N° 4756

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er décembre 2021

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI,
ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents,

PAR Mme Amélia LAKRAFI

Députée

——

 

 

 

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 484, 616, 617 et T.A. 125 (2020 2021).

Assemblée nationale : 4280.

 


 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. des migrations franco-kÉnyanes peu nombreuses malgrÉ les enjeux

A. LE KENYA, un partenaire important en afrique de l’est

1. Une puissance régionale

2. Une relation bilatérale renforcée

B. des migrations universitaires et Économiques encore faibles

1. Des échanges universitaires insuffisants

2. Des migrations économiques limitées

a. État des lieux des relations économiques

b. Des migrations professionnelles peu nombreuses

C. une immigration française confrontÉe À des difficultÉs administratives

II. un accord qui accompagne le renforcement de notre partenariat bilatéral

A. contenu de l’accord

1. Donner une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale

2. Des visas et des titres de séjour plus accessibles

3. Des dispositions finales classiques

B. effets attendus de l’accord

1. Une augmentation des migrations franco-kényanes dont l’ampleur dépendra de la mobilisation des différents acteurs

2. Un impact financier limité

CONCLUSIOn

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE  1  TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

Annexe n° 2  liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

 

 

 

 

 

 

 


— 1 —

 

    

   introduction

Notre commission est saisie du projet de loi autorisant l’accord de partenariat relatif à la promotion et à l’échange des compétences et des talents entre la France et le Kenya signé le 13 mars 2019 à Nairobi par le ministre français de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et par la ministre kenyane des affaires étrangères, Mme Monica K. Juma.

Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d’influence traditionnelle de la France, ce pays est devenu incontournable en l’Afrique de l’Est. Or, les échanges et les migrations franco-kényanes étaient jusqu’ici relativement faibles, qu’il s’agisse des migrations professionnelles, scientifiques ou universitaires.

Dans ce contexte, cet accord facilite l’accès aux titres de séjour et prévoit des actions spécifiques de promotion de la mobilité pour plusieurs publics : les étudiants (avec Campus France par exemple), les enseignants, les universitaires, les chercheurs, les stagiaires, les volontaires (notamment les VIE) et les autres professionnels. Ces dispositions devraient renforcer l’attractivité des deux pays.

Comme pour le projet de loi sur l’accord de partenariat pour les migrations et la mobilité entre la France et l’Inde (n°3055), examiné en commission le 31 mars 2021, la migration est pensée comme « circulaire » : elle doit permettre à un talent de partir étudier ou travailler dans l’autre pays, puis éventuellement de revenir dans son pays d’origine, tout en gardant des liens avec son ancien pays d’accueil.

 

 

 

 


— 1 —

 

I.    des migrations franco-kÉnyanes peu nombreuses malgrÉ les enjeux

A.   LE KENYA, un partenaire important en afrique de l’est

1.   Une puissance régionale

La République du Kenya est un État démocratique d’Afrique de l’Est traversé par l’équateur et bordé par l’océan Indien. Il dispose de frontières avec le Soudan du Sud et l’Éthiopie au Nord, la Somalie à l’Est, la Tanzanie au Sud et l’Ouganda à l’Ouest.

Avec 53,7 millions d’habitants (Banque mondiale, 2020), il est le septième pays le plus peuplé d’Afrique et sa population continuera de croître puisque le nombre d’enfants par femme est estimé à 3,31 en 2021 (Institut national démographique). Le Kenya bénéficie d’une population jeune : 38,5 % de la population est composée d’enfants de moins de quatorze ans (Banque mondiale, 2020). Le nombre d’étudiants augmente régulièrement. On compte environ 555 000  étudiants, selon l’ambassade de France au Kenya et en Somalie.

Le Kenya constitue également un moteur économique pour toute l’Afrique de l’Est. En 2019, après une décennie de croissance économique forte (5 à 6 % par an) portée par des investissements très importants dans les infrastructures, son produit intérieur brut (PIB) était évalué à 98,6 milliards de dollars (85,8 milliards d’euros). Le pays développe progressivement une économie de services (46,5 % de son PIB) et une industrie (16 % du PIB), même si l’agriculture occupe encore une part très importante (37,5 % du PIB et deux tiers de la population active). En 2014, le Kenya a été classé au rang de pays à revenu intermédiaire.

Le pays doit toutefois encore faire face à de nombreux défis : inégalités des revenus (40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté), modernisation de l’agriculture, déficit commercial chronique lié à une faible diversification des exportations, déficit budgétaire récurrent.

De plus, le pays a souffert de la crise sanitaire. Plus de 250 000 cas de Covid-19 ont été recensés, dont 5 325 décès (novembre 2021, université Johns Hopkins). Cette crise s’est rapidement répandue à l’économie, comme dans les autres pays : la croissance économique était négative en 2020 (– 0,3 % selon le Fonds monétaire international, FMI) et le risque de non‑soutenabilité de la dette est désormais classé « élevé ». L’économie kenyane semble toutefois bien engagée sur la voie de la reprise puisque le FMI estime que la croissance pourrait s’établir à 6,3 % en 2021 puis à 6,4 % en 2022, année des élections présidentielles kényanes.

2.   Une relation bilatérale renforcée

La relation bilatérale entre la France et le Kenya a été renforcée par deux visites présidentielles : celle du président Emmanuel Macron au Kenya du 13 au 14 mars 2018 ([1]), la première visite d’un président français depuis l’indépendance du Kenya en 1963, et celle du président Uhuru Kenyatta en France du 29 septembre au 2 octobre 2020. De plus, du 27 au 29 octobre 2021, une délégation française composée de M. Franck Riester, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, de votre rapporteure, députée de la 10ème circonscription des Français établis hors de France dont le Kenya fait partie, et d’entreprises françaises, s’est rendue au Kenya.

Cette coopération se concentre avant tout sur l’enseignement supérieur, considéré comme une priorité par le gouvernement kényan, mais aussi par la France à la suite du discours prononcé le 28 novembre 2017 par le président Emmanuel Macron à l’université de Ouagadougou, au Burkina Faso. Le président s’était alors engagé à promouvoir la mobilité étudiante entre la France et le continent africain.

En outre, lors de sa visite de mars 2019, le président a rencontré des étudiants kenyans à l’université de Nairobi pour les encourager à poursuivre leurs études supérieures en France.

Cette visite a également été l’occasion de signer le présent accord mais aussi, dans le cadre de la coopération scientifique, de renouveler, un accord de coopération technique de 2015 ([2]). Conclu entre le ministère kényan de l’éducation, des sciences et des technologies et trois instituts français de recherche ([3]), il a permis de conduire plus de quatre-vingts programmes de recherche conjoints en sciences sociales, en sciences agronomiques pour le développement et en sciences environnementales.

La coopération bilatérale se traduit également dans la promotion du français, première langue étrangère enseignée au Kenya ([4]) : 400 professeurs, 48 000 apprenants (40 000 dans le secondaire, 8 000 dans le supérieur). Le Kenya accueille un lycée français, le lycée Denis Diderot (650 élèves avant la crise sanitaire, 593 à la rentrée 2021 ; 20 enseignants dits « résidents »), 22 centres de ressources pour le français et deux Alliances françaises, à Nairobi (2 500 étudiants, une trentaine d’enseignants vacataires dont une seule Française) et à Mombasa (200 étudiants et une dizaines d’enseignants vacataires kényans) ([5]).

De plus, depuis le mois de septembre 2018, le Kenya est éligible au programme des assistants de langue étrangers de France Éducation international (anciennement appelé Centre international d’études pédagogiques (CIEP)), un établissement public placé sous la tutelle du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports. Ce programme comporte deux volets : les assistants de langue vivante étrangère en France (ALVE, mobilité entrante) et les assistants de français à l’étranger (ALF), mobilité sortante). L’ambassade de France a rejoint le programme pour le premier volet en 2019 (59 ALVE anglophones kényans sont en venus en France en 2019-2020, 82 en 2020-2021) et a récemment lancé le second volet (ALF). Ainsi, à la rentrée 2021, 122 assistants kényans d’anglais étaient affectés dans des écoles en France et deux assistantes françaises enseignaient le français dans deux universités publiques kényanes.

Néanmoins, si la coopération universitaire et culturelle s’est accentuée depuis quelques années, elle ne se traduit toutefois pas encore suffisamment dans les chiffres. De plus, la coopération économique est jusqu’ici limitée. Le Kenya n’est pas un partenaire économique majeur de la France.

B.   des migrations universitaires et Économiques encore faibles

Les migrations franco-kényanes sont peu nombreuses, même si elles ont pu augmenter sur la période 2014-2019. Le nombre d’expatriés en témoignent :

– la communauté française au Kenya compte environ 1 800 personnes en 2021, soit une augmentation de 20,5 % depuis 2014 (1 493) ;

– la communauté kényane en France compterait au moins 2 500 personnes en 2021 selon l’ambassade du Kenya en France. 

Le nombre de titres de séjour délivrés par la France à des ressortissants kényans a augmenté de 31 % depuis 2015 : 1 267 Kényans adultes en disposaient en 2020 ([6]) , contre 964 en 2015. Le nombre de premiers titres de séjour délivrés reste toutefois peu élevé : 217 en 2019 et 183 en 2020.

Le premier motif d’admission au séjour est économique (64 premiers titres de séjour ont été délivrés en 2020, soit 35 %), le deuxième est universitaire (58 soit 32 %), le troisième familial (31, soit 17 %). L’immigration humanitaire est très faible (15, soit 8 %).

Premiers titres délivrÉs à des ressortissants kÉnyans
par motif d’admission, en 2019 et 202

Motif

2019

2020

Économique

73

64

Familial

49

31

Étudiants & stagiaires

56

58

Divers

24

13

Humanitaire

15

17

TOTAL

217

183

Source : MEAE.

 

1.   Des échanges universitaires insuffisants

Les échanges universitaires entre la France et le Kenya sont peu développés. Il y aurait seulement une trentaine de coopérations universitaires actives entre les deux pays.

Le nombre d’étudiants français au Kenya est tout d’abord très faible. L’ambassade de France au Kenya et en Somalie estime leur nombre à moins de dix par an. Sciences Po Paris, et plus spécifiquement le Campus de Reims, dispose notamment d’un programme d’échange avec le Kenya (Strathmore University et Kenyatta University). Pendant l’année universitaire 2021-2022, sept étudiants de Sciences Po Paris étudieront au Kenya pendant un semestre.

 

L’organisation des études supérieures au kenya

Le nombre d’universités et de collèges universitaires kényans ne cesse d’augmenter. Alors qu’on en dénombrait seulement 2 en 1970, ils étaient 33 en 2012 et sont 75 en 2021.

 

Les diplômes proposés sont les suivants :

- le certificate, diplôme professionnalisant sanctionnant une formation courte ;

- le diploma, diplôme professionnalisant obtenu en général après deux ans d’études ;

- le bachelor, équivalent de la licence en France, obtenu après quatre à six ans d’études selon les disciplines ;

 - le master, d’une durée de deux ans, visant à se spécialiser après le bachelor ;

 - le doctorat.

 

Les sciences humaines et sociales rassemblent trois quarts des étudiants kényans mais le gouvernement souhaite développer l’enseignement des sciences, des technologies et des mathématiques.

 

Les universités manquent néanmoins d’enseignants. En effet, alors que la population étudiante a quintuplé entre 2011 et 2018 ([7]), le nombre d’enseignants n’a augmenté que de 13 % sur la même période.

 

Par ailleurs, les pratiques pédagogiques apparaissent souvent très théoriques et déconnectées des besoins du marché du travail. Les cursus universitaires intègrent par exemple peu les stages en entreprise. Toutefois, cette situation pourrait évoluer car on constate une forte demande de la part des étudiants pour créer plus de liens entre les universités et les entreprises, et ainsi faciliter leur entrée sur le marché de l’emploi.  

En parallèle, sur l’année 2019-2020, on comptait 203 étudiants kényans en France, un chiffre très faible au regard des 15 732 Kényans qui étudient à l’étranger selon l’UNESCO. Or, la crise sanitaire a depuis réduit ce nombre ([8]) : seuls 92 étudiants se sont rendus en France en 2021 (chiffres de novembre 2021) ([9]) ([10]).

Le nombre de bourses accordées par la France aux étudiants kényans est quant à lui relativement stable depuis plusieurs années et a été peu impacté par la crise sanitaire : 27 en 2016, 29 en 2017, 35 en 2018, 28 en 2019, 26 en 2020, 24 en 2021.

Malgré une préférence traditionnelle du Kenya pour les pays anglophones, les établissements français ont des opportunités à saisir pour nouer des partenariats avec le Kenya et participer au renouveau des élites locales. L’excellence des formations proposées en France, le coût relativement raisonnable des inscriptions dans nos établissements et le développement de cursus en anglais sont autant d’atouts pour convaincre les partenaires kényans. Selon Mme Judi Wakhungu, ambassadrice du Kenya à Paris, le contexte apparaît d’autant plus favorable que l’économie kenyane a besoin de personnels de plus en plus qualifiés, notamment en sciences et en ingénierie.

Cette mission de promotion des universités et des grandes écoles françaises est confiée à Campus France, en plus des actions ponctuelles que les établissements français mènent aussi parfois individuellement. 

La promotion de l’enseignement supérieur au Kenya

Le bureau Campus France au Kenya (2 agents pour 1,5 équivalent temps plein ETP) promeut les études supérieures en France via différentes types d’activités :

– des visites d’établissements scolaires kényans (lycées, universités) à Nairobi et en dehors ;

– l’organisation et la participation à des salons étudiants : un Choose France Tour a été organisé au Kenya du 14 au 16 octobre 2021 et a permis à 300 étudiants kényans de découvrir onze établissements d’enseignement supérieur français ;

– la promotion des études en France sur les réseaux sociaux : vidéos explicatives sur des thématiques liées aux études en France, témoignages d’alumni, organisation de jeux-concours, publication de quiz sur la France, etc. ;

– l’accueil et l’aide à l’orientation des étudiants intéressés à poursuivre leurs études en France au sein du bureau Campus France, situé dans l’Alliance française de Nairobi.

 

La promotion des programmes enseignés en anglais disponibles en France, le programme d’assistants kényans pour les cours d’anglais ainsi que le développement des programmes de bourses sont des axes qui pourraient influencer positivement le départ des étudiants kényans vers la France pour leurs études. De même, l’utilisation de la plateforme Études en France depuis le 1er octobre 2021 permettra de faciliter l’inscription des étudiants kényans à des programmes universitaires français.

En matière de coopération scientifique et technique, le Kenya accueille chaque année des chercheurs français, notamment dans le cadre des trois instituts de recherche français évoqués supra : l’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et l’Institut de Recherche en Afrique (IFRA). En parallèle, la France accueille une douzaine de chercheurs annuellement sur son territoire, dont parfois dans des institutions prestigieuses telles que le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA). 

2.   Des migrations économiques limitées

a.   État des lieux des relations économiques

Les échanges économiques franco-kényans ont régulièrement augmenté lors de la décennie 2010, en bénéficiant majoritairement à la France. De 2016 à 2019, les exportations françaises ont progressé d’environ 13 % pour atteindre 173 millions d’euros en 2019. Sur cette période, la France a enregistré un excédent commercial annuel toujours supérieur à 60 millions d’euros.

 

Échanges commerciaux entre la France et le kenya

(hors matériel militaire)

Source : Fiche pays Kenya « repères économiques », Direction de la Diplomatie économique, MEAE (à partir de données des Douanes françaises).

 

Il est intéressant de noter que la France est le troisième investisseur étranger au Kenya, selon les chiffres des autorités kényanes et le cinquième selon les chiffres français. Le stock des investissements directs à l’étranger (IDE) représenterait environ 465 millions d’euros. Ces investissements s’effectuent dans des secteurs variés tels que les transports, la santé, la construction, l’énergie, l’automobile, les télécommunications, les services financiers et la grande distribution ([11]).

Le Kenya est toutefois encore loin de figurer parmi les premiers partenaires commerciaux de la France, et inversement. Le Kenya n’est que le quatre-vingt-onzième fournisseur et le quatre-vingt-seizième client de la France. La France est le quatorzième fournisseur du pays et son seizième client (FMI, 2020) ([12]).

La crise sanitaire a eu un double effet : elle a augmenté les importations françaises (+ 19 %), notamment pour les produits agroalimentaires, et réduit les exportations (– 14 %).  En conséquence, en 2020, notre excédent commercial ne s’élevait plus qu’à 17,8 millions d’euros.

Évolution des échanges entre la France et le kenya

(en millions d’euros)

Source : Idem. 

En 2020, les quatre premiers postes d’exportation (hors matériel militaire) de la France vers le Kenya étaient les produits chimiques, les parfums et les cosmétiques (26,4 %), les produits des industries agroalimentaires (18,8 %), les produits pharmaceutiques (14,2 %) et les machines industrielles et agricoles et machines diverses (8,9 %). Les premiers postes d’importation étaient les produits agricoles, sylvicoles, de la pêche et de l’aquaculture (58,5 %) et les produits des industries agroalimentaires (34,9 %), situés loin devant les produits des industries extractives dont les hydrocarbures (2,3 %) et le textile (1,5 %).

À moyen terme, la reprise économique au Kenya et l’implantation récente de plusieurs grandes entreprises françaises, telles que Decathlon, pourraient contribuer à relancer les échanges économiques bilatéraux.

b.   Des migrations professionnelles peu nombreuses

Ce contexte commercial contribue au nombre relativement peu élevé de migrations professionnelles. Seuls 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans en 2019 et 64 en 2020.

De même, le dispositif « passeports talents » ([13])  a été très peu utilisé : 7 fois en 2019 et 6 fois en 2020. Ce type de carte de séjour pluriannuelle a pourtant pour objectif d’attirer les talents en France.

passeports talents accordés à des ressortissants kÉnyans
en 2019 et en 2020

Type

2020

2020

Recrutement dans une entreprise innovante

0

0

Emploi hautement qualifié

3

3

Salarié en mission

0

1

Chercheur

3

1

Création d’entreprise

0

0

Projet innovant reconnu par un organisme public

1

0

Investisseur

0

0

Mandataire social

0

1

Profession artistique et culturelle

0

0

Personne de renommée internationale

0

0

TOTAL

7

6

Source : ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Les migrations de la France vers le Kenya sont également peu nombreuses, même si on ne dispose pas du nombre exact de titres de séjour accordés par la partie kényane. Parmi ces Français, il y avait 316 salariés détachés en 2019 (rapport du Centre des liaisons européennes et internationales de sécurité sociale, CLEISS).

La France souhaite développer le dispositif « volontaires internationaux en entreprise » (VIE), dont bénéficiait 18 Français en septembre 2021 pour le compte de 16 entreprises distinctes, selon Business France. Elle souhaite également augmenter le nombre de « volontaires de solidarité internationale » (VSI), « engagés de service civique à l’international » et de jeunes actifs. Selon France Volontaires et la FONJEP, on comptait 4 VSI au Kenya en 2021 (chiffre de novembre 2021). Le Kenya n’est pas encore une destination majeure pour les VSI : depuis 2010, le pays en accueille entre 2 et 10 annuellement. Les principaux organismes d’accueil des volontaires sont d’une part, les mouvements scouts, et d’autre part, la YMCA et la FIDESCO, deux ONG chrétiennes de solidarité.

C.   une immigration française confrontÉe À des difficultÉs administratives

L’accord est un outil pour obtenir des services kényans une accélération des procédures de délivrance des permis de travail et des permis de résidence, qui peuvent être particulièrement longues et complexes.

Le tableau ci-dessous résume les difficultés rencontrées par les Français qui souhaite travailler au Kenya :

Public effectuant une demande de titre de séjour

Réponse des autorités kényanes

Étudiants

Les étudiants bénéficient en général d’un student pass mais ce dernier est délivré après une longue attente.

Stagiaires

Les stagiaires ont des difficultés à obtenir un internship pass dans des délais suffisants par rapport à la durée de leur stage.

Universitaires et chercheurs

Pour un séjour court, les universitaires et les chercheurs français rencontrent peu de difficultés, mais l’attribution d’un permis de recherche est presque impossible.

Enseignants et autres membres d’une équipe pédagogique

Les personnels du lycée français rencontrent de grandes difficultés pour obtenir un permis de résidence. De même, les deux enseignantes du programme ALF ne l’ont pas obtenu, malgré les demandes introduites par les universités où elles enseignent.

Volontaires internationaux en entreprise (VIE)

Les VIE n’étaient jusqu’ici pas considérés comme des volontaires : ils devaient demander un special pass (permis classe D) coûtant 2 500 dollars par an et ne voyaient pas toujours leur permis renouvelé. À la suite de la visite de Franck Riester et de la rapporteure au Kenya du 27 au 29 octobre 2021 ([14]), les autorités kényanes ont finalement accepté de considérer les VIE comme des « stagiaires présentés par le gouvernement français ». Ils bénéficieront d’un permis de travail d’une durée de deux ans, qui coûte environ onze euros selon l’ambassade du Kenya à Paris.

Volontaires de solidarité internationale (VSI)

Les VSI obtiennent en principe des titres de séjour comme volontaires, mais souvent après des mois d’attente sans réponse. Dans ce contexte, les organisations encadrantes finissent par renoncer aux missions.

Ces difficultés ont été récemment accentuées par la crise sanitaire et par des problèmes techniques liés au passage au numérique pour certaines procédures.

La rapporteure souhaite préciser la situation dans laquelle se trouvent plusieurs membres du personnel du lycée français. Le ministère kényan des affaires étrangères (Ministry of Foreign Affairs, MFA) ne leur a pas encore délivré de carte de résidence, en plus de l’exemption de permis de travail apposée sur leur passeport de service. Les personnels concernés sont alors bloqués pour des démarches indispensables à leur quotidien (reconnaissance du permis de conduire, déplacements limités, application de tarifs non-résidents, etc.). Pour résoudre la situation, les autorités kényanes avaient décidé de créer un titre de séjour spécifique, distinct de celui du personnel des ambassades, avant la fin de l’année 2020. Toutefois, la situation perdure encore au moment de la rédaction du rapport même si l’ambassadrice du Kenya à Paris a assuré à la rapporteure que le problème était en cours de traitement.

Du côté français, le taux de refus des visas long séjour est relativement faible : 4,78 % en 2019, 4,17 % en 2020. Ce taux est très largement inférieur au taux mondial de refus pour les visas de long séjour qui est d’environ 20 %.

 


II.   un accord qui accompagne le renforcement de notre partenariat bilatéral

Pour augmenter la mobilité professionnelle et universitaire franco-kényane, la diplomatie française s’est mobilisée. Elle a réussi à négocier l’accord de partenariat relatif à la promotion et à l’échange des compétences et des talents entre la France et le Kenya en seulement quatre mois, profitant de la nouvelle dynamique de renforcement des relations bilatérales. Les négociations ont commencé en décembre 2018 et se sont achevées avec la signature de l’accord le 13 mars 2019.

A.   contenu de l’accord

1.   Donner une nouvelle impulsion à la coopération bilatérale

Le préambule du présent accord, dont il est demandé d’autoriser l’approbation, rappelle les différentes composantes de la coopération culturelle, universitaire et scientifique déjà établie entre la France et le Kenya. Il présente par exemple les trois instituts régionaux de Nairobi (CIRAD, IRD, IFRA) et l’école française Denis Diderot de Nairobi.

Dès la première phrase du préambule, les parties annoncent toutefois leur volonté de « donner une nouvelle impulsion à leur relation en facilitant les échanges et la promotion des compétences et des talents. »

Les trois grands objectifs de l’accord sont les suivants :

« i. Favoriser la mobilité des étudiants, enseignants, universitaires, chercheurs, stagiaires, volontaires et professionnels dans le respect de l’égalité de traitement des ressortissants des deux pays en situation similaire

« ii. Faciliter la délivrance d’une autorisation de travail aux ressortissants de chaque Partie rattachés à une institution culturelle, sociale, économique, éducative et technique sur le territoire de l’autre Partie.

« iii. Faciliter pour chaque Partie la mobilité des professionnels visant à promouvoir l’acquisition de nouvelles compétences et expériences. »

Ainsi, l’accord doit rendre la coopération plus concrète. Elle doit désormais se manifester automatiquement dans les titres de séjour ([15]) et les droits accordés aux ressortissants mentionnés.  

2.   Des visas et des titres de séjour plus accessibles

L’accord est organisé autour des différents publics dont la mobilité doit être favorisée. L’article 1er concerne les étudiants, l’article 2 les stagiaires, l’article 3 les universitaires et les chercheurs, l’article 4 les enseignants et les autres membres d’une équipe pédagogique, l’article 6 les professionnels et l’article 7 les volontaires.

Pour chacune de ces catégories, l’accord précise les titres de séjour pouvant être demandés, mais aussi les dispositifs qui peuvent être mobilisés pour aider la personne concernée à se rendre dans le pays d’accueil.

L’alinéa 2 de l’article 1 indique ainsi qu’un titre de séjour d’une durée maximum de douze mois est délivré par les autorités françaises « au ressortissant kényan qui établit qu’il suit en France un enseignement ou qu’il y fait des études et qu’il dispose de moyens d’existence suffisants. » Le texte précise également que « ce titre de séjour donne droit à l’exercice, à titre accessoire, d’une activité professionnelle salariée dans la limite de 60 % de la durée de travail annuelle. » Lors du renouvellement, l’étudiant reçoit un titre de séjour pluriannuel couvrant la durée restante du cycle d’études dans lequel il est engagé (alinéa 3).

De plus, l’alinéa 4 indique qu’un titre de séjour de douze mois, non renouvelable, peut également être délivré à un ressortissant kényan qui a achevé avec succès un diplôme au moins équivalent à la licence professionnelle ou au master dans un établissement d’enseignement supérieur français habilité ou dans un établissement d’enseignement supérieur kényan lié à un établissement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international. Ce titre de séjour permet de bénéficier d’une première expérience professionnelle, avant un retour au Kenya.

Pour attirer les étudiants kényans en France, l’alinéa 1 de l’article 1 prévoit d’« intensifier les activités menées par [l’]ambassade et Campus France au Kenya ».

Pour sa part, « la partie kényane s’engage à délivrer un « pass étudiant » à un étudiant français invité par des universités kenyanes ou par une institution française de recherche établie au Kenya conformément aux arrangements bilatéraux signés entre les institutions académiques françaises et kényanes » (alinéa 6). Le pass étudiant (student pass) correspond au visa d’études au Kenya.

Les alinéas 1 et 2 de l’article 2 prévoient un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) d’une durée de quatre à douze mois pour les étudiants kényans en stage France. Réciproquement, les stagiaires français au Kenya reçoivent un titre de séjour d’une durée maximum de douze mois (alinéa 3).

L’article 3 indique que les chercheurs et doctorants kényans peuvent bénéficier d’un titre de séjour français « valable pour la durée de la convention d’accueil, dans la limite de quatre ans, et renouvelable pour la durée des activités de recherche ou d’enseignement » (alinéa 2). De même, la partie kényane délivre un titre de séjour « sur la base du permis de recherche selon la législation kényane et les arrangements bilatéraux » (alinéa 3). La durée n’est pas précisée.

L’article 4 porte sur trois catégories d’enseignants et de membres d’équipes pédagogiques pour lesquelles « les Parties facilitent la délivrance dans les meilleurs délais des autorisations de travail et des titres de séjour » :

-         « [les] assistants d’anglais de nationalité kényane et [les] assistants de français de nationalité française relevant du programme réciproque de recrutement des enseignants d’anglais du Centre International d’Études Pédagogiques (CIEP) » (alinéa 1) ;

-         « [les] professeurs de français de nationalité française dans les écoles, les établissements d’enseignement supérieur ainsi que dans les Alliances françaises au Kenya » (alinéa 2) ;

-         « [le] personnel enseignant et administratif français travaillant dans l’école française de Nairobi « Denis Diderot », dans les conditions définies par l’échange de lettres du 24 novembre 1972 entre les gouvernements français et kényan, qui prévoit notamment la délivrance gratuite d’un permis de séjour et de travail » (alinéa 3).

Sur ce dernier point, l’accord permet de consolider le statut de ces différents personnels, et notamment ceux de l’école française Denis Diderot car les Kényans considèrent l’échange de lettres de 1972 relatif à un accord de coopération culturelle et technique de 1971 comme obsolète.

L’article 5 est assez général. Il porte sur la mobilité de compétence du Kenya vers la France : « la Partie française facilitera la délivrance d’une carte de séjour pluriannuelle valide pour une durée maximale de quatre ans renouvelable, pour les ressortissants kényans ayant un projet économique, scientifique, culturel ou humanitaire susceptibles d’apporter une contribution significative au développement des relations entre les deux pays. »

Les points 6.1, 6.2 et 6.3 de l’article 6 ciblent quant à eux des catégories spécifiques de « professionnels » : il s’agit respectivement des employés détachés et salariés en mission entre entreprises d’un même groupe, des employés en formation interne et des jeunes actifs.

Pour la première catégorie, le titre de séjour français correspond à la durée du détachement. Il est délivré pour une durée d’une à quatre années et est renouvelable pour la même durée sur justificatif d’emploi au sein du même groupe, sauf pour le public « employés détachés ICT ». La partie kényane « s’engage à faciliter la délivrant d’un visa de travail », sans préciser de durée.

Pour les employés en formation interne, la partie française peut donner un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) d’une durée comprise entre quatre et douze mois, sur présentation de l’accord de formation prévu par la réglementation en vigueur. De même, « les employés de nationalité française souhaitant maintenir une position de travail au Kenya pour des raisons similaires reçoivent des autorités compétentes kényanes un visa de travail pouvant aboutir à un titre de séjour d’une validé maximale de 18 mois. »

Enfin, au point 6.3 de l’article 6 et à l’article 7, l’accord prévoit le développement, sur une base de réciprocité, des échanges de jeunes actifs et des volontaires entre la France et le Kenya.

La partie française s’engage « à accueillir des volontaires kényans travaillant en France pour une organisation publique ou privée à travers l’Agence nationale du service civique ». Ces volontaires bénéficient d’un visa long séjour temporaire non renouvelable d’une validité allant de quatre à douze mois.

La partie kényane s’engage quant à elle à donner un permis de classe I (coût d’environ 50 euros par an) aux Français volontaires internationaux en entreprise (VIE), volontaires engagés dans les programmes volontaires de solidarité internationale (VSI) et volontaires du service civique français de bénéficier d’un droit au séjour le temps de leur mission au Kenya.

Il s’agit d’un des principaux apports de l’apport de l’accord car la situation des VIE était extrêmement critique. Le nombre de VIE est peu élevé et diminue même : il est passé de 33 en 2019 à 18 en 2021. Les difficultés rencontrées jusqu’à présent pour obtenir des permis de travail pour les VIE ainsi que les coûts associés, ont découragé les entreprises françaises, et en particulier les PME, d’utiliser ce dispositif. Les VSI souffrent également difficultés similaires. Ils sont seulement 4 en 2021 et ne dépassent jamais le nombre de 10 par an.

À la suite de la visite officielle de M. Franck Riester et de la rapporteure à fin du mois d’octobre 2021, le Kenya a toutefois finalement accepté d’identifier les VIE à des « stagiaires présentés par le gouvernement français ». Ils bénéficieront ainsi d’un permis de travail d’une durée de deux ans.

Pour chacun de ces articles – 1 à 7 – la mobilité est pensée comme étant circulaire. Elle doit permettre aux différents publics visés de revenir dans leur pays d’origine après avoir acquis de nouvelles connaissances et compétences. Ainsi, l’article 5 précise par exemple que « l’expérience menée en France doit être profitable [au retour des Kényans concernés par la mobilité de compétence], notamment dans la perspective de la création d’entreprises génératrices d’emplois au Kenya ».

3.   Des dispositions finales classiques

L’article 8 de l’accord prévoit un « échange régulier d’informations, sur une base au moins annuelle et conformément à leurs législations respectives ».

Il définit également la voie diplomatique comme la voie de règlement des différends relatifs à l’interprétation ou à l’application de l’accord.

L’article 9 précise que l’accord est conclu pour une durée indéterminée et indique sa date d’entrée en vigueur : le premier jour du deuxième mois qui suit la réception de la dernière notification de l’accomplissement des procédures internes requises.

Le président kényan attend que la France ait notifié la finalisation de ses procédures de ratification pour ratifier l’accord. Or, il est important de noter que la ratification par la partie kényane ne semble pas garantie à ce stade.

L’article 9 fixe également les modalités d’amendement et de dénonciation de l’accord.

Enfin, l’article 10 détermine le champ d’application territorial de l’accord. Ce dernier s’applique à l’ensemble du territoire kényan. Pour la France, il s’applique au territoire métropolitain et aux collectivités d’outre-mer mentionnées à l’Annexe 1, c’est-à-dire à la Guadeloupe, à la Martinique, à la Réunion, en Guyane et à Mayotte.

B.   effets attendus de l’accord

1.   Une augmentation des migrations franco-kényanes dont l’ampleur dépendra de la mobilisation des différents acteurs

À court terme, les migrations franco-kényanes professionnelles et universitaires devraient peu augmenter, et ce d’autant plus que la crise sanitaire a nettement réduit les échanges économiques et universitaires, et a rendu l’accès à l’emploi plus difficile.

À moyen terme, l’accord aura nécessairement un impact positif car il définit clairement les documents de séjour auxquels les ressortissants français et kényans peuvent prétendre et prévoit des actions de promotion de la mobilité.

L’efficacité de cet accord est toutefois conditionnée à la connaissance qu’en auront les différents acteurs concernés, en particulier les autorités kényanes. Une campagne de communication apparaît indispensable, notamment sur les dispositifs VIE et VSI, qui ont rencontré de nombreuses difficultés. De même, un renforcement des actions menées par Campus France apparaît opportun.

Au-delà, l’impact de l’accord dépendra de l’amélioration des procédures administratives au Kenya et en particulier de la réduction des délais pour obtenir un visa ou titre de séjour.

2.   Un impact financier limité

Pour les services français impliqués, l’impact financier et humain est faible. Cet accord utilise en effet les structures existantes et ne devrait pas nécessiter de création de poste.

L’impact pourrait être un peu plus important si de nouveaux postes étaient créés, ce que recommande votre rapporteure pour Campus France, qui ne dispose d’aujourd’hui que de 1,5 ETP.

 

 


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   CONCLUSIOn

Le présent accord signé entre la France et le Kenya le 13 mars 2019 à Nairobi favorise l’échange de compétences et de talents entre nos deux pays. La rapporteure, députée des Français établis au Kenya, a souhaité souligner l’importance du partenariat avec ce pays, devenu une puissance régionale en Afrique de l’Est.

Cet accord crée des conditions favorables pour renforcer les migrations et les mobilités professionnelles, scientifiques et universitaires, en précisant les procédures administratives et en prévoyant des actions de promotion de la mobilité. Il met en particulier la lumière sur le dispositif VIE qui a jusqu’ici rencontré de nombreuses difficultés au Kenya, alors qu’il est plébiscité par les entreprises. 

Si ce texte est nécessaire, il doit toutefois être accompagné d’une campagne de communication sur les dispositifs concernés. En effet, les acteurs français et kényans les connaissent encore peu, ce qui pourrait continuer à décourager les mobilités à l’avenir.

 

 


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EXAMEN EN COMMISSION

Lors de sa séance du mercredi 1er décembre 2021, la commission examine, sur le rapport de Mme Amélia Lakrafi, le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents (n° 4280).

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La France est relativement peu présente en Afrique de l’Est comparativement à plusieurs de nos voisins européens. Le Kenya occupe une position stratégique dans cette région, où le Gouvernement souhaite accroître la présence de la France. Le ministre délégué chargé du commerce extérieur et de l’attractivité, Franck Riester, s’est ainsi rendu au Kenya les 28 et 29 octobre, avec notre rapporteure, Amélia Lakrafi, en conclusion d’une tournée en Ouganda et au Rwanda, notamment dans le but de faire aboutir des projets d’investissements français dans une autoroute et une ligne de chemin de fer. J’ajoute que M. Riester s’était rendu dix jours auparavant en Tanzanie, dans la foulée du déplacement du Président de la République au Rwanda. Cela montre l’investissement très important de la diplomatie française dans cette région.

L’accord dont nous sommes saisis vise à accroître et à promouvoir les échanges d’étudiants, d’universitaires, de volontaires internationaux ou encore de stagiaires, notamment en facilitant la délivrance de titres de séjour. En effet, l’accroissement des échanges humains est un levier particulièrement efficace pour rapprocher les pays. La France multiplie ce type d’accords relatifs aux mobilités et aux échanges de compétences et de talents – nous avons examiné en mars l’accord avec l’Inde, pour lequel Amélia Lakrafi était déjà notre rapporteure.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Négocié en seulement quatre mois à l’initiative de la France, cet accord a été signé par le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, et par la ministre kényane des affaires étrangères de l’époque, Mme Monica Juma, le 13 mars 2019 à Nairobi. Il a pour objectif d’encourager la circulation des talents et futurs talents entre les deux pays, qu’il s’agisse des étudiants, des universitaires, des chercheurs ou des professionnels en général.

J’ai eu l’occasion de percevoir concrètement l’intérêt de cet accord lorsque j’ai accompagné Franck Riester dans son déplacement au Kenya, du 27 au 30 octobre. J’ai notamment pu échanger avec des représentants des ministères kényans de l’intérieur et des affaires étrangères et avec de nombreux entrepreneurs, une centaine d’entreprises françaises étant présentes sur place.

Le Kenya faisant partie de ma circonscription, je suis régulièrement saisie par des Français établis dans ce pays – 1 800 compatriotes résident au Kenya. Selon l’ambassadrice du Kenya à Paris, Mme Judi Wakhungu, que j’ai auditionnée le 23 novembre, au moins 2 500 Kényans résident en France.

Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d’influence traditionnelle de la France, il est devenu incontournable en Afrique de l’Est, et la France s’y intéresse de plus en plus, comme à d’autres pays d’Afrique anglophones. Le Kenya est, en effet, un acteur économique majeur de cette zone, qui a notamment su investir dans les infrastructures et les services. Les entrepreneurs français que j’ai rencontrés voient en ce pays une incroyable terre d’opportunités.

Peuplé de 54 millions d’habitants, le Kenya est le septième pays le plus important d’Afrique sur le plan démographique, et ses jeunes sont de plus en plus de nombreux à vouloir accéder à des études supérieures. L’ambassade de France à Nairobi estime à 555 000 le nombre d’étudiants kényans.

Dans ce contexte, les relations entre la France et le Kenya ont été renforcées récemment. Le déplacement du président Emmanuel Macron au Kenya, en mars 2019, était la première visite officielle d’un président français depuis l’indépendance du pays, en 1963. Le président français a notamment encouragé les jeunes Kényans à étudier dans notre pays, dans la droite ligne du discours prononcé à Ouagadougou en 2017.

Les migrations franco-kényanes étaient jusque-là relativement faibles, qu’il s’agisse des étudiants, des universitaires ou des professionnels. Avant la crise sanitaire, moins d’une dizaine de Français étudiaient chaque année au Kenya et on comptait moins de 200 étudiants kényans en France, malgré la présence à Nairobi d’un bureau de Campus France et d’un représentant de Sciences Po Paris. Les 15 000 Kényans qui étudient à l’étranger choisissent surtout des destinations anglophones, comme les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Afrique du Sud, en dépit d’une coopération scientifique très intéressante entre la France et le Kenya.

Je souligne en particulier la présence à Nairobi de l’IRD, l’Institut de recherche pour le développement, de l’IFRA, l’Institut français de recherche en Afrique, et du CIRAD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement, ainsi que l’existence de nombreux partenariats avec le CNRS, le Centre national de la recherche scientifique. Par ailleurs, je relève que la langue française est de plus en plus populaire au Kenya, où deux alliances françaises, très actives, sont implantées.

Nous devons absolument approfondir les relations universitaires et renforcer les flux d’étudiants, encore insuffisants, entre nos deux pays, pour permettre un enrichissement mutuel.

De même, les migrations économiques et scientifiques sont en deçà de leur potentiel. Seulement 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans en 2019 – 64 en 2020. Le faible nombre de Français travaillant au Kenya peut s’expliquer par la difficulté d’obtenir des permis de travail et des permis de résidence kényans. Je n’évoquerai que deux exemples, mais vous trouverez dans mon rapport un tableau résumant l’ensemble des problèmes administratifs auxquels sont confrontés nos compatriotes.

Le premier exemple concerne plusieurs membres du personnel du lycée français Denis-Diderot qui ne disposent pas de carte de résidence, malgré plusieurs mois d’attente, et sont donc bloqués dans leurs démarches quotidiennes, ce qui fragilise l’établissement dont ils relèvent. L’existence d’une école française est pourtant essentielle pour inciter des Français à s’installer avec leur famille dans un pays.

Le deuxième exemple est celui des volontaires internationaux en entreprise (VIE). Jusqu’au mois d’octobre, ils n’étaient pas considérés comme des volontaires par la partie kényane et devaient demander un Special Pass, dont le coût annuel, rédhibitoire pour nos entreprises, était de 2 500 dollars. A la suite du déplacement ministériel, les autorités kényanes ont enfin accepté de délivrer aux VIE des permis de travail de deux ans, pour un coût de 11 euros.

J’en viens au contenu de l’accord. Il est divisé en plusieurs articles, en fonction du public concerné. L’article 1er concerne ainsi les étudiants, l’article 2 les stagiaires, l’article 3 les universitaires et les chercheurs, l’article 4 les enseignants, l’article 6 les professionnels et l’article 7 les volontaires. Pour chacune de ces catégories, l’accord précise le titre de séjour qui peut être demandé. Par exemple, un étudiant en France peut demander un premier titre de séjour d’une durée maximum de douze mois puis, s’il a besoin d’un renouvellement, un nouveau titre de séjour couvrant la durée restante de son cycle d’études. La partie kényane délivre, quant à elle, un Pass étudiant.

Par ailleurs, l’accord prévoit des échanges de volontaires, notamment des VIE et des VSI, des volontaires de solidarité internationale, pour la partie française. En 2021, on comptait seulement 18 VIE et 4 VSI au Kenya.

Il faut préciser que la mobilité est toujours considérée dans cet accord comme circulaire. Ce concept – la personne qui quitte son pays doit pouvoir y revenir après avoir acquis de nouvelles connaissances et compétences – figurait déjà dans l’accord franco-indien que nous avons examiné en mars.

L’accord avec le Kenya prévoit des actions de promotion de la mobilité. C’est le bureau de Campus France au Kenya qui en est chargé pour les études supérieures et la formation professionnelle en France.

Soyons honnêtes, comme l’accord franco-indien, cet accord ne suffira pas pour faire bouger les lignes : il faudra aussi une véritable implication des deux partenaires. La France doit continuer à communiquer avec les acteurs kényans pour mieux faire connaître les différents dispositifs, notamment les VIE et les VSI. Il est indispensable que des moyens supplémentaires soient donnés au bureau de Campus France au Kenya, qui ne dispose que de 1,5 équivalent temps plein (ETP).

Le Kenya devra, quant à lui, améliorer ses procédures internes pour attribuer automatiquement aux Français qui en font la demande les documents de séjour prévus par l’accord, et ce dans des délais plus courts. Les avancées pour les VIE sont un signal très positif.

Je note l’accueil très enthousiaste que l’ambassadrice du Kenya à Paris a réservé à cet accord. Si les deux partenaires avancent dans ces domaines, il ne fait aucun doute que l’accord sera un succès. Je vous invite, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur du présent texte.

Mme Sira Sylla (LaREM). Merci, madame la rapporteure. Je sais votre engagement sur le terrain, dans votre circonscription.

Si le Kenya ne fait pas partie de la zone d’influence traditionnelle de la France, il est devenu incontournable en Afrique de l’Est. Dans les imaginaires, la relation entre la France et l’Afrique concerne le Maghreb et l’Afrique de l’Ouest. C’est sûrement dû à notre histoire ancienne et commune avec cette partie du continent africain, mais une telle vision est dépassée. Il ne doit pas y avoir de barrière entre l’Afrique de l’Ouest, le Maghreb et l’Afrique de l’Est, pas plus qu’entre l’Afrique francophone et l’Afrique anglophone.

Le Kenya est un partenaire important en Afrique de l’Est, dont il est la locomotive économique. C’est le septième pays le plus peuplé d’Afrique : il compte 57 millions d’habitants, 38,5 % de sa population a moins de 14 ans, et le nombre de ses étudiants est en constante augmentation.

Or nos relations avec ce pays sont encore bien trop faibles sur le plan des mobilités, notamment pour les étudiants et les entrepreneurs. Vous avez rappelé qu’il y avait seulement 203 étudiants kényans en France en 2019 et que le Kenya accueillait alors moins de 10 étudiants français. De plus, il y aurait seulement une trentaine de coopérations universitaires entre les deux pays, ce qui conduit à se poser des questions, le français étant la première langue étrangère enseignée au Kenya. Le faible nombre d’étudiants kényans en France ne serait-il pas dû, en partie, à la rigidité de l’organisation de l’enseignement dans notre pays ?

Promouvoir des programmes d’enseignement en anglais en France est une proposition très pertinente. Le multilinguisme permettrait aux Kényans, qui se tournent davantage vers les universités anglophones, de venir dans notre pays. Vous êtes également favorable au développement des bourses, ce qui permettrait effectivement d’inciter les jeunes Kényans à venir étudier chez nous.

Vous soulignez la faible importance des migrations professionnelles. En 2019, 73 premiers titres de séjour ont été délivrés par la France à des ressortissants kényans, et 64 en 2020. Le dispositif Passeport talent est très peu utilisé : il l’a été six fois en 2020 et sept fois en 2019. Je rappelle que ce dispositif correspond à un engagement pris par le Président de la République à Ouagadougou. L’engagement a été tenu, mais ce sont davantage les pays d’Afrique subsaharienne qui en bénéficient.

La France est consciente des enjeux, la visite du Président de la République et le déplacement de Franck Riester le montrent. A cet égard, l’accord, qui permettra de favoriser les mobilités étudiantes, est important et le règlement de la question des VIE est une bonne chose. Mon groupe votera sans réserve en faveur de ce texte.

M. Didier Quentin (LR). Je suis heureux qu’Amélia Lakrafi ait pu visiter le Kenya, l’un des plus beaux pays d’Afrique. Lorsque j’étais agent du Quai d’Orsay, au siècle dernier, le Président Giscard d’Estaing, qui voulait diversifier la politique africaine de la France, s’était intéressé à l’Afrique orientale, tout particulièrement au Kenya. Mais le ministre des affaires étrangères, Louis de Guiringaud, un homme très respectable et courageux, ancien grand résistant, fut accueilli par des huées lors de son déplacement – un échec retentissant.

Vous nous avez dit que le Kenya, et peut-être les autres pays de la zone, sont désormais beaucoup plus favorables au développement des relations avec la France. Quelles sont les relations entre le Kenya et ses voisins immédiats ? La Somalie est une zone très sensible, l’Éthiopie est en guerre.

M. Bruno Fuchs (Dem). Je voudrais dire ma reconnaissance à la diplomatie française pour la négociation de cet accord de partenariat ambitieux.

Le Kenya, qui est au cœur de l’économie régionale, dispose d’écoles et d’établissements de haut niveau qui attirent de nombreux étudiants français. Sciences Po Paris, par exemple, est engagé dans un processus de codiplomation avec l’université de Strathmore, et la France envisage de conclure très prochainement un accord de reconnaissance mutuelle des diplômes. Encourager la mobilité des étudiants et des travailleurs dans des temps aussi incertains, à un moment où la facilité serait de rejeter toute perspective d’échanges internationaux, est un signal fort qui montre que l’épidémie de covid-19 n’empêche pas la France de construire, pour le monde de demain, de nouveaux ponts et de nouveaux réseaux avec ses partenaires.

Je me réjouis de l’étendue du champ d’application de l’accord. Il concerne la mobilité au sens large, la circulation des compétences et des talents, notamment pour les volontaires internationaux et les travailleurs : la mobilité internationale n’est pas exclusivement un outil destiné aux étudiants. La vision large qui a été retenue correspond aux ambitions fortes que le chef de l’État a exprimées dans son discours de Ouagadougou en 2017 et fait écho aux dispositions de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, dont ce type de mobilité internationale est une priorité. Le changement sémantique et de doctrine est profond : c’est une vision moderne et ambitieuse pour le renforcement de notre influence dans le monde.

Certains ont récemment proposé de diviser par deux le nombre d’étudiants étrangers. Compte tenu de l’importance du développement de la mobilité des compétences et des talents dans les relations internationales, on voit combien cette proposition est vaine et funeste.

Le groupe MODEM et démocrates apparentés votera en faveur du projet de loi, avec la conviction que cet accord sera utile à notre pays.

Madame la rapporteure, vous soulignez le faible nombre de Kényans venus étudier en France ces deux dernières années. Comment la France pourrait-elle améliorer encore sa position dans la compétition internationale et devenir plus attractive pour les ressortissants du Kenya – un pays qui ne fait pas partie de cette sphère d’influence qu’est la francophonie ?

M. Alain David (SOC). Nous avons rarement l’occasion de parler du Kenya. J’espère que l’élection présidentielle qui s’y déroulera en 2022 nous donnera l’occasion de nous pencher sur la situation et le rôle de ce pays. Nous savons également que de nombreuses ONG rayonnant dans toute l’Afrique de l’Est sont installées à Nairobi, de même que le bureau de l’ONU pour la région.

Faciliter les échanges et les migrations pour les universitaires, les étudiants, les chercheurs ou les stagiaires a un sens. Ainsi que vous l’avez indiqué, ces échanges sont encore relativement modestes mais j’espère que cet accord permettra, comme celui avec l’Inde, de les amplifier. Nous soutiendrons l’approbation de cet accord, car il constitue un progrès indéniable.

M. Jean-Michel Clément (LT). Mon groupe soutiendra lui aussi cet accord, qui est nécessaire pour dépasser toutes les difficultés rencontrées en matière de mobilité s’agissant du Kenya. Je citerai – approximativement, car je ne les ai pas vérifiés – trois chiffres : il y a 500 000 étudiants kényans, dont 15 000 à l’étranger et 125 en France. Si on veut renforcer l’attractivité de notre pays, il faut trouver des solutions pour les pays anglophones : on ne doit pas s’intéresser uniquement aux étudiants des pays francophones.

Mme Marion Lenne. Dans mon rapport sur le projet de contrat d’objectifs et de moyens entre l’État et Campus France pour la période 2018-2020, j’ai insisté sur la nécessité de renouveler la réflexion sur la mobilité étudiante, de réformer le système des bourses et de se fixer des objectifs clairs et chiffrés en la matière. J’ai répété cette demande en 2019 avec Pascal Brindeau, dans notre rapport sur l’accueil des étudiants étrangers en France. En effet, leur présence est aussi bénéfique pour l’économie française que la formation d’étudiants français à l’étranger. Mais encore faut-il augmenter le nombre des bourses et renforcer la lisibilité des critères de leur attribution, dans le cadre d’une stratégie prédéfinie.

Votre rapport fait état d’une stabilité du nombre de bourses accordées par la France aux étudiants kényans et d’un impact faible de la crise sanitaire – 24 bourses ont été attribuées en 2021. Ce chiffre, très faible, n’est pas en soi significatif, mais tout de même… Selon l’UNESCO, le nombre d’étudiants en mobilité dans le monde est passé de 800 000 en 1975 à 5,6 millions en 2018. Le boom de ce « marché » a incité de nombreux pays à investir massivement et à s’engager dans une concurrence féroce pour accueillir le maximum d’étudiants.

Leur présence est un signe de vitalité et d’excellence de l’enseignement supérieur et elle permet de constituer un stock de main-d’œuvre hautement qualifiée, à condition de pouvoir et de vouloir retenir les étudiants diplômés. C’est à se demander pourquoi la France est aussi mauvaise élève en la matière ! Campus France le déplorait l’année dernière : l’écart entre ce que nous votons au Parlement et ce qui est réellement dépensé en matière de bourses s’accroît d’année en année.

Nous sommes aussi témoins de déclarations pour le moins démagogiques de certains candidats à l’élection présidentielle, qui voudraient limiter les flux migratoires estudiantins. Or il est évident qu’on ne peut pas se passer de jeunes talents.

Madame la rapporteure, l’accueil des étudiants étrangers est-il, selon vous, en danger en France ? Votre rapport évoque plusieurs solutions, mais quand seront-elles mises en œuvre ?

Mme Mireille Clapot. Je me suis attachée à regarder cet accord avec les lunettes du genre. Le Kenya – j’ai eu l’occasion d’en parler avec une députée de ce pays que j’ai reçue il y a quelques semaines – se trouve dans une situation très paradoxale en ce qui concerne sa représentation nationale : alors que la Constitution de 2010 prévoit qu’un genre ne concentre pas plus des deux tiers des sièges, il n’y a que 30 % de sénatrices et 22 % de députées et la loi sur la parité reste à l’état de projet. Cela place le Kenya au 90e rang mondial, alors que le Rwanda, certes plus petit, mais dans la même région, occupe le premier rang du classement.

Sauf erreur de ma part, la question de l’égal accès des femmes et des hommes aux échanges universitaires n’est pas appréhendée dans l’accord. Pourtant, l’intégration des filles dans l’éducation supérieure ne va pas de soi, dans un pays où l’accès à l’éducation formelle est un défi – plus de 1,2 million d’enfants d’âge scolaire ne vont pas à l’école, selon l’UNICEF. Les femmes demeurent sous-représentées au sein des universités publiques et privées, et par conséquent aux échelons supérieurs du monde professionnel. La crise du covid-19 n’a rien arrangé : selon certaines statistiques, plus de 150 000 adolescentes kenyanes seraient tombées enceintes entre janvier et mai 2020 ; beaucoup d’entre elles ont abandonné leurs études, car les mères adolescentes sont victimes de moqueries répétées au Kenya.

La France met un point d’honneur à faire respecter l’égalité des genres à l’école, et il est important de montrer l’exemple en matière de parité. L’accord comporte-t-il des conditions dans ce domaine ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Campus France manque de moyens, comme nous l’avions déjà constaté lors de l’examen de l’accord avec l’Inde. La comparaison avec l’Allemagne montre que nos schémas sont totalement différents. Le bureau au Kenya emploie 1,5 ETP, ce qui n’est clairement pas suffisant.

Dans les pays anglo-saxons, toutes les universités travaillent ensemble, organisent d’énormes événements qui s’apparentent à la sortie de blockbusters au cinéma, ce qui attire. La France propose plus de 2 700 formations en anglais, mais personne ne le sait. Nous devons être vigilants, appeler à mieux communiquer. Nous pouvons peut-être nous rapprocher des universités et des écoles dans nos circonscriptions pour voir dans quelle mesure elles pourraient conquérir ensemble ces marchés.

J’en viens aux relations entre le Kenya et ses voisins. La Somalie a rompu ses relations diplomatiques avec le Kenya en septembre 2020, pour des raisons concernant le Somaliland. Le Kenya, membre fondateur de l’Organisation de l’unité africaine – désormais l’Union africaine – participe à beaucoup d’opérations de maintien de la paix dans le continent. Les relations sont plutôt bonnes avec les autres pays. Beaucoup d’entreprises françaises s’installent au Kenya pour prospecter dans les pays alentour – je mets néanmoins un bémol concernant l’Éthiopie, pour des questions sécuritaires.

L’accord ne parle pas du genre, mais notre poste diplomatique fait très attention à cette question. En 2020, par exemple, cinq femmes, mais un homme seulement, ont bénéficié d’un passeport talent ; 41 femmes et 39 hommes ont obtenu des visas de longue durée la même année.

Article unique

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 

 


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ANNEXE  1
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires étrangères

 

Article unique

(Non modifié)

Est autorisée l’approbation de l’accord de partenariat entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kenya relatif à la promotion et à l’échange des compétences et talents (ensemble une annexe), signé à Nairobi le 13 mars 2019, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

NB : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 4280)

 

 


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Annexe n° 2 
liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 

 

    Mme Angeline Musili, directrice Europe du ministère kényan des affaires étrangères

    M. Alexander Muteshi, directeur général de l’immigration du ministère de l’Intérieur

 

    Mme Judi Wakhungu, ambassadrice

    Mme Phylis Kirugi, ministre-conseillère

    M. Mustafa Ibrahim, premier conseiller

 

 

 

 

 


([1]) Il s’agissait alors de la première visite d’un président français depuis l’indépendance du pays en 1963.

([2])  À la demande du Kenya, cet accord est passé du statut de mémorandum d’entente (Memorandum of Understranding, MoU) à celui d’accord intergouvernemental, afin de renforcer son statut.

([3]) L’Institut de Recherche pour le Développement (IRD), le Centre International de Recherche Agronomique pour le Développement (CIRAD) et l’Institut de Recherche en Afrique (IFRA).

([4]) L’anglais et le swahili sont les langues officielles.

([5]) Pour limiter les effets de la crise sanitaire, l’Alliance française de Nairobi a su développer des cours en ligne qui rencontrent un grand succès. En revanche, celle de Mombasa enregistre une baisse tendancielle du recrutement d’élèves.

([6]) Par définition, ce chiffre ne prend pas en compte les binationaux et les séjours irréguliers.

([7])  Les étudiants qui obtiennent la note minimum C+ à l’examen de fin d’études secondaires, le Kenya Certificate of Secondary Education (KCSE), peuvent s’inscrire dans les universités publiques.

([8]) Les étudiants kényans privilégient les pays anglophones. Selon l’UNESCO, 3 474 étudient aux États-Unis, 2786 en Australie, 2 190 au Royaume-Uni, 1080 en Afrique du Sud.

([9]) Chiffres fournis par le MEAE. L’ambassade du Kenya à Paris estime toutefois le nombre d’étudiants kényans en France « au sens large » à 600 en moyenne.

([10])  Le programme ALVE a contribué car environ 10 % des Kenyans qui y participent sur une année restent ensuite en France pour poursuivre des études dans l’enseignement supérieur français. 

([11]) Parmi les entreprises françaises présentes au Kenya figurent notamment Accord, Danone, Essilor, Limagrain, L’Oréal, Peugeot, Schneider Electric, Sodexho ou encore Vinci.

([12]) Selon le FMI, les quatre principaux fournisseurs sont : la Chine, les Émirats Arabes Unis, l’Inde et l’Arabie Saoudite. Les quatre premiers clients sont l’Ouganda, les États-Unis, les Pays-Bas et le Pakistan.    

([13])  Un « passeport talent » est une carte de séjour pluriannuelle prévue par les articles L. 313-20 à L. 313-22 du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA). Il a pour finalité de permettre à un talent étranger d’exercer son activité professionnelle en France, ainsi que son ou sa conjointe et ses enfants. Ce titre de séjour est décliné selon le type de public. Il est valable pour une durée maximale de quatre ans et est renouvelable.

([14]) Le 30 octobre 2021, la rapporteure a pu rencontrer à Nairobi M. Alexander Muteshi, le directeur de l’Immigration du ministère kényan de l’Intérieur et Mme Angeline Musili, la directrice Europe du ministère kényan des affaires étrangères (Ministry of Foreign Affairs, MFA).

([15])  Pour séjourner légalement en France plus de trois mois, un étranger majeur doit obligatoirement détenir un document de séjour parmi la liste suivante : un visa de long séjour ; un visa de long séjour valant titre de séjour (VLS-TS) ; une autorisation provisoire de séjour (APS) s’il s’agit d’un parent d’enfant malade ou d’une mission de volontariat ; une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle vie privée et familiale, salarié/travailleur temporaire, étudiant, stagiaire, stagiaire aide familial « au pair » ou visiteur ; une carte de séjour pluriannuelle passeport talent, travailleur saisonnier ou salarié détaché ICT, une carte de résident ou une carte de séjour retraité.