N° 4811

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2021.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION SPÉCIALE
CHARGÉE D’EXAMINER LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT
après engagement de la procédure accélérée,
en faveur de l’activité professionnelle indépendante,

PAR M. Jean-Noël BARROT et Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas,

Députés.

——

 

 Voir les numéros :

 Assemblée nationale :  4612 rect.

  Sénat :  869 (2020‑2021), 54, 55, 44, 59, et T.A. 14 (2020‑2021).


La commission spéciale est composée de :

 

Mme Annaïg Le Meur, présidente ; M. Jean-Noël Barrot, Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteurs ; Mme Marguerite Deprez-Audebert, M. Philippe Huppé, Mme Muriel Roques-Etienne, M. Stéphane Viry, vice-présidents ; Mme Marie-Noëlle Battistel, M. Charles de Courson, M. Mohamed Laqhila, Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, secrétaires ; M. Damien Adam, Mme Françoise Ballet-Blu, Mme Marie-Noëlle Battistel, Mme Valérie Bazin-Malgras, Mme Anne Blanc, Mme Anne-Laure Blin, M. Bertrand Bouyx, M. Jean-Louis Bricout, M. Philippe Chalumeau, Mme Fannette Charvier, M. André Chassaigne, M. Philippe Chassaing, Mme Christine Cloarec-Le Nabour, M. Charles de Courson, M. Jean-Pierre Cubertafon, M. Olivier Damaisin, M. Dominique Da Silva, Mme Dominique David, M. Nicolas Démoulin, M. Jean-Paul Dufrègne, Mme Caroline Fiat, Mme Agnès Firmin Le Bodo, Mme Pascale Fontenel-Personne, M. Alexandre Freschi, M. Bruno Fuchs, Mme Albane Gaillot, Mme Olga Givernet, M. Guillaume Gouffier-Cha, Mme Carole Grandjean, M. Victor Habert-Dassault, M. Guillaume Kasbarian, Mme Fiona Lazaar, M. Jean-Claude Leclabart, M. Gérard Leseul, Mme Véronique Louwagie, Mme Aude Luquet, M. Sylvain Maillard, M. Emmanuel Maquet, M. Jean-Paul Mattei, Mme Sereine Mauborgne, M. Ludovic Mendes, Mme Cendra Motin, Mme Valérie Oppelt, M. Didier Paris, M. Patrice Perrot, Mme Christelle Petex‑Levet, Mme Sylvia Pinel, Mme Nathalie Porte, M. Éric Poulliat, M. Loïc Prud’homme, Mme Valérie Rabault, M. Rémy Rebeyrotte, M. Xavier Roseren, Mme Valérie Six, Mme Huguette Tiegna, Mme Laurence Trastour-Isnart, M. Pierre Vatin, Mme Annie Vidal, M. Michel Zumkeller.

 

 

 

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Chapitre Ier De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur

Section 1 Des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel

Article 1er (art. L. 526-1 A à L. 526-1 M [nouveaux] du code de commerce) Statut de l’entrepreneur individuel et dualité des patrimoines

Article 1er bis (art. L. 145-16 du code de commerce) Cession du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel

Article 1er ter (art. L. 1224-1 du code du travail) Transfert des contrats de travail en cas de transfert universel du patrimoine professionnel

Article 2 (art. L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution) Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures civiles d’exécution

Article 3 (art. L. 273 B du livre des procédures fiscales et art. L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale) Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures de recouvrement des créances fiscales et sociales  Conditions d’opposabilité à l’administration fiscale de l’insaisissabilité de biens immobiliers

Article 3 bis (art. L. 611-10-2 du code de commerce) Levée de l’interdiction d’émettre des chèques en cas d’accord amiable constaté par le président du tribunal de commerce

Article 4  (art. L. 611-1, L. 611-2-1, L. 611-5, L. 611-10-2, L. 611-13, L. 620-2, L. 621-2, L. 622-7, L. 622-24, L. 624-19, L. 626-13, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-5, L. 631-11, L. 640-2, L. 640-3, L. 640-5, L. 641-4, L. 641-13, L. 641-15, L. 643-11, L. 645-1, L. 651-2, L. 651-3, L. 651-4, L. 653-3, L. 653-6, L. 654-1, L. 654-9, L. 654-14 et L. 680-1 à L.680-11 du code de commerce, art. L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 711-3 [abrogé], art. L. 711-7, L. 711-8, L. 711-9 et L. 711-10 [nouveaux] du code de la consommation) Conséquences de la création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures collectives et de surendettement des particuliers

Section 2 De la mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Article 5 (section 2 du chapitre VI du titre II du livre V et art. L. 526-5-1, L. 526-8, L. 526-16,  L. 526-17 et L. 526-19 du code de commerce) Mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Section 3 Des dispositions applicables aux professions libérales réglementées

Article 6  (supprimé) Dispositions relatives aux professions libérales réglementées

Chapitre II De l’artisanat

Article 7 De l’artisanat

Article 7 bis (art. 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat) Qualification professionnelle des personnes exerçant l’activité de toilettage des chiens, chats et autres animaux de compagnie

Chapitre III De la création d’un environnement juridique plus protecteur

Section 1 Des dettes professionnelles dont sont redevables certains débiteurs ne relevant pas des procédures instituées par le livre VI du code de commerce

Article 8 (section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII et art. L. 711-1 du code de la consommation) Prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation du débiteur à l’ouverture d’une procédure de surendettement

Section 2 De la sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9 (art.  L. 542425, L. 5424-27 et L. 5424-29 du code du travail) Sécurisation des parcours et transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9 bis Information sur la protection complémentaire contre la perte d’emploi

Article 10 (art. L. 6123-5, L. 6331-48, L. 6331-50, L. 6331-51, L. 6331-52, L. 6331-53, L. 6331-67, L. 6331-68, L. 6332-9 et L. 6332-11 du code du travail et art. 8 de l’ordonnance n° 20031213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs)  Modalités de recouvrement, affectation et contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Section 3 Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11  (art. 49, 49 bis A [nouveau], 49 bis, 50 et 53 de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable) Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11 bis (nouveau) (art. 1er, 12, 17, 20, 22, 25, 261, 27, 31, 33, 34, 37, 37-1, 38, 42 bis, 43, 49 bis, 50, 56, 57, 60 et 84 bis de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable) Changement du nom du conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

1. L’état du droit

2. Le dispositif introduit par la commission

Section 4  Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Article 12 (art. L. 710-1, L. 711-16, L. 712-11 du code de commerce et art. 40 de la loi  2019486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Chapitre IV Dispositions d’applicabilité outre-mer et dispositions finales

Article 13 (art. L. 950-1 du code de commerce, L. 7712 du code de la consommation et L. 6411 du code des procédures civiles d’exécution) Dispositions d’applicabilité outre-mer

Article 14 Dispositions finales

Examen en cOMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

introduction

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Chapitre Ier De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur

Section 1 Des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel

Article 1er (art. L. 526-1 A à L. 526-1 M [nouveaux] du code de commerce) Statut de l’entrepreneur individuel et dualité des patrimoines

Article 1er bis (art. L. 145-16 du code de commerce) Cession du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel

Article 1er ter (art. L. 1224-1 du code du travail) Transfert des contrats de travail en cas de transfert universel du patrimoine professionnel

Article 2 (art. L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution) Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures civiles d’exécution

Article 3 (art. L. 273 B du livre des procédures fiscales et art. L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale) Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures de recouvrement des créances fiscales et sociales  Conditions d’opposabilité à l’administration fiscale de l’insaisissabilité de biens immobiliers

Article 3 bis (art. L. 611-10-2 du code de commerce) Levée de l’interdiction d’émettre des chèques en cas d’accord amiable constaté par le président du tribunal de commerce

Article 4  (art. L. 611-1, L. 611-2-1, L. 611-5, L. 611-10-2, L. 611-13, L. 620-2, L. 621-2, L. 622-7, L. 622-24, L. 624-19, L. 626-13, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-5, L. 631-11, L. 640-2, L. 640-3, L. 640-5, L. 641-4, L. 641-13, L. 641-15, L. 643-11, L. 645-1, L. 651-2, L. 651-3, L. 651-4, L. 653-3, L. 653-6, L. 654-1, L. 654-9, L. 654-14 et L. 680-1 à L.680-11 du code de commerce, art. L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 711-3 [abrogé], art. L. 711-7, L. 711-8, L. 711-9 et L. 711-10 [nouveaux] du code de la consommation) Conséquences de la création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures collectives et de surendettement des particuliers

Section 2 De la mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Article 5 (section 2 du chapitre VI du titre II du livre V et art. L. 526-5-1, L. 526-8, L. 526-16,  L. 526-17 et L. 526-19 du code de commerce) Mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Section 3 Des dispositions applicables aux professions libérales réglementées

Article 6  (supprimé) Dispositions relatives aux professions libérales réglementées

Chapitre II De l’artisanat

Article 7 De l’artisanat

Article 7 bis (art. 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat) Qualification professionnelle des personnes exerçant l’activité de toilettage des chiens, chats et autres animaux de compagnie

Chapitre III De la création d’un environnement juridique plus protecteur

Section 1 Des dettes professionnelles dont sont redevables certains débiteurs ne relevant pas des procédures instituées par le livre VI du code de commerce

Article 8 (section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII et art. L. 711-1 du code de la consommation) Prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation du débiteur à l’ouverture d’une procédure de surendettement

Section 2 De la sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9 (art.  L. 542425, L. 5424-27 et L. 5424-29 du code du travail) Sécurisation des parcours et transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9 bis Information sur la protection complémentaire contre la perte d’emploi

Article 10 (art. L. 6123-5, L. 6331-48, L. 6331-50, L. 6331-51, L. 6331-52, L. 6331-53, L. 6331-67, L. 6331-68, L. 6332-9 et L. 6332-11 du code du travail et art. 8 de l’ordonnance n° 20031213 du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs)  Modalités de recouvrement, affectation et contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

Section 3 Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11  (art. 49, 49 bis A [nouveau], 49 bis, 50 et 53 de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable) Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11 bis (nouveau) (art. 1er, 12, 17, 20, 22, 25, 261, 27, 31, 33, 34, 37, 37-1, 38, 42 bis, 43, 49 bis, 50, 56, 57, 60 et 84 bis de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable) Changement du nom du conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

1. L’état du droit

2. Le dispositif introduit par la commission

Section 4  Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Article 12 (art. L. 710-1, L. 711-16, L. 712-11 du code de commerce et art. 40 de la loi  2019486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises) Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Chapitre IV Dispositions d’applicabilité outre-mer et dispositions finales

Article 13 (art. L. 950-1 du code de commerce, L. 7712 du code de la consommation et L. 6411 du code des procédures civiles d’exécution) Dispositions d’applicabilité outre-mer

Article 14 Dispositions finales

Examen en cOMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


—  1  —

 

   introduction

S’il n’existe pas, aujourd’hui, de définition juridique unique applicable aux trois millions d’indépendants qui maillent notre territoire, c’est parce qu’ils représentent la diversité et la vitalité de notre économie dans son ensemble. Entrepreneurs, artisans, commerçants, professionnels libéraux, travailleurs collaborant avec des plateformes, gérants majoritaires de société et tant d’autres actifs assurent, par les services de proximité qu’ils offrent, le maintien d’un lien économique et social indispensable dans nos territoires.

Depuis 2017, de nombreuses réformes ont été engagées, qui ont bénéficié directement ou indirectement aux indépendants. À ce titre, qu’il soit ici permis de rappeler :

     le soutien à l’entreprenariat à travers l’allègement des charges fiscales et sociales : compensation totale de la hausse de CSG par la baisse des cotisations d’allocations familiales, exonération dégressive des cotisations d'assurance maladie et maternité pour les indépendants dont les revenus sont inférieurs à 43 000 euros environ par an, suppression de la cotisation foncière des entreprises minimum et des taxes additionnelles pour les entreprises réalisant moins de 5 000 euros de chiffre d’affaires ;

     le renforcement de la protection des indépendants, à travers la création d’une allocation en faveur des indépendants contraints de cesser leur activité ;

     un ensemble de mesures de simplification des démarches d’ordre administratif : suppression du régime social des indépendants et adossement de la sécurité sociale de ces indépendants au régime général, mise en place d'un gestionnaire personnel au sein des URSSAF pour un accompagnement personnalisé des créateurs d'entreprise dans leurs démarches, création d’un Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, unification des déclarations fiscales et sociales depuis 2021, simplification de la gestion de la retraite, etc. ;

     le soutien à la création d’entreprise, à travers le doublement des plafonds de chiffre d’affaires ou de recettes pour l’application des régimes simplifiés d’imposition à l’impôt sur le revenu (régime de la microentreprise) et la fin du système de « proratisation » du chiffre d’affaires pour les micro-entrepreneurs dont l'activité est saisonnière.

Plus récemment, le Président de la République a présenté, le 16 septembre 2021, un ambitieux plan « Indépendants », composé de vingt mesures déclinées selon cinq axes. Après le temps du soutien dans la crise et celui de la relance, ce plan vise à offrir un environnement juste, simple et protecteur à l’ensemble des professionnels concernés :

Axe 1 : créer un statut unique protecteur pour l’entrepreneur individuel et faciliter le passage d’une entreprise individuelle en société

     Mesure 1 : créer un statut unique et protecteur pour l’entrepreneur individuel ;

     Mesure 2 : faciliter le passage d’une entreprise individuelle en société ;

Axe 2 : améliorer et simplifier la protection sociale des indépendants

     Mesure 3 : faciliter l’accès au dispositif d’assurance volontaire contre le risque des accidents du travail et des maladies professionnelles par la baisse du taux de cotisation ;

     Mesure 4 : mieux protéger le conjoint collaborateur ;

     Mesure 5 : permettre la modulation des cotisations et des contributions sociales en temps réel ;

     Mesure 6 : supprimer les pénalités liées à une sous-estimation de déclaration de revenu d’activité ;

     Mesure 7 : neutraliser les effets de la crise sur l’assiette de calcul des droits aux indemnités journalières ;

     Mesure 8 : préserver les droits à la retraite pour les indépendants impactés par la crise sanitaire ;

Axe 3 : faciliter la reconversion et la formation des indépendants

     Mesure 9 : rendre éligibles les indépendants à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) lorsque leur activité n’est plus économiquement viable ;

     Mesure 10 : assouplir la condition de revenu minimum pour bénéficier de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) ;

     Mesure 11 : doubler le crédit d’impôt pour la formation des dirigeants des TPE ;

Axe 4 : favoriser la transmission des entreprises et des savoir-faire

     Mesure 12 : dynamiser la reprise de fonds de commerce ;

     Mesure 13 : encourager la cession d’un fonds donné en location-gérance ;

     Mesure 14 : assouplir temporairement le délai demande d’exonération des plus-values professionnelles de cession d’entreprise réalisées lors d’un départ à la retraite ;

     Mesure 15 : augmenter les plafonds d’exonération partielle et totale des plus-values lors de cession d’entreprises individuelles ;

Axe 5 : simplifier l’environnement juridique des indépendants et leur accès à l’information

     Mesure 16 : simplifier le début d’activité des indépendants ;

     Mesure 17 : assouplir les conditions de la délivrance des attestations de vigilance ;

     Mesure 18 : faciliter le traitement des dettes de cotisations sociales des gérants majoritaires de SARL dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers ;

     Mesure 19 : clarifier et aligner les règles communes aux professions libérales réglementées ;

     Mesure 20 : créer un site internet unique pour améliorer l’information et l’orientation des entrepreneurs.

Les mesures législatives du plan Indépendants ont été inscrites dans le projet de loi de finances pour 2022, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et le présent projet de loi en faveur de l'activité professionnelle indépendante.

Ce projet de loi a été déposé sur le bureau du Sénat le 29 septembre dernier, renvoyé à la commission des Lois saisie au fond et examiné en séance publique le 26 octobre. Il met notamment en œuvre les mesures relatives au statut de l’entrepreneur individuel (mesure n° 1), au passage d’une entreprise individuelle en société (mesure n° 2), à l’allocation des travailleurs indépendants (mesures n° 9 et 10) et au traitement des dettes de cotisations sociales des gérants majoritaires des SARL dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers (mesure n° 18).

 

*

*     *

 

 

 

 

 


—  1  —

   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Le présent projet de loi comprend quatre chapitres, relatifs respectivement à la simplification de différents statuts de l’entrepreneur, à l’artisanat, à la création d’un environnement juridique plus protecteur ainsi qu’à l’applicabilité outre-mer de ses dispositions.

Chapitre Ier
De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur

Le chapitre 1er est articulé entre trois sections, traitant successivement des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel (articles 1er à 4), de la mise en extinction de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (article 5) et des dispositions applicables aux professions libérales réglementées (article 6).

Section 1
Des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel

Article 1er
(art. L. 526-1 A à L. 526-1 M [nouveaux] du code de commerce)
Statut de l’entrepreneur individuel et dualité des patrimoines

1.   L’état du droit

a.   Le principe du droit de gage général et d’unicité du patrimoine

Un créancier peut, en principe, poursuivre l’exécution forcée de sa créance sur l’ensemble du patrimoine de son débiteur.

Cette prérogative du créancier est désignée habituellement comme un droit de gage général. Le droit de gage général peut s’exercer tant sur les actifs personnels que sur les actifs professionnels d’un débiteur, en vertu du principe d’unicité du patrimoine.

i.   Le droit de gage général du créancier

Le principe dit du « droit de gage général du créancier sur le patrimoine de son débiteur » figure aux articles 2284 et 2285 du code civil. L’article 2284 dispose que quiconque s’est obligé personnellement « est tenu de remplir son engagement sur tous ses biens mobiliers et immobiliers, présents et à venir ». L’article 2285 indique, quant à lui, que les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers.

Le droit de gage général du créancier bénéficie, de surcroît, d’une assise constitutionnelle au titre de la protection du droit de propriété prévue par les articles 2 et 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen ([1]).

De même, la Cour européenne des droits de l’homme qualifie les créances de « biens » et leur accorde à ce titre la protection prévue par le premier protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales ([2]).

ii.   L’unicité du patrimoine

Le principe d’unicité du patrimoine découle directement du principe du droit de gage général.

La théorie de l’unicité du patrimoine a été élaborée au début du XIXe siècle par Charles Aubry et Charles-Frédéric Rau, professeurs à la faculté de droit de Strasbourg. En vertu de cette théorie, la totalité de l’actif d’un débiteur répond de son passif et une même personne ne peut détenir qu’un seul patrimoine.

Cette théorie a pu être critiquée, dès l’origine, en ce qu’elle soumettait l’entrepreneur individuel à des risques illimités au titre des dettes nées de son activité professionnelle. Elle s’oppose au trust anglo-saxon, institution qui permet que l’on puisse affecter un ensemble de biens à des destinations spécifiques.

La création d’une société, c’est-à-dire d’une personne morale distincte de ses dirigeants et des détenteurs de son capital, permet de contourner le principe d’unicité du patrimoine et offre, selon les formes sociétaires, une protection plus ou moins étendue aux entrepreneurs contre le droit de gage général des créanciers. Tel est le cas, en particulier, des sociétés dites « de capitaux » dont la responsabilité des associés est limitée à leurs apports.

Tout entrepreneur individuel, qu’il soit commerçant, artisan, indépendant ou agriculteur, peut créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée et opérer de cette manière une distinction entre son patrimoine personnel et son patrimoine professionnel.

Il ne s’agit pourtant pas d’une remise en cause de la théorie de l’unicité du patrimoine, puisque la société unipersonnelle est bien une personne morale distincte de celle de l’entrepreneur (qu’il s’agisse d’une EURL, d’une EARL, d’une SELARL unipersonnelle ou d’une SASU).

 

Le développement des sociétés à responsabilité limitée
et leur ouverture à des formes unipersonnelles

Dès 1807, des sociétés anonymes purent se constituer avec une autorisation du Gouvernement. Le terme « anonyme » soulignait bien le fait qu’il ne s’agissait pas de sociétés de personnes – comme les sociétés qui existaient auparavant –  mais de sociétés de capitaux. La loi du 24 juillet 1867 sur les sociétés commerciales a ensuite libéralisé la constitution des sociétés anonymes, sous réserve du respect d’un nombre minimal de conditions concernant leur gouvernance, le nombre d’actionnaires et le capital social. Cette innovation juridique a permis aux actionnaires d’échapper au droit de gage général des créanciers, tout en bénéficiant d’un droit au bénéfice proportionnel à leurs apports.

Les conditions de constitution d’une société anonyme demeuraient toutefois trop lourdes pour les entreprises familiales, ce qui a conduit le législateur à créer, par une loi du 7 mars 1925, la société à responsabilité limitée (SARL). La SARL, qui ne peut pas faire appel public à l’épargne, a permis une plus large diffusion du bouclier contre le droit de gage général des créanciers, conféré par la personnalité morale d’une société.

En principe, une personne seule ne pouvait pas créer de SARL même s’il est vite apparu possible de contourner cette règle en attribuant une part symbolique à un tiers. La pluralité du nombre d’associés était, en effet, une condition posée dès l’origine dans le code civil (article 1832) et reprise systématiquement dans le code de commerce.

Prenant acte de l’intérêt que constitue la création d’une société pour une personne seule, la loi du 11 juillet 1985 a ouvert la SARL à un associé unique, celle-ci devenant alors une « entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée » (EURL). La même loi a créé l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL). Ces formes sociétaires n’étaient toutefois pas ouvertes aux professions libérales réglementées.

Peu après, il a été remédié à cette lacune par la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 qui a créé les sociétés d’exercice libéral (SEL), dont le régime de responsabilité est en partie aligné sur celui des sociétés commerciales. Les SEL peuvent également être constituées par un associé unique.

Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1999 a permis la constitution de sociétés par actions simplifiées sous forme unipersonnelle (SASU).

Désormais tout indépendant, qu’il soit commerçant, artisan, agriculteur ou libéral relevant d’une profession réglementée ou non, peut créer une société unipersonnelle à responsabilité limitée.

b.   Les exceptions prévues en faveur des indépendants

Des exceptions au principe d’unicité du patrimoine et au droit de gage général des créanciers ont été progressivement introduites par le législateur au bénéfice des entrepreneurs individuels.

Ces exceptions ont tout d’abord porté sur la résidence principale, avant d’être étendues à tous les biens immobiliers personnels de l’indépendant.

La création du statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) a ensuite permis, sur déclaration préalable, la dissociation complète de son patrimoine personnel et de son patrimoine professionnel.

i.   L’insaisissabilité des biens immobiliers personnels

Les articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce instituent un régime d’insaisissabilité des biens immobiliers personnels des indépendants.

Les immeubles qui ne sont pas affectés à un usage professionnel sont ainsi soustraits au droit de gage général des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur. Cette protection bénéficie aux personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante (article L. 526-1).

Cette protection s’applique, de plein droit et sans formalité préalable, à l’immeuble où est fixée la résidence principale du débiteur, pour toutes les créances professionnelles nées à partir du 7 août 2015 ([3]). Pour les dettes antérieures et nées après l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, l’insaisissabilité de la résidence principale est subordonnée à une déclaration notariée et ne peut être opposée qu’aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à ladite déclaration.

L’insaisissabilité n’est pas de plein droit, en revanche, pour les autres biens immobiliers personnels du débiteur. Elle nécessite une déclaration notariée et ne s’applique que pour les créances professionnelles nées postérieurement à ladite déclaration. Cette protection complémentaire du patrimoine immobilier des indépendants a été créée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

insaisissabilité des biens immobiliers personnels des indépendants

Créance

née à l’occasion de l’activité professionnelle

Résidence principale

Autres biens immobiliers

qui ne sont pas affecté à un usage professionnel

Née à compter du 7 août 2015

Insaisissabilité de plein droit,

sans formalité préalable

Insaisissabilité en cas de déclaration notariée

(pour les créances postérieures à ladite déclaration)

Née avant le 7 août 2015

Insaisissabilité en cas de déclaration notariée

(pour les créances postérieures à ladite déclaration)

Dans tous les cas de figure, l’insaisissabilité n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre du débiteur, des manœuvres frauduleuses ou l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

Le débiteur peut, en outre, renoncer en tout ou partie au bénéfice de l’insaisissabilité de ses biens immobiliers (article L. 526-3).

ii.   Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL)

Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) a été créé par une loi du 15 juin 2010 ([4]) et est désormais régi par les articles L. 526-5‑1 à L. 526-21 du code de commerce.

Ce statut permet aux entrepreneurs individuels de limiter l’étendue de leur responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, dédié à leur activité professionnelle, sans constituer de société. Le patrimoine affecté à l’activité professionnelle est alors le seul droit de gage général des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle. Autrement dit, le patrimoine personnel du travailleur indépendant est protégé des dettes nées du fait de son activité professionnelle.

Le statut de l’EIRL s’applique sur déclaration, lors de la création de l’activité ou ultérieurement. Il consiste, pour l’entrepreneur individuel, à affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel.

Ce patrimoine doit comprendre l’ensemble des actifs « nécessaires » à l’exercice de l’activité professionnelle – par dérogation, les agriculteurs peuvent toutefois ne peut pas y inclure les terres utilisées pour l’exploitation. Il peut également comprendre des actifs non nécessaires mais « utilisés » pour l’exercice de l’activité professionnelle. Tel est le cas des biens dits « mixtes » comme, par exemple, un véhicule automobile utilisé tant à titre personnel que pour l’activité professionnelle. Il est précisé qu’un même bien ne peut entrer dans la composition que d’un seul patrimoine affecté, personnel ou professionnel (article L. 526-6).

Le statut de l’EIRL est soumis à un formalisme important et contraignant (articles L. 526-7 à L. 526-10). La constitution du patrimoine affecté doit, en effet, faire l’objet d’une déclaration dans un registre selon le statut professionnel de l’indépendant (registre de publicité légale, registre tenu au greffe du tribunal statuant en matière commerciale du lieu de son établissement principal, ou registre de l’agriculture). L’indépendant doit mentionner la nature, la qualité, la quantité et la valeur des actifs qu’il affecte à son activité professionnelle sur un état descriptif. Un tel état descriptif n’est toutefois pas nécessaire si l’entrepreneur n’a aucun bien à affecter à son activité professionnelle. De même, l’entrepreneur individuel qui opte en cours d’exercice pour l’EIRL peut utiliser son dernier bilan comme bilan d’ouverture et les valeurs comptables inscrites dans celui-ci dans sa déclaration du patrimoine affecté.

L’affectation d’un bien immobilier nécessite, en outre, un acte notarié. L’entrepreneur individuel doit aussi justifier de l’accord exprès de son conjoint ou de ses coïndivisaires pour les biens communs ou indivis.

En contrepartie de ce formalisme, la composition du patrimoine affecté est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration (article L. 526-12 du code précité).

Il convient alors de distinguer deux types de créanciers, à savoir les créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle, qui ont pour seul droit de gage le patrimoine affecté, et les autres créanciers, qui ont pour seul droit de gage le patrimoine non affecté.

Deux exceptions sont cependant prévues.

En premier lieu et conformément à une réserve d’interprétation émise par le Conseil constitutionnel, la déclaration d’affectation n’est opposable aux créanciers dont les droits sont nés antérieurement à son dépôt que si ces derniers ont été personnellement informés de la déclaration d’affectation et de leur droit de former opposition ([5]).

En second lieu, la dissociation des patrimoines peut être remise en cause pour les dettes fiscales (article L. 273 B du livre des procédures fiscales) et pour les cotisations et contributions sociales (article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale). Le recouvrement des dettes fiscales et sociales nées de l’activité professionnelle peut, en effet, être recherché sur le patrimoine non affecté en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales et sociales, dès lors que le tribunal compétent a constaté la réalité de ces agissements.

Symétriquement, le recouvrement des dettes fiscales personnelles peut être recherché sur le patrimoine affecté pour les mêmes motifs.

L’entrepreneur qui exerce en EIRL peut renoncer à tout moment au bénéfice de la dissociation des patrimoines, en effectuant une mesure de publicité sur le même registre que celui de la déclaration initiale. Cette renonciation s’applique en faveur de tous les créanciers et ne peut être limitée à un seul d’entre eux. Il s’agit donc d’une renonciation globale et simultanée à l’égard de tous les créanciers.

Conformément au droit commun, il est également possible à l’entrepreneur qui exerce en EIRL de consentir à un créancier en lien avec son activité professionnelle une sûreté réelle, telle qu’une hypothèque, sur un bien personnel. En revanche, il ne peut s’accorder un cautionnement à lui-même, conformément à une jurisprudence constante de la Cour de cassation qui interdit de cumuler les qualités de débiteur et de caution ([6]).

Fiscalement, l’EIRL relève de l’impôt sur le revenu, avec possibilité d’option pour l’impôt sur les sociétés.

Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, l’EIRL n’a pas rencontré un grand succès. On dénombrait ainsi, en juin 2021, seulement 97 000 EIRL pour trois millions d’indépendants. Le formalisme attaché à ce statut semble être la cause du faible succès rencontré par ce dispositif.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article insère deux nouvelles sections dans le code de commerce :

     l’une, intitulée « Du statut de l’entrepreneur individuel », comprenant trois nouveaux articles (L. 526-22 à L. 526-24) et dont l’objet est d’offrir une protection, de plein droit, à l’ensemble du patrimoine personnel d’un indépendant vis-à-vis de ses créanciers professionnels ;

     l’autre, intitulée « Du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel », comprenant six nouveaux articles (L. 526-25 à L. 526‑30) et dont l’objet est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou sa mise en société.

a.   Le statut de l’entrepreneur individuel

Le statut de l’entrepreneur individuel proposé constitue tout à la fois une simplification et une extension du régime de l’EIRL. L’objectif recherché, tel qu’il a été exposé au cours des différentes auditions menées par vos rapporteurs, est de concilier l’aspect protecteur de l’EIRL avec la simplicité de l’entreprenariat individuel. Le Conseil d’État a d’ailleurs souligné, dans son avis sur le présent projet de loi, que « par son ampleur, l’innovation juridique [de ce nouveau statut] va bien au-delà de la protection du débiteur » organisée par l’EIRL, puisque la séparation du patrimoine s’effectue de plein droit, sans démarche administrative ou information des créanciers.

Le nouvel article L. 526-22 du code de commerce définit de manière large et générale l’entrepreneur individuel comme « une personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ». Cette formulation recouvre donc les commerçants, artisans, agriculteurs et tous les autres professionnels indépendants, qu’ils relèvent ou nom d’une profession réglementée. L’immatriculation à un registre de publicité légale professionnelle n’est pas une condition pour bénéficier du statut : le statut peut donc bénéficier à un entrepreneur individuel dont la profession n’est pas soumise à une réglementation qui lui est propre et qui n’est donc pas inscrit sur un registre spécifique ou un ordre particulier.

Le même article opère une distinction entre le patrimoine personnel et le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, faisant de cette dissociation des patrimoines le cœur même du nouveau statut.

Le patrimoine professionnel comprend l’ensemble des biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel.

Le patrimoine personnel est défini, inversement, comme constitué des éléments du patrimoine de l’entrepreneur individuel non compris dans le patrimoine professionnel.

Il découle de cette dissociation des patrimoines une distinction entre deux catégories de créanciers :

     le droit de gage des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice professionnel de l’entrepreneur individuel – ci-après dénommés, les « créanciers professionnels » – se limite au seul patrimoine professionnel. Le dispositif proposé prévoit expressément que tel est notamment le cas des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales, lesquels sont donc assimilés à des créanciers professionnels dont le droit de gage se limite au seul patrimoine professionnel ;

     à l’inverse, le droit de gage des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur – ci-après dénommés, les « créanciers personnels » – se limite au seul patrimoine personnel.

Plusieurs exceptions néanmoins sont prévues.

Deux exceptions ont pour but de faciliter l’accès au crédit de l’entrepreneur individuel et ne concernent donc que les créanciers professionnels.

L’entrepreneur individuel pourra accorder à ses créanciers professionnels des sûretés conventionnelles. Autrement dit, celui-ci peut apporter en garantie d’une dette professionnelle un élément de son patrimoine personnel : il peut, par exemple, consentir une hypothèque sur un bien immobilier personnel en garantie d’un emprunt souscrit pour développer son activité professionnelle. Au cours des auditions, il a été indiqué à vos rapporteurs que cette exception ne s’étendait pas au cautionnement, la formulation retenue ne remettant pas en cause la jurisprudence de la Cour de cassation : comme dans le régime actuel de l’EIRL, l’entrepreneur individuel ne pourra donc pas s’auto-cautionner.

L’entrepreneur individuel pourra également renoncer expressément au bénéfice de la dissociation des patrimoines en faveur d’un créancier professionnel. Le droit de gage de ce dernier peut alors être étendu en tout ou partie au patrimoine personnel. Les modalités de la renonciation sont prévues par le nouvel article L. 526-24 du code de commerce. La renonciation intervient sur demande écrite d’un créancier professionnel et pour un engagement spécifique, alors que dans le régime actuel de l’EIRL la renonciation est nécessairement globale.

Une telle renonciation devra respecter, à peine de nullité, des formes prescrites par décret. Elle ne pourra, en outre, intervenir avant le terme d’un délai de réflexion de sept jours francs, à compter de la réception de la demande de renonciation. Au cours des auditions, il a été indiqué aux rapporteurs que, pour les établissements de crédit, cette renonciation pourrait prendre la forme d’une clause type insérée directement dans les offres de prêt.

Une troisième exception a été prévue en faveur des créanciers personnels pour garantir une consistance minimale à l’exercice de leur droit de gage général. En effet, si le patrimoine personnel est insuffisant, le gage général des créanciers personnels pourra s’exercer sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

Enfin, une dernière exception a été prévue en faveur de certains créanciers publics. Le nouvel article L. 526-23 du code de commerce prévoit en effet un régime particulier pour l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale. La dissociation des patrimoines ne leur sera pas opposable en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales, d’une part, et pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle, d’autre part.

Ainsi que le prévoit l’article 14 du projet de loi, l’entrée en vigueur de ce nouveau statut de l’entrepreneur individuel interviendra à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la publication de la loi au Journal officiel de la République française. Le même article précise que la dissociation des patrimoines ne s’appliquera que pour les créances nées postérieurement à l’entrée en vigueur du dispositif. Ceci permet de garantir la constitutionnalité du dispositif conformément à la réserve que le Conseil constitutionnel avait formulée lors de l’instauration du statut de l’EIRL (décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 précitée).

Pour le surplus, les conditions d’application du dispositif proposé sur le statut de l’entrepreneur individuel sont renvoyées à un décret en Conseil d’État. Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a d’ailleurs souligné que des précisions indispensables à la sécurité juridique du nouveau régime devront être apportées par voie réglementaire, s’agissant en particulier des « contours exacts de la notion de “biens utiles” à l’activité professionnelle ».

Le Conseil d’État a estimé que ce décret devra notamment traiter du sort des biens communs entre l’entrepreneur et son conjoint, des biens mixtes inclus pour partie dans le patrimoine professionnel et pour partie dans le patrimoine personnel ainsi que du numéraire, en l’absence d’obligation faite à l’entrepreneur individuel d’ouvrir un compte distinct pour l’exercice de sa profession. 

Le décret devra également préciser la définition du critère d’utilité qui sert de démarcation entre les patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel.

b.   Le transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel

Le dispositif proposé organise également les modalités du transfert du patrimoine professionnel. L’objectif recherché est de faciliter la transmission d’une entreprise individuelle (par vente ou donation) ou de faciliter sa transformation en société, tout en préservant les droits des créanciers. Ainsi que le souligne l’étude d’impact annexée au présent projet de loi, le dispositif proposé entend « créer un continuum permettant d’assurer la fluidité du passage d’une activité amorcée en entreprise individuelle vers l’exploitation en société pour en poursuivre le développement et la croissance ».

Le nouvel article L. 526-25 du code de commerce pose le principe selon lequel l’entrepreneur individuel peut céder à titre onéreux, transmettre à titre gratuit entre vifs ou apporter en société l’intégralité de son patrimoine professionnel sans procéder à sa liquidation. Autrement dit, l’entrepreneur individuel peut vendre ou donner globalement son patrimoine professionnel. De même, celui-ci peut être apporté à une société. Le dispositif permet en effet le transfert d’un ensemble d’actifs et de passifs afférents à une activité professionnelle.

Contrairement à la cession d’un fonds de commerce, qui ne porte que sur un actif composé de divers biens et droits, le transfert de patrimoine professionnel peut aussi porter sur des dettes professionnelles. De ce point de vue, le transfert d’un patrimoine professionnel peut se comparer à la succession d’une personne physique et il emporte des conséquences sur les créanciers et les cocontractants du cédant.

Il est expressément prévu que le transfert de propriété du patrimoine professionnel n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité, dans des conditions prévues par décret. Par conséquent, les créanciers dont les droits sont nés postérieurement au transfert ne disposent d’aucun droit de gage sur l’entrepreneur individuel qui a cédé son patrimoine professionnel.

La situation des créanciers antérieurs est régie par le nouvel article L. 52626 du code de commerce. Ces derniers peuvent former opposition au transfert du patrimoine professionnel dans un délai fixé par décret. L’opposition n’a cependant pas pour effet d’interdire ce transfert : il est simplement prévu que la décision de justice statuant sur l’opposition la rejette ou ordonne le remboursement des créances ou la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire en offre et si elles sont jugées suffisantes.

Les droits des créanciers antérieurs dont l’opposition est admise sont préservés par le fait que le transfert du patrimoine professionnel leur est inopposable en cas de défaut de remboursement des créances ou de constitution des garanties ordonnées par le juge.

La situation des cocontractants est régie par le nouvel article L. 526-27 du code de commerce. Cet article prévoit expressément que les dispositions relatives à la transmission des fonds de commerce et des baux commerciaux sont inapplicables. Ceci empêche donc le propriétaire d’un local commercial de s’opposer au changement de locataire qu’occasionne le transfert du patrimoine professionnel. De même, il est prévu que, sauf clause contraire, les contrats peuvent être cédés, transmis ou apportés en société sans l’accord écrit préalable du cocontractant. Ce même article sécurise les droits des cocontractants dans le cadre de contrats à exécution successive, en prévoyant que le bénéficiaire du transfert devient débiteur des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel, sans que cette substitution emporte novation à leur égard. Autrement dit, les éléments constitutifs de leur créance initiale sont maintenus, conformément aux conditions du contrat transmis.

Enfin, cet article prévoit que les entités publiques et leurs concessionnaires conservent les éventuels droits de préemption qui leur sont conférés. Ces derniers peuvent donc les exercer à l’occasion du transfert du patrimoine professionnel.

Le nouvel article L. 526-28 du code de commerce pose un certain nombre de règles que l’on peut qualifier de règles « anti-abus ». Il prévoit ainsi qu’à peine de nullité, le transfert doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, afin d’éviter une scission de ce patrimoine qui pourrait être préjudiciable à certains créanciers.

Il est ajouté qu’en cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine. Là encore, il s’agit de préserver la solvabilité du nouveau débiteur et, par conséquent, les droits des créanciers.

Enfin, ni l’auteur ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir fait l’objet d’une condamnation devenue définitive à la peine d’interdiction d’exercer une fonction publique, une activité professionnelle ou de diriger, gérer, administrer ou contrôler une entreprise.

Le nouvel article L. 526-29 du code de commerce prévoit la désignation d’un commissaire aux apports pour l’évaluation des apports en nature, lorsque le patrimoine professionnel est apporté à une société. Cette disposition vise à garantir une juste évaluation de l’apport réalisé.

Enfin, le nouvel article L. 526-30 du code de commerce renvoie à un décret le soin de fixer les modalités d’application du transfert de patrimoine professionnel.

3.   Les modifications du Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur, notre collègue Christophe-André Frassa, qui a réécrit entièrement le dispositif proposé tout en en conservant la philosophie générale.

Cette réécriture globale a été complétée en séance publique par l’adoption de sept amendements présentés par le rapporteur de la commission des Lois.

Au total, le dispositif adopté par le Sénat conduit donc à insérer quatorze nouveaux articles dans le code de commerce.

Dispositions insérées par le Sénat dans le code de commerce

Section 1A

« Du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel »

Sous-section 1

« De la consistance des patrimoines professionnel et personnel et du droit de gage général des créanciers »

Articles

Objet

L. 526-1 A

Définition de l’entrepreneur individuel

L. 526-1 B

Distinction des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel

L. 526-1 C

Droit de gage général des créanciers de l’entrepreneur individuel

L. 526-1 D

Présomptions d’affectation des biens immeubles et des biens meubles

L. 526-1 E

Modalités de renonciation à la séparation des patrimoines

L. 526-1 FA

Régime applicable aux biens communs

Sous-section 2

« Du transfert universel du patrimoine professionnel »

Articles

Objet

L. 526-1 F

Définition du transfert universel du patrimoine professionnel

L. 526-1 G

Publicité et opposition au projet de transfert universel du patrimoine professionnel

L. 526-1 H

Maintien des droits des créanciers auxquels la séparation des patrimoines n’était pas opposable à la date du transfert

L. 526-1 I

Non-application de certaines dispositions au transfert universel du patrimoine professionnel

L. 526-1 J

Conditions du transfert universel du patrimoine professionnel

Sous-section 3

« De la cessation d’activité et de la succession de l’entrepreneur individuel »

Articles

Objet

L. 526-1 K

Réunion du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel en cas de cessation d’activité

L. 526-1 L

Droit d’option de l’héritier

L. 526-1 M

Renvoi à un décret en Conseil d’État pour les modalités d’application de cette section

Les différences avec le dispositif initial, adopté en conseil des ministres, sont exposées ci-après.

a.   L’articulation du nouveau statut de l’entrepreneur individuel avec les règles d’insaisissabilité de la résidence principale et d’autres biens immobiliers

La rédaction adoptée par la commission des Lois du Sénat vise à clarifier l’articulation du nouveau statut de l’entrepreneur individuel avec les règles relatives à l’insaisissabilité de certains biens immobiliers appartenant aux travailleurs indépendants.

La nouvelle section relative au statut général de l’entrepreneur individuel se trouve désormais placée en tête du chapitre du code de commerce relatif à la protection de l’entrepreneur individuel et du conjoint.

Le principe selon lequel les diverses exceptions au principe de la séparation des patrimoines professionnel et personnel au profit de certains créanciers doivent s’entendre sans préjudice des règles d’insaisissabilité de certains biens immobiliers se trouve réaffirmé.

Le dispositif prévu autorise l’entrepreneur individuel à renoncer par un seul acte à la séparation des patrimoines et à l’insaisissabilité de sa résidence principale ou d’autres biens immobiliers, dans les conditions de forme prévues pour la renonciation à cette insaisissabilité.

b.   La consistance des patrimoines

La nouvelle rédaction adoptée définit le patrimoine professionnel comme un ensemble de biens, droits et obligations de l’entrepreneur individuel, en supprimant le terme de « sûretés » considéré comme source de confusion.

Elle remplace le critère de l’utilité, qui servait, dans la version initiale du projet de loi, de principe de démarcation entre les deux patrimoines de l’entrepreneur individuel, par celui d’une utilité désormais qualifiée d’« exclusive ».

La nouvelle rédaction aménage, par un système de présomptions, la portée de ce critère. Elle pose ainsi une distinction entre les biens immobiliers, présumés appartenir au patrimoine personnel, et les biens meubles, présumés relever du patrimoine professionnel dans la limite du total du bilan (ou, à défaut de bilan, d’un montant de 5 000 euros).

La présomption d’appartenance des biens meubles au patrimoine professionnel ne s’appliquerait pas à certains biens meubles, définis par décret en Conseil d’État et qui ne répondent par nature qu’à un besoin personnel : l’exposé sommaire donne l’exemple d’un livret A ou celui des meubles meublants, qui garnissent la résidence principale.

En pratique, ces dispositions permettraient aux créanciers professionnels de saisir n’importe quel bien meuble ne figurant pas sur la liste prévue par décret, dans la limite du total du bilan ou de 5 000 euros, sauf si l’entrepreneur apporte la preuve qu’il s’agit d’un bien personnel. À l’inverse et ainsi que l’indique le rapport de la commission des Lois du Sénat, les créanciers professionnels saisissant un bien immeuble devraient démontrer qu’il est utile à l’activité professionnelle.

Consistance du patrimoine

Démarcation des patrimoines professionnel et personnel

Patrimoine

Professionnel

Patrimoine

personnel

Dispositif adopté

en conseil des ministres

Biens, droits, obligations et sûretés « utiles » à l’activité professionnelle.

Autres biens, droits, obligations et sûretés.

Dispositif adopté

par le Sénat en première lecture

Biens, droits et obligations « exclusivement utiles » à l’activité professionnelle.

Autres biens, droits et obligations, et certains meubles définis par décret en Conseil d’État.

Présomption pour les meubles dans la limite du total du bilan du dernier exercice clos ou, à défaut, de 5 000 euros (sauf pour ceux définis par décret en Conseil d’État)

Présomption pour les immeubles.

 

 

Les biens à usage mixte seraient donc obligatoirement compris dans le patrimoine personnel, puisque seuls les biens « exclusivement utiles » relèvent du patrimoine professionnel dans le dispositif adopté par le Sénat. Ceci diminue d’autant le droit de gage général des créanciers professionnels. En contrepartie, les créanciers professionnels verraient leur droit de gage étendu au patrimoine personnel à hauteur de la valeur d’un droit d’usage de ces biens, correspondant à leur utilisation effective dans un cadre professionnel pour une durée d’une année.

Pour ce qui concerne les biens communs et lorsque l’entrepreneur individuel est marié sous le régime de la communauté légale ou conventionnelle, le dispositif adopté prévoit que leur inclusion dans le patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel, qui résulterait de plein droit de leur usage à des fins professionnelles, soit sans incidence sur les droits des créanciers de son conjoint. Ces derniers pourraient donc continuer à appréhender tous les biens communs.

Un amendement du rapporteur de la commission des Lois, adopté en séance avec un avis défavorable du Gouvernement, a prévu que ces dispositions doivent s’entendre sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer. Cet amendement a également prévu que ces mêmes dispositions sont, en outre, sans incidence sur les droits des créanciers du conjoint de l’entrepreneur individuel.

c.   Les exceptions à la séparation des patrimoines

La nouvelle rédaction adoptée par la commission des Lois du Sénat aménage ou ajoute de nouvelles exceptions à la séparation des patrimoines personnel et professionnel de l’entrepreneur individuel.

i.   Nécessité d’une publicité prenable

Cette rédaction subordonne la séparation des patrimoines à une mesure de publicité telle qu’une immatriculation, une inscription au tableau d’un ordre professionnel ou toute autre mesure de publicité équivalente prévue par décret en Conseil d’État. Ce décret devra donc prévoir une publicité ad hoc pour les professionnels qui ne sont tenus de s’inscrire ni sur un registre spécifique, ni à un ordre professionnel.

ii.   Aménagements des modalités de renonciation

La rédaction adoptée modifie les modalités de renonciation à la séparation des patrimoines. Elle prévoit ainsi qu’à peine de nullité, la renonciation ne puisse s’effectuer que par écrit et que l’entrepreneur individuel doive apposer lui-même sur l’acte la mention qu’il entend permettre à son créancier d’exercer son droit de gage général sur l’ensemble de ses biens, d’une part, et que le délai de réflexion puisse ne pas être respecté quand l’engagement pour lequel la renonciation est consentie n’excède pas un seuil fixé par décret, d’autre part.

Elle supprime également le renvoi à un décret pour fixer les autres formes requises à peine de nullité.

iii.   Maintien des sûretés des créanciers personnels antérieurs sur les biens professionnels

En troisième lieu, cette rédaction précise que les sûretés constituées sur les biens professionnels au profit de créanciers personnels, antérieurement au commencement de l’activité, conservent leur plein effet.

iv.   Encadrement des exceptions prévues en faveur des créanciers publics

En quatrième lieu, la rédaction adoptée par la commission des Lois du Sénat supprime les exceptions prévues en faveur de certains créanciers publics pour les dettes fiscales et sociales.

Toutefois, un amendement du rapporteur adopté en séance, avec un avis défavorable du Gouvernement, a rétabli la possibilité pour l’administration fiscale de saisir l’ensemble des biens de l’entrepreneur individuel pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu dû par celui-ci ou par son foyer fiscal, dès lors que l’assiette de cet impôt comprend des revenus tirés de l’activité professionnelle de l’entrepreneur. Cette faculté ne pourrait s’exercer, en revanche, dans le cas où l’entrepreneur individuel aurait opté pour l’assujettissement des résultats de son activité professionnelle à l’impôt sur les sociétés : dans ce dernier cas en effet, l’assiette de l’impôt sur le revenu ne comprend pas les revenus tirés de l’activité professionnelle.

Un autre amendement du rapporteur adopté en séance, avec un avis défavorable du Gouvernement, a inversement rattaché expressément au patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel les dettes fiscales dont il est redevable au titre d’impositions assises sur des biens compris dans son patrimoine professionnel. Il s’ensuit que, contrairement à ce que prévoit la version initiale du présent article, la taxe foncière sur un immeuble compris dans le patrimoine professionnel ne pourrait être recouvrée par l’administration fiscale que sur le patrimoine professionnel.

v.   Responsabilité des professions libérales réglementées

En l’état du droit, les membres des professions libérales réglementées demeurent tenus, même lorsqu’ils exercent sous une forme sociétaire à responsabilité limitée, de réparer les préjudices causés par leurs actes professionnels ([7]).

Chaque associé répond donc sur l’ensemble de son patrimoine des actes professionnels qu’il accomplit et la société à laquelle il appartient est solidairement responsable avec lui. La responsabilité de ce professionnel est d’ailleurs généralement assortie d’une obligation d’assurance.

Le rapporteur de la commission des Lois du Sénat a estimé que le nouveau statut de l’entrepreneur individuel pouvait remettre en cause cette règle, bien qu’ait vocation à s’appliquer, pour l’interprétation de la norme de droit, le principe général selon lequel « le particulier déroge au général » (specialia generalibus derogant).

L’amendement adopté par le Sénat clarifie donc ce point et prévoit expressément que les membres des professions libérales réglementées restent tenus personnellement et indéfiniment des préjudices causés par leurs actes professionnels.

d.   Le transfert universel du patrimoine professionnel

La rédaction adoptée par le Sénat refond entièrement le régime de la cession du patrimoine professionnel, qu’il renomme d’ailleurs « transfert universel du patrimoine professionnel ».

Ce transfert est défini comme la cession, à titre universel et indivisible, de l’ensemble des biens, droits et obligations compris dans ce patrimoine.

Le projet de transfert doit faire l’objet d’une mesure de publicité préalable. En outre, le projet doit être notifié personnellement aux créanciers dont la créance est née d’un contrat conclu intuitu personae, sauf dans le cas où le bénéficiaire du transfert est une société dont l’entrepreneur individuel est l’associé unique ou majoritaire.

Cette nouvelle rédaction renforce les droits des créanciers en prévoyant que ceux-ci puissent former opposition dans un délai fixé par voie réglementaire et que le transfert ne puisse avoir lieu avant l’expiration de ce délai. Un amendement du rapporteur adopté en séance, avec un avis de sagesse du Gouvernement, impose de surcroît aux créanciers et cocontractants de motiver leur opposition au transfert universel du patrimoine professionnel, dans le but de faciliter les débats et l’appréciation du juge.

Le juge peut ensuite admettre ou rejeter l’opposition. En cas d’admission, il peut soit ordonner le paiement anticipé de la créance (ou, s’il s’agit d’un contrat à exécution successive, la résiliation du contrat), soit autoriser ou ordonner des mesures conservatoires sur les biens du bénéficiaire du transfert, soit encore décider que le précédent titulaire du patrimoine professionnel reste tenu à titre subsidiaire ou solidaire.

Le non-respect de ces formalités n’est pas sanctionné par la nullité du transfert ou une inopposabilité de celui-ci, mais par le fait que le précédent titulaire du patrimoine reste tenu à titre solidaire.

Suivant la même logique, l’entrepreneur individuel engagerait sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens, sans que le transfert soit nul, dans le cas où cet entrepreneur aurait enfreint une clause contractuelle lui interdisant de transférer son patrimoine à titre universel ou d’en céder un élément.

Par ailleurs, il est prévu que, nonobstant le transfert universel de son patrimoine professionnel, l’entrepreneur individuel reste solidairement tenu sur l’ensemble de ses biens à l’égard des créanciers auxquels il a accordé une renonciation. Un amendement du rapporteur adopté en séance, avec un avis favorable du Gouvernement, précise que l’entrepreneur individuel contribue à la dette pour son montant qui excède la valeur des biens et droits compris dans le patrimoine professionnel transféré.

Enfin, un amendement du rapporteur adopté en séance avec un avis favorable du Gouvernement prévoit, afin de simplifier les opérations liées au transfert universel du patrimoine professionnel, de rendre inapplicables dans un tel cas le droit de préemption des coïndivisaires, prévu à l’article 815-14 du code civil, ainsi que le droit de retrait litigieux, prévu à l’article 1699 du même code.

e.   Les règles applicables en cas de cessation d’activité

Le Sénat a complété le dispositif d’origine par plusieurs dispositions sur les règles applicables dans le cas où l’entrepreneur individuel cesserait, de son vivant, d’exercer une activité professionnelle indépendante. Dans ce cas, ses patrimoines professionnel et personnel seraient réunis et les créanciers antérieurs recouvreraient un droit de gage général sur l’ensemble de ses biens.

En cas de décès de l’entrepreneur individuel en activité, il est expressément prévu que les deux patrimoines seraient réunis pour former le patrimoine successoral. Le dispositif adopté prévoit cependant d’adapter le droit de l’option successorale au cas de succession à la personne d’un entrepreneur individuel : par dérogation au droit commun, l’héritier sommé d’opter et resté silencieux ne serait pas réputé acceptant pur et simple, mais pourrait seulement être condamné en tant qu’acceptant pur et simple dans ses relations avec le demandeur. Il conserverait en outre la faculté de renoncer ou d’accepter à concurrence de l’actif net, jusqu’à ce que la décision de justice soit devenue définitive.

4.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par un amendement de rédaction globale de ses rapporteurs, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

La réécriture du présent article opérée par la commission a conduit à renommer « De la protection de l’entrepreneur individuel » le chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce, et à le compléter par deux nouvelles sections, intitulées respectivement « Du statut de l’entrepreneur individuel » et « Du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel ».

a.   Le statut de l’entrepreneur individuel

La section « Du statut de l’entrepreneur individuel » comprend cinq nouveaux articles numérotés L. 526-22 à L. 526-26, insérés dans le code de commerce.

L’article L. 526-22 définit l’entrepreneur individuel comme une « personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes ». Il distingue le patrimoine professionnel et le patrimoine personnel de ce dernier, en prévoyant – comme le projet de loi initial – un critère d’utilité pour inclure « les biens, droits, obligations et sûretés » dans le patrimoine professionnel. Il est précisé que ce patrimoine ne peut être scindé. Le patrimoine personnel est défini a contrario comme comprenant les éléments du patrimoine non compris dans le patrimoine professionnel.

Il est expressément prévu, comme dans le texte initial et le texte adopté par le Sénat, que les cotisations et contributions sociales relèvent du patrimoine professionnel.

En conséquence de la séparation des patrimoines personnel et professionnel, l’article inséré dispose que le droit de gage des créanciers « dont les droits sont nés à l’occasion de son exercice professionnel » se limite au patrimoine professionnel.

À l’inverse, seul le patrimoine personnel constitue le gage général des créanciers dont les droits ne sont pas nés à l’occasion de son exercice professionnel. Le dispositif adopté par la commission reprend toutefois l’exception prévue par le texte initial du Gouvernement prévoyant que si le patrimoine personnel est insuffisant, les créanciers personnels peuvent exercer leur droit de gage sur le patrimoine professionnel, dans la limite du montant du bénéfice réalisé lors du dernier exercice clos.

L’article introduit prévoit aussi que le nouveau statut de l’entrepreneur individuel peut se cumuler avec les dispositions relatives à l’insaisissabilité de certains biens immobiliers.

Enfin, ce même article reprend deux précisions introduites par le Sénat relatives au maintien de l’effet des sûretés réelles consenties par l’entrepreneur individuel avant le commencement de son activité, et à l’interdiction de se porter caution à soi-même.

L’article L. 526-23 précise les modalités de la prise d’effet du nouveau statut de l’entrepreneur individuel. Il est prévu que celui-ci s’applique pour les créances nées :

     à compter de l’immatriculation au registre dont relève l’entrepreneur individuel pour son activité ;

     ou à compter de la date déclarée du début d’activité, si celle-ci est antérieure ;

     ou encore et à défaut d’obligation d’immatriculation, à compter du premier acte qu’il exerce en qualité d’entrepreneur individuel.

L’article L. 526-24 porte sur le droit de gage de l’administration fiscale et des organismes de sécurité sociale. Il est prévu une exception à la règle de la séparation des patrimoines en cas de manœuvres frauduleuses ou d’inobservation grave et répétée des obligations fiscales ou sociales. Toutefois, contrairement à ce qu’a prévu le Sénat, la saisine préalable du juge pour faire constater ces manquements n’est pas reprise par le dispositif adopté par la commission.

Il est prévu une autre exception la règle de la séparation des patrimoines pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu et celui de la taxe foncière relative à un local professionnel. Le dispositif adopté par la commission reprend également un apport du Sénat prévoyant que l’impôt sur le revenu ne peut être recouvré que sur le patrimoine personnel lorsque l’entrepreneur individuel a opté pour l’impôt sur les sociétés.

L’article L. 526-25 porte sur les modalités de renonciation à la séparation des patrimoines personnel et professionnel. Le dispositif adopté par la commission rétablit la version initiale du texte. Il est ainsi prévu une demande écrite préalable d’un créancier ainsi qu’un délai de réflexion de sept jours. Les modifications du Sénat relatives à la mention manuscrite du débiteur ainsi qu’aux cas de dispense du délai de réflexion ne sont pas reprises.

L’article L. 526-26 reprend une précision introduite par le Sénat prévoyant que l’ensemble de ces dispositions s’entendent sans préjudice des pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs et en disposer.

À noter que des décrets d’application sont prévus par la mise en œuvre des articles L. 526-22, L. 526-24 et L. 526-25.

b.   Le transfert du patrimoine professionnel

La section « Du transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel » comprend six nouveaux articles numérotés L. 526-27 à L. 526-33, insérés dans le code de commerce.

L’article L. 526-27 prévoit les possibilités de cession, de donation ou d’apport à une société du patrimoine professionnel.

Il dispose que le transfert n’est pas nul en cas de manquement à un engagement contractuel de l’entrepreneur individuel de ne pas céder un élément du patrimoine professionnel. En revanche, dans ce cas, celui-ci engage sa responsabilité sur l’ensemble de ses biens à l’égard de son cocontractant.

Ce même article prévoit aussi que le transfert de propriété n’est opposable aux tiers qu’à compter de sa publicité.

L’article L. 526-28 prévoit un régime d’opposition en faveur des créanciers dont la créance est née avant la date de publicité du transfert. Il est précisé que l’opposition n’a pas pour effet d’interdire le transfert du patrimoine professionnel. Le juge saisi peut rejeter l’opposition, ordonner le remboursement des créances ou encore ordonner la constitution de garanties, si le cessionnaire, le donataire ou le bénéficiaire du transfert en offre et si elles sont jugées suffisantes. En cas de remboursement des créances ordonné par le juge, l’entrepreneur individuel qui a transféré son patrimoine professionnel est tenu de remplir son engagement sur l’ensemble de son patrimoine.

L’article L. 526-29 reprend les dispositions introduites par le Sénat rendant inapplicables en cas de transfert du patrimoine professionnel le droit de préemption des coïndivisaires, prévu à l’article 815-14 du code civil, ainsi que le droit de retrait litigieux, prévu à l’article 1699 du même code.

L’article L. 526-30 dispose qu’à peine de nullité, le transfert doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Celui-ci ne peut être scindé. Toujours à peine de nullité, en cas d’apport à une société nouvellement créée, l’actif disponible du patrimoine professionnel doit permettre de faire face au passif exigible sur ce même patrimoine. Enfin, ni l’auteur ni le bénéficiaire du transfert ne doivent avoir été condamnés à une peine d’interdiction professionnelle.

L’article L. 526-31 prévoit le recours d’un commissaire aux apports pour évaluer les biens en nature apportés à une société lors du transfert du patrimoine professionnel.

L’article L. 526-32 prévoit la réunion du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel lorsque l’entrepreneur individuel cesse toute activité professionnelle indépendante, y compris pour cause de décès.

Enfin, l’article L. 526-33 prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les modalités d’application de la section introduite par le dispositif adopté par la commission.

 

 

*

*     *

Article 1er bis
(art. L. 145-16 du code de commerce)
Cession du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel

1.   L’état du droit

L’article L. 145-16 du code de commerce répute non écrites les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail commercial à l’acquéreur de son fonds de commerce ou de son entreprise.

Une telle disposition permet de préserver la valeur du fonds de commerce, dont bien souvent la composante principale est le droit au bail sur un local commercial. Le cédant d’un fonds de commerce peut donc, nonobstant toutes clauses contraires, transmettre le bail commercial au cessionnaire.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit à la suite de l’adoption d’un amendement en séance présenté par notre collègue Christophe-André Frassa, rapporteur au nom de la commission des Lois.

Cet amendement, qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement, modifie l’article L. 145-16 du code de commerce pour étendre son application au bénéficiaire d’un transfert universel de patrimoine professionnel.

En d’autres termes et à l’instar de la règle applicable à l’acquéreur d’un fonds de commerce ou d’une entreprise, seront également réputées non écrites, quelle qu’en soit la forme, les conventions tendant à interdire au locataire de céder son bail commercial au bénéficiaire du transfert universel de son patrimoine professionnel.

Ce dispositif constitue un complément utile à l’article 1er instituant un patrimoine professionnel, puisqu’il sécurise le transfert du bail commercial en cas de transfert du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

*

*     *

Article 1er ter
(art. L. 1224-1 du code du travail)
Transfert des contrats de travail en cas de transfert universel du patrimoine professionnel

1.   L’état du droit

L’article L. 1224-1 du code du travail prévoit le transfert des contrats de travail au nouvel employeur lorsque survient une modification dans la situation juridique de l’employeur, notamment par succession, vente, fusion, transformation du fonds, mise en société de l’entreprise.

Cette disposition permet de préserver les droits des salariés et la continuité des contrats de travail, lorsqu’une entreprise est cédée ou apportée à une autre société.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit par le Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement en séance présenté par notre collègue Christophe-André Frassa, rapporteur, au nom de la commission des Lois.

Il modifie l’article L. 1224-1 du code du travail pour ajouter aux cas de transfert des contrats de travail celui du transfert universel du patrimoine professionnel : les contrats de travail compris dans le patrimoine professionnel d’un entrepreneur individuel subsisteront ainsi de plein droit entre le personnel et le nouvel employeur, en cas de transfert universel de ce patrimoine.

Cet amendement a toutefois recueilli un avis défavorable du Gouvernement au motif qu’il serait satisfait par le droit actuel.

De fait, l’apport de ce dispositif au droit existant n’apparaît pas évident, dans la mesure où la rédaction actuelle de l’article L. 1224-1 du code du travail vise, de manière générale, toute modification dans la situation juridique de l’employeur.


—  1  —

3.   La position de la commission

La commission a supprimé cet article par l’adoption d’un amendement de ses rapporteurs.

Au soutien de cet amendement de suppression, qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement, votre rapporteure a fait valoir que le présent article était satisfait par l’état du droit, l’article L. 1224-1 du code du travail visant, de manière générale, toute modification dans la situation juridique de l’employeur.

 

*

*     *

Article 2
(art. L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution)
Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel
sur les procédures civiles d’exécution

1.   L’état du droit

L’article L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution prévoit que, lorsque le titulaire d’une créance contractuelle ayant sa cause dans l’activité professionnelle d’un entrepreneur individuel entend poursuivre l’exécution forcée d’un titre exécutoire sur les biens de cet entrepreneur, celui-ci peut, s’il établit que les biens nécessaires à l’exploitation de l’entreprise sont d’une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance, demander au créancier que l’exécution soit en priorité poursuivie sur ces derniers. Ce dispositif a donc pour but de protéger les biens personnels de l’entrepreneur.

Le créancier peut toutefois s’opposer à la demande de l’entrepreneur débiteur, s’il établit qu’elle met en péril le recouvrement de sa créance. La responsabilité du créancier qui s’oppose à la demande du débiteur ne peut être recherchée, sauf intention de nuire.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences de la séparation des patrimoines professionnel et personnel prévue à l’article premier.

Il modifie l’article L. 161-1 du code des procédures civiles d’exécution pour tenir compte des dispositions du nouvel article L. 526-22 du code de commerce, dont l’objet est la création d’un patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

Il prévoit en conséquence qu’une procédure d’exécution à l’encontre d’un débiteur ayant la qualité d’entrepreneur individuel ne peut porter que sur les biens du patrimoine sur lequel le créancier dispose d’un droit de gage général. Autrement dit, la procédure ne pourra porter que sur le patrimoine professionnel si la créance a pour origine l’activité professionnelle.

Par exception, en cas de renonciation au bénéfice de la séparation des patrimoines, le débiteur conservera la faculté prévue en l’état du droit de demander au créancier que l’exécution soit poursuivie en priorité sur les biens qui constituent son patrimoine professionnel. Cette faculté sera exercée dans les mêmes conditions qu’actuellement : le débiteur devra donc établir que son patrimoine professionnel est d’une valeur suffisante pour garantir le paiement de la créance et le créancier pourra s’y opposer s’il établit que la demande met en péril le recouvrement de sa créance. Sa responsabilité en cas de refus ne pourra être recherchée qu’en cas d’intention de nuire.

3.   Les modifications du Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de coordination de son rapporteur, tirant les conséquences de la réécriture de l’article 1er sur les références au code de commerce à insérer dans le code des procédures civiles d’exécution.

4.   La position de la commission

La commission a adopté cet article modifié par quatre amendements de ses rapporteurs, ayant chacun recueilli un avis favorable du Gouvernement, dont deux amendements portant des modifications rédactionnelles et deux portant des coordinations avec la nouvelle numération des articles insérés dans le code commerce à l’article 1er.

*

*     *

Article 3
(art. L. 273 B du livre des procédures fiscales et art. L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale)
Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel
sur les procédures de recouvrement des créances fiscales et sociales  Conditions d’opposabilité à l’administration fiscale de l’insaisissabilité de biens immobiliers

1.   L’état du droit

a.   Recouvrement des créances fiscales et sociales en cas d’EIRL

Le statut de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), créé par une loi du 15 juin 2010 ([8]), est désormais régi par les articles L. 526-5‑1 à L. 526-21 du code de commerce.

Ce statut permet aux entrepreneurs individuels de limiter l’étendue de leur responsabilité en constituant un patrimoine d’affectation, dédié à leur activité professionnelle, sans constituer de société. Le patrimoine affecté à l’activité professionnelle est alors le seul droit de gage général des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle. Autrement dit, le patrimoine personnel du travailleur indépendant est protégé des dettes nées du fait de son activité professionnelle.

La composition du patrimoine affecté est opposable de plein droit aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à la déclaration (article L. 526‑12 du code précité).

Il convient alors de distinguer deux types de créanciers, à savoir les créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’exercice de l’activité professionnelle, qui ont pour seul droit de gage le patrimoine affecté, et les autres créanciers, qui ont pour seul droit de gage le patrimoine non affecté.

Une dérogation néanmoins est prévue pour certains créanciers publics, l’administration fiscale et les administrations sociales.

La dissociation des patrimoines peut être remise en cause pour les dettes fiscales (article L. 273 B du livre des procédures fiscales) et pour les cotisations et contributions sociales (article L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale). Le recouvrement des dettes fiscales et sociales nées de l’activité professionnelle peut, en effet, être recherché sur le patrimoine non affecté en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales et sociales, dès lors que le tribunal compétent a constaté la réalité de ces agissements.

Symétriquement, le recouvrement des dettes fiscales personnelles peut être recherché sur le patrimoine affecté pour les mêmes motifs.

b.   Recouvrement des créances fiscales et sociales sur le patrimoine immobilier personnel de l’entrepreneur individuel

Les articles L. 526-1 à L. 526-5 du code de commerce instituent un régime d’insaisissabilité des biens immobiliers personnels des indépendants.

Les immeubles qui ne sont pas affectés à un usage professionnel sont soustraits au droit de gage général des créanciers dont les droits sont nés à l’occasion de l’activité professionnelle du débiteur. Cette protection bénéficie aux personnes physiques immatriculées à un registre de publicité légale à caractère professionnel ou exerçant une activité professionnelle agricole ou indépendante (article L. 526-1).

La protection s’applique de plein droit, sans formalité préalable, sur l’immeuble où est fixée la résidence principale du débiteur, pour toutes les créances professionnelles nées à partir du 7 août 2015 ([9]). Pour les dettes antérieures et nées après l’entrée en vigueur de la loi n° 2003-721 du 1er août 2003 pour l’initiative économique, l’insaisissabilité de la résidence principale est subordonnée à une déclaration notariée et ne peut être opposée qu’aux créanciers dont les droits sont nés postérieurement à ladite déclaration.

Il n’existe pas, en revanche, d’insaisissabilité de plein droit pour les autres biens immobiliers personnels du débiteur. L’insaisissabilité nécessite une déclaration notariée et ne s’applique, en tout état de cause, qu’aux créances professionnelles nées postérieurement à ladite déclaration. Cette protection complémentaire du patrimoine immobilier des indépendants a été créée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

insaisissabilité des biens immobiliers personnels des indépendants

Créance

née à l’occasion de l’activité professionnelle

Résidence principale

Autres biens immobiliers

non affectés à un usage professionnel

Née à compter du 7 août 2015

Insaisissabilité de plein droit,

sans formalité préalable

Insaisissabilité en cas de déclaration notariée

(pour les créances postérieures à ladite déclaration)

Née avant le 7 août 2015

Insaisissabilité en cas de déclaration notariée

(pour les créances postérieures à ladite déclaration)

Dans tous ces cas de figure, l’insaisissabilité n’est pas opposable à l’administration fiscale lorsque celle-ci relève, à l’encontre du débiteur, des manœuvres frauduleuses ou l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales.

S’agissant de l’inobservation des obligations fiscales, la faculté n’est ouverte à l’administration qu’en cas de manquements à des obligations au sens de l’article 1729 du code général des impôts. L’article 1729 ne vise que des manquements aux obligations déclaratives du contribuable, à savoir :

     les inexactitudes ou omissions dans une déclaration ou un acte comportant l’indication d’éléments à retenir pour l’assiette ou la liquidation de l’impôt ;

     les manquements ayant conduit l’État à se reconnaître indûment débiteur d’une dette de nature fiscale envers le contribuable et à acquitter cette dette apparente.

2.   Le dispositif proposé

Le présent article tire les conséquences de la création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel prévue à l’article 1er, en ce qui concerne les procédures de recouvrement des créances fiscales et sociales.

À cette fin, le présent article modifie les articles L. 273 B du livre des procédures fiscales et L. 133-4-7 du code de la sécurité sociale, pour adapter les règles du recouvrement des créances fiscales et sociales sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel, ainsi que l’article L. 526-1 du code de commerce, pour adapter les règles relatives au recouvrement des créances fiscales et sociales sur le patrimoine immobilier personnel de l’entrepreneur individuel.  

a.   Recouvrement des créances fiscales et sociales sur le patrimoine de l’entrepreneur individuel

● Le présent article étend les dispositions applicables à l’EIRL à tout entrepreneur individuel.

Il s’ensuit que le recouvrement des créances fiscales et sociales nées de l’activité professionnelle pourra, comme prévu à l’article 1er dans sa version adoptée en conseil des ministres, être recherché sur le patrimoine non affecté en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales et sociales.

● Le présent article opère, en outre, deux modifications par rapport au droit existant.

Il supprime l’exigence d’une constatation judiciaire préalable de la fraude ou de l’inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales par l’intéressé.

Il prévoit en outre, comme à l’article 1er, que la séparation des patrimoines professionnel et personnel de l’entrepreneur individuel ne soit pas opposable à l’administration fiscale pour le recouvrement de l’impôt sur le revenu, des prélèvements sociaux ainsi que de la taxe foncière afférente aux biens immeubles utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel et dont lui-même ou son foyer fiscal sont redevables.

b.   Recouvrement des créances fiscales et sociales sur le patrimoine immobilier personnel de l’entrepreneur individuel

Le présent article élargit le champ des situations dans lesquelles l’administration fiscale peut, par dérogation, poursuivre le recouvrement des impôts sur la résidence principale d’un entrepreneur individuel ou sur d’autres biens immobiliers qu’il a déclarés insaisissables.

Il supprime, en effet, la référence à l’article 1729 du code général des impôts, ce dont il résulte que l’administration fiscale pourra saisir la résidence principale d’un entrepreneur individuel ou tout autre bien immobilier déclaré insaisissable pour d’autres motifs que le manquement à des obligations déclaratives, notamment dans le cas où l’entrepreneur individuel manquerait aux obligations de paiement des impôts de manière grave et répétée.

3.   Les modifications du Sénat

Le Sénat a réécrit en grande partie le dispositif proposé, suivant la même logique que celle adoptée pour la réécriture de l’article 1er.

La commission des Lois du Sénat a ainsi adopté un amendement de son rapporteur, notre collègue Christophe-André Frassa, qui, outre des aménagements rédactionnels, opère trois modifications principales.

Cet amendement rétablit l’obligation pour l’administration fiscale et les organismes de sécurité sociale de faire constater en justice la réalité des manœuvres frauduleuses ou des manquements justifiant que ces créanciers puissent poursuivre le recouvrement des impôts, contributions et cotisations sociales sur l’ensemble des biens d’un entrepreneur individuel.

L’amendement supprime la disposition qui élargit le champ des situations dans lesquelles l’administration fiscale peut, par dérogation, poursuivre le recouvrement des impôts sur la résidence principale d’un entrepreneur individuel ou sur d’autres biens immobiliers qu’il a déclarés insaisissables.

L’amendement supprime également l’exception au principe de séparation des patrimoines prévue en faveur des créanciers publics pour le recouvrement de certaines impositions ou contributions.

En séance publique, le Sénat est toutefois revenu en partie sur cette dernière modification, à la suite de l’adoption d’un amendement ayant recueilli un avis défavorable du Gouvernement. Il est désormais prévu, à l’instar de la modification semblable opérée à l’article 1er, que le recouvrement de l’impôt sur le revenu et des prélèvements sociaux dont est redevable l’entrepreneur individuel ou son foyer fiscal puisse être recherché sur l’ensemble de ses biens, sauf s’il a opté pour l’impôt sur les sociétés.

4.   La position de la commission

La commission a adopté le présent article modifié par un amendement de rédaction globale de ses rapporteurs, ayant recueilli un avis favorable du Gouvernement.

La réécriture opérée par la commission a conduit à rétablir la version initiale du projet de loi, en conservant toutefois une modification du Sénat prévoyant que l’impôt sur le revenu ne peut être recouvré que sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel lorsque celui-ci a opté pour l’impôt sur les sociétés.

*

*     *

Article 3 bis
(art. L. 611-10-2 du code de commerce)
Levée de l’interdiction d’émettre des chèques en cas d’accord amiable constaté par le président du tribunal de commerce

1.   L’état du droit

En matière de prévention des difficultés des entreprises, le conciliateur a notamment pour mission de favoriser la conclusion, entre le débiteur et ses principaux créanciers, d’un accord amiable destiné à mettre fin aux difficultés constatées (article L. 611-7 du code de commerce).

À la requête des parties, le président du tribunal du commerce peut constater l’accord, ce qui lui donne force exécutoire par application du I de l’article L. 611-8 du code de commerce.

Le tribunal de commerce peut également homologuer cet accord lorsque les trois conditions posées par le II du même article sont réunies, à savoir que le débiteur n’est pas en cessation des paiements (ou l’accord conclu y met fin), les termes de l’accord sont de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise et l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non-signataires.

L’homologation entraîne des effets plus importants que le simple constat de l’accord par le président du tribunal de commerce. Cette homologation a notamment pour effet de lever de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques, par application du second alinéa de l’article L. 611‑10‑2 du code de commerce.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit par le Sénat, à la suite de l’adoption en séance d’un amendement présenté par nos collègues Sylvie Vermeillet et Nadia Sollogoub.

Il étend la levée de plein droit de toute interdiction d’émettre des chèques au simple constat de l’accord amiable par le président du tribunal de commerce.

Le présent article permet donc une levée plus précoce de l’interdiction d’émettre des chèques, non conditionnée à une homologation de l’accord.

Cet amendement n’a toutefois recueilli qu’un simple avis de sagesse de la commission des Lois du Sénat et un avis défavorable du Gouvernement. Ce dernier a été motivé par le fait que l’homologation de l’accord de conciliation offre à l’ensemble des créanciers de meilleures garanties que l’accord amiable simplement constaté.

3.   La position de la commission

La commission a supprimé cet article par l’adoption d’un amendement de vos rapporteurs.

Au soutien de cet amendement de suppression, qui a recueilli un avis favorable du Gouvernement, votre rapporteure a fait valoir que la simple constatation de l’accord par le président du tribunal de commerce n’appelle pas un contrôle judiciaire identique à l’homologation dudit accord par ce même tribunal. L’homologation de l’accord de conciliation comporte de meilleures garanties pour l’ensemble des créanciers. Au surplus, l’interdiction bancaire d’émettre des chèques ne signifie pas que le chef d’entreprise est interdit de compte bancaire, puisqu’il continue d’avoir accès à d’autres moyens de paiement.

 

*

*     *

 

Article 4
(art. L. 611-1, L. 611-2-1, L. 611-5, L. 611-10-2, L. 611-13, L. 620-2, L. 621-2, L. 622-7, L. 622-24, L. 624-19, L. 626-13, L. 631-2, L. 631-3, L. 631-5, L. 631-11, L. 640-2, L. 640-3, L. 640-5, L. 641-4, L. 641-13, L. 641-15, L. 643-11, L. 645-1, L. 651-2, L. 651-3, L. 651-4, L. 653-3, L. 653-6, L. 654-1, L. 654-9, L. 654-14 et L. 680-1 à L.680-11 du code de commerce, art. L. 351-7-1 du code rural et de la pêche maritime et art. L. 711-3 [abrogé], art. L. 711-7, L. 711-8, L. 711-9 et L. 711-10 [nouveaux] du code de la consommation)
Conséquences de la création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures collectives et de surendettement des particuliers

1.   L’état du droit

Les débiteurs en difficulté peuvent faire l’objet de procédures spécifiques tant pour assurer leur protection que pour garantir les droits des différents créanciers et cocontractants.

Le livre VI du code de commerce traite ainsi des difficultés des entreprises. Il organise les procédures collectives applicables dans les situations où le débiteur justifie de difficultés qu’il n’est pas en mesure de surmonter (procédure de sauvegarde), se trouve en cessation des paiements (procédure de redressement) ou lorsque le redressement est manifestement impossible (procédure de liquidation).

Des dispositions spécifiques sont prévues pour les exploitations agricoles en difficulté au titre V du livre II du code rural et de la pêche maritime.

Pour les particuliers, le livre VII du code de la consommation porte sur le traitement des situations de surendettement. Il prévoit notamment des procédures de rétablissement personnel avec ou sans liquidation judiciaire.

La procédure de traitement du surendettement est réservée aux personnes physiques de bonne foi dans l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble de leurs dettes non professionnelles. En principe, un débiteur ne peut pas en bénéficier s’il relève des procédures spécifiques aux entreprises en difficulté (articles L. 711‑1 et L. 711-3 du code de la consommation). La Cour de cassation a cependant expressément admis qu’un EIRL peut bénéficier d’une procédure de traitement de sa situation de surendettement sur le patrimoine qu’il n’a pas affecté à son activité professionnelle, même si la situation justifie l’ouverture d’une procédure collective sur le fondement du code de commerce ([10]). Dans le même sens, l’article L. 711-7 du code de la consommation prévoit qu’un EIRL peut demander à bénéficier d’une procédure de traitement de son surendettement, mais seulement pour des dettes non professionnelles.

Dans le cas d’un EIRL, la procédure collective est en principe limitée au patrimoine affecté. Dans certaines situations prévues par l’article L. 621-2 du code de commerce, elle peut cependant être étendue au patrimoine personnel (confusion de patrimoine, manquements graves au statut de l’EIRL, fraude aux droits d’un créancier). Selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la confusion de patrimoine justifiant l’extension de la procédure est notamment constituée en cas d’impossibilité de rattacher une part significative des éléments d’actif ou de passif à l’un ou l’autre de ces patrimoines (en raison d’un désordre généralisé des comptes) ou en cas de relations financières anormales entre ces patrimoines.

Il ressort de l’ensemble de ces dispositions que différentes procédures (procédures collectives, procédure de surendettement) sont donc susceptibles de s’appliquer à un entrepreneur individuel, qu’il exerce ou non son activité sous le statut de l’EIRL.

2.   Le dispositif proposé

La création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel, prévue à l’article 1er du présent projet de loi, ainsi que l’extinction de l’EIRL prévue à l’article 5, nécessitent des adaptations dans les dispositions afférentes aux procédures collectives et de surendettement.

Le I du présent article habilite le Gouvernement, dans les conditions prévues à l’article 38 de la Constitution, à prendre par voie d’ordonnance toute mesure relevant du domaine de la loi et permettant d’adapter à ce nouveau statut :

 d’une part, les dispositions relatives aux entreprises en difficulté, en particulier celles du livre VI du code de commerce et du livre III du code rural et de la pêche maritime et d’apporter les modifications, clarifications et mises en cohérence liées à ces adaptations ;

 d’autre part, les dispositions relatives aux situations de surendettement des particuliers, en particulier celles du livre VII du code de la consommation.

Le II du présent article dispose que les ordonnances seront prises dans un délai de six mois à compter de la publication de la loi et qu’un projet de loi de ratification sera déposé devant le Parlement dans un délai de quatre mois à compter de la publication de chaque ordonnance.

3.   Les modifications du Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de son rapporteur, qui supprime l’habilitation accordée au Gouvernement et la remplace par des dispositions modifiant directement le code de commerce et le code de la consommation.

Cet amendement a été complété par l’adoption, en séance publique, de deux amendements de rédaction et de coordination du rapporteur, qui ont recueilli un avis favorable du Gouvernement.

a.   Modifications du code de commerce

Le dispositif adopté par le Sénat insère dans le livre VI du code de commerce un titre spécifiquement consacré aux dispositions applicables à l’entrepreneur individuel, comprenant plusieurs nouveaux articles.

L’article L. 680-1 cantonne les effets des dispositions du livre VI du code de commerce aux seuls éléments du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel.

L’article L. 680-2 pose une règle d’interprétation similaire en ce qui concerne les créanciers.

L’article L. 680-3 dispose que toute diminution de l’actif du patrimoine professionnel résultant d’une évolution de l’activité de l’entrepreneur individuel au cours de la procédure est inopposable à celle-ci. Cette règle vise à éviter l’appauvrissement du patrimoine professionnel en cours de procédure.

L’article L. 680-4 porte sur les cas où la procédure pourrait être étendue au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel.

En premier lieu et pour mieux protéger l’entrepreneur individuel, il substitue à la notion trop large de « confusion des patrimoines » une définition plus restrictive des cas justifiant que la procédure soit étendue au patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel à titre de sanction.

Selon l’exposé sommaire de l’amendement adopté, dans le cas d’un entrepreneur individuel et notamment s’il n’avait pas ouvert un compte bancaire séparé pour son activité professionnelle, l’évaluation du caractère « normal » ou « anormal » des relations financières entre les patrimoines professionnel et personnel laisserait place à une marge d’appréciation excessive, porteuse d’une forte insécurité juridique.

Les dispositions votées par le Sénat prévoient donc que le patrimoine personnel de l’entrepreneur ne puisse être réuni à son patrimoine professionnel, sur décision du tribunal, qu’en cas de manquements graves à ses obligations comptables, rendant impossible la détermination de la consistance de son patrimoine professionnel ou en cas d’actes anormaux de gestion graves et répétés.

Elles suppriment également aussi le critère de la fraude à l’égard d’un créancier, prévu aujourd’hui pour l’EIRL.

En second lieu, l’article L. 680-4 prévoit que les deux patrimoines puissent être réunis à la demande du débiteur lorsque les dettes professionnelles pour le recouvrement desquelles il ne bénéficie pas du principe de séparation des patrimoines (pour cause de renonciation, parce que ces dettes seraient nées avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi ou parce qu’il s’agirait de dettes fiscales ou sociales) représenteraient une part significative du total de ses dettes. Ainsi, l’ensemble des biens et obligations de l’entrepreneur individuel pourraient être appréhendés par la même procédure, sans qu’il soit contraint d’ouvrir séparément une procédure de surendettement des particuliers.

L’article L. 680-5 attribue compétence au tribunal saisi de la procédure collective pour connaître des contestations relatives à la consistance du patrimoine professionnel.

Enfin, l’amendement adopté ouvre aux EIRL la procédure de rétablissement professionnel sans liquidation, ouverte aux débiteurs personnes physiques dont l’actif n’excède pas un seuil défini par décret et qui n’emploient aucun salarié.

Les autres modifications apportées sont des reprises du droit actuel ou des mesures de coordination.

b.   Modifications du code de la consommation

Le présent article, dans sa version adoptée par le Sénat, modifie l’intitulé et le contenu de la section du code de la consommation relative à l’EIRL, pour y insérer des dispositions relatives à l’entrepreneur individuel.

L’amendement adopté par la commission des Lois met fin au principe selon lequel une procédure de surendettement des particuliers ne peut être ouverte à l’égard d’un entrepreneur individuel au motif que celui-ci relève des procédures collectives prévues par le code de commerce.

Il adapte la procédure de surendettement au cas de l’entrepreneur individuel, selon les mêmes modalités que celles retenues aujourd’hui pour l’EIRL. Il est expressément prévu que seul le patrimoine personnel serait appréhendé par la procédure.

Enfin et par exception, l’ouverture ou la continuation d’une procédure de surendettement à l’égard d’un entrepreneur individuel serait exclue dans le cas où celui-ci ferait l’objet d’une procédure collective étendue à son patrimoine personnel.

4.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

*

*     *

Section 2
De la mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Article 5
(section 2 du chapitre VI du titre II du livre V et art. L. 526-5-1, L. 526-8, L. 526-16,
L. 526-17 et L. 526-19 du code de commerce)
Mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle
à responsabilité limitée

1.   L’état du droit

Le statut créé par la loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) permet, en cas de faillite, de protéger les biens personnels de l’entrepreneur en les séparant de son patrimoine professionnel. Régi par la section 2 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce (articles L. 526-5-1 et suivants), il est ouvert à tout entrepreneur exerçant une activité commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

Ce patrimoine affecté est obligatoirement composé de l’ensemble des biens, droits, obligations ou sûretés nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle. De manière facultative, il peut également comprendre ceux qui sont seulement utilisés dans le cadre cet exercice.

Seul ce patrimoine peut être saisi par les créanciers professionnels. En cas de difficultés (prévention, sauvegarde, redressement ou liquidation), le patrimoine personnel est donc protégé.

En juin 2021, moins de cent mille EIRL étaient recensés. Ce nombre apparaît très faible, si on le met en regard des 1,5 million d’entrepreneurs qui dirigent leur activité en nom propre.

Cette situation s’explique par la complexité que peut représenter ce statut pour un entrepreneur individuel, notamment en phase de lancement. La séparation des biens personnels et professionnels implique, en effet, d’enregistrer une déclaration d’affectation auprès du centre de formalités des entreprises (CFE). La réalisation de cette démarche administrative est payante si elle n’a pas lieu au moment de la demande d’immatriculation et son coût est compris entre 42 euros (pour un artisan ou un agriculteur) et 50,95 euros (pour un commerçant). Par ailleurs, l’affectation professionnelle d’un bien immobilier doit impérativement être effectuée par acte notarié, ce qui engendre également des coûts pour l’entrepreneur.

La complexité de l’EIRL réside aussi dans l’obligation de tenir une comptabilité normale et complète, contrairement aux autoentrepreneurs. Comme les sociétés, les EIRL doivent déposer leurs comptes annuels auprès du registre où a été déposée leur déclaration de patrimoine d’affectation.

Paradoxalement, la protection offerte par ce régime est compromise par la difficulté de distinguer, de manière certaine, les biens et droits nécessaires à l’activité professionnelle – et devant donc être comptabilisés dans le patrimoine affecté – de ceux utilisés pour cette activité, sans néanmoins être indispensables à celle-ci – et pouvant donc entrer dans le patrimoine affecté comme dans le patrimoine personnel.

Par ailleurs, la responsabilité personnelle de l’entrepreneur peut toujours être engagée en cas de fraude ou de manquements graves et répétés à ses obligations fiscales, sociales ou comptables. Les bénéficiaires potentiels de ce régime ont donc pu craindre des sanctions comme la faillite personnelle ou l’interdiction de gérer, l’article L. 653-3 du code de commerce visant expressément les EIRL coupables « d’avoir fait des actes de commerce dans un intérêt autre que celui de cette activité » ou « d’avoir fait des biens ou du crédit un usage contraire à l’intérêt [de l’EIRL] à des fins personnelles ou pour favoriser une personne morale ou entreprise dans laquelle il était intéressé directement ou indirectement ».

Plus généralement, ce statut semble avoir insuffisamment été mis en valeur depuis son lancement, il y a un peu plus d’une dizaine d’années. D’après le ministère de l’économie, des finances et de la relance, une enquête réalisée dans la région Hauts-de-France en juillet 2019 faisait ressortir qu’un tiers de ceux qui exerçaient en entrepreneur individuel ignoraient l’existence de l’EIRL.

2.    Le dispositif proposé

L’instauration d’un nouveau statut de l’entrepreneur individuel par l’article 1er du projet de loi devrait significativement limiter l’intérêt du régime de l’EIRL, puisque ce statut déterminera une clé de répartition entre ce qui relève du patrimoine professionnel et ce qui relève du patrimoine personnel sans nécessité d’effectuer au préalable une déclaration d’affectation.

Assurant ainsi une protection équivalente à celle octroyée par l’EIRL sans pour autant entrer dans sa complexité, le nouveau statut justifie la mise en extinction du régime de l’EIRL à compter de la promulgation de la loi.

L’article 5 vise donc à empêcher la mise sous statut EIRL pour l’avenir et à enlever la possibilité de transmettre à un héritier le patrimoine affecté. Les EIRL existants pourront continuer à exercer leur activité dans les mêmes conditions qu’à présent, d’où le fait que le projet de loi évoque une mise en extinction plutôt qu’une suppression de ce régime.

En conséquence, il est prévu de mettre fin à trois dispositions du code de commerce, à savoir l’article L. 526-5-1, qui permet à un entrepreneur de choisir le statut d’EIRL, l’article L. 526-16, qui autorise la reprise du patrimoine affecté par un héritier, et le second alinéa de l’article L. 526-19, qui évoque la gratuité d’une déclaration d’affectation réalisée simultanément à l’immatriculation au registre de publicité légale.

Les dispositions de l’article L. 526-8 étaient également modifiées par la version initiale du projet de loi de manière à ne plus faire référence à l’activité professionnelle antérieure de l’entrepreneur en EIRL avant la déclaration du patrimoine affecté, ni au premier exercice de celui-ci.

Le II de l’article 5 du projet de loi précise, quant à lui, que les EIRL existants demeureront régis par les autres dispositions consacrées à ce statut.

Après la promulgation de la loi, un décret en Conseil d’État aura vocation à préciser les modalités de cette mise en extinction et à modifier, en tant que de besoin, la partie réglementaire du code de commerce.

3.   Les modifications du Sénat

Le Sénat a adopté l’article 5 du projet de loi en le modifiant.

La commission des Lois a adopté un amendement de son rapporteur visant à préciser les conséquences de la mise en extinction du statut de l’EIRL.

Le principal apport de cet amendement est de prévoir qu’une cession à titre onéreux ou une transmission à titre gratuit entre vifs du patrimoine affecté n’entraînerait plus, par cohérence avec l’article 1er du projet de loi, le maintien de l’affectation dans le patrimoine du bénéficiaire, si celui-ci est une personne physique – ce qui était déjà le cas, au demeurant, pour la cession du patrimoine affecté à une personne morale ou son apport en société. Ainsi, en cas de transfert universel de patrimoine et en application du nouvel article L. 526-1 B, les biens, droits et obligations exclusivement utiles à l’activité professionnelle indépendante constitueraient le patrimoine professionnel du cessionnaire ou du donataire.

Dans l’hypothèse où ce bénéficiaire demeurerait sous le statut de l’EIRL, les sénateurs ont adopté, en séance, un amendement du rapporteur précisant que l’affectation serait maintenue si le cessionnaire ou le donataire était soumis, à la date de la transmission, au régime de l’EIRL.

L’amendement adopté par la commission des Lois a également clarifié le sort des EIRL qui subsisteront, en précisant que l’affectation à un patrimoine professionnel déjà constitué ou le retrait d’éléments de celui-ci demeureraient permis.

Il est aussi revenu sur la modification de l’article L. 526-8 proposée par le Gouvernement (cf. supra) afin de maintenir la référence à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel avant la constitution de son patrimoine affecté.

En séance publique, le Gouvernement s’est rallié à la position de la commission des Lois en retirant un amendement de rétablissement de la rédaction initiale de cet article, reconnaissant que les modifications proposées par le rapporteur répondaient à l’objectif partagé de permettre aux EIRL existants de se maintenir tout en interdisant la création d’EIRL nouveaux.

4.   La position de la commission

La commission a adopté un amendement de ses rapporteurs revenant partiellement sur la rédaction du Sénat.

La modification proposée dans le texte initial de l’article L. 526‑8 du code de commerce a été rétablie afin de concrétiser l’impossibilité d’opter pour l’exercice d’une activité en tant qu’EIRL au stade de la création.

Les rapporteurs ont aussi souhaité clarifier la rédaction proposée par le Sénat pour l’article L. 526‑17 du même code afin de ne pas augmenter le nombre d’EIRL sans pour autant compromettre le droit de ceux en activité de disposer librement de leurs biens, conformément aux principes à valeur constitutionnelle de droit de propriété et de liberté d’entreprendre. La modification adoptée par la commission prévoit ainsi que :

 la cession du patrimoine affecté à un entrepreneur individuel entraînera un transfert de propriété sans maintien de l’affectation, de même que pour la cession à une personne morale ou pour un apport en société actuellement ;

 la cession ou la donation du patrimoine affecté à une personne physique continuera d’entraîner sa reprise avec maintien de l’affectation.

En conséquence, si le cessionnaire est un entrepreneur individuel, c’est-à-dire « une personne physique qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes » ([11]), l’affectation ne sera pas maintenue, puisque celui-ci n’aura plus la possibilité d’opter pour le régime de l’EIRL. En revanche, si le cessionnaire ou le donataire est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation sera maintenue puisqu’il deviendra un EIRL à la place du cédant ou du donateur, la cession ou la donation concernant « l’intégralité de son patrimoine affecté » (I de l’article L. 526-17). Le nombre d’EIRL demeurant constant, leur mise en extinction est assurée.

Enfin et pour ne pas créer un doute sur la pérennité des EIRL qui continueront d’exercer leur activité, les rapporteurs ont souhaité supprimer du titre de la section qui leur est consacré la mention relative à la « mise en extinction » introduite par les sénateurs.

*

*     *

Section 3
Des dispositions applicables aux professions libérales réglementées

Article 6
(supprimé)
Dispositions relatives aux professions libérales réglementées

1.   L’état du droit

Les professions soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé, communément désignées sous le terme « professions libérales réglementées » ([12]), peuvent être exercées en commun sous une forme sociétaire.

Toutefois, les possibilités d’exercice sous forme sociétaire ont été instituées de façon successive et sans cohérence, de sorte que l’état du droit sur la question se caractérise par une superposition de dispositions transversales qui les rend difficilement lisibles et accessibles, à la différence des grands principes d’exercice définis dans les textes statutaires propres à chaque profession.

L’objet de ces dispositions est de permettre l’exercice en société des professions libérales réglementées, tout en garantissant l’indépendance des professionnels concernés. Des dispositions spécifiques et dérogatoires au droit commercial sont donc prévues en matière de détention du capital et des droits de vote.

Au fil du temps, le législateur a libéralisé l’exercice sociétaire des professions libérales réglementées et les principaux jalons de cette libéralisation sont les suivants :

 la loi du 29 novembre 1966 ([13]) a créé les sociétés civiles professionnelles (SCP), dont les associés sont personnellement et indéfiniment tenus des dettes sociales, avec le principe d’une voix par associé ;

 la loi du 31 décembre 1990 ([14]) a créé les sociétés en participation (SEP) ainsi que les sociétés d’exercice libéral (SEL), dont le régime de responsabilité est en partie aligné sur celui des sociétés commerciales ([15]). La SEL peut ainsi prendre la forme d’une société d’exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL), d’une société d’exercice libéral en commandite par action (SELCA), d’une société d’exercice libéral à forme anonyme (SELAFA) ou encore d’une société d’exercice libéral par action simplifiée (SELAS) ;

 la loi du 11 décembre 2001 dite « Murcef » ([16]) a créé les sociétés de participations financières de professions libérales (SPFPL), ce qui a ouvert la voie à l’introduction de holdings dans le secteur des professions libérales réglementées ;

 l’ordonnance du 31 mars 2016 ([17]), prise sur le fondement de l’article 65 de la loi du 6 août 2015 ([18]), a créé les sociétés pluri-professionnelles d’exercice (SPE), permettant l’association de professionnels relevant de professions libérales distinctes.

S’ajoutent à cet ensemble des dispositions spécifiques à certaines professions libérales réglementées permettant un exercice en commun sous forme sociétaire. Tel est notamment le cas pour :

 les experts-comptables (sociétés d’expertise comptable mentionnées à l’article 7 de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable) ;

 les géomètres-experts (article 6-1 de la loi n° 46-942 du 7 mai 1946 instituant l’Ordre des géomètres experts) ;

 les architectes (article 12 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l’architecture) ;

 les professions juridiques et judiciaires, pour lesquelles l’article 63 de la loi du 6 août 2015 précitée a ouvert l’accès à toutes formes sociales, à l’exception de celles qui confèrent la qualité de commerçant.

Cohabitent ainsi des adaptations de régimes préexistants (SEL), des formes de sociétés exclusivement conçues pour les professions libérales réglementées (SCP, SPE…) et des sociétés de participation financière (SPFPL). De manière générale, la coexistence de plusieurs régimes d’accès à l’exercice en société s’avère source de confusion et témoigne d’un état du droit « insatisfaisant et complexe », pour reprendre l’expression du Conseil d’État ([19]).

Il résulte ainsi de l’enchevêtrement de l’ensemble de ces dispositions, dont certaines sont transversales et d’autres spécifiques, une relative insécurité juridique pour les professionnels concernés. C’est notamment le cas lorsque les dispositions relatives aux SEL (loi du 31 décembre 1990) ne recoupent pas complètement celles propres aux sociétés commerciales auxquelles elles renvoient (SARL, SA, SAS, SCA, etc.). De même, la loi du 6 août 2015 créant les SPE opère des renvois imprécis vers la loi du 31 décembre 1990.

Plus généralement, la complexité du droit applicable apparaît comme une atteinte à l’objectif de valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ([20]).

2.   Le dispositif proposé

L’article 6 du projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de douze mois, pour prendre toutes dispositions permettant :

 de clarifier, simplifier et mettre en cohérence les règles relatives aux professions libérales réglementées en précisant les règles communes qui leur sont applicables, d’une part, et en adaptant les différents régimes juridiques leur permettant d’exercer sous forme de société, d’autre part ;

 de faciliter le développement et le financement des structures d’exercice des professions libérales réglementées.

Cet article prévoit également qu’un projet de loi de ratification devra être déposé dans un délai de six mois à compter de la publication de l’ordonnance.

3.   Les modifications du Sénat

Considérant que les réformes envisagées exigent un débat parlementaire, la commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de suppression de cet article, présenté par son rapporteur.

La commission des Lois a en effet considéré qu’il n’existait pas de consensus parmi les professions libérales réglementées, notamment pour ce qui concerne le financement des structures d’exercice – un sujet sur lequel se cristallisent les réticences des acteurs.

En séance publique, le Gouvernement a présenté un amendement de rétablissement de cet article, qui a recueilli un avis défavorable de la commission des Lois et n’a pas été adopté. Le Gouvernement a notamment fait valoir que le recours aux ordonnances se justifiait par la technicité de la matière et par le fait que les professionnels avaient exprimé une attente forte de clarification et de modernisation des structures juridiques d’exercice des professions libérales réglementées. Si le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises a indiqué que des concertations étaient en cours dans le but d’aboutir à un consensus, le rapporteur de la commission des Lois a considéré que le débat parlementaire ne saurait avoir lieu qu’après que ces négociations auront été achevées.

4.   La position de la commission

La commission a maintenu la suppression de cet article.

 

 

 

*

*     *

Chapitre II
De l’artisanat

Article 7
De l’artisanat

1.   L’état du droit

L’artisanat désigne l’ensemble des travailleurs indépendants qui exercent une activité manuelle de fabrication, transformation, réparation ou de prestation de service. Plus de 250 métiers sont ainsi répertoriés par les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

L’activité professionnelle des artisans est, en principe, régie par un code de l’artisanat depuis 1952 ([21]). Celui-ci ne contient actuellement qu’une soixantaine d’articles et mélange des dispositions à caractère législatif et des dispositions à caractère réglementaire.

Au fil du temps, plus d’une dizaine de textes sont venus s’ajouter sans être intégrés au code de l’artisanat. Il s’agit principalement de :

 la loi n° 52‑1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers, concernant les conditions d’emploi des agents des CMA ;

 la loi n° 83‑657 du 20 juillet 1983 relative au développement de certaines activités d’économie sociale, au sujet du statut des coopératives artisanales et de leurs unions ;

 la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat, qui contient des dispositions relatives à la qualification professionnelle des indépendants ;

 la loi n° 2005-882 du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises, qui concerne notamment les sociétés des artisans ;

 la loi n° 2020‑853 du 23 juillet 2010 relative aux réseaux consulaires, au commerce, à l’artisanat et aux services, qui a simplifié les règles régissant des certaines professions et activités réglementées.

Enfin, le code de l’artisanat a récemment été modifié par la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », qui a notamment actualisé certaines dispositions du titre II relatif au réseau des CMA.

Cet éparpillement des législations successives interdit au code de l’artisanat de jouer son rôle de compilation de l’ensemble des dispositions qui concernent l’exercice de ces activités et leur univers professionnel. Cette situation compromet l’objectif à valeur constitutionnelle d’accessibilité et d’intelligibilité de la loi ([22]).

Ce constat n’est pas récent. Dès 1996, une circulaire avait inscrit le code de l’artisanat au programme d’un chantier de codification ([23]). Cet objectif n’ayant pas été atteint, le Conseil d’État est venu rappeler au Gouvernement « l’urgente nécessité de cette recodification » dans son avis rendu sur le projet de décret sur l’organisation et le fonctionnement du réseau des CMA ([24]), pris en application de l’article 42 de la loi Pacte.

2.   Le dispositif proposé

L’article 7 du projet de loi vise à habiliter le Gouvernement à réécrire, par ordonnance, les dispositions législatives du code de l’artisanat.

Il s’agira, en principe, d’une codification à droit constant, puisque le but affiché est de clarifier la rédaction et le plan de ce code ainsi que d’y intégrer les dispositions de nature législative relative à l’artisanat qui n’auraient pas été codifiées, qui seraient codifiées dans un autre code, ou qui seraient issues du présent projet de loi.

Toutefois, la refonte du code de l’artisanat pourrait devoir aller au-delà d’une simple remise en ordre à droit constant, s’il s’avérait nécessaire de modifier des textes pour assurer le respect de la hiérarchie des normes, de garantir la cohérence rédactionnelle de l’ensemble, d’harmoniser l’état du droit ou encore d’abroger les dispositions devenues obsolètes ou sans objet.

L’article 7 prévoit, en outre, d’actualiser les normes applicables en Alsace-Moselle et à Mayotte.

Le droit applicable dans les départements annexés par l’Allemagne de 1871 à 1918 comporte en effet des dispositions qui leur sont propres en ce qui concerne l’artisanat, puisque l’article 7 de la loi du 1er juin 1924 mettant en vigueur la législation civile française dans les départements du Bas‑Rhin, du Haut‑Rhin et de la Moselle prévoit que le code professionnel continue à y être appliqué.

Quant au département de Mayotte, l’article 81 bis du code de l’artisanat n’applique certaines de ses dispositions qu’à condition qu’elles ne soient pas incompatibles avec l’application du code de l’éducation dans ce département d’outre-mer.

3.   Les modifications du Sénat

L’examen de cet article a été délégué par la commission des Lois du Sénat à la commission des Affaires économiques. Son rapporteur, notre collègue Serge Babary, a présenté un amendement que la commission des Lois a adopté et visant à réduire de dixhuit à quatre mois le délai d’habilitation de l’ordonnance, afin que le Gouvernement publie le texte avant les élections législatives de juin 2022.

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement portant ce délai de quatre à quatorze mois, soit quatre mois de moins que ce que prévoyait le projet initial, au motif qu’il s’agit de la durée la plus courte envisageable pour que la commission supérieure de codification puisse mener à bien ses travaux.

4.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements rédactionnels de ses rapporteurs.

 

*

*     *

Article 7 bis
(art. 16 de la loi n° 96-603 du 5 juillet relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat)
Qualification professionnelle des personnes exerçant l’activité de toilettage des chiens, chats et autres animaux de compagnie

1.   L’état du droit

Le chapitre premier du titre II de la loi n° 96-603 du 5 juillet 1996 relative au développement et à la promotion du commerce et de l’artisanat contient des dispositions concernant la qualification professionnelle exigée pour l’exercice de certaines activités.

L’article 16 fixe, à ce titre, une liste d’activités qui ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci. Tel est le cas :

 de l’entretien et la réparation des véhicules terrestres à moteur et des machines agricoles, forestières et de travaux publics ;

 de la construction, l’entretien et la réparation des bâtiments ;

 de la mise en place, l’entretien et la réparation des réseaux et des équipements utilisant les fluides, ainsi que des matériels et équipements destinés à l’alimentation en gaz, au chauffage des immeubles et aux installations électriques ;

 du ramonage ;

 des soins esthétiques à la personne autres que médicaux et paramédicaux et des modelages esthétiques de confort sans finalité médicale ;

 de la réalisation de prothèses dentaires ;

 de la préparation ou la fabrication de produits frais de boulangerie, pâtisserie, boucherie, charcuterie et poissonnerie, ainsi que la préparation ou la fabrication de glaces alimentaires artisanales ;

 de l’activité de maréchal-ferrant ;

 et de la coiffure.

Pour chacune de ces activités, un décret détermine les qualifications requises, c'est-à-dire les diplômes et titres homologués et les modalités de validation de l’expérience professionnelle.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit par le Sénat à la suite de l’adoption, en séance publique, de deux amendements identiques de nos collègues Arnaud Bazin et Martine Berthet. Ces amendements ont recueilli un avis favorable de la commission des Lois du Sénat et un avis de sagesse du Gouvernement.

Ce nouvel article 7 bis ajoute l’activité de toilettage des chiens, chats et autres animaux de compagnie à la liste des activités qui ne peuvent être exercées que par une personne qualifiée professionnellement ou sous le contrôle effectif et permanent de celle-ci.

En pratique, les toiletteurs animaliers devraient donc obligatoirement être détenteurs d’une qualification prévue par un arrêté du ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt en date du 4 février 2016 ([25]), soit principalement un certificat technique des métiers. Ce diplôme, équivalent à un certificat d’aptitude professionnelle, est délivré par les chambres des métiers et de l’artisanat au terme d’une formation de deux ans en alternance après la classe de troisième.

Les auteurs de ces amendements ont fait valoir que cette mesure était souhaitée par les représentants de la profession afin de traiter au mieux la question de la santé des animaux de compagnie.

Par ailleurs, cette mesure répondrait aux exigences formulées, en matière de santé animale, par le règlement (UE) 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 relatif aux maladies animales transmissibles et modifiant et abrogeant certains actes dans le domaine de la santé animale. Ce texte prévoit, en effet, que les « opérateurs », dont font partie les toiletteurs ([26]), ont une obligation d’observation et de surveillance afin de détecter la présence de maladies répertoriées et de maladies émergentes.

Toutefois et conformément à l’article 16 de la loi du 5 juillet 1996, un professionnel qui, à la date d’entrée en vigueur de loi, exerce effectivement l’activité en cause en qualité de salarié ou pour son propre compte est réputé justifier de la qualification requise. Dès lors, l’adoption de ce nouvel article ne devrait pas compromettre l’activité des professionnels en exercice.

3.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

*

*     *

Chapitre III
De la création d’un environnement juridique plus protecteur

Section 1
Des dettes professionnelles dont sont redevables certains débiteurs ne relevant pas des procédures instituées par le livre VI du code de commerce

Article 8
(section 1 du chapitre Ier du titre Ier du livre VII et art. L. 711-1 du code de la consommation)
Prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation du débiteur à l’ouverture d’une procédure de surendettement

1.   L’état du droit

a.   L’élargissement progressif des procédures de surendettement

Le livre VII du code de la consommation traite des procédures de surendettement des particuliers. Ces procédures sont le fruit d’une évolution législative initiée par la loi du 31 décembre 1989 ([27]) ayant institué la procédure collective de surendettement. La loi du 1er août 2003 ([28]) a marqué une nouvelle étape, en créant la procédure dite de « rétablissement personnel ». Cette dernière permet non seulement, à l’instar de la procédure ordinaire, le report et l’échelonnement, l’imputation ou la suspension de l’exigibilité des dettes, mais également l’effacement des dettes, avec ou sans liquidation des biens du débiteur.

La loi du 4 août 2008 ([29]) a intégré aux montants devant être pris en compte pour l’examen des dossiers de surendettement les dettes résultant d’un cautionnement ou d’une obligation solidaire de paiement en faveur d’une société, dès lors que la personne ayant souscrit à cette sûreté dispose d’un intérêt direct dans l’entreprise. Considérées comme des dettes professionnelles, celles-ci peuvent être effacées à l’issue des procédures sur décision de la commission de surendettement des particuliers.

L’article 39 de la loi du 17 juin 2020 ([30]) a modifié les articles L. 741-2 et L. 742-22 du code de la consommation. Cette loi a intégré l’ensemble des dettes professionnelles aux dettes pouvant être examinées et effacées dans le cadre d’une procédure de surendettement. L’ensemble des sûretés et des dettes souscrites par un entrepreneur dans le cadre de sa profession est dès lors concerné par la possibilité d’effacement sur décision de la commission, à la condition que les dettes professionnelles ne représentent pas l’exhaustivité des dettes figurant dans la demande, qui doit également s’appuyer en partie sur des dettes non professionnelles.

b.   Les exceptions à la liste des dettes pouvant être prises en compte dans le cadre d’une procédure de surendettement

Les exceptions mentionnées aux articles L. 711-4, L. 711-5 et L. 742-22 du code de la consommation subsistent néanmoins : elles portent sur les dettes alimentaires, les réparations pécuniaires allouées dans le cadre d’une condamnation pénale, les dettes frauduleuses et les dettes issues de prêts sur gage ainsi que sur les dettes payées par une caution ou un coobligé.

Il en est de même des dettes constituant l’unique passif de la personne physique. Ainsi, un gérant majoritaire de SARL dont le passif serait uniquement constitué de dettes professionnelles ne serait pas éligible à une procédure de surendettement des personnes physiques. Toutefois, le dirigeant de SARL ne serait pas non plus éligible à la liquidation judiciaire, car il n’exerce pas d’activité commerciale à titre personnel. Dès lors, ce dirigeant ne serait éligible à aucun mécanisme d’apurement des dettes – y compris pour ce qui concerne les dettes de cotisations sociales, ce qui peut le placer dans une situation de blocage personnel et professionnel.

2.   Le dispositif proposé

a.   Les dettes professionnelles prises en compte à part entière dans le cadre d’une procédure de surendettement

Afin de prendre en compte les avancées législatives rappelées ci-dessus et notamment l’évolution intervenue en 2020, il convient de mettre en cohérence les dispositions des articles L. 711-1 et L. 711-2 du code de la consommation. La modification de ces articles emporte les conséquences suivantes :

– le critère de l’impossibilité manifeste de faire face à l’ensemble des dettes est étendu aux dettes professionnelles, alors qu’elle concernait jusqu’ici, de façon restrictive, les dettes non professionnelles ;

– de la même manière, le caractère insaisissable de la résidence principale, malgré sa valeur supérieure ou égale au montant des dettes, est étendu à l’ensemble des dettes, professionnelles ou non professionnelles ;

– ces dispositions valent également pour les débiteurs de nationalité française en situation de surendettement et domiciliés hors de France.

Cet article poursuit donc le changement de paradigme initié par le législateur et permet une coordination avec les dispositions contenues dans le présent projet de loi, portant nouveau régime de l’entrepreneur individuel, d’une part, et dissociation des patrimoines, d’autre part. La perméabilité des situations financières personnelle et professionnelle jusqu’alors en vigueur ayant pu mener à la création de sûretés pesant sur des biens personnels de l’entrepreneur individuel, la nécessité apparaît d’offrir à celui-ci une protection cohérente en prévoyant que les dettes professionnelles puissent être traitées dans le cadre d’une procédure de surendettement. Un vide juridique persistait jusqu’alors concernant l’apurement des dettes de cotisations et contributions sociales des travailleurs non-salariés, qui pouvaient peiner à en obtenir l’effacement.

Il convient également de rappeler que la procédure de surendettement reste un mécanisme activé de manière exceptionnelle et que celle-ci est lourde de conséquences et d’obligations à titre individuel. L’élargissement du périmètre des dettes d’un individu pouvant prétendre à l’ouverture d’un dossier de surendettement ne paraît pas, dès lors, de nature à compromettre la vocation première de ces procédures, à savoir la protection contre la précarité et l’exclusion sociale.

b.   Les cotisations versées par les gérants majoritaires de sociétés

L’absence de dispositif proposé jusqu’ici aux gérants majoritaires de SARL, qui n’avaient pour certaines de leurs dettes accès ni à la procédure de liquidation judiciaire, ni à la procédure de surendettement, était insatisfaisante au regard des exigences de protection de ces travailleurs.

Concrètement, les gérants majoritaires de SARL, travailleurs non-salariés, cotisent auprès du régime social des travailleurs indépendants. Le défaut de paiement de ces cotisations, liées à leur activité professionnelle, constitue cependant une dette personnelle. Par conséquent, lorsque la société se trouve dans une situation de défaillance financière, les dettes de cotisation sont maintenues sur le nom du dirigeant. Les dettes de la société peuvent être liquidées dans le cadre d’une procédure judiciaire concernant l’entreprise, mais les dettes personnelles de cotisation persistent. L’objet du présent dispositif est donc de pouvoir prendre en compte, au stade de la recevabilité, les dettes de cotisation dans le cadre d’une procédure de surendettement, alors que ces dettes n’entraient jusqu’à présent ni dans les critères du surendettement, ni dans ceux de la liquidation judiciaire.

Dans les faits, la prise en compte des dettes de cotisations et contributions sociales dans les procédures de surendettement correspond à une pratique adoptée depuis 2019 par les organismes étudiant les dossiers. Les dispositions de l’article 8 du présent projet de loi permettent donc la consécration de cette pratique.

3.   Les modifications du Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté l’article 8 sans modification.

4.   La position de la commission

La commission a adopté cet article sans modification.

 

*

*     *

Section 2
De la sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9
(art.  L. 542425, L. 5424-27 et L. 5424-29 du code du travail)
Sécurisation des parcours et transitions professionnelles des travailleurs indépendants

1.   L’état du droit

a.   La création de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI)

L’allocation des travailleurs indépendants (ATI) est issue de la loi du 5 septembre 2018 ([31]) pour la liberté de choisir son avenir professionnel, dont les modalités d’application ont été précisées par décret.

La création de l’ATI découle, en premier lieu, de l’engagement pris par le Président de la République qu’une assurance chômage puisse être offerte à l’ensemble des actifs.

Mais l’amélioration de la protection contre le risque chômage répond également à une préoccupation d’ordre économique, celle d’encourager l’entreprenariat. Avant la mise en œuvre de cette allocation, les travailleurs indépendants ne disposaient en effet que d’une seule solution pour couvrir ce risque, celle de souscrire un contrat d’assurance privée. Or la balance bénéfice‑risque de cette solution n’est pas toujours jugée satisfaisante.

Effective depuis le 1er novembre 2019, l’ATI a fait l’objet d’une appropriation beaucoup moins importante que celle prévue : l’étude d’impact de la loi du 5 septembre 2018 précitée identifiait 29 300 bénéficiaires potentiels, là où le nombre de personnes ayant vu leur droit à l’ATI ouvert entre novembre 2019 et septembre 2021 ne s’élève qu’à 1 107 bénéficiaires. Pourtant, la nécessité de protéger les travailleurs non-salariés contre le risque de perte d’emploi subie s’est trouvée renforcée par le contexte de crise sanitaire. Les entrepreneurs ont été soutenus lors de cette crise : en témoigne le nombre record de créations d’entreprises en 2020, de l’ordre de + 4 % par rapport à 2019 (soit environ 848 200 nouvelles entreprises). Parmi ces entreprises, le régime du micro-entrepreneur est en forte hausse, alors que les entreprises individuelles classiques voient leur nombre baisser. Il est dès lors essentiel de prendre en compte la transformation des modèles économiques, afin de ne pas mener à une détérioration de la protection globale des travailleurs.

Dans plusieurs pays européens, l’assurance chômage pour les travailleurs indépendants existe, qu’elle soit obligatoire ou facultative. Il s’agit, dans certains pays comme le Luxembourg, la Suède ou encore le Portugal, d’un véritable revenu de substitution, dont le taux de remplacement varie de 65 à 80 % du revenu. Diffèrent également la durée minimale d’activité requise pour en bénéficier, les critères de versement et la période d’indemnisation.

En France, l’ATI telle que créée par la loi du 5 septembre 2018 n’avait pas pour vocation d’être un revenu de remplacement. Un risque élevé d’aléa moral avait été souligné dans un rapport conjoint de l’Inspection générale des affaires sociales et de l’Inspection générale des finances publié en 2017 ([32]), conduisant à une certaine prudence et à la mise en place d’une solution pouvant être qualifiée de minimale pour le risque chômage des travailleurs indépendants : celle d’une allocation forfaitaire de 800 euros pendant une période limitée de six mois, sous des conditions d’accès assez restrictives.

b.   Les conditions d’accès à l’ATI fixées par la loi

i.   La liste des activités et statuts ouvrant droit à l’ATI

Les potentiels bénéficiaires de l’ATI sont déterminés à l’article L. 542424 du code du travail. Celui-ci fait référence à l’article  L. 6111 du code de la sécurité sociale, aux articles L. 722-1 et L. 731-23 du code rural et de la pêche maritime, aux 4° à 6°, 11°, 12°, 23°, 30° et 35° de l’article L. 311-3 du code de la sécurité sociale et à l’article L. 382-1 du même code.

Les travailleurs indépendants économiquement dépendants, communément appelés « travailleurs des plateformes », ne figurent pas non plus explicitement dans cette liste. En tout état de cause, les critères d’accès à l’allocation ne correspondent pas à leur profil : ils sont peu nombreux à atteindre le seuil minimal de 10 000 euros de revenu et à remplir la condition de cessation d’activité par voie judiciaire.

ii.   L’existence d’une procédure judiciaire ayant mis fin à l’activité

Parmi les conditions d’accès à l’ATI définies à l’article L. 5424-25 du code du travail, créé par l’article 28 de la loi du 5 septembre 2018, figurent deux critères alternatifs, liés l’un et l’autre à l’existence d’une procédure collective :

 un jugement d’ouverture de liquidation judiciaire tel que prévu à l’article L. 641-1 du code de commerce, à l’exception des cas prévus à l’article L. 640-3 du même code ;

 une procédure de redressement judiciaire, lorsqu’est exigé le remplacement du dirigeant conformément à l’article L. 631-19-1 dudit code.

Que sa situation corresponde à l’un ou à l’autre de ces motifs, le demandeur de l’ATI doit joindre à son dossier une copie de la décision de justice définitive. À ce jour, une cessation d’activité intervenant en dehors des cas de liquidation ou de redressement judiciaires n’ouvre pas droit à l’ATI. Ce critère n’est pas favorable aux micro-entrepreneurs, ni aux travailleurs des plateformes, pour lesquels la cessation d’activité n’est pas fréquemment liée à une décision judiciaire.

Les procédures collectives visées par le dispositif d’ATI ont diminué de 37,5 % en 2020 malgré le contexte de pandémie, grâce aux aides exceptionnelles parmi lesquelles les prêts garantis par l’État ou encore le report ou l’annulation de cotisations dont ont pu bénéficier de nombreux travailleurs indépendants. Ce recul du nombre de liquidations et de redressements judiciaires augure, si l’exigence d’une telle procédure perdurait parmi les critères d’accès, d’une augmentation du nombre de refus opposés aux demandes d’octroi de l’ATI. Cette situation pourrait engendrer une diminution du nombre de personnes éligibles au versement de l’ATI, alors même qu’une cessation d’activité totale et définitive est intervenue.

c.   Les conditions d’accès à l’ATI fixées réglementairement

Aux termes des articles L. 5424-25 et L. 5424-27 du code du travail, sont fixées par décret en Conseil d’État les conditions de ressources, de durée antérieure d’activité et de revenus antérieurs d’activité ouvrant droit à l’ATI.

i.   Une durée minimale de deux ans d’exercice continu dans une même entreprise

Conformément au 1° de l’article R. 5424-70 du code du travail, le dépôt d’une demande d’ATI requiert au moins deux ans d’exercice d’une activité sans interruption au sein de la même entreprise. Ce critère semble accessible pour la plupart des travailleurs indépendants, puisque seulement 2 % des rejets ont pour motif le non-respect de cette condition de durée. Toutefois, ce critère peut aussi générer des freins, la nature de certaines activités ou la conjoncture économique pouvant engendrer l’interruption d’une activité pendant un temps plus ou moins réduit, ou nécessiter un changement de structure entrepreneuriale.

ii.   La recherche effective d’un emploi

Le 2° de l’article R. 5424-70 du code du travail issu du décret  2019-796 du 26 juillet 2019 pose une condition de recherche effective d’emploi au sens de l’article L. 5421-3 du même code.

iii.   Des revenus minimaux antérieurs d’activité de 10 000 euros par an en moyenne au cours des deux dernières années

Le 3° de l’article R. 5424-70 du code du travail exige que le travailleur indépendant prétendant à l’ATI ait généré au moins 10 000 euros de revenus au titre de son activité au cours des deux dernières années d’exercice (7 500 euros à Mayotte). Ce critère de revenu permet d’exclure du bénéfice de l’ATI les activités très récentes et dont la solidité entrepreneuriale n’a pas été démontrée.

Toutefois, ce critère est un facteur de blocage pour de nombreux travailleurs indépendants, car la cessation de leur activité est souvent due à une baisse importante des revenus au cours des deux dernières années d’exercice, voire à des revenus déficitaires ou nuls sur cette période. Les travailleurs indépendants dont le revenu d’activité est situé sous le seuil de 10 000 euros en moyenne sur les deux dernières années d’exercice ne sont pas éligibles à l’ATI : ce seuil exclut de facto de nombreux micro-entrepreneurs, dont les revenus sont bien inférieurs à ceux des autres travailleurs indépendants.

Ces situations représentant 74 % des motifs de rejet des demandes d’ATI, une refonte partielle de ce critère semble nécessaire. Ces modifications ont vocation à intervenir par décret, les mesures d’application de ce critère étant définies par voie réglementaire.  

iv.   Des ressources personnelles inférieures au montant du revenu de solidarité active

Le 4° de l’article R. 5424-70 du code du travail conditionne l’octroi de l’ATI à un niveau de ressources personnelles inférieur ou égal au montant du revenu de solidarité active (RSA), mentionné à l’article L. 262-2 du code de l’action sociale et des familles. Cette condition est évaluée sur la base des ressources des douze mois précédant la demande. Les revenus personnels imposables doivent être inférieurs au RSA, soit 564,78 euros en 2021, à l’exception des revenus du conjoint et des revenus d’activité.

d.   L’application dans le temps du droit à l’ATI

Applicable à partir du 1er novembre 2019, l’ATI n’a pour l’heure pas fait l’objet d’une limitation dans le temps au stade de sa création ou de sa mise en œuvre. Aucune date limite n’existe donc pour présenter une demande d’ATI, et aucun délai de carence entre deux demandes ou octrois de l’allocation n’est actuellement en vigueur.

2.   Le dispositif proposé

L’article 9 porte sur la sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants, et plus particulièrement sur le droit à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI).

a.   La création d’une troisième condition alternative aux décisions judiciaires

Le 1° de l’article 9 modifie l’article L. 5424-25 du code du travail en ajoutant un 3° comportant trois alinéas.

Le premier alinéa du 3° porte création d’une troisième condition alternative pour l’accès à l’ATI. Cette condition concerne la cessation d’activité, qui doit être totale et définitive, mais ne se trouve plus soumise à une décision de justice. Selon cette troisième condition :

     La cessation d’activité doit avoir été déclarée par l’entrepreneur à un organisme compétent. Le présent projet de loi compte parmi ces organismes le centre de formalités des entreprises (CFE) compétent, et l’organisme unique mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 123-33 du code de commerce. Ce dernier organisme correspond au guichet unique dont la création est prévue par la loi du 22 mai 2019 ([33]) relative à la croissance et la transformation des entreprises. Ce guichet ayant vocation à accueillir les procédures précédemment gérées par les CFE, il s’agirait du principal interlocuteur après la transition induite par cette même loi ;

     La cessation d’activité doit être intervenue en raison du caractère non viable de l’activité concernée. Cette non-viabilité économique serait attestée par un tiers de confiance. Seront précisés par décret en Conseil d’État les conditions d’appréciation du critère de non-viabilité économique et les critères de désignation du tiers de confiance.

Les deux derniers alinéas du 3° ont été introduits par le Sénat en première lecture. Ils fixent une date limite pour les demandes d’ATI correspondant à cinq ans après sa mise en œuvre, soit le 1er novembre 2019, et prévoient l’établissement d’un bilan de cette mesure au plus tard quatre ans et six mois après cette même date.

b.   Les mesures d’application de ce nouveau fait générateur

Le 2° de l’article 9 modifie le premier alinéa de l’article L. 5424-27 du code du travail. Cet alinéa dresse une liste des mesures d’application du droit à l’ATI renvoyées à un décret en Conseil d’État : sont ajoutés à cette liste les critères d’application et les modalités d’attestation du caractère non viable de l’activité. Il s’agit là de la conséquence logique de la création d’un nouveau fait générateur alternatif à une décision judiciaire, proposée au 1° du même article.

Cette cessation d’activité sur la base d’une non-viabilité économique peut être assimilée à une liquidation amiable assortie d’un contrôle. Ce contrôle a pour vocation d’éviter l’aléa moral lié à des déclarations abusives de cessation d’activité non assorties de difficultés financières réelles. Le caractère volontaire ou involontaire de la cessation n’est pas expressément mentionné dans le projet de loi, le critère étant uniquement basé sur la viabilité économique de l’activité.

Les notions de viabilité de l’activité et de tiers de confiance nécessitent d’être précisées par décret. Selon les informations communiquées à vos rapporteurs, le critère de non-viabilité économique pourrait résulter d’une baisse du chiffre d’affaires de 30 % d’une année sur l’autre. Quant au tiers de confiance, la possibilité d’une transmission des informations fiscales directement par les administrations centrales concernées est à l’étude, ce qui permettrait d’éviter de solliciter une intervention des experts-comptables dans la mise en œuvre de ce critère.

c.   L’institution d’un délai de carence entre deux octrois de l’ATI

Le 3° de l’article 9 ajoute un article L. 5424-29 au code du travail. Ce nouvel article institue un délai de carence entre l’acceptation de deux demandes d’ATI déposées par un même travailleur indépendant. Cette période de carence serait de cinq années à partir de la fin du versement de l’ATI au titre d’une précédente activité. En d’autres termes, l’ATI ne pourrait être versée à un même individu que pendant une période de six mois, tous les cinq ans et six mois au maximum.

Cet article confirme le caractère temporaire de ce dispositif, qualifié tantôt d’« aide au rebond », tantôt de « filet de sécurité ». Telle que conçues par la loi de 2018, l’ATI n’est pas un revenu de remplacement, mais une allocation de solidarité ; elle n’est pas construite sur un modèle de versement de cotisations assurantielles, mais sur celui d’une aide forfaitaire.

3.   Les modifications du Sénat

La commission des Lois du Sénat a adopté un amendement de la rapporteure pour avis au nom de la commission des Affaires sociales, notre collègue Frédérique Puissat. Cet amendement ajoute deux alinéas au 1° de l’article 9 :

 Le premier fixe au 31 octobre 2024 l’échéance pour la possibilité de demander l’allocation des travailleurs indépendants. Cette date correspond au terme d’une période de cinq années à compter du début de l’effectivité de ce dispositif ;

 Le second prévoit une concertation autour du dispositif de l’ATI, dressant le bilan et les perspectives de celui-ci, intervenant au plus tard six mois avant la date limite fixée pour réaliser une demande d’ATI, soit le 30 avril 2024.

En séance publique, un amendement du groupe Socialiste, écologiste et républicain a été adopté, précisant le contenu de ce bilan et prévoyant que ce dernier devra comprend un état des lieux précis de la situation des travailleurs des plateformes au regard de l’ATI.

4.   La position de la commission

La commission spéciale a adopté plusieurs amendements modifiant l’article 9.

En premier lieu, ont été supprimés les alinéas 4 et 5 introduits par le Sénat et visant à :

 introduire une date d’échéance, soit cinq ans après la date de mise en œuvre de l’ATI, après laquelle celle-ci ne pourrait plus être demandée sans une nouvelle intervention du législateur ;

 organiser, au plus tard quatre ans et six mois après la date de mise en œuvre, une concertation portant sur le bilan et les perspectives de cette allocation.

Ces deux alinéas ont été supprimés par la commission, au profit d’un alinéa complétant l’article 9. L’amendement adopté introduit une demande de rapport : si la concertation n’a pas semblé constituer, aux yeux des membres de la commission, l’option la plus pertinente, la réalisation d’un bilan importe, en revanche, afin de comprendre le décalage entre le nombre de bénéficiaires identifiés dans l’étude d’impact et le nombre de bénéficiaires réels enregistrés, d’analyser le profil et la capacité de rebond de ces bénéficiaires ainsi que de dresser un bilan de cette allocation au regard des travailleurs des plateformes.

Les débats concernant l’article 9 ont également été l’occasion d’une clarification concernant les bénéficiaires potentiels de l’ATI : ont droit à l’ATI tous les travailleurs indépendants, quel que soit leur secteur d’activité.

Un amendement rédactionnel des rapporteurs a, de surcroît, été adopté.

 

*

*     *

Article 9 bis
Information sur la protection complémentaire contre la perte d’emploi

1.   L’état du droit

a.   Les assurances privées contre le risque de perte d’emploi des travailleurs indépendants

Des assurances privées palliant le risque de chômage peuvent être souscrites par les travailleurs indépendants. Si le travailleur indépendant, après une perte d’activité subie, remplit les conditions d’octroi de l’ATI, le versement de cette allocation peut se cumuler avec celui d’une assurance privée. À l’inverse, si les conditions d’obtention de l’ATI ne sont pas satisfaites, le versement du montant de l’assurance privée peut venir pallier l’absence de ressources engendrée par la perte d’activité.

Ces assurances privées, à l’instar de celle proposée par l’association pour la garantie sociale des chefs d’entreprise (GSC), ne couvrent que moins de 1 % des travailleurs indépendants. Cette couverture très parcellaire s’explique par plusieurs facteurs. Le coût des assurances privées, dont la souscription est volontaire, peut être jugé trop élevé par rapport aux revenus ou au chiffre d’affaires de l’entrepreneur. La souscription n’est pas perçue comme un besoin prioritaire dans une situation où le travailleur indépendant a d’abord besoin de couvrir les frais permettant la poursuite de son activité ou de financer des investissements pour son entreprise. Conformément aux règles prudentielles, les primes d’assurance sont proportionnelles au risque encouru : le risque de perte emploi étant assez important pour les travailleurs indépendants, les primes peuvent s’élever à des montants significatifs.

Par ailleurs, l’information concernant les solutions assurantielles privées ne semble pas suffisamment développée. Par définition, des solutions privées à souscription volontaire n’ont pas vocation à devenir obligatoires. Des solutions obligatoires ne correspondraient pas aux attentes des publics visés et risqueraient de décourager l’entreprenariat, en ajoutant des démarches à accomplir, et de déstabiliser les modèles économiques d’entreprises très petites, petites ou moyennes. Toutefois, une meilleure connaissance des solutions à souscription volontaire et des garanties associées paraît devoir être encouragée, afin que chaque entrepreneur puisse décider en toute connaissance de cause.

b.   Les dispositions de déduction fiscale associées

L’article 154 bis du code général des impôts prévoit une déduction du bénéfice imposable pour les primes versées au titre des contrats d’assurance. Le II de cet article dresse la liste des cotisations déductibles, parmi lesquelles figurent les cotisations aux assurances pour la perte d’emploi subie.

La déduction ne peut toutefois intervenir au-delà de la limite de 1,875 % du bénéfice imposable retenu dans la limite de huit fois le montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ou de 2,5 % du montant annuel du plafond mentionné à l’article L. 241-3 du même code.

2.   Le dispositif introduit par le Sénat

Le présent article a été introduit par le Sénat à la suite de l’adoption d’un amendement de la rapporteure pour avis, notre collègue Frédérique Puissat. Il porte sur les solutions assurantielles volontaires pouvant compléter l’allocation des travailleurs indépendants (ou s’y substituer dans les cas où l’octroi de l’ATI serait refusé) et ainsi accélérer le rebond des travailleurs indépendants ayant subi une perte d’activité.

a.   Le contenu de l’information à délivrer

Les travailleurs indépendants devront être informés de la possibilité de souscrire un contrat d’assurance contre la perte d’emploi subie et des dispositions de l’article 154 bis du code général des impôts.

b.   Les institutions chargées de délivrer l’information

Cet article dresse la liste des institutions et organismes ayant vocation à délivrer ces informations aux travailleurs indépendants. Cette liste comprend :

     selon les dispositions du 1°, Pôle emploi, en tant qu’institution mentionnée à l’article L. 5312-1 du code du travail. L’information serait donnée dans le cadre de l’accompagnement à la création d’activité ;

     aux termes du 2°, les établissements de crédit contribuant au financement de l’activité ;

     conformément au 3°, les chambres de commerce et d’industrie et les chambres de métiers et de l’artisanat ;

     enfin, selon les dispositions du 4°, les experts-comptables dans le cadre d’un accompagnement à la création d’activité.

3.   La position de la commission

La commission a supprimé cet article par l’adoption d’un amendement de ses rapporteurs.

Cet amendement de suppression a recueilli un avis favorable du Gouvernement. Au soutien de la suppression a notamment été invoqué le coût souvent élevé des assurances privées, qui contribue à la faible proportion de travailleurs souscrivant à ces offres.

La souscription ayant vocation à rester facultative, les membres de la commission ont estimé que la liberté de contracter ou de ne pas contracter devait rester entière sans intervention d’organismes publics dans la promotion de ces solutions. 

Le présent texte visant à une simplification des démarches pour les travailleurs indépendants et les organismes qui les accompagnent au cours de leur activité, il est également apparu que l’obligation d’information introduite par l’article 9 bis pouvait impliquer une charge de travail indue pour les organismes mentionnés à cet article. 

 

 

*

*     *

Article 10
(art. L. 6123-5, L. 6331-48, L. 6331-50, L. 6331-51, L. 6331-52, L. 6331-53, L. 6331-67, L. 6331-68, L. 6332-9 et L. 6332-11 du code du travail et art. 8 de l’ordonnance n° 20031213
du 18 décembre 2003 relative aux mesures de simplification des formalités concernant
les entreprises, les travailleurs indépendants, les associations et les particuliers employeurs)
Modalités de recouvrement, affectation et contrôle des contributions
des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle
et de l’apprentissage

1.   L’état du droit

La formation continue des professionnels non-salariés est une question centrale par plusieurs aspects. La formation de ces travailleurs tout au long de la vie est souvent rendue nécessaire par la nature des activités pratiquées, qui peuvent dépendre de savoir-faire évolutifs ou de technologies particulières. En dépit du fait que cette formation puisse influer sur la place de leurs entreprises sur le marché et leur compétitivité, elle n’est pas forcément identifiée comme une priorité par les travailleurs non-salariés eux-mêmes. Ces derniers connaissent en outre des difficultés d’accès à la formation continue, d’ordre pratique ou financier : le financement de la formation professionnelle des indépendants reste complexe, en dépit de plusieurs évolutions visant à sa simplification.

La loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 organise la formation continue des travailleurs non-salariés via six fonds d’assurance formation (FAF) et dix-huit conseils de la formation (CDF) pour les artisans. Les chefs d’entreprise artisanale, par leur statut et par la nature de leur activité, ont la spécificité de dépendre de deux guichets, à savoir le FAF des chefs d’entreprise exerçant une activité artisanale (FAFCEA) et les CDF intégrés au sein des chambres régionales des métiers et de l’artisanat (CRMA).

Ces chefs d’entreprise acquittent une contribution à la formation professionnelle (CFP) répartie entre ces deux guichets, FAFCEA et CRMA, ce qui est perçu comme une source de complexité. Un besoin de clarification des organismes auxquels il convient de s’adresser pour une demande de financement de formation paraît dès lors d’autant plus nécessaire.

La loi du 22 mai 2019 ([34]) a, quant à elle, débouché sur la régionalisation des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA) à compter du 1er janvier 2021. Depuis cette réforme, les CMA offrent des formations et reçoivent dans le même temps une part de la contribution à la formation professionnelle. Ce double statut emporte des difficultés de positionnement pour ces chambres, c’est pourquoi l’unification de l’affectation de la CFP à un organisme autre que les CMA permettrait une clarification de leur rôle.

2.   Le dispositif proposé

a.   La modification de l’affectation de la contribution à la formation professionnelle

Le 1° du II de cet article modifie les dispositions de l’article L. 6331‑48 du code du travail et supprime toute référence à une ventilation en deux fractions de la contribution à la formation professionnelle.

En unifiant l’affectation de cette contribution au bénéfice du seul FAF, cet article s’inscrit donc dans une logique de simplification des démarches pour les artisans, qui pourront s’adresser à un seul interlocuteur pour les demandes de financement de formation.

b.   Du recouvrement à la répartition de la contribution

Le 2° du II modifie les dispositions de l’article L. 6331-50 du code du travail. Il en résulte que :

 Le recouvrement serait réalisé par les Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale (Urssaf), les caisses générales de sécurité sociale et les caisses de la mutualité sociale agricole (MSA) mentionnées aux articles L. 213‑1 et L. 752‑4 du code de la sécurité sociale ;

 Le reversement de ces fonds serait opéré au bénéfice de France compétences ;

 La répartition serait réalisée par France compétences, au bénéfice :

  des FAF, en vue de financer des formations techniques, métiers ou transversales ;

  de la Caisse des dépôts et consignations, en vue de financer le compte personnel de formation auquel ont droit les professionnels salariés comme non-salariés ;

  d’opérateurs chargés du conseil en évolution professionnelle.

Les modalités de reversement et les règles déterminant les parts d’affectation seraient précisées respectivement par décret en Conseil d’État et par arrêtés.

Le niveau des contributions versées par les travailleurs concernés resterait identique, la simplification tenant au fait que France compétences deviendrait l’opérateur central du financement de la formation professionnelle des travailleurs indépendants.

À des fins de coordination, le 3° du II supprime par ailleurs le troisième alinéa de l’article L. 6331-51 du code du travail, ayant trait au mode de reversement jusqu’alors en vigueur pour la contribution à la formation professionnelle.

c.   La situation de professions particulières

i.   La pêche maritime

Le 4° du II de l’article 10 modifie les dispositions de l’article L. 6331-52 du code du travail. Dans sa nouvelle rédaction, cet article est relatif à la contribution versée par les travailleurs indépendants exerçant dans le domaine de la pêche maritime. Celle-ci est recouvrée par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, qui perçoit les frais de gestion associés.

Le 5° du même II précise le circuit jusqu’à la répartition des contributions versées par ces mêmes travailleurs : le fonctionnement est analogue à celui résultant des modifications apportées aux dispositions de l’article L. 6331-50 du code du travail (2° du II de cet article, cf. supra).

ii.   Les artistes auteurs

Les 6° et 7° du II traitent de la contribution annuelle des artistes-auteurs et de la contribution annuelle des personnes physiques et morales au bénéfice des artistes-auteurs, mentionnées à l’article L. 6331-65 du code du travail.

Le 6° prévoit la perception de frais de gestion par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) pour le recouvrement des contributions à la formation professionnelle.

Le 7° entérine l’alignement sur le nouveau circuit faisant de France compétences l’acteur central du dispositif, également pour ce qui concerne les contributions ayant trait à la formation des artistes auteurs.

d.   L’agrément des fonds d’assurance-formation des non-salariés

La modification de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003 entérinée au III de l’article 10 supprime les règles particulières relatives au FAFCEA, la question de la formation des chefs d’entreprise artisanale relevant, aux termes du présent projet de loi, des fonds d’assurance-formation agréés.

Le 8° du II dispose ainsi que l’agrément des fonds d’assurance-formation des non-salariés est réalisé par l’autorité administrative sur la base :

     de leur capacité financière et de leurs performances de gestion, de la cohérence et de la pertinence économique de leur champ d’intervention, et de l’application d’engagements relatifs à la transparence et à la gouvernance et à la publicité des comptes » (article L. 6332-1-1 du code du travail) ;

     de leur aptitude à assurer leurs missions et de leur capacité à assurer des services de proximité aux entreprises compte tenu de leurs moyens (alinéa nouveau à l’article L. 6332-9 du même code).

3.   Les modifications du Sénat

Le 9° du II, résultant de l’adoption par la commission des Lois d’un amendement de la rapporteure de la commission des Affaires sociales, supprime la fin de l’article L. 6332-11 du code du travail, afin d’assurer la coordination de cet article avec le nouveau rôle dévolu à France compétences en tant qu’opérateur central de la répartition des contributions.

Le 1° bis du III de l’article 10, ajouté par le Sénat en commission et modifié par un amendement en séance publique, modifie la rédaction du III de l’article 8 de l’ordonnance n° 2003-1213 du 18 décembre 2003. Il précise que la gouvernance des fonds d’assurance-formation doit tenir compte de la diversité des représentants des secteurs et doit exclure les représentants d’organismes de formation, pour des raisons de conflit d’intérêts.

Un autre amendement adopté en séance vise à préciser la liste des personnes et travailleurs à identifier pour le versement des contributions et à éviter des erreurs de répartition de la contribution à la formation professionnelle.

4.   La position de la commission

La commission a adopté plusieurs amendements rédactionnels proposés par ses rapporteurs.

 

*

*     *

Section 3
Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11
(art. 49, 49 bis A [nouveau], 49 bis, 50 et 53 de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable)
Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

1.   L’état du droit

La procédure disciplinaire applicable aux membres de l’Ordre des experts-comptables comporte aujourd’hui deux faiblesses :

 l’insuffisance des garanties d’impartialité, du fait d’une confusion des fonctions d’instruction et de poursuite, d’une part, et de celles de sanction, d’autre part ;

 le vide juridique laissé, depuis le 1er septembre 2020, par l’abrogation de dispositions relatives à la révocation automatique du sursis à la suspension, à la suite d’une décision du Conseil constitutionnel saisi dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité.

a.   L’insuffisance des garanties d’impartialité en raison des règles de composition des instances ordinales et des effectifs de magistrats

En application de l’ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d’expert-comptable, les instances disciplinaires de premier ressort sont :

 les chambres régionales de discipline (CRD), compétentes pour les membres de l’Ordre exerçant sous la forme libérale (article 49 de l’ordonnance précitée) ;

 la commission nationale, chargée de la discipline des associations de gestion et de comptabilité [AGC] (article 49 bis).

Instituées auprès des conseils régionaux de l’Ordre des experts-comptables, les CRD sont composées d’un président, magistrat de l’ordre judiciaire, et de deux membres du conseil régional ordinal. Trois suppléants sont également désignés dans les mêmes conditions.

La commission nationale compétente pour la discipline des AGC est, quant à elle, composée d’un président, magistrat de l’ordre judiciaire, de quatre membres de conseils régionaux ordinaux ainsi que de quatre représentants d’AGC. Leurs suppléants sont désignés de la même manière.

La chambre nationale de discipline (CND) est compétente pour statuer en appel sur les décisions prises par ces deux instances (article 50). Ses décisions peuvent, à leur tour, faire l’objet d’un recours devant le Conseil d’État.

La CND comprend un président, magistrat de l’ordre judiciaire, un conseiller référendaire à la Cour des comptes, un fonctionnaire désigné par le ministre de l’économie, des finances et de la relance, ainsi que :

 deux membres du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC), lorsque la CND statue sur la décision d’une CRD ;

 un membre du CSOEC et un représentant des AGC, lorsqu’elle statue sur une décision de la commission nationale.

Cette configuration ne présente pas toutes les garanties d’impartialité souhaitables, car elle ne distingue pas formellement les fonctions de poursuite et de jugement, comme l’exige la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([35]) – et ce, même si, en pratique, le suppléant du président de l’instance disciplinaire est en charge de l’instruction tandis que la sanction relève du titulaire.

L’état des effectifs des magistrats désignés pour siéger dans ces instances ordinales est toutefois susceptible de conduire à ce que le suppléant siège à la place du titulaire en cas d’indisponibilité.

L’article 33 de la loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », a mis en cohérence les ressorts géographiques des conseils régionaux de l’Ordre des experts-comptables, auprès desquels sont institués les CRD, avec les nouvelles délimitations des régions résultant de la loi n° 2015‑991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République. Dans les régions fusionnées, une seule CRD est désormais compétente pour examiner des dossiers jusqu’alors instruits par deux, voire, trois CRD (Grand‑Est et Nouvelle‑Aquitaine) et ce, sans augmentation des effectifs de ces instances.

Le risque d’engorgement que fait courir cette situation rend prégnant le risque de mise en doute de l’impartialité, résultant de l’intervention des mêmes personnes à des fonctions procédurales distinctes, éventuellement incompatibles.

Cette surcharge est plus ancienne encore pour la région Île-de-France, dont la CRD est compétente pour la discipline du quart des experts-comptables du territoire national. En 2019, elle examinait les trois quarts des affaires pour l’ensemble de l’Ordre ; en 2020, cette part était proche de la moitié.

b.   La censure de la révocation automatique du sursis par le Conseil constitutionnel

Dans sa décision n° 2019‑815 QPC du 29 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré contraires à la Constitution les dispositions relatives à la révocation automatique du sursis, figurant à l’article 53 de l’ordonnance du 19 septembre 1945 précitée.

Dans l’ordre de gravité, les sanctions susceptibles d’être prononcées par les instances disciplinaires de l’Ordre sont la réprimande, le blâme avec inscription au dossier, la suspension pour une durée déterminée avec sursis, la suspension pour une durée déterminée et la radiation du tableau, comportant interdiction définitive d’exercer la profession.

L’article 53 de l’ordonnance prévoyait que le sursis à la suspension pour une durée déterminée était automatiquement révoqué si, dans un délai de cinq ans, une nouvelle peine disciplinaire était prononcée, celle-ci entraînant l’exécution de la première sanction sans confusion avec la nouvelle.

Saisi d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise par le Conseil d’État, le Conseil constitutionnel a considéré que l’automaticité de cette révocation contrevenait au principe d’individualisation des peines qui découlant de l’article 8 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789. En effet, l’exécution de la première sanction intervient « quelles que soient la nature et la gravité du manquement sanctionné et de la peine prononcée » et cela « sans que la juridiction disciplinaire puisse alors s’y opposer ou en moduler les effets ».

Depuis le 1er septembre 2020, il existe donc un vide juridique dans la procédure disciplinaire des experts-comptables, puisqu’aucune disposition ne régit la révocation du sursis de la suspension temporaire.

2.   Le dispositif proposé 

a.   Une réforme de la composition des instances disciplinaires

L’article 11 du projet de loi entend réécrire les articles 49 (CRD), 49 bis (commission nationale) et 50 (CND) de l’ordonnance du 19 septembre 1945 afin de remédier à la fragilité juridique de la procédure disciplinaire des experts-comptables. Il prévoit également d’ajouter un article 49 A, spécifique au fonctionnement de la CRD d’Île-de-France.

Les modifications proposées traduisent la poursuite de deux objectifs, à savoir distinguer les fonctions d’instruction et celles de jugement, d’une part, et accroître le nombre de magistrats afin d’éviter que, par insuffisance d’effectifs, une même personne soit tour à tour chargée de la poursuite et de la sanction.

Les articles 49, 49 bis et 50 modifiés prévoient ainsi qu’un magistrat supplémentaire, ayant la qualité de rapporteur, serait nommé par le magistrat en charge des poursuites et se verrait confier l’instruction des affaires. Ni le rapporteur, ni le magistrat chargé des poursuites ne participeraient aux délibérations. Par ailleurs, les magistrats pourraient également être désignés parmi les magistrats honoraires.

Dans le cas des CRD, le Premier président de la cour d’appel dans le ressort de laquelle la CRD est située pourrait désormais désigner des magistrats, en activité ou honoraires, aussi bien de sa propre juridiction que des autres cours d’appel ayant compétence sur le territoire du conseil régional de l’Ordre.

En incluant le magistrat suppléant, chaque instance compterait donc trois magistrats contre deux actuellement.

Par ailleurs, le nouvel article 49 A vient désengorger la CRD d’Île-de-France en dédoublant sa formation de jugement, qui comprendrait donc deux sections, chacune désignée selon les mêmes modalités, sur les CRD hors Île-de-France, que celles énoncées ci-dessus. Les magistrats d’une section seraient désignés par le Premier président de la cour d’appel de Paris tandis que ceux de l’autre section le seraient par celui de la cour d’appel de Versailles.

b.   Un rétablissement des modalités de révocation du sursis conforme aux exigences constitutionnelles

L’article 11 du projet de loi entend également combler le vide juridique laissé par l’abrogation de dispositions relatives à la révocation du sursis automatique résultant d’une décision du Conseil constitutionnel en date du 29 novembre 2019.

La nouvelle rédaction proposée précise donc qu’une décision motivée de l’instance peut ne pas entraîner la révocation du sursis et l’application de la première sanction.

3.   Les modifications du Sénat

Le Sénat a adopté, en le modifiant, l’article 11 du projet de loi.

La commission des Lois a, en effet, adopté un amendement de son rapporteur clarifiant les modalités de nomination du magistrat chargé des poursuites au sein de la commission nationale, compétente pour la discipline des AGC, et de l’instance d’appel (CND). Cet amendement précise que ce magistrat est nommé selon les mêmes modalités que le président de l’instance d’appel, comme c’est le cas à l’article 11 du projet de loi, pour les CRD.

4.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements rédactionnels de notre collègue Muriel Roques‑Etienne et de ses rapporteurs.

*

*     *

Article 11 bis (nouveau)
(art. 1er, 12, 17, 20, 22, 25, 261, 27, 31, 33, 34, 37, 37-1, 38, 42 bis, 43, 49 bis, 50, 56, 57, 60 et 84 bis de l’ordonnance n° 452138 du 19 septembre 1945 portant institution de l’Ordre des expertscomptables et réglementant le titre et la profession d’expertcomptable)
Changement du nom du conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables

1.   L’état du droit

L’ordre des experts-comptables a été institué par l’ordonnance n° 45‑2138 du 19 septembre 1945. À sa tête est placé un « conseil supérieur », composé des présidents des conseils régionaux de l’ordre et de membres élus.

En application du décret n° 2012‑432 du 30 mars 2012 relatif à l’exercice de l’activité d’expertise comptable, le conseil supérieur a pour principales missions :

 d’assurer l’administration de l’ordre et la gestion de son patrimoine ;

 de délibérer sur toute question intéressant la profession, d’élaborer les règles professionnelles ([36]) et d’organiser le contrôle de leur application ;

 de faire respecter les prescriptions du code de déontologie des experts-comptables ;

 de représenter l’ordre auprès des pouvoirs publics.

Ces fonctions correspondent à celles dévolues aux instances placées à la tête des différents ordres chargés de l’organisation et du contrôle de l’exercice d’une profession. L’appellation la plus répandue pour ces organes est celle de « conseil national ». Outre l’ordre des experts-comptables, la dénomination « conseil supérieur » concerne également les notaires et les géomètres experts.

dénomination de l’instance supérieure dans les ordres professionnels

Conseil national

Conseil national des barreaux

Ordre des architectes

Ordre national des vétérinaires

Ordre des masseurs-kinésithérapeutes

Ordre des sages-femmes

Ordre des médecins

Ordre des pharmaciens

Ordre national des infirmiers

Ordre national des chirurgiens-dentistes

Ordre national des pédicures-podologues

Conseil supérieur

Ordre des experts-comptables

Conseil supérieur du notariat

Conseil de l’ordre des géomètres experts

Conseil

Ordre des avocats au Conseil d’État et à la Cour de cassation

Ordre des avocats de Paris

Chambre nationale

Chambre nationale des commissaires de justice

 

2.   Le dispositif introduit par la commission

À l’initiative de notre collègue Jean-Paul Mattei, la commission a adopté, avec un avis de sagesse de ses rapporteurs, un amendement visant à changer le nom du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables en celui de « Conseil national ».

Les modifications portent donc sur les différentes dispositions de l’ordonnance du 19 septembre 1945 faisant référence à celui-ci. Elles nécessiteront que le Gouvernement procède à une harmonisation de conséquence dans le décret du 30 mars 2012 précité, dont le titre premier détermine le fonctionnement de l’instance supérieure et fixe les conditions de son élection et de sa composition.

 

 

 

*

*     *

Section 4

Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Article 12
(art. L. 710-1, L. 711-16, L. 712-11 du code de commerce et art. 40 de la loi  2019486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises)
Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

1.   L’état du droit

La loi « Pacte » du 22 mai 2019 ([37]) a transformé en profondeur les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Outre la redéfinition de leurs missions et la réorganisation du réseau, la réforme a également porté sur le recrutement de leur personnel.

Le réseau des CCI

Les chambres de commerce et d’industrie conseillent et accompagnent les entrepreneurs lors de la création, de la transmission ou de la reprise d’entreprises, conformément à l’article L. 710-1 du code de commerce.

Le réseau, avec CCI France à sa tête, compte 18 chambres régionales et 84 chambres territoriales. Il est chargé de représenter les intérêts de 3,7 millions de dirigeants d’entreprise dans les secteurs de l’industrie, du commerce et des services. Ces chambres consulaires comptent environ 4 400 élus, emploient quinze mille collaborateurs et disposent d’un budget de 2,5 milliards d’euros.

En application de la loi du 10 décembre 1952 ([38]), le personnel administratif des CCI était obligatoirement régi par un statut de droit public établi en commission paritaire. Ces organismes pouvaient toutefois recruter des salariés de droit privé pour la gestion de leurs services publics industriels et commerciaux, notamment pour la concession et la gestion de grands équipements.

Les CCI ne recrutent désormais plus que des personnels de droit privé pour l’exercice de leurs missions, conformément à l’article 40 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises précitée. La réforme entend « adapter l’offre de services des chambres aux nouvelles exigences de leurs ressortissants et des territoires, [exigeant] une plus grande agilité et flexibilité » ([39]).

Environ deux mille salariés ont ainsi été engagés depuis l’entrée en vigueur de la loi et travaillent avec près de treize mille agents publics. S’il demeure minoritaire, le personnel de droit privé est amené à progressivement remplacer le personnel de droit public. Les membres de ce dernier ont d’ailleurs la possibilité d’opter pour un contrat de travail de droit privé dans un délai d’un an à compter de l’agrément de la convention collective.

Un accord doit en effet être négocié entre CCI France et les organisations syndicales pour régir les droits et les obligations du personnel salarié. Il s’agit d’une convention collective sui generis dans la mesure où les conditions de négociation et de conclusion de cet accord ne sont pas déterminées selon les règles fixées par le code du travail, notamment les articles L. 2231-1 et suivants, mais par les dispositions de l’article 40 de la loi Pacte.

Ce dernier fixait un délai de neuf mois pour la conclusion de l’accord, soit jusqu’au 23 février 2020.

La crise sanitaire consécutive à la pandémie de covid-19 a significativement retardé l’élaboration d’un projet puisqu’il a fallu attendre un an de plus pour que CCI France puisse présenter un texte aux organisations syndicales. La majorité de ces dernières, regroupées dans une intersyndicale ([40]), l’a rejeté. Ce rejet provoque désormais une situation de blocage, dès lors que la loi Pacte ne prévoyait pas d’alternative en cas d’échec des négociations et qu’elle subordonnait l’élection des institutions représentatives du personnel (IRP), en l’espèce le comité social et économique (CSE), à l’agrément de la convention collective. Cette élection devait avoir lieu six mois plus tard.

Actuellement, le réseau des CCI ne dispose donc plus de cadre juridique pour mener à bien la négociation de cet accord. Le délai fixé par l’article 40 de la loi Pacte étant expiré, les représentants du personnel siégeant dans la commission paritaire nationale (CPN) n’ont plus de mandat pour celle-ci. Dans l’attente de l’élection des nouvelles IRP, la CPN conserve seulement des prérogatives d’information, de consultation et de représentation.

2.   Le dispositif proposé

L’article 12 du projet de loi entend relancer la négociation collective en débloquant la situation actuelle. Il prévoit également des alternatives en cas de nouvel échec de la consultation des organisations syndicales. Enfin, il vise également à rapprocher les droits et obligations de l’ensemble des personnels des CCI, qu’ils soient de statut public ou privé.

a.   Débloquer les négociations de la convention collective

L’objet principal des modifications proposées est d’organiser sur l’inversion du calendrier prévu par l’article 40 de la loi Pacte. Il est donc proposé une nouvelle rédaction de l’article L. 712-11 du code de commerce afin que celui-ci dispose que le président de CCI France négocie et signe la convention collective après les élections des comités économiques et sociaux, dans un délai de dix-huit mois à compter de la promulgation du présent projet de loi.

Ces élections auront lieu dans un délai de six mois et seront concomitantes dans toutes les CCI régionales et à CCI France (modification de l’article 40 de la loi Pacte). En conséquence, une année les séparera, au maximum, de la signature de la convention collective.

Les CSE, élus par les personnels de droit privé et les agents de droit public constituant un collège électoral unique, remplaceront les commissions paritaires, nationales et régionales, prévues par la loi du 10 décembre 1952. Ils exerceront leurs prérogatives à l’égard de l’ensemble de ce personnel.

b.   Sécuriser le processus

L’article 12 du projet de loi prévoit également des solutions alternatives en cas d’échec de la négociation collective.

Les conditions de validité d’un éventuel accord sont précisées de manière à faire référence, dans l’article L. 712-11 du code de commerce, à l’article L. 2232-12 du code du travail qui prévoit qu’un accord d’entreprise est valide s’il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales de salariés représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles. Si cette condition n’est pas remplie, l’accord peut être soumis au vote direct du personnel, sous réserve d’avoir été approuvé un ou plusieurs syndicats ayant totalisé au moins 30 % des voix lors des dernières élections.

À défaut d’accord adopté, c’est sous les stipulations de la convention collective qui s’applique aux activités d’appui, d’accompagnement et de conseil auprès des entreprises que sera placé le personnel de droit privé des CCI, à l’exception de celui affecté aux services industriels et commerciaux, conformément à la nouvelle rédaction proposée pour l’article 40 de la loi Pacte.

Il serait également et dorénavant précisé, à l’article L. 712-11 du code de commerce, que l’accord ne s’appliquera qu’aux personnes directement employées par les CCI, celles travaillant dans des entités externalisées étant, en principe, déjà couvertes par une convention collective.

Par ailleurs, les modalités d’entrée en vigueur de la convention seraient similaires à celles prévues par le code du travail. Il ne serait plus prévu, à l’article 40 de la loi Pacte ainsi qu’à l’article L. 710-1 du code de commerce, d’agrément de la convention collective par le ministre de tutelle, mais seulement son dépôt auprès des services du ministère du travail, de l’emploi et de l’insertion, conformément à l’article D. 2231‑2 du code du travail. Un arrêté d’agrément du ministre demeure toutefois nécessaire pour les stipulations ayant un impact sur les rémunérations (disposition inchangée à l’article L. 711-16).

Le projet de loi entend également prévoir que la période transitoire, pendant laquelle les membres du personnel de droit privé sont soumis aux dispositions du code du travail, aux stipulations de leurs contrats de travail et à certains éléments du statut du personnel de droit public ([41]), prendra également fin en cas d’échec des négociations et au terme du délai de dix-huit mois. Il précise, par la même occasion, que l’application de la nouvelle convention collective ne constituera pas une modification du contrat de travail des salariés concernés : en conséquence, l’employeur n’aura pas à proposer d’adaptation ni à recueillir l’accord du salarié, comme le prévoit normalement l’article L. 1222-6 du code du travail.

c.   Favoriser l’évolution du statut des agents publics des CCI

L’article 12 du projet de loi vise également à poursuivre la transformation en profondeur des CCI en favorisant le rapprochement du statut des agents publics vers le droit applicable aux salariés nouvellement recrutés.

Il prévoit ainsi de compléter l’article L. 712‑11 du code de commerce, en indiquant que lorsque les conventions et accords collectifs le prévoient, leurs stipulations se substituent, selon le cas, aux dispositions du statut des personnels administratifs des chambres de commerce et d’industrie ou aux stipulations des accords nationaux ou régionaux ayant le même objet. L’étude d’impact du projet de loi fournit un exemple concret : si un accord, négocié dans un cadre de droit privé, avait pour objet le télétravail, il pourrait remplacer l’accord sur le travail à distance qui s’applique actuellement aux agents publics.

Il est rappelé, à ce titre, que l’article 40 de la loi Pacte prévoit que les prérogatives d’information, de consultation et de représentation du personnel de droit public qui sont dévolues à la commission paritaire nationale seront transférées à l’instance représentative du personnel à compter de la promulgation des résultats de l’élection professionnelle. L’article 12 du projet de loi ajoute que les conditions de ce transfert seront fixées par un décret.

Par ailleurs, le droit d’option, prévu par l’article 40 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises et permettant aux agents publics d’obtenir un contrat de travail de droit privé, n’aurait plus de limite d’exercice dans le temps : pour mémoire, la rédaction actuelle prévoyait une période de douze mois à compter de l’entrée en vigueur de la convention collective.

3.   Les modifications du Sénat

Au Sénat, l’examen de l’article 12 du projet de loi a été délégué à la commission des affaires économiques. À l’initiative de son rapporteur, notre collègue Serge Babary, un amendement précisant les conditions de représentativité des organisations syndicales a été adopté.

Cet amendement prévoit que l’addition de l’ensemble des suffrages obtenus lors des dernières élections des CSE de CCI France et des CCI régionales détermine la représentativité syndicale pour toute la durée du cycle électoral du réseau. Il s’agit ainsi d’éviter que les résultats d’une élection partielle dans une région ne viennent modifier le rapport de force établi.

Cet ajout ne fait que reprendre des jurisprudences de la chambre sociale de la Cour de cassation, selon lesquelles « les résultats obtenus lors d’élections partielles ne [peuvent] avoir pour effet de modifier la mesure de la représentativité calculée lors des dernières élections générales » ([42]) et que celle-ci « est établie pour toute la durée du cycle électoral » ([43]).

L’article ainsi modifié a été adopté par la commission des Lois puis en séance publique.

4.   La position de la commission

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement de clarification de la modification apportée par le Sénat visant à ce qu’une élection partielle ne remette pas en cause la mesure de la représentativité issue du dernier renouvellement des CSE.

Il est désormais précisé que d’éventuelles élections partielles seraient organisées dans les conditions prévues à l’article L. 2314‑10 du code du travail, c’est-à-dire « si un collège électoral n’est plus représenté ou si le nombre des membres titulaires de la délégation du CSE est réduit de moitié ou plus », plus de six mois avant les prochaines élections professionnelles du réseau.

La jurisprudence de la Cour de cassation se trouve désormais reprise dans la rédaction de l’article 12 ainsi modifié.

La commission a également adopté deux amendements rédactionnels de ses rapporteurs.

 

 

*

*     *

Chapitre IV
Dispositions d’applicabilité outre-mer et dispositions finales

Article 13
(art. L. 950-1 du code de commerce, L. 7712 du code de la consommation et L. 6411 du code des procédures civiles d’exécution)
Dispositions d’applicabilité outre-mer

1.   L’état du droit

Les îles Wallis et Futuna forment une collectivité d’outre-mer (COM) régie par l’article 74 de la Constitution. En application du principe de spécialité législative propre aux COM, les lois ne sont applicables à ce territoire qu’à condition que le Parlement l’ait expressément prévu ([44]).

Tel n’est pas le cas des départements et des régions d’outre-mer (Guadeloupe, Guyane, Martinique, Réunion et Mayotte), régis par l’article 73 de la Constitution et soumis au principe de l’identité législative : les lois y sont applicables de plein droit, sous réserve d’adaptations tenant à leurs caractéristiques et contraintes particulières.

Toutefois, les statuts des COM peuvent également prévoir que certaines lois y sont directement applicables sans disposition expresse. C’est notamment le cas de Saint-Barthélemy, Saint‑Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon en matière commerciale, conformément aux dispositions du code général des collectivités territoriales ([45]).

En revanche, l’État n’est plus compétent dans ce dernier domaine dans la COM de Polynésie française ([46]) ainsi qu’en Nouvelle‑Calédonie ([47]), régie par le titre XIII de la Constitution.

2.   Le dispositif proposé

L’article 13 du projet de loi entend rendre applicable aux îles Wallis et Futuna la réforme des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel et la mise en extinction du régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL).

Il est donc prévu de modifier l’article L. 950‑1 du code de commerce, qui fixe les dispositions dudit code applicable dans cette COM, afin de prévoir la mise en vigueur expresse des articles L. 526‑8 et L. 526‑19 modifiés par le projet de loi (mise en extinction de l’EIRL) et des articles L. 526‑22 (définition de l’entrepreneur individuel et distinction des patrimoines professionnel et personnel), L. 526‑24 (acte de renonciation à la protection) et L. 526‑25 à L. 526‑30 (transfert du patrimoine professionnel) modifiés.

L’habilitation du Gouvernement, prévue à l’article 4 du projet de loi, à prendre par voie d’ordonnances toute mesure relevant du domaine de la loi permettant d’adapter aux nouvelles dispositions introduites par l’article 1er nécessite également de rendre applicables aux îles Wallis et Futuna plusieurs dispositions du code de la consommation, à savoir les articles L. 711-1 et L. 711-2 tels qu’ils résulteront du présent projet de loi (définition des situations du surendettement), l’article L. 741‑2 dans sa rédaction issue de la loi n° 2020‑734 du 17 juin 2020 et l’article L. 742‑22 dans sa rédaction résultant de la loi précitée (effacement de toutes les dettes en cas de rétablissement personnel avec liquidation judiciaire).

Quant à l’article 2 du projet de loi, il prévoit l’application aux îles Wallis et Futuna du nouvel article L. 161‑1 du code des procédures civiles d’exécution (mise à jour des modalités de procédure d’exécution du fait du fait de la création du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel).

3.   Les modifications du Sénat

À l’initiative de son rapporteur, la commission des Lois a adopté un amendement adaptant la rédaction de l’article 13 aux modifications que le Sénat a apportées aux articles 1er, 2, 4 et 5 (cf. commentaires supra). Ces changements ont également conduit les sénateurs à clarifier et à actualiser l’application des dispositions du livre VI du code de commerce (difficultés des entreprises) aux îles Wallis et Futuna compte tenu de la réécriture de l’article 4 en commission (cf. commentaire supra).

En séance publique, le Sénat a adopté cet article ainsi modifié.

4.   La position de la commission

En conséquence des modifications apportées par la commission aux articles 1er à 5 du projet de loi, la commission a adopté un amendement de coordination de ses rapporteurs.

 

 

*

*     *

Article 14
Dispositions finales

1.   Le dispositif proposé

L’article 14 fixe les délais d’entrée en vigueur des différentes dispositions du projet de loi.

a.   Simplification des différents statuts de l’entrepreneur individuel

Une entrée en vigueur différée est prévue pour la réforme du statut de l’entrepreneur individuel.

Les nouvelles conditions d’exercice s’appliqueront à l’expiration d’un délai de trois mois à compter de la publication de la loi (articles 1er à 3), tandis que le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL) sera mis en extinction immédiatement, à l’exception de la possibilité de transmettre le patrimoine affecté à un héritier qui expirera six mois après la publication.

b.   Sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants

L’article 9, qui crée une nouvelle voie d’accès à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), doit entrer en vigueur le 1er janvier 2022 ou le premier jour du mois suivant la publication de la loi.

Si l’essentiel de l’article 10, organisant la fusion des fonds d’assurance formation des artisans, entrera en application dès la publication de la loi, la fusion du Fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et des conseils de la formation n’interviendra qu’au 1er janvier 2023. Dans l’attente de cette réunion, France Compétences devra reverser la contribution due au nouveau fonds au FAFCEA, qui en transférera une fraction aux chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) régionales.

c.   Renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

La réforme des instances disciplinaires de l’Ordre des experts-comptables prévue à l’article 11 ne pourra entrer en application qu’à compter de la publication du décret en Conseil d’État précisant les modalités d’organisation de celles-ci.

En revanche, la mesure permettant de moduler la révocation du sursis sera en vigueur dès la publication de la loi.

2.   Les modifications du Sénat

a.   En commission

La commission des Lois a adopté un amendement de son rapporteur visant à reporter l’entrée en vigueur des articles 1er à 3 de trois à six mois dans le but de laisser le temps aux acteurs économiques de s’adapter au nouveau statut de l’entrepreneur individuel. Ce délai est également étendu à la mise en extinction du régime de l’EIRL (article 5).

Tenant compte de la réécriture de l’article 4 (cf. commentaire supra), l’amendement prévoit également une application, six mois après la promulgation de la loi, des dispositions qui tirent les conséquences de la réforme sur les procédures d’insolvabilité. Le nouveau régime s’appliquerait, dès son entrée en vigueur, aux créances personnelles antérieures.

Concernant la fusion des fonds d’assurance formation des artisans, la commission des Lois a également adopté un amendement de la commission des Affaires sociales, à laquelle l’examen de l’article 10 avait été délégué. Prenant en considération la période transitoire, jusqu’au 31 décembre 2022, pendant laquelle France Compétences reverserait la part revenant au fonds unique, l’amendement reporte au 1er janvier 2023 l’ensemble de la réforme.

b.   En séance

En séance publique, le Sénat a adopté un amendement du Gouvernement, avec un avis favorable du rapporteur, visant à ramener à trois mois l’entrée en vigueur de la réforme du statut de l’entrepreneur individuel, y compris les dispositions de l’article 4 réécrit par le Sénat. Il prévoit également que le nouveau régime s’appliquerait aux créances postérieures et non antérieures.

Le régime de l’EIRL serait de nouveau mis en extinction dès la promulgation de la loi, à l’exception de la transmission du patrimoine affecté en cas de décès, fixée à six mois comme initialement prévu par le texte.

Concernant le report au 1er janvier 2023 de la fusion des fonds de formation, le Gouvernement n’a pas souhaité revenir sur les modifications apportées en commission à l’initiative de la rapporteure pour avis de la commission des Affaires sociales. Le Sénat a adopté un nouvel amendement de la rapporteure, précisant que les contributions collectées en novembre 2022 seront reversées seulement au FAFCEA.

3.   La position de la commission

À l’initiative de ses rapporteurs, la commission a adopté un amendement de clarification visant à lever toute ambiguïté concernant le reversement transitoire au FAFCEA. Il est désormais précisé que celui-ci vise bien « la part de collecte non affectée au financement du CPF des travailleurs indépendants et du conseil en évolution professionnelle ».

Compte tenu des modifications apportées aux articles 1er à 4 par la commission, celle-ci a également adopté un amendement de coordination et un amendement rédactionnel de ses rapporteurs.

*

*     *


—  1  —

   Examen en cOMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 14 décembre 2021, la commission spéciale a examiné le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, en faveur de l’activité professionnelle indépendante (n° 4612 rectifié) (M. Jean-Noël Barrot et Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteurs).

Mme la présidente Annaïg Le Meur. Mes chers collègues, l’ordre du jour de la commission spéciale appelle l’examen du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante (n° 4612 rectifié). Ce texte, qui fait l’objet d’une procédure accélérée, a été examiné par le Sénat en séance publique le 26 octobre dernier, et est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de l’Assemblée nationale les 10 et 11 janvier 2022.

Je salue immédiatement, en votre nom à tous, M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Je remercie les rapporteurs de notre commission, M. Jean-Noël Barrot et Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, qui ont travaillé à un rythme soutenu au cours des trois dernières semaines et dont le projet de rapport vous a été transmis hier par voie électronique.

Le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante est un texte relativement bref, dont les dispositions centrales figurent à l’article 1er, lequel soulève des questions juridiques délicates en matière de droit des biens et de droit des sûretés, et dont les autres dispositions paraissent plus faiblement connectées entre elles. Il n’en est pas moins un texte important, incluant notamment des dispositions destinées à faciliter l’initiative et l’entrepreneuriat individuels, par le biais de la modernisation du statut des entrepreneurs indépendants. Il s’inscrit dans la continuité du plan Indépendants, présenté le 16 septembre dernier.

Le président de la commission des finances a déclaré irrecevables seize amendements, sur le fondement des dispositions de l’article 40 de la Constitution. En ce qui me concerne, j’ai déclaré, sur le fondement de l’alinéa 6 de l’article 98 de notre règlement, dix-huit amendements irrecevables au regard de l’article 45, alinéa 1er, de la Constitution. Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, sont irrecevables les amendements dépourvus de lien direct ou indirect avec le texte soumis en première lecture à la première assemblée saisie.

En définitive, notre commission spéciale aura à débattre de soixante-dix-huit amendements. Il me semble possible de terminer nos travaux dès ce soir, sous réserve que chacun s’exprime de manière aussi efficace que concise. Si nous devions les poursuivre demain matin, nous ne bénéficierions plus de la présence de M. le ministre délégué, retenu en Conseil des ministres.

Je donnerai d’abord la parole à M. le ministre délégué et à nos deux rapporteurs. Nous entendrons ensuite les représentants des groupes, dont les interventions ne devront pas dépasser trois minutes. M. le ministre délégué et les rapporteurs pourront répondre, s’ils le souhaitent. Nous passerons ensuite directement à l’examen des articles, au cours duquel chacun aura l’occasion de poser des questions individuellement. Nous consacrerons davantage de temps à l’examen de l’article 1er, sur lequel chaque orateur pourra s’exprimer deux minutes.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé du tourisme, des Français de l'étranger et de la francophonie, et auprès du ministre de l’économie, des finances et de la relance, chargé des petites et moyennes entreprises. Je vous retrouve ce soir, de façon un peu imprévue, pour l’examen du projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante. J’espère poursuivre le travail que vous avez initié avec Alain Griset et mener, avec vous, ce texte à bon port.

Ce projet de loi est la pierre angulaire du plan en faveur des travailleurs indépendants annoncé par le Président de la République le 16 septembre dernier, destiné aux 3 millions d’indépendants de notre pays – entrepreneurs, artisans, commerçants, professionnels libéraux, travailleurs collaborant avec des plateformes et dirigeants de société. Il est complété par plusieurs mesures fiscales et sociales que vous avez adoptées lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

Quiconque se retourne sur l’action menée depuis le début du quinquennat constate que ce gouvernement et cette majorité ont pris de nombreuses mesures en faveur des indépendants : suppression du régime social des indépendants (RSI), unification des déclarations sociales et fiscales, exonération dégressive des cotisations d’assurance maladie. Demeurait toutefois l’ambition d’aller plus loin, pour répondre à une demande forte des indépendants, qui souhaitent être mieux protégés face aux accidents de la vie et mieux accompagnés, de la création de leur entreprise à son éventuelle transmission, tout en bénéficiant d’un accès simplifié à l’information et aux démarches.

Ce besoin impérieux de protection et d’accompagnement découle du fait qu’être entrepreneur, c’est prendre un risque économique en décidant de se lancer dans un projet dont on ignore s’il va réussir, même si on l’espère. Je veux voir dans les chiffres de l’année 2020, pourtant si atypique, l’expression de la dynamique créatrice du pays : nous avons dénombré 840 000 créations d’entreprises, soit 4 % de plus qu’en 2019.

La crise sanitaire a exacerbé plusieurs risques pesant sur les entrepreneurs, ainsi que les difficultés qu’ils peuvent rencontrer tout au long de leur parcours. Nous ne pouvons nous satisfaire de cette situation, pour des raisons d’équité et de valeur. Il s’agit de gens qui se lèvent tôt et se couchent tard, pour lesquels le mérite, le travail, la prise de risque et la volonté de transmettre ont du sens. Nous avons donc décidé, par le biais de ce projet de loi, d’accompagner chaque Français, de la création de son entreprise à son éventuelle cession, en passant par la formation et le rebond.

Nous accompagnons les débuts de l’entreprise grâce à la création d’un statut unique protecteur du patrimoine personnel. L’article 1er dispose que seuls les éléments utiles à l’activité professionnelle de l’entrepreneur individuel pourront être appréhendés en cas de défaillance. Cette protection supprime les risques pesant sur le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel en cas de difficultés professionnelles.

Vous vous interrogez en nombre sur le choix du mot « utile ». Nous aurions pu en effet évoquer des éléments « indispensables » ou « nécessaires ». Aux termes d’échanges avec le Conseil d’État, nous avons retenu le mot le plus simple d’emploi et le plus sécurisant juridiquement. Par ailleurs, le projet de loi permettra de faciliter le passage d’une entreprise individuelle en société. Quant au régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL), il sera mis en extinction progressive, dès lors que ses principaux avantages sont repris dans le nouveau statut.

L’accompagnement du rebond des entrepreneurs est assuré par l’article 9, qui leur permet de devenir éligibles à l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) si leur activité est devenue économiquement non viable. Un décret complétera la réforme de l’ATI par l’assouplissement du critère de revenus de 10 000 euros, qui ne sera désormais exigé que sur la meilleure des deux années précédant la cessation d’activité. J’ai bien noté que plusieurs d’entre vous, notamment M. Dominique Da Silva, souhaitent obtenir des précisions sur les bénéficiaires de l’ATI. J’en donnerai lors de l’examen de l’article 9. En tout état de cause, il s’agit d’une mesure d’assouplissement majeure, qui permettra aux indépendants de préparer leur projet de reconversion tout en percevant un revenu de remplacement de 800 euros mensuels pendant six mois. Le rebond des indépendants sera également facilité par les dispositions permettant que les dettes de cotisations et de contributions sociales des gérants majoritaires de société à responsabilité limitée (SARL) soient effacées dans le cadre d’une procédure de surendettement des particuliers.

Le second volet du texte vise à simplifier l’environnement juridique des indépendants et à améliorer l’accès à l'information. L’objectif est de leur faciliter la vie de ce point de vue.

Mieux mobiliser la formation fait partie des enjeux. En 2019, 16 % seulement des indépendants ont bénéficié d’une action de formation, financée par un fonds d’assurance formation (FAF). C’est dire si nous avons des marges de progrès ! Pour faciliter l’accès des artisans à la formation, le projet de loi prévoit la fusion du fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) avec le Conseil de la formation (CDF). Grâce à cette réforme, un organisme unique sera chargé de la gestion de la contribution des chefs d’entreprise artisanale à la formation.

Nous simplifions l’environnement juridique des indépendants par le biais de quatre mesures essentielles.

La première, introduite à l’article 6 supprimé par le Sénat, consiste à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour clarifier les règles communes aux professions libérales réglementées. Cette réforme se fonde sur un rapport de l’inspection générale des finances et a fait l’objet de concertations avec les professionnels. Compte tenu de la diversité de ces professions, ces concertations se poursuivent pour ajuster les réformes au mieux des attentes et des besoins de chaque profession. Nous proposerons le rétablissement de l’article 6 lors de l’examen du texte en séance publique. Les simplifications prévues sont demandées depuis de longues années par les professions libérales réglementées.

La deuxième mesure est introduite à l’article 11, dans lequel le Gouvernement tire les conséquences de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel en matière de régime disciplinaire des experts-comptables. Il s’agit d’augmenter le nombre de magistrats œuvrant au fonctionnement des instances disciplinaires.

La troisième mesure vise à protéger et à simplifier l’activité des artisans. Comme certains d’entre vous, notamment M. Philippe Huppé, le savent, les dispositions relatives à l’artisanat sont éparpillées entre le code de l’artisanat et une douzaine de textes législatifs et réglementaires. Il s’agit, par le biais d’une habilitation à légiférer par ordonnance, de recodifier l’ensemble à droit constant, pour clarifier et sécuriser l’environnement juridique des artisans.

La dernière mesure de simplification, qui figure à l’article 12, tire les conséquences de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi « Pacte », pour les personnels des chambres de commerce et d’industrie (CCI).

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Le texte que nous allons examiner est un volet important du plan Indépendants, présenté le 16 septembre dernier. Permettez-moi, en préambule, d’avoir une pensée pour Alain Griset, qui a beaucoup œuvré, depuis sa nomination, pour sa conception, et de le remercier pour son engagement. Je salue son action et sa détermination constantes pour offrir un environnement plus juste et plus protecteur aux 3 millions d’indépendants de notre pays. Ce projet de loi était fort attendu. Il rompt avec le sentiment des indépendants que leur profession n’était pas prise en considération. Nous y sommes. Je suis fière d’être co-rapporteure du texte.

Celui-ci s’inscrit dans le contexte plus général du plan Indépendants, qui est un ensemble cohérent de vingt mesures, dont plusieurs ont été mises en œuvre dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 et du projet de loi de finances pour 2022, que nous adopterons définitivement demain en séance publique. Le présent projet de loi permet de mettre en œuvre cinq autres mesures du plan Indépendants, dont trois sont inscrites aux articles 8 et 9, dont est plus particulièrement chargé Jean-Noël Barrot, que je salue et que je remercie pour la qualité de nos échanges tout au long de nos travaux. Ces mesures sont relatives à l’élargissement de l’accès à l’ATI et au traitement des dettes de cotisations et de contributions sociales des gérants majoritaires de SARL.

Les deux autres figurent à l’article 1er. Il s’agit de la création d’un statut unique protecteur du patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel et de la facilitation du passage d’une EIRL en société. Cette avancée importante pour les entrepreneurs individuels permettra de concilier la simplicité de l’activité individuelle et la protection offerte par le statut de l’EIRL. Sans formalisme ni déclaration préalable, les entrepreneurs individuels disposeront désormais de deux patrimoines distincts, l’un personnel, l’autre professionnel. Cette exception à la règle de l’unicité du patrimoine leur permettra de développer en toute sérénité leur activité. Seul le patrimoine professionnel pourra être saisi en cas de défaillance professionnelle. En outre, la transformation d’une activité individuelle en société sera facilitée grâce aux dispositions relatives à l’apport en société du patrimoine professionnel. Nous allégeons ainsi les contraintes pesant sur la croissance de l’activité d’un entrepreneur individuel.

Outre la mise en œuvre d’une partie du plan Indépendants, le projet de loi contient d’autres mesures. La version adoptée en conseil des ministres compte quatorze articles. Plusieurs dispositions concernent les professions libérales réglementées, les artisans, les experts-comptables et, de façon plus générale, la formation professionnelle des travailleurs indépendants et les personnels des CCI. Je me réjouis que le Sénat ait adopté treize des quatorze articles du texte du Gouvernement, ce qui prouve que les grandes orientations du projet de loi font consensus. Au demeurant, plusieurs amendements de M. Barrot et moi-même reprennent de nombreux apports du Sénat.

D’autres ont pour objet soit de rétablir le texte initial, soit d’approuver des versions de compromis. Tel sera le cas, par exemple, du très important article 1er, dont je proposerai une nouvelle rédaction globale par un amendement qui permettra, si nous le votons, d’adopter en commission un texte cohérent et consolidé. Cela ne nous interdira pas de reprendre, en séance publique, le débat sur certains points spécifiques, tels que les critères de démarcation des patrimoines personnel et professionnel et le sort de certaines créances publiques. Au demeurant, j’observe que peu d’amendements à l’article 1er ont été déposés en commission.

Le Sénat a inséré cinq nouveaux articles. Je proposerai la suppression de plusieurs d’entre eux, soit parce qu’ils me semblent satisfaits, soit parce qu’ils ne me semblent pas opportuns sur le fond.

Le Sénat a supprimé l’article 6, qui introduisait une habilitation à légiférer par ordonnance pour modifier notamment les règles applicables à l’exercice en société des professions libérales réglementées. La jurisprudence du Conseil constitutionnel m’interdit d’en proposer le rétablissement, mais, sur le fond, j’y suis favorable. Le toilettage des textes concernés est en effet indispensable pour garantir la lisibilité des dispositions en vigueur et la sécurité juridique de l’exercice en société d’une activité libérale réglementée. Je ne m’opposerai donc pas au rétablissement de cet article si le Gouvernement dépose un amendement à cette fin en séance publique, exception faite des dispositions relatives au financement de l’ouverture du capital à des tiers.

Les amendements que Jean-Noël Barrot et moi-même défendrons ont été élaborés en tenant compte de nombreux points de vue, que nous avons recueillis au cours de nos travaux. Nous avons reçu de nombreuses contributions écrites. Nous avons également auditionné de nombreux représentants des professionnels indépendants et de l’administration, ainsi que des experts, parmi lesquels un professeur de droit spécialisé. Je remercie les très nombreux collègues qui ont participé aux auditions, faisant la démonstration de toute l’importance de ce projet de loi très attendu, qui s’inscrit dans la continuité de l’action que nous menons depuis près de cinq ans, en soutien aux entrepreneurs. Je ne doute pas, dans le contexte de retour d’une croissance forte que nous connaissons, qu’il contribuera, dans les années à venir, au développement de nos entreprises indépendantes.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Madame la présidente, je vous remercie de la qualité des travaux préparatoires à l’examen du texte en commission. Je salue à mon tour le travail d’Alain Griset et de ses équipes. Nous avons plaisir à le poursuivre avec Jean-Baptiste Lemoyne car il est fondamental pour les travailleurs indépendants de notre pays.

L’article 8 a vocation à résoudre le problème de la prise en compte des dettes professionnelles dans le cadre d’une procédure de surendettement. Je me félicite de cette avancée, qui permettra notamment de prendre en considération les dettes de cotisations et de contributions sociales des gérants majoritaires de SARL dans une procédure de surendettement, et de les effacer si la commission compétente le décide. Des situations de blocage, personnel et professionnel, pourront ainsi être réglées.

S’agissant de l’ATI, elle peut être demandée, depuis novembre 2019, par les travailleurs indépendants ayant subi une perte d’emploi, sous certaines conditions. Notre collègue Dominique Da Silva a remis à la commission des affaires sociales, au printemps de cette année, un rapport d’information de grande qualité, qui nous a été très utile pour identifier les points essentiels et les questionnements concernant la mise en œuvre de l’ATI. Comme toute « jeune » allocation, elle pourra évoluer pour répondre de mieux en mieux aux besoins de ses bénéficiaires. Ainsi, le texte prévoit la création d’un nouveau fait générateur pour l’accès à cette allocation, ainsi qu’un élargissement des critères par voie réglementaire.

L’article 10 nous invite à revoir et à simplifier le circuit de financement de la formation professionnelle des artisans, en faisant de France compétences l’opérateur central de son financement. Il s’agit d’une réforme nécessaire pour offrir plus de lisibilité aux professionnels concernés et leur faciliter l’accès à la formation, qui est un besoin essentiel pour les activités artisanales.

Outre ce « bloc » consacré à la sécurisation des parcours grâce à l’ATI et à la formation, le projet de loi contient deux articles plus spécifiques. L’un est relatif à la réforme des instances disciplinaires de l’Ordre des experts-comptables, l’autre à l’adoption d’une convention collective pour les personnels de droit privé des CCI.

L’article 11 entend remédier à deux problèmes soulevés par le fonctionnement de la procédure disciplinaire des experts-comptables. La résolution du premier est particulièrement urgente : le Conseil constitutionnel a été conduit à censurer, à la suite d’une question prioritaire de constitutionnalité, une disposition de l’ordonnance du 19 septembre 1945 portant institution de l'Ordre des experts-comptables et réglementant le titre et la profession d'expert-comptable, relative à la révocation automatique du sursis en cas de nouvelle sanction de suspension prononcée, ouvrant ainsi un véritable vide juridique. Le projet de loi vise à retirer le caractère automatique de cette révocation afin de respecter le principe d’individualisation des peines.

L’article 11 vise également à garantir l’impartialité de la procédure disciplinaire, en réformant la composition des instances ordinales, qui ne laissait pas apparaître, en théorie, une séparation suffisamment stricte des fonctions de poursuite et des fonctions de jugement. L’augmentation du nombre de magistrats désignés pour siéger dans les chambres disciplinaires permettra également de résoudre un problème d’effectifs induit par la fusion des circonscriptions des conseils régionaux de l’Ordre consécutif à la réorganisation des régions par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « Notre ». Je tiens à faire observer que cet article fait consensus dans la profession, et qu’il n’a pas fait l’objet de modifications substantielles par le Sénat. D’autres évolutions seront introduites par le Gouvernement pour adapter la réforme aux instances disciplinaires de l’Ordre en outre-mer.

Par ailleurs, l’article 12 vise à relancer les négociations entre CCI France et les organisations syndicales en vue de l’adoption d’une convention collective propre au personnel de droit privé qu’emploient les CCI. Depuis la promulgation de la loi Pacte, les CCI recrutent exclusivement des salariés de droit privé. Les agents administratifs recrutés auparavant continuent de bénéficier des dispositions de leur statut de droit public. En raison de désaccords entre les syndicats et l’établissement public à la tête du réseau des CCI, les négociations sont au point mort. L’article 12 vise à les relancer, en organisant des élections professionnelles pour élire les instances représentatives du personnel dans l’ensemble du réseau. Il vise également à offrir une solution alternative en cas de nouvel échec, en rattachant les règles de négociation des accords collectifs à celles du code du travail, d’une part, et en prévoyant que si l’adoption d’un texte s’avère impossible, la convention collective du conseil aux entreprises s’appliquera aux salariés, d’autre part.

Les articles 13 et 14 du texte comportent des dispositions transitoires et d’autres propres à l’application du projet de loi en outre-mer.

Mme Cendra Motin (LaREM). Il y a un peu plus de onze ans, je créai mon entreprise, après avoir travaillé quinze ans comme salariée. Je faisais alors un véritable saut dans l’inconnu. Mon activité allait-elle marcher ? Mon idée était-elle vraiment la bonne ? Comment allais-je payer mes charges ? Ces questions, je me les posais tout en me disant que je n’avais pas le droit à l’erreur, car, en créant mon entreprise, c’est toute ma famille et tout ce que j’avais que je mettais en jeu. Si nous sommes là aujourd’hui, et si nous en sommes fiers, c’est parce que nous allons faire en sorte que prendre son risque en créant son entreprise ne signifie plus prendre le risque de ne pas avoir le droit à l’erreur et de perdre ce qu’on a mis une autre vie à bâtir.

Le texte qui nous est proposé permettra de sécuriser mieux et plus le patrimoine des entrepreneurs individuels, en posant le principe d’un patrimoine utile à l’exercice professionnel distinct du patrimoine personnel. Cette révolution en matière de patrimoine offre une sécurité qui nous semble nécessaire.

Le texte prévoit également de faciliter le passage d’une entreprise individuelle à une entreprise dotée de la personnalité morale pour mieux accompagner la croissance de ces entreprises, qui maillent nos territoires. Nous permettrons également de mieux articuler les procédures collectives encadrant le règlement des dettes d’une entreprise qui s’éteint avec les dettes sociales attachées à la personne du gérant majoritaire, en lui donnant accès, pour celles-ci, à la procédure de surendettement. Cette mesure est réclamée de longue date par ceux qui ont fait la douloureuse expérience de devoir verser des sommes astronomiques deux ans après avoir fermé leur boîte, sans solution d’accompagnement, et qui ont parfois tout perdu une seconde fois. Grâce à l’article 8 du présent texte, cela ne se produira plus.

Également pour accompagner les entrepreneurs dans leur rebond et leur permettre de se retourner, nous revoyons les critères d’admission à l’ATI, dont le rapport d’information de notre collègue Dominique Da Silva a mis en lumière les écueils et les forces. Nous souhaitons l’ouvrir, car nous savons que cette aide forfaitaire au rebond peut aider des chefs d’entreprise à rebondir avant qu’il ne soit trop tard, et ainsi les aider à mieux vivre la période de liquidation de leur activité.

Un article permettra de réécrire, sans en changer le fond, le code de l’artisanat, un autre de rationaliser la gestion de la formation des artisans grâce à la création d’une instance unique fusionnant les deux qui existent. Par ailleurs, le texte donne une nouvelle chance à la négociation d’un accord d’entreprise pour mieux protéger les salariés de droit privé des CCI, dans le prolongement des dispositions que nous avons adoptées dans le cadre de la loi Pacte. En cas d’échec de ces négociations, les salariés bénéficieraient des dispositions de la convention collective nationale des bureaux d’études techniques, des cabinets d’ingénieurs-conseils et des sociétés de conseils, dite convention « Syntec », qui est la plus proche de leur activité.

Ce texte est une avancée majeure pour 3 millions d’indépendants, à qui nous envoyons ce soir un signal important et surtout attendu. Le nombre de créations d’entreprises n’a jamais été aussi haut dans notre pays. Il existe une véritable envie d’entreprendre parmi les jeunes. Je me réjouis que nous puissions l’accompagner grâce à ce texte.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Durement touchés par le contexte économique et social des dernières années, qu’illustrent certaines manifestations que le Gouvernement s’efforce de faire oublier, au premier rang desquelles celles des gilets jaunes et celles contre la réforme des retraites, et par la crise sanitaire, de nombreux travailleurs indépendants sont en très grande difficulté depuis plusieurs mois. Ils demeurent un maillon faible de notre tissu économique.

Dès le début de la pandémie, commerçants, artisans, auto-entrepreneurs, employés des services à la personne se sont trouvés, du jour au lendemain, sans débouchés et confrontés à une chute drastique de la demande, ainsi qu’aux difficultés induites par les mesures sanitaires. Nous sommes bien conscients que des mesures ont été prises pour les soutenir pendant la crise, mais certaines dispositions se sont avérées inadaptées : problèmes d’accès et de mise en œuvre, retards de paiement et complexités administratives ont mis à mal la trésorerie de certains indépendants.

La conjonction d’une surexposition à la crise et de l’inadéquation de ces dispositifs a fait naître un risque majeur de faillites économique et sociale, alors même que la reprise économique et la situation sanitaire demeurent fragiles. Or la faillite de ces entreprises aurait de graves conséquences économiques et sociales.

Le présent projet de loi, déposé au début de l’automne, s’inscrit dans un vaste plan en faveur des indépendants présenté par votre prédécesseur, Monsieur le ministre délégué. Je tiens à dire que le rythme des auditions qui nous a été imposé a été particulièrement difficile à suivre. Comment travailler convenablement lorsqu’une convocation est envoyée à 9 heures du matin pour une réunion le soir, voire l’après-midi même ?

Le texte proposé par le Gouvernement a été adopté par le Sénat dans une version considérablement réécrite, afin notamment d’en renforcer la stabilité juridique. Il fait l’objet d’un large consensus, qui n’exclut pas plusieurs points de vigilance. Les deux rapporteurs ont notamment indiqué qu’ils ont déposé plusieurs amendements de réécriture générale. Nous y serons très attentifs. La distinction entre patrimoine professionnel et patrimoine personnel sera-t-elle suffisante face aux banquiers ? Existe-t-il un risque que les banques contournent l’esprit de la loi pour obtenir des gages personnels ? Quid de l’article 6 ?

J’observe enfin que ce texte vient en discussion, très étrangement, quelques mois avant d’importantes échéances électorales, et qu’il n’aborde pas les questions essentielles de la formation et de l’aide au développement des entreprises. Or cela permettrait de donner de véritables leviers à nos entrepreneurs et de lever les blocages auxquels ils sont confrontés.

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Monsieur le ministre délégué, je tiens à saluer votre présence, non sans avoir une pensée pour Alain Griset, qui a porté ce texte pendant dix-huit mois. Je sais qu’il y tenait beaucoup.

La protection de l’exploitant individuel est une vieille quête, qui remonte à de nombreuses années. En 1985, la création de la SARL unipersonnelle a ouvert la possibilité de créer seul une personne morale avec un risque limité. Puis au détour d’une loi sur la recherche, Claude Allègre, alors ministre de l’éducation nationale, de la recherche et de la technologie, a élargi l’accès des personnes physiques aux sociétés par actions simplifiées (SAS), en créant notamment la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU).

Pour les juristes, le présent texte est un peu un « électrochoc », car il introduit la séparation des patrimoines. Nous allons créer un régime légal de la séparation des patrimoines, ce qui n’est pas neutre.

Madame la présidente, il est en effet nécessaire de consacrer du temps à l’examen de l’article 1er, qui comporte deux parties. L’une institue l’EIRL par la création de deux patrimoines séparés, professionnel et personnel. L’autre prévoit le passage d’une EIRL en société. Madame la rapporteure, la rédaction que vous nous proposerez nous semble imparfaite, s’agissant notamment de la possibilité ouverte à l’entrepreneur individuel de renoncer à la protection de son patrimoine personnel. Sur ce point, comme sur celui relatif au cautionnement – certes, il est impossible de se porter caution de soi-même –, nous devrons être très clairs, s'agissant du montant, de l’assiette et de la durée. Tout cela se négocie avec les partenaires financiers.

Il faudra également encadrer la possibilité offerte aux créanciers dits « privilégiés » de se rembourser sur le patrimoine personnel du débiteur, en veillant à ne pas leur accorder bien plus de droits que ceux dont jouissent les autres créanciers. Ce point mérite d’être étudié.

Le transfert du patrimoine de l’EIRL à une société doit être encadré juridiquement, surtout si l’entrepreneur individuel exerce plusieurs activités. Sera-t-il possible d’apporter une branche d’activité à une société ? Ce point est absent du texte.

Par ailleurs, de nombreuses incertitudes demeurent sur l’organisation fiscale d’une telle transmission, s’agissant notamment du « frottement fiscal ». Lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2022, nous avons ouvert à l’EIRL la possibilité d’opter pour une imposition de ses bénéfices à l’impôt sur les sociétés (IS). Il faut que tout cela soit parfaitement encadré.

Enfin, les articles 6 et 9, respectivement relatifs aux professions libérales régle­men­tées et à l’élargissement de l’accès des indépendants à l’ATI, doivent faire l’objet d’une solide réflexion.

M. Philippe Huppé (Agir ens). La naissance, la vie, la mort : tout juriste connaît ce processus. Le présent projet de loi révolutionne la naissance, la vie et la mort d’une entreprise, à l’aune de la modernité. Il s’agit non pas de « pétasser », comme on dit chez moi, dans le sud de la France, mais de dire aux entrepreneurs de France : « Si vous ratez, ce n’est pas très grave, car de votre échec, vous ressortirez bien plus forts. ». Nous faisons enfin nôtre cet état d’esprit positif des Américains, selon lequel on peut se relever d’un échec et repartir.

Certes, des points de débat demeurent, notamment la distinction entre patrimoine personnel et patrimoine professionnel et le cautionnement, dont j’aurais préféré l’interdiction pure et simple, pour éviter un contournement de la mesure par les banques, qui essaieront d’engager le patrimoine personnel de l’entrepreneur pour cautionner son patrimoine professionnel. À nous et aux chambres de métiers d’être vigilants sur ce point, afin de mieux conseiller et accompagner les artisans dans leurs engagements. Plusieurs de leurs représentants, que nous avons auditionnés, s’y sont dits prêts.

Avec ce texte, nous faisons également savoir aux entrepreneurs que s’ils cessent leur activité, ils seront aidés pendant quelques mois, le temps de passer à autre chose, que nous ne les laisserons pas au pied du mur sans aucune aide financière. Il s’agit, non pas d’en faire des salariés, mais de les accompagner dans une nouvelle activité, certes modestement, car l’objectif est le travail et non l’oisiveté.

Le groupe Agir ensemble salue la modernité et l’esprit positif du projet de loi et sera présent pour discuter des différentes dispositions.

Mme Valérie Six (UDI-I). Le monde du travail est en pleine mutation, en particulier depuis la crise sanitaire. Les parcours professionnels ne sont plus linéaires et l’entrepreneuriat, même temporaire, séduit de plus en plus. Il doit être plus simple et plus rapide de changer de vie. Le travailleur indépendant recherche la mobilité, la flexibilité et l’autonomie. Nous avons la responsabilité de proposer les meilleures conditions possibles pour qu’ils puissent se lancer : je pense notamment aux travaux d’Alain Madelin, de Renaud Dutreil et d’Hervé Novelli qui, chacun à leur manière, ont agi pour mieux protéger les indépendants.

Nous n’avons pas légiféré dans ce domaine depuis plus de vingt ans ; aussi notre groupe accueille-t-il favorablement ce texte. En facilitant la vie des entrepreneurs, nous favorisons la croissance.

Nous soutiendrons la mesure phare de ce texte : élargir à tous les indépendants la protection de leur patrimoine personnel. Cela étant, nous nous posons des questions quant à l’efficacité du dispositif. En effet, ces travailleurs pourraient rencontrer des difficultés encore plus nombreuses pour obtenir un crédit et les établissements bancaires pourraient demander systématiquement la levée de la protection du patrimoine personnel. Nous ferons, par conséquent, des propositions dans un esprit constructif, pour améliorer et enrichir ce texte. L’État a créé une garantie pour les prêts étudiants : pourquoi ne pas réfléchir à un dispositif similaire ? Les indépendants ont tout autant le droit de bénéficier d’une garantie publique pour leur crédit.

D’autre part, de nombreux intervenants que nous avons auditionnés ont regretté le manque d’informations sur leurs droits et les dispositifs en vigueur. Nous proposerons d’établir une charte de bonnes pratiques des relations entre les établissements bancaires et les indépendants.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Après une adoption en première lecture au Sénat, nous voici réunis en commission spéciale pour examiner le projet de loi en faveur de l’activité professionnelle indépendante. Cette forme d’activité séduit en ce qu’elle paraît plus souple et flexible que le salariat classique. Le législateur ne doit pas négliger pour autant d’offrir un cadre protecteur en cas d’échec de ce projet.

L’activité professionnelle indépendante revêt de multiples aspects : professions libérales, artisanat, commerce, événementiel, sport, travailleurs des plateformes. Nous connaissons bien le mode de fonctionnement de ces plateformes qui maintiennent un lien de subordination et se servent de ce statut pour se débarrasser du paiement des cotisations sociales, jugées accessoires dans le nouveau monde alors que les risques sanitaires, sociaux et économiques ne font que s’aggraver. À cet égard, nous saluons la récente décision de la Commission européenne qui instaure une présomption de salariat pour les travailleurs du numérique. Nous devrons veiller à sa bonne application dans les prochains mois.

La protection du patrimoine personnel de l’entrepreneur est au cœur de ce projet de loi. Le texte voté en première lecture au Sénat n’est pas satisfaisant, car si l’article 1er pose un principe général de protection intégrale du patrimoine privé de l’entrepreneur individuel, il prévoit que l’entrepreneur puisse y renoncer sur demande écrite d’un créancier. Le Conseil d’État, dans son avis du 28 septembre 2021, a considéré que ce dispositif, compte tenu des rapports de force économiques en présence, pourrait mettre à mal la protection nouvellement offerte par le projet de loi. Lorsqu’un entrepreneur aura besoin de contracter un emprunt pour financer l’achat de locaux ou de matériel ou développer son activité, les banques continueront de demander une caution personnelle. Nous proposons, pour notre part, de donner corps à la protection du patrimoine personnel des entrepreneurs en supprimant la possibilité de renoncer à la règle de protection intégrale du patrimoine et en garantissant, sans renonciation possible, l’insaisissabilité de la résidence principale.

Protéger les travailleurs indépendants, c’est également assurer un filet de sécurité en cas de coup dur. D’ailleurs, le Président de la République s’était engagé à créer une allocation destinée aux travailleurs indépendants qui ont perdu leur emploi. L’ATI, créée par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, leur permet de percevoir 800 euros par mois durant six mois. Malheureusement, très peu de personnes ont pu en profiter en raison de critères trop restrictifs et éloignés des réalités auxquelles doit faire face un entrepreneur indépendant en difficulté.

Enfin, le projet de loi prévoit diverses dispositions sans rapport avec l’activité professionnelle indépendante. Son article 12 en est un exemple.

Nous proposerons des amendements pour améliorer la protection du patrimoine, renforcer les filets de sécurité en cas de coup dur et faciliter l’accès à la formation.

M. Charles de Courson (LT). Près de 3 millions de personnes exercent en France une activité professionnelle indépendante en leur nom propre. Artisans, commerçants, agriculteurs, libéraux, se lancent dans l’aventure entrepreneuriale, souvent sans filet de sécurité, en prenant le risque de voir disparaître une partie de leur patrimoine personnel en cas d’échec.

Nous nous réjouissons de ce texte, qui s’ajoute aux deux mesures qui figuraient dans le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais si nous sommes favorables au principe de séparation du patrimoine personnel et du patrimoine professionnel, sa traduction en droit pose problème et hante nos débats depuis près de trente-cinq ans. La création de l’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et de l’exploitation agricole à responsabilité limitée (EARL) en 1985, de la société d’exercice libéral (SEL) en 1990, de la société par actions simplifiée unipersonnelle (SASU) en 1999 et de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) en 2010, montrent qu’en réalité, on proposait aux indépendants de se constituer en société, sous diverses formes, que l’on a tenté de simplifier.

On dit de ce texte qu’il est révolutionnaire, mais c’est loin d’être le cas ! Le problème central sera de définir le critère par lequel les deux patrimoines seront séparés. La distinction, introduite par le Sénat, entre les biens immeubles présumés appartenir au patrimoine personnel et les biens meubles présumés appartenir au patrimoine professionnel est simpliste et ne résistera pas à une analyse approfondie. Quant au retour du critère de l’utilité, défendu par le Gouvernement, il reste flou.

Je redoute également que les effets de cette réforme sur la protection des biens personnels des entrepreneurs individuels ne soient pas ceux espérés. Rappelons l’échec de l’EIRL ! Les créanciers les plus importants, en particulier les banques, continueront à exiger des sûretés spéciales sur certains biens, voire une renonciation pure et simple au bénéfice de la séparation des patrimoines. C’est ce problème que nous rencontrons depuis des années, sans parler de celui des créances sociales et fiscales auxquelles on ne peut opposer le principe de la séparation des patrimoines.

Nous avons adopté plusieurs mesures dans le projet de loi de finances, mais il aurait été beaucoup plus simple de créer une réserve spéciale d’autofinancement, taxée à 15 %.

Sous ces quelques réserves, nous aborderons ce texte avec bienveillance.

M. André Chassaigne (GDR). Ce texte m’inquiète pour deux raisons. Tout d’abord, les spécificités du monde agricole ne sont pas prises en considération et l’adoption de ce texte ferait courir un grand risque aux exploitants en les soumettant aux nouvelles dispositions communes applicables à tous les entrepreneurs individuels. De nombreux responsables syndicaux associatifs, qui soutiennent les agriculteurs en difficulté, sont inquiets. Le traitement des difficultés économiques des exploitants agricoles bénéficie depuis 1988 d’un cadre législatif qui permet d’adapter les procédures collectives aux caractéristiques particulières de l’exploitation agricole avec des résultats très positifs. Plus de la moitié des exploitations agricoles placées en procédure de redressement en sortent à l’issue de leur période de sauvegarde contre moins d’un tiers pour les autres entreprises car un exploitant individuel qui rencontre des difficultés économiques bénéficie de dispositions spécifiques : les procédures collectives agricoles sont traitées devant le tribunal judiciaire par un magistrat professionnel et non devant le tribunal de commerce, la période d’observation est plus longue afin de l’adapter à l’année culturale et le plan de continuation peut se prolonger une quinzaine d’années, contre dix ans dans les autres secteurs d’activité.

Or, ce texte prévoit de placer les exploitants agricoles individuels sur le même plan que les professions indépendantes. Ainsi, alors que l’objectif est de renforcer leur protection, la dissociation du patrimoine professionnel et du patrimoine personnel méconnaît la situation réelle de nombreux agriculteurs. La faiblesse chronique des revenus a des conséquences pour le patrimoine personnel de l’exploitant. Il arrive ainsi que des prêts à la consommation, officiellement contractés pour les besoins de la famille, le soient, en réalité, pour financer l’exploitation agricole. Si ce texte était adopté, ces difficultés personnelles seraient traitées par la procédure de surendettement des particuliers qui propose un échéancier maximal de sept ans contre quinze ans dans le cadre des procédures collectives agricoles actuelles.

D’autre part, ce texte prévoit d’ouvrir la procédure de surendettement des particuliers aux dettes professionnelles de l’associé exploitant en société agricole, en les traitant moins favorablement que les dettes professionnelles des exploitants en nom propre. Nous n’avons pas déposé d’amendement à ce sujet aujourd’hui mais ce sera fait en séance si la commission spéciale ne prévoit pas d’exception pour les exploitants agricoles dans le texte.

Mon second sujet d’inquiétude concerne les indépendants. L’instauration d’un droit de gage sur les biens qui servent à l’entrepreneur individuel pour son activité professionnelle peut créer un flou juridique entre les biens personnels et les biens professionnels, qui contreviendrait à l’intention initiale et louable de protéger les biens personnels. Ainsi, une pièce qui sert de bureau, un garage qui abrite des matériels ou des véhicules professionnels pourraient être gagés. De surcroît, donner la possibilité de renoncer à la protection que confère le principe d’insaisissabilité est dangereuse. L’indépendant cherchera, coûte que coûte, à sauver son activité, ce qui le conduira à faire des choix dont les conséquences pourraient être dramatiques.

Enfin, la réunion des patrimoines professionnel et personnel en cas de cessation d’activité peut conduire à dilapider les biens personnels. Ainsi, lors du décès de l’entrepreneur, l’ensemble de l’actif net, patrimoine professionnel et personnel, sera soumis aux créanciers.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Plusieurs députés se sont inquiétés du risque que les banques contournent l’esprit de la loi ou de la pression qui pourrait s’exercer sur l’entrepreneur pour qu’il renonce à la séparation des patrimoines. Sachez tout d’abord qu’il est impossible d’interdire de renoncer à la protection du patrimoine personnel, puisque la Constitution garantit que chacun puisse disposer librement de ses biens. Au travers de ce projet de loi, nous souhaitons renforcer la protection a priori du patrimoine personnel de l’entrepreneur. C’est déjà le cas pour la résidence principale.

Les travailleurs indépendants sont des clients importants pour les banques, qui n’ont pas intérêt à s’en séparer. Nous suivrons de près l’évolution du nombre de crédits accordés et les taux de renonciation. Nous mobiliserons à cette fin l’Observatoire du financement des entreprises, placé sous la responsabilité de la Banque de France. C’est bien de voter un projet de loi, c’est encore mieux d’en suivre l’application.

Concernant la transmission universelle du patrimoine professionnel, nous approfondirons ensemble les questions qui se posent.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Monsieur le président Chassaigne, il n’est pas question de revenir sur les acquis des exploitants agricoles. J’ai moi-même contacté Solidarité Paysans pour le leur expliquer.

Mme la présidente Annaïg Le Meur. Nous passons à l’examen des articles.

Chapitre Ier – De la simplification de différents statuts de l’entrepreneur

Section 1 : Des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel

Article 1er : Statut de l’entrepreneur individuel et dualité des patrimoines

Amendement CS108 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas et sous-amendement CS132 de M. Michel Zumkeller.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er pour intégrer les orientations initiales du projet de loi, tout en conservant certaines améliorations apportées par le Sénat.

J’indique d’ores et déjà que cet amendement de rédaction globale fera tomber, si nous l’adoptons, les autres amendements déposés à l’article 1er.

L’adoption de cet amendement nous permettrait de disposer d’un texte cohérent, consolidé, sur la base duquel il sera plus facile de discuter en séance. Je sais d’ailleurs que plusieurs députés réservent leurs propositions pour le débat dans l’hémicycle. J’espère qu’ils se rallieront à mon amendement, ce qui ne les empêchera pas de reprendre certains points ensuite.

La philosophie générale de l’amendement consiste à concilier la simplicité du statut de l’entrepreneur individuel avec la protection que confère le régime de l’EIRL.

Tout d’abord, nous créons deux patrimoines distincts, l’un personnel, l’autre professionnel, sans déclaration préalable ni formalisme, le critère de démarcation étant celui de l’utilité à l’exercice de l’activité professionnelle.

Le Sénat avait retenu comme critère de démarcation les biens « exclusivement utiles », ce qui excluait tous les biens mixtes. L’amendement vise à rétablir celui de l’utilité, qui permet de mieux protéger le patrimoine professionnel des actions des créanciers personnels et qui offre davantage de souplesse pour la rédaction du décret d’application.

Ensuite, pour ne pas empêcher les entrepreneurs qui n’ont que peu de garanties à proposer d’accéder au crédit, il sera possible de renoncer, après un délai de réflexion de sept jours, au bénéfice de la dissociation des patrimoines. C’est une grande avancée par rapport au statut actuel de l’EIRL, qui ne permettait pas une renonciation spécifique : c’était « tout ou rien ». L’amendement tend à rétablir le délai de réflexion de sept jours que le Sénat avait supprimé. Certains ont jugé ce délai trop long, mais il est important qu’un entrepreneur individuel puisse toujours avoir le temps de comprendre les conséquences de ses engagements, sinon le statut perdra de sa force.

Enfin, nous facilitons la transmission ou l’apport en société du patrimoine professionnel. Ainsi, il sera plus facile de commencer une activité seul puis, lorsqu’elle se développe, de créer une société. Nous veillons à ce que le dispositif soit suffisamment équilibré pour sécuriser le transfert du patrimoine professionnel, tout en préservant les droits des créanciers par un régime d’opposition sous le contrôle du juge.

Cet amendement vise également à conserver des précisions apportées par le Sénat, implicites dans le projet initial du Gouvernement. Je pense à l’interdiction de se porter caution pour soi-même ou aux pouvoirs reconnus aux époux pour administrer leurs biens communs. Il en va de même de l’articulation du nouveau statut de l’entrepreneur individuel avec les règles relatives à l’insaisissabilité de certains biens immobiliers appartenant aux travailleurs indépendants.

L’adoption de cet amendement permettrait de rétablir le projet du Gouvernement dans une version enrichie et améliorée.

M. Michel Zumkeller. Nous avons tous compris la nécessité de séparer le patrimoine professionnel du patrimoine personnel, mais les possibilités offertes aux banquiers pour inciter l’entrepreneur à déroger à ce principe sont très larges. Dans les faits, nous craignons que cette belle proposition ne porte pas ses fruits car, à tout moment, le banquier peut inciter l’entrepreneur à renoncer à cet avantage ou exiger des garanties qui feraient perdre tout intérêt à ce texte.

Nous vous proposons d’imposer au banquier, avant qu’il ne demande à l’entrepreneur de renoncer, qu’il lui propose un autre dispositif de garantie bancaire qui ne porterait pas sur ses biens personnels, par exemple une société de caution mutuelle.

M. Philippe Chassaing. Lors des auditions, le professeur Michel Menjucq nous a alertés sur les risques de retenir le critère de l’utilité, auquel il préférait celui de nécessité. Pourquoi avoir retenu ce critère ?

Mme Fiona Lazaar. Les représentants des travailleurs indépendants, que nous avons auditionnés, s’inquiètent du sort réservé au patrimoine personnel. Sans remettre en cause la possibilité offerte aux entrepreneurs individuels de renoncer à la protection de leur patrimoine personnel, j’avais déposé un amendement pour imposer aux créanciers de leur proposer les dispositifs d’offre de garantie assurée par une société de caution mutuelle auxquels ils sont éligibles.

M. Jean-Paul Mattei. L’amendement tend à rétablir le texte initial, qui n’est pas sans poser quelques difficultés. Assez complexe, il recouvre diverses situations. Il vise ainsi l’entrepreneur, personne physique, qui exerce en nom propre une ou plusieurs activités professionnelles indépendantes. L’ancien régime de l’EIRL permettait de créer plusieurs EIRL en fonction des activités, ce qui ne sera plus possible dorénavant.

Ce texte est intéressant et très important, car il va séparer le patrimoine professionnel du patrimoine personnel, ce qui offre à l’entrepreneur la possibilité d’engager la discussion avec les créanciers. Or la rédaction du texte n’est pas claire. Celle du décret le sera-t-elle suffisamment pour que l’entrepreneur puisse discuter du montant de l’engagement, de la durée, de l’assiette, comme il est d’usage de le faire pour une caution ?

D’autre part, il est prévu qu’à peine de nullité du transfert de l’entreprise individuelle en société, celui-ci doit porter sur l’intégralité du patrimoine professionnel de l’entrepreneur individuel. Nous devrons revoir ce dispositif.

Enfin, le décès entraîne la réunification des patrimoines, ce qui ruine tous nos efforts pour protéger les héritiers. Nous devrons y réfléchir.

M. Charles de Courson. Plusieurs de nos collègues s’étonnent du critère d’utilité. Des gens exercent à leur domicile : comment distinguer le patrimoine personnel du patrimoine professionnel ? Certains isoleront un local au sein de leur habitation. D’autres utiliseront leur voiture personnelle à des fins professionnelles. Vous renvoyez la question à un décret mais cela ne nous dit pas comment il sera appliqué.

D’autre part, il me semble avoir compris que les créances fiscales et sociales seraient recouvrées sur l’ensemble des deux patrimoines, du moins l’impôt sur le revenu, le foncier et les cotisations sociales. Or elles représentent une part importante des créances lors des dépôts de bilan.

M. Mohamed Laqhila. Ma question porte également sur la séparation des patrimoines. Si les règles sont claires pour les personnes morales, elles le sont moins en cas de création d’une entreprise individuelle : que se passe-t-il lorsque l’entrepreneur apporte des biens en nature, comme du matériel ? Qui évaluera cet apport ?

Mme Anne-Laure Blin. L’article initial du Gouvernement présentait certaines fragilités. Vous proposez de le rétablir sans les corriger.

Mme Cendra Motin. Si le Sénat a amélioré la rédaction sur certains points, il a aussi fragilisé le dispositif. Nous approuvons votre proposition de réécrire globalement l’article, qui nous offre une bonne base de travail. Au-delà de l’attitude des banques, nous devrons réfléchir au problème de la transmission et de la protection des héritiers, mais je m’interroge plus particulièrement quant au rôle du juge, le moment de son intervention et la manière dont il appliquera le critère de l’utilité.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cette proposition de réécriture ne nous rassure pas, tant pour ce qui concerne la caution personnelle dans le cadre des prêts bancaires que l’attitude des banques. Vous nous promettez que vous resterez vigilant, Monsieur le ministre, mais nous ne sommes pas convaincus. Les banques, par le passé, ont montré qu’elles pouvaient opposer des résistances. Il conviendrait de sécuriser davantage le dispositif.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. L’amendement vise à proposer une base solide, à partir de laquelle nous pourrons prendre le temps de travailler avant l’examen en séance publique, le 10 janvier prochain.

Certaines de vos propositions sont intéressantes, en particulier celles de M. Mattei. C’est vrai, il est impossible de scinder le patrimoine en cas de transfert de l’entreprise individuelle à une société, surtout s’il y a plusieurs activités, et les patrimoines sont réunifiés en cas de décès ou de cessation d’activité. On peut aussi réfléchir à la façon de mieux protéger un entrepreneur individuel qui serait poussé par sa banque à renoncer à ses avantages. Nous en discuterons ensemble d’ici à la séance.

La première garantie que pourra octroyer l’entrepreneur à un banquier sera fondée sur le patrimoine professionnel, ne l’oublions pas. S’il n’était pas suffisant, le banquier pourrait demander à l’entrepreneur de renoncer à la séparation des deux patrimoines. Cela étant, « renonciation » ne veut pas dire « caution », d’autant plus que la renonciation ne sera pas totale, mais spécifique : elle portera sur une partie du patrimoine personnel, selon l’objet du crédit. Nous devrons prendre garde à ce que les banques ne réclament pas systématiquement une renonciation. Je demanderai en séance publique qu’un rapport nous soit remis à ce sujet. En l’état, il ne faudrait pas qu’à trop encadrer cette renonciation, la mesure produise l’effet inverse et décourage les banques de prêter.

Quant au critère d’utilité, nous n’avons pas retenu le terme « exclusivement » pour inclure les biens mixtes. M. de Courson a cité l’exemple du véhicule qui sert à l’usage personnel comme professionnel : comment le classerions-nous si nous avions retenu le critère de l’utilité exclusive ? Peut-être pourrons-nous rédiger encore plus précisément la loi plutôt que de nous en remettre au décret mais cela nous obligera à voter une nouvelle loi si nous voulons faire évoluer le critère. N’oublions pas que notre objectif est de simplifier !

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Le décret précisera la notion d’utilité. On entend par « biens utiles à l’activité » ceux dont l’entrepreneur individuel est titulaire et qui, par nature ou par destination, servent à son activité. Le juge porte d’ores et déjà une appréciation en la matière, notamment s’agissant des biens mixtes.

Le Gouvernement est favorable à l’amendement, dont l’esprit rejoint celui du projet de loi initial. S’agissant du sous-amendement, nous pensons que la renonciation à la protection doit être simple et sécurisée : c’est l’objet du délai de réflexion de sept jours francs accordé à l’entrepreneur individuel. Il ne faut pas créer une formalité supplémentaire qui prolongerait le délai d’obtention du crédit, alors que l’entrepreneur en a parfois besoin rapidement. Le Gouvernement est donc défavorable au sous-amendement.

M. Michel Zumkeller. Nous sommes d’accord sur les principes, mais il ne faut pas avoir une vision angélique. Le banquier fera le maximum pour obtenir des garanties. Son métier est de prêter : il le fera s’il estime que l’entrepreneur peut rembourser, pas parce qu’on aura introduit de la simplification. Il faut quelques critères : n’en supprimons pas trop, sans quoi le texte ne servira à rien. Le fait de demander au banquier de proposer à l’entrepreneur un autre dispositif de garantie bancaire qui ne porte pas sur ses biens personnels ne nous semblait pas excessif, et favoriserait le développement de sociétés de cautionnement mutuel, très utiles par ailleurs.

M. Charles de Courson. Ce qui me choque, dans l’amendement, c’est que la distinction proposée à l’article 1er ne s’applique pas au droit de gage de l’État et des organismes de protection sociale concernant une partie des impôts et la totalité des cotisations sociales. Ils devraient pourtant donner l’exemple. S’agissant de ces impôts et cotisations, le droit de gage devrait être limité à l’activité professionnelle. L’application de ce droit à l’ensemble des biens peut se comprendre en matière d’impôt sur le revenu, si l’entrepreneur n’a pas opté pour l’IS. Il n’en va pas de même des cotisations sociales afférentes à l’activité professionnelle. Seriez-vous ouverte à un sous-amendement qui limiterait les dettes en question au patrimoine professionnel ?

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Nous y reviendrons à l’article 3 : nous avons conservé la disposition, introduite par le Sénat, qui prévoit que, lorsque l’entrepreneur optera pour l’IS, seul le patrimoine professionnel sera concerné.

Monsieur Zumkeller, il faudra rassurer les entrepreneurs, qui peuvent craindre un manquement des banques. La politique de crédit évoluera nécessairement. Mais votre proposition me paraît quelque peu contre-productive. En effet, comment s’assurer que le banquier aura proposé un autre type de garantie ? S’il ne l’a pas fait, cela ne fournira-t-il pas une excuse à certaines personnes, qui pourraient invoquer un vice de procédure ? La mesure que vous proposez me paraît trop aléatoire. Je vous propose que nous continuions à y travailler en vue de la séance.

M. Michel Zumkeller. Ce sera la même logique avec le délai de sept jours.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Le délai de réflexion sera fixé dans le contrat de prêt.

M. Michel Zumkeller. Ce que nous proposons pourrait aussi être écrit dans le contrat.

La commission rejette le sous-amendement CS132, puis adopte l’amendement CS108.

En conséquence, les amendements CS45 de Mme Albane Gaillot, CS5 de M. Dino Cinieri, CS61 et CS62 de M. Gérard Leseul, CS14 de M. Michel Zumkeller et CS49 de Mme Fiona Lazaar tombent.

La commission adopte ensuite l’article 1er ainsi rédigé.

Après l’article 1er

Amendement CS7 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Cet amendement vise à éviter les faillites en domino grâce à la suppression du privilège des créanciers publics. Cela protégerait en particulier les petits fournisseurs.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Des amendements de cette nature sont régulièrement présentés lors de l’examen des projets de loi de finances, et systématiquement rejetés. Le privilège des créanciers publics constitue certes une dérogation à l’égalité des créanciers, mais il se justifie par un motif d’intérêt général. On ne peut pas dire qu’il aggrave les difficultés des entreprises. Bien au contraire, les autres créanciers, connaissant l’existence de ce privilège, sont plus enclins à accepter des plans de redressement dans l’espoir que l’entreprise s’en sorte et que leur créance soit payée.

La mise en cause du privilège du Trésor est un mauvais procès intenté à l’État. Durant la crise, ce dernier a aidé plus que jamais les entreprises individuelles, grâce à des dispositifs tels que le fonds de solidarité ou le chômage partiel.

Pour ces raisons, je ne m’éloignerai pas de la position constamment réaffirmée par la commission des finances : avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis. La loi Pacte, relative à la croissance et la transformation des entreprises, a permis de progresser sur le volet de la publicité des sommes garanties par le privilège du Trésor. Auparavant, la publicité devait être assurée à partir d’un endettement de 15 000 euros : le seuil a été relevé à 200 000 euros.

M. Michel Zumkeller. J’entends vos arguments, mais on ne peut pas dire que le privilège de l’État n’entraîne jamais de défaillances en cascade. Et le fait que l’État ait agi pendant la crise n’y change rien : le privilège existe aussi en temps normal. Il n’y a pas de solution miracle, mais nous avons une conviction forte en la matière et nous la réaffirmerons autant que de besoin.

M. Charles de Courson. C’est effectivement une proposition très ancienne, à laquelle naturellement le ministre des finances s’oppose toujours formellement. Toutefois, la difficulté est réelle. Le taux moyen de remboursement des créanciers ne disposant pas d’un privilège, de la part d’une entreprise ayant déposé le bilan, est de 5 %. Autrement dit, la grande masse des créanciers ne reçoit rien, ce qui rend le privilège de l’État choquant.

La logique de la réforme voudrait qu’à tout le moins, le recouvrement des créances liées à l’activité professionnelle, telles que les cotisations sociales, soit limité au patrimoine professionnel. Je déposerai un amendement à ce sujet. Si l’entreprise opte pour l’IS, je ne vois pas pourquoi l’IR, qui concerne le patrimoine personnel, serait recouvré sur les biens professionnels. L’État ne tire pas les conséquences de ces principes sur les créances fiscalo-sociales.

M. Dominique Da Silva. Je souhaite que l’on soutienne le plus largement possible les indépendants, mais il faut rappeler qu’entreprendre, ce n’est pas faire preuve d’irresponsabilité. L’existence d’une dérogation au profit des créanciers publics en matière d’impôt et de cotisations sociales me paraît tout à fait juste, car elle répond à des motifs d’intérêt général. On ne peut pas donner l’impression que toutes les dettes sont de la même nature.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS11 de M. Michel Zumkeller.

M. Michel Zumkeller. Lorsque des difficultés surviennent, l’entrepreneur n’a soudain plus accès au directeur de son agence bancaire ou à la personne avec laquelle il avait conclu son prêt par exemple : il est mis en contact avec une plateforme lointaine, un service juridique qui n’a pas du tout la même vision des choses. Nous souhaitons qu’une charte de bonnes pratiques soit signée dès la conclusion des contrats.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. La loi prévoit déjà une médiation et plusieurs chartes, telle celle signée en 2011, lors de la création de l’EIRL, par l’État, les filières et les entrepreneurs. Cela étant, nous avons bien entendu l’inquiétude de ces entrepreneurs lors des auditions. Aussi, je m’engage à ce que nous réfléchissions, d’ici à la séance, aux moyens de mieux impliquer les banques. D’ici là, je vous propose de retirer votre amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS31 de Mme Muriel Roques-Etienne.

Mme Muriel Roques-Etienne. Le projet de loi manifeste la volonté de protéger le patrimoine personnel de l’entrepreneur individuel. Le prêt bancaire et la caution personnelle constituent une forte préoccupation du chef d’entreprise. Les banques ont accepté de signer une charte concernant le prêt garanti par l’État. Je propose, par cet amendement, qu’elles prennent un engagement de même nature en matière d’inclusion bancaire et de prévention du surendettement.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Dans le même esprit, je vous propose de retirer votre amendement que nous pourrions retravailler en vue de la séance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Il est essentiel que les dispositions votées soient effectivement appliquées. J’ai annoncé que nous assurerions un suivi de la loi au moyen d’indicateurs très fins. Je rappelle par ailleurs que les commissions parlementaires disposent aussi de prérogatives pour s’assurer de la concrétisation des dispositions de la loi, six mois après son adoption.

En juillet dernier, à la suite des travaux de l’Observatoire du financement des entreprises, les établissements bancaires ont été encouragés par leur fédération professionnelle à instituer un dispositif de médiation bancaire pour tous leurs clients professionnels d’ici à juillet 2022. On ne peut donc pas dire que les professionnels ne travaillent pas sur cette question.

M. Jean-Paul Mattei. Les relations entre les EIRL et les partenaires bancaires ne sont en effet pas exemptes de difficultés. Les banques ont le monopole du prêt d’argent, qui relève d’une mission de service public. À ce titre, elles assument des obligations. Elles ne sont pas des prêteurs sur gage, elles prêtent en fonction de la capacité de l’emprunteur à rembourser. Nous devrions engager une réflexion sur les garanties demandées : la renonciation, de la part de l’entrepreneur, à la protection de son patrimoine personnel doit être proportionnée au risque pris par la banque. Jusqu’à présent, le gage du créancier portait sur l’ensemble du patrimoine. Dorénavant, il faut parvenir à un équilibre. La séparation des patrimoines introduite par le projet de loi entraînera une discussion entre l’entrepreneur et la banque qui soulèvera beaucoup plus de questions qu’auparavant.

L’amendement est retiré.

Article 1er bis : Cession du bail commercial au bénéficiaire du transfert de patrimoine professionnel

La commission adopte l’article 1er bis non modifié.

Article 1er ter : Transfert des contrats de travail en cas de transfert universel du patrimoine professionnel

Amendement de suppression CS80 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Je vous propose de supprimer cet article, qui est satisfait par le droit actuel. En effet, le transfert du patrimoine professionnel entraînera de fait le transfert des contrats de travail, par application du principe général prévu à l’article L. 1224-1 du code du travail.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er ter est supprimé.

Article 2 : Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures civiles d’exécution

La commission adopte successivement les amendements CS109 et CS110, de coordination, et CS114 et CS115, rédactionnels, de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

La commission adopte ensuite l’article 2 ainsi modifié.

Article 3 : Conséquences du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures de recouvrement des créances fiscales et sociales  Conditions d’opposabilité à l’administration fiscale de l’insaisissabilité de biens immobiliers

Amendement CS107 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas et sous-amendement CS133 de M. Charles de Courson.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Cet amendement propose une rédaction globale de l’article 3, qui porte sur le droit de gage des administrations fiscales et sociales. Le principe est que la séparation des patrimoines s’applique aussi aux créanciers publics que sont l’administration fiscale et les administrations sociales. Le texte initial prévoyait cependant trois exceptions au sujet desquelles le Sénat a exprimé quelques divergences.

Premièrement, « en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée » des obligations fiscales et sociales, le recouvrement des impôts et cotisations pourra être recherché sur l’ensemble du patrimoine, personnel et professionnel, de l’indépendant. C’est une règle parfaitement juste que le Sénat a conservée, en conditionnant toutefois cette mesure à une saisine préalable du juge. Ce formalisme supplémentaire ne se justifie pas, car l’indépendant pourra contester devant le juge l’existence des manœuvres frauduleuses qui seront retenues contre lui. Je vous propose donc d’en revenir sur ce point au texte initial.

Deuxièmement, dans le texte du Gouvernement, la taxe foncière pouvait être recouvrée sur l’ensemble des patrimoines de l’indépendant. Le Sénat a écarté cette règle pour la taxe foncière du local professionnel. Je vous propose, là encore, d’en revenir au texte du Gouvernement : en effet, la taxe foncière ne peut être considérée seulement comme une créance professionnelle, puisqu’elle résulte de la propriété d’un bien. Il paraît donc logique de permettre son recouvrement aussi sur le patrimoine personnel.

La troisième exception concerne l’impôt sur le revenu. Il est logique de permettre le recouvrement sur les deux patrimoines puisque l’impôt provient de l’activité professionnelle mais est dû à titre personnel. En revanche, je vous propose de conserver un apport du Sénat, qui a introduit une exception dans l’exception : il s’agit du cas où l’entrepreneur individuel opte pour l’impôt sur les sociétés. Dans cette hypothèse et uniquement dans celle-ci, il est cohérent de circonscrire le recouvrement de l’impôt sur le revenu du foyer fiscal au seul patrimoine personnel.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Avis favorable.

M. Charles de Courson. Je suis d’accord avec la rapporteure sur ce dernier point : si l’entrepreneur a opté pour l’IS, il est logique de considérer que la créance d’impôt sur le revenu ne pourra être recouvrée que sur les biens personnels. En revanche, si la taxe foncière est afférente à un bien utile à l’exploitation, je ne vois vraiment pas pourquoi elle serait recouvrée sur le patrimoine personnel. Pour ce qui est des cotisations sociales, je ne suis pas sûr d’avoir bien compris : êtes-vous favorable à ce qu’elles soient recouvrées également sur les biens personnels ? Elles peuvent être liées à l’exercice professionnel comme à l’activité personnelle, et la personne peut exercer en parallèle une activité salariée par exemple. Enfin, vous n’avez rien dit de la TVA : à quel régime sera-t-elle soumise ?

Mme Véronique Louwagie. Le Sénat a estimé que, en cas de manœuvres frauduleuses ou à la suite de l’inobservation grave et répétée des obligations fiscales et sociales, le juge devait être saisi préalablement au recouvrement sur le patrimoine personnel. De fait, l’appréciation de l’inobservation grave et répétée présente un caractère éminemment subjectif : n’est-il pas raisonnable de permettre au juge d’évaluer cette situation, face à laquelle nous manquons de recul et de précisions ?

Par ailleurs, je ne partage absolument pas votre point de vue sur la taxe foncière. Un exploitant individuel peut conserver un immeuble dans son patrimoine personnel ou l’inscrire à l’actif du bilan, ce qui fait de la taxe foncière, selon le cas, une charge personnelle ou professionnelle. Or, vous ne tenez pas compte de cette distinction.

M. Jean-Paul Mattei. Je m’interroge sur les différences de statut liées au choix du régime fiscal. Le texte assure à l’entrepreneur une bien meilleure protection s’il fait le choix de l’IS plutôt que de l’IR, ce qui me paraît gênant. Quant à la taxe foncière de l’EIRL, elle est liée à l’activité, elle ne doit pas être assimilée à l’impôt sur le revenu. Par ailleurs, les règles qui régiront la cession ou la transmission d’une EIRL ne seront pas les mêmes selon qu’elle sera imposée à l’IS ou à l’IR. Nous devons engager une réflexion sur le statut fiscal de ces structures.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Monsieur de Courson, selon l’article 1er dans la rédaction que nous venons d’adopter, « les dettes dont l’entrepreneur individuel est redevable auprès des organismes de recouvrement des cotisations et contributions sociales sont nées à l’occasion de son exercice professionnel. ». Elles restent donc attachées au patrimoine professionnel, sans aucune ambiguïté.

Il en va de même de la TVA, qui concerne également l’activité professionnelle et, à ce titre, se rattache au patrimoine professionnel.

S’agissant de l’intervention du juge, le projet de loi ne change rien à la situation actuelle. Lorsque l’administration fiscale estime être en présence de manœuvres frauduleuses, elle inflige d’elle-même des pénalités. Il n’y a aucune raison d’alourdir la procédure et d’aller devant le juge.

J’entends que le recouvrement de la taxe foncière puisse nourrir un débat. Cela étant, aucun amendement n’a été déposé sur cette question, ni aucun sous-amendement à mon propre amendement, déposé de longue date. S’agissant d’une entreprise individuelle et non d’une société, le bien immobilier appartient bien à titre personnel à l’entrepreneur, même si c’est un local professionnel. Mais il vous est loisible de déposer un amendement pour la séance.

Mme Véronique Louwagie. Madame la rapporteure, vos orientations concernant la taxe foncière ne sont absolument pas satisfaisantes. Aujourd’hui, l’entrepreneur individuel a la possibilité d’inscrire son immeuble à l’actif du bilan ou alors de le garder dans son patrimoine personnel. Ce choix influe sur la nature de la taxe foncière, qui est soit une charge professionnelle, soit une dépense personnelle.

S’agissant des cotisations sociales, imaginez un chef d’entreprise, travailleur non salarié et gérant de trois sociétés, qui ont des comptabilités distinctes et lui accordent des revenus différents. Il paie lui-même ses cotisations sociales, lesquelles sont appelées au nom de la personne physique dirigeant l’entreprise. Si des difficultés frappent l’une des sociétés, dans quelle structure allez-vous considérer que les cotisations sociales sont professionnelles ?

M. Charles de Courson. Madame la rapporteure, si l’entreprise a opté pour l’IS et que l’immeuble est utile à l’exploitation, la taxe foncière afférente à ce bien doit pouvoir être imputée exclusivement sur l’activité professionnelle.

Il est un autre cas de figure qui n’a pas été envisagé : l’entrepreneur individuel peut-il louer à son entreprise un bien qu’il garde dans son patrimoine personnel ? Dans cette hypothèse, la quasi-totalité des contrats prévoient que la taxe foncière est répercutée sur l’entreprise : elle s’analyse comme un complément de loyer. Cela montre bien que votre position est intenable.

Dans le cas où l’entreprise n’a pas opté pour l’IS, en revanche, il ne me semble pas incohérent que l’on puisse recouvrer les dettes d’impôt sur le revenu sur le patrimoine personnel.

Concernant les charges sociales, enfin, une difficulté se pose en cas de multiactivités.

M. Jean-Paul Mattei. On ne peut conclure un bail avec soi-même, même s’il est vrai que, fiscalement, on admet dans certains cas la déductibilité d’un loyer que l’on s’est versé à soi-même. Nous devons nous concentrer sur l’aspect juridique et faire preuve de prudence, par exemple pour le gage des créanciers privilégiés comme le Trésor. En effet, tout n’est pas si simple : dans plusieurs décisions, la Cour de cassation a quelque peu limité ce droit et estimé qu’il revenait au juge d’apprécier.

Madame Louwagie a raison sur une autre complexité fiscale, s’agissant des immeubles : c’est le bilan d’ouverture qui permet de savoir si l’immeuble est comptabilisé dans les immobilisations. Il est également possible d’amortir l’immeuble à l’IR, c’est une question d’affectation. Juridiquement, la personne physique détient la propriété du bien, mais fiscalement, il est affecté.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Le bien immobilier appartient à une personne physique. Il peut être inscrit à l’actif de son entreprise d’un point de vue comptable et fiscal, mais ce que nous disons, c’est que cela n’a pas d’incidence sur le droit de gage – bref, que l’immeuble demeure la propriété de la personne physique.

S’agissant des cotisations sociales, je vous propose que nous en rediscutions d’ici à la séance, Madame Louwagie. Lorsqu’on gère plusieurs structures, peut-on toujours parler d’une entreprise individuelle ? La question se pose.

M. Charles de Courson. Mon sous-amendement avait pour objet de nourrir le débat. Je le retire pour le peaufiner.

Je l’ai dit, il ne me semble pas incohérent de considérer que l’impôt sur le revenu puisse être recouvré sur les deux patrimoines. Quant à la TVA, il ne semble pas y avoir de problème. En revanche, je pense que vous ne pourrez pas tenir vos positions en matière de taxe foncière, et que les cotisations sociales doivent être affectées au seul patrimoine professionnel. Je redéposerai des amendements sur ces deux sujets.

Le sous-amendement CS133 est retiré, puis la commission adopte l’amendement CS107.

En conséquence, les amendements CS88 de M. Sébastien Cazenove et CS101 de M. Damien Adam tombent.

La commission adopte ensuite l’article 3 ainsi rédigé.

Article 3 bis : Levée de l’interdiction d’émettre des chèques en cas d’accord amiable constaté par le président du tribunal de commerce

Amendement de suppression CS84 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Cet article, introduit par le Sénat, autorise une levée plus précoce de l’interdiction d’émettre des chèques en cas de conciliation entre le débiteur et ses créanciers. En l’état du droit, la levée de l’interdiction d’émettre des chèques est prononcée en cas d’homologation de l’accord par le tribunal de commerce. Le Sénat propose une levée dès que l’accord est simplement « constaté » par le président du tribunal, c’est-à-dire bien avant l’homologation.

Je propose de supprimer cet article : il est important d’attendre l’homologation de l’accord, car elle a justement pour objet de vérifier qu’aucun créancier n’est lésé. Par ailleurs, l’interdiction d’émettre des chèques ne signifie pas que le chef d’entreprise est interdit de compte bancaire, puisqu’il continue d’avoir accès à d’autres moyens de paiement.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 bis est supprimé.

Article 4 : Conséquences de la création du nouveau statut de l’entrepreneur individuel sur les procédures collectives et de surendettement des particuliers

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Section 2 : De la mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Article 5 : Mise en extinction du statut de l’entreprise individuelle à responsabilité limitée

Amendement CS113 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. À la suite des modifications apportées par le Sénat, l’amendement vise à optimiser la mise en extinction du régime de l’EIRL, sans compromettre l’activité des EIRL existantes. Il rétablit des dispositions de la version initiale du projet de loi, tout en proposant une rédaction de compromis à partir du texte des sénateurs.

Dans la mesure où la rédaction adoptée par le Sénat indique expressément que « les personnes physiques exerçant leur activité sous le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée à la date d’entrée en vigueur de la présente loi demeurent régies par la section 2 du chapitre VI du titre II du livre V du code de commerce. », le titre de la section consacrée au régime de l’EIRL ne doit pas être complété de la mention « en extinction ». Cet ajout serait source de confusion et pourrait compromettre l’activité des EIRL existantes en faisant douter de leur pérennité.

Pour que la mise en extinction du régime de l’EIRL soit effective, il faut que le nombre d’EIRL n’augmente plus. L’amendement rétablit les dispositions du deuxième alinéa de l’article L. 526-8 du code de commerce, que le Sénat avait supprimées, rendant impossible d’opter pour le régime de l’EIRL au moment de la création d’une entreprise individuelle.

La rédaction du II de l’article L. 526-17 du code de commerce adoptée par le Sénat permet de ne pas augmenter le nombre d’EIRL, sans pour autant compromettre le droit des EIRL en activité de disposer de leurs biens. Ce droit découle de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété, de valeur constitutionnelle.

Si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est un entrepreneur individuel, autrement dit une personne physique qui exerce déjà une activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation n’est pas maintenue – car le bénéficiaire ne peut plus opter pour le régime de l’EIRL. Le projet de loi abroge en effet l’article L. 526-5-1 du code de commerce, ce qui signifie notamment, selon la rédaction du II de l’article 5 issue du Sénat, « [qu’] à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, nul ne peut affecter à son activité professionnelle un patrimoine séparé de son patrimoine personnel en application de l’article L. 526-6 du code de commerce. »

En revanche, si le bénéficiaire de la cession du patrimoine affecté est une personne physique qui n’exerce pas d’activité professionnelle indépendante en nom propre, l’affectation est maintenue, car le bénéficiaire devient alors entrepreneur individuel sous le régime de l’EIRL à la place du cédant. Cela n’augmente pas le nombre de patrimoines affectés en EIRL. Il en est de même en cas de cession au profit d’une autre EIRL.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Avis favorable. Cet amendement permet de concilier la mise en extinction du statut de l’EIRL et la préservation des droits des entrepreneurs individuels qui avaient opté pour ce régime.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte ensuite l’article 5 ainsi modifié.

Après l’article 5

Amendement CS30 de Mme Muriel Roques-Etienne.

Mme Muriel Roques-Etienne. Il s’agit encore d’une question qui taraude les travailleurs indépendants, dirigeants de sociétés et mandataires sociaux : celle de leurs relations avec les URSSAF. De gros efforts ont été réalisés pour améliorer les relations avec la direction générale des finances publiques : il faut faire de même s’agissant des URSSAF. Même si la majorité y a déjà travaillé, il reste des progrès à accomplir. L’amendement propose donc que, dans un délai de douze mois, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les relations entre les URSSAF et leurs usagers, portant notamment sur l’accompagnement des entrepreneurs indépendants.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Je comprends cet amendement, mais nous disposons déjà de rapports sur ce sujet, comme le rapport d’information de la commission des Affaires sociales sur l’application de la loi de financement de la sécurité sociale. Nous pouvons aussi mettre à profit le Printemps social de l’évaluation pour approfondir la réflexion.

Le champ du rapport que vous demandez serait trop large par rapport au but recherché. Il concernerait 4 millions d’indépendants, qui versent leurs cotisations sociales à ces opérateurs essentiels pour la protection sociale que sont les URSSAF. Il vaut mieux traiter les choses au cas par cas, département par département, avec les URSSAF et les acteurs concernés. Les URSSAF ont déjà fait énormément de progrès par rapport au passé. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Des éléments complémentaires figureront dans le bilan de la convention d’objectifs et de gestion de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, qui sera réalisé l’an prochain. L’amendement est satisfait : donc, demande de retrait.

M. Michel Zumkeller. Valérie Six et moi-même soutenons cet amendement, précisément parce que beaucoup de personnes sont concernées par les relations avec les URSSAF : un rapport permettra d’identifier les bonnes et les mauvaises pratiques. Des difficultés incontestables persistent dans de nombreux endroits.

Mme Véronique Louwagie. Les relations entre les usagers et les URSSAF se sont en effet améliorées, mais il reste encore un certain nombre de difficultés, dont certaines dues à la crise sanitaire. Celle-ci a entraîné diverses mesures de report, suspension ou rééchelonnement des échéances devant lesquelles certains entrepreneurs sont un peu perdus. Tous n’ont pas forcément accès à la plateforme des URSSAF ou n’ont pas le réflexe de la consulter. Il serait donc intéressant de dresser un état des lieux, compte tenu de la période particulière que nous vivons.

Mme Cendra Motin. Nous avons déjà commencé à faire évoluer la culture des administrations, notamment des administrations centrales, avec la loi pour un État au service d’une société de confiance. Elle a commencé à se concrétiser, même si on trouvera toujours des cas où les choses ne se passent pas très bien.

En tant que rapporteure pour avis de la commission des Finances sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, j’ai abordé le sujet de la sécurité sociale des travailleurs indépendants et celui des relations entre les URSSAF et les gérants majoritaires. Il reste bien entendu beaucoup de choses à faire, à commencer par le nouveau mode de traitement personnalisé des dossiers que sont en train de lancer les URSSAF, en affectant un interlocuteur à chaque chef d’entreprise.

Les informations sont déjà disponibles dans les rapports pour avis de la commission des Finances et dans ceux du rapporteur général de la commission des Affaires sociales, notre collègue Thomas Mesnier.

Mme Muriel Roques-Etienne. J’ai bien mentionné que des progrès avaient été réalisés. Je demande simplement un rapport, en me faisant l’écho d’un ressenti sur le terrain, sur une situation qui justement a évolué.

La commission rejette l’amendement.

Section 3 : Des dispositions applicables aux professions libérales réglementées

Article 6 (supprimé) : Dispositions relatives aux professions libérales réglementées

La commission maintient la suppression de l’article 6.

Après l’article 6

Amendement CS50 de Mme Fiona Lazaar.

Mme Fiona Lazaar. Cet amendement demande au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur le statut d’auto-entrepreneur, et notamment sur l’opportunité d’engager une harmonisation de ce statut avec celui d’entrepreneur individuel.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Il n’existe pas, à proprement parler, de statut pour les micro-entrepreneurs. Par ailleurs, ces derniers entrent bel et bien dans le champ du projet de loi. Je vous propose d’en discuter ensemble d’ici à la séance, afin de mieux comprendre ce que vous souhaitez. Demande de retrait.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Demande de retrait également : l’harmonisation est déjà une réalité, grâce à un certain nombre de mesures de simplification des formalités de création d’activité et en matière d’imposition.

Mme Anne-Laure Blin. Madame la présidente, vous avez brièvement évoqué dans votre propos liminaire un amendement déposé par notre collègue Michel Vialay et des membres du groupe LR. Nous nous étonnons que vous ayez considéré certains amendements comme irrecevables au motif qu’ils n’avaient pas de lien direct avec le texte. Le projet de loi porte sur le statut des indépendants en général. Or l’amendement en question concernait précisément le statut d’une des catégories des indépendants, à savoir les vendeurs à domicile. Votre appréciation souligne les problèmes de contrôle de la recevabilité des amendements que connaît notre système, qui est à bout de souffle, comme le relève la présidente de la commission des Lois, notre collègue Yaël Braun-Pivet, dans son rapport intitulé Plaidoyer pour un Parlement renforcé.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour dire combien il est dommage que la question du statut des vendeurs à domicile indépendants ne soit pas traitée dans ce texte.

Mme la présidente Annaïg Le Meur. J’ai effectivement considéré que cet amendement était irrecevable, comme n’entretenant pas de lien direct ou indirect avec le contenu des articles du projet de loi initial. C’est mon choix et je l’assume. Le contrôle de la recevabilité s’exerce avec le souci de respecter au mieux la jurisprudence du Conseil constitutionnel, dans le prolongement de sa décision 2019-794 DC du 20 décembre 2019 sur la loi d'orientation des mobilités. Mais je prends note de votre remarque.

M. Charles de Courson. Un auto-entrepreneur est, par définition, un entrepreneur individuel, qui a juste un statut fiscal particulier. Je ne vois pas très bien ce qu’il y a à harmoniser.

L’amendement est retiré.

Chapitre II – De l’artisanat

Article 7 : De l’artisanat

M. Bruno Fuchs. L’article 7 habilite le Gouvernement à réécrire, par voie d’ordonnance, les dispositions législatives du code de l’artisanat afin d’en clarifier la rédaction et le plan. C’est pertinent. Je souligne simplement que certaines situations devront être appréciées au regard du droit local d’Alsace et de Moselle.

Ce n’est pas anecdotique, car 52 % des artisans de la région Grand Est ont leur siège social en Moselle ou en Alsace. Le seuil de dix salariés du droit général n’est pas applicable en droit local, où l’on peut continuer d’être une entreprise artisanale avec quinze ou vingt salariés. La taxe pour frais de chambre consulaire, perçue au niveau national en droit général, l’est en Alsace et en Moselle par les chambres locales, qui en déterminent le montant.

Nous serons très vigilants s’agissant de la prise en compte du droit local, qui a été réaffirmé comme un principe intangible par la loi Pacte, puisque l’alinéa 4 de l’article envisage des adaptations pour les départements de la Moselle, du Haut-Rhin et du Bas-Rhin ainsi que de Mayotte.

M. Philippe Huppé. J’espère que ces ordonnances permettront de glisser les réformes nécessaires aux métiers d’art dans le code de l’artisanat, afin de régler quelques problèmes concernant le statut de ceux qui les exercent.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Je tiens à rassurer M. Fuchs : il s’agit d’une réécriture à droit constant.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Je sais que les chambres de métiers et de l’artisanat (CMA) ont quelques inquiétudes au sujet de la liste des 250 métiers de l’artisanat. Je tiens à rassurer également sur ce point : elle ne sera pas non plus modifiée.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS117, CS118 et CS119 de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas.

La commission adopte ensuite l’article 7 ainsi modifié.

Après l’article 7

Amendements identiques CS8 de Mme Valérie Six et CS28 de M. Sylvain Maillard, et amendements identiques CS9 de M. Charles de Courson et CS99 de M. Mohamed Laqhila (discussion commune).

Mme Valérie Six. L’amendement CS8 propose de corriger un oubli.

L’article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a pour objet de limiter à une durée de cinq ans l’adoption du statut de conjoint collaborateur, affirmant son caractère transitoire ; il s’agit de limiter l’éventuelle situation de dépendance économique du conjoint à l’égard du chef d’entreprise et de lui permettre de bénéficier de davantage de droits sociaux au cours de sa vie professionnelle.

Toutefois, la rédaction retenue pour cette disposition aurait pour effet de réduire un droit des conjoints de chef d’entreprise, qui sont souvent des femmes. En effet, le statut de conjoint collaborateur, comme celui de conjoint associé, permet d’être électeur et éligible aux élections consulaires, droit qui n’est actuellement pas attribué aux conjoints salariés.

L’amendement permettrait précisément au conjoint salarié d’être électeur et éligible aux élections des CMA et des chambres de commerce et d’industrie (CCI).

M. Sylvain Maillard. Cet amendement vise effectivement à étendre au conjoint salarié le droit propre au conjoint collaborateur d’être électeur et éligible aux élections des CMA, sous réserve d’être immatriculé ou mentionné, selon les cas, au répertoire des métiers.

M. Charles de Courson. Nous n’avions pas vu ce problème posé par l’article 14 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui limite le statut de conjoint collaborateur à cinq ans : cela va priver ces conjoints, hommes et femmes, de leur droit de vote aux élections consulaires. Il faut maintenir ce droit civique.

M. Mohamed Laqhila. Pour corriger l’anomalie qui résulte de la limitation dans le temps du statut de conjoint collaborateur, il faut permettre aux conjoints de chefs d’entreprise d’être électeurs et éligibles aux élections consulaires.

Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas, rapporteure. Si nous avons donné dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale un caractère transitoire au statut de conjoint collaborateur, c’est parce qu’il ne confère pas suffisamment de droits. Au bout du délai de cinq ans, le conjoint deviendra soit un associé, soit un salarié.

Si l’on permet au conjoint devenu salarié de voter et d’être éligible lors des élections consulaires, qui sont réservées aux commerçants, artisans, chefs d’entreprise et conjoints collaborateurs, on ouvre une brèche pour d’autres revendications. Pourquoi donner un droit à un salarié au motif qu’il est aussi un conjoint ?

J’ai conscience que le but de ces amendements est de favoriser la parité et je le partage. Mais il existe probablement d’autres moyens pour obliger les chambres consulaires à la respecter.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. La rapporteure a eu raison de rappeler la genèse de la mesure figurant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. C’est l’inscription du conjoint collaborateur au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers qui emporte présomption de mandat pour accomplir un certain nombre d’actes au nom du chef d’entreprise : c’est à ce titre qu’il dispose d’un droit de vote et d’éligibilité. Tel n’est pas le cas pour le conjoint salarié. Cette distinction n’est pas neutre. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Valérie Six. Les chefs d’entreprise salariés sont éligibles de droit. Si je comprends votre raisonnement, c’est en raison de leur qualité de chef d’entreprise, et non de salarié ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Tout à fait.

Les amendements sont retirés.

Article 7 bis : Qualification professionnelle des personnes exerçant l’activité de toilettage des chiens, chats et autres animaux de compagnie

La commission adopte l’article 7 bis non modifié.

Chapitre III – De la création d’un environnement juridique plus protecteur

Section 1 : Des dettes professionnelles dont sont redevables certains débiteurs ne relevant pas des procédures instituées par le livre VI du code de commerce

Article 8 : Prise en compte des dettes professionnelles pour l’appréciation de la situation du débiteur à l’ouverture d’une procédure de surendettement

La commission adopte l’article 8 non modifié.

Après l’article 8

Amendement CS82 de M. Philippe Chalumeau.

M. Philippe Chalumeau. Cet amendement propose d’élargir le recours à une administration provisoire non judiciaire à l’ensemble des professions organisées en ordre professionnel, dont notamment les architectes, avocats, chirurgiens-dentistes, géomètres-experts, infirmiers libéraux, médecins, pédicures-podologues, sages-femmes et vétérinaires. L’objectif de cette mesure est d’assurer la continuité des missions pour éviter une perte importante de chiffre d’affaires et de clientèle ou patientèle, tout en sécurisant les emplois de ces entreprises.

Les professionnels pouvant faire l’objet d’une administration provisoire sont l’expert-comptable exerçant à titre individuel et l’expert-comptable unique d’une société d’expertise comptable. Lors d’un décès, cette administration provisoire peut être mise en place à la demande des ayants droit ou des héritiers, ou sur proposition du conseil régional de l’Ordre ; dans une situation d’incapacité, elle l’est en accord avec l’expert-comptable ou sur proposition du conseil régional de l’Ordre.

L’administrateur doit exercer sa mission de manière raisonnable, appliquer les dispositions du code de déontologie et tenir informé le président du conseil régional de l’Ordre de toute difficulté qui pourrait survenir au cours de sa mission. Ses missions sont définies dans la convention d’administration provisoire signée, selon les cas, avec la succession, le confrère ou le conseil régional de l’Ordre. Comme le rappelle l’article 166 du décret du 30 mars 2012, « le respect de la clientèle de l’expert-comptable par celui de ses confrères appelés à le remplacer est un devoir impérieux. »

La mission prend fin à la suite de la démission de l’administrateur provisoire, à la fin de la mission décidée par le président du conseil régional de l’Ordre, ou avec la nomination d’un expert-comptable autre que l’administrateur provisoire aux fonctions de représentant légal, lorsque l’administré est ou était représentant légal d’une structure.

L’amendement propose donc d’élargir le recours à l’administration provisoire non judiciaire à une liste de professionnels organisés en ordre professionnel. C’est une mesure de sécurisation qui pourrait aussi être envisagée pour d’autres professions.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. L’idée est bonne, mais je demande le retrait de l’amendement pour l’instant. Tout d’abord, il convient de le retravailler d’ici à la séance, car un certain nombre de professions qui ne sont pas organisées autour d’un ordre national pourraient être concernées. Cela mérite donc réflexion. Ensuite, il faut analyser comment les autres mécanismes de protection qui existent s’articuleraient avec ce droit nouveau. Enfin, une consultation des ordres concernés s’impose pour s’assurer de la solidité du dispositif.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis. On voit bien l’intérêt d’une telle mesure, mais il faut y travailler avec les organisations professionnelles concernées.

M. Philippe Chalumeau. Très bien. Ce droit nouveau très intéressant pourrait concerner de nombreuses professions. Les indépendants de mon territoire y sont très favorables. Nous retravaillerons l’amendement pour la séance.

L’amendement est retiré.

Section 2 : De la sécurisation des parcours et des transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Article 9 : Sécurisation des parcours et transitions professionnelles des travailleurs indépendants

Amendements identiques CS75 de M. Jean-Noël Barrot, CS63 de M. Gérard Leseul et CS93 de M. Dominique Da Silva.

M. Gérard Leseul. Il s’agit de revenir sur la suppression par le Sénat de l’allocation des travailleurs indépendants (ATI) à compter du 31 octobre 2024.

Si nous sommes d’accord sur le constat d’échec de l’ATI, nous ne partageons pas la méthode du Sénat. Il n’est pas garanti qu’un nouveau filet de sécurité sociale puisse être créé au 1er novembre 2024 pour aider les travailleurs indépendants dans leur reconversion.

En complément, nous demandons dans un autre amendement un rapport du Gouvernement pour étudier la création d’une assurance chômage universelle protégeant les travailleurs indépendants.

M. Dominique Da Silva. L’alinéa 4 prévoit effectivement une date d’échéance pour l’ATI. Ce dispositif n’étant ni expérimental ni transitoire, il convient de supprimer cette échéance.

S’agissant de l’alinéa 5, il est plus pertinent de remplacer l’obligation de concertation avec les partenaires sociaux – qui, au demeurant, sont plutôt hostiles à l’ATI – par la remise au Parlement, au plus tard le 31 décembre 2024, d’un rapport du Gouvernement évaluant ce dispositif, cinq ans après sa création. Ce rapport comprendra en particulier un état des lieux de la situation des travailleurs des plateformes, ce qui constitue un sujet important.

La commission adopte les amendements.

Amendement CS51 de Mme Fiona Lazaar.

Mme Fiona Lazaar. La mise en œuvre de l’ATI depuis le 1er novembre 2019 a permis d’accompagner les entrepreneurs en difficulté avec une allocation de perte d’emploi. Le présent projet de loi prévoit d’en étendre le bénéfice à une nouvelle situation : celle où l’entreprise n’est pas viable. Il s’agit d’une avancée pour l’ensemble des entrepreneurs.

Toutefois, le rapport d’information de la commission des Affaires sociales sur l’ATI dans le contexte de la crise de la covid-19, ainsi que l’avis du Conseil d’État, soulignent que cette allocation n’est pas encore accessible aux gérants majoritaires de société, associés uniques d’entreprise unipersonnelle ou encore associés de société en nom collectif (SNC).

L’amendement reprend une recommandation de l’avis du Conseil d’État afin d’ouvrir l’ATI à tous les travailleurs indépendants relevant de l’article L. 5424-24 du code du travail, quel que soit leur secteur d’activité.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Le Conseil d’État aborde cette question dans l’alinéa 18 de son avis. L’amendement est satisfait, puisque l’ATI est ouverte à tous les travailleurs indépendants, quel que soit le secteur d’activité.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Il n’y a effectivement aucune ambiguïté : le dispositif de l’ATI est ouvert à tous les travailleurs indépendants.

Dans le détail, cela concerne les travailleurs non-salariés, comme les gérants majoritaires de société à responsabilité limitée (SARL), les gérants associés uniques d’entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée (EURL) et les associés d’une SNC. Cela concerne aussi les personnes assimilées salariées, comme les gérants minoritaires ou égalitaires de SARL, les présidents et dirigeants de société par actions simplifiées (SAS) ainsi que les mandataires sociaux de sociétés anonymes et de SAS. Bref, je le dis urbi et orbi : tous les travailleurs indépendants.

Nous allons donc nous employer, notamment avec Pôle emploi mais aussi avec toutes les structures qui le souhaiteront, à diffuser une très bonne information sur ce sujet, afin qu’il n’y ait pas d’autocensure dans les demandes des éventuels intéressés. Demande de retrait de l’amendement.

M. Dominique Da Silva. Merci pour ces précisions : les experts-comptables qui ont été auditionnés n’avaient eux-mêmes pas relevé que les gérants majoritaires de SARL étaient concernés par le dispositif de l’ATI…

Il est vrai que les listes de bénéficiaires diffusées sous forme de tableaux par Pôle emploi ne sont pas très claires s’agissant des dirigeants de société, et sont source de confusion. Il aurait mieux valu partir du principe que tous les travailleurs non-salariés sont éligibles au dispositif, quitte à faire ensuite apparaître des exceptions.

Mme Fiona Lazaar. Je souhaiterais que l’on s’assure d’ici à la séance qu’il n’y a vraiment aucune exclusion de l’ATI. En attendant, je retire mon amendement.

L’amendement est retiré.

Amendement CS64 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il s’agit de supprimer la période incompressible de cinq ans qui existe entre la cessation du bénéfice de l’ATI et la restauration de ce bénéfice. Ce délai est injustifié, car un travailleur indépendant peut avoir de nouveau besoin de l’allocation plus vite. De manière plus générale, il accroît l’inégalité d’accès à une véritable assurance chômage que subissent les travailleurs indépendants. Il convient donc de le supprimer.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Ouvrir encore davantage l’accès à l’ATI va un peu trop loin. Surtout, cela pourrait entraîner des abus. Avis défavorable.

Je profite de cette occasion pour indiquer que, même si le travail n’a pas pu aboutir au stade de l’examen en commission, il faudra se pencher en séance sur la manière d’empêcher que le dispositif soit détourné. Il faut en particulier veiller à ce que le montant de l’allocation ne dépasse pas celui des revenus du travail qu’il remplace.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CS121 de M. Jean-Noël Barrot.

Amendements CS111 de M. Jean-Noël Barrot, CS106 de M. Dominique Da Silva, CS65 de M. Gérard Leseul et CS15 de Mme Valérie Six (discussion commune).

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Pour rappeler le contexte, nous avons tout à l’heure supprimé deux alinéas introduits par le Sénat : l’un qui mettait fin au dispositif de l’ATI, l’autre qui faisait de l’organisation d’une concertation des partenaires sociaux la condition de sa reconduction. Ces amendements tendent à substituer à cette concertation la remise d’un rapport d’évaluation du dispositif mis en place en 2019.

Il est toujours bon d’évaluer un dispositif. On a vu que les critères retenus pour l’ATI étaient initialement trop restrictifs. Nous les assouplissons quelques années plus tard, et il faudra dresser le bilan de cette dernière mesure.

M. Dominique Da Silva. Mon amendement demande un rapport effectuant un bilan de l’ATI cinq ans après sa création. Ce sera très utile, s’agissant d’un public que l’on connaît mal, pour affiner les critères d’éligibilité à un dispositif d’accompagnement en cas de cessation d’activité et donc de perte d’emploi. Il faudra se pencher en particulier sur le cas des travailleurs des plateformes, dont les activités et les revenus sont très disparates.

M. Gérard Leseul. J’appuie l’amendement qui vient d’être défendu. En cas de difficultés économiques, les indépendants ont pour seul droit le bénéfice de l’ATI. Mais ils sont très peu nombreux à y recourir et le nombre des bénéficiaires est bien en deçà des objectifs du candidat Macron en 2017. Nous sommes loin de l’assurance chômage universelle qui nous était alors promise : je propose qu’un rapport étudie l’opportunité et la faisabilité d’un tel dispositif.

Mme Valérie Six. Mon amendement pourrait venir compléter celui de M. Da Silva, puisque nous souhaitons qu’un rapport analyse la possibilité d’étendre les dispositifs d’assurance des indépendants contre la perte d’emploi. Ils sont très peu utilisés, et souvent par les personnes les plus à risques. Pourtant, si le nombre d’adhérents augmentait, les cotisations seraient moins élevées et ces assurances seraient plus attractives.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Nous avons regroupé les propositions de M. Da Silva et de M. Leseul dans l’amendement CS111. Je proposerai une nouvelle rédaction d’ici la séance pour intégrer l’analyse des dispositifs d’assurance privée. Je vous propose donc de retirer vos amendements.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Avis très favorable à l’amendement CS111.

M. Charles de Courson. Environ mille personnes ont bénéficié de l’ATI, soit trois-cents fois moins que prévu. Il faut dire que les critères d’éligibilité sont extraordinairement restrictifs, à commencer par celui de l’existence d’une procédure judiciaire : beaucoup de gens ferment la boutique sans règlement ni liquidation ! Ce critère très discriminant est-il maintenu dans le texte ?

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. L’ATI sera désormais ouverte en cas de cessation d’activité sans qu’il soit nécessaire d’être entré en procédure collective : c’est, avec l’aménagement d’autres critères d’éligibilité, la nouveauté majeure du texte.

M. Charles de Courson. Quel serait alors le nombre de bénéficiaires ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Nous l’estimons à 25 000 par an.

M. Charles de Courson. Comme l’ATI est versée pendant six mois, cela fera un stock de 12 000. Dans ce cas, pourquoi ne pas rendre tout simplement les indépendants éligibles au RSA ? Il ne semble pas que ce soit le cas.

M. Dominique Da Silva. L’ATI est bien une allocation de solidarité, censée permettre aux chefs d’entreprise de rebondir. Elle ne peut excéder six mois et son plafond correspond à celui du RSA. Elle ne peut donc être comparée à une assurance chômage ou à une assurance privée.

Par ailleurs, il faut prendre garde au critère du revenu d’activité, car nombreux sont les chefs d’entreprise qui, avant une cessation définitive d’activité ou une liquidation amiable, arrêtent de se rémunérer pour payer leurs fournisseurs et finir proprement. Ceux-là sont donc exclus de l’ATI. Nous avons constaté que 74 % des refus d’éligibilité sont fondés sur le non-respect de la condition de revenu ; si celle-ci n’est pas assouplie, nous pourrions rater la cible des 25 000 bénéficiaires.

M. Michel Zumkeller. Nous ne faisons pas l’amalgame entre l’ATI et une assurance contre la perte d’emploi : l’une ne remplace pas l’autre. Mais, tant qu’à faire, le rapport doit analyser aussi cette possibilité.

La commission adopte l’amendement CS111.

En conséquence, les amendements suivants tombent.

La commission adopte ensuite l’article 9 ainsi modifié.

Après l’article 9

Amendement CS46 de M. Philippe Chalumeau.

M. Philippe Chalumeau. L’ATI est une avancée majeure dans la protection sociale des travailleurs indépendants, mais elle n’a que deux ans d’âge et ne fait pas l’objet d’une information suffisante, ce que souligne le rapport de M. Dominique Da Silva. Les travailleurs indépendants sont eux aussi concernés par le non-recours aux droits sociaux. Pour une meilleure connaissance de l’ATI, nous proposons d’impliquer l’écosystème dans la diffusion de l’information, tout au long du parcours, de la création à la cessation d’activité : Pôle emploi, les experts-comptables, les CCI, les CMA, les centres de formalités des entreprises et le guichet unique électronique pour la réalisation des formalités des entreprises, créé par la loi Pacte, seront tenus d’informer les travailleurs indépendants des modalités de recours à l’ATI.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Permettez-moi d’évoquer dès maintenant l’article 9 bis, introduit par le Sénat, qui crée une obligation d’information des travailleurs indépendants sur la possibilité de souscrire un contrat d’assurance contre la perte d’emploi.

Un certain nombre d’arguments contre cet article ressortent des auditions que nous avons menées. D’abord, cette obligation est en partie satisfaite puisque l’information est donnée à bien des étapes de la vie de l’entreprise. Ensuite, cette obligation repose sur un ensemble de professionnels qui ne demandaient pas cette charge supplémentaire. Enfin, on peut se demander s’il convient de faire la publicité de systèmes d’assurance privée alors qu’on ouvre l’ATI.

Vous proposez, Monsieur Chalumeau, un article additionnel après l’article 9 qui renforcerait l’information, non pas sur les contrats d’assurance privée, mais sur l’ATI. Cet amendement va dans le bon sens, mais je vous suggère d’en modifier la rédaction afin qu’elle soit davantage équilibrée et que l’obligation repose moins lourdement sur les professionnels concernés.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Diffuser cette information fait partie des missions de base de Pôle emploi : c’est l’objet du site internet chomage-independant.fr. C’est aussi un devoir des experts-comptables et un souci que partagent les chambres consulaires. Je ne suis donc pas certain qu’il faille inscrire cette obligation dans la loi, d’autant que, une fois le texte adopté, nous lancerons une campagne d’information pour faire connaître le produit. Nous avons vraiment la volonté de stimuler tout l’écosystème en ce sens.

M. Mohamed Laqhila. Les experts-comptables sont déjà tenus d’informer leurs clients sur tous les dispositifs existants. Il est inutile de rajouter cette obligation.

Mme Muriel Roques-Etienne. Toute information est bonne. Cependant, ce n’est pas le défaut d’information qui explique le non-recours à l’ATI mais les critères d’éligibilité : je me souviens de la perplexité de mes clients lorsque je leur exposais les motifs ouvrant droit à l’allocation.

On peut se demander, en outre, comment Pôle emploi, qui n’a pas accès à tous les travailleurs indépendants, pourra exercer cette obligation d’information.

M. Sylvain Maillard. Les experts-comptables ont bien pour rôle d’informer, certes, mais il serait dangereux de les rendre juridiquement responsables de cette information.

M. Philippe Chalumeau. Comme pour les vaccins, je pense que l’administration doit adopter la démarche du « aller vers ». Cela améliorera largement les problèmes de non-recours. Les campagnes de communication ne suffisent pas.

L’amendement est retiré.

Article 9 bis : Information sur la protection complémentaire contre la perte d’emploi

Amendement de suppression CS112 de Mme Verdier-Jouclas

Mme Verdier-Jouclas, rapporteure. J’ajouterai aux arguments déjà avancés par Jean-Noël Barrot sur l’article 9 bis que les assurances privées coûtent cher, sans toujours offrir des garanties à la hauteur de ce que les indépendants attendent.

La commission adopte l’amendement et l’amendement CS59 de M. Sylvain Maillard tombe.

En conséquence, l’article 9 bis est supprimé.

Article 10 : Modalités de recouvrement, affectation et contrôle des contributions des employeurs au titre du financement de la formation professionnelle et de l’apprentissage

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS122, CS123, CS126 et CS124 de M. Jean-Noël Barrot.

Amendements identiques CS10 de M. Charles de Courson, CS16 de Mme Valérie Six et CS29 de M. Sylvain Maillard.

M. Charles de Courson. L’article 10 simplifie l’affectation de la contribution à la formation professionnelle des artisans, en actant que la part dédiée à la formation professionnelle relève du seul Fonds d’assurance formation (FAF).

L’alinéa 50 a été introduit par un amendement gouvernemental afin de préciser que la diversité des secteurs adhérents doit être assurée dans la gouvernance du FAF, au niveau du conseil d’administration ou au niveau des organes chargés de la préparation des décisions du conseil d’administration, selon l’accord entre les organisations professionnelles constitutives du Fonds. Pour éviter tout risque de conflits d’intérêts, les représentants d’organismes ayant une activité d’organismes de formation ne peuvent exercer un pouvoir exécutif.

L’amendement vise à préciser le champ des représentants concernés par ces dispositions.

M. Sylvain Maillard. C’est l’Union des entreprises de proximité, l’U2P, qui a inspiré cet amendement.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Vous proposez de restreindre la lutte contre les conflits d’intérêts aux seuls administrateurs alors que d’autres personnes peuvent être concernées. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

La commission adopte ensuite l’article 10 ainsi modifié.

Après l’article 10

Amendement CS47 de M. Philippe Chassaing.

M. Philippe Chassaing. Par cet amendement, suggéré par l’Association pour le droit à l’initiative économique, nous demandons un rapport pour expliquer le faible niveau de recours au compte personnel de formation par les travailleurs indépendants faiblement qualifiés.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Les services qui seraient chargés d’élaborer ce rapport estiment qu’un délai de trois mois est trop court. Je donnerais un avis favorable en séance à un délai un peu allongé.

L’amendement est retiré.

Amendement CS57 de Mme Fiona Lazaar.

Mme Fiona Lazaar. Nous demandons un rapport qui évaluerait l’opportunité et les conditions d’une fusion réussie entre le fonds d’assurance formation des chefs d’entreprise artisanale (FAFCEA) et le fonds d’assurance formation du commerce, de l’industrie et des services (AGEFICE).

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. La possibilité d’opérer des fusions entre plusieurs fonds d’assurance formation pourrait en effet être étudiée, mais le délai de ce rapport semble, là encore, trop court.

L’amendement est retiré.

Section 3 : Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Article 11 : Du renforcement de la procédure disciplinaire des experts-comptables

Amendement CS94 de Mme Muriel Roques-Estienne.

Mme Muriel Roques-Estienne. L’article 11 prévoit des dispositions dérogatoires relatives au conseil régional de l’Ordre d’Ile-de-France. Nous suggérons deux modifications.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CS127, CS125 et CS128 de M. Jean-Noël Barrot.

La commission adopte ensuite l’article 11 ainsi modifié.

Après l’article 11

Amendement CS105 de M. Jean-Paul Mattei.

M. Jean-Paul Mattei. À la demande des experts-comptables, je propose de modifier le nom du Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables en Conseil national de l’Ordre des experts-comptables.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Section 4 : Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Article 12 : Des règles de gestion des personnels des chambres de commerce et d’industrie

Amendement de suppression CS72 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. L’adoption de l’article 12 du projet de loi dégraderait les règles de gestion des personnels des CCI. La réforme du modèle économique et du statut des personnels des CCI, engagée à marche forcée depuis l’adoption de la loi Pacte, a fortement affecté le dialogue social et les discussions destinées à négocier une convention collective applicable aux salariés de droit privé n’ont pas abouti. Le Gouvernement souhaite inverser l’ordre du processus établi par la loi Pacte et déclencher de nouvelles élections avant de relancer le processus de négociation : nous sommes très réservés sur ce choix.

Par ailleurs, l’article 12 propose une série de dispositions de nature à semer le trouble sur les intentions du Gouvernement, notamment sur l’avenir du personnel des CCI.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. L’article 12 s’inscrit dans la droite ligne de la très importante réforme des chambres de commerce et d’industrie menée sous ce quinquennat à travers plusieurs textes. Bien que complexe à mettre en œuvre, elle a été gage d’économies substantielles pour le budget de l’État. C’est donc une réforme que la majorité assume.

À la suite de la loi Pacte, les CCI ont commencé à recruter exclusivement sous statut privé – 2 000 personnes sont désormais concernées. Toutefois, les négociations n’ayant pas abouti, ces salariés ne disposent pas de convention collective. L’article 12 réamorce le processus de négociation collective pour que les salariés de droit privé bénéficient enfin d’une convention collective négociée.

L’avis sera donc défavorable pour la plupart des amendements sur l’article 12. En revanche, un amendement relatif à l’extension du congé paternité aux personnels des CCI avait été déposé et, à juste titre, déclaré irrecevable ; j’espère que cette très bonne idée sera reprise par le Gouvernement en séance publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS66 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. Il s’agit de préciser que l’instance représentative nationale du personnel des CCI, qui représente tant les agents publics que les salariés de droit privé et qui est restée un établissement public à caractère administratif, sera présidée par un représentant du ministre de tutelle.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Avis défavorable. Il semble plus opportun que CCI France, en qualité d’établissement public sous tutelle, soit chargée de la présidence de cette instance.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis. On ne peut faire présider une instance de dialogue par un représentant du Gouvernement.

Je tiens à préciser, à la suite de l’appel du pied du rapporteur, que le Gouvernement déposera un amendement relatif au congé paternité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS67 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à conserver le périmètre actuel de la convention collective, qui est à négocier avec l’ensemble des personnes employées par les CCI.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. L’amendement vise à ce que le personnel employé par les organismes sous le contrôle des chambres de commerce et d’industrie soit soumis à la future convention collective. Avis défavorable, car un certain nombre de ces organismes ont déjà une convention collective correspondant à leur activité. Leur imposer une convention collective consulaire ne serait pas bienvenu.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis.

M. Charles de Courson. Il faut rappeler que les CCI gèrent des ports et des aéroports, qui ont des conventions collectives spécifiques – j’ai pris ces deux exemples mais il y en a d’autres, comme l’enseignement. Ce serait complètement inadapté : c’est la diversification qui est nécessaire, non l’unification.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CS79 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Il s’agit de clarifier une disposition introduite par le Sénat, selon laquelle une élection partielle dans le comité social et économique (CSE) d’une CCI ne peut remettre en cause la mesure de la représentativité syndicale au niveau national. L’amendement fixe les conditions dans lesquelles l’élection partielle peut être organisée par référence aux dispositions du code du travail.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS129 de M. Jean-Noël Barrot.

Amendement CS68 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à supprimer le principe de substitution des dispositions du statut des personnels administratifs des chambres de commerce et d’industrie par leur équivalent issu de la convention collective ou d’accords collectifs. À titre d’illustration, l’étude d’impact indique qu’un accord sur le télétravail négocié avec les organisations syndicales représentatives dans un cadre de droit privé pourra remplacer l’accord relatif au télétravail s’appliquant aux personnels de droit public sous statut. Cette mesure tend vers une suppression accélérée du statut d’agent public. En cela, elle est contraire aux garanties qui avaient été données aux agents des CCI sur le maintien du statut pour tous ceux qui le souhaiteraient et contribue à la forte dégradation du climat social au sein du réseau.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Dans une période de transition comme celle-ci, on comprend qu’il y ait des inquiétudes. La possibilité de substitution suppose l’accord des syndicats représentatifs. Si des éléments de la convention sont moins favorables, les syndicats pourront s’y opposer. À l’inverse, si la convention comporte des mesures avantageuses, par exemple sur le congé paternité, cela permettrait d’en faire bénéficier les agents publics.

J’ajoute que, dans le cadre fixé par la loi Pacte, la possibilité de basculer du statut public au statut privé était prévue seulement pour une année, ce qui pouvait en effet être un peu anxiogène. La vertu du présent texte est d’ouvrir cette possibilité sine die, sans date butoir, ce qui va dans le sens de l’apaisement. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS130 de M. Jean-Noël Barrot.

Amendement CS42 de Mme Sylvia Pinel, amendements CS69 et CS70 de M. Jean-Louis Bricout (discussion commune).

M. Charles de Courson. L’amendement CS42 prévoit une procédure de médiation entre le président de CCI France et les syndicats, dans l’hypothèse d’un échec des négociations sur la nouvelle convention collective. Si cette médiation ne débouche pas sur un accord dans un délai de vingt-quatre mois à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, la convention Syntec pourrait s’appliquer en dernier recours, afin d’éviter de se retrouver dans le vide.

M. Gérard Leseul. L’amendement CS69 vise plutôt à supprimer l’alinéa 21, qui rend applicable dans ce cas la convention Syntec. Cette convention collective est celle du secteur du conseil et de l’ingénierie, pas de celui de la formation. Cette convention ne me semble pas adaptée au personnel chargé de la formation et de l’enseignement dans les CCI, dont j’ai fait partie.

L’amendement CS70 concerne, quant à lui, le médiateur évoqué par Charles de Courson.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Le médiateur ne nous paraît pas être une très bonne idée, car cela conduit une nouvelle fois à repousser les échéances. Loin d’apporter des solutions au problème, cela ne ferait que décaler sa résolution. Il serait préférable que le Gouvernement prenne l’engagement de se montrer très attentif à la qualité des négociations qui auront lieu entre CCI France et les représentants syndicaux. Avis défavorable sur les amendements CS42 et CS70.

Concernant l’amendement CS69, la convention proposée par CCI France est plus avantageuse que celle de Syntec. Nous espérons que les négociations aboutiront, afin que ce ne soit pas cette dernière qui s’applique. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis. Prévoir une procédure de médiation en cas d’échec des négociations est la meilleure solution pour qu’il n’y ait pas de négociations, parce que les gens iront directement à la médiation pour se départager ! Avis défavorable sur l’ensemble.

M. Charles de Courson. Je ne désespère jamais du bon sens des partenaires sociaux. Si on leur dit qu’à défaut d’accord, Syntec s’appliquera, cela constituera un moyen de pression, et la médiation permettra de mettre un peu d’huile dans les rouages. Nous finirons par y arriver : pour les avoir un peu pratiqués, il me semble que les syndicats des chambres de commerce ne sont pas vraiment des révolutionnaires ! Pour ceux qui ignorent le fonctionnement des chambres de commerce, je précise que le dispositif auquel nous sommes en train de mettre fin était particulièrement favorable : les salaires augmentaient automatiquement de 2 % par an au minimum. Cela fait rêver !

M. Gérard Leseul. C’est vrai, une augmentation régulière et indexée évite de devenir révolutionnaire ! Toutefois, là où je ne vous rejoins pas, c’est que Syntec n’est pas une bonne convention collective pour le personnel des CCI. En résumé, vous les menacez : s’ils ne se mettent pas d’accord, ils auront une mauvaise convention. Ce n’est pas très fair play !

Mme Cendra Motin. Pendant que nous débattons, la négociation n’avance pas et plusieurs milliers de salariés n’ont comme seule protection que le droit du travail, sans convention collective et sans accord d’entreprise.

Syntec n’est pas une mauvaise convention. Il n’y a pas de bonne ou de mauvaise convention collective. Nombre de personnes faisant de la formation bénéficient de la convention Syntec ; ce fut mon cas quand je travaillais en SSII.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Cette convention n’a pas été choisie par hasard : la réforme des chambres de commerce a été l’occasion d’imaginer de nouveaux rôles, de nouvelles missions pour les chambres, en particulier le service de conseil aux entreprises. Il est donc assez naturel que la convention Syntec ait été retenue comme solution de repli.

M. Gérard Leseul. Une SSII et un centre de formation des apprentis, qui fait de l’enseignement en classe dans le cadre de formations diplômantes, cela n’a rien à voir !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CS71 de M. Jean-Louis Bricout.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à supprimer, à l’alinéa 27, la référence à un délai de six mois après la promulgation de la loi pour mettre en place le comité social et économique au sein de chaque CCI. Le climat social étant dégradé et les discussions n’ayant pas réellement commencé, ce délai nous semble trop court pour que chaque CCI négocie un protocole électoral, fixe le règlement intérieur du CSE et organise des élections dans des conditions satisfaisantes.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Nous n’avons pas très envie d’allonger ce délai, puisque de ces élections découlera le processus de négociation. Un délai de six mois après la promulgation de la loi laisse un peu de temps pour se préparer. Avis défavorable.

M. Jean-Baptiste Lemoyne, ministre délégué. Même avis. Je rappelle que les dernières élections ont eu lieu en 2017, pour quatre ans, et que le mandat a été prolongé en commission paritaire nationale en 2021. Il est important que les salariés des CCI, dont un tiers sont désormais sous contrat de droit privé et n’ont pu participer aux élections en 2017, puissent se prononcer pour une représentation renouvelée. Le délai de six mois nous paraît suffisant pour négocier le protocole électoral, arrêter le règlement intérieur et organiser les élections. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte ensuite l’article 12 ainsi modifié.

Chapitre IV – Dispositions d’applicabilité outre-mer et dispositions finales

Article 13 : Dispositions d’applicabilité outre-mer

Amendement CS120 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination, pour l’application aux îles Wallis et Futuna des modifications opérées aux articles 1er à 5.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte ensuite l’article 13 ainsi modifié.

Article 14 : Dispositions finales

Amendement CS116 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de coordination visant à tenir compte des modifications proposées par la rapporteure aux articles 1er à 4.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel CS131 de M. Jean-Noël Barrot.

Amendement CS77 de M. Jean-Noël Barrot.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. L’amendement vise à préciser la part de contribution professionnelle de formation reversée au Fonds d’assurance formation.

La commission adopte l’amendement.

La commission adopte l’article 14 ainsi modifié.

La commission adopte ensuite l’ensemble du projet de loi ainsi modifié.

*

*     *

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Victor Tejedor, sous-directeur du développement des entreprises

 

Union Nationale des Professions Libérales (UNAPL)*

- M. Philippe Gaertner Vice-président délégué « Santé »

- M. Denis Raynal Vice-président délégué « Droit »

- M. Christophe Sans « Technique et cadre de vie »

- M. Fabrice De Longevialle, conseiller fiscalité

 

Association GSC

-           M. Anthony Streicher, président

- Mme Elodie Warnery, directrice générale

- M. Benjamin Chkroun, conseil

 

CCI France*

-           M. Philippe Lemauff, organisation et évolution du réseau

- Mme Nathalie Carré, chargée de mission entrepreneuriat

- M. Pierre Dupuy, chargé de mission affaires publiques ultramarines et relations avec le Parlement

 

Union des entreprises de proximité (U2P)*

- M. Pierre Burban, secrétaire général

- Mme Thérèse Note, responsable des relations parlementaires

 

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME)*

- M. François Asselin, président

- M. Bruno Dondero, président de la commission juridique

- M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales

- M. Adrien Dufour, chargé de mission affaires publiques et organisation

 

Conseil supérieur du notariat*

- Me François Devos, directeur des affaires juridiques

- Me Frédéric Roussel, directeur général de l’Association notariale de conseil (ANC)

 

Union des auto-entrepreneurs et des travailleurs indépendants (UAE)

- M. François Hurel, président

 

Chambres de Métiers et de l’Artisanat (CMA)*

- M. Joël Fourny, président

- M. Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles

 

Direction des affaires civiles et du Sceau (DACS) – Ministère de la justice

M. Patrick Rossi, sous-directeur du droit économique

 

Fédération bancaire française*

- Mme Maya Atig, directrice générale

- M. Nicolas Bodilis Reguer, directeur des relations institutionnelles France

 

Conseil supérieur de l’Ordre des experts-comptables (CSOEC)*

- M. Lionel Canesi, président

- Mme Leila Bali, cheffe de cabinet

 

M. Michel Menjucq, professeur agrégé de droit privé, spécialiste du droit des sociétés

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Voir, par exemple : Conseil constitutionnel, décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 Loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, notamment le considérant n° 9 dont il résulte que le droit de gage général fait partie des « conditions d’exercice du droit de propriété des créanciers ».

([2]) Voir, par exemple : CEDH, 11 février 2010, Sud Parisienne de Construction c/ France, considérant n° 30.

([3]) Article 206 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([4]) Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

 

([5]) Conseil constitutionnel, décision n° 2010-607 DC du 10 juin 2010 Loi relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée, considérant n° 9.

([6]) Cass. Com., 28 avril 1964, Bull. civ. IV, n°215 : « Celui qui est débiteur d’une obligation à titre principal ne peut être tenu de la même obligation comme caution. ».

([7]) Article 16 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé et aux sociétés de participations financières de professions libérales.

 

([8])  Loi n° 2010-658 du 15 juin 2010 relative à l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée.

 

([9])  Article 206 de la loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([10]) Cass. Civ. 2e, 27 septembre 2018, pourvoi n°17-22.013.

([11]) Nouvel article L. 526‑22 du code de commerce proposé par l’article 1er du projet de loi initial et rétabli par la commission spéciale.

([12]) Il s’agit notamment de certaines professions de santé (médecins, pharmaciens, auxiliaires médicaux…), de professions juridiques ou judiciaires (avocats, notaires, huissiers de justice…) et de professions techniques et du cadre de vie (experts-comptables, commissaires aux comptes, architectes, experts, vétérinaires…).

([13]) Loi  n° 66-879 du 29 novembre 1966 relative aux sociétés civiles professionnelles.

([14]) Loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990 relative à l’exercice sous forme de sociétés des professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

([15]) Sociétés à responsabilité limitée (SARL), sociétés anonymes (SA), sociétés par actions simplifiées (SAS) et sociétés en commandite par actions (SCA).

([16]) Loi n° 2001‑1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier.

([17]) Ordonnance n° 2016-394 du 31 mars 2016 relative aux sociétés constituées pour l’exercice en commun de plusieurs professions libérales soumises à un statut législatif ou réglementaire ou dont le titre est protégé.

([18]) Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([19]) Avis du Conseil d’État sur le présent projet de loi.

([20]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes.

([21]) Décret n° 52-849 du 16 juillet 1952 portant codification des textes législatifs concernant l’artisanat.

([22]) Conseil constitutionnel, décision n° 99-421 DC du 16 décembre 1999, Loi portant habilitation du Gouvernement à procéder, par ordonnances, à l’adoption de la partie législative de certains codes.

([23]) Circulaire du Premier ministre du 30 mai 1996 relative à la codification des textes législatifs et réglementaires.

([24]) Décret n° 2021-168 du 16 février 2021.

([25]) Arrêté du 4 février 2016 relatif à l’action de formation et à l’actualisation des connaissances nécessaires aux personnes exerçant des activités liées aux animaux de compagnie d’espèces domestiques et à l’habilitation des organismes de formation.

([26]) Au sens du règlement UE, un opérateur est une personne physique ou morale ayant des animaux ou des produits sous sa responsabilité, y compris pour une durée limitée, mais à l’exclusion des détenteurs d’animaux de compagnie et des vétérinaires.

([27])  Loi n° 89-1010 du 31 décembre 1989 relative à la prévention et au règlement des difficultés liées au surendettement des particuliers et des familles.

([28])  Loi n° 2003-710 du 1er août 2003  d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.

([29])  Loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l’économie.

([30])  Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([31])  Loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([32])  IGAS-IGF, Ouverture de l’assurance chômage aux travailleurs indépendants, 2017

([33])  Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([34])  Loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([35]) Cf. décision n° 2011‑200 QPC du 2 décembre 2011, Banque populaire Côte d’Azur, à propos du pouvoir disciplinaire de la commission bancaire.

([36]) Ces règles sont soumises à l’agrément du ministre de l’économie, des finances et de la relance.

([37]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([38]) Loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952 relative à l’établissement obligatoire d’un statut du personnel administratif des chambres d’agriculture, des chambres de commerce et des chambres de métiers.

([39]) Exposé des motifs du projet de loi n° 1088 relatif à la croissance et la transformation des entreprises, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 19 juin 2018.

([40]) L’intersyndicale regroupait l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), la Confédération générale du travail (CGT) et la Confédération générale des cadres (CGC). La Confédération française démocratique du travail (CFDT), représentant 47 % des personnels, a été la seule organisation à signer le projet.

([41]) Notamment pour  ce qui concerne la grille nationale des emplois, la rémunération, le travail à temps partiel, le forfait jour, le régime de prévoyance complémentaire et de remboursement de frais de santé, le compte épargne-temps, la prévention des risques psychosociaux, le télétravail, la mobilité et le régime de retraite complémentaire. L’article 12 du projet de loi ajoute à cette liste la durée et l’aménagement du temps de travail et les congés payés.

([42]) Cass. Soc., 13 février 2013, pourvoi 12‑18.098.

([43]) Cass. Soc., 7 décembre 2016, pourvoi 15‑26.855.

([44]) Article 4 de la loi n° 61‑814 du 29 juillet 1961 conférant aux îles Wallis et Futuna le statut de territoire d’outre-mer, modifié par la loi n° 78‑1018 du 20 octobre 1978.

([45]) Articles LO. 6213‑1 (Saint-Barthélemy), LO. 6313‑1 (Saint‑Martin) et LO. 6413‑1 (Saint‑Pierre‑et‑Miquelon).

([46]) Articles 13 et 14 de la loi organique n° 2004‑192 du 27 février 2004 portant statut d’autonomie de la Polynésie française.

([47]) Article 21 de la loi organique n° 99‑209 du 19 mars 1999 relative à la Nouvelle‑Calédonie.