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N° 4874

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 6 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE LOI portant réforme des outils de gestion des risques climatiques
en agriculture (n° 4758).

PAR M. FrÉdÉric Descrozaille

Député

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 Voir le numéro : 4758.


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

I. alors que les risques climatiques vont s’aggravant, le systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture est À bout de souffLe

A. la multiplication des risques climatiques en agriculture

B. un systÈme À bout de souffle

1. Une diffusion insuffisante du système assurantiel

2. Une offre assurantielle qui risque de se raréfier en raison de déficits structurels

3. Le régime des calamités agricoles offre une couverture trop limitée et l’articulation avec le mécanisme d’assurance subventionnée est défaillante

II. le prÉsent projet de loi propose une rÉforme du systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture pour accompagner efficacement le monde agricole face aux mutations actuelles

COMMENTAIRES D’ARTICLES

Chapitre Ier Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

Article 1er  (article L. 361-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Création d’un nouveau régime d’indemnisation assis sur la solidarité nationale

Article 2 (article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime) Modification des règles de prise en charge publique des contrats d’assurance privés

Article 3 (article L. 361-4-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

Article 4 (articles L. 361-5 à L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime) Modification du champ d’application du régime des calamités agricoles

Article 5 (article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime) Création du comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR)

Article 6 (article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime) Coordination juridique

Article 7 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l’assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d’assurance

Article 8 (articles L. 371-13, L. 372-3, L. 372-5, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime) Coordinations juridiques apportées au code rural et de la pêche maritime pour les territoires ultramarins

Article 9 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM)

Chapitre II Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

Article 10 (article L. 122-7 du code des assurances) Modification du régime de la garantie contre les effets du vent

Article 11 (articles L. 431-12 [abrogé], L. 442-1 et L. 441-2 du code des assurances) Coordinations juridiques faites dans le code des assurances

Article 12 Dispositions fixant la date d’entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

introduction

I. alors que les risques climatiques vont s’aggravant, le systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture est À bout de souffLe

A. la multiplication des risques climatiques en agriculture

B. un systÈme À bout de souffle

1. Une diffusion insuffisante du système assurantiel

2. Une offre assurantielle qui risque de se raréfier en raison de déficits structurels

3. Le régime des calamités agricoles offre une couverture trop limitée et l’articulation avec le mécanisme d’assurance subventionnée est défaillante

II. le prÉsent projet de loi propose une rÉforme du systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture pour accompagner efficacement le monde agricole face aux mutations actuelles

COMMENTAIRES D’ARTICLES

Chapitre Ier Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

Article 1er  (article L. 361-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Création d’un nouveau régime d’indemnisation assis sur la solidarité nationale

Article 2 (article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime) Modification des règles de prise en charge publique des contrats d’assurance privés

Article 3 (article L. 361-4-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

Article 4 (articles L. 361-5 à L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime) Modification du champ d’application du régime des calamités agricoles

Article 5 (article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime) Création du comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR)

Article 6 (article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime) Coordination juridique

Article 7 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l’assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d’assurance

Article 8 (articles L. 371-13, L. 372-3, L. 372-5, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime) Coordinations juridiques apportées au code rural et de la pêche maritime pour les territoires ultramarins

Article 9 Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM)

Chapitre II Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

Article 10 (article L. 122-7 du code des assurances) Modification du régime de la garantie contre les effets du vent

Article 11 (articles L. 431-12 [abrogé], L. 442-1 et L. 441-2 du code des assurances) Coordinations juridiques faites dans le code des assurances

Article 12 Dispositions fixant la date d’entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023

TRAVAUX DE LA COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 


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   introduction

Présenté en conseil des ministres le 1er décembre 2021, le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture est l’aboutissement d’un long travail de concertation et de réflexion ayant impliqué toutes les parties prenantes depuis plusieurs années. La dernière étape de ce travail s’est déroulée lors de la première séquence du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique, sous la forme d’un groupe présidé par votre rapporteur et dont les recommandations ont été remises au ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

C’est sur la base de ces recommandations que le texte a été élaboré : il pose les fondements d’une réforme ambitieuse des outils de gestion des risques climatiques en agriculture.

L’agriculture française, à l’instar de toutes les agricultures du monde, affronte une adversité qui s’aggrave d’année en année : celle du réchauffement climatique. Le système actuel, qui conjugue le régime des calamités agricoles et la distribution des assurances subventionnées appelées MRC (pour multirisque climatique), ne peut pas permettre aux agriculteurs de gérer les risques auxquels ils sont de plus en plus soumis.

La réforme proposée vise à garantir l’universalité d’accès pour l’ensemble des agriculteurs à des dispositifs complémentaires et efficaces d’indemnisation des risques climatiques : une distribution des assurances de type MRC ayant vocation à se généraliser et le recours à un principe de solidarité nationale appliqué aux cas de pertes de récoltes les plus dévastatrices.

Cette réforme n’est pas faite pour que soit protégée et maintenue telle que nous la connaissons l’agriculture de notre pays : elle est engagée pour rendre possible l’adaptation de notre agriculture, dans les années à venir, à un impact du réchauffement climatique qui en changera le visage.

Cette adaptation ne pourrait pas être financée par les agriculteurs eux‑mêmes. La Nation, exigeante dans ses attentes vis-à-vis de son secteur agricole dont l’importance géostratégique est déterminante, ne serait-ce que pour des motifs de stabilité géopolitique, se doit d’en être solidaire afin de lui permettre de maintenir son potentiel de production et son niveau d’excellence. Or, pour que notre agriculture maintienne son rang et joue pleinement le rôle que nous attendons d’elle, elle doit pouvoir se projeter dans un avenir incertain, qui exige un accompagnement efficace dans la gestion des risques qu’elle affronte.

Le montant et les paramètres technico-économiques de cet accompagnement seront examinés par la Représentation nationale en temps voulu. En amont, le cadre légal de l’exercice de cette solidarité nationale et du développement attendu du recours à l’assurance récoltes doit être défini : tel est l’objet du texte présenté.

I.   alors que les risques climatiques vont s’aggravant, le systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture est À bout de souffLe

A.   la multiplication des risques climatiques en agriculture

Le dérèglement climatique bouleverse le monde agricole. Outre l’effet structurel du réchauffement climatique sur le calendrier et la géographie des productions, la fréquence et l’intensité des aléas climatiques sont en augmentation : sécheresses en 2015, 2018, 2019 et 2020, inondations et manques de rayonnement solaire en 2016, gels en 2017 et 2021, intempéries en 2020 et 2021, orages de grêle en 2021… Les agriculteurs sont les premiers touchés par ces aléas. Selon les chiffres de l’assureur Pacifica, près d’un agriculteur sur deux a connu un sinistre climatique au cours des trois dernières années ([1]). La France a connu quatre sécheresses ces cinq dernières années, et sept au cours des dix dernières années. Un récent rapport de l’Institut Montaigne indique que « les pertes de récoltes liées aux sécheresses auraient été multipliées par trois entre 1961 et 2018 en Union européenne ([2]) ». Le coût des sinistres témoigne également de cette accélération : comme l’indique l’étude d’impact du Gouvernement, ces derniers ont été deux fois plus élevés entre 2015 et 2020 que sur la période de 2010-2015.

Ces aléas risquent encore de s’accentuer. Le récent rapport du Groupement d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), publié le 9 août 2021, alerte sur les risques de multiplication des graves aléas climatiques liés à l’augmentation de la température mondiale. Une analyse conduite par la Caisse centrale de réassurance (CCR) estime qu’entre 2015 et 2050, la sinistralité « catastrophes naturelles » devrait doubler ([3]). De même, selon un récent rapport de la Fédération française des assurances (FFA), la facture totale des sinistres climatiques sur la période 2020-2050 pourrait doubler par rapport aux 30 années précédentes.

B.   un systÈme À bout de souffle

Face à ces risques climatiques et outre les mesures de prévention existantes soutenues par les pouvoirs publics ([4]), le législateur a instauré un système de gestion des aléas climatiques, régi par le titre VI du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Ce système repose sur deux piliers : une logique assurantielle subventionnée par les pouvoirs publics pour les cultures assurables (article L. 361-4 du CRPM) et un régime d’indemnisation des calamités agricoles reposant sur la solidarité nationale, pour les risques considérés comme non assurables (article L. 361-5 du CRPM). Mis en place dès 1964, ce régime a connu un certain nombre d’évolutions, guidées par la volonté de renforcer la place du mécanisme assurantiel. En 2005, des produits assurantiels multirisque climatique sur récoltes (MRC) ont été mis en place et se sont développés, avec le soutien des pouvoirs publics. Ces produits sont aujourd’hui subventionnés à hauteur de 65 %, via le deuxième pilier de la politique agricole commune (PAC), dès lors que les pertes sont supérieures à au moins 30 % de la production annuelle et qu’un seuil de chiffre d’affaires a été perdu. En parallèle le régime initial des calamités agricoles a vu son champ se restreindre peu à peu. Il concerne aujourd’hui les risques considérés non assurables et permet une prise en charge allant jusqu’à 35 % des pertes.

Comme l’ensemble des acteurs s’accorde à le dire, ce système est à bout de souffle et souffre aujourd’hui de trop nombreuses faiblesses.

1.   Une diffusion insuffisante du système assurantiel

Les contrats MRC couvrent aujourd’hui moins de 18 % de la surface agricole totale en France métropolitaine, selon les données des assureurs citées dans l’étude d’impact du présent projet de loi. Hors prairie (40 % des surfaces), ce taux est de 30 %. Le taux de pénétration de l’assurance grêle est équivalent (30 % hors prairie). Seules 13,1 % des exploitations disposent d’un contrat MRC en 2019. 35 % des surfaces en grandes cultures et viticulture sont couvertes, 25 % dans les légumes d’industrie, 3 % en arboriculture et 1 % en prairie. 40 % des surfaces hors prairie ne dispose dès lors d’aucune couverture assurantielle en cas de perte de récolte ([5]).

Comme le montre l’étude d’impact du projet de loi, la diffusion des contrats MRC stagne, malgré des dépenses publiques importantes. Après avoir fortement progressé entre 2005 – année de leur création – et 2013, le développement des contrats MRC plafonne.  Entre 2013 et 2019, le taux de progression n’a été que de 0,4 %, malgré le subventionnement important de l’État : les subventions aux primes d’assurance MRC représentent 136 millions d’euros en 2019 et 152,7 millions d’euros en 2020.

Malgré le niveau de subvention publique, les primes sont considérées comme trop élevées, en particulier dans certains secteurs comme l’arboriculture. Si le taux de prime, qui correspond au rapport entre le montant de la prime et la valeur du capital assuré, est en moyenne de 2,9 % sur l’année 2019, ce taux atteint 13, 1 % pour l’arboriculture. Notons qu’à l’inverse, il est plus faible dans certaines filières : 2,2 % pour les céréales et 2,6 % pour les cultures industrielles.

La diffusion insuffisante des contrats MRC s’explique également par la complexité du produit, une culture de la gestion du risque encore insuffisante et la concurrence avec le régime des calamités agricoles pour l’arboriculture et les prairies (pour ces filières, l’agriculteur peut souscrire un contrat MRC, mais s’il ne le fait pas, il peut bénéficier du régime des calamités agricoles, parfois dans des conditions plus avantageuses).

Selon l’étude d’impact, les assureurs ont versé en moyenne 390 millions d’euros (M€) par an au titre des contrats MRC pour les campagnes 2015‑2020. Les contrats d’assurance contre la grêle représentent quant à eux 100 M€ par an.

2.   Une offre assurantielle qui risque de se raréfier en raison de déficits structurels

Pour les assureurs, le marché est de moins en moins rentable, ce qui se traduit par un renchérissement des primes et par le désengagement progressif des assureurs. Le ratio annuel de sinistralité est de 105 %, ce qui signifie que les indemnités versées sont supérieures aux primes encaissées. L’offre est concentrée : seules 10 compagnies d’assurance distribuent des MRC et deux concentrent 70 % du marché.

Face à la multiplication des aléas et à la méconnaissance de l’étendue des risques à venir, certains assureurs se retirent du marché. Comme cité dans l’étude d’impact, en 2019, « un assureur a résilié l’intégralité de son portefeuille de risques en viticulture dans le département de la Charente, en raison d’importants sinistres climatiques dans cette zone géographique au cours des trois dernières années ». Depuis la campagne 2021, Axa et Swiss Ré Corporate Solutions se sont retirés de l’assurance MRC.

3.   Le régime des calamités agricoles offre une couverture trop limitée et l’articulation avec le mécanisme d’assurance subventionnée est défaillante

Aujourd’hui, 96 % des surfaces hors prairie sont exclues du bénéfice du régime des calamités agricoles car considérées comme assurables. C’est le cas de la viticulture et des grandes cultures, ce qui, comme le note le Gouvernement dans l’étude d’impact, « laissent sans réponse des pans entiers de l’agriculture française en cas d’évènement climatique majeur ». Le régime des calamités agricoles n’offre quoi qu’il en soit qu’une réponse partielle : l’indemnisation est plafonnée à 35 % des pertes de récolte. Elle est en moyenne de 28 %.

Les indemnités versées au titre du régime des calamités agricoles sont en augmentation : 108 M€ par an sur la période 2010-2015 et 134 M€ par an entre 2015 et 2020. En raison du plafonnement de la taxe affectée au Fonds national de la gestion des risques agricoles (FNGRA) et de la réduction de son taux depuis 2016 (passé de 11 à 5,5 %), l’État abonde le fond via le budget général : 88 M€ en 2019, 150 M€ en 2020.

Certaines cultures sont éligibles aux contrats d’assurance mais peuvent également bénéficier du régime des calamités agricoles si elles n’ont pas souscrit de contrats agricoles (c’est le cas des prairies, du maraîchage et de l’arboriculture). Or, dans ce cas, des disparités importantes existent entre les deux régimes, notamment en matière d’estimation des pertes et de conditions d’indemnisation. On relève aujourd’hui des situations inéquitables avec un traitement parfois meilleur pour le non-assuré par le régime des calamités agricoles que pour l’assuré ayant souscrit un contrat d’assurance, ce qui engendre un effet dissuasif contraire à l’objectif de politique publique poursuivi.

II.   le prÉsent projet de loi propose une rÉforme du systÈme de gestion des risques climatiques en agriculture pour accompagner efficacement le monde agricole face aux mutations actuelles

Face à la nécessité de réformer le système actuel, plusieurs travaux ont été conduits ces dernières années, en concertation avec les différentes parties prenantes. En avril 2021, votre rapporteur a présenté au ministre un rapport d’étape sur cette question. Au mois de juin, ce rapport d’étape a fait l’objet d’une présentation devant la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale ([6]). Dans le prolongement de ces travaux, un groupe de travail a été constitué dans le cadre du « Varenne agricole de l’eau et du changement climatique ». Présidé par votre rapporteur, ce groupe de travail a permis de réunir les différentes parties prenantes (organisations professionnelles agricoles [OPA], entreprises d’assurances et de réassurances, administrations, Caisse centrale de réassurance [CCR], personnalités qualifiées). Il en est ressorti un rapport de synthèse et de propositions remis au ministre de l’agriculture et de l’alimentation le 27 juillet 2021.

Le présent projet de loi en reprend les principales conclusions et propose une réforme du système d’indemnisation des pertes agricoles résultant d’aléas climatiques, dont un certain nombre d’éléments auront vocation à être précisés par voie réglementaire. Cette réforme vise à garantir l’universalité de la couverture des risques pour l’ensemble des agriculteurs, à généraliser l’assurance MRC et à réaffirmer le rôle de solidarité nationale pour les risques les plus graves. Le nouveau régime doit permettre une répartition équilibrée de la prise en charge des risques entre les agriculteurs, les entreprises d’assurances et de réassurances, et l’État. Dans cet objectif, le présent projet de loi pose les fondements d’un régime mixte d’assurance, qui repose sur une logique à trois étages :

– les risques faibles seront couverts par l’agriculteur lui-même notamment via l’auto-assurance, les investissements en équipements de protection et de prévention, l’innovation dans les pratiques culturales et les choix variétaux ;

– les risques « d’intensité moyenne » seront couverts par l’assurance privée subventionnée, avec une incitation renforcée et une subvention publique rehaussée ;

– les risques « catastrophique » feront l’objet d’un soutien direct de l’État.

Ce nouveau système à trois étages est décrit dans le schéma ci-dessous :

 

LA NOUVELLE ARCHITECTURE À TROIS ÉTAGE DE LA RÉFORME DE L’ASSURANCE DES PERTES DE RÉCOLTES

 

 

 

Source : document réalisé à partir de l’étude d’impact annexée au présent projet de loi et des informations transmises par le Gouvernement

À horizon 2030, l’objectif est d’atteindre un taux de couverture par les contrats MRC de 60 % des surfaces en viticulture, grandes cultures et légumes d’industrie et de 30 % en arboriculture, prairies et autres cultures peu assurées.

Pour être opérationnelle, cette réforme doit également passer par la constitution d’un « pool » – ou groupement – de co-réassurance et d’une gouvernance nationale tripartite, réunissant les assureurs et réassureurs, les OPA et l’État. Ce groupement doit permettre de garantir la mutualisation des données et des risques, un aspect essentiel pour garantir la réussite de la réforme et, plus particulièrement, son universalité : il s’agit en effet de conjurer tout phénomène de sélection des risques et, par suite, des clients eux-mêmes.

Ce groupement permettra, par ailleurs, de piloter de façon collégiale, concertée et anticipée l’enjeu majeur de la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas. Par ailleurs, la mise en place du Comité d’orientation et de développement de l’assurance récoltes (CODAR) au sein duquel siègeront des représentants des assureurs, de la profession agricole et de l’État, permettra à la fois :

– aux filières agricoles, de prendre connaissance de l’évolution de cette frontière évolutive entre les risques assurables et ceux qui cesseront de l’être, afin d’en tenir compte dans leurs stratégies d’adaptation ;

– aux assureurs, de prendre connaissance des attentes des agriculteurs en termes de produits d’assurance, ainsi que de leurs stratégies pour se soustraire le mieux possible aux risques et s’adapter au réchauffement climatique, y compris par la conduite de chantiers portant sur la gestion des ressources en eau.

La réforme doit également permettre de garantir aux agriculteurs une procédure simple et rapide, face à des situations d’urgence et de détresse. Pour cela, il est essentiel que l’agriculteur puisse s’adresser à un interlocuteur unique, qu’il soit confronté à un risque d’intensité moyenne ou à un risque grave.

Cette réforme s’accompagnera également d’un volet budgétaire, qui n’est pas l’objet du présent projet de loi. Le Gouvernement et le Président de la République se sont engagés au doublement de la subvention à l’assurance et à l’indemnisation des pertes de récolte, qui devrait passer en moyenne de 300 à 600 millions d’euros par an.

L’entrée en vigueur de la réforme est prévue pour le 1er janvier 2023.

Les articles 1er et 3 du projet de loi mettent en place le troisième étage de la réforme, celui de la solidarité nationale. Les pertes supérieures à 30 % pourront être éligibles à ce mécanisme, dans des conditions précisées par décret et pourront varier en fonction de la nature des productions et du type de contrat d’assurance souscrit. Au-delà du seuil défini par décret, la prise en charge des pertes se fera donc majoritairement par l’État. Afin d’inciter les agriculteurs à souscrire un contrat MRC et dans le respect du droit européen, l’indemnité reçue sera moitié moindre pour les agriculteurs non-assurés, par rapport à celle des agriculteurs assurés.

L’article 2 du projet de loi renforce le système de prise en charge publique des contrats d’assurance subventionnés et concerne donc le deuxième étage de la réforme. Le taux maximal de prise en charge publique des contrats passe ainsi de 65 % à 70 % des pertes (le seuil sera fixé par décret). L’article prévoit également un abaissement de 30 à 20 % du seuil de pertes à partir duquel les contrats deviennent éligibles au mécanisme de subvention. Ces modifications sont effectuées conformément aux évolutions du droit européen.

L’article 4 modifie le champ d’application du régime des calamités agricoles afin de tirer les conséquences de la réforme prévue aux articles 1er à 3. Le régime des calamités agricoles s’appliquera uniquement pour les pertes qui ne seront pas couvertes par l’article L. 361-4-1 du CRPM.

L’article 7 habilite le Gouvernement à mettre en œuvre par ordonnance diverses obligations à la charge des entreprises d’assurance et de réassurance. Cette habilitation autorise notamment le Gouvernement à prévoir la mise en place d’un groupement, avec pour objet d’améliorer la mutualisation des données et des risques.

Les articles 5, 8 et 11 assurent les coordinations nécessaires pour les territoires ultra-marins, qui ne sont pas concernés par cette réforme. En revanche, une réforme du fonds de secours outre-mer (FSOM) est prévue et le Gouvernement est habilité à légiférer en ce sens par l’article 9 du texte.

L’article 12 prévoit une entrée en vigueur de la réforme pour le 1er janvier 2023.

Enfin, l’article 10 porte sur un sujet annexe, cet article prévoit de conserver le principe d’extension obligatoire de la garantie incendie au risque tempête, mais clarifie la possibilité pour l’assureur de différencier les conditions d’indemnisation des risques incendie et tempête pour les biens utilisés à titre professionnel.

 

 


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   COMMENTAIRES D’ARTICLES

Chapitre Ier
Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

Article 1er
(article L. 361-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Création d’un nouveau régime d’indemnisation assis sur la solidarité nationale

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 1er du présent projet de loi prévoit le principe d’une indemnisation fondée sur la solidarité nationale perçue par les agriculteurs victimes, du fait d’aléas climatiques, de pertes de récoltes ou de cultures. Cet article est en lien étroit avec l’article 3 du présent projet de loi, qui détaille les modalités de cette indemnisation fondée sur la solidarité nationale.

I.   le droit en vigueur

A.   LES mÉcanismes d’indemnisation des risques climatiques en agriculture

Le cadre juridique de la gestion des risques climatiques en agriculture est régi par le titre VI du livre III de la partie législative du code rural et de la pêche maritime.

1.   Les différents mécanismes d’indemnisation

Pour faire face aux aléas climatiques, outre les mesures de prévention qui peuvent être mises en place par les agriculteurs avec le soutien des pouvoirs publics, les agriculteurs peuvent bénéficier d’une indemnisation sous certaines conditions. Cette indemnisation peut aujourd’hui résulter de trois dispositifs différents :

– l’agriculteur peut souscrire à une assurance mono-risque contre le risque de grêle. Les contrats assurantiels correspondants peuvent également offrir une garantie complémentaire en cas de gel. Ces contrats ne font pas l’objet de subventions publiques ni d’encadrement spécifique. L’assurance grêle représente aujourd’hui 35 % des surfaces hors prairie ([7]) ;

– l’agriculteur peut souscrire une assurance contre les pertes de récolte, dites assurance multirisque climatique (MRC). Ce produit assurantiel qui se développe depuis 2005 fait l’objet d’un encadrement spécifique et d’un mécanisme de subventions publiques ;

– l’agriculteur peut également bénéficier du régime des calamités agricoles, qui repose sur une logique de solidarité nationale.

L’encadrement législatif de la gestion des risques climatiques en agriculture repose donc sur deux principaux piliers : le régime des calamités agricoles et l’assurance privée MRC subventionnée. Dans certains cas de figure, l’indemnisation des risques climatiques passe par le régime des calamités publiques, lorsque les dommages n’ont pas un caractère spécifiquement agricole (article L. 361-7 du CRPM).

2.   Le Fonds national de la gestion des risques agricoles (FNGRA)

Le Fonds national de la gestion des risques agricoles (FNGRA) occupe une place centrale dans le dispositif. Créé par la loi n° 2010-814 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche, en remplacement du fonds de gestion des calamités agricoles, le FNGRA est codifié à l’article L. 361-1 du CRPM. Il est institué pour « participer au financement des dispositifs de gestion des aléas climatique, sanitaire, phytosanitaire et environnemental dans le secteur agricole ». Ce fonds est composé de trois sections, qui correspondent respectivement aux fonds de mutualisation (article L. 361-3 du CRPM), à l’assurance récolte subventionnée (article L. 361-4 du CRPM) et aux calamités agricoles (article L. 361-5 du CRPM). La gestion comptable et financière du fonds est assurée par la Caisse centrale de réassurance (CCR), conformément aux dispositions de l’article L. 431-11 du code des assurances.

Le financement du FNGRA est assuré dans les conditions prévues à l’article L. 361-2 du CRPM. Il est alimenté par le produit de taxes acquittées par les exploitants agricoles, conchylicoles et aquacoles (contributions additionnelles aux primes et cotisations d’assurance) et par des abondements de l’État. Depuis le 1er janvier 2016, le taux de la contribution additionnelle permettant d’assurer le financement du fonds est passé de 11 à 5,5 %, avec un mécanisme de plafonnement de la taxe affectée à 60 millions d’euros.

En 2019, les dépenses du FNGRA se sont élevées à 154,7 millions d’euros pour des recettes de 60 millions d’euros, soit un besoin de financement de 94,7 millions d’euros. Le FNGRA a, pour l’année 2020, dépensé un montant de 185 millions d’euros, le plus élevé depuis 2014. L’abondement de l’État s’est élevé à 150 millions d’euros.

B.   DEUX PILIERS : Le rÉgime des calamitÉs agricoles et le rÉgime de l’assurance rÉcolte

Les fondements du régime actuel de gestion des risques climatiques en agriculture datent de la loi n° 64-706 du 10 juillet 1964 organisant un régime de garantie contre les calamités agricoles. Initialement, le système reposait essentiellement sur le régime des calamités agricoles. Par la suite, le législateur a cherché à développer le volet assurantiel, à travers des mécanismes de subvention à l’assurance privée, dans les conditions aujourd’hui prévues à l’article L. 361-4 du CRPM. Deux grandes lois ont traduit ces évolutions. En premier lieu, la loi n° 200611 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole a créé un cadre institutionnel permettant le développement de mécanismes d’assurance récolte, tout en conservant un système d’indemnisation public. En second lieu, la loi n° 2010874 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche a procédé à une réécriture complète du titre VI du livre III du CRPM. Le législateur a modernisé le dispositif, notamment en modifiant le fonctionnement du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

1.   Le régime des calamités agricoles

a.   Les principes fixés par le législateur

Créé par la loi du 10 juillet 1964 précitée, le régime des calamités agricoles constitue le dispositif historique de couverture publique des pertes de récoltes et des pertes de fonds ([8]). Son champ d’intervention s’est peu à peu réduit, à mesure que les pouvoirs publics ont cherché à renforcer la place de la logique assurantielle. Le dispositif continue néanmoins de jouer un rôle important dans l’architecture globale de l’indemnisation des pertes liées aux aléas climatiques.

L’article L. 361-5 du CRPM, dont la rédaction actuelle résulte de la loi du 27 juillet 2010 précitée, pose les principes d’intervention du régime des calamités agricoles. Cet article dispose que « les calamités agricoles sont les dommages résultant de risques, autres que ceux considérés comme assurables (…) d’importance exceptionnelle dus à des variations anormales d’intensité d’un agent naturel climatique, lorsque les moyens techniques de lutte préventive ou curative employés habituellement dans l’agriculture, compte tenu des modes de production considérés, n’ont pu être utilisés ou se sont révélés insuffisants ou inopérants ». Les risques considérés comme assurables « sont ceux pour lesquels il existe des possibilités de couverture au moyen de produits d’assurance et qui sont reconnus comme tels par arrêté conjoint des ministres chargés de l’agriculture, de l’économie et du budget, notamment en raison d’un taux de diffusion suffisant de ces produits au regard des biens concernés ».

Le même article renvoie à un décret le soin de préciser les conditions dans lesquelles les calamités agricoles sont reconnues, évaluées et indemnisées.

b.   Les modalités d’application fixées par voie réglementaire

Les articles D. 361-1 à D. 361-42 du CRPM détaillent les modalités de fonctionnement du régime des calamités agricoles. Plusieurs arrêtés ministériels ont également été pris pour l’application de ce régime. Ce cadre fixe les conditions pour bénéficier du régime des calamités agricoles ainsi que les modalités d’indemnisation.

i.   Les conditions pour bénéficier du régime des calamités agricoles

L’application du régime des calamités agricoles nécessite la réunion de plusieurs critères :

– il faut que l’évènement climatique à l’origine des préjudices soit reconnu comme exceptionnel par arrêté du ministre chargé de l’agriculture, selon une procédure faisant intervenir le préfet, détaillée aux articles D. 361-20 et D. 361‑21 du CRPM.

–  pour une culture donnée, la perte de la production physique doit être supérieure à 30 % de la production physique théorique, ou de 42 % lorsque la production est éligible à une aide couplée dans le cadre de la politique agricole commune (PAC) (article D. 361‑30 du CRPM). Le montant des dommages doit dépasser 13 % du produit brut théorique de l’exploitation (article D. 361-30 du CRPM) et doit être supérieur à 1000 euros.

– l’agriculteur doit justifier s’être acquitté des contributions additionnelles sur certaines conventions d’assurance qui assurent le financement du FNGRA (voir l’article L. 361-2 du CRPM). Ainsi, l’agriculteur devra justifier d’une assurance incendie couvrant les éléments principaux de l’exploitation. S’il n’existe aucun élément d’exploitation assurable contre le risque « incendie », l’agriculteur pourra être indemnisé s’il est garanti contre la grêle ou la mortalité du bétail (article D. 361-31 du CRPM).

En outre, l’application du régime des calamités agricoles est conditionnée au fait que la culture ne soit pas assurée contre les mêmes dommages (article D. 361-32), conformément à l’article L. 361-5 qui prévoit que seuls les dommages non assurables peuvent bénéficier du régime des calamités agricoles.

ii.   Un champ peu à peu resserré

Le champ d’intervention du régime des calamités agricoles a peu à peu été restreint, pour tirer les conséquences du développement de l’offre assurantielle subventionnée depuis 2005.

En vertu de l’arrêté du 29 décembre 2010 fixant la liste des risques considérés comme assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture, la viticulture et les grandes cultures ne sont plus couvertes par le régime des calamités agricoles, en raison d’une diffusion jugée suffisante des contrats MRC pour ces cultures. Les prairies, l’arboriculture, le maraîchage et les légumes demeurent éligibles au régime des calamités agricoles, seulement si ces cultures ne sont pas assurées dans le cadre d’un contrat MRC. Certains risques sont également exclus du régime des calamités agricoles (grêle sur les cultures végétales notamment). L’encadré ci-dessous donne une vision exhaustive des risques considérés comme assurable par l’arrêté précité.

Article 1er de l’arrêté du 29 décembre 2010 fixant la liste des risques considérés comme assurables pour la gestion du Fonds national de gestion des risques en agriculture

« Pour l’application de l’article L. 361-5 du code rural et de la pêche maritime, sont considérés comme assurables, et donc exclus de toute indemnisation par le Fonds national de gestion des risques en agriculture :

« 1° En ce qui concerne les pertes de récolte :

« a) L’ensemble des risques climatiques sur céréales, oléagineux, protéagineux, plantes industrielles, y compris les semences de ces cultures, et sur vignes ;

« b) Le risque de grêle, étendu au risque de vent conformément à l’article L. 122-7 du code des assurances, sur toutes les cultures végétales autres que celles mentionnées au a, y compris les cultures sous abris et les pépinières. Les pertes de récolte sur cultures fourragères dues à la grêle restent toutefois indemnisables par le Fonds national de gestion des risques en agriculture ;

« c) Les risques de grêle, de tempête, de gel, d’inondations, de pluviosité excessive et de sécheresse sur les cultures de tabac ;

« 2° En ce qui concerne les pertes de fonds :

« a) L’ensemble des risques climatiques sur les bâtiments, y compris les abris (notamment les serres et ombrières). Les dommages sur les chenillettes, les volières et les petits tunnels maraîchers d’une hauteur inférieure à 80 cm restent toutefois indemnisables par le Fonds national de gestion des risques en agriculture ;

« b) Le risque de grêle sur les installations de protection contre la grêle (filets paragrêle et armatures) ;

« c) L’ensemble des risques climatiques sur les équipements, installations et matériels d’irrigation, notamment les pivots, rampes et tuyaux ;

« d) Le risque de foudre sur le cheptel (hors bâtiments) ;

«  e) Le risque de chaleur entraînant la mortalité du cheptel d’élevage hors-sol à l’intérieur des bâtiments ».

Notons qu’à titre exceptionnel et temporaire, le Gouvernement a réintégré la viticulture et certaines cultures dans le régime des calamités agricoles pour faire face aux conséquences de l’épisode du gel d’avril 2021.

iii.   Comment fonctionne l’indemnisation ?

En vertu de l’arrêté du 29 décembre 2010 précité, les indemnisations couvrent sans franchise jusqu’à 35 % des pertes et sont calculées en multipliant les pertes par le prix moyen de la culture au niveau du département. L’arrêté précise le niveau d’indemnisation en fonction des cultures (voir le tableau ci-dessous). Dans certains cas, une calamité agricole aux caractéristiques exceptionnelles peut faire l’objet d’arrêtés particuliers dérogeant aux conditions générales.

Les niveaux d’indemnisation en fonction des types de pertes, fixÉs par l’arrÉtÉ du 29 décembre 2010

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2.   L’assurance multirisque climatique subventionnée

a.   Les règles fixées au niveau national

Dès la loi n° 99-574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole, le législateur avait voté la remise d’un rapport au Parlement sur la question de l’assurance récolte. Les travaux du député Christian Ménard, présentés au Premier ministre M. Jean‑Pierre Raffarin en 2004, ont conclu à la nécessité d’une nouvelle orientation vers une garantie protectrice contre les principaux accidents climatiques (grêle, sécheresse, gel, pluie) et permettant de mutualiser les risques.

Dans le prolongement de ces réflexions, l’État soutient depuis 2005 le développement de l’assurance multirisque climatique des récoltes, en prenant en charge une partie des cotisations ou primes d’assurance payées par les agriculteurs. Les produits assurantiels concernés sont les contrats d’assurance multirisque climatique (MRC), créés en 2005.

 Ce mécanisme de subvention publique est aujourd’hui prévu à l’article L. 361-4 du CRPM, dont la rédaction actuelle est issue de la loi du 27 juillet 2010 précitée. Cet article le FNGRA prend en charge « une part des primes ou cotisations d’assurances afférentes à certains risques agricoles, de façon forfaitaire et variable suivant l’importance du risque et la nature de production (…) ». Toujours selon l’article L. 361-4 du CRPM, « le cumul de l’aide versée à ce titre et de la contribution de l’Union européenne ne peut excéder 65 % de la prime ou cotisation d’assurance ». La partie subventionnée ne peut donc excéder 65 %, conformément aux règles initialement fixées par le droit européen (voir infra). Cette prise en charge financière a d’abord fait l’objet d’une aide nationale (2005-2009), avant de relever du premier pilier de la PAC (2010-2014), puis du deuxième pilier depuis 2015.

Les risques concernés et les conditions de prise en charge sont fixés par voie réglementaire, en conformité avec le droit européen. Au niveau national, ces principes sont précisés dans le programme national de gestion des risques et d’assistance technique établi en 2015 et notifié à la Commission européenne ainsi que par le décret n° 2016-2009 du 30 décembre 2016 qui met en œuvre le règlement européen n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le FEADER ([9]). Les critères nécessaires pour que les contrats MRC puissent être éligibles aux subventions sont précisés dans le décret du 30 décembre 2016 précité :

 le contrat doit couvrir une grande variété de risques climatiques : « sécheresse, excès de température, coup de chaleur, coup de soleil, températures basses, manque de rayonnement solaire, coup de froid, gel, excès d’eau, pluies violentes, pluies torrentielles, humidité excessive, grêle, poids de la neige ou du givre, tempête, tourbillon, vent de sable. Elle [L’assurance] peut avoir été souscrite de façon collective, dès lors que les garanties et la prime afférente de chaque exploitant sont clairement identifiées » ;

le contrat doit également couvrir la totalité des cultures concernées, sauf pour les grandes cultures, cultures industrielles, légumes et horticulture, où le taux est fixé à 70 % (article 2 du décret), en conformité avec le droit européen (voir infra) ;

La couverture est déclenchée dès que la perte est supérieure à 30 % de la production annuelle moyenne de l’agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible. Ce seuil de 30 % a été fixé conformément au droit européen (voir infra).

Depuis 2016, trois niveaux de garanties sont prévues, du moins couvrant au plus couvrant ([10]) :

– Les garanties socles, qui ne couvrent que les pertes de quantité. Le contrat doit prévoir un niveau de franchise, de 30 % minimum et 50 % maximum pour les contrats couvrant uniquement un type de culture, de 20 % maximum et 50 % maximum pour les contrats couvrant l’intégralité de l’exploitation et de 25 % minimum et 50 % maximum pour les contrats couvrant deux types d’exploitation ;

 les garanties complémentaires optionnelles, caractérisées par la possibilité d’augmenter le prix assuré au-delà de la valeur du barème de prix, dans la limite du prix de vente réel, de couvrir les pertes de qualité ou, pour les contrats « par groupe de cultures », d’abaisser la franchise dans la limite de 25 %. Ces garanties complémentaires sont cumulables ;

– le troisième niveau de garanties, qui n’est pas éligible à la subvention. Il peut s’agir d’autres garanties complémentaires que celles évoquées plus haut, ainsi qu’un abaissement du seuil de franchise.

Les taux de prise en charge sont fixés par un arrêté pris annuellement. L’arrêté du 15 mars 2021 définissant le taux de prise en charge des primes ou cotisations éligibles à l’aide à l’assurance récolte contre les risques climatiques pour l’année 2021 prévoit un taux de 65 % pour le niveau socle et pour les contrats par groupe de culture « prairies », et de 45 % pour le niveau de garantie complémentaire optionnel.

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Source : Guide pratique sur la gestion des crises climatiques en chambre d’agriculture ([11])

Les paramètres du contrat dont les primes sont éligibles à la subvention sont précisés dans un cahier des charges annuel, pris en application du décret du 30 décembre 2016.

b.   L’encadrement des seuils par le droit européen

i.   Les seuils fixés par les règlements n° 1305/2013 et n° 702/2014

Les seuils de prise en charge publique sont encadrés par le droit de l’Union européenne.

Ainsi, le taux maximal de 65 % de subventions publiques a été fixé conformément à la réglementation européenne et plus particulièrement à l’article 37 et l’annexe II au règlement n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 relatif au soutien au développement rural par le FEADER ([12]). L’article 36 du même règlement fixe, quant à lui, à 30 % le seuil de perte rendant les contrats éligibles à la subvention.

Ces seuils figurent également dans les lignes directrices de l’Union européenne concernant les aides d’État dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales 2014-2020, prolongées jusqu’en 2023 (LDAF), ainsi que dans le règlement (UE) n° 702/2014 de la Commission du 25 juin 2014 déclarant certaines catégories d’aides, dans les secteurs agricole et forestier et dans les zones rurales, compatibles avec le marché intérieur, en application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, dit règlement « REAF ». Ainsi, l’article 2 du règlement REAF définit les « phénomènes climatiques assimilables à une catastrophe naturelle », qui font l’objet d’une indemnisation par la voie assurantielle subventionnée sur fonds nationaux, comme des phénomènes détruisant « plus de 30 % de la production annuelle moyenne » d’un agriculteur. L’article 28 du même règlement prévoit quant à lui que l’intensité de l’aide est limitée à 65 % du coût de la prime d’assurance.

Selon l’étude d’impact, le montant moyen annuel des primes par contrat, tous niveaux de couvertures souscrits confondus, est de 5 373 €, dont 46 % est subventionné, donc remboursé à l’agriculteur. En 2020, les subventions versées par l’État se sont élevées à 152,7 millions d’euros, contre 136 millions d’euros en 2019.

Le taux de prime, qui correspond au rapport entre le montant de la prime et la valeur du capital assuré, varie selon les filières. Il est en moyenne de 2,9 % (2019) mais peut atteindre des niveaux bien plus élevés : 13,1 % en moyenne pour l’arboriculture. À l’inverse, il est plus faible dans certaines filières : 2,2 % pour les céréales et 2,6 % pour les cultures industrielles.

ii.   Une évolution des seuils décidée par le législateur européen

Le règlement européen 2017/2393, dit règlement « omnibus », a modifié les articles 36 et 37 du règlement 1305/2013 : ces modifications ont permis de faire passer de 30 % à 20 % le seuil de pertes de production minimal rendant les contrats d’assurance éligibles à la subvention publique et d’augmenter le taux de subvention maximal de ces contrats de 65 % à   %.

Ces seuils figurent également dans le nouveau règlement européen « plans stratégiques ([13]) », qui fixe les principes auxquels doivent répondre les plans nationaux stratégiques que les États membres doivent établir dans le cadre de la nouvelle PAC. L’article 76 de ce règlement prévoit que « les États membres veillent à ce que l’aide ne soit accordée que pour couvrir les pertes dépassant un plafond d’au moins 20 % de la production annuelle moyenne ou du revenu annuel moyen de l’agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible. Les outils de gestion des risques sectoriels calculent les pertes soit au niveau de l’exploitation, soit au niveau de l’activité de l’exploitation dans le secteur concerné ». En vertu du même article 76, les États membres limitent l’aide à un ou plusieurs taux ne dépassant pas 70 % des coûts éligibles. Notons également que le règlement 1305/2013 est abrogé par le nouveau règlement « plans stratégiques ».

Comme indiqué dans l’introduction du présent rapport, les deux piliers du système actuel ne permettent pas en l’état de garantir aux agriculteurs un niveau de couverture des risques satisfaisant. Les faiblesses sont nombreuses : faible attrait du système assurantiel pour un certain nombre d’agriculteurs, primes considérées comme trop élevées, insuffisante rentabilité pour les assureurs, ou encore articulation insatisfaisante entre le régime des calamités agricoles et le système d’assurance subventionnée, notamment dans les mécanismes d’évaluation des pertes ainsi que des modalités d’indemnisation.

II.   LES DISPOSITIONS DU PROJET DE LOI

L’article 1er du présent projet de loi pose le principe d’une indemnisation fondée sur la solidarité nationale, perçue par les agriculteurs victimes de dommages consistant dans des pertes de récoltes ou de cultures. Il s’agit là du troisième étage de la réforme souhaitée par le Gouvernement, dans le prolongement des conclusions du Varenne de l’eau. Ce principe est codifié dans un nouvel article L. 661-1-A du CRPM.

L’article indique que cette indemnisation fondée sur la solidarité nationale est perçue dans les conditions précisées à l’article L. 361-4-1 du CRPM (article créé par l’article 3 du présent projet de loi). Cette indemnisation est complémentaire, le cas échéant, des indemnisations dues au titre des contrats d’assurance prévus à l’article L. 361‑4 du CRPM, qui correspondent donc à l’assurance récolte subventionnée. Il s’agit donc de permettre l’articulation de cette indemnisation fondée sur la solidarité nationale avec les indemnisations relevant de l’assurance récolte (MRC), dont les primes sont subventionnées. L’article dispose également que l’indemnisation est perçue uniquement si les agriculteurs concernés n’ont pas souscrit d’autres contrats couvrant ces pertes. Ainsi, dans le cas où un agriculteur a souscrit un contrat d’assurance mono-risque couvrant les pertes concernées par l’aléa, il n’entrera pas dans le cadre de ce nouveau dispositif.

III.   Les travaux de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a adopté l’article 1er modifié par un amendement rédactionnel (CE212) de votre rapporteur.

 

Article 2
(article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime)
Modification des règles de prise en charge publique des contrats d’assurance privés

 

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 2 du présent projet de loi modifie les règles de subventionnement public des contrats d’assurance multirisque. Ainsi, l’article prévoit le passage  du taux maximal de subvention publique des contrats prévus à l’article L. 361-4 du CRPM de 65 à 70 %. L’article prévoit également un abaissement de 30 à 20 % du seuil de pertes à partir duquel les contrats deviennent éligibles au mécanisme de subvention.

1.   Le droit en vigueur

Le premier alinéa de l’article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) fixe un principe général d’intervention du FNGRA pour le financement des aides au développement de l’assurance récolte.

Le deuxième alinéa prévoit que le cumul de l’aide versée par le FNGRA et de la contribution de l’Union européenne ne peut excéder 65 % de la prime ou de la cotisation d’assurance. L’alinéa indique également que cette prise en charge est variable suivant l’importance du risque et la nature des productions.

Le troisième alinéa renvoie à un décret le soin de préciser les risques agricoles pour lesquels les primes ou cotisations d’assurance peuvent bénéficier d’une prise en charge partielle, ainsi que les conditions de cette prise en charge. Ainsi, le décret n° 2016-2009 du 30 décembre 2016 ([14]) fixe à 30 % de pertes de la production annuelle moyenne de l’agriculteur au cours des trois années précédentes ou de sa production moyenne triennale calculée sur la base des cinq années précédentes, en excluant la valeur la plus élevée et la valeur la plus faible, le seuil à partir duquel les contrats sont éligibles au mécanisme de subventionnement.

Les seuils fixés dans le droit national résultent du droit européen. Comme indiqué dans le commentaire de l’article 1er, ces seuils initialement fixés à 65 % maximum pour ce qui concerne la prise en charge publique et 30 % pour ce qui concerne le seuil de perte rendant les contrats éligibles à la subvention ont été rehaussées par le règlement « omnibus » et le règlement « plans stratégiques ». Ils sont désormais respectivement fixés à 70 % maximum pour la subvention publique et 20 % minimum pour le seuil de perte.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 2 du présent projet de loi réécrit entièrement les deuxième et troisième alinéas de l’article L. 361-4 du CRPM. Trois modifications de fond sont apportées par rapport à la version actuelle de l’article.

 En premier lieu, le taux maximal de subvention est porté de 65 à 70 %. Cette augmentation permet de renforcer l’attractivité des contrats MRC et tire les conséquences des évolutions du droit européen qui rendent possible ce nouveau seuil.

 En deuxième lieu, il est ajouté aux facteurs déterminant la variation de la subvention un facteur lié au type et aux modalités du contrat d’assurance souscrit, en plus de l’importance du risque et de la nature des productions, ces deux derniers critères figurant déjà dans la rédaction actuelle de l’article L. 361-4.

Notons que jusqu’à présent, hormis pour les contrats dits « prairie », aucune distinction n’était effectivement réalisée entre les autres catégories de culture en termes de prise en charge publique, malgré la faculté offerte par ce même article du code rural et de la pêche maritime. Interrogé par votre rapporteur sur ce point, le Gouvernement a indiqué que la rédaction retenue reprend cette capacité de fixer des taux de subvention différents, plus attractifs le cas échéant, en fonction des cultures afin de constituer un levier de développement supplémentaire de l’assurance pour des secteurs aujourd’hui très peu couverts, à l’instar des prairies où le taux de diffusion est aujourd’hui inférieur à 1 %. Si aujourd’hui l’attractivité a été recherchée à travers un seuil de franchise établi à 25 % et subventionnable à 65 % (contre 30 % de franchise pour la garantie socle des autres cultures), cette attractivité pourrait être accrue demain en adoptant un taux de subvention également plus intéressant que celui des autres cultures. Cette possibilité sera étudiée lors des travaux qui seront menés concernant la détermination des différents seuils de pertes et leur définition par voie réglementaire. Le Gouvernement se saisira le cas échéant, et après concertation avec les parties prenantes, de cette capacité de modulation du taux de subvention afin d’accroître de manière volontariste l’effectivité de la réforme et in fine le développement de l’assurance récolte.

Concernant les différenciations entre les contrats par groupe de culture ou les contrats par exploitation, une différenciation existe déjà en l’état actuel du droit sur les garanties subventionnées : pour les contrats « à l’exploitation » pouvant offrir des garanties correspondant à une franchise de 20 %, celles-ci sont subventionnées à 65 % ; tandis que pour les autres contrats « par groupe de culture », seules les garanties incluant une franchise à 30 % sont subventionnées à 65 % (les garanties avec franchises de 25 % à 30 % pouvant, elles, être subventionnées uniquement à 45 %). Ainsi, la précision apportée à l’article 2 du projet de loi, concernant la variation de la prise en charge selon « les modalités de contrat d’assurance souscrit », a vocation à apporter une plus grande visibilité sur les objectifs poursuivis par la réforme, qui doit permettre de continuer à soutenir le développement des contrats « à l’exploitation » qui répondent aux besoins d’exploitants engagés dans une diversification de leurs cultures, aussi bien que de ceux par « groupes de cultures ». Le nouvel article L. 361-4 permettra de renforcer l’attractivité de ces contrats, le cas échéant en proposant un niveau de prise en charge différent de celui proposé aux contrats « par groupe de culture ». Comme indiqué par le Gouvernement, la mise en œuvre de cette possibilité sera étudiée lors des travaux qui seront menés concernant la détermination des différents seuils de pertes et leur définition par voie réglementaire.

● En troisième lieu, pourront bénéficier de cette subvention les contrats d’assurance couvrant les pertes représentant au moins 20 % de la moyenne de la production annuelle de l’exploitant, contre 30 % en l’état actuel du droit. Les modalités de calcul de la production annuelle sont renvoyées à un décret.  Il est précisé que cette part sera fixée par décret et pourra varier en fonction de la nature des productions et du type de contrat d’assurance souscrit. Ce nouveau seuil assure la pleine cohérence de notre droit avec les évolutions constatées au niveau européen dans le cadre du nouveau règlement « plans stratégiques ».

Sur ce point également, votre rapporteur a interrogé le Gouvernement pour obtenir des détails sur les critères de fixation des seuils. Le Gouvernement indique que la détermination des seuils n’est pas encore fixée et que l’identification des différents seuils en fonction des cultures et pour les contrats à l’exploitation fera l’objet d’analyses et d’évaluations préalables, en concertation avec les parties prenantes. Ces seuils, qui seront donc fixés par la voie réglementaire, pourront être différents en fonction des types de cultures couverts par les contrats d’assurance, mais également du type de contrat souscrit (par groupe de culture ou à l’exploitation). L’objectif du Gouvernement est d’offrir, dans un premier temps, une certaine stabilité à la suite de l’adoption de ces seuils, afin de garantir une lisibilité et une attractivité du nouveau dispositif pour l’ensemble des acteurs. Dans un second temps, ces seuils pourraient être amenés à évoluer périodiquement au regard de l’essor attendu de la couverture assurantielle, ainsi que de la fréquence et de l’intensité de la sinistralité constatée, culture par culture. Ces évolutions seront à construire en concertation avec le CODAR, créé par l’article 5 du présent projet de loi.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a adopté l’article 2 modifié par un amendement rédactionnel (CE213) de votre rapporteur.

 

Article 3
(article L. 361-4-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime)
Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

 

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 3 du projet de loi prévoit une nouvelle modalité d’intervention du FNGRA au titre de la solidarité nationale, pour les risques aboutissant à un niveau de pertes supérieur à un seuil fixé par décret, seuil qui ne peut être inférieur à 30 % de la moyenne de la production annuelle de l’exploitant et qui pourra varier en fonction de la nature des productions, et s’il y a lieu, des contrats d’assurance souscrits.

1.   Le droit en vigueur

Les modalités d’intervention du Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA) sont décrites dans le commentaire de l’article 1er. L’article L. 361-4 du CRPM prévoit l’intervention du FNGRA au titre du subventionnement des contrats d’assurance MRC. L’article L. 361-5 prévoit, quant à lui, l’intervention du FNGRA dans le cadre du régime des calamités agricoles.

2.   Les dispositions du projet de loi

Un nouvel article L. 361-4-1 est inséré dans le CRPM. Cet article précise le dispositif de solidarité nationale consacré à l’article 1er du présent projet de loi.

Le nouvel article L. 361-4-1 prévoit que la troisième section du FNGRA participe à l’indemnisation des pertes de récoltes ou de cultures résultant d’aléas climatiques, lorsque ces dernières sont supérieures à un seuil fixé par décret qui ne peut être inférieur à 30 % de la moyenne de la production annuelle de l’exploitant. Il s’agit donc là de préciser les conditions d’application du troisième étage de la réforme prévue par le présent projet de loi, qui aura vocation à s’appliquer en cas de réalisation d’un risque entraînant des pertes de récolte supérieures à 30 %. Les modalités de calcul des pertes seront précisées par décret, tout comme le seuil, qui pourra être fixé « en fonction de la nature des productions et, s’il y a lieu, du type de contrat d’assurance souscrit ». Ce seuil minimal de 30 % est conforme au droit européen : en effet l’article 25 du règlement n° 702/2014 précité prévoit que l’indemnisation directe des dommages doit correspondre à un seuil minimal de 30 % calculée sur la base soit des trois années précédentes, soit de la moyenne olympique quinquennale ([15]) .

Concernant les conditions d’indemnisation, le nouvel article L. 361-4-1 distingue le cas des exploitants agricoles assurés par un contrat bénéficiant d’une subvention dans les conditions prévues à l’article L. 361-4, des autres exploitants agricoles.

Pour les exploitants agricoles assurés dans le cadre d’un contrat subventionné dans les conditions prévues à l’article L. 361-4 (contrat MRC), l’indemnisation est versée en complément de celle perçue au titre du contrat d’assurance pour les mêmes pertes.

Pour les exploitants agricoles non assurés, l’indemnisation est plafonnée à 50 % de l’indemnisation moyenne perçue, pour les mêmes pertes, par un agriculteur assuré. Les non-assurés percevront donc une indemnisation moitié moindre que celle versée aux assurés en MRC pour les mêmes dommages. Il s’agit là de renforcer l’incitation pour les agriculteurs de souscrire à un contrat MRC. Cette disposition assure également la conformité de notre droit avec le droit européen et plus précisément avec l’article 25 du règlement n° 702/2014 précité, qui prévoit que l’aide accordée doit être réduite de 50 % sauf si les bénéficiaires ont souscrit une assurance couvrant au moins 50 % de leur production annuelle ou des revenus liés à la production.

Notons que les agriculteurs qui ont souscrit une assurance dite « monorisque » seraient exclus du bénéfice des aides au titre de la solidarité nationale en cas de survenue de l’aléa pour lequel ils sont précisément assurés. En dehors des pertes résultant de cet aléa, ils recevront, comme un non-assuré, une indemnisation au titre de la solidarité nationale représentant au plus 50 % de celle qui serait perçue par les exploitants agricoles assurés subissant les mêmes dommages et assurés pour ces dommages. À titre d’exemple, un agriculteur ayant des vignes et des grandes cultures, et ayant souscrit un contrat « monorisque » pour la grêle uniquement sur sa vigne, sera considéré comme « non assuré » sur sa vigne pour les aléas climatiques que ne couvre pas son contrat, comme par exemple la sécheresse, ainsi que pour tous les aléas pour les cultures non couvertes par le contrat – les grandes cultures dans le cas d’espèce. Pour les dommages résultant de l’aléa grêle, et sur l’ensemble de ses vignes, l’agriculteur ne sera pas concerné par une indemnisation au titre de la solidarité nationale puisqu’il sera entièrement couvert par son contrat d’assurance monorisque pour ces pertes.

Enfin, l’avant dernier alinéa de ce nouvel article L. 361-4-1 prévoit que l’indemnité pourra être versée par un réseau d’interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l’État. Pour assurer l’harmonisation du traitement de la gestion des risques, il est prévu que ce réseau fasse application de référentiels, de méthodologie d’évaluation des pertes et de modalités d’indemnisation similaires à ceux applicables dans le cadre des contrats MRC subventionnés. Comme le précise l’étude d’impact, pour garantir la bonne mise en œuvre de cette architecture, les agriculteurs choisiront parmi un ensemble d’acteurs agréés et agissant pour le compte de l’État un interlocuteur unique pour le déclenchement et l’évaluation de l’intervention de l’État en cas de sinistre « catastrophique ». L’étude d’impact indique que les interlocuteurs concernés pourront être des personnes publiques ou privées, choisies après appel à candidatures. Ce nouveau mécanisme devrait également permettre d’améliorer le taux de sinistralité de l’assurance : une tranche de perte sera prise en charge directement par l’État.

Enfin, l’article renvoie à un décret le soin d’en préciser les modalités d’application.

Le nouveau champ d’intervention du FNGRA consacré par cet article est conçu comme complémentaire du régime des calamités agricoles, qui ne sera maintenu que pour certaines pertes, dans les conditions prévues à l’article 4 du présent projet de loi.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a adopté l’article 3 modifié par un amendement rédactionnel (CE214) de votre rapporteur.

 

Article 4
(articles L. 361-5 à L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime)
Modification du champ d’application du régime des calamités agricoles

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 4 du présent projet de loi modifie le champ d’application du régime des calamités agricoles afin de tirer les conséquences de la réforme prévue aux articles 1er à 3 du présent projet de loi. Le régime des calamités agricoles s’appliquera uniquement pour les pertes qui ne seront pas couvertes par l’article L. 361-4-1 du CRPM.

1.   Le droit en vigueur

L’article L. 361-5 prévoit les modalités d’intervention du FNGRA au titre du régime des calamités agricoles, dans les conditions décrites dans le commentaire de l’article 1er.

2.   Les dispositions du projet de loi

Cet article modifie l’article L. 361-5 du CRPM pour limiter le champ d’application du régime des calamités agricoles aux pertes qui ne relèvent pas de l’article L. 361-4-1, article créé par l’article 3 du présent projet de loi. L’article L. 361-5 est modifié en conséquence (alinéa 2 de l’article 4).

Les pertes visées devraient être les pertes concernant les moyens de production de l’exploitation et pour lesquelles il n’existe pas de marché assurantiel. En effet, le dispositif de solidarité nationale prévue à l’article L. 361‑4‑1 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) a vocation à indemniser les pertes de récoltes et de cultures résultant d’aléas climatiques. L’article L. 3615 du CRPM, dans sa rédaction issue du projet de loi, aura donc un champ d’application qui sera limité aux pertes de fond, c’est-à-dire à la perte des moyens de production, dont la définition relèvera également du pouvoir réglementaire, comme c’est le cas actuellement. Les pertes de fond les plus classiques sont des dommages aux sols, clôtures, matériels, mais également la perte des vergers ou vignes. À titre d’exemple, la destruction d’un arbre du fait d’un gel devrait constituer une perte de fond indemnisée via le régime des calamités agricoles ; la destruction des fruits du fait d’un orage relèverait du nouveau régime applicable aux pertes de récoltes.

D’autres modifications de coordination juridique sont effectuées aux articles L. 361-6 et L. 361-7, qui portent respectivement sur la compétence de l’ordre judiciaire pour le contentieux des décisions individuelles relatives au régime des calamités agricoles et sur le régime des calamités publiques. Il s’agit, à l’article L. 361-6, d’indiquer que la compétence de l’ordre judiciaire concerne les décisions individuelles prises en application des articles L. 361-4-1 et L. 361-5. À l’article L. 361-7, la modification apportée prévoit que les dommages mentionnés aux articles L. 361-4-1 et L. 361-5 qui ne sont pas spécifiquement agricoles mais qui prennent le caractère de calamités publiques ne relèvent pas du FNGRA mais du régime des calamités publiques.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a adopté l’article 4 modifié par un amendement rédactionnel (CE215) de votre rapporteur.

 

Article 5
(article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime)
Création du comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR)

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 5 du projet de loi crée, au sein du Comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), un comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR).

1.   Le droit en vigueur

Le Comité national de la gestion des risques en agriculture (CNGRA) créé par l’article 26 de la loi du 27 juillet 2010 et codifié à l’article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime (CRPM) est un organisme consultatif qui réunit des représentants de l’État, du secteur agricole et du secteur de l’assurance. La composition du CNGRA et de ses comités départementaux d’expertise ainsi que les missions et les modalités de fonctionnement de ces comités sont précisées par décret (articles D. 361-8 à D. 361-12 du CRPM).

Le CNGRA est consulté sur l’ensemble des textes réglementaires concernant la gestion des aléas climatiques en agriculture. Il peut également être consulté par le ministre chargé de l’agriculture sur une série de questions, dont les conditions de développement des produits d’assurance contre les dommages causés aux exploitations agricoles, notamment l’impact des seuils de franchise et de perte sur ce développement et sur l’attractivité de l’assurance ainsi que l’adéquation entre le niveau de primes des produits et les risques encourus. Le CNGRA peut, de sa propre initiative, appeler l’attention du Gouvernement sur les sujets relevant de sa compétence.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article L. 361-8 est modifié pour créer au sein du Comité national de la gestion des risques en agriculture un comité chargé de l’orientation et du développement des assurances récolte (CODAR). Un décret d’application doit préciser sa composition, son organisation et le contenu de ses missions.

Comme l’a précisé le Gouvernement et comme cela découle des recommandations faites par le Varenne de l’eau, le CODAR associera les représentants professionnels agricoles, les entreprises d’assurance et de réassurance, la CCR et l’État. Le CODAR constituera donc une formation spécialisée du CNGRA, qui aura vocation à assurer le suivi de la mise en œuvre du dispositif et l’évolution de la diffusion de l’assurance multirisque climatique, et à formuler des recommandations quant aux besoins d’ajustement des seuils et paramètres ou relatives à la mise en place de nouvelles offres expérimentales, ou concernant tout autre sujet permettant d’assurer l’atteinte des objectifs fixés.

Le Gouvernement a aussi indiqué à votre rapporteur que le CNGRA, ou sa formation CODAR, sera consulté sur les décrets et arrêtés relatifs au soutien à l’assurance récolte et aussi sur l’arrêté portant sur les biens non assurables pris en application du troisième alinéa de l’article L. 361-5 du CRPM. Le CODAR pourra être chargé de donner un avis sur la pertinence de l’offre assurantielle au regard des besoins et de donner des recommandations pour éviter la persistance de cultures « non assurables ».

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a adopté l’article 5 modifié par deux amendements rédactionnels (CE216 et CE217) de votre rapporteur.

 

 

 

 

 

Article 6
(article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime)
Coordination juridique

 

Adopté par la commission sans modification.

 

L’article 6 met en cohérence avec la réforme les dispositions de l’article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime faisant référence aux calamités agricoles.

1.   Le droit en vigueur

L’article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime prévoit que « dans tous les cas où, par suite de calamités agricoles, le bailleur d’un bien rural obtient une exemption ou une réduction d’impôts fonciers, la somme dont il est exonéré ou exempté bénéficie au fermier ». Dans ce cas, « le fermier déduit du montant du fermage à payer au titre de l’année au cours de laquelle a eu lieu le sinistre une somme égale à celle représentant le dégrèvement dont a bénéficié le bailleur. Dans le cas où le paiement du fermage est intervenu avant la fixation du dégrèvement, le propriétaire doit en ristourner le montant au preneur ».

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 6 du présent projet de loi substitue aux mots « par suite de calamités agricoles » les mots : « à la suite de dommages susceptibles d’être indemnisés au titre des articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du présent code » afin de mettre en cohérence cette disposition du code avec le nouveau dispositif prévu aux articles 3 et 4 du présent projet de loi.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 6 a été adopté par la commission des affaires économiques sans modification.

 

Article 7
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l’assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d’assurance

 

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 7 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour prendre plusieurs mesures visant à donner de nouvelles obligations aux entreprises d’assurances commercialisant des contrats MRC. Le Gouvernement pourra crééer un groupement chargé de tout ou partie de ces obligations.

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 7 habilite le Gouvernement à prendre par ordonnance dans un délai de 9 mois à compter de la publication de la loi toutes mesures relevant du domaine de la loi concernant l’assurance contre les aléas climatiques en agriculture, « afin de permettre aux systèmes de production de surmonter durablement les aléas et de garantir un large accès des agriculteurs à un régime d’assurance ». L’article précise le champ d’habilitation et les mesures pourront porter sur :

1° de nouvelles obligations pour les entreprises d’assurance souhaitant commercialiser les contrats bénéficiant des subventions prévues à l’article L. 361‑4 du CRPM. Ces obligations pourront consister à partager des données, à mutualiser les risques, à élaborer une tarification technique commune, à exercer en commun certaines activités liées à ces produits, à proposer un de ces produits à tout agriculteur qui en fait la demande, à encadrer les procédures d’évaluation et d’indemnisation des sinistres et à assurer les missions de réseau prévues à l’article 3 du présent projet de loi ;

la création d’un groupement, « chargé de toute ou partie de ces obligations » ;

3° de nouvelles missions confiées à la caisse centrale de réassurance en lien avec les points 1° et 2° ;

4° la définition des modalités de contrôle et de sanctions administratives pour assurer l’effectivité des articles L. 361-1 A, L. 361-4, L. 361-5 du CRPM ainsi que des obligations qui pourront découler de l’ordonnance prévue par le présent article ;

des obligations déclaratives pour les agriculteurs non assurés ;

6° l’application des dispositions du présent projet de loi aux contrats en cours ;

7° les modifications nécessaires pour assurer le respect de la hiérarchie des normes et la cohérence rédactionnelle des dispositions du code.

Cette habilitation doit donc permettre la constitution d’un groupement (« pool ») d’entreprises d’assurance dont les primes sont éligibles au mécanisme de subvention. La forme juridique et les modalités de fonctionnement de ce groupement ne sont pas arrêtées à ce stade. L’absence de rentabilité sur le marché des assurances tient en partie à une connaissance insuffisante des risques ainsi qu’à une capacité de mutualisation trop faibles.

Il faut noter que le Gouvernement a saisi l’Autorité de la concurrence par lettre du 1er octobre 2021, en application de l’article L. 462-1 du code de commerce, d’une demande d’avis portant sur trois dispositifs de coopération horizontale entre assureurs en matière d’assurance multirisque climatique envisagés par les ministères en charge de l’économie et de l’agriculture. L’Autorité de la concurrence a rendu son avis (n° 21-A-16) le 22 novembre 2021, et il a été rendu public le 20 décembre 2021.

2.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 7 a été adopté par la commission des affaires économiques modifié par un amendement CE44 déposé par M. Dominique Potier (Soc) ayant fait l’objet de plusieurs amendements identiques (CE135, CE161 et CE176) et sous-amendé par votre rapporteur. Tel que voté dans sa version sous-amendée, cet amendement a pour objet de réduire à 6 mois le délai dont dispose le Gouvernement pour prendre l’ordonnance découlant des 1° à 3° de l’article 7. 11 amendements rédactionnels de votre rapporteur ont également été adoptés à l’article 7.

 

Article 8
(articles L. 371-13, L. 372-3, L. 372-5, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime)
Coordinations juridiques apportées au code rural et de la pêche maritime pour les territoires ultramarins

 

Adopté par la commission sans modification.

 

L’article 8 du présent projet de loi prévoit les adaptations législatives nécessaires pour les territoires ultramarins. Ces territoires ne seront pas concernés par les modifications prévues par le présent texte (à l’exception de l’article 10), en lien avec la réforme du fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM) prévue à l’article 9 du présent projet de loi.

1.   Le droit en vigueur

Les collectivités d’outre-mer bénéficient d’un régime de gestion des risques climatiques qui diffère de celui applicable dans le territoire hexagonal. Comme cela résulte de l’article L. 371-13 du CRPM, les agriculteurs ultramarins ne cotisent pas au FNGRA et ne sont pas soumis au régime des calamités agricoles – troisième section du FNGRA. Les outre-mer disposent d’un instrument ad hoc pour indemniser les pertes de récoltes dues aux évènements climatiques extrêmes : le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM), porté par le ministère des outre-mer (voir le commentaire de l’article 9) et mentionné aux articles L. 371-13, L. 372-5, L. 373-11 et L. 374-12 du code rural et de la pêche maritime.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le I de l’article 8 du présent projet de loi prévoit que les dispositions du texte « ne s’appliquent pas en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à La Réunion, non plus qu’à Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et
Saint-Pierreet-Miquelon, à l’exception de son article 10 ».

Le II de l’article 8 prévoit ensuite les adaptations nécessaires des articles qui régissent le FSOM afin d’assurer la cohérence du dispositif existant avec le présent projet de loi. Le nouvel article L. 361-1 A créé par l’article 1er du présent projet de loi est ainsi ajouté à la liste des articles dont l’application est exclue dans les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution : la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion et Mayotte (alinéa 4). Les dispositions relatives à l’indemnisation des calamités agricoles telles que définies au deuxième alinéa de l’article L. 361-5 dans ces collectivités d’outre-mer sont fixées par les textes régissant le fonds de secours pour l’outre-mer inscrit au budget général de l’État (alinéa 4). En outre, les modifications relatives au CNGRA (8ème alinéa de l’article L. 361-8) ne sont pas rendues applicables pour les collectivités précitées (alinéas 5 et 6).

Les 3° à 7° de l’article 8 prévoient la non-application du nouveau dispositif à Saint-Martin, Saint-Barthélemy et Saint Pierre-et-Miquelon, collectivités régies par l’article 74 de la Constitution. Là encore, le nouvel article L. 361-1 A est ajouté à la liste des articles dont l’application est exclue et un renvoi à la définition des calamités agricoles prévue au deuxième alinéa de l’article L. 361-5 est ajouté par souci de clarté. Les modifications relatives au CNGRA y sont également rendues inapplicables.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 8 a été adopté par la commission des affaires économiques sans modification.

 

Article 9
Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM)

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 9 habilite le Gouvernement pendant une durée de deux ans à légiférer par ordonnance pour préciser les principes d’organisation et d’intervention du fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM) et déterminer les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles ultramarins pourront accéder au FNGRA.

1.   Le droit en vigueur

a.   Dans les territoires ultramarins, les aléas climatiques en agriculture relèvent du fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM)

Comme indiqué dans le commentaire de l’article précédent, les agriculteurs ultramarins ne cotisent pas au FNGRA et n’entrent pas dans le cadre du régime des calamités agricoles. Ils sont indemnisés par le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM), porté par le ministère des outre-mer et mentionné aux articles L. 371-13, L. 372-5, L. 373-11 et L. 374-12 du code rural et de la pêche maritime.

Le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM) indemnise les pertes de récoltes dues aux évènements climatiques extrêmes dans les départements, régions et collectivités d’outre-mer. Les conditions de fonctionnement de ce fonds sont fixées par une circulaire du 11 juillet 2012 relative au fonds de secours pour les outre-mer.

Le FSOM est compétent tout secteur confondu. La partie agricole constitue son premier poste de dépenses : elle consomme 70 % de son enveloppe annuelle de 10 millions d’euros, issue du programme 123 « Conditions de vie outre-mer ». Cette part est en augmentation tendancielle et en cas de crise majeure, des ouvertures de crédits supplémentaires peuvent être décidées. Le taux moyen de l’aide du FSOM pour les dommages agricoles est de 35 % pour les pertes de fonds et de 30 % pour les pertes de récoltes ou de production.

Notons que la loi n° 74-1170 du 31 décembre 1974, modifiée en 2006, avait organisé un régime de garantie contre les calamités agricoles dans les départements d’outre-mer (DOM) avec la création d’un fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d’outre-mer. Ces dispositions législatives n’ont jamais fait l’objet de texte d’application et ont été par conséquent supprimées par l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime.

La loi n° 2017-256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique a complété l’article L. 371-13 du CRPM en y ajoutant la possibilité de créer un fonds de mutualisation prenant en charge les indemnisations des calamités agricoles dans les départements d’outre-mer, dont les ressources seraient cofinancées par les fonds publics, européens et nationaux. Néanmoins, le décret d’application n’a pas été publié car les consultations locales n’ont pas encore abouti à une proposition sur l’organisation de ce fonds de mutualisation, en fonction du territoire ou des filières.

En outre, le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) peut être sollicité dans les outre-mer en complément de l’intervention du FSOM sur la partie indemnisation des pertes de fonds.

b.   LE FSOM nécessite aujourd’hui d’être réformé

Le FSOM est considéré par certaines filières ultramarines comme inadapté à leurs besoins. En outre, il ne semble pas aujourd’hui être un outil suffisamment résilient et puissant face à la multiplication des aléas climatiques, dont les outre-mer sont particulièrement victimes. Ces territoires sont structurellement plus exposés aux aléas climatiques et le dérèglement climatique a pour effet d’augmenter la fréquence et l’intensité de ces aléas, notamment les déficits pluviométriques et les ouragans.

Comme le signale l’étude d’impact, il n’existe pas à ce jour de marché d’assurance contre les risques climatiques en outre-mer. Cette absence de marché s’explique en partie par la difficulté des assureurs à chiffrer les primes pour des risques mal évalués et par l’étroitesse du marché. L’Inspection générale des finances et le Conseil général de l’environnement et du développement durable ont déploré le défaut de marché d’assurance dans les outre-mer, préconisant de « mutualiser l’expertise des différents assureurs présents outre-mer, en lien avec des experts en métropole, afin d’améliorer la connaissance des risques spécifiques et la couverture de secteurs économiques aujourd’hui éloignés de l’assurance ».

Il apparaît, en outre, nécessaire de sécuriser juridiquement l’intervention du FSOM, qui repose aujourd’hui essentiellement sur la circulaire du 11 juillet 2012 précitée.

Il est également souhaitable, dans le contexte de la réforme actuelle, de déterminer les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles ultramarins peuvent accéder au Fonds national de gestion des risques en agriculture.

2.   Les dispositions du projet de loi

L’article 9 du présent projet de loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour « préciser les principes d’organisation et d’intervention du fonds de secours pour l’outre-mer » ainsi que pour « déterminer les conditions dans lesquelles les exploitants agricoles ultramarins peuvent accéder au Fonds national de gestion des risques en agriculture », dans le but de « surmonter durablement les aléas climatiques, en prenant en compte la spécificité de ces territoires et l’objectif de renforcement de leur autonomie alimentaire ».

L’article 9 prévoit que cette ordonnance doit être prise dans un délai maximal de deux ans à compter de la publication de la loi, compte tenu de la nécessité d’effectuer des concertations avec les acteurs du secteur et de la technicité du sujet. Le Conseil d’État observe que ce délai est justifié par l’ampleur du chantier législatif à mener.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 9 a été adopté par la commission des affaires économiques modifié par un amendement rédactionnel de votre rapporteur (CE228). 

 

Chapitre II
Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

Article 10
(article L. 122-7 du code des assurances)
Modification du régime de la garantie contre les effets du vent

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 10 du présent projet de loi prévoit une modification du régime de la garantie contre les effets du vent. Le principe d’extension obligatoire de la garantie incendie au risque tempête est conservé mais l’article clarifie la possibilité pour l’assureur de différencier les conditions d’indemnisation des risques incendie et tempête pour les biens utilisés à titre professionnel.

1.   Le droit en vigueur

L’article L. 122-7 du code des assurances prévoit que les contrats d’assurance garantissant les dommages d’incendie ou les dommages aux véhicules ouvrent automatiquement droit à une garantie contre les effets du vent dû aux tempêtes sur « les biens faisant l’objet de tels contrats ». Cet article a été introduit par la loi n° 90-509 du 25 juin 1990 modifiant le code des assurances et portant extension aux départements d’outre-mer du régime d’indemnisation des catastrophes naturelles afin d’assurer la solvabilité de la couverture assurantielle contre le risque de tempêtes.

La volonté initiale du législateur était d’étendre la garantie incendie au risque tempête, sans nécessairement que cette extension obligatoire n’entraîne l’harmonisation des conditions de prise en charge des risques incendie et tempête. Jusqu’au début des années 2000, la jurisprudence est allée dans ce sens : dans un arrêt du 4 novembre 2004, la Cour de cassation a estimé que, si les contrats garantissant le risque incendie ouvrent droit à la garantie tempête sur les biens faisant l’objet de ces contrats, « l’étendue de cette garantie peut être librement fixée par les parties et n’est égale à celle du risque d’incendie que si elles n’en sont autrement convenues ». Par conséquent, les contrats d’assurance pouvaient être différenciés, par exemple en prenant en compte la vétusté des biens ou en fixant des franchises ou plafonds de garanties différents pour les risques incendie ou tempête.

Cependant en 2006, un arrêt de la Cour de cassation a ouvert la voie à un alignement des conditions de prise en charge. La Cour a non seulement considéré que la garantie tempête ne pouvait pas être exclue, mais également que, par ailleurs, elle ne pouvait pas être réduite ou rendue plus onéreuse. Depuis, cette jurisprudence a été confirmée par d’autres décisions (notamment : CA Montpellier, 10 mai 2017, n° 14-02343 ; CA Nîmes, 19 décembre 2019, n° 18-04420.). En conséquence, les assureurs ont désormais l’obligation d’aligner les conditions de prise en charge dans les contrats contre les risques tempête et incendie.

Le Gouvernement considère que l’harmonisation des deux risques a conduit à des situations insatisfaisantes pour les assureurs et les assurés. Les risques incendie et tempête sont de natures très différentes et les exploitations ne sont pas soumises à ces risques de la même manière. Le risque de survenance d’un incendie agricole est rare, mais entraîne des dégâts s’élevant en moyenne à 30 000 euros, quand les tempêtes sont plus fréquentes, mais moins destructrices (6 000 euros en moyenne). En outre, les mesures de prévention contre les incendies apportent à l’assuré une bonne maîtrise du risque alors que le risque tempête est moins maitrisable. Comme l’indique l’étude d’impact, l’interprétation retenue par la Cour de cassation empêche aujourd’hui un assureur de proposer des franchises plus faibles et des clauses de reconstruction en valeur à neuf pour les bâtiments et autres biens présentant une vétusté faible à modérée. Au contraire, les assureurs sont contraints de proposer des franchises plus élevées et des coefficients de vétusté moins favorables, voire à refuser la couverture incendie pour éviter de couvrir le risque tempête.

Les agriculteurs sont particulièrement concernés par les dispositions de l’article 10 car leurs biens sont fortement exposés aux effets du vent. En 2019, la fréquence des sinistres liés aux tempêtes était de 27 % pour les agriculteurs, contre 6 % pour les autres professionnels. Les agriculteurs représentent d’ailleurs 12 % du total des cotisations à la garantie « tempête, grêle, neige » et depuis 1990, 79 % des indemnités versées aux assurés l’ont été au titre des dégâts causés par les tempêtes. Les agriculteurs sont donc soumis au paiement de primes plus importantes que les autres assurés lorsqu’ils souscrivent à un contrat « tempête, grêle, neige » : la cotisation pour les dommages aux biens agricoles est en moyenne de 290 euros contre 35 euros pour l’ensemble des assurés.

La sinistralité liée aux contrats « tempête, grêle et neige » pour les exploitants agricoles a ainsi plus que doublé depuis 2016 (60 M€ de dégâts en 2016, 125 M€ en 2018 et en 2019). En l’absence d’un désalignement des deux risques, la surprime pour les agriculteurs pourrait connaître une hausse de 13 % au titre de la garantie tempête, soit plus de 20 M€ pour le marché agricole. Selon la Fédération française des assurances, la charge sinistre « tempête » devrait encore croitre de 80 % d’ici à 2050, ce qui augmentera mécaniquement le poids économique pour les agriculteurs.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le pésent article 10 prévoit de revenir à l’intention initiale du législateur. Un nouvel alinéa est inséré après le premier alinéa de l’article L. 122-7 du code des assurances en ce sens. La rédaction proposée conserve le principe d’extension obligatoire de la garantie incendie au risque tempête, mais clarifie la possibilité pour l’assureur de différencier les conditions d’indemnisation des risques incendie et tempête pour les biens utilisés à titre professionnel.

 

Cette possibilité d’adaptation des contrats à la réalité de l’exposition aux risques tempête et incendie devrait permettre d’éviter des ajustements tarifaires à la hausse – la direction générale du Trésor estime à 14 M€ la charge de sinistres inutilement couverte à cause de l’alignement – et de proposer des solutions adaptées aux besoins des professionnels.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 10 a été adopté par la commission des affaires économiques modifié par deux amendements rédactionnels de votre rapporteur (CE229 et CE230). 

 

Article 11
(articles L. 431-12 [abrogé], L. 442-1 et L. 441-2 du code des assurances)
Coordinations juridiques faites dans le code des assurances

 

Adopté par la commission sans modification.

1.   Le droit en vigueur

La loi n° 74-1170 du 31 décembre 1974, modifiée en 2006, avait organisé un régime de garantie contre les calamités agricoles dans les départements d’outre-mer (DOM) avec la création d’un fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d’outre-mer. Ce fonds n’a jamais connu d’application. Les dispositions législatives correspondantes ont par conséquent été supprimées par l’ordonnance n° 2016-391 du 31 mars 2016 recodifiant les dispositions relatives à l’outre-mer du code rural et de la pêche maritime.

2.   Les dispositions du projet de loi

Le 1° de l’article 11 du présent projet de loi abroge l’article L. 431-12 du code des assurances. Cet article prévoit que la gestion comptable du fonds de garantie des calamités agricoles est assurée par la caisse centrale de réassurance. Cet article n’a pas d’effectivité étant donné que le fonds de garantie des calamités agricoles est inopérant.

Le 2° de l’article 11 remplace, à l’article L. 442-1 du code des assurances, qui rappelle les trois sections du FNGRA, les mots « calamités agricoles » par la définition des calamités agricoles prévue aux articles L. 361-4-1 et L. 361-5 du CRPM pour assurer la cohérence du nouveau dispositif.

Enfin, le 3° propose une nouvelle rédaction de l’article L. 442-2 du code des assurances, qui prévoyait jusqu’alors que le fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d’outre-mer à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin est chargé d’indemniser les dommages matériels causés aux exploitations agricoles de ces collectivités par les calamités agricoles. La nouvelle écriture proposée prévoit que la gestion des risques en agriculture en outre‑mer est régie par le titre VII du livre III du code rural et de la pêche maritime.

3.   Les travaux de la commission des affaires économiques

L’article 11 a été adopté par la commission des affaires économiques sans modification.  

 

Article 12
Dispositions fixant la date d’entrée en vigueur de la réforme
au 1er janvier 2023

Adopté par la commission avec modifications.

 

L’article 12 du présent projet de loi prévoit une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023. Les articles 7 et 9, qui habilitent le Gouvernement à légiférer par ordonnances, ainsi que l’article 10 ne sont pas concernées par cette date d’entrée en vigeur. Ces trois articles entreront donc en vigueur à compter de la publication de la loi.

1.   Les dispositions du projet de loi

L’article 12 du présent projet de loi prévoit une entrée en vigueur de ce texte au 1er janvier 2023, à l’exception des articles 7, 9 et 10.

Entendu en audition, les OPA ont fait part de leur souhait de voir la réforme entrer en vigueur le plus rapidement possible. Les assureurs ont quant à eux alerter sur les difficultés à tenir le calendrier envisagé.

● Le Gouvernement a fourni à votre rapporteur un certain nombre de précisions. La mise en œuvre de la réforme devrait se dérouler selon le calendrier suivant :

– une indemnisation fondée sur la solidarité nationale entrera en vigueur à compter du 1er janvier 2023. Ainsi, les pertes de récoltes et de cultures résultant d’aléas climatiques intervenant à partir du 1er janvier 2023 et entrant dans le champ d’application de la loi et, supérieures à un seuil fixé par décret, bénéficieront de l’indemnisation au titre de la solidarité nationale, qu’elles soient assurées au titre d’un contrat multirisque climatique (MRC), ou non assurées au titre d’un autre contrat, mais à des taux différenciés selon leur situation respective (taux qui auront été précisés par décret). L’indemnisation au titre du régime des calamités agricoles ne sera maintenue, à compter de cette même date, que pour les pertes de fonds ;

– du 1er janvier 2023 jusqu’à l’achèvement du cycle de production 2023, des contrats d’assurance relevant à la fois de l’ancien et du nouveau régime pourraient coexister. À compter du 1er janvier 2023, les agriculteurs auront la faculté de souscrire (ou de renégocier) des contrats d’assurance MRC soumis au nouveau régime, leur permettant de bénéficier d’une meilleure indemnisation au titre de la solidarité nationale pour leurs cultures (que s’ils n’étaient pas assurés pour ces mêmes cultures). Toutefois, pour les contrats d’assurance MRC couvrant des cultures d’hiver, souscrits à l’été 2022 dans le cadre des dispositions en vigueur à ce moment-là, les conditions d’application de la présente loi au 1er janvier 2023 pourraient être précisées par l’ordonnance prévue à l’article 7 si nécessaire, de façon à garantir la bonne application de la réforme, notamment en cas d’aléas se produisant en 2022 sur des cultures pour lesquelles la constatation des pertes ne pourra avoir lieu qu’en 2023. Tous les contrats d’assurance souscrits pour le cycle de production s’achevant en 2024 (et démarrant pour certaines cultures dès l’été 2023) seront soumis au nouveau régime.

● Pour l’année 2022, les cultures assurées au titre de la MRC, dont le cycle de production s’achève en 2022, se verront appliquer le régime du contrat conclu pour la campagne 2022 qui doit respecter les dispositions du cahier des charges de l’assurance récolte publié en juillet 2021.

Pour les cultures assurées au titre de la MRC, à partir de l’été 2022 et dont le cycle de production s’achève en 2023, le régime applicable sera celui du cahier des charges de l’assurance récolte en vigueur à l’été 2022 pour la campagne 2023 sans que ce dernier puisse toutefois prendre en compte l’indemnisation liée à la solidarité nationale entrant en vigueur seulement au 1er janvier 2023. Les conditions d’application de la loi à ces contrats en cours au 1er janvier 2023 devront être précisées.

Les cultures non assurées et éligibles aux calamités agricoles resteront indemnisables par les calamités agricoles en 2022. Toutefois, en cas d’aléas climatiques exceptionnels qui interviendraient en 2022, mais pour lesquels les dommages aux cultures n’auraient pu être indemnisés au titre des calamités agricoles avant fin 2022 du fait de délais administratifs incompressibles, il conviendrait d’introduire une disposition transitoire dans le projet de loi.

2.   Les travaux de la commission des affaires économiques

 

La commission des affaires économiques a adopté l’article 12 modifié par plusieurs amendements identiques (CE45 de M. Potier, CE136 de Mme Gipson, CE162 de Mme Pinel et CE177 de M. Herth) visant à prévoir une entrée en vigueur de l’article 5 du présent projet de loi (mise en place du CODAR) lors de la publication de la loi. Ces amendements ont reçu un avis favorable du rapporteur et du Gouvernement.

 

 

 

 


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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa réunion du jeudi 6 janvier 2022, la commission des affaires économiques a examiné le projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture (n° 4758) (M. Frédéric Descrozaille, rapporteur).

M. le président Roland Lescure. Mes chers collègues, notre commission a désigné comme rapporteur du projet de loi portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture M. Frédéric Descrozaille, auteur d’un rapport remis au Gouvernement sur la gestion des risques agricoles, qu’il nous avait d’ailleurs présenté le 16 juin 2021. Je salue la présence du ministre Julien Denormandie, que nous auditionnerons aussi mardi 18 janvier, à l’issue des questions au Gouvernement, sur le bilan de son action ministérielle en matière agricole.

Avant d’ouvrir la discussion générale, dans le cadre de laquelle les orateurs des groupes disposeront chacun d’un temps de parole de quatre minutes, j’indique que sur les 235 amendements déposés, il nous en reste 118 à examiner, les autres ayant été, pour la plupart, jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution.

M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation. Je vous présente un texte essentiel qui refond le système de couverture des risques climatiques en agriculture. Le changement climatique est une réalité dont les agriculteurs sont les premiers à subir les conséquences – le terrible épisode de gel du printemps dernier a constitué la plus grande catastrophe agronomique de ce début de siècle. Il constitue un frein majeur à l’installation des jeunes agriculteurs, qui doivent s’endetter massivement sans savoir s’ils pourront tirer des revenus de leur exploitation, en raison des crises à répétition. Pour les agriculteurs déjà installés, il représente également une contrainte très forte.

Le régime actuel d’indemnisation des pertes de récolte ne fonctionne pas, car il n’est pas assez accessible et pas assez avantageux pour les agriculteurs. Il est, de surcroît incroyablement complexe du fait de la coexistence de deux systèmes. D’un côté, le système d’assurance récolte est géré par les assureurs privés, de l’autre, le régime d’indemnisation des calamités agricoles, est mis en œuvre parfois au bout de douze, quinze ou seize mois – vous avez tous eu l’occasion de vous étonner auprès du Gouvernement qu’un an ou deux après un épisode de sécheresse, les agriculteurs n’aient toujours pas été indemnisés.

Le statu quo n’est pas possible, il nous faut absolument refonder le système. Voilà des années qu’on en parle, sans jamais trouver la solution. Longtemps, on a pensé qu’il fallait rendre l’assurance récolte obligatoire, mais les nombreux travaux menés en ce sens ont montré que ce n’est pas la voie à suivre : la mutualisation des risques n’est pas l’alpha et l’oméga et ne renforce pas l’accessibilité du système. Pour trouver la solution, il fallait démontrer que le monde agricole n’a pas la capacité de faire face seul aux aléas climatiques et que la solidarité nationale doit venir plus encore à son aide. Le Président de la République l’a annoncé devant les Jeunes agriculteurs, le 10 septembre dernier, nous allons refonder le système et y apporter de la solidarité nationale. L’engagement a été pris de porter le dispositif de financement à 600 millions d’euros par an dès le projet de loi de finances (PLF) pour 2023.

Le principe de la solidarité nationale, essentiel, s’applique à tous les secteurs d’activité. Dans le domaine du logement, par exemple, on paie sur l’assurance habitation une surprime qui couvre les risques de dégradation en cas d’inondation, même si, comme moi, on habite au cinquième étage. Cette solidarité nationale n’existe pas dans le monde agricole et nous allons l’y introduire.

La refonte consiste à créer un régime universel accessible à tout agriculteur, quand le système actuel laisse sans réponse des pans entiers de l’agriculture française. Elle vise également à rendre plus accessible l’assurance multirisque climatique, qui ne couvre en moyenne que 18 % de la surface agricole utile, en raison des conditions d’assurance proposées, qui doivent être plus justes. Finalement, il s’agit de proposer aux agriculteurs une sorte de ceinture de sécurité face aux accidents climatiques.

Cette réforme, que le Président de la République et le Gouvernement ont pris l’engagement très fort de mener à bien, opère un vrai changement de paradigme avec l’introduction de la solidarité nationale. Le dispositif est le fruit de nombreuses concertations. Je remercie chaleureusement M. Frédéric Descrozaille pour ses travaux substantiels et le rapport qu’il m’a remis l’année dernière. C’est ensemble que nous avons réfléchi à la refonte du système.

Le nouveau mécanisme repose sur une structure à trois étages. Au premier étage, les pertes d’exploitation seront assumées par l’agriculteur jusqu’à la franchise, comme dans tout système assurantiel. Au deuxième étage, entre le montant de la franchise et un seuil dit « exceptionnel », les pertes seront de la responsabilité de l’assureur, si tant est que l’agriculteur ait choisi de contribuer à une assurance. Au-dessus de ce seuil, au troisième étage, il en ira de la responsabilité de l’État.

Cette architecture a plusieurs conséquences essentielles. En premier lieu, le système est universel. Pour chaque culture, un seuil sera défini, ce qui signifie que chacune d’elles sera éligible au troisième étage, c’est-à-dire à la solidarité nationale. À l’heure actuelle, des pans entiers de l’agriculture ne peuvent pas prétendre à l’indemnisation des calamités agricoles. En deuxième lieu, la prise en charge par l’État a pour effet de borner le deuxième étage, qui relève des assureurs, et donc de déterminer précisément le risque pris par ceux-ci. Le risque étant borné et la prime étant fonction du risque, le coût de l’assurance pour les agriculteurs s’en trouvera réduit et donc plus accessible qu’il ne l’est aujourd’hui. En troisième lieu, ce système permettra une régulation actuarielle. On évitera ainsi que certains assureurs couvrent uniquement les bons risques, laissant aux autres la prise en charge des activités plus risquées, avec les divergences entre compagnies d’assurances et les surcoûts que cela implique pour les agriculteurs.

Le projet de loi comporte seulement douze articles. Les six premiers fondent l’architecture à trois étages. Le septième vous propose de légiférer par ordonnances pour permettre l’élaboration de la régulation actuarielle, qui présente un haut niveau de technicité.

Le projet de loi pose les fondations de la nouvelle maison de la couverture des risques : le système à trois étages, la régulation actuarielle, les responsabilités de chacun. Il définit également l’institution de seuils, constitutifs du dispositif, mais n’en fixe pas le niveau, qui relève plutôt de la décoration intérieure de la maison ou de la taille des pièces. Une fois la loi votée, une large concertation devra être conduite avec les professionnels pour déterminer à la fois le niveau des seuils pour chaque culture et l’intervention de l’État dans le subventionnement des primes. Je suis très favorable à ce qu’on utilise, au maximum des possibilités offertes, la réglementation européenne dite « omnibus ». Je souhaite que les seuils soient les plus attractifs possible pour nos différentes cultures. Il me paraît essentiel que tout cela soit fixé au niveau réglementaire, car ces éléments évolueront, notamment en fonction des événements que l’on constatera année après année. L’intervention du législateur figerait les choses et nous priverait d’outils de pilotage dynamiques de cette politique.

Pour élaborer ce système, nous nous sommes beaucoup inspirés, avec M. Frédéric Descrozaille, de ce qui existe en Espagne. Un des seuls éléments de politique publique dont dispose mon homologue espagnol est le système assurantiel créé il y a vingt-cinq ans – la politique agricole de l’Espagne repose dessus. Nous nous sommes efforcés d’en reprendre tous les éléments positifs, en améliorant certains aspects.

La réforme dont nous allons discuter sera sans doute la plus structurelle pour le monde agricole depuis la politique agricole commune (PAC). Elle a vocation à devenir un élément de la politique d’accompagnement de nos agriculteurs, la loi posant le cadre et le règlement fixant les seuils de façon à forger un véritable outil de politique publique, en concertation avec les professionnels.

Je remercie M. Frédéric Descrozaille, les groupes d’experts qui se sont réunis pendant plus de dix-huit mois ainsi que mes prédécesseurs, notamment M. Didier Guillaume, qui s’est beaucoup impliqué sur ce sujet, et M. Stéphane Travert.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Ce projet de loi s’inscrit dans la longue histoire de la gestion des aléas dans l’agriculture. L’un des objectifs de la politique publique menée est de développer un rapport au risque qui ne correspond pas, historiquement, à la culture du monde agricole.

La loi du 4 juillet 1900 a rendu possible la création de caisses d’assurances mutuelles, qui sont aujourd’hui proposées par Groupama. À cette époque, les agriculteurs ont commencé par assurer leurs bêtes, leurs salariés et leur capital avant de s’assurer eux-mêmes. Pendant très longtemps, l’assurance n’a pas porté sur l’aléa inhérent au métier de l’agriculteur. Dans la culture agricole, on considère les aléas, notamment climatiques, comme des risques professionnels que l’exploitant assume par l’exercice même de son métier.

Les lois d’orientation agricole de 1960 et 1962 ont posé les trois piliers de l’agriculture – modèle de l’exploitation familiale, structuration des marchés et pouvoir économique des producteurs, et aide à la cessation d’activité –, mais c’est la loi du 10 juillet 1964 qui a institué le régime de garantie contre les calamités agricoles qui reconnaît l’existence de risques non professionnels comme relevant de la solidarité nationale. Le texte indiquait, car telle était déjà la volonté du législateur, que le fonds national de garantie des calamités agricoles – à l’époque le FNGCA, devenu FNGRA (Fonds national de gestion des risques en agriculture) – devait, au travers de l’une de ses sections, développer le recours à l’assurance. Le législateur voulait déjà établir une forme de complémentarité entre l’État et l’assurance privée. Mais cela n’a pas marché. Le monde agricole a continué dans la même logique : assumer l’aléa inhérent au métier et faire appel à la solidarité nationale lorsque survient une catastrophe.

Sous l’influence de l’approche américaine du soutien à l’agriculture, La loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole et la loi n° 2010-87 du 27 juillet 2010 de modernisation de l’agriculture et de la pêche ont favorisé le développement de l’assurance par le biais de l’argent de la PAC, avec la création de l’assurance multirisque climatique subventionnée. Celle-ci s’est effectivement déployée, ce qui explique que les pouvoirs publics aient écarté des pans entiers de l’application du régime de garantie contre les calamités. De cette logique d’exclusion vient que des filières ont été réputées assurables ou non assurables, l’idée étant d’avoir un transfert.

Aujourd’hui, nous pensons les choses autrement, en nous appuyant sur deux principes fondamentaux. Premièrement, on ne prétend plus savoir exactement où passe la frontière entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas. Les choses évoluent trop vite. Il faut un dispositif qui permette de suivre le déplacement de la frontière et rende possible l’adaptation au réchauffement climatique et à l’aggravation de l’adversité. Deuxièmement, il s’agit d’organiser la complémentarité entre la part de l’assureur et celle de l’État sur la base d’un recours universel. Il faut arrêter de penser que c’est l’un ou l’autre.

Le ministre l’a dit, le texte repose sur les principes de solidarité nationale et d’universalité, mais aussi d’adaptation. Le comité d’orientation et de développement de l’assurance récolte (CODAR) est créé pour faire fonctionner un mécanisme d’ajustement du pas de temps agricole, qui est long, et mener l’adaptation au changement climatique. De fait, le projet de loi s’inscrit dans le cadre du lancement du Varenne agricole de l’eau et du changement climatique. À cet égard, je salue l’action du ministre, qui a donné à cet énorme chantier de l’eau une dimension interministérielle. Nos travaux correspondent à la première séquence du Varenne, mais les phases suivantes, consacrées à l’adaptation des filières et à l’accès aux ressources en eau, seront centrales pour les vingt ans qui viennent. Le CODAR permettra d’ajuster, d’une part, le pas de temps agricole, les stratégies des filières, qui s’inscrivent sur la longue durée, et, d’autre part, la réactivité commerciale des assureurs, qui est beaucoup plus courte puisqu’ils renouvellent, résilient ou modifient les contrats à un rythme annuel.

Le projet de loi repose enfin sur le principe fondamental de la liberté. D’un côté, les exploitants ont le choix de s’assurer ou de ne pas s’assurer. S’ils le font, ils peuvent choisir de transférer le risque à l’exploitation ou à la culture. De l’autre côté, chacun des assureurs peut développer sa politique commerciale, son modèle d’assurance paramétrique indemnitaire et d’innovation. Cette liberté, qui doit permettre l’adaptation des acteurs et assurer le développement de celle-ci par l’esprit d’entreprise, l’innovation et la créativité, est limitée par la seule contrainte de la solidarité : entre les assureurs au sein du groupement, des assureurs vis-à-vis du monde agricole, et la solidarité de la Nation à travers le budget voté chaque année par le législateur.

Les dispositions du texte, peu nombreuses, modifient les articles du code rural et de la pêche maritime créés à partir de 1964 et modifiés, notamment en 2006 et en 2010, qui ont institué le régime de garantie contre les calamités et permis le développement des produits d’assurance subventionnés dans le cadre de la PAC. Le projet de loi affirme le principe de la solidarité nationale, fixe les conditions d’indemnisation par l’État et intègre les dispositions du règlement omnibus. Le texte se concentre sur l’agriculture hexagonale, mais plusieurs articles concernent les territoires ultramarins. Le dernier article prévoit l’entrée en vigueur du dispositif le 1er janvier 2023. Tout cela se fait tambour battant, et je remercie tous les acteurs, qui ne comptent pas leurs efforts depuis que le ministre a pris le chantier à bras-le-corps.

M. Jean-Baptiste Moreau (LaREM). La réforme du système assurantiel en agriculture est un sujet complexe mais capital lorsqu’on voit à quel point nos agriculteurs ont souffert des effets du changement climatique en 2021. Elle était attendue depuis longtemps par le monde agricole. Comme l’a rappelé notre rapporteur, dont je salue le rapport remis au Gouvernement et l’implication dans le Varenne de l’eau, le système assurantiel est à bout de souffle : peu d’agriculteurs sont assurés, le mécanisme est trop complexe et peu lisible, et laisse les agriculteurs non assurés sans solution s’ils ne sont pas éligibles au régime des calamités – c’est le cas dans la viticulture. En cas d’aléa, l’agriculteur disposant d’une assurance multirisque recevra une subvention de l’État, à laquelle s’ajoute l’indemnisation de l’assureur. S’il n’est pas assuré mais éligible au régime des calamités agricoles, il devra attendre la décision du comité national de gestion des risques en agriculture (CNGRA), un processus long qui ne garantit pas une indemnisation individualisée. Quant à l’agriculteur non assuré qui n’est pas non plus éligible au régime de garantie contre les calamités, il ne percevra rien.

Le projet de loi crée un régime universel et remédie à toutes les situations sans solution acceptable : chaque agriculteur, qu’il soit assuré ou non, sera éligible à une indemnisation et aucun ne sera oublié en cas de survenance d’un aléa exceptionnel. Ces événements sont de plus en plus fréquents. L’année 2021 a été catastrophique sur le plan climatique : en mars, une vague de chaleur exceptionnelle a provoqué le développement des bourgeons, qui ont ensuite été soumis à rude épreuve par une vague de froid, en avril, certaines récoltes ayant été détruites par le gel. Pour le seul mois d’avril, les pertes pour la viticulture et l’arboriculture ont été estimées à plus de 4 milliards d’euros. Ce n’est acceptable ni pour nos agriculteurs, ni pour notre agriculture et, par extension, pour notre souveraineté alimentaire.

Les effets du changement climatique sont connus depuis bien longtemps par les agriculteurs, qui en sont les premières victimes. Les aléas climatiques frappent toutes les filières et entraînent des conséquences spécifiques pour chacune d’elles. La réforme a pour objet d’instituer un mécanisme plus simple et plus lisible pour toutes les parties prenantes : les risques de faible intensité seront supportés par l’agriculteur ; ceux de moyenne intensité seront pris en charge par l’assurance multirisque subventionnée par l’État ; les risques catastrophiques seront assumés par la solidarité nationale.

Pour répondre aux spécificités de chaque filière et donner voix à l’intelligence collective, le projet de loi prévoit que les seuils de déclenchement propres à chaque filière seront définis par décret. C’est un choix de bon sens puisque ce qui a été voté par le législateur ne peut être modifié que par lui. Il importe d’éviter trop de complications.

Depuis le début de la législature, le Président de la République et cette majorité ont toujours répondu présent lorsqu’il s’est agi de venir en aide aux agriculteurs. En septembre dernier, le Président a annoncé le doublement de l’enveloppe consacrée à l’accompagnement des aléas climatiques, qui passera, en moyenne, de 300 à 600 millions d’euros par an. Ces crédits seront soumis à l’approbation du Parlement, chaque année, dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances.

On entend dire ici et là que cette réforme serait injuste, que certaines filières seraient exclues. C’est faux : chacun pourra y avoir accès ; toutes les filières seront incluses dans le dispositif et pourront bénéficier du soutien public. On entend aussi qu’il s’agirait d’un projet de loi de compensation pour éviter de s’attaquer au vrai sujet, qui est le changement climatique. Là encore, c’est inexact. Depuis le début du quinquennat, notre majorité est engagée pour lutter contre le changement climatique et ses effets, au travers d’une série de mesures : le Varenne de l’eau, l’augmentation et la prorogation du crédit d’impôt pour l’agriculture biologique, l’affectation de 1,2 milliard d’euros par le plan de relance à la transition agricole, l’augmentation de l’enveloppe de la prime à la conversion des agroéquipements, ainsi que le plan France 2030. Ajoutons à cela la place que tient la France au sein des discussions, menées dans le cadre de la PAC, concernant la mise en place
des éco-régimes.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche votera en faveur de ce projet de loi, qui propose une réelle évolution dans la prise en charge du changement climatique et dans l’accompagnement de nos agriculteurs.

M. Philippe Naillet (SOC). Le système actuel de couverture des risques climatiques a atteint ses limites. Il ne prend pas en charge un nombre suffisant d’agriculteurs. Le taux de couverture multirisque climatique est inférieur à 18 %, en moyenne, chez les agriculteurs ; il est en dessous de 1 % pour l’assurance prairie, aux alentours de 3 % pour les arboriculteurs et inférieur à 33 % dans la viticulture et les grandes cultures. Il manque de clarté et de cohérence. Deux systèmes cohabitent, qui n’incluent pas l’ensemble des cultures et qui appliquent des modalités de calcul et des calendriers différents. Il en découle des situations inéquitables entre les assurés et les non-assurés, mais aussi entre les cultures : pour certaines d’entre elles, même les non-assurés ne sont pas éligibles au régime des calamités agricoles.

Le projet de loi est censé répondre à ces difficultés en fixant les fondations et les grandes lignes d’un nouveau système. Il intervient après le gel tardif du printemps, qui a ravagé vergers et vignes, et mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face aux aléas, dont l’aggravation et la fréquence sont liées au dérèglement climatique. Il en va de même en outre-mer où, comme à La Réunion, les épisodes de forte pluie succèdent aux périodes de sécheresse.

Se fondant sur des travaux du rapporteur et du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, le système proposé est caractérisé par une architecture à trois étages. Au premier étage, les agriculteurs assumeront les pertes les plus modestes, consécutives aux aléas courants, allant jusqu’à 20 % de la moyenne de leur production annuelle. Au-delà, les pertes liées à des aléas significatifs – entre 20 % et 50 %, selon certaines sources – seront prises en charge par les assurances privées subventionnées. Enfin, les fonds publics prendraient le relais pour indemniser les aléas dits exceptionnels, comme le gel et les inondations. Les seuils précis seront déterminés par décret. Le Gouvernement annonce le doublement des subsides des pouvoirs publics – État et Union européenne –, qui passeront de 300 à 600 millions d’euros par an.

Le caractère universel du nouveau système de couverture concernera donc uniquement les aléas climatiques exceptionnels, qui seront couverts par le FNGRA. Si le régime des calamités agricoles est étendu, le montant de l’indemnisation sera modulé en fonction de plusieurs critères, qui seront précisés par voie réglementaire.

Pour encourager les agriculteurs à s’assurer, il est prévu que les non-assurés ne percevront pas l’intégralité des fonds publics alloués aux sinistrés en cas d’aléas exceptionnels ; ils ne toucheront, au mieux, que la moitié des indemnisations accordées aux assurés. L’État augmentera également les subventions qu’il octroie sur les primes d’assurance. Or, pour certaines activités agricoles, il n’existe pas d’offre assurantielle. Par ailleurs, malgré la hausse annoncée des subventions publiques, de nombreux agriculteurs continueront à refuser les contrats d’assurance en raison du montant des primes.

Si cette réforme va dans le bon sens, elle ne permettra pas d’atteindre l’objectif annoncé d’une couverture universelle. Elle ne fait pas non plus l’unanimité parmi les syndicats agricoles. Face au contexte climatique, nous devons d’ores et déjà engager une extension de la solidarité nationale. Au-delà des seuls risques dits exceptionnels, tous les agriculteurs doivent pouvoir bénéficier d’une indemnisation suffisamment large face aux aléas climatiques. Notre groupe a fait des propositions en ce sens, en faveur des betteraviers, lors des débats sur la réautorisation des néonicotinoïdes. Nous avons suggéré de mettre à contribution les acteurs de l’aval.

Enfin, nous regrettons que le texte soit présenté en fin de législature, avec un calendrier d’application s’étalant jusqu’en 2023. La mise en œuvre de la réforme dépendra en grande partie du contenu des textes réglementaires d’application et donc, in fine, de la volonté politique de la future majorité. Ainsi, pour l’outre-mer, le Gouvernement devra prendre une ordonnance dans un délai de deux ans, alors que la réforme y est au moins aussi urgente que dans l’Hexagone. Ce calendrier est très décevant.

Je salue néanmoins la différenciation dont feront l’objet les agriculteurs réunionnais et, plus largement, ultramarins, qui ne seront pas concernés par la plupart de ces mesures, à l’exception de l’article 10, relatif aux risques tempête et incendie. Je salue également l’abrogation de bon sens du fonds de garantie des calamités agricoles dans les départements d’outre-mer, qui est totalement inopérant. Je serai particulièrement vigilant tout au long du processus d’élaboration des ordonnances.

À ce stade de la discussion, le groupe Socialistes et apparentés s’abstiendra.

M. Antoine Herth (Agir ens). Ce texte est une étape importante pour la sécurisation des exploitations agricoles face au risque climatique. Le rapport, excellent, retrace l’historique de cette question et rappelle le rôle de la loi d’orientation agricole de 2006, dont je fus le rapporteur, qui a mis en place les premiers contrats multirisque climatique. J’ai observé au fil du temps les différentes modifications apportées à ce dispositif et je rejoins les propos du ministre : il est temps de le refonder car il a atteint ses limites. De son côté, la réglementation européenne a évolué favorablement et nous disposons désormais de tous les éléments pour construire un système robuste et durable.

Il me semble toutefois nécessaire d’éclaircir plusieurs points. L’universalité, une des notions fondatrices de ce projet de loi, ne se rapporte évidemment pas à la Déclaration universelle des droits de l’homme, mais consiste à permettre à tous d’accéder à la couverture des risques. Je me réjouis d’ailleurs qu’un volet concerne spécifiquement les outre-mer.

La généralisation sera l’occasion de poser la question de l’obligation d’assurance, notamment face aux risques incendie et tempête. Rendre l’assurance obligatoire, même si cela peut être compliqué, clarifierait peut-être les choses.

S’agissant de la solidarité, l’évolution du régime des calamités agricoles, qui pouvait apparaître comme favorable aux zones d’élevages – très actives aujourd’hui sur le plan médiatique – fera débat. Il faut rassurer et donner les éléments de compréhension afin que tout le monde puisse s’approprier le nouveau dispositif.

S’agissant des assureurs, pourriez-vous, Monsieur le rapporteur, commenter le tableau qui figure à la page 10 de votre rapport ? J’ai bien entendu le ministre expliquer que le risque sera borné pour les assureurs, mais cela n’apparaît pas de façon suffisamment claire. On impose aux assureurs un système hybride, puisqu’ils devront être à la fois des acteurs du marché de l’assurance, donc en concurrence, et faire partie d’un pool où ils se partageront l’information. Par ailleurs, comment les agriculteurs choisiront-ils leur assurance et dans quelles conditions pourront-ils en changer ? C’est une question qu’il serait intéressant d’examiner, en regard de la proposition de loi de Mme Patricia Lemoine, pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, que nous avons adoptée en première lecture.

L’interlocuteur unique est une innovation qui me paraît intéressante, mais je souhaiterais qu’on en apprécie le rôle et la place.

Je laisse à mes collègues du MoDem le soin de débattre du calcul des taux et de la fixation des seuils.

Enfin, nous pourrions évoquer le financement du nouveau système : en 2020, l’État a déboursé plus de 300 millions d’euros pour la solidarité nationale, soit la moitié des 600 millions prévus pour la contribution. D’où viendront les 300 millions restants ? Le non‑remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) pourrait-il être une piste et faire l’objet d’arbitrages budgétaires ?

M. Charles de Courson (LT). Au printemps, un épisode de gel tardif a ravagé les vergers, les vignes et bien d’autres cultures. Ce drame a mis en lumière la vulnérabilité des agriculteurs face à des aléas climatiques croissants liés, notamment, au réchauffement climatique. Il a également levé le voile sur un système assurantiel à bout de souffle : le nombre d’agriculteurs ayant souscrit une assurance plafonne, près de 70 % des surfaces ne sont pas assurées. Cela est d’autant plus problématique que l’exclusion de certaines cultures, telles la viticulture et les grandes cultures, du régime des calamités agricoles laisse sans réponse des pans entiers de l’agriculture française en cas d’événements climatiques majeurs. On peut ajouter que l’exclusion des agriculteurs assurés du bénéfice du FNGRA est contraire à tout principe de responsabilité.

Les compagnies d’assurances, pour leur part, redoutent que la plus grande fréquence des épisodes climatiques extrêmes remette en cause la viabilité économique du secteur, et à juste titre : elles ont dépensé ces cinq dernières années bien plus qu’elles n’ont collecté.

Il fallait donc une réforme ; celle que vous proposez tombe à point nommé. Bien sûr, nous ne sommes pas dupes du calendrier choisi, quelques mois avant la présidentielle, mais nous reconnaissons l’urgence de la situation et la nécessité de légiférer. Notre groupe est globalement favorable aux cadres mis en place, sous certaines réserves.

Le nouveau système a vocation à encourager l’agriculteur à s’assurer, en augmentant les subventions étatiques aux primes d’assurance. Étant moi-même convaincu de la nécessité de généraliser le recours aux assurances, j’y suis favorable. L’article 2 gagnerait toutefois en efficacité s’il permettait à l’ensemble des productions et des types de contrats de bénéficier des dispositions plus favorables prévues dans le règlement européen de 2017. C’est pourquoi nous défendions dans nos amendements déclarés irrecevables – pour un motif très contestable à mes yeux – la pleine application du règlement omnibus : la prise en charge à 70 %, et non dans la limite de 70 %, de la cotisation d’assurance ; une franchise de 10 % ou de 20 %, et non de 25 %, pour les cultures les plus à risque. En outre, l’article 2 devrait s’appliquer aussi bien aux contrats à la culture qu’aux contrats à l’exploitation, afin que ceux qui font le choix de diversifier leur production ne soient pas pénalisés.

Nous sommes aussi favorables au principe d’une indemnisation fondée sur la solidarité nationale. Il faudra veiller toutefois à ce que son articulation avec le régime des calamités agricoles ne soit pas source de complexité. Des inquiétudes subsistent également quant à la prise en compte de la moyenne olympique comme base de calcul pour l’indemnisation des pertes de récolte : ce référentiel historique est tiré vers le bas par une succession de mauvaises récoltes et ne suffit plus pour garantir une juste couverture des coûts assumés par les agriculteurs.

Enfin, nous regrettons que la réforme comporte encore un grand nombre d’inconnues. Nous comprenons qu’une certaine flexibilité soit nécessaire mais des points fondamentaux sont renvoyés à des ordonnances ou à des décrets : ainsi, la création d’un pool d’assureurs, permettant de garantir la mutualisation des données et des risques fait l’objet d’une habilitation à légiférer par ordonnances. Dans l’hypothèse où ce pool ne verrait pas le jour, quelle organisation faudrait-il mettre en œuvre ? Nous espérons que l’examen en commission sera l’occasion d’apporter des éclaircissements sur un texte attendu de longue date par le monde agricole.

M. André Chassaigne (GDR). Je me réjouis qu’un représentant de la plèbe s’exprime après un député hobereau… (Rires). Je n’adopterai pas le même registre que celui choisi par le député creusois Jean-Baptiste Moreau – sonnez hautbois, résonnez musettes ! –, car s’il est bien que la gestion des risques en agriculture soit à l’ordre du jour, je suis plutôt dubitatif sur l’orientation générale qui nous est proposée.

Je considère en effet que l’ampleur des contraintes et des menaces climatiques, sanitaires, environnementales qui pèseront sur notre agriculture dans les décennies à venir nous impose de construire un véritable régime public d’assurance et de gestion des risques : un système où chaque agriculteur, quelle que soit sa production, est couvert ; un système où les agriculteurs et les décideurs publics déterminent les objectifs et les moyens du régime, notamment les ressources et les recettes pérennes affectées chaque année pour répondre aux besoins identifiés. J’estime que le texte tourne le dos à cette vision. Quelques interrogations permettront peut-être de mettre une sourdine aux trompettes de la renommée…

Vous affirmez garantir une protection universelle : de quelle universalité s’agit-il quand le dispositif d’assurance n’est pas obligatoire et qu’il vient affaiblir le seul dispositif général existant, le régime des calamités agricoles ?

Vous affirmez garantir une couverture adaptée des risques : de quel niveau
sera-t-elle, alors que les critères seront laissés à l’appréciation du pouvoir réglementaire ou à la technique de comités ? Comment le législateur peut-il se prononcer sur un système dont on renforce l’instabilité budgétaire avec des soutiens publics qui seront arbitrés à chaque projet de loi de finances ?

Vous affirmez garantir une assurance plus juste : n’est-ce pas occulter la question des inégalités de revenu des exploitations, un verrou dans la mesure où la progressivité du soutien à l’assurance récolte est fonction des structures des exploitations et de leurs revenus ? Le fiasco des contrats d’assurance récolte montre que c’est là le fond du problème ! Nous voilà bien éloignés d’un système de protection efficace contre les aléas et les risques auxquels seront confrontés les agriculteurs et les grands systèmes de production dans les décennies qui viennent.

Je poursuis ma partition : posez-vous le cadre d’outils publics qui incluraient, outre les aléas climatiques, l’ensemble des risques sanitaires et environnementaux liés au changement climatique ? Posez-vous le cadre d’un système qui prévoirait de soutenir la prévention par le transfert des connaissances issues de la recherche agronomique dans les exploitations ? Posez-vous le cadre d’un régime dont les modalités d’indemnisation des pertes seraient collectivement décidées par les premiers concernés, les exploitants agricoles, en lien avec les pouvoirs publics ? N’est-ce pas tout le contraire qui se profile, avec des structures guidées par les acteurs assurantiels privés, au sein d’un futur comité de développement de l’assurance récolte qui ferait lui-même partie du CNGRA ?

Convenez-vous que ce texte affaiblit en réalité le seul régime public d’assurance existant, le régime des calamités agricoles, appuyé sur le FNGRA, pour assurer, à grand renfort d’aides publiques, le développement de l’assurance privée ? Cette politique n’est-elle pas davantage destinée à assurer, à rassurer et à réassurer les assureurs, plutôt qu’à sécuriser les producteurs ? J’ai le sentiment que ce texte est une usine à gaz, avec des dispositions techniques et des seuils d’intervention systématiquement renvoyés au pouvoir réglementaire.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je veux souligner la volonté du ministre de se confronter à l’enjeu que constitue l’assurance agricole. Alors que les agriculteurs ne pourront plus assurer des risques qui les dépassent, l’investissement massif de l’État dans ce dispositif, bien au-delà de ce qui se faisait jusqu’à maintenant, est un signal très important.

Il est très cohérent de fusionner les dispositifs existants : le régime des calamités agricoles, basé sur des financements publics mais complexe et long à mettre en œuvre ; les assurances privées, de recours plus simple mais plus coûteuses et auxquelles peu d’agriculteurs souscrivent.

Le dispositif proposé s’appuie, de façon fort pertinente, sur trois niveaux. Le premier, c’est le risque assumé par l’agriculteur. Les organisations professionnelles, les syndicats nous ont beaucoup sollicités sur ce point. J’estime qu’il est important que ce risque existe et qu’il soit significatif, car certaines cultures, que le contexte agroclimatique ne rendra plus possibles, doivent en relever. Le deuxième niveau correspond aux assurances privées, pour ceux qui le souhaitent. Le troisième niveau, qui concerne les catastrophes, sera largement financé par l’État et peut-être par des fonds européens. Je trouve cette architecture particulièrement cohérente et pertinente.

La définition des seuils par décret garantit, à mes yeux, la pérennité du système, puisque cela permettra de définir des objectifs pour les filières, d’en amener certaines vers l’assurance et de donner aux gouvernements successifs la liberté de définir leurs propres priorités en matière d’assurance récolte.

Quelques enjeux doivent être soulignés. D’abord, la loi devra être mise en application rapidement, en cette année électorale qui est aussi celle de la nouvelle PAC. Je souhaiterais connaître le calendrier du ministère. Ensuite, il faudra que les pouvoirs publics et les organisations professionnelles communiquent et instillent la culture du risque : certains agriculteurs, je le sais, recherchent un retour sur investissement ; or une assurance n’est pas un placement. S’agissant du potentiel de rendement, les moyennes triennale et olympique sont discutables, car les rendements sont soumis désormais à une grande variabilité. Enfin, je souhaiterais obtenir des explications sur le pool d’assurance et les modalités de son organisation, en conformité avec le droit de la concurrence.

Mme Célia de Lavergne. La réforme était effectivement très attendue et j’apprécie que vous la qualifiiez, Monsieur le ministre, de « politique d’accompagnement des agriculteurs ». Elle suscite sur le terrain beaucoup d’espoirs mais aussi des inquiétudes – on sait ce qu’on perd, pas toujours ce qu’on gagne.

Les craintes concernent d’abord la régulation des tarifs et la capacité à faire la transparence sur la manière dont seront calculés les tarifs d’assurance, et les outils dont disposeront l’État et le comité pour le faire. Elles portent aussi sur la capacité des agriculteurs à prendre en charge les montants assurantiels : si certains agriculteurs considèrent leur assurance comme un retour sur investissement, c’est avant tout parce que le poids du contrat dans les charges d’exploitation est élevé.

Deux questions m’ont été posées : est-ce qu’une distinction sera faite, au niveau des tarifs, entre ceux qui auront mis en place des mesures physiques de protection, tels des filets antigrêle, des systèmes d’irrigation ou des outils de lutte contre le gel, et ceux qui n’auront pas protégé leurs cultures ? L’article 4 limite le champ d’application du régime des calamités agricoles aux pertes non assurables de l’exploitation : comment les agriculteurs seront-ils indemnisés des pertes de fonds en cas d’aléa exceptionnel ?

M. Pierre Venteau. Pour avoir connu une dizaine de calamités entre 2003 et 2019 dans un département d’élevage, je sais que cette réforme est attendue par tous les agriculteurs, y compris les éleveurs. Les filières herbivores présentent un profil particulier, dans la mesure où l’indemnité ne vient pas compenser une perte, mais une charge à venir : elle sert à acheter du fourrage pour assurer la continuité de la production animale. Le règlement omnibus permet un taux d’indemnisation relativement élevé, notamment sur les zones à contraintes naturelles. Serait-il possible, Monsieur le ministre, d’afficher clairement dans la loi le niveau maximum d’indemnisation – 80 % ou 90 % pour ceux qui sont assurés ? Nous avons besoin de rassurer les filières herbivores.

Le premier niveau du risque, à hauteur de 20 %, sera assumé par l’agriculteur. On attend beaucoup des axes 2 et 3 du Varenne agricole de l’eau, mais on sait qu’une grande partie des solutions réside dans l’accès à l’eau. Or il existe, sur le plan réglementaire, des injonctions paradoxales, avec, notamment l’obligation de créer des retenues d’eau. Un droit opposable d’accès à l’eau pourrait-il être envisagé dans un prochain texte ?

M. Yves Daniel. Je salue le travail qui permet d’aboutir à ce projet de loi très attendu. Il est plus facile de faire face aux aléas quand on est installé depuis longtemps et que l’exploitation est stabilisée. Ce dispositif pourrait-il agir comme un levier facilitant l’installation des jeunes agriculteurs ? Comment l’intégrer dans leur projet d’installation ?

M. Julien Denormandie, ministre. Certains d’entre vous ont demandé pourquoi les non-assurés seraient in fine moins indemnisés que les assurés. Au-delà du fait qu’il est, somme toute, assez logique que les premiers reçoivent moins que les seconds, le projet de loi ne fait que reprendre les 50 % imposés par le droit européen, par ailleurs respectés par le CNGRA aujourd’hui.

L’absence d’offre assurantielle a également été soulevée. Je renvoie au dispositif, dont le troisième étage prévoit qu’au-delà d’un seuil défini en fonction des cultures, la solidarité nationale interviendra. Aujourd’hui, la part de la surface agricole utile assurée est de 18 %, mais cette proportion cache des réalités très différentes : elle atteint 30 % dans la viticulture et dans les grandes cultures mais tombe à 6 % dans l’arboriculture et jusqu’à 1 % dans la prairie. Le taux de non-assurance n’est pas le fait de l’irresponsabilité des agriculteurs, il démontre simplement que le système fonctionne mal.

Celui-ci, qui repose à la fois sur l’assurance récolte privée et le régime de calamité agricole, est fondé sur un principe incroyable puisqu’il a été décrété que ceux qui étaient considérés comme assurables ne pouvaient pas bénéficier du FNGRA. Établir une différence entre les cultures était une approche dénuée de sens, qui a fait que le dispositif ne pouvait fonctionner dans la durée. Le nouveau système est basé sur l’universalité, il est ouvert à tous : au-delà d’un seuil défini pour chaque culture, la solidarité nationale fonctionnera. C’est une avancée fondamentale.

Que faire si, au deuxième étage, les assureurs proposent des contrats au coût exorbitant ? L’article 7 prévoit la mise en place d’un pool, avec des règles actuarielles qui permettent de définir le niveau des primes d’assurance. C’est une forme de régulation, toutefois limitée par le principe constitutionnel de libre contractualisation : cela reste un contrat, proposé par un assureur à un agriculteur. Si l’on s’aperçoit que les prix sont exorbitants sur un territoire donné ou que les assureurs ne sont pas suffisamment nombreux, l’article 3 entre en jeu.

Cet article est celui qui fonde le seuil de mobilisation du troisième étage, selon la nature des productions et le type de contrats d’assurance souscrits. En revanche, l’alinéa 6 de l’article 3 renvoie à un décret le soin de fixer le niveau d’indemnisation. C’est d’ailleurs ainsi que fonctionne aujourd’hui le CGNRA, qui recouvre au-delà d’un seuil de pertes 30 %. Cette approche, qui perdurera, tient compte de la réalité du contexte assurantiel. Cela mériterait, je pense, d’être précisé dans la discussion lors de l’examen en séance publique.

Je réfute les critiques du président Chassaigne sur l’aspect électoraliste du projet de loi, mais j’assume le renvoi à un décret. Fixer les seuils par culture ne relève pas de la loi, ce serait folie que de le prévoir. J’ai un immense respect pour le travail parlementaire, mais imaginez-vous décider ici du seuil pour le lavandin, puis pour le houblon, et ainsi de suite ? La loi comprendrait un nombre insensé d’articles… et malgré tout le plaisir que j’ai à vous rencontrer, il faudrait que je revienne devant vous à chaque fois que nous nous serions trompés ! Alors, si la voie réglementaire suppose que la prochaine législature ait la même envie, la même détermination et la même vision, le moyen le moyen le plus simple est de ne pas changer de majorité (Rires).

Je suis opposé à l’idée de rendre l’assurance obligatoire. Pendant des années, on s’est dit qu’on allait faire baisser les prix en convainquant de plus en plus d’agriculteurs de souscrire une assurance récolte, ce qui permettrait de mutualiser les risques, et donc de diminuer les primes. L’idée était qu’il faudrait avoir un jour le courage de rendre l’assurance obligatoire. Mais, ayant eu l’occasion de travailler quelque temps dans le secteur, j’ai regardé de près la question, en apparence légitime, et je me suis rendu compte qu’il s’agissait d’une fausse bonne solution.

En effet, si le système actuel ne fonctionne pas, c’est que les assurances privées couvrent, de manière schématique, les « bons risques » – les risques moindres – dans les territoires les plus sujets à risques. Si les assurances devenaient obligatoires, la moyenne des risques serait couverte sur la moyenne des territoires. Or il s’avère que cette couverture équivaudrait peu ou prou à celle existante, produite par un système totalement déséquilibré. Il fallait le démontrer, cela nous a pris du temps mais je peux désormais l’affirmer : la solution ne peut en aucun cas être l’assurance obligatoire. Cela ne signifie pas qu’il ne faut pas inciter les agriculteurs à souscrire une assurance multirisque climatique, tout en conservant la solidarité nationale. Car c’est bien elle qui rend le système solide, pérenne et accessible pour les agriculteurs.

Sur la question de la concurrence entre les assurances, soulevée par MM. André Chassaigne et Charles de Courson, l’article 7 prévoit une habilitation à légiférer par ordonnances. Je connais l’appétence assez faible du Parlement pour ces dernières. La grande difficulté, comme vous l’avez dit tous deux, c’est qu’il s’agit d’une question d’une technicité incroyable. Les discussions avec l’Autorité de la concurrence se poursuivent.

L’article 7, dans ses grandes lignes, vise à établir la nécessité d’une régulation actuarielle, d’une mutualisation des données et des risques entre les assureurs et d’une lutte contre l’aversion au risque. Techniquement, il faut notamment préciser de quelles données il s’agit, pour quel partage et quelle utilisation, et de quelles règles actuarielles, avec quel rapport sinistre sur prime (S/P). Objectivement, ces questions, qui se posent quand on entre dans le vif du sujet, sont incroyablement complexes. C’est pourquoi je sollicite votre bienveillance sur cette habilitation à légiférer par ordonnances.

L’interlocuteur unique est en réalité un interlocuteur agréé par l’État, qui peut être un assureur, un service de la direction départementale des territoires (DDT) ou un autre partenaire agricole. Il sera à même de faire fonctionner le mécanisme à trois étages sur le territoire concerné. Chaque agriculteur aura le choix de son interlocuteur agréé. Ce que je veux absolument faire, c’est mettre un terme au système actuel, qui est délirant : il faut parfois, côté assurance publique, un an et demi, voire deux ans, pour couvrir un risque sécheresse après que celle-ci a eu lieu.

M. Charles de Courson a soulevé l’importante question de savoir si l’indemnisation est à la culture ou à l’exploitation. L’article de loi reprend strictement l’écriture du règlement omnibus, qui emploie le mot « exploitant », ce qui permet de faire, comme nous le faisons d’ores et déjà dans le cadre du CNGRA, un mix des deux, consistant à indemniser à la culture après application d’un seuil d’exploitation. Je le dis haut et fort, l’approche à la culture est importante à mes yeux. Au demeurant, les mesures que nous avons prises à la suite de l’épisode de gel n’auraient pas pu l’être sans adopter cette approche. Le projet de loi permet une approche à la culture ou à l’exploitation, et surtout pas uniquement à l’exploitation, comme certains le déduisent de l’emploi du mot « exploitant ».

La question de la moyenne olympique, abordée par plusieurs orateurs, est incroyablement complexe. Pour l’établir, il faut se fonder sur des bases. Elle présente des limites, tout en étant nécessaire. En tout état de cause, elle ne dépend nullement du niveau législatif. Il s’agit de dispositions liées à la fameuse boîte verte de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), reprises dans les règlements européens sur les aides d’État. Faut-il l’étendre ? Faut-il revoir son cadre d’application ? Ces questions doivent être posées.

Il s’agit d’un véritable chantier, qu’il faudra mener cette année, mais qui ne relève pas du présent projet de loi. Il existe d’autres aides, notamment les aides à l’hectare, que les règles européennes et celles de l’OMC interdisent de subventionner. Ce débat doit être ouvert dès cette année. Je m’engage, si je suis toujours en poste, à l’ouvrir pour déterminer un point d’atterrissage, en sachant que tout dispositif assurantiel suppose un référentiel, donc une moyenne. En l’espèce, il s’agit de déterminer si la durée de cinq ans et la méthodologie de calcul sont satisfaisantes ou non. Par ailleurs, de nombreuses cultures assurables ne sont pas concernées, leurs éventuelles pertes n’étant pas couvertes par la solidarité nationale.

Le pool d’assureurs, je l’ai dit, fait la régulation actuarielle. Je ne peux le décrire plus précisément. Il doit faire l’objet de toute l’attention que M. Charles de Courson appelle de ses vœux.

S’agissant des seuils de 20 % et de 70 %, ils sont fixés par le règlement omnibus, dont je souhaite la mise en œuvre la plus complète. Monsieur de Courson, je me permettrai de corriger vos propos : le projet de loi ne précise aucun seuil de franchise à 25 %. À l’heure actuelle, la franchise est de 30 % pour les contrats socles et de 25 % pour les contrats complémentaires. Le projet de loi se contente de fixer les bornes de 70 % et de 20 %.

Certains se demandent s’il faut figer ces seuils. Il me semble que cela relève du pouvoir réglementaire. Plus la franchise est basse, plus le coût de l’assurance est élevé, et plus la subvention à la prime d’assurance est forte, ce qui explique que les amendements allant en ce sens ont été déclarés irrecevables. Il faut donc trouver un équilibre, probablement culture par culture, en conservant à l’esprit l’objectif très clair qui consiste à appliquer le règlement omnibus le plus complètement possible. Le projet de loi se contente de fixer trois seuils : 20 %, 30 % et 70 %. Il incombe au politique de prendre ses responsabilités dans son application.

En tout état de cause, ce débat aura lieu avant l’examen du prochain projet de loi de finances, car la demande de financement sera fonction des seuils qui seront fixés. La loi doit fixer le cadre ; le politique que je suis annonce clairement l’objectif d’appliquer omnibus le plus complètement possible et de définir des seuils profitables aux agriculteurs, ce qui est l’objet de cette réforme à laquelle nous avons tant travaillé, par le biais du pouvoir réglementaire. Demain, le politique prendra ses responsabilités, sous votre contrôle, Mesdames et Messieurs les députés, dès lors que sa flexibilité d’action dépend des crédits que vous voterez en loi de finances.

M. Chassaigne a une approche distincte de la nôtre. Il considère qu’il faut faire du tout public, donc supprimer le deuxième étage de la réforme. Moi, je pense que nous sommes parvenus au bon équilibre. Voyez donc le verre à moitié plein, Monsieur Chassaigne : jusqu’à présent, plusieurs cultures ne bénéficiaient d’aucun dispositif public. Le troisième étage, que vous voulez conserver seul en abaissant les seuils autant que possible, est dorénavant destiné à toutes les cultures.

Le régime des calamités agricoles ne s’en trouve en aucun cas fragilisé. Si l’on met de côté les événements exceptionnels tels que l’épisode de gel que nous avons vécu l’an dernier, ce régime repose sur un investissement de 300 millions d’euros par an, que nous faisons passer à 600 millions. Ainsi, nous le renforçons.

Vous vous demandez si ses règles de fonctionnement seront maintenues dans le nouveau régime. Je comprends tout à fait que des craintes s’expriment. J’y réponds clairement, en disant qu’il s’agit d’appliquer au maximum le règlement omnibus, et que je n’ai jamais pensé que l’on peut réussir la réforme de l’assurance multirisque climatique (AMC) en défavorisant le régime des calamités agricoles et en conservant telle quelle l’assurance. Je crois en une réforme qui consolide feu le régime des calamités agricoles tout en rendant bien plus accessible l’assurance privée, selon une approche incitative. Il incombera au Gouvernement de la mettre en œuvre, en fixant les seuils par décret, sous le contrôle du Parlement qui octroiera un budget.

Peut-on qualifier le projet de loi d’usine à gaz ? Il est court et explicite. Certes, il sera mis en œuvre par décret, mais nous avons essayé, avec M. Frédéric Descrozaille, de faire quelque chose de simple. D’ailleurs, le Conseil de l’agriculture française (CAF) a approuvé à l’unanimité, ce qui est assez historique, le sens de cette réforme.

M. Turquois a rappelé la nécessité de sa mise en œuvre rapide. Nous allons nous mettre en ordre de marche pour relever le défi.

Madame de Lavergne, nous continuerons à subventionner la prime d’assurance récolte, dans le cadre du règlement omnibus. Nous ferons la distinction, plutôt deux fois qu’une, entre les agriculteurs qui consentent des investissements et les autres. Ce sujet sera abordé dans le cadre du CODAR ou du pool de fixation des règles actuarielles. Par ailleurs, il est normal que l’article 4 laisse de côté les pertes de fonds en cas de calamité agricole, car nous traitons des pertes d’exploitation.

Monsieur Venteau, nous avons inscrit la question que vous soulevez dans le programme de travail du Varenne de l’eau. Nous disposons des résultats du premier groupe thématique et nous avons présenté ceux du deuxième, consacré notamment à l’adaptation des filières. Ceux du troisième groupe, consacré à la ressource en eau elle-même, seront publiés prochainement.

Monsieur Daniel, cette réforme a été annoncée par le Président de la République devant les Jeunes agriculteurs, ce qui en démontre le sens.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Le premier groupe thématique du Varenne de l’eau a travaillé sur plusieurs hypothèses. Si la réforme ne fait pas l’unanimité parmi les organisations syndicales, c’est en raison du choix politique prévalant jusqu’à présent de faire intervenir l’État en premier. Le raisonnement de nombreux agriculteurs est le suivant : je suis agriculteur, je fais mon métier et j’assume un risque longtemps considéré comme professionnel, ce qui est quand même inouï si l’on songe qu’il s’agit du soleil, de la pluie et des aléas climatiques. À titre personnel, j’estime que cette culture d’entreprise est admirable. Quoi qu’il en soit, en cas de pépin, l’État intervient d’abord, le recours à un assureur privé s’inscrivant dans une logique de confort, dès lors que l’État me garantit une indemnisation si je perds une part significative de ma récolte.

Nous avons choisi de faire intervenir l’État en dernier : je fais l’effort d’adopter une stratégie, je m’auto-assure, je calcule les risques et j’en transfère certains, dans le cadre de ma stratégie d’entreprise, à un assureur dont le métier est le conseil. L’État intervient en dernier, en cas de risque exceptionnel dont la couverture coûterait trop cher à l’assureur, dans une logique de réassurance.

Ce choix politique peut être discuté, dans un débat qui s’annonce passionnant. Il a été fait pour deux raisons. Tout d’abord, faire intervenir l’État en premier, en garantissant une sorte de matelas, est bien plus coûteux pour son budget, comme le montrent les modélisations. Ensuite et surtout, cela donne l’illusion que la réforme vise à maintenir l’agriculture telle quelle, alors qu’elle vise au contraire à accompagner une adaptation, une mutation.

Comme l’a rappelé M. Nicolas Turquois, certaines cultures ne seront plus possibles, voire ne le sont déjà plus, compte tenu de l’évolution du contexte agroclimatique. Voilà ce qu’il s’agit d’affronter. Cela sera douloureux et compliqué. Il y aura des délocalisations de bassins de production, des cessations d’activité par endroits, mais aussi des innovations, l’introduction de variétés nouvelles, notamment tropicales, et l’apparition de nouvelles cultures. Tel est le changement qu’il s’agit d’accompagner.

Dans ce contexte, chaque agriculteur et chaque filière doivent avoir une stratégie d’adaptation. Quant aux compagnies d’assurances, elles doivent accompagner les transformations, les prises de risques, l’émergence de nouveaux marchés et même des lignes expérimentales grâce au réassureur public qu’est la caisse centrale de réassurance (CCR). L’État, lui, est là pour couvrir ce qui est exceptionnel et ne permet pas au marché de l’assurance de se développer.

S’agissant du financement de la politique agricole commune, je considère qu’il ne doit pas reposer sur les acteurs de l’aval des filières agroalimentaires. Les interprofessions sont là pour ça. Moins l’État s’en mêle, mieux c’est. Parvenir à l’équilibre interprofessionnel n’est pas simple. L’initiative est de droit privé. Il faut laisser les interprofessions s’entendre et signer des accords.

Le secteur de l’agroalimentaire tire vers le bas les marges des salaires et les prix de tous les acteurs, même les gros. Ceux-ci exercent peut-être une certaine fascination, et il est vrai que certaines familles de la grande distribution sont très riches. Toutefois, pour avoir passé trois ans à recruter des commerciaux dans ce secteur, je puis dire qu’ils sont payés moitié moins que les chargés de relation clientèle du secteur du numérique, dont les responsabilités sont comparables.

Depuis plusieurs années, ces filières sont victimes d’une déflation, dont nous, consommateurs, sommes les premiers à profiter. Cher collègue Herth, je ne sais pas comment se passera le débat que nous aurons lors de l’examen du prochain projet de loi de finances, mais je ne souhaite pas que l’argent destiné à accompagner l’agriculture soit prélevé sur l’économie du secteur agroalimentaire. Il s’agirait d’un transfert de valeur. Or, je considère que cette filière détruit trop de valeur au profit des consommateurs, lesquels ont trop pris l’habitude de manger plus sûr et plus qualitatif, et d’exprimer des exigences certes légitimes mais de plus en plus coûteuses, pour que tout cela continue à être de moins en moins cher. Cela n’est pas possible.

Je suis favorable à la solidarité prévue par la réforme. Nous débattrons de ses moyens lors de l’examen du prochain projet de loi de finances. Il n’en est pas moins nécessaire de consacrer de l’argent à la reconstitution de la valeur sur toute la chaîne de valeur du secteur agroalimentaire.

Sur l’habilitation à légiférer par ordonnances et le droit de la concurrence, qui donneront lieu à un débat passionnant, je rappelle que l’article 42 du traité de Rome établit que les objectifs de la PAC prévalent sur l’application du droit de la concurrence au secteur agricole. L’application de ce principe de droit est complexe. Il ne s’agit pas d’un enjeu de délimitation du droit communautaire et du droit national. La querelle oppose, au sein de la Commission européenne elle-même, la direction générale de la concurrence (DGCOMP) et la direction générale de l’agriculture (DG Agri).

La Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE) nous a largement éclairés en statuant sur l’affaire du « cartel des endives », ainsi nommée même si les endiviers ne sont pas, à ma connaissance, des gens planqués dans des paradis fiscaux. La CJUE a éclairé le législateur sur les notions d’effet utile et de proportionnalité. Nous devons démontrer que les mesures que nous prévoyons d’appliquer aux assureurs sont proportionnelles, qu’elles constituent le strict minimum et respectent la liberté d’entreprendre. Leur regroupement, cher collègue de Courson, est un pool de co-réassurance, qui mutualise non les risques, mais la réassurance.

Prenons l’exemple de la culture des poires, pratiquée en Picardie et en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA). La filière peut passer commande au groupement d’assureurs en vue de couvrir le risque de gel, dont la fréquence et l’intensité ne sont pas les mêmes en Picardie, dans la Drôme et dans les Bouches-du-Rhône. Les assureurs mutualiseront les données de sinistralité et la base technique de la prime d’assurance, qui est le coût de la réassurance de la couverture du risque de gel.

Sur cette base, certains assureurs feront preuve d’inventivité et proposeront une police d’assurance paramétrique. Tant mieux s’ils parviennent à convaincre leurs clients, dont les frais d’expertise seront réduits par rapport à ceux des agriculteurs ayant conservé une logique indemnitaire incluant des déplacements d’experts sur le terrain. Chaque assureur aura sa politique client. Par ailleurs, les frais de gestion ne seront pas mis en commun. La mutualisation du modèle actuariel permettra de chiffrer ce que coûte la réassurance. Le groupement d’assureurs offrira une co-réassurance, épaulé par la CCR pour couvrir les démarches expérimentales.

S’agissant de l’élevage, le présent projet de loi fait le maximum, cher collègue Venteau. Nous ne pouvons pas faire plus pour lisser l’évolution de la situation des éleveurs. J’évoquerai un point technique, dont je sais que vous le maîtrisez parfaitement. Le régime des calamités agricoles couvre les pertes au premier pourcentage. Je suis éleveur, j’ai 35 % de pertes fourragères, je suis indemnisé à hauteur de 28 % en moyenne. Demain, j’ai 35 % de pertes, l’État n’en couvre que 5 %, mais la loi permet qu’il les couvre en totalité, ce qui est pratiquement équivalent à 28 % de 35 %. C’est dire si nous allons loin.

L’entrée en vigueur de la loi est prévue dès 2023. Si les assureurs ne sont pas assez rapides, convaincants et attractifs pour proposer des polices d’assurance couvrant les 10 % de pertes au-delà de 20 %, il sera quand même possible, pour le Gouvernement, de fixer par voie réglementaire un taux d’indemnisation des pertes couvertes par l’État lissant la situation entre l’actuel régime des calamités agricoles et le nouveau dispositif. Cela laissera le temps d’élaborer des plans d’adaptation de la filière élevage et de développer le marché de l’assurance de façon attractive, en parvenant à la définition d’un équilibre technique pour les assureurs et d’un intérêt stratégique pour les agriculteurs, en attendant la mise en œuvre de la réforme.

M. Julien Denormandie, ministre. Le projet de loi va même un cran plus loin : il prévoit la possibilité d’une indemnisation sous le seuil, conservant la philosophie du CNGRA, dès lors que le système assurantiel n’existe pas sur le terrain. Ce point est parfaitement sécurisé, grâce à l’alinéa 6 de l’article 3, sur lequel j’éclairerai la Représentation nationale dans le cadre du débat en hémicycle.

 

 

Chapitre Ier – Dispositions modifiant le code rural et de la pêche maritime

 

Article 1er (article L. 361-1 A [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Création d’un nouveau régime d’indemnisation assis sur la solidarité nationale

 

Amendement CE212 de M. Frédéric Descrozaille.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Amendement rédactionnel.

M. Charles de Courson. Le texte initial utilise le mot « agriculteurs », ce qui n’est pas très bon. Toutefois, son remplacement par « exploitants agricoles » n’est guère meilleur. Il faut utiliser l’expression « exploitations agricoles », s’agissant d’entités économiques qui peuvent être individuelles ou collectives.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je comprends le sens de cette observation, mais il s’agit de technique juridique. L’amendement est un copier-coller du droit communautaire, qui vise à permettre à chaque État membre, dans le cadre de son Plan stratégique national de la Politique agricole commune (PSN-PAC), de faire ce qu’il veut. Qui peut le plus peut le moins. Cette rédaction autorise tout.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE145 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. En dépit des éclaircissements qui précèdent, je ne suis pas favorable à la modification de l’indemnisation des calamités agricoles. Il s’agit, nous dit-on, de nous mettre en accord avec la réglementation européenne en matière de droit de la concurrence. Cet argument, souvent utilisé, me laisse dubitatif. Je vérifierai ce qu’il en est auprès de l’Autorité de la concurrence d’ici à l’examen du texte en séance publique.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je vous assure que nous sommes vraiment en phase sur ce sujet.

Grâce à M. Stéphane Travert, que je salue, j’ai enfoncé le clou lors de l’examen de la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), qu’il a défendue en tant que ministre. Au banc, il a pris l’engagement d’introduire dans le texte les dispositions du règlement 101, et je m’en étais assuré auprès de la directrice générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Tel qu’il est rédigé, votre amendement esquinte le dispositif. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Avis défavorable également. Les dispositions du texte relatives au droit de la concurrence sont certes un copier-coller du droit communautaire, mais elles sont déjà appliquées. Ainsi, la minoration de 50 % de la prime d’assurance est déjà appliquée par le CNGRA.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je confirme que M. Frédéric Descrozaille a lutté contre l’Autorité de la concurrence et la DGCOMP. M. Stéphane Travert et moi-même avons ferraillé avec cette dernière lors de l’élaboration de la loi EGALIM. Ce n’est pas simple, mais il faut aller au maximum.

C’est le système en vigueur qui est une usine à gaz. Souvent, les éleveurs sont indemnisés dix-huit mois après le sinistre. Ils sont donc obligés de financer l’achat de fourrage pour l’hiver qui suit. Je peux en donner un exemple concret. Lors d’un épisode de sécheresse, la solidarité nationale a été déclenchée, mais mon assurance récolte, financée pour moitié par l’État, ne l’a pas été. L’assurance récolte est totalement inadaptée à la situation actuelle.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 1er modifié.

 

 

Article 2 (article L. 361-4 du code rural et de la pêche maritime) : Modification des règles de prise en charge publique des contrats d’assurance privés

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE213 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendement CE187 de M. Charles de Courson.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Sans être en désaccord sur le fond, j’estime que l’amendement n’est pas nécessaire. L’article 2 prévoit les modalités de subvention publique de l’offre assurantielle, qui par définition ne bénéficiera qu’aux personnes assurées. Demande de retrait ou avis défavorable.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE151 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Cet amendement, l’un des rares ayant échappé à la débâcle de l’article 40, vise à préciser que l’avis des cinq organisations syndicales d’exploitants agricoles est recueilli.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je suis d’accord avec vous sur le fond et suggère le retrait de l’amendement. Il va de soi que nous demanderons l’avis des cinq organisations syndicales d’exploitants agricoles. Elles sont consultées sur les conditions de détermination des critères retenus pour l’attribution des subventions prévues à l’article 2. Par ailleurs, nous examinerons ultérieurement un intéressant amendement de M. de Courson relatif à l’appellation du CODAR.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 2 modifié.

 

Article 3 (article L. 361-4-1 [nouveau] du code rural et de la pêche maritime) : Intervention du Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA) pour les risques climatiques entraînant des pertes supérieures à 30 % de la production annuelle

 

Amendements identiques CE133 de Mme Séverine Gipson et CE173 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Je m’interroge sur l’articulation du FNGRA et du nouveau dispositif.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Ces amendements, auquel je suis défavorable, réintroduisent dans le projet de loi une distinction entre ce qui est assurable et ce qui ne l’est pas. Il est avéré que l’un des facteurs de l’insatisfaction suscitée par le système actuel est la tentative de faire cette distinction à l’échelon national.

Le CODAR bénéficiera d’un double apport. Le premier proviendra des filières agricoles, qui passeront des commandes aux assureurs par son truchement pour la prise en charge de tel investissement, telle adaptation ou tel chantier. Pour reprendre l’exemple des poires, rien n’empêche l’Association nationale pommes-poires (ANPP) de demander au CODAR une police d’assurance contre le risque de gel, comportant deux primes distinctes selon que l’exploitant a réalisé un investissement dans un dispositif antigel ou non. Des stratégies d’adaptation des demandes seront transmises aux assureurs.

Par ailleurs, les assureurs indiqueront au CODAR les risques qui deviennent non assurables, en raison d’une dégradation de l’équilibre technique et du taux S/P. Ce choix est très important : il s’agit d’identifier les risques qu’il n’est plus possible de prendre, afin de ne pas laisser cette décision à chaque assureur, et de battre en brèche la sélection des risques qui amène parfois les assureurs à laisser leurs clients sur le carreau en leur disant qu’un aléa n’en est plus un, qu’ils ne peuvent plus prendre tel risque et qu’ils sont sortis du périmètre de son métier.

Compte tenu des délais, de la réactivité et surtout du jeu de la concurrence inhérents au secteur de l’assurance, le CODAR amortit la sélection des risques. Les assureurs devront mettre en garde les filières contre les risques qu’ils ne peuvent plus assurer en raison d’une dégradation de l’équilibre technique, ce qui permettra au CODAR d’enrichir sa stratégie d’adaptation de filière. Les parlementaires, quant à eux, auront la responsabilité de doter le FNGRA, piloté comptablement et financièrement par la CCR, des fonds nécessaires pour couvrir les risques devenus non assurables, le temps que la filière s’adapte et que l’agriculture évolue.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE214 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendements CE188 et CE189 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Ce sont des amendements visant à préciser que les indemnisations prévues aux alinéas 3 et 4 sont versées par l’État.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Ces amendements posent un problème de cohérence avec l’alinéa 5 : « L’indemnisation peut être versée par un réseau d’interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l’État ». Je comprends ce qui les motive, mais j’en demande le retrait et émets, à défaut, un avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. À l’évidence, le troisième niveau du dispositif, qui intègre le FNGRA, est financé par l’argent public. Les amendements sont satisfaits.

M. Charles de Courson. Il est prévu à l’alinéa 5 que l’indemnisation peut être versée par un réseau d’interlocuteurs agréés agissant pour le compte de l’État. C’est une délégation : l’argent provient des caisses de l’État, qui peut en déléguer le versement. Je crains, en l’absence de précision, que l’indemnisation visée à l’alinéa 4 comprenne l’indemnisation versée par les assurances.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Nous sommes d’accord sur le fond. Ce serait trahir l’esprit de la loi et l’intention du législateur que d’interpréter ainsi l’alinéa. Par souci de cohésion, je vous invite cependant à retirer les amendements.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE150 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Il s’agit d’un amendement d’appel car je n’ai pas compris ce que vous entendiez par « réseau d’interlocuteurs agréés ». Quel sera leur rôle ? Le ministre nous a expliqué qu’il pourrait tout aussi bien s’agir d’un fonctionnaire de l’État que d’un assureur. Ce n’est pas ce qui découle de la lecture de l’alinéa 5.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Cet interlocuteur sera un professionnel – un assureur, dans l’idéal – chargé, pour le compte de l’État, d’évaluer et d’indemniser la perte. Il sera choisi sur appel d’offres. Les dossiers des assurés seront traités très rapidement. Ce sera plus compliqué pour les dossiers des non-assurés et il est fort probable que les DDT s’en chargeront dans un premier temps.

M. Julien Denormandie, ministre. Nous voulons simplement accélérer le traitement des dossiers, qui aboutit parfois à ce que l’État mette dix-huit mois à verser une indemnisation calamité agricole. Très souvent, l’exploitant agricole rencontre son propre assureur pour la partie assurantielle douze à seize mois avant que l’État n’intervienne. L’interlocuteur agréé pourrait être le propre assureur des exploitants, ce qui permettrait d’accélérer la procédure. Si l’exploitant n’est pas assuré, cet interlocuteur agréé pourrait être, là encore, un assureur mais qui ne se déplacerait, cette fois, que pour le compte de l’État, un agent des services de la DDT, un conseiller financier ou une personne qui aurait répondu au cahier des charges très strict de l’appel d’offres.

Aujourd’hui, les dossiers de demande d’indemnisation sont déposés auprès des DDT. Demain, elles pourront poursuivre ce travail mais d’autres interlocuteurs pourront intervenir plus rapidement.

M. André Chassaigne. Je ne suis pas convaincu. C’est comme si on vidait la sécurité sociale au profit du privé. J’accepte cependant de retirer l’amendement pour y travailler d’ici à l’examen en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Amendements identiques CE74 de M. Pierre Venteau et CE182 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’ouvrir aux exploitants agricoles, les mieux placés pour juger des pertes réelles subies dans leur exploitation, la possibilité de contester une évaluation et de recourir à une enquête de terrain.

M. Pierre Venteau. La loi doit prévoir des voies de recours en cas de désaccord entre le bénéficiaire de l’assurance et celui qui la verse.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je suis d’accord avec vous mais ce sujet ne relève pas de la loi. Les conditions d’évaluation des pertes et les possibilités de contestation par les exploitants agricoles pourront être déterminées par voie réglementaire. Ces décisions peuvent, en tout état de cause, faire l’objet d’un recours devant le juge, dans le cadre de l’article L. 361-6 du code rural et de la pêche maritime ainsi que du droit commun des contrats.

Les amendements sont retirés.

 

Amendement CE152 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Je n’aime pas acheter un âne dans un sac ! Vous m’assurez que les organisations syndicales seront consultées mais j’aurais préféré que ce soit inscrit dans la loi.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. La loi ne supprime pas le comité national de gestion des risques en agriculture (CGNRA) dont sont membres les représentants de ces organisations syndicales. Le CODAR en est une émanation. Je vous invite à retirer votre amendement, qui est satisfait, sinon j’y serai défavorable.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 3 modifié.

 

Article 4 (articles L. 361-5 à L. 361-7 du code rural et de la pêche maritime) : Modification du champ d’application du régime des calamités agricoles

 

Les amendements de suppression CE134 de Mme Séverine Gipson et CE174 de M. Antoine Herth sont retirés.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE215 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendements identiques CE160 de Mme Sylvia Pinel et CE175 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Il s’agit de clarifier le champ des risques non assurables.

M. Charles de Courson. Sans supprimer le fonds des calamités agricoles, l’amendement, travaillé avec la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) tend à clarifier le champ des risques non assurables ou pour lesquels il n’existe pas de référentiel suffisant pour que les assureurs jouent leur rôle d’interlocuteur unique.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je ne répéterai pas ce que j’ai dit. Même si la liste des risques non assurables ne figure pas dans la loi, nous prendrons toutes les dispositions nécessaires pour que, progressivement, le régime assurantiel accompagne la mutation de l’agriculture. Je vous invite à retirer l’amendement sinon avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Antoine Herth. Il a été dit que des filières peuvent solliciter le CODAR pour que leurs cultures soient prises en considération. Je retire cet amendement qui n’avait d’autre objet que d’appeler votre attention sur ce sujet.

M. Julien Denormandie, ministre. Le rapporteur ou le Gouvernement déposera un amendement en séance publique pour préciser l’alinéa 6 de l’article 3, qui tend à fixer les règles d’indemnisation. Celles-ci doivent dépendre du contexte assurantiel.

M. Charles de Courson. Ne nous faisons pas d’illusions. Il restera toujours des productions agricoles très aléatoires que personne ne voudra assurer. Dès lors se posera un vrai problème et il ne serait pas choquant que ceux qui ne peuvent pas être assurés puissent être indemnisés.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis d’accord avec vous.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Soyons clairs : il s’agit d’exploitants non assurés de fait et non pas non assurables.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’article 4 modifié.

 

 

Article 5 (article L. 361-8 du code rural et de la pêche maritime) : Création du comité chargé de l’orientation et du développement de l’assurance récolte (CODAR)

 

Amendement de suppression CE154 de M. André Chassaigne.

M. André Chassaigne. Vous jetez la gestion des risques climatiques agricoles dans les eaux glacées du profit et vous ouvrez les bras aux assureurs privés. Vous avez les bras plus écartés que le Christ sur la croix pour accueillir les assurances privées et le public en pâtira.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Si ce que vous dites était vrai, les assureurs seraient fous de joie. Or la majorité d’entre eux freine des quatre fers. S’il y a des acteurs dont nous tordons le bras dans le dos, ce sont bien les assureurs.

Tant mieux si des profits sont réalisés ! L’assurance récolte ne pourra pas se développer sans équilibre technique qui permette aux assureurs de faire leur métier. Ce n’est pas mal de gagner de l’argent, pourvu que les agriculteurs y trouvent leur compte.

M. Julien Denormandie, ministre. Cette réforme est faite pour les agriculteurs. Ils ont besoin d’un dispositif accessible mais aussi d’assureurs. Or, pour que l’activité professionnelle de ces derniers soit viable, le ratio entre les sinistres et les primes doit rester équilibré. Ce n’est pas le cas aujourd’hui, ce qui a conduit à une envolée du montant des primes. L’article 7 revêt une importance particulière dans ce contexte. Surtout, les nombreuses mises en garde que j’ai reçues des assureurs contre certaines dispositions de ce texte n’ont fait que renforcer ma conviction.

M. André Chassaigne. Finalement, vous me demandez un acte de foi.

M. Charles de Courson. D’espérance et de charité.

M. André Chassaigne. Vous ne m’avez pas convaincu, d’autant plus que vous semblez négliger le bénéfice indirect des assureurs, qui profiteront de se rendre dans les exploitations agricoles en tant qu’interlocuteurs agréés pour faire signer d’autres contrats d’assurance aux exploitants. C’est bien naturel, dans le cadre d’une économie libérale.

M. Jean-Baptiste Moreau. Les agriculteurs sont déjà assurés contre de nombreux aléas, heureusement ! Il s’agit à présent pour l’État de soutenir les agriculteurs en instaurant un dispositif unique partenarial et universel, car les risques climatiques sont beaucoup plus importants qu’il y a quelques années.

Les agriculteurs doivent s’assurer ! Mon père, en quarante-cinq ans de carrière, n’a connu que deux épisodes de sécheresse. En quinze ans, j’en ai déjà connu cinq !

M. Julien Denormandie, ministre. Nous prévoyons le principe d’une indemnisation fondée sur la solidarité nationale, complétée par une indemnisation perçue au titre d’un contrat d’assurance multirisque portant sur les mêmes pertes. Il ne s’agit donc pas de favoriser le secteur privé.

Par ailleurs, grâce à ce troisième étage et au principe d’universalité, l’État pourra intervenir quelles que soient les cultures sinistrées. Surtout, il pourra indemniser, même si le seuil de pertes n’est pas atteint, lorsque les contrats d’assurance souscrits ne permettent pas d’indemniser.

Enfin, une subvention, issue de la PAC, est accordée aux agriculteurs pour souscrire une assurance multirisque climatique.

Dans ce contexte, les dispositions prévues à l’article 7 sont essentielles. Ce texte est destiné à faciliter l’accès à une couverture des exploitants agricoles, ce qui suppose d’assurer la viabilité des assureurs. Si l’article 7 n’est pas adopté et que nous ne pouvons pas réguler le volet actuariel, certains nous demanderont de profiter encore davantage des possibilités offertes par le règlement omnibus. Mais si nous augmentons l’aide accordée aux agriculteurs qui souscrivent une assurance, les compagnies ne manqueront pas de relever, en retour, leurs primes.

C’est pourquoi nous aurons besoin de réguler, car ces mesures doivent d’abord profiter aux agriculteurs, même si nous devons également assurer la survie du système assurantiel.

M. André Chassaigne. Je ne doute pas que l’agriculteur soit au cœur de votre projet mais il ne faudrait pas privatiser les gains pour socialiser les pertes.

M. Julien Denormandie, ministre. L’article 7 nous permettra précisément de ne pas en arriver là.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE204 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le CNGRA est compétent en matière de gestion des aléas climatiques mais également pour les risques sanitaires, phytosanitaires et environnementaux. Ses missions excèdent donc les questions liées au développement de l’assurance récolte. Cet amendement tend, par conséquent, à ce qu’un sous-comité chargé de l’orientation et du développement des assurances récolte soit institué au sein du comité pour traiter spécifiquement de ces questions.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Votre remarque est fondée, mais le terme de sous-comité ne me paraît pas très heureux – celui de commission serait plus adapté. Je vous invite à retirer votre amendement pour que nous y travaillions ensemble d’ici à l’examen en séance.

M. Charles de Courson. En général, on parle de comité et de sous-comité issu de ce comité. Il n’y a rien de dégradant à être membre d’un sous-comité. M. le rapporteur a des susceptibilités de jeune fille.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Vous disant cela, je pensais au Conseil national de l’évaluation des normes, qui était à l’origine une commission du Comité des finances publiques avant qu’une loi ne coupe le cordon ombilical. De même, une loi pourrait très bien, en 2026, rompre le lien entre le CODAR et le CNGRA.

M. Charles de Courson. Pourquoi pas sous-comité et comité spécial ?

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE216 et CE217 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendements CE206 et CE208 de M. Charles de Courson, amendements identiques CE75 de M. Pierre Venteau et CE183 de M. Antoine Herth (discussion commune).

M. Charles de Courson. Il convient de fixer dans la loi les principes de la composition du comité. Ses membres pourraient être des représentants des assureurs, de l’agriculture et de l’État à raison d’un tiers par catégorie.

M. Pierre Venteau. Les représentants de la profession agricole, pour chaque secteur de production, doivent être associés à la gouvernance du comité.

M. Antoine Herth. L’organisation de « l’arbre à palabres » est un sujet important pour les représentants de la profession. Il semble que les Arvernes ne fassent pas totalement confiance aux Carnutes et autres tribus du nord de la Gaule pour défendre leurs intérêts. Chacun veut donc un représentant dans ce comité.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Vous avez raison mais je vous invite à retirer ces amendements pour que nous y travaillions d’ici à la séance. Toutes les filières agricoles ne pourront pas être représentées au sein du CODAR. En revanche, ce comité pourrait disposer d’antennes dans les régions. Les filières seraient représentées dans leur bassin et les informations nécessaires seraient transmises au CODAR.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Charles de Courson. La loi ne doit fixer que les principes. La rédaction de mon amendement me semblait suffisamment large pour laisser une marge de manœuvre aux textes d’application. Je veux bien le retirer.

M. André Chassaigne. Les seuils pourraient-ils varier selon les territoires ?

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Certains territoires sont beaucoup plus exposés que d’autres. Laissons les filières formuler leurs propres demandes et les assureurs adapter leurs produits. En tout cas, cette précision ne relève pas de la loi.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis opposé à l’existence de seuils territoriaux. Ce ne serait plus gérable. Il faut des seuils par culture, au niveau national, à charge pour le CODAR de prendre en considération les spécificités.

M. Antoine Herth. L’interlocuteur unique, qui pourrait être la DDT, pourrait
peut-être assurer cette liaison.

Les amendements sont retirés.

 

L’amendement CE155 de M. André Chassaigne est retiré.

 

La commission adopte l’article 5 modifié.

 

 

Article 6 (article L. 411-24 du code rural et de la pêche maritime) : Coordination juridique

 

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 

 

Article 7 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour compléter la réforme de l’assurance récolte en fixant de nouvelles obligations aux entreprises d’assurance

 

La commission rejette l’amendement de suppression CE156 de M. André Chassaigne.

 

Amendement CE190 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de rappeler que l’ensemble de ces dispositions doit respecter les règles de concurrence, de la liberté du commerce et de l’industrie.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Je ne souhaite pas que l’on insiste, dans la loi, sur le respect du droit de la concurrence. L’enjeu est d’appliquer l’article 42 du traité de Rome qui n’est pas toujours bien compris en France. Il m’est arrivé de rencontrer des juristes de l’Autorité de la concurrence ou de la DGCCRF qui ne savaient pas appliquer ce principe. Il est bien évident que nous ferons tout pour respecter la liberté d’entreprendre mais nous instaurerons un principe de proportionnalité pour l’encadrer et, ainsi, atteindre notre objectif d’universalité.

M. Julien Denormandie, ministre. Même avis.

M. Charles de Courson. Le risque de ce texte est de donner naissance à un oligopole à trois, ce qui entraînera une augmentation des primes.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Ce sera un pool de co-réassurances. Chaque assureur conservera sa liberté contractuelle, celle de mener la politique qu’il souhaite envers les clients, sa marque. Le modèle espagnol est beaucoup plus intégré. Les vingt et un adhérents d’Agroseguro sont des officines de commercialisation de la marque Agroseguro. Ce n’est pas notre projet.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte les amendements rédactionnels CE232 et CE218 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendement CE191 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Le partage entre assureurs des données personnelles relatives aux exploitants pose un problème sérieux, comme l’a relevé l’Autorité de la concurrence dans son avis : le dispositif doit non seulement respecter le règlement général sur la protection des données (RGPD), mais aussi éviter la création d’un oligopole. Comment maintenir une concurrence véritable dès lors que les assureurs peuvent s’échanger les données personnelles de leurs assurés ? Pour pallier ce problème, l’amendement vise à préciser que le mécanisme opère « dans le double respect du droit de la concurrence et du droit au respect des données personnelles ».

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. J’aurais été d’accord avec ce que vous proposez si vous y aviez ajouté une référence à l’article 42 du traité de Rome. Il est vrai que le groupement d’assureurs ressemblera à une entente. Toutefois, en tant que législateur, nous pouvons prendre la responsabilité d’interpréter le traité de Rome et de déclarer que le groupement en question apparaît proportionné à l’objectif recherché, à savoir garantir l’universalité du régime. Nous voulons, en effet, conjurer la sélection des risques et donc des clients par les assureurs. L’exercice est compliqué ; il reviendra aux ordonnances de le mener à bien, dans le respect des données personnelles, comme vous l’indiquez, mais aussi du traité de Rome – référence qui fait défaut dans l’amendement, auquel je suis donc défavorable.

M. Charles de Courson. Puisque vous êtes d’accord avec le reste de l’amendement, vous auriez pu le sous-amender.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. À ce stade, j’y suis défavorable, mais nous aurons de nouveau le débat en séance.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement, mais le déposerai de nouveau en séance, en ajoutant une référence à l’article 42 du traité de Rome.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE219, CE220 et CE221 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendement CE192 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de supprimer l’alinéa 3, qui autorise la création du groupement. On peut s’interroger sur la compatibilité de la disposition avec le droit européen, en matière non seulement de concurrence mais aussi de libre-échange. Rien n’interdit à un agriculteur de s’assurer auprès d’une compagnie étrangère. Que se passera-t-il dans ce cas ?

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Vous avez bien conscience du fait que la suppression de l’alinéa 3 mettrait à mal le principe même de l’article 7. Vous évoquez la liberté d’entreprendre, mais il est question ici d’acteurs susceptibles de prospérer grâce à la commercialisation de l’assurance multirisque climatique, subventionnée à 70 % par de l’argent public. En tant que législateur, nous sommes en droit de poser certaines exigences à leur endroit. Il n’est donc pas raisonnable de supprimer l’alinéa 3.

M. Julien Denormandie, ministre. Je partage l’avis du rapporteur. Si l’article 7 doit évidemment respecter les règles en matière de concurrence et de données personnelles, il faut aussi qu’il soit très ambitieux, d’abord parce que beaucoup d’argent public sera mobilisé, ensuite parce que la réforme a pour but de permettre à tous les exploitants, où qu’ils soient, d’être assurés. Le dispositif doit bénéficier à l’assuré et non aux assureurs. À cette fin, l’article 7 vise à réguler le secteur de manière actuarielle. Si nous allons au bout de ce que permet le règlement omnibus, ce n’est pas pour que, en parallèle, les assureurs augmentent leurs primes. Si nous posons des seuils pour limiter les fonds propres que les assureurs doivent mobiliser, ce n’est pas pour leur permettre de réaliser un profit additionnel : il s’agit de faire en sorte que le système soit à l’équilibre.

M. Charles de Courson. En réalité, à travers cet amendement, je pose la question de la nature juridique du groupement et celle du respect de la libre circulation des services – car un agriculteur peut être assuré au Royaume-Uni, en Belgique ou en Allemagne.

M. Julien Denormandie, ministre. La libre circulation des services ne sera en aucun cas remise en cause, mais tout assureur commercialisant une assurance multirisque climatique, quelle que soit sa nationalité, devra être membre du groupement.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. De plus, des contraintes pèseront sur ce groupement.

M. Charles de Courson. Certes, mais quelle sera sa nature juridique ?

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Ce n’est pas pour rien que le projet de loi prévoit des ordonnances. Lors du travail préparatoire, nous avons longuement discuté de la possibilité d’inscrire « en dur » dans l’article 7 la création de ce groupement et ses modalités. Ce n’est pas possible à ce stade, ne serait-ce que parce que les assureurs opposent une certaine résistance. Il faut notamment clarifier ce que l’on entend par « mutualiser les risques ».

Il s’agira en fait d’un groupement de co-réassurance, avec une mutualisation de la partie technique, c’est-à-dire concernant la fréquence et l’intensité des risques, lesquelles permettent de chiffrer la couverture. À cela s’ajoutent les frais d’expertise et de gestion. Tout cela doit faire l’objet d’un travail avec les intéressés. J’aurais préféré que nous inscrivions ces dispositions en dur dans la loi, mais il faut du temps pour en préciser le contenu. Il reviendra aux ordonnances de clarifier les choses, y compris en ce qui concerne la nature juridique du groupement.

M. Julien Denormandie, ministre. Le principe du groupement est défini par la loi ; il reviendra à l’ordonnance de décliner les modalités. Sur le plan juridique, il pourrait s’agir d’un groupement d’intérêt économique (GIE).

M. Charles de Courson. Vous avouerez qu’il est étrange de créer une entité dont on ne connaît pas les caractéristiques. S’agira-t-il d’un GIE ou encore d’une société anonyme ?

Je retire mon amendement mais le déposerai de nouveau en séance, ce qui vous donnera une deuxième chance de me répondre.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE222, CE223, CE224 et CE225 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendement CE193 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Selon l’alinéa 7, les ordonnances pourront préciser, « s’il y a lieu, les conditions dans lesquelles les dispositions de la présente loi ainsi que celles issues des ordonnances […] sont rendues applicables aux contrats en cours ». Cela contreviendrait au principe de non-rétroactivité des dispositions législatives s’agissant des contrats en cours. Ces derniers sont un sous-élément du droit de propriété, lequel est garanti constitutionnellement. À travers mon amendement, qui vise à supprimer l’alinéa, je souhaite vous interroger sur cette mesure.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Le Conseil constitutionnel reconnaît au législateur la possibilité d’appliquer une nouvelle loi aux contrats en cours s’il justifie d’un motif d’intérêt général.

Par ailleurs, il s’agit de faire en sorte que le nouveau régime s’applique dès le 1er janvier 2023, comme le prévoit l’article 12. Les assureurs sont inquiets. Il est vrai que les délais sont contraints, mais il n’y a pas de quoi s’affoler. La date du 1er janvier 2023 sera maintenue. Pour les contrats portant sur les semis de 2022, les assureurs pourront permettre à leurs clients, dès le 1er janvier 2023, de bénéficier du nouveau régime, à travers des avenants ou par reconduction du contrat, sans attendre l’expiration du délai de tacite reconduction. En tout état de cause, le nouveau dispositif s’appliquera à toutes les mises en culture de 2023.

Il faut aller vite, compte tenu de la situation que nous avons connue en 2021 : il est hors de question de dire aux agriculteurs que le régime actuel perdurera jusqu’en 2023 inclus, ce qui pourrait avoir pour conséquence qu’il s’appliquerait encore à certaines récoltes de 2024.

M. Julien Denormandie, ministre. La loi ne s’appliquera pas de manière rétroactive aux contrats en cours. Si le texte n’est pas assez clair sur ce point, nous y retravaillerons d’ici à la séance, et le Gouvernement déposera des amendements en ce sens si le rapporteur ou d’autres parlementaires ne le font pas.

L’article 12 précise que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2023. Les contrats passés en 2022 pour des récoltes effectuées en 2023 ne seront pas remis en cause. Toutefois, si un agriculteur demande à son assureur de bénéficier du nouveau dispositif, l’assureur devra lui faire une proposition sous forme d’avenant. Des contrats établis en vertu de l’ancien dispositif pourront donc coexister pendant un an, en 2023, avec des contrats tenant compte du nouveau régime.

M. Antoine Herth. L’agriculteur pourra soit demander un nouveau contrat, ce qui est extrêmement lourd, soit conserver le même, amendé de manière à tenir compte des nouvelles dispositions législatives, ce qui ne me choque pas du tout. L’assureur aura tout intérêt à opter pour la seconde solution : généralement, les agriculteurs gardent le même numéro de contrat, celui-ci étant reconduit d’année en année.

M. Charles de Courson. Ce que vous avez dit, Monsieur le ministre, n’est pas ce qui est écrit dans l’alinéa 7. Il convient donc de le modifier.

Certes, le Conseil constitutionnel accepte les modifications rétroactives des contrats pour des motifs d’intérêt général, mais vous aurez du mal à le convaincre qu’un motif de cette nature est en jeu lorsqu’il s’agit de modifier un accord conclu entre un exploitant agricole et son assureur. Il faut donc retravailler cet alinéa pour le rendre conforme à la Constitution.

Je retire mon amendement, mais le déposerai de nouveau en séance, en attendant que le texte soit modifié.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE226 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendement CE194 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. À travers cet amendement, je propose une solution au problème soulevé précédemment : il s’agit de préciser que la disposition respecte à la fois le droit de propriété et l’intangibilité des contrats. Je le retire et le déposerai de nouveau, dans l’attente d’un amendement du Gouvernement ou du rapporteur.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE231 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Amendements identiques CE44 de M. Dominique Potier, CE135 de Mme Séverine Gipson, CE161 de Mme Sylvia Pinel et CE176 de M. Antoine Herth, et sous-amendements CE234 et CE235 de M. Frédéric Descrozaille.

M. Charles de Courson. Le texte vise à nous adapter aux enjeux du changement climatique et à répondre à une forte attente des agriculteurs. S’il est nécessaire d’aller vite, cela suppose d’accomplir un travail d’application technique de très grande ampleur dans le courant de l’année 2022. Pour cela, il est proposé qu’à l’instar du comité chargé de l’orientation et du développement des assurances récoltes, le pool réunissant les entreprises d’assurance souhaitant commercialiser les produits d’assurance contre le risque climatique puisse se constituer avant l’entrée en vigueur de l’ensemble du mécanisme, prévue le 1er janvier 2023.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. J’approuve ces amendements, sous réserve de l’adoption de mes deux sous-amendements. Le premier est de coordination, car les alinéas 1 à 3 feront l’objet d’une même ordonnance : il convient donc de prévoir le même délai d’habilitation. Le second prévoit un délai de six mois, contre trois mois dans les amendements.

M. Julien Denormandie, ministre. Je suis favorable à ces amendements, à condition que les sous-amendements du rapporteur soient adoptés.

La commission adopte successivement les sous-amendements et les amendements ainsi sous-amendés.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE227 de M. Frédéric Descrozaille.

 

La commission adopte l’article 7 modifié.

 

 

Article 8 (articles L. 371-13, L. 372-3, L. 372-5, L. 373-3 et L. 374-3 du code rural et de la pêche maritime) : Coordinations juridiques apportées au code rural et de la pêche maritime pour les territoires ultramarins

 

La commission adopte l’article 8 non modifié.

 

 

Article 9 : Habilitation du Gouvernement à légiférer par ordonnance pour réformer le fonds de secours pour l’outre-mer (FSOM)

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE228 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Elle adopte l’article 9 modifié.

 

 

Chapitre II – Dispositions modifiant le code des assurances et dispositions finales

 

Article 10 (article L. 122-7 du code des assurances) : Modification du régime de la garantie contre les effets du vent

 

Amendement de suppression CE195 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Quel est le lien entre cet article et l’objet du projet de loi ? Si l’on peut me l’expliquer, je suis prêt à retirer mon amendement.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. La disposition est d’ordre technique. Cet article est nécessaire, car l’harmonisation des risques incendie et tempête a conduit à des situations insatisfaisantes pour les assurés, d’une part, qui voient leur franchise augmenter, et pour les assureurs, d’autre part, qui ne peuvent pas différencier les conditions d’indemnisation et adapter leurs contrats aux besoins des professionnels. Il s’agit donc d’adapter les contrats à la réalité de l’exposition aux risques tempête et incendie et de permettre d’éviter les ajustements tarifaires à la hausse.

La direction générale du Trésor estime à 14 millions d’euros la charge de sinistres inutilement couverte à cause de l’alignement.

Pour ces raisons, l’article 10 doit demeurer dans le projet de loi. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Là où vous avez raison, Monsieur de Courson, c’est que l’article 10 ne s’intègre pas à l’architecture du reste du projet de loi. En revanche, il aborde, lui aussi, une question d’ordre assurantiel. Les précisions qu’il apporte doivent être inscrites dans la loi le plus rapidement possible en raison des incompréhensions et des interprétations divergentes que l’on constate, alors même que l’enjeu est important, y compris pour les agriculteurs.

M. Charles de Courson. Je retire l’amendement mais le déposerai de nouveau en séance.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE229 et CE230 de M. Frédéric Descrozaille.

 

Elle adopte l’article 10 modifié.

 

 

Article 11 (articles L. 431-12 [abrogé], L. 442-1 et L. 441-2 du code des assurances) : Coordinations juridiques faites dans le code des assurances

 

La commission adopte l’article 11 non modifié.

 

 

Article 12 : Dispositions fixant la date d’entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2023

 

Amendements identiques CE45 de M. Dominique Potier, CE136 de Mme Séverine Gipson, CE162 de Mme Sylvia Pinel et CE177 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’accélérer la mise en œuvre de l’article 5 pour que le système monte en charge plus rapidement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte les amendements.

 

Amendement CE196 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de prévoir un peu plus de temps pour la mise en œuvre de la réforme, compte tenu de la complexité des problèmes à résoudre. J’ai quelques doutes quant à la possibilité d’une entrée en vigueur le 1er janvier 2023. Qui plus est, le 1er janvier n’est pas forcément une bonne date du point de vue des cycles agricoles. Si nous accordions six mois de plus, cela nous amènerait en juillet.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Comme le disait M. le ministre, des amendements viseront à clarifier en séance la jonction entre 2022 et 2023.

Une entrée en vigueur au mois d’août ne serait pas beaucoup plus pertinente, car certains contrats sont renouvelés au printemps. Par ailleurs, aucune date ne convient pour l’ensemble des campagnes de production. À cet égard, il est plus cohérent de retenir le début de l’année civile. Du reste, si nous fixions l’entrée en vigueur au mois d’août 2023, de nombreux agriculteurs nous reprocheraient de n’être couverts par le nouveau dispositif que pour les récoltes 2024. Avis défavorable.

M. Julien Denormandie, ministre. Je vous propose que nous retravaillions à l’article 12 d’ici à la séance, étant entendu qu’il faut absolument que la réforme entre en vigueur le 1er janvier 2023. Cela dit, il nous reste plusieurs aspects à finaliser.

Premièrement, les calamités agricoles qui se produiraient en 2022, c’est-à-dire avant que le nouveau système n’existe, devront faire l’objet d’une indemnisation en 2023. Nous préparons un amendement dans ce sens.

Deuxièmement, la loi ne sera pas rétroactive. Le dispositif devra donc permettre la coexistence, en 2023, de contrats signés en 2022 et de contrats signés en 2023, correspondant au nouveau régime. La mise en œuvre de ce mécanisme suppose un énorme travail de l’exécutif. Le fait que vous ayez limité à six mois le délai dont le Gouvernement disposera pour rédiger l’ordonnance montre que vous partagez notre volonté d’aller très vite. Peut-être faut-il tout de même prévoir un filet de sécurité pour pallier certains décalages, par exemple lorsque l’avis de telle ou telle autorité indépendante est requis. Ce ne serait qu’un filet de sécurité car, je le répète, la réforme doit entrer en vigueur le 1er janvier 2023. Quel que soit le prochain gouvernement, la finalisation de ce mécanisme devra être sa priorité et celle de sa majorité.

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable à l’amendement.

M. Charles de Courson. L’objectif de mon amendement est atteint, puisque vous reconnaissez qu’il faut réécrire l’article 12. Je le retire donc, quitte à en déposer un autre, car les modalités d’application de cette réforme sont extrêmement complexes.

L’amendement est retiré.

 

La commission adopte l’article 12 modifié.

 

 

Après l’article 12

 

Amendements identiques CE163 de Mme Sylvia Pinel et CE178 de M. Antoine Herth.

M. Antoine Herth. Il s’agit d’amendements d’appel, qui demandent la remise d’un rapport par le Parlement, ce qui n’a d’intérêt que dans l’hypothèse où nous ne ferions pas le nécessaire pour étudier chaque année le niveau des crédits mobilisés par l’État pour équilibrer le dispositif. Nous devrions préciser, dans l’hémicycle, de quelle manière nous entendons organiser nos travaux de manière à être chaque année au rendez-vous, ce qui suppose d’étudier aussi bien les résultats de l’année écoulée que les projections pour l’année à venir, et de déterminer les crédits en conséquence.

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. La façon dont ces amendements sont rédigés est un peu curieuse : ils demandent la remise d’un rapport par le Parlement au Gouvernement. Je demande donc leur retrait. Toutefois, je suis favorable à ce que l’on prévoie, après l’article 12, une revue à mi-parcours. Il s’agirait plutôt d’un rapport du Gouvernement au Parlement, faisant la synthèse de ce qui a été voté dans les PLF successifs et surtout se fondant sur l’analyse du CODAR concernant la réussite de la réforme.

M. le président Roland Lescure. Quoi qu’il arrive, un rapport d’évaluation de la loi sera rendu au bout de trois ans. Peut-être le rapporteur sera-t-il le même, d’ailleurs, s’il est encore parmi nous ?

M. Julien Denormandie, ministre. Pour cet amendement, je m’en remets à la sagesse de la commission.

M. André Chassaigne. Le contrôle de l’application de la loi fait partie intégrante de la fonction de député. Il est incroyable qu’on en vienne à présenter des amendements pour demander que nous exercions notre mission.

Lors de mon premier mandat, entre 2002 et 2007, j’étais corapporteur pour le suivi d’une loi sur l’eau. Nous remettions régulièrement des rapports permettant de contrôler l’application du texte, les décrets et de mesurer les premiers résultats. Le contrôle, c’est un peu comme l’Arlésienne : on en parle, mais on ne la voit pas beaucoup.

M. Jean-Baptiste Moreau. Je ne suis pas d’accord : nous sommes justement en train de préparer un rapport sur la loi EGALIM.

M. le président Roland Lescure. Exactement. La commission des affaires économiques fait son travail. Nous menons également en ce moment une évaluation de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN).

M. Frédéric Descrozaille, rapporteur. Nous avons innové, durant cette législature, en créant une mission d’information de la conférence des présidents sur la concrétisation des lois, qui participe de la fonction de contrôle de l’action du Gouvernement par les députés. Les membres de cette mission d’information, tous groupes confondus, ont souhaité que ses travaux constituent un legs pour la législature suivante et que celle-ci en reprenne le principe. À titre personnel, j’ai regretté que cette mission d’information n’ait pas eu le temps de travailler plus étroitement avec chacune des commissions permanentes pour renforcer encore ce contrôle.

M. le président Roland Lescure. Notre commission a évalué plusieurs lois votées au cours des législatures précédentes, notamment la loi de modernisation, de développement et de protection des territoires de montagne.

M. Antoine Herth. Je retire mon amendement. Toutefois, il me paraît important d’assurer le suivi du dispositif. S’il doit constituer, comme vous le souhaitez, Monsieur le ministre, un vrai pilier de la politique agricole française, à côté notamment de la PAC, il faut une mobilisation du Parlement pour que le mécanisme fonctionne, car, derrière, il y a le vote du budget. Je ne voudrais pas qu’il en soit question seulement dans une page du rapport de la commission des finances à laquelle on ne consacrerait que cinq minutes par an. S’il en est ainsi, la commission des affaires économiques n’étudiera plus jamais la question. Je souhaiterais que, chaque année, un groupe de travail regroupant des parlementaires issus de toutes les formations politiques se penche sur le dispositif pour voir comment il faut l’ajuster, ou encore quelles nouvelles incitations il faudrait créer. Cela permettrait de se rendre compte de l’efficacité concrète du système dans les corps de ferme, au lieu de se limiter à sa dimension budgétaire.

M. le président Roland Lescure. Inspirez-vous des grands auteurs : la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE), excellemment rapportée par votre serviteur, avait prévu un comité de suivi et d’évaluation de la loi, suivant l’exemple de la loi Macron puis de la loi ELAN.

Les amendements sont retirés.

 

La commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

 

 

 

 

 

 


1

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

Table ronde :

Jeunes Agriculteurs *

M. David Ailhaud, membre du conseil d’administration

M. Thomas Debrix, chef du service communication et affaires publiques

Mme Mathilde Roby, cheffe du service économique et international

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Joël Limouzin, membre du bureau de la FNSEA, responsable du dossier « gestion des risques »

M. Laurent Woltz, chef de service à la FNSEA

M. Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques

Chambres d’agriculture

M. André Bernard, vice-président

Mme Christine Valentin, vice-présidente

Mme Romane Jarry, chargée d'étude agriculture de montagne

Mme Juliette Boillet chargée d'affaires publiques

M. Rémi Dubourg, chargé d'étude

Confédération paysanne *

M. Denis Perreau, secrétaire national

Coordination rurale *

M. Marc Saumont, président de la Coordination rurale de la région Bourgogne-Franche-Comté

Mme Florence Gillotin, en charge de la gestion des risques Eqosphere

 

 

Mouvement de défense des exploitants familiaux (MODEF) *

M. Raymond Girardi, vice-président

M. Clément Tardy, animateur

Association des professionnels de la réassurance en France (APREF) *

M. Nicolas Chatelain, président de la commission agricole

M. Gael Certain, vice-président de la commission agricole

M. Nicolas Boudias, délégué général

Caisse centrale de réassurance (CCR)

M. Bertrand Labilloy, directeur général

M. Laurent Motador, directeur général adjoint

M. David Moncoulon, directeur recherche et développement

Audition commune :

Pacifica

M. Jean Michel Geeraert, direction marché de l’agriculture et de prévention

Groupama

Mme Delphine Létendart, directrice « assurances »

Fédération française de l’Assurance (FFA) *

M. Franck Le Vallois, directeur général

M. Christophe Delcamp, directeur « marchés entreprises, agricole et coonstruction »

M. Christian Pierotti, directeur du pôle affaires publiques

Mme Viviana Mitrache, responsable du département des affaires parlementaires

M. Arnaud Giros, conseiller parlementaire au département des affaires parlementaires

 

 

 

Cabinet de M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

M. Guillaume Clerget, conseiller budget, financement de l'agriculture et protection sociale

M. Nicolas Mazières, conseiller politique, chargé des relations avec le Parlement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) Chiffres cités par le Crédit agricole sur son site internet : https://www.credit-agricole.fr/agriculteur/conseils/magazine/tout-un-mag/augmentation-des-risques-climatiques-comment-proteger-ses-recoltes.html

([2]) « En campagne pour l’agriculture de demain », rapport de l’Institut Montaigne paru en octobre 2021

([3]) Modélisation de l’impact du changement climatique sur les dommages assurés dans le cadre du régime des catastrophes naturelles, CCR 2015, cité dans le rapport n° 16104 de l’Inspection générale des finances et du CGAAER sur les outils de gestion des risques en agriculture, paru en 2017.

([4]) Dispositif fiscal de déduction pour l’épargne de précaution (DEP), plan de soutien à l’acquisition d’équipements de protection dans le cadre du plan de relance, etc.

([5]) Ces chiffres sont cités dans l’étude d’impact du Gouvernement.

([6]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.10942973_60c9a021239cc.commission-des-affaires-economiques--m-frederic-descrozaille-sur-la-gestion-des-risques-agricoles--16-juin-2021

([7]) Données des assureurs 2018 citées dans l’étude d’impact du Gouvernement

([8]) La perte de récolte correspond à une baisse de la production, la perte de fonds correspond à une destruction ou à une dégradation de l’outil de production.

([9]) Règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013
relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement
rural (FEADER) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil

([10]) À l’exception des contrats prairies pour lesquels des règles spécifiques sont prévues.

([11]) https://opera-connaissances.chambres-agriculture.fr/doc_num.php?explnum_id=103288

([12]) Règlement (UE) n° 1305/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013
relatif au soutien au développement rural par le Fonds européen agricole pour le développement
rural (FEADER) et abrogeant le règlement (CE) n° 1698/2005 du Conseil

([13]) Règlement (UE) 2021/2115 du Parlement européen et du Conseil du 2 décembre 2021 établissant des règles régissant l’aide aux plans stratégiques devant être établis par les États membres dans le cadre de la politique agricole commune (plans stratégiques relevant de la PAC) et financés par le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et par le Fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER), et abrogeant les règlements (UE) n° 1305/2013 et (UE) no 1307/2013

 

([14]) Pour une description complète, voir le commentaire de l’article 1er.

([15]) La moyenne olympique correspond à la moyenne des rendements réalisés sur l'exploitation pour la culture considérée, au cours des cinq dernières années, en excluant la valeur maximale et la valeur minimale.