4802


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

 294


SÉNAT

 

SESSION ORDINAIRE DE 2021-2022

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale
le 14 décembre 2021

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 14 décembre 2021

 

RAPPORT

 

FAIT

 

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne,

 

 

par Mme Laurence VANCEUNEBROCK,
Rapporteure,

Députée
 

 

par Mme Dominique VÉRIEN,
Rapporteure,

Sénatrice
 

 

 

 

 

(1) Cette commission est composée de : M. François-Noël Buffet, sénateur, président ; Mme Yaël Braun-Pivet, députée, viceprésidente ; Mme Dominique Vérien, sénatrice, Mme Laurence Vanceunebrock, députée, rapporteures.

 

Membres titulaires : Mme Agnès Canayer, M. Stéphane Le Rudulier, Mme Marie-Pierre de La Gontrie, MM. Hussein Bourgi, Thani Mohamed Soilihi, sénateurs ; Mme Caroline Abadie, MM. Guillaume Gouffier‑Cha, Maxime Minot, Mme Nathalie Porte, M. Erwan Balanant, députés.

 

Membres suppléants : Mmes Jacqueline Eustache‑Brinio, Catherine Belrhiti, Claudine Thomas, MM. Philippe Bonnecarrère, Didier Marie, Jean-Yves Roux, Mme Éliane Assassi, sénateurs ; Mme Laetitia Avia, M. Ludovic Mendes, Mme Lamia El Aaraje, M. Michel Zumkeller, Mme Sylvia Pinel, M. Bastien Lachaud, députés.

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale (15ème législ.) :

Première lecture : 4021, 4501 et T.A. 673
 

Sénat :

Première lecture : 13, 238, 239 et T.A. 49 (2021-2022)
Commission mixte paritaire : 295 (2021-2022)


 

 

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

 

La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne s’est réunie au Sénat le mardi 14 décembre 2021.

Le bureau a été ainsi constitué :

 M. François-Noël Buffet, sénateur, président ;

 Mme Yaël Braun-Pivet, députée, vice-présidente.

La commission a désigné :

 Mme Dominique Vérien, sénatrice, rapporteure pour le Sénat ;

 Mme Laurence Vanceunebrock, députée, rapporteure pour l’Assemblée nationale.

 

*

*          *

 

La commission mixte paritaire a ensuite procédé à l’examen des dispositions restant en discussion.

Mme Laurence Vanceunebrock, rapporteure pour l’Assemblée nationale. – C’est avec beaucoup de bonheur et de fierté que je m’exprime aujourd’hui. Le texte que nous vous proposons est le fruit d’un long travail parlementaire, initié par une recherche personnelle fouillée prolongée par la mission d’information dont j’étais rapporteure avec Bastien Lachaud. Nous avons repris les recommandations issues de nos constats en une proposition de loi. Les thérapies de conversion sont source de grandes souffrances, mais sont mal identifiées et peu sanctionnées. Notre objectif était simple : créer une infraction pénale spécifique pour mieux protéger ceux dont la santé mentale ou physique est mise en péril en raison de leur orientation sexuelle ou de leur identité de genre. Nous avons réussi à convaincre le Gouvernement, qui a engagé la procédure accélérée, nous permettant de nous réunir aujourd’hui.

J’ai été extrêmement sensible à la qualité et à la teneur des débats, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Nous nous sommes rejoints sur l’essentiel : admettre la nécessité d’un dispositif, et envoyer un signal fort de tolérance. Je remercie les groupes politiques et la rapporteure du Sénat de leur soutien. Le consensus n’était pas évident. Les travaux du Sénat n’ont pas dénaturé le texte, au contraire : le Sénat a préservé les apports de l’Assemblée nationale, notamment l’extension des cas d’aggravation des peines et la possibilité pour les associations de se porter partie civile en cas d’agression homophobe ou transphobe. Je salue la qualité des échanges avec la rapporteure, qui nous a permis de parvenir à un accord dans des délais contraints. Nous n’avons apporté que quelques modifications rédactionnelles. Ce consensus honore nos deux chambres et permettra de protéger au plus vite les personnes visées par des thérapies de conversion.

Mme Dominique Vérien, rapporteure pour le Sénat. – Le Sénat a adopté mardi 7 décembre, à une large majorité, la proposition de loi déposée par Laurence Vanceunebrock et approuvée par l’Assemblée nationale. Merci d’avoir déposé ce texte tant attendu.

Les débats au Sénat ont surtout porté sur la prise en compte de l’identité de genre, certains collègues craignant que l’adoption du texte n’empêche des parents ou des professionnels de santé de recommander une attitude de prudence face aux demandes d’adolescents qui souhaitent s’engager dans un parcours de transition.

Pour apaiser ces craintes, le Sénat a ajouté aux articles 1er et 3 des dispositions interprétatives pour préciser qu’une simple invitation à la prudence et à la réflexion adressée à une personne qui envisage de s'engager dans un parcours de transition ne saurait constituer une infraction.

Le Sénat a adopté deux autres modifications significatives : à l'article 1er, nous avons prévu une obligation pour le juge pénal, en cas de condamnation d'un parent, de s'interroger sur le retrait ou non de l'autorité parentale ; à l'article 3, nous avons ajouté une circonstance aggravante si la victime est mineure ou une personne vulnérable.

Je remercie la rapporteure de l'Assemblée nationale pour la qualité des échanges préparatoires à la commission mixte paritaire, qui devraient nous permettre d'aboutir à un accord sur un texte attendu par les victimes. Ce texte enverra un signal fort marquant le refus par la représentation nationale des pratiques d’un autre âge qui prétendent modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre.

Mme Marie-Pierre de la Gontrie, sénatrice. – Ne boudons pas notre plaisir : cette initiative parlementaire sur un sujet de société grave a rassemblé un large consensus. C’est suffisamment rare pour être appréciable ! Je remercie Laurence Vanceunebrock d’avoir déposé cette proposition de loi. J’avais pris une initiative analogue au Sénat, mais nous savons que l’ordre du jour est complexe à définir. À force d’obstination, on fait cependant avancer nos propositions !

Ce texte ne pose pas de difficultés. Peut-être est-ce l’esprit de Noël ?... C’est assez exceptionnel de nous retrouver sur un sujet important, et d’avancer ensemble de manière intelligente et constructive.

Article 1er
Création d’une infraction relative aux « thérapies de conversion »

M. François-Noël Buffet, sénateur, président. – L’article 1er qui vous est proposé combine les rédactions du Sénat et de l’Assemblée nationale, avec quelques modifications rédactionnelles.

L’article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2
Aggravation des peines pour les infractions commises en vue de modifier l'orientation sexuelle ou l'identité de genre d'une personne

L’article 2 est adopté dans la rédaction du Sénat.

Article 3
Sanction des professionnels de santé
procédant à des « thérapies de conversion »

L’article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 4
Application outre-mer

L’article 4 est adopté dans la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l’ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne.

 

*

*          *

 

En conséquence, la commission mixte paritaire vous demande d’adopter la proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


-   1   -

 

TABLEAU COMPARATIF

___

 

Texte adopté par l’Assemblée nationale en première lecture
 

Texte adopté par le Sénat en première lecture
 


 

      

      

 

 

 

 

 

 

 

Proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

Proposition de loi interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne

 

Chapitre Ier

Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

Chapitre Ier

Création d’une infraction relative aux pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

 

Article 1er

Article 1er

 

I. – Après la section 1 quater du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section 1 quinquies ainsi rédigée :

I. – Après la section 1 quater du chapitre V du titre II du livre II du code pénal, est insérée une section 1 quinquies ainsi rédigée :

« Section 1 quinquies

« Section 1 quinquies

« Des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

« Des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre

« Art. 225413. – Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Art. 225413. – Les pratiques, les comportements ou les propos répétés visant à modifier ou à réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne et ayant pour effet une altération de sa santé physique ou mentale sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis :

« Les faits mentionnés au premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis :

« 1° Au préjudice d’un mineur ou lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ;

« 1° Au préjudice d’un mineur ou lorsqu’un mineur était présent au moment des faits et y a assisté ;

« 2° Par un ascendant ou toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

« 2° Par un ascendant ou toute personne ayant sur la victime une autorité de droit ou de fait ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 3° Sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur ;

« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices ;

« 4° Par plusieurs personnes agissant en qualité d’auteurs ou de complices ;

« 5° Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique. »

« 5° Par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique.



 

« L’infraction prévue au même premier alinéa n’est pas constituée lorsque les propos répétés ont seulement pour objet d’inviter à la prudence et à la réflexion la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.



 

« Lorsque l’infraction est commise par une personne titulaire de l’autorité parentale sur le mineur, la juridiction de jugement se prononce sur le retrait total ou partiel de l’autorité parentale ou sur le retrait de l’exercice de cette autorité en application des articles 378 et 3791 du code civil. »



II (nouveau). – Le troisième alinéa de l’article 2‑6 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

II et III. – (Non modifiés)



1° Après la référence : « 222‑18 », est insérée la référence : « , 225‑4‑13 » ;

 

 

2° Après le mot : « sexe », sont insérés les mots : « , de l’orientation sexuelle, de l’identité de genre ».

 

 

III (nouveau). – Au troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, après la référence : « 225‑4‑1, », est insérée la référence : « 225‑4‑13, ».

 

 

Article 2

Article 2

 

Le code pénal est ainsi modifié :

Le code pénal est ainsi modifié :

1° L’article 132‑77 est ainsi modifié :

1° L’article 132‑77 est ainsi modifié :

a) Avant le dernier alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

a) (Supprimé)

« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du premier alinéa, et donnent lieu à l’aggravation des peines prévues au présent article les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;

 

 

b) (nouveau) Au dernier alinéa, après la référence : « 225‑1 », est insérée la référence : « , 225‑4‑13 » ;

b) Au dernier alinéa, après la référence : « 225‑1 », est insérée la référence : « , 225‑4‑13 » ;

2° Après le 15° de l’article 22213, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

2° à 4° (Supprimés)

« Sont considérées comme commises en raison de l’orientation sexuelle ou de l’identité de genre, vraie ou supposée, de la victime, au sens du  ter, et donnent lieu aux peines prévues au premier alinéa les infractions commises en vue de modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, de la personne. » ;

 

 

3° et 4° (Supprimés)

 

 

 

 

 

Chapitre II

Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé

Chapitre II

Interdiction des pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre dans le système de santé

 

Article 3

Article 3

 

Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4163‑11 ainsi rédigé :

Le chapitre III du titre VI du livre Ier de la quatrième partie du code de la santé publique est complété par un article L. 4163‑11 ainsi rédigé :

« Art. L. 416311. – Le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

« Art. L. 416311. – Le fait de donner des consultations ou de prescrire des traitements en prétendant pouvoir modifier ou réprimer l’orientation sexuelle ou l’identité de genre, vraie ou supposée, d’une personne est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.

 

« L’infraction prévue au premier alinéa n’est pas constituée lorsque le professionnel de santé invite à la réflexion et à la prudence la personne, eu égard notamment à son jeune âge, qui s’interroge sur son identité de genre et qui envisage un parcours médical tendant au changement de sexe.

« Une interdiction d’exercer la profession de médecin peut également être prononcée pour une durée ne pouvant excéder dix ans à l’encontre des personnes physiques coupables de l’infraction prévue au premier alinéa. »

« Une interdiction d’exercer la profession de médecin peut également être prononcée pour une durée ne pouvant excéder dix ans à l’encontre des personnes physiques coupables de l’infraction prévue au même premier alinéa.

 

« Les faits mentionnés audit premier alinéa sont punis de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende lorsqu’ils sont commis au préjudice d’un mineur ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité ou dépendance, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique, à un état de grossesse ou à la précarité de sa situation économique ou sociale, est apparente ou connue de leur auteur. »

Chapitre III

(Division et intitulé supprimés)

Chapitre III

Application outremer

 

Article 4

(Supprimé)

Article 4

 

 

I.  L’article 7111 du code pénal est ainsi rédigé :

 

« Art. 7111.  Sous réserve des adaptations prévues au présent titre, les livres Ier à V du présent code sont applicables, dans leur rédaction résultant de la loi        du       interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne, en NouvelleCalédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna. »

 

II.  (Supprimé)

 

III (nouveau).  L’article 807 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

 

« Art. 807.  Pour l’application de l’article 26, les références aux dispositions du code du travail figurant au premier alinéa de l’article 26 du présent code sont remplacées par les références aux dispositions applicables localement en matière de droit du travail. »