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N° 4891

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

  QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LA PROPOSITION DE LOI relative à l’aménagement du Rhône (n° 4832)

PAR M. Patrick MIGNOLA

Député

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 Voir le numéro : 4832.


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne

A. La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation

B. La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral

C. CNR assume pleinement les missions qui lui ont ÉtÉ confiÉes par la convention de concession de 1933

1. Les orientations stratégiques de CNR témoignent d’une ambition déterminante pour l’avenir du Rhône

2. L’exploitation de l’énergie hydraulique par le concessionnaire contribue à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de production d’énergies renouvelables

3. Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions

4. CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau

II. Le projet de prolongation de la concession a ÉtÉ trÈs concertÉ en amont et permet la prÉsentation d’un texte particuliÈrement abouti devant la reprÉsentation nationale

A. Les diffÉrentes Étapes de la concertation

1. La concertation avec garant

2. La saisine de l’Autorité environnementale

3. La consultation du dossier de concertation par le public

4. La consultation administrative menée par le préfet du Rhône

5. Les échanges avec la Commission européenne

B. Les principaux ÉlÉments de Bilan des concertations menÉes

C. La prÉsente proposition de loi prolonge et modernise la concession du RhÔne

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

TITRE Ier  Date d’ÉchÉance de la concession gÉnÉrale du rhÔne à la compagnie nationale du rhÔne

Article 1er  (article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au titre point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes) Prolongation de la concession du Rhône jusqu’au 31 décembre 2041

TITRE II  Cahier des charges gÉnÉral de la compagnie nationale du rhÔne

Article 2 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Annexion du cahier des charges à la loi de 1921

Article 3 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Ajout du schéma directeur au cahier des charges général, rôle et composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et possibilité de modifier le CCG par voie réglementaire

Article 4 Adoption du CCG et du schéma directeur

TITRE III  Énergies rÉservÉes

Article 5 (articles 2-1 [nouveau] et 3 de la loi du 27 mai 1921) Compétence du représentant de l’État dans le département pour la rétrocession des réserves en énergie aux bénéficiaires

TITRE IV ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public

Article 6 (articles 1er et 4 bis [nouveau] de la loi n° 80-3 relative à la Compagnie nationale du Rhône) Règles comptables et délivrance de titres d’occupation du domaine public par CNR

Article 7 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

INTRODUCTION

I. Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne

A. La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation

B. La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral

C. CNR assume pleinement les missions qui lui ont ÉtÉ confiÉes par la convention de concession de 1933

1. Les orientations stratégiques de CNR témoignent d’une ambition déterminante pour l’avenir du Rhône

2. L’exploitation de l’énergie hydraulique par le concessionnaire contribue à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de production d’énergies renouvelables

3. Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions

4. CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau

II. Le projet de prolongation de la concession a ÉtÉ trÈs concertÉ en amont et permet la prÉsentation d’un texte particuliÈrement abouti devant la reprÉsentation nationale

A. Les diffÉrentes Étapes de la concertation

1. La concertation avec garant

2. La saisine de l’Autorité environnementale

3. La consultation du dossier de concertation par le public

4. La consultation administrative menée par le préfet du Rhône

5. Les échanges avec la Commission européenne

B. Les principaux ÉlÉments de Bilan des concertations menÉes

C. La prÉsente proposition de loi prolonge et modernise la concession du RhÔne

COMMENTAIRE Des ARTICLEs

TITRE Ier  Date d’ÉchÉance de la concession gÉnÉrale du rhÔne à la compagnie nationale du rhÔne

Article 1er  (article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au titre point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes) Prolongation de la concession du Rhône jusqu’au 31 décembre 2041

TITRE II  Cahier des charges gÉnÉral de la compagnie nationale du rhÔne

Article 2 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Annexion du cahier des charges à la loi de 1921

Article 3 (article 2 de la loi du 27 mai 1921) Ajout du schéma directeur au cahier des charges général, rôle et composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et possibilité de modifier le CCG par voie réglementaire

Article 4 Adoption du CCG et du schéma directeur

TITRE III  Énergies rÉservÉes

Article 5 (articles 2-1 [nouveau] et 3 de la loi du 27 mai 1921) Compétence du représentant de l’État dans le département pour la rétrocession des réserves en énergie aux bénéficiaires

TITRE IV ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public

Article 6 (articles 1er et 4 bis [nouveau] de la loi n° 80-3 relative à la Compagnie nationale du Rhône) Règles comptables et délivrance de titres d’occupation du domaine public par CNR

Article 7 Gage financier

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

La première loi relative à l’aménagement du Rhône a été adoptée en 1921, à l’initiative d’élus de la vallée rhodanienne. Aujourd’hui, plus de 100 ans après ce premier texte, c’est à nouveau l’initiative parlementaire qui conduit à la discussion de la présente proposition de loi.

L’aménagement du Rhône a été confié en 1934, par voie de concession, à la Compagnie nationale du Rhône (CNR). Troisième plus long fleuve français avec ses 810 kilomètres ([1]), second fleuve français par son débit, le Rhône est un élément stratégique majeur de l’aménagement du territoire.

Le modèle de concession mis en place est unique et ne recouvre pas les seuls usages hydrauliques. La concession du Rhône permet en effet une gestion intégrée du fleuve. CNR dispose ainsi d’une triple mission s’agissant de l’aménagement du fleuve : l’utilisation de la puissance hydraulique, la navigation et enfin l’irrigation, l’assainissement et les autres emplois agricoles.

La concession du Rhône arrive à échéance le 31 décembre 2023 et la présente proposition de loi a vocation à la prolonger, au-delà de la durée des 75 ans prévue par la loi. Le savoir-faire et l’expertise de CNR en matière de gestion du fleuve sont reconnus de tous. Un processus de concertation particulièrement important a été débuté en 2019 autour de ce projet de prolongation, en lien étroit avec les acteurs territoriaux. Il a permis la construction d’un cahier des charges et d’un schéma directeur équilibrés et garantissant le respect de l’intérêt général. La solidité juridique du projet a également été éprouvée, en particulier au regard des dispositions européennes applicables en matière de concessions et d’aides d’État.

La proposition de loi a donc pour objet d’entériner la prolongation de la concession du Rhône à CNR jusqu’en 2041. Elle donne également valeur législative au cahier des charges général et au schéma directeur de la concession, tout en modernisant certaines dispositions de la loi de 1921 et de la loi n° 80‑3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône.

Cosignée par de nombreux élus de tous bords, issus de six des neuf groupes politiques composant l’Assemblée nationale, cette proposition de loi témoigne bien de l’importance stratégique de l’aménagement du Rhône et de la volonté de poursuivre l’exploitation du fleuve grâce à la dynamique insufflée par son concessionnaire.


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I.   Le concessionnaire CNR a démontrÉ son savoir-faire en matière d’amÉnagement du rhÔne

A.   La concession du RhÔne est spÉcifique au regard de sa triple vocation

La loi du 16 octobre 1919 relative à l’utilisation de l’énergie hydraulique disposait en son article 1er, désormais codifié à l’article L. 511-1 du code de l’énergie, que « Nul ne peut disposer de l’énergie des marées, des lacs et des cours d’eau, quel que soit leur classement, sans une concession ou une autorisation de l’État ».

La spécificité de la concession du Rhône a justifié l’adoption d’une loi qui lui est propre : il s’agit de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes, dite « loi Rhône ». Elle établit un modèle de gestion du fleuve singulier, tant par son objet que par son étendue. Cette loi dispose que l’aménagement du Rhône fait l’objet d’une concession avec une vocation triple :

l’utilisation de la puissance hydraulique ;

la navigation ;

l’irrigation, l’assainissement et les autres emplois agricoles.

Cette concession, dont le périmètre est donc bien plus large qu’une concession hydroélectrique, permet une gestion intégrée du fleuve, les revenus tirés de l’hydroélectricité finançant les autres usages du fleuve prévus par la loi de 1921.

Le décret du 5 juin 1934 relatif à l’aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer a attribué cette concession à CNR, pour une durée de 75 ans. La convention de concession générale de 1933 que ce décret approuve a été modifiée depuis lors, la dernière modification en date étant celle opérée par le décret n° 2003‑513 du 16 juin 2003 ([2]).

Le périmètre concédé de CNR représente à ce jour 27 000 hectares (ha), répartis sur 3 régions et 11 départements. Il inclut des aménagements variés, illustrant par-là même le triple objet de la concession : 19 ouvrages hydroélectriques, 14 écluses à grand gabarit et 22 sites industriels et portuaires jalonnent le fleuve. S’agissant plus spécifiquement des ouvrages hydroélectriques, la puissance installée des ouvrages est d’environ 3 GW et ils assurent 23 % de la production hydroélectrique du pays, soit une production moyenne annuelle d’environ 14 TWh.

Si CNR est concessionnaire de la majorité du Rhône, certaines portions du fleuve sont cependant gérées par d’autres acteurs :

– à proximité immédiate de Lyon, la centrale hydroélectrique du Cusset est exploitée par EDF, qui assume également la gestion des centrales nucléaires le long du Rhône ;

– l’exploitation du domaine public fluvial (DPF) sur la traversée de Lyon est assurée par Voies Navigables de France (VNF), la gestion des berges ayant été confiée par VNF à la métropole de Lyon ;

– VNF gère encore une partie du DPF sur les parties du fleuve non concédées à CNR. La direction départementale des territoires (DDT) de Savoie gère l’exploitation du canal de Savières. Ces portions de fleuve sont cependant intégrées dans le projet de cahier des charges général (CCG) annexé à la présente proposition de loi.

B.   La gouvernance et l’actionnariat de cnr garantissent la prÉservation de l’intÉrÊt gÉnÉral

L’organisation de CNR témoigne de la spécificité et de l’importance des missions qui lui ont été confiées en tant que concessionnaire. Il s’agit de la seule société anonyme d’intérêt général en France. Elle s’est récemment dotée d’une raison d’être : « Le Rhône pour origine, les territoires pour partenaires, les énergies renouvelables pour l’avenir ». CNR emploie environ 1 500 personnes et estime qu’elle génère de l’ordre de 15 000 emplois indirects. Son personnel relève du statut des industries électriques et gazières.

La structure de l’actionnariat de CNR garantit un actionnariat public majoritaire tout autant que la pleine implication des territoires. Depuis sa modification par l’article 21 de la loi n° 2001‑1168 du 11 décembre 2001 portant mesures urgentes de réformes à caractère économique et financier (MURCEF), l’article 1er de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône dispose en effet que CNR est une société anonyme, « dont la majorité du capital social et des droits de vote est détenue par des collectivités territoriales ainsi que par d’autres personnes morales de droit public ou des entreprises appartenant au secteur public ». Concrètement, l’actionnariat de CNR se décompose de la manière suivante :

– groupe Caisse des dépôts : 33,2 % ;

– collectivités territoriales (183 au total) : 16,83 % ;

– groupe Engie : 49,97 %.

L’actionnariat public représente donc 50,03 % de l’actionnariat total de CNR. Mais la présence d’une dimension industrielle, illustrée notamment par la participation d’Engie, est également un déterminant fondamental de la réussite de l’entreprise.

Cette implication des territoires se reflète également dans la gouvernance de CNR. L’article 1er de la loi n° 80-3 de la loi n° 80-3 précitée dispose que CNR est dotée d’un directoire, dont la nomination du président est effectuée par décret du Président de la République, après avis des commissions compétentes des assemblées parlementaires en application du 5e alinéa de l’article 13 de la Constitution ([3]). Ce même article 1er instaure aussi un conseil de surveillance. Il se compose de 18 membres : 13 représentants des actionnaires – dont 4 représentants des collectivités territoriales – 2 représentants de l’État et 3 représentants du personnel salarié.

En outre, deux commissaires du Gouvernement sont nommés auprès de CNR, en application de l’article 11 du décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Compagnie nationale du Rhône. Ils sont chargés de veiller au respect de la mission confiée au concessionnaire et assistent aux séances du conseil de surveillance et de l’assemblée générale, avec voix consultative. Ces commissaires du Gouvernement peuvent également demander une nouvelle délibération ou un sursis à exécution sur toute délibération du conseil de surveillance portant sur la mise en œuvre de la concession.

La répartition des revenus tirés de l’exploitation du Rhône par CNR assure également la préservation de l’intérêt général. Après rémunération des salariés, sur la période 2012-2020, ces revenus ont été distribués pour 76 % à l’État, pour 10 % en réinvestissements sur les actifs de CNR et pour 14 % aux autres actionnaires – dont 5,5 % directement au profit de la Caisse des dépôts. CNR souligne donc que « sur cette période, c’est ainsi plus de 81 % de la valeur ajoutée dégagée qui a été redistribuée au profit de l’intérêt général ».

C.   CNR assume pleinement les missions qui lui ont ÉtÉ confiÉes par la convention de concession de 1933

Concessionnaire historique du Rhône depuis la convention de 1933, CNR a développé une expertise dans la gestion du fleuve qui a été largement reconnue lors de la phase de concertation sur le projet de prolongation.

1.   Les orientations stratégiques de CNR témoignent d’une ambition déterminante pour l’avenir du Rhône

La triple mission confiée à CNR est mise en œuvre grâce à des outils stratégiques permettant d’assurer une bonne gestion du fleuve.

La nécessaire préservation de l’environnement occupe désormais une place majeure dans les différents objectifs fixés et les actions correspondantes. Le cahier des charges général de la concession en vigueur impose d’ailleurs en son article 1er bis la prise en compte de trois objectifs relatifs à l’environnement par le concessionnaire ([4]).

Le schéma directeur de la concession, qui existe depuis 2003, permet de renforcer et de compléter ces missions, en définissant, en lien avec les territoires, des axes stratégiques déclinés par objectifs. Ils trouvent à s’appliquer dans le cadre de programmes quinquennaux, désormais baptisés « Plan5Rhône » et qui sont le support d’une contribution financière de CNR auprès des acteurs locaux.

CNR a par ailleurs défini une stratégie d’entreprise, baptisée « Stratégie CNR2030 », qui est alignée avec les objectifs inscrits dans le contrat de concession et dans le schéma directeur. Elle se décline en 6 axes qui doivent permettre d’assurer la « relance verte de l’économie, aux côtés des territoires » :

– développer le Rhône et ses multiples usages de manière responsable ;

– accélérer la production d’électricité renouvelable ;

– développer le stockage de l’électricité renouvelable et la flexibilité ;

–  accroître la performance de l’entreprise ;

– être l’entreprise des énergies du futur, innovante dans tous ses métiers, au service de la transition écologique ;

– accompagner les territoires dans les défis climatiques et environnementaux.

2.   L’exploitation de l’énergie hydraulique par le concessionnaire contribue à l’atteinte des objectifs nationaux en matière de production d’énergies renouvelables

En produisant près d’un quart de l’hydroélectricité française, CNR est un acteur déterminant de la réalisation des objectifs de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Dans sa dernière version, la PPE établit que la production hydroélectrique doit augmenter de 3 à 4 térawattheures (TWh) d’ici 2028, ce qui nécessite une augmentation de puissance du parc installé de 1 200 mégawatts (MW). Les différents projets prévus en la matière dans le cahier des charges annexé à la présente proposition de loi présentent un potentiel d’augmentation de la puissance installée sur le Rhône de 100 MW.

CNR dispose de plus d’une filiale CN’Air qui développe également le photovoltaïque et l’éolien. Le concessionnaire est ainsi le seul producteur d’énergie français 100 % renouvelable.

La compagnie dispose d’un plan ambitieux de développement du stockage de l’énergie, avec en particulier des projets liés à l’hydrogène. CNR s’investit dans différents projets, tels que le Quai des énergies, les usines de production d’hydrogène renouvelable ÔH2 du Port de Lyon et de Pierre-Bénite ou encore le projet « Jupiter 1 000 » dans le port de Marseille, qui vise à transformer l’énergie renouvelable produite en gaz, afin de pouvoir stocker celle-ci. Des solutions de stockage hydroélectriques sont également à l’étude.

3.   Le transport fluvial s’est développé dans toutes ses dimensions

L’activité de navigation fluviale est également très riche. Selon le dossier de concertation de prolongation de la concession, 4,45 millions de tonnes de marchandises ont été transportées sur le Rhône entre Lyon et la Méditerranée en 2018, par 36 000 bateaux de commerce éclusés. En 2017, le trafic fluvial du Rhône représentait 8,4 % du trafic de marchandises et 14,2 % des conteneurs transportés sur le réseau français. CNR prévoit une augmentation du tonnage de 25 % à 60 % sur le bassin Rhône-Saône d’ici 2030.

La navigation sur le Rhône est également un élément déterminant du développement de l’industrie le long du fleuve. Selon CNR, « Au total, 920 ha de foncier accueillent 172 entreprises issues des secteurs de la logistique et de l’industrie (BTP, recyclage…) et qui génèrent près de 5 200 emplois ».

Le tourisme fluvial est un autre vecteur important de l’activité fluviale, qui s’est développé depuis les années 1970. On dénombre 600 000 touristes fluviaux empruntant le Rhône chaque année. Ce trafic est complété par des activités de loisirs (activités nautiques notamment). De plus, CNR s’est beaucoup investie avec les territoires dans le projet ViaRhôna, qui est une voie cyclable le long du Rhône reliant le Lac Léman à la Méditerranée, en offrant notamment un soutien technique et financier.

4.   CNR contribue à la gestion des usages agricoles de l’eau

Près de 15 000 exploitations agricoles et plus de 500 000 ha de surface agricole utile sont exploitées dans le sillon rhodanien. Les exploitations agricoles bénéficient de réserves en eau, inscrites à chaque cahier des charges spécial de la concession, et le concessionnaire doit supporter ces obligations sans pouvoir prétendre à indemnité ([5]). 170 prises d’eau pour les besoins en irrigation étaient autorisées à la date du dossier de concertation.

Source : dossier de concertation de la prolongation de la concession du Rhône, ministère de la transition écologique et solidaire

Une étude sur les prélèvements agricoles opérés sur le Rhône a été mandatée par CNR et la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement Auvergne-Rhône-Alpes en mars 2020. Les résultats en ont été présentés à l’été 2021. Outre un recensement bienvenu de ces prélèvements, l’étude montre, sur le périmètre de la concession, que « les prélèvements agricoles sont très inférieurs aux limites fixées par les cahiers des charges spéciaux de la concession », comme cela est relevé par la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC). Cela s’explique par le fait que les volumes prélevables ont été fixés entre les années 1950 et 1980, sans nécessairement anticiper la baisse de la ressource en eau. Le débit d’étiage du Rhône pourrait baisser de 10 % à 40 % d’ici à 2050, ce qui limiterait d’autant plus ces prélèvements.

Les résultats de cette étude pourront opportunément être croisés avec ceux de l’étude, en cours de réalisation par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse, relative à l’hydrologie du fleuve Rhône sous changement climatique.

II.   Le projet de prolongation de la concession a ÉtÉ trÈs concertÉ en amont et permet la prÉsentation d’un texte particuliÈrement abouti devant la reprÉsentation nationale

L’objet principal de la présente proposition de loi est la prolongation de la concession accordée à CNR, qui doit prendre fin le 31 décembre 2023, jusqu’au 31 décembre 2041. Le vote du Parlement sur cette prolongation est l’aboutissement d’un long travail de concertation avec les différents usagers du Rhône. Le schéma ci-dessous présente le calendrier et les différentes étapes de la concertation tels qu’ils avaient été fixés dans le dossier initial de concertation.

Source : dossier de concertation de la prolongation de la concession du Rhône, ministère de la transition écologique et solidaire

A.   Les diffÉrentes Étapes de la concertation

Les discussions entre l’État et CNR sur la prolongation ont été initiées dès 2013 et ont permis de bâtir les grandes caractéristiques du futur cahier des charges général et du schéma directeur, qui encadrent l’exécution de la concession. Différentes concertations ont ensuite été menées. Un site internet dédié ([6]) détaille les différentes étapes de la concertation et réunit l’ensemble des documents produits au fil de celle-ci. Un dialogue important a également eu lieu avec la Commission européenne, afin de s’assurer de la compatibilité du projet avec la réglementation applicable.

1.   La concertation avec garant

La concertation avec garant a été menée entre le 19 avril et le 30 juin 2019, la Commission nationale du débat public (CNDP) ayant été saisie en application de l’article L. 121‑8 du code de l’environnement. Cette concertation s’est matérialisée par la tenue de divers événements. 4 réunions publiques territoriales ont réuni 490 participants. 4 séminaires portant sur les missions et actions du concessionnaire ont réuni 104 participants. De plus, le site internet de la concertation a été fréquenté par 3 133 visiteurs uniques, avec 80 contributions déposées, et 73 communications au travers de cahiers d’acteurs.

Cette concertation a donné lieu à un premier rapport du garant, rendu public le 31 juillet 2019 et formulant 8 recommandations. L’État a publié une réponse à ce rapport le 23 octobre de la même année, avec 12 engagements faisant écho aux recommandations du garant.

La CNDP a ensuite souhaité qu’ait lieu une concertation post-débat, qui s’est tenue durant l’été 2020. Cette concertation a donné lieu à l’organisation de 5 rencontres grand public réunissant un total de 138 participants, à la publication de 3 newsletter et à un questionnaire mis en ligne sur le site internet du projet de la concertation, qui a fait l’objet de 341 réponses. Le bilan du garant sur cette concertation post-débat a été rendu le 2 février 2021.

2.   La saisine de l’Autorité environnementale

En application de l’article R. 122-17, III, du code de l’environnement, l’arrêté interministériel du 22 octobre 2019 a soumis le projet de prolongation de la concession du Rhône à évaluation environnementale. L’avis de l’Autorité environnementale a été adopté le 8 juillet 2020 et l’État a répondu à cet avis en décembre 2020.

3.   La consultation du dossier de concertation par le public

En application du 2° de l’article L. 123-19 du code de l’environnement, le dossier de concertation a été soumis à la participation du public. Cette participation a eu lieu sous forme électronique, du 4 février au 22 mars 2021. 15 contributions ont été reçues.

4.   La consultation administrative menée par le préfet du Rhône

Une consultation administrative a été menée de mi‑décembre 2020 à mi‑mars 2021 par le préfet du Rhône, en application de l’article R. 521-27 du code de l’énergie. La contribution a été faite auprès de 236 parties prenantes. 103 contributions ont été adressées au préfet du Rhône. Le bilan de cette consultation a fait l’objet d’un rapport de synthèse du préfet du Rhône à la ministre de la transition écologique.

Les différentes commissions territoriales du comité de suivi de la concession ont également été associées à la phase de concertation, 12 contributions ayant été reçues à ce titre.

5.   Les échanges avec la Commission européenne

L’État et la Commission européenne ont échangé sur le projet de prolongation de la concession du Rhône à CNR dès 2016. Les services de l’État ont dialogué avec la direction générale de la concurrence (DG COMP) et avec la direction générale du marché intérieur, de l’industrie, de l’entrepreneuriat et des petites et moyennes entreprises (DG GROW).

Le but était d’assurer que le projet de prolongation ne serait pas retoqué par la Commission européenne en raison d’une incompatibilité avec le régime des aides d’État ou des dispositions applicables en matière de commande publique. À la suite de ces échanges et après des précisions apportées sur le fondement juridique de la prolongation, la DG COMP a confirmé en octobre 2020 que le projet ne nécessitait pas de notification à la Commission européenne au titre des aides d’État.

B.   Les principaux ÉlÉments de Bilan des concertations menÉes

Les différentes concertations et consultations menées ont permis de faire évoluer le contenu du cahier des charges général et du schéma directeur afin de tenir compte des attentes exprimées. Sans prétendre à l’exhaustivité, seront recensées ici les principales évolutions du projet de concession compte tenu de ces résultats.

S’agissant du programme de travaux supplémentaires prévu à l’article 4 du projet de cahier des charges général, le projet d’équipement des seuils par des microcentrales hydroélectriques a été supprimé et remplacé par la construction d’une petite centrale hydroélectrique (PCH) supplémentaire au niveau de l’ouvrage de Péage‑de‑Roussillon. Le projet de réalisation d’un nouvel ouvrage hydroélectrique dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas ayant fait l’objet de nombreux débats, il a finalement été choisi d’inscrire dans le cahier des charges la réalisation d’études de faisabilité sur un tel projet, avec saisine de la CNDP. S’il est décidé de réaliser l’ouvrage, il devra l’être au plus tard 11 ans après l’entrée en vigueur du cahier des charges de la concession. S’il n’est pas réalisé, les sommes correspondantes seront réaffectées.

La procédure contradictoire entre VNF et CNR, qui sera mise en œuvre dans le cadre de l’extension du périmètre de la concession, a aussi été précisée dans le cahier des charges général. Les interactions entre le concessionnaire et d’autres acteurs œuvrant sur le Rhône ont été renforcées. CNR devra notamment participer à des ententes avec EDF, qui exploite les centrales électriques le long du Rhône (article 24 du projet de CCG).

La prise en charge des épaves de bateaux, navires et autres engins flottants est mise totalement à la charge du concessionnaire (article 10 du projet de CCG).

Le schéma directeur de la concession a par ailleurs été précisé, tant dans son contenu que s’agissant des modalités d’élaboration, de suivi, de concertation et de contrôle des programmes pluriannuels quinquennaux (PPQ) dont il est le support.

Enfin, la composition du comité de suivi de l’exécution de la concession a été élargie à de nouvelles parties prenantes.

C.   La prÉsente proposition de loi prolonge et modernise la concession du RhÔne

La présente proposition de loi propose donc de prolonger – et non de renouveler – la concession du Rhône, en la confiant à CNR jusqu’au 31 décembre 2041. L’expérience acquise par la compagnie depuis près d’un siècle et la démonstration de son savoir‑faire et de ses compétences, mis au profit de l’intérêt général, justifient pleinement cette prolongation. Les nombreuses concertations menées ont permis de parvenir à la rédaction d’un texte de loi, d’un cahier des charges et d’un schéma directeur équilibrés.

Le cahier des charges général de la concession est annexé à la proposition de loi. Document stratégique, il permet d’encadrer et de préciser les missions d’intérêt général dévolues au concessionnaire. L’intégration du schéma directeur au cahier des charges – et donc à la proposition de loi – participe de la même logique et permet d’élargir les missions dévolues au concessionnaire, en lien avec les collectivités territoriales.

Outre la prolongation de la concession, la présente proposition de loi modernise et adapte le régime actuel de la concession sur certains points, en modifiant des dispositions de la loi Rhône de 1921 et de la loi n° 80‑3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône. Ainsi, le texte comporte des dispositions relatives à la gestion des énergies réservées par le représentant de l’État dans le département, à la comptabilité de CNR et aux modalités de délivrance des titres d’occupation du domaine public par le concessionnaire. Il s’agit pour l’essentiel d’acter dans la loi des dispositions qui sont déjà mises en œuvre et inscrites dans la version du CCG de la concession en vigueur depuis 2003.

Cosignée par des députés de tous bords politiques et fruit de concertations préalables avec les parlementaires de la vallée du Rhône, la présente proposition de loi est un bel exemple de mobilisation transpartisane qui permet de préserver un modèle exemplaire de gestion intégrée du Rhône par son concessionnaire.


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   COMMENTAIRE Des ARTICLEs

   TITRE Ier
Date d’ÉchÉance de la concession gÉnÉrale du rhÔne à la compagnie nationale du rhÔne

Article 1er
(article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au titre point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes)
Prolongation de la concession du Rhône jusqu’au 31 décembre 2041

L’article 1er prolonge la concession du Rhône, attribuée à CNR, jusqu’au 31 décembre 2041.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   le droit de la commande publique impose dÉsormais une mise en concurrence des concessions hydroÉlectriques

En application des articles L. 511-1 et suivants du code de l’énergie, hormis certaines exceptions restreintes, les installations hydrauliques sont soumises soit au régime de l’autorisation, lorsque la puissance de l’installation est inférieure à 4 500 kW, soit au régime de la concession, lorsque la puissance de l’installation est supérieure à 4 500 kW. Dans le cas d’une concession, l’article L. 521‑4 du même code dispose que la durée de celleci ne peut dépasser soixantequinze ans. Historiquement, les concessions hydrauliques ne faisaient pas l’objet d’obligations de mise en concurrence.

Désormais, les concessions hydrauliques sont soumises à des procédures de publicité et de mise en concurrence lors de leur renouvellement, une fois leur durée initiale échue. L’article L. 521‑1 du code de l’énergie dispose que les contrats de concession sont soumis aux dispositions de la troisième partie du code de la commande publique, qui résulte de la transposition de la directive européenne dite « Concessions » ([7]) en droit français. La procédure est précisée par voie réglementaire aux articles R. 521-1 et suivants du code de l’énergie.

Pour autant, un certain nombre de concessions échues n’ont à ce jour toujours pas été renouvelées. Selon la Cour des comptes 30 des 400 concessions hydroélectriques françaises en cours d’exécution sont actuellement exploitées sous le régime des « délais glissants » ([8]) (voir infra).

La France fait l’objet de plusieurs mises en demeure de la Commission européenne pour manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence de ses concessions hydroélectriques. En octobre 2015, la Commission européenne a adressé une première mise en demeure à la France. En mars 2019, elle a adressé de nouvelles mises en demeure à 7 États membres de l’Union européenne, dont la France.

S’agissant de la concession du Rhône, l’article 2 de la loi Rhône de 1921 dispose que la durée de la concession est fixée à 75 ans. La concession a été octroyée à CNR par le décret du 5 juin 1934 concédant l’aménagement du Rhône entre la frontière suisse et la mer, qui approuve la convention de concession générale du 20 décembre 1933 entre l’État et la Compagnie nationale du Rhône. La durée de la concession court à compter de l’expiration du délai d’exécution des travaux du premier ouvrage hydroélectrique sur le Rhône ([9]), soit le barrage‑centrale de Génissiat, achevé en 1948. En l’absence de prolongation, la concession doit donc expirer au 31 décembre 2023.

B.   des exceptions strictement encadrÉes À la mise en concurrence des concessions hydrauliques sont cependant prÉvues

La mise en concurrence des concessions hydroélectriques françaises arrivées à échéance n’a jamais été mise en application à ce jour, alors même que certaines concessions hydroélectriques sont déjà arrivées au terme des 75 ans prévus par la loi de 1919. Des aménagements à cette mise en concurrence sont en effet prévus par le code de l’énergie :

– la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, dite « loi TECV », a instauré la possibilité de regrouper les concessions d’une même vallée lorsque de telles concessions forment une chaîne d’aménagements hydrauliquement liés, selon la méthode dite des « barycentres » ([10]). Cette même loi permet également la création de sociétés d’économie mixte hydroélectriques, permettant de réunir acteurs publics et privés ([11]) ;

– la loi TECV a en outre ouvert la possibilité de prolonger une concession hydraulique lorsque la réalisation de travaux nécessaires à l’atteinte des objectifs de politique énergétique l’exige (article L. 521-16-3 du code de l’énergie) ;

– enfin, la disposition qui s’applique aujourd’hui à la plupart des concessions arrivées à échéance mais non remises en concurrence est celle dite du régime des « délais glissants ». Prévu à l’article L. 521­-16 du code de l’énergie, ce régime prévoit qu’à défaut de nouvelle concession, le titre en cours est « prorogé aux conditions antérieures jusqu’au moment où est délivrée la nouvelle concession ». Cela permet simplement d’assurer la continuité de l’exploitation et ne permet pas, par exemple, la mise en œuvre de nouveaux programmes de travaux. Il s’agit donc d’un maintien a minima de la concession.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

A.   Le fondement juridique de la prolongation : des circonstances imprÉvisibles

1.   La prolongation se justifie par l’absence d’exploitation effective de la concession durant 58 ans par CNR

L’article 1er de la proposition de loi prévoit de prolonger la concession du Rhône pour 33 années supplémentaires, sans remise en concurrence. Il s’agit bien d’une prolongation et non d’un renouvellement de la concession.

Une telle prolongation sans mise en concurrence se fonde sur la survenance de circonstances imprévisibles, non prévisibles lors de l’attribution initiale du contrat. Ce fondement a été explicitement mentionné dès le dossier de concertation de la concession. Il a par ailleurs fait l’objet d’un dialogue entre les services de l’État et la Commission européenne. Les circonstances imprévisibles sont explicitées aux articles L. 3135-1 et R. 3135‑5 du code de la commande publique, qui résultent de la transposition en droit français de l’article 43 de la directive « Concessions » précédemment mentionnée. Aux termes de ces dispositions, un contrat de concession peut être modifié sans mise en concurrence notamment lorsque les « modifications sont rendues nécessaires par des circonstances imprévues », c’est-à-dire des « circonstances qu’une autorité concédante diligente ne pouvait pas prévoir ».

Ces dispositions relatives aux circonstances imprévisibles trouvent à s’appliquer dans le cas de la concession octroyée à CNR en raison des conséquences de la Seconde Guerre mondiale sur les modalités de production d’électricité. À l’issue de la guerre, la loi n° 46-628 du 8 janvier 1946 sur la nationalisation de l’électricité et du gaz a nationalisé la production d’électricité, l’offre privée étant insuffisante pour faire face à la demande croissante. Dès lors, entre 1948 et 2006, soit durant 58 ans, c’est EDF et non CNR qui a exploité les ouvrages hydroélectriques sur le Rhône.

CNR a donc perdu son statut de producteur durant cette période, mais cela retarde aussi l’exécution de son programme de travaux. C’est la libéralisation du marché de l’électricité, mise en œuvre par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité, qui a permis à CNR de retrouver ses fonctions de producteur d’énergie hydroélectrique. Elles sont devenues pleinement effectives en 2006 lors du transfert de personnels d’EDF vers CNR.

Source : dossier de concertation de la prolongation de la concession du Rhône, ministère de la transition écologique et solidaire

Ainsi, c’est l’absence d’exploitation effective des ouvrages hydrauliques du Rhône par CNR pendant près de 58 ans qui justifie la prolongation de la concession qui lui est attribuée.

2.   Le choix du vecteur législatif pour sécuriser la prolongation de la concession du Rhône

Il était initialement prévu que la concession soit prolongée par voie réglementaire, sous la forme d’un 9e avenant au contrat de concession approuvé par décret en Conseil d’État. Toutefois, tant au regard du fondement juridique de cette prolongation que de la nature particulière de la concession du Rhône, qui se distingue d’une concession hydroélectrique classique, c’est la voie législative qui a été choisie.

Selon la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), « une prolongation de concession sur le fondement des circonstances imprévues ne fait l’objet d’aucune jurisprudence nationale susceptible d’éclairer cette situation. La prolongation par la voie législative, compatible avec le droit européen, offre donc une sécurité juridique supplémentaire sur ce point ».

La sécurisation de la prolongation de la concession par la voie législative vise notamment à prévenir le risque d’annulation contentieuse, qui aurait des conséquences extrêmement préjudiciables et porterait atteinte non seulement aux missions du concessionnaire mais plus généralement à la réalisation des objectifs de l’État en matière de transition énergétique. En cas d’annulation, la concession serait poursuivie selon le régime des « délais glissants » précédemment exposé, donc aux conditions antérieures de la concession et a minima, sans possibilité de mettre en œuvre le programme de travaux prévu par le cahier des charges général. De plus, compte tenu des spécificités de la concession du Rhône, la DGEC fait observer qu’un renouvellement de la concession par mise en concurrence « pourrait durer plus d’une dizaine d’années » et impliquerait donc un statu quo durant cette période.

B.   la justification du choix de la nouvelle date d’ÉchÉance de la concession

L’article 1er de la proposition de loi prolonge la concession jusqu’au 31 décembre 2041, ce qui correspond à 18 années supplémentaires par rapport à la date initiale d’échéance de la concession (31 décembre 2023).

Cette nouvelle date d’échéance a été calculée de manière à ce que la durée moyenne d’exploitation de chacun des 19 ouvrages hydroélectriques que compte la concession soit de 75 ans. Ces ouvrages ont été mis en service entre 1948 (centrale de Génissiat) et 1987 (barrage de Sault-Brenaz). La méthode de calcul a été précisée à votre rapporteur par les services ministériels : « il a été procédé à un nouveau calcul de la date d’échéance, en ajoutant 75 années à compter de la moyenne de la date de mise en service de chacun des 19 aménagements de la concession, pondérée du productible moyen de l’ouvrage concerné, à savoir 1966 ».

Cette nouvelle échéance au 31 décembre 2041 est donc plus représentative des conditions réelles d’exploitation des ouvrages par CNR. Ce calcul réalisé sur la durée moyenne d’exploitation des ouvrages est également plus équitable au regard des conditions d’exploitation des autres concessions. En effet, outre la triple vocation de la concession du Rhône, celle-ci se démarque également par le fait qu’elle comporte non pas un mais plusieurs ouvrages hydroélectriques.

Le 31 décembre 2041 correspond par ailleurs à la date d’échéance de la concession à EDF de la centrale de Cusset, située sur le Rhône. Cette concession a été mise en service en 1899 et renouvelée le 15 janvier 2002. Ainsi, la concordance de l’échéance des concessions d’EDF et de CNR permettrait d’envisager, à terme, une concession unique.

C.   La neutralitÉ financiÈre du projet de prolongation garantit sa compatibilitÉ avec le droit de l’union europÉenne

Afin d’assurer la conformité du projet de prolongation de la concession avec les dispositions normatives européennes en matière d’aides d’État (articles 107 et suivants du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – TFUE) et avec le droit des concessions (directive « Concessions »), il convenait de s’assurer que la prolongation n’a pas pour conséquence d’octroyer des avantages particuliers au concessionnaire : c’est pourquoi la neutralité financière du projet de prolongation doit être garantie. On peut déjà relever à ce titre que la réalisation d’un programme de travaux supplémentaires par le concessionnaire, d’un montant de 500 millions d’euros (M€), participe déjà au bon équilibre financier de la concession.

La conformité du projet de prolongation de la concession au droit de l’UE a été acté par l’envoi, par la DG COMP, d’une « lettre de confort », le 28 octobre 2020. Cette lettre constate que le projet ne comporte pas d’élément constitutif d’une aide d’État. Une notification à ce titre par l’État français à la Commission européenne n’est donc pas nécessaire, la neutralité financière du projet étant suffisamment garantie.

La méthodologie employée pour démontrer l’absence d’éléments constitutifs d’une aide d’État est, d’après les précisions apportées par la DGEC, « celle de l’identité entre les flux de trésorerie actualisés pour la période restant à courir au moment où le plan d’affaires a été conçu et les flux de trésorerie actualisés de la concession prolongée (jusqu’au 31 décembre 2041) ». Une telle méthode de justification avait déjà été validée lors de deux précédents dossiers instruits par la Commission européenne, dont l’un portant précisément sur la prolongation de concessions hydroélectriques au Portugal ([12]).

La neutralité financière du projet est garantie en particulier par le paiement d’une redevance par CNR à l’État, qui comprend une part progressive en fonction des prix sur le marché de l’électricité. L’article 3-1 de la loi Rhône de 1921, introduit par la loi n° 2002-1575 du 30 décembre 2002 de finances pour 2003, prévoit que la redevance acquittée par le concessionnaire du Rhône auprès de l’État comprend une « part fixe », une « part proportionnelle au nombre de kilowattheures produits » et une « part proportionnelle aux recettes résultant des ventes d’électricité issues de l’exploitation des ouvrages hydroélectriques concédés ». Actuellement, la part proportionnelle aux recettes résultant des ventes de l’électricité prend la forme d’une redevance fixe, égale à 24 % du produit du nombre de kilowattheures (kWh) générés par le prix moyen du kWh.


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L’article 47 du CCG annexé à la proposition de loi prévoit que ce taux devienne progressif en fonction des prix sur le marché de l’électricité, avec un barème par tranches :

 

Fraction du prix moyen capté

Pourcentage applicable à cette fraction pour le paiement de la redevance

Inférieure à 26,50 €/MWh

10 %

Supérieure à 26,50 €/MWh et inférieure à 50 €/MWh

34 %

Supérieure à 50 €/MWh et inférieure à 80 €/MWh

60 %

Supérieure à 80 €/MWh

80 %

Ainsi, en cas de prix de l’électricité élevés, les revenus supplémentaires liés à ce prix seront captés en quasi-totalité par l’État.

Autre innovation particulièrement importante et sans précédent pour les concessions hydroélectriques, des clauses de rendez-vous sont prévues à l’article 47‑1 du cahier des charges, en 2028 et 2034. Elles ont vocation à constater si certains paramètres du contrat doivent être réévalués en cas de chiffre d’affaires particulièrement élevé du concessionnaire par rapport au scénario de référence établi. Cela permettra ainsi de s’assurer du bon respect de l’équilibre économique global du contrat et d’ajuster, le cas échéant, certains paramètres du contrat.

III.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 1er sans modification.

   TITRE II
Cahier des charges gÉnÉral de la compagnie nationale du rhÔne

Article 2
(article 2 de la loi du 27 mai 1921)
Annexion du cahier des charges à la loi de 1921

L’article 2 annexe à la proposition de loi le cahier des charges de la concession, ce qui lui confère dès lors valeur législative.

I.   L’éTAT DU DROIT

A.   Le cahier des charges dÉfinit les droits et obligations du concessionnaire

Le cahier des charges d’une concession fixe les conditions dans lesquelles le contrat doit être exécuté. L’article L. 521-4 du code de l’énergie dispose que « la concession impose à son titulaire le respect d’un cahier des charges dont le modèle est établi par décret en Conseil d’État ». Ce même article fixe certaines des dispositions qui doivent être incluses dans le cahier des charges : doivent par exemple y figurer la durée de la concession, ses conditions financières ou encore les dispositions relatives aux réserves en eau et en énergie.

Le modèle de cahier des charges des concessions hydrauliques est annexé au décret n° 2016-530 du 27 avril 2016 relatif aux concessions d’énergie hydraulique et approuvant le modèle de cahier des charges applicable à ces concessions.

B.   Le cahier des charges gÉnÉral de la concession du RHÔne actuellement en vigueur

S’agissant de l’octroi de la concession du Rhône à CNR, le premier cahier des charges de la concession du Rhône a été annexé au décret du 5 juin 1934 relatif à l’aménagement du Rhône, qui approuve la convention du 20 décembre 1933 passée entre l’État et la Compagnie nationale du Rhône pour l’octroi de la concession. Les statuts de CNR sont également annexés à ce décret.

Le cahier des charges général actuellement en vigueur est celui annexé au décret n° 2003-513 du 16 juin 2003 ([13]).

Les éléments devant être fixés par le cahier des charges de la concession du Rhône sont définis à l’article 2 de la loi « Rhône » de 1921. Les 62 articles du cahier des charges actuellement en vigueur sont ventilés en dix chapitres correspondant aux intitulés suivants :

 

Chapitres du CCG de la concession du Rhône en vigueur

Chapitre Ier

Objet de la concession

Chapitre II

Exécution des travaux

Chapitre III

Exploitation

Chapitre IV

Vente de l’énergie au public

Chapitre V

Réserves en eau et en force

Chapitre VI

Sécurité de l’exploitation

Chapitre VII

Durée de la concession, expiration, rachat et déchéance

Chapitre VIII

Clauses financières

Chapitre IX

Conditions particulières de la concession

Chapitre X

Clauses diverses

 

La convention de concession générale de 1933 et le cahier des charges général sont complétés par des conventions et des cahiers des charges spéciaux, propres à chacun des 19 ouvrages hydrauliques sur le Rhône ([14]).

La dernière version des statuts de CNR est celle établie par le décret n° 2003‑512 du 16 juin 2003 approuvant les nouveaux statuts de la Compagnie nationale du Rhône et modifiant le décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Compagnie nationale du Rhône.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

A.   l’Annexion du cahier des charges gÉnÉral de la concession À la proposition de loi

La portée générale du cahier des charges tout autant que les missions d’intérêt général qu’il comporte, définies en son article 1er, justifient son annexion à la loi. Le cahier des charges général acquiert ainsi valeur législative. Cela participe de la même logique de sécurisation juridique que celle qui explique le recours à la prolongation de la concession par voie législative plutôt que réglementaire.

L’article 1er du CCG rappelle ainsi la triple mission confiée à CNR dans l’établissement et l’exploitation des ouvrages nécessaires à la navigation du Rhône (puissance hydraulique, navigation, irrigation et autres emplois agricoles). Ces missions sont complétées par le schéma directeur, dont les 5 volets sont détaillés à l’article 2 du cahier des charges et qui sont mises en œuvre via les programmes pluriannuels quinquennaux (voir infra).

Les statuts de la société concessionnaire ne sont pas mis à jour par la présente proposition de loi, la dernière version de ceux‑ci datant de 2003 demeurant applicable.

B.   Les principales nouveautÉS du projet de cahier des charges gÉnÉral par rapport à la version en vigueur

Le cahier des charges annexé à la présente proposition de loi est le fruit d’un long processus de concertation et traduit l’équilibre qui en résulte, comme expliqué en première partie du présent rapport. Outre des aménagements rendus nécessaires par l’évolution du droit en vigueur, les principales évolutions consignées dans la nouvelle version du cahier des charges général sont les suivantes :

– la modification de la date d’échéance de la concession, fixée au 31 décembre 2041 (article 32 du CCG) ;

– la modification du calcul de la part de la redevance proportionnelle aux prix de l’énergie précédemment évoquée (article 47 du CCG) et l’introduction d’une clause de rendezvous permettant d’évaluer le bon équilibre financier de la concession (art. 47‑1) ;

– l’extension du périmètre de la concession. Le nouveau domaine concédé représenterait ainsi 550 km de fleuve (ajout de 80 km de DPF) et 30 000 ha en surface totale. Selon le dossier de concertation, le but d’une telle extension est de « tendre vers l’unification de gestionnaire afin d’homogénéiser la gestion de la vallée du Rhône et de sécuriser l’ensemble du linéaire navigable ». Les portions de domaine nouvellement incluses dans le périmètre de la concession de CNR étaient auparavant gérées par VNF et par la DDT de Savoie.

Si le cahier des charges est approuvé en l’état, seule la concession de Cusset, gérée par EDF, et la traversée de Lyon, gérée par VNF et la métropole de Lyon, demeureraient hors du périmètre concédé de CNR. L’exclusion de ces deux zones du périmètre de la concession se justifie. En premier lieu, la concession de Cusset a été renouvelée en 2002 : l’interrompre entraînerait un préjudice pour EDF qui pourrait ouvrir droit à indemnisation. L’échéance concomitante de la concession octroyée à CNR et de celle de Cusset, en 2041, permettront d’envisager à cette date un périmètre plus intégré. En second lieu, la traversée de Lyon fait aujourd’hui l’objet d’une gestion en bonne entente entre VNF et la métropole de Lyon, celle-ci permettant notamment de coordonner les enjeux relatifs au Rhône et à la Saône ;

Principales extensions du projet de prolongation de la concession

Source : dossier de concertation de la prolongation de la concession du Rhône, ministère de la transition écologique et solidaire

– un programme de travaux supplémentaires, de l’ordre de 500 M€ ([15]), précisé à l’article 4 du CCG. Ces travaux devront normalement être réalisés dans un délai de 15 ans à compter de l’entrée en vigueur du cahier des charges. Le programme de travaux supplémentaires comprend l’équipement de six barrages du Rhône par des petites centrales hydroélectriques (PCH) et des passes à poissons, pour compenser l’augmentation des débits réservés et contribuer à la continuité piscicole. Ces PCH permettront de produire 253 GWh d’énergie renouvelable supplémentaire annuelle en moyenne, correspondant à 1,6 % de la production annuelle du Rhône. De plus, le programme de travaux supplémentaires prévoit une étude de faisabilité d’un nouvel ouvrage hydroélectrique dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas pour une puissance brute maximale estimée de 40 MW environ et qui pourra conduire, le cas échéant, à la réalisation de cet ouvrage. Sont également prévus l’augmentation des capacités de production de l’aménagement hydroélectrique de Montélimar et le doublement des portes aval des écluses de Bollène et de Châteauneuf-du-Rhône. Ce dernier aménagement doit permettre de sécuriser la navigation compte tenu de l’évolution du tonnage attendu sur le bassin Rhône‑Saône ;

– l’inclusion du schéma directeur au cahier des charges, en application de l’article 3 du CCG, dont le rôle est détaillé infra.

III.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 2 sans modification.

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*     *

Article 3
(article 2 de la loi du 27 mai 1921)
Ajout du schéma directeur au cahier des charges général, rôle et composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et possibilité de modifier le CCG par voie réglementaire

L’article 3 ajoute le schéma directeur à la composition du cahier des charges général de la concession. Il définit les contours de ce schéma ainsi que les modalités de consultation auxquels sont soumis les programmes pluriannuels quinquennaux qu’il contient.

Les députés et sénateurs concernés pourront participer aux comités de suivi de l’exécution de la concession du Rhône.

Enfin, il est prévu que le cahier des charges général, annexé à la loi, puisse être modifié par voie réglementaire.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Le schÉma directeur permet tout À la fois un encadrement et un Élargissement des missions du concessionnaire

Le premier schéma directeur de la concession a été établi lors de l’approbation du huitième avenant à la concession par le décret n° n° 2003‑512 du 16 juin 2003 précité. L’article 1er de la convention de concession tel que modifié par ce décret dispose depuis lors qu’« un schéma directeur joint au cahier des charges précise la nature, le contenu et le calendrier indicatif d’un ensemble d’actions que le concessionnaire s’engage à réaliser sur la durée de la concession ».

Plus concrètement, le schéma directeur comprend un ensemble d’objectifs mis en œuvre au travers de ce qui était jusqu’à présent appelé des plans « missions d’intérêt général » (plans MIG). Ces programmes quinquennaux résultent d’une concertation avec les acteurs locaux et permettent ensuite au concessionnaire de participer financièrement aux projets ainsi définis.

Depuis 2003, CNR a de cette manière investi 431 M€ au travers de plus de 500 projets, soit environ 140 M€ par période quinquennale. Le schéma directeur actuel s’applique pour les travaux que le concessionnaire s’engage à réaliser d’ici au 31 décembre 2023 ([16]).

Le schéma directeur est donc un encadrement supplémentaire des missions du concessionnaire, tout en permettant une concertation des projets réalisés avec les acteurs locaux.

B.   Le comitÉ de suivi de l’exÉcution de la concession permet d’associer les acteurs locaux À l’exploitation de la concession

Les comités de suivi de l’exécution de la concession et de la gestion des usages de l’eau sont définis à l’article L. 524-1 du code de l’énergie. C’est le représentant de l’État dans le département qui peut procéder à leur création. Les comités de suivi permettent de faciliter l’information du public et des élus sur l’exécution de la concession et de les faire participer à la gestion des usages de l’eau. Dans certain cas de chaînes d’aménagements hydrauliquement liés, sa création est de droit.

Le même article L. 524‑1 précise que le comité de suivi est consulté sur certains sujets : « préalablement à toute décision modifiant les conditions d’exploitation des ouvrages de la concession ayant un impact significatif sur les différents usages de l’eau ou sur les enjeux mentionnés à l’article L. 211-1 du code de l’environnement, notamment la création d’ouvrages nouveaux ou la réalisation d’opérations d’entretien importantes ». L’article R. 524-4 du code de l’énergie précise les consultations opérées.

L’article L 524‑1 du code de l’énergie fixe aussi la composition générale de ces comités de suivi, qui comprennent « notamment des représentants de l’État et de ses établissements publics concernés, du concessionnaire, des collectivités territoriales et de leurs groupements, des habitants riverains ou des associations représentatives d’usagers de l’eau dont la force hydraulique est exploitée par le concessionnaire ». Le détail de la composition est précisé à l’article R. 524-3 du code de l’énergie.

Les membres du comité sont nommés pour une durée de trois ans.

S’agissant de la concession du Rhône, la composition et le rôle du comité de suivi de la concession sont précisés par l’arrêté conjoint des représentants de l’État dans les départements concernés du 20 août 2018 portant création du comité de suivi de l’exécution de la concession générale pour l’aménagement du Rhône et de la gestion des usages de l’eau du Rhône et définissant les modalités de son fonctionnement. Cet arrêté a été modifié par un arrêté du 27 novembre 2020, qui en a élargi la composition conformément aux engagements pris par l’État lors de la concertation sur le projet de prolongation de la concession.

Le comité de suivi de la concession du Rhône est composé de 3 commissions territoriales (Haut-Rhône, Rhône moyen et Rhône aval), qui regroupent pour chacune d’entre elles une cinquantaine de représentants.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

A.   L’inclusion du schÈma directeur dans le cahier des charges

L’article 3 de la proposition de loi prévoit que le CCG comprend désormais le schéma directeur de la concession. Le schéma directeur sera donc également annexé à la proposition de loi, puisqu’il fera partie intégrante du cahier des charges. Son annexion poursuit les mêmes objectifs que ceux précédemment indiqués pour le CCG, en renforçant l’encadrement des missions d’intérêt général du concessionnaire. Il valorise la démarche partenariale opérée par le concessionnaire avec les acteurs locaux et complète la triple mission historique du concessionnaire sur plusieurs points.

Le schéma directeur est défini à l’article 2 du CCG annexé à la proposition de loi. Il s’organise autour de 5 axes :

– la production d’électricité hydraulique et les autres usages énergétiques ;

– la navigation et le transport fluvial ;

– l’irrigation et les autres emplois agricoles ;

 l’environnement et la biodiversité ;

 les actions complémentaires en lien avec les territoires, ce dernier volet étant une nouveauté par rapport au schéma directeur de 2003.

Le schéma directeur est toujours décliné sous forme d’objectifs, répartis dans chacun des 5 volets mentionnés ci-dessus. Il sera toujours mis en œuvre au travers de plans quinquennaux, désormais baptisés « programmes pluriannuels quinquennaux » (PPQ) ou encore « Plans5Rhône » par CNR. L’article 3 du CCG relatif aux programmes pluriannuels quinquennaux précise que le montant du premier plan sera de 165 M€.

B.   la prÉcision de la composition et du rÔle du comitÉ de suivi de l’exÉcution de la concession

L’article 3 de la proposition de loi précise certains aspects du rôle et de la composition du comité de suivi de l’exécution de la concession, en lien avec l’élaboration du schéma directeur.

En premier lieu, il est précisé que les PPQ feront l’objet d’une consultation du comité de suivi. Les modalités d’une telle consultation sont détaillées à l’article 3 du cahier des charges général annexé à la proposition de loi. Cet article précise que le comité de suivi de l’exécution de la concession est consulté pour avis au plus tard 12 mois avant l’échéance du PPQ en vigueur et que, chaque année, le concessionnaire lui présente un état d’avancement du PPQ en vigueur.

En second lieu, l’article 3 de la proposition de loi précise que les députés et sénateurs élus dans les départements et les circonscriptions « dont tout ou partie du périmètre géographique recoupe le périmètre de la concession du Rhône » peuvent faire partie du comité de suivi de la concession. La DGEC souligne qu’il s’agit d’une « situation unique en France, justifiée par l’ampleur et les spécificités de la concession du Rhône ».

Dans l’ensemble, ces dispositions permettent une meilleure association des élus locaux aux processus de décision des investissements stratégiques sur le Rhône.

C.   La modification du cahier des charges par voie rÉglementaire

Bien qu’étant annexé à la loi, l’article 3 précise que le cahier des charges général pourra être modifié par voie réglementaire.

III.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 3, modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur (CE10).

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Article 4
Adoption du CCG et du schéma directeur

L’article 4 a pour objet de formaliser l’annexion du cahier des charges général et du schéma directeur à la présente proposition de loi. Ils se substituent dès lors au CCG et au schéma directeur actuellement en vigueur.

La commission a adopté l’article 4 et les documents annexés.

   TITRE III
Énergies rÉservÉes

Article 5
(articles 2-1 [nouveau] et 3 de la loi du 27 mai 1921)
Compétence du représentant de l’État dans le département pour la rétrocession des réserves en énergie aux bénéficiaires

L’article 5 rétablit la compétence du préfet en matière d’attribution des énergies réservées aux bénéficiaires désignées, par dérogation aux dispositions du code de l’énergie qui confient désormais une telle compétence aux conseils départementaux.

Il opère également une précision rédactionnelle au sujet de la désignation des bénéficiaires des réserves en énergie.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Dispositions gÉnÉrales applicables aux Énergies rÉservÉes

Les réserves en énergie sont régies par les dispositions des articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’énergie. L’article L. 522‑2 dispose que dans le cadre d’une concession hydroélectrique, une partie de l’énergie produite par le concessionnaire peut être réservée au profit des acteurs locaux. Cette énergie réservée se matérialise dans les faits sous la forme d’une compensation financière octroyée par le concessionnaire au département. Cette compensation est ensuite rétrocédée par le département aux ayants droit concernés, qui sont fixés par une liste établie par ses soins.

La part non attribuée de l’énergie réservée peut faire l’objet d’une compensation financière par le concessionnaire au département.

Les modalités de calcul de la compensation financière de l’énergie réservée et de la part non attribuée de celle-ci sont précisées par l’arrêté du 23 février 2016 relatif aux réserves en énergie mentionnées aux articles L. 522-1 à L. 522-4 du code de l’énergie.

Selon les données fournies par la DGEC à votre rapporteur, la compensation financière des réserves en énergie représente un montant de 12 M€ par an pour EDF (départements et 1 230 bénéficiaires désignés) et de 3,5 M€ par an pour CNR (départements et 330 bénéficiaires désignés).

L’article L. 523-2 du code de l’énergie prévoit cependant un nouveau mécanisme de redevance proportionnelle aux recettes de la concession, qui s’appliquera aux concessions hydroélectriques nouvellement créées ou à celles qui feront l’objet d’un renouvellement en lieu et place du dispositif qui vient d’être décrit.

B.   les Énergies rÉservÉes dans le cadre de la concession du RhÔne : un flÊchage pour les usages agricoles et dont l’attribution est effectuÉe par le prÉfet de dÉpartement

Le principe des réserves en énergie existe depuis la loi hydroélectricité de 1919, mais la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne a explicitement confié la compétence d’attribution des énergies réservées aux conseils départementaux.

La loi Rhône de 1921 se distingue de ce régime, compte tenu de la spécificité de la concession du Rhône. Les 3° et 4° de l’article 2 de cette loi renvoient au cahier des charges pour la fixation des dispositions relatives aux énergies réservées. L’article 22 du CCG actuellement en vigueur dispose que les fournitures d’énergie pour usage agricole sont les seules énergies réservées mises à la charge du concessionnaire. Il dispose également que « ces fournitures sont livrées sur réquisition du préfet ». La puissance totale instantanée susceptible d’être réquisitionnée ne peut excéder 10 % de la puissance disponible des chutes en service.

Les bénéficiaires de cette énergie réservée sont recensés à l’article 2 de la loi Rhône de 1921 : il s’agit des associations et des groupements agricoles reconnus d’utilité générale par décret en Conseil d’État.

On compte aujourd’hui 330 bénéficiaires de l’énergie réservée le long du Rhône, en plus des départements. La majorité sont des exploitants agricoles. La part non attribuée des réserves en énergie est sans objet dans les faits : la limite d’énergie réservée attribuable est atteinte et les demandes en énergie réservée demeurent croissantes.

Lors de l’adoption de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985 précitée, la spécificité de la compétence préfectorale pour l’attribution des énergies réservées sur le Rhône avait été maintenue ([17]). En revanche, cette spécificité n’a pas été reprise lors de la codification des dispositions relatives aux énergies réservées par l’ordonnance n° 2011-504 du 9 mai 2011 portant codification de la partie législative du code de l’énergie. Il existe donc aujourd’hui une contradiction entre l’article L. 522-2 du code de l’énergie, qui confie cette prérogative d’attribution aux conseils départementaux, et le cahier des charges de CNR, qui confie une telle prérogative aux représentants de l’État dans le département.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

Pour résoudre cette contradiction entre les dispositions du code de l’énergie et celles du CGG de la concession rhodanienne en matière d’énergies réservées, l’article 5 de la proposition de loi vise à maintenir la compétence préfectorale pour l’attribution des réserves en énergie du Rhône. L’article 27 du cahier des charges général annexé à la loi détaille les modalités applicables aux réserves en énergie et confirment le sens de ces dispositions.

La justification du maintien de la compétence du préfet de département s’agissant de la rétrocession des énergies réservées de la concession du Rhône se fonde sur le périmètre particulièrement important de cette concession (près d’une vingtaine d’ouvrages hydroélectriques, s’étendant sur 11 départements). Une attribution optimale de l’énergie réservée nécessite une cohérence d’ensemble. Les services déconcentrés de l’État (DREAL) assurent cette mise en cohérence entre les différentes demandes lors de leur instruction, puis la décision est rendue par les préfets de département concernés.

Le maintien de la compétence préfectorale est une volonté qui a été manifestée lors de la concertation engagée sur le projet de prolongation de la concession. La DGEC a indiqué à votre rapporteur que « Plusieurs chambres d’agriculture régionales et départementales (BouchesduRhône, Loire, Rhône, Vaucluse, Occitanie, AuvergneRhôneAlpes, ProvenceAlpesCôte d’Azur) ont fait part de leur souhait de voir l’attribution et la gestion de l’énergie réservée sur le Rhône maintenues comme une prérogative préfectorale. Elles craignent que le transfert de compétences ne permette pas de préserver ni d’optimiser le dispositif d’énergie réservé à l’agriculture ».

L’article 5 de la proposition de loi crée ainsi un nouvel article dans la loi Rhône de 1921, qui dispose que ce sont les représentants de l’État dans les départements qui rétrocèdent l’énergie réservée pour le Rhône, et non les départements. À l’image des autres concessions hydrauliques, la compensation financière de la part non attribuée de l’énergie réservée peut faire l’objet d’une compensation financière par le concessionnaire au département.

Il est également prévu que le préfet et non le département soit compétent pour abroger les décisions antérieures d’attribution en énergie à compter du 1er janvier 2023, si cela s’avérait nécessaire. C’est une disposition strictement parallèle à celle prévue pour les autres concessions hydrauliques à l’article L. 522‑2 du code de l’énergie.

La spécificité de l’attribution des énergies réservées sur le Rhône est ainsi sanctuarisée dans la loi fondatrice de la concession de 1921.

L’article 5 de la proposition de loi modifie également à la marge l’article 3 de la loi Rhône de 1921, en procédant à une précision rédactionnelle sur les modalités de désignation des bénéficiaires de l’énergie réservée par voie réglementaire.

III.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 5, modifié par un amendement rédactionnel du rapporteur (CE11).

   TITRE IV
ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public

Article 6
(articles 1er et 4 bis [nouveau] de la loi n° 80-3 relative à la Compagnie nationale du Rhône)
Règles comptables et délivrance de titres d’occupation du domaine public par CNR

L’article 6 de la proposition de loi inscrit au niveau législatif les règles comptables s’appliquant à CNR, en conformité avec le droit actuel des concessions.

Il précise également que CNR peut délivrer des titres d’occupation du domaine public.

Ces dispositions reprennent des mesures déjà en vigueur dans la convention de concession et le cahier des charges général actuel.

I.   L’ÉTAT DU DROIT

A.   Normes comptables applicables À cnr

Le huitième avenant à la convention de concession de 2003 a apporté des précisions sur les obligations comptables de CNR.

L’article 4 de la convention de concession prévoit désormais que la comptabilité de CNR est tenue selon les normes du plan comptable général, en application des dispositions du code de commerce et du guide comptable des entreprises concessionnaires. Elle doit également procéder à la séparation comptable des activités instaurée par la loi n° 2000-108 du 10 février 2000 relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité et désormais codifiée ([18]). Il est enfin précisé que le concessionnaire doit produire un compte de concession et mettre en place une comptabilité analytique.

B.   L’octroi de titres d’occupation du domaine public par le concessionnaire

Dans le cas d’une concession hydroélectrique classique, les dispositions de l’article R. 513-1 du code de l’énergie permettent au concessionnaire de délivrer des titres d’occupation du domaine public. Si le titre est demandé pour une durée n’excédant par le terme de la concession, le titre d’occupation est délivré par le concessionnaire, après accord du préfet.

La concession de CNR s’étend sur près de 27 000 hectares et pourrait atteindre 30 000 hectares selon les projets d’extension prévus par le projet de cahier des charges général. La possibilité pour le concessionnaire du Rhône d’octroyer des titres d’occupation du domaine concédé est actuellement prévue à l’article 48 de l’actuel cahier des charges.

Selon CNR, « Au fil des évolutions du cahier des charges général, la valorisation du domaine concédé est devenue progressivement une « quasi-mission » de la concession ». La valorisation du domaine concédé est un objectif plusieurs fois évoqué dans le CCG actuellement en vigueur. Par exemple, l’article 2 de l’actuel CCG dispose que « le concessionnaire veille à favoriser l’utilisation du domaine concédé, en particulier à des fins de développement local et touristique ».

1 800 titres d’occupation du domaine concédé de CNR sont aujourd’hui en vigueur, dont 800 accordés au profit des collectivités territoriales, 280 sur les sites portuaires pour des entreprises de transport fluvial et 300 pour des prises et rejets d’eau sur le Rhône (agriculture et industrie). La possibilité de délivrer de tels titres assure une meilleure valorisation du foncier et le développement de l’activité sur le Rhône.

II.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 6 de la proposition de loi reprend, pour l’essentiel, les dispositions déjà prévues dans le huitième avenant à la concession du Rhône de 2003 en matière d’obligations comptables et d’octroi de titres d’occupation du domaine public par le concessionnaire.

A.   Normes comptables applicables À CNR

L’article 6 de la proposition de loi inscrit dans la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône, les règles de comptabilité précédemment décrites et déjà existantes dans le cahier des charges de 2003, ce qui permet de les sanctuariser. Il est prévu :

– une application des normes du plan comptable général, conformément aux dispositions du code de commerce et au guide comptable des entreprises concessionnaires ;

– une séparation comptable des activités, telle que prévue par le code de l’énergie ;

– la production d’un compte de concession et la mise en place d’une comptabilité analytique.

Il n’y a donc pas de changement dans les pratiques déjà mises en œuvre par CNR, qui applique déjà de telles dispositions. La seule modification porte sur l’établissement du compte de concession qui n’est pas encore mis en œuvre. En effet, CNR produit uniquement à ce stade le rapport annuel d’exploitation du concessionnaire (RAEC) en application de l’article L. 3131‑5 du code de la commande publique. Or le modèle actuel de rapport s’applique aux concessions hydrauliques mais ne tient pas compte de la spécificité de la concession du Rhône. L’établissement d’un véritable compte de la concession permettra, selon les termes du concessionnaire, « de préciser la réalité des comptes de celle-ci (revenus et charges par activités…) et de suivre les engagements pris au titre du CCG (investissement, plan5rhône, niveau de redevance, etc.) ».

B.   TITRES d’occupation du domaine public

L’article 6 de la proposition de loi consacre également au niveau législatif, dans la même loi n° 80‑3 du 4 janvier 1980, la faculté pour CNR de délivrer des titres d’occupation du domaine public de l’État, en application des articles L. 2122-5 à L. 2122-19 du code général de la propriété des personnes publiques.

Il s’agit d’élever au niveau législatif des dispositions déjà prévues par le cahier des charges général en vigueur de la concession et qui sont précisées à l’article 49 du projet de cahier des charges annexé à la présente proposition de loi. De plus, l’article 1er de ce projet de CCG annexé présente l’utilisation du domaine concédé comme un moyen de favoriser les diverses missions d’aménagement du Rhône confiées au concessionnaire.

III.   Les Travaux de la commission

La commission a adopté l’article 6 sans modification.

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Article 7
Gage financier

L’article 7 crée un gage classique sur les droits à tabac (articles 575 et 575 A du code général des impôts) destiné à compenser la charge pour l’État qui résulterait de l’adoption de la proposition de loi, afin de respecter les dispositions de l’article 40 de la Constitution.

La commission a adopté un amendement du Gouvernement (CE1) supprimant cet article.


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

La commission a examiné la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône (n° 4832) (M. Patrick Mignola, rapporteur).

 

M. le président Roland Lescure. L’examen de la proposition de loi relative à l’aménagement du Rhône se distingue par plusieurs singularités. Tout d’abord, elle est cosignée par pas moins de cinq présidents de groupe, l’un d’entre eux, Patrick Mignola, en ayant été désigné rapporteur par notre commission.

Ensuite, le président Mignola a demandé à ce que cette proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour des séances publiques du mercredi 19 et du vendredi 21 janvier, soit examinée selon la procédure de législation en commission : ce sera une grande première dans notre commission. En termes de procédure, on ne voit en réalité la différence qu’en séance publique, puisqu’aucun amendement ne pourra y être déposé sauf pour assurer le respect de la Constitution, opérer une coordination ou corriger une erreur matérielle. Tout se joue donc en commission. La présence du Gouvernement y est de droit : je salue donc la présence de Mme Bérangère Abba.

Autre singularité de ce texte, qui n’en est pas avare : il modifie une loi qui date du 27 mai 1921, il y a plus de cent ans !

M. Patrick Mignola, rapporteur. Plus de cent ans donc après cette « loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes », promue par des élus rhodaniens, nous examinons un nouveau texte relatif à l’aménagement de ce fleuve.

Le Rhône a fait l’objet d’une concession octroyée par l’État à la Compagnie nationale du Rhône (CNR) en 1933, fondée sur un modèle unique car la mission confiée au concessionnaire est triple : elle porte non seulement sur l’utilisation de la puissance hydraulique – la Compagnie produit 24 % de l’hydroélectricité française – mais aussi sur la navigation sur le fleuve et sur les usages agricoles du Rhône, parmi lesquels l’irrigation et l’assainissement, missions d’intérêt général.

La concession arrive à échéance le 31 décembre 2023 : la proposition de loi propose de la prolonger jusqu’au 31 décembre 2041, permettant tout à la fois de préserver ce modèle concessif unique et de maintenir la CNR dans ses fonctions, car elle a su faire preuve de toutes les qualités nécessaires pour assurer la bonne gestion du fleuve jusqu’à présent.

Le renouvellement aurait pu être choisi plutôt que la prolongation, mais une telle procédure conduirait à des délais beaucoup plus longs pour entrer en vigueur, de l’ordre de dix à douze ans, sans parler des fragilités que l’application du droit européen de la concurrence pourrait induire. Or 500 millions d’euros d’investissements sont prêts à être réalisés au travers des trois plans pluriannuels quinquennaux prévus à ce stade. Nous faisons en outre face à l’urgence de la transition énergétique. Enfin, les 1 500 emplois de la Compagnie, dont 1 300 sont industriels, représentent un patrimoine immatériel qu’il convient évidemment de préserver.

C’est faire un geste politique important que de considérer que l’énergie n’est pas un bien comme les autres, dont on pourrait ouvrir la gestion à la concurrence et à des investisseurs étrangers qui n’auraient pas la même conception de l’intérêt général : elle fait partie de la souveraineté nationale.

La proposition de loi modernise certains aspects du régime juridique encadrant la concession et propose d’annexer le cahier des charges général et le schéma directeur à la loi, témoignant de leur dimension d’intérêt général et les sécurisant juridiquement. Fait assez rare pour être souligné, elle a été cosignée par de nombreux députés issus des rangs de tous les groupes politiques.

L’objectif est, depuis 2013, après une longue concertation impliquant l’ensemble des personnes publiques devant être associées, notamment les 183 collectivités territoriales qui font partie de CNR ainsi que l’ensemble des acteurs économiques et non-économiques de terrain, de parvenir à un texte équilibré et largement concerté nous permettant de nous projeter jusqu’en 2041.

Le dispositif a en effet fait l’objet d’un important processus de concertation. Après les échanges entre l’État et le concessionnaire, l’ensemble des parties prenantes ont été consultées à partir de 2019. Une première concertation avec garant a été organisée, donnant lieu à un rapport puis à une réponse de l’État comportant un certain nombre d’engagements faisant écho aux recommandations du garant. L’Autorité environnementale s’est prononcée sur le sujet. Le dossier de concertation a ensuite été soumis à la participation du public. Enfin, une consultation administrative a été menée par le préfet du Rhône auprès de 236 parties prenantes. La Commission européenne a également été consultée afin de s’assurer de la solidité juridique du projet, qu’elle a confirmée par une lettre de confort.

Cela signifie que le cahier des charges et le schéma directeur qui en résultent et qui sont annexés à la proposition de loi ont été mûrement négociés, qu’ils prennent en compte les différentes opinions exprimées et qu’ils permettent d’atteindre un équilibre entre les différentes missions fixées au concessionnaire.

Nous devons être habités par un esprit d’humilité – puisque, du haut de cette proposition de loi, un siècle nous contemple – et aussi de responsabilité, puisque le travail a été mené non seulement par les parlementaires mais par tous les acteurs de terrain, pour parvenir à cette proposition de loi extrêmement aboutie.

J’en viens aux raisons qui fondent la prolongation de la concession du Rhône à la CNR pour dix-huit années supplémentaires. Elle avait été initialement octroyée pour soixante‑quinze ans, comme cela est prévu s’agissant des concessions hydrauliques. Cette durée a commencé à courir à compter de 1948, date de la mise en œuvre du premier ouvrage.

Depuis les années 2010, les dispositions issues du droit européen applicables en matière de commande publique imposent normalement la remise en concurrence de la concession à l’échéance de ces soixante-quinze années.

Cependant, la concession du Rhône a connu une histoire singulière : à l’issue de la seconde guerre mondiale, les besoins croissants en électricité et l’incapacité du secteur privé à y faire face ont conduit à l’adoption de la loi du 8 janvier 1946, qui a nationalisé la production d’électricité et confié celle-ci à EDF. Ainsi, entre 1948 et 2006, ce n’est pas CNR mais bien EDF qui a exploité les ouvrages hydroélectriques sur le Rhône. Cette situation ne pouvait bien évidemment pas être anticipée lors de la conclusion de la convention de concession, en 1933.

Cela signifie que sur les soixante-quinze ans de la concession, CNR n’a pas pu exercer pleinement ses missions de producteur d’hydroélectricité durant plus de cinquante ans. Ces circonstances imprévisibles justifient la prolongation de la concession.

La Commission européenne a confirmé que le projet était conforme au droit européen par l’envoi de la lettre de confort du 20 octobre 2020. Outre la validité du fondement juridique de la prolongation de la concession, c’est aussi la neutralité financière du projet qui permet d’assurer sa conformité au droit de l’Union européenne, en particulier au regard des dispositions applicables en matière d’aides d’État. CNR ne doit en effet pas bénéficier d’avantages indus liés à la prolongation. En plus de la réalisation d’un programme de travaux supplémentaires sur le Rhône, la création d’une redevance proportionnelle et progressive en fonction des prix de l’électricité, versée par CNR à l’État, garantira une telle neutralité.

Deux éléments fondent donc la solidité juridique de ce texte : les circonstances imprévisibles liées à la seconde guerre mondiale et la neutralité financière.

La nouvelle date d’échéance de la concession, le 31 décembre 2041, a été choisie de manière à ce que la durée moyenne d’exploitation de chacun des dix-neuf ouvrages hydroélectriques sur le Rhône soit de soixante-quinze ans. Cela permet d’aboutir à une situation plus équitable pour le concessionnaire actuel, considérant la réalité des conditions d’exploitation durant la période de nationalisation de la production d’électricité.

Le passage par la loi permet par ailleurs de sécuriser juridiquement la prolongation. Sinon, en cas d’annulation contentieuse, la concession serait prolongée sous le régime dit des délais glissants. Il avait été envisagé dans un premier temps d’effectuer cette prolongation par décret, mais cette solution aurait été source de contentieux et n’aurait permis de maintenir la concession qu’a minima, aux conditions antérieures et donc sans possibilité de nouveaux investissements.

Au-delà de sa faisabilité juridique, la prolongation de la concession correspond à une évidence de fait, compte tenu de l’expérience et du savoir-faire acquis par la CNR s’agissant de l’aménagement du Rhône : un tel constat a d’ailleurs été largement partagé dans les échanges intervenus au cours de la concertation sur le projet de prolongation. CNR gère aujourd’hui 19 ouvrages hydroélectriques, 14 écluses à grand gabarit et 22 sites industriels et portuaires.

L’autorité concédante et le concessionnaire ont su faire évoluer la concession. En particulier, la prise en compte de l’environnement figure en bonne place dans le cahier des charges et le schéma directeur ainsi que dans la stratégie d’entreprise bâtie par CNR pour 2030. Elle s’est aussi dotée d’une raison d’être.

L’organisation de CNR permet de s’assurer du bon fonctionnement de la concession et de l’association de l’ensemble des acteurs concernés. Elle dispose d’un actionnariat majoritairement public, dont 17 % environ sont détenus par 183 collectivités territoriales. La dimension industrielle du groupe est également un déterminant fondamental de la réussite de l’entreprise.

Enfin, CNR est une société dotée d’un directoire ; la commission des affaires économiques a d’ailleurs eu à se prononcer sur la nomination de sa présidente en novembre dernier. Elle dispose également d’un conseil de surveillance où siègent notamment quatre représentants des collectivités territoriales et deux représentants de l’État. La préservation des intérêts du fleuve au travers d’une forte présence des acteurs de l’intérêt général est donc parfaitement assurée par sa gouvernance.

La proposition de loi comprend en annexe le cahier des charges général de la concession et le schéma directeur, ces deux documents ayant vocation à préciser et à encadrer les missions du concessionnaire.

Le nouveau cahier des charges proposé comprend plusieurs évolutions par rapport à la version en vigueur, qui date de 2003. Outre la modification de la date d’échéance de la concession et du calcul de la redevance et l’inclusion du schéma directeur, il y a deux évolutions principales.

Premièrement, le périmètre de la concession est étendu à des portions du Rhône actuellement gérées par Voies navigables de France (VNF) et par la direction départementale des territoires de la Savoie. VNF, dont le siège est à Béthune, continuera à gérer avec la métropole de Lyon la partie du fleuve interne à celle-ci, puisque la particularité de la gestion fluviale intra-urbaine, notamment du Rhône et de la Saône, a conduit à ne pas intégrer cette partie à la concession prolongée. Le barrage de Cusset demeure également exclu du périmètre de la concession puisqu’il est géré par EDF.

Deuxièmement, un programme de travaux supplémentaires d’un montant de 500 millions d’euros va être réalisé : il prévoit notamment la réalisation de six petites centrales hydroélectriques, ainsi que des études de faisabilité concernant la construction d’un nouvel ouvrage hydroélectrique dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. La réalisation de cet ouvrage a fait l’objet de nombreux débats durant la concertation et l’État a pris l’engagement d’associer pleinement les parties prenantes au projet. La Commission nationale du débat public (CNDP) sera d’ailleurs saisie. Certains de nos collègues, dont Mme Cendra Motin, ont fait évoluer des éléments du texte relatifs à l’organisation de la concertation, notamment concernant ce dernier ouvrage, afin que l’exemplarité de la concertation entourant les projets conduits par la CNR soit encore renforcée.

La proposition de loi renforce également le rôle du schéma directeur de la concession et les consultations dont il fait l’objet. Décliné sous forme d’objectifs, il est le support de programmes pluriannuels quinquennaux qui permettent à CNR d’investir, après concertation avec les élus locaux, dans des projets liés à l’aménagement du Rhône. Le premier programme quinquennal a été fixé à 165 millions d’euros.

Le schéma directeur sera inclus dans le cahier des charges, ce qui permet tout à la fois d’encadrer et de compléter la triple mission du concessionnaire. Il comprend un axe consacré à l’environnement et à la biodiversité et un axe portant sur les actions complémentaires en lien avec les territoires, ce qui a conduit l’ensemble des collectivités parties prenantes, qu’elles soient actionnaires ou non, à soutenir la proposition de loi.

Le comité de suivi de l’exécution de la concession sera consulté sur ces programmes pluriannuels quinquennaux. De plus, et c’est un point majeur, les députés et les sénateurs concernés pourront en faire partie, ce qui permettra d’associer les parlementaires au suivi du bon déroulement de la concession.

L’article 5 de la proposition de loi a trait aux énergies réservées. Dans le cadre d’une concession hydraulique, le concessionnaire peut réserver une partie de l’énergie produite au profit des acteurs locaux. Concrètement, ces réserves en énergie prennent la forme d’une compensation financière versée par le concessionnaire au département. Les dispositions générales qui s’appliquent prévoient que ce sont les conseils départementaux qui rétrocèdent ensuite l’énergie réservée aux ayants droit concernés.

L’article 5 maintient, pour la concession du Rhône, la compétence du préfet s’agissant de l’attribution des énergies réservées : le périmètre de cette concession s’étend sur onze départements, ce qui nécessite une certaine coordination et justifie le maintien de la compétence des services de l’État. C’est d’ailleurs l’avis des conseils départementaux concernés.

Enfin, l’article 6 modernise les dispositions relatives au régime comptable de CNR et la possibilité dont elle bénéficie de délivrer des titres d’occupation du domaine public. Ces dispositions sont en réalité déjà appliquées par le concessionnaire car elles figurent dans le huitième avenant à la convention de concession de 2003. Si la proposition de loi est adoptée, elles auront désormais leur place dans la loi, ce qui se justifie par leur importance.

J’espère vous avoir convaincus que ce texte est particulièrement consensuel et abouti. C’est un honneur que de pouvoir défendre devant vous cette belle réussite qu’est la concession du Rhône. Je souhaite qu’elle puisse se poursuivre pour dix-huit années supplémentaires, tant il est vrai que CNR est un acteur qui donne unanimement satisfaction aux acteurs locaux. Au-delà de tous les éléments à prendre en compte, hydroélectriques, agricoles, d’intérêt général et tenant aux relations avec les collectivités locales, nous sommes nombreux à être attachés au Rhône, de façon personnelle, familiale et historique, car il participe de l’identité de tous ceux qui habitent dans ses alentours.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d'État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité. Le texte que nous examinons ce soir ne se résume pas à une simple prolongation d’une concession d’aménagement et d’exploitation, puisqu’il s’agit d’abord d’un des plus beaux cours d’eau de notre pays, le fleuve roi pour certains, un cours d’eau puissant qui, de la Suisse à la Méditerranée, a su évoluer avec nous.

Son exploitation témoigne d’une accélération de la transition écologique, en partenariat avec les collectivités locales, avec des projets d’aménagement durable et de développement ambitieux sur le volet des énergies renouvelables (ENR). Il s’agit de politiques à la fois environnementales, énergétiques et de mobilité très liées à la gestion de l’eau, et donc à la biodiversité. Ces équilibres, qui sont la clé de la transition que nous cherchons à construire, se retrouvent dans cette proposition de loi qui a effectivement trouvé des cosignataires sur tous les bancs : il s’agit donc d’un projet unique.

La mission centenaire de la Compagnie nationale du Rhône est d’aménager et d’exploiter ce fleuve selon un modèle absolument unique en France, et visionnaire – depuis 1933 –, qui associe production d’énergie, navigation fluviale et irrigation agricole et a permis de s’adapter au contexte ainsi qu’à des enjeux environnementaux toujours plus présents.

Ainsi, 19 centrales hydroélectriques et 19 barrages, 14 écluses, 330 kilomètres de voies navigables ouvertes de Lyon à la Méditerranée et de nombreux sites industriels et portuaires ont vu le jour, la plus grande attention étant portée à leur impact. Les entreprises ont su, comme CNR, chercher le chemin du progrès et de la transition énergétique en se lançant dans différentes ENR tout en protégeant les écosystèmes.

CNR est le premier producteur en France d’énergie exclusivement renouvelable : la puissance installée s’élève à 3 gigawatts. L’eau, le vent et le soleil offrent un mix énergétique entièrement renouvelable.

Le concessionnaire du Rhône est également un maillon décisif du territoire rhodanien, c’est-à-dire un partenaire et un acteur auprès des collectivités.

Ses projets, au fil des décennies, ont un point commun : les missions d’intérêt général menées au bénéfice des territoires, qu’il s’agisse de valoriser à des fins économiques ou environnementales les 27 000 hectares de domaine concédé le long du Rhône ou encore de financer des projets territoriaux en matière d’énergies renouvelables, de biodiversité, de tourisme ou d’agriculture durables.

Cet ancrage local de l’identité de la concession se retrouve pleinement au sein même de la gouvernance de la Compagnie et de son capital, dont 183 collectivités sont actionnaires.

Le Gouvernement soutient cette proposition de loi qui intervient à un moment décisif, le terme de la concession devant intervenir le 31 décembre 2023. Dès 2014, l’État avait engagé des démarches de concertation pour organiser « l’après » avec les différentes parties prenantes.

Il est apparu assez rapidement que la prolongation par voie législative était la solution la plus robuste et sans doute la plus étayée juridiquement. Le Gouvernement partage la conviction que le texte est tout à fait satisfaisant du point de vue juridique. Les questions de droit européen de la concurrence ont fait l’objet d’échanges nourris avec la Commission européenne, aboutissant à ce projet de prolongation. Cette dernière a indiqué au Gouvernement qu’elle n’identifiait pas à ce stade d’éléments constitutifs d’une aide d’État dans le projet.

La proposition de loi inscrit au plus haut de notre hiérarchie des normes, dans une disposition législative ad hoc, cette concession particulière et prend en compte sa spécificité. De manière démocratique et participative, les termes soumis aux procédures de concertation et de consultation du public qui se sont tenues entre 2019 et 2021 assurent la transparence des dispositions contenues dans la proposition de loi.

Le texte permet en outre de renforcer les exigences et les ambitions du cahier des charges de la concession, avec par exemple l’insertion de dispositions permettant aux députés et aux sénateurs dont les circonscriptions se trouvent dans son périmètre de participer au comité de suivi. C’était indispensable afin que le cahier des charges et que les missions d’intérêt général au bénéfice des territoires fassent l’objet d’un schéma directeur et de programmes quinquennaux tout à fait partagés avec la Représentation nationale, aussi bien pour participer à ses réflexions que pour faire circuler l’information.

La prolongation de la concession jusqu’en 2041 a pour vertu essentielle de redonner de la visibilité aux collectivités actionnaires, aux entreprises concessionnaires et à leurs 1 400 salariés, ainsi qu’à notre trajectoire de décarbonation, puisqu’une part importante du déploiement des ENR repose sur cette concession du Rhône. Sa production représente en effet aujourd’hui près du quart de la production française d’hydroélectricité. En outre, la concession permet de développer le photovoltaïque et l’éolien sur tout le territoire rhodanien.

Vous connaissez les objectifs de cette trajectoire, notamment la réduction de 55 % de nos émissions d’ici 2030 et l’atteinte de la neutralité carbone d’ici 2050. Pour les atteindre, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) prévoit que nous passions à 40 % d’électricité produite à partir d’ENR en 2030, contre 25 % aujourd’hui.

Dans cette perspective, un pilotage de long terme de la concession du Rhône était d’autant plus nécessaire. Sa prolongation nous offre par ailleurs la possibilité de renforcer et de consolider les actions sur les autres champs de la concession, la navigation et l’agriculture.

Nous veillerons tout particulièrement à ce que la CNR mène à bien et renforce, avec le soutien de l’agence de l’eau, son programme d’action pour la protection et la restauration des écosystèmes, au travers d’obligations de travaux imposées au concessionnaire ou de missions d’intérêt général. Si le fleuve est largement aménagé, beaucoup peut être fait dans ce domaine : je pense à l’amélioration de la circulation des poissons migrateurs, au transit sédimentaire, à la restauration des lônes, ces anciens bras du Rhône court-circuités par le chenal navigable, à la gestion des zones humides connexes au fleuve ou encore à la restauration des berges.

Nous renforçons donc le volet eau et préservation des milieux aquatiques et humides, notamment au travers du plan Rhône-Saône 2021-2027, doté de 125 millions d’euros sur six ans, dont 56 millions pour CNR et 53 millions pour l’agence de l’eau, qui s’inscrit dans l’enveloppe de 160 millions sur cinq ans consacrée au schéma directeur ainsi qu’aux premiers programmes quinquennaux.

À l’international, CNR anime l’initiative pour l’avenir des grands fleuves parrainée par M. Erik Orsenna : elle organise ainsi des rencontres et des échanges multiples sur le contexte environnemental et social de ces éléments structurants de nos territoires. Elle accompagne financièrement diverses actions de connaissance, comme la récente campagne Tara Océan sur les rejets microplastiques, et se trouve également très impliquée dans l’organisation d’événements internationaux majeurs pour la connaissance et la préservation de l’environnement. Elle a d’ailleurs été à nos côtés pour organiser le congrès mondial pour la nature de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) au mois de septembre à Marseille.

En conclusion, le Gouvernement soutient pleinement cette proposition de loi qui fixe un horizon et une trajectoire permettant à chacun d’anticiper ces transformations nécessaires, ce qui est le propre d’une politique responsable. Elle agit avec et non pas contre les territoires. Partant de l’existant, elle transforme les contraintes en autant d’occasions. C’est un texte fédérateur et nécessaire.

M. Anthony Cellier (LaREM). Notre commission examine ce soir un texte attendu, que ce soit pour l’aménagement du Rhône, pour les collectivités territoriales qui le longent ou les citoyens qui vivent dans les environs, pour les 14 000 salariés qui travaillent de manière directe ou indirecte autour, pour notre politique énergétique ou enfin pour les enjeux climatiques qui s’y rattachent.

La Compagnie nationale du Rhône est un aménageur de territoires. C’est sa mission première, au travers de trois compétences indissociables et solidaires : le développement de la navigation fluviale et l’irrigation des terres agricoles, financés par la vente de l’électricité produite grâce à son réseau de barrages hydroélectriques.

Cette mission, inscrite dans l’ADN de CNR, a contribué à façonner notre territoire.

Dans ma circonscription, le fleuve Rhône est un marqueur de l’identité locale et les infrastructures qui le parcourent sont autant de références pour nos concitoyens : les barrages de Caderousse, de Villeneuve-lès-Avignon, de Sauveterre et de Vallabrègues, le port de L'Ardoise, ou les appontements de Saint-Étienne-des-Sorts et de Roquemaure.

La concession d’aménagement du Rhône devait prendre fin en 2023. Je me réjouis que nous débattions de sa prolongation jusqu’en 2041 et puissions ainsi valider le programme d’investissement qui s’y rattache : 500 millions d’euros consacrés à de nouveaux ouvrages hydrauliques et de navigation, ainsi qu’à des travaux environnementaux.

Une telle enveloppe permettra d’accroître la production électrique du Rhône jusqu’à 600 gigawatts par an. Une nouvelle redevance variable en fonction des prix de l’électricité répond à la recherche d’un équilibre économique permettant de s’assurer qu’une exploitation jusqu’en 2041 est financièrement neutre.

Une hausse des investissements au titre du schéma directeur de la concession, puisqu’ils passent à 160 millions d’euros par période de cinq ans, permettra d’investir dans la production d’énergie hydraulique, le transport fluvial ou la protection de la biodiversité.

Le fleuve Rhône est un bien commun, tant pour ses citoyens que pour la flore et la faune : anguilles, aloses et lamproies pourront enfin remonter le Rhône pour se reproduire ; cistudes, castors, loutres pourront eux reprendre possession des lônes.

La concession du Rhône gérée par CNR se distingue enfin par son modèle industriel unique qui entend placer la valorisation des territoires au centre de sa stratégie, ce dont témoignent son actionnariat, composé de 183 collectivités territoriales, et sa volonté de rechercher l’équilibre entre rentabilité économique et intérêt collectif, aménagement des territoires traversés et production d’électricité.

L’ensemble des groupes politiques accueillent favorablement la proposition de loi, qui permettra de mettre fin à une situation de blocage qui dure depuis longtemps, de relancer les investissements et de clarifier le statut de la concession.

Au regard des enjeux climatiques, et à l’heure où nous souhaitons renforcer notre indépendance énergétique et accélérer le déploiement des énergies renouvelables, il faut s’assurer que CNR, premier producteur français d’électricité 100 % renouvelable, qui produit 25 % de l’énergie hydraulique française, puisse continuer de contribuer à notre politique énergétique.

Monsieur le rapporteur, vous pouvez donc compter sur le soutien plein et entier du groupe majoritaire.

Mme Blandine Brocard (Dem). Je vous remercie de m’accueillir dans votre commission, en tant qu’élue de ce beau territoire qu’est le département du Rhône, profondément marqué par le fleuve, ses rivages et ses paysages.

Mon groupe se réjouit de l’examen de cette proposition de loi, fruit de plusieurs années de concertation. Elle concrétise la volonté, partagée par une très large majorité d’élus locaux et de parlementaires, de prolonger la concession du Rhône, de la moderniser et de l’adapter aux nouveaux enjeux, pour préserver un modèle unique en France. La Compagnie nationale du Rhône s’est en effet vu confier la concession unique du Rhône en 1934, avec trois missions indissociables : la production d’électricité, le développement du transport fluvial et l’irrigation des terres agricoles. La mise en service du barrage de Génissiat, en 1948, a marqué le point de départ d’une concession de soixante-quinze ans, jusqu’en 2023, que la proposition de loi vise à prolonger de dix-huit ans, jusqu’en 2041.

Les raisons de cette prolongation sont nombreuses. Tout d’abord, CNR n’a pas pu profiter du statut de producteur d’énergie de 1948 à 2006, en raison de la nationalisation du marché de l’électricité. En outre, la réalisation impérative de certains travaux de sécurité et de développement des voies navigables n’est pas compatible avec le renouvellement du contrat de concession avec un autre acteur, procédure qui durerait douze ans, dans le meilleur des cas. Enfin, les acteurs et élus locaux ont à cœur de prolonger la concession, car la triple vocation de ce modèle unique en France a largement fait ses preuves pour l’aménagement du Rhône et au service de l’intérêt général.

Ce modèle est donc unique. Pour ce qui concerne sa gouvernance, d’abord, CNR est la seule société anonyme d’intérêt général en France, qui réalise un équilibre entre rentabilité économique et intérêt collectif, entre capitaux privés et capitaux publics. Sa structure garantit un actionnariat public majoritaire ainsi que la pleine implication des territoires. Les revenus tirés de l’exploitation sont ensuite répartis entre les différentes parties prenantes.

Son modèle économique solidaire est lui aussi unique. Son triptyque productif permet une gestion holistique du fleuve, les revenus issus de la production d’électricité finançant les autres activités – à ces trois missions s’ajoute celle de la préservation du fleuve et de sa biodiversité. CNR emploie près de 1 500 personnes et crée environ 15 000 emplois indirects, dans un large éventail de compétences. La prolongation de la concession constitue donc également un enjeu pour préserver les emplois et le savoir-faire français.

Enfin, le modèle est unique par sa contribution environnementale. Les objectifs climatiques que nous nous sommes fixés – porter à 40 % la part d’énergies renouvelables dans notre production électrique d’ici à 2030 – sont ambitieux. En tant que producteur d’une énergie 100 % renouvelable qui représente près de 25 % de notre production hydroélectrique, la CNR représente un atout indispensable dans notre combat contre le réchauffement climatique.

Mon groupe soutient donc ce texte avec conviction. À l’heure où l’énergie est au cœur des grands enjeux internationaux et diplomatiques, il est fier du modèle de la Compagnie nationale du Rhône, plus que jamais au service de notre souveraineté énergétique et qui est un outil de notre indépendance industrielle qu’il faut préserver.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Cette proposition de loi a une importance toute particulière. Elle vise à adapter la concession du fleuve accordée à la Compagnie nationale du Rhône et à la prolonger jusqu’au 31 décembre 2041, à un moment où les enjeux concernant la ressource en eau comme le développement des énergies renouvelables et la fourniture d’électricité sont plus que jamais prégnants.

Depuis sa création, CNR est chargée d’aménager le Rhône selon un modèle unique, basé sur les trois missions solidaires et complémentaires de gestion globale du fleuve que l’État lui a historiquement confiées : la production d’électricité, le développement de la navigation fluviale et l’irrigation, sans compter la mission de préservation de la biodiversité du fleuve. Ce modèle original fait toute la force de CNR, dont le capital est détenu pour moitié par les collectivités territoriales et par la Caisse des dépôts et consignations. Sa relation aux territoires en fait une entreprise unique.

Depuis que l’État lui a confié la première concession unique du Rhône, CNR n’a cessé de se développer : elle a construit sites industriels et portuaires, ports de plaisance, haltes nautiques et bases de loisirs. Elle exploite aujourd’hui 19 centrales hydroélectriques sur le fleuve, 14 centrales photovoltaïques et 33 parcs éoliens, pour une production de 14 milliards de kilowattheures par an. La pertinence de ce modèle et le savoir-faire acquis depuis des décennies font de CNR le deuxième producteur d’électricité et le premier producteur d’énergie exclusivement renouvelable en France.

Vous connaissez mon attachement à l’énergie hydroélectrique, propre, pilotable et peu chère, et mon combat pour que l’exploitation puisse être conservée par nos opérateurs historiques – CNR, EDF ou la Société hydroélectrique du Midi (SHEM). C’est aujourd’hui une première marche qui est franchie.

CNR produit plus d’un quart de l’hydroélectricité française, ce qui est décisif à l’heure de la lutte contre le dérèglement climatique. Nous devons donc préserver ce modèle atypique, qui est une réussite, et permettre son développement.

Les discussions sur l’avenir de la concession ont débuté en 2013. Grâce à la mobilisation des salariés, de la direction et des élus, nous touchons au but. Il y a urgence, car la concession en cours arrive à échéance en 2023 – demain ! La prolongation de la concession jusqu’au 31 décembre 2041, qui permettra à CNR de relever de nombreux défis, est particulièrement attendue.

La proposition de loi arrive donc à pic alors que CNR, sous l’impulsion de Mme Élisabeth Ayrault, a adopté une nouvelle stratégie, « CNR 2030 », pleine d’ambition pour l’avenir de l’entreprise et que Mme Laurence Borie-Bancel saura mener à bien, j’en suis persuadée. La prolongation est d’autant plus indispensable qu’elle permettra à CNR de poursuivre la réalisation des missions d’intérêt général qui participent au développement de la vallée du Rhône. Le maintien des emplois en dépend également, comme la possibilité de nombreux recrutements – près de 50 emplois directs et 5 000 emplois indirects. Je salue d’ailleurs l’engagement des salariés, qui n’ont pas ménagé leurs efforts dans la période compliquée que nous connaissons, notamment en intervenant dans la région de Montélimar pour assurer la sécurité des ouvrages après un séisme.

CNR devra affronter d’importants défis, comme la baisse prévue de 10 % à 40 % du débit du Rhône à l’horizon 2050. La variabilité du fleuve est déjà constatée dans la vallée du Rhône, avec des crues et des périodes d’étiage qui varient de manière importante.

Pour toutes ces raisons, il est indispensable de prolonger la concession du Rhône que l’État a accordée à CNR, et cela le plus rapidement possible afin de donner à l’entreprise de la visibilité et les moyens de relever les défis majeurs auxquels elle est confrontée.

La proposition de loi donne également valeur législative au cahier des charges de la concession et aux missions d’intérêt général financées par l’entreprise. Enfin, elle étend le périmètre concédé. Le groupe Socialistes et apparentés, qui a pris toute sa part depuis 2013 dans le bon aboutissement de ce dossier, notamment par le biais de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, la votera.

M. Luc Lamirault (Agir ens). Élu d’une circonscription éloignée du Rhône, j’ai découvert avec la proposition de loi ce modèle d’organisation à la fois ancestral et innovant, qui a su s’adapter. Le rapporteur et la secrétaire d’État m’ont convaincu du travail important de concertation réalisé avec l’ensemble des collectivités et de la nécessité de prolonger la concession pour dix-huit années supplémentaires. Afin de poursuivre des travaux de grande qualité sur la navigation, l’irrigation ou la production d’électricité, le groupe Agir ensemble soutiendra la présente proposition de loi.

Mme Mathilde Panot (FI). Mon attachement va plutôt à la Loire, dernier fleuve sauvage d’Europe, mais je remercie le rapporteur pour sa proposition de loi. Comme il l’a souligné, l’énergie n’est pas un bien comme les autres : elle est notre bien commun, et il est bon de le réaffirmer fortement dans la période que nous vivons.

Ce texte nous permet de réaffirmer notre opposition au projet Hercule, pour l’instant heureusement enterré, qui vise à démanteler EDF, comme notre opposition à l’injonction de la Commission européenne, que le Gouvernement semble également pour l’instant abandonner, d’ouvrir à la concurrence les barrages de notre pays – nous parlions de « privatisation », ce qui faisait parfois hurler les ministres.

Nous sommes opposés à cette ouverture à la concurrence des barrages car l’énergie est un bien commun, un de ceux qui sont indispensables à notre vie et que nous devons retirer des griffes du marché, parce que celui-ci ne fait pas des choix allant dans le sens de l’intérêt général.

Les barrages posent aussi des problèmes de sécurité. Sachant que 25 % d’entre eux ont plus de 70 ans, l’ouverture à la concurrence, qui entraîne un certain dumping social, pourrait créer des problèmes de sécurité dans notre pays.

Troisièmement, mettre la main sur les barrages serait une opération extrêmement rentable pour les entreprises privées, alors que leur coût est aujourd’hui amorti. Or c’est un investissement qui a été payé par les Français.

Les barrages, première source d’énergie renouvelable, jouent un rôle très important de régulateur du système électrique puisqu’ils permettent une régulation rapide de la quantité d’électricité produite et injectée dans les réseaux. Or le Rhône, fleuve le plus nucléarisé de France, va connaître une baisse de débit de 10 % à 40 %, selon les scientifiques : les conflits d’usage de l’eau se multiplieront donc dans les années à venir. Il serait néfaste que les arbitrages se fassent non grâce à la décision commune, par le biais des collectivités ou de l’État, mais selon des objectifs de rentabilité.

Voilà pourquoi nous sommes opposés à l’ouverture à la concurrence et considérons que la proposition de loi va dans le bon sens, puisqu’elle permet à un opérateur historique de garder la main sur l’hydroélectricité.

Certaines dispositions du texte nous inquiètent pourtant. L’article 5, qui dispose que « À compter du 1er janvier 2023, le préfet peut abroger les décisions d’attribution d’énergie réservée accordées par l’État antérieurement à cette date » fait craindre une moindre attribution d’énergie réservée, notamment aux services publics locaux. De même, le fait que la redevance liée aux ventes de l’électricité pour l’État devienne proportionnelle au lieu de fixe fait craindre, si le prix de l’énergie baisse, que la redevance due à l’État diminue également.

Un petit regret, aussi : la proposition de loi n’évoque pas assez les missions de transport et d’irrigation qui échoieront à CNR, alors qu’elles participent de manière forte à la bifurcation écologique, notamment avec la nécessité du report modal et du développement du transport fluvial.

La proposition de loi pourrait aller beaucoup plus loin et créer un pôle public de l’énergie. Je suis du moins satisfaite d’avoir entendu la secrétaire d’État dire qu’elle était pour une planification : je l’invite à mettre ses actes en accord avec ses paroles !

M. André Chassaigne (GDR). Sans nous arc-bouter sur l’affichage politique d’un pôle public unifié de l’énergie – nous portons depuis des années cet objectif politique essentiel –nous nous sommes livrés à une analyse matérialiste pour comprendre les nécessités objectives des dispositions de la proposition de loi.

D’abord, la nécessité de protéger d’une privatisation. C’est le premier objectif, qui explique pourquoi le texte est aussi consensuel. Il a d’ailleurs été accueilli favorablement par les organisations syndicales, en particulier la CGT-Énergie ou les représentants CGT de la Compagnie nationale du Rhône. Le texte répond à la nécessité, à l’urgence de protéger de la privatisation car l’ouverture à la concurrence du secteur hydroélectrique aurait des effets désastreux.

Deuxième point : la proposition de loi évite une fragmentation, un éclatement entre les trois objets d’une gestion aujourd’hui unifiée – les ouvrages hydroélectriques, les infrastructures de transport fluvial et les installations portuaires, et les 27 000 hectares du domaine public qui permettent une valorisation économique favorable à l’agriculture et à l’accompagnement des projets de territoire, entre autres. Il s’agit de maintenir unifiée cette triple gestion d’éléments complémentaires et d’éviter ce qui se produirait si l’on décidait de rentabiliser un morceau au détriment des autres.

Troisième point : les actionnaires de la Compagnie nationale du Rhône restent majoritairement publics. Les collectivités y représentent 16,8 %, la Caisse des dépôts et consignations, 33,2 % ; l’autre moitié est détenue par Engie, qui compte toujours, même si cela doit diminuer en application de la loi du 22 mai 2019 dite « PACTE », plus de 20 % de capital public. On maintient donc la maîtrise publique et les opérateurs historiques. Cela est très important eu égard au risque de privatisation de la compagnie.

Quatrième point : la proposition de loi conforte le mix énergétique. On dit souvent qu’il n’est pas possible de faire plus d’hydroélectricité. Or les projets inclus dans le texte, ne serait-ce que la construction de petites centrales hydroélectriques – pour 1,6 % de production en plus – ou l’augmentation des capacités de production de l’aménagement hydroélectrique de Montélimar, montrent qu’il y a bien des marges d’évolution dans notre pays.

Cette analyse matérialiste faite pour comprendre les nécessités objectives nous amène à voter la proposition de loi. Sans certains aléas de calendrier, nous aurions d’ailleurs pu la cosigner.

Mme Olga Givernet. Ce texte fait consensus, non seulement parmi les députés de la vallée du Rhône, mais parmi l’ensemble des parties prenantes – élus locaux, direction, personnel de CNR. Il est très attendu, depuis des années : nous commencions d’ailleurs à désespérer. Mais, grâce à nous, il est bien à l’ordre du jour de l’Assemblée. Que le Gouvernement lève le gage, par un amendement à l’article 7, est une bonne surprise : enfin, la date de fin de concession est fixée au 31 décembre 2041 !

CNR est un actif essentiel de notre patrimoine industriel, producteur d’une énergie 100 % renouvelable. Son modèle économique s’appuie sur trois piliers : une légitimité d’acteur innovant et performant de l’énergie ; une proximité étroite avec les territoires ; et une capacité à redistribuer la valeur créée. À l’heure où notre pays doit relever les défis climatiques et énergétiques, il est impératif de capitaliser sur ce modèle de la concession de service public, qui n’a pas pris une ride.

Chacun des onze départements, de l’Ain aux Bouches-du-Rhône, porte fièrement certains de ses joyaux d’infrastructure, tels que, dans ma circonscription, le barrage de Génissiat, premier qu’elle ait construit, en 1948, et prodige technologique – le barrage le plus grand et le plus moderne d’Europe.

Par ce texte, nous souhaitons nous inscrire dans cet héritage d’innovation et de modernisation des territoires. CNR a vocation à jouer un rôle de premier plan, avec notre filière nucléaire, pour appliquer le grand programme de rénovation énergétique que le Président de la République a présenté dans le cadre du plan France 2030 et pour atteindre l’objectif européen de zéro émission carbone en 2050.

Plus que jamais, dès le lancement de chaque opération d’aménagement du Rhône, il faut prendre en compte l’impératif de protection de l’environnement et des biodiversités terrestre et aquatique. CNR est très engagée à ce sujet. C’est un défi, alors que le réchauffement climatique risque d’amener une baisse de débit du fleuve, et que d’autres acteurs de l’énergie, notamment la centrale du Bugey, ont besoin du Rhône.

M. Matthieu Orphelin. Pour un élu de l’Ouest, plus habitué à la Loire, fleuve sauvage, il est intéressant d’étudier le Rhône, ce fleuve roi. À écouter le rapporteur et la secrétaire d’État, on pourrait penser que la concertation a été menée de façon si formidable qu’on pourrait voter le texte les yeux fermés. Or, en page 10 de son rapport, publié en février 2021, le garant de la Commission nationale du débat public souligne le « manque de communication » en amont du débat public ; en page 13, la faible implication du ministère de l’écologie dans cette concertation ; et, page 14, le fait qu’aucun dialogue ni coconstruction n’aient été réalisés à partir des propositions des parties prenantes.

La proposition de loi va bien sûr dans le bon sens, mais beaucoup reste à dire. L’agence de l’eau indiquait que de nouveaux barrages déclasseraient le Rhône dans la seule partie où le fleuve et l’eau sont encore en bon état. Les associations locales ont fait part de leurs inquiétudes. Je m’interroge donc sur cette vision sinon fantasmée, du moins exagérément positive de la concertation.

Deuxième question : la secrétaire d’État sait que l’article 4 pose problème, notamment le projet de nouveau barrage dans le secteur de Saint-Romain-de-Jalionas. En 2021, on ne peut plus considérer un projet sans étudier les solutions de remplacement. Quelle est la position du Gouvernement sur les alternatives possibles au nouveau barrage ? Comment peut-on, pour un montant d’investissement bien plus limité, optimiser les dix-neuf barrages existants, et gagner peut-être davantage d’énergie qu’avec une nouvelle construction ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. C’est avec émotion que je m’exprime ce soir comme mon grand-père, initiateur de la loi « Rhône », a pu le faire en ces mêmes lieux, il y a un siècle.

Tous les riverains, Lyonnais ou Rhodaniens, sont attachés à ce fleuve et à son aménageur, CNR. En le canalisant, au moyen d’écluses, de barrages, de canaux de dérivation, elle a dompté ce fleuve fougueux et, dès 1921, a permis de relever de nombreux défis, sur un modèle très original et novateur. CNR permet de répondre à des enjeux économiques tels que le développement du transport fluvial – 6 % du trafic total entre Lyon et Marseille – ou de l’irrigation agricole ; à des enjeux climatiques, avec le développement et la régulation de l’énergie décarbonée et durable, la réduction du trafic routier ou la gestion de la ressource en eau, dans un contexte de baisse prévisible du débit du Rhône – car le Rhône a un capital précieux, les glaciers des Alpes ; et à des enjeux environnementaux, tels la réduction des inondations ainsi que le suivi de la qualité de l’air de la vallée et des eaux du fleuve.

La CNR est un outil exemplaire, qui permet de gérer l’ensemble de ces enjeux et d’entretenir tous ces ouvrages au sein d’un même organisme. C’est pourquoi le renouvellement de la concession est primordial.

Enfin, CNR joue un rôle de facilitateur pour les activités touristiques, nouvelles, comme la ViaRhôna, ou traditionnelles – celles qui, comme l’écrit Bernard Clavel, relient affectivement le fleuve et ses habitants, qu’il s’agisse des activités de loisir, promenades dominicales, parties de pêche, plaisance ou joutes, ou de la richesse du patrimoine, avec, dans ma circonscription, les communes de La Mulatière, Pierre-Bénite, Irigny ou Vernaison.

M. Dominique Potier. La soirée est belle, l’énergie du rapporteur et l’enthousiasme de la secrétaire d’État communicatifs. J’attends toutefois les réponses aux quelques ombres que M. Matthieu Orphelin a apportées à ce tableau presque idyllique de la gestion du Rhône. Je suis cependant plutôt convaincu et ne poserai de questions que par curiosité. Très impliqué dans les débats de la loi PACTE, j’ai l’habitude de dire aux entrepreneurs et syndicalistes locaux que, plus que la « raison d’être », c’est la façon de faire qui compte, et comment on l’évalue.

Je souhaite donc vous interroger sur les modalités de partage des bénéfices réalisés. Quelles sont l’échelle des salaires, la part octroyée au capital et au travail ? C’est à ces éléments triviaux qu’on mesure le vrai du faux, la part du roman et de la réalité.

Pour ce qui concerne les énergies renouvelables, Madame la secrétaire d’État, on pourrait s’étonner du désordre qui règne dans le pays : il y a des conflits partout, sur les éoliennes, sur le photovoltaïque, sur la biomasse ; partout, on se déchire ; des profits éhontés sont faits, des paysages, dévastés, des modèles agricoles, déformés. La planification, la concertation, la capacité d’une gestion holistique des ENR dans les écosystèmes économiques et écologiques de l’agriculture, des sols, des paysages, voilà un bon projet pour le prochain quinquennat.

Êtes-vous convaincue qu’une gestion intégrée, économique et écologique, peut produire de tels résultats ? C’est bien la concertation, l’organisation, la puissance publique, et non le marché, qui peuvent réguler cela.

Enfin, peut-on tirer des leçons de la CNR pour d’autres fleuves ? Pour la Moselle, nous pourrions, comme pour le Rhône, penser à une gestion unifiée, combinant énergie et transports. Existe-t-il des exemples d’adaptation de ce qui a été inventé pour le Rhône il y a un siècle ?

M. Patrick Mignola, rapporteur. Je remercie l’ensemble des intervenants, souvent corédacteurs, comme M. Anthony Cellier, qui a largement contribué au texte, ou Mme Marie-Noëlle Battistel, présente dès l’origine dans les discussions sur la prolongation de la concession.

Mme la présidente Panot a évoqué l’abrogation par les préfets des dispositifs d’énergie réservée. Pour des raisons de cohérence, puisque onze départements sont concernés, il a été décidé que les préfets attribuaient l’énergie réservée, au lieu des conseils départementaux, comme le voudrait le code de l’énergie. Il a fallu donc écrire dans la loi que les préfets pouvaient également abroger les décisions d’attribution d’énergie réservée accordées antérieurement par l’État.

Vous demandez si cela serait de nature à réduire le montant des énergies réservées. Les dispositions du cahier des charges montrent que tel n’est pas le cas. Certes, le document peut être modifié, mais il sera désormais inscrit dans la loi : toute modification conduirait à une consultation très large, à la fois de l’État et des comités de suivi. Il y a donc peu de risque que ces conditions soient réunies.

J’ai néanmoins posé la question en votre nom à la présidente du directoire et au président du conseil de surveillance de CNR : jusqu’en 2041, les plans pluriannuels quinquennaux correspondants maintiendront un niveau d’énergie réservée à hauteur de 10 %. La question est fondamentale car elle concerne environ 300 bénéficiaires, en particulier dans le monde agricole.

De la même façon, il n’y a pas de risque que la part de la redevance de l’État, de 24 %, baisse, dans la mesure où les investissements – trois tranches d’environ 160 millions d’euros, soit 500 millions jusqu’en 2041 – conduiront à une production supplémentaire d’électricité, par l’optimisation des installations existantes ou par la création d’ouvrages nouveaux.

En théorie, il existe un risque que la redevance, qui est proportionnelle, diminue, du fait du risque de réduction du débit d’étiage du Rhône de 10 % à 40 %, compte tenu du réchauffement climatique. Une première étude, menée par l’agence de l’eau, est en cours d’actualisation. Avec nos ressources, notamment l’eau stockée par l’irrigation agricole, ainsi que la capacité à activer le pompage et le stockage, la production d’électricité hydroélectrique devrait se maintenir au niveau actuel.

Le dernier élément qui nous préserve d’une baisse de la redevance à l’État est le droit européen auquel nous devons nous conformer : dans le cadre de la prolongation de la concession, CNR ne peut profiter d’un avantage indu. Toute production additionnelle entraînant un chiffre d’affaires et une valeur ajoutée supplémentaires a donc vocation à être redistribuée.

S’agissant de la navigation, un domaine où le cahier des charges est très précis, des investissements sont bien prévus au sein de l’enveloppe de 500 millions d’euros pour améliorer la navigabilité du fleuve – M. Anthony Cellier y a fait référence. Ils devraient permettre une augmentation de la navigation de 20 % à 60 %, en particulier pour le transport de marchandises.

Je remercie le président Chassaigne d’avoir souligné que l’ensemble des organisations syndicales soutiennent le texte : elles ont en effet été parties prenantes de son élaboration ainsi que de celle des plans quinquennaux à venir. Il a aussi évoqué les trois missions de CNR, qu’il est hors de question de démanteler. C’est en effet l’intuition qui fut celle de nos prédécesseurs de réunir ces trois missions, ce qui préserve aujourd’hui notre capacité hydroélectrique, fournie à hauteur d’un quart par la CNR – les autres modes de production hydroélectrique n’offrant pas les mêmes missions d’intérêt général ni la préservation, hormis par le bras de fer que nous assumons depuis douze ans avec l’Union européenne, de l’intégralité de la souveraineté nationale.

Mme Olga Givernet n’a pas eu le temps d’évoquer les ouvrages à contreforts du Rhône, qu’il faut renaturer, mais j’ai posé la question en son nom : la présidente de CNR m’a bien confirmé que les nouvelles politiques de biodiversité figurant dans le schéma directeur prévoient de tels investissements.

Monsieur Orphelin, je suis en désaccord avec ce qui a été dit à propos de la concertation. Conduite sur une durée de neuf ans, celle-ci a permis de consulter les personnes publiques concernées, l’ensemble des collectivités, les salariés, les acteurs économiques et non économiques, les associations. On a fait appel à la CNDP : le garant désigné par celle-ci a émis des observations, auxquelles l’État a réagi, puis a été saisi une deuxième fois. Si toutes les concessions et tous les projets faisaient l’objet d’une telle concertation, notre pays serait exemplaire !

Certains acteurs – vous-même peut-être – auraient sans doute souhaité que cette concertation conduise à annuler ou à modifier substantiellement le projet de barrage à Saint‑Romain-de-Jalionas. Or il n’y a pas à choisir entre l’optimisation des installations existantes et la création d’ouvrages nouveaux. CNR optimise depuis longtemps ses équipements et a l’intention de continuer à le faire : d’après ses plans quinquennaux à venir, elle contribuera à hauteur de 20 % à la réalisation des objectifs en question de la PPE. Les travaux envisagés sur le site de Montélimar doivent déboucher sur une augmentation de 7 % de l’énergie produite.

La décision de réaliser ou non un nouveau barrage à Saint-Romain-de-Jalionas n’est pas prise. Le projet fait l’objet d’une concertation aussi large que possible, qui n’en est qu’à ses débuts. Notre collègue Cendra Motin a d’ailleurs demandé que les principes de cette concertation soient définis plus précisément dans la loi. La CNDP sera saisie et désignera un garant. Je souligne néanmoins que, si le projet n’est pas réalisé, CNR ne pourra pas atteindre les objectifs que l’État et la Représentation nationale lui ont fixés dans la PPE, nonobstant tous les efforts qu’elle pourra déployer en matière d’optimisation des équipements existants.

Monsieur Potier, il existe un certain nombre d’outils de partage de la valeur au profit des salariés de CNR, notamment des dispositifs de rémunération variable, mais je n’en connais pas le détail. J’interrogerai CNR et transmettrai la réponse au président de la commission. S’agissant de la valeur ajoutée dégagée après rémunération des salariés, elle a été répartie, sur les neuf dernières années, de la manière suivante : 76 % sont revenus à l’État au titre d’impositions, de dépenses prévues par le schéma directeur et de dividendes ; 10 % ont été réinvestis dans les actifs de CNR ; 14 % ont été versés sous forme de dividendes aux autres actionnaires de CNR, dont 5,5 % à la CDC. Ainsi, 81 % de la valeur ajoutée après rémunération des salariés a été distribuée.

Il s’agit donc d’un système exemplaire, qui à ma connaissance n’a pas été repris pour d’autres ouvrages mais dont nous pourrions nous inspirer, et pas seulement pour les fleuves. Je le dis car Mme la secrétaire d’État ne pourra peut-être pas le formuler de manière aussi explicite : s’il fallait protéger les barrages, nous pourrions mettre en avant certaines missions d’intérêt général – cela rejoint d’ailleurs les propos de la présidente Panot et de plusieurs d’entre vous. En effet, grâce à la valeur ajoutée dégagée par les barrages, CNR fait beaucoup, en amont et en aval de ceux-ci, pour conforter l’agriculture, les espaces naturels et la biodiversité. Elle intervient directement pour soutenir des projets des collectivités locales, notamment de renaturation. Elle participe ainsi directement à la transition énergétique et indirectement à la transition écologique.

Nous pourrions définir des missions d’intérêt général pour les autres barrages, si ce n’est les inscrire dans les statuts d’EDF. CNR nous montre une voie qui nous permettrait de sortir du bras de fer et de trouver une solution plus durable au regard des règles du droit européen de la concurrence.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je confirme, Madame Panot, que le volume global des énergies réservées sera maintenu. Les énergies non utilisées ont vocation à être redistribuées.

Il ne me semble pas nécessaire de rouvrir ce soir le débat sur le projet Hercule, mais je tiens à signaler que, dans ses échanges avec la Commission européenne, le Gouvernement exerce sa vigilance quant à une éventuelle mise en concurrence. Nous nous rejoignons sur ce point.

Monsieur Orphelin, vous dénoncez une faible implication du ministère de la transition écologique dans le débat, alors qu’il en a été à l’origine et y a largement participé. La direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) compétente a été présente à toutes les réunions, et la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) à un grand nombre d’entre elles, à Vienne comme à Lyon. Le débat, très riche, s’est étalé sur plusieurs années. Nous avons répondu aux interpellations formulées, la CNDP étant dans son rôle lorsqu’elle nous a alertés sur le déroulement du débat public.

Le projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas fera l’objet d’un examen attentif. Bien évidemment, il ne sera réalisé que si les études de faisabilité sont conclusives, et seulement dans un second temps, des investissements lourds devant d’abord être réalisés dans les infrastructures existantes afin d’augmenter les puissances installées.

Conformément à une disposition introduite, à juste titre, dans la proposition de loi, lesdites études de faisabilité et un état annuel de l’avancement du projet seront présentés au comité de suivi de l’exécution de la concession. Toutes les parties intéressées pourront ainsi prendre part à la réflexion. C’est également le cas de la Représentation nationale, puisque des députés et des sénateurs seront invités à rejoindre le comité de suivi. Nous disposerons ainsi du cadre nécessaire pour envisager la réalisation éventuelle – j’insiste sur ce dernier mot – de cette infrastructure nouvelle.

Monsieur Potier, la question du partage de la valeur entre capital et salariés n’est l’objet ni de la proposition de loi, ni de la concession. En cas de prix élevé, l’État capte les surbénéfices, ce qui est conforme à l’intérêt général. Nous sommes vigilants sur ce point.

Nous avons un défi passionnant à relever : construire un équilibre entre les différentes énergies – notamment les éoliennes, le photovoltaïque au sol, les nouveaux équipements de biométhane – compte tenu de leur impact environnemental. Nous connaissons désormais l’importance de la biodiversité dans la réflexion climatique et, à l’inverse, le poids du dérèglement climatique dans l’érosion de la biodiversité. Bien évidemment, il faut également tenir compte des impacts sociaux : on ne saurait imaginer une transition qui ne soit pas juste ; loin de la subir, nos concitoyens doivent tous pouvoir s’engager dans cette transition. À cet égard, je crois profondément aux projets d’énergie citoyenne, qui permettent une telle implication et auxquelles tous les acteurs peuvent trouver un intérêt, notamment les agriculteurs, qui perçoivent de nouveaux revenus liés à la production d’énergie.

Pour fixer les enjeux et déterminer les équilibres, un débat doit avoir lieu, notamment sur la part du nucléaire dans notre mix énergétique au regard de l’urgence climatique.

La commission en vient à l’examen des articles de la proposition de loi.

 

Avant l’article 1er

 

 

Amendement CE9 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Dans la loi de 1921, trois objectifs avaient été fixés pour l’aménagement du Rhône : l’utilisation de la puissance hydraulique, la navigation, l’irrigation, l’assainissement et les autres emplois agricoles. Par cet amendement, nous proposons d’en ajouter un quatrième : la préservation de la biodiversité et la prise en compte des effets du changement climatique – plusieurs d’entre nous ont notamment évoqué la variation du débit du fleuve. Mme la secrétaire d’État vient de rappeler nos grands objectifs en matière de climat et de biodiversité.

M. Patrick Mignola, rapporteur. L’intention est évidemment louable. Toutefois, la présente proposition de loi vise non pas à renouveler la concession, mais à la prolonger. Or, si nous ajoutons un quatrième objectif, l’opération s’apparentera à un renouvellement, ce qui fragilisera le texte. Cela ouvrira la voie à des contentieux, immédiats ou ultérieurs, et relancera le débat sur l’ouverture à la concurrence. Il ne faut en aucune manière laisser penser qu’il s’agit d’un renouvellement. Avis défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je suis bien évidemment très attachée à la préservation des écosystèmes, laquelle figure en bonne place non seulement dans les objectifs généraux de notre politique environnementale, mais aussi dans les textes et dans l’encadrement des projets. En l’espèce, cet objectif est induit, et il ne nous semble pas nécessaire de l’ajouter explicitement, car cela introduirait effectivement une fragilité juridique. Une telle modification substantielle du cadre de la concession n’est pas du tout souhaitable : elle nous exposerait à un risque de contentieux non négligeable et nous fragiliserait vis-à-vis de la Commission européenne dans la négociation sur la prolongation de la concession. Je vous invite à retirer l’amendement.

M. Matthieu Orphelin. Je félicite le Gouvernement d’avoir choisi de prolonger la concession, de ne pas ouvrir les barrages à la concurrence, et d’avoir trouvé sur ce point un terrain d’entente avec l’Europe. Je ne voudrais pas remettre en cause, par un modeste amendement parlementaire, un équilibre qui nous préserve des contentieux.

L’amendement est retiré.

 

TITRE IER
DATE D’ÉCHÉANCE de LA CONCESSION gÉnÉralE DU RHÔNE
À la compagnie nationale du rhÔne

 

Article 1er (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921 approuvant le programme des travaux d’aménagement du Rhône, de la frontière suisse à la mer, au triple point de vue des forces motrices, de la navigation et des irrigations et autres utilisations agricoles, et créant les ressources financières correspondantes) : Prolongation de la concession du Rhône jusqu’au 31 décembre 2041

 

La commission adopte l’article 1er non modifié.

 

 

TITRE II
Cahier des charges gÉnÉral
de la compagnie nationale du rhÔne

 

Article 2 (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921) : Annexion du cahier des charges à la loi de 1921

 

La commission adopte l’article 2 non modifié.

 

 

Article 3, (procédure de législation en commission) (article 2 de la loi du 27 mai 1921) : Ajout du schéma directeur au cahier des charges général, rôle et composition du comité de suivi de l’exécution de la concession et possibilité de modifier le CCG par voie réglementaire

 

 

Amendement CE8 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Il vise à fixer dans la loi la composition du comité de suivi de l’exécution de la concession. Il s’agit d’associer l’ensemble des parties prenantes, notamment les élus, de sorte que ce soit un véritable comité de suivi, non une simple chambre d’enregistrement, comme certains l’ont déploré dans le passé.

M. Patrick Mignola, rapporteur. Le comité de suivi est constitué de trois commissions, compétentes chacune pour un sous-territoire : Haut-Rhône, Rhône moyen, Rhône aval. Il faut laisser aux préfets la possibilité de modifier périodiquement leur composition, en fonction des enjeux et des acteurs, plutôt que la fixer dans la loi, au demeurant centenaire. De même, il faut faire confiance au terrain en ce qui concerne la fréquence des réunions, point qui ne relève probablement pas de la loi.

Surtout, imposer un avis conforme du comité de suivi nous exposerait là encore à un risque de contentieux. Les commissions ayant vocation à être aussi représentatives que possible, le refus de délibérer de l’un des acteurs, pour une raison ou une autre, pourrait ralentir, voire empêcher la réalisation des investissements. Or, après neuf ans de discussions consacrées à la prolongation de la concession, les projets sont prêts. Compte tenu de l’urgence de la transition énergétique, nous ne pouvons pas nous permettre un ralentissement supplémentaire.

Je vous invite à retirer l’amendement, sans quoi mon avis sera défavorable.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. En précisant dans la loi la composition du comité de suivi, nous le rigidifierions. Il faut conserver de la souplesse. Les différentes parties prenantes sont déjà en mesure d’exprimer leur position. Les organisations syndicales et les riverains, en particulier, sont représentés dans le comité de suivi.

Il revient à l’autorité concédante d’approuver les plans pluriannuels quinquennaux et de s’assurer du respect de l’ensemble des prescriptions du cahier des charges. Si l’on exige un avis conforme du comité de suivi sur ces plans, on risque de brouiller les responsabilités et de créer des situations de blocage, ce qui n’est évidemment pas souhaitable.

J’émets donc un avis défavorable.

M. Matthieu Orphelin. Je maintiens l’amendement. Il faut que vous entendiez ce qu’en pensent les acteurs locaux, par exemple l’association France Nature Environnement Auvergne-Rhône-Alpes : « derrière de belles phrases creuses, ce comité est confiné dans son rôle actuel de chambre d’enregistrement, sans autre pouvoir que celui d’être le spectateur impuissant convié, lors d’une grande messe annuelle, à prendre acte des décisions prises ailleurs ». Il ne suffit pas de mettre tous les acteurs autour de la table une fois par an !

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE10 du rapporteur.

 

Elle adopte l’article 3 modifié.

 

 

Article 4 (procédure de législation en commission) : Adoption du CCG et du schéma directeur

 

 

Amendement CE6 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Le projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas suscite plusieurs interrogations. Je n’ai rien contre les grands projets, mais je souhaite alerter le Parlement et le Gouvernement à ce sujet.

Ce nouveau barrage coûterait environ 200 millions d’euros, ce qui n’est pas rien. Je relève à cet égard que le texte n’est pas accompagné d’une étude d’impact, puisqu’il s’agit d’une proposition de loi – petite astuce bien utile. À quelques kilomètres du site envisagé, on trouve trois zones classées Natura 2000, la centrale nucléaire du Bugey et, en aval, le confluent de l’Ain. L’agence de l’eau a signalé les problèmes que posera nécessairement un barrage à cet endroit : en amont, les confluences, les affluents et les zones Natura 2000 seront ennoyés, ce qui non seulement modifiera le contact entre les espèces et le Rhône, mais aura aussi des effets sur l’agriculture ; en aval, il y aura également un impact, puisque le barrage retiendra les sédiments tout en réduisant le débit, alors que l’Ain charrie une grande quantité de matériaux.

J’ai bien compris que des études seront lancées prochainement et que, de votre point de vue, la réalisation de nouveaux projets et la modernisation des ouvrages existants, loin de s’opposer, doivent être menées à bien en même temps. Néanmoins, je préférerais que l’on prévoie, dans le cahier des charges, des alternatives à ce projet.

M. Patrick Mignola, rapporteur. La rédaction du cahier des charges est très prudente à propos du projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas. À ce stade, le projet n’est pas engagé. Il devra faire l’objet d’une concertation, qui définira les conditions de son éventuelle réalisation, dans le respect de l’ensemble des contraintes que vous avez évoquées. Selon moi, le législateur n’a pas à préjuger de l’issue de cette concertation.

Nous ne disposons pas d’une étude d’impact, mais je rappelle les chiffres que j’ai donnés : CNR doit contribuer à hauteur de 20 % à la réalisation des objectifs de la PPE, dont 12 % grâce à l’optimisation de ses installations ; les travaux sur le site de Montélimar doivent permettre une augmentation de 7 % de l’énergie produite. J’ajoute que les six petites centrales hydroélectriques en projet visent à augmenter de 1,6 % la production hydroélectrique sur le Rhône.

Si l’on touchait au cahier des charges, ne serait-ce qu’à une virgule, il faudrait – et c’est normal – reprendre tout le cycle de concertation dont il a fait l’objet. Or il a duré neuf ans. Je suis donc obligé d’émettre un avis défavorable sur l’amendement, si vous ne le retirez pas.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Je le répète, la décision de réaliser ou non cet ouvrage n’est pas prise à ce stade. Le cahier des charges prévoit la réalisation des études, la concertation avec le public, ainsi que la réallocation des investissements dans le cas où il ne serait pas construit. Supprimer sa mention du cahier des charges reviendrait à empêcher sa réalisation. Nous disposons du cadre nécessaire au déroulement de la réflexion. Il ne faut pas retarder la prolongation de la concession, qui repose sur un équilibre économique déterminé. Une modification aussi substantielle du cahier des charges introduirait une fragilité évidente. Mon avis est défavorable.

M. Anthony Cellier. Vous êtes comme moi convaincu, Monsieur Orphelin, que la transition énergétique est un impératif. En la matière, notre pays est à la veille d’un rendez‑vous historique : il s’agit d’engager, pour les trente ou quarante années à venir, le développement de nouvelles énergies compatibles avec les enjeux climatiques. Or, pour répondre aux attentes, d’après les scénarios de RTE (Réseau de transport d’électricité), nous aurons besoin du nucléaire, de l’éolien, du photovoltaïque et de l’hydroélectrique. Il va donc falloir à un moment donné que chacun clarifie ses positions et prenne ses responsabilités, y compris sur ce projet de barrage à Saint-Romain-de-Jalionas – une hypothèse de travail qui n’en est, à ce stade, qu’à la phase des études.

M. Matthieu Orphelin. C’est une petite provocation, Monsieur Cellier, mais je ne vous en tiens pas rigueur. Outre les enjeux climatiques et énergétiques, il y a la préservation de la biodiversité. Or le barrage serait construit sur une des parties non domestiquées du Rhône – il en reste 20 %. Que cela vous plaise ou non, il faut tenir compte de tous les impacts.

Quant aux objectifs de la PPE, ils ne justifient pas que l’on fasse tout et n’importe quoi ! Rappelons d’ailleurs que la puissance installée des dix-neuf barrages hydroélectriques sur le Rhône s’élève à 3 000 mégawatts. Celle du barrage de Saint-Romain-de-Jalionas serait de 40 mégawatts, soit 1,3 % de l’ensemble : que l’on ne nous fasse pas croire que l’atteinte des objectifs de la PPE dépend de ce projet !

Je ne suis pas opposé à ce projet, qui mérite d’être étudié. Mais s’il s’agit de le réaliser sans prendre en considération tous les impacts, comme semble l’envisager M. Cellier, je ne suis pas d’accord.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article 4 et les documents annexés non modifiés.

 

 

TITRE III
ÉNERGIES RÉSERVÉES

 

Article 5 (procédure de législation en commission) (articles 2-1 [nouveau] et 3 de la loi du 27 mai 1921) : Compétence du représentant de l’État dans le département pour la rétrocession des réserves en énergie aux bénéficiaires

 

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE11 du rapporteur.

 

Elle adopte l’article 5 modifié.

 

 

TITRE IV
ComptabilitÉ et titres d’occupation du domaine public

 

Article 6 (procédure de législation en commission) (articles 1er et 4 bis [nouveau] de la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône) : Règles comptables et délivrance de titres d’occupation du domaine public par la CNR

 

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 

 

Article 7 (procédure de législation en commission) : Gage financier

 

 

Amendement de suppression CE1 du Gouvernement.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Il tend à supprimer le gage. Le Gouvernement manifeste ainsi son total soutien tant à la prolongation de la concession qu’à la présente proposition de loi.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 7 est supprimé.

 

 

Titre

 

Amendement CE7 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. C’est un amendement feel-good ! Il vise à modifier le titre pour y faire apparaître des mots qui nous sont chers à toutes et tous : « adaptation au changement climatique » et « préservation de la biodiversité ». Son adoption montrerait que nous avons amélioré le texte en commission, sachant que celui-ci nous sera soumis dans l’hémicycle selon la procédure de législation en commission.

M. Patrick Mignola, rapporteur. J’aurais vraiment aimé vous être agréable, Monsieur Orphelin, d’autant que vous vous êtes donné du mal en déposant quatre amendements, mais je suis contraint de donner là encore un avis défavorable. Vous proposez de remplacer « aménagement du Rhône », qui est un titre générique, par « maintien des usages du Rhône ». Or il faudrait plutôt parler de « développement des usages ».

M. Matthieu Orphelin. Vous pouvez sous-amender !

M. Patrick Mignola, rapporteur. J’y ai pensé, mais vous souhaitez en outre mentionner la préservation de la biodiversité sans rappeler les trois missions principales qui légitiment la prolongation de la concession. Du reste, si l’on rappelait ces trois missions en y ajoutant la préservation de la biodiversité, on retomberait sur la difficulté que nous avons évoquée à l’article 1er : ce serait une modification substantielle de l’objet même de la concession, qu’il ne s’agirait plus de prolonger mais de renouveler.

Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État. Nous ne saurions en effet être exhaustifs dans le titre, car cela nous exposerait à une fragilité juridique. J’émets moi aussi un avis défavorable, mais vous connaissez notre attachement aux notions d’adaptation au changement climatique et de préservation de la biodiversité.

M. Matthieu Orphelin. On nous oppose toujours l’un de ces trois arguments : « cela coûte trop cher », « ce n’est pas tenable juridiquement » ou « ce n’est pas compatible avec le droit européen ». Néanmoins, nos débats de ce soir, notamment sur le nouveau projet de barrage, auront été utiles pour les prochains mois et les prochaines années.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

Mme Sophie Mourlon, directrice de l’énergie

M. Nicolas Clausset, sous-directeur chargé des systèmes électriques et des énergies renouvelables

Compagnie nationale du Rhône (CNR) *

Mme Laurence Borie-Bancel, présidente du directoire et présidente‑directrice générale

M. Serge Bergamelli, président du conseil de surveillance

M. Thomas San Marco, délégué général

M. Philippe Magherini, directeur juridique, éthique et assurances

M. Pierre Meffre, directeur de la valorisation portuaire et des missions d’intérêt général

Mme Bernadette Laclais, responsable affaires institutionnelles, territoriales et suivi grands comptes

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


([1]) Dont 290 km sont situés sur le territoire suisse.

([2]) Décret n° 2003‑513 du 16 juin 2003 approuvant le huitième avenant à la convention de concession générale passée le 20 décembre 1933 entre l’État et la Compagnie nationale du Rhône et modifiant le décret n° 96‑1058 du 2 décembre 1996 relatif à la délivrance des titres d’occupation du domaine public de l’État

([3]) En application de l’article 13 de la Constitution, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale a entendu le 3 novembre 2021 Mme Laurence Borie‑Bancel, dont la nomination était proposée par le Président de la République dans les fonctions de présidente du directoire de CNR. À l’issue d’un vote favorable de la commission et de la commission des affaires économiques du Sénat, Mme Borie‑Bancel a été nommée auxdites fonctions (décret du 17 décembre 2021).

([4]) Ces trois objectifs sont la gestion équilibrée de la ressource en eau et des milieux aquatiques, la prévention et la correction des atteintes portées à l’environnement liées aux différents ouvrages exploités et enfin « la gestion, dans le cadre d’une politique de développement durable, des espaces, ressources et milieux naturels et des sites et paysages faisant partie du domaine concédé ».

([5]) Article 21 du cahier des charges général de la concession en vigueur.

([6]) https://www.prolongation-rhone.fr/

([7]) Directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 sur l’attribution des contrats de concession.

([8]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2020 du compte de commerce 914 « Renouvellement des concessions hydroélectriques ».

([9]) Article L. 521‑4 du code de l’énergie.

([10]) Articles L. 521‑16‑1 et L. 521‑16‑2 du code de l’énergie.

([11]) Article L. 521‑18 du code de l’énergie.

([12]) Décision C(2014)7850 final du 28 octobre 2014 sur l’aide d’État SA.2014/N 38271 – France (Plan de relance autoroutier) et décision (UE)2017/1592 de la Commission du 15 mai 2017 concernant la mesure SA.35429 – Portugal (prolongation de l’utilisation des ressources hydrauliques publiques pour la production hydroélectrique).

([13]) Décret n° 2003-513 du 16 juin 2003 approuvant le huitième avenant à la convention de concession générale passée le 20 décembre 1933 entre l’État et la Compagnie nationale du Rhône et modifiant le décret n° 96-1058 du 2 décembre 1996 relatif à la délivrance des titres d’occupation du domaine public de l’État

([14]) Article 1er du décret n° 59-771 du 26 juin 1959 relatif à l’organisation et au fonctionnement de la Compagnie nationale du Rhône.

([15]) Le montant n’est pas précisé dans le cahier des charges mais a été fourni par les services de la DGEC à votre rapporteur.

([16])  I du schéma directeur 2003-202 » annexé au cahier des charges général de la concession de CNR.

([17]) Voir notamment la réponse à la question écrite sénatoriale n° 01276 de M. Hubert Haenel, publiée au JO Sénat du 3 novembre 1988 : https://www.senat.fr/questions/base/1988/qSEQ880801276.html

([18])  Articles L. 111-84 et suivants du code de l’énergie