coopération transfrontalière pour tirer les enseignements de la crise sanitaire.

De même, nous avons voulu répondre aux aspirations actuelles dans le domaine de la perte d’autonomie. En matière d’habitat inclusif, nous confions au département une compétence de coordination, en particulier dans le cadre de la conférence des financeurs. Nous irons plus loin avec le financement de frais d’ingénierie par la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et en levant les freins au développement des habitats alternatifs en outre-mer. Toutes ces mesures répondent aux aspirations de nos concitoyens en favorisant les liens sociaux de proximité, essentiels dans les territoires ruraux.

Je défendrai un amendement à l’article 37 visant à appeler la vigilance sur la nécessaire préservation des centres communaux d’action sociale et à éviter leur fermeture systématique ; ces centres exercent des missions d’accueil, d’information et d’orientation au plus près des citoyens. Ce texte est très attendu par les collectivités, et je suis persuadée que nous allons pouvoir l’enrichir au cours de nos débats.

M. Thibault Bazin (LR). Loin d’être le nouvel acte de la décentralisation annoncé par le Président de la République, une réponse au mouvement des gilets jaunes, le présent projet de loi se limite à une série de mesures concrètes relatives à l’organisation des collectivités territoriales. La rapporteure du texte au Sénat a regretté un inventaire à la Prévert et pointe un excès de timidité remarquable. On se demande où est passé l’élan réformateur !

S’agissant des questions relatives à la santé, la modification la plus notable opérée par le Sénat concerne la coprésidence des agences régionales de santé par le préfet et le président de région. Le texte initial prévoyait en effet une réforme a minima de la gouvernance des ARS alors que la crise sanitaire a mis en évidence les lacunes de l’organisation actuelle. Les sénateurs ont également prévu une consultation des associations représentatives d’élus locaux avant la fixation par décret des missions spécifiques des délégations départementales des ARS. Enfin, ils ont souhaité que les représentants des groupements des collectivités territoriales soient inclus dans le conseil administration. En dépit de ces ajustements, le volet relatif à la santé semble bien maigre. Ce n’est pas un véritable nouvel acte de décentralisation.

Concernant la cohésion sociale, l’expérimentation de la recentralisation du RSA concerne avant tout la Seine-Saint-Denis, alors que d’autres départements auraient été intéressés. Le calendrier envisagé pose également problème car la navette parlementaire n’aura pas encore pris fin à la date prévue pour l’entrée en vigueur de ce dispositif. Enfin, le défi de l’habitat inclusif ne peut être relevé sans une clarification, qui devait être apportée par la loi « grand âge et autonomie » ; malheureusement, elle a été reportée par le Gouvernement. Le volet relatif à la cohésion sociale ne répond donc pas aux attentes exprimées lors du mouvement des gilets jaunes.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Les articles dont notre commission est saisie comportent des dispositions très différentes : gouvernance des ARS, financement des établissements de santé par les départements, participation de ceux-ci à la politique de sécurité sanitaire, développement de l’habitat inclusif et adapté, centralisation de la gestion du RSA. Ces sujets, bien que divers, sont essentiels car ils concernent des réalités et des enjeux concrets pour nos territoires. Même si ce projet de loi arrive tard dans la législature, nous devons l’examiner avec acuité afin qu’il donne lieu à des avancées tangibles.

La réforme de la gouvernance des ARS constitue sans doute la mesure la plus emblématique du texte. Le dispositif proposé initialement par le Gouvernement allait dans le bon sens, mais le Sénat l’a dénaturé en confiant la coprésidence du conseil d’administration au président du conseil régional, alors que celui-ci n’a pas de compétence dans le domaine de la santé.

Par ailleurs, nous proposerons de définir le rôle des délégations départementales des ARS, qui ont montré leur efficacité et leur accessibilité pendant la crise sanitaire. En outre, pour poursuivre le développement de la démocratie sanitaire, chère au MODEM, nous proposerons de revenir sur la disposition du Sénat qui prive les parlementaires d’une présence au sein des conseils de surveillance des établissements publics de santé. Il s’agissait d’une avancée obtenue grâce à la mobilisation de l’ensemble des députés de notre commission dans le cadre de la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist.

La partie du texte que nous allons examiner ce soir a pour ambition de consacrer le rôle des collectivités territoriales comme partenaires de l’État. C’est cette ambition qui animera notre groupe au cours de nos débats.

M. Joël Aviragnet (SOC). Notre appréciation, à la suite de la présentation du projet de loi « 3DS », peut se résumer en un mot : décevant. Ce texte contient certaines avancées bienvenues, comme l’article 31 réformant la gouvernance des ARS, ou encore l’article 36 bis permettant de loger temporairement des publics prioritaires dans des résidences universitaires inoccupées, grâce à un amendement défendu par les sénateurs socialistes.

Cependant, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux. Nos territoires doivent être davantage écoutés par le pouvoir parisien. Nous attendions de ce texte une vision décentralisatrice ; or nous en sommes loin. Ainsi, l’article 32, qui permet aux collectivités locales de financer des établissements de santé, traduit en réalité votre double volonté de poursuivre le désengagement de l’État tout en continuant à casser notre État-providence. Les territoires les moins pourvus en établissements de santé sont aussi ceux dont les collectivités sont les moins bien dotées. De plus, comment envisager que les collectivités qui financent les établissements de santé ne soient pas associées à leur gouvernance ? Cela n’a pas de sens.

Je souhaite également exprimer notre inquiétude concernant l’article 39, qui risque de détériorer gravement les conditions de vie des mineurs non accompagnés. Cela irait à l’encontre du droit international, notamment de la Convention internationale des droits de l’enfant, portant une atteinte grave aux principes d’universalité des droits de l’enfant et de non-discrimination.

Enfin, nous vous invitons à supprimer l’article 35 bis, voté par la droite sénatoriale, qui renforce le pouvoir de contrôle du président du conseil départemental à l’égard des bénéficiaires du RSA. Cela ne nous semble en effet ni nécessaire ni approprié.

Le projet de loi « 3DS », dans ses volets relatifs à la participation à la sécurité sanitaire territoriale et à la cohésion sociale, n’est donc pas à la hauteur des enjeux, malgré quelques légères avancées.

M. Paul Christophe (Agir ens). Alors que s’ouvre aujourd’hui le congrès des maires de France, je ne doute pas que nos débats seront suivis de près par les élus locaux, qui sont en première ligne pour parcourir le dernier kilomètre de l’action publique. Notre responsabilité à leur égard est double : répondre à leurs attentes et veiller à ne pas introduire de nouveaux irritants dans les relations qui unissent l’État et les collectivités. Sur ce point, la règle d’or est que toute compétence nouvelle devra s’accompagner de moyens nouveaux.

Notre groupe se réjouit de la réforme de la gouvernance des agences régionales de santé proposée à l’article 31. Leur gestion de la crise sanitaire a mis en évidence les failles d’un système centré sur des acteurs régionaux, qui apparaissent de plus en plus éloignés des réalités locales. Le rapport de nos collègues Agnès Firmin-Le Bodo et Jean-Carles Grelier, présenté en juin dernier, allait précisément dans le sens du renforcement de l’échelon départemental.

Notre groupe est favorable à l’expérimentation de recentralisation du RSA prévue à l’article 35, sous réserve qu’elle s’inscrive dans le cadre d’une démarche volontaire. Le poids du RSA dans les finances de certains départements contraint fortement leur capacité à assurer des missions d’accompagnement vers l’emploi. Nous serons toutefois attentifs aux modalités de prise en charge de cette renationalisation, ainsi qu’aux mesures visant à garantir les objectifs d’insertion, qui sont indispensables.

Nous proposerons également de revenir sur l’article 31 bis, introduit par le Sénat, qui supprime la participation des parlementaires aux conseils de surveillance des hôpitaux. Tout comme celle des élus locaux, la présence des parlementaires est nécessaire pour consolider le dialogue entre professionnels de santé et élus.

Enfin, nous voterons avec conviction les articles 57 et 57 bis, qui visent à encourager les coopérations sanitaires transfrontalières – je salue à cet égard le travail de notre collègue Antoine Herth. Le débat permettra de revenir sur les autres points importants de ce texte mais, vous l’aurez compris, notre groupe votera en faveur de ce projet de loi.

Mme Valérie Six (UDI-I). Notre groupe se réjouit de l’examen de ce projet de loi.  Nous saluons le travail mené par les sénateurs pour enrichir ce texte, dans les limites prévues par la Constitution. Il a notamment amélioré la gouvernance des ARS. En revanche, nous regrettons que ce texte ne comporte aucune disposition sur la décentralisation de notre système de santé. Celui-ci devrait être géré par les régions, avec l’instauration d’un objectif régional de dépenses d’assurance maladie (ORDAM), à charge ensuite pour l’État de garantir un égal accès aux soins à l’ensemble de nos concitoyens.

De plus, le projet ne dit mot de l’accès aux soins, alors que les déserts médicaux s’étendent partout sur le territoire. Nous considérons que l’ouverture du numerus clausus devrait être assortie d’un encadrement de l’installation des médecins, afin d’assurer une meilleure répartition de l’offre de soins. Notre groupe défendra des amendements en ce sens lors de l’examen du texte en séance.

Concernant la simplification, la crise sanitaire a démontré que notre système de soins pouvait fonctionner en allégeant considérablement les démarches administratives des professionnels et en leur rendant du temps médical. Rappelons que, selon l’INSEE, 34 % des postes à l’hôpital en France seraient des emplois non-soignants, contre 25 % en Allemagne ou en Espagne. Nous regrettons que rien ne figure dans ce texte sur ce sujet.

M. Jean-Hugues Ratenon (FI). Le projet de loi prévoit de transformer le conseil de surveillance des agences régionales de santé en conseil d’administration, ne modifiant cependant qu’à la marge sa composition et ses attributions. Nous sommes surpris car l’enjeu essentiel est celui de l’égal accès de tous les usagers à des soins de qualité. Les agences régionales de santé ont besoin d’être adaptées aux enjeux des territoires pour être plus efficaces.

Le texte prévoit également de supprimer la participation des parlementaires au conseil de surveillance des établissements publics de santé. Où est la logique, sachant que les projets de fermeture et de restructuration sont discutés en conseil de surveillance et sont des enjeux d’intérêt national ?

De plus, le projet de loi laisse la possibilité aux collectivités territoriales de soutenir financièrement les programmes d’investissement des établissements de santé publics et privés. Ce n’est pas à eux de pallier les insuffisances de l’État, alors même que l’hôpital public est à bout de souffle. Cette disposition provoquera une hausse des inégalités puisque seules les collectivités les plus riches auront les moyens de se doter d’établissements à l’équipement de pointe.

Pour compenser la reprise des dépenses de RSA, l’État procède à la reprise des ressources liées au financement du RSA. Mais si ces recettes ne sont pas suffisantes pour couvrir l’intégralité des dépenses, le Gouvernement envisage de s’octroyer d’autres recettes départementales. Ce que vous appelez un gain pour les départements n’est que la fin d’un accroissement de la perte. De plus, suspendre le versement du RSA si le bénéficiaire refuse ou n’a pas les moyens de communiquer les documents demandés n’est pas acceptable. Dans les outre-mer comme dans l’Hexagone, l’illettrisme et l’illectronisme sont des fléaux touchant beaucoup de personnes. Comment communiquer les informations demandées en pareil cas ? Suspendre le RSA est une double peine au regard de celle qu’ils subissent déjà.

En dépit de quelques avancées minimes, ce projet de loi n’est pas à la hauteur des enjeux.

Mme Jeanine Dubié (LT). Le groupe Libertés et Territoires craint que ce projet de loi très attendu ne permette pas le choc de décentralisation nécessaire pour améliorer les relations entre l’État et les collectivités territoriales. C’est particulièrement vrai s’agissant des politiques sanitaires et sociales. La crise sanitaire l’a rappelé : les départements et le bloc communal ont été en première ligne dans la réponse apportée à l’épidémie de covid.

En 2019, notre groupe avait présenté cinquante propositions pour une nouvelle étape de la décentralisation, appelant à mieux répartir les compétences des collectivités. Ainsi, l’ensemble de la solidarité nationale devrait revenir au département, ce qui n’empêcherait pas le financement du RSA par l’État. Toutefois, il faut faire attention aux modalités de rétro-compensation prévues par le projet de loi de finances dans le cadre de l’expérimentation de la recentralisation, qui sont source d’inquiétude.

Le principe est le même s’agissant de la politique de l’autonomie. Nous déplorons l’abandon du projet de loi « grand âge et autonomie », qui aurait pu être l’occasion de refonder nos politiques d’accompagnement. Le présent projet de loi se limite malheureusement à un article sur l’habitat inclusif.

En matière de politique territoriale de santé, là aussi, ce n’est pas satisfaisant. Les prérogatives des ARS sont très nombreuses, ce qui explique en partie le manque de réactivité et des incompréhensions régulières avec les usagers et les élus locaux. Ce projet de loi engage une réflexion sur la gouvernance des ARS mais nous appelons à aller plus loin, notamment en renforçant les missions des délégations départementales des ARS. La modification opérée par le Sénat pour instaurer une coprésidence paraît aller dans le bon sens.

Les apports du Sénat sont, pour la plupart, les bienvenus, comme le soutien strictement volontaire des collectivités au financement des établissements de santé. Nous proposerons en revanche de rétablir la possibilité pour les parlementaires de siéger au sein du conseil de surveillance des établissements.

Enfin, le projet de loi n’aborde pas spécifiquement la question de la désertification médicale, qui est une préoccupation croissante. Les élus locaux devraient être davantage associés aux décisions. D’une manière générale, proximité et adaptation devraient être les maîtres mots de notre action. De ce point de vue, ce texte manque d’ambition.

M. Pierre Dharréville (GDR). Je m’abstiendrai de faire un commentaire général sur l’ensemble du projet de loi, lequel soulève toutefois un certain nombre d’inquiétudes. Il s’inscrit en effet dans la foulée des lois votées lors de la précédente législature, qui ont créé un certain nombre de problèmes et affaibli la démocratie à l’échelon communal.

Nous nous opposons à la disposition permettant aux collectivités territoriales de financer les établissements de santé. Cela risque de renforcer un certain nombre d’inégalités entre territoires, alors que le financement des établissements de santé doit relever de l’échelon national pour garantir l’égalité d’accès aux soins et à la santé. Ce texte suit une logique libérale, avec un désengagement de l’État. Cet article nous semble très dangereux pour le droit à la santé dans notre pays.

Nous ne comprenons pas bien ce que l’article 39 vient faire là. En prévoyant un recours obligatoire au traitement automatisé pour l’évaluation de la minorité et de l’isolement des mineurs non accompagnés, il durcit les mesures, et parfois les non-mesures, adoptées à l’égard de ces mineurs. Nous sommes donc plutôt réservés sur les dispositions qui nous sont proposées, certaines étant parfois sans grande portée.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Ma question porte sur l’article 37. Si la création d’un centre communal d’action sociale (CCAS) est obligatoire dans les communes de plus de 1 500 habitants, elle est facultative pour les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI). Disposez-vous de chiffres concernant la création de CIAS par les communautés d’agglomération ? L’échelon de la communauté urbaine et de la métropole semble peu adapté pour un centre intercommunal d’action sociale, dont l’objectif est d’apporter une action sociale de proximité. De fait, les métropoles ne semblent pas avoir exercé la compétence facultative de l’action sociale. Quels sont les fondements d’une possible création d’un CIAS au sein des communautés urbaines et des métropoles ? Des demandes ont-elles été émises en ce sens ?

M. le rapporteur. Je serai bref et concis car nous retrouverons tous les points évoqués au fur et à mesure de l’examen des amendements. Je remercie tous ceux qui ont exprimé un jugement sur ce texte ; pratiquement tous ont salué les avancées obtenues, même si elles sont apparues minimes aux yeux de certains. Le Gouvernement s’est montré clair : il ne s’agit pas du Grand soir de la décentralisation mais d’une adaptation visant à déconcentrer certaines fonctions et à simplifier des procédures.

La santé est une compétence régalienne de l’État. Le Gouvernement la conduit et la décentralise. De nombreuses collectivités cofinancent déjà des projets, à différents titres : l’innovation et la formation pour les régions, la proximité pour les communes. Le projet de loi vise donc à sécuriser et à donner une base légale à ces interventions existantes.

Nous aurons à débattre de la présence des parlementaires dans les instances des établissements de santé ; je vous proposerai un amendement sur ce point. Nous aurons aussi à parler de la représentation des parlementaires dans les conseils d’administration des ARS. J’aurai là encore des propositions à vous faire.

Enfin, j’étais un petit peu surpris d’entendre parler de certaines initiatives, par exemple l’ORDAM : j’ai l’impression que nous ferions là un très grand pas en avant dans la décentralisation. N’oublions pas que l’État, qui est présent dans les territoires et dans les régions à travers le préfet de région et les délégations déconcentrées, gère, maîtrise et oriente des fonds nationaux. Il n’est pas question de revenir sur ce point : l’État ne peut pas et ne doit pas se désengager. Ce n’est pas parce que les agences sont dites régionales que, d’un seul coup, le préfet de région devrait plier sous les injonctions d’élus régionaux. Leurs avis et leurs préconisations doivent être pris en compte. Ainsi, ils interviennent pleinement dans l’élaboration des contrats locaux de santé, qui sont pris en considération dans l’élaboration du schéma régional de santé.

Voilà les quelques éléments très généraux que je voulais apporter en réponse aux interventions que nous venons d’entendre.

TITRE IV

LA SANTÉ, LA COHÉSION SOCIALE, L’ÉDUCATION ET LA CULTURE

 

Chapitre Ier

La participation à la sécurité sanitaire territoriale

Article 31 (art. L. 1432-1, L. 1432-2, L. 1432-3, L. 1442-2 et L. 1442-6 du code de la santé publique) : Réforme de la gouvernance des agences régionales de santé

Amendement AS176 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à supprimer la disposition introduite par le Sénat selon laquelle les missions des délégations départementales des agences régionales de santé seront déterminées par décret, après consultation des associations représentatives d’élus locaux. Il ne fait pas de doute que la revalorisation de l’échelon départemental des ARS est une nécessité.

Pour autant, la définition d’un cadre réglementaire, par essence rigide, n’apparaît pas opportune. À ce jour, les délégations départementales remplissent des missions hétérogènes, dictées par les spécificités des territoires et les besoins très divers de leurs populations. La solution proposée par le Sénat risque d’entraver leur capacité d’adaptation et leur réactivité. Le Gouvernement a fait savoir, lors de l’examen du texte au Sénat, qu’il était favorable à l’élaboration d’un document souple, comme une charte. Concomitamment, les rapporteurs de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS) de l’Assemblée nationale sur les ARS appelaient de leurs vœux l’établissement, par le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales, d’un cadre de référence arrêtant un modèle cible de répartition des missions et des compétences entre les délégations départementales et le siège des ARS.

Il existe donc des pistes alternatives à l’uniformisation souhaitée par les sénateurs. Ce sont elles qu’il faut explorer aux fins de dynamiser et d’améliorer la qualité de l’action des ARS au plan local, tout en conservant aux antennes départementales la marge de manœuvre dont elles ont besoin.

M. Thibault Bazin. Je m’interroge, monsieur le rapporteur, sur votre volonté de rechercher un consensus avec le Sénat dans la mesure où, dès l’examen du premier article soumis à notre commission, vous proposez un amendement visant à supprimer un alinéa. Celui-ci prévoit pourtant de consulter les associations représentatives d’élus locaux : quel message souhaitez-vous envoyer, alors que le congrès des maires se réunit cette semaine ? Je comprends que, pour des raisons d’efficacité ou de fidélité au texte du Gouvernement, vous vouliez revenir à la version initiale, mais je pense que votre amendement ne répond pas à la question de la consultation des institutions représentatives des locaux, laquelle me paraît être une bonne chose.

M. Guillaume Chiche. Ce texte de décentralisation suscite beaucoup d’attentes chez les élus locaux. Lors de la crise sanitaire, les ARS ont tenté, sous l’égide des préfets, d’associer les élus locaux à leur action, au travers de leurs associations représentatives. Organiser la consultation de ces associations va dans le bon sens et répond pleinement à l’objectif du texte que nous étudions ce soir.

M. le rapporteur. La consultation des élus locaux existe et existera encore davantage à l’avenir. Il faut veiller à conserver de la souplesse dans l’établissement des missions des délégations départementales pour être en mesure, demain, d’assurer une variabilité territoriale.

M. Thibault Bazin. Comme l’a montré la gestion de la crise sanitaire à l’échelon territorial, le fonctionnement des ARS s’apparente à une boîte noire. Qu’en transparence, un décret affiche leurs missions va plutôt dans le bon sens, d’autant plus que l’article 31 vise à améliorer la gouvernance et le rôle des agences dans la gestion sanitaire de notre pays. Leur laisser trop de latitude pourrait être contreproductif. On pourrait en arriver à se demander à quoi elles servent ! En outre, prévoir une consultation des associations représentatives d’élus locaux me semble aller dans le bon sens.

M. Bernard Perrut. Comment et sur la base de quel texte sont définies aujourd’hui les compétences des délégations départementales ? Comment pourraient-elles être améliorées en lien avec les élus locaux ? Pendant la crise sanitaire, les ARS ont joué un rôle très différent d’une région à l’autre. Comment apporter des améliorations au fonctionnement des ARS en tenant compte des besoins locaux – départements urbains ou ruraux, question des déserts médicaux, etc. ?

Mme Jeanine Dubié. Vous auriez pu, monsieur le rapporteur, réécrire l’alinéa 2 au lieu de le supprimer, car, comme nous avons pu le constater lors de la crise sanitaire, il faut renforcer l’échelon départemental. Cela doit être une priorité et un choix politique. Avec l’instauration des grandes régions, les ARS sont trop éloignées des différents territoires et ne peuvent conduire les nécessaires actions de proximité.

Lors des auditions réalisées dans le cadre du rapport de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale (MECSS) sur la question, on a bien vu que lorsque le directeur général d’une ARS avait une attitude claire de délégation et de déconcentration de ses pouvoirs au niveau départemental, cela fonctionnait bien. Dans le cas contraire, ça cafouille.

Le groupe Libertés et Territoires ne votera donc pas cet amendement de suppression.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. La crise a montré à quel point les délégations départementales des ARS étaient efficaces et engagées : la question de leur utilité ne se pose donc pas, cher collègue Bazin. En revanche, fixer leurs compétences et leur champ d’action par décret n’est pas opportun car cela les empêcherait de gérer ce qui n’y figurerait pas. Cela les priverait d’une souplesse fort nécessaire sur le terrain pour s’adapter aux spécificités locales et mettre en œuvre des politiques diverses. Enfin, les élus locaux sont d’ores et déjà associés par l’intermédiaire des contrats locaux de santé et les conseils territoriaux de santé qui se tiennent à chaque fois en leur présence – il y a même des parlementaires.

Alors que les outils permettant de travailler avec les ARS, en lien avec les attentes des élus, des patients et des soignants, sont en place, il serait contreproductif de fixer et de rigidifier par décret les missions des délégations départementales.

J’apporte par conséquent un franc soutien à l’amendement du rapporteur.

M. le rapporteur. Les communes travaillent très positivement aux déterminants de santé. Les départements ont un rôle phare concernant les établissements médico-sociaux et les EHPAD (établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes), comme les régions en matière de formation et d’innovation. Les délégations départementales, quant à elles, agissent en fonction de l’appréciation de leur direction générale. La proximité, objectif partagé par tous, y compris par le Gouvernement, doit être mise en œuvre. Ainsi, les contrats locaux de santé sont élaborés au plus près du territoire et nourrissent les schémas régionaux de santé.

Graver dans le marbre, par décret, le fonctionnement et la composition des délégations départementales ne permettra pas de répondre à la grande variabilité territoriale des situations, d’un département à l’autre. Il faut donc laisser à la direction générale de chaque ARS le soin d’adapter chacune de ses délégations départementales, avec toute la souplesse nécessaire : tel est le sens de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS100 de Philippe Vigier.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de préciser le rôle essentiel d’interface des délégations départementales et du délégué départemental, entre le directeur général et les élus locaux. La mesure n° 33 du Ségur de la santé précise du reste l’intention de renforcer le niveau départemental et l’association des élus.

M. le rapporteur. Je l’ai dit, les missions des délégations départementales ne doivent pas, selon moi, figurer dans le décret. A fortiori, les inscrire dans la loi ne me semble pas opportun. Avis défavorable, donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS148 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit de compléter la composition du futur conseil d’administration des ARS en y intégrant des organisations représentatives des professionnels de santé, des établissements sanitaires et médicaux-sociaux.

M. le rapporteur. Cette précision relève a priori non pas de la loi mais du règlement. Je considère en outre qu’il n’est pas souhaitable que les organisations représentatives siègent au sein du conseil d’administration : ces prestataires de services ne doivent pas être prescripteurs et exécuteurs.

D’autres instances sont efficaces et très utiles pour associer les professionnels de santé à l’élaboration des documents relatifs à la politique de santé. Si l’amendement n’était pas retiré, j’y serais défavorable.

M. Thibault Bazin. Je rappelle que l’article 31 est le premier du chapitre Ier, intitulé « La participation à la sécurité sanitaire territoriale ». La crise de confiance et de recrutement que traversent nos établissements sanitaires et médico-sociaux, comme la crise de vocation chez les professionnels de santé, militent en faveur de l’association de leurs organisations professionnelles. Celle-ci est même essentielle pour reconstruire une politique sanitaire territoriale.

Vous nous dites, monsieur le rapporteur, que cette précision relève du niveau réglementaire. Or il me semble que nous avons déjà voté des dispositions similaires dans d’autres textes. Votons l’amendement et nous verrons en séance ce qu’en dit le Gouvernement.

M. le rapporteur. Je rappelle que le Conseil constitutionnel a jugé en novembre 2015 que le principe même de l’existence des délégations départementales des ARS revêtait un caractère réglementaire et non législatif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS45 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. L’amendement vise à améliorer la coordination entre l’échelon départemental des ARS et les conseils départementaux, en proposant que le délégué départemental de l’ARS présente annuellement un bilan de son activité au président du conseil départemental. Nous avons repris le dispositif prévu pour les préfets qui, chaque année, présentent devant les présidents de conseil départemental le rapport d’activité des services de l’État.

M. le rapporteur. Votre amendement est satisfait : l’article L. 1434-15 du code de la santé publique prévoit d’ores et déjà que pour assurer une bonne coordination de l’action des collectivités territoriales et des ARS, les élus – président du conseil régional, président du conseil départemental, présidents des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, maires – sont concertés sur l’organisation territoriale au moins une fois par an par le directeur général ou le directeur de la délégation départementale de l’ARS.

M. Thibault Bazin. Il s’agit ici non pas de concertation mais de la transmission d’un rapport d’activité de l’ARS aux élus du département concerné.

Compte tenu de l’imbrication des différentes politiques médico-sociales et des liens extrêmement forts entre l’ARS et le conseil départemental, ce document permettrait de rendre compte de ce qui a été fait et, conformément à l’ambition de votre texte, d’asseoir la participation du département à la sécurité sanitaire territoriale

Mme Jeanine Dubié. Il n’est pas question de concertation. On a coutume de dire que le directeur général de l’ARS est le préfet sanitaire de la région concernée. S’il paraît logique que le représentant de l’État dans le département, le préfet, présente un rapport d’activité des services de l’État, pourquoi ne pas le faire dans le champ sanitaire, dans lequel l’État est représenté par le délégué départemental de l’ARS ? Ainsi, l’ensemble des politiques de l’État seraient présentées au président du conseil départemental.

M. Philippe Vigier. Vous nous dites, Monsieur le rapporteur, que l’amendement est satisfait. Or nous constatons dans la pratique qu’un tel bilan n’est pas communiqué chaque année au département, alors que de nombreuses compétences en la matière sont partagées. Les politiques de santé ne sont pas l’apanage exclusif de l’État. S’agissant des nouvelles gouvernances, nous devons être en mesure d’être plus efficaces. Enfin, ce serait un signe de la mise en réseau de tous les acteurs que l’on tente de mettre en place, notamment avec le Ségur de la santé.

M. le rapporteur. Ce bilan est publié et public : s’il n’est peut-être pas officiellement présenté, il est donc consultable. Le président du conseil départemental peut donc s’en saisir, le commenter et organiser un débat le concernant.

Par conséquent, si l’amendement n’était pas retiré, j’y serais défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS144 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Cet amendement prévoit que les délégués départementaux des ARS sont nommés après avis du président du conseil départemental. La pandémie de covid-19 a montré la nécessité d’un travail conjoint entre les ARS et les conseils départementaux.

M. le rapporteur. Il y a confusion des genres. Les ARS sont en effet des émanations de l’État et agissent en fonction d’objectifs nationaux. Les départements n’ont donc pas à interférer dans la désignation de leurs délégués départementaux. Ce serait aller beaucoup trop loin. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS177 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il s’agit de revenir sur la modification effectuée par le Sénat consistant à donner au futur conseil d’administration des ARS le pouvoir d’approuver le projet régional de santé (PRS) plutôt que d’émettre un avis sur celui-ci, comme c’est le cas à l’heure actuelle.

Le PRS définit, en cohérence avec la stratégie nationale de santé et dans le respect des lois de financement de la sécurité sociale, les objectifs pluriannuels de l’ARS dans ses domaines de compétences. S’il est arrêté par le directeur général, il fait toutefois l’objet d’un certain nombre de consultations préalables, la conférence régionale de la santé et de l’autonomie, les conseils départementaux de la citoyenneté et de l’autonomie, le préfet de région et les collectivités territoriales de la région émettant un avis simple sur ledit projet.

Parce qu’il est l’outil stratégique de la politique de santé déclinée à l’échelon régional, politique qui relève de l’État, parce qu’il constitue le cadre de référence de l’action de l’ARS, elle-même chargée par la loi de définir et de mettre en œuvre un ensemble coordonné de programmes et d’actions concourant à la réalisation des objectifs préalablement définis, le PRS doit être arrêté par le directeur général de l’ARS au titre de ses fonctions de police sanitaire.

Confier au conseil d’administration le soin d’approuver ou de rejeter le projet régional de santé heurterait ces principes qui sous-tendent l’architecture de la politique sanitaire de notre pays.

Je propose donc de supprimer l’alinéa 4.

M. Thibault Bazin. Cet alinéa est très important puisqu’il prévoit que le directeur général de l’ARS arrête le PRS : les sénateurs proposent, ce qui paraît logique, qu’il soit arrêté après délibération du conseil d’administration. Sinon à quoi ce dernier servirait-il ?

Une telle étape me paraît fondamentale pour recréer de la confiance et asseoir la participation des collectivités locales à la sécurité sanitaire territoriale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS178 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il s’agit de supprimer l’alinéa 7, c’est-à-dire la disposition, introduite par le Sénat, suivant laquelle le futur conseil d’administration des agences régionales de santé (ARS) sera composé à parts égales de représentants de l’État, de membres des conseils et conseils d’administration des organismes locaux d’assurance maladie, de représentants des collectivités territoriales et des usagers.

Il ne paraît pas opportun d’introduire dans la loi une précision de cet ordre, le détail de la composition du conseil de surveillance aujourd’hui, et du conseil d’administration demain, relevant du domaine réglementaire. Il convient de prendre garde à ne pas figer les choses dans la loi de façon à préserver les possibilités d’ajustement.

La politique sanitaire est une compétence de l’État et il est légitime, par conséquent, qu'il puisse être majoritaire au sein du conseil d’administration des ARS, bras armé de cette politique.

M. Pierre Dharréville. La politique sanitaire est effectivement une compétence de l’État : il faudra aller au bout de cette logique pour l’article 39.

M. Thibault Bazin. La crise des gilets jaunes a mis en évidence le besoin de recréer du lien localement.

À parts égales ne veut pas dire que la représentation de l’État est diminuée, dans la mesure où certains élus locaux sont également représentants de l’État. Si on veut bien poursuivre la déconcentration, on ne semble pas prêt à franchir un pas de plus en matière de décentralisation.

Comment la participation à la sécurité sanitaire territoriale sera-t-elle concrètement assurée ? Il nous faut inventer un système paritaire entre l’État et les collectivités locales, ce qui obligerait sur le plan local à une discussion en vue de trouver un terrain d’entente. La santé, qui est une compétence de l’État – nous ne le nions pas –, doit nous rassembler. Une représentation à parts égales irait dans le bon sens.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Les Républicains poussent à la décentralisation et proposent que siègent à parts égales l’État et les collectivités. Le moment est historique !

Cela revient à nier le rôle régalien de l’État dans la santé, dont le budget que nous votons notamment dans cette salle est ensuite décliné au niveau régional. Nous soutiendrons donc bien évidemment la suppression de l’alinéa.

M. Thibault Bazin. Vous promettez un acte de décentralisation. Or le texte ne répond pas à cette promesse. S’agissant du conseil d’administration d’une ARS, un système paritaire n’enlèverait rien à l’État. Il ne perdrait pas sa compétence en matière de politique sanitaire. Ce ne sont pas les collectivités locales qui voteront le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

En revanche, si l’État est représenté de façon disproportionnée, c’est à lui-même, et non aux collectivités qu’il parlera. Il faut améliorer le dispositif en renforçant le dialogue avec l’échelon local qui doit être représenté à parts égales.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS67 de Mme Monique Iborra.

Mme Monique Iborra. La santé est une compétence de l’État et des Gouvernements. Les députés, en particulier les commissaires aux affaires sociales, votent tous les ans un PLFSS mais ne savent pas très bien ce qu’il devient ensuite.

Avec ce texte, nous avons l’occasion de faire en sorte qu’un ou deux députés siègent au sein du nouveau conseil d’administration des ARS. Une telle mesure n’enlèverait rien à personne et améliorerait la cohérence de notre action. Nous aurions une meilleure visibilité sur les conséquences de nos votes sur le terrain et sur les besoins des élus locaux.

L’argument selon lequel nous serions trop nombreux et qu’il serait trop compliqué de désigner deux parlementaires ne tient pas. Des désignations se font d’ores et déjà aujourd’hui dans telle ou telle structure en toute simplicité et de façon efficace.

M. le rapporteur. Les parlementaires ne sont pas déconnectés des problématiques sanitaires territoriales : ils siègent notamment dans les conseils territoriaux de santé, participent au diagnostic territorial et connaissent les besoins sanitaires et médico-sociaux de la population. Nous avons en outre l’intention de rétablir leur présence au sein des conseils de surveillance des établissements de santé. Les parlementaires disposent donc de nombreuses possibilités pour participer au débat sur les politiques de santé.

Le Sénat, dans sa sagesse, a considéré qu’il n’était pas nécessaire que des parlementaires siègent au sein du conseil d’administration. Il se refuse d’ailleurs à choisir, ne serait-ce qu’à l’échelon départemental, un sénateur parmi d’autres. Effectivement, la désignation de deux parlementaires, un député et un sénateur, dans une grande région qui en compte plusieurs dizaines, constituera un problème, d’autant que leur appréciation sera différente selon qu’ils appartiendront à la majorité ou aux oppositions.

Je rappelle que le projet de loi est inspiré par la volonté d’introduire les élus locaux au sein des conseils d’administration des ARS. Il n’a pas vocation à modifier les grands équilibres des forces en présence.

Pour toutes ces raisons, je vous propose, chère collègue, de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

M. Thomas Mesnier, rapporteur général. Je m’inscris tout d’abord en faux contre l’affirmation selon laquelle une fois le PLFSS voté, on ne saurait pas ce qu’il devient. On vote en effet, chaque année, la partie rectificative des comptes de l’année précédente, et l’exercice clos de l’année n–2. Fondamentalement, quand on vote le budget de la sécurité sociale, on a donc une bonne vision de ce qui a été réalisé sur les deux exercices précédents. Tout est largement documenté dans les annexes. Je vous encourage d’ailleurs à voter ma proposition de loi organique qui permettra de disposer au printemps d’une loi de règlement de la sécurité sociale sur l’exercice clos, et donc d’un temps dédié pour en débattre.

Pour le reste, comment en Nouvelle-Aquitaine, pourrait-on désigner deux parlementaires représentatifs et de la majorité et de l’opposition pour siéger au sein du conseil d’administration ? Je rappelle que la loi du 24 juillet 2019 relative à l'organisation et à la transformation du système de santé a prévu la présence de parlementaires au sein des conseils territoriaux de santé. Il faut s’emparer davantage de cette disposition.

En outre, alors que la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist a permis d’ouvrir aux parlementaires les portes des conseils de surveillance des établissements, le Sénat a supprimé la disposition dans ce texte – mais je crois que vous avez l’intention de la rétablir, monsieur le rapporteur.

Ces différentes mesures constituent autant de leviers pour assurer la présence et l’information des parlementaires sur la déclinaison locale de ce qu’ils votent au niveau national.

Si elle est louable, l’intention de notre collègue ne permettrait pas d’atteindre l’objectif qu’elle se fixe. Je voterai donc contre cet amendement.

M. Philippe Vigier. Je n’ai pas été convaincu par les nombreux arguments avancés par le rapporteur général.

Chaque fois qu’une occasion de renforcer les pouvoirs du Parlement se présente, il faut s’en saisir. C’est notre boulot : le travail du Parlement, c’est de légiférer, mais surtout de contrôler. La loi de règlement que vous évoquez ne nous éclairera pas sur les interventions du fonds d’intervention régional (FIR) ou sur les plans d’investissement que nous découvrons après-coup.

Cela étant comment désigner deux parlementaires ? Je vous renvoie aux fameuses commissions d’attribution de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR). Savez-vous combien de parlementaires y siègent au regard des attributions du préfet ? C’est totalement discrétionnaire. Chaque fois que nous baisserons la garde, nous perdrons.

Enfin, M. le rapporteur pour avis vient d’évoquer la sagesse du Sénat ; que n’en a-t-il pas tenu compte s’agissant d’une disposition précédente qui me paraissait très équilibrée…

M. Bernard Perrut. Certaines réponses ont été apportées à ma question concernant les modalités de désignation des parlementaires : comment en désigner deux, dans des régions qui sont immenses ? Toutefois, si nous retenions cette idée, il faudrait aller plus loin et préciser que ces parlementaires doivent être membres de la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, de manière à s’assurer qu’ils seront compétents sur le fond. En outre, ils pourraient soumettre, une fois par an, des propositions à la commission des affaires sociales, laquelle serait en mesure de produire un rapport sur l’application des dispositions que nous votons ici. Ainsi, votre amendement prendrait tout son sens, madame Iborra : il lierait notre commission à l’action menée sur le territoire.

Mme Jeanine Dubié. La question de la désignation est un faux problème : à chaque début de législature, l’Assemblée nationale désigne des députés qui la représentent dans de nombreux organismes. Ainsi, elle est représentée par deux députés dans le comité de massif de chaque région concernée – la majorité a d’ailleurs eu l’élégance de ne désigner que des membres des groupes qui la composent, l’opposition devant se contenter des suppléances… En outre, les sénateurs sont aussi des parlementaires.

La seule question à se poser est donc la suivante : veut-on que les parlementaires soient représentés au sein du conseil d’administration des ARS ? Si la réponse est oui, nous pourrons proposer une nouvelle rédaction de l’amendement en vue de la séance publique, afin de préciser que l’Assemblée nationale désigne des députés élus dans la région.

M. Thibault Bazin. Nous sommes au cœur du défi posé par la crise des gilets jaunes : comment rétablir la confiance, le lien entre le niveau national et le niveau local, entre les décisions et leur application sur le terrain ? La question se pose pour les élus nationaux – les parlementaires –, mais elle peut aussi se poser pour les élus locaux dans le cadre de leurs rapports avec les représentants de l’État, notamment l’ARS. Certains d’entre eux sollicitent l’agence de leur région et nous disent n’avoir aucun retour de sa part.

Madame Iborra, il serait utile de proposer une nouvelle rédaction de votre amendement, ne serait-ce que par courtoisie vis-à-vis de nos collègues sénateurs. Il me semble que nous devrions reprendre la formule retenue pour les agences de l’eau ou les commissions de dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) : cela permettrait de prendre en compte les deux chambres et de respecter la parité entre la majorité et l’opposition.

Mme Monique Iborra. Vous avez raison, monsieur Perrut, les députés de la commission des affaires sociales sont ceux qui siégeraient le plus volontiers au conseil d’administration d’une ARS – je ne suis pas sûre que le sujet intéresse les députés de la commission des affaires économiques, par exemple.

Par ailleurs, je ne veux pas contrarier notre rapporteur général, qui réalise un important travail lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), mais je ne suis pas d’accord avec lui : nous n’avons pas un retour exhaustif de ce que nous votons. Sur le terrain, je m’aperçois souvent que ce que nous avons voté n’est que partiellement mis en œuvre, voire n’est pas mis en œuvre du tout ! On se demande parfois où passent les masses financières en question.

Il ne s’agit pas d’être des censeurs, mais de suivre attentivement l’application des mesures que nous votons à l’Assemblée et d’assurer une cohérence entre ces mesures et notre présence sur le terrain, parmi les élus locaux – j’y insiste.

Dès lors que j’accepte de préciser que les parlementaires désignés doivent être membres de la commission des affaires sociales et que les modalités de leur désignation ne soulèvent aucun problème, je ne vois aucune raison de s’opposer à cet amendement. Je suis prête à améliorer sa rédaction ; je le retire donc et le redéposerai en séance publique.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS41 de Mme Jeanine Dubié, AS58 de M. Thibault Bazin, AS78 de Mme Isabelle Valentin, AS97 de Mme Josiane Corneloup et amendement AS81 de M. Jean-Hugues Ratenon (discussion commune).

Mme Jeanine Dubié. L’amendement AS41 vise à garantir la présence d’un représentant d’une collectivité ou d’un groupement de collectivités des zones de montagne au sein du conseil d’administration des ARS. Ce représentant serait désigné par les membres élus du comité de massif prévu à l’article 7 de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne.

Pourquoi une telle demande ? Le présent projet de loi est notamment relatif à la différenciation. Or deux lois prennent en compte la différenciation des territoires : la loi de 1985 précitée, dite loi montagne, et celle du 28 décembre 2016 de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne. Pour donner corps et sens à la notion de différenciation, il serait donc normal que les collectivités de montagne disposent d’un représentant au sein des ARS.

Enfin, ces territoires ont un climat et une géographie particuliers et il est parfois difficile d’y assurer le maintien et le fonctionnement correct des installations sanitaires – on le constate, par exemple, pour les hôpitaux.

M. Jean-Hugues Ratenon. Notre amendement reprend une proposition de l’Association nationale des élus de la montagne (ANEM) qui vise à garantir la présence d’un représentant d’une collectivité de zone de montagne au sein du conseil d’administration de l’ARS lorsque la région comporte une telle zone. Ce représentant serait désigné par les membres élus du comité de massif prévu à l’article 7 de la loi du 9 janvier 1985 précitée.

Les déserts médicaux gagnent du terrain en France, particulièrement dans certaines zones peu denses ou difficiles d’accès, comme certaines zones montagneuses, dont les spécificités ne sont pas suffisamment prises en compte dans les orientations des ARS. C’est pourquoi nous proposons que ces territoires soient mieux représentés au sein des agences.

Il s’agit cependant d’un amendement de repli, car nous sommes contre les ARS, structures technocratiques dont les objectifs sont essentiellement financiers.

M. le rapporteur. Mis à part celui de M. Ratenon, qui vise explicitement les régions dans lesquelles se trouve une zone de montagne, les amendements s’appliqueraient au conseil d’administration de toutes les ARS, ce qui n’est pas possible. Il est nécessaire de conserver une certaine souplesse afin que la composition des collèges de représentants soit adaptée aux spécificités, notamment géographiques, de la région. Enfin, la composition du conseil de surveillance et, demain, du conseil d’administration relève du domaine réglementaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Monsieur le rapporteur pour avis, il existe un comité de massif dans chacun des massifs français, de métropole ou d’outre-mer. Chaque comité peut donc désigner un représentant. Du reste, ces comités sont concernés par l’ensemble des politiques publiques dans les territoires de montagne.

M. le rapporteur. Les collectivités territoriales pourront tenir compte de cette spécificité et désigner un représentant du massif dans le collège idoine.

M. Philippe Vigier. Cet amendement vise à mettre en œuvre la différenciation territoriale, dans l’esprit du présent projet de loi.

M. Bernard Perrut. Pourquoi mettre en avant certaines zones plutôt que d’autres ? Les déserts médicaux ne sont pas l’apanage de la montagne, par exemple : certaines zones urbaines très importantes connaissent aussi ce type de difficultés. Dès lors, ne serait-il pas préférable de viser les « zones particulièrement en difficulté » ?

M. Pierre Dharréville. Le débat est intéressant, car il met en évidence un défaut patent de démocratie sanitaire. L’ARS est le lieu où se prennent, dans le domaine de la santé, la plupart des décisions qui ont un impact sur nos vies quotidiennes. Des demandes émergent, qui ont pour objectif de faire progresser la démocratie sanitaire, réduite à la portion congrue. En réalité, c’est le fait majoritaire qui s’applique au Parlement lors du vote du PLFSS, et encore : en pratique, c’est l’exécutif qui décide.

Je ne suis pas sûr que le projet de loi nous permette de répondre à cette question, mais il nous faut l’aborder de front.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS113 de M. Cyrille Isaac-Sibille et amendement AS42 de Mme Jeanine Dubié (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille. Par l’amendement AS113, nous proposons qu’un représentant des communes de moins de 2 000 habitants et un représentant des communes comprenant entre 2 000 et 3 500 habitants siègent au sein du conseil d’administration des ARS. S’il est important que les parlementaires soient représentés, il est également fondamental que les maires des petites communes, souvent confrontés à des problèmes de sous-densité médicale, aient leur mot à dire.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de prévoir la présence d’un représentant des communes de moins de 3 500 habitants dans le conseil d’administration des ARS.

M. le rapporteur. Pourquoi pas les cités lacustres ou les zones défavorisées ? Il ne serait pas raisonnable d’alourdir la liste des représentants, même s’il est tout à fait légitime que ces territoires fassent valoir leurs particularités et leurs différences. Défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Puisque les élus des grandes collectivités siégeront au conseil d’administration de l’ARS, il serait normal que ceux des petites communes y siègent également.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS147 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Il s’agit de garantir la représentation, dans le quatrième collège du conseil d’administration des ARS, d’une part, des personnes en situation de pauvreté ou de précarité, d’autre part, des personnes vivant dans les déserts médicaux. Ces personnes sont en effet les plus éloignées de notre système de santé, dont elles subissent les inégalités les plus criantes. Il est donc légitime qu’en raison de leurs besoins particuliers, elles soient représentées au conseil d’administration de l’ARS, au même titre que les personnes âgées, les personnes handicapées ou les patients.

M. le rapporteur. Les représentants des associations d’usagers, qui œuvrent dans le domaine de la qualité des soins et de la prise en charge des malades et siègent au conseil d’administration, peuvent parfaitement être sensibilisés aux questions de l’insuffisance de l’offre de soins et de la difficulté d’accès aux soins et porter la voix des personnes que vous évoquez en toute légitimité. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Joël Aviragnet. J’entends vos arguments, monsieur le rapporteur pour avis. Mais rien ne garantit que les personnes vivant dans des territoires sous-médicalisés et qui sont en grande difficulté pour avoir accès aux soins seront représentées. Or je ne suis pas certain qu’on accorde toujours à ces questions, qui peuvent être victimes d’une forme d’oubli ou de non-reconnaissance, l’importance qu’elles ont sur le terrain. Sur les sites internet des ARS, on trouve parfois le nom de médecins partis à la retraite depuis cinq ans !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS82 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Jean-Hugues Ratenon. Il s’agit de démocratiser la définition de la politique sanitaire, en octroyant une place, au sein du conseil de surveillance des ARS, à des citoyens tirés au sort.

M. le rapporteur. Le collège des usagers doit être représentatif ; le tirage au sort ne paraît pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS29 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Il s’agit de compléter la composition du conseil d’administration des ARS – mais n’est-ce pas plutôt un conseil de surveillance ? –, en y ajoutant la présence de représentants des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS). En effet, dans un contexte de désertification médicale, les sapeurs-pompiers jouent un rôle essentiel dans l’offre de soins de premier recours. Il paraît donc légitime qu’ils disposent d’une voix délibérative au sein des ARS.

M. le rapporteur. Nous avons une différence d’appréciation. Je ne nie pas le rôle essentiel des sapeurs-pompiers dans la prise en charge en urgence de nos concitoyens, mais il ne me paraît pas souhaitable qu’ils aient voix délibérative dans les orientations de la politique de santé.

M. Guillaume Chiche. Quel est l’objectif poursuivi ? Nous discutons ici de sécurité sanitaire territoriale. Nous venons d’examiner des amendements, issus de tous les rangs de la commission, qui visent à améliorer la représentativité du conseil d’administration des ARS en y intégrant les usagers, les élus des petites communes, ceux des communes rurales exposées à la désertification médicale, les professionnels de santé, les agents des SDIS… Et, à chaque fois, on nous répond qu’il n’y a pas lieu d’élargir la représentativité de ce conseil d’administration ! Si l’on veut que les orientations définies par les ARS soient en prise avec la réalité des territoires, il faut que les forces vives de ces territoires puissent s’exprimer, à défaut de pouvoir délibérer.

Mme Gisèle Biémouret. Je suis étonnée de la réponse du rapporteur pour avis. Compte tenu de l’importance des sapeurs-pompiers dans le domaine du secours à la personne et du transport des malades dans les territoires ruraux, il ne me paraît pas normal que l’on exclue les SDIS du conseil d’administration des ARS.

M. Pierre Dharréville. Mes collègues ont raison, les pompiers jouent un rôle dans l’organisation des secours, si ce n’est dans celle des soins. En outre, la portée des délibérations d’un organe tel que le conseil d’administration est assez faible, puisque nous avons repoussé des amendements visant à leur donner un rôle plus important. La décision finale appartiendra toujours au directeur de l’ARS et au ministre. Les SDIS pourraient apporter un éclairage intéressant. Quel risque prendrait-on à les faire participer aux discussions ?

M. le rapporteur. Les sapeurs-pompiers sont présents au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) et donnent donc des avis sur la définition des objectifs et des actions des agences régionales de santé. Ils sont également présents au sein des comités départementaux de l’aide médicale urgente, de la permanence des soins et des transports sanitaires (CODAMUPS-TS) et donnent leur avis sur l’organisation de la permanence des soins et des interventions d’urgence. Ils s’expriment donc et leur expertise, leur professionnalisme, leur connaissance du terrain sont pris en compte.

Par ailleurs, je le répète, monsieur Chiche, le conseil d’administration délibérera, mais on ne lui demandera pas d’approuver le budget et les orientations de l’agence, fixés par le directeur général de l’agence.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS149 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Il s’agit de compléter la composition du futur conseil d’administration des ARS en y intégrant un collège composé de professionnels de santé. Celui-ci compléterait ainsi les quatre collèges existants, qui représentent respectivement l’État, les organismes de l’assurance maladie, les collectivités et les usagers. En effet la fusion des anciennes institutions sanitaires au sein des ARS a eu tendance à renforcer l’image de pesanteur et de lourdeur technocratique. L’amendement permettrait de rapprocher les agences des acteurs de terrain et d’en finir avec l’éloignement continu de ces agences des professionnels de santé. Il est clair que ces derniers étant chargés d’appliquer les décisions prises par les ARS, il serait plus opérationnel qu’ils puissent participer aux décisions elles-mêmes.

M. le rapporteur. L’expertise des professionnels de santé sur l’état de santé des populations, les besoins et les parcours de santé est précieuse. C’est la raison pour laquelle ils siègent au sein des conférences régionales de la santé et de l’autonomie et dans les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), et participent à l’élaboration des contrats locaux de santé. Le conseil d’administration de l’ARS, bras armé de la politique de santé nationale, doit tenir compte de leur avis, mais ils ne sauraient être associés au conseil d’administration. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS179 de M. Didier Martin et AS170 de Mme Véronique Hammerer.

M. le rapporteur. Il s’agit d’abord de revenir sur la composition du conseil d’administration des ARS telle que prévue par le Sénat, qui a souhaité confier sa présidence conjointement au préfet de région et au président du conseil régional. Il ne paraît pas souhaitable de maintenir cette coprésidence : le préfet a autorité pour présider les débats, en faire la synthèse et, avec l’avis du directeur général, fixer les grandes orientations. Il peut y avoir des différences d’approche entre deux personnes et une coprésidence ne permettrait pas un arbitrage satisfaisant. Au contraire, elle pourrait être source de divergences.

Il s’agit ensuite d’assurer une représentation équilibrée des différentes strates de collectivités territoriales, en prévoyant quatre – et non trois – vice-présidents du conseil d’administration, trois d’entre eux étant désignés parmi les représentants des collectivités territoriales : région, département et bloc communal.

Mme Véronique Hammerer. Mon amendement vise également à rédiger ainsi l’alinéa 11 : « b) Le huitième alinéa du même I est complété par une phrase ainsi rédigée : “Celui-ci est assisté de quatre vice-présidents, dont trois désignés parmi les membres mentionnés au 3° du présent I.” ; ».

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’amendement AS146 de M. Joël Aviragnet tombe.

Amendement AS44 rectifié de Mme Jeanine Dubié et sous-amendement AS192 de M. Didier Martin.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit de confier une mission supplémentaire au conseil d’administration des ARS, celle de dresser un état régulier de la désertification médicale dans la région et d’émettre des propositions visant à lutter contre ce phénomène. De plus en plus de territoires, et pas seulement en milieu rural, sont touchés par la désertification médicale, laquelle est une source d’inquiétude pour les populations locales et nuit à l’attractivité des territoires.

M. le rapporteur. Je souscris pleinement à cette proposition. Une des principales missions des ARS est d’établir une cartographie des zones sous-médicalisées afin de mesurer les inégalités sociales et territoriales du territoire régional.

Mon sous-amendement vise simplement à substituer aux mots : « délégués départementaux de l’État » les mots : « délégations départementales de l’agence », plus adaptés.

Mme Jeanine Dubié. Je suis d’accord : la rédaction de mon amendement peut être améliorée.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 modifié.

Après l’article 31

Amendement AS48 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement, issu du rapport de la mission d’information sur l’amélioration de la prise en charge des patients atteints de la maladie de Lyme, que j’ai menée avec Nicole Trisse et Vincent Descoeur, vise à compléter le code de la santé publique, afin de préciser que les ARS veillent à l’information des usagers, à la qualité des mesures de prévention et à la mise en place du parcours de soins gradué dans le cadre de la politique nationale de lutte contre les maladies vectorielles à tiques. À cet effet, elles devraient également nommer un référent en charge de cette problématique.

M. le rapporteur. Je salue le travail que vous avez réalisé avec nos collègues sur la maladie de Lyme, transmise par les tiques, qui n’a pas encore livré tous ses secrets, surtout dans ses formes chroniques. Cependant, votre amendement est satisfait, puisque les ARS sont chargées de l’observation et de la surveillance de l’état de santé de la population, mais également de la prévention, du suivi des endémies, des maladies chroniques et de la douleur, ainsi que de l’organisation des parcours de santé. Au demeurant, il me semble trop ciblé ; on pourrait multiplier les amendements de ce type afin de viser d’autres pathologies, parfois endémiques et préoccupantes. Je vous demanderai donc de bien vouloir le retirer. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS119 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposons qu’en cas d’état d’urgence sanitaire, le directeur général de l’ARS rende compte tous les quinze jours devant le conseil d’administration de celle-ci des actions menées dans ce cadre. Un des enseignements de la crise sanitaire, documentés dans le rapport Firmin Le Bodo-Grelier précité, est que l’articulation entre ARS, d’une part, collectivités territoriales, offreurs de soins en ville et en hôpital et patients, d’autre part, est perfectible. Or cette articulation pourrait être améliorée si un conseil de crise sanitaire était créé au sein de chaque ARS.

M. le rapporteur. On peut comprendre cet amendement, marqué au fer rouge par l’actualité. Mais il aboutirait à soumettre le directeur général de l’ARS à une pression forte – et peut-être excessive – alors qu’en cas de crise sanitaire et d’endémie, les décisions relèvent de l’autorité ministérielle. Je vous propose donc de retirer votre amendement. À défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS117 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Il s’agit de transformer l’avis consultatif de la conférence régionale de la santé et de l’autonomie (CRSA) sur le projet régional de santé en un avis conforme. Il est essentiel que la voix de l’instance de démocratie sanitaire régionale compte quand elle se prononce sur le projet régional de santé, document stratégique majeur produit et mis en œuvre pendant quatre ans par l’ARS.

M. le rapporteur. L’avis consultatif me semble suffisant. La stratégie politique de santé est déclinée à l’échelon régional, mais elle relève pleinement de l’État. Un avis conforme n’est pas souhaitable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS118 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Nous proposons que la conférence régionale de la santé et de l’autonomie donne un avis consultatif sur la politique d’investissement de l’ARS territorialement compétente, notamment sur l’utilisation du fonds d’intervention régional (FIR), et que le directeur général de l’ARS fournisse une réponse motivée s’il va à l’encontre de cet avis.

En effet, le FIR représente environ 2,5 % de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), proportion amenée à augmenter avec l’intégration dans le FIR des crédits d’investissement et de reprise de la dette annoncés dans le cadre du Ségur de la santé. Il est donc essentiel que l’instance de démocratie sanitaire régionale soit consultée.

M. le rapporteur. La CRSA rend déjà un avis sur les orientations et la mise en œuvre de la stratégie régionale d’investissement dans le système de santé ainsi que sur les orientations stratégiques annuelles d’utilisation du FIR. Votre amendement est donc satisfait.

M. Joël Aviragnet. Il me semble qu’il ne l’est pas totalement, car l’avis de la CRSA ne porte pas sur l’utilisation des fonds du Ségur de la santé. Peut-être interprété-je mal les textes, mais il me semble qu’il y a là un trou dans la raquette. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur ce point ?

M. le rapporteur. L’application régionale du Ségur de la santé fera forcément l’objet de discussions.

M. Joël Aviragnet. L’avis de la CRSA portera donc également sur le Ségur de la santé ?

M. le rapporteur. Je le pense, oui.

M. Joël Aviragnet. Mais vous n’en êtes pas certain.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS32 de M. Bernard Perrut et AS171 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Bernard Perrut. Nous proposons que l’État, à travers les ARS, prenne en compte les projets des territoires dans l’élaboration de son projet régional de santé. Le dialogue et la cohérence du développement sanitaire des territoires s’en trouveraient renforcés.

Ces derniers assument en effet – la crise sanitaire l’a illustré – un rôle déterminant de coordination des différents acteurs locaux. Ils sont des acteurs incontournables des politiques publiques de santé, en particulier dans le champ de la prévention, dont on sait qu’elle contribue à limiter les dépenses de santé. Ils promeuvent des actions concrètes et directes, dans le champ de leurs compétences, en faveur du bien-être physique, social et mental de leurs populations. Enfin, ils ont la capacité d’intervenir sur l’ensemble des déterminants sociaux et environnementaux de santé.

C’est pourquoi nous proposons de compléter l’article L. 1434-1 du code de la santé publique par les mots suivants : « Il tient notamment compte des contrats locaux de santé existants sur le territoire régional ».

M. Jean-Louis Touraine. De même que celui de M. Perrut, mon amendement AS171 vise à préciser que le projet régional de santé tient compte des contrats locaux de santé qui existent sur le territoire régional. Pendant la crise sanitaire, les territoires ont montré leur capacité à assumer un rôle majeur de coordination entre les différents acteurs de la santé. En outre, ils peuvent être à l’initiative d’actions concrètes dans le champ de leurs compétences, en particulier dans le domaine de la prévention, qu’il convient de développer dans notre pays et dans les territoires.

M. le rapporteur. Il s’agit d’une proposition intéressante, et j’y donne un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS43 de Mme Jeanine Dubié.

Mme Jeanine Dubié. Il tend à préciser expressément que le schéma régional de santé comprend un programme relatif à la réduction des inégalités sociales et territoriales de santé, afin d’améliorer les dispositifs en la matière. Actuellement, il s’agit d’un objectif du projet régional de santé, mais non d’une composante à part entière. L’élaboration d’un tel programme permettrait une meilleure évaluation des politiques menées par l’ARS en matière d’accès et de recours aux soins sur l’ensemble du territoire qu’elle couvre.

M. le rapporteur. Votre demande est en grande partie satisfaite : l’objectif de réduction des inégalités sociales et territoriales en matière de santé est pris en considération au moment de la rédaction du projet régional de santé. Je vous invite à retirer votre amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.

Mme Jeanine Dubié. Il s’agit effectivement d’un objectif du projet régional de santé, mais non d’une composante à part entière listée dans le code de la santé publique. C’est pourquoi je maintiens mon amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS120 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Il vise à ce que les ARS veillent, par l’intermédiaire du schéma régional de santé, à la cohérence du développement des maisons de santé et des centres de santé sur le territoire. Certes, c’est déjà le cas, du moins en Occitanie. Néanmoins, des collectivités territoriales tentent de pallier le manque de professionnels de santé en investissant dans ce type de structures, au détriment parfois de la cohérence de leur implantation. En vertu de cet amendement, les ARS auraient une obligation de moyens et de résultats dans ce domaine.

M. le rapporteur. Les ARS veillent déjà à la répartition territoriale de l’offre de prévention et de promotion de la santé sur le territoire, tant pour les établissements de soins que pour les établissements médico-sociaux, afin de satisfaire les besoins de santé de la population. Vous semblez dire qu’il y a une séparation, voire une étanchéité, entre ces structures. Les centres de santé doivent transmettre à l’ARS un projet de santé attestant leur exercice coordonné. Ils doivent conclure avec elle un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens préalablement à la réception de toute aide financière. Des règles analogues s’imposent aux maisons de santé. J’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 31 bis A (art. L. 1434-10 du code de la santé publique) : Renforcement de la participation des usagers dans les conseils territoriaux de santé et dans les contrats locaux de santé

Amendement AS122 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. Dans le même esprit que précédemment, il vise à garantir la représentation, au sein du conseil territorial de santé, des personnes vivant dans les déserts médicaux identifiés par l’ARS. Il est nécessaire que les problèmes propres à ces territoires soient relayés dans les ARS à tous les niveaux.

M. le rapporteur. L’article 31 bis A, ajouté par le Sénat, prévoit que le conseil territorial de santé « garantit en son sein la participation des usagers ». Cette disposition a une portée générale et il n’y a pas d’obstacle à ce que les représentants des usagers comprennent des personnes résidant dans les déserts médicaux. Je demande le retrait de l’amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

M. Joël Aviragnet. L’article mentionne les usagers en général. Or il faudrait garantir la participation des usagers directement confrontés aux difficultés d’accès aux soins. Les usagers qui vivent dans des territoires particulièrement défavorisés, qu’il s’agisse de banlieues ou de campagnes où l’on manque de médecins, ne relaieront pas les mêmes questions que les usagers résidant dans les centres-villes. Il faut que ces questions soient relayées d’une manière ou d’une autre.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis A sans modification.

Après l’article 31 bis A

Amendements identiques AS34 de M. Bernard Perrut et AS111 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Bernard Perrut. La santé mentale est un élément essentiel de la santé, qui nécessite une action coordonnée de l’État, des autorités sanitaires, des associations et des collectivités. Elle constitue plus que jamais une urgence pour l’ensemble des acteurs publics et appelle une approche collective et ambitieuse ainsi qu’un dialogue stratégique renforcé.

Le dialogue entre les ARS et les territoires s’appuie sur les contrats locaux de santé, outil contribuant à une bonne territorialisation des politiques sanitaires et à leur bonne articulation avec les projets locaux. Partout en France, des territoires ont pris des initiatives locales pour soutenir les populations, notamment les plus fragiles et les plus précaires, souvent très jeunes, qu’il s’agisse d’étudiants ou même de mineurs.

Par cet amendement, nous demandons que les contrats locaux de santé comportent obligatoirement un volet relatif à la santé mentale, afin que les enjeux en la matière soient systématiquement pris en considération. À plusieurs reprises, notre commission a jugé que la santé mentale constituait l’un des axes majeurs de la santé globale des populations et une urgence collective. Inscrivons cette dimension dans les contrats locaux de santé.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Mon amendement est identique à celui que Bernard Perrut a très bien défendu à l’instant. Rappelons que le suicide est la première cause de mortalité chez les personnes âgées de 15 à 35 ans. La santé mentale, déterminant majeur de la santé, est souvent le maillon faible de notre système de soins. Il importe qu’elle soit abordée dans les contrats locaux de santé. Cet amendement est soutenu par l’association France urbaine.

M. le rapporteur. Vous avez tout à fait raison, la santé mentale est un enjeu majeur, qui doit être pris en compte dans les politiques de santé conduites au niveau local. Néanmoins, je considère que c’est déjà le cas : les actions tendant à mettre en œuvre le projet territorial de santé mentale font l’objet d’un contrat territorial de santé mentale conclu entre l’ARS et les acteurs du territoire. À l’instar du rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales du Sénat, je pense qu’il faut laisser les collectivités se saisir de ce dispositif si elles ne l’ont pas encore fait. Je vous invite donc à retirer vos amendements.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je retire mon amendement.

M. Bernard Perrut. Je retire moi aussi mon amendement, mais à regret, car c’était l’occasion de manifester notre cohésion sur un sujet souvent évoqué par les différents groupes politiques et par notre commission, notamment dans ses rapports. La santé mentale nous concerne tous et c’est une priorité, mais cela n’apparaîtra pas dans le texte.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS123 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Par cet amendement, nous demandons que les contrats locaux de santé soient signés en priorité dans les déserts médicaux identifiés par l’ARS. Ce serait logique, car les contrats locaux de santé doivent en principe se concentrer sur les problèmes de santé propres à certains territoires. Or les difficultés d’accès aux soins accentuent les problèmes de santé.

M. le rapporteur. Le but des contrats locaux de santé est précisément de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé et de mettre en œuvre les solutions appropriées. On ne peut que souscrire à vos propos, madame Biémouret, mais votre proposition n’a pas véritablement de portée normative. Je vous invite donc à retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS104 de M. Jean-Pierre Cubertafon.

Article 31 bis B (art. L. 5511-2-2 [nouveau] du code de la santé publique) : Modification des règles relatives à la création d’officines de pharmacie à Mayotte

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis B sans modification.

Article 31 bis (art. 199 quindecies, 199 sexvicies, 1391 B bis et 1414 B du code général des impôts et art. L. 6143-5 du code de la santé publique) : Suppression de la possibilité ouverte aux parlementaires de siéger au conseil de surveillance des établissements publics de santé

Amendements de suppression AS49 de Mme Jeanine Dubié, AS56 de M. Cyrille Isaac-Sibille, AS124 de M. Joël Aviragnet et AS157 de Mme Agnès Firmin Le Bodo.

Mme Jeanine Dubié. Dans le cadre de la loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification, dite loi Rist, nous avions adopté une disposition permettant aux parlementaires de participer avec voix consultative aux réunions du conseil de surveillance des établissements publics de santé situés dans leur circonscription ou leur département. Mon amendement vise à supprimer l’article 31 bis, qui revient sur cette avancée. Autrement dit, il s’agit de maintenir le droit en vigueur.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Lors de l’examen de la proposition de loi de notre collègue Stéphanie Rist, j’avais défendu l’amendement permettant cette représentation des parlementaires. Il importe de revenir sur la suppression envisagée par le Sénat. Je crois comprendre que M. le rapporteur pour avis y est favorable.

Mme Gisèle Biémouret. Vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur pour avis, la santé est un domaine régalien : c’est l’État qui décide. Les députés votent le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), notamment le financement des hôpitaux. C’est pourquoi leur présence dans les conseils de surveillance est importante.

Mme Agnès Firmin Le Bodo. Pour avoir siégé il y a trois semaines dans le conseil de surveillance de l’hôpital de ma circonscription, j’ai pu mesurer à quel point la présence des parlementaires était appréciée par les directeurs d’hôpitaux. Il serait complètement ubuesque de revenir sur cette possibilité. Je souhaite moi aussi supprimer l’article 31 bis.

M. le rapporteur. Sur le fond, je suis bien évidemment favorable à la présence des parlementaires dans les conseils de surveillance des établissements publics de santé de leur territoire, d’autant que leur mode de désignation est relativement simple. Je suggère néanmoins le retrait de ces amendements de suppression au profit de l’amendement suivant, qui tend à supprimer uniquement le premier alinéa de l’article. En effet, l’alinéa 2, qui corrige des références au sein du code général des impôts, présente un intérêt.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS9 de M. Yannick Kerlogot.

M. Yannick Kerlogot. Il vise à supprimer le premier alinéa de l’article 31 bis. Agnès Firmin Le Bodo vient de l’indiquer, nous sommes déjà plusieurs députés à siéger de manière volontaire et avec voix consultative dans les conseils de surveillance des établissements publics de santé de nos territoires respectifs, ainsi que la loi Rist nous y a autorisés.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 31 bis modifié.

Article 32 (art. L. 1422-3, L. 1423-3 et L. 1424-2 [nouveaux] du code de la santé publique) : Participation des collectivités territoriales au financement du programme d’investissement des établissements de santé

Amendements de suppression AS22 de M. Pierre Dharréville et AS125 de M. Joël Aviragnet.

M. Pierre Dharréville. Nous sommes favorables à ce que les collectivités territoriales participent davantage à la définition du projet territorial de santé, mais refusons que l’on s’engage plus avant dans une logique de financement des établissements de santé par les collectivités ; le financement doit rester une prérogative nationale. Or l’article 32 va dans cette direction. Non seulement c’est tout à fait inutile, mais cela risque en outre d’être préjudiciable à l’égalité d’accès à la santé et de susciter une concurrence entre les territoires, laquelle n’est jamais, nous le savons, une bonne solution en matière de santé.

M. le rapporteur. Les établissements de santé sont financés par le budget de l’État. Il s’agit en l’espèce d’une participation financière volontaire des collectivités ; il n’y aura aucune obligation en la matière. En réalité, certaines collectivités concourent déjà au financement des établissements de santé, dans les Bouches-du-Rhône, dans le Nord, en Normandie ou ailleurs, et sont attachées à cette participation. Or elles sont dans une situation fragile, car certaines de leurs décisions pourraient être déférées au juge administratif et, in fine, annulées par le Conseil d’État. Il faut leur donner la possibilité d’apporter ces financements en toute sûreté. Je suis défavorable aux amendements de suppression.

M. Guillaume Chiche. L’article 32 vise à autoriser les communes et leurs groupements, les départements et les régions à concourir volontairement au financement des investissements des établissements de santé publics, mais aussi des établissements de santé privés d’intérêt collectif et privés. Dans nos territoires, notamment ruraux, qui souffrent de la désertification médicale, les collectivités font tout ce qu’elles peuvent pour favoriser l’implantation de professionnels, de structures et d’équipements de santé. Dès lors, si nous autorisons par la loi le financement de structures privées par les collectivités territoriales, celui-ci deviendra la norme. Compte tenu de la pénurie de structures et d’équipements, les collectivités vont se livrer concurrence, prendre part à un jeu vicié consistant à déployer force moyens pour attirer chez elles de nouveaux équipements. Une telle compétition entre les territoires, au bénéfice des acteurs privés, n’est ni logique ni rationnelle. C’est pourquoi je soutiens les amendements de suppression. S’ils ne sont pas adoptés, je soutiendrai les amendements qui visent à exclure les acteurs privés du champ d’application de l’article 32.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS180 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à rétablir la rédaction initiale des alinéas 4, 7 et 10 de l’article 32 : les collectivités territoriales « peuvent participer au financement du programme d’investissement des établissements de santé ». Cette formulation garantit déjà le caractère facultatif de la participation financière. Je tiens à prévenir d’éventuelles erreurs d’interprétation : on doit comprendre qu’il s’agit d’une participation volontaire et facultative ; cette possibilité n’a pas vocation à susciter une attente systématique de la part de l’État pour le maintien de certains établissements.

M. Pierre Dharréville. Vous proposez de supprimer le terme « volontairement » introduit par le Sénat, tout en précisant qu’il s’agira bien d’une participation volontaire. Soit. Nous ne sommes pas là pour faire du style.

Reste que votre amendement tend à supprimer un autre membre de phrase, « en ce qui concerne les équipements médicaux », ce qui a sans doute davantage de portée : si je comprends bien, cela vise à élargir le champ de la participation financière.

M. le rapporteur. Vous êtes attentif, monsieur Dharréville, et j’aurais effectivement dû préciser ce point dans ma présentation de l’amendement. Le Sénat a limité le champ aux investissements dans les équipements médicaux. Or certaines collectivités souhaitent participer au financement d’investissements immobiliers, par exemple un centre de soins ou un centre de formation. Les établissements peuvent aussi faire appel à un cofinancement des collectivités pour la formation ou l’innovation, étant entendu que la démarche des collectivités doit toujours être volontaire.

M. Guillaume Chiche. Vous apportez des garanties concernant le caractère facultatif et volontaire de la participation financière des collectivités, mais je maintiens ma position : en situation de pénurie, les collectivités chercheront à être aussi attractives que possible, et les acteurs de santé, singulièrement les acteurs privés, poseront comme condition sine qua non à leur installation une participation des collectivités, sans quoi ils iront dans un autre territoire. Les élus locaux se démènent pour obtenir l’implantation de structures de santé dans leur territoire ; ils emploient tous les moyens possibles et imaginables – vous le savez d’autant mieux que vous êtes aussi, pour certains, des élus locaux. Donner aux collectivités la possibilité de concourir au financement des structures de santé, même sur une base volontaire et facultative, cela reviendra en réalité à les mettre dans l’obligation de cofinancer ces structures, singulièrement lorsqu’il s’agit d’entités privées. Or je ne pense pas que telle est la vocation des deniers publics.

M. Pierre Dharréville. C’est effectivement une modification assez substantielle : nous allons ouvrir grand la porte à la marchandisation de la santé. Auparavant, l’ARS jouait un rôle de prescription et de régulation pour l’implantation de certains équipements, rôle parfois critiquable d’ailleurs – il y a quelques années, dans ma circonscription, un équipement a été attribué non pas à l’hôpital public mais à une clinique privée voisine, ce qui était à mes yeux discutable. Désormais, comment les choses vont-elles fonctionner ? Va-t-on dire aux élus locaux que, s’ils veulent eux aussi tel ou tel équipement, ils n’ont qu’à le payer ? Est-ce là la manière dont on discutera du schéma d’organisation de la santé dans les territoires ? Cela mérite tout de même que l’on y regarde d’un peu plus près !

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements AS19 de M. Emmanuel Maquet et AS102 de M. Jean-René Cazeneuve tombent.

Amendements identiques AS24 de M. Pierre Dharréville et AS61 de M. Guillaume Chiche, amendement AS130 de M. Joël Aviragnet (discussion commune).

M. Pierre Dharréville. Les amendements identiques, évoqués par Guillaume Chiche, visent à limiter au service public le périmètre des interventions financières des collectivités territoriales. Ainsi, l’argent des collectivités ne servirait pas d’autres fins que la défense du service public de la santé.

M. Guillaume Chiche. Il s’agit effectivement des amendements que j’ai mentionnés précédemment.

M. Joël Aviragnet. L’amendement AS130 vise à restreindre la cible des concours financiers des collectivités territoriales aux établissements de santé publics et privés à but non lucratif – à l’exclusion, donc, des établissements de santé privés à but lucratif.

En l’état de l’article 32, une collectivité territoriale pourrait verser une contribution, donc de l’argent public, pour financer l’investissement d’un établissement de santé privé à but lucratif. Le risque serait à terme que ces établissements, en finançant une part croissante de leurs investissements grâce à des concours financiers publics, baissent leurs tarifs, ce qui accroîtrait la concurrence pour les établissements publics et privés à but non lucratif. Ce risque doit être écarté en interdisant le concours financier d’une collectivité territoriale à une opération d’investissement réalisée par un établissement de santé privé à but lucratif.

M. le rapporteur. Aux termes du code de la santé publique, les établissements de santé privés d’intérêt collectif et privés peuvent exercer des missions de proximité ; assurer le diagnostic, la surveillance et le traitement des malades, des blessés et des femmes enceintes ; mener des actions de prévention et d’éducation à la santé ; délivrer des soins, le cas échéant palliatifs, avec ou sans hébergement, sous forme ambulatoire ou à domicile ; participer à la coordination des soins en relation avec les membres des professions de santé exerçant en pratique de ville et les établissements et services médico-sociaux ; participer à la formation, à l’enseignement universitaire et post-universitaire, à la recherche et à l’innovation en santé. Ces établissements peuvent être appelés à assurer, en tout ou partie, la permanence des soins.

À mon sens, il n’y a donc pas lieu de les exclure du champ d’application de l’article 32, dont l’objet est de conférer une base légale à la participation financière facultative et volontaire des collectivités au programme d’investissement des établissements de santé publics et privés. Je suis donc défavorable à ces amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS181 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Il vise à revenir sur le principe de la spécialisation des investissements susceptibles d’être financés en partie par les départements et les régions, spécialisation établie au regard des compétences de ces deux catégories de collectivités.

La commission des affaires sociales du Sénat a jugé pertinent de limiter le champ d’action légitime de chaque catégorie de collectivités. À cette fin, elle a prévu que l’action des départements se concentrerait sur les établissements de proximité et que celle des régions, en cohérence avec leurs compétences en matière de recherche et de formation, privilégierait les établissements de rang régional ou national.

Cette spécialisation établie par les sénateurs ne me paraît pas souhaitable et ne repose sur aucun motif véritablement convaincant. Elle rigidifierait le dispositif et pourrait pénaliser certains établissements de santé. Il faut laisser aux collectivités la possibilité et la liberté d’investir et de cofinancer les établissements de toutes catégories. Je rappelle à titre d’exemple qu’un centre hospitalier universitaire (CHU) a également un rôle d’hôpital de proximité pour la population avoisinante.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS126 de M. Joël Aviragnet.

Mme Gisèle Biémouret. Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à circonscrire les concours financiers versés aux établissements de santé par les départements aux projets d’investissement relevant d’une compétence pour laquelle le département est chef de file. Si cet amendement est adopté, les départements pourront investir uniquement dans des opérations ayant un lien avec l’action sociale, l’autonomie ou la solidarité dans les territoires.

M. le rapporteur. Cela rejoint la discussion précédente. Votre proposition ne va pas dans le sens de la liberté d’intervention des collectivités. Il me paraît tout à fait naturel et légitime que les collectivités et leurs groupements qui le souhaitent puissent participer au financement d’investissements des établissements de santé sans que l’on spécialise ou que l’on cible leur intervention en fonction d’éventuelles relations ou équivalences. Avis défavorable.

Mme Jeanine Dubié. On revient en partie sur la suppression de la clause de compétence générale des départements. On permet de nouveau aux collectivités locales d’intervenir pour l’exercice de compétences qui ne sont pas les leurs.

M. le rapporteur. Vous n’avez pas tort…

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. Signé par les députés lyonnais, il vise à préciser que la métropole de Lyon peut elle aussi participer au financement du programme d’investissement des établissements de santé publics, privés d’intérêt collectif et privés. Le texte mentionne les « communes et leurs groupements ». Cela inclut-il la métropole de Lyon, collectivité nouvelle qui a remplacé la communauté urbaine de Lyon et, sur le territoire de celle-ci, le département du Rhône ? Si tel est le cas, je retirerai l’amendement.

M. le rapporteur. Vérification faite auprès du Gouvernement, la métropole de Lyon dispose des mêmes droits et est soumise aux mêmes obligations que les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre. Elle est donc incluse dans le champ d’application de l’article 32. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je ne suis pas vraiment convaincu, car la métropole de Lyon est non pas une intercommunalité, mais une collectivité de plein exercice. Dans tous les textes, si la métropole de Lyon est concernée, on le précise.

M. le rapporteur. Nous avons interrogé le Gouvernement sur ce point très précis et, conformément à notre intuition de non-juristes, l’amendement est satisfait. Vous pouvez me faire confiance à cet égard.

L’amendement est retiré.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS127 de M. Joël Aviragnet.

Amendement AS128 de M. Joël Aviragnet.

M. Joël Aviragnet. C’est un amendement de repli, qui vise à garantir la participation, au conseil de surveillance de l’établissement de santé, des élus des collectivités territoriales ayant versé des concours financiers. En l’état de l’article 32, la collectivité financerait l’investissement mais ne siégerait pas au conseil de surveillance. Elle ne pourrait donc pas prendre part à la définition des orientations stratégiques de l’établissement, ni au suivi du bon emploi de ses concours financiers.

M. le rapporteur. Aux termes de l’article L. 6143-5 du code de la santé publique, siègent au conseil de surveillance des établissements de santé des représentants des collectivités territoriales, de leurs groupements ou de la métropole, désignés en leur sein par les organes délibérants, parmi lesquels figurent le maire de la commune siège de l’établissement principal et le président du conseil départemental. Pour les établissements de ressort régional et interrégional, le conseil de surveillance comprend un représentant du conseil régional siège de l’établissement principal. Il ne paraît ni nécessaire ni pertinent de modifier la composition du collège des représentants des collectivités territoriales. Si un membre supplémentaire devait être désigné, cela remettrait en cause l’équilibre des forces en présence, tel qu’il résulte de l’article précité. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant la préconisation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement AS129 de M. Joël Aviragnet.

Amendements AS131 de M. Joël Aviragnet et AS152 de M. Jean-Louis Touraine (discussion commune).

M. Joël Aviragnet. Aux termes de l’amendement AS131, le Gouvernement remettrait au Parlement un rapport d’information faisant le bilan de l’ensemble des concours financiers versés aux établissements de santé par les communes et leurs groupements, les départements et les régions et évaluant leur impact sur les inégalités d’accès aux soins et sur la qualité et la sécurité des soins. Dans un contexte de désertification médicale et de difficultés d’accès aux soins, un tel rapport serait opportun.

M. Jean-Louis Touraine. Par l’amendement AS152, je demande que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de quatre ans, un rapport d’évaluation du dispositif de participation des collectivités territoriales au financement des programmes d’investissement des établissements de santé. Il s’agit de vérifier qu’il contribue effectivement à l’amélioration de la situation dans les territoires, et ainsi de rassurer.

M. le rapporteur. Monsieur Aviragnet, je vous suggère de retirer votre amendement au profit de celui de M. Touraine, qui est sous-tendu par un objectif similaire mais rédigé dans des termes plus neutres.

M. Joël Aviragnet. L’important est qu’un tel rapport soit rédigé. Je retire mon amendement sans aucune difficulté.

L’amendement AS131 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS152.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 32 modifié.

Seconde réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 15 heures

Lien vidéo : https://assnat.fr/okMXW8

La commission poursuit l’examen pour avis des articles 31 à 38, 57, 57 bis et 78, délégués, du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, pour lesquels la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République a sollicité l’avis de la commission des affaires sociales (n° 4406).

Article 33 (article L. 6323-1-5 du code de la santé publique) : Recrutement des personnels de centres de santé

Amendement AS182 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin, rapporteur pour avis. Cet amendement introduit une disposition utile pour les régions, afin de leur permettre de recruter des personnels au sein de centres de santé, à une condition : elles ne pourront intervenir que par le biais d’un groupement d’intérêt public, réunissant la région et au moins une autre collectivité territoriale, communale ou départementale, puisque ce sont ces dernières qui sont souvent à l’initiative des centres de santé.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 33 modifié.

Article 34 (art. L. 6323-1-3 du code de la santé publique, art. L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, art. L. 201-10 du code rural et de la pêche maritime) : Compétence des départements en matière de politique publique de sécurité sanitaire et d’accès aux soins de proximité

Amendement AS153 de M. Jean-Louis Touraine

M. Jean-Louis Touraine. Le premier alinéa semble empêcher les régions de créer des centres de santé et de recruter des professionnels et des auxiliaires médicaux, ainsi que des personnels administratifs. Cela constitue un recul au regard des initiatives de certaines régions en faveur de l’accès aux soins. Ces dernières années, plusieurs régions ont investi dans la création et la gestion de centres de santé. C’est le cas de la région Centre-Val de Loire, qui a investi plus de 20 millions d’euros en dix ans pour créer des maisons de santé pluridisciplinaires et des centres de santé, afin de disposer de trente centres de santé à l’horizon 2025 dans les zones les plus touchées par la désertification médicale.

Les régions sont au cœur de l’aménagement du territoire. Elles doivent pouvoir s’impliquer dans ces projets qui offrent une réponse efficace aux besoins de la population, à défaut de régler le problème de la désertification médicale.

Maintenir une telle possibilité n’entre pas en contradiction avec le dispositif de l’article 33. C’est pourquoi l’amendement vise à supprimer le premier alinéa pour conserver cette possibilité.

M. le rapporteur. Ce sont souvent les collectivités de proximité qui sont amenées à créer et à gérer les centres de santé, mais les régions peuvent contribuer au recrutement des personnels, dans les conditions que nous venons d’approuver, et elles peuvent participer financièrement aux projets de maisons de santé conduits par les ARS. La région peut donc ne pas se désengager, et son engagement garde tout son sens, en association avec les collectivités de proximité, communes et départements.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Jean-Louis Touraine. J’ai quand même la crainte que les régions ne puissent plus créer des centres de santé sur leurs fonds propres.

M. le rapporteur. Vous avez raison, car elles ne le pourront pas, sauf en association avec une collectivité de proximité, communale ou départementale. Mais la région sera toujours autorisée à s’engager au côté des collectivités ou des ARS pour les maisons de santé.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 sans modification.

Après l’article 34

Amendement AS173 de M. Jean-Louis Touraine.

M. Jean-Louis Touraine. La crise sanitaire a illustré la faiblesse de nos organisations et la nécessité d’une reconnaissance du rôle des territoires, villes comme régions. Pour essayer de lutter contre les insuffisances observées, l’amendement invite à reconnaître les territoires comme contributeurs directs à l’écosystème global de la santé, par leurs actions et dans le champ de leurs compétences. Sans leur confier de nouvelles responsabilités sanitaires, il précise que les collectivités concourent au bien-être physique, mental et social de la population – c’est la définition de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) – et sont, à ce titre, associées à la définition et à la mise en œuvre de la politique de santé de la nation.

M. le rapporteur. Vous avez raison, les territoires sont des acteurs incontournables des politiques de santé publique, en particulier dans le champ de la prévention. La crise a montré leur implication et leur utilité, incontestable. Votre amendement rappelle ce principe. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement AS172 de M. Jean-Louis Touraine est retiré.

Amendement AS12 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Il s’agit d’une demande de rapport sur un sujet jamais abordé au cours des débats relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), celui des causes de zoonoses, comme celle du covid-19, et des moyens de lutter contre celles-ci. Il s’agit de décliner les concepts « une seule santé » – One Health en anglais – et « un seul bien-être » de l’OMS et d’établir les liens entre l’augmentation des zoonoses, le changement climatique, la chute de la biodiversité et la déforestation. Ce sujet était l’un des quatre abordés à l’occasion du colloque international One Health fin 2020.

M. le rapporteur. Avec la collaboration de l’Entente de lutte interdépartementale contre les zoonoses (ELIZ), les conseils départementaux et les laboratoires d’analyses ont joué un rôle de premier plan et ont contribué aux recherches et au développement des tests PCR sur le coronavirus.

Notre priorité est de donner aux échelons territoriaux compétents les moyens de s’engager pleinement dans la recherche et la prévention des zoonoses. Cette recherche passera inévitablement par une évaluation de la situation. Votre demande de rapport me semble donc satisfaite. Avis défavorable.

Mme Annie Chapelier. Aucune étude n’a été menée au niveau national alors que les recommandations de l’OMS et d’autres organisations internationales sont claires. Je regrette l’absence d’approche holistique sur les pandémies lors des débats du PLFSS de cette année, alors que nous venons de vivre deux années de pandémie. Il ne s’agit que d’une demande de rapport. Cela ne résoudra pas les crises que nous allons devoir affronter, mais on est toujours mieux préparé lorsqu’on est informé.

La commission rejette l’amendement.

Article 34 bis : Expérimentation d’une nouvelle organisation administrative par la Ville de Paris

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 34 bis sans modification.

Après l’article 34 bis

Amendement AS158 de M. Philippe Vigier.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Cet amendement vise à ouvrir le débat sur le transfert aux départements des services de médecine scolaire afin de constituer de véritables services de santé de l’enfant, du premier âge à la majorité. La disposition devait figurer dans le projet de loi, avant d’être abandonnée en raison de la crise sanitaire.

Il n’en demeure pas moins qu’une réflexion sur la restructuration de la médecine scolaire s’impose, tant elle présente des carences. Dans un rapport publié en mai 2020, la Cour des comptes pointait un défaut de pilotage qui affecte considérablement le suivi de la santé des élèves. On estime que seul un élève sur cinq bénéficie d’une visite médicale scolaire.

Une fusion des moyens et des missions des services de protection maternelle et infantile (PMI) et de médecine scolaire, sous l’égide des départements, respecterait une certaine logique, constituerait une simplification et assurerait la continuité du suivi médical des enfants et des adolescents.

M. le rapporteur. L’article 41 A issu du Sénat prévoit que le Gouvernement dépose un rapport sur le bureau des deux assemblées parlementaires dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi, retraçant les perspectives du transfert de la médecine scolaire aux départements. Votre amendement est donc satisfait. Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Article 35 : Expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active

Amendement AS190 de M. Didier Martin

M. le rapporteur. Il s’agit de préciser les modalités de l’expérimentation de la recentralisation du revenu de solidarité active (RSA) et de son évaluation.

Afin de permettre une entrée en vigueur au 1er janvier 2022 pour les départements candidats qui formuleraient une demande avant le 15 janvier 2022 et qui réuniraient les critères définis par un décret en Conseil d’État, l’article 12 du projet de loi de finances pour 2022 a fixé le cadre et les modalités financières de l’expérimentation.

Il introduit, dans les départements retenus, l’expérimentation de la recentralisation de l’instruction administrative et de la décision d’attribution du RSA, du contrôle administratif et du recouvrement des indus ainsi que de son financement. Il fixe la durée de l’expérimentation et prévoit la signature d’une convention entre le représentant de l’État dans le département et le président du conseil départemental pour sa mise en œuvre.

Dès lors, les alinéas 1 à 7, 10 et 11 de l’article 35 sont devenus redondants. Il est donc proposé de les supprimer.

Le présent amendement permet aussi aux départements intéressés qui ne pourraient pas présenter leur candidature avant le 15 janvier 2022 de le faire entre le 16 janvier et le 1er octobre 2022 au plus tard. Pour ceux qui auront été retenus, l’expérimentation entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023. La durée de l’expérimentation sera ramenée à quatre ans pour ces derniers afin qu’une évaluation commune à l’ensemble des territoires concernés puisse être menée.

Les modalités financières de l’expérimentation seront les mêmes pour tous les départements retenus, et seront précisées dans l’article dédié de la loi de finances pour 2022, qui sera ajusté en conséquence.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement AS66 de Mme Danielle Brulebois tombe.

Amendements identiques AS191 de M. Didier Martin et AS197 du Gouvernement

M. le rapporteur. Je ne reviens pas sur ce que j’ai présenté précédemment. L’amendement vise notamment à harmoniser les modalités d’évaluation de l’expérimentation, que celle-ci ait commencé au 1er janvier 2022 ou au 1er janvier 2023, selon la date à laquelle les départements se seront portés candidats.

La commission adopte les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 35 modifié.

Article 35 bis (art. L. 262-10, L. 262-40-1 [nouveau] et L. 262-37 du code de l’action sociale et des familles) : Pouvoir de contrôle du président du conseil départemental à l’égard des bénéficiaires du revenu de solidarité active

Amendements identiques AS183 de M. Didier Martin, AS139 de M. Boris Vallaud et AS169 de M. Jacques Marilossian

M. le rapporteur. L’amendement tend à supprimer l’article 35 bis du projet de loi qui dote le département de nouveaux moyens de contrôle sur les bénéficiaires du RSA.

Or les conseils départementaux disposent déjà de la compétence de contrôle du RSA et de la lutte contre la fraude, au même titre que les organismes de sécurité sociale. La loi les autorise à solliciter toute pièce permettant de vérifier les données des allocataires auprès des administrations publiques, des collectivités territoriales et des organismes de sécurité sociale. Les conventions signées entre les départements et les caisses de sécurité sociale permettent de partager l’effort de lutte contre la fraude, en s’appuyant sur leurs compétences respectives.

Au nom du respect de la vie privée et de la préservation des données personnelles, seules les données utiles peuvent être partagées. Les pièces personnelles des bénéficiaires sont déjà vérifiées par les caisses de sécurité sociale lors du dépôt de la demande ainsi que lors des contrôles. Dès lors, l’accès des conseils départementaux à des données inutiles à l’insertion sociale et professionnelle est superfétatoire.

En multipliant les vérifications, l’article 35 bis va aussi à l’encontre de la volonté partagée de simplifier le parcours des bénéficiaires.

Mme Véronique Hammerer. Il convient de supprimer l’article, car le contrôle des données personnelles ne relève heureusement pas de la compétence des départements. 

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 35 bis.

Article 36 (art L. 3211-1 du code général des collectivités territoriales, art L. 233-1-1, art. L. 281-2-1 du code de l’action sociale et des familles et art. L. 302-10 et L. 302-11 du code de la construction et de l’habitation) : Compétence départementale en matière d’habitat inclusif et d’adaptation des logements au vieillissement de la population

Amendements identiques AS184 de M. Didier Martin et AS175 du Gouvernement

M. le rapporteur. L’amendement vise à réécrire entièrement l’article 36, qui concerne le développement de l’habitat inclusif et l’adaptation du logement au vieillissement de la population.

Il tend d’abord à rétablir la compétence départementale en matière de coordination de l’adaptation du logement au vieillissement de la population.

Il vise également à conforter et améliorer l’exercice des compétences en matière d’habitat inclusif et d’adaptation du logement.

Il conserve la précision apportée par le Sénat selon laquelle la compétence de coordination du développement de l’habitat inclusif s’exerce notamment au sein des conférences des financeurs de l’habitat inclusif, présidées par les départements. Il prévoit le financement des frais d’ingénierie et des dépenses de fonctionnement des conférences par le concours de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) versé aux départements pour les actions de prévention.

Il inscrit l’habitat inclusif dans les programmes locaux d’habitat déployés par les intercommmunalités, ce qui facilitera la coordination avec d’autres documents d’urbanisme ainsi qu’avec les opérations de revitalisation des territoires et les programmes Petites villes de demain ou Action cœur de ville.

Il autorise les organismes d’habitations à loyer modéré à sous-louer les logements locatifs sociaux à une ou plusieurs personnes en perte d’autonomie ou en situation de handicap, le cas échéant dans le cadre d’une colocation.

Il permet de déroger aux règles applicables au domicile de secours, afin de sécuriser le versement d’aides, notamment l’aide à la vie partagée, aux personnes résidant dans un habitat inclusif.

Il clarifie et sécurise le cadre juridique des logements-foyers habitats inclusifs.

Enfin, il ouvre l’accès à l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (ESUS), aux personnes portant un projet de vie sociale et partagée dans le cadre d’un habitat inclusif, afin notamment de permettre l’accueil de volontaires du service civique.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à l’adoption de l’article 36 ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS53 de Mme Jeanine Dubié et AS140 de M. Joël Aviragnet tombent.

Après l’article 36

Amendements identiques AS195 de M. Didier Martin et AS194 du Gouvernement

M. le rapporteur. L’amendement vise à favoriser et simplifier l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap.

Il permet, d’une part, de faciliter le passage des établissements et services d’aide par le travail (ESAT) vers le milieu ordinaire, sans intervention de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

D’autre part, l’amendement tend à rendre automatique la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) à partir de 16 ans, dès lors que le jeune bénéficie de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), de la prestation de compensation du handicap (PCH) ou d’un projet personnalisé de scolarisation. Aujourd’hui, le jeune doit déposer une demande à la MDPH qui instruit le dossier, une procédure souvent longue.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Je salue ces mesures très attendues.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques AS196 de M. Didier Martin et AS193 du Gouvernement

M. le rapporteur. Il s’agit d’améliorer la prise en charge des personnes en situation de handicap au sein des établissements et services médico-sociaux (ESMS).

L’amendement simplifie pour ces personnes l’accès aux ESMS, en mettant fin à la fragmentation excessive des régimes d’autorisation de ces établissements. Il supprime ainsi, dans un délai de deux ans, toute mention de la gravité du handicap et de la présence ou non de troubles associés.

Afin de mettre fin aux interruptions trop courantes de prise en charge chez les jeunes, il supprime les limites supérieures d’âge comprises entre 16 et 20 ans pour les porter à 20 ans. Dans les faits, l’entrée dans un établissement pour adultes arrive généralement à partir de 20 ans : il n’est pas acceptable que des jeunes de 16 à 20 ans éprouvent des difficultés à être accompagnés dans un établissement.

Enfin, l’amendement fluidifie les parcours de prise en charge des personnes en situation de handicap, en permettant aux ESMS de proposer également un accompagnement au domicile, en milieu de vie ordinaire, lorsqu’une personne quitte temporairement l’établissement.

La commission adopte les amendements.

Amendements identiques AS200 du Gouvernement et AS201 de Mme Fadila Khattabi

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il s’agit d’autoriser les personnels recrutés par l’établissement public national Antoine Koenigswarter (EPNAK) à conserver leur statut de la fonction publique hospitalière. Cette disposition permettra à l’EPNAK, qui accompagne près de 5 000 personnes handicapées, de poursuivre son activité en préservant un vivier d’agents ainsi rassurés sur le maintien de leur statut.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte les amendements.

Article 36 bis A (titre VIII du livre V et art. L. 582-1 et L. 582-2 du code de l’action sociale et des familles [nouveaux]) : Adaptation de l’organisation de la prise en charge de l’autonomie des personnes âgées et des personnes en situation de handicap à Saint-Barthélemy

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 bis A sans modification.

Après l’article 36 bis A

Amendements identiques AS186 de M. Didier Martin et AS174 du Gouvernement

M. le rapporteur. Cet amendement vise à développer en outre-mer d’autres formes d’habitat, à la main des collectivités territoriales, que ce soit des résidences autonomie, des logements-foyers habitat inclusif ou de la cohabitation intergénérationnelle solidaire. Ces modèles sont plébiscités par l’ensemble des acteurs et constituent une alternative intéressante entre logement individuel et prise en charge en établissement.

Dans un souci de simplification, il tend également à exonérer les résidences autonomie de la procédure d’appel à projets pendant la durée du plan d’aide à l’investissement du Ségur de la santé, soit jusqu’en 2025, permettant ainsi de favoriser leur développement partout sur le territoire, ultramarin comme métropolitain.

La commission adopte les amendements.

Article 36 bis (art. L. 631-12-1 du code de la construction et de l’habitation [nouveau]) : Location de courte durée des résidences universitaires à des publics prioritaires

Amendement AS187 de M. Didier Martin

M. le rapporteur. L’article 36 bis permet aux résidences universitaires de mettre à disposition des publics reconnus prioritaires leurs locaux pendant les vacances, jusqu’au 1er septembre. Or certaines résidences restent inhabitées au-delà du mois de septembre. L’amendement vise donc à étendre la possibilité qui leur est donnée jusqu’au 1er octobre.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS142 de M. Joël Aviragnet

M. Joël Aviragnet. L’amendement vise à réserver la location de logements inoccupés des résidences universitaires exclusivement aux publics reconnus prioritaires pour l’attribution de HLM.

M. le rapporteur. Dans la rédaction actuelle, les logements peuvent être loués « particulièrement » à des publics prioritaires. Cette possibilité est aujourd’hui ouverte à d’autres publics et il ne nous paraît pas opportun de revenir sur cette souplesse qui est plébiscitée par l’ensemble des acteurs entendus sur ce sujet.

Néanmoins, vous avez raison, il est important que la mission première de ces logements ne soit pas dévoyée. C’est pourquoi l’article 36 bis précise dans son alinéa 3 que leurs locaux doivent, lorsqu’ils sont libérés, être prioritairement proposés aux étudiants, aux personnes de moins de 30 ans en formation ou en stage, aux personnes titulaires d’un contrat de professionnalisation ou d’apprentissage et, à titre exceptionnel, aux enseignants et aux chercheurs.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Joël Aviragnet. Je le retire. Vous conviendrez toutefois que les enseignants et les chercheurs ne semblent pas prioritaires et qu’il faut revoir cela.

L’amendement est retiré.

Amendement AS141 de M. Joël Aviragnet

M. Joël Aviragnet. Il s’agit de préciser que les loyers des locations de courte durée proposées aux publics prioritaires dans les résidences universitaires ne peuvent excéder les loyers payés par les étudiants.

M. le rapporteur. Je partage votre volonté de garantir le respect de tarifs abordables pour la location, même brève, à des publics prioritaires. Néanmoins, toutes les résidences universitaires ne bénéficient pas du conventionnement APL (aide personnalisée au logement) et de l’aide associée. L’État ne peut donc pas imposer à toutes des contraintes en matière de loyers, qui sont la contrepartie de l’aide.

Là où les montants des loyers ont fait l’objet d’un conventionnement, le gestionnaire ne peut de toute façon pas appliquer des tarifs supérieurs.

D’éventuels dépassements de tarif n’ont pas été mis en lumière par les travaux d’évaluation de l’expérimentation issue de l’article 123 de la loi « égalité et citoyenneté » que l’article 36 bis se borne à pérenniser.

Demande de retrait, sinon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 36 bis modifié.

Article 37 (art. L. 123‑4‑1 du code de l’action sociale et des familles) : Création d’un centre intercommunal d’action sociale dans les métropoles et les communautés urbaines

Amendement AS188 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. En réponse à une demande exprimée par des parlementaires et des élus locaux, cet amendement vise à étoffer les possibilités de délégation au sein des centres communaux d’action sociale (CCAS) en cas d’empêchement simultané du vice-président et du directeur, et de permettre ainsi la continuité du service.

Cette modification législative s’accompagnera, pour son application, d’une modification de la partie réglementaire du code de l’action sociale et des familles, s’agissant de la délégation de fonctions et de signature du président, afin que le nouveau vice-président délégué soit compris parmi les délégataires.

Cette modification réglementaire sera également l’occasion d’élargir les possibilités de délégation de signature à d’autres membres de l’équipe de direction des CCAS, afin de fluidifier la gestion des actes de décision.

M. Thibault Bazin. L’amendement évoque un « vice-président délégué chargé des mêmes fonctions en cas d’empêchement du vice-président ». On pourrait interpréter cette disposition comme signifiant que le président et le directeur sont toujours absents. Il conviendrait plutôt d’écrire : « en cas d’empêchement du président, du vice-président et du directeur ».

Par ailleurs, l’amendement ne résoudra pas le problème que pose l’impossibilité pour le président d’un CCAS qui gère un EHPAD ou d’autres établissements de déléguer sa signature au directeur de l’établissement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS86 de Mme Véronique Hammerer.

Mme Véronique Hammerer. L’article 37 comble un vide juridique, en permettant aux communautés urbaines et aux métropoles de créer un centre intercommunal d’action sociale (CIAS). Même si la réglementation n’impose pas aux CIAS de reprendre toutes les compétences des mairies de quartier et des CCAS, il arrive parfois que celles-ci soient absorbées. Or les CCAS, par leur maillage du territoire, tissent le lien social ; ils sont avant tout un lieu de proximité, d’accueil, d’information et d’orientation des publics. Il est essentiel qu’ils continuent à exercer au moins une partie de leurs compétences en cas de création d’un CIAS, lequel a davantage une fonction d’animation et ne doit pas s’apparenter à une usine à gaz. L’amendement appelle à la vigilance sur ce point.

Mme Michèle de Vaucouleurs. A-t-on des chiffres sur la présence de CIAS dans les communautés d’agglomération, permettant d’évaluer l’appropriation de ces compétences ? Il semble qu’elles n’aient pas du tout repris la compétence « action sociale ». Dès lors, quel sens cela a-t-il de rendre possible la création de CIAS ? Le principal intérêt des CCAS est leur proximité avec la population. J’aimerais savoir quelles communautés urbaines et quelles métropoles ont formulé cette demande.

Mme Monique Iborra. Une métropole n’exerce pas de compétences sociales, à moins d’en avoir obtenu délégation, en quelque sorte, par une convention conclue avec le conseil départemental. Cela demeure exceptionnel. L’expérience avait été tentée à Toulouse, mais n’a pas fonctionné.

M. le rapporteur. Le vice-président de l’Union nationale des CCAS nous a expliqué quel rôle pourraient assumer ces centres intercommunaux à l’échelle d’une métropole ou d’une communauté urbaine. Déjà, le transfert de compétences ne sera possible qu’après délibération concordante de la commune et de la communauté urbaine ou de la métropole. Les communes sont en effet très attachées au lien de proximité avec leurs publics bénéficiaires. Il leur reviendra de délibérer sur la possibilité de transférer tout ou partie des compétences. Dans le premier cas, le CCAS n’aurait plus de raison d’être ; dans le second, le transfert pourrait ne concerner qu’un service ou un nouvel équipement. En tout cas, le transfert ne pourra intervenir qu’avec le plein consentement des communes comme de l’intercommunalité.

Madame de Vaucouleurs, je ne dispose pas de chiffres permettant de savoir ce qu’il en est des communautés d’agglomération.

Madame Hammerer, je vous demande de retirer votre amendement d’appel. À défaut, mon avis sera défavorable

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 37 modifié.

Article 38 (art. L. 224-1, L. 224-2, L. 224-3-1 et L. 224-9 du code de l’action sociale et des familles) (supprimé) : Transfert aux départements de la tutelle des pupilles de l’État

La commission émet un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 38.

Article 57 (art. L. 1434-2 et L. 1434-3 du code de la santé publique) : Intégration d’un volet relatif à la coopération sanitaire transfrontalière dans les schémas régionaux de santé

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 57 sans modification.

Article 57 bis (art. L. 1434-12 du code de la santé publique) : Association aux communautés professionnelles territoriales de santé des professionnels exerçant dans les territoires étrangers frontaliers

Amendement AS189 de M. Didier Martin.

M. le rapporteur. Des collectivités frontalières peuvent être amenées à conclure un accord de collaboration de part et d’autre de la frontière. L’article autorise des professionnels exerçant dans les territoires étrangers frontaliers à rejoindre une communauté professionnelle territoriale de santé. Par cet amendement, je propose d’indiquer que ces praticiens doivent remplir les conditions prévues par le code de la santé publique pour exercer en France, ce qui me paraît la moindre des choses.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 57 bis ainsi modifié.

Article 78 (sous-section 3 de la section 3 du chapitre III du titre III du livre IV de la quatrième partie du code général des collectivités territoriales) : Création dans les collectivités de Guadeloupe, de Guyane, de la Martinique, de La Réunion et de Mayotte d’une catégorie d’établissements publics à caractère industriel et commercial en matière de formation professionnelle

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 78 sans modification.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION du développement durable et de l’aménagement du terrIToire saisie pour avis

Au cours de ses réunions du mardi 16 novembre 2021 après-midi et soir et mercredi 17 novembre 2021 matin, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

I.   DISCUSSION gÉnÉrale

Lien vidéo : https://assnat.fr/vFeC7r

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous entamons l’examen du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action locale, dit « 3DS ». Nous examinerons par priorité les articles 9 à 9 quinquies, 13 à 13 quater, 61 et 62, dont la commission des lois a souhaité déléguer à notre commission l’examen au fond. Nous passerons ensuite aux articles dont nous nous sommes saisis pour avis.

Je remercie Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, d’être présente pour la discussion générale et celle des articles que nous examinerons au fond.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. Je suis heureuse de vous présenter ce projet de loi, concrétisation d’un travail de plus de deux ans. J’ai effectué un tour de France à la rencontre de celles et ceux qui, au quotidien, agissent au service de nos concitoyens et les représentent : maires, présidents d’intercommunalités, de départements et de régions, membres des assemblées concernées ; j’ai aussi discuté avec des représentants de la société civile, notamment des membres des conseils économiques, sociaux et environnementaux régionaux. Tous m’ont fait part de leurs besoins concrets. Plus de vingt membres du Gouvernement ont été mobilisés pour y répondre – pour les sujets qui nous occupent, la ministre de la transition écologique, le ministre délégué chargé des transports et la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

La vision que je défends est celle d’une loi utile, concrète, de terrain : simplifier, partout où c’est possible, l’exercice des pouvoirs locaux, lever les normes trop contraignantes ou trop aveugles aux réalités des territoires. C’est une vision assez éloignée de celles et ceux qui, adeptes du big bang, du retour en arrière ou de la fuite en avant, veulent remettre sur le métier le grand Meccano institutionnel, mais je l’assume.

Le présent projet de loi s’articule autour de quatre axes : la différenciation, qui doit permettre aux élus d’adapter au mieux la règle aux réalités locales, dans le respect du principe constitutionnel d’égalité ; la décentralisation, que nous poursuivons par des mesures concrètes et que, dans certains domaines, comme les routes, nous parachevons ; la déconcentration, qui est depuis quarante ans le corollaire de la décentralisation et doit aboutir au renforcement de l’État local à travers la figure du préfet ; la simplification, afin d’alléger les procédures et les normes qui entravent encore trop souvent l’action publique locale.

J’ai présenté en juillet le projet de loi aux sénateurs, lesquels, à l’issue d’un examen exigeant mais constructif, ont fait passer le texte de 84 à 217 articles, sans supprimer aucune de ses mesures phares. Il y a néanmoins des points de divergence – je pense en particulier au rôle des intercommunalités. La discussion a aussi ravivé le sempiternel débat sur l’eau et l’assainissement. Ma conviction est qu’en la matière, nous ne pouvons pas tergiverser : un cinquième de l’eau est aujourd’hui perdu du fait d’infrastructures vétustes – la proportion grimpant jusqu’à 60 % dans certains territoires. Un cinquième, c’est aussi la quantité d’eau qui pourrait manquer d’ici à trente ans à cause du changement climatique. Il y a urgence, et je suis convaincue que l’échelle intercommunale – et j’inclus dedans les syndicats dont le périmètre dépasse celui des intercommunalités – est la seule à même de préserver la ressource et la qualité des services publics dans l’ensemble du territoire national. Nous avons apporté des assouplissements et de nouvelles possibilités dans la loi de 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique – dite « engagement et proximité » –, et je crois que le moment de la stabilité est venu.

Votre commission doit discuter au fond de plusieurs articles.

En matière de mobilité, le projet de loi entend renforcer la capacité des collectivités à piloter le réseau de petites lignes ferroviaires ; il s’agit d’une attente forte de la part des élus et de nos concitoyens, pour qui ces lignes du quotidien sont parfois aussi des lignes de vie. Le texte permet en outre le cofinancement public de l’aménagement des accès autoroutiers afin d’améliorer la connexion des autoroutes avec les territoires qu’elles traversent. Il clarifie le dispositif de protection des alignements d’arbres qui bordent les voies et la procédure d’autorisation d’abattage en cas de nécessité.

En matière de biodiversité, les régions se verront confier la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres. Le texte atteint, je crois, une forme d’équilibre, grâce à une clarification des compétences, nombre de sites étant déjà, dans les faits, pilotés par ces collectivités.

Sur d’autres articles, votre commission est saisie pour avis.

Nous proposons d’aller jusqu’au bout du processus de décentralisation du réseau routier engagé il y a plusieurs décennies. Plus de 10 000 kilomètres de routes, soit la moitié du réseau national actuel, pourront être transférés aux métropoles, aux départements et, pour la première fois, dans le cadre d’une expérimentation, aux régions. Notre boussole est d’assurer un meilleur pilotage local du réseau, de faciliter les continuités et de mettre fin aux incohérences d’itinéraire. La décentralisation se fera sur la base du volontariat – uniquement si les collectivités en font la demande. L’expérimentation de la gestion des routes par les régions soulève des interrogations, mais leur intervention dans le champ des mobilités justifie que l’on réfléchisse à leur compétence en matière de grands axes routiers ; c’est pourquoi le Gouvernement propose cette expérimentation, en vue d’une éventuelle évolution progressive. Nous avons beaucoup travaillé sur le sujet et le Premier ministre a pris soin d’engager une concertation avec les présidents de l’Assemblée des départements de France (ADF) et de Régions de France afin que cela se fasse de façon harmonieuse, à l’issue d’une décision collégiale. Nous avons abouti à une conclusion positive.

L’unité d’action de l’État et de ses opérateurs fait l’objet d’une forte demande de la part des élus locaux. J’ai assisté la semaine dernière à l’assemblée générale de l’association des maires de l’Aude, et la question était au centre des discussions. Nous présentons une réforme de la gouvernance de l’ADEME – l’Agence de la transition écologique –, très attendue par les élus locaux. Le préfet de région en deviendra le délégué territorial, ce qui lui permettra de donner des instructions générales à la direction régionale de l’ADEME et de participer à l’évaluation de son directeur. S’il s’agit du préfet de région, c’est parce que l’ADEME est organisée selon une structure régionale. Pour d’autres établissements publics – l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (ANRU), l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) –, c’est le préfet du département qui tient ce rôle. Le préfet de région est responsable devant le Gouvernement de la cohérence de l’action de l’État, mais il n’a pas les moyens d’exercer effectivement cette responsabilité s’agissant des activités de l’ADEME. Il avait été prévu que cette décision soit prise dès 2012, mais, pour une question de niveau des normes, la réforme n’était pas allée à son terme. Il faut aujourd’hui renforcer l’unité de la parole de l’État dans les territoires.

En amont de l’assemblée générale de l’association des maires, le préfet de l’Aude a organisé, en accord avec le président de l’association, une réunion sur l’ingénierie départementale. L’ingénierie est en effet un sujet très important : en complément de l’action de l’ANCT, le projet de loi fait du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) un outil partagé entre l’État et les collectivités.

En matière d’urbanisme, le texte comporte des mesures concrètes au bénéfice des élus en vue de faciliter le renouvellement des petites centralités, qui est une priorité de mon ministère et de l’action de l’ANCT. Je pense à la généralisation des opérations de revitalisation de territoire (ORT) ou à la réduction du délai de récupération des biens sans maître, autre mesure très attendue qui permettra de recycler les friches, donc de promouvoir un développement urbain sans artificialisation excessive des sols, dans le prolongement de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets – dite « climat et résilience » –, pour laquelle votre commission a beaucoup œuvré.

Quarante ans après les premières lois de décentralisation, nous entrons dans l’âge de la maturité. Plutôt qu’un énième bouleversement des compétences, les élus locaux nous demandent de la stabilité, des moyens, de leur faciliter le travail et de les accompagner en ingénierie. C’est ce que nous essayons de faire. C’est aussi ce que je défends au quotidien, à travers les programmes de l’ANCT, pour lesquels l’État se fait accompagnateur – Action cœur de ville, Petites villes de demain, France services ou encore France très haut débit. Avec le projet de loi « 3DS », je vous propose de prolonger cette nouvelle donne territoriale par une action législative concrète, pragmatique et ambitieuse. Je ne doute pas que nos échanges seront très riches – vos amendements illustrent votre engagement, que je partage, pour faciliter l’exercice des pouvoirs locaux.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je me réjouis que notre commission puisse s’exprimer sur plusieurs articles importants de ce projet de loi, qu’elle examinera pour certains au fond et pour d’autres pour avis, ce qui lui permettra d’aborder des sujets variés – je pense notamment aux transports routiers et ferroviaires, à la biodiversité, à l’eau, aux arbres ou encore au devenir d’instances telles que l’ADEME, l’Office français de la biodiversité (OFB), l’ANCT ou le CEREMA. Je salue le souci de la concertation dont a fait preuve Mme la ministre aussi bien avec les collectivités qu’avec les parlementaires, en particulier les membres de notre commission.

L’article 9 clarifie les conditions de transfert de gestion des petites lignes ferroviaires. Il vient compléter l’article 172 de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités – la LOM – qui facilite ce transfert aux régions, notamment en y incluant les gares et en prévoyant les conditions de mise à disposition des salariés lors du transfert. Le Sénat a adopté une série d’amendements modifiant cet article, mais certains me semblent juridiquement superflus. Je proposerai ainsi la suppression de la disposition prévoyant la conclusion de contrats de performance pour les lignes transférées. J’ai en outre déposé des amendements visant à garantir le maintien de la circulation des trains de fret sur ces mêmes lignes.

L’article 9 bis, introduit par le Sénat, tend à avancer au 31 décembre 2029 la date d’ouverture à la concurrence des RER A, B, C et D, fixée au 31 décembre 2039 par la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires. Les autorités organisatrices et les opérateurs de transport ayant besoin de visibilité et de stabilité pour se préparer à ces échéances, je proposerai un amendement de suppression.

L’article 9 ter, également introduit par le Sénat, précise un point de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire : il vise à prendre en compte les trajectoires d’évolution des effectifs dans la détermination du nombre de salariés à transférer en cas de changement d’attributaire d’un contrat de service public de transport ferroviaire de voyageurs. Favorable à cette idée, je proposerai un amendement pour préciser la rédaction de l’article sur le plan juridique.

L’article 9 quater a été introduit par le Sénat pour permettre aux différentes composantes des grands projets d’être intégrées dans un établissement public local, créé par une ordonnance prise sur le fondement de l’article 4 de la LOM, au fur et à mesure des arbitrages les concernant.

L’article 9 quinquies, introduit aussi par le Sénat, prévoit qu’à titre expérimental, les conseils régionaux sont autorisés à développer sur d’anciennes voies ferrées situées en zones peu denses un système de transport léger autonome sur rail à la demande. Il s’agit d’une bonne idée. Nous vous proposerons d’allonger à cinq ans la durée de l’expérimentation.

Par ailleurs, je proposerai un amendement portant article additionnel en vue de clarifier certaines dispositions législatives faisant suite à l’adoption de la loi du 27 juin 2018 pour un nouveau pacte ferroviaire et tenant compte de l’évolution du statut de la SNCF.

Concernant le chapitre III du titre II, relatif à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de la biodiversité, notre commission s’est vu déléguer au fond les articles 13, 13 bis, 13 ter et 13 quater.

Seul l’article 13 figurait dans le projet de loi initial. Il permet de confier la responsabilité de la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions, en lieu et place des préfets de département. L’objectif est de conforter les régions dans leur rôle de chef de file pour la biodiversité, rôle qui leur est dévolu depuis la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles – dite « MAPTAM ».

La procédure de désignation des sites au niveau national étant presque parvenue à son terme, l’enjeu principal réside désormais dans l’animation de ces sites, laquelle souffre souvent de lacunes majeures. La décentralisation de la gestion des sites terrestres devrait permettre une meilleure animation de ceux-ci, au plus près des territoires. Ce transfert se traduira par le rattachement aux régions d’une centaine d’agents travaillant actuellement dans les directions départementales des territoires (DDT) et dans les directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL).

Les dispositions introduites par le Sénat ne semblent pas nécessaires dans la mesure où le conseil régional peut déjà soumettre au préfet de département, sans formalisme imposé, un projet de création ou de modification d’un site Natura 2000. De la même manière, la consultation des départements ne se justifie pas dès lors qu’ils ne détiennent pas de compétences en matière de gestion des sites. Nous souhaitons donc revenir à l’article initial en rappelant que l’État conserve la compétence de désignation des sites et de gestion du domaine public maritime, sa responsabilité pouvant être engagée au regard des règles européennes.

Concernant l’article 13 bis, il apparaît qu’un seuil trop élevé de participation minimale du maître d’ouvrage peut constituer un élément bloquant pour les petites communes qui souhaiteraient s’engager dans des opérations de restauration de la biodiversité sur des sites Natura 2000. Or, il existe déjà une série de dérogations pour des projets d’investissement en matière de rénovation des monuments protégés ou de patrimoine non protégé lorsque le préfet l’estime justifié par l’urgence ou par la nécessité publique, ou encore en ce qui concerne les ponts et ouvrages d’art et les équipements pastoraux. Je proposerai néanmoins de retirer au président du conseil régional la faculté d’accorder cette dérogation au seuil minimal. En effet, cette disposition est inconstitutionnelle car elle conduit à créer une forme de tutelle d’une collectivité sur une autre.

Enfin, l’article 13 ter abaisse le seuil à partir duquel l’État s’engage à compenser intégralement auprès des communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre les exonérations de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) pour les terrains faisant l’objet d’un engagement de gestion et situés sur un site Natura 2000.

Je me prononce pour la suppression de cet article. En effet, en dehors d’une nécessaire évaluation préalable de son coût, la proposition du Sénat ne prend pas en compte les dispositifs instaurés pour pallier les difficultés pouvant être rencontrées par les petites communes ayant une part importante de leur territoire située sur un site Natura 2000, notamment la dotation de biodiversité, que le projet de loi de finances pour 2022 prévoit de porter à 20 millions d’euros.

Concernant l’article 13 quater, la logique de différenciation dont s’inspire le texte ne saurait être mise en œuvre au prix d’une mise à l’écart d’impératifs d’intérêt général tels que la préservation de la biodiversité. Je soutiendrai donc les amendements de suppression de cet article qui vise à prévoir des plafonds spécifiques de destruction des loups.

Nous sommes convaincus que la question nécessite un traitement piloté au niveau national. Toutefois, un pilotage national ne doit pas être synonyme de rejet de toutes les spécificités locales. La prédation du loup est un sujet d’inquiétude, notamment dans les Alpes. La préservation de la biodiversité, engagement international fort de la France, doit être conciliée avec la préservation des activités pastorales, qui sont à la fois une richesse et une fierté. À ce titre, nous sommes convaincus que le plan Loup demeure l’instrument à privilégier pour le traitement de ce sujet. Nous saluons le travail de l’ensemble des parties prenantes, en particulier celui du préfet coordonnateur, qui permet à l’État de mener une action empreinte de la réalité de nos territoires.

Au sein du titre VII, l’article 61 concerne les sociétés d’autoroute et les ouvrages annexes au réseau autoroutier qui peuvent être construits par les sociétés concessionnaires avec le concours de l’État ou des collectivités territoriales. La rédaction actuelle de l’article L. 122-4 du code de la voirie routière, modifié par la LOM, connaît des limites puisqu’il ne permet pas le financement par des personnes tierces, privées ou publiques, autres que l’État ou les collectivités territoriales. L’article 61 modifie l’état du droit pour élargir le champ des personnes pouvant concourir au financement de ces ouvrages, souvent coûteux et destinés à mieux connecter les réseaux secondaires au réseau autoroutier.

Enfin, l’article 62 est un article important. Il revient sur un article de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. L’article L. 350-3 du code de l’environnement, qui en est issu, vise à maintenir l’intégrité des alignements d’arbres bordant les routes, sources de biodiversité et d’agrément en termes de paysage et d’aménagement du territoire. Il ne peut y être porté atteinte sauf motifs spécifiques : danger sanitaire, danger pour la sécurité des personnes ou des biens, intégration dans la zone d’un projet de construction.

La version actuelle de l’article cet 350-3 souffre d’un certain nombre d’imprécisions qui ont pu générer des contentieux. L’article 62 vise à clarifier la question de la personne en charge de délivrer les autorisations et définit une procédure bien plus précise. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

Nos travaux de rapporteurs pour avis ont été guidés par l’ambition de ce texte, celle de la simplification.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Notre commission s’est saisie, pour avis, de quarante-sept articles qui couvrent le large éventail de nos compétences puisqu’ils abordent les transports routiers, la transition énergétique, la protection des espaces naturels, la gestion de la ressource en eau, les chemins ruraux, les maisons France Services ou encore l’ANCT.

Nous saluerons certains ajouts bienvenus du Sénat mais nous proposerons ou soutiendrons plusieurs amendements visant à supprimer des initiatives sénatoriales qui nous semblent éloignées de la démarche de simplification, en particulier celles relatives aux éoliennes et l’article 5 bis, qui constitue une régression en matière de gouvernance de l’eau et de l’assainissement.

Les articles 6 et 7, qui ouvrent la possibilité, pour les départements et les régions volontaires, d’un transfert de routes nationales, constituent un des dispositifs majeurs de ce projet de loi. Même si j’ai quelques réserves, à titre personnel, sur l’expérimentation, je soutiens pleinement la décision du Gouvernement de poursuivre dans la voie de la décentralisation des infrastructures de transport, complémentaire de la décentralisation que nous avons approfondie dans la LOM s’agissant de l’organisation des services de transport.

Comme l’a indiqué Mme la ministre, un travail collectif se poursuit et devrait trouver son point d’équilibre en commission des lois. Je vous proposerai toutefois plusieurs améliorations de la rédaction de l’article 6.

L’article 10 offre aux collectivités, en première ligne dans la mise en œuvre de la politique de sécurité routière, la possibilité d’implanter sur leur territoire des appareils automatiques de contrôle. Je soutiendrai un amendement qui vise à s’assurer d’un équilibre entre les nouveaux droits accordés aux collectivités et la cohérence de ces implantations, garante de l’efficacité de la politique de sécurité routière.

L’article 11 vise à accorder à Voies navigables de France (VNF) des moyens effectifs de sanction face aux abus auxquels l’opérateur est confronté s’agissant des prises et rejets d’eaux. Je défendrai des amendements visant à lui garantir les moyens, dans le respect du principe constitutionnel de proportionnalité, d’infliger de telles sanctions.

Concernant le chapitre III du titre II, relatif à la lutte contre le réchauffement climatique et à la préservation de la biodiversité, notre commission s’est saisie pour avis de plusieurs articles, en particulier de l’article 12 relatif à l’ADEME et de l’article 14, qui crée un pouvoir de police spéciale pour préserver l’environnement.

L’article 12 prévoit une réforme de la gouvernance de l’ADEME et les conditions de délégation aux régions d’une partie des moyens des fonds Chaleur et Économie circulaire. Il s’agit de limiter la concurrence des interventions entre l’agence et les régions en conférant des moyens accrus à ces dernières pour l’exercice de leurs missions en matière de transition écologique. Afin d’améliorer la représentativité de ses instances de gouvernance, cet article réforme également la composition du conseil d’administration de l’ADEME en permettant à un représentant des établissements de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre d’y siéger.

Toutefois, nous souhaitons préserver la liberté pour les régions et l’ADEME de négocier librement plutôt que de définir d’emblée une fraction obligatoire des fonds qui devrait être transférée aux régions. Sur ce point, nous laisserons la commission des lois se prononcer au fond.

L’article 12 bis prévoit que l’État, pour la période de programmation 2021-2027, confie aux régions, en leur qualité d’autorité de gestion des fonds européens, les missions relevant de la fonction comptable.

L’article 12 ter prévoit une modification de la composition des commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF). Une proportion trop élevée des collectivités territoriales au détriment, notamment, des acteurs de la société civile me paraît préjudiciable au bon fonctionnement des commissions. Je serai donc favorable à la suppression de cet article.

L’article 14 renforce le pouvoir de police des maires et du représentant de l’État dans le département, en permettant notamment que l’accès aux espaces naturels protégés puisse être réglementé ou interdit par arrêté motivé. Un pouvoir de substitution du préfet est prévu en cas de carence du maire. Il vous sera proposé de réécrire cet article afin de tenir compte de l’article 231 de la loi « climat et résilience », dont les dispositions sont quasi-identiques.

J’en viens au titre III, qui a trait à l’urbanisme et au logement. Notre commission s’est saisie pour avis de l’article 27, qui apporte des solutions à la problématique des biens abandonnés. De trop nombreuses collectivités sont confrontées à ces biens sans maître ou en état manifeste d’abandon, qui les empêchent de conduire des projets d’aménagement ayant une incidence concrète sur la vie quotidienne de nos concitoyens. Je me réjouis que le délai pour lancer une procédure d’acquisition de biens sans maître soit ramené de trente à dix ans et, surtout, que cette procédure soit élargie à l’ensemble du territoire de la collectivité, alors qu’elle était jusqu’ici limitée à son agglomération.

Les sénateurs ont, par ailleurs, très judicieusement tenu à introduire dans ce texte la question des chemins ruraux, déjà évoqués dans la loi « climat et résilience ». Il convient en effet de protéger ces chemins qui ont eu tendance à disparaître au cours des quarante dernières années, alors même qu’ils constituent l’un des piliers de notre patrimoine local et une richesse pour notre biodiversité. Trois axes doivent selon moi nous guider.

Premièrement, j’ai la conviction que ces chemins sont une ressource à mieux connaître. En ce sens, l’article 27 bis, qui prévoit une interruption des délais d’usucapion dès lors qu’une commune déciderait de recenser ses chemins ruraux, incitera nos collectivités à mieux connaître leur patrimoine. Deuxièmement, il est fondamental de faire confiance à nos territoires dans l’usage qu’ils font de leur patrimoine : dans cette optique, l’article 27 ter ouvre enfin la possibilité d’échanger ces chemins. Troisièmement, nos chemins ruraux doivent être valorisés dans une logique de coopération entre collectivités : c’est pourquoi l’article 27 quater prévoit la prise en compte des recensements de chemins effectués par les communes dans la révision des plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée.

S’agissant des acteurs de la gouvernance des relations entre l’État et les collectivités territoriales, je vous proposerai de revenir à la rédaction initiale de l’article 46, relatif au rôle des préfets dans les agences de l’eau. Je salue l’initiative des sénateurs qui, en lieu et place d’une habilitation à légiférer par ordonnance sur la gouvernance et les missions du CEREMA, ont décidé d’inscrire ces nouvelles dispositions directement dans la loi, à l’article 48. Nous sommes tous d’accord pour saluer le travail remarquable du CEREMA et pour souhaiter que son expertise et son savoir-faire soient davantage mis à la disposition des collectivités locales.

Je proposerai de supprimer l’article 58 bis, introduit au Sénat, qui prévoit d’élargir la consultation des départements par les régions à tous les thèmes des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), et non aux seules questions des transports et du développement du numérique. Nous souhaitons en rester à l’état du droit.

Enfin, le Sénat a introduit un article 67 bis qui concerne l’ANCT et son comité social d’administration, nouvellement institué en application de l’article 4 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique, en lieu et place des comités et commissions existants. L’amendement que je défendrai sur cet article rappelle que ces nouvelles règles s’appliqueront au prochain renouvellement général des instances représentatives du personnel dans la fonction publique.

Mme Nathalie Sarles (LaREM). Complétant la loi « engagement et proximité », la LOM et la loi d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP), le texte que nous examinons porte sur la répartition des compétences entre les régions, les départements et les métropoles.

Dans le prolongement de la LOM, l’article 9 clarifie les conditions et le périmètre du transfert des lignes ferroviaires, en précisant notamment la possibilité d’y inclure les installations de services, telles que les gares de voyageurs, et élargit ce dispositif à l’ensemble des lignes d’intérêt local ou régional à faible trafic.

L’article 13 confirme le rôle de chef de file des régions en matière de biodiversité, en renforçant logiquement leur implication dans la gestion des sites Natura 2000.

L’article 62, quant à lui, traite de la protection des alignements d’arbres. Les sénateurs y ont apporté des précisions dont certaines constituent pour nous un recul. Nous proposerons plusieurs amendements tendant à renforcer la protection des arbres.

J’en viens aux articles dont nous sommes saisis pour avis.

Le devenir de l’ADEME et la régionalisation des fonds Chaleur et Économie circulaire ne devront pas affaiblir cet établissement qui, fort de sa neutralité politique, traite des sujets à haute valeur environnementale. Quant à l’OFB, c’est un établissement récent, dont nous ne voulons pas transférer la délégation, car il mérite de mûrir encore avant d’être transformé.

S’agissant du transfert des voiries, traité aux articles 6 et 7, les questions concernant la transparence des données et la consultation des élus devront être résolues avant l’examen du texte en séance publique. Il en va de même, d’ailleurs, des chemins ruraux. Deux autres sujets majeurs sont encore en cours de discussion : la modification du statut du CEREMA et la gouvernance des agences de l’eau. Nous serons attentifs à ces questions durant l’examen du texte en commission des lois, puis en séance.

Sur les compétences « eau et assainissement » et « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI), il ne faut surtout pas revenir sur les avancées que nous avons votées depuis 2018. Nous défendrons les amendements tendant à supprimer des articles ajoutés par le Sénat après l’article 5, pour tenir compte des enjeux du grand cycle de l’eau.

Au sujet de l’éolien, qui fait l’objet de l’article 5 sexies, de nombreux débats ont déjà eu lieu ; les dispositions de la loi « climat et résilience » et du plan Éolien garantissent une meilleure consultation des élus locaux. Un comité régional éolien a même été créé par la loi « climat et résilience ». Nous avons besoin de cette énergie et nous ne devons pas baisser la garde.

Enfin, s’agissant de la protection du loup, nous ne souhaitons pas territorialiser le plan national d’actions.

Je souhaite que nos débats soient riches et qu’ils montrent combien notre commission travaille à faciliter la vie de nos collectivités territoriales.

M. Jean-Marie Sermier (LR). À l’heure où s’ouvre le congrès des maires, les députés du groupe Les Républicains veulent assurer de leur soutien les 35 000 maires et les 512 000 élus municipaux de ce pays, qui font un travail formidable au quotidien pour permettre à nos concitoyens d’avoir la meilleure vie possible dans tous nos territoires. Que tous les maires qui se sont engagés, au cours de ce mandat ou par le passé, soient remerciés d’avoir fait de la France ce qu’elle est en matière de décentralisation et d’organisation territoriale !

Nous sommes très loin du grand soir promis par le chef de l’État au lendemain de la crise des gilets jaunes, lorsqu’il se demandait s’il n’y avait pas trop d’échelons territoriaux en France... Heureusement qu’il a pu compter sur vous, madame la ministre, vous qui connaissez le terrain, qui avez fait pendant deux ans le tour de France à la rencontre des élus – cela aurait dû vous valoir le maillot jaune du Gouvernement ! Votre pragmatisme vous a permis de sauver, avec les sénateurs, une partie de ce texte, alors que le chef de l’État n’a aucune ambition en la matière.

Nous sommes favorables à la décentralisation, mais ce que vous proposez est bien modeste. Nous sommes favorables à ce que l’on expérimente le transfert de certaines routes nationales aux régions, aux départements ou aux métropoles. Encore faudra-t-il que ces collectivités bénéficient d’aides significatives et de dotations complémentaires pour assurer leur entretien. Nous sommes favorables à la déconcentration, mais il faut aller plus loin. Madame la ministre, il faut que les préfets, pour ce qui les concerne, puissent prendre la tête des services relevant des DREAL au niveau des départements. Vous savez bien que le directeur régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement est tout-puissant dans une région et qu’il est très difficile d’avoir des discussions au niveau du département.

En matière de simplification, les solutions que vous proposez ne nous semblent pas davantage à la hauteur. Comme toujours, nous avons déposé un certain nombre d’amendements. Comme toujours, nous travaillerons avec vous sur le fond. Comme toujours, dans l’intérêt général, nous voterons ce qui nous semblera utile pour la France et rejetterons le reste. Nous souhaitons nous inscrire dans la logique de nos collègues sénateurs qui ont enrichi le texte. Notre vote final dépendra de la qualité du débat et du texte qui en sortira.

Mme Yolaine de Courson (Dem). Le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés est heureux d’entamer l’examen de ce texte, qu’il attendait depuis longtemps. Les difficultés qu’il entend résoudre sont nombreuses et concernent l’organisation même de notre pays, les relations entre l’État, les collectivités et les citoyens. La décentralisation est au cœur de notre ADN. Nous défendons depuis longtemps le principe de subsidiarité et l’idée que nous devons faire confiance aux acteurs de terrain. L’État et les collectivités locales ont la République en partage, comme l’explique la ministre, dont nous accueillons le texte avec engagement.

Comme beaucoup d’entre vous, j’ai été maire avant d’être députée, d’une petite commune rurale de Côte-d’Or. Je sais de quoi parlent ceux qui se plaignent du désengagement de l’État dans certains territoires. Pour lutter contre cela, il importe de favoriser la collaboration entre la ville et la campagne, et les expérimentations sont un outil essentiel. Jusqu’en 2017, l’œuvre de simplification n’a pas été suffisamment ambitieuse, au point que les strates administratives des collectivités pouvaient occasionner de sérieuses migraines. L’activité de notre groupe et de la majorité durant cette législature a permis d’apporter des ressources supplémentaires aux collectivités, de répondre aux attentes qu’elles exprimaient et de renouveler le dialogue avec les territoires.

Ce texte, qui avait vocation à simplifier les choses, a toutefois été complexifié par les sénateurs. Nous souhaitons que son examen au sein de notre commission permette de retrouver une certaine cohérence, qu’il apporte des précisions sur des sujets essentiels, qu’il renforce la proximité avec les élus et qu’il restaure le lien entre les territoires et les préfets. Au-delà de ces deux pivots de l’organisation territoriale que sont l’élu et le préfet, nous devons également réfléchir au devenir des agences publiques. En tant que rapporteure de la proposition de loi portant création de l’ANCT, j’ai pleinement conscience que la situation de cette agence témoigne des difficultés qui persistent dans la relation entre l’élu et le préfet. La question vaut également pour d’autres agences telles que les agences régionales de santé (ARS), l’ADEME, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP) ou le CEREMA.

En outre, notre commission doit se saisir pleinement du transfert de certaines compétences en matière de transition écologique et de mobilité. À cet égard, nous saluons la délégation d’une partie des fonds Chaleur et Économie circulaire aux régions – c’est un outil supplémentaire pour faire des territoires de véritables acteurs de la transition – et la création d’un pouvoir de police spécial pour les espaces naturels protégés.

En matière de biodiversité, notre groupe souhaiterait revenir sur la question du régime de protection des alignements d’arbres, qui mérite d’être travaillé. Nous considérons que le dispositif voté doit être élargi à l’ensemble des voies ouvertes à la circulation publique. Au-delà de ses caractéristiques environnementales, ce paysage est un bien commun et il fait partie, à ce titre, du patrimoine de notre pays.

Mme Chantal Jourdan (SOC). Le grand projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale arrive devant notre assemblée plus de deux ans après son annonce. À la suite du mouvement social des gilets jaunes et du grand débat national lancé par le Président de la République, nos territoires attendaient beaucoup de ce texte. Très dense, il traite de sujets divers et larges, dont certains auraient mérité un texte à part entière et plus ambitieux, tant les enjeux sont importants. C’est le cas du chapitre consacré aux transports et du titre III, dédié à l’urbanisme et au logement.

Par ailleurs, alors que la crise sanitaire, économique, sociale et démocratique nous rappelle le besoin de proximité, ce texte ne parvient pas à reconstruire la démocratie locale ni à rapprocher le processus décisionnaire de nos concitoyens pour des sujets d’avenir comme la transition écologique.

Concernant plus précisément les transports, nous déposerons des amendements pour que les transferts de compétences ne soient pas une simple opération comptable. Ils doivent au contraire permettre de relancer et d’améliorer les politiques de transport. Dans la mesure où la gestion des routes nationales ne relève pas de la compétence des régions, nous proposerons d’imposer une consultation préalable des départements et des métropoles concernés. Surtout, nous veillerons au devenir des lignes ferroviaires. La sauvegarde des petites lignes doit être une priorité. Le transfert de lignes ferroviaires ne peut être réalisé que dans le cadre d’engagements clairs, inscrits dans la loi, qu’il s’agisse du maintien de la qualité du service, des acquis sociaux ou du bilan environnemental.

Pour ce qui est de la lutte contre le réchauffement climatique et de la préservation de la biodiversité, la réforme de la gouvernance de l’ADEME permet, certes, d’accorder plus de place aux élus locaux sans rompre l’équilibre, mais le transfert aux régions d’une partie des fonds Chaleur et Économie circulaire nous inquiète. En effet, cette mesure imposera de nouvelles formalités administratives et le respect d’un nouveau circuit pour obtenir les subventions alors que, dans de nombreux territoires, les élus et leurs équipes ont noué de bonnes relations de travail avec l’ADEME. Par ailleurs, d’éventuelles tensions politiques entre élus locaux et régionaux pourraient altérer la gestion des dossiers.

Le transfert aux régions de la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres est cohérent avec le rôle de chef de file des régions en matière de protection de la biodiversité. Cependant, comment seront gérés les sites majoritairement terrestres mais comprenant une partie de littoral, lequel resterait sous la responsabilité des services déconcentrés de l’État ? Les sites Natura 2000 mixtes, à la fois terrestres et marins, intègrent des écosystèmes riches qui ont besoin d’une gestion globale et cohérente.

Mme Maina Sage (Agir ens). Nous commençons enfin l’examen de ce texte. Alors que se tient le congrès des maires, je ne doute pas que nos discussions seront attentivement suivies. Je rends d’ailleurs hommage à ces élus qui, pour la plupart, sont des bénévoles qui travaillent en première ligne pour gérer les affaires de la cité. Je vous remercie pour le travail que vous avez mené en concertation avec eux et qui a permis d’aboutir à ce texte.

Concernant les transports, nous saluons les avancées mais nous veillerons à ce que le transfert de compétences ne mette pas fin à la garantie du service ni n’altère la cohérence de la gestion. Toutes les zones doivent être couvertes. J’ai bien noté, à cet égard, l’objectif d’obtenir l’unanimité.

Pour ce qui est de la transition écologique, les moyens seront-ils suffisants pour appliquer la nouvelle disposition concernant le CEREMA ? La même question se pose pour l’ADEME, dont les compétences ne doivent pas être morcelées.

Concernant le littoral, j’aurais aimé que ce texte renforce les missions de l’ANCT pour lui permettre de mener un vrai projet d’avenir à destination de l’ensemble des littoraux de notre pays qui devront être remodelés d’ici une dizaine d’années.

Bien entendu, notre groupe soutiendra ce texte.

Mme Sophie Métadier (UDI-I). Je salue votre ténacité, madame la ministre, les travaux du Sénat ainsi que le travail de ses rapporteurs. Ce projet a été conçu avec les associations de collectivités territoriales, les élus locaux et les acteurs de la fonction publique territoriale. Ce travail collectif a donné naissance à un texte qui, certes, ne résout pas tous les problèmes, mais engage la réflexion sur les incertitudes rencontrées dans nos territoires.

Assurer l’efficacité « jusqu’au dernier kilomètre » redonnerait aux citoyens confiance dans le politique. Nous devons clarifier les rôles de chacun sans rigidifier le dispositif.

Clarifier et simplifier les délégations de compétences entre les collectivités territoriales et leurs groupements, assouplir le dispositif des transferts de compétences sont une avancée notable. Le Sénat a apporté un souffle décentralisateur bienvenu. Le droit à l’expérimentation est une mesure essentielle. Les possibilités prévues par le texte de déroger aux règles nationales sont aussi bienvenues.

Le Sénat a redéfini et approfondi les compétences des services décentralisés de l’État.

Le texte n’est pas un modèle de simplification, tant il s’avère d’une étude et d’une compréhension complexes, sans parler de la diversité des dispositifs qu’il modifie. Cependant, il est nécessaire, notamment pour permettre aux communes et aux EPCI de participer pleinement à la conception de projets structurants pour leurs territoires. Ainsi, la sénatrice Mme Valérie Létard a proposé un aménagement important de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains – dite « SRU ».

L’article 9 prévoit de clarifier le transfert aux régions volontaires de la gestion des petites lignes ferroviaires. Leur sauvetage est fondamental pour décarboner les mobilités, réduire les fractures territoriales et renforcer l’attractivité du monde rural. Cependant, il conviendrait d’inciter plus fermement les collectivités territoriales à accepter des projets comme l’implantation de sources d’énergies renouvelables, en particulier l’éolien.

Nous sommes heureux d’examiner enfin ce texte et nous espérons que les modifications apportées par le Sénat seront adoptées.

M. François-Michel Lambert (LT). À l’heure où les États multiplient les conférences internationales sur le climat, les engagements peu contraignants et les promesses bafouées, les élus agissent au niveau local. Ils sont au rendez-vous pour lutter contre le changement climatique, protéger les ressources de leurs territoires, prendre des initiatives innovantes, transformer la configuration de leurs villes et modifier les pratiques de leurs concitoyens. Ce sont eux qui ont réussi à répondre à l’urgence imposée par la pandémie.

Hélas, les collectivités manquent de ressources et de leviers pour s’engager dans une stratégie de résilience. La transformation écologique n’aura pas lieu sans un nouvel acte fort de décentralisation, dans le respect des spécificités locales. Hier, M. le secrétaire d’État chargé de la ruralité se régalait d’un foie gras dans le Gers. Les attaques très urbaines, surtout parisiennes, contre les spécificités des territoires, doivent cesser. Le foie gras existera-t-il encore dans cinq ans ?

Notre groupe a été créé il y a plus de trois ans, avant la crise des gilets jaunes, pour relayer les attentes des territoires, dont nous percevions la souffrance. Ce fut ensuite une promesse du Président de la République à l’issue du grand débat. Nous espérions que le projet de loi « 3DS » répondrait à ces attentes, mais il n’en est rien.

Ainsi, l’article 5, qui concerne la répartition des compétences liées à la transition écologique, ne prévoit rien d’autre que le concours des collectivités territoriales à la transition écologique. L’article 9, quant à lui, prévoit simplement de clarifier les conditions du transfert de la gestion des petites lignes ferroviaires aux régions, mesure que nous avions déjà votée lors de l’examen de la LOM.

Reconnaissons cependant que ce texte apporte quelques améliorations. La fonction comptable de la gestion des fonds structurels et d’investissement européens ainsi que la gouvernance des sites Natura 2000 sont transférées aux régions. Nous vous alertons cependant sur les risques de confusion. L’État devra garantir le maintien des objectifs nationaux en matière de biodiversité.

La décentralisation et la différenciation sont essentielles pour restaurer la proximité. Beaucoup d’échecs auraient pu être évités si les décisions avaient été prises par les collectivités locales plutôt que par l’État. Nous regrettons que le texte ne protège pas davantage les spécificités territoriales. La France des mille fromages ne doit pas être gouvernée par le carré frais Gervais mais par le maroilles, le camembert, le roquefort, le fromage de l’abbaye de Boulaur !

M. Loïc Prud’homme (FI). Nous voilà prêts à examiner ce texte fourre-tout, habillé d’une bonne couche de discours technocratique alors qu’il enterre l’universalité de la loi et consacre la différenciation, que le Sénat a rendue obligatoire. Fidèles à votre logique de start-up, vous déclarez l’« open bar » pour les compétences routières – certaines régions récupèreront des tronçons de route nationale, d’autres non ; ailleurs, ce seront les départements ou les métropoles. Comprenne qui pourra !

Parce que la maîtrise des infrastructures de transport garantit leur gestion dans l’intérêt général et parce qu’elle représente un enjeu majeur de transition écologique, nous nous opposerons à tout nouveau transfert.

De même, les opérateurs privés sont autorisés à participer au financement d’aménagements autoroutiers. Chacun pourra y aller de son petit échangeur ! Disneyland, Amazon pourront s’en offrir un, sans autre souci que de se servir eux-mêmes, en goudronnant des terrains qui auraient pu échapper à l’artificialisation.

J’en profite pour dénoncer ce cavalier que vous espériez faire passer en catimini à l’article 62 : vous prévoyez de détricoter l’article L. 350-3 du code de l’environnement, dont Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique, fut à l’initiative, pour faciliter l’abattage des arbres d’alignement. Décidément, après son recul sur les néonicotinoïdes, la ministre n’en finit pas de saper son propre travail ! Peut-être pourriez-vous lui rappeler que la secrétaire d’État du Président François Hollande qui avait écrit ces textes n’était pas une homonyme ?

Madame la ministre, vous pouvez toujours habiller ce texte de belles paroles technocratiques : non contente d’abattre les arbres d’alignement, vous tronçonnez l’égalité républicaine !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Nathalie Sarles, la représentation de l’ADEME par le préfet de région ne fragilisera pas l’agence ; elle renforcera au contraire sa légitimité et son articulation avec les autres services de l’État – ce que réclament les élus locaux s’agissant d’une agence, établissement public de l’État. Le préfet de région sera le garant de cette nécessaire coopération entre les élus, l’ADEME, les départements et les régions.

M. Jean-Marie Sermier a parlé de la régionalisation des services de l’État autour du préfet de région, qu’il faut poursuivre en mettant un terme à la dévitalisation de l’échelon départemental, sacrifié pendant de longues années. Le préfet de région est légitime, il pilote la DREAL et nous allons demander qu’il fasse de même avec l’ADEME ; mais il doit œuvrer en lien étroit avec les préfets de département.

S’agissant des arbres d’alignement, notre objectif est de clarifier le droit pour qu’il soit mieux appliqué. Voilà pourquoi nous désignons le préfet responsable de l’attribution des autorisations d’abattage quand c’est strictement nécessaire. Attention de ne pas compliquer ce qui est une mesure de simplification. Le représentant de l’État est le garant de l’équité et de l’intérêt général sur le territoire.

En ce qui concerne les petites lignes ferroviaires, les dispositions du texte sont directement issues de discussions techniques entre les services de l’État et ceux des régions, en application de la LOM. Ces dispositions répondent aux attentes des régions, qui souhaitent récupérer ces lignes parfois très dégradées, non pour les fermer mais, au contraire, pour y développer le trafic de fret et de voyageurs. Des accords régionaux ont été signés entre les régions, l’État et la SNCF pour permettre ces transferts.

Quant aux routes, le maître mot est la concertation tout au long du processus. L’État se prononcera in fine sur les routes transférées, en fonction de la cohérence des itinéraires, mais aussi des moyens techniques à sa disposition pour gérer les routes dont il conservera la gestion. Les transferts et l’expérimentation dans les régions font l’objet d’une entente entre les régions et les départements.

Monsieur Loïc Prud’homme, l’article 61 vise à permettre le cofinancement d’aménagements autoroutiers afin de répondre à de réels besoins des territoires. Ainsi, le port HAROPA (Le Havre, Rouen, Paris) pourra financer avec des logisticiens un nouvel échangeur afin d’améliorer son développement et le lien avec son hinterland. On peut toujours voir le mal partout, mais de tels projets, qui sont d’intérêt public, ne compromettent en rien les procédures environnementales et répondent à ce que l’on nous demande dans la vraie vie.

Concernant la CDPENAF, nous sommes d’accord avec l’amendement de votre rapporteur pour avis tendant à supprimer la disposition d’origine sénatoriale qui porte à 50 % la proportion d’élus locaux en son sein. Après avoir cherché sans succès un compromis avec le ministère de la transition écologique et celui de l’agriculture pour augmenter légèrement la proportion d’élus, nous sommes favorables au statu quo.

Madame Maina Sage, nous sommes d’accord pour éviter le morcellement des routes : il s’agit naturellement d’une priorité.

Mme Maina Sage. Qu’en est-il du littoral, madame la ministre ? Le texte pourrait-il renforcer les missions de l’ANCT pour en faire une plateforme d’appui aux collectivités les plus touchées par sa dégradation ? Nous demandons un grand plan Littoral qui apporte des moyens opérationnels au service de la stratégie nationale pour la mer et le littoral (SNML), laquelle doit aussi relever de votre ministère – nous en avons parlé au sujet du projet de loi de finances –, car la cohésion des territoires est indispensable à nos collectivités, confrontées à la pression démographique et à la nécessité de retravailler toute la zone côtière et de réaménager les zones touristiques. Au-delà de ce que permet désormais la loi « climat et résilience », nous devons réussir à faire pour le littoral ce que nous faisons pour la montagne.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Cette dimension existe au sein de l’ANCT. En la matière, le CEREMA est un partenaire essentiel, riche de compétences. Nous souhaitons justement l’ouvrir largement aux collectivités territoriales – pour l’heure, il travaille à 80 % pour l’État, d’où la proposition de créer une prestation « in house ».

À l’origine, le texte contenait des dispositions relatives au trait de côte, mais nous avons considéré, avec la ministre Mme Barbara Pompili, qu’elles relevaient davantage de la loi « climat et résilience », et elles ont été votées dans ce cadre.

J’ai récemment signé avec la communauté de communes Coutances mer et bocage, dans la Manche, un contrat de relance et de transition écologique (CRTE) qui fournit à cette intercommunalité un important dispositif d’appui. Le projet central porte sur l’érosion du littoral et sur le recul du trait de côte. L’État apporte de très gros moyens financiers et d’ingénierie.

Il n’est donc pas utile de légiférer à nouveau dans ce domaine : nous avons les outils nécessaires. Si les territoires se préoccupent de monter des projets, l’État les accompagnera.

II.   Examen des articles

Première réunion du mardi 16 novembre 2021 à 18 heures

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Article 9 (examen prioritaire) (art. L. 2111‑1‑1, L. 2111‑9‑1 A, L. 2111‑9‑1 B [nouveau], L. 2122‑2 et L. 2221-1 du code des transports et article L. 3114‑1 du code général de la propriété des personnes publiques) : Conforter les possibilités de transfert des petites lignes ferroviaires

Amendements de suppression CD136 de M. Hubert Wulfranc et CD150 de Mme Bénédicte Taurine

M. Hubert Wulfranc. Le transfert aux régions de la compétence de gestion des petites lignes, comme les transferts qui concerneront la voirie, est facteur d’inégalité et de rupture de l’unité territoriale. Madame la ministre, vous invoquez les concertations techniques préalables, ouvrant droit à des contrats, entre les régions, la SNCF et l’État, mais ce sont les ressources des régions qui feront in fine la différence. Les régions vont être confrontées à des choix politiques qui risquent d’être révisés en fonction de leurs capacités financières, qui ne sont pas partout les mêmes. Notre position est conforme à celle que nous avions défendue lors de l’examen de la LOM.

M. Loïc Prud’homme. L’article 9 conforte les transferts de gestion des petites lignes ferroviaires aux régions ; il prévoit notamment la possibilité de transférer les « installations de service relevant du domaine public ferroviaire », ce qui inclut les gares. Alors que certaines régions sont financièrement exsangues, ce mouvement de décentralisation ne facilitera pas la préservation des lignes.

Déjà, lors de l’examen de la LOM, les députés de mon groupe avaient défendu des amendements dont l’exposé sommaire était ainsi rédigé : « Le Gouvernement veut offrir la possibilité aux régions de reprendre [des lignes ferroviaires] si elles le souhaitent, mais celles-ci en auront-elles les moyens ? Des décennies de sous-investissement dans le réseau existant et une politique de construction de LGV sans vision d’ensemble ont conduit à un vieillissement préoccupant du réseau ferré national. »

Selon l’Autorité de régulation des transports (ART), le transfert des petites lignes ferroviaires et de leurs gares aux régions risque de provoquer un éclatement de la gestion du réseau ferroviaire. Or la coordination de ce réseau est essentielle si nous voulons garantir un service performant et contribuer à la planification écologique.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet article clarifie le périmètre et les conditions de transfert des petites lignes aux régions, déjà permis par l’article 172 de la LOM, pour lequel plusieurs régions ont manifesté leur intérêt lors des auditions – certaines d’entre elles, en particulier l’Occitanie, ont déjà engagé des discussions avec SNCF Réseau. En supprimant l’article 9, nous reviendrions sur des dispositions de la LOM et nous mettrions un terme à un processus déjà bien entamé localement. Le transfert aux régions permettra de renforcer les efforts financiers portant sur les lignes de desserte fine du territoire et d’inclure pleinement ces dernières dans les stratégies d’aménagement local définies par les régions. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Outre l’Occitanie, les régions Centre-Val-de-Loire et Grand-Est sont déjà fortement engagées dans ce processus.

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe Les Républicains est évidemment favorable à la régionalisation d’un certain nombre de petites lignes, qui permettra une gestion plus efficace. Or il ne peut y avoir de décentralisation sans transfert de moyens. Les petites lignes se trouvent souvent, par définition, dans des régions ou dans des zones rurales, dépourvues de grandes métropoles, dont les moyens sont relativement faibles. Est-il prévu que l’État abonde les budgets des régions pour que ces dernières aient les moyens d’assurer, le cas échéant, la gestion de ces petites lignes ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Naturellement, les discussions portent aussi sur le transfert de moyens financiers. J’ai moi-même négocié et signé certains de ces protocoles d’accord entre l’État, la SNCF et les régions : je puis donc vous assurer qu’ils comportent des engagements financiers.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD245 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à garantir la pérennité de la circulation des trains de marchandises sur les lignes d’intérêt local ou régional à faible trafic en cas de transfert de leur gestion. En d’autres termes, il s’agit de préserver l’activité de fret sur les petites lignes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable. Nous avons déjà ce souci, mais il est en effet plus sécurisant de l’inscrire dans la loi.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD299 rectifié de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement de précision vise à garantir que les installations de service éligibles au transfert de gestion sont dédiées aux missions faisant l’objet de ce transfert. Certaines installations gérées par SNCF Réseau ou sa filiale Gares & Connexions peuvent en effet être mutualisées au service de plusieurs lignes ou gares : dans ce cas, il est important que SNCF Réseau – ou sa filiale Gares & Connexions –conserve la maîtrise de ces installations utiles au réseau demeurant sous sa gestion.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD63 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il s’agit de supprimer l’alinéa 7 de l’article 9. Le recours à un décret en Conseil d’État pour fixer la liste des catégories d’installations concernées complique la procédure et ne nous paraît pas justifié.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD64 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Dans le même souci de simplification, nous proposons de supprimer l’alinéa 8. En effet, la transmission du projet de contrat à l’ensemble des candidats autorisés est déjà prévue par le code des transports.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD65 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il convient de supprimer la dernière phrase de l’alinéa 10, car les régions ont déjà la possibilité d’instituer les modalités de gestion des infrastructures transférées qui leur semblent les plus adaptées aux réalités locales. Elles peuvent notamment décider d’établir un contrat de performance avec les entités auxquelles elles confient la gestion de ces installations, sans qu’il soit nécessaire de le prévoir explicitement dans la loi.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CD301 de la rapporteure pour avis.

Amendement CD246 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Dans le même état d’esprit qu’à l’amendement CD245, il s’agit de garantir explicitement, à l’alinéa 15, la pérennité du transport de fret en cas de transfert de la gestion des lignes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je vous invite à retirer votre amendement, qui rejoint l’amendement CD245 déjà adopté.

L’amendement est retiré.

Amendement CD47 de M. Guillaume Garot.

M. Guillaume Garot. Cet amendement vise à mieux protéger les agents de la SNCF lorsque s’opèrent des mises à disposition ou des transferts de personnel. Nous reprenons une idée de la CFDT Cheminots en vous proposant de construire un cadre sécurisant correspondant à un compromis social positif.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je comprends votre préoccupation, d’autant que j’ai moi-même lu avec beaucoup d’attention les propositions de la CFDT. Comme nos collègues sénateurs, qui ont rejeté un amendement similaire, je doute toutefois de l’opportunité, pour le législateur, d’intervenir en la matière. En effet, l’organisation et le contenu du dialogue social et de la négociation collective ne relèvent pas de la loi, mais de la responsabilité de l’entreprise et de sa vie interne. Le dialogue avec les organisations syndicales doit permettre d’assurer la fluidité du processus de transfert de personnel. Je crains également que la mention d’une intervention de l’État ne soit perçue comme une pression à la négociation dans des délais très contraints. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. François-Michel Lambert. Vous parlez de pression de l’État, mais le rôle de ce dernier n’est-il pas de protéger et de créer un climat positif ? Par ailleurs, si ce n’est pas dans le cadre du présent projet de loi qu’il convient d’avancer sur ce sujet, dans quel texte pourrons-nous le faire avant la fin de la législature ?

M. Guillaume Garot. La loi a vocation à protéger les salariés les plus exposés à des changements qui, du reste, sont susceptibles d’entraîner des blocages. Si vous voulez que les transferts et mises à disposition de personnel s’opèrent dans les meilleures conditions, vous devez rassurer les salariés et leur apporter des garanties. C’est précisément l’objet de mon amendement, qui donne à la discussion un cadre législatif avant qu’elle ne s’engage et débouche sur un accord. Si les salariés sont rassurés quant aux conditions générales d’un éventuel accord, ils ne seront que plus enclins à le trouver. Mais ce n’est manifestement pas ce que vous souhaitez.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD307 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il s’agit de supprimer l’alinéa 32, qui prévoit que l’Établissement public de sécurité ferroviaire (EPSF) transmette à l’autorité organisatrice de transport ferroviaire « l’ensemble des données techniques nécessaires à l’exercice de ses missions, dans l’objectif de garantir la sécurité et l’interopérabilité du réseau ». Cela reviendrait à imposer le maintien de l’interopérabilité des lignes, ce qui constituerait un obstacle à leur transfert ainsi qu’au déploiement de trains légers ou très légers.

La commission adopte l’amendement.

Amendements identiques CD32 de M. Matthieu Orphelin et CD48 de M. Guillaume Garot.

M. Matthieu Orphelin. Il s’agit de garantir que les transferts de lignes contribuent positivement à la transition écologique. Un amendement similaire a été débattu au Sénat à l’initiative du groupe Écologiste – Solidarité et Territoires, sur la base d’une proposition de la CFDT Cheminots.

M. Guillaume Garot. Ces amendements visent à créer une sorte de cliquet de sécurité : il s’agit de se donner collectivement la garantie que les transferts n’entraîneront aucune régression du point de vue environnemental. L’objectif doit être, en effet, d’améliorer le bilan environnemental.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’objectif environnemental est inhérent à l’article 9, car celui-ci vise, à travers le sauvetage des petites lignes, à développer le transport ferroviaire, lequel est une solution alternative aux modes de transport les plus polluants, notamment la route. Les amendements sont donc presque satisfaits.

Par ailleurs, leur adoption imposerait d’effectuer de nouvelles analyses, ce qui alourdirait les procédures de transfert et pourrait contribuer à les ralentir. La disposition pourrait même s’avérer contre-productive pour les petites lignes sur lesquelles circulent des diesels.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je considère moi aussi que ces amendements sont satisfaits. La politique en matière de transports met au premier plan les enjeux de la transition écologique, à laquelle les petites lignes ferroviaires faisant l’objet de transferts de propriété pourront bien sûr contribuer. Je demande le retrait de ces amendements ; à défaut, j’appellerai à les rejeter.

M. François-Michel Lambert. Dans d’autres textes, il nous est arrivé d’inscrire des dispositions redondantes, de façon à avoir « ceinture et bretelles ». Pourquoi ne pourrions-nous pas en faire de même ici ?

Surtout, je suis inquiet d’entendre Mme la rapporteure pour avis dire que les amendements sont « presque satisfaits ». Enfin, elle a exprimé la crainte que les petites lignes ferroviaires sur lesquelles circulent des diesels soient défavorisées. Mais notre objectif n’est-il pas d’agir en faveur du climat ? Ces amendements sont les bienvenus ; il faut les soutenir.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Deuxième réunion du mardi 16 novembre 2021 à 21 heures

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Article 9 bis (examen prioritaire) (art. L. 1241‑6 et L. 1241‑7‑1 du code des transports) : Avancer l’ouverture à la concurrence des RER A, B, C et D

Amendements de suppression CD259 de la rapporteure pour avis et CD151 de Mme Bénédicte Taurine.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’article 9 bis, introduit au Sénat, avance à 2029 l’ouverture à la concurrence des RER en Île-de-France prévue pour 2039. Ce calendrier a été fixé dans la loi du 8 décembre 2009 relative à l’organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF). Il a été défini en concertation avec Île-de-France Mobilités et en conformité avec le règlement n° 1370/2007 du Parlement européen et du Conseil relatif aux services publics de transport de voyageurs par chemin de fer et par route.

Les autorités organisatrices et les opérateurs de transport ont besoin de visibilité et de stabilité pour se préparer à ces échéances. De plus, de nombreuses lignes en Île-de-France pourront déjà être ouvertes à la concurrence pendant la décennie à venir.

M. Loïc Prud’homme. Mêmes arguments que pour l’article 9.

Mme Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales. J’étais contre cette inscription dans la loi au Sénat, je maintiens ma position. Avis favorable aux amendements de suppression.

M. François-Michel Lambert. Le groupe Libertés et Territoires travaille à l’intérêt commun et votera cet amendement de la majorité.

La commission adopte les amendements et donne en conséquence un avis favorable à la suppression de l’article 9 bis.

Article 9 ter (examen prioritaire) (art. L. 2121‑22 du code des transports) : Prise en compte des évolutions d’effectifs lors d’un changement d’attributaire d’un contrat de service public ferroviaire

Amendement CD66 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser la notion de « trajectoire prévisionnelle d’évolution des effectifs ».

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 ter modifié.

Article 9 quater A (nouveau) (examen prioritaire) (art. L. 422-2 du code de l’urbanisme) : Préciser la notion de travaux ou d’ouvrages réalisés par SNCF Réseau ou SNCF Gares & Connexions.

Amendement CD255 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à préciser la notion de travaux ou d’ouvrages « réalisés par » SNCF Réseau ou SNCF Gares & Connexions.

La commission adopte l’amendement.

Article 9 quater (examen prioritaire) (art. 4 de la loi n° 2019‑1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités) : Étendre la possibilité de créer une société de projet pour financer et réaliser des projets d’infrastructures de transport phasés et à un stade plus précoce de leur élaboration

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD302 rectifié de la rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 quater modifié.

Article 9 quinquies (examen prioritaire) : Expérimentation du transport autonome sur rail par les conseils régionaux

Amendement de suppression CD139 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. L’article 9 quinquies vise à donner aux régions la possibilité d’expérimenter, sur d’anciennes voies ferrées situées en zone peu dense, le transport autonome sur rail, dans le but de concurrencer l’usage de la voiture. Ne faut-il pas y voir la volonté de certaines régions de fermer des petites lignes au profit de projets alternatifs ?

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Cet article a été introduit à l’initiative du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain du Sénat pour donner un cadre légal au développement de transports décarbonés sur des voies ferrées qui ne sont plus utilisées, à l’image du projet Urbanloop dans la région Grand-Est. Il permet le réemploi d’infrastructures existantes et favorise la décarbonation du transport.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il ne s’agit pas de fermer des petites lignes, mais au contraire de faire revivre d’anciennes voies ferrées, grâce à des projets innovants de transport décarboné.

M. François-Michel Lambert. Ainsi, la ligne entre Agen et Auch pourra être relancée dès 2025 !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD247 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je propose de porter la durée de l’expérimentation de deux à cinq ans.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. C’est, en effet, la durée habituelle des expérimentations.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 quinquies modifié.

Article 13 (examen prioritaire) (art. L. 414-1, L. 414-2 et L. 414-3 du code de l’environnement ; art. 1395 E du code général des impôts) : Transfert de la compétence de gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres aux régions

Amendement de suppression CD142 de M. Hubert Wulfranc.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. La décentralisation de la gestion des sites Natura 2000 est cohérente avec le rôle confié aux régions. Toutefois, il s’agit seulement d’animer les sites ; ni les régions ni le département ne peuvent remplacer l’État dans sa mission de désignation des sites. Avis défavorable.

Mme Chantal Jourdan. L’article vise la gestion des sites Natura 2000 exclusivement terrestres. Qu’en est-il des sites mixtes, à la fois terrestres et marins ? Cela ne risque-t-il pas de compliquer leur gestion ?

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. S’agissant des sites marins, la compétence est exclusivement celle de l’État et elle le demeure si le site est mixte. Il n’y a pas d’ambiguïté : c’est le statu quo qui prévaut.

Mme Chantal Jourdan. Mais ne faut-il pas, sur le terrain, réorganiser la gestion de ces sites ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Non, dans la mesure où la compétence de gestion d’un site mixte, à la fois terrestre et marin, ne peut être transférée à la région.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD248 de la rapporteure pour avis et CD201 de M. JeanRené Cazeneuve.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je propose de supprimer la consultation du conseil départemental pour la désignation des sites Natura 2000. Le conseil régional ne sera consulté que pour la désignation des sites exclusivement terrestres.

M. François-Michel Lambert. J’appelle de mes vœux cette décentralisation mais je vous alerte sur les risques qu’elle peut entraîner en matière de protection de la biodiversité.

J’attends toujours la réponse de Mme la ministre Barbara Pompili à une question écrite que je lui ai adressée à propos du scandale du Rocher Mistral, à La Barben, dans la circonscription de M. Jean-Marc Zulesi : un promoteur immobilier, nanti d’une subvention de 6 millions d’euros du conseil régional, a empiété sur une zone Natura 2000 où vit une colonie de chauves-souris endémiques, à quelques kilomètres de Marseille. Je voudrais m’assurer que ce texte prévoit une garantie de l’État face aux dérives – involontaires ou non – d’élus locaux.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’évaluation des incidences relève toujours de l’État.

La commission adopte les amendements.

Amendement CD249 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le conseil régional peut déjà soumettre aux préfets de département, sans formalisme imposé, un projet de création ou de modification d’un site Natura 2000. Je propose donc de supprimer les alinéas 4 à 6.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CD264, CD250, CD265 et CD266 de la rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Article 13 bis (examen prioritaire) (art. L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation au seuil de participation minimale du maître d’ouvrage pour le financement d’une opération en faveur de la restauration de la biodiversité

Amendement de suppression CD202 de M. Jean-René Cazeneuve.

M. Jean-René Cazeneuve. La possibilité de déroger au seuil de participation minimale du maître d’ouvrage pour le financement d’opérations de restauration de la biodiversité pourrait introduire un élément d’inégalité entre les collectivités. Il convient de la supprimer.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il existe déjà de nombreuses dérogations au seuil de participation minimale. Elles sont d’ordre général, lorsqu’il existe des financements européens, ou accordées par décision préfectorale, dans le cas, par exemple, d’une rénovation de monument protégé. Elles sont également possibles si le projet concerne un pont ou un ouvrage d’art, un équipement pastoral ou la réhabilitation d’un centre de santé.

Nous nous sommes beaucoup interrogés sur cette disposition mais il ressort des auditions que la règle de la participation minimale peut être un frein à l’investissement des petites collectivités. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’émettrai pour ma part un avis favorable.

Prévoir une dérogation à cette règle pour les projets portant sur un site exclusivement terrestre Natura 2000 introduirait une différence de traitement avec les sites majoritairement terrestres et les sites marins – le transfert de compétence de la gestion des sites exclusivement terrestres n’étant pas un motif juridiquement valable.

En outre, cette dérogation déresponsabiliserait les collectivités, qui doivent avoir les moyens d’assumer une partie du financement – c’est une règle, saine, de gestion publique. Les investissements des collectivités entraînent des dépenses de fonctionnement auxquelles les collectivités doivent pouvoir faire face, ce qui ne serait pas garanti si un autre acteur que le maître d’ouvrage finançait intégralement le projet.

Enfin, les fonds européens, notamment le FEDER (Fonds européen de développement régional) et le programme LEADER (Liaison entre actions de développement de l’économie rurale) peuvent être mobilisés pour financer les projets portant sur un site Natura 2000. Par ailleurs, l’Office français de la biodiversité (OFB) ou les agences de l’eau peuvent soutenir les projets des collectivités.

Mme Nathalie Sarles. J’entends vos arguments, madame la ministre, mais une attention particulière doit être portée à la préservation du patrimoine naturel, comme c’est le cas, déjà, pour les projets de restauration du patrimoine bâti.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je rappelle que vous avez voté une augmentation de la dotation de biodiversité, qui passera de 5 millions à 23 millions d’euros en 2022.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD252 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Donner au président du conseil régional la faculté d’accorder une dérogation au seuil de participation minimale introduirait un conflit de compétences entre le représentant de l’État et l’exécutif régional. En supprimant cette possibilité, l’amendement rend l’article conforme à la Constitution.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je ne change pas d’avis sur l’article, mais je suis favorable à cet amendement qui en améliore la rédaction.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 bis modifié.

Article 13 ter (examen prioritaire) (art. 167 de la loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages) : Modalités de compensation de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains situés sur un site Natura 2000 faisant l’objet d’un engagement de gestion

Amendement de suppression CD251 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’article 13 ter prévoit d’augmenter la compensation de l’exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties (TFPNB) pour les terrains situés dans un site Natura 2000 faisant l’objet d’un engagement de gestion. Cette disposition relève de la loi de finances : elle doit être prise en compte dans le budget de l’État et son coût doit être évalué.

Par ailleurs, la dotation de biodiversité, instituée par la loi de finances pour 2020 et destinée aux communes dont une partie importante du territoire est couverte par un site Natura 2000, sera portée à 23 millions d’euros en 2022.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, elle donne un avis favorable à la suppression de l’article 13 ter.

Article 13 quater (examen prioritaire) : Application différenciée des plafonds d’abattage des loups définis au niveau national

Amendements de suppression CD33 de M. Matthieu Orphelin, CD170 de Mme Nathalie Sarles et CD189 de Mme Frédérique Tuffnell.

M. Matthieu Orphelin. La majorité de droite du Sénat, dans sa grande tradition de préservation de la biodiversité, a introduit cet article qui permet de créer des zones « sans loup ». Le loup est une espèce protégée par la Convention de Berne. Les dispositions du plan Loup permettent, à titre dérogatoire et sous le contrôle de la Commission européenne, de réguler la population lupine grâce à des autorisations de prélèvement délivrées par le préfet – dérogations largement utilisées d’ailleurs. La population étant loin d’être stabilisée, il ne convient pas de permettre d’autres dérogations au plan Loup.

Mme Nathalie Sarles. Les sénateurs ont prévu que l’abattage du loup serait autorisé dans des zones de protection renforcée. Dans la mesure où le loup est une espèce protégée, le terme d’« abattage » est impropre. Mais surtout, territorialiser cette politique contribuerait à la fragiliser.

Mme Yolaine de Courson. La décentralisation n’est pas toujours souhaitable… Le plan national d’actions sur le loup et les activités d’élevage prévoit, pour stabiliser la population des loups à 500 individus, de prélever 10 à 12 % des effectifs. Mais si, dans chaque territoire, on donne latitude de supprimer les loups en fonction des ennuis qu’il cause, la population tombera sous le seuil des 500, en contradiction avec l’objectif national.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet article pourrait menacer la capacité de la France à garantir un état de conservation favorable au loup, conformément à nos engagements internationaux – la France est signataire de la convention de Berne – et au droit européen. La population lupine fait déjà l’objet d’une politique spécifique, le plan Loup : celui-ci permet d’impliquer l’ensemble des parties prenantes, offre une souplesse de gestion et une équité territoriale en même temps qu’un ciblage des actions particulièrement précieux. Avis favorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le préfet peut décider d’autoriser des prélèvements équivalant à 20 % de la population dans les départements où la concentration de loups est importante et les attaques nombreuses. Avis favorable.

Mme Véronique Riotton. Je veux d’abord rendre hommage aux sénateurs, qui ont souhaité introduire ce sujet dans nos débats. Il est faux de dire que le plan Loup régule de façon équitable la population lupine, qui compte aujourd’hui 630 individus. Une certaine défiance à l’égard des estimations est apparue mais heureusement, l’exécutif a pu se saisir de cette question. Mon amendement CD17, qui tombera si ces amendements sont adoptés, prévoyait d’ailleurs que le Gouvernement remette un bilan d’avancement du plan Loup ainsi qu’un bilan sur les méthodes de comptage choisies. Ce sujet dépasse la question de la différenciation et j’espère que les parlementaires pourront contribuer, l’an prochain, à la révision du plan Loup.

M. Alain Perea. Il est regrettable que les parlementaires ne soient pas associés à la réflexion sur la présence du loup, qui constitue, dans certains territoires, un vrai problème. S’agissant du comptage, permettez-moi de douter de sa fiabilité : comment croire aux chiffres lorsqu’on n’est pas capable de retrouver le puma errant dans le Nord-Pas-de-Calais ? Ne nous laissons pas davantage impressionner par les écologistes qui parlent de préservation des espèces : peu leur importe la faune ordinaire – mouflons, cerfs ou chevreuils –, qui se trouve ravagée dans certains territoires !

La commission adopte les amendements.

En conséquence, elle émet un avis favorable à la suppression de l’article 13 quater.

Les amendements CD204 et CD17 tombent.

Après l’article 13 quater (examen prioritaire)

Amendement CD19 de Mme Véronique Riotton.

Mme Véronique Riotton. Les représentants de l’État doivent pouvoir autoriser des tirs de défense contre les populations de loups menaçant les élevages aux abords des réserves naturelles. L’interdiction qui prévaut aujourd’hui fait que les loups prolifèrent dans certains territoires, au détriment d’autres espèces. Cette différenciation permettra de répondre à des situations dramatiques sur le terrain.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’article L. 427‑6 du code de l’environnement, que vous proposez de compléter, vise la destruction de spécimens d’espèces non domestiques, mais il ne peut s’appliquer aux animaux d’espèces mentionnées à l’article L. 411-1 du même code, au nombre desquelles figure le loup.

L’adoption de cet amendement ne permettrait pas d’atteindre l’objectif que vous lui assignez et serait source d’une complexification de la procédure pour les autres espèces susceptibles d’être concernées. Retrait et, à défaut, avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il serait sage de retirer votre amendement, madame la députée.

La commission rejette l’amendement.

Article 61 (examen prioritaire) (art. L. 122-4 du code de la voirie routière) : Financement des ouvrages autoroutiers non compris dans le contrat de concession

Amendement de suppression CD152 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Loïc Prud’homme. Il est pour le moins ironique qu’après la privatisation des autoroutes financées par les contribuables – un parfait exemple de la « socialisation des coûts, privatisation des profits » –, ce Gouvernement souhaite, comme l’indique l’exposé des motifs, « sécuriser juridiquement les contributions de toute personne publique ou privée au financement d’ouvrages et aménagements dans le cadre de contrats de concession autoroutiers, pour réduire l’impact sur les finances publiques ou sur le péage ».

Nos autoroutes ont été bradées, puis la vague de privatisation a entraîné une forte hausse des tarifs de péage, – « nettement supérieure à l’inflation » selon la Cour des comptes dans un rapport en 2013 –, les revenus constituant, pour l’Autorité de la concurrence, de véritables « rentes ». Plutôt que d’élargir aux uns et aux autres la contribution à des services autoroutiers, il faut au contraire nationaliser les autoroutes !

Le Conseil d’État a été clair, estimant que « le projet de loi élargit le champ des personnes concernées afin de permettre à des personnes privées, telles que des industriels, […] d’apporter une contribution notamment pour la réalisation de diffuseurs susceptibles de bénéficier à leur activité ». Ainsi, les entreprises pourront financer des bretelles d’accès à leurs activités : cela entraînera une artificialisation des sols sans que l’intérêt général soit démontré et quand bien même, madame la ministre, des études environnementales seront réalisées.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. En proposant la suppression de l’article, vous remettez en cause non pas l’existence des autoroutes concédées mais la possibilité, pour des personnes publiques ou privées autres que l’État et les collectivités, de financer des ouvrages annexes qui seront utiles demain aux usagers, car ils faciliteront la connexion entre le réseau autoroutier et les voies secondaires. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

M. Loïc Prud’homme. Vous avez parfaitement compris l’esprit du texte, madame la rapporteure pour avis : on demande le concours du privé pour construire des bretelles d’accès à des activités économiques particulières. Mais contrairement à ce que vous dites, cela ne servira pas aux citoyens. Après avoir défendu, dans la loi dite « climat et résilience », l’implantation d’entrepôts géants pour le commerce en ligne, qui artificialisera des millions de mètres carrés de terres, vous déroulez pour vos amis le tapis rouge goudronné depuis l’autoroute. Il n’y a, dans votre vision, aucune place pour l’intérêt général, et l’environnement n’existe même pas.

M. Hubert Wulfranc. Certes, vous nous resservirez l’argument selon lequel c’est autant que le contribuable n’aura pas à payer. Mais je voudrais vous démontrer, avec deux exemples, que, dans ce nouveau schéma, l’élément de pression de l’intérêt privé devient déterminant.

Il semble en effet que cette disposition permettra de réunir les conditions pour qu’un groupe de la grande distribution prenne part à la construction d’un grand sens giratoire desservant son magasin dans ma circonscription.

Par ailleurs, la question du contournement Est de Rouen sera réglée puisqu’on sait qu’une virgule du projet dépend clairement de la pression du grand port de Rouen et des céréaliers pour ouvrir davantage l’accès aux poids lourds. Compte tenu du blocage du dossier, la métropole a décidé de ne plus apporter sa contribution financière et la participation du département, de la région et de l’État ne seront pas suffisantes ; le grand port de Rouen pourra alors dire « banco ! » et mettre l’argent sur la table. Avec cet article, vous ouvrez ainsi la voie à une pression du privé dans les aménagements d’intérêt régional ou national en matière de voirie. C’est infiniment dangereux – et c’est le loup libre (« Wulfranc »), qui vous le dit… (sourires.)

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 61.

Article 62 (examen prioritaire) (art. L. 350-3, L. 181-2 et L. 181-3 du code de l’environnement) : Régime des alignements d’arbres

Amendements de suppression CD34 de M. Matthieu Orphelin, CD68 de Mme Delphine Batho et CD154 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement CD34 vise à retirer la possibilité, introduite par le Sénat, de supprimer des allées et alignements d’arbres.

Mme Delphine Batho. J’espère que nous pourrons consacrer le temps nécessaire à ce sujet, parce qu’il est grave. La disposition de l’article 62 entend remettre en cause non seulement une avancée de la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, mais aussi le seul dispositif qui, en France, protège les arbres en droit.

Dans un contexte d’accélération violente du réchauffement climatique et au regard de la biodiversité, les arbres sont indispensables. Mais ils le sont aussi parce qu’ils sont beaux et qu’ils contribuent à la qualité des paysages de France. Dans les années 1970, M. Georges Pompidou, que je cite pour la première fois à l’Assemblée nationale, dénonçait le fait qu’il n’y ait pas, en France, de défenseur des arbres. J’espère qu’ils seront nombreux, ce soir, dans la commission du développement durable.

L’argumentaire du Gouvernement ne tient pas la route. La disposition est écrite sous la dictée du lobby du béton et des aménageurs. Il n’y a pas d’incertitude juridique dans l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Des décisions de justice ont donné raison aux défenseurs des arbres, et donnent raison au législateur de 2016 d’avoir introduit cette disposition, par un amendement de la sénatrice Mme Marie-Christine Blandin. Voyez-vous des incertitudes juridiques dans la décision contre le Grand contournement ouest de Strasbourg, ou dans celles qui ont protégé les arbres à Gien, à Draveil, à Rennes ou à Douai ? Toutes ces décisions de justice montrent que la loi – en l’occurrence, le code de l’environnement – s’applique parfaitement. Il doit être préservé ; c’est pourquoi il faut supprimer l’article 62, qui n’a pas sa place dans le projet de loi.

M. Loïc Prud’homme. Je l’ai dit dans mon propos liminaire, et mes collègues l’ont rappelé, l’article 62 restreint le périmètre d’application du fameux article L. 350-3 du code de l’environnement. Madame la ministre, vous m’avez répondu que c’était une mesure de simplification. Avec tout le respect que je vous dois, vos explications ne tiennent pas la route. Si j’osais une métaphore, puisque nous parlons des arbres, je dirais qu’on n’est pas tombé du nid. On voit bien que l’objectif poursuivi est d’affaiblir le droit de la protection des alignements d’arbres. Assumez cette volonté, et ne parlez pas de clarification, de simplification ou d’incertitudes juridiques. Ma collègue Mme Batho l’a rappelé, il n’y a pas d’incertitude mais une jurisprudence constante pour la protection de ces alignements.

Nous serons donc nombreux à défendre la suppression de l’article 62, y compris dans les rangs de la majorité.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Je donnerai un avis défavorable aux trois amendements de suppression. Il est en effet déraisonnable de maintenir en l’état l’article L. 350-3 du code de l’environnement, qui est lacunaire et souffre d’une imprécision préjudiciable, source d’incertitudes et de nombreux contentieux. La richesse de la jurisprudence que Mme Batho a évoquée est liée à l’imprécision du droit en la matière. Il est aujourd’hui possible de porter atteinte à un alignement d’arbres pour des motifs déterminés par la loi, et le droit est insuffisamment précis. Or la suppression de l’article 62 ne viendra pas modifier cet état du droit.

Le projet de loi nous donne l’occasion de renforcer le dispositif, de clarifier la procédure, la nature de l’autorité compétente, les mesures de compensation exigées et le contrôle. Ne la manquons pas, maintenons et enrichissons l’article – nous examinerons plusieurs amendements sur le sujet. La version en vigueur du code de l’environnement pose par exemple problème car l’autorité en charge de délivrer les autorisations de porter atteinte à un alignement d’arbres n’est pas clairement définie.

Je suis donc favorable au maintien de l’article 62.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. À ceux qui nous accusent d’être sous le lobbying de je-ne-sais-qui ou je-ne-sais-quoi, je dirai qu’il n’en est pas question. Je ne suis pas née de la dernière pluie. Étant de la campagne, je connais les arbres aussi bien que les gens qui viennent de s’exprimer. Je n’ai pas d’a priori sur la manière dont les gens pensent et réagissent face à certains problèmes.

Vous le voyez, le sujet ne dépend pas strictement de mon ministère – je défends un projet de loi qui a été négocié entre cinq ou six ministères –, nous ne ferons pas de croisade pour lui.

M. Loïc Prud’homme. Nous la ferons pour deux !

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Moi aussi, je mène mes croisades ! J’en ai le droit, comme vous.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Seule Mme la ministre a la parole ! Vous pourrez intervenir après.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Aujourd’hui, une dérogation existe mais elle n’est pas opérante, car il y a un vide juridique. Cela permet de faire un peu n’importe quoi. L’article 62 donne un cadre clair, pour faire en sorte que le dispositif ne soit pas contourné. L’ambiguïté porte sur qui prend la décision. La notion d’autorité compétente n’est pas connue : ce peut être le préfet, le conseil départemental ou la commune, comme nous le savons par expérience.

L’objectif est de clarifier l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Nous substituons à des notions non définies juridiquement – « voies de communication », « projets de construction » – les notions de « voies ouvertes à la circulation publique » et de « projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements », déjà utilisées par le code de l’environnement. Il est question de clarifier le régime, sans en diminuer la portée. Chacun mérite la protection des arbres qu’il souhaite faire.

Mme Delphine Batho. Je regrette, mais tout ce qui vient d’être dit est complètement faux. Face à des arguments, je cherche à vérifier s’ils sont vrais. Pour déterminer s’il y a un vrai problème d’application du code de l’environnement, j’ai épluché tous les jugements rendus sur le fondement de l’article L. 350-3.

Nous le verrons avec l’un de mes amendements ultérieurs, s’il s’agissait simplement de régler le problème de la définition de l’autorité administrative, l’article 62 aurait pu prévoir que « les mots ‶l’autorité administrative″ sont remplacés par les mots ‶le représentant de l’État″ ».

Au lieu de quoi, vous enlevez les voies privées du champ de la protection et vous parlez de projets « d’aménagements ». Concrètement, les décisions qui ont protégé les platanes de Gien, de Draveil ou de Rennes n’auraient pas pu être prises avec la nouvelle rédaction.

Le poids des lobbys est écrit noir sur blanc dans votre étude d’impact, selon laquelle le régime de protection de l’article L. 350-3 du code de l’environnement ralentit « inutilement les délais de réalisation des infrastructures routières ». D’ailleurs, la décision n° 1805601 du tribunal administratif de Strasbourg concerne le Grand contournement ouest de Strasbourg.

Pardonnez-nous de ne pas vouloir être pris pour des députés qui ne lisent pas les textes et qui ne savent pas comprendre ce qu’il y a derrière. Et derrière l’article 62, il y a la possibilité de rendre « open bar » l’abattage des arbres, partout en France. C’est une honte, et on devrait être tous unis pour supprimer cet article !

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Madame la députée, je vous demande de baisser un peu le ton afin que le débat puisse être respectueux.

Mme Delphine Batho. Cela me révolte !

M. Matthieu Orphelin. Il ne faut pas nous prendre pour des zozos. Avec tout le respect que j’ai pour la ministre – elle sait qu’il est grand –, je n’étais pas du tout convaincu par ses arguments. Mais nous dire que les lobbys n’existent pas, il fallait oser !

M. Alain Perea. Un arbre a un cycle de vie, qu’il soit naturel ou organisé par l’homme. On ne peut pas dire que sa durée de vie est indéfinie ou que l’homme y serait étranger. C’est une des grandes différences que nous pouvons avoir dans ce débat.

Par ailleurs, faire croire que les préfets laisseraient saccager les arbres me dérange. Nous savons tous, sur le terrain, que l’approche des services de l’État, notamment des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL), est de plus en plus restrictive. On ne peut pas laisser dire que ce sera « open bar » !

Ensuite, il existe des lobbys dans de nombreux domaines. L’écologie ou la chasse – puisque cela vous fait plaisir de le dire – n’y font pas exception. Arrêtons de faire croire qu’il y aurait d’un côté le mauvais lobbying des bétonneurs et de l’autre, un lobbying formidable, celui des oiseaux ou des arbres.

Enfin, taper contre des gens qui plantent des arbres ne vous dérange pas. Pour être cohérent, on doit protéger les arbres, mais aussi ceux qui les plantent, ce qui n’est pas le cas de toutes les associations de protection de l’environnement.

Mme Nathalie Sarles. Il est compréhensible que la question suscite de la passion. Pourtant, je suis toujours gênée lorsque l’on traite un ministre de menteur. C’est la limite de l’exercice : on peut avoir des approches argumentées ou des interprétations différentes, mais on ne traite pas les gens de menteurs.

L’action des ONG soulève aussi des critiques, car elles sont aussi des formes de lobbys. Pardonnez-moi mais vous allez beaucoup trop loin dans les propos que vous tenez.

La commission rejette les amendements.

Amendement CD69 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Vous avez noté que, dans l’article L. 350-3 du code de l’environnement, il fallait indiquer que l’autorité compétente pour accorder une dérogation est le représentant de l’État. L’amendement vise à vérifier la sincérité de ce qui a été dit, en fournissant une autre rédaction que celle du projet de loi du Gouvernement.

Par ailleurs, les amendements que je défends ont été dûment travaillés, en particulier avec des représentants de Sites et monuments, de l’association Arbres remarquables : bilan, recherche, études et sauvegarde (ARBRES), du Groupe national de surveillance des arbres (GNSA), de Nature en ville, de l’Association pour la protection des arbres en bord de routes, de l’Association des paysagistes-conseils de l’État, de l’Institut européen des jardins et paysages, bref, de personnes qui concourent à la défense du patrimoine et des paysages dans notre pays et dont le point de vue mérite d’être pris en considération.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. La première partie de l’amendement pourrait recueillir un avis favorable. Désigner l’autorité administrative compétente comme étant le préfet de département est d’ailleurs ce que nous proposons.

Dans la seconde partie de l’amendement, le mot « dérogation » est trop imprécis. L’article 62 a le mérite de faire référence à des procédures claires, à savoir l’autorisation délivrée par le préfet ou le dépôt d’une déclaration préalable, et de prévoir une procédure spécifique en cas de danger imminent pour la sécurité des personnes. Ce n’est donc pas un recul par rapport au texte actuel.

J’émettrai donc un avis défavorable à l’amendement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’avis est le même que celui de la rapporteure pour avis.

Vos clarifications sont de nature à renforcer, sous l’égide d’une autorité unique, l’effectivité du régime de protection des allées et alignements d’arbres, tout en permettant d’obtenir des autorisations lorsque des abattages sont nécessaires, dans des conditions objectivées et en prévoyant une compensation. L’article va plus loin, en demandant au porteur de projet de déterminer l’impossibilité technique de conduire son projet sans abattre les arbres. Cette démonstration est pratiquement impossible car il existe toujours une méthode, parfois très coûteuse, par exemple, de construire son projet à un autre endroit. Cela introduirait une insécurité juridique sur toutes ces autorisations, alors que le dispositif actuel est très encadré.

L’article 62 a fait l’objet de nombreuses consultations, notamment de représentants des services des espaces verts des collectivités. Leur objectif était de maintenir le niveau de protection des arbres, tout en menant à bien leur travail de gestion des arbres, qui inclut l’abattage de spécimens malades ou menaçant la sécurité des utilisateurs sur la voie publique. Tout cela pour vous dire que nous sommes dans une démarche raisonnable et raisonnée.

Je donnerai un avis défavorable à l’amendement, à cause de sa seconde partie.

Mme Delphine Batho. Nous ne parlons ni des arbres malades ni de ceux qui posent des problèmes pour la sécurité des personnes ou des biens, qui sont pris en compte dans le dispositif de l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Il est question des arbres sains, que l’on veut « zigouiller », par exemple pour construire une route. Ce sont ces alignements et ces allées d’arbres qui sont protégés par le droit de l’environnement.

L’amendement leur applique la règle de base du droit de l’environnement dans tous les domaines – « éviter, réduire, compenser » (ERC). Pour avoir une dérogation, terme qui figure dans le code de l’environnement et sur lequel il y a une jurisprudence du Conseil d’État – il n’y a donc pas de problème sur son interprétation –, le porteur de projet doit démontrer qu’il n’a aucune autre solution, pour mener à bien son projet, que de se séparer d’un ou plusieurs éléments de l’alignement d’arbres. Il s’agit donc d’appliquer aux alignements d’arbres les règles de droit commun du code de l’environnement.

M. François-Michel Lambert. Cet ajout du Sénat au projet de loi « 3DS » n’avait rien d’urgent. En acceptant de supprimer l’article 62, le Gouvernement pourrait reporter ces débats pour rester concentré sur l’objet du texte, d’autant que le sujet ne figurait pas dans le texte initial.

Les paysages sont un sujet inflammable. Je n’ose imaginer que les mêmes sénateurs, qui s’opposent à la moindre éolienne dans les territoires, soient prêts à supprimer les alignements de nos beaux arbres et de nos belles routes.

La France est dans une grande fragilité, face à une urbanisation démentielle, alors que sa beauté la rendait fortement attractive d’un point de vue touristique, s’agissant notamment de ses territoires les plus ruraux. Il faut voir tous ces petits centres commerciaux, dans les périphéries de nos communes de 1 000 ou 2 000 habitants, et la non-maîtrise des entrepôts logistiques. Heureusement, la justice repousse parfois leur construction : c’est notamment le cas pour un entrepôt qu’Amazon voulait construire à deux pas du pont du Gard.

J’ai cru entendre que Mme la ministre était en partie favorable à l’amendement de Mme Delphine Batho. Peut-être pourrions-nous avancer sur le sujet, même si la prudence pourrait nous conduire à supprimer l’article, qui n’a pas lieu de mettre le feu dans la discussion d’un projet de loi beaucoup plus ambitieux.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD51 de M. Gérard Leseul et CD70 de Mme Delphine Batho.

Mme Chantal Jourdan. Cet amendement de repli vise à s’assurer que l’article 62 ne restreint pas les zones de protection des allées et alignements d’arbres. Nous avons déjà évoqué le rôle déterminant des arbres dans le contexte du réchauffement climatique. Il est de plus essentiel de garder tout patrimoine naturel.

Nous proposons donc de supprimer l’alinéa 3 et de maintenir la rédaction issue de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages de 2016, qui prévoit de protéger les allées et alignements d’arbres bordant les voies de communication, qu’elles soient publiques ou privées.

Mme Delphine Batho. L’amendement CD70 revient aux termes du code de l’environnement s’agissant du périmètre géographique de protection. Les dispositions de la loi « biodiversité » prévoient que les alignements d’arbres bordant les voies de communication au sens large sont protégés. Le projet du Gouvernement remplace ces termes par les « voies ouvertes à la circulation publique » : quelle est la différence avec les « voies de communication » ? Combien d’alignements d’arbres sortent du périmètre ?

Par ailleurs, le Sénat a exclu les voies privées du dispositif de la loi.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Monsieur Lambert, il ne s’agit en aucun cas d’un article que le Sénat a introduit par voie d’amendement. Le texte initial comprenait bien un article 62 dédié à ce dispositif plus protecteur. Nous l’assumons entièrement.

Les deux amendements visent à revenir aux termes « voies de communication ». J’y suis défavorable, car c’est un recul. La notion de « voies ouvertes à la circulation publique » a une origine jurisprudentielle et désormais une base légale. Inscrite dans le code de l’environnement, elle est bien plus précise que celle de « voies de communication » puisqu’elle désigne toute voie ouverte à la circulation publique, qu’elle soit motorisée ou non, c’est-à-dire aussi des chemins ruraux ou des voies privées, qui ont été retirées du dispositif par les sénateurs – nous examinerons des amendements sur ce sujet par la suite.

Le périmètre n’est pas donc un sujet. Au contraire, la notion de « voie de communication » est moins-disante que celle de « voie ouverte à la circulation publique ».

Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. La rapporteure pour avis a tout dit ; je suis de son avis, en précisant que, dans sa rédaction initiale, l’article 62 n’entendait pas revenir sur le champ d’application couvert par l’article L. 350-3 du code de l’environnement, ni pour l’étendre, ni pour le restreindre.

Mme Annie Chapelier. Les « voies ouvertes à la circulation publique » comprennent-elles les voies fluviales ? Souvent, les canaux sont bordés d’arbres, mais il n’y a pas de voie de halage, ni de chemin.

Mme Delphine Batho. Je ne suis pas convaincue par l’argumentation. Vous n’avez pas donné d’exemples de voies qui, tout en n’étant pas considérées comme des voies de communication, seraient ouvertes à la circulation publique. Je maintiens l’amendement car il a le mérite de supprimer les mots « à l’exclusion des voies privées », ajoutés par le Sénat.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Dans la mesure où les voies sont ouvertes à la circulation – fluviale, en l’occurrence –, elles font partie du périmètre.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CD271 de la rapporteure pour avis, CD104 de Mme Annie Chapelier, CD155 de Mme Bénédicte Taurine et CD200 de Mme Aude Luquet, et amendement CD214 de Mme Yolaine de Courson (discussion commune).

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement CD271 revient à la rédaction initiale de l’article 62, en supprimant l’ajout des mots « à l’exclusion des voies privées » par nos collègues sénateurs. Il entend rétablir le périmètre initial du régime de protection des allées et alignements d’arbres bordant les voies ouvertes à la circulation publique. Celui-ci s’applique également aux voies privées, dès lors qu’elles sont ouvertes à la circulation publique. Il n’apparaît pas opportun d’exclure les allées et alignements d’arbres bordant les voies privées : dès lors qu’un propriétaire a choisi d’ouvrir à la circulation publique une voie, le régime de protection des allées et alignements d’arbres doit trouver à s’appliquer.

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit d’un amendement de repli.

Mme Yolaine de Courson. Les chemins ruraux font partie de la propriété privée des communes : à la différence des chemins communaux, ils sont aliénables et peuvent être vendus. Nous avons déjà discuté de ce phénomène d’usurpation. J’ai d’ailleurs déposé devant la commission des lois un amendement destiné à protéger les chemins ruraux. Il faudrait aider les communes à réaliser l’inventaire de ces chemins qui font partie de leur patrimoine naturel et touristique.

C’est pourquoi je veux m’assurer que les chemins ruraux sont concernés par le dispositif relatif aux alignements d’arbres et allées d’arbres.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Ils sont bien concernés par le dispositif. Je donne un avis défavorable à l’amendement CD214, qui est plus restrictif que les amendements identiques.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques, qui réintègrent les alignements d’arbres bordant les voies privées. L’amendement CD214, auquel je donne un avis défavorable, sera satisfait par leur adoption.

M. Hubert Wulfranc. Il aurait été excessif de demander – nous ne l’avons pas fait – l’intégration des voies privées non ouvertes à la circulation publique dans le dispositif. Cela serait sans doute entendu comme une atteinte au droit de propriété…

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Oui.

M. Hubert Wulfranc. Et voilà ! Je vous prends à témoin, chers collègues.

Mme Delphine Batho. Contrairement à ce qu’a dit la rapporteure pour avis, il y a un changement juridique par rapport au droit en vigueur et aux dispositions du code de l’environnement.

Mme Sandra Marsaud. Que deviendront les alignements d’arbres des voies qui ne sont pas ouvertes à la circulation publique ? L’article L. 151-19 du code de l’urbanisme permet d’identifier des éléments du paysage et du patrimoine bâti, y compris dans le domaine privé. En tant qu’urbaniste, je l’ai appliqué à de nombreuses reprises. Bien qu’il ne s’agisse pas d’une protection par défaut, comme proposé par le code de l’environnement, c’est un garde-fou, qui existe depuis assez longtemps.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Si les termes « voie de communication » apparaissent dans la loi que Mme Batho a évoquée, ils ne sont accompagnés d’aucune définition juridique. En revanche, les voies ouvertes à la circulation publique sont définies dans les articles L. 581-2 et R. 581-1 du code de l’environnement. Elles désignent « les voies publiques ou privées qui peuvent être librement empruntées, à titre gratuit ou non, par toute personne circulant à pied ou par un moyen de transport individuel ou collectif ». Je ne peux tolérer que mon propos soit accusé d’être insincère : la notion de voie ouverte à la circulation publique est mieux-disante et véritablement définie.

Mme Delphine Batho. Je souhaiterais un exemple concret de voies qui ne seraient pas de communication mais qui seraient ouvertes à la circulation publique. Je trouve des exemples du contraire, mais aucun dans ce sens.

Quant à dire que les voies de communication ne sont pas définies, c’est faux : des tribunaux ont considéré que la notion était suffisamment claire pour annuler les décisions de certains maires ou collectivités territoriales. À la différence de l’alinéa sur l’autorité compétente, il n’y avait pas nécessité à modifier le texte.

La commission adopte les amendements identiques. En conséquence, l’amendement CD214 tombe.

Amendement CD77 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le Sénat a réécrit une autre partie de l’article L. 350-3 code de l’environnement, en supprimant notamment les mots « ils sont protégés », qui figuraient dans la loi depuis 2016. C’est un très mauvais symbole. L’amendement vise à rétablir ces mots, et n’induit pas de changement juridique.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’amendement ne modifie pas le sens de ce que nos collègues sénateurs ont introduit. La nouvelle rédaction étant plus précise, j’y donne un avis favorable.

Mme Delphine Batho. Je vous en remercie, même si l’amendement n’est que rédactionnel.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD72 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Le code de l’environnement prévoit que certains arbres peuvent être abattus, même s’ils sont dans un alignement, car ils représentent une menace pour la sécurité des personnes « et » des biens. Un glissement s’opère avec le projet de loi, qui évoque « la sécurité des personnes ou des biens ». Quel est le fondement de ce changement ? Je me demande notamment si la nouvelle rédaction vise les trottoirs déformés par les racines. Ce serait ouvrir la porte à l’abattage d’un très grand nombre d’arbres en France, alors que les spécialistes des arbres connaissent des techniques pour restaurer les trottoirs tout en conservant le patrimoine que représentent ces arbres, souvent très âgés.

L’amendement vise à rétablir le mot « et ».

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous proposez de modifier l’un des motifs qui justifie de porter atteinte à un alignement d’arbres et souhaitez que l’arbre ou les arbres qui pourraient être abattus, coupés ou taillés représentent un danger pour la sécurité des personnes et des biens.

Ce critère doit rester alternatif, non cumulatif : un arbre ou des arbres qui portent atteinte à la sécurité des biens peuvent ne pas constituer une menace pour la sécurité des personnes et vice versa. Il ne faut exclure aucune des deux situations. C’est pourquoi mon avis sera défavorable. Un autre amendement évoquera ce sujet ultérieurement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’ai le même avis que la rapporteure. Il n’apparaît pas nécessaire que la sécurité des personnes et des biens soit cumulative pour autoriser l’abattage d’un ou plusieurs arbres. Les motifs relatifs à la sécurité qui permettent de déroger au principe de protection des allées et alignements d’arbres sont indépendants les uns des autres et n’ont pas à se cumuler. Enfin, madame Batho, la disposition ne vise rien de particulier.

Mme Delphine Batho. Alors que le droit actuel prévoit, à travers la coordination « et », un cumul, vous proposez une alternative : « ou ». Cela signifie que vous augmentez le nombre potentiel des cas d’abattage d’arbres. Cela n’a rien d’anecdotique !

M. Guillaume Garot. Le droit actuel date de la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Quelle ministre, alors, la défendait ? Je vous le donne en mille : Mme Barbara Pompili. Peut-être pourrait-elle venir nous expliquer à nouveau cette rédaction qui, aujourd’hui, est remise en cause ? Ce qui valait en 2016 ne vaut-il donc plus en 2021 ? Un petit problème de cohérence se pose.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Nous ne discutons pas de questions philosophiques mais de problèmes concrets. Un arbre risque fort bien de tomber sur un promeneur le long d’un chemin rural sans pour autant endommager un bien ! Les critères ne sont pas nécessairement cumulatifs : c’est l’un ou l’autre, ou les deux.

Mme Annie Chapelier. Qu’il est dommage de devoir parler presque exclusivement de sémantique sur un sujet aussi important ! En latin, « ou » peut se dire « vel » ou « aut », l’un signifiant « et/ou », l’autre étant un « ou » exclusif, distinction que ne permet pas de faire le français : on ne sait jamais quel sens donner à « ou ». En l’occurrence, on peut comprendre que le « ou » soit exclusif. Dès lors, une atteinte possible aux seuls biens pourra justifier un abattage. Dans ma commune d’Alès, les arbres qui abîmaient les digues du Gardon ont été abattus ; idem sur une place de la même ville, au motif qu’ils présentaient du fait de leur poids une menace pour le parking en dessous ; et dans le village de Cornillon, un alignement d’arbres a été rasé parce qu’il déformait la chaussée. Il n’y avait pourtant aucun risque d’atteinte aux personnes. La rédaction actuelle du texte permettra que cela continue. Pourquoi avez-vous donc opéré une telle modification ?

Mme Delphine Batho. Aujourd’hui, il est interdit d’abattre des arbres sains dans un alignement sauf s’ils constituent une menace pour la sécurité des personnes « et » des biens. Écrire « ou » autorisera l’abattage d’arbres qui constituent une menace pour les seuls biens. Cette modification juridique aura des conséquences concrètes.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CD272 de la rapporteure pour avis et CD206 de Mme Aude Luquet.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il convient d’améliorer la rédaction de l'alinéa 8. Les motifs permettant de déroger au principe de protection des allées et alignements d’arbres sont indépendants les uns des autres et, dans un souci de protection, n’ont pas à être cumulés.

En outre, cet amendement corrige une erreur rédactionnelle en supprimant une négation qui n’a pas lieu d’être.

Mme Aude Luquet. Il convient en effet de retrouver le sens initial de l’article.

La commission adopte les amendements.

Amendement CD38 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Le danger sanitaire doit être « avéré », ce qui suppose de poser un véritable diagnostic phytosanitaire. Quand on veut tuer son chien, on l’accuse d’avoir la rage : il peut en être très facilement de même pour les arbres.

La maladie du chancre coloré, qui affecte les platanes du sud de la France, a été introduite pendant la deuxième guerre mondiale et n’est toujours pas traitée. C’est ainsi que des arbres quadricentenaires ont été abattus le long du canal du Midi sans que rien n’ait été fait pour les préserver en attendant de trouver un traitement. Les arbres vénérables doivent être sanctuarisés.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Sur le fond, je suis d’accord avec vous mais mon amendement CD293, que nous examinerons ultérieurement, est encore plus protecteur. Il prévoit en effet d’assortir la demande d’autorisation ou la déclaration « d’une étude phytosanitaire » ou « d’éléments attestant du danger pour la sécurité des personnes ou des biens. »

Je suis défavorable à l’adoption du vôtre, purement sémantique, qui n’apporte rien quant à l’évaluation effective de l’état de santé des arbres.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il me paraît en outre satisfait puisque la déclaration préalable doit comporter des pièces justifiant l’existence d’un danger sanitaire avant un éventuel abattage.

Mme Annie Chapelier. Je le retire et me rallie à celui de Mme la rapporteure pour avis, dont la rédaction est en effet bien meilleure.

L’amendement est retiré.

Amendement CD36 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. L’impossibilité de pouvoir assurer « l’esthétique de la composition » ne saurait être un motif d’abattage. Nous sommes dans un pur subjectivisme ! Supprimons dès lors toutes les zones commerciales autour des villes petites et moyennes ! Supprimons tout ce qui nous déplaît ! Lisez donc Et on tuera tous les affreux, de Vernon Sullivan, alias Boris Vian, en particulier les dernières lignes : si nous avons tous une opinion sur ce qui est beau, cela n’a rien à faire dans la loi.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cette « esthétique de la composition » se réfère à l’alignement et non à l’arbre lui-même. Il est en effet fort possible que l’état de certains arbres ne permette pas de garantir un bon alignement et nuise à l’agrément et à la mise en valeur des paysages. Néanmoins, je laisserai la commission décider en toute sagesse.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’objectif est le renouvellement d’un alignement pour des motifs esthétiques. S’il manque un seul arbre, l’effet peut ne pas être très heureux.

Mme Yolaine de Courson. La question esthétique est en effet importante mais elle est évolutive : les « mauvaises » herbes, aujourd’hui, sont dites herbes folles et nous connaissons fort bien, par exemple, leur vertu mellifère. Nous ne regardons peut-être plus aujourd’hui comme hier un alignement parfait, au cordeau, et sans doute un alignement jugé imparfait a-t-il sa propre beauté.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. L’article L. 350-3 du code de l’environnement dispose que « le fait d'abattre, de porter atteinte à l'arbre, de compromettre la conservation ou de modifier radicalement l'aspect d'un ou de plusieurs arbres d'une allée ou d'un alignement d'arbres est interdit, sauf lorsqu'il est démontré que l'état sanitaire ou mécanique des arbres présente un danger pour la sécurité des personnes et des biens ou un danger sanitaire pour les autres arbres ou bien lorsque l'esthétique de la composition ne peut plus être assurée et que la préservation de la biodiversité peut être obtenue par d'autres mesures ».

M. Hubert Wulfranc. Les services publics des collectivités territoriales sont parmi les premiers à être concernés par ces questions. Il n’est pas possible de les culpabiliser, pas plus que les élus, parce qu’ils respectent le principe de précaution à partir de diagnostics phytosanitaires sérieux et qu’ils appréhendent les risques de détériorations importantes de biens et d’ouvrages que font porter certains alignements historiques.

Techniquement, les professionnels peuvent araser les racines qui se développent sur les trottoirs ou observer les risques qu’elles peuvent faire peser sur les réseaux souterrains mais, dans certaines situations, la question de l’abattage d’un ou de plusieurs arbres dans des séries d’alignements peut aussi se poser légitimement.

S’agissant de l’« esthétique de la composition », j’ai dû moi-même prendre des décisions concernant l’abattage d’arbres parce qu’ils rendaient impossible le développement d’autres arbres. L’« esthétique » l’a cédé, en quelque sorte, à l’élan vital de l’alignement ! Il faut donc savoir faire preuve de pragmatisme.

M. François-Michel Lambert. Il serait sage de supprimer cet article.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. C’est le code de l’environnement !

M. François-Michel Lambert. Précisément ! En quoi est-il urgent de modifier l’article L. 350-3 dans une loi qui est déjà aussi dense ?

Dans ma circonscription, certains se sont longuement opposés à l’abattage d’un alignement de platanes dont la moitié était atteinte de chancre alors que, selon les scientifiques, les arbres sains auraient été finalement atteints. Le maire a décidé de remplacer les platanes par des micocouliers, plus résistants, de requalifier le boulevard, d’élargir les trottoirs, de créer quelques places de parking, de favoriser une circulation douce. Aujourd’hui, l’alignement est superbe et plus personne ne regrette ce changement, à l’exception de quelques écolos qui soulignent la perte de biodiversité – peut-être conviendrait-il d’ailleurs d’ajouter des buissons et des espaces.

J’ajoute que les scientifiques s’interrogent toujours sur les systèmes racinaires et les réseaux filaires des champignons : les arbres pourraient « dialoguer » en étant éloignés de plusieurs centaines de mètres, etc.

Quelle est la raison d’être d’un tel article dans cette loi ? Nous nous heurtons aux limites de l’exercice législatif.

Mme Delphine Batho. Je comprends l’intention de Mme Chapelier mais je crois qu’il y a un malentendu. On évoque l’« esthétique de la composition » parce qu’il est question d’alignements et d’allées.

Je ne connais aucune association à qui cette rédaction pose un problème. La loi autorise la modification sensible d’un alignement ou l’abattage d’un arbre lorsque l’« esthétique de la composition » ne peut plus être assurée, par exemple dans le cas où des arbres auraient considérablement pris de l’ampleur et dont les branches seraient enchevêtrées, ou des arbres qui auraient été plantés trop près les uns des autres, ce qui arrive très souvent, au point qu’il ne soit plus possible de maintenir un alignement ou une allée. Je vous conseille à ce propos la lecture de Du bon usage des arbres : un plaidoyer à l’attention des élus et des énarques, de Francis Hallé.

L’« esthétique de la composition », selon les paysagistes et les architectes des bâtiments de France, est une notion précise qui n’implique pas un jugement de valeur sur ce qui est beau ou ce qui ne l’est pas.

Mme Sandra Marsaud. Absolument. Il est ici question de la composition originelle pensée par des services techniques ou des paysagistes. Sans doute convient-il de distinguer l’arbre « au service de l’aménagement » et l’arbre « dans la nature », qui a poussé tout seul et qui doit être entretenu.

Mme Annie Chapelier. Je partage certains de vos propos mais, encore une fois, le terme d’« esthétique », celle-ci se rapportât-elle à la composition, n’est pas anodin et peut être entendu de mille et une façons.

Dans le passé, les plantations d’arbres ont été effectuées de manière vertueuse – je renvoie également aux ouvrages de Francis Hallé – mais des savoir‑faire se sont perdus au point que, dans certaines communes de ma circonscription par exemple, des alignements d’arbres qui ont été plantés, en dépit du bon sens, trop près des bâtiments, devront être abattus.

La loi de 2016 n’est pas un totem ; cette formulation, en l’occurrence, devrait être modifiée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD190 de Mme Bénédicte Taurine.

M. Loïc Prud’homme. Il convient de passer d’un régime de déclaration préalable à un régime d’autorisation, plus protecteur.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Vous souhaitez revenir en partie à la version initiale de l'article 62 et n'envisager qu'un système d'autorisation délivrée par le préfet, quel que soit le cas de figure et pas seulement dans le cadre d'opérations de travaux et d'aménagements.

Si nous soutenons les modifications adoptées au Sénat, c'est parce qu'il nous semble important de distinguer les deux procédures, celle qui requiert une déclaration préalable et celle qui exige une autorisation.

Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. L’instauration d’une déclaration préalable constitue une avancée car l’article L. 350-3 du code de l’environnement, en l’occurrence, ne soumet les abattages et atteintes à aucune formalité préalable.

Mme Delphine Batho. Je soutiens cet amendement.

Selon la rapporteure pour avis, l’état du droit serait le régime d’autorisation et, selon la ministre, l’abattage des arbres dans les alignements et les allées serait possible dans certaines circonstances sans effectuer de démarches administratives. Une clarification s’impose. Un seul régime juridique, selon moi, devrait s’appliquer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD203 de M. Pierre Henriet.

M. Pierre Henriet. Toute personne qui en fait la demande doit pouvoir obtenir les éléments justifiant les opérations d’abattage ou de modification radicale d’arbres. Rien ne fait obstacle à leur communication. La création d’une obligation de transparence ne peut avoir que des conséquences vertueuses et favoriser un dialogue serein entre les collectivités territoriales et les associations de défense de l’environnement.

Certains établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) sont en pointe pour la protection des arbres remarquables et dans la communication auprès des citoyens comme, notamment, la communauté de communes du Pays-de-la-Châtaigneraie, en Vendée, premier EPCI à avoir approuvé par délibération une déclaration de l’association ARBRES visant à accroître la transparence. La généralisation, par la loi, d’une telle initiative est tout à fait possible.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Sur le fond, je suis d’accord avec vous, mes amendements CD293 et CD294, qui vont venir en discussion, prévoyant d’assortir chaque demande d’autorisation ou déclaration préalable de pièces justificatives consultables. Néanmoins, à cet emplacement, votre amendement viserait la seule déclaration préalable et serait donc plus restrictif. Je vous invite à le retirer ; à défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Les déclarations préalables qui seront adressées aux préfets sont des documents administratifs communicables au sens de l’article L. 311-1 du code des relations entre le public et l’administration. Votre amendement me semble satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques CD40 de Mme Annie Chapelier et CD73 de Mme Delphine Batho.

Mme Annie Chapelier. À l’alinéa 9, il convient de substituer aux mots : « projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements » les mots : « projets de construction ». Les premiers ouvrent en effet un champ beaucoup trop large à l’abattage d’arbres.

Ainsi, dans un collège de ma circonscription, une vingtaine de platanes ont été abattus pour imperméabiliser un parking et que les bus puissent manœuvrer plus facilement, mais les petits arbres qui ont été plantés tout autour ne pourront ombrager les lieux que dans une trentaine d’années.

Mme Delphine Batho. L’extension des motifs de dérogation aux projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements est le point nodal de cet article puisque, en l’état du droit, seuls les projets de construction sont visés.

Selon la décision du tribunal administratif d’Orléans ayant annulé un projet d’abattage de platanes à Gien, « la dérogation au principe d’interdiction d’abattage des allées d’arbres prévue par l’article L. 350-3 précité pour les besoins de projets de construction ne saurait être étendue, s’agissant d’une dérogation à un principe d’interdiction, à des projets d’aménagements non expressément prévus par le législateur ». Ce que fait le Gouvernement à travers cet article, c’est permettre cette extension. C’est là le recul le plus grave opéré par le projet de loi.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. La notion de « projets de construction » n’est pas définie, à la différence de celle de « projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements », qui figure dans le code de l’environnement et vise tous les projets nécessitant une étude d’impact en application de l’article L. 122-1 du code de l’environnement.

Il est toujours possible de s’en remettre à la jurisprudence mais, ici, nous écrivons la loi et celle-ci se doit d’être précise.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho. Je souhaiterais que l’on fasse preuve d’honnêteté intellectuelle et que l’on ne mente pas. La notion de « projets de construction » est très claire et elle a été reconnue par les tribunaux.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Pas d’invectives, madame Batho ! Il n’est pas possible de traiter de menteur Mme la rapporteure pour avis ou Mme la ministre. J’en appelle à un débat serein et respectueux.

Mme Delphine Batho. Je suis très respectueuse mais j’exige que l’on ne donne pas aux députés des leçons de législation.

La justice a donné raison aux citoyens qui se battent pour la protection des arbres à Rennes, Gien, Draveil, etc., parce que les travaux relevaient de l’aménagement et non de la construction. La substitution que vous opérez aura des conséquences pour des centaines, voire des milliers d’arbres. Vous ne pouvez pas nous dire que le terme de « construction » n’est pas défini et que l’on ne sait pas de quoi il est question dans le code de l’environnement !

Mme Sandra Marsaud. Quelle différence faites-vous, madame Batho, entre la construction et l’aménagement ?

Mme Delphine Batho. C’est évident : c’est la voirie !

Mme Sandra Marsaud. Vous trouvez cela évident ? « Ça m’en bouche un coin » – et je suis urbaniste ! Une construction n’implique-t-elle pas un aménagement ? Nous sommes dans un dialogue de sourds ! Aménager, cela signifie par exemple terrasser ou déblayer avant de construire !

En outre, il me semble que l’on confond l’arbre qui est utilisé par un paysagiste ou une collectivité en vue d’un aménagement et l’arbre dans la nature.

Enfin, lors d’un aménagement et d’une construction, les paysagistes et les aménageurs – qui peuvent être vertueux – observent l’état du site et préservent les arbres dès lors qu’il est possible de le faire.

La commission rejette les amendements.

Amendements CD74 de Mme Delphine Batho et CD37 de Mme Annie Chapelier (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Afin de faire avancer la discussion, je vous adresserai d’ici à la séance publique les jugements qui ont été rendus distinguant construction et aménagement. Je ne pense pas que les magistrats des tribunaux administratifs soient notoirement incompétents.

S’agissant de l’amendement CD74, la demande d'autorisation doit faire apparaître en quoi le fait de porter atteinte à l'allée ou à l'alignement d'arbres ne peut être évité et comment cette atteinte est réduite. Il s’agit de l’application du principe fondamental du droit de l’environnement : « éviter, réduire, compenser ».

Mme Annie Chapelier. À l’alinéa 9, il convient de préciser qu’il faut prendre le temps d’étudier et d’exposer les différentes possibilités avant de réaliser l’abattage d’un ou de plusieurs arbres.

Je prendrai un exemple type : l’élargissement d’une route bordée d’arbres, où les véhicules, devenus plus imposants et plus puissants, ne peuvent plus se croiser. En général, on choisit d’abattre une des deux rangées d’arbres, au lieu de construire un nouveau tronçon de l’autre côté. On va au plus simple, la priorité étant non pas de conserver les arbres, mais de renforcer la sécurité – illusoire – des conducteurs.

Nous devons changer notre regard et comprendre que les arbres sont précieux et qu’ils ne sont pas immédiatement « reproductibles ». Nous devons préserver ceux que nous avons.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. L’objectif des amendements est louable, mais leur mise en œuvre technique semble difficile. Il n’est pas possible de démontrer, de façon exhaustive, que toutes les solutions techniques permettant d’éviter l’abattage d’arbres ont été envisagées. Avis défavorable.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. J’émets un avis défavorable sur l’amendement CD74 et suggère le retrait de l’amendement CD37, qui est satisfait.

Mme Delphine Batho. L’avis du Gouvernement est paradoxal, puisque Mme la ministre affirmait tout à l’heure qu’il s’agit d’inscrire dans le régime de droit commun les dispositions relatives aux déclarations et aux autorisations environnementales, ainsi que celles relatives aux plans, programmes, travaux et aménagements soumis à une évaluation environnementale – mais c’est à l’exclusion de celles qui relèvent du principe ERC.

Madame la rapporteure pour avis, identifier une option permettant de maintenir une allée d’arbres ou un alignement d’arbres et déterminer si elle est réalisable ou non pour telle ou telle raison pratique est parfaitement faisable. Cela se pratique chaque jour dans le domaine du droit de l’environnement, s’agissant par exemple des impacts des projets d’aménagement sur l’eau et sur la biodiversité. Ce sont des procédures classiques. Les alignements d’arbres et les allées d’arbres font exception à l’obligation de démontrer qu’on a fait le nécessaire pour appliquer le principe ERC. Ce point, essentiel aux yeux des associations de protection et de défense des arbres et de leurs alignements, doit être davantage exploré en vue de la discussion du texte en séance publique.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CD39 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Cet amendement vise à modifier l’alinéa 10 afin de tenir compte de la perte colossale que représente la coupe d’une allée d’arbres en matière de captation de CO2.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Là encore, l’objectif de l’amendement est louable mais sa mise en œuvre technique semble très difficile. Comment mesurer, dans des délais souvent très courts, la capacité de séquestration de CO2 d’un spécimen d’arbre avant son abattage ? Nous aborderons plus loin les mesures de compensation.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Annie Chapelier. La capacité de captation de CO2 de chaque arbre est connue. Il existe des études à ce sujet. Il n’est donc pas difficile d’évaluer la capacité de captation de CO2 perdue lorsque l’on abat une allée d’arbres dont la variété et l’âge sont connus.

D’autre part, la notion de compensation doit être comprise en termes de plantation d’arbres ainsi qu’en termes financiers. Tel n’est pas le cas dans la rédaction actuelle de l’article.

Mme Nathalie Sarles. J’avais envisagé de déposer un amendement similaire, en l’inscrivant dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone (SNBC) et de la prise en considération des émissions de gaz à effet de serre. Toutefois, nous avons appris lors des auditions que, même transformé, un arbre capte du CO2, ce qui rend difficile la mesure de la perte de capacité de captation de CO2 lors d’un abattage.

Mme Delphine Batho. Je souscris à l’esprit de l’amendement. Il y a un paradoxe assez troublant, dans la situation d’urgence climatique absolue que nous connaissons, au lendemain d’une conférence des parties (COP) et dans un contexte de terribles augmentations de température sur le territoire national – nous avons atteint 46 degrés en 2019 –, à inscrire dans la loi des dispositions facilitant l’abattage des arbres, alors même qu’il faudrait en planter massivement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD75 de Mme Delphine Batho, amendements identiques CD217 de Mme Aude Luquet et CD220 de Mme Nathalie Sarles et sousamendement CD303 de la rapporteure pour avis (discussion commune).

Mme Delphine Batho. Le projet de loi présenté par le Gouvernement introduit trois modifications de l’article L. 350-3 du code de l’environnement : il remplace « des personnes et des biens » par « des personnes ou des biens » ; il substitue aux mots « les projets de construction » les mots « les projets de travaux, d’ouvrages ou d’aménagements » ; et il supprime la mention du caractère local des mesures de compensation – à l’efficacité desquelles je ne crois pas par ailleurs –, ce qui est une porte ouverte au n’importe quoi. On pourra désormais dire : « J’ai planté deux arbres en forêt dans un département éloigné, donc je suis quitte ». Si l’abattage d’un ou plusieurs arbres doit être compensé localement, ce n’est pas sans raison. L’amendement CD75 vise par conséquent à compléter la première phrase de l’alinéa 10 par le mot « localement ».

Mme Aude Luquet. Il s’agit de faire en sorte que la compensation soit prioritairement mise en œuvre à proximité des alignements d’arbres concernés, afin que les riverains qui subissent les abattages soient les bénéficiaires des compensations, et ce dans un délai raisonnable.

Mme Nathalie Sarles. L’amendement CD220, cosigné par les membres du groupe La République en Marche, vise à faire en sorte que la compensation soit mise en œuvre à proximité de l’endroit où les arbres ont été abattus et à introduire dans le texte la notion de délai raisonnable. Il s’agit d’aboutir à une rédaction au plus près de la notion de compensation locale, qui figure dans la version en vigueur de l’article L. 350-3 du code de l’environnement.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Le sous-amendement CD303 vise à déplacer les amendements identiques CD217 et CD220, sur lesquels j’émets un avis favorable sous réserve de son adoption, afin que la disposition qu’ils introduisent soit applicable à toutes les compensations prévues à l’article L. 350-3 du code de l’environnement. Par voie de conséquence, je suggère le retrait de l’amendement CD75 à leur profit.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho. Madame la rapporteure pour avis, pouvez-vous confirmer que les mots « le cas échéant », dans le sous-amendement, signifient bien « dans le cas où il faut des compensations » et non « si l’on a envie de mettre en œuvre des compensations » ?

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Tout à fait !

Mme Delphine Batho. Je vous remercie. Néanmoins, je maintiens mon amendement, car le mot « prioritairement », qui figure dans les amendements identiques, me pose un problème. Je salue toutefois la prise en considération de l’intention qui motive les amendements et l’adoption de celui de notre collègue du groupe Dem.

La commission rejette l’amendement CD75.

Elle adopte successivement le sous-amendement CD303 et les amendements identiques sous-amendés.

Amendement CD293 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet amendement tend à modifier l’alinéa 10 de l’article 62 afin que la demande d’autorisation ou la déclaration auprès de la préfecture comportent des pièces justificatives : une étude phytosanitaire, s’il s’agit de parer à un danger sanitaire, ou des éléments attestant du danger pour la sécurité des personnes ou des biens. Nous avons tous à l’esprit des cas locaux de dégradations et d’abattages d’arbres réalisés sans que ces pièces justificatives ne soient fournies, voire en laissant planer un doute sur leur existence. Mieux vaut faire figurer cette exigence dans la loi.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Je partage la vigilance de Mme la rapporteure pour avis. Toutefois, la demande d’autorisation et la déclaration doivent nécessairement comporter des pièces justifiant l’existence d’un danger sanitaire pour les autres arbres, dont la liste sera fixée dans un décret en Conseil d’État. Il s’agit donc d’une disposition d’ordre réglementaire et non législatif.

Vous examinerez ultérieurement l’amendement CD207, qui prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les modalités d’application de l’article 62. Les objectifs sont les mêmes, mais cela me semble plus judicieux. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

Mme Annie Chapelier. J’ai retiré l’amendement CD38 au profit de celui de Mme la rapporteure pour avis. Je serais très déçue qu’il soit rejeté.

M. François-Michel Lambert. Ce débat illustre ce que je dis de l’article 62 depuis bientôt deux heures. Je souscris aux propos de Mme la ministre : évitons d’adopter une loi bavarde. Sur les alignements d’arbres, nous en sommes à un article de trente, quarante ou cinquante lignes. Je suis très inquiet pour son application opérationnelle. J’engage Mme la rapporteure pour avis, avec tout le respect que je lui porte, à se ranger à l’avis de Mme la ministre.

La commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement CD76 de Mme Delphine Batho.

Amendement CD294 de la rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Il s’agit de prévoir un droit de consultation des autorisations et des déclarations préalables, ainsi que des pièces annexes.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Demande de retrait : l’amendement est satisfait.

L’amendement est retiré.

Amendement CD208 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. En cas d’abattage d’un ou plusieurs arbres en raison d’un danger imminent pour la sécurité des personnes, il convient de faire en sorte que le représentant de l’État dans le département soit informé a posteriori de ce qui a amené à qualifier le danger d’imminent.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CD304 de la rapporteure pour avis.

Amendement CD207 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Qui dit obligations dit sanctions en cas de non-respect. Le présent amendement prévoit qu’un décret en Conseil d’État en détermine la nature.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis favorable : il convient qu’un décret en Conseil d’État vienne apporter des précisions sur un certain nombre de dispositions ainsi que sur les sanctions encourues.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Avis favorable.

Mme Delphine Batho. L’article du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages créant l’article L. 350-3 du code de l’environnement prévoyait initialement un décret en Conseil d’État, lequel a été supprimé par un amendement de la rapporteure, très certainement après des investigations juridiques ayant démontré qu’il n’était pas nécessaire. L’amendement CD207, que vous vous apprêtez à adopter, en prévoit un. Je suis toujours un peu inquiète du renvoi à un décret en Conseil d’État de dispositions du droit en vigueur. Pourrait-on avoir une analyse précise sur ce point en vue de l’examen du texte en séance publique ?

Madame la ministre, vous avez indiqué à plusieurs reprises qu’il s’agit d’inscrire les déclarations et autorisations environnementales dans le régime de droit commun. Pouvons‑nous être informés des sanctions applicables pour défaut de déclaration ou d’autorisation ? Si un maître d’ouvrage abat des arbres sans être « dans les clous », quelles sanctions encourt-il ? Celles en vigueur me semblent particulièrement faibles. Nous sommes plusieurs à nous interroger sur leur éventuel renforcement et à nous demander si elles relèvent du domaine législatif ou du domaine réglementaire.

M. François-Michel Lambert. L’amendement CD207 est le dernier amendement à l’article 62, qui en compte le plus parmi ceux que notre commission examine, et sur lequel nous aurons passé le plus de temps. Je me permets de rappeler qu’il y en a d’autres.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Le temps des explications de vote n’est pas encore venu, cher collègue.

M. François-Michel Lambert. Madame la présidente, j’apporte un éclairage sur l’amendement, qui ajoute encore quelques lignes supplémentaires à l’article. À propos de lignes, combien de temps avons-nous passé sur les lignes ferroviaires, qui sont autrement plus importantes que les alignements d’arbres ?

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Madame Batho, le décret en Conseil d’État définira les délais de remise et le contenu des dossiers de déclaration et d’autorisation. Il permettra en outre de compléter les dispositions communes en matière de contrôle et de sanction administrative, prévues aux articles L. 170-1 et suivants du code de l’environnement, par une sanction pénale de nature contraventionnelle.

La commission adopte l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 62 modifié.

Après l’article 62 (examen prioritaire)

Amendement CD212 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. L’article 673 du code civil n’a pas été modifié depuis 1921. Il encadre l’entretien des arbres, arbustes et arbrisseaux empiétant sur une propriété voisine, en permettant à celui qui subit l’empiétement de faire procéder à leur coupe ou d’y procéder lui‑même. S’il faut conserver ce droit, il faut aussi l’encadrer, pour éviter que la vitalité des arbres, arbustes et arbrisseaux ne soit altérée en raison d’une coupe excessive ou mal maîtrisée.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement CD78 de Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Depuis 2016, la loi protège les alignements et les allées d’arbres. L’amendement CD78 vise à promouvoir l’arbre comme sujet unique. Il a pour objet général de l’inscrire dans le code de l’environnement, au nom de la nécessité de le préserver, et de faire en sorte que son exploitation par les humains tienne compte de son cycle de vie.

Plus précisément, il vise à la reconnaissance des arbres remarquables, qui font l’objet d’un véritable mouvement d’opinion dans les territoires. Dans le cadre du concours de l’arbre de l’année, de nombreuses communes font la promotion de tel ou tel arbre remarquable auquel elles sont très attachées, pour des raisons historiques, paysagères ou tenant à sa longévité. Le moment est venu de donner une reconnaissance à ce combat pour la préservation des arbres remarquables.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. Nous ne pouvons que souscrire à l’intention de l’amendement, mais plusieurs des mesures qu’il prévoit sont satisfaites par le droit en vigueur. Par exemple, les arbres peuvent être classés au titre des monuments et sites naturels, en application du code de l’environnement. Ils bénéficient alors d’une protection renforcée. D’autre part, la politique de gestion de la forêt tient compte de leur cycle de vie, de leur apport à l’écosystème et de la possibilité de leur renouvellement.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis. Nous avons commencé à travailler sur la notion d’arbre remarquable, en partenariat avec les parties prenantes, ce qui a permis l’inscription à l’inventaire national du patrimoine naturel des arbres remarquables et l’établissement d’une convention avec l’association ARBRES. Il me semble que l’amendement est satisfait.

Mme Delphine Batho. L’amendement n’est pas du tout satisfait, et ce sujet devrait rassembler largement. Une reconnaissance spécifique par la loi s’impose. Le dispositif de protection des monuments naturels et des sites naturels n’est pas adapté, la loi prévoyant des procédures très lourdes. Ce que je propose n’est pas de cet ordre.

J’assume en outre que la rédaction proposée reconnaisse que l’arbre est un être vivant doué de sensibilité, ce qui modifie singulièrement une législation qui ne le considère que comme un objet.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD127 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Il s’agit de renforcer les dispositions de l’article 62 en prévoyant des sanctions précises en cas de non-respect des conditions de dérogations prévues. Comme Mme Batho, je m’interroge sur la nature de ces sanctions. Peut-être obtiendrons-nous une réponse en séance publique !

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Avis défavorable en raison de l’adoption de l’amendement CD207.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Demande de retrait, pour la même raison.

Mme Annie Chapelier. Nous sommes bien d’accord que dans la mesure où il prévoit la création d’un alinéa supplémentaire, l’amendement CD207 porte sur l’article 62 dans son ensemble ? Dans ce cas, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CD219 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. Plusieurs d’entre nous aimeraient disposer de rapports sur les arbres remarquables et les alignements d’arbres. L’État procède à des inventaires de ce patrimoine mais je ne suis pas certaine que ces documents soient très consultés. Je propose qu’ils soient portés à la connaissance des collectivités territoriales.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable. L’État réalise de façon continue l’inventaire national du patrimoine naturel. Dans ce cadre, les collectivités territoriales sont informées de la présence d’un ou plusieurs arbres remarquables sur leur territoire.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Nathalie Sarles. Je retire l’amendement, en espérant que les collectivités se saisissent de l’occasion qui leur est offerte.

L’amendement est retiré.

Amendement CD210 de Mme Aude Luquet.

Mme Yolande de Courson. Il s’agit de permettre le classement au titre des sites patrimoniaux remarquables des arbres, hors espaces forestiers, dont la valeur historique et l’atout environnemental présentent un intérêt public.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement CD35 de Mme Annie Chapelier.

Mme Annie Chapelier. Je souhaiterais que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur l’état général des allées d’arbres et des alignements d’arbres qui bordent, non les « voies de communication » comme il est écrit dans l’amendement, mais les « voies ouvertes à la circulation publique » – formulation préférable.

En matière d’alignements d’arbres, nous sommes dans une situation d’amnésie. La mythique Nationale 7, qui traversait la France, était intégralement bordée de platanes, de Paris au sud de la France. Elle n’existe pratiquement plus. Là où elle existe encore, il n’y a presque plus d’arbres le long de la chaussée. Nous tenons néanmoins pour acquis cet état de fait alors même qu’il n’est plus.

Le rapport porterait sur « l’état général » des allées d’arbres et des alignements d’arbres, car il est nécessaire de préciser l’espèce, la variété, l’âge et l’état sanitaire des individus concernés. Ces informations sont essentielles pour savoir d’où nous partons.

Nous venons d’adopter un article qui porte sur une situation relevant pour ainsi dire de l’imaginaire. Dans la plupart des départements, des quantités impressionnantes d’alignements d’arbres ont disparu au cours des dix dernières années, sans que cela fasse l’objet d’aucune comptabilisation. Un état des lieux est indispensable.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. De façon générale, je suis défavorable à la multiplication des demandes de rapport.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Même avis.

Mme Delphine Batho. J’ai moi aussi pour habitude d’être défavorable aux demandes de rapport, mais celui proposé par notre collègue me semble important. Je rappelle que le Président Pompidou s’était opposé à une circulaire autorisant l’abattage des arbres le long des routes. Il s’agit, pour la France, d’une perte et d’une dégradation paysagère.

Il y aurait quelque chose d’extraordinaire à faire avec nos alignements d’arbres. D’après les spécialistes, cette écriture paysagère remonte au XVIe siècle. Compte tenu des urgences écologiques auxquelles nous sommes confrontés, nous devrions élaborer un plan national de reconstitution des allées et des alignements d’arbres ainsi que de plantation de haies dans les communes rurales. Des soutiens publics sont prévus pour ce faire. Malheureusement, nous continuons, chaque jour, de couper des arbres et des haies. J’en parle avec passion, car il est révoltant de constater que la priorité est de permettre que l’on abatte davantage d’arbres, alors même qu’il faudrait faire exactement le contraire.

Les cas de mobilisation s’expliquent par les actions de trois ou quatre aménageurs que les dispositions en vigueur gênent, mais ces mobilisations sont utiles pour l’ensemble du pays dans la mesure où elles contribuent à la prise de conscience par les élus locaux qu’il s’agit d’un patrimoine qu’il convient d’entretenir, de préserver, de renouveler et de développer. Il s’agit d’un changement culturel. Les arbres ne sont pas des gêneurs. Ils contribuent au vivant et participent de nos conditions d’existence. Nous avons besoin d’eux – en plus, ils sont beaux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD211 de Mme Aude Luquet.

Mme Yolande de Courson. Cet amendement prévoit la remise au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, d’un rapport du Gouvernement sur les moyens à mettre en œuvre pour améliorer le recensement et le classement des arbres remarquables présentant un intérêt public.

D’autre part, j’aimerais savoir pourquoi Mme la rapporteure pour avis a émis un avis défavorable sur l’amendement CD210.

Mme Laurianne Rossi. Avis défavorable. Chaque examen d’un projet ou d’une proposition de loi donne lieu à une multiplication des demandes de rapport au Gouvernement, ce qui ne me semble pas sain pour le travail du Parlement, soit dit sans contester l’intention louable qui motive l’amendement que nous examinons.

Mme Jacqueline Gourault, ministre. Il n’est pas nécessaire de recourir à la loi pour obtenir des rapports. Dans son rôle de contrôle de l’action du Gouvernement, le Parlement peut en demander à tout moment.

La commission rejette l’amendement.

Réunion du mercredi 17 novembre 2021 à 9 heures 30

Lien vidéo : https://assnat.fr/JvoefB

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous poursuivons l’examen des articles examinés pour avis du projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit « 3DS ».

Article 3 bis B (art. L. 5224-1 [nouveau] du code général des collectivités territoriales) : Déséquilibres du tissu commercial de proximité à l’intérieur du périmètre d’un schéma de cohérence territoriale

Amendement de suppression CD268 de M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 3 bis B introduit par le Sénat propose qu’en cas de déséquilibre du tissu commercial dans le périmètre d’un schéma de cohérence territoriale (SCOT), les groupements de collectivités territoriales consultent les syndicats de salariés et organisations d’employeurs sur un encadrement des jours et heures d’ouverture de certains commerces. Le code du travail comporte déjà des dispositions de concertation sur l’ouverture des commerces : il est donc proposé de supprimer cet article.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 3 bis B.

En conséquence, l’amendement CD99 de M. Dino Cinieri tombe.

Après l’article 3 bis B

Amendement CD226 de Mme Sandra Marsaud.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Nous avons largement traité de la question du seuil de surface de vente à partir duquel des projets sont soumis à autorisation d’exploitation commerciale dans le cadre de la loi dite « climat et résilience » du 22 août 2021, notamment en définissant clairement l’artificialisation et en interdisant la délivrance d’une autorisation d’exploitation commerciale pour les projets entraînant une artificialisation des sols.

Nous sommes tous convenus qu’il faut lutter efficacement contre cette artificialisation, mais cette loi n’étant promulguée que depuis quelques mois, laissons à ses dispositions le temps de produire leurs effets et ne rouvrons pas ce débat.

Même si nous adoptions l’amendement, le dispositif serait juridiquement incomplet car il faudrait harmoniser le seuil dans l’ensemble des dispositions du code de commerce. Je demande donc son retrait.

Mme Sandra Marsaud. Si la lutte contre l’artificialisation des sols a effectivement occupé notre commission ces derniers mois, notre réflexion se nourrit également des travaux de la mission d’information sur le rôle et l’avenir des commerces de proximité dans l’animation et l’aménagement du territoire qui est en cours.

Si nous voulons à la fois lutter contre l’étalement urbain de manière beaucoup plus efficace, et que les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain produisent leurs effets, il faudra se poser la question des commissions départementales d’aménagement commercial (CDAC), qui sont critiquées. En effet, le seuil de 1 000 mètres carrés fait que l’on dépose des permis de construire pour 999 mètres carrés, ce qui contribue à poursuivre l’étalement urbain et empêche une revitalisation des centres efficace, notamment en matière de commerce.

La commission rejette l’amendement.

Article 4 ter (art. L. 5214-16, L. 5216-5, L. 5215-20 et L. 5217-2 du code général des collectivités territoriales) : Critère de l’intérêt communautaire ou métropolitain pour l’exercice de diverses compétences au sein du bloc communal

Amendement de suppression CD269 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer l’article 4 ter, qui vise à soumettre l’exercice de certaines compétences – en matière de zones d’activité économique, de voirie, d’habitat et d’environnement – des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre à la reconnaissance de leur intérêt communautaire ou métropolitain.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 4 ter.

Article 5 A (art. L. 1231-1 du code des transports) : Permettre aux pôles métropolitains d’exercer le rôle d’autorité organisatrice des mobilités (AOM)

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 A non modifié.

Article 5 B (art. L. 1231-1 du code des transports) : Ajustements relatifs à l’exercice de la compétence d’AOM sur le territoire des communautés de communes

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 B non modifié.

Article 5 (art. L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales) : Répartition des compétences et de la qualité de chef de file entre les collectivités territoriales en matière de transition écologique

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Article 5 bis (art. L. 5214-16 et L. 5216-5 du code général des collectivités territoriales et art. 1er [abrogé] de la loi n° 2018-702 du 3 août 2018 relative à la mise en œuvre du transfert des compétences eau et assainissement aux communautés de communes) : Suppression du caractère obligatoire du transfert des compétences « eau », « assainissement » et « gestion des eaux pluviales urbaines »

Amendement de suppression CD167 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. Les sénateurs ont souhaité une fois de plus remettre en cause l’exercice obligatoire des compétences relatives à l’eau, à l’assainissement et à la gestion des eaux pluviales.

Nous avons déjà accordé un certain nombre d’assouplissements aux dispositions initialement prévues dans le cadre de la loi du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, dite loi « engagement et proximité ».

Nous avons notamment reporté la date limite de la décision relative au report des transferts de compétences. Le projet de loi accorde également aux communautés de communes ainsi qu’aux communautés d’agglomération la faculté de déléguer par convention tout ou partie de cette même compétence.

Le travail a été entamé sur de nombreux territoires. Si l’on veut traiter l’eau de manière globale, c’est-à-dire en considérant le grand cycle de l’eau, il ne faut pas revenir sur ces dispositions. Je vous propose donc de supprimer ce que les sénateurs ont adopté.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. J’y suis favorable.

Sur le terrain, j’ai constaté qu’en cas de fusion, le transfert des excédents des syndicats mixtes ou des communes, qui n’est pas obligatoire, était problématique.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5 bis.

En conséquence, l’amendement CD143 de M. Hubert Wulfranc tombe.

Article 5 ter (art. L. 5211-61 du code général des collectivités territoriales) : Inclusion des compétences « gestion des eaux pluviales urbaines » et « défense extérieure contre l’incendie » parmi les compétences qu’un EPCI à fiscalité propre peut déléguer à un syndicat mixte infracommunautaire

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 ter non modifié.

Article 5 quater A : Rapport sur l’évaluation de la mise en œuvre des règles départementales relatives à la défense extérieure contre l’incendie

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 quater A non modifié.

Article 5 quater (art. L. 213-12 du code de l’environnement) : Exercice, par un même syndicat mixte sur des parties distinctes de son périmètre, des compétences d’un établissement public territorial de bassin ou d’un établissement public d’aménagement et de gestion des eaux

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 quater non modifié.

Article 5 quinquies (art. 1530 bis du code général des impôts) : Affectation du produit de la taxe dite GEMAPI

Amendement de suppression CD168 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. L’amendement porte sur la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations (GEMAPI), les sénateurs ayant souhaité y inclure la maîtrise des eaux pluviales, la question du ruissellement et la lutte contre l’érosion des sols.

Or l’article est en partie satisfait puisque la compétence GEMAPI recouvre l’ensemble des actions qui permettent de prévenir les inondations, comme l’aménagement d’un bassin, l’entretien et l’aménagement d’un cours d’eau ou d’un canal, la défense contre les inondations et contre la submersion marine, ou encore la protection et la restauration des sites. S’agissant de la lutte contre le ruissellement, elle peut d’ores et déjà être financée par la taxe GEMAPI au titre de la prévention des inondations.

Ce sujet a déjà été longuement débattu par le Parlement. Si le périmètre de la GEMAPI mérite des discussions complémentaires, il est bien défini : nous ne souhaitons pas y revenir dans le cadre de ce projet de loi.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Vincent Thiébaut. Je souhaite défendre le maintien de l’article : en effet, l’amendement voté au Sénat résulte d’un travail mené en Alsace par l’autorité préfectorale, le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et le syndicat de gestion des eaux. En matière de lutte contre les coulées de boue, de nombreux travaux n’entrent pas dans le cadre de la GEMAPI alors même que ces coulées ont des effets dévastateurs : dans ma circonscription, deux communes ont ainsi dû financer des travaux par elles-mêmes.

Si l’article n’était pas maintenu, il faudrait trouver une solution parce qu’il s’agit d’un problème récurrent qui fait des ravages sur les territoires au début de l’été. Ainsi, la commune de Geudertheim a mis cinq ans à mener à bien des travaux visant à sécuriser certaines zones résidentielles. Je voterai donc contre cet amendement de suppression.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5 quinquies.

Article 5 sexies A : Expérimentation d’un financement des missions de défense contre les inondations et contre la mer d’un EPTB par des contributions fiscalisées

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 sexies A non modifié.

Après l’article 5 sexies A 

Amendement CD145 de Mme Sophie Métadier.

Mme Sophie Métadier. Actuellement, tout porteur de projet doit, un mois avant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale, adresser à la commune concernée et aux communes limitrophes, le résumé non technique de l’étude d’impact.

Or pour une petite commune, notamment en été en raison de l’absence du secrétaire de mairie, un mois est extrêmement court. Il faut en outre le temps d’étudier les dossiers : je propose donc de passer ce délai à deux mois.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Chère collègue, le 1° de votre amendement semble satisfait par la rédaction actuelle du premier alinéa de l’article L. 181‑28‑2 du code de l’environnement, qui prévoit que « […] le porteur d’un projet concernant une installation de production d’électricité à partir de l’énergie mécanique du vent adresse aux maires de la commune concernée et des communes limitrophes […] » le résumé non technique de l’étude d’impact.

Quant aux 2° à 4°, qui établissent un droit de veto sur l’implantation d’éoliennes, j’y suis défavorable pour les mêmes raisons qui me verront être favorable à la suppression de l’article 5 sexies. Je demande donc le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

Article 5 sexies (sous-section 5 [nouvelle] de la section 6 du chapitre unique du titre VIII du livre Ier et art. L. 515-47 du code de l’environnement) : Renforcer les pouvoirs du maire en matière d’implantation de projets éoliens sur le territoire de la commune

Amendements de suppression CD144 de Mme Sophie Métadier et CD174 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

Mme Sophie Métadier. Je retire mon amendement.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Il s’agit de supprimer l’article 5 sexies qui introduit un droit de veto de la commune d’implantation sur les projets éoliens. Cet article aurait pour conséquence une pression politique importante sur les communes, en particulier s’il existe des opposants à l’éolien. Il crée également une charge pour les communes qui devraient gérer les contentieux résultant de leurs décisions, étant souligné que l’article ne précise pas la base juridique sur laquelle une commune pourrait motiver son avis, créant ainsi une incertitude juridique majeure.

La mise en œuvre de cet article conduirait à ralentir le développement de l’éolien, alors même que l’atteinte des objectifs climatiques suppose d’électrifier l’économie et que l’éolien est une énergie renouvelable permettant de réduire nos émissions de gaz à effet de serre tout en diversifiant le mix électrique et en améliorant notre indépendance énergétique.

Publié le 25 octobre 2021, le rapport Futurs énergétiques 2050 : les scénarios de mix de production à l’étude permettant d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 de Réseau de transport d’électricité (RTE) a démontré qu’atteindre la neutralité carbone en 2050 était impossible sans un développement des énergies renouvelables, principalement du solaire, mais aussi de l’éolien terrestre et maritime. Le nucléaire ne peut produire suffisamment d’électricité d’ici 2035 pour satisfaire nos besoins et ne le pourra pas davantage d’ici 2050, surtout en cas de forte réindustrialisation et d’électrification de nos mobilités : développer les énergies renouvelables est donc un impératif.

Par ailleurs, le droit en vigueur prévoit déjà une consultation des collectivités, ainsi que du public, au cours de la procédure d’enquête publique. Ces consultations sont prises en compte dans la décision d’autorisation ou de refus d’autorisation.

La loi « climat et résilience » a complété récemment les dispositions du code de l’environnement relatives aux implantations d’éoliennes, en précisant que le porteur de projet doit adresser au maire de la commune concernée, un mois au moins avant la demande d’autorisation environnementale, un avant-projet dont les éléments sont définis par décret et qui comprend une étude d’impact. Le conseil municipal a ensuite quinze jours pour se prononcer par délibération motivée, un avis favorable autorisant le dépôt de la demande d’autorisation environnementale et un avis défavorable l’interdisant.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Emmanuel Maquet. Nous sommes très régulièrement sollicités sur cette disposition. Les maires ont envie de s’exprimer et ont également envie que l’avis soit conforme, et non simple, comme le prévoient les propositions formulées par la ministre.

Le département de la Somme compte près de 10 % des mâts installés en France, et l’on connaît des tensions sur les territoires. Le groupe Les Républicains est donc tout à fait favorable aux propositions du Sénat : il votera donc contre l’amendement de suppression de l’article, qui va dans le sens de la démocratie locale.

Le rapport de RTE démontre qu’on a besoin d’énergies renouvelables si l’on pose le curseur à 50 %, mais qu’au-delà on n’a pas forcément besoin de ces installations.

M. Bruno Duvergé. Je voudrais, madame la présidente, nuancer votre argumentation. Les Hauts-de-France sont parvenus à saturation : la puissance éolienne installée y est quasiment, lorsque le vent souffle à vingt kilomètres à l’heure, équivalente à celle de la centrale nucléaire de Gravelines.

Il faut respecter les collectivités concernées qui sont encerclées par d’interminables champs d’éoliennes ; on ne sait pas comment arrêter cette progression. En outre, le nombre de permis de construire acceptés mais dont les projets ne sont pas encore sortis de terre augmentera de 20 % ou de 30 % le parc éolien installé dans la même région.

S’il faut y stopper sa progression, il faut également encourager les autres régions à développer l’éolien. Je ne voterai cependant pas contre l’amendement.

Mme Sophie Métadier. Je répète que je ne vois pas comment une commune pourrait respecter le délai de quinze jours pour donner son avis : cela revient à ne pas demander l’avis des communes, ce qui me paraît totalement méprisant à leur égard.

Que l’avis ne soit pas un avis conforme pose également problème : outre les communes, les EPCI porteurs de projets – je pense à celui, sur mon territoire, de Vou et de La Chapelle-Blanche-Saint-Martin auquel toutes les mairies concernées sont depuis dix ans opposées – devraient également être concernés. On ne prend donc pas du tout en compte le souhait réel des habitants et des communes.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Un avis conforme équivaut à un droit de veto.

Mme Sandra Marsaud. L’avis conforme n’est pas une solution. La question est plutôt de savoir comment les collectivités, qui disposent d’outils, peuvent planifier : elles doivent se positionner en amont, en établissant des schémas qui permettent une concertation large.

M. Emmanuel Maquet. J’abonde dans ce sens. La difficulté à laquelle nous sommes confrontés dans les Hauts-de-France réside dans le stock d’autorisations, et donc d’installations : il déchire aujourd’hui nos villages. Nous partageons tous l’idée qu’une réflexion en amont est nécessaire, mais si l’on ne donne pas ce droit de veto aux collectivités concernées, on ne réglera pas le problème : il faut donc conserver l’article issu des travaux du Sénat.

L’amendement CD144 est retiré.

La commission adopte l’amendement CD174, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5 sexies.

En conséquence, les amendements CD149 et CD166 de M. Sébastien Jumel tombent.

Article 5 septies A (art. L. 515-44 du code de l’environnement) : Relèvement, par les régions, de la distance minimale entre des éoliennes et des habitations

Amendement de suppression CD175 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie.

M. Alain Perea. L’article ajouté par le Sénat avait vocation à donner aux régions la compétence d’augmenter la distance minimale entre les éoliennes et les habitations, qui est aujourd’hui de 500 mètres. Il s’agit d’une disposition déjà satisfaite puisque, dans le cadre des études d’impact, le préfet peut autoriser un allongement de cette distance. Si j’entends la problématique des Hauts-de-France, il nous semble préférable de conserver une approche au cas par cas. Le but unique de cet article serait d’interdire l’installation d’éoliennes dans certaines régions ou dans certains secteurs : or ce n’est pas du tout ce que nous voulons faire.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Emmanuel Maquet. Deux éléments plaident en faveur du maintien de l’article introduit par nos collègues sénateurs. Tout d’abord, le fait de renvoyer au préfet me gêne, car il est important en tant qu’élus nous puissions définir la règle.

En outre, nous allons dans les années à venir être confrontés à une difficulté liée au « repowering » : les éoliennes installées vont voir leur hauteur doubler, et si l’on maintenait la règle des 500 mètres, on engendrera mécaniquement un certain nombre de nuisances. Il faut anticiper ce phénomène de renouvellement des parcs.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5 septies A.

En conséquence, l’amendement CD146 rectifié de Mme Sophie Métadier tombe.

Article 5 septies B (art. L. 1251-3-1 [nouveau] du code des transports) : Droit de veto du conseil municipal préalablement à la construction ou à la modification d’infrastructures de transport par câbles en milieu urbain

Amendement de suppression CD273 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article prévoit une consultation obligatoire des communes sur les projets d’installation d’infrastructures de transport par câbles en milieu urbain comme les téléphériques et les funiculaires. Il confère aussi un pouvoir d’opposition à ces projets sur le territoire des communes concernées, dès lors qu’un tiers des conseils municipaux émet un avis défavorable. En l’absence d’un titre de compétence pour agir, il n’est pas souhaitable que les conseils municipaux puissent disposer d’un pouvoir de blocage et obèrent des projets de services de mobilité qui entrent dans le cadre des compétences dévolues aux AOM.

M. Emmanuel Maquet. La démarche me gêne particulièrement, puisqu’il s’agit de donner aux conseils municipaux la possibilité de s’exprimer sur les aménagements sur leur propre territoire. Supprimer l’article retire encore une fois aux élus du peuple la possibilité de décider de ce qu’ils souhaitent ou non sur leur propre territoire.

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 5 septies B.

Article 5 septies (art. L. 1425-2, L. 4251-1, L. 4251-4 et L. 4251-8 du code général des collectivités territoriales) : Intégrer un volet relatif à la stratégie aéroportuaire dans le SRADDET

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 septies non modifié.

Article 6 : Transfert aux départements, aux métropoles et à la métropole de Lyon de certaines routes nationales non concédées

Amendement de suppression CD131 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. L’article 6 transfère aux départements et aux métropoles une partie du réseau autoroutier et routier non concédé de l’État. Nous considérons que la puissance publique cherche, par là même, à échapper à ses responsabilités. On a constaté, il y a deux ans, que ces voies et ouvrages d’art nécessitaient une profonde régénération. Le fait de se défausser sur les départements et les métropoles rompt l’unité de gestion et n’apporte aucune garantie quant à la réalisation des travaux. Ces collectivités ne disposent pas, en effet, des facultés d’investissement de l’État. C’est pourquoi nous nous opposons à ces transferts.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Le transfert prévu par l’article 6 est une possibilité ouverte aux départements volontaires. Il ne s’agit en aucune façon de transférer aux départements des routes dont ils ne veulent pas ou de se défausser de ses responsabilités, mais de poursuivre, sur la base du volontariat, dans une logique de différenciation, une décentralisation déjà engagée et qui a abouti à conférer aux départements une expertise complète en matière de gestion de voiries routières, expertise qu’ils seront à même d’appliquer à de nouvelles routes, s’ils le souhaitent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD276 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’État a lancé, depuis 2016, une démarche d’ouverture des données du réseau routier national, afin d’informer en toute transparence les décideurs et les citoyens sur la consistance du réseau, l’état du patrimoine, l’activité des gestionnaires et l’utilisation des deniers publics. Ainsi, l’ensemble des données relatives au réseau routier national se trouve sur le site du ministère de la transition écologique, lequel précise le nombre et la surface des ouvrages d’art et leur répartition en fonction de leur note IQOA – image qualité des ouvrages d’art –, la cartographie des chaussées selon leur état et le nombre d’équipements recensés. Il renvoie, lorsque c’est nécessaire, aux jeux de données sur data.gouv.fr. Les informations concernant les aires de repos et de services du réseau routier national qui disposent de places pour les poids lourds sont publiques, en application d’un règlement européen. Enfin, des échanges approfondis sur l’état des routes pourront avoir lieu entre les collectivités et l’État sur la base de la liste des routes que les collectivités auront choisi de se voir transférer. Instruire des demandes spécifiques et précises nécessiterait la réalisation d’études et serait de nature à allonger les délais.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD275 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’objet de cet amendement est de raccourcir le délai durant lequel les départements et les métropoles peuvent solliciter le transfert des routes proposées. Nous proposons une solution de compromis, à savoir un délai de six mois qui favorisera un dialogue constructif et informé avec l’État. L’amendement vise également à faire passer de cinq à trois mois la période pendant laquelle l’État devra répondre aux demandes des collectivités.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD306 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Il est proposé d’accorder un délai supplémentaire de quatre mois au représentant de l’État pour qu’il puisse réunir les éléments nécessaires à la concertation avec les départements et les métropoles, en cas d’information incomplète sur l’état des voies, préalablement à la prise de décision.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD277 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de confirmer le rôle que le Sénat a conféré au préfet dans la concertation entre collectivités, sans accorder de priorité à un niveau de collectivité sur l’autre. Le préfet serait l’arbitre en dernier ressort en cas de demandes concurrentes.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD278 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’arrêté constatant le transfert pris par le représentant de l’État dans le département ne constitue pas, en soi, une servitude d’utilité publique devant être annexée au plan local d’urbanisme ou à la carte communale. En effet, ces servitudes sont énumérées dans une annexe au livre Ier du code de l’urbanisme. La mise à jour des documents d’urbanisme affectés par le transfert, qui est prévue à l’alinéa 6, ne se justifie donc pas.

En outre, la mise à jour d’un plan local d’urbanisme ou d’une carte communale s’effectue par arrêté du président de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) compétent ou du maire. C’est un acte simple, qui peut être accompli dans des délais très brefs. Il n’y a donc pas lieu de prévoir un dispositif dérogatoire automatique.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD279 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 6 prévoit un délai supplémentaire en cas de transfert des routes aux départements ou aux métropoles lorsque la décision est prise après le 31 juillet de l’année n. On est ainsi assuré que le transfert se déroulera dans de bonnes conditions, puisque les problèmes d’ordre organisationnel, juridique, financier et patrimonial auront été, entre-temps, réglés. Dans cette optique, cet amendement a pour objet de préciser que le transfert interviendra le 1er janvier de l’année n+1 si l’arrêté préfectoral de transfert – qui suit et matérialise la décision de l’État sur la liste des routes transférées – est pris après le 31 juillet de l’année n.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD280 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. En vertu de l’article 6, le transfert des routes prend effet soit le 1er janvier de l’année suivant celle de la prise de l’arrêté constatant les routes transférées, soit le 1er janvier de la seconde année suivante si l’arrêté est pris après le 31 juillet. Ce mécanisme a pour objet de garantir que le transfert s’effectuera dans de bonnes conditions pratiques. Dès lors, il n’apparaît pas souhaitable de prévoir une troisième hypothèse, à savoir la réalisation du transfert le 31 juillet de l’année suivant l’édiction de la décision.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD281 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir le texte initial qui laisse à l’État le pouvoir de déclasser une autoroute transférée. Les autoroutes soulèvent des enjeux particuliers pour l’intérêt national en termes de défense nationale, de gestion de crise ou de garantie des flux économiques. Il est indispensable qu’elles restent aménagées de telle sorte que les convois exceptionnels, notamment les convois militaires ou ceux alimentant des chantiers, puissent continuer de les emprunter. Il convient également de s’assurer que les aménagements que la collectivité pourrait y apporter ne limitent pas l’accessibilité de certaines communes. Par conséquent, la décision de déclasser une autoroute doit revenir à l’État, après avis de la collectivité propriétaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD282 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 44 du projet de loi comporte des dispositions générales relatives à la mise à disposition et au transfert de personnels, qui sont applicables, en principe, aux transferts de compétences à titre définitif prévus dans la loi. Au regard de ces dispositions, le transfert de compétences lié au transfert de routes ne justifie pas de dispositions spécifiques en matière de mise à disposition ou de transfert de personnels. Ces questions ont été traitées par la loi n° 2019-816 relative à la création de la Collectivité européenne d’Alsace, qui a renvoyé au dispositif de la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles (MAPTAM).

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD283 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 6 prévoit que des autoroutes pourront être transférées en pleine propriété aux départements et aux métropoles, tout en conservant leur statut autoroutier. Les autoroutes soulèvent des enjeux d’intérêt national : capacité à garantir la continuité des itinéraires routiers d’intérêt national et européen, circulation des transports exceptionnels, des convois et des transports militaires, desserte économique du territoire national. L’article prévoit, d’une part, que le préfet conservera le pouvoir de police sur ces voies et, d’autre part, que les principales modifications apportées aux caractéristiques techniques de ces autoroutes seront soumises à son avis préalable. La loi relative aux compétences de la Collectivité européenne d’Alsace comporte des dispositions similaires. L’amendement a pour objet d’élargir ce dispositif aux routes ou sections de routes assurant la continuité du réseau autoroutier. Il n’y a en effet pas de raison de soumettre ces routes – ou sections de routes – à un régime différent de celui qui est appliqué aux autoroutes. Un décret précisera les routes ou sections de routes concernées.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Article 6 bis (art. L. 153-1 du code de la voirie routière) : Harmonisation de l’usage des ressources du péage d’un ouvrage d’art

Amendement de suppression CD132 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. L’article 6 bis vise à harmoniser l’usage des ressources des péages, quel que soit leur mode de gestion. Nous contestons cette harmonisation qui conduit à affecter les recettes au financement des charges de gestion. Si harmonisation il doit y avoir, les péages ne peuvent et ne doivent couvrir que les dépenses de toute nature liées à la construction. C’est pourquoi nous proposons de supprimer l’article.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 6 bis, introduit par le Sénat, met fin à la distinction entre les dépenses couvertes par le péage d’un ouvrage d’art exploité en régie et celles qui peuvent être financées par un péage géré dans le cadre d’une délégation de service public. Dorénavant, le péage permettra de couvrir « tout ou partie des dépenses liées à la construction, à l’exploitation ou à l’entretien de l’ouvrage d’art et de ses voies d’accès », quel que soit le mode de gestion. Le fait que les recettes du péage permettent de payer au moins une partie des dépenses d’entretien de l’ouvrage me semble parfaitement justifié.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 bis non modifié.

Article 7 : Mise à disposition des régions volontaires et à titre expérimental de voies du domaine public routier national non concédé

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement de suppression CD133 de M. Hubert Wulfranc.

Amendements CD84 de Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis, et CD45 de M. Guillaume Garot (discussion commune).

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Cet article permet aux régions, à titre expérimental, de se voir transférer des routes nationales, interdépartementales ou des autoroutes non concédées. Il me semble important que les régions consultent, au préalable, les départements. Il ne s’agit pas d’instituer un droit de veto mais une simple consultation.

M. Guillaume Garot. L’article 6 prévoit que certaines routes nationales peuvent être transférées, à titre définitif, aux départements. Il faut définir les modalités de la consultation entre les différents niveaux de collectivités.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Avis favorable à l’amendement de Mme Laurianne Rossi et demande de retrait de l’amendement de M. Guillaume Garot.

La commission adopte l’amendement CD84.

En conséquence, l’amendement CD45 tombe.

Amendements CD85 et CD86 de Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis.

Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à renforcer l’information et la consultation des départements sur le transfert des routes. L’amendement CD85 prévoit que le préfet adresse aux départements, à titre d’information, la demande de transfert. L’amendement CD86 vise à ce que l’État informe les départements de sa décision de transférer des routes à une région.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Je suis favorable à ces amendements. J’avais envisagé, dans un premier temps, que l’on confère aux départements un droit de veto. Il me semblait que ces collectivités avaient vocation à détenir cette attribution, dans la mesure où elles disposent de services techniques et de capacités d’ingénierie. Toutefois, par souci de cohérence – je pense au débat que nous avons eu sur l’éolien –, je me suis rallié à la proposition ici exprimée.

La commission adopte successivement les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

Article 7 bis (art. 1er de l’ordonnance n° 2021-408 du 8 avril 2021 relative à l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais et art. L. 1243‑1‑1 [nouveau] du code des transports) : Ouverture à la région Auvergne Rhône-Alpes de la possibilité de se retirer de l’autorité organisatrice des mobilités des territoires lyonnais

Amendement de suppression CD169 de Mme Nathalie Sarles.

M. Jean-Marc Zulesi. Cet article vise à revenir sur l’organisation de la mobilité en région Auvergne-Rhône-Alpes. Nous avions débattu de ce dispositif dans le cadre de l’examen de la loi d’orientation des mobilités (LOM) ; il avait été formalisé par l’ordonnance du 8 avril 2021 qui fixe un cadre de gouvernance et de financement équilibré. Il ne nous semble pas nécessaire de modifier ces règles, qui ont fait l’objet d’une concertation avec l’ensemble des acteurs.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 7 bis.

Article 8 (art. L. 4211-1 du code général des collectivités territoriales ; art. L. 121‑5 [nouveau] du code de la voirie routière ; art. L. 2411-1, L. 2651-5, L. 2661-5, L. 2671-5 et L. 2681-5 du code de la commande publique) : Transfert temporaire de la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement routier aux collectivités territoriales et à leurs groupements

Amendement de suppression CD134 de M. Hubert Wulfranc.

M. Hubert Wulfranc. L’article 8 vise à permettre à l’État de confier à certaines collectivités la maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement du réseau routier national. Il s’agit d’une faculté de désengagement financier, mais aussi politique. Cela soulève une véritable question de responsabilité politique. Aussi demandons-nous la suppression de l’article.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet article vise à créer deux nouvelles dérogations au principe d’interdiction de délégation de la mission de maîtrise d’ouvrage. À l’heure actuelle, le code de la commande publique prévoit deux dérogations : d’une part, il est possible de déléguer une partie des tâches du maître d’ouvrage à un mandataire ; d’autre part, plusieurs acteurs peuvent être simultanément maîtres d’ouvrage pour un même ouvrage. L’article 8 étend le bénéfice de cette dernière dérogation aux régions. Par ailleurs, il autorise le transfert temporaire de maîtrise d’ouvrage par l’État à des collectivités territoriales. Ces dérogations étant précisément définies, je suis défavorable à la suppression de l’article.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD284 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Il est légitime de prévoir, comme l’a fait le Sénat, qu’une opération d’aménagement puisse s’étendre au-delà du territoire de la collectivité concernée. Toutefois, la rédaction qui nous est soumise ne précise pas le niveau de la collectivité, ce qui pourrait entraîner un blocage. En effet, une commune limitrophe pourrait s’opposer au transfert de la maîtrise d’ouvrage à un département ou à une région. Cet amendement vise donc à préciser cette disposition.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD285 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’objet de l’article 8 est d’instaurer un dialogue entre la collectivité intéressée par la réalisation d’une opération et l’État. Toutefois, la disposition introduite par le Sénat instaure un formalisme excessif, susceptible de complexifier l’application du dispositif. Aussi est-il proposé de supprimer l’alinéa 5.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD286 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à supprimer des dispositions inutiles en l’absence de réseau routier national géré par l’État dans les quatre territoires concernés : Wallis-et-Futuna, la Polynésie française, les Terres australes et antarctiques françaises et la Nouvelle-Calédonie.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

Article 8 bis (section 2 [nouvelle] du chapitre V du titre Ier du code de la voirie routière ; art. L. 2411-1 du code de la commande publique) : Élargissement des transferts de maîtrise d’ouvrage d’opérations d’aménagement et de travaux du domaine routier

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement de suppression CD135 de M. Hubert Wulfranc.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 bis non modifié.

Article 10 (art. L. 130-9 du code de la route) : Faculté pour les collectivités territoriales et leurs groupements d’installer des radars automatiques

Amendements de suppression CD50 de M. Guillaume Garot et CD140 de M. Hubert Wulfranc.

M. Guillaume Garot. Cet article offre la possibilité aux collectivités territoriales et à leurs groupements d’installer des radars automatiques, mais ne comporte aucune précision sur les conditions dans lesquelles cela pourrait être réalisé. Rien ne garantit la cohérence de l’implantation des radars à l’échelle d’un département, par exemple. Rien n’est dit sur les modalités de traitement des données qui seraient collectées. Cette disposition n’est donc pas sans risque et mérite d’être retravaillée. Je vous propose donc de la supprimer.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Vous soulevez des points importants qui méritent notre attention, mais la suppression de l’article nous paraît excessive. Les collectivités territoriales étant des acteurs centraux de la sécurité routière, il est légitime de leur accorder des moyens supplémentaires pour conduire cette politique publique. Si les dispositions initiales du projet soulevaient des inquiétudes, qui avaient été identifiées par le Conseil d’État dans son avis, les modifications apportées par nos collègues sénateurs ont permis d’apporter des réponses.

Le Sénat a entendu favoriser la cohérence de l’implantation des radars en conditionnant ces opérations à l’avis favorable du représentant de l’État dans le département et à une consultation de la commission départementale de la sécurité routière. Une modification de la rédaction pourrait toutefois être envisagée afin d’apporter des précisions supplémentaires.

Par ailleurs, le Sénat a introduit des dispositions visant à ce que les modalités de traitement des données collectées soient identiques à celles applicables aux informations recueillies par les radars installés par l’État.

Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Adrien Morenas. Je partage le point de vue de M. Garot, mais il me semble que, plutôt que de la supprimer, on pourrait retravailler cette disposition en vue de la séance. Il faut apporter des garanties sur le traitement des données.

M. Jean-Marie Sermier. Le groupe LR considère, à l’instar de M. Garot, qu’il faut supprimer cet article et le retravailler. Les sénateurs ont proposé que les élus assument une part de responsabilité dans ce domaine, qui relève, à l’heure actuelle, de la compétence exclusive de l’État. Cela constituerait une véritable rupture dans notre pays.

Si nous approuvons, sur le fond, la proposition qui est faite, force est de constater que le dispositif n’est pas prêt ; nous ne connaissons pas ses modalités d’application. Nous faisons pleinement confiance aux 35 000 maires et aux 512 000 conseillers municipaux de France, mais ces actions doivent être coordonnées. Certes, le préfet doit donner son accord et la commission départementale de la sécurité routière – sur laquelle le préfet exerce une certaine influence – doit être consultée, mais la politique de la sécurité routière ne peut pas être liée à la décision d’un exécutif. Par ailleurs, qu’en est-il de la propriété des données collectées par les radars automatiques ? Nous sommes favorables à la suppression de l’article, car nous souhaitons retravailler cette disposition. Il faut indiquer très clairement que l’on ne bricole pas quelque chose au service de tel ou tel lobby.

M. Jean-Marc Zulesi. J’entends les critiques formulées à l’endroit de cet article. Le groupe La République en marche, d’ailleurs, les partage. L’amendement CD227 de Mme Nathalie Sarles, qui sera discuté après ceux-ci, permettra précisément de prendre en compte les appareils de contrôle automatique déjà installés.

La commission adopte les amendements, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 10.

En conséquence, l’amendement CD227 de Mme Nathalie Sarles tombe.

Article additionnel après l’article 10 (art. L. 1263‑5‑1 [nouveau] et L. 1264‑7 du code des transports) : Accorder à l’Autorité de régulation des transports une compétence dans le règlement des différends et un pouvoir de sanction en matière d'accès aux données acquises par les services numériques d'assistance au déplacement

Amendement CD262 de Mme Laurianne Rossi, rapporteure pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à donner compétence à l’Autorité de régulation des transports pour régler des différends et prononcer des sanctions en matière de partage de données.

La commission adopte l’amendement.

Article 11 (art. L. 4316-12 [nouveau] du code des transports et art. L. 2132-10 du code général de la propriété des personnes publiques) : Renforcement des sanctions sur le domaine public fluvial

Amendement CD297 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis.  Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de cet article en ce qui concerne la sanction de l’installation sans titre d’ouvrage permettant de prélever ou de rejeter de l’eau ou de sa modification non autorisée.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CD298 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir la rédaction initiale de cet article en ce qui concerne la sanction de l’installation sans titre d’ouvrage permettant de prélever ou de rejeter de l’eau ou de sa modification non autorisée. La disposition amendée en première lecture par le Sénat ne reflète pas complètement l’objectif fixé par la disposition initiale. Celle-ci visait à dissuader les occupations irrégulières du domaine public fluvial et à les faire cesser dans les meilleurs délais, dès leur constatation et sans avoir à rechercher le caractère intentionnel du manquement. Le domaine public fluvial doit avant tout être utilisé dans l’intérêt général, notamment pour la préservation de la ressource en eau, la navigation de commerce et de plaisance, ou encore le tourisme. À ce titre, son occupation privative doit être encadrée et son occupation irrégulière sanctionnée.

La majoration doit être fixée en fonction de critères pertinents et pratiques. Ainsi, l’appréciation de l’intention du contrevenant est un critère subjectif et difficile à déterminer pour moduler la sanction – elle est en général prévue pour les infractions pénales. Les trois critères prévus initialement – prise en compte des circonstances, de la gravité du manquement et de la situation économique – sont donc suffisants. Le troisième critère permet d’adapter la sanction pécuniaire à la capacité de paiement du contrevenant. Or celui-ci peut être une société et l’appréciation de sa situation individuelle se restreint en définitive à sa capacité économique.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 modifié.

Article 12 (art. L. 131-4 et L. 131-6-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Réforme de la gouvernance de l’ADEME et délégation d’une partie des fonds « chaleur » et « économie circulaire » aux régions

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 non modifié.

Article 12 bis (art. 78 et intitulé du chapitre VII du titre II de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles) : Transfert aux régions de la fonction comptable de la gestion des fonds structurels et d’investissement européens

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 bis non modifié.

Article 12 ter (art. L. 112-1-1 et L. 112-1-2 du code rural et de la pêche maritime) : Modification de la composition des commissions départementale et territoriale de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers

Amendement de suppression CD172 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. Selon le code rural et de la pêche maritime, les commissions départementales de préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers (CDPENAF) se prononcent sur la réduction des surfaces naturelles, forestières ou à usage agricole ainsi que sur les moyens de contribuer à la limitation de la consommation des espaces naturels.

Les sénateurs ont souhaité modifier leur composition afin que les élus soient plus représentés, or, la CDPENAF rend des avis simples, non contraignants. Je propose donc la suppression de la parité 50 %-50 % entre les élus, actuellement représentés en moyenne à hauteur de 30 %, et les autres acteurs.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Avis favorable.

Mme Danielle Brulebois. J’entends bien que la CDPENAF, où les élus ne sont pas du tout représentés, donne un avis simple ou conforme, mais le préfet le suit toujours. Il importe à tout le moins que l’élu de la commune concernée soit convié à la commission et dispose d’une voix consultative ou délibérative.

Mme Sandra Marsaud. En tant qu’urbaniste, j’ai participé à des réunions de CDPENAF et il est vrai que la représentation des élus n’est pas optimale. C’est pourquoi je propose dans mon amendement CD222, qui tombera vraisemblablement, de fixer un seuil de 30 %.

Selon le groupe de travail sur la sobriété foncière qui, depuis 2019, s’est réuni pour préparer la loi dite « climat et résilience », la CDPENAF est l’un des acteurs importants de la concertation locale. Or, nous savons que les représentations n’y sont pas parfaites, de même que la façon d’aborder les différents sujets. Je voterai bien sûr l’amendement de Mme Nathalie Sarles mais une réforme de la CDPENAF s’impose.

M. Lionel Causse. Je suis d’accord. De nombreux amendements relatifs à la CDPENAF ont été discutés dans le cadre du projet de loi « climat et résilience » et, en effet, des évolutions s’imposent.

Contrairement à ce que dit Mme Brulebois, quasiment tous les syndicats agricoles nous ont fait savoir que leurs avis n’étaient pas suivis et qu’ils souhaitaient les rendre obligatoires. Sans doute les pratiques diffèrent-elles un peu selon les territoires, d’où la nécessité d’organiser une mission à ce sujet.

Mme Nathalie Sarles. Les situations sont en effet variables. Nous avons tendance à opposer le collège des élus à celui des défenseurs du patrimoine naturel et agricole alors qu’ils devraient travailler en bonne intelligence. Sans doute conviendrait-il d’œuvrer en ce sens. Ces instances mériteraient d’être un peu dépoussiérées mais il importe, surtout, de revoir leur méthode de travail.

Mme Sophie Métadier. En tant qu’urbaniste, maire et vice-présidente d’une communauté de communes, j’ai assisté à des réunions de CDPENAF. Dans mon département, les avis – simples – sont suivis par le préfet. La réforme de la composition des commissions s’impose mais, d’ores et déjà, il me paraît de bonne politique qu’elles comptent un plus grand nombre d’élus en leur sein, tous n’étant pas opposés au « zéro artificialisation nette » (ZAN).

Mme Danielle Brulebois. La situation diffère en effet selon les départements, d’où la nécessité d’une réflexion. Les agriculteurs ne sont pas les seuls à être représentés : des collèges d’autres professions ou d’administrations y siègent mais ils ne sont jamais présents. Des places sont libres !

La commission adopte l’amendement, exprimant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 12 ter.

En conséquence, l’amendement CD222 de Mme Sandra Marsaud tombe.

Article 14 (art. L. 360-1 [nouveau] et L. 571-7 et chapitre III du titre VI du livre III du code de l’environnement ; art. L. 5211-9-2 et L. 5842-4 du code général des collectivités territoriales et paragraphe 4 [nouveau] de la sous-section 4 de la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l’urbanisme) : Création d’un pouvoir de police spéciale dans les espaces naturels protégés

Amendement CD173 de M. Lionel Causse.

M. Lionel Causse. Cet amendement fait suite à celui que nous avons voté dans la loi dite « climat et résilience » concernant l’hyperfréquentation des espaces naturels et donnant un pouvoir de police aux maires. Nous proposons qu’un tel pouvoir soit transféré à l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI) lorsqu’il est compétent en matière de protection des espaces naturels et à condition que tous les maires des communes membres de l’EPCI y soient favorables.

Cet amendement supprime également les dispositions relatives aux interdictions de dépose de passagers par aéronefs ainsi que celles permettant à un établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de schéma de cohérence territoriale (SCOT) d’établir un schéma de la desserte héliportée. Outre qu’une réglementation existe déjà, la sécurité publique, lorsqu’elle implique la direction générale de l’aviation civile (DGAC) ou d’autres organismes, ne relève pas de la compétence des EPCI.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je précise que si cet amendement est adopté, les suivants tomberont.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. La version adoptée par le Sénat est aujourd’hui en grande partie caduque suite à l’adoption de l’article 231 de la loi « climat et résilience ». Je remercie donc mes collègues pour cet amendement qui tire les conséquences de l’existence du nouvel article L. 360-1 du code de l’environnement, satisfaisant déjà la plupart des demandes du Sénat.

Il restait à préciser le rôle pouvant être joué par les présidents des EPCI ainsi qu’à supprimer les dispositions introduites au Sénat sur les schémas de desserte héliportée. C’est ce que font nos collègues avec cet amendement, auquel je donne un avis favorable.

La nouvelle rédaction de cet article faisant en effet tomber les amendements suivants, j’invite mes collègues à les retravailler pour la séance publique à partir du texte de la commission.

M. Emmanuel Maquet. J’ai en effet déposé des amendements concernant la surfréquentation des sites touristiques et la nécessité de préciser un certain nombre de points tant il y a des contentieux concernant certaines interdictions. Je retravaillerai en ce sens d’ici la séance publique.

M. Lionel Causse. Je vous prie de m’excuser mais j’ignorais que l’adoption de mon amendement ferait tomber les vôtres. Un nouveau travail sera en effet possible d’ici la séance publique.

La commission adopte l’amendement et émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements CD23 et CD31 de M. Emmanuel Maquet, CD80 de M. Alain Perea, CD30 de M. Emmanuel Maquet et CD102 de M. Dino Cinieri tombent.

Après l’article 14

Amendement CD79 de M. Alain Perea.

M. Alain Perea. La question que je vais évoquer est à mes yeux fondamentale, et pour mon territoire, et parce que je me suis battu, depuis le début de mon mandat, pour le respect des décisions prises par le législateur que nous sommes. Or, en l’occurrence, ce n’est pas le cas.

Lorsqu’ils ont voté la loi dite « littoral », nos prédécesseurs ont eu un rêve : que tous les Français puissent accéder à notre littoral. D’où l’impossible privatisation de la fameuse « bande des 100 mètres ». Ils ont également voulu que toutes les plages soient facilement accessibles sans qu’il soit pour autant possible d’y faire tout et n’importe quoi.

L’article L. 321‑9 du code de l’environnement dispose que « Sauf autorisation donnée par le préfet, après avis du maire, la circulation et le stationnement des véhicules terrestres à moteur autres que les véhicules de secours, de police et d’exploitation sont interdits, en dehors des chemins aménagés, sur le rivage de la mer et sur les dunes et plages appartenant au domaine public ou privé des personnes publiques lorsque ces lieux sont ouverts au public ».

Des chemins aménagés ont vu le jour, notamment sur la plage Napoléon, dans les Bouches-du-Rhône, dans ma circonscription, en raison de configurations particulières. Des plages de 8 kilomètres de long ne sont accessibles que par un seul point d’entrée. S’il est interdit aux véhicules terrestres à moteur d’y accéder, elles seront désertées, comme c’est d’ailleurs le cas de l’une d’entre elles, qui a été fermée.

Je me bats donc pour ces chemins aménagés. Or l’administration, déconcentrée ou centrale, m’assure ne pas savoir ce qu’ils sont. Cet amendement le précise donc afin que la volonté de nos prédécesseurs s’incarne.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. La loi « littoral » a inscrit à l’article L. 321-9 du code de l’environnement l’interdiction de rouler sur les plages en dehors des chemins aménagés. Vous avez raison de souligner qu’ils ne sont pas définis aujourd’hui juridiquement, ce qui peut compromettre l’application de la loi.

Néanmoins votre amendement pourrait aussi conduire à créer un droit de réclamation pour les particuliers qui souhaiteraient avoir accès à tous les sites de plage, ce qui pourrait compromettre l’équilibre de certains milieux naturels.

Le Gouvernement nous a indiqué vouloir travailler avec vous à une rédaction plus adéquate de cet amendement. Je vous propose donc de le retirer, ou bien je donnerai un avis défavorable… bienveillant.

Mme Nathalie Sarles.  Nous entendons cette préoccupation et nous constatons nous aussi la limite des textes que nous votons. Cet amendement, toutefois, doit être retravaillé avec le ministère, qui s’y est engagé oralement. Nous avons le temps, d’ici la séance publique, de trouver une solution pour votre territoire.

M. Lionel Causse. C’est en effet une vraie question, sur laquelle M. Perea est très engagé. Il est toutefois un peu surprenant de devoir en passer par la loi pour résoudre un problème local. La généralisation, par la loi, de cette mesure me semblerait assez dangereuse mais il faut en effet impérativement que le ministère accompagne les acteurs locaux.

M. Emmanuel Maquet. Je suis assez sensible à cette perspective d’amendement mais je rappelle que la loi comprend déjà un certain nombre de dispositifs concernant les constructions sur les plages, qui sont conditionnées à un motif d’intérêt général. Peut-être que le respect de l’esprit de la loi suffirait à résoudre le problème soulevé par M. Perea. Le groupe Les Républicains serait prêt à voter un amendement qui irait en ce sens.

M. Alain Perea. Je retire mon amendement, en espérant que cette discussion permettra au ministère de prendre conscience que des solutions s’imposent. Si tel ne devait pas être le cas, je le présenterai à nouveau dans l’hémicycle, où j’espère que nous prendrons les bonnes décisions.

L’amendement est retiré.

Amendement CD128 de M. Jean-Félix Acquaviva.

M. Jean-Félix Acquaviva. La collectivité de Corse est gestionnaire de différents parcs ou réserves, notamment la réserve de Scandola, les bouches de Bonifacio ou encore la vallée de la Restonica : cela représente en tout 40 % des espaces protégés de l’île.

Une pression touristique notable, notamment suite à la crise sanitaire, soulève des problèmes de gestion, d’où les débats autour de l’article L. 360-1 du code de l’environnement.

Les collectivités disposent de compétences élargies en matière de protection de l’environnement, notamment par l’article L. 332-2-2 du code de l’environnement. En Corse, l’initiative du classement en réserve naturelle appartient à la collectivité territoriale, le représentant de l’État pouvant toutefois lui demander de procéder au classement d’une réserve naturelle d’État mais, même dans ce cas-là, l’Assemblée de Corse en est saisie.

Par souci de cohérence, nous proposons que le président du conseil exécutif de Corse puisse exercer le pouvoir de réglementer, après avis des maires concernés.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. La rédaction actuelle de l’article L. 360-1 du code de l’environnement prévoit qu’il revient au préfet de département de prononcer des mesures d’interdiction ou de réglementation d’accès à des sites pour des raisons de protection écologique lorsque le périmètre visé dépasse le territoire d’une seule commune.

Toutefois, le même article rappelle que cette faculté ne s’exerce que sous réserve des pouvoirs dévolus en la matière aux autorités élues représentant les collectivités, notamment la collectivité de Corse. En outre, le préfet recherche avant toute action l’avis des maires dont la commune est concernée par la mesure.

Votre amendement introduirait un conflit entre les prérogatives du préfet et celui de la collectivité de Corse, ce qui serait contraire à la Constitution. En outre, il serait également inconstitutionnel, au sens de l’article 72 de la Constitution, de donner une forme de tutelle à une collectivité sur d’autres collectivités.

Avis défavorable.

M. Jean-Félix Acquaviva. Nous contestons formellement le caractère anticonstitutionnel de cette mesure.

Un tel transfert, possible à droit constant, est cohérent. C’est la configuration actuelle qui créera des frictions sur le terrain, alors que la collectivité de Corse gère la réserve de Scandola et les bouches de Bonifacio ! J’en appelle à la sagesse des commissaires.

La commission rejette l’amendement.

Article 14 bis (art. L. 1111‑10 du code général des collectivités territoriales) : Dérogation aux règles régissant le financement des opérations dont les syndicats mixtes d’aménagement et de gestion de parcs naturels régionaux sont maîtres d’ouvrage

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 bis non modifié.

Article 14 ter (art. L. 122-1 et L. 181-10 du code de l’environnement) : Obligation de consultation du syndicat mixte d’aménagement et de gestion de parc naturel régional pour les plans et projets soumis à évaluation et autorisation environnementale

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 ter non modifié.

Article 27 (art. L. 1123-1 et L. 2222-20 du code général de la propriété des personnes publiques ; art. L. 2243-1, L. 2243-3, L. 2243-4, L. 6213-7 et L. 6313-7 du code général des collectivités territoriales) : Biens sans maître et biens en état manifeste d’abandon

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 non modifié.

Article 27 bis (art. L. 161‑6-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Recensement des chemins ruraux

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement CD12 de M. Guy Bricout.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 bis modifié.

Article 27 ter (art. L. 161‑10-2 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime ; art. L. 3222-2 du code général de la propriété des personnes publiques) : Échange de chemins ruraux

Amendement CD180 de M. Jean-Marie Sermier.

M. Jean-Marie Sermier. Les chemins ruraux constituent un patrimoine essentiel de notre pays. Pendant des siècles, ils ont permis la desserte des villages, puis des parcelles, y compris forestières ; ils servent dorénavant de sentiers de randonnée mais gênent parfois l’exploitation des terres agricoles. Nous proposons de supprimer l’alinéa 4 de l’article 27 ter, ce qui rendrait possible l’échange de terrains. Cette pratique, aujourd’hui interdite, nous semble de bon sens : si l’on faisait en sorte que les chemins ruraux se situent en limite de parcelle, on faciliterait l’exploitation agricole tout en sauvegardant le patrimoine.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CD16 de M. Guy Bricout.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 ter modifié.

Article 27 quater : Révision des plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée par les départements

Amendement CD224 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. L’article 27 quater dispose que « le département révise le plan départemental des itinéraires de promenade et de randonnée pour tenir compte du recensement des chemins ruraux mené par les communes ». Nous proposons que cette mise à jour soit régulière et qu’elle soit effectuée tous les deux ans.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Votre intention est louable. Toutefois, les communes ne recensent pas leurs chemins ruraux tous les deux ans : aussi la révision biennale des plans départementaux des itinéraires de promenade et de randonnée ne me paraît-elle pas opportune. Du reste, cela pourrait occasionner une charge de travail supplémentaire inutile pour les départements, surtout si aucune commune n’a effectué de nouveau recensement au cours des deux dernières années. Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 27 quater non modifié.

Article 45 (art. L. 131-3, L. 131-9, L. 614-1, L. 624-1 et L. 635-1 du code l’environnement) : Octroi au préfet de la fonction de délégué territorial d'agences nationales

Amendement CD171 de Mme Nathalie Sarles.

Mme Nathalie Sarles. L’article 45 prévoit que le préfet de région est le délégué territorial de l’Agence de la transition écologique (ADEME) au niveau régional. Le Sénat y a introduit deux alinéas supplémentaires faisant du préfet de département le délégué territorial de l’Office français de la biodiversité (OFB) au niveau départemental.

S’agissant de l’ADEME, nous avons déjà eu l’occasion d’exprimer nos doutes et nos inquiétudes : il nous importe que cet organisme reste politiquement neutre et que nous ayons une vision nationale des fonds qu’il gère.

Quant à la disposition ajoutée par le Sénat concernant l’OFB, elle nous semble devoir être supprimée car elle perturberait la mise en place de cet organisme encore fragile, créé en janvier 2020. L’OFB travaille déjà en étroite collaboration avec les services déconcentrés de l’État, notamment dans le cadre des missions interservices de l’eau et de la nature (MISEN) où préfets et parquets valident conjointement les plans de contrôle départementaux interservices « police de l’eau et de la nature ». Il faudra peut-être que le ministère réfléchisse à une meilleure articulation entre le contrôleur et les contrôlés. En revanche, nous avons besoin que l’OFB continue de rendre ses avis environnementaux en toute indépendance, ce qu’il ne pourrait plus faire si ses délégations territoriales étaient placées sous l’autorité des préfets de département – il se trouverait alors en situation de conflit d’intérêts.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je suis moi aussi réservée s’agissant de cette disposition relative à l’OFB, dont je suis membre du conseil d’administration. Pour des raisons différentes, j’exprime également des réserves très fortes au sujet de la mesure relative à l’ADEME : en déléguant au niveau régional une partie des crédits d’investissement de l’agence, nous ne pouvons que réduire l’efficacité de son action.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 45 modifié.

Article 46 (art. L. 213-8, L. 213-8-1 et L. 213-9-2 du code de l’environnement) : Renforcement du rôle du préfet dans l’attribution des aides des agences de l’eau

Amendement CD287 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Dans sa rédaction initiale, l’article 46 prévoyait que le préfet coordonnateur de bassin porte à la connaissance du conseil d’administration de l’agence de l’eau les priorités de l’État et la synthèse des projets de l’État et des collectivités territoriales dans les domaines de compétence de l’agence et en lien avec les enjeux du territoire. Le Sénat a remplacé cette procédure par une présentation annuelle de ces informations, devant le comité de bassin, par les préfets de l’ensemble des départements constituant le bassin. Il a également imposé la notification, par les agences de l’eau, des échéanciers de versement des aides aux collectivités territoriales.

Le code de l’environnement accorde au préfet coordonnateur de bassin de nombreuses compétences en matière de planification de la politique de l’eau, de gestion quantitative, de prévention des inondations et de lutte contre les pollutions. Il lui donne également un rôle de coordination à l’échelle du bassin, qu’il exerce en s’appuyant sur les préfets de l’ensemble des départements concernés. Son positionnement lui permet d’avoir une vision d’ensemble de la politique de l’eau à l’échelle du bassin, et donc d’assurer le rôle qui lui est assigné par l’article 46 du présent projet de loi dans sa rédaction proposée par le Gouvernement. Pour ne pas alourdir le fonctionnement des instances de l’agence de l’eau, il est préférable que le préfet coordonnateur présente la synthèse des contributions des préfets de département – il est inutile que chacun d’entre eux vienne présenter les éléments relatifs à son département.

Les priorités de l’État sont d’ores et déjà communiquées au comité de bassin par un courrier de cadrage, en amont de la préparation de chaque programme d’intervention et de la révision de ces programmes. Il n’est donc pas nécessaire de les présenter à nouveau par un autre moyen. Il est par ailleurs essentiel d’effectuer une synthèse à l’échelle du bassin en y intégrant les enjeux de solidarité amont-aval.

En outre, il n’y a pas lieu de présenter individuellement les projets de l’État et des collectivités territoriales devant le comité de bassin, qui est une instance d’orientation stratégique. Il convient plutôt de les présenter au conseil d’administration de l’agence de l’eau, organe décisionnaire en matière d’attribution des aides.

Enfin, les bonnes pratiques des agences de l’eau et leur respect des procédures, sous le contrôle des services du ministère du budget, garantissent la régularité de l’attribution des aides. La rédaction votée par le Sénat est moins précise que l’ensemble des textes qui régissent le versement des aides. Par ailleurs, elle ne relève pas du champ législatif.

Pour toutes ces raisons, je propose un retour à la rédaction initiale de l’article 46.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 46 modifié.

Article 46 sexies (art. L. 1232-1 du code général des collectivité territoriales) : Conseil d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

Amendement de suppression CD288 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 46 sexies modifie la composition du conseil d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour introduire une parité entre les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, d’une part, et les représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations, d’autre part.

L’ANCT est un opérateur de l’État, financé par le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales via une subvention pour charges de service public. La composition du conseil d’administration de l’agence a donc vocation à donner une majorité aux représentants de l’État et de la Caisse des dépôts et consignations. Pour autant, la loi du 22 juillet 2019 prévoit que les représentants des collectivités occupent une place éminente dans la gouvernance de l’agence. En effet, ils détiennent dix sièges sur trente-trois au sein du conseil d’administration et exercent la présidence et la vice-présidence de l’ANCT. Par ailleurs, lorsqu’une délibération ne recueille pas la majorité des voix des représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements, elle n’est pas adoptée – le président du conseil d’administration doit alors inscrire à l’ordre du jour de la prochaine réunion du conseil une nouvelle délibération portant sur le même objet.

Pour toutes ces raisons, je vous invite à supprimer cet article.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 46 sexies.

Après l’article 46 sexies

Amendement CD225 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud. Au regard des expériences menées ces dernières années en matière de programmes de revitalisation des territoires ruraux, je propose de créer un nouveau collège au sein du conseil d’administration de l’ANCT. Il regrouperait les structures ou opérateurs intervenant dans le champ de l’ingénierie – par exemple, des représentants de l’Ordre des architectes, des agences d’urbanisme ou du monde universitaire. L’objectif est que ce collège étoffé apporte un éclairage professionnel et pluriel sur les travaux de l’agence.

Le conseil d’administration de l’ANCT compte actuellement de nombreux élus locaux et représentants des services de l’État. C’est très bien, mais l’agence gagnerait à faire appel à l’expertise de l’ingénierie, notamment de l’ingénierie privée, qui intervient énormément dans nos territoires et qui les connaît parfaitement.

Je souhaite en outre généraliser l’intégration de ces universitaires et professionnels dans les comités locaux de cohésion territoriale mis en place par arrêté des préfets de département. Une telle mesure ne peut pas figurer dans la loi : j’espère donc voir une forme de « ruissellement » de l’ingénierie privée dans les territoires ruraux qui en ont tant besoin. Dans le cadre de la mission d’information sur le rôle et l’avenir des commerces de proximité dans l’animation et l’aménagement du territoire, présidée par notre collègue M. Emmanuel Maquet, nous parlons beaucoup de ce sujet.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Le secteur de l’ingénierie privée n’a pas sa place au conseil d’administration de l’ANCT, instance chargée de définir la stratégie de l’agence au niveau national et de procéder à la répartition de son budget. Par ailleurs, le conseil d’administration comprend déjà plusieurs personnalités qualifiées, avec voix consultative. Avis défavorable.

M. Emmanuel Maquet. Je soutiens cet amendement sur le principe. En créant l’ANCT, nous avons voulu réunir autour de la même table un certain nombre de compétences pour faire évoluer les territoires. J’ai bien compris qu’il était difficile d’accorder aux représentants du secteur de l’ingénierie une voix délibérative, mais permettez-moi de vous faire remarquer que ce collège ne serait pas majoritaire au sein du conseil d’administration et qu’il ne pèserait donc pas outre mesure sur les orientations stratégiques de l’ANCT.

M. Alain Perea. J’irai dans le même sens que Mme Sandra Marsaud et M. Emmanuel Maquet. Les parcs naturels régionaux, par exemple, bénéficient de l’accompagnement de comités scientifiques qui leur permettent d’avoir une vision de terrain tout en s’appuyant sur le secteur de la recherche. J’ai beaucoup œuvré dans le domaine de l’aménagement du territoire et de l’urbanisme et je peux attester qu’à chaque fois que nous rencontrons des scientifiques, des chercheurs, des universitaires, nos échanges stimulent nos réflexions jusqu’à remettre en question ce que nous considérions comme acquis. Je comprends bien la réponse de M. le rapporteur pour avis, mais peut-être cet amendement mériterait-il d’être retravaillé en vue de la séance. Il serait très intéressant que l’ANCT puisse, après quelques années de rodage, évoluer dans cette direction.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’amendement de Mme Sandra Marsaud se limite à la représentation de l’ingénierie privée au sein du conseil d’administration de l’ANCT. Un certain nombre de personnalités qualifiées dont le profil correspond à ce qu’a évoqué M. Alain Perea y siègent.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous suggère, madame Sandra Marsaud, de retravailler votre amendement en vue des débats à la commission des lois ou en séance publique.

L’amendement est retiré.

Article 47 : Révision des contrats de cohésion territoriale

Amendement CD289 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à rétablir cet article, supprimé par le Sénat, afin d’effacer dans le code général des collectivités territoriales la référence au décret prévu par la loi du 22 juillet 2019 portant création d’une Agence nationale de la cohésion des territoires pour définir les modalités d’élaboration des contrats de cohésion territoriale.

Ces contrats constituent une catégorie générique pour désigner les contrats conclus entre l’État, d’une part, et les collectivités de niveau infrarégional et leurs groupements, d’autre part, respectant les principes énoncés dans la charte interministérielle de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales de 2019. Ils peuvent se décliner sous différentes formes, en fonction des priorités et du contexte local. Le contrat de cohésion territoriale relevant ainsi d’une logique de « labellisation », chaque dispositif est amené à faire l’objet, selon les cas, de dispositions législatives, réglementaires ou infraréglementaires spécifiques.

Le contrat de relance et de transition écologique (CRTE), détaillé par une circulaire du Premier ministre du 20 novembre 2020, constitue un premier exemple de contrat de cohésion territoriale, dont la vocation est de rassembler l’ensemble des dispositifs de l’État, quelle que soit leur thématique, au service d’une stratégie de développement local.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable au rétablissement de l’article 47.

Article 48 (art. 44, 45, 45-1 [nouveau], 46 et 47 de la loi n° 2013‑431 du 28 mai 2013 portant diverses dispositions en matière d’infrastructures et de services de transports) : Révision du statut, des missions et de la gouvernance du CEREMA

La commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 48 non modifié.

Article 49 (art. 27 et 27-2 de la loi n° 2000‑321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ; art. L. 5214‑16 et L. 5216‑5 du code général des collectivités territoriales ; art. 29 et 29-1 de la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire ; art. L. 221‑5 du code forestier ; art. 30 de la loi n° 2018‑727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance ; art. 30 de la loi n° 99‑533 du 25 juin 1999 d’orientation pour l’aménagement et le développement durable du territoire et portant modification de la loi n° 95‑115 du 4 février 1995 d’orientation pour l’aménagement et le développement du territoire) : Transformation des maisons de services au public en espaces « France Services »

Amendement CD290 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 49 inscrit dans la loi le rôle et les missions du réseau France Services, qui a vocation à remplacer les maisons de services au public, et précise la procédure de labellisation de ces structures.

L’alinéa 5 de l’article, introduit par le Sénat, prévoit que si un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre est signataire de la convention France Services, les maires des communes qui en sont membres sont préalablement associés au projet de convention, sans définir s’ils le sont par une consultation du conseil municipal ou par un autre moyen.

Même si l’association la plus large des élus concernés par un projet de France Services est souhaitable, une telle consultation relève du fonctionnement interne de l’établissement public de coopération intercommunale et n’a pas vocation à être inscrite dans la loi. L’amendement tend donc à supprimer cet alinéa 5.

La commission adopte l’amendement.

Elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 49 modifié.

Article 49 bis (art. L. 125-1 et L. 194-1 du code des assurances) : Création d'une commission consultative pour la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle

Amendement de suppression CD291 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’objet de l’article 49 bis, introduit par le Sénat, est de créer une commission consultative chargée d’émettre un avis sur les demandes de reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle. Il est satisfait par une proposition de loi dédiée aux catastrophes naturelles adoptée par les deux assemblées. Le présent amendement propose donc de supprimer l’article.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 49 bis.

Article 58 : Consultation facultative des collectivités territoriales étrangères limitrophes sur le schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET)

La commission donne un avis favorable au maintien de la suppression de l’article 58.

Article 58 bis (art. L. 4251-5 du code général des collectivités territoriales) : Association des départements à l’élaboration du SRADDET

Amendement de suppression CD270 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Il s’agit de supprimer cet article introduit par le Sénat, qui associe systématiquement les départements à l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET). En l’état actuel du droit, ils ne le sont que sur les aspects relatifs à la voirie et aux infrastructures numériques.

Il est logique d’associer les départements à l’élaboration du SRADDET s’agissant des compétences qui leur sont dévolues, et de ces seules compétences. C’est pourquoi il ne me semble pas souhaitable de modifier la procédure d’élaboration actuelle.

La commission adopte l’amendement, émettant ainsi un avis favorable à la suppression de l’article 58 bis.

Article 60 (art. L. 218-1, L. 218-3, L. 218-4, L. 218-8, L. 218-11 à L. 218‑13 du code de l’urbanisme ; art. L. 132-3 et L. 192 [nouveau] du code de l’environnement) : Élargissement du droit de préemption des terres agricoles sur les aires d’alimentation des captages d’eau potable

Amendement CD122 de M. Vincent Descoeur.

Mme Sylvie Bouchet Bellecourt. Cet amendement veut assurer une concertation préalable entre les collectivités et les SAFER (sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural), suffisamment en amont dans les projets locaux, afin d’articuler les objectifs poursuivis par le droit de préemption pour la préservation des ressources en eau destinées à la consommation humaine avec ceux définis au 1° du I de l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime

Il s’inscrit dans une logique de travail en bonne intelligence de tous les acteurs fonciers, tout en respectant l’esprit qui a inspiré l’élaboration du texte de l’article 60. Il renforce aussi la compatibilité entre l’agriculture et l’environnement. Il apporte une précision de bon sens, sans limiter la possibilité d’analyse et d’intervention des communes.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. Comme le prévoit l’article L. 218-2 du code de l’urbanisme, les communes, groupements de communes et désormais syndicats mixtes et établissements publics locaux doivent, pour exercer leur droit de préemption, obtenir un arrêté de la part du préfet, pris après consultation de la ou des SAFER concernées sur le périmètre du droit de préemption. Un premier lien avec les SAFER est donc fait dans cette procédure.

Votre amendement propose que le droit de préemption s’exerce en coopération avec les SAFER. Cela est déjà prévu à l’article L. 141-5 du code rural et de la pêche maritime : « Les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural peuvent, dans les conditions fixées par voie réglementaire, apporter leur concours technique aux collectivités territoriales et aux établissements publics qui leur sont rattachés ainsi qu’à l’État, pour la mise en œuvre d’opérations foncières et, notamment, des droits de préemption dont ces personnes morales sont titulaires. » Avis donc défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 60 non modifié.

Article 67 bis (art. L. 1233‑5 du code général des collectivités territoriales) : Instauration du comité social d’administration de l’Agence nationale de la cohésion des territoires

Amendement CD267 du rapporteur pour avis.

M. Jean-Claude Leclabart, rapporteur pour avis. L’article 67 bis vise à créer un comité social d’administration au sein de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, conformément aux dispositions de l’article 4 de la loi de transformation de la fonction publique, selon lequel « Dans toutes les administrations de l’État et dans tous les établissements publics de l’État ne présentant pas un caractère industriel ou commercial, il est institué un ou plusieurs comités sociaux d’administration ».

Le comité social d’administration se réunira en lieu et place des trois instances de concertation actuelles, à savoir le comité technique, le comité social et économique et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail. Afin de ne pas remettre en cause les mandats en cours, le présent amendement prévoit une entrée en vigueur différée : le comité social d’administration sera institué à l’occasion du prochain renouvellement général des instances représentatives du personnel de la fonction publique, en 2022.

La commission adopte l’amendement.

Elle donne un avis favorable à l’adoption de l’article 67 bis modifié.

Article 73 bis A (art. L. 365‑1 du code de l’environnement et L. 311‑1‑1 [nouveau] du code du sport) : Allégement de la responsabilité des propriétaires et gestionnaires de sites naturels ouverts au public

La commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 73 bis A non modifié.

Article 75 : Création à titre expérimental d’un état de calamité naturelle exceptionnelle en outre-mer

La commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 75 non modifié.

Article 83 bis A : Expérimentation en Guyane visant à remplacer l’obligation de réaliser une enquête publique par la participation du public

La commission donne un avis favorable à l’adoption de l’article 83 bis A non modifié.

Elle donne enfin un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.