N° 4754

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération
en matière de défense et au statut des forces,

PAR M. Didier QUENTIN

Député

——

AVIS

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES

PAR Mme Monica MICHEL-BRASSART

Députée

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 Voir le numéro : 4200.


 


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. la rÉpublique de maurice, acteur important dans l’ocÉan indien et partenaire traditionnel de la france

A. Maurice : Un acteur pivot dans la zone indopacifique

1. Une relation spéciale avec l’Inde

2. Une présence de la Chine

B. Des relations approfondies entre la France et Maurice

1. Des convergences politiques facilitées par une appartenance commune à des organisations régionales

2. Des échanges économiques et une coopération culturelle appuyées sur la francophonie

C. une coopÉration Étroite en matiÈre de sÉcuritÉ

1. Les coopérations en matière de sécurité intérieure et de sauvetage maritime

2. La coopération en matière de défense

II. un texte exhaustif couvrant la coopÉration de dÉfense et le statut des forces

A. Les stipulations en matiÈre de coopÉration de dÉfense

B. Les articles relatifs au statut juridique des forces

III. Une approbation nÉcessaire qui n’exclut pas des points d’attention

A. Une approbation indispensable

1. Une coopération de défense renforcée face à des défis communs

2. Une plus grande sécurité juridique pour le personnel militaire

B. des points de vigilance

1. Veiller à la préservation de la souveraineté française sur les îles Éparses, et notamment Tromelin

2. Poursuivre un dialogue politique sur l’État de droit

Avis fait au nom de la commission de la dÉfense nationale et des forces armÉes

Travaux de la commission des affaires ÉtrangÈres

TRAVAUX DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SAISIE POUR AVIS

Annexe  1 : texte adoptÉ par la commission des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE n° 2 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur au fond

Annexe  3 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure pour avis


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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie d’un projet de loi autorisant l’approbation d’un accord conclu entre la France et la République de Maurice, relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces.

Cet accord a été signé le 12 mars 2018 à l’occasion de la visite du secrétaire d’État Jean‑Baptiste Lemoyne à Port‑Louis pour le cinquantième anniversaire de l’indépendance de Maurice. Il contient des stipulations particulièrement utiles, tendant à apporter toute la sécurité juridique requise à la présence de notre personnel militaire sur place et à renforcer notre coopération de défense avec ce pays pivot de l’océan Indien, auquel nous lie une longue histoire commune depuis le temps où il s’appelait l’Isle de France…

 

 

 


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I.   la rÉpublique de maurice, acteur important dans l’ocÉan indien et partenaire traditionnel de la france

La République de Maurice est unie à la France par des relations anciennes. L’Île Maurice a en effet été colonie française pendant près d’un siècle, de 1715 à 1810, période pendant laquelle elle était appelée « Isle de France ». La langue française est aujourd’hui couramment parlée et enseignée à Maurice et constitue la base du créole mauricien. Maurice, compte tenu de sa situation géographique et de ses multiples attaches culturelles et historiques, joue par ailleurs un rôle important dans l’océan Indien, à la charnière de l’Afrique et de l’Indopacifique. Ces relations historiques et cette place particulière de Maurice constituent le fondement des coopérations existant entre cet État et la France.

A.   Maurice : Un acteur pivot dans la zone indopacifique

Ses dimensions modestes (1 865 km² de superficie et 1,1 million de km2 de zone économique exclusive, pour 1,27 million d’habitants) n’empêchent pas Maurice de jouer un rôle important dans l’océan Indien, en raison à la fois de sa position géographique stratégique et des multiples liens qui la relient à différents États et à différentes communautés.

1.   Une relation spéciale avec l’Inde

Pour des raisons communautaires, historiques et géographiques, Maurice entretient un lien privilégié avec l’Inde (« Mother India ») qui constitue son premier partenaire économique. Maurice et l’Inde sont liées par un accord de libre-échange. Plus de la moitié de la population mauricienne a des origines indiennes (plus précisément, liées à la péninsule indienne). L’hindouisme est la religion de 48,5 % des habitants.

Des cadres importants des forces armées mauriciennes sont de nationalité indienne. Tel est le cas, par exemple, du commandant des garde-côtes (National Coast Guard) et de ceux des principales unités maritimes et aéromaritimes. Au travers de dons d’équipements, de facilités financières et de patrouilles régulières en mer, l’Inde appuie la volonté mauricienne d’assurer la sécurité de sa ZÉE. La coopération technique entre les deux pays est dynamique (avec en moyenne une quinzaine de coopérants indiens). Des navires de guerre indiens font régulièrement escale à Port-Louis, dans le cadre de missions de coopération et de patrouilles communes. Les deux pays sont, par ailleurs, liés par un accord sur la sécurité maritime (Maritime security agreement) et par un accord portant sur le financement d’un réseau de radars côtiers. L’Inde exerce ainsi une réelle influence sur les décisions de défense de la République mauricienne.

Maurice a donné l’autorisation aux autorités de New Delhi de construire sur les îles d’Agalega des facilités maritimes et aériennes au profit de leurs forces armées. La construction de ces infrastructures s’inscrit dans le cadre de la stratégie, indienne (mais aussi américaine), tendant à répondre à la montée en puissance de la Chine (projet des « Routes de la Soie ») et au renforcement des capacités militaires de Pékin. Les autorités de Port‑Louis démentent, toutefois, officiellement la construction de ces facilités militaires, afin de ne pas heurter de front la Chine.

2.   Une présence de la Chine

Si les relations de Maurice avec la Chine sont moins étroites, elles n’en sont pas moins significatives. La Chine est un fournisseur et un investisseur clé. Un accord de libre-échange, conclu en 2019, lie les deux pays : environ 1 700 produits ont ainsi été déclarés éligibles à la levée des barrières tarifaires, dans le sens Maurice-Chine (sucres spéciaux, variétés de thés, etc.). De son côté, la Chine voit clairement Maurice comme un point d’entrée vers l’Afrique. Port‑Louis a accueilli positivement la « Route maritime de la soie » passant par ses eaux territoriales. On évalue, par ailleurs, à 5 % la part de la population mauricienne d’origine chinoise.

B.   Des relations approfondies entre la France et Maurice

Outre l’histoire partagée, la densité des relations entre la France et Maurice, dans de nombreux domaines, doit beaucoup à la proximité des départements et régions d’outre‑mer (DROM) de Mayotte et de La Réunion ([1]) où réside un million de citoyens français. La France est le seul pays de l’Union européenne à avoir une représentation diplomatique à Maurice. Si le Royaume‑Uni dispose bien d’un poste sur place, les relations anglo-mauriciennes ont toutefois fortement diminué, en raison notamment du différend relatif à la souveraineté sur l’archipel des îles Chagos dont la plus importante, Diego Garcia, a été louée aux États-Unis, depuis 1966 ([2]).

1.   Des convergences politiques facilitées par une appartenance commune à des organisations régionales

Créée en 1982 par le Déclaration de Port‑Louis, la Commission de l’Océan Indien (COI) est une organisation internationale regroupant cinq États insulaires : l’Union des Comores, la France (depuis décembre 2020) au titre de La Réunion, Madagascar, les Seychelles et Maurice (qui abrite son siège). La COI comprend également, à titre de membres observateurs, l’Inde, la Chine, le Japon, les Nations unies (depuis 2020), l’Union européenne (depuis 2016), l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) et l’Ordre de Malte. Membre observateur depuis mars 2020, le Japon, en particulier, a eu l’occasion de manifester son intérêt pour une coopération renforcée avec la COI et pourrait soutenir un certain nombre de ses projets.

La COI offre un cadre propice à la coopération entre Maurice et la France, qui en ont toutes deux assuré la présidence (la première entre mars 2017 et septembre 2018, la seconde depuis mai 2021 et jusqu’en mars 2022). Toutes deux jouent un rôle moteur au sein de l’organisation. La COI remplit un rôle clé pour la stabilité et le développement du sud-ouest de l’océan Indien. Les projets qu’elle porte bénéficient de financements élevés, consentis en particulier par l’Union européenne et l’Agence française de développement (AFD). La présidence française de la COI a fixé, dans la perspective des réunions ministérielles de novembre 2021 et de février 2022, des objectifs ambitieux, par exemple en matière de formation et de mobilité étudiante inter-îles (« Erasmus » de l’océan Indien) ou d’économie bleue. La présidence française de la COI a ainsi pris l’initiative d’élargir à toute la région du sud-ouest de l’océan Indien (Madagascar, Seychelles, Comores, Afrique du Sud, Mozambique, Kenya, Tanzanie, Maurice) la « Journée de l’économie bleue », qui existait jusqu’alors, seulement aux Seychelles (depuis le 17 juillet 2017).

La France et Maurice coopèrent par ailleurs au sein de l’Association des pays riverains de l’Océan Indien (Indian Ocean Rim Association, IORA), dont le siège est aussi situé à Maurice. Fondée en 1997, l’IORA comprend 23 membres (auxquels s’ajoutent des « partenaires de dialogue »). La France en est membre depuis décembre 2020. Il s’agit d’une structure légère qui porte des projets concrets, notamment dans les domaines de l’environnement et du développement durable. Ses groupes de travail visent des secteurs précis, comme l’économie bleue ou la gestion des pêches.

Partenaires au sein de ces deux organisations, la France et Maurice ont des approches largement convergentes sur les questions régionales, avec notamment la volonté de coopérer avec un continent africain qui a, globalement, amorcé une dynamique de développement (croissance annuelle de + 5 % par an) et constitue désormais un nouveau relais de croissance, au côté de la Chine et l’Inde. Le ministre des finances et du développement économique, M. Renganaden Padayachi, était présent au Sommet sur le financement des économies africaines organisé le 18 mai 2021 à Paris. Le ministre de l’environnement, M. Ramano, a, quant à lui, participé au Sommet « Ambition Africa » qui s’est tenu à Paris le 5 octobre dernier.

La France et Maurice partagent aussi un même engagement en vue de répondre aux enjeux du développement durable et relever les défis de préservation du climat et de la biodiversité terrestre et océanique. Maurice a ainsi été l’un des premiers États à ratifier l’Accord de Paris de 2015 sur le climat ; elle fait, en effet, partie du groupe des « petits États insulaires en développement ([3]) » (PEID), les plus menacés par la montée du niveau des océans et les événements climatiques extrêmes (inondations soudaines, risques de tsunami, etc.).

2.   Des échanges économiques et une coopération culturelle appuyées sur la francophonie

La France constitue, après l’Inde et la Chine, le troisième partenaire commercial de Maurice (815 M€ d’échanges en 2019, +22 % par rapport à 2018), son premier client (devant le Royaume-Uni et les États-Unis), son quatrième fournisseur (après l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud), le premier investisseur étranger dans le domaine productif (près de 170 entreprises, dont 40 dont la maison‑mère est réunionnaise) et le premier pourvoyeur de touristes (440 000 Français sur 1,38 million de touristes en 2019, soit 32 % du total). 31 % de ces touristes français sont originaires de La Réunion. En janvier 2011, la France et Maurice ont signé un accord-cadre sur la coopération régionale entre La Réunion et Maurice qui identifie dix secteurs de coopération prioritaire (tourisme, développement durable, agro-industrie, santé, etc.) entre ces territoires.

La France est également l’un des principaux partenaires bilatéraux de Maurice en termes d’aide publique au développement. Depuis la réouverture de son agence à Port‑Louis en 2006, l’Agence française de développement (AFD) a réalisé 1 170 M€ d’engagements bruts à Maurice, pour l’accompagner face aux enjeux du changement climatique. L’AFD est aujourd’hui le deuxième bailleur de fonds bilatéral, après la Chine. Ses interventions s’inscrivent dans le cadre du mandat de croissance verte et solidaire de l’Agence et de l’ « agenda climat » (contribution à la réalisation des objectifs de l’Accord de Paris). Maurice étant un « pays à revenu intermédiaire tranche supérieure » (PRITS), l’AFD y intervient essentiellement sous forme de prêts, parfois bonifiés, accompagnés d’expertise technique et de renforcement de capacités.

En sens inverse, Maurice est le premier investisseur étranger à La Réunion, avec plus de 44 millions d’euros d’investissements sur la période 2015‑2018. En 2018, les importations réunionnaises en provenance de Maurice s’élevaient ainsi à 30,2 M€, contre 8,3 M€ d’exportations réunionnaises vers Maurice.

La France et Maurice coopèrent, par ailleurs, en matière de formation, d’éducation, d’enseignement supérieur et de recherche, avec des programmes de bourses adaptés. Le 5 février 2016 est entré en vigueur un protocole additionnel à l’accord de coopération culturelle et technique du 22 juin 1970 entre la France et Maurice. La coopération universitaire et de recherche est soutenue par la mise en œuvre, en 2020, du réseau des études françaises à Maurice, fédérant l’offre supérieure française et assurant sa promotion en Afrique et dans l’océan Indien, et par la formalisation en 2019 d’un « partenariat Hubert Curien ([4]) » sur la mobilité des chercheurs. Baptisé « Le Réduit ([5]) », ce partenariat vise à encourager et à financer les projets de recherche bilatéraux, notamment dans les domaines des sciences appliquées, de la santé, des sciences vétérinaires et agronomiques, de la biologie et des biotechnologies.

La France soutient aussi, à travers l’Agence pour l’enseignement du français à l’étranger (AEFE), un réseau d’écoles françaises, constitué de cinq établissements et scolarisant 5 000 élèves dont les deux tiers ont la nationalité mauricienne. Des formations à la langue française sont dispensées par l’Alliance française. Un Institut français est implanté à Beau Bassin-Rose Hill, à l’ouest de l’île.

Ces échanges économiques et culturels s’appuient sur la francophonie qui unit Maurice et la France. Aucune langue officielle n’est mentionnée dans la Constitution mauricienne mais le français en tient lieu, à l’égal de l’anglais. À Maurice, le nombre de locuteurs du français était évalué à 942 000 en 2010 ; la littérature francophone y est particulièrement florissante ([6]). Maurice est membre de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF). Port-Louis participe activement, par ailleurs, à l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF).

C.   une coopÉration Étroite en matiÈre de sÉcuritÉ

1.   Les coopérations en matière de sécurité intérieure et de sauvetage maritime

En matière de sécurité, des coopérations existent déjà entre la France et Maurice, qui ont fait l’objet d’accords. C’est ainsi qu’un accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure a été signé, le 13 juin 2008, afin d’encadrer juridiquement la coopération opérationnelle et technique dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale. La mise en œuvre de cet accord est facilitée par la présence d’un attaché de sécurité intérieure pour Maurice, résidant à Madagascar.

Un accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes a également été signé en 2012. Il vise à donner un cadre à la coopération entre la France et Maurice, en permettant aux autorités responsables des opérations de recherche et de sauvetage en mer de coordonner leur réponse, en cas de détresse en mer menaçant des vies ou des biens. L’accord vise à renforcer la coordination notamment entre les Centres de coordination de sauvetage maritime (MRCC ([7])).

2.   La coopération en matière de défense

En matière de défense, il existe également entre la France et Maurice une coopération relativement ancienne et importante qui s’appuie sur la proximité géographique de La Réunion (où réside l’attaché de défense pour Maurice). Un accord de coopération militaire avait été conclu, dès 1979, afin de définir le statut des coopérants militaires techniques français mis à disposition pour l’organisation et l’instruction des forces armées de Maurice, mais il n’avait pas été ratifié par celle-ci. Cette coopération s’est sensiblement renforcée, depuis 2018, avec en arrière‑plan le rapprochement entre Paris et la Nouvelle‑Dehli. Cette volonté de renforcer la coopération de défense franco-mauricienne s’est manifestée par la signature, le 9 novembre 2018, d’une déclaration d’intention sur la coopération bilatérale de défense ([8]). Il s’agissait d’un engagement de nature politique qui visait à relancer la coopération dans le domaine de la défense, en particulier dans son volet naval, et à accroître la lutte contre le trafic de drogue et la pêche illégale dans l’océan Indien. La déclaration prévoyait, en outre, un exercice bilatéral d’ampleur dénommé Phoenix.

Du côté français, la coopération est essentiellement assumée par les Forces armées de la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) ([9]), stationnées à La Réunion et à Mayotte. Ayant pour principales missions la protection des ressortissants français et la contribution à la sécurité de la région, les FAZSOI assistent et coopèrent avec les États partenaires, en vue de renforcer l’efficacité de leurs forces armées. La coopération opérationnelle porte essentiellement sur la lutte anti‑terroriste et la sécurité maritime. Elle donne lieu à des échanges entre unités « NEDEX » (Neutralisation, Enlèvement, Destruction d’Explosifs), à des entraînements communs entre le 2ème Régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) et les forces spéciales mauriciennes et à des stages d’aguerrissement, au centre commando de La Réunion. En moyenne, hors contraintes liées à la crise sanitaire, les FAZSOI conduisent une dizaine d’activités annuelles et contribuent à la formation d’environ 150 à 200 policiers mauriciens.

Plusieurs exercices régionaux conduits par les FAZSOI ont associé les forces de sécurité mauriciennes. Précisons que Maurice ne dispose pas, à proprement parler, d’une armée, mais d’une force de police dotée de trois composantes aux compétences élargies. Première composante, la Mauritius Police Force (MPF) comprend environ 13 400 hommes. Ses forces aéromaritimes (Maritime Air Squadron) disposent de trois avions, pilotés surtout par des militaires indiens. L’Helicopter Squadron est composé de six hélicoptères, pour la plupart de conception française. Les Special Mobile Forces (SMF), qui constituent la deuxième composante, disposent de onze véhicules de l’avant blindés (VAB). Enfin, la National Coast Guard, dernière composante, possède une flotte moderne de sept patrouilleurs hauturiers et de dix embarcations d’interception rapides.

L’exercice Papangue, organisé du 13 au 18 avril 2018 à La Réunion avec les forces malgaches, seychelloises et comoriennes, a permis un entraînement à l’exécution d’une opération interarmées et interalliée d’évacuation de ressortissants par voies terrestre, maritime et aérienne. L’exercice Varatraza, conduit du 16 au 23 avril 2019 avec les forces malgaches, seychelloises et comoriennes, a eu pour but de contribuer à l’opérationnalisation de la Commission de l’Océan Indien (COI). L’exercice Phoenix, premier exercice bilatéral entre les FAZSOI et les forces mauriciennes, a mobilisé, entre le 17 et le 22 novembre 2019, 130 officiers mauriciens, ainsi qu’une centaine de militaires français, en vue de perfectionner l’interopérabilité des armées dans la lutte contre le narcotrafic. Ce dernier exercice a permis également un rapprochement constructif avec les cadres indiens. Des officiers de police mauriciens sont par ailleurs accueillis dans les écoles françaises de formation, présentes sur le continent africain.

Les bâtiments des FAZSOI stationnés à l’île de la Réunion sont réparés dans les chantiers navals de Maurice. Celle-ci constitue un arrêt technique délocalisé pour les bâtiments de la Marine nationale. Le nombre d’escales est variable : cinq à dix en moyenne annuelle, totalisant une présence sur le territoire mauricien pouvant atteindre 120 jours (l’épidémie de la covid a, toutefois, entraîné un ralentissement avec seulement trois escales depuis mars 2020). Le maintien d’une relation de bon voisinage est essentiel pour continuer de bénéficier d’un accès aux chantiers navals de Port‑Louis afin d’assurer la maintenance technique de nos bâtiments.

II.   un texte exhaustif couvrant la coopÉration de dÉfense et le statut des forces

En juin 2014, l’ambassade de France à Maurice, en accord avec le commandant supérieur des FAZSOI, a recommandé la négociation d’un accord intergouvernemental avec les autorités mauriciennes. Les discussions ont abouti à un accord signé, le 12 mars 2018, par le ministre mauricien de la Défense, Sir Anerood Jugnauth, et le secrétaire d’État Jean-Baptiste Lemoyne. Il s’agit du premier accord bilatéral conclu par la France avec Maurice, dans le domaine de la défense. Conclu pour une durée de cinq ans, l’accord est renouvelable tacitement ; il peut être dénoncé à tout moment, en respectant un délai de notification (article 22). Les différends éventuels portant sur son interprétation ou son application seront réglés par voie de consultations diplomatiques (article 21).

Consacré à des définitions, l’article 1er précise en particulier que la « partie d’envoi » est celle dont relève le personnel militaire et civil qui se trouve sur le territoire de l’autre partie et que la « partie d’accueil » désigne celle qui accueille le personnel militaire et civil de la partie d’envoi, que ce soit en séjour ou en transit.

A.   Les stipulations en matiÈre de coopÉration de dÉfense

Aux termes de l’article 2, la France et Maurice « conviennent de développer une coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité ». L’objet de l’accord est de définir les principes de cette coopération et de définir un statut juridique pour les membres du personnel de la partie d’envoi se trouvant en séjour ou en transit sur le territoire de la partie d’accueil.

Les parties conviennent de coopérer dans les domaines notamment de la politique de défense et de sécurité, de l’organisation et du fonctionnement des forces armées, des opérations humanitaires ou de maintien de la paix et des scolarités militaires (article 4). Cette coopération peut revêtir la formes d’activités de formation, d’entraînement, de soutien logistique, de conseil aux forces mauriciennes, d’envoi ou d’échange d’experts techniques, de transits, de stationnement temporaire ou encore d’escales aériennes ou maritimes. Les forces de la partie d’envoi sont autorisées, pour la mise en œuvre de ces coopérations, à entrer et à circuler sur le territoire de la partie d’accueil, y compris dans ses eaux territoriales et son espace aérien.

L’article 5 pose un principe fondamental selon lequel les membres du personnel de la partie d’envoi présents sur le territoire de la partie d’accueil « ne peuvent en aucun cas être associés à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre ni à des actions de maintien ou de rétablissement de l’ordre, de la sécurité publique ou de la souveraineté nationale, ni intervenir dans ces opérations ». Cet article impose aussi aux membres du personnel de la partie d’envoi une obligation générale de respect de la législation de la partie d’accueil.

Il appartient à la partie d’envoi de formuler les demandes d’autorisation de survol et d’atterrissage de ses aéronefs militaires sur le territoire de la partie d’accueil, et de respecter les préavis réglementaires d’information prévus dans l’autorisation annuelle de survol délivrée par celle-ci (article 16).

La partie d’envoi peut importer sur le territoire de la partie d’accueil, sous le régime dit de l’ « admission temporaire », en exonération de droits et de taxes et pour une période de vingt-quatre mois prorogeable, des matériels destinés à son usage exclusif, moyennant le dépôt d’un certificat auprès des autorités douanières de la partie d’accueil (article 18).

Les articles 17 et 19 contiennent des précisions sur les facilités logistiques et de stockage que les parties se mettent mutuellement à disposition. L’article 20 donne à la partie d’envoi la possibilité d’installer et de mettre en œuvre ses propres systèmes de communication, après autorisation de la partie d’accueil.

La France et Maurice expriment, par ailleurs, leur volonté de conclure ultérieurement un accord bilatéral de sécurité qui régira leurs échanges d’informations et de matériels classifiés (article 15).

B.   Les articles relatifs au statut juridique des forces

L’article 6 de l’accord autorise les membres du personnel de la partie d’envoi, ainsi que les personnes à leur charge, à pénétrer sur le territoire de la partie d’accueil et à quitter celui-ci, sous réserve de détenir un passeport et un visa et moyennant la communication préalable de leur identité aux autorités de la partie d’accueil. Le même article prévoit une franchise pour l’importation de leurs effets personnels, pour la durée de leur séjour et dans les limites compatibles avec un usage familial.

Les membres du personnel de la partie d’envoi revêtent l’uniforme et les insignes militaires de leur force (article 7). Ils peuvent, pour les besoins du service, détenir et porter une arme de dotation, mais ils sont tenus de se conformer à la législation de la partie d’accueil en la matière.

En application de l’article 8, les personnes titulaires d’un permis de conduire, délivré par les autorités de la partie d’envoi, les autorisant à conduire les véhicules militaires sont autorisées à les conduire sur le territoire de la partie d’accueil.

La compétence en matière de discipline revient exclusivement aux autorités de la partie d’envoi (article 9).

Les articles 10 et 11 comportent des précisions en matière d’accès aux services de santé et de décès. Aux termes de l’article 12, la domiciliation fiscale des membres du personnel et des personnes à leur charge est fixée dans leur État d’origine, à moins qu’ils n’exercent une activité professionnelle propre.

En matière pénale, l’article 13 de l’accord prévoit un partage de juridiction. Les infractions commises par un membre du personnel de la partie d’envoi ou par une personne à sa charge relèvent en principe de la compétence des juridictions de la partie d’accueil. Cette compétence est toutefois dévolue prioritairement aux autorités compétentes de la partie d’envoi lorsque le comportement reproché a été accompli dans le cadre du service ou lorsqu’il a été porté atteinte aux biens ou à la sécurité de la seule partie d’envoi ou du personnel de celle-ci.

En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d’accueil, la personne concernée bénéficie des garanties du droit à un procès équitable ([10]), et en particulier du droit à être jugé dans un délai raisonnable, à être représentée ou assistée, à bénéficier d’un interprète, à communiquer avec un représentant de son ambassade, à être informée des accusations portées contre elle et à ne pas se voir appliquer de rétroactivité de la loi pénale. Rappelons ici que la peine de mort, si elle existe dans le droit mauricien, fait toutefois l’objet d’un moratoire depuis plusieurs années.

Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l’État d’accueil, l’accord prévoit que ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l’État d’envoi.

Enfin l’article 14 pose le principe de la renonciation de chaque partie à tout recours contre l’autre partie pour des dommages causés à ses biens ou à un membre de son personnel, en raison d’actes ou de négligences commis dans l’exercice des fonctions officielles qui découlent de l’accord, sauf en cas de faute lourde ou de faute intentionnelle.

III.   Une approbation nÉcessaire qui n’exclut pas des points d’attention

L’approbation du présent accord apparaît indispensable, non seulement pour approfondir une coopération de défense face à des défis communs, mais aussi pour apporter toute la sécurité juridique requise aux militaires des deux parties, appelés à se rendre sur le territoire de l’autre État. Il n’en appartient pas moins aux autorités françaises de demeurer vigilantes, tant sur le respect de notre souveraineté que sur l’approfondissement de l’État de droit chez notre partenaire.

A.   Une approbation indispensable

1.   Une coopération de défense renforcée face à des défis communs

Compte tenu de leur voisinage, la France et Maurice sont confrontés à des défis communs dans l’océan Indien. Il est donc essentiel que la France apporte sa contribution à la sécurité de Maurice.

Les principales préoccupations de Maurice portent sur la surveillance et la protection de son espace maritime, en particulier contre la pêche illégale et les trafics, notamment de stupéfiants. Maurice est touchée par le développement de la consommation d’héroïne, souvent en provenance d’Afghanistan. Ce trafic s’élargit à d’autres drogues, dont le cannabis et la méthamphétamine. Ce problème touche plus largement l’ensemble des pays de la Commission de l’Océan Indien (COI). Les autorités mauriciennes souhaitent, grâce à la coopération avec la France, faire monter en puissance et en efficacité leurs garde‑côtes.

La sécurité maritime inclut également une dimension écologique, comme l’ont rappelé douloureusement l’échouage du vraquier japonais (sous pavillon panaméen) Wakashio le 25 juillet 2020, sur un récif corallien au sud de Maurice et la marée noire qui en a résulté. Port-Louis, est en revanche, largement préservé pour l’instant des conséquences du développement de la piraterie, au large des côtes d’Afrique orientale.

La question de l’expansion de l’islam radical, voire du terrorisme, commence aussi à inquiéter les autorités mauriciennes. Une trentaine de ses ressortissants auraient rejoint l’État islamique. Des tags contre la France ont été signalés et un tir de calibre 12 a visé l’ambassade en 2016, dans le contexte de l’affaire des caricatures du prophète. La montée en puissance des djihadistes au Cabo Delgado, dans le nord-est du Mozambique, constitue une source d’inquiétude, surtout pour les Comores et Mayotte, mais pourrait indirectement fragiliser Maurice. Ces différentes collectivités commencent à prendre conscience de la nécessité de faire face ensemble à cette menace.

Le présent accord de défense offre un cadre juridique à la coopération de défense franco-mauricienne pour répondre à ces différents défis.

2.   Une plus grande sécurité juridique pour le personnel militaire

Le présent accord constitue ce qu’il est convenu d’appeler un « SOFA » (Status of Forces Agreement). Il définit les conditions d’entrée et de séjour, de conduite de véhicule, ainsi que de port d’arme et d’uniforme, les règles en matière de discipline, l’accès aux services de santé ou encore les règles juridictionnelles applicables en cas de commission d’une infraction. Faute d’un tel accord, ces questions doivent se régler par la voie de consultations diplomatiques, ce qui crée une forte insécurité juridique. Un incident survenu au début des années 2000, lors d’une escale, au cours de laquelle un accident de circulation, impliquant un marin français, a eu lieu, a mis en lumière les inconvénients de ce vide juridique.

La ratification et l’entrée en vigueur du présent accord assureront une pleine protection à nos forces, mais aussi aux militaires mauriciens appelés à se rendre sur notre territoire. La mise en place de ce cadre juridique pérenne facilitera le déploiement de militaires français sur le territoire mauricien. Elle fixera un cadre clair pour les actions de formation et de coopération, conduites alternativement sur les sols mauricien et français et elle dynamisera plus généralement la coopération bilatérale, en facilitant la préparation des exercices conjoints entre nos forces.

B.   des points de vigilance

1.   Veiller à la préservation de la souveraineté française sur les îles Éparses, et notamment Tromelin

L’île française de Tromelin, située à environ 560 kilomètres au nord de La Réunion, appartient au district des îles Éparses de l’océan Indien qui est rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises (TAAF). Elle est revendiquée par la République de Maurice (avec bien entendu la ZÉE correspondante).

Certes ce sujet ne constitue pas un point bloquant de nature à nuire significativement à notre relation avec Maurice. Le désaccord n’a pas la même intensité que celui qui oppose Maurice au Royaume-Uni à propos des îles Chagos. À l’Assemblée générale des Nations unies, le Premier ministre mauricien se contente de rappeler leur revendication sur un mode « coopératif ».

Un accord de cogestion économique, scientifique et environnementale de l’île et de ses espaces environnants (mer territoriale et ZÉE) avait été signé par les autorités françaises et mauriciennes, le 7 juin 2010. Cet accord, prévu pour une durée de dix ans, portait notamment sur les recherches archéologiques sur l’île, l’exploitation des ressources halieutiques et la protection de l’environnement. Cet accord n’a jamais été ratifié par la France, en raison de l’opposition de nombreux parlementaires français qui y ont vu un premier pas vers la reconnaissance de la légitimité des prétentions mauriciennes.

Votre rapporteur tient à mettre en garde contre toute velléité de réintroduire ce type d’accord de cogestion et, plus généralement, contre toute initiative de nature à fragiliser la souveraineté française sur l’île de Tromelin, et a fortiori contre tout recours à une médiation ou à une procédure arbitrale ou juridictionnelle. Au-delà de Tromelin, ce type d’initiative pourrait d’ailleurs avoir un impact sur les autres différends relatifs à des possessions françaises d’outre‑mer, en particulier celui avec Madagascar à propos des îles Éparses, situées dans le Canal du Mozambique.

La ratification et la mise en œuvre du présent accord de défense ne sauraient donc, en aucun cas, être interprétées comme un premier pas vers un quelconque rapprochement sur la question de Tromelin. Bien au contraire, ils doivent asseoir et renforcer encore la légitimité et la réalité de la présence française dans l’océan Indien.

2.   Poursuivre un dialogue politique sur l’État de droit

La démocratie mauricienne est un régime parlementaire d’inspiration britannique, où le Premier ministre est le chef de l’exécutif. Le président de la République est élu par le Parlement, sur motion du Premier ministre. Au cours de la dernière décennie, la situation des droits de l’homme à Maurice s’est considérablement améliorée, si bien que le pays est souvent perçu sur le continent africain comme un exemple en matière de respect de l’État de droit. Le cadre constitutionnel et législatif garantit le respect des libertés fondamentales. Maurice a, par ailleurs, institué une Commission nationale des droits de l’homme, conforme aux principes de Paris sur les institutions nationales de protection des droits de l’homme ([11]).

De nets progrès ont aussi été réalisés en matière d’égalité entre les femmes et les hommes (loi sur l’égalité des chances de 2012, modification à la loi sur les droits en matière d’emploi, afin d’établir le principe de l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale en 2013). Maurice est l’un des seuls pays du continent africain à disposer d’un cadre légal pour l’interdiction des discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Maurice est également l’un des huit États du continent africain à avoir signé la Déclaration des Nations unies relative à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre de 2008. Maurice est enfin sortie récemment de la « liste grise » (juridictions sous surveillance) du GAFI (Groupe d’action financière).

Pour autant, la situation des droits de l’homme demeure fragile à plusieurs égards. En dépit des avancées enregistrées, la persistance de normes et de pratiques culturelles discriminatoires envers les femmes se traduit par une faible représentation de celles-ci sur le marché du travail et à des postes de décision dans le secteur public. On a pu observer, dans certains cas, un usage excessif de la violence par les forces de l’ordre. Malgré des mesures prises afin d’alléger la surpopulation carcérale, les conditions de détention sont toujours préoccupantes et le pays compte une proportion importante de prévenus, détenus en attente de jugement (64,8 % au 19 juin 2020). L’absence de loi sur le financement des partis politiques constitue une lacune regrettable. S’il n’y a certes pas de climat hostile envers les journalistes et les médias, des peines de prison ferme ont parfois été prononcées pour des publications qualifiées d’outrages à l’ordre public. Alors que le pays occupait la 55ème place du classement de Reporters sans frontières en 2012, son évaluation s’est ensuite fortement dégradée (70ème place en 2014, 68ème en 2015) avant de remonter à la 56ème place en 2020. Les filières de traite des êtres humains, notamment de personnes originaires d’Asie du Sud, paraissent enfin relativement bien implantées à Maurice.

Maurice a donc encore des progrès à réaliser pour consolider son État de droit et renouveler un modèle politique quelque peu figé. La France doit s’appuyer sur ses liens d’amitié anciens avec Maurice et sur ses multiples accords de coopération avec ce partenaire traditionnel, pour l’y aider. La France doit, à cet effet, maintenir un dialogue politique étroit et régulier avec les autorités de Port‑Louis et intensifier ses liens avec la société civile mauricienne, gage de vitalité démocratique.

 


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   Avis fait au nom de la commission de la dÉfense nationale et des forces armÉes

La France et la République de Maurice entretiennent d’excellentes relations bilatérales, empreintes d’une coopération dense et dynamique notamment dans le domaine de la défense. La vigueur de la relation franco-mauricienne s’est notamment manifestée, depuis le début de la législature, par la visite à La Réunion du ministre de la Défense et de Rodrigues Sir Anerood Jugnauth à l’occasion du forum « Choose La Réunion » ([12]) ou encore de la visite du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères Jean-Baptiste Lemoyne à Port Louis afin de commémorer le cinquantenaire de l’indépendance de la République mauricienne, le 12 mars 2018.

Pour la France, Maurice représente un partenaire de confiance face à l’accroissement des tensions et la militarisation de l’espace indopacifique. Également membre de la Commission de l’océan Indien (COI) et de l’Indian Ocean Rim Association (IORA), Maurice participe activement aux réflexions stratégiques régionales visant à stabiliser la zone et à favoriser le dialogue entre États voisins.

Plus encore, sa proximité géographique avec La Réunion favorise les échanges bilatéraux militaires avec les Forces armées de la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI), stationnées à La Réunion. Bien que ralentie par la pandémie de Covid-19 à raison de la fermeture des frontières, la coopération entre nos deux États dans le domaine de la défense et de la sécurité est dynamique. Axée sur des problématiques de lutte antiterroriste et de sûreté maritime, l’implication des FAZSOI vise à conduire une dizaine d’activités annuelles et à contribuer à la formation d’officiers mauriciens.

Pour autant, si la coopération en matière de défense était initialement prévue par un Accord particulier de coopération militaire signé en 1979, non-ratifié par la République de Maurice, la couverture juridique des personnels des forces françaises déployés sur le sol mauricien reste fragile, malgré la signature, en 2008, d’un accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure puis, en 2012, d’un accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes. C’est dans ce contexte qu’a été signé, le 12 mars 2018 à Port-Louis, l’accord relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces dont l’approbation est aujourd’hui soumise à l’Assemblée nationale. Depuis lors, la signature d’une déclaration d’intention en matière de coopération et de défense, le 9 novembre 2019, est venue conforter le renforcement du cadre de la relation bilatérale dans le champ de la sécurité et de la défense.

Si, comme le prévoient les dispositions du Règlement de l’Assemblée nationale, c’est à la commission des Affaires étrangères qu’il revient d’examiner « au fond » le projet de loi approuvant cet accord, la commission de la Défense nationale et des forces armées s’en est naturellement saisie, pour avis. Ses stipulations sont relativement classiques comparativement aux accords similaires signés avec d’autres États, et n’appellent d’ailleurs pas de commentaire particulier. C’est pourquoi, la rapporteure pour avis soutient pleinement l’approbation de cet accord de défense, qui permettra d’approfondir encore davantage notre coopération dans les domaines de la défense et de la sécurité.

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Source : ministère de l’Europe et des Affaires étrangères.


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I.   Bien que modeste, Maurice constitue un partenaire important des FAZSOI

A.   Les FAZSOI, pierre angulaire du dispositif français dans l’océan Indien

Au travers de La Réunion et de Mayotte, la France occupe une place particulière dans le Sud-Ouest de l’océan Indien, qui se traduit notamment par sa présence au sein de deux organisations de coopération régionales :

– la Commission de l’océan Indien (COI), dont la France assure d’ailleurs la présidence depuis le 20 mai dernier, qui constitue l’unique organisation politique de la région et dont le rôle est notable pour le développement d’actions régionales et l’intégration régionale des outre-mer français ;

– l’association des États riverains de l’océan Indien (Indian Ocean Rim Association), dont la France est membre à part entière depuis 2020, après avoir longtemps bénéficié d’un statut d’observateur.

En outre, l’océan Indien accueille l’une des cinq forces françaises de souveraineté dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer, stationnées aux Antilles, en Guyane, en Nouvelle-Calédonie en Polynésie française ainsi, donc, qu’à Mayotte et La Réunion.

La présence militaire dans la région est ainsi assurée par les Forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI) dont la première des missions est de garantir l’exercice de la souveraineté nationale et de contribuer à la préservation des intérêts de l’État dans la région. Rappelons que la souveraineté française s’étend sur onze îles dans la région, parmi lesquelles les Terres australes et antarctiques françaises (TAAF) ainsi que les îles Éparses : Juan de Nova, Europa et les îles Glorieuses.

Comme l’a indiqué à la rapporteure pour avis son commandant, le général de brigade Laurent Cluzel, les FAZSOI constituent la pierre angulaire de la protection du théâtre régional pour lutter contre les menaces de la zone, assurer la surveillance des zones économiques exclusives (ZEE) des îles françaises et conserver une capacité régionale d’intervention rapide. Leur zone de responsabilité permanente (ZRP) s’étend sur 14 pays, parmi lesquels dix pays d’Afrique australe et quatre membres de la COI.

https://www.defense.gouv.fr/var/dicod/storage/images/base-de-medias/dossier-fp-fs/200106_forcesprepdossierdepresse_rvb_vf/9857356-1-fre-FR/200106_forcesprepdossierdepresse_rvb_vf.jpg

Source : ministère des Armées.

Réunissant près de 1 800 militaires et 300 personnels civils de la défense, les FAZSOI s’appuient sur :

– des effectifs de l’armée de terre, répartis entre le 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (2e RPIMa), stationné à Pierrefonds à Saint-Pierre, sur l’île de La Réunion, ainsi que le détachement de la légion étrangère de Mayotte (DLEM), stationné à Dzaoudzi, auxquels s’ajoutent sur les deux régiments du service militaire adapté de La Réunion et de Mayotte (RSMA-R et RSMA-My) ;

– des effectifs de l’armée de l’air, déployés au sein du détachement air 181 installé sur l’aéroport international Roland-Garros de La Réunion et de l’ escadron de transport (ET50), qui dispose de deux avions de transport tactique Casa ;

– des effectifs de la marine nationale, répartis entre La Réunion et Mayotte. À La Réunion, au-delà de la base navale de Port des Galets – qui assure le soutien des bâtiments affectés à l’île et constitue leur port d’attache – sont stationnés le bâtiment multi-missions Champlain, deux frégates de surveillance – Le Nivôse et Le Floréal –, le patrouilleur polaire L’Astrolabe et le patrouilleur Malin. À Mayotte, le dispositif de la marine nationale repose sur la base navale de l’île, principalement à assurer la permanence de la lutte contre l’immigration, les deux vedettes côtières de surveillance maritime Le Verdon et L’Odet, l’intercepteur semi-rigide Le Vetiver, un chaland de transport de matériel et le remorqueur pousseur Le Morse complètent le dispositif.

Lors de son audition, le général Cluzel a décrit les missions des FAZSOI selon six grands axes :

– premièrement, des missions de souveraineté qu’il s’agisse d’assurer une présence permanente sur des sites parfois contestés, à l’instar des îles Éparses et Glorieuses, ou de conduire des missions de police des pêches, de lutte contre l’immigration clandestine, de recherche et de sauvetage en mer, de lutte contre la piraterie ou encore de surveillance des approches maritimes ;

– deuxièmement, des missions de surveillance et de protection de la navigation commerciale et des intérêts français dans la zone économique exclusive (ZEE) français. Comme le souligne une récente étude de l’Institut français des relations internationales (IFRI), « la ZEE française apparaît surtout comme une réserve naturelle pour des ressources rares comme la légine (Crozet, Kerguelen) ou l’holothurie (île Éparses) qui attirent des pêcheurs venus d’aussi loin que de Chine ou du Chili. » ([13]) ;

– troisièmement, des missions d’assistance aux populations en cas de catastrophe naturelle, en appui des actions menées par les autorités du pays concerné ;

– quatrièmement, des missions de formation, conduites au centre d’aguerrissement tropical de la Réunion du 2e RPIMa comme au centre d’instruction et d’aguerrissement nautique du DLEM ;

– cinquièmement, la conduite ou la participation à des opérations militaires qui seraient menées dans la zone, qu’elles soient nationales ou non ;

– sixièmement, enfin, l’organisation d’activités de coopération régionale. Plusieurs partenariats militaires opérationnels ont d’ailleurs été conclus avec plusieurs pays de la région, dans le cadre desquels les FAZSOI participent à divers échanges bilatéraux au profit des forces partenaires. À titre d’exemple, un détachement d’instruction opérationnelle, composé de cinq sous-officiers du DLEM, a été déployé au Botswana du 16 septembre au 7 octobre dernier.

 

 

B.   Avec Maurice, une relation dynamique dans le domaine de la défense et de la sécurité

a.   Les forces mauriciennes

La République de Maurice ne possède pas à proprement parler d’armée. De fait, la défense et la sécurité des îles – l’île Maurice, l’île Rodrigues, l’île d’Agaléga et l’île de Saint-Brandon – sont assurées par une force de police formée de trois composantes aux compétences élargies dans des domaines d’expertise spécialisés.

Agence nationale responsable de veiller au respect des lois en République de Maurice, la Mauritius Police Force (MPF) est subordonnée à l’autorité de la division des affaires intérieures du cabinet du Premier ministre. Ses missions sont très hétéroclites, recouvrant aussi bien la prévention contre le crime et la lutte contre le trafic de drogue ou encore la protection de l’environnement. Elle est composée d’environ 13 400 agents, et s’appuie sur des moyens aéromaritimes comprenant trois avions Dornier, essentiellement mis en œuvre par les militaires indiens, ainsi qu’un escadron de six hélicoptères : deux Alouette 3, deux Chetaks, un Fennec et un Dhruv.

Au sein de la Mauritius Police Force (MPF), deux unités constituent les interlocuteurs privilégiés des forces françaises :

– la Special Mobile Force (SMF), formation paramilitaire dont la mission principale est d’assurer la sécurité intérieure et extérieure de l’île. Elle dispose de onze véhicules de l’avant blindé (VAB) remis à niveau en 2008.

– la National Coast Guard, créée le 24 juillet 1987, notamment chargée de la protection des zones maritimes ou encore de la détection, de la prévention et de la suppression de toute activité illégale dans la zone maritime. Elle dispose d’une flotte moderne, constituée de sept patrouilleurs hauturiers et de dix embarcations d’interception rapides produites et livrées par l’Inde en 2016. Commandée par un officier indien, tout comme les principales unités maritimes et aéromaritimes, la National Coast Guard témoigne du poids des forces indiennes dans l’organisation et l’activité des forces mauriciennes.

État pacifique, Maurice ne fait l’objet d’aucune menace extérieure. Elle est en particulier préservée – car éloignée – des actions des pirates qui sévissent au large des côtes d’Afrique orientale.

Les principales préoccupations des autorités mauriciennes sont davantage d’ordre sécuritaire. En premier lieu, Maurice porte une attention à la surveillance et la protection de son espace maritime, en particulier en matière de lutte contre la pêche illégale et les trafics, dont celui des stupéfiants. En effet, Maurice fait notamment face au développement de la consommation de l’héroïne, pour beaucoup d’origine afghane. D’autres drogues sont également en circulation, parmi lesquelles le cannabis et la méthamphétamine. En outre, l’expansion d’un Islam radical semble être une source d’inquiétude, bien qu’elle ne se traduise pas pour l’heure par un accroissement du niveau de la menace terroriste. Selon les informations recueillies par la rapporteure pour avis, quelques ressortissants mauriciens auraient toutefois rejoint l’État islamique.

b.   Les activités réalisées

Si la coopération militaire entre la France et la République de Maurice s’avère modeste, elle n’en demeure pas moins dynamique, solide et empreinte d’une confiance mutuelle. Axée autour de la lutte antiterroriste et de la sûreté maritime, elle se traduit principalement par des actions en matière de formation, d’exercices régionaux majeurs et d’échange d’informations.

En matière opérationnelle, elle porte avant tout sur les volets anti-terroriste et sécurité maritime au profit de la Mauritius Police Force. À titre d’exemple, des échanges réguliers ont lieu entre les unités de neutralisation, enlèvement et destruction des explosifs (NEDEX), de même que des entraînements conjoints entre le 2e RPIMa et les forces spéciales mauriciennes, dont les membres effectuent également des stages d’aguerrissement au centre commando de La Réunion. Cette coopération permet notamment d’accroître l’interopérabilité des armées dans les trois milieux : terre, air et mer.

Les forces de sécurité mauriciennes ont également été associées à des exercices régionaux d’importance organisés par les FAZSOI, parmi lesquels :

– l’exercice Papangue, mené conjointement avec les forces malgaches, seychelloises et comoriennes du 13 au 18 avril 2018 à La Réunion, afin d’entraîner l’ensemble de ces forces à intervenir, dans le cadre d’une opération interarmées et interalliée. En l’espèce, l’exercice portait sur l’évacuation de ressortissants par voies terrestre, maritime et aérienne, et visait ainsi à développer l’interopérabilité des forces des États membres de la COI. À cet effet, 1 200 militaires ont été mobilisés, auxquels se sont joints de nombreux civils ;

– l’exercice Varatraza, mené conjointement avec les mêmes forces du 16 au 23 avril 2019 à Madagascar. Cet exercice avait pour ambition de conduire un engagement en vue de contribuer notamment à l’opérationnalisation de la COI et de démontrer la capacité des FAZSOI à constituer rapidement une force projetable en cas de crise régionale. Le dispositif fut là encore conséquent, mobilisant 1 100 hommes, huit aéronefs, six bâtiments maritimes ainsi qu’une quarantaine de véhicules ;              

– l’exercice interarmées biennal Phénix entre les FAZSOI et les forces de sécurité mauriciennes, qui s’est déroulé du 17 au 22 novembre 2019 en République de Maurice, portait quant à lui sur la lutte contre le narcotrafic, les deux armées ayant collaboré en vue de développer leur interopérabilité et de renforcer la sécurisation de l’espace maritime dans l’océan Indien.

La coopération militaire entre la France et Maurice s’illustre par ailleurs par la conduite d’activités annuelles et d’actions de formation de personnels mauriciens, qui concernent environ 150 à 200 agents chaque année.

En outre, la maintenance technique des bâtiments français est en partie assurée depuis les chantiers navals de Port-Louis. Cinq à dix escales maritimes de bâtiments français sont ainsi organisées annuellement, pouvant atteindre une durée de 120 jours.

Fortement impactée par la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des frontières – on ne dénombre ainsi que trois escales à Maurice depuis le printemps 2020 – cette coopération a toutefois vocation à reprendre rapidement. Les autorités mauriciennes affichent du reste une forte volonté de reprendre rapidement la coopération tant opérationnelle que structurelle. Ainsi l’exercice bilatéral interarmées Phoenix, planifié au mois de novembre 2021 a marqué la reprise de cette coopération opérationnelle. Plusieurs formations ont également été demandées par les autorités mauriciennes pour l’année 2022, et six escales sont programmées à Maurice pour l’année à venir.

En outre, l’évolution du contexte géopolitique laisse entrevoir un approfondissement des actions de coopération franco-mauricienne, en particulier dans le domaine de la sécurité maritime régionale, et plus précisément du programme Maritime Security piloté par la COI. En outre, le renforcement continu de la relation de défense entre la France et l’Inde rejaillit quasi mécaniquement sur la coopération franco-mauricienne, en raison du rôle déterminant de l’Inde à Maurice.

La coopération bilatérale a donc vocation à être renforcée, ce qui impose d’approuver rapidement un accord destiné à renforcer la sécurité juridique du déploiement des forces françaises dans le pays et à ouvrir de nouvelles perspectives en la matière.

II.   L’accord de défense

a.   Les stipulations de l’accord

À l’occasion du cinquantenaire de l’indépendance de l’île Maurice, la visite du secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères à Port-Louis, M. Jean-Baptiste Lemoyne, a été l’occasion pour les deux États de manifester leur désir d’approfondissement de leur coopération militaire. Fruit de négociations initiées en amont dans l’année, un accord relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces a ainsi été signé le 12 mars 2018.

Cet accord de défense a pour but de pallier l’absence de convention relative au statut des forces françaises sur le sol mauricien, qui constituait jusqu’à présent un frein à l’approfondissement de la coopération entre les deux États. Rappelons à cet égard qu’en 2012, l’état-major des armées avait interdit la réalisation de toute activité impliquant le déploiement de militaires à Maurice en l’absence d’un dispositif juridique protecteur.

Les stipulations des 22 articles de l’accord sont relativement classiques et comparables à celles des accords de coopération habituellement conclus avec nos partenaires, en particulier africains. Il définit les principes généraux et les domaines de la coopération en matière de défense. Il s’agit d’abord du développement de la coopération dans le domaine de la défense et de la sécurité, et de ce fait détermine les principes selon lesquels cette coopération sera mise en œuvre. Comme les nouveaux accords de coopération en matière de défense entre la France et ses partenaires africains, à l’exception de notre accord avec Djibouti, il ne comporte pas de clause d’assistance en cas d’agression armée au sens de l’article 51 de la Charte des Nations Unies.

De manière plus précise, l’article 1er de la convention est consacré aux définitions, conformément aux stipulations figurant habituellement dans les accords de ce type.

L’article 2 définit l’objet du partenariat entre les deux Parties, que sont le développement d’une coopération de défense et de sécurité, la définition des principes selon lesquels celle-ci est mise en œuvre ainsi que le statut des membres du personnel sur le territoire de la Partie d’accueil.

L’article 3 établit la liste des autorités compétentes s’agissant de la mise en œuvre de la convention, à savoir le ministre des armées, le ministre de l’Europe et des affaires étrangères ou leurs représentants respectifs pour la France ; le Premier ministre, le ministre des affaires étrangères ou leurs représentants respectifs pour la République de Maurice.

L’article 4 dresse les domaines et les formes de la coopération en matière de défense. Celle-ci intègre les questions de sécurité et de défense, l’organisation et le fonctionnement des forces armées ou encore les opérations de maintien de la paix et humanitaires, les scolarités militaires ou tout autre domaine défini ultérieurement par les Parties. La mise en œuvre de la coopération est variée et peut se décliner sous diverses formes, à l’instar d’activités de formation, d’entraînement des forces et de soutien logistique, d’organisation et de conseil aux forces mauriciennes, d’envoi ou d’échange d’experts techniques ou encore d’organisation de transits, de stationnement temporaires et d’escales aériennes et maritimes. Les modalités concrètes de la coopération feront l’objet d’accords ou arrangements particuliers.

L’article 5 interdit toute association des personnels présents sur le territoire de l’autre Partie à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre, d’actions de maintien ou de restauration de l’ordre, de la sécurité publique, ou de la souveraineté nationale. Il rappelle également le respect indispensable de la législation de la Partie d’accueil par les membres du personnel étranger présent.

L’article 6 détermine les conditions d’entrée et de séjour sur le territoire des deux Parties des membres du personnel et des personnes à leur charge, notamment l’établissement d’une franchise à l’importation de leurs effets personnels à l’occasion d’une prise de fonction, pour la durée de leur séjour et dans les limites compatibles avec un usage familial.

L’article 7 consent à ce que les membres du personnel de la Partie d’envoi puissent porter l’uniforme et les insignes militaires de manière conforme à la réglementation en vigueur au sein de leur armée. La détention et le port d’une arme de dotation sont néanmoins soumis au respect des règles de la Partie d’accueil, à moins que les autorités de celles-ci acceptent l’application des règles en vigueur de la Partie d’envoi.

L’article 8 admet la validité des permis de conduire pour les véhicules et engins militaires des membres du personnel de la Partie d’envoi sur le territoire de la Partie d’accueil, ceux-ci devant toutefois porter une marque distinctive de nationalité.

L’article 9 rappelle la compétence exclusive en matière de discipline des autorités de la Partie d’envoi sur leurs forces et les membres de leur personnel.

L’article 10 fonde le droit d’accès aux services de santé des membres du personnel de la Partie d’envoi dans les mêmes conditions que celui de la Partie d’accueil. Si chaque Partie demeure responsable de ses services médicaux, les actes médicaux et évacuations présentant un caractère de nécessité ou d’urgence seront effectués à titre gratuit.

L’article 11 est consacré aux dispositions applicables en cas de décès d’un des membres du personnel de la Partie d’envoi sur le territoire de la Partie d’accueil, notamment concernant l’établissement du certificat de décès, l’autopsie, et la remise du corps du défunt à la Partie d’envoi.

L’article 12 prévoit, aux fins d’éviter une double imposition, le maintien de la domiciliation fiscale des personnels et des personnes à leur charge dans la Partie d’envoi, à moins que ceux-ci n’exercent une activité́ professionnelle propre.

L’article 13 établit les règles de compétence juridictionnelle et les garanties procédurales applicables en cas d’infraction commise par les membres du personnel de la Partie d’envoi ou les personnes à leur charge.

L’article 14 définit les modalités du règlement des dommages causés par les Parties ou les membres de leur personnel, reposant sur le principe la renonciation à l’indemnisation des dommages causés aux personnes ou aux biens de l’autre Partie, sauf en cas de faute lourde ou de faute intentionnelle. Il existe une dérogation spécifique au principe de renonciation prévue.

L’article 15 rappelle la volonté des Parties de conclure un accord bilatéral de sécurité afin de régir l’échange d’informations classifiées entre elles.

L’article 16 dresse les règles de circulation aérienne, notamment les demandes d’autorisation de survol et d’atterrissages d’aéronefs militaires de la Partie d’envoi sur le territoire de la Partie d’accueil.

L’article 17 organise le soutien logistique entre les Parties, chacune s’engageant à mettre à disposition des forces de l’autre présentes sur leur territoire les facilités nécessaires à l’accomplissement de l’accord. L’utilisation des installations et des infrastructures ainsi que le soutien logistique, fournis dans le cadre des activités prévues, sont organisés par des accords ou des arrangements spécifiques.

L’article 18 institue le régime fiscal et douanier applicable en matière d’importation de matériels et approvisionnements destinés à l’usage exclusif des forces, le régime de l’admission temporaire au bénéfice des forces de la Partie d’envoi pour les importations étant prévu pour une durée de vingt-quatre mois prorogeables.

L’article 19 prévoit les modalités d’entreposage des matériels de la Partie d’envoi.

L’article 20 permet à la Partie d’envoi d’installer et de mettre en œuvre ses propres systèmes de communication, sous réserve de l’approbation de la Partie d’accueil.

L’article 21 stipule que le règlement des différends entre les Parties s’opérera par la voie de consultation ou de négociation entre elles.

L’article 22 est enfin quant à lui relatif aux conditions d’entrée en vigueur, modification et dénonciation de l’accord. Celui-ci est conclu pour une durée de cinq ans, renouvelable par tacite reconduction pour des périodes successives de cinq ans, à moins que l’une des Parties exprime son intention de ne pas le proroger au moins six mois avant la date d’échéance. Il peut être modifié à tout moment et dénoncé par les Parties par la voie diplomatique, la dénonciation prenant effet quatre‐vingt‐dix jours après la réception de la notification.

b.   Les perspectives ouvertes par cet accord

S’agissant des activités de coopération, l’accord conclu avec Maurice permettra d’assurer la poursuite des activités menées par les FAZSOI dans un cadre clair conférant une protection juridique adéquate à nos forces armées ainsi que la mise en œuvre d’actions de coopération militaire avec la République de Maurice.

La poursuite d’exercices ambitieux est prévue pour l’année 2022. Les autorités mauriciennes ayant manifesté un souhait certain de relancer la coopération structurelle et opérationnelle entre nos deux États depuis les ralentissements rencontrés du fait de la pandémie, plusieurs projets sont actuellement à l’étude de déploiement des forces françaises à Maurice.

L’exercice bilatéral interarmées Phoenix planifié en fin d’année 2021 relancera la coopération opérationnelle. Par ailleurs, face à une demande appuyée de formation de la part des autorités mauriciennes, plusieurs déplacements des FAZSOI seront opérés sur l’île, notamment en matière de dépollution marine, de neutralisation, enlèvement, destruction des explosifs (NEDEX) ou encore de formations de commandos et d’audits. Six escales devraient par ailleurs être réalisées dans l’année.

Enfin, la signature de cet accord de coopération permettra d’asseoir le statut de force régionale de la France dans la région indopacifique ainsi que son rôle d’actrice des mécanismes de régulation des menaces.

La négociation de cet accord n’ayant en outre pas posé de difficulté particulière, la rapporteure pour avis recommande d’émettre un avis favorable à l’adoption du projet de loi l’approuvant, ce qui permettra de conforter encore davantage la relation bilatérale entre la France et la République de Maurice, et de sécuriser les actions de coopération existantes.


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   Travaux de la commission des affaires ÉtrangÈres

Lors de sa séance du mercredi 1er décembre 2021, la commission examine, sur le rapport de M. Didier Quentin, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 4200).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. L’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé en 2018, est le premier accord bilatéral conclu avec Maurice dans le domaine de la défense. Il organise le statut des personnels civils et militaires liés à la défense qui séjournent ou sont en transit sur le territoire de nos deux pays, et vise à renforcer la sécurité maritime, qui comprend la lutte contre les trafics et la pêche illégale. Cette zone nous concerne très directement, car nous en sommes « en proximité » par le biais de Mayotte et de La Réunion, et parce qu’elle est au cœur de l’océan Indien, qui concentre l’intérêt du Gouvernement, dans le cadre de sa stratégie pour l’Indopacifique, et de cette commission, dont deux membres élaborent un rapport d’information à ce sujet.

M. Didier Quentin, rapporteur. La présentation de ce rapport est l’occasion de dresser un état des lieux de nos relations avec Maurice, État de l’océan Indien ami et partenaire de la France.

« Un État fait la politique de sa géographie », disait Napoléon 1er, et le général de Gaulle considérait qu’entre l’histoire et la géographie, c’est toujours la géographie qui l’emporte. Sur la carte, Maurice se situe au sud-ouest de l’océan Indien, à la charnière de l’Afrique et de l’Asie. Elle entretient un lien privilégié avec l’Inde. Plus de la moitié de sa population a des origines indiennes, dont l’actuel Premier ministre, Pravind Jugnauth, et l’hindouisme y est largement la religion dominante.

Cette proximité avec l’Inde se traduit concrètement par un fort investissement de ce pays dans la défense mauricienne. De nombreux cadres des forces armées mauriciennes sont de nationalité indienne. Des navires de guerre indiens font régulièrement escale à Port-Louis. L’Inde a même été autorisée à construire des facilités maritimes et aériennes dans l’archipel mauricien d’Agalega, situé à 1 000 kilomètres au nord de l’île principale. L’Inde est le premier partenaire économique de Maurice, qui est pour elle un point d’entrée vers l’Afrique.

Si l’Inde est perçue comme une mère, selon l’expression souvent employée à Maurice, celle-ci n’en ménage pas moins un autre partenaire essentiel : la Chine, qui y a investi et a financé bon nombre d’infrastructures. Un accord de libre-échange a été signé entre les deux pays au début de l’année 2021, permettant la levée des barrières tarifaires dans plusieurs marchés de niches, tels que les sucres spéciaux et le thé. Ainsi, Maurice, petit pays insulaire, sait jouer habilement de sa position.

Qu’en est-il de la France ? Maurice est devenue indépendante en 1968, après avoir été possession britannique pendant plus de 150 ans. Auparavant, elle était possession française depuis un siècle et s’appelait Isle de France.

Nos liens avec Maurice sont avant tout culturels. L’un des plus célèbres écrivains vivants de langue française, prix Nobel, Jean-Marie Gustave Le Clézio, n’a-t-il pas des origines mauriciennes ? Le français, très parlé à Maurice, constitue la base du créole mauricien. La France soutient, par le biais de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE), un réseau d’écoles françaises constitué de cinq établissements, où sont scolarisés 5 000 élèves, dont les deux tiers sont de nationalité mauricienne. La ville de Port-Louis joue un rôle actif au sein de l’Association internationale des maires francophones (AIMF). Nos échanges en matière universitaire et de recherche sont nombreux.

À cette proximité culturelle s’ajoutent des échanges économiques. La France est le troisième partenaire commercial de Maurice, son premier client et le premier pays pourvoyeur de touristes. Maurice est le premier investisseur étranger à La Réunion. Par ailleurs, la France est l’un des principaux partenaires bilatéraux de Maurice en matière d’aide publique au développement (APD).

Cette proximité culturelle et économique trouve un prolongement politique. La France et Maurice sont membres des deux principales organisations internationales de la région : la Commission de l’océan Indien (COI) et l’association des pays riverains de l’océan Indien (IORA). Nos approches politiques sont largement convergentes, qu’il s’agisse de la volonté d’accroître les échanges économiques avec le continent africain, considéré comme un nouveau relais de croissance, de répondre aux enjeux du développement durable ou de relever les défis de la préservation du climat et de la biodiversité terrestre et océanique.

En matière de sécurité, la France et Maurice ont signé, le 13 juin 2008, un accord de coopération en matière de sécurité intérieure, dont la mise en œuvre est facilitée par la présence d’un attaché de sécurité intérieure de l’ambassade de France à Maurice, basé à Madagascar. Par ailleurs, un accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes a été signé en 2012.

S’agissant plus particulièrement de la défense, la France et Maurice coopèrent depuis de longues années. Maurice n’a pas d’armée à proprement parler, mais une force de police formée de trois composantes : une force de police proprement dite de 13 400 hommes, des forces spéciales et un corps de gardes-côtes. Côté français, la coopération est essentiellement assumée par les forces armées dans la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI), stationnées à La Réunion et à Mayotte. Leur mission première est la protection des ressortissants français et la contribution à la sécurité de la région. Leur zone de responsabilité englobe dix pays d’Afrique australe et quatre pays membres de la COI.

Cette coopération porte essentiellement sur la lutte antiterroriste et la sécurité maritime. Elle donne lieu à des entraînements communs. Des exercices conjoints sont régulièrement organisés. En 2019, l’exercice Phoenix a mobilisé 130 officiers mauriciens et une centaine de militaires français, en vue de perfectionner l’interopérabilité des armées dans la lutte contre le narcotrafic. Des officiers de police mauriciens sont accueillis dans les écoles françaises de formation du continent africain. Les bâtiments de la marine nationale font régulièrement escale à Maurice et sont réparés dans ses chantiers navals.

L’accord qui nous est soumis aujourd’hui est conclu pour cinq ans et renouvelable par tacite reconduction. Il comporte deux ordres de stipulations.

En matière de défense à proprement parler, il pose le principe d’une coopération dans les domaines de la politique de défense et de sécurité, de l’organisation et du fonctionnement des forces armées, des opérations humanitaires et de maintien de la paix, et des scolarités militaires. Cette coopération peut revêtir la forme d’activités de formation, d’entraînement des forces, de soutien logistique, de conseil et d’envoi d’experts techniques. Il est précisé que les membres du personnel de la partie d’envoi présents sur le territoire de la partie d’accueil ne peuvent en aucun cas être associés à la préparation ou à l’exécution d’opérations de guerre, ni à des actions de maintien ou de rétablissement de l’ordre et de la sécurité publique.

S’agissant du statut juridique des forces déployées dans l’État partenaire, des précisions sont apportées en matière d’entrée et de séjour, de port d’arme, de permis de conduire, d’accès aux services de santé et de domiciliation fiscale. Il est stipulé que la compétence en matière de discipline revient exclusivement aux autorités de la partie d’envoi.

En matière pénale, un partage de juridiction est prévu. Une infraction commise par un militaire français à Maurice relèvera, en principe, de la compétence des juridictions mauriciennes. Toutefois, cette compétence sera prioritairement dévolue aux autorités françaises si le comportement délictueux s’inscrit dans le cadre du service ou s’il porte atteinte aux biens ou à la sécurité de la France ou du personnel français. En cas de poursuites devant les juridictions de la partie d’accueil, la personne concernée bénéficiera de toutes les garanties juridiques, au premier rang desquelles le droit à un procès équitable. Rappelons que la peine capitale, prévue par le droit mauricien, fait l’objet d’un moratoire depuis plusieurs années. Si les poursuites intentées aboutissent à une condamnation dans l’État d’accueil, ce dernier examinera avec bienveillance les demandes tendant à permettre à la personne condamnée de purger sa peine dans l’État d’envoi.

Cet accord apporte une grande sécurité juridique à la présence des militaires français à Maurice et à celle des militaires mauriciens en France. Au demeurant, la France a conclu des accords similaires avec de nombreux pays. À défaut d’un tel accord, les incidents doivent être traités au cas par cas, dans le cadre de négociations diplomatiques, et son absence est en elle-même source de contentieux. Il ne s’agit pas d’un cas d’école : un incident de la circulation impliquant un marin français survenu au début des années 2000 lors d’une escale a mis en lumière les inconvénients de ce vide juridique.

Cet accord offre, en outre, un cadre juridique à la coopération de défense franco-mauricienne visant à répondre aux défis que Maurice partage avec la France, compte tenu de notre implication dans l’océan Indien. Ces défis sont multiples et redoutables : surveillance et protection de nos espaces maritimes, lutte contre le trafic de drogue, lutte contre la pêche illicite, lutte contre les marées noires, expansion de l’islam radical, en provenance notamment du nord du Mozambique. Un tel cadre juridique sera utile pour approfondir notre coopération de défense face à ces enjeux.

Si l’approbation de cet accord semble indispensable, il nous appartient néanmoins de demeurer vigilants sur deux points.

Premièrement, il est impératif de veiller à la préservation de la souveraineté française sur les îles Éparses, notamment sur l’île Tromelin, située à environ 560 kilomètres au nord de La Réunion. Les plus anciens d’entre nous se souviennent que l’accord-cadre sur la cogestion économique, scientifique et environnementale de Tromelin, signé en 2010, n’a jamais été ratifié par la France, en raison de l’opposition de nombreux parlementaires, dont moi-même et Philippe Folliot, alors député du Tarn. Nous considérions que cet accord était un premier pas vers la reconnaissance de la légitimité des prétentions mauriciennes sur l’île de Tromelin. Je mets en garde contre toute velléité de réintroduire ce type d’accord, et plus généralement contre toute initiative de nature à fragiliser la souveraineté française sur les îles Éparses. Bien entendu, l’approbation du présent accord ne saurait en aucun cas être interprétée comme un premier pas vers un quelconque rapprochement sur la question de Tromelin. Elle doit, au contraire, renforcer la légitimité de la présence française dans l’océan Indien.

Deuxièmement, si Maurice possède incontestablement un cadre constitutionnel et législatif garantissant les libertés fondamentales, la situation des droits de l’homme peut y être améliorée sur certains points. Citons la représentation des femmes dans les postes à responsabilité du secteur public, l’absence, à ce jour, d’une loi sur le financement des partis politiques, la place de la presse et des médias et, plus généralement, un modèle politique quelque peu figé, pour le dire diplomatiquement, dans la surreprésentation de quelques grandes familles, notamment celle de l’actuel Premier ministre, M. Pravind Jugnauth, et la famille Ramgoolam. Par le biais d’un dialogue confiant et réciproque, appuyé sur des liens d’amitié très anciens, la France peut et doit inviter Maurice à progresser pour consolider l’État de droit.

Ces points d’attention soulignés, je vous invite à adopter le présent accord.

Mme Natalia Pouzyreff, suppléant Mme Monica Michel-Brassart, rapporteure pour avis de la commission de la défense nationale et des forces armées. Je lève d’emblée tout suspense : la commission de la défense a émis un avis favorable à l’adoption du projet de loi. Cet accord permettra de renforcer la sécurité juridique de notre coopération bilatérale en matière de défense et de statut des forces qui, si modeste soit-elle, n’en est pas moins dynamique.

Pour relever les défis sécuritaires, Maurice ne dispose pas d’une armée à proprement parler, mais d’une force de police, la Mauritius Police Force, composée d’environ 13 400 hommes et disposant de moyens aéromaritimes héliportés performants. Elle est formée de plusieurs composantes, dont deux peuvent être considérées comme des forces paramilitaires : la Special Mobile Force, équipée de onze véhicules de l’avant blindés (VAB) remis à niveau en 2008, et la National Coast Guard, qui dispose d’une flotte moderne de sept patrouilleurs hauturiers et de dix embarcations d’interception rapides, livrées par l’Inde en mars 2016.

La National Coast Guard, ainsi que les principales unités d’intervention maritimes et aéromaritimes, sont commandées par des officiers indiens. New Delhi exerce une forte influence sur les décisions de la République de Maurice en matière de défense. Au demeurant, il n’est pas anodin que notre coopération bilatérale avec ce pays se soit accrue à mesure de l’approfondissement de la relation franco-indienne, notamment depuis 2018, et de l’affirmation de notre intérêt stratégique dans la zone indopacifique.

Nos activités de coopération avec Maurice sont principalement mises en œuvre par les FASZOI, stationnées à La Réunion et, dans une moindre mesure, à Mayotte. Sur le plan opérationnel, elles luttent contre le terrorisme et œuvrent au renforcement de l’interopérabilité dans les trois milieux, ainsi qu’à l’amélioration de la sécurité maritime. Ainsi, des échanges ont été organisés entre unités de neutralisation, d’enlèvement et de destruction des explosifs (NEDEX), ainsi que des entraînements communs entre le 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine et les forces spéciales mauriciennes et des stages au Centre d’aguerrissement tropical de la Réunion.

Par ailleurs, Maurice a participé à plusieurs exercices régionaux majeurs menés par les FAZSOI, notamment l’exercice Papangue en 2018, à La Réunion, et l’exercice Varatraza en 2019, à Madagascar. En 2019 s’est également tenue la première édition de l’exercice bilatéral Phoenix, consacré à la lutte contre les narcotrafics. De manière générale, les FAZSOI mènent en moyenne une dizaine d’activités annuelles de coopération et contribuent à la formation de 150 à 200 policiers mauriciens par an. En outre, la maintenance technique des bâtiments français est en partie assurée dans les chantiers navals de Port-Louis. Cinq à dix escales de bâtiments français sont organisées annuellement, d’une durée pouvant atteindre quatre mois.

À ce jour, la mise en œuvre de la coopération bilatérale avec Maurice repose sur deux accords : l’accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure du 13 juin 2008 et l’accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes du 21 juillet 2011. Il était nécessaire d’aller plus loin. L’absence de couverture juridique des forces françaises déployées sur le sol mauricien a amené l’état-major des armées à interdire aux FAZSOI, en 2012, toute activité supposant le déploiement de militaires français sur le territoire mauricien. L’accord dont l’approbation est soumise à notre examen permettra de conforter la relation bilatérale entre la France et la République de Maurice, et de sécuriser les actions de coopération en cours.

La commission de la défense a émis un avis favorable à son adoption.

Mme Amélia Lakrafi (LaREM). De facture classique, l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice consolide les liens anciens et riches que nous entretenons avec Maurice.

Ce pays héberge la quatrième communauté française de la dixième circonscription des Français établis hors de France, où je suis élue. Plus de 10 000 Français y sont enregistrés auprès des autorités consulaires. Notre présence culturelle y est très riche. Maurice entretient de fortes relations, notamment économiques, avec La Réunion et Mayotte.

La France, très présente dans l’océan Indien, où se trouvent plusieurs départements et régions d’outre-mer, a la chance d’y compter parmi ses partenaires plusieurs États insulaires, notamment Maurice et Madagascar, dont une large part de la population est francophile et francophone. À chaque déplacement dans ma circonscription, je constate combien il importe de consolider ces relations et de renforcer notre influence dans cette région, très investie par la Chine et par l’Inde.

L’accord est très utile pour formaliser nos relations avec Maurice dans le domaine de la défense. Il permettra de renforcer nos relations et de développer nos coopérations. Nous ne pouvons qu’approuver sa mise en œuvre.

J’aimerais savoir si l’accord bilatéral de sécurité relatif à l’échange d’informations classifiées, prévu à l’article 15 de l’accord, est d’ores et déjà en cours de négociation.

M. Michel Herbillon (LR). Dans le cadre de vos travaux, monsieur le rapporteur, avez-vous pu mesurer les conséquences sur la stratégie de la France dans la zone indopacifique de l’alliance dite AUKUS, négociée entre les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie ? L’annulation du partenariat stratégique entre la France et l’Australie fait planer un doute à son sujet.

M. Bruno Fuchs (Dem). Nous avons avec la République de Maurice une relation ancienne et riche, en raison notamment de notre histoire coloniale et de la proximité de ce pays avec La Réunion et Mayotte.

En matière de défense, nous entretenons des liens forts avec Maurice, notamment dans le domaine maritime. Ils ont été renforcés en 2008, par l’accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure, et en 2012, par l’accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes. Ces accords ont permis d’améliorer la sécurité dans la région et la collaboration des forces de sécurité mauriciennes avec les FAZSOI.

Depuis plus de quinze ans, nous formons des militaires mauriciens et menons des actions tendant à maintenir la sécurité dans les zones économiques exclusives (ZEE) des deux pays. Les forces de sécurité mauriciennes participent de façon régulière aux exercices régionaux opérés par les FAZSOI. Cette bonne dynamique doit être renforcée, compte tenu des menaces qui pèsent sur Maurice : criminalité organisée, trafic de drogue et terrorisme, lequel s’y est propagé. Monsieur le rapporteur, avez-vous réfléchi à d’autres axes de coopération à développer avec Maurice, notamment pour agir contre la criminalité organisée et le trafic de drogue, mais aussi pour soigner la francophonie et la proximité culturelle entre nos deux pays ?

Notre coopération militaire est lacunaire s’agissant de la couverture juridique des forces françaises déployées sur le territoire mauricien – je renvoie à l’accident de véhicule évoqué par le rapporteur. Le déploiement d’une coopération importante et sérieuse impose de prendre ce genre de précautions, ce que prévoit l’accord que nous examinons. Notre groupe soutient l’adoption du projet de loi, qui concourt à améliorer la sécurité, non seulement des Français et des Mauriciens, mais aussi du monde, compte tenu des enjeux globaux de l’océan Indien.

M. Alain David (SOC). L’examen de ce projet de loi prend un relief particulier en raison de l’actualité récente de la zone indopacifique, qui a bien occupé notre commission au cours des dernières semaines.

L’île Maurice est, dans l’océan Indien, un partenaire privilégié de notre pays. J’ai donc pris bonne note des nombreuses coopérations entre nos forces de sécurité et de défense et leurs homologues mauriciennes, qu’il s’agisse de la formation des militaires et policiers mauriciens, de l’organisation d’exercices communs, de la lutte antiterroriste, du secours porté aux naufragés, de l’évacuation des ressortissants ou de l’accès privilégié de nos navires aux chantiers navals de l’île. Je m’interroge toutefois sur le poids de la représentation chinoise dans ce secteur géographique, car il semblerait qu’il soit une étape importante sur les nouvelles routes de la soie.

Pour les raisons avancées par le rapporteur, et malgré les points de vigilance qu’il a soulignés, nous soutiendrons l’approbation de cet accord, qui marque un progrès indéniable.

Mme Aina Kuric (Agir ens). La France est, en matière d’aide publique au développement, un véritable partenaire bilatéral de Maurice, dont l’Agence française de développement (AFD) est le premier créancier, devant la Banque africaine de développement. Elle est, par ailleurs, le deuxième bailleur de ses entreprises publiques, après la Chine.

Le renforcement de cette relation bilatérale est déjà très dense, en particulier dans les départements et régions d’outre-mer de Mayotte et La Réunion. Nos deux pays sont confrontés, dans l’océan Indien, à des défis communs dans les domaines essentiels de la sécurité maritime et de la transition écologique. Toutefois, l’absence d’un accord relatif au statut des forces était un frein à l’approfondissement de cette coopération. Après plusieurs séances de discussion, les deux parties se sont accordées sur un texte commun.

Reste la question de l’île française de Tromelin, qui appartient au district des îles Éparses de l’océan Indien, rattaché aux Terres australes et antarctiques françaises, mais qui est revendiquée par la République de Maurice. Ce différend ne constitue toutefois pas un blocage de nature à nuire significativement à notre relation avec Maurice. D’ailleurs, un accord de cogestion économique, scientifique et environnementale de l’île et de ses espaces environnants avait été signé par les autorités françaises et mauriciennes le 7 juin 2010. Prévu pour une durée de dix ans, il portait notamment sur les recherches archéologiques menées sur l’île, l’exploitation des ressources halieutiques et la protection de l’environnement. Il n’a toutefois jamais été ratifié par la France, en raison de l’opposition de nombreux parlementaires français. Quel est l’état actuel des discussions sur ce sujet et quelles sont les perspectives d’avenir ?

Le groupe Agir ensemble votera bien entendu pour ce projet de loi.

M. Jean-Michel Clément (LT). Notre groupe est favorable au projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre la France et l’île Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, qui doit nous permettre de renforcer notre présence dans l’océan Indien et de consolider notre coopération stratégique.

La relation franco-mauricienne de défense est marquée par la présence, dans l’océan Indien, de deux de nos territoires ultramarins, La Réunion et Mayotte, qui doit nous inciter à entretenir les meilleures relations possibles avec nos voisins. Cette zone est confrontée à de nouveaux défis qui requièrent toute notre vigilance. Nous pensons, en particulier, à la lutte contre le terrorisme, à la sûreté maritime et à la lutte contre le trafic de stupéfiants. Par ailleurs, notre relation avec Maurice tend progressivement à intégrer pleinement la transition écologique. Notre groupe prend acte des échanges intervenus, en la matière, en 2018 entre le Premier ministre et le chef du gouvernement mauricien. L’île Maurice est, je le rappelle, particulièrement vulnérable au changement climatique. À cet égard, l’action de l’AFD permet de promouvoir un modèle de développement durable en intervenant essentiellement dans la transition énergétique. Ce rapprochement conventionnel va donc dans le bon sens.

Nous nous réjouissons également que cet accord permette d’inclure deux collectivités ultramarines, Mayotte et La Réunion, qui accueilleront nos forces armées dans la zone sud de l’océan Indien. C’est là le signe que l’État peut faire confiance aux collectivités pour contribuer au rayonnement militaire de la France.

S’agissant des stipulations relatives aux compétences juridictionnelles, nous saluons la protection juridique et les garanties apportées à nos militaires dans le cadre des actions qu’ils mènent à Maurice. La ratification de l’accord permettra ainsi de renforcer le cadre juridique de nos relations, en réglant a priori des difficultés pratiques et juridiques qui sont susceptibles de survenir.

Par ailleurs, nous nous interrogeons sur la place de l’Inde dans le déploiement de nos relations de défense avec Maurice, pour laquelle elle est plus qu’un partenaire particulier : elle exerce presque une forme de tutelle dans le domaine de la sécurité.

Enfin, nous saluons l’aspect multidimensionnel de cet accord, qui prévoit également des échanges de bons procédés, des formations, des entraînements ainsi qu’un soutien logistique pour les forces mauriciennes.

Pour toutes ces raisons, le groupe Libertés et Territoires soutiendra le projet de loi.

M. Moetai Brotherson (GDR). Mon intervention se limitera à une question : cet accord présente un intérêt évident pour la France, mais qu’apporte-t-il aux Mauriciens ?

M. Jean-Paul Lecoq. Puisqu’on a cité tout à l’heure un prix Nobel, je voudrais, étant amateur de football, avoir également une pensée pour Vikash Dhorasoo, ancien international français et havrais d’origine mauricienne.

Au fond, la question qui nous est posée est d’ordre géopolitique. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, même si le projet de loi semble faire l’objet d’un accord, notre groupe a souhaité qu’un débat soit organisé en séance publique. De fait, cet accord s’inscrit dans une stratégie globale et un contexte complexe qu’un tel débat permettrait d’approfondir. Je pense en particulier à la question des ventes d’armes. Par ailleurs, je préférerai toujours un accord, bon ou même médiocre, avec un État souverain à une mauvaise colonisation. La présence, la puissance, le rôle de la France – on l’a évoqué à propos de l’île de Tromelin –, c’est une chose. Mais le regard des Mauriciens sur ceux qui dominent, prétendent ou veulent dominer le monde mérite un débat. Celui-ci a été ajourné, peut-être pour des raisons de calendrier ou parce qu’on estime que son objet n’est pas important. Quoi qu’il en soit, nous espérons qu’il sera très vite réinscrit à l’ordre du jour de notre assemblée et organisé avant la fin de la législature.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’ai cru comprendre que ce débat ne présentant pas un caractère d’urgence, il avait été ajourné pour des raisons liées à l’encombrement de l’ordre du jour, mais qu’il aurait lieu de toute manière. Il est tout à fait légitime, et même important.

M. Jacques Maire. L’élection au Sénat de l’un de nos anciens collègues, qui était le principal opposant à la ratification de l’accord de cogestion de l’île de Tromelin, nous offre une opportunité. Cet accord est en effet très important : il est un modèle de coexistence pacifique dans le cadre de revendications concurrentes. S’agissant de cette île, la France dispose d’un avantage historique, mais la légitimité de sa présence est très fragile du point de vue de l’Organisation des Nations unies et des peuples locaux, y compris sur le plan du droit international. Ne pas avoir ratifié cet accord nous place dans une position dangereuse et compromet la possibilité de trouver par la suite des solutions imaginatives à propos des Îles éparses. Il serait donc intéressant, monsieur le président, de prendre l’attache du Quai d’Orsay pour savoir s’il est envisageable de remettre le sujet sur la table au cours de l’année à venir. Je me permets de faire cette proposition, car je sais que l’exécutif déplore ce blocage, qui entrave nos initiatives diplomatiques dans la région, notamment avec Madagascar. Nous pourrions donc lui ôter une épine du pied.

Bien entendu, je soutiens l’approbation de l’accord, mais j’apporterai un bémol. S’agissant des droits de l’homme, la réalité est beaucoup moins rose que ne le fait accroire le formidable marketing de Maurice. Il suffit d’écouter non seulement les opposants mais aussi les Mauriciens de la diaspora présents en France pour s’apercevoir qu’il existe des situations de corruption généralisée, que le régime se durcit et que certaines personnes disparaissent quand d’autres sont emprisonnées sans fondement légal. Ainsi, notre partenariat, non pas avec Maurice en tant qu’État mais avec le gouvernement mauricien, repose sur des bases moins solides et moins confiantes qu’auparavant. Il faut en avoir conscience et montrer que la représentation nationale ne se laisse pas abuser par le marketing politique de Maurice, quelle que soit par ailleurs l’amitié que nous avons pour ce pays.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Sur l’accord de cogestion, il existe manifestement, au sein de notre commission, des approches assez différentes. Je ne crois pas que le Gouvernement veuille l’inscrire à son programme législatif, mais je suggère que nous interrogions M. Le Drian, que nous devons entendre le 15 décembre, sur sa perception de cet accord.

M. Didier Quentin, rapporteur. Madame Lakrafi, je laisserai à Mme Pouzyreff le soin de répondre à votre question concernant les documents classés.

Monsieur Herbillon, je dois dire que la question de l’annulation par l’Australie de sa commande de sous-marins n’a pas été posée lors des échanges que nous avons eus avec les autorités mauriciennes. Au reste, dans ce domaine, le partenaire privilégié de Maurice est l’Inde, pays avec lequel nous entretenons de très bons rapports, notamment dans le domaine de la fourniture d’armements.

Monsieur Fuchs, à propos de nos liens très forts avec Maurice, je serais tenté de reprendre la formule célèbre d’Edgard Faure : l’indépendance dans l’interdépendance, et ce dans de nombreux domaines, notamment dans ceux de la culture et de la francophonie, et du tourisme, que nous nous sommes efforcés de développer au cours des dernières années, voire des dernières décennies. Il se trouve qu’en 1972, j’ai effectué mon stage en tant qu’élève de cette école dont on n’ose plus prononcer le nom à l’île de La Réunion. Déjà, à l’époque, il s’agissait d’organiser la complémentarité de La Réunion et de Maurice sur le plan touristique. En effet, La Réunion, dont la superficie équivaut au tiers de celle de la Corse, est une île très montagneuse : son point culminant, le piton des Neiges, dépasse les 3 000 mètres d’altitude et elle abrite de magnifiques cirques volcaniques : Salazie, Cilaos et Mafate. On peut donc y crapahuter, avant de se rendre à Maurice pour se reposer sur les bords du lagon et profiter d’un réseau hôtelier remarquable, dont les touristes français, de métropole ou de La Réunion, sont les premiers clients. Maurice a également développé certaines initiatives muséographiques exemplaires ; je pense en particulier à l’exposition intitulée « L’aventure du sucre », consacrée au sucre de canne, qui est la première production agricole de l’île.

Monsieur David, le poids de la représentation chinoise ne semble pas croître. Encore une fois, le partenaire privilégié de Maurice est l’Inde.

Madame Kuric, l’Agence française de développement est effectivement le deuxième partenaire de Maurice, parfois le premier. Par ailleurs, la sécurité maritime est un enjeu tout à fait essentiel. On a assisté, au cours des dernières années, à une diminution des trafics, qu’il s’agisse de stupéfiants ou de la pêche illicite, qui est d’ailleurs souvent le fait de personnes venant de très loin : de la Chine, du Vietnam ou des Philippines. Je me souviens également qu’après le passage d’un cyclone, la France avait organisé, en 1972, une opération humanitaire très efficace pour venir en aide à l’île Rodrigues, qui est à la fois la plus orientale et la plus africaine de ces îles, à laquelle Jean-Marie Gustave Le Clézio a consacré de très belles pages.

Quant à l’accord de cogestion portant sur l’île de Tromelin – qui n’a pas été ratifié du fait de l’opposition d’un certain nombre de députés, dont j’étais, M. Folliot étant à la pointe du combat –, il était valable pour dix ans, c’est-à-dire jusqu’en 2020. Peut-on rouvrir le dossier ? Nous poserons la question à M. Le Drian. Ce que nous ne voulions pas, c’était, en ratifiant cet accord, mettre le doigt dans un engrenage qui nous conduise de l’idée possiblement intéressante de la cogestion – à l’origine de laquelle se trouvait Jacques Chirac, qui avait une faiblesse pour Maurice – à une perte de souveraineté qui aurait des implications sur l’étendue de notre zone économique exclusive, la deuxième plus grande du monde avec 11 millions de kilomètres carrés. Celle-ci va d’ailleurs évoluer à la faveur d’un accord sur Saint-Pierre-et-Miquelon et d’une révision éventuelle de la convention de Montego Bay.

Monsieur Clément, vous avez insisté sur les problèmes liés au changement climatique. La question des protections juridiques est en effet très importante : elle a des conséquences pratiques.

Je note, monsieur Maire, votre remarque sur la situation des libertés publiques, qui n’est peut-être pas aussi satisfaisante qu’on pourrait le souhaiter. Les élections récentes se sont déroulées dans le calme et ont été marquées par une participation importante de 76,84 %. Le pluralisme politique est réel. J’ai évoqué la domination exercée par deux grandes familles, les Jugnauth et les Ramgoolam ; il faut en citer une troisième, la famille Duval, dont était issu un ministre des affaires étrangères, par ailleurs orateur exceptionnel, Gaëtan Duval. Enfin, une curiosité mérite d’être mentionnée : l’un des mouvements politiques mauriciens – de gauche, voire gauchiste – est animé par un ancien soixante-huitard français, Paul Bérenger, qui, lors des dernières élections, a recueilli 22 % des voix, ce qui n’est pas rien.

Monsieur Brotherson, il faudrait, pour caractériser la situation de Maurice, parler de diversification. Ainsi, la diplomatie de ce petit pays est remarquable en ce qu’il a entendu diversifier ses relations internationales, notamment en concluant des partenariats privilégiés avec l’Inde, la Chine ou la France – ses relations avec l’ancienne puissance coloniale, le Royaume-Uni, sont un peu difficiles en raison d’un contentieux portant notamment sur les Chagos.

Cette diversification se retrouve sur le plan économique. Lorsque j’étais stagiaire de l’ENA à La Réunion, j’avais chanté les louanges de la départementalisation réunionnaise – dont on m’avait demandé de dresser le bilan –, due au père de Jacques et Paul Vergès, membre du parti communiste réunionnais. De fait, au bout de vingt-cinq ans, ce bilan était plutôt favorable, contrairement à celui de l’indépendance mauricienne. Cinquante ans plus tard, alors que La Réunion est toujours confrontée à d’importants problèmes, notamment un taux de chômage élevé, force est de constater que l’indépendance mauricienne est un succès, grâce à la diversification de son économie : le taux de chômage y est l’un des plus bas. Outre la production de cannes à sucre, l’île a longtemps développé le textile et, à présent, elle marque des points dans le domaine des nouvelles technologies. Par ailleurs, le premier ambassadeur de France à Maurice, Raphaël Touze, a donné à ses habitants l’idée de réaliser et de commercialiser des modèles réduits de bateaux, notamment ceux que l’on introduit dans des bouteilles. Ces maquettes – dont la production a pour capitale une ville portant le nom pittoresque de Curepipe – sont aujourd’hui l’une des richesses de l’artisanat mauricien, même si l’on a parfois accusé leurs fabricants d’utiliser une main-d’œuvre sinon enfantine du moins adolescente.

Enfin, monsieur Lecoq, vous avez mentionné Dhorasoo ; n’oublions pas Dimitri Payet, qui est réunionnais !

Mme Natalia Pouzyreff, rapporteure pour avis suppléante. Madame Lakrafi, il existe, en matière de sécurité intérieure, un accord de coopération qui date du 13 juin 2008. On peut donc penser que, dans ce cadre, des échanges ont eu lieu, qui, s’ils portent sur la lutte antiterroriste, sont soumis à un certain secret. Je n’ai donc pas d’éléments à vous communiquer, si ce n’est l’information selon laquelle une trentaine de ressortissants mauriciens ont rejoint l’État islamique.

En ce qui concerne la vente d’armes, l’île Maurice possède très peu d’équipements français : un VAB, deux hélicoptères Alouette III et un hélicoptère Fennec. Comme l’a rappelé le rapporteur, l’Inde est le premier fournisseur de Maurice dans ce domaine.

Article unique

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SAISIE POUR AVIS

La commission examine pour avis, sur le rapport de Mme Monica Michel-Brassart, le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces (n° 4200).

Mme Isabelle Santiago, présidente. Mes chers collègues, je voudrais tout d’abord vous prier de bien vouloir excuser la présidente de notre commission, Françoise Dumas, qui a été retenue par des obligations liées à sa fonction, ce qui me vaut l’honneur et le plaisir de présider cette réunion.

Notre ordre du jour appelle l’examen de deux conventions internationales ayant trait au statut des forces et concernant respectivement Maurice et le Qatar. Le Règlement de l’Assemblée nationale prévoit la saisine au fond de la commission des affaires étrangères pour toutes les conventions internationales, quel que soit leur domaine, mais le bureau de notre commission a pris la décision que nous nous saisirions pour avis de toutes celles ayant trait à la défense. Cette saisine présente un double avantage : compléter le point de vue de la commission des affaires étrangères, qui a essentiellement une vision diplomatique de ces conventions, et faire un bilan de notre relation de défense avec les pays considérés pour, le cas échéant, attirer l’attention sur certains points de vigilance.

Mme Monica Michel-Brassart, rapporteure pour avis. Je suis très heureuse de vous présenter mes conclusions sur le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces. Pour moi, qui suis née aux Seychelles, m’exprimer sur la coopération que mène la France dans l’océan Indien n’est pas anodin. Ce projet de loi, dont notre commission n’est saisie que pour avis, ne comporte qu’un seul article, qui procède à l’approbation de l’accord susmentionné, signé le 12 mars 2018 à Port-Louis.

Avant d’exposer plus en détail les dispositions de cet accord, il me semble important d’évoquer de manière générale l’état de notre relation bilatérale avec ce pays de 1 865 kilomètres carrés, qui possède une zone économique exclusive (ZEE) d’environ 1,1 million de kilomètres carrés. Cette superficie, supérieure à celle du territoire de l’Espagne ou de l’Italie, en fait la vingt-sixième zone la plus étendue au monde. La France est un acteur économique majeur à Maurice : elle est son troisième partenaire commercial après l’Inde et la Chine, son premier client, devant le Royaume-Uni et les États-Unis, son quatrième fournisseur, le premier investisseur étranger dans le domaine productif et le premier pourvoyeur de touristes, avec environ 440 000 Français, sur un total de 1,4 million de touristes par an en moyenne. La France est également le principal partenaire bilatéral de Maurice en termes d’aide publique au développement, l’Agence française de développement (AFD) intervenant en particulier pour accompagner le pays face aux enjeux du changement climatique. J’ajoute que les cinq établissements soutenus par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) accueillent 5 000 élèves, dont deux-tiers de nationalité mauricienne. Notre coopération bilatérale s’inscrit également dans un cadre régional, au travers de deux organisations, dont la France est membre. Tout d’abord, la Commission de l’océan Indien (COI), dont le siège se trouve à Maurice. Elle est la seule organisation politique du sud-ouest de l’océan Indien et la seule organisation africaine dont la France est membre. Notre pays préside d’ailleurs la COI depuis le 20 mai dernier, pour une année. Ensuite, l’Association des États riverains de l’océan Indien (Indian Ocean Rim Association -IORA), dont la France est devenue membre à part entière en décembre 2020, après en avoir été observateur. L’IORA regroupe les États riverains de l’océan Indien, de l’Afrique du Sud à l’Australie, autour d’une structure légère et de projets concrets, notamment dans les domaines de l’environnement et du développement durable. Maurice en accueille le secrétariat général.

Après ce bref tour d’horizon, j’en viens à la coopération entre la France et Maurice dans le domaine de la défense et de la sécurité. Au préalable, il me paraît essentiel de dire un mot de l’environnement stratégique de Maurice comme de l’état de ses forces de défense et de sécurité. État pacifique, la République de Maurice ne fait l’objet d’aucune menace extérieure, d’autant qu’elle est éloignée des zones d’action des pirates qui sévissent au large des côtes d’Afrique orientale et donc préservée de leurs méfaits.

Les principales préoccupations des autorités mauriciennes sont d’ordre sécuritaire. En premier lieu, Maurice porte une attention à la surveillance et la protection de son espace maritime, en particulier en matière de lutte contre la pêche illégale et les trafics, dont celui de stupéfiants. En effet, Maurice fait notamment face au développement de la consommation de l’héroïne, pour beaucoup d’origine afghane. D’autres drogues sont également en circulation, parmi lesquelles le cannabis et la méthamphétamine. En outre, l’expansion d’un islam radical commence à inquiéter les autorités mauriciennes, bien qu’elle ne se traduise pas pour l’heure par un accroissement du niveau de la menace terroriste. Quelques ressortissants mauriciens auraient toutefois rejoint l’État islamique. Il convient également de rappeler qu’il y a quelques années, des tags contre la France ont été signalés et qu’un tir de calibre 12 a visé l’ambassade en 2016, dans le contexte de l’affaire des caricatures du prophète.

Maurice entretient de bonnes relations avec ses voisins, mais des contentieux l’opposent au Royaume-Uni et à la France. Maurice conteste en effet la souveraineté britannique sur l’archipel des îles Chagos, dont la plus importante, Diego Garcia, a été louée par le Royaume-Uni aux États-Unis depuis 1966. Maurice conteste également notre souveraineté sur le territoire de l’île de Tromelin et de sa ZEE. Comme certains d’entre vous s’en souviennent, l’Assemblée nationale avait fortement œuvré, à l’initiative de notre ex-collègue devenu sénateur Philippe Folliot, contre la ratification de l’accord de cogestion sur les ressources de l’île et de sa ZEE signé le 7 juin 2010.

Pour faire face à ces enjeux sécuritaires, Maurice ne dispose pas d’une armée, mais d’une force de police dotée de plusieurs composantes : la Mauritius Police Force, qui compte environ 13 400 hommes. Ses forces aéromaritimes disposent de trois avions mis en œuvre, majoritairement, par des militaires indiens. Elles s’appuient également sur six hélicoptères, dont deux Alouette III et un Fennec. Les Special Mobile Forces disposent quant à elles de onze véhicules de l’avant blindé (VAB), remis à niveau en 2008. La National Coast Guard possède une flotte moderne : sept patrouilleurs hauturiers dont trois équipements récents d’origine indienne et dix embarcations d’interception rapides livrées par l’Inde en mars 2016.

Au-delà de son emprise économique, l’Inde exerce une réelle influence sur les décisions de défense. En effet, la National Coast Guard est commandée par un officier indien, tout comme les principales unités maritimes et aéromaritimes. En outre, l’Inde octroie régulièrement des dons d’équipements ou des facilités financières et participe à des patrouilles en mer. Elle a également mis à disposition de Maurice une quinzaine de coopérants. L’Inde exerce ainsi une forme de tutelle, relativement bien acceptée puisque ce pays est encore souvent considéré comme la mère patrie. La présence croissante de l’Inde pourrait toutefois constituer un irritant à l’avenir, comme le montre le projet d’implantation indienne sur les îles d’Agrégat – une piste de 3 kilomètres sur une des îles de 12 kilomètres a déjà été construite – et la poursuite de sa politique d’implantation toujours plus à l’ouest dans le cadre de laquelle l’Inde s’est rapprochée de Madagascar et des Comores, en nouant avec ces pays des partenariats relatifs à la sécurité maritime.

Dans ce contexte, la coopération de défense entre la France et Maurice est d’une importance quasiment inversement proportionnelle à la taille du pays. Elle s’est notamment confortée depuis 2018 sous l’effet du rapprochement entre Paris et New Delhi, comme de l’affirmation de notre intérêt stratégique en Indo-Pacifique. Je ne m’étendrai pas ce matin sur la stratégie française dans cette région du monde, puisque tel est l’objet des travaux de la mission d’information que je conduis depuis plusieurs mois avec Laurence Trastour-Isnart. La proximité de Maurice et de La Réunion et, dans une moindre mesure, de Mayotte, explique pour beaucoup la vigueur de notre relation bilatérale dans le domaine de la défense et de la sécurité. La coopération bilatérale est essentiellement menée par les forces armées de la zone sud de l’océan Indien (FAZSOI), basées à La Réunion, et par la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Cette coopération a été fortement affectée par la crise sanitaire, qui a entraîné la fermeture des frontières ; on ne dénombre ainsi que trois escales à Maurice depuis le printemps 2020. Les autorités mauriciennes affichent toutefois une forte volonté de la reprendre rapidement, tant du point de vue opérationnel que structurel. Ainsi l’exercice bilatéral interarmées Phoenix, prévu à la fin du mois de novembre 2021, marquera dès la semaine prochaine la reprise de la coopération opérationnelle. Plusieurs formations ont également été demandées par les autorités mauriciennes pour l’année 2022 et six escales sont programmées à Maurice pour l’année à venir.

En l’état actuel, la coopération bilatérale dans le domaine de la défense s’appuie sur deux accords. L’accord relatif à la coopération en matière de sécurité intérieure du 13 juin 2008, destiné à donner une base juridique solide à la coopération opérationnelle et technique dans le domaine de la lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée transnationale, et l’accord en matière de recherche et de sauvetage maritimes du 21 juillet 2011, qui permet notamment de mieux coordonner l’action des centres de coordination de sauvetage maritime des deux pays en cas de situation de détresse en mer.

Je rappelle que la coopération en matière de défense avec la République de Maurice aurait dû être régie par un accord particulier de coopération militaire signé en 1979, mais jamais entré en vigueur faute de ratification par la partie mauricienne. Ceci n’a toutefois pas empêché le développement d’actions de coopération, grâce à l’implication des FAZSOI. Organisée autour de la lutte antiterroriste et de la sûreté maritime, notre coopération bilatérale vise à renforcer les capacités des forces de défense et de sécurité mauriciennes. Les relations entre les forces françaises et les forces mauriciennes, notamment avec la Special Mobile Force, qui est très francophile et dont nombre des cadres ont été formés en France, sont solides et empreintes de confiance mutuelle.

Sur le plan opérationnel, notre coopération concerne essentiellement la lutte contre le terrorisme, le renforcement de l’interopérabilité dans les trois milieux et l’amélioration de la sécurité maritime. Plusieurs actions de coopération ont ainsi donné lieu à des échanges avec les unités de neutralisation, d’enlèvement et de destruction des explosifs (NEDEX), des entraînements communs entre le 2e régiment de parachutistes d’infanterie de marine (RPIMa) et les forces spéciales mauriciennes ainsi que des stages d’aguerrissement au centre commando de La Réunion. Maurice participe également à des exercices régionaux majeurs des FAZSOI comme les exercices Papangue en 2018, à La Réunion, ou Varatraza en 2019, à Madagascar. En novembre 2019 a également eu lieu la première édition de l’exercice bilatéral interarmées Phoenix sur le thème de la lutte contre le narcotrafic. Cet exercice a été un réel succès en ce qu’il a notamment permis un rapprochement constructif entre les FAZSOI et les cadres indiens qui commandent les forces navales mauriciennes. Cet exercice sera reconduit la semaine prochaine, dans un format plus réduit en raison des contraintes sanitaires. En moyenne, les FAZSOI conduisent une dizaine d’activités annuelles et contribuent à la formation de 150 à 200 policiers mauriciens ; 430 officiers mauriciens ont ainsi été formés depuis 2015. Le nombre d’escales maritimes est variable : on en compte chaque année cinq à dix en moyenne. En tout, la présence des FAZSOI sur le territoire mauricien peut ainsi atteindre 120 jours, comme me l’a confirmé hier l’attaché de défense français compétent pour Maurice, déployé à La Réunion au sein de l’état-major des FAZSOI. Notre coopération a connu un brutal coup d’arrêt en mars 2020 avec la fermeture des frontières mauriciennes. Seules trois escales pour maintenance des bâtiments des FAZSOI ont été réalisées, soit 176 jours de présence à Maurice en 15 mois lorsque le Nivôse quittera Port-Louis le 9 décembre prochain.

Notre relation de défense est donc dynamique, mais elle pâtit de l’absence de couverture juridique des forces françaises déployées sur le sol mauricien. En 2012, l’état-major des armées avait même interdit aux FAZSOI de mettre en œuvre toute activité impliquant le déploiement de militaires français à Maurice en raison de l’absence de dispositif juridique permettant de leur assurer une protection nécessaire. La négociation et la signature d’un tel accord se sont ainsi révélées indispensables afin d’assurer une protection juridique adéquate aux militaires français déployés à Maurice et de permettre la mise en œuvre d’actions de coopération militaire avec ce pays.

L’accord compte vingt-deux articles. Il comporte des dispositions assez classiques, comparables à celles des accords de coopération habituellement conclus avec nos partenaires, en particulier africains. Il définit les principes généraux et les domaines de la coopération en matière de défense. Parmi les domaines de la coopération, citons notamment la politique de défense et de sécurité dans son ensemble, l’organisation et le fonctionnement des forces armées, les opérations de maintien de la paix et humanitaires ou encore les scolarités militaires. Ces domaines peuvent se décliner sous diverses formes de coopération telles que les activités de formation, d’entraînement des forces et de soutien logistique, l’organisation et le conseil aux forces mauriciennes, l’envoi ou l’échange d’experts techniques ou encore l’organisation de transits, de stationnement temporaire et d’escales aériennes et maritimes. L’accord prévoit que les modalités de mise en œuvre concrète de ces formes de coopération feront l’objet d’accords ou d’arrangements particuliers.

L’accord sécurise aussi le déploiement de membres des forces armées françaises en instituant un partage de juridiction en cas d’infraction conforme à nos exigences constitutionnelles et conventionnelles. La clause de juridiction, prévue à l’article 13, diffère d’ailleurs légèrement des accords similaires signés avec certains autres États. Maurice n’appliquant pas la peine de mort, la clause de juridiction ne contient pas de stipulation visant à la protection particulière du personnel français contre l’application de cette peine. L’accord est rédigé de manière réciproque pour couvrir les personnels français sur le territoire mauricien et les personnels mauriciens en France. Il prévoit en outre un certain nombre de facilités d’ordre administratif, notamment en matière de permis de conduire, de port d’armes, de démarches funéraires en cas de décès ou encore de fiscalité. Enfin, comme les nouveaux accords de coopération en matière de défense entre la France et ses partenaires africains, à l’exception de notre accord avec Djibouti, il ne comporte pas de clause d’assistance en cas d’agression armée au sens de l’article 51 de la Charte des Nations unies.

La négociation de cet accord n’a pas posé de difficulté particulière et c’est pourquoi je vous recommande d’émettre un avis favorable à son adoption.

M. Christophe Lejeune. La COP 26 est terminée et Maurice doit faire face à des enjeux climatiques forts. La montée des eaux risque notamment d’entraîner des mouvements de population. Au-delà du volet défense, que prévoit l’accord pour les enjeux climatiques ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. À ma connaissance, le droit mauricien, notamment le droit civil, a fortement été influencé par la France puisque son code civil a été rédigé par un professeur de l’université d’Aix, Robert Garron. Qu’en est-il aujourd’hui de l’influence française en matière de droit civil et de droits de la personne ?

M. Thomas Gassilloud. Nous avons l’habitude de parler ici de problèmes plus graves que des tags sur les murs d’une ambassade ou des tirs de calibre 12. Notre stratégie dans l’Indo-Pacifique repose à la fois sur une vision globale et sur un ensemble d’accords qui peuvent sembler peu significatifs, mais dont la somme nous permet d’exercer une véritable influence sur cette immense zone de la façade ouest.

L’objectif de cet accord est de formaliser le développement et la coopération dans le domaine de la défense entre la République française et le Gouvernement de la République de Maurice. Cette coopération est certes modeste, mais elle est dynamique et contribue grandement au rayonnement de la France dans cette zone et à l’intégration de nos territoires d’outre-mer dans leur environnement régional. Le groupe Agir ensemble accueille donc très favorablement cet accord et vous remercie pour votre travail.

J’ai, pour ma part, deux questions. Pourriez-vous dresser un état des lieux des accords similaires avec les autres États de la zone ouest indo-pacifique ? En quoi les territoires français situés dans cette zone contribuent-ils, militairement, diplomatiquement ou économiquement, à mener une action décentralisée, au-delà des actions menées depuis Paris ?

M. Yannick Favennec-Bécot. Pourriez-vous brosser un état des forces et des faiblesses des forces armées mauriciennes ? Pourriez-vous revenir sur la contribution mauricienne aux exercices interarmées multinationaux Papangue en 2018 et Varatraza en 2019 ?

Mme Monica Michel-Brassart, rapporteure pour avis. Monsieur Lejeune, plusieurs actions concordantes sont menées dans cette zone de l’océan Indien, qui est vulnérable au changement climatique, notamment à la montée des eaux. L’ÂGE concentre son action sur l’accompagnement face aux défis du changement climatique. Par ailleurs, un accord sur le développement durable a été signé le 24 janvier 2011 et la France apporte son soutien en cas de crise environnementale, comme cela a été le cas récemment lors d’une marée noire à Maurice. Je rappelle que l’IORA, dont la France et Maurice sont membres, traite des questions environnementales. Enfin, la présidence française de la COI, de mai 2021 à mai 2022, s’est donnée comme priorité, outre les questions de sécurité maritime et de lutte contre la pandémie, le développement de l’économie bleue et la préservation de l’environnement.

Monsieur Gassilloud, un tir de calibre 12 peut nous paraître dérisoire, mais il ne l’est pas dans un pays qui n’a pas l’habitude de vivre ce genre de violence. La proximité de La Réunion explique largement le dynamisme de nos relations bilatérales avec Maurice et, comme j’ai pu le constater dans le cadre de la mission que je mène avec Laurence Trastour-Isnart, nos territoires dans cette région constituent des points d’appui pour notre action.

Concernant les autres accords de la région, le plus structurant est celui avec Djibouti. J’ai d’ailleurs eu l’occasion de travailler sur la prévôté de Djibouti. La France est le seul État à avoir des militaires accompagnés de leurs familles dans cette partie du monde. Ils sont logés sur place en permanence pendant la durée de leur mission. Il existe d’autres accords passés par la France dans cette région : avec l’Afrique du Sud en 1998, avec l’Australie en 2006, avec les Comores en 2010 ou avec les Seychelles en 2002.

Monsieur Michel-Kleisbauer, la France dispose toujours d’une certaine influence à Maurice, mais nous veillons à ne pas profiter d’une rente de situation puisque notre objectif est d’accompagner les efforts de Maurice pour conforter sa démocratie en œuvrant, par exemple, pour améliorer les règles qui encadrent le financement de la vie politique.

Monsieur Favennec-Bécot, l’exercice Papangue a été conduit à La Réunion en 2018. Au cours de cet exercice interarmées et interalliés, 1 200 militaires français, des Comores, de Madagascar, de Maurice et des Seychelles ont simulé l’évacuation de ressortissants par voies de l’air, de la terre et de la mer. Quant à l’exercice Varatraza conduit à Madagascar en 2019, auquel 1 100 militaires des mêmes pays que l’exercice Papangue ont participé, son objectif était de conduire un engagement pour contribuer à l’opérationnalisation de la COI.

Maurice n’a pas d’armée à proprement parler. Le pays dispose d’une force de police d’environ 13 400 hommes dont 2 000 affectés à deux forces paramilitaires, une force spéciale mobile et les garde-côtes. Ces forces paramilitaires sont plutôt bien équipées.

 

La commission émet à l’unanimité un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi.

 


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   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission
des affaires ÉtrangÈres

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Maurice relatif à la coopération en matière de défense et au statut des forces, signé à Port-Louis le 12 mars 2018, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 4200)

 


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   ANNEXE n° 2 : Liste des personnes auditionnÉes
par le rapporteur au fond

 

— Mme Marylou Bonnotte, rédactrice Madagascar, Maurice, Seychelles à la sous-direction d’Afrique australe et de l’Océan indien

— Lieutenant-colonel Emmanuel Deverre, officier géographique en charge de Maurice

— Enseigne de vaisseau Romain Couvert, conseiller au pôle rayonnement

— Commandant Christophe Dumais

    Lieutenant de vaisseau Emmanuelle Panico

— Mme Audrey Strochlic, chef du bureau du droit international public général


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   Annexe n° 3 : Liste des personnes auditionnÉes
par la rapporteure pour avis

 

   Mme Audrey Strochlic, cheffe du bureau du droit international public général à la direction des affaires juridiques, M. le commandant Christophe Dumais, représentant la direction générale des relations internationales et de la stratégie, et Mme la capitaine Emmanuelle Panico, représentant l’état-major des armées 

    Mme Marylou Bonnotte, rédactrice Madagascar, Maurice, Seychelles, au sein de la sous-direction d’Afrique australe et de l’océan Indien, M. l’enseigne de vaisseau Romain Couvert, conseiller au pôle « rayonnement » de la direction de la coopération de sécurité et de défense, et M. le lieutenant-colonel Emmanuel Deverre, officier géographique en charge de Maurice 

    Mme Florence Caussé-Tissier, ambassadrice, et M. le capitaine de frégate Rémi Kaufmann, attaché de défense non-résident Seychelles-Maurice.

 

 


([1]) La Réunion et Mayotte constituent à la fois des régions et des départements.

([2]) En 2019, l’Assemblée générale des Nations Unies a adopté une résolution exigeant du Royaume-Uni qu’il mette fin à son administration de l’archipel des Chagos dans les plus brefs délais et reconnaisse la souveraineté de Maurice sur ce territoire. Ce contentieux constitue un réel irritant entre Londres et Port‑Louis.

([3]) Les « Petits États insulaires en développement » (PEID) forment un groupe distinct de 38 États Membres et de 20 États non membres de l’ONU qui sont exposés à des risques sociaux, économiques et environnementaux particuliers. Ils se trouvent dans trois régions : Caraïbes-Pacifique, Atlantique, Océan Indien et Mer de Chine méridionale. Ils ont été reconnus comme un groupe distinct de pays en développement lors de la Conférence des Nations Unies sur l’environnement et le développement de Rio en 1992.

([4]) Les Partenariats Hubert Curien (PHC), sont des programmes bilatéraux de soutien à la mobilité des chercheurs qui constituent un instrument privilégié de la coopération scientifique de la France avec ses partenaires étrangers. Les Partenariats Hubert Curien (PHC) sont mis en œuvre et financés par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, avec le soutien du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

([5]) Le Réduit est une banlieue de la ville de Moka, au centre de l’Île Maurice, qui abrite de prestigieux établissements d’enseignement, comme l’Université de Maurice.

([6]) J. M. G. Le Clézio, Prix Nobel de littérature 2008, est issu d’une famille mauricienne et est imprégné de la Culture de Maurice.

([7]Maritime Rescue Coordination Centres.

([8]) Signée par l’Ambassadeur de France à Maurice, Emmanuel Cohet, et par le Secrétaire Permanent du Ministère de la Défense et de Rodrigues, Medha Gunputh.

([9]) La zone de responsabilité permanente (ZRP) des FAZSOI recouvre 14 pays, parmi lesquels dix pays d’Afrique australe et quatre membres de la Commission de l’océan Indien (COI). Regroupant des unités des trois armées, l’état-major interarmées du COMSUP FAZSOI commande près de 1 800 militaires et 300 personnels civils de la défense.

([10]) La notion de « procès équitable » renvoie aux garanties prévues par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’Homme et des libertés fondamentales (Conseil de l’Europe, 1950) et par le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (Assemblée générale des Nations unies, 1966).

([11]) L’Assemblée générale des Nations Unies a, par une résolution du 20 décembre 1993, consacré des « principes relatifs au statut et au fonctionnement des institutions nationales pour la défense et la promotion des droits de l’homme », connus sous le nom de « principes de Paris ». Ces principes exigent que l’existence des instances nationales de protection des droits de l’homme ainsi que les principales garanties dont elles jouissent pour accomplir leur mission soient consacrées par un texte de valeur constitutionnelle ou, à tout le moins, législative (de manière à les prémunir du risque de suppression par une simple mesure réglementaire).

([12])  Octobre 2019.

([13]) Confettis d’empire ou points d’appui ? L’avenir de la stratégie française de présence et de souveraineté Focus stratégique, n° 94, février 2020. Institut français des relations internationales. Elie Tenenbaum, Morgan Paglia, Nathalie Ruffié. Accessible à partir de ce lien.