N° 4921

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 19 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

relative au choix du nom issu de la filiation

 

PAR M. Patrick VIGNAL
Député

——

 

 

 

Voir le numéro : 4853.

 


– 1 –

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos.............................................. 5

Examen des articles de La proposition de loi

Article 1er (art. 225-1 et 311-24-2 [nouveau] du code civil et art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs) Codification du nom d’usage à raison de la filiation et ouverture dans ce cadre du choix de la substitution de nom

Article 2 (art. 61-3-1 du code civil) Création d’une procédure simplifiée de changement de nom parmi les noms issus de la filiation

Article 3 (art. 60 du code civil) Consentement des majeurs protégés à leur changement de prénom

Article 4 Entrée en vigueur de la proposition de loi

Compte rendu des débats

LISTE DES PERSONNES ENTENDUEs


– 1 –

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi vise à faciliter la faculté, pour toute personne, de porter le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas été transmis à la naissance, qu’il s’agisse de le faire par le nom d’usage ou par le nom de famille.

L’article 1er porte sur le nom d’usage. Le nom d’usage, c’est le nom de la vie quotidienne. C’est le nom qu’une personne a le droit d’utiliser dans sa vie sociale, dans ses rapports avec l’administration, dans ses relations professionnelles. Ce nom n’est pas inscrit à l’état civil et ne se transmet pas aux enfants.

L’article 1er de la proposition de loi l’utilisation du nom d’usage à raison de la filiation, qui résulte de la loi n° 85‑1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs. Son inscription dans le code civil est de nature à en faciliter l’accessibilité et à simplifier au quotidien la vie du parent qui n’a pas transmis son nom et qui se voit régulièrement sommé d’apporter la preuve de sa parentalité en produisant le livret de famille. Cet article 1er permet en outre de procéder par substitution dans le cadre du nom d’usage à raison de la filiation.

L’article 2 porte quant à lui sur le nom de famille. Il s’agit du nom inscrit à l’état civil, qui se transmet aux enfants, et qui identifie, en principe, un individu de sa naissance jusqu’à sa mort.

Toutefois, il est des situations dans lesquelles des personnes éprouvent l’impérieux besoin de changer ce nom. Elles peuvent actuellement le faire sur le fondement d’une procédure administrative inscrite à l’article 61 du code civil.

Cette procédure consiste, après publication au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales de la volonté de changement de nom, en la saisine du ministre de la justice précisant le nom demandé et l’intérêt légitime sous-tendant la demande. L’instruction de ces dossiers par le ministère de la justice, qui dure environ deux ans, aboutit, en cas de décision favorable, à la publication d’un décret de changement de nom.

3 000 personnes en moyenne demandent chaque année à changer de nom. Elles le font pour des raisons diverses : parce qu’elles portent un nom ridicule ou difficilement prononçable, pour franciser leur nom, pour empêcher l’extinction d’un nom ou relever celui d’un illustre ancêtre, ou encore pour consacrer une possession d’état.

Elles le font aussi parfois pour des raisons dramatiques : pour effacer le nom d’un parent incestueux, violent ou délaissant, dont le nom, qui leur a été transmis à la naissance, les ramène inexorablement au traumatisme d’un passé qui les empêche de se reconstruire.

Pendant longtemps, ces motifs affectifs n’étaient pas au nombre de ceux pouvant justifier un changement de nom. Il fallut attendre l’année 2014 pour que le Conseil d’État décide qu’ils puissent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l’intérêt légitime requis par l’article 61 du code civil.

En dépit de cette évolution, il est apparu pour le moins anachronique d’opposer à ces situations individuelles éminemment douloureuses une procédure aussi longue et incertaine, puisque soumise à l’appréciation de ces motifs affectifs, qui relèvent pourtant de l’intime.

C’est pour cette raison que l’article 2 instaure une procédure simplifiée de changement de nom. Celle-ci permettra à tout individu majeur, une unique fois au cours de sa vie d’adulte, d’obtenir le changement de son nom afin d’y ajouter ou d’y substituer le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas été transmis.

La procédure simplifiée ne permet donc pas de choisir un nom fantaisiste. Elle demeure inscrite dans le cadre familial. C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de notre collègue Aude Luquet, et avec l’avis favorable du rapporteur, le titre de la proposition de loi a été modifié par la Commission, afin de préciser qu’il ne s’agit bien que du choix du nom issu de la filiation.

La commission des Lois a également adopté des amendements qui précisent, d’une part, que la faculté de modifier le nom d’usage d’un mineur n’appartient qu’aux seuls parents titulaires de l’exercice de l’autorité parentale et, d’autre part, que la demande de changement de nom de famille peut également être déposée auprès de l’officier de l’état civil du lieu de résidence du demandeur.

 

 


   Examen des articles de La proposition de loi

Article 1er
(art. 225-1 et 311-24-2 [nouveau] du code civil et art. 43 de la loi n° 85-1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs)
Codification du nom d’usage à raison de la filiation et ouverture dans ce cadre du choix de la substitution de nom

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article modifie l’article 225‑1 du code civil pour préciser que la possibilité pour chacun des époux de porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, s’opère dans la limite d’un nom de famille pour chacun des époux. Il codifie dans le code civil le nom d’usage à raison de la filiation, et ouvre à toute personne majeure la possibilité de porter en nom d’usage le nom du parent qui n’a pas transmis son nom, par substitution à son propre nom.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2013‑404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe a créé un article 225-1 du code civil consacrant le nom d’usage à raison du mariage.

1.   L’état du droit

L’article 1er porte sur le seul nom d’usage, qu’il convient de distinguer du nom de famille, auparavant appelé « nom patronymique ».

Le nom de famille d’un individu est celui qui lui a été transmis selon les règles propres à chaque filiation, qui est inscrit sur son acte de naissance. C’est le nom connu à l’état civil, qui permet, sauf procédure de changement de nom, d’identifier une personne de sa naissance jusqu’à sa mort. Seul le nom de famille se transmet à la descendance.

Au contraire, le nom d’usage ne se transmet pas. Il n’est pas inscrit à l’état civil. C’est le nom de la vie quotidienne ou utilisé dans les rapports avec l’administration, qu’une personne est autorisée à porter en raison du lien juridique qui la relie au titulaire de ce nom, qui est son conjoint ou son ascendant. Ce nom peut être inscrit sur les papiers d’identité, mais il apparaît dans ce cas en dessous du nom de famille, et la mention « nom d’usage » le précède.

En principe, seul celui qui est titulaire d’un nom dispose du droit d’en user personnellement. Comme le souligne Catherine Marie, « celui qui est titulaire d’un nom a deux prérogatives complémentaires : le droit d’user personnellement de ce nom, et le droit d’en interdire l’usage ou l’utilisation aux tiers » ([1]). Deux tempéraments à ce principe se trouvent dans l’utilisation du nom d’usage à raison du mariage ou de la filiation.

D’origine coutumière, l’emploi du nom d’usage entre époux a été   précisé dans une circulaire ministérielle du 26 juin 1986 ([2]). Pendant longtemps, les règles qui gouvernaient l’utilisation du nom d’usage entre époux n’étaient évoquées qu’incidemment dans le code civil, au travers des règles en matière de divorce. Dès 1976, l’article 264 du code civil indique ainsi qu’à la suite du divorce, chacun des époux reprend l’usage de son nom.

La circulaire précitée prévoyait des modalités distinctes d’emploi du nom d’usage entre les époux. Ainsi, si la femme mariée pouvait user du nom de son conjoint par adjonction ou substitution à son nom de famille, l’homme marié ne pouvait procéder qu’à la seule adjonction du nom de famille de sa femme. La modification des règles de dévolution du nom de famille avec l’ouverture, à partir de 2005, de la possibilité d’attribuer aux enfants les deux noms des parents accolés dans un ordre choisi par eux, et dans la limite d’un nom de famille pour chacun d’eux, rend problématique cette différenciation du droit d’usage entre les époux. De même, la loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce supprima, à l’article 264 du code civil, la distinction selon la situation des époux. Ainsi, si de 1976 à 2004 cet article précisait que la femme pouvait conserver l’usage du nom du mari « soit avec l’accord de celui-ci, soit avec l’autorisation du juge, si elle justifie qu’un intérêt particulier s’y attache », l’article 264 du code civil offre désormais cette possibilité aux deux époux.

Ces discordances ont conduit le législateur à se saisir de l’opportunité du vote de la loi n° 2013‑404 du 17 mai 2013 ouvrant le mariage aux couples de même sexe pour élever au rang législatif les règles applicables en matière de nom d’usage entre époux.

L’article 225-1 du code civil précise ainsi que les époux peuvent porter, à titre d’usage, le nom de l’autre époux, par substitution ou adjonction à son propre nom dans l’ordre qu’il choisit.

Le nom d’usage à raison de la filiation est quant à lui consacré à l’article 43 de la loi n° 85‑1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs. Il prévoit que toute personne majeure peut ajouter à son nom, à titre d’usage, le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis le sien. Il ouvre également cette possibilité aux enfants mineurs, étant précisé qu’en pareille circonstance, cette faculté doit être mise en œuvre par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 1er modifie le régime de l’utilisation du nom d’usage entre époux et le nom d’usage des enfants.

i.   La précision des choix possibles en matière de nom d’usage à raison du mariage

S’agissant du nom d’usage à raison du mariage, il complète l’article 225-1 du code civil afin de préciser que lorsqu’un époux choisit de porter à titre d’usage le nom de l’autre époux en adjonction à son propre nom, l’adjonction se fait dans la limite d’un nom de famille pour chacun des époux. Cette modification permet d’aligner ce régime avec celui qui prévaut actuellement en matière de dévolution du nom de famille, la transmission du nom des deux parents accolés étant elle-même limitée au choix d’un seul nom par parent.

ii.   La codification et l’extension du nom d’usage à raison de la filiation

S’agissant du nom d’usage à raison de la filiation, l’article 1er opère plusieurs modifications.

D’abord, il codifie cette faculté en l’inscrivant dans un nouvel article 311‑24-2 du code civil. Il abroge, en conséquence, l’article 43 de la loi n°85‑1372 précitée. Cette mesure vise à améliorer l’accessibilité de cette règle.

Ensuite, il élargit cette faculté en l’ouvrant à la substitution du nom de famille. Il met ainsi ce dispositif en cohérence avec le choix ouvert aux époux en matière de port du nom d’usage, mais aussi avec le dispositif de changement de nom de famille, dont il est question à l’article 2, qui permet la substitution du nom de famille. Il apparaissait quelque peu incohérent que la substitution, permise pour le changement de nom de famille, transmissible et inscrit à l’état civil, ne le soit pas en matière de nom d’usage, qui est pourtant le nom de la vie quotidienne.

L’incohérence deviendrait d’autant plus patente avec l’adoption de l’article 2 de la proposition de loi, qui permet à toute personne majeure de choisir, par substitution, le nom de famille de celui de ses parents qui ne lui a pas transmis son nom, sur la base d’une simple demande à l’officier d’état civil, et de ne pas ouvrir cette même possibilité dans le cadre du nom d’usage.

iii.   La spécificité du choix du nom d’usage des enfants mineurs

En ce qui concerne le nom d’usage des enfants mineurs, la proposition de loi précise que si l’enfant a plus de treize ans, son consentement personnel est requis.

Par ailleurs, cette faculté est mise en œuvre par les titulaires de l’exercice de l’autorité parentale. Un double consentement des parents sera donc exigé. En cas de désaccord entre les parents, le juge aux affaires familiales pourra être saisi aux fins d’apprécier si la modification du nom d’usage de l’enfant est conforme à son intérêt. En cas d’exercice unilatéral de l’autorité parentale, la modification du nom d’usage de son enfant appartiendra en revanche au seul titulaire de l’autorité parentale, sans qu’une autorisation judiciaire ne soit nécessaire.

L’article 1er vise en premier lieu à simplifier le quotidien des parents qui n’ont pas transmis leur nom à leur enfant. Votre Rapporteur a reçu d’innombrables témoignages de parents expliquant que l’absence de transmission de leur nom de famille au moment de la naissance de l’enfant – par choix réfléchi ou non au moment de la dévolution du nom de famille– rend leur vie quotidienne extrêmement compliquée. Ces parents se retrouvent contraints en permanence d’apporter la preuve de la parentalité, au seul motif que leur nom ne figure pas sur la carte d’identité de l’enfant. En effet, le parent qui n’a pas transmis son nom à ses enfants doit régulièrement produire le livret de famille dans ses relations avec l’administration, en matière de santé et d’éducation par exemple, mais aussi dans le cadre des loisirs, ou des voyages. À l’inverse, le parent qui a transmis son nom voit sa parentalité supposée au seul motif de l’identité de nom entre l’enfant et l’adulte qui l’accompagne. À l’extrême, le beau parent ayant pris le nom d’usage du parent qui a transmis son nom à l’enfant aura parfois plus de facilité à accomplir certains actes de la vie quotidienne avec l’enfant que son parent biologique qui ne lui a pas transmis son nom.

L’article 1er, par la codification qu’il opère du nom d’usage, pourrait avoir un effet positif sur la meilleure connaissance, par les parents, de cette possibilité de recourir au nom d’usage pour simplifier la vie quotidienne du parent qui n’a pas transmis son nom.

Lors des auditions qu’il a menées, votre Rapporteur a été marqué par le témoignage de Marine Gatineau Dupré, présidente du collectif Porte mon nom, qui milite pour une évolution des pratiques en matière de dévolution du nom de famille, à travers une meilleure formation des officiers de l’état civil. Elle a expliqué avoir reçu des milliers de témoignages de mères en souffrance, et a résumé la situation de ces femmes de cette manière : « la mère donne la vie, et toute sa vie, elle va devoir le prouver ».

Votre Rapporteur reconnaît que la situation concerne statistiquement majoritairement des mères, pour une raison factuelle simple : 85 % des enfants qui naissent en France reçoivent le nom de leur père à la naissance. Et ce sont précisément les parents qui ne transmettent pas leur nom qui sont susceptibles de souffrir de cette situation, qui concerne donc majoritairement les mères.

Pour autant, votre Rapporteur ne propose pas, dans ce texte, de revenir sur les modalités de dévolution du nom de famille. Il n’a pas fait le constat d’une demande sociétale en faveur d’une modification radicale du système de dévolution du nom de famille qui consisterait à imposer l’attribution du double-nom de famille aux enfants, comme cela se pratique dans certains pays tels que l’Espagne.

La Docteure en sociologie Caroline Bovar ([3])  a pu exposer à votre Rapporteur les nombreuses raisons aboutissant à ce que les parents s’emparent peu des possibilités ouvertes par la législation pour transmettre le nom des mères. Ces raisons sont diverses et ne reflètent pas nécessairement une simple méconnaissance de la législation. Elles trouvent par exemple parfois leur origine dans l’attachement à une tradition, dans la volonté de compenser le moindre rôle du père dans la mise au monde de l’enfant, ou de favoriser le père à conforter une paternité qu’il n’a pas vécue dans sa chair. Votre Rapporteur constate que de nombreux Français font un choix assumé de ne transmettre qu’un nom à leur enfant, et ne propose donc pas de revenir sur un système fondé sur le choix.

Il souligne néanmoins que, parmi les témoignages qu’il a reçus, certaines mères expriment le regret de ne pas avoir fait un choix différent, faute d’information suffisante sur les règles en matière de dévolution du nom de famille. Il apparaîtrait dès lors utile à votre Rapporteur que le Gouvernement envisage une meilleure diffusion de cette information auprès des parents, par exemple au sein des maternités.

Cette proposition de loi n’impose donc rien : elle promeut une faculté qui existe déjà s’agissant de l’adjonction du nom des deux parents pour le nom d’usage de leurs enfants.

Enfin, l’article 1er ouvre également pour les mineurs la possibilité de modifier le nom d’usage de l’enfant par substitution. L’enfant pourra ainsi porter à titre d’usage le seul nom du parent qui n’a pas transmis le sien. Cette possibilité apparaît intéressante pour les mineurs qui vivent dans des situations très difficiles de délaissement parental par le parent qui a transmis son nom ou de violences subies de sa part, au point que l’usage de ce nom, même par adjonction du nom non transmis, lui est insupportable. Actuellement la loi n’autorise que l’adjonction du nom du parent qui n’a pas transmis le sien au nom d’usage de l’enfant. La proposition de loi permettra de procéder par substitution, et de faire disparaître du nom d’usage le nom du parent bourreau, absent ou inconnu.

Dans les situations dramatiques évoquées, il est fréquent que le parent qui n’a pas transmis son nom soit le seul parent titulaire de l’exercice de l’autorité parentale. Il pourra dès lors, sans formalité particulière, sur la seule preuve de cet exercice non conjoint de l’autorité parentale, attribuer son seul nom en nom d’usage de son enfant.

En revanche, le fait que l’accord des deux parents soit nécessaire lorsqu’il y a exercice conjoint de l’autorité parentale empêchera tout contournement de cette disposition par exemple dans le cadre d’une relation conflictuelle des parents. Si les parents en sont tous les deux d’accord, la substitution pourra être opérée par l’officier de l’état civil. Dans le cas contraire, il conviendra de saisir le juge aux affaires familiales. 

3.   La position de la Commission

Outre deux amendements rédactionnels, la Commission a adopté un amendement du rapporteur précisant que la demande de nom d’usage pour les enfants mineurs ne peut être présentée que par les deux parents exerçant l’autorité parentale ou par le parent exerçant seul cette autorité. Cette formulation restrictive vise réserver l’exercice de cette faculté aux parents, à l’exclusion des personnes titulaires de l’autorité parentale sur délégation.

*

*     *

Article 2
(art. 61-3-1 du code civil)
Création d’une procédure simplifiée de changement de nom parmi les noms issus de la filiation

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article crée une procédure simplifiée de changement de nom qui permet à tout personne majeure, une fois dans sa vie, de demander à l’officier de l’état civil dépositaire de son acte de naissance de procéder à son changement de nom, par substitution ou adjonction à son propre nom de famille du nom du parent qui ne lui a pas transmis le sien.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a créé l’article 61-3-1 du code civil qui prévoit une procédure de changement de nom aux fins de mise en concordance de l'état civil français avec le nom retenu à l'état civil étranger. Sur le fondement de cet article, toute personne peut solliciter auprès de l’officier de l’état civil dépositaire de son acte de naissance son changement de nom, en vue d’obtenir le même nom que celui retenu dans son acte étranger.

1.   L’état du droit

a.   La procédure de changement de nom de l’article 61 du code civil

i.   Une procédure administrative instruite par le ministère de la justice confiée au ministre de la justice

L’article 61 du code civil ouvre une procédure administrative de changement de nom à toute personne qui justifie d’un intérêt légitime. Le changement de nom est autorisé par décret, au terme d’une procédure précisée par le décret n°94‑52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom.

La première étape, avant même le dépôt de la demande au ministère de la justice, est de faire procéder à la publication au Journal officiel de la République française une insertion comportant son identité, son adresse et, le cas échéant, celles de ses enfants mineurs concernés, ainsi que le ou les noms sollicités. Si le demandeur réside en France, il doit en outre effectuer une publication dans un journal d’annonces légales.

La demande de changement de nom est ensuite adressée au ministre de la justice. En application du décret n° 2015-1411 du 5 novembre 2015 relatif aux exceptions à l'application du droit des usagers de saisir l'administration par voie électronique, la demande de changement de nom est exclue du champ d’application de l’article L. 112-8 du code des relations entre le public et l’administration. Elle ne peut donc pas être adressée par voie électronique.

La demande doit indiquer les motifs sur lesquels elle se fonde, afin de permettre l’appréciation de l’intérêt légitime de la démarche. Elle indique le nom sollicité et, s’il y a plusieurs noms, l’ordre dans lequel le demandeur souhaite qu’ils apparaissent.

Constitution du dossier de demande de changement de nom

Le dossier de demande de changement de nom doit comprendre les pièces justificatives suivantes :

– La copie de l'acte de naissance du demandeur ;

– Le cas échéant, la copie de l'acte de naissance des enfants du demandeur âgés de moins de treize ans et de ses autres enfants mineurs pour le compte desquels la demande est présentée ;

– Le consentement personnel écrit des enfants mineurs du demandeur âgés de plus de treize ans ;

– Pour chaque personne concernée, un certificat de nationalité française ou une fiche individuelle d'état civil et de nationalité française ou la copie de la manifestation de volonté d'acquérir la nationalité française ou de la déclaration d'acquisition de la nationalité française enregistrées par le juge du tribunal judiciaire ou du décret de naturalisation ;

– Le bulletin n° 3 du casier judiciaire de la personne concernée si elle est majeure ;

– Un exemplaire des journaux contenant les insertions publiées au Journal officiel et dans un journal d’annonces légales ;

– L'autorisation du juge des tutelles lorsque l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents et que la demande est présentée par un seul d'entre eux ou, en cas d'ouverture de la tutelle, celle du conseil de famille.

Source : article 2 du décret n°94‑52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom.

La procédure, de nature administrative, ne requiert pas de représentation par avocat. Elle a néanmoins un coût en raison de l’obligation de publication d’une annonce au Journal officiel, qui s’élève à 110 €, et dans un journal d’annonces légales, dont le prix est forfaitaire et varie en fonction du type de demande ([4]).

Cette procédure s’avère par ailleurs relativement longue, puisque le délai moyen d’instruction des demandes est actuellement de deux ans.

La demande est instruite au sein de la direction des affaires civiles et du Sceau du ministère de la justice, qui exerce les attributions de la chancellerie en matière de sceau.

L’article 4 du décret n° 94‑52 précité permet en outre au ministre de la justice de demander au procureur de la République près le tribunal judiciaire du lieu de résidence de l’intéressé, ou à l’agent diplomatique ou consulaire territorialement compétent si le demandeur réside à l’étranger, de procéder à une enquête.

Lorsque la demande de changement de nom concerne les enfants mineurs, deux spécificités procédurales s’ajoutent.

D’abord, le consentement de l’enfant de plus de treize ans est exigé, en application du premier alinéa de l’article 61-3 du code civil ;

Ensuite, l’autorisation du juge des tutelles est nécessaire lorsque l'autorité parentale est exercée en commun par les deux parents et que la demande est présentée par un seul d'entre eux ([5]). D’après la Direction des affaires civiles et du Sceau, cet accord est donné dans l’écrasante majorité des cas.

Le nombre de demandes annuelles présentées au ministre de la justice est en augmentation sur la dernière décennie. Alors que la moyenne de demandes annuelles, dans les années 2010, s’établissait autour de 2 400 demandes, cette même moyenne se situe au-delà de 3000 demandes sur les cinq dernières années. La chancellerie observe une augmentation des demandes de 25 % entre 2011 et 2019.

La chancellerie considère que le taux d’accord aux demandes de changements de nom se situe entre 65 et 70 % ([6]) .

 

 

Nombre annuel de décrets autorisant le changement de nom

et de réponses positives aux demandes formulées ([7])

2017

2018

2019

2020

2021

45 décrets

soit 1215 accords 

46 décrets

soit 1242 accords

74 décrets

soit 1998 accords  

30 décrets

soit 810 accords

45 décrets

soit 1215 accords

Source : Direction des affaires civiles et du Sceau – Ministère de la Justice.

 

ii.   La question centrale de la qualification de l’« intérêt légitime » 

Tandis que la loi du 11 Germinal An XI prévoyait que « tout personne qui avait quelque raison de changer de nom devait en adresser la demande motivée au gouvernement », la procédure de changement de nom repose, depuis l’adoption de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 ([8]), sur la preuve de la poursuite d’un intérêt légitime. Or, la loi n’a jamais défini les contours de cette notion, laissant place à une certaine marge d’appréciation tant de la chancellerie que du Conseil d’État.

La typologie des motifs permettant un changement de nom a ainsi été bâtie au gré de la jurisprudence et de la pratique. Celle du Conseil d’État d’une part, qui, avant la loi du 8 janvier 1993, était obligatoirement consulté sur les demandes et qui, selon la procédure actuelle, est toujours susceptible de se prononcer en cas de recours contre un décret de changement de nom([9]). Et celle de la Direction des affaires civiles et du Sceau d’autre part, qui instruit les demandes dont est saisi le garde des Sceaux.

Comme le soulignait le rapporteur public M. Xavier Domino dans ses conclusions présentées sous l’arrêt du Conseil d’État du 31 janvier 2014 ([10]), la jurisprudence du Conseil d’État en la matière était « réputée pour son immobilisme quasi proverbial ».

Le Conseil d’État ne reconnaissait l’intérêt légitime que dans un nombre limité de situations, telles que la volonté de changer un nom ridicule, à consonance étrangère ou difficilement prononçable, le souhait d’empêcher l’extinction d’un nom ou de relever celui d’un illustre ancêtre, ou encore la volonté de consacrer une possession d’état.

Le Conseil d’État s’est en revanche longtemps refusé à retenir le motif affectif comme pouvant constituer l’intérêt légitime nécessaire à l’aboutissement de la demande de changement de nom. La jurisprudence a évolué sur ce point dès 2012, avec un arrêt par lequel le Conseil d’État a reconnu qu’un motif d’ordre affectif puisse, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l’intérêt légitime à changer de nom([11]). Cette évolution fut confirmée dans l’arrêt du 31 janvier 2014 précité, dans lequel le Conseil d’État énonce que « des motifs d'ordre affectif peuvent, dans des circonstances exceptionnelles, caractériser l'intérêt légitime requis par l'article 61 du code civil pour déroger aux principes de dévolution et de fixité du nom établis par la loi ». Lors des auditions menées par votre rapporteur, la Professeure à l’Université de Bordeaux Adeline Gouttenoire a d’ailleurs souligné que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme avait créé un climat incitatif à une telle libéralisation de la pratique, citant notamment la condamnation de la France en 2013 dans l’arrêt Henry Kismoun c/ France ([12]) .

Auditionné par votre Rapporteur, M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du Sceau du ministère de la Justice, a confirmé que la notion d’intérêt légitime était désormais appréciée avec souplesse par la Chancellerie, pour s’adapter tant aux évolutions des modes de vie de la société qu’aux évolutions législatives.

Parmi les différentes motivations qui sous-tendent les dossiers de demande de changement de nom déposés, la Chancellerie constate que le principal motif évoqué est la volonté d’éviter l’extinction d’un nom. Ce motif est d’ailleurs le seul explicitement mentionné à l’article 61 du code civil, dont le deuxième alinéa dispose que « la demande de changement de nom peut avoir pour objet d'éviter l'extinction du nom porté par un ascendant ou un collatéral du demandeur jusqu'au quatrième degré ». Ce motif figure dans la majorité des demandes. D’après les statistiques transmises par le ministère de la Justice à votre Rapporteur, sur un échantillon statistique de 405 requêtes reçues en 2019, 59 % d’entre elles mentionnaient ce motif, étant entendu que plusieurs motifs peuvent être invoqués dans une même requête.

Le motif affectif est la deuxième cause de changement de prénom, et peut renvoyer à des situations variées. Ce motif inclut d’abord les situations dans lesquelles le demandeur souhaite effacer le nom d’un parent qui a manqué à ses devoirs parentaux, soit par son absence, soit en raison de violences exercées sur l’enfant. Sur ce point, la Chancellerie a expliqué que l’appréciation était faite avec davantage de souplesse lorsque la situation invoquée était relative à des sévices sexuels subis par le demandeur, eu égard à la difficulté de prouver ces actes.

Ce motif englobe encore la volonté de prendre le nom d’un parent dans le cadre d’une reconnaissance tardive. L’évolution de la société a aussi conduit à une évolution de la pratique s’agissant des familles recomposées : l’adjonction du nom du parent avec lequel vit l’enfant est considérée comme un intérêt légitime, car cela facilite son intégration dans son nouveau foyer en lui permettant de porter le même nom que ses demi-frères et demi-sœurs qui portent les noms des deux parents.

Il inclut également les cas dans lesquelles une personne veut consacrer son nom d’usage. Sur ce point, la pratique a considérablement évolué, puisque le port de ce nom d’usage pendant une vingtaine d’années suffit désormais, alors que dans le passé, l’usage de ce nom sur trois générations était requis.

Les demandes peuvent aussi être motivées par la volonté de changer un nom difficile à porter. Ce motif, qui apparaît dans 16 % des saisines, recouvre une grande diversité de situations. Il inclut les noms ridicules, incommodes ou jugés péjoratifs, mais aussi les noms déshonorés, soit dans l’Histoire, soit dans des affaires criminelles médiatisées au niveau national ou régional, soit dans des affaires criminelles au sein de la famille.

II inclut encore les noms d’origine étrangère que des personnes peuvent souhaiter franciser tardivement, lorsqu’elles ne se sont pas saisies de cette possibilité au moment de la naturalisation. Ces demandes consistent parfois en une mesure de simplification d’un nom difficile à prononcer, par la suppression de plusieurs consonnes par exemple, voire de plusieurs syllabes. À l’inverse, est également admise avec plus de souplesse aujourd’hui la reprise du nom d’origine après francisation, notamment lorsque la personne a continué d’utiliser son ancien nom ou parce qu’il démontre que son mode de vie est resté conforme à ses origines, sa culture et ses traditions ou qu’il éprouve des difficultés psychologiques à vivre avec son nouveau nom qu’il ne s’est pas approprié et qu’il est rejeté par sa famille.

Lorsque la demande porte sur le changement de nom d’un mineur, la procédure ne soulève pas de difficulté particulière si les deux parents et l’enfant de plus de treize ans sont d’accord. Il sera alors procédé à l’appréciation du motif légitime de la demande dans les mêmes conditions que la procédure ouverte aux majeurs. Le directeur des affaires civiles et du Sceau a souligné qu’il était porté une attention particulière aux demandes dans lesquelles il y a désaccord de l’un des parents ou lorsque l'enfant est au centre d’un conflit parental et que le consentement de l’autre parent a quelque peu été contraint dans un souci d’apaisement des tensions familiales.

Dans ce mouvement global de libéralisation, il n’en demeure pas moins que les décisions sont prises à l’aune des circonstances propres à chaque espèce, ce qui n’offre pas à la procédure une parfaite prévisibilité.

 

iii.   La procédure d’opposition au changement de nom

L’article 61-1 du code civil ouvre la possibilité à tout intéressé de faire opposition au décret portant changement de nom devant le Conseil d’État. Le recours doit être formé dans un délai de deux mois à compter de la publication du décret au Journal officiel.

Conséquence de l’existence de cette faculté d’opposition, un décret portant changement de nom prend effet :

– s’il n’y a pas eu d’opposition, à l’expiration du délai pendant lequel l’opposition est recevable ;

– s’il y a eu opposition, après le rejet de cette opposition.

Il convient de souligner que les oppositions sont très rares, et que l’annulation d’un décret de changement de nom l’est encore plus. Ainsi, seules quatre dossiers ont fait l’objet d’une opposition depuis 2005. Trois de ces recours ont été rejetés, et le dernier est toujours en instance.

b.   La procédure simplifiée de changement de nom de l’article 61-3-1 du code civil

Depuis 2016, l’article 61-3-1 du code civil permet à toute personne qui justifie d'un nom inscrit sur le registre de l'état civil d'un autre État de demander à l'officier de l'état civil dépositaire de son acte de naissance établi en France son changement de nom en vue de porter le nom acquis dans cet autre État.

Pour un mineur, la déclaration est effectuée conjointement par les deux parents exerçant l'autorité parentale ou par le parent exerçant seul l'autorité parentale, avec le consentement personnel du mineur s'il a plus de treize ans.

Il s’agit de mettre en œuvre une procédure simplifiée, qui exempte le demandeur des conditions plus lourdes de la procédure de l’article 61 du code civil.

En cas de difficultés, il est néanmoins prévu que l’officier de l’état civil puisse saisir le procureur de la République, qui peut s’opposer la demande ou, au contraire, ordonner lui-même le changement de nom.

2.   Les dispositions de la proposition de loi

L’article 2 de la proposition de loi complète l’article 61-3-1 du code civil afin d’y dupliquer la procédure simplifiée de changement de nom, ouverte cette fois à tout adulte souhaitant porter le nom de celui de ses parents qui ne lui a pas été transmis.

Cette procédure simplifiée fait l’objet d’un encadrement permettant de ménager le principe de stabilité de l’état civil.

D’abord, le recours à cette procédure simplifiée est limité à une seule utilisation dans la vie d’adulte. Seuls les majeurs peuvent y avoir recours, une fois dans leur vie. L’officier de l’état civil vérifiera, avant d’accéder à la demande, qu’aucun autre changement de nom antérieur n’a été accordé sur le fondement de cette procédure.

Ensuite, le choix du nom est limité : il ne peut s’agir que de porter le nom du parent qui n’a pas transmis ce nom au demandeur, soit par substitution, soit par adjonction au nom de famille du demandeur. Dans le cadre d’une adjonction, le demandeur peut choisir l’ordre dans lequel il souhaite que les deux noms apparaissent. En tout état de cause, le demandeur ne peut solliciter la substitution ou l’adjonction que d’un seul nom de famille pour chacun de ses parents. Cette procédure simplifiée de changement de nom demeure donc inscrite dans le cadre familial et ne permettra en aucun cas d’avoir recours à un nom fantaisiste.

Ce dispositif place tout adulte en position d’opérer, pour son propre nom de famille, le même choix que celui qui est ouvert aux parents, depuis 2005 ([13]) , lors de la naissance d’un enfant : le port du nom d’un seul des parents, ou le nom de chacun des parents, dans l’ordre choisi.

L’article 61 du code civil demeurera donc la seule procédure indiquée dans tous les cas où le changement de nom ne consiste pas à opter pour le nom du parent qui n’a pas transmis le sien. Ainsi, l’article 2 de la proposition de loi ne couvre pas les hypothèses de transformation du nom de famille, par le retrait d’une syllabe ou d’une lettre par exemple, pas plus qu’il ne permet de répondre aux demandes de francisation des noms de famille.

En dépit de cette exclusion, la direction des affaires civiles et du Sceau considère qu’environ la moitié des demandes actuellement déposées à la Chancellerie entrent dans le champ de la procédure simplifiée de changement de nom.

Lorsque les conditions d’âge et d’inscription de la demande de changement de nom dans le cadre des noms issus de la filiation seront remplies, la procédure à suivre est considérablement simplifiée. Aucun intérêt légitime n’est exigé pour justifier la demande. Sur le plan formel, le simple dépôt d’un formulaire auprès de l’officier de l’état civil dépositaire de l’acte de naissance suffira, sans obligation de publicité légale similaire à celle de l’article 61 du code civil.

Tout comme dans le cadre de la procédure administrative de changement de nom, l’article 2 de la proposition de loi prévoit que le changement de nom acquis sur le fondement de cette procédure simplifiée s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de treize ans, et sous réserve de leur consentement au-delà de cet âge.

Il n’est pas prévu de procédure d’opposition semblable à celle existante dans le cadre de l’article 61 du code civil. En revanche, les deuxième à dernier alinéas de l’article 61-3-1 étant applicables, l’officier de l’état civil pourra saisir le procureur de la République en cas de difficultés. Ce dernier pourra s’opposer ou donner droit à la demande.

S’agissant de la traçabilité des changements de nom, l’inscription du changement de nom autorisé par l’officier de l’état civil sera systématiquement réalisée dans le registre de naissance en cours. Ce dernier transmettra par ailleurs un avis de mention aux officiers de l’état civil détenteurs des autres actes de l’état civil impactés, le cas échéant ceux du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité et de ses enfants. Les mentions permettent de prévenir les tiers des changements qui se sont produits dans l'état civil de l'individu depuis l'acte en marge duquel elles sont inscrites, ou encore des rectifications qui ont été apportées à cet acte. Auditionné par votre Rapporteur, M. Cédric Dolain, Président de Généalogistes de France, a souligné l’importance de l’apposition de ces mentions marginales en marge de l’acte de naissance, tout en ajoutant que la traçabilité des changements de nom et, de manière générale, la recherche des personnes serait considérablement facilitée par un accès à un état civil dématérialisé et uniforme sur tout le territoire.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur. Le premier est rédactionnel. Le second ouvre la possibilité de déposer la demande simplifiée de changement de nom à l’officier de l’état civil du lieu résidence.

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Article 3
(art. 60 du code civil)
Consentement des majeurs protégés à leur changement de prénom

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article supprime la représentation obligatoire par le tuteur pour les majeurs protégés dans le cadre de la procédure de changement de prénom prévue à l’article 60 du code civil.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a procédé à la réécriture globale de l’article 60 du code civil pour introduire une procédure simplifiée de changement de prénom, sur présentation d’une demande à l’officier de l’état civil.

1.   L’état du droit

L’article 60 du code civil prévoit une procédure simplifiée de changement de prénom, qui intervient sur simple demande auprès de l'officier de l'état civil.

Sous l’empire de l’ancien article 60 du code civil, issu de la loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales, la demande de changement de prénom devait être portée devant le juge aux affaires familiales, et nécessitait que l’auteur de la demande justifie d’un intérêt légitime. La demande pouvait porter sur un changement de prénom, sur l’adjonction ou la suppression de prénoms et, à partir de la loi n° 2011-525 du 17 mai 2011 de simplification et d’amélioration de la qualité du droit, sur la modification de l’ordre des prénoms.

S’agissant des demandes formulées par un incapable puis, à partir de la loi n°2007-308 du 5 mars 2007 portant réforme de la protection juridique des majeurs, par un mineur ou majeur en tutelle, la requête devait être présentée par le représentant légal.

La nouvelle version de l’article 60 du code civil permet toujours le changement de prénom consistant en la demande d’un nouveau prénom, ou en l’adjonction, la suppression ou la modification de l’ordre des prénoms du demandeur. Mais la procédure est considérablement simplifiée, puisque la demande est désormais déposée à l’officier de l’état civil du lieu de résidence ou du lieu de naissance où l’acte de naissance a été dressé. C’est désormais l’officier de l’état civil qui dispose d’une compétence de principe pour apprécier le fait que la demande revêt un intérêt légitime.

L’intervention du juge n’est donc plus systématique, mais peut intervenir si l’officier de l’état civil saisi de la demande estime que celle-ci ne revêt pas un intérêt légitime, notamment lorsqu’elle est contraire à l'intérêt de l'enfant ou aux droits des tiers à voir protéger leur nom de famille. Dans ce cas, il saisit le procureur de la République et en informe le demandeur.

Le procureur de la République peut s’opposer au changement de prénom. Il notifie alors, par décision motivée, son refus au demandeur, à qui il appartiendra de porter la demande devant le juge aux affaires familiales.

C’est alors que peut s’ouvrir la procédure judiciaire de changement de prénom. Le demandeur doit saisir le juge aux affaires familiales, qui décide en dernier lieu de la possibilité du changement de prénom. La représentation par avocat est obligatoire.

S’agissant des mineurs et des majeurs protégés, le nouvel article 60 a maintenu l’exigence antérieure de dépôt de la demande par le représentant légal. Pour les majeurs sous tutelle, cela implique que le tuteur soit présent pour formaliser la demande de changement de prénom. Le majeur protégé doit néanmoins consentir personnellement au changement de prénom dans la mesure où cette demande constitue un acte personnel.

2.   Le dispositif proposé

L’article 3 supprime la représentation obligatoire du majeur protégé par son représentant légal aux fins de déposer devant l’officier de l’état civil la demande de changement de prénom.

Cette mesure de simplification pour les majeurs protégés s’inscrit dans la démarche d’une meilleure garantie de leur autonomie pour les prises de décisions relatives à leur personne.

La modification sur ce point de l’article 60 du code civil doit par ailleurs permettre de mettre cette procédure en cohérence avec la nouvelle procédure de changement de nom prévue à l’article 2 de la proposition de loi, qui ne prévoit aucune modalité particulière de représentation des majeurs sous tutelle dans ce cadre.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté un amendement rédactionnel du rapporteur.

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Article 4
Entrée en vigueur de la proposition de loi

Adopté par la Commission sans modification

 

Le présent article prévoit l’entrée en vigueur différée de la proposition de loi, le 1er juillet 2022, afin de permettre la bonne prise en compte par l’administration des nouvelles procédures ouvertes par la proposition de loi.

 


– 1 –

   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 19 janvier 2022, la Commission examine les articles de la proposition de loi pour garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom (n° 4853) (M. Patrick Vignal, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/bwIAly

Mme Naïma Moutchou, présidente. Nous examinons ce matin la proposition de loi pour garantir l’égalité et la liberté dans l’attribution et le choix du nom, déposée le 21 décembre par Patrick Vignal et les membres du groupe La République en marche. Le 27 décembre, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée ; le texte sera examiné en séance publique le 26 janvier.

M. Patrick Vignal, rapporteur. La proposition de loi simplifie, pour un citoyen, la possibilité de choisir, pour nom d’usage ou pour nom de famille, le nom du parent qui ne lui a pas été transmis. Il ne s’agit pas de revenir sur les modalités de dévolution du nom de famille, de déconstruire la famille et encore moins, comme j’ai pu l’entendre, d’effacer la place des pères, mais de répondre aux attentes de milliers de Français. Afin d’éviter toute équivoque, je souhaite préciser la portée de chacun des articles.

L’article 1er porte sur le nom d’usage, qui peut être utilisé dans les rapports avec l’administration mais qui n’est pas inscrit à l’état civil et ne peut se transmettre aux enfants. Le nom d’usage à raison de la filiation, consacré par la loi du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux, ne figure pas dans le code civil, contrairement au nom d’usage à raison du mariage. Il vous est proposé de le codifier, afin d’en garantir l’accessibilité. Par cohérence avec ce qui est déjà possible en matière de nom d’usage à raison du mariage, ou de nom de famille, l’article 1er prévoit que toute personne majeure peut porter à titre d’usage le nom de l’autre parent, par substitution ou adjonction.

L’article 2 porte sur le nom de famille, qui est inscrit à l’état civil et se transmet aux enfants. Il vous est proposé d’ouvrir une nouvelle procédure simplifiée de changement de nom, qui s’ajoutera à la procédure prévue aux articles 61 à 61-4 du code civil. Celle-ci suppose de saisir le ministre de la justice, de témoigner d’un intérêt légitime et d’accomplir des formalités, payantes, de publication au Journal officiel. Il faut attendre au minimum deux ans l’admission de la requête, qui demeure incertaine. Certes, la mise en œuvre de la procédure n’est pas aussi restrictive qu’il y a trente ans, les pratiques ayant évolué sous la pression de la Cour européenne des droits de l’homme. Alors que seuls quelques motifs étaient recevables – changer un nom ridicule ou difficilement prononçable, empêcher l’extinction d’un nom ou relever celui d’un illustre ancêtre –, le Conseil d’État reconnaît depuis 2012 qu’un motif affectif peut être légitime. C’est une avancée.

Mais est-ce au ministère de la justice d’apprécier la douleur d’une personne qui ne souhaite plus porter le nom d’un parent violent ou qui l’a délaissée, et qui, notamment, ne veut pas le transmettre à ses propres enfants ? Faut-il imposer à cette personne une procédure longue et payante ? Je ne le pense pas.

Je propose de simplifier la procédure dans le seul cas où il s’agit, pour une personne, de prendre, par adjonction ou substitution, le nom du parent qui ne lui a pas été attribué. Le texte prévoit qu’elle peut en faire la demande devant l’officier d’état civil de son lieu de naissance. Je vous proposerai un amendement visant à prévoir qu’il peut s’agir de l’officier de l’état civil du lieu de résidence. Cette procédure est réservée aux majeurs et ne peut être utilisée qu’une seule fois au cours de la vie ; le choix du nom est limité aux noms issus de la filiation. Cette procédure demeure inscrite dans le cadre familial et ne permet en aucun cas de choisir un nom fantaisiste.

Comme dans le cadre de la procédure administrative de changement de nom, le changement de nom acquis sur le fondement de cette procédure simplifiée s’étend de plein droit aux enfants du bénéficiaire lorsqu’ils ont moins de 13 ans, et sous réserve de leur consentement au-delà.

Il n’est pas prévu de procédure d’opposition semblable à celle figurant à l’article 61 du code civil. En revanche, les deuxième à cinquième alinéas de l’article 61-3-1 étant applicables, en cas de difficultés, l’officier de l’état civil peut saisir le procureur de la République, lequel peut s’opposer à la demande ou y faire droit.

Le changement de nom sera systématiquement inscrit dans le registre de naissance. Un avis de mention sera transmis aux officiers de l’état civil détenteurs des autres actes de l’état civil concernés – ceux du conjoint, du partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS) et des enfants.

Cette procédure simplifiée s’inscrit dans le cadre du choix du nom issu de la filiation. Les autres demandes devront continuer d’être formulées sur le fondement de l’article 61 du code civil.

L’article 3 supprime la représentation obligatoire du majeur protégé par son représentant légal aux fins de déposer devant l’officier de l’état civil la demande de changement de prénom. Cette mesure permet de mieux garantir l’autonomie des majeurs protégés pour les prises de décisions relatives à leur personne.

L’article 4 prévoit de différer au 1er juillet 2022 l’entrée en vigueur de la proposition de loi afin de permettre à l’administration et aux services de l’état civil de prendre en compte les nouvelles procédures.

Depuis le dépôt de cette proposition de loi, je reçois chaque jour de nouveaux témoignages. Des milliers de personnes attendent une procédure simple et non coûteuse qui leur permette d’effectuer ce changement de nom, qui touche à l’intime, plus librement. C’est ce que contient cette proposition de loi, inspirée par un idéal de liberté et d’égalité.

Mme Camille Galliard-Minier (LaREM). Le nom de famille est doté d’une double nature – institution de police civile et droit subjectif –, reflet de sa double fonction sociale et privée. Le corpus juridique qui l’encadre, miroir de l’évolution de notre société, a subi de nombreuses modifications depuis les années 2000. Référence patriarcale hier, le nom est devenu en 2002 un marqueur de l’égalité dans le couple lorsqu’il est devenu possible d’attribuer le nom de la mère seul ou accolé au nom du père. Cette égalité peut encore être renforcée en donnant à l’enfant la liberté de manifester son attachement à l’un de ses parents ou de s’émanciper d’une histoire douloureuse. C’est ce que propose ce texte, qui vise à élargir les conditions du port du nom non transmis à la naissance, soit comme nom d’usage, soit comme nom de famille.

Les parents, séparés ou non, se retrouvent trop souvent dans des situations délicates lorsque l’enfant ne porte pas leur nom : lors de l’inscription à l’école ou aux activités, de l’admission à l’hôpital, on leur pose des questions, on leur demande des justificatifs. Cela pollue la vie quotidienne de nombreux Françaises et Français. Il nous est proposé de codifier la procédure qui permet aux parents de choisir que leur enfant porte, à titre d’usage, le nom de l’autre parent, par adjonction ou par substitution.

Il nous est aussi proposé de simplifier la procédure de changement de nom, prévue à l’article 61 du code civil. La requête présentée au garde des sceaux doit être fondée sur la démonstration de l’existence d’un intérêt légitime. Ce n’est que récemment, en 2014, que la jurisprudence du Conseil d’État, influencé par la Cour européenne des droits de l’homme, a évolué : l’enfant devenu adulte peut désormais évoquer un motif affectif. Cependant, la procédure demeure longue – deux ans entre le dépôt de la demande et la décision –, et coûteuse.

L’article 2 prévoit une procédure simple qui donne à l’enfant devenu adulte le choix d’ajouter à son nom celui de l’autre parent ou de porter le seul nom de l’autre parent, en lieu et place de celui qui lui a été donné à la naissance. La procédure consiste en la saisine de l’officier de l’état civil, qui portera le nom en marge de l’acte de naissance. Il ne sera pas nécessaire d’évoquer un motif, ce qui permet d’embrasser toutes les possibilités – volonté de ne pas voir s’éteindre le nom de l’autre parent, marquer un attachement et une reconnaissance ou, à l’inverse, se détacher symboliquement, pour des raisons liées à la maltraitance, par exemple.

Le groupe La République en marche, convaincu de la nécessité de cette proposition de loi, basée sur des principes d’égalité et de liberté, votera en sa faveur.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Cette proposition de loi n’est pas anodine. Il ne s’agit pas simplement de faciliter la vie quotidienne d’un certain nombre de nos concitoyens confrontés, lors de leurs relations avec les services publics pour l’accomplissement de démarches anodines à des difficultés liées par exemple au fait que leur nom de famille est différent de celui que porte leur enfant. La société a changé, la composition des familles a évolué, et la lourdeur de certaines procédures peut conduire à des situations ubuesques, qui s’apparentent même à une forme de violence administrative. Nous avons tous reçu dans nos permanences des mères ou des pères élevant seuls un enfant portant le nom de leur ancien conjoint, ce qui entraîne pour eux des difficultés considérables. Il faut avoir ces situations à l’esprit, et mon groupe est évidemment favorable à ce que l’on remédie aux difficultés rencontrées par ces personnes. Toutefois, il ne faut pas oublier non plus certains grands principes d’organisation de notre société.

Dans nos permanences, nous recevons également des personnes en quête d’identité, à la recherche de leur filiation – car, parfois, notre société cherche aussi ses racines. Or, en matière de nom de famille, les règles juridiques ont été construites sur le grand principe du droit romain en vertu duquel seule l’identité de la mère est certaine – mater semper certa est. Parfois, dans des discussions comme celle-ci, il est bon de rappeler certaines évidences. Cette locution, que nombre de spécialistes de droit civil ont rencontrée au cours de leur carrière, est de celles qui servent à figer des principes, en l’occurrence la capacité à se souvenir d’où l’on vient. Il n’en demeure pas moins qu’il faut aussi apporter des réponses aux personnes pour lesquelles la filiation est synonyme de violence, parfois même d’inceste. Notre société n’accepte plus de tels faits. Il importe de trouver des solutions pour ces cas individuels.

Du fait du vecteur juridique qui est proposé, à savoir une proposition de loi, le texte n’est accompagné ni d’une étude d’impact ni d’un avis du Conseil d’État. Or c’est un pan important du droit de la filiation qu’il est proposé de modifier. L’approche retenue nous paraît donc fragile. Qui plus est, le droit de la filiation et les règles de transmission du nom ont déjà beaucoup évolué au cours des dernières années. Modifier les règles d’attribution du nom de famille, c’est toucher à ce qui constitue le cœur du droit de la filiation.

Nous partageons la préoccupation consistant à faciliter la vie administrative des gens, comme le propose l’article 1er. C’est une nécessité. Nous partageons également la volonté de simplifier la procédure de changement de nom dans un certain nombre de cas difficiles, notamment pour permettre le choix du nom du parent qui n’est pas synonyme de violence ou de maltraitance. Pour autant, il faut se garder de faire preuve d’une trop grande légèreté, comme celle qui consiste à confier la procédure à un simple officier de l’état civil. Si les grandes collectivités ont des services de l’état civil importants, il arrive que, dans les petites communes, le maire soit seul pour effectuer ces missions et se trouve confronté à des situations qu’il connaît personnellement, dans lesquelles il ne lui est pas facile d’apporter une réponse ou de trancher.

Lors de la discussion des articles, nous défendrons plusieurs dispositions. À l’issue de l’examen du texte, la position de mon groupe dépendra de l’équilibre qui aura été trouvé entre la préservation de certains grands principes en matière de filiation et la nécessité de faciliter la vie de nos compatriotes.

Mme Aude Luquet (Dem). Un nom de famille, c’est bien plus que quelques lettres écrites sur un morceau de papier : c’est une identité, un lien qui nous ancre dans une histoire, entre le passé et l’avenir ; c’est un héritage, avec le poids qu’il comporte, et une responsabilité qui incombe à l’enfant avant même que celui-ci en ait conscience.

On a longtemps parlé de « patronyme » ; désormais, il est question de « nom de famille ». Alors que l’automaticité de l’attribution du nom du père était voulue, dans le but d’attacher un sujet à sa lignée en l’inscrivant de façon visible dans une continuité généalogique, il est désormais possible pour les parents, depuis la loi de mars 2002, de choisir entre le nom du père et celui de la mère, voire d’accoler les deux. Si le choix est désormais libre, 80 % des parents donnent à leur enfant le nom du père, et celui de la mère seul n’est choisi que dans 1 % des cas. Bien souvent, il est admis, consciemment ou non, que la mère donne naissance et que le père donne son nom. Cela n’est pas vécu comme un sacrifice, mais comme un équilibre dans le rapport à l’enfant.

Si le groupe MODEM n’est pas défavorable à la présente proposition de loi, il nous apparaît nécessaire, en parallèle, de travailler à une meilleure connaissance et application de la loi de 2002. En effet, si le combat pour l’égalité femmes-hommes est multiple concernant l’enfant, cette égalité est davantage à aller chercher du côté du rôle de chacun des parents plutôt que dans le choix du nom de l’enfant.

Nous avons déposé un amendement visant à modifier le titre de la proposition de loi afin que celui-ci soit davantage en adéquation avec l’objet du texte. Elle serait ainsi « relative au choix du nom issu de la filiation ». En effet, il s’agit ici non pas d’égalité entre les sexes mais d’identité à travers le choix d’un nom – et pas n’importe lequel : l’un de ceux issus de la filiation.

Les dispositifs relatifs à l’attribution du nom conviennent à une majorité des Français. Lors des auditions menées dans le cadre de la préparation de l’examen de la proposition de loi, plusieurs experts ont d’ailleurs clairement indiqué que le texte visait à répondre à des situations spécifiques et qu’il fallait se garder d’en faire une règle générale. Il ne paraît pas pertinent de présenter cette proposition de loi comme une nouvelle liberté qui serait offerte, car si l’on en faisait une règle générale, celle-ci irait à l’encontre de la règle de l’immutabilité du nom de famille, à laquelle les Français sont très attachés.

Toutefois, il existe de vraies difficultés, par exemple lorsqu’une mère a la garde de son enfant et que celui-ci a pour unique nom celui du père. Si ce dernier refuse que le nom de la mère soit au minimum accolé au sien, cela provoque des difficultés : la mère doit sans cesse prouver sa maternité. Cela vaut également pour un père ayant la garde d’un enfant portant seulement le nom de la mère. Il est donc nécessaire de faire évoluer la loi pour faire face à de telles situations.

À cet égard, l’article 1er, qui codifie les règles relatives au nom d’usage pour les mineurs, représente une réelle avancée. Néanmoins, nous avons quelques interrogations et remarques. Comment le consentement des enfants de plus de 13 ans sera-t-il recueilli ? Selon nous, la procédure doit être précisée. Pourquoi ne pas envisager que l’enfant se rende devant l’officier de l’état civil ou qu’il puisse donner son consentement par écrit ?

Concernant l’article 2, relatif au changement du nom de famille, nous sommes attachés au fait que celui-ci ne puisse se faire qu’une seule fois au moyen de la procédure simplifiée. Il convient en effet de ne pas trop s’éloigner de la procédure renvoyant à un motif légitime.

Nous avons une petite réserve quant au fait de faciliter la substitution du nom de famille, car cela heurte le principe d’immutabilité. Par ailleurs, il convient de faire attention à l’impact que le changement de nom pourrait avoir sur des enfants, notamment de moins de 13 ans, qui, sans avoir donné leur libre consentement, se retrouveraient prisonniers d’une décision qui concerne leurs parents. Un enfant ayant changé de nom avant ses 13 ans sans avoir eu à donner son consentement pourra-t-il utiliser la même procédure à sa majorité s’il s’avère que ce choix ne lui convenait pas ? Enfin, que se passerait-il si, dans une fratrie constituée de deux enfants, le premier, âgé de 11 ans, n’avait pas à donner son consentement, tandis que l’autre, âgé de 14 ans, refusait le changement de nom ?

Mme Marietta Karamanli (SOC). Cette proposition de loi vise à assouplir les règles relatives au nom d’usage pour les enfants, sur décision des parents. Elle vise surtout à assouplir la procédure de changement de nom pour les enfants devenus majeurs, par simple déclaration devant un officier d’état civil. Il est des lois qui changent les choses et ouvrent des perspectives, il en est d’autres qui accompagnent le changement et répondent à l’expression de besoins ; assurément, ce texte ressortit à la seconde catégorie.

Dans notre pays, pendant très longtemps, l’enfant légitime portait exclusivement le nom de son père. Celui de la mère pouvait seulement être ajouté, à titre d’usage, mais n’était pas transmissible. La loi du 4 mars 2002, sous le gouvernement Jospin, a supprimé la transmission automatique et exclusive du nom du père à l’enfant, en vigueur depuis la loi du 6 fructidor an II. Elle a permis aux parents de choisir le nom de famille de l’enfant : soit celui du père, soit celui de la mère, soit leurs deux noms accolés, dans l’ordre choisi par eux.

La loi du 17 mai 2013 est allée un peu plus loin : depuis ce texte, en cas de désaccord entre les parents, l’enfant peut porter les noms des deux parents, accolés par ordre alphabétique. Initialement, il était prévu que les deux noms de famille accolés soient la règle, non seulement en cas de désaccord entre les parents, mais aussi lorsque ces derniers négligeaient d’indiquer expressément à l’officier de l’état civil leur volonté de ne transmettre qu’un des deux noms de famille.

En la matière, la tradition reste donc forte, et elle produit des effets pour nos concitoyens.

Aujourd’hui, si l’on veut changer de nom de famille, on doit apporter la preuve d’un motif légitime. La proposition de loi va modifier cette donne.

L’article 1er permet à toute personne majeure de porter à titre d’usage le nom de famille du parent qui ne lui a pas transmis le sien, par substitution ou adjonction à son propre nom – dans l’ordre qu’elle choisit et dans la limite d’un nom de famille pour chacun des parents. Cette faculté est ouverte aux enfants mineurs et elle sera mise en œuvre par le titulaire de l’autorité parentale. C’est une bonne chose.

L’article 2 ouvre la procédure simplifiée de changement de nom par déclaration devant l’officier de l’état civil dépositaire de leur état civil aux personnes majeures qui souhaitent substituer ou adjoindre à leur propre nom, le nom de famille du parent qui n’a pas été transmis. C’est une bonne avancée. L’article 3 prévoit les conditions d’exercice de cette faculté pour les majeurs protégés.

Cette proposition de loi va dans le sens de la responsabilité et de la liberté des parents, et elle s’inscrit dans un mouvement législatif auquel les députés du Groupe socialistes et apparentés ont contribué de longue date. Ils voteront donc en faveur de ce texte.

Mme Alexandra Louis (Agir ens). Cette proposition de loi concerne un sujet qui est rarement abordé dans le débat public, mais qui pose pourtant des problèmes récurrents à nombre de nos concitoyens. Je salue pour commencer le travail du rapporteur.

En droit français, il existe une certaine sacralisation du nom de famille. Il constitue en effet notre identité administrative, ce qui nous rattache à la société. C’est la raison pour laquelle il est si difficile d’en changer. Le nom est aussi ce qui relie à la famille, et le plus souvent à la branche paternelle. C’est un héritage du code civil napoléonien, lequel était le reflet d’une époque où les femmes n’avaient pas les mêmes droits que les hommes. La société en porte encore l’empreinte, même si le droit consacre désormais l’égalité.

La proposition de loi comprend deux avancées principales.

La première consiste à simplifier le quotidien des familles, et en particulier des mères et des enfants, en indiquant dans le code civil qu’il est possible pour l’enfant d’utiliser le nom de sa mère en plus de celui du père, ou inversement. Le texte va même plus loin que la pratique en permettant de substituer le nom de la mère à celui du père, ou inversement. Il ne s’agit pas de revenir sur les règles de dévolution du nom de famille, mais bien de faciliter l’usage du nom du parent qui n’a pas transmis son nom à l’enfant au moment de la naissance.

La question du nom de famille se pose quasi systématiquement lors d’un divorce. Dans de nombreux cas, l’enfant porte depuis sa naissance le nom de son père, alors que la mère reprend l’usage de son nom patronymique. Elle ne porte dès lors plus le même nom que son enfant et se retrouve dans une situation où elle doit continuellement justifier le lien de filiation pour les activités du quotidien. Beaucoup de mères m’ont expliqué combien il est fatigant de prouver que leur fils est bien leur fils. Cela crée de fait une situation d’inégalité par rapport à l’autre parent.

À l’adjonction du nom d’usage, désormais codifiée, s’ajoutera la possibilité de la substitution. En pratique, soit les deux époux seront d’accord pour le nouveau nom d’usage de l’enfant, soit ils ne le seront pas et la décision reviendra au juge aux affaires familiales. L’enfant devenu majeur pourra également décider de faire usage du nom de sa mère.

La seconde avancée de la proposition de loi réside dans la création d’une procédure simplifiée de changement de nom parmi les noms issus de la filiation. Chaque personne majeure pourra décider de changer de nom une fois dans sa vie, en s’adressant directement à l’officier de l’état civil. Quand on porte un nom, on porte aussi une histoire. Il y a de très belles histoires ; il y en a beaucoup qui sont plus difficiles, voire sombres. Je pense par exemple à l’enfant qui n’a pas connu son père et qui en a dû porter le nom sans connaître la personne qui le lui a transmis. Je pense aussi aux enfants qui ont été victimes de violences de la part d’un de leurs parents et qui doivent porter le nom du coupable comme un fardeau. C’est une forme de double peine qui est infligée à la victime. Aussi est-il de notre devoir de permettre à ces personnes, devenues majeures, de tirer un trait sur ce passé en changeant de nom, sans qu’elles aient à s’engager dans d’éprouvantes démarches, trop complexes et interminables. Selon un reportage diffusé sur TF1, chaque année au moins 2 000 Français veulent changer de nom, mais seulement un tiers d’entre eux y parviennent.

Même si la procédure de changement de nom est simplifiée, elle fera toujours l’objet d’un encadrement strict pour ménager le principe de stabilité de l’état civil. Le recours à cette procédure sera donc limité à une utilisation au cours de la vie d’adulte, avec pour seul choix possible le nom du parent qui n’a pas été transmis – par substitution ou adjonction.

Pour conclure, cette proposition de loi offrira de nouveaux droits et libertés à nos concitoyens, ainsi que davantage d’égalité entre les femmes et les hommes. C’est pourquoi le groupe Agir ensemble la soutiendra.

M. Paul Molac (LT). Les révolutionnaires avaient en leur temps innové en prévoyant que le nom légal des femmes ne serait plus celui de leur mari mais celui de leur père, et ce pour toute leur vie. C’était peut-être une avancée à l’époque, mais totalement insuffisante aujourd’hui.

Le nom relève de l’intime. Beaucoup de personnes sont venues dans ma permanence car elles souhaitaient changer de nom, parce qu’elles avaient été maltraitées ou abandonnées. Cette proposition de loi bienvenue permettra de simplifier les procédures pour ceux qui ont du mal à porter le nom de leur géniteur – passer devant un tribunal est lourd.

En tant qu’enseignant, j’ai pu mesurer combien cela peut être compliqué lorsque l’enfant ne porte pas le même nom que le parent qui exerce l’autorité parentale.

Il faut assouplir tout cela et c’est la raison pour laquelle le groupe Libertés et territoires soutiendra cette proposition de loi.

M. Stéphane Peu (GDR). Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine soutient également cette proposition de loi, qui s’inscrit dans une évolution du droit à l’œuvre depuis maintenant plusieurs décennies. On a beaucoup évoqué la loi de 2002 depuis le début de notre discussion. Elle avait déjà permis aux parents qui le souhaitaient de choisir le nom du père, de la mère ou des deux.

La proposition de loi va plus loin. Elle correspond à une évolution de la famille et répond à beaucoup de souffrances, comme l’ont évoqué de nombreuses associations dont notamment le collectif Porte mon nom. Derrière ce désir de changement on trouve un père absent, inconnu ou violent. Il ne s’agit donc pas de répondre à un caprice ou à une coquetterie, mais à une douleur de l’enfant ou de l’enfant devenu adulte. D’une certaine manière, ne pas pouvoir changer de nom équivaut presque à une condamnation à perpétuité.

L’évolution proposée est selon nous très positive. Souvent la loi ne précède pas l’évolution de la famille et de la société, mais elle s’y adapte. C’est le cas avec cette proposition de loi et nous l’approuvons pleinement.

Mme Emmanuelle Ménard. Cette proposition de loi est présentée comme un texte de simplification, mais il ne s’agit pas que de ça – vous en convenez d’ailleurs. Elle suscite des interrogations et est loin d’être anodine, car elle aura des conséquences importantes.

Si l’on s’en tient aux quelques cas qui ont été le plus souvent cités ici ou dans la presse, les choses paraissent évidentes. Nous sommes touchés par les exemples de cette femme qui a divorcé et qui doit prouver en permanence qu’elle est bien la mère de ses enfants, parce qu’elle ne porte plus le même nom. Ou par ceux de personnes qui ont été brutalisées, violées ou tout simplement abandonnées par un père dont elles ne veulent plus porter le nom. Et l’on se dit qu’on pourrait faire évoluer la législation.

Pour autant, votre proposition de loi pose également de vraies questions, pour lesquelles les réponses sont beaucoup moins évidentes puisqu’il n’y a pas eu d’étude d’impact – et pour cause. Je me méfie toujours un peu des nouvelles lois qui sont guidées par l’émotion. Le nom de famille remplit une double fonction : il contribue à la construction des identités individuelles, mais il constitue aussi un outil de police générale.

Cette loi va-t-elle permettre à des débiteurs de se soustraire plus facilement à leurs obligations, ou à des délinquants d’échapper aux poursuites judiciaires ? D’un point de vue plus philosophique, le nom du père est un moyen de reconnaître ce dernier dans la filiation, et ce n’est pas neutre. La proposition de loi ne va-t-elle pas bouleverser encore un peu plus la construction de l’identité ? Sylviane Agacinski elle-même s’interroge et déplore « un terrible démontage du droit civil », en relevant que « L’état civil, c’est l’institution de la personne dans son identité sociale, son inscription symbolique dans une généalogie, un ordre qui ne dépend pas d’elle, et chacun ne peut pas décider de la loi commune. » En 2020, 4 293 demandes de changement de nom ont été déposées et seulement 44 % d’entre elles ont été acceptées. Savez-vous pourquoi ? Pour ma part, je n’ai pas trouvé la réponse.

La proposition de loi risque de donner le sentiment d’un état civil à la carte. Quelles seraient les conséquences sur l’organisation de l’État si les Français changeaient massivement leur nom de famille ?

Cette proposition part évidemment d’une bonne intention, mais elle soulève des questions qui sont loin d’être mineures et dont les conséquences pourraient n’apparaître que dans plusieurs années. C’est pourquoi j’attends d’avoir des réponses à mes questions avant de me prononcer.

M. Philippe Gosselin. Cette proposition de loi va au-delà d’une simplification des procédures et soulève un certain nombre de questions. Contrairement aux apparences, le sujet traité n’est pas anodin : je regrette donc que nous ne disposions pas de l’étude d’impact ni de l’avis du Conseil d’État qui accompagnent les projets de loi.

Le nom de famille ne relève pas uniquement de la sphère privée. Il compte énormément dans la sphère publique, et ce n’est pas un hasard si François Ier a, dans l’ordonnance de Villers-Cotterêts, fondé l’état civil sur le principe de l’immutabilité du nom. Certes, le droit actuel admet le changement de ce dernier dans certaines circonstances particulières – notamment s’il est perçu comme ridicule ou lourd à porter en raison de l’histoire ou de faits personnels –, et nous convenons tous qu’il existe d’autres situations récemment mises en avant, déjà évoquées ce matin, qui justifient un changement de nom permettant d’échapper au poids d’une histoire familiale qui peut être terrible. Cependant, le nom n’est pas un élément accessoire de l’identité : il inscrit l’individu dans une lignée, dans une famille, dans une fratrie.

L’article 1er n’appelle pas de remarque particulière et ne pose aucune difficulté : la loi prévoit déjà la possibilité de porter un nom d’usage, et il me paraît opportun d’inscrire ce dernier à l’état civil. En revanche, le nom dépasse l’identité individuelle dans la mesure où il renvoie aussi à une identité familiale. Aussi le droit individuel d’en changer prévu à l’article 2 aura-t-il pour effet de déstructurer des fratries. Pour des raisons diverses n’ayant rien à voir avec l’objectif recherché par la présente proposition de loi – protéger des personnes ayant vécu des situations familiales très particulières, notamment de violences –, les membres d’une même fratrie pourront porter des noms tout à fait différents, ce qui posera de véritables difficultés. Voir son frère ou sa sœur changer de nom peut être vécu comme un drame et troubler la relation affective avec les parents.

L’état civil à la carte que vous voulez instituer n’apporte pas toutes les réponses souhaitées et suscite de véritables interrogations. Ce droit généralisé de changer de nom me paraît aller trop loin : il affecte l’ensemble de la société et peut-être même l’ordre public. Pour ma part, j’attends que l’on apporte un certain nombre de réponses à nos questions et que l’on propose une limitation de ce nouveau droit.

M. Patrick Vignal, rapporteur. Vos questions sont légitimes ; nous nous les sommes nous-mêmes posées.

Nous avons auditionné Mme Adeline Gouttenoire, professeure agrégée de droit privé et de sciences criminelles à l’Université de Bordeaux ; Mme Irène Théry, sociologue, directrice d’études à l’École des hautes études en sciences sociales (EHESS) ; Mme Caroline Bovar, docteure en sociologie ; Mme Frédérique Le Doujet-Thomas, maîtresse de conférences à l’Université de Lille ; M. Jean Latizeau, président de l’association SOS Papa ; M. Cédric Dolain, président, et M. Gérald Postansque, secrétaire général de Généalogistes de France ; M. Arthur Gachet, directeur conseil chez DGA Interel, conseil de Généalogistes de France ; Mme Marine Gatineau-Dupré, fondatrice et porte-parole du collectif Porte mon nom, et Mme Alicia Ambroise-Follet, avocate de ce collectif ; M. Jean-François de Montgolfier, directeur des affaires civiles et du sceau au ministère de la justice, M. Pierre-Calendal Fabre, adjoint à la cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille, et Mme Raphaëlle Wach, rédactrice au sein du même bureau.

Je peux comprendre que vous vous interrogiez sur l’absence d’une étude d’impact, mais la direction des affaires civiles et du sceau nous a confirmé que les dispositions de la proposition de loi étaient bien bordées juridiquement.

Non, madame Ménard, cette proposition de loi n’a pas été rédigée sur le coup de l’émotion. Elle vise à prendre en compte certaines souffrances mais n’enlève rien à personne. Elle vise seulement à redonner de la liberté dans une relation de couple.

Monsieur Gosselin, les membres de certaines fratries portent déjà des noms différents. Dans le cadre des familles recomposées, il arrive que des enfants portent des noms différents par exemple. Il n’y a donc rien de nouveau.

Madame Luquet, l’article 61-3 du code civil dispose que « tout changement de nom de l’enfant de plus de 13 ans nécessite son consentement personnel lorsque ce changement ne résulte pas de l’établissement ou d’une modification d’un lien de filiation ». Nous ne voulons pas déroger à ce principe ; dès lors, il est impossible d’imposer le même nom à tous les enfants d’une fratrie.

Mes chers collègues, nous avons jusqu’à samedi, dix-sept heures, pour déposer des amendements en séance. Nous sommes tout à fait ouverts à vos propositions visant à améliorer cette proposition de loi.

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*     *

Article 1er (art. 225-1 et 311-24-2 [nouveau] du code civil et art. 43 de la loi n° 85‑1372 du 23 décembre 1985 relative à l’égalité des époux dans les régimes matrimoniaux et des parents dans la gestion des biens des enfants mineurs) : Codification du nom d’usage à raison de la filiation et ouverture dans ce cadre du choix de la substitution de nom

Amendement CL12 de M. Patrick Vignal.

M. Patrick Vignal, rapporteur. Il s’agit de préciser que seuls les parents exerçant l’autorité parentale peuvent décider du nom d’usage d’un enfant mineur. Nous voulons ainsi éviter qu’une personne exerçant l’autorité parentale par délégation puisse procéder au changement du nom d’usage. Comme vous pouvez le constater, nous souhaitons que les dispositions de notre proposition de loi soient bien bordées juridiquement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL13 de M. Patrick Vignal.

Amendement CL14 de M. Patrick Vignal.

M. Patrick Vignal, rapporteur. Cet amendement vise à aligner la rédaction de l’article 1er sur celle de l’article 60 du code civil.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 (art. 61-3-1 du code civil) : Création d’une procédure simplifiée de changement de nom parmi les noms issus de la filiation

Amendement CL24 de M. Patrick Vignal.

M. Patrick Vignal, rapporteur. Imaginez que vous êtes né dans la belle ville de Montpellier ou de Béziers et que vous travaillez en Martinique ou dans une autre collectivité d’outre-mer. Si vous voulez déposer une demande de changement de nom, doit-on vous obliger à revenir dans votre commune de naissance ? Afin de simplifier le dispositif, nous proposons que cette demande puisse être déposée auprès de l’officier de l’état civil du lieu de naissance ou du lieu de résidence.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CL15 de M. Patrick Vignal.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 (art. 60 du code civil) : Consentement des majeurs protégés à leur changement de prénom

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL16 de M. Patrick Vignal.

Elle adopte l’article 3 modifié.

Article 4 : Entrée en vigueur de la proposition de loi

La commission adopte l’article 4 non modifié.

Titre

Amendement CL10 de Mme Aude Luquet.

Mme Aude Luquet. Comme je l’ai déjà expliqué et comme nous avons pu le constater lors des auditions, cette proposition de loi ne relève pas de l’égalité entre les sexes mais de l’identité des personnes à travers le choix de leur nom. C’est pourquoi nous proposons qu’elle soit intitulée « relative au choix du nom issu de la filiation ».

M. Patrick Vignal, rapporteur. Je vous remercie d’avoir déposé cet amendement, auquel je donne un avis favorable. En effet, le titre actuel de la proposition de loi pourrait laisser croire qu’une personne aurait la possibilité de changer de nom comme elle le voudrait.

La commission adopte l’amendement et le titre est ainsi rédigé.

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

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*     *

 

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi relative au choix du nom issu de la filiation (n° 4853) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


  1  

   LISTE DES PERSONNES ENTENDUEs

   M. Jean-François de Montgolfier, directeur

   M. Pierre-Calendal Fabre, adjoint à la cheffe du bureau du droit des personnes et de la famille ;

   Mme Raphaëlle Wach, rédactrice au bureau du droit des personnes et de la famille

 

   M. Cédric Dolain, président

   M. Gérald Postansque, secrétaire général

   M. Arthur Gachet, directeur conseil chez DGA Interel, conseil de Généalogistes de France

 

   Mme Marine Gatineau Dupré, fondatrice et porte-parole

   Mme Alicia Ambroise-Follet, membre

 

   M. Jean Latizeau, président

 

 

 

 


([1]) Catherine Marie, « Nom. Usage et protection du nom », fasc. 55, JurisClasseur Civil.  

([2])  Circulaire ministérielle du 26 juin 1986 relative à la mise en œuvre de l’article 43 de la loi n° 86-1372 du 23 décembre 1985 « Usage du nom du parent qui n’est pas transmis. Dénomination des personnes dans les documents administratifs ».

 

([3]) Caroline Bovar, thèse de doctorat de sociologie soutenue à l’EHESS,  « Le nom des femmes, règles et usages : trois générations de femmes face au nom marital et à la transmission du nom de famille ».

([4])  Le prix est de 56,25 € pour la demande présentée par une personne majeure, de 74,50 € lorsque la demande est présentée pour son enfant mineur, et de 83,50 € lorsqu’elle concerne à la fois le requérant et ses enfants mineurs.

([5]) En application du  7° de l’article 2 du décret n°94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom.

([6])  Faute d’outil statistique, et compte tenu du fait qu’une demande reçue au titre d’une année N n’est pas clôturée par une décision (accord ou rejet) au titre de cette même année, il s’agit là d’une estimation.

([7])  Chaque décret compte en moyenne 26 décisions.

([8])  Loi n° 93-22 du 8 janvier 1993 modifiant le code civil relative à l'état civil, à la famille et aux droits de l'enfant et instituant le juge aux affaires familiales

([9]) Voir sur ce point Tassadit Bouzembrak et Marianne Schulz, « Changement de nom », AJ Famille 2009 p.204.

([10])  Conseil d'État, 2 ème et 7ème sous-sections réunies, 31/01/2014, n° 362444.

([11]) Conseil d’État, 12 décembre 2012, Garde des sceaux, ministre de la justice c/ Mlle, n° 357865, T. p. 752. En l’espèce, après un accouchement difficile, les parents qui voulaient conférer à leur enfant le nom des deux parents avaient renoncé à le faire face à l’absence d’information de l’officier de l’état civil sur le caractère irréversible du choix du nom. Voir également sur ce point CE, 31 janvier 2014, MM., n° 362444, p. 11.  

([12]) CEDH, 5 déc. 2013, Henry Kismoun c/France, n°32265/10.

([13])  Depuis l'ordonnance n° 2005-759 du 4 juillet 2005 portant réforme de la filiation, lorsque l'enfant a été reconnu par ses deux parents, ceux-ci ont pu choisir entre le nom du père, le nom de la mère et les noms des deux parents accolés.