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N° 4960

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale 25 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, visant à doter la France des instruments nécessaires pour lutter contre la pollution plastique (n° 4827).

 

 

PAR M. François-Michel LAMBERT

Député

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Voir les numéros :

 Assemblée nationale : 4827

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er (article L. 541-9-9-1 [nouveau] du code de l’environnement) Interdiction de la fabrication et de la vente de plastique produit à partir de pétrole

Article 2 (article L. 541-10-17-1 [nouveau] du code de l’environnement) Instaurer une stratégie nationale zéro plastique issu de produits pétroliers

Article 3 (article L. 541-15-10 du code de l’environnement) Calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués à partir de pétrole

Article 4 (article L. 541-1 du code de l’environnement) Institution d’un débat public relatif aux objectifs de réemploi des emballages

Article 5 (section 3 [nouvelle] du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de l’environnement) Création d’une Agence nationale du plastique

Article 6 (articles 575 et 575 A du code général des impôts) Gage

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

 

L’URGENCE D’AGIR CONTRE LA PROLIFÉRATION DU PLASTIQUE

La prolifération du plastique, sa trajectoire exponentielle et ses ravages sur la santé, la biodiversité et le réchauffement climatique (6 % des émissions de carbone mondiales en 2020, 15 % en 2050) inquiètent tous les spécialistes qui tirent le signal d’alarme.

Il y a urgence à agir, à transformer un système qui s’est emballé. La loi doit permettre d’adapter les politiques publiques engagées pour lutter contre ce fléau et de passer d’une phase de transition à un changement systémique. À l’heure actuelle, les mesures votées ne semblent pas en mesure d’éviter la catastrophe annoncée.

Le rapport du Programme des Nations-Unies pour l’environnement (2021) ([1]) estime que les politiques actuelles ne sont pas à la hauteur du problème. La modélisation mise au point par les organisations non gouvernementales SYSTEMIQ et The Pew Charitable Trusts montre que d’ici à 2040, dans l’hypothèse d’un statu quo, les déchets plastiques solides urbains sont destinés à doubler, la quantité de plastique rejetée dans les océans devrait presque tripler et celle de plastique présente dans les océans, quadrupler. La modélisation indique que les engagements actuellement pris par les gouvernements et les entreprises ne feront baisser le déversement de déchets plastiques en mer que de 7 % d’ici à 2040 par rapport au scénario immobiliste. À l’échelle mondiale, les politiques nationales relatives aux plastiques sont rares et portent généralement sur l’interdiction ou la taxation de produits en plastique particuliers plutôt que sur le changement systémique de l’économie du plastique. L’éventail des politiques actuelles ne permettra pas d’opérer le virage nécessaire pour réduire à zéro le déversement de déchets plastiques supplémentaires en mer.

Le rapport de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), publié en octobre 2020, révélait qu’environ 229 000 tonnes de déchets plastiques étaient déversées chaque année dans la mer Méditerranée, soit l’équivalent de plus de 500 conteneurs par jour. Sur la base d’une compilation de données de différentes études de terrain et en utilisant la méthodologie d’empreinte plastique marine de l’UICN, le rapport « Mare Plasticum : The Mediterranean », élaboré en collaboration avec l’organisation Environmental Action, constate que les macro-plastiques résultant des déchets mal gérés représentent 94 % du total des rejets du plastique accumulé. Une fois arrivés en mer, ceux-ci se déposent principalement dans les sédiments sous forme de microplastiques (particules inférieures à 5 millimètres). Le rapport estime que plus d’un million de tonnes de plastique se sont déjà accumulées dans la mer Méditerranée.

Mme Minna Epps, directrice du Programme marin et polaire mondial de l’UICN, déclarait ainsi lors de la présentation du rapport : « La pollution plastique est source de dommages à long terme aux écosystèmes terrestres et marins et à la biodiversité. Non seulement pour les animaux marins qui peuvent se retrouver coincés ou avaler des déchets plastiques et finir par mourir d'épuisement et de faim, mais cette contamination libère également dans l'environnement des substances chimiques telles que des adoucissants ou des retardateurs de flamme, nocives à la fois pour les écosystèmes et pour la santé humaine. Un problème particulièrement critique dans une mer semi-fermée comme la Méditerranée. Comme ce rapport l'indique clairement, les mesures actuelles et prévues ne sont pas suffisantes pour réduire les rejets de plastique et prévenir ces impacts ».

Dans une étude que viennent de signer plus de quatorze scientifiques dans la revue Environmental Science et Technology, il est démontré que sur les neuf limites planétaires, celle des polluants environnementaux, dont le plastique, vient d’être franchie. Une des co-autrices de l’étude, Mme Patricia Villarubia-Gomez, affirme ainsi que « La production de produits chimiques a été multipliée par 50 depuis 1950. Elle devrait encore tripler d’ici 2050 » ([2]). Face à l’urgence de la situation, les chercheurs appellent à une « action urgente », une meilleure gestion des produits chimiques et à « des accords internationaux menant à la prévention de la pollution à la source et à une évolution vers une utilisation circulaire des matériaux ». Les auteurs de l’étude pointent l’importance de passer à une économie circulaire massive ; ils appellent surtout à fixer un plafond de production et de rejet des produits chimiques.

Un rapport de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) du 14 décembre 2020 avait choisi un titre inquiétant mais semble-t-il assez prophétique : « Pollutions plastiques : une bombe à retardement ? » ([3]). Ce rapport dresse le constat effrayant d’une invasion exponentielle du plastique et propose de penser autrement la lutte contre les pollutions plastiques axée essentiellement sur le recyclage, telle qu’elle est notamment ressortie de la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire.

La France génère ainsi chaque année 4,5 millions de tonnes de déchets plastiques et n’en recycle environ qu’un million. 80 000 tonnes finissent dans la nature, dont 10 000 tonnes en Méditerranée. Ce fléau s’est accéléré depuis vingt ans et ne cesse de s’amplifier : la production plastique devrait doubler d’ici 2050. Rappelons en effet que l’industrie textile prévoit que la consommation de polyester textile passera de 30 millions de tonnes en 2010 à 72 millions de tonnes en 2030, soit une croissance de 240 % en vingt ans, quand dans le même temps la production de coton textile restera étale, à 30 millions de tonnes par an.

Ces plastiques sont fabriqués à partir de pétrole, dont 6 % de la production mondiale est destinée à la plasturgie. Ce pourcentage devrait atteindre 15 % d’ici dix ans si rien n’est fait.

L’URGENCE DE FAIRE ÉVOLUER LES POLITIQUES NATIONALES

Il est urgent de faire évoluer les ambitions et les politiques nationales et internationales en matière de lutte contre les pollutions plastiques. Cette proposition de loi s’inscrit dans cette trajectoire. Elle entend proposer au débat le cadre d’une transformation réelle de notre modèle de consommation et de gestion des plastiques. Il s’agit aussi de s’appuyer sur ce qui a déjà été fait, de faire appliquer ce qui a déjà été voté, tout en allant plus loin.

Le décret n° 2021-517 du 29 avril 2021 relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025, dit décret « 3R », pris en application de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire, reste peu contraignant. Il définit des objectifs pour la période 2021‑2025, pour tendre vers la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. Depuis 2015, plusieurs lois ont certes posé des jalons, mais elles sont déjà dépassées par manque de prise en compte de la réalité des dynamiques en cours dans le monde des plastiques, notamment face à des acteurs industriels dont les trajectoires de croissance restent très notables.

Il en résulte un horizon encore trop lointain, largement insuffisant, ne mettant aucune contrainte directe sur la forte croissance de production du plastique. Le plastique demeure abondant et peu cher en raison de la facilité d’accès au pétrole. Il faut donc se poser la question de la ressource en même temps que celle de l’usage.

Faire reposer la stratégie de gestion des déchets plastiques sur la suppression de certaines utilisations et sur la seule industrie du recyclage est extrêmement aléatoire quand la croissance de la production et des déchets est exponentielle. Il est donc nécessaire de passer à une approche plus structurelle de la gestion des déchets face à la très forte croissance de la production de plastiques.

LES PRINCIPAUX OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI

Ce texte a pour principal objectif de déconnecter le plastique du pétrole afin de diminuer sa production, son impact climatique et environnemental et de contraindre l’économie du plastique à se transformer.

L’approche systémique consistant à couper l’accès au pétrole génèrera de facto une vision holistique par une trajectoire de sobriété dans les usages, de maitrise de la consommation et de valorisation de la matière recyclée.

Il s’agit de ne pas tout miser sur le recyclage mais de parvenir à canaliser l’usage du plastique et de ses déchets. En coupant le « robinet pétrole » à l’horizon 2030, on stoppe une croissance folle et on réduit de façon massive le nombre de polymères mis sur le marché.

Par cette stratégie de déconnexion du pétrole, on centre la production de plastique sur des usages indispensables et on transforme l’approche de la matière en même temps que les usages.

En devenant une ressource rare, le plastique en fin de vie va devenir un produit beaucoup plus recherché et mieux collecté en vue de son recyclage. On gaspillera moins le plastique. L’apport de matière vierge se fera par le plastique biosourcé dont les règles de production, strictes, seront encadrées par d’autres textes législatifs.

Le plastique, même à usage unique, sera toujours nécessaire pour certaines activités. La crise sanitaire a démontré son utilité. Tout l’enjeu est de le garder dans la boucle du recyclage. L’essence même de cette proposition de loi est ainsi de passer d’une économie linéaire (stocks surabondants et bon marché qui encouragent la demande) à une économie circulaire (flux de matière plus rare, que l’on organise et que l’on partage pour plus d’efficience dans l’usage).

La proposition de loi ambitionne également d’ouvrir un débat public en organisant « les états généraux de l’emballage ».

Elle propose enfin la création d’une « Agence nationale du plastique », espace de régulation, de rencontre et conseil scientifique sur le modèle de l’Office français de la biodiversité pour accompagner cette transformation systémique.


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   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article 1er
(article L. 541-9-9-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Interdiction de la fabrication et de la vente de plastique produit à partir de pétrole

  Rejeté par la commission

Le présent article prévoit d’interdire, à partir de 2030, la fabrication et la mise en vente, ou la mise à disposition à des utilisateurs, de polymères fabriqués pour tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers. Il insère à cet effet un nouvel article dans le code de l’environnement.

I.   L’état du droit

A.   Les conditions de fabrication et d’exploitation des polymères à base de ressources fossiles

99 % des polymères qui constituent les plastiques proviennent de sources de carbone fossile (dérivés du pétrole et du gaz de schiste principalement). La différence entre les polymères fossiles et les polymères biosourcés réside dans l’origine des atomes de carbone constituant leur squelette moléculaire. Alors que le carbone des polymères fossiles est issu des hydrocarbures, celui des polymères biosourcés provient de la biomasse d’origine végétale (amidon du blé, des pommes de terre ou du maïs, cellule extraite du bois, huiles obtenues à partir du tournesol ou encore des chardons) ou animale (les protéines de lait, la kératine).

Les plastiques biosourcés sont toutefois souvent composés d’un mélange de molécules fossiles et d’autres issus de la biomasse. Ainsi, le Comité européen de normalisation (CEN) reconnaît le caractère biosourcé à un sac en plastique à usage unique dès lors qu’il respecte une teneur minimale de 50 % de carbone biosourcé (60 % à partir du 1er janvier 2025). Les plastiques biosourcés ont les mêmes propriétés que leur équivalent d’origine fossile. Par conséquent, si le plastique fossile n’est pas biodégradable, son homologue biosourcé ne l’est pas non plus.

Certains polymères sont cependant à la fois biosourcés et biodégradables. Ils peuvent dès lors être qualifiés de biopolymères (« bioplastiques »). En 2019, 1,17 million de tonnes de plastiques biosourcés et biodégradables et 941 000 tonnes de plastiques biosourcés non biodégradables ont été produites. Par conséquent, seuls 55 % des plastiques biosourcés sont réellement des bioplastiques.

Le caractère biosourcé d’un polymère est une réponse aux deux enjeux planétaires que sont l’épuisement des ressources fossiles non renouvelables, d’une part, et le dérèglement climatique provoqué par les émissions de CO2 associées à l’utilisation du pétrole, d’autre part.

Une des principales difficultés qui se pose pour opérer une conversion des plastiques pétrosourcés vers les plastiques biosourcés est que les prix des polymères vierges sont déterminés par leurs coûts de production. S’agissant de coproduits de la pétrochimie, ces coûts de production suivent donc celui du pétrole. Entre 2018 et début 2020, le polypropylène vierge est ainsi passé de 1 250 à 950 euros la tonne (soit une baisse de 24 %) en raison de la baisse des prix du pétrole. Sur les 400 millions de tonnes de plastiques produites dans le monde chaque année, la part des bioplastiques ne représente donc que moins de 1 %. Selon l’association European Bioplastics, la capacité de production mondiale devrait toutefois passer de 2,1 millions de tonnes en 2020 à plus de 3 millions de tonnes en 2025. Un effet collatéral potentiellement négatif pourrait être une pression accrue sur les terres arables pour cultiver les plantes nécessaires pour fournir la matière première.

Une autre difficulté réside dans le fait que les bioplastiques qui sont biodégradables ne le sont souvent que dans des conditions spécifiques qui n’existent pas en milieu naturel. Abandonnés dans la nature, ils posent alors les mêmes problématiques que des plastiques conventionnels. Puisqu’il n'existe aucune filière de traitement spécifique pour ces bioplastiques qui constituent des perturbateurs de tri pour le recyclage en l’état, leur fin de vie ne peut pas encore être gérée correctement. Ainsi, si les polymères biosourcés ont un moindre impact sur les émissions de gaz à effet de serre, leur gain environnemental est réduit, du point de vue des déchets, s’ils ne sont pas biodégradables.

B.   Les évolutions législatives récentes

La définition juridique des plastiques est définie au niveau européen, notamment par l’article 3 de la directive (UE) 2019/904 du Parlement européen et du Conseil du 5 juin 2019 relative à la réduction de l’incidence de certains produits en plastique sur l’environnement. Cet article définit le plastique comme un matériau constitué d’un polymère auquel des additifs ou d’autres substances peuvent avoir été ajoutés, et qui peut jouer le rôle de composant structurel principal de produits finaux, à l’exception des polymères naturels qui n’ont pas été chimiquement modifiés. Le droit français reprend cette définition. Il n’existe donc pas à l’heure actuelle de distinction, au niveau légal, entre les plastiques biosourcés et les plastiques pétrosourcés, en dehors des spécifications techniques qui régulent l’affichage et l’étiquetage.

En effet, le CEN dispose de deux instruments permettant de définir la qualité d’un produit plastique biosourcé : la spécification CEN/TS 16137 fournit des méthodes d’essai et de calcul de référence qui permettent de déterminer le contenu en carbone biosourcé des plastiques et la spécification CEN/TS 16295 énonce les exigences relatives à la déclaration, y compris les avis et l’étiquetage du contenu en carbone biosourcé des polymères, matériaux plastiques, produits plastiques semi-finis et finis, dont les composites. Ces spécifications sont utilisées notamment pour bénéficier de certains labels ou pour réglementer la communication sur les produits.

La législation est en revanche allée plus loin sur la question des plastiques oxodégradables, c’est-à-dire des matières plastiques renfermant des additifs qui, sous l’effet de l’oxydation, conduisent à la fragmentation de la matière plastique en micro-fragments ou à une décomposition chimique. Ces plastiques sont responsables d’une large part de la pollution par le plastique des mers et des océans. Ils sont interdits en France depuis 2015. De la même manière, la question de la biodégradabilité des polymères biosourcés a fait l’objet d’un encadrement, notamment à travers la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l'économie circulaire qui a interdit l’utilisation de la mention « compostable » pour les produits et les emballages en matière plastique biosourcée dont la compostabilité ne peut être obtenue qu’en unité industrielle. Il existe ainsi deux normes permettant de qualifier les plastiques de « compostables » : la norme « NF EN 13432 : 2000 » qui désigne les plastiques capables de se dégrader en condition de compostage industriel ; et la norme « NF T 51-800 : 2015 » qui désigne les plastiques aptes au compostage domestique.

Au-delà de ces cas spécifiques, la stratégie de lutte contre les pollutions au plastique se fonde jusqu’à aujourd’hui essentiellement sur les usages, plus que sur la nature des produits. Il s’agit notamment de limiter la capacité l’emploi des plastiques à usage unique, de réglementer l’usage du plastique pour l’emballage des fruits, d’interdire la fabrication en plastique d’un certain nombre d’objets, etc.

À cet égard, la loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », a fixé plusieurs objectifs en ce sens. La disposition la plus connue est celle inscrite à l’article L. 541-10-17 du code de l’environnement qui prévoit que la France se donne pour objectif d’atteindre la fin de la mise sur le marché d’emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. Pour cela, la loi AGEC rend obligatoire l’élaboration de stratégies quinquennales de réduction et de recyclage des plastiques à usage unique. Ces stratégies fixent ainsi un objectif de réduction, un objectif de réutilisation et de réemploi et un objectif de recyclage, par voie de décret, d’abord pour la période 2021-2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Cette stratégie nationale est élaborée et révisée en concertation avec les filières industrielles concernées, les collectivités territoriales et les associations de consommateurs et de protection de l’environnement (cf. commentaire de l’article 2).

La loi AGEC a également introduit d’autres dispositions pour la lutte contre les pollutions au plastique. Ainsi, à l’article L. 541-1 du code de l’environnement, est fixé l’objectif de tendre vers 100 % de plastique recyclé d’ici le 1er janvier 2025 et d’étendre progressivement les consignes de tri à l’ensemble des emballages en plastique sur l’ensemble du territoire en vue de leur recyclage.

La loi AGEC prévoit également des pénalités progressives pour les emballages plastiques qui ne peuvent intégrer une filière de recyclage en fin de vie. La loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a également complété une disposition de la loi AGEC qui impose d’équiper les lave‑linges neufs d’un filtre à microfibres plastiques à compter du 1er janvier 2025, en élargissant cette obligation à toute autre solution interne ou externe à la machine pour réduire les émissions de microplastiques.

Enfin, les services de l’État ainsi que des collectivités territoriales, lors de leurs achats publics et dès que cela est possible, doivent réduire la consommation de plastiques à usage unique, la production de déchets et doivent privilégier les biens issus du réemploi ou qui intègrent des matières recyclées.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

Le présent article prévoit la création d’un nouvel article L. 541‑9‑9‑1 dans le code de l’environnement. Cet article prévoit que, à compter du 1er janvier 2030, la fabrication, la détention en vue de la vente, la mise en vente, la vente et la mise à la disposition de l’utilisateur de polymères fabriqués pour tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers est interdite. Cette interdiction concernerait donc également certains plastiques qui bénéficient aujourd’hui d’un label « biosourcé » puisqu’une large part d’entre eux demeurent composés d’une part significative de carbone issu de ressources fossiles. Un décret pris en Conseil d’État devra toutefois préciser les modalités d’application de ce nouvel article.

Le rapporteur entend fixer un cap qui est celui de la sortie des plastiques pétrosourcés pour faire baisser la production de plastique, tous polymères et tous usages, engendrer un marché attractif de la matière plastique recyclée qui deviendrait la principale ressource pour fabriquer du plastique et faciliter l’émergence de bioplastiques qui soient à la fois biosourcés et biodégradables dans des conditions quotidiennes.

Il convient d’accélérer l’adaptation des industries et de les pousser à aller plus rapidement dans la voie de la limitation de la production et des usages, de la collecte et du recyclage des plastiques déjà existants. La collecte et le recyclage des déchets plastiques n’étant actuellement pas rentable, du fait d’un coût très bas de production de plastique pétrosourcé, bloquer cette dernière voie renforcerait la rentabilité du recyclage qui deviendrait massive et quasi systématique dans le cadre de la fin de vie d’un produit en plastique. Les bioplastiques réellement biosourcés et biodégradables doivent également devenir une norme, notamment pour des usages de contraintes de collectes ou de risques de dégradation lors de l’usage (par exemple dans les usages en milieu agricole et gestion des espaces naturels). Or, la production de bioplastiques est inéquitablement répartie entre les différentes régions du monde. L’Asie se place en tête de file, avec 55 % des volumes mondiaux (1.1 million de tonnes), suivie par l’Europe qui en cumule 19 % (400 kilotonnes).

La question du délai nécessaire pour parvenir à cette adaptation peut en revanche être discutée. Il peut également être souhaitable de prévoir des exceptions dans les cas où des plastiques pétrosourcés sont nécessaires pour des raisons sanitaires ou de sécurité nationale par exemple. Un amendement est présenté en ce sens par le rapporteur.

Une telle disposition devrait par ailleurs être fixée au niveau européen afin d’éviter des problèmes juridiques liés à la libre circulation des produits ainsi que des divergences de législations au sein du marché intérieur. Une approche européenne est également nécessaire pour traiter de la question des importations de plastiques pétrosourcés. Cependant, le délai fixé par la proposition de loi devrait laisser le temps aux instances nationales et européennes de se saisir de cette question pour ajuster le dispositif à l’ensemble des pays de l’Union européenne.

III.   LEs travaux de la commission

La commission a rejeté cet article.

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Article 2
(article L. 541-10-17-1 [nouveau] du code de l’environnement)
Instaurer une stratégie nationale zéro plastique issu de produits pétroliers

  Rejeté par la commission

Le présent article prévoit la mise en place d’une « stratégie nationale zéro plastique pétrole » par voie réglementaire avant le 1er janvier 2023. Cette stratégie détermine les mesures sectorielles ou de portée générale nécessaires pour respecter l’interdiction mentionnée au premier article de cette proposition de loi.

I.   L’état du droit

La loi n° 2020-105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, dite « loi AGEC », a rendu obligatoire l’élaboration de stratégies quinquennales pour la réduction, la réutilisation, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique. Cette obligation est aujourd’hui inscrite à l’article L. 541-10-17 du code de l’environnement. Ces stratégies fixent un objectif de réduction, un objectif de réutilisation et de réemploi et un objectif de recyclage, par voie de décret, d’abord pour la période 2021-2025, puis pour chaque période consécutive de cinq ans. Elles doivent être élaborées et révisées en concertation avec les filières industrielles concernées, les collectivités territoriales et les associations de consommateurs et de protection de l’environnement.

Le décret n° 2021-517 du 29 avril 2021 relatif aux objectifs de réduction, de réutilisation et de réemploi, et de recyclage des emballages en plastique à usage unique pour la période 2021-2025 est venu préciser ces dispositions. Il instaure notamment :

– un objectif de 20 % de réduction des emballages plastiques à usage unique d’ici fin 2025, dont au minimum la moitié obtenue par recours au réemploi et à la réutilisation ;

– un objectif de tendre vers 100 % de réduction, d’ici fin 2025, des emballages plastiques à usage unique « inutiles », définis comme ceux n’ayant pas de fonction technique essentielle comme une fonction de protection, sanitaire et d’intégrité des produits, de transport, ou de support d’information réglementaire ;

– un objectif que les emballages en plastique à usage unique mis sur le marché soient recyclables, ne perturbent pas les chaînes de tri ou de recyclage et ne comportent pas de substances ou éléments susceptibles de limiter l’utilisation du matériau recyclé.

Il convient de noter que, pour être en conformité avec le principe de libre circulation des marchandises inscrit au traité sur l’Union européenne et le droit dérivé européen, notamment la directive européenne sur les emballages et déchets d’emballages, le décret ne prévoit pas d’interdictions et que ces objectifs sont collectifs.

Ni la loi AGEC, ni la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, ne comportent cependant de dispositions spécifiques relatives aux plastiques pétrosourcés, en raison du fait que le droit européen, comme le droit national, ne fait pas de différence entre plastiques biosourcés et plastiques pétrosourcés (cf. commentaire de l’article 1er). Cependant, dans le plan France 2030, on retrouve des actions spécifiques visant à aider la transition vers des plastiques biosourcés et biodégradables, notamment une enveloppe de 200 millions d’euros pour financer le développement des matériaux et procédés innovants pour les produits biosourcés.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

Le présent article crée un nouvel article L. 541‑10‑17‑1 dans le code de l’environnement. Ce dernier prévoit la mise en place d’une « stratégie nationale zéro plastique pétrole » qui serait définie par voie réglementaire de la même façon que sont définis les objectifs en matière de réduction, de recyclage et de réemploi des plastiques à usage unique.

Cette stratégie serait soumise aux avis du Conseil économique, social et environnemental et du Haut Conseil pour le climat. Elle serait également élaborée et révisée en concertation avec les filières industrielles concernées, les collectivités territoriales et les associations de consommateurs et de protection de l’environnement. Ses modalités seraient précisées par un décret pris en Conseil d’État.

L’Agence du plastique, dont la création est proposée par l’article 5 de la présente proposition de loi, jouerait un rôle clé dans l’élaboration de cette stratégie, notamment pour conduire la discussion avec les acteurs industriels chargés de mettre en œuvre cette conversion.

III.   LEs travaux de la commission

La commission a rejeté cet article.

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Article 3
(article L. 541-15-10 du code de l’environnement)
Calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués à partir de pétrole

  Rejeté par la commission

Le présent article prévoit l’élaboration d’un calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués pour tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers.

I.   L’état du droit

Les articles L. 541-9 et suivants du code de l’environnement prévoient que la fabrication, la détention en vue de la vente, la mise en vente, la vente et la mise à la disposition de l’utilisateur, sous quelque forme que ce soit, de produits générateurs de déchets peuvent être réglementées en vue de faciliter la gestion desdits déchets ou, en cas de nécessité, interdites.

À cet égard, l’article L. 541-15-10 du code de l’environnement prévoit l’interdiction de la mise à disposition d’un certain nombre de produits en plastique à usage unique. Cette interdiction s’applique par exemple, depuis le 1er janvier 2020, aux gobelets et verres ainsi qu’aux assiettes jetables de cuisine pour la table. Depuis le 1er janvier 2021, la même interdiction s’applique aux pailles, à l’exception de celles destinées à être utilisées à des fins médicales, aux confettis en plastique, aux piques à steak, aux couvercles à verre jetables, etc.

Par ailleurs, ce même article interdit la mise sur le marché de produits fabriqués à base de plastique oxodégradable. Il comporte également des dispositions relatives à l’interdiction d’impression de tickets de caisse ou à la limitation des offres d’échantillon au public dans les commerces.

À l’exception des plastiques oxodégradables, la législation ne va généralement pas jusqu’à l’interdiction de produits en raison de leur composition mais cherche davantage à limiter leur usage, ce qui apparaît plus aisé à justifier vis‑à-vis du droit européen.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

Le présent article complète l’article L. 541‑15‑10 du code de l’environnement par l’ajout d’un VI. Il prévoit de définir, par voie réglementaire, un calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués pour tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers, en cohérence avec les articles L. 541‑9‑9-1 et L. 541‑10‑17‑1 du code de l’environnement qui seraient créés par la présente proposition de loi (cf. articles 1er et 2). Cette interdiction viendrait s’ajouter aux limitations d’usage et interdictions de mise sur le marché déjà définies dans ce même article.

Le caractère progressif de l’interdiction devrait permettre à la France de travailler, au niveau européen, à la négociation d’une stratégie commune. En effet, une telle disposition devrait idéalement être fixée au niveau européen afin d’éviter des problèmes juridiques liés à la libre circulation des produits ainsi que des divergences de législations au sein du marché intérieur. Elle devrait également prendre en compte la question des importations. Cela devrait passer en premier lieu par l’élaboration d’une définition juridique distinguant plastiques pétrosourcés, plastiques recyclés et plastiques biosourcés.

Enfin, il convient de souligner qu’en phase de transition jusqu’à la mise en application de l’interdiction totale des plastiques pétrosourcés, la diminution de l’usage des plastiques pétrosourcés pourrait également se faire par l’application de bonus-malus décidés au niveau des éco-organismes.

III.   LEs travaux de la commission

La commission a rejeté cet article.

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Article 4
(article L. 541-1 du code de l’environnement)
Institution d’un débat public relatif aux objectifs de réemploi des emballages

  Rejeté par la commission

L’article 4 institue la tenue d’un débat public sous forme d’états généraux conduit par le Conseil national de l’économie circulaire en amont de la fixation de la trajectoire nationale qui définit l’évolution à suivre pour réduire l’utilisation des emballages à usage unique.

I.   L’état du droit

L’article L. 541‑1 du code de l’environnement qui fixe les objectifs de la politique nationale de prévention et de gestion des déchets détermine notamment la « trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique ».

Cet article a été complété par la loi n° 2020‑105 du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Celle-ci est venue préciser l’évolution visée en termes de réemploi des emballages afin de lutter contre l’utilisation excessive d’emballages à usage unique ([4]). L'objectif est d'atteindre 5 % d’emballages réemployés en 2023 (exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente, par rapport aux emballages à usage unique), puis 10 % en 2027 ([5]).

L’article L. 541‑1, à nouveau modifié par la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, institue également le Conseil national de l’économie circulaire (CNEC), placé auprès du ministre chargé de l’environnement. Le CNEC prend le relais du Conseil national des déchets et du comité de pilotage de la feuille de route pour l’économie circulaire (FREC). Cette feuille de route, publiée en avril 2018, avait prévu la création d’un tel conseil ([6]).

Le Conseil national a effectivement été mis en place en novembre 2021. Il est notamment chargé de participer à l’élaboration et au suivi des stratégies nationales relatives à l’économie circulaire.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

L’article 4 de la proposition de loi vient compléter le 1° du I de l’article L. 541‑1 du code de l’environnement, pour prévoir un débat public sur les emballages et la trajectoire définie à cet article. Il précise qu’il reviendra au Conseil national de l’économie circulaire d’organiser ce débat sous forme d’états généraux. Le Conseil national devra présenter devant l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) un rapport sur la trajectoire visant à l’augmentation de la part d’emballages réemployés, issu du débat public. L’office parlementaire devra évaluer ce rapport en exposant les éléments scientifiques nécessaires à la compréhension du débat. Lors de son audition, l’organisation Zero waste France a souligné que ces états généraux constitueraient l’occasion d’un débat impliquant la société civile sur l’usage du plastique, les alternatives à ce matériau et les politiques publiques mises en œuvre. Il permettrait d’aborder des enjeux concrets comme celui de la composition des emballages qui parfois contiennent des résines traditionnelles, mais également des éléments non recyclables.

III.   LEs travaux de la commission

La commission a rejeté cet article.

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Article 5
(section 3 [nouvelle] du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de l’environnement)
Création d’une Agence nationale du plastique

  Rejeté par la commission

L’article 5 crée un nouvel établissement public à caractère administratif et à compétence nationale, l’Agence nationale du plastique, en vue de réunir les différentes parties prenantes de la politique de gestion des matières plastiques, de leur fabrication à leur recyclage. Cet établissement a pour ambition de réunir tous les acteurs en charge de la gestion de la matière plastique afin notamment de réfléchir à l’usage de cette matière et au développement de modes de fabrication et de gestion du plastique plus favorables à l’environnement.

I.   L’état du droit

L’Europe produit, depuis plusieurs années, en moyenne autour de 55 millions de tonnes de plastique par an, quelle que soit son origine (fabriqué à partir de produits dérivés du pétrole ou biosourcés) ([7]). Le plastique est présent dans un nombre toujours plus important de produits. C’est le cas dans l’industrie textile où une proportion de plus en plus importante des fibres utilisées sont d’origine synthétique, c’est-à-dire fabriquées à partir de polymères de plastique et non à partir de matières naturelles ([8]). En 2020, 4,5 millions de tonnes de plastique ont été consommées en France, dont 2 millions de tonnes constituaient des emballages.

Le graphique ci-dessous présente la répartition de la production annuelle mondiale de plastique en fonction des différents types de produits :

G:\COM_DEV\RAPPORTS ET AVIS\Rapports législatifs\4827_PPL_Lutte contre la pollution plastique\Utilisation du plastique par secteur industriel 2017 (source les échos).jpgDans le même temps, des efforts importants ont été réalisés pour recycler les déchets plastiques. Néanmoins, on estime au niveau de l’Union européenne que seulement 32,5 % du plastique produit peuvent être recyclés pour au moins un nouveau cycle d’utilisation. Ce taux masque des disparités importantes entre États membres. La France se situe en dessous de la moyenne, avec environ 21 à 23 % de l’ensemble de la matière plastique recyclée, d’après l’Agence de la transition écologique ([9]).

Le recyclage des emballages en plastique connait pour sa part des résultats un peu meilleurs en France, puisqu’en 2020, le taux de recyclage global s’élevait à 28 % ([10]).

Plusieurs administrations publiques ont en charge des politiques concernant l’utilisation et la gestion des matières plastiques. La réglementation concernant la gestion des déchets relève du ministère chargé de l’environnement et plus précisément de la direction générale de la prévention des risques. La politique publique de développement de l’économie circulaire relève davantage du Commissariat général au développement durable. L’économie circulaire ne concerne pas uniquement la gestion du plastique, mais le recyclage des matières plastiques est un élément important pour réduire les déchets ultimes et favoriser le réemploi.

Par ailleurs, la fabrication de matières plastiques relève de processus industriels. Sont donc concernées les administrations des ministères chargés de l’économie et de l’industrie. La fabrication du plastique est également réglementée par le droit de l’Union européenne. Est notamment réglementée la composition des matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires ([11]).

Les collectivités locales sont également concernées par la gestion des matières plastiques dans la mesure où elles organisent la collecte différenciée des déchets. Les centres de tri et les éco-organismes en charge des filières de responsabilité élargie du producteur contribuent également à la politique de recyclage du plastique ([12]).

L’Agence de la transition écologique est l’établissement public le plus investi dans le traitement de la matière plastique, dans la mesure où elle est chargée de la gestion d’un fonds dédié spécifiquement aux déchets depuis 2009. Le rôle de ce fonds a été renforcé par la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte et est appelé aujourd’hui « fonds Déchets ‑ Économie circulaire ». Ce fonds vise à orienter le comportement des acteurs et les investissements nécessaires pour promouvoir des démarches territoriales de prévention et de gestion et pour soutenir les opérations de tri, de recyclage et de valorisation organique et énergétique ([13]).

Par ailleurs, l’Agence de la transition écologique produit de la documentation ou des recensions d’études sur le plastique et le recyclage ([14]). Comme il a été précisé au rapporteur lors des auditions, malgré l’importance de ce sujet, l’agence n’emploie que 2,5 personnes en équivalent temps plein sur ce sujet spécifique.

Il n’existe donc pas de structure publique unique en charge de ce sujet, à même d’avoir une vision d’ensemble à la fois de la filière industrielle et des divers usages du plastique, mais également de son cycle de vie et donc des enjeux liés au recyclage des matières plastiques. Il n’existe pas non plus de structure spécialement dédiée à la pollution due au plastique. Or, ce sujet est fondamental tant la pollution due à cette matière a des effets néfastes et de long terme.

La pollution des mers et océans par des déchets plastiques est un phénomène croissant et même de plus en plus visible. La pollution due au plastique constitue également l’un des facteurs majeurs de perte de biodiversité. Au niveau mondial, selon une estimation réalisée en 2015, entre 5 et 13 millions de tonnes de matières plastiques, c’est-à-dire entre 1,5 % et 4 % de la production mondiale, aboutiraient dans les océans chaque année ([15]). La présence croissante de particules de plastique, souvent sous forme microscopique, c’est-à-dire de microplastiques, compromet la survie de certaines espèces animales marines. La petite taille de ces particules (moins de 5 millimètres) facilite leur ingestion par les organismes marins. Elles peuvent également entrer dans la chaîne alimentaire. L’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER) estimait qu’en 2016, 690 espèces étaient directement menacées par la pollution due au plastique.

La mer Méditerranée étant une mer semi-fermée, elle subit de plein fouet la pollution par le plastique et ses conséquences. Dans un rapport publié en 2020, l’Union internationale de conservation de la nature (UICN) estimait que 230 000 tonnes de déchets en provenance de 33 pays limitrophes des côtes étaient déversées en Méditerranée chaque année ([16]). La pollution aux microplastiques y est à la fois due à la dégradation de déchets plastiques entiers qui se retrouvent en mer et se dégradent très lentement, étant peu sensibles à l’action de micro-organismes naturels, mais aussi à l’introduction directe de ces microparticules dans l’eau. La poussière de pneu est ainsi la principale source de contamination (53 %), suivie des textiles (33 %), des microbilles dans les cosmétiques (12 %) et des granulés plastiques (2 %). Comme l’a rappelé lors de son audition M. Jean-François Ghiglione, chercheur au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et membre fondateur du groupe de recherche « Polymères et océans », le problème en termes de pollution vient particulièrement des additifs chimiques ajoutés aux polymères. D’autres personnes auditionnées ont complété cette affirmation, rappelant que les déchets plastiques sont en eux-mêmes un élément intrusif et peut-être le réceptacle en mer de composés chimiques ou de virus et bactéries, rajoutant d’autant aux risques que font porter les déchets plastiques sur la vie marine.

Il a été également fait état des impacts sur la biodiversité à terre et du manque d’études sur la dispersion de déchets plastiques dans les terres. M. Christophe de Boissoudy, représentant l’Association française des compostables biosourcés a notamment mis en exergue le risque que peut représenter la mauvaise maîtrise de la qualité des composts.

Aujourd’hui, la politique de protection et donc de lutte contre l’érosion de la biodiversité relève du ministère chargé de l’environnement, mais désormais également de l’Office français de la biodiversité, né de la fusion de plusieurs agences et en activité depuis le 1er février 2020. Les conséquences sur la biodiversité des résidus et déchets de matières plastiques peuvent être traitées par l’office, mais celui-ci n’a pas spécifiquement la charge d’examiner le rôle de la pollution due au plastique sur les écosystèmes marins et terrestres.

II.   Le dispositif de la proposition de loi

L’article 5 de la proposition de loi prévoit la création d’une nouvelle instance, l’Agence nationale du plastique, dotée du statut d’établissement public à caractère administratif et à laquelle une nouvelle section du code de l’environnement serait consacrée. La mission générale de cette agence se décline en trois objectifs : concourir à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques en matière de gestion de la matière plastique.

L’Agence nationale du plastique constituerait donc une structure nouvelle et novatrice pour déployer une politique et une expertise sur les matières plastiques et leur devenir. L’intérêt d’une telle agence résiderait en ses moyens humains et financiers propres et sa capacité à faire coopérer les différents acteurs de la chaine de production et de dégradation du plastique.

Dans l’esprit du rapporteur, cette agence aurait, dans son domaine de compétences, une vocation similaire à celle de l’Office français de la biodiversité.

Les 1° à 5° de l’article L. 131‑18 du code de l’environnement que l’article 5 de la proposition de loi introduit dans le code de l’environnement énumèrent plus précisément les différentes missions de l’Agence nationale du plastique.

L’agence sera en charge de promouvoir et faciliter les modes de gestion des matières plastiques dans une perspective d’économie circulaire et de réduction de la consommation de plastique ; elle aura donc à participer à l’élaboration de la réglementation et des politiques publiques sur ce sujet.

Elle devra développer la recherche scientifique et l’expertise sur les matières plastiques, leurs interactions avec l’environnement et les écosystèmes, leurs liens avec le changement climatique et leurs conséquences sur la santé humaine.

Elle devra accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une production de résines de plastique davantage biosourcés. Plusieurs personnes entendues par le rapporteur ont indiqué que la transition industrielle devait être pensée dans le temps long et les entreprises aidées pour réduire la part des plastiques pétrosourcés.

L’agence pourra apporter un appui et une expertise à l’État et aux collectivités territoriales pour des projets de gestion des matières plastiques et pour contribuer au renforcement de la politique de collecte et de tri, etc.

Elle devra favoriser la diffusion des savoirs qu’elle contribue à élaborer en France et en Europe particulièrement.

Le 6° de l’article L. 131‑18 expose les moyens de l’agence dans son rôle de soutien à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques publiques de gestion des matières plastiques.

L’agence soutiendra l’État dans la fixation des objectifs de réduction, de réemploi et de recyclage définis à l’article L. 541‑10‑17 du code de l’environnement et dans le suivi de la mise en œuvre de ces objectifs.

Elle sera chargée de suivre la mise en œuvre des règlements et directives européens et des conventions internationales qui s’appliquent sur le territoire national.

Elle pourra aider les acteurs socio-économiques et les structures associatives pour la mise en œuvre de leurs programmes d’éducation à l’environnement et d’actions en faveur de la lutte contre la pollution due au plastique.

Enfin, elle pourra attribuer des aides financières à des projets destinés à favoriser la réduction de l’usage du plastique et la substitution de résines de plastiques pétrosourcés par des résines naturelles et à lutter contre les pollutions dues aux matières plastiques. Il s’agit d’un rôle important donné à l’agence dans la mesure où elle permettra de financer des projets contribuant au développement de l’économie circulaire et à la réduction de la consommation de plastique pétrosourcé.

Le 7° de l’article L. 131‑18 attribue également un rôle important à l’agence en matière d’information et de sensibilisation du grand public sur les usages du plastique et les enjeux liés au cycle de vie du plastique et au recyclage. Elle aurait pour rôle de promouvoir la formation initiale et continue sur l’ensemble du sujet pour renforcer les compétences en matière d’éco-conception, d’économie circulaire, etc.

Plusieurs des personnes auditionnées par le rapporteur se sont montrées intéressées par la création d’une telle agence. Elles ont souligné la nécessité d’une instance de réunion et de dialogue entre de nombreux acteurs de la chaîne de production et du recyclage. La Société des génies du procédé, représentée par son directeur, a aussi indiqué l’importance de disposer d’une structure promouvant la recherche scientifique sur les plastiques et les techniques de recyclage. Il est en effet important de développer les connaissances et la recherche dans de nombreux domaines : les différents types de polymères et leurs propriétés, leur capacité à être recyclés, l’intégration de matières recyclées dans de nouveaux produits, les processus de recyclage mécaniques et chimiques qui nécessitent des investissements lourds et des procédés innovants. Les processus de recyclage chimiques connaissent actuellement un développement important dans certains pays et présentent un intérêt certain dans la mesure où ils permettent de réutiliser les polymères de plastique pour fabriquer à nouveau du plastique vierge, mais ils nécessitent des investissements sur plusieurs décennies.

Toutes les personnes auditionnées ont également insisté sur la nécessité de développer l’analyse des impacts environnementaux de la production de plastique, que celui-ci soit pétrosourcé ou biosourcé. Il est en effet important de souligner que la production de plastique biosourcé nécessite des ressources importantes en termes de matières premières et d’énergie et que les besoins pour la production de plastique à base de matières organiques peuvent entrer en concurrence avec des cultures alimentaires et accaparer des terres arables qui constituent une ressource limitée.

Certains acteurs, à l’instar de l’Association française des compostables biosourcés, ont aussi noté que l’agence permettrait une meilleure association des acteurs économiques aux politiques publiques et un meilleur dialogue avec les institutions publiques.

L’article 5 de la proposition de loi introduit par ailleurs un nouvel article L. 131-19 dans le code de l’environnement pour y détailler la composition du conseil d’administration de l’Agence nationale du plastique. Celui-ci devra comprendre des représentants de l’État et de l’Office français de la biodiversité, un député et un sénateur, des représentants des collectivités territoriales, des personnalités qualifiées, des représentants de groupements professionnels intéressés et des représentants d’associations de protection de l’environnement, ainsi que des représentants du personnel de l’agence.

La composition du conseil d’administration reflète ainsi l’ensemble des parties prenantes de la politique de gestion des matières plastiques. En y intégrant des représentants de l’Office français de la biodiversité, un lien fort serait en outre établi entre le devenir des matières plastiques et les politiques de protection de la biodiversité.

L’agence disposera également d’un conseil scientifique, prévu dans un nouvel article L. 131-20 du code de l’environnement. Sa composition sera fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’environnement, de la recherche, de l’agriculture et de l’industrie.

Par ailleurs, l’agence sera dirigée par un directeur général (nouvel article L. 131-21 du code de l’environnement), nommé par décret sur proposition des mêmes ministres.

L’agence s’appuiera sur diverses sources financières énumérées par un nouvel article L. 131‑22 du code de l’environnement. Elle pourra notamment bénéficier de ressources et taxes affectées ainsi que de subventions de l’État et des collectivités territoriales et éventuellement de gestionnaires d’aires marines protégées. L’agence pourra recevoir des dons et legs, et également constituer des ressources à partir de produits des ventes et prestations qu’elle effectue dans le cadre de ses missions. Il est toutefois précisé que l’attribution de recettes à l’agence ne devra pas dégrader les ressources des agences de l’eau, dont on sait qu’elles ont déjà été fortement sollicitées.

III.   LEs travaux de la commission

La commission a rejeté cet article.

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Article 6
(articles 575 et 575 A du code général des impôts)
Gage

  Rejeté par la commission

L’article 6 constitue le gage de la proposition de loi. Il prévoit que la charge pour l’État pouvant résulter de son dispositif est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts, c’est-à-dire les droits sur les tabacs.

La commission a rejeté cet article.


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mardi 25 janvier 2022, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen, sur le rapport de M. François-Michel Lambert, de la proposition de loi visant à doter la France des instruments nécessaires pour lutter contre la pollution plastique (n° 4827).

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Mes chers collègues, nous examinons la proposition de loi visant à doter la France des instruments nécessaires pour lutter contre la pollution plastique, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés et territoires.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Ce texte a pour objectif de répondre à la situation d’urgence créée par la prolifération des plastiques et leur impact sur le vivant. Cette urgence est rappelée par tous les spécialistes, et le rapport de 2021 du Programme des Nations Unies pour l’environnement (PNUE) constate que les politiques actuelles ne sont pas à la hauteur des enjeux et ne permettent pas de réduire significativement le volume des plastiques mis sur le marché.

La nouvelle modélisation mise au point par SYSTEMIQ et The Pew Charitable Trusts montre que, d’ici à 2040, dans l’hypothèse d’un statu quo, les déchets plastiques solides urbains vont doubler, la quantité de plastique rejetée dans les océans devrait presque tripler et celle présente dans les océans, quadrupler. Dans l’hypothèse prenant en compte les engagements pris par les gouvernements et les entreprises, le déversement des déchets plastiques en mer serait réduit de 7 % seulement.

L’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), lors de son congrès à Marseille, en septembre 2021, a dressé le triste constat d’une mer Méditerranée poubelle, dans laquelle l’équivalent de plus de 500 containers de plastiques est déversé chaque jour. Pendant les quelque deux heures de discussion que nous aurons sur la présente proposition de loi, quarante containers de plastique, dont la durée de vie et de pollution est de plusieurs centaines d’années, y seront déversés.

Peut-être n’avons-nous pas suffisamment conscience de l’ampleur du désastre. En décembre 2020, dans le cadre des travaux de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), la sénatrice Mme Angèle Préville et notre collègue M. Philippe Bolo ont publié un rapport au titre inquiétant, mais sans doute prophétique : « Pollution plastique, une bombe à retardement ? ».

La lutte contre le plastique pèche en portant l’attention sur le plastique à usage unique, sur la taxation ou l’interdiction de certains produits et sur le recyclage, comme nous l’avons fait dans la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire (AGEC). Or, pour réduire les déchets plastiques à la bonne échelle, nous devons tenir compte de toutes les sources de pollution plastique et mettre en œuvre une stratégie plus globale et plus volontariste. Pour résumer, il faudrait passer d’un modèle linéaire de production et de consommation à un modèle circulaire, enrayant la production des déchets dès la conception des produits et transformant les usages ainsi que les emplois.

Ce texte a aussi pour objectif de déconnecter le plastique du pétrole, d’en diminuer la production et l’impact climatique et environnemental et de contraindre l’économie du plastique à le transformer. Ce mois-ci, un rapport relatif aux neuf seuils d’équilibre de notre planète donne l’alerte sur le dépassement très net du cinquième seuil, celui des pollutions chimiques et plastiques. Tous les scientifiques le disent, le changement doit être systémique. Sans être remis en cause, les choix de la France et de l’Union européenne (UE) ne sont pas à la hauteur de l’urgence à laquelle nous sommes confrontés.

Ma proposition de loi est structurée en cinq articles.

L’article 1er interdirait, à partir de 2030, la fabrication, la mise en vente et la mise à disposition de plastiques issus en tout ou partie du pétrole ou de produits pétroliers. Il s’agit, en fermant le robinet du pétrole destiné aux plastiques, qui représente 6 % de la consommation du pétrole mondial – 15 % en 2050 si nous ne faisons rien –, de contraindre la production de plastiques et, dans le même temps, de réduire celle des gaz à effet de serre (GES). Inciter le système à produire un moindre volume de plastique, c’est ouvrir des débouchés de réemploi aux plastiques recyclés, en en faisant la principale source de matière première dans la fabrication des plastiques après 2030.

L’article 2 s’inscrit dans la même logique systémique. Il prévoit l’adoption, par voie réglementaire, d’une stratégie nationale « Zéro plastique pétrole » avant le 1er janvier 2023. Cette stratégie détermine les mesures sectorielles ou de portée générale nécessaires pour respecter l’interdiction prévue à l’article 1er de la présente proposition de loi.

L’article 3 prévoit l’élaboration d’un calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués en tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers.

L’article 4 tend à instituer la tenue d’un débat public, sous forme d’états généraux, conduit par le Conseil national de l’économie circulaire (CNEC), dont je salue la présidente, Mme Véronique Riotton. Il s’agira de fixer des objectifs à la trajectoire nationale de suivi et de réduction des emballages à usage unique.

L’article 5 concerne la création d’un établissement public à caractère administratif à compétence nationale : l’Agence nationale du plastique – car le sujet nous dépasse. Cette agence a vocation à réunir les diverses parties prenantes de la politique de gestion des matières plastiques, de leur fabrication à leur recyclage. Tous les acteurs y seront invités à réfléchir aux usages de cette matière et au développement de modes de fabrication et de gestion du plastique plus favorables à l’environnement.

La création de l’Agence nationale du plastique comme outil de régulation, de coordination, d’accompagnement des politiques publiques et de conseil scientifique a été très largement soutenue par la quasi-totalité des personnes auditionnées, à l’exception de deux d’entre elles – je donnerai leurs noms si on me les demande. Elle a été perçue comme à la hauteur des enjeux, comme susceptible de permettre une plus grande mobilisation des acteurs de la chaîne de production et du recyclage, ainsi que des administrations publiques. À l’heure actuelle, la mobilisation de l’État sur la question du plastique, d’un point de vue structurel, réside tout entière au sein de l’Agence de la transition écologique (ADEME), à hauteur de deux postes et demi. La France mobilise 2,5 équivalents temps plein (ETP) pour traiter les problèmes soulevés par l’usage du plastique.

L’Agence nationale du plastique servirait aussi à sensibiliser l’opinion publique et à instaurer un dialogue permanent au sujet du plastique, notamment de sa gestion et de ses usages. Elle pourrait, par exemple, définir les polymères qui sont autorisés et ceux qui ne le sont pas, la trajectoire à adopter, le calendrier de réduction de l’usage du plastique et de l’intensification de son recyclage.

Je considère que les objectifs définis par la proposition de loi peuvent être atteints en dix ans, à condition d’en avoir la volonté politique et de se doter des outils adéquats – l’Agence nationale du plastique, notamment, est très attendue. En tout état de cause, il s’agit d’ouvrir un débat et de s’inscrire dans une trajectoire qui n’a pas vocation à rester nationale, tout comme celle que nous avions votée pour la fin des véhicules thermiques en 2040 – de française, cette position était devenue européenne et plus ambitieuse puisque l’échéance avait été ramenée à 2035, certains pays envisageant même 2030. Ayons le courage de faire de même sur la question du plastique : envoyons un signal à partir de la France qui pourrait être repris au niveau européen et servir dans des négociations mondiales.

La proposition de loi entend montrer le chemin. Il y a urgence. Nous ne pouvons plus ignorer les conséquences catastrophiques pour la vie sur Terre de la pollution résultant des produits chimiques composant les plastiques, notamment en mer.

Mme Véronique Riotton (LaREM). Nous partageons votre constat et vos préoccupations. La pollution plastique est une menace majeure pour notre environnement et notre biodiversité, et l’augmentation de la production de plastique vierge contribue à abîmer les écosystèmes et à augmenter les émissions de GES en Europe et dans le monde.

Toutefois, nous différons sur le choix de la méthode. Votre proposition de loi ne répond pas au besoin de changement structurel nécessaire pour relever ces défis, en dépit de bonnes intentions évidentes et de mesures qui pourraient sembler utiles.

Elle se borne à interdire les plastiques élaborés à base de pétrole, ce qui couvre une partie des besoins mais va à l’encontre d’une transformation efficace. Laissons à l’agriculture son rôle premier, qui est la production alimentaire ! Par ailleurs, le plastique doit sortir progressivement de notre consommation, qu’il soit biosourcé ou fabriqué à base de pétrole. Aller dans une autre direction constituerait un pas en arrière.

C’est précisément ce que nous avons visé avec la loi AGEC, dont l’objectif est de changer de modèles de production et de consommation, afin de limiter les déchets et de préserver les ressources naturelles. Dans ce texte, nous avons créé un changement systémique, grâce auquel il n’y aura plus, en 2040, de plastique à usage unique dans notre pays. Sa mise en œuvre forte et progressive en même temps est le meilleur moyen pour garantir l’efficacité, en embarquant tous les acteurs et en ne laissant personne sur le bord de la route.

La loi dite « climat et résilience », adoptée en 2021, renforce la trajectoire définie dans la loi AGEC, grâce notamment au développement de la vente en vrac. Dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA), nous accélérons les transformations du recyclage grâce à des moyens financiers supplémentaires destinés à les accompagner. Par ailleurs, le plan d’actions « Zéro déchet plastique en mer » (2020-2025) vise à préserver les écosystèmes marins et littoraux en luttant contre la diffusion des plastiques en mer. Ainsi, nous fixons une trajectoire ambitieuse et, en même temps, nous donnons aux acteurs concernés les moyens de la transformation.

Face à une écologie qui se veut verticale et hors sol, je revendique une écologie positive qui se base sur l’économie circulaire et la responsabilisation. Nous modifions radicalement et en profondeur le modèle de production et de consommation. C’est en adoptant ce modèle ambitieux, responsable et dynamique que nous avancerons sur les sujets climatiques, tout en assurant le progrès social et économique. Nous pouvons faire de la croissance verte, décarboner les industries et verdir nos finances publiques. Il ne s’agit pas d’une utopie, mais d’un modèle de société qu’il faut soutenir et renforcer.

Votre proposition de loi va à rebours de ce que nous estimons être une écologie positive, celle du quotidien, du progrès, de l’activité économique et de la préservation de la santé de nos concitoyens ainsi que de leur environnement. Je suis certaine que vous partagez ces objectifs, ce qui rend d’autant plus regrettable votre abstention sur la loi AGEC.

M. Michel Vialay (LR). « On meurt étouffés de nos produits chimiques et plastiques », c’est là le message choc publié sur Twitter par M. Olivier Fontan, ancien directeur exécutif du Haut Conseil pour le climat (HCC), le 18 janvier dernier.

Comme le rappelle l’exposé des motifs de la présente proposition de loi, les impacts du plastique sont multiples : sur la biodiversité, la faune et la flore, notamment sur la vie marine – 95 % des déchets plastiques flottant à la surface de l’eau finissent au fond des océans – et la chaîne alimentaire ; sur le climat, en raison notamment de l’empreinte carbone élevée de sa fabrication à partir de produits fossiles ; sur la santé, car le plastique est porteur de perturbateurs endocriniens dont le lien est établi avec de nombreuses pathologies graves, telles que les cancers, l’obésité, le diabète, les maladies thyroïdiennes, les troubles de la fertilité, les malformations génitales et les maladies neuro-développementales.

C’est pourquoi le projet des Républicains identifie la lutte contre la pollution de l’air, la préservation de la qualité de l’eau, la réduction des déchets et la lutte contre les effets néfastes du plastique comme l’une de ses trente priorités majeures.

C’est pourquoi les députés du groupe Les Républicains se réjouissent de la prise de conscience collective qui commence à se manifester, bien que ni la sensibilisation aux externalités négatives des plastiques, ni les politiques publiques n’aient permis de faire diminuer suffisamment les fuites de plastique, de déchets et de microparticules dans la nature.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains encourage l’utilisation de solutions alternatives, telles que les plastiques biosourcés, afin de réduire dans un premier temps notre dépendance au pétrole. Par ailleurs, nous appelons à mener des recherches sur les perturbateurs endocriniens, qui sont une priorité sanitaire.

C’est pourquoi le groupe Les Républicains a soutenu la proposition de résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique, déposée par notre collègue M. Bolo et adoptée à l’unanimité par notre assemblée en novembre dernier. Il est urgent d’agir aux niveaux national, européen et international. Alors même que l’exposition à cette pollution est multifactorielle, aucune législation ni aucune recherche ne l’embrassent dans sa totalité.

Certes, la présente proposition de loi a le mérite de soulever un véritable problème et d’appeler à une réflexion complémentaire sur les moyens de développer des solutions alternatives au plastique pétrosourcé, sans viser la disparition de tout plastique ‑ inenvisageable à l’heure actuelle. Toutefois, elle envisage la lutte contre la surconsommation de plastique pétrosourcé dans un cadre franco-français. Or, d’après un rapport du Congrès américain, les États-Unis produisent en moyenne 130 kilos de déchets plastiques par an et par habitant, contre 98 au Royaume-Uni et 43 en France. Surtout, la proposition de loi ne s’appuie sur aucune étude d’impact.

Les membres du groupe Les Républicains s’abstiendront. Le sens des responsabilités doit nous amener à appréhender les sujets de façon globale et à anticiper, pour les accompagner, les évolutions nécessaires pour répondre aux enjeux de la lutte contre la pollution plastique.

M. Philippe Bolo (Dem). Personne ici ne conteste les conséquences sur la biodiversité et la santé humaine de la pollution plastique. Nous connaissons tous votre engagement dans la lutte contre celle-ci, et le débat est utile. Chacun d’entre nous peut vérifier, dans son territoire, que ce sujet mobilise l’attention de nombreux citoyens.

Toutefois, les membres du groupe MoDem et Démocrates apparentés estiment que la proposition de loi manque sa cible.

L’article 1er vise à interdire, à partir de 2030, les plastiques issus du pétrole. Du point de vue chimique, il s’agit en réalité de substituer aux atomes de carbone des polymères issus du pétrole des atomes de carbone d’une autre origine. À nos yeux, une telle substitution ne permettra pas de résoudre le problème de la pollution plastique. Premièrement, elle place tous les plastiques au même niveau, sans distinguer ceux qui contribuent plus fortement à la pollution, notamment des océans. Deuxièmement, elle escamote le sujet des fuites de plastique. L’usage de polymères dont le carbone est issu des végétaux et non du pétrole n’empêchera pas les pertes des granulés de matière vierge dans les océans ou sur les continents.

La substitution proposée ne résoudra pas le problème des microplastiques ajoutés intentionnellement dans certains produits cosmétiques. Elle ne neutralisera pas l’usure de certains objets en plastique, tels que nos vêtements fabriqués hors de France qui perdent, lors des lavages en machine, des microparticules que l’on retrouve dans les stations d’épuration, les sols et les eaux superficielles. Cette substitution ne résout pas le problème des déchets.

Par ailleurs, il manque au texte une étude d’impact permettant de déterminer, en cas de remplacement des atomes de carbone des polymères issus du pétrole par des atomes de carbone issus de la biomasse, la quantité de biomasse qu’il faudrait produire pour obtenir la même quantité de polymères. Ne faut-il pas s’attendre à des effets de concurrence et à des effets de bord ?

S’agissant de l’article 4, le sujet des emballages doit impérativement être pris en considération dans le cadre de la lutte contre la pollution plastique, en raison des problèmes soulevés par leur usage unique, leur durée de vie courte, la gestion de leur fin de vie et les risques de fuite. Toutefois, est-il nécessaire de passer par la loi pour organiser la concertation sous la forme d’états généraux ? La Commission nationale du débat public (CNDP) pourrait s’en saisir.

La création d’une Agence nationale du plastique comblerait un vide, selon l’exposé des motifs. Or vous avez rappelé que l’ADEME travaille sur le sujet ; il suffirait de renforcer les effectifs, certes réduits, qui s’y consacrent. La France dispose aussi d’institutions compétentes, notamment les éco-organismes et les instituts de recherche sur les polymères et les composites. Chacun agit dans son domaine de connaissance, de recherche et d’expertise, au profit des particuliers, des entreprises ou des pouvoirs publics. Tous ces gens pourraient se réunir, dans une perspective d’écoconception, pour déterminer le meilleur plastique qu’il est possible de produire pour éviter qu’il ne se retrouve dans la nature.

Le groupe MoDem et Démocrates apparentés votera contre la proposition de loi, tout en réaffirmant la nécessité de lutter contre la pollution plastique, notamment à l’échelle internationale, en concrétisant la résolution relative à l’engagement de la France pour le renforcement d’une action internationale de lutte contre la pollution plastique, que nous avons adoptée à l’unanimité le 29 novembre dernier.

Mme Chantal Jourdan (SOC). L’impact néfaste du plastique d’origine fossile sur la biodiversité, essentiellement marine, sur le dérèglement climatique et sur la santé humaine, en raison du risque induit par les perturbateurs endocriniens présents dans les contenants en plastique, est largement documenté. Nous partageons notamment l’objectif d’une stratégie ambitieuse pour réduire la production et la consommation de plastiques issus du pétrole, ressource limitée dont l’usage place la France dans une situation de dépendance stratégique.

Toutefois, la filière de la plasturgie a un poids économique important pour la France. Elle offre un nombre d’emplois non négligeable. De nombreux secteurs industriels en sont dépendants. Dans ma circonscription de l’Orne, cette filière constitue une opportunité économique forte pour le territoire, où elle attire de nombreux projets ainsi que des investissements, et permet le développement d’offres de formation. Par ailleurs, la plupart des acteurs sont sensibilisés et mobilisés pour faire évoluer leur filière vers une production plus respectueuse de l’environnement et de la santé humaine, notamment grâce au développement de l’économie circulaire, à l’utilisation de bioplastiques, au recyclage industriel, à la valorisation des déchets et à leur réemploi. Ils ont besoin de soutien et d’accompagnement pour accélérer ce mouvement.

Le texte que nous examinons propose de passer d’une stratégie nationale « Zéro emballage à usage unique » à l’horizon 2040 à une stratégie « Zéro plastique pétrole » à l’horizon 2030. Cet objectif est-il atteignable sans trop fragiliser les emplois de la filière ?

S’agissant de la création d’une Agence nationale du plastique, chargée de l’accompagnement financier, humain et technique des projets de gestion des matières plastiques, dispose-t-on d’un état des lieux des financements que l’État pourrait flécher à cet effet et, le cas échéant, des financements supplémentaires nécessaires à la réalisation de ces mesures ?

Quant à la fabrication de plastique à base de matière organique, elle nécessite une production de culture. L’impact sur la production agricole alimentaire a-t-il été évalué ? Existe-t-il des solutions alternatives ?

M. Jean-Michel Clément (LT). Les Français ont beau renoncer aux pailles en plastique, opter pour la gourde et préférer, lorsqu’ils ont le choix, les contenants en verre, en tissu ou en carton, des montagnes de déchets plastiques continuent de s’amonceler sur nos terres et dans nos océans. Les conséquences sur la biodiversité sont dramatiques. Toute la vie marine – plancton, crustacés, oiseaux, mammifères – est exposée à un risque grave de toxicité, de troubles du comportement, de famine et de suffocation. Nous-mêmes sommes directement touchés par cette pollution : l’eau que nous buvons et les aliments que nous consommons contiennent des microparticules de plastique que nous ingérons chaque jour.

Pour limiter cette contamination, des décisions ont bien été prises dans la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (EGALIM), la loi relative à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et la loi AGEC. Toutes prévoient l’interdiction de certains plastiques à usage unique. Je salue le rôle moteur de M. François-Michel Lambert, qui fut à l’initiative de nombreux amendements prévoyant des restrictions. Nous lui devons notamment l’interdiction des piques à steak, des couvercles à verre jetables et des sachets de thé en plastique, ainsi que l’obligation d’installer des filtres à micro-plastiques dans les lave-linge. Cet inventaire à la Prévert n’a rien d’anecdotique, tant le sujet est grave.

Toutefois, je dois dire la déception que m’inspire l’application lacunaire de certaines mesures votées. Ainsi, la fin de l’emballage plastique des fruits et des légumes a été retardée par de nombreuses dérogations, et le Fonds de réparation, qui devait voir le jour au 1er janvier dernier, ne sera opérationnel qu’en juin prochain, avec une prise en charge des coûts de réparation abaissée de 20 % à 10 %.

Mme Véronique Riotton. C’est faux !

M. Jean-Michel Clément. Je crains que les quelques dispositions adoptées à ce jour, tempérées par de nombreuses exceptions, ne soient très insuffisantes pour faire face au fléau de la pollution plastique. Il est urgent de transformer nos modes de production pour réduire notre dépendance aux polymères. L’article 1er procède de cette ambition. En prévoyant l’interdiction de la mise sur le marché de plastique à base de pétrole à compter de 2030, il envoie un signal fort en faveur d’une nécessaire trajectoire de sobriété dans les usages et d’une indispensable valorisation de la matière recyclée.

J’entends déjà ceux qui redoutent qu’une telle mesure favorise, par défaut, les plastiques biosourcés, dont l’impact sur l’environnement ne pose pas moins problème. Je reconnais bien volontiers qu’il faut améliorer l’encadrement des règles de production dans de futurs textes législatifs afin d’éviter les effets de bord, tels que l’accaparement des terres. J’ai également conscience que le plastique pétrosourcé sera toujours nécessaire pour la production de certains objets, qui pourraient bénéficier de dérogations introduites par décret.

Par ailleurs, nous ne réduirons pas notre dépendance au plastique sans réunir autour de la table tous les acteurs concernés. Tel est l’objet de l’Agence nationale du plastique qui comblera le manque d’expertise dont souffre l’administration sur le sujet. L’adoption d’une stratégie nationale « Zéro plastique pétrole » et celle d’un calendrier d’interdiction progressive, pour leur part, ont vocation à insuffler les changements sociétaux nécessaires étape par étape.

Cette proposition de loi résonne comme une alerte. Les outils qu’elle offre permettront à la France de réduire sa dépendance au plastique. Notre groupe y est totalement favorable.

M. Jimmy Pahun. Je remercie notre collègue M. François-Michel Lambert de son initiative qui s’inscrit dans un combat de longue date, sincère et sérieux, contre la pollution plastique, qui a permis de progresser sur plusieurs sujets.

L’étude de ce texte est d’abord l’occasion de rappeler ce qui a été fait pendant le quinquennat, à l’initiative de notre majorité. La loi AGEC fixe un cap « Zéro plastique à usage unique », en prévoyant des interdictions échelonnées sur plusieurs années. Elle améliore l’information du consommateur, favorise le réemploi et oblige les personnes publiques à moins recourir au plastique. En bref, son objectif est de modifier durablement nos modes de production et de consommation.

Faut-il en conclure que le sujet est clos ? Au contraire ! Le législateur doit rester vigilant pour garantir la bonne application de ce qui a été voté, en veillant, d’abord, à la bonne rédaction des décrets d’application de la loi AGEC – sur ce point, une meilleure implication des parlementaires aurait été utile –, ensuite, à la bonne appropriation par les acteurs sur le terrain. Il faut aussi savoir tirer les leçons de ce qui n’a pas marché et assumer d’aller plus loin si nécessaire.

Sur la présente proposition de loi, je partage la position exprimée par notre collègue M. Philippe Bolo : il faut s’attaquer au plastique dans son ensemble, pétrosourcé et biosourcé. Monsieur le rapporteur, je comprends votre intention, mais votre stratégie me semble trop incertaine. Utilisons les moyens que nous avons !

À titre personnel, je suis favorable aux articles 4 et 5, prévoyant l’ouverture d’un débat public et la création de l’Agence nationale du plastique. Il me semble que le message envoyé est le bon. Que l’on s’appuie sur l’ADEME ou une autre agence, l’important est de disposer de davantage de moyens humains et financiers, qui ne proviennent pas de l’industrie plastique. Pour ma part, je verse au débat deux sujets qui me semblent majeurs : les emballages ménagers en polystyrène et les composés perfluorés dans la vaisselle jetable.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Je constate que personne ne remet en question la nécessité de prendre des mesures pour faire face à cette pollution.

Mme Riotton partage les constats mais considère que la proposition de loi ne répond pas aux évolutions structurelles. Or elle vise précisément à opérer un changement structurel, comme le fit l’interdiction des véhicules à moteur thermique à partir de 2040. L’interdiction de fabriquer du plastique à partir de la ressource très abondante et peu coûteuse qu’est le pétrole entraînera une production à base de plastiques recyclés et biosourcés, avec des surcoûts. Au passage, la proposition de loi n’a pas vocation à favoriser le recours aux plastiques biosourcés. Celui-ci doit être mieux encadré, tout comme doit l’être de manière plus générale tout usage des produits des terres agricoles à d’autres fins que l’alimentation – c’est d’ailleurs ce que nous avons décidé au sujet des importations de produits entraînant la déforestation.

Que le plastique doive sortir de notre consommation, je l’entends bien. Or, en 2010, l’industrie textile indiquait déjà avoir utilisé 30 millions de tonnes de coton et autant de polyester, entre autres plastiques. En 2030, l’usage du coton n’aura pas progressé, mais celui du polyester passera à 72 millions de tonnes, soit une multiplication par 2,4 en vingt ans. Pour l’instant, on est donc dans la surconsommation de plastique ; les taux de croissance annuelle, jusqu’à 7 %, de cette industrie le démontrent.

Cette proposition de loi ne s’oppose absolument pas à la loi AGEC qui prévoit la fin de la mise sur le marché des emballages en plastique à usage unique d’ici à 2040. Bien au contraire, elle va aider à accélérer, puisqu’elle ne remet pas en question les objectifs et ajoute davantage de contraintes.

Il ne faut pas une écologie verticale, dites-vous. La remarque pourrait être appliquée à d’autres mesures qui ont été votées et que j’ai soutenues, et dont les résultats sont extrêmement positifs : l’interdiction des véhicules à moteur thermique, l’arrêt des centrales à charbon ou la prohibition de l’importation de produits qui entraînent des déforestations. Mais le temps nous manque ! Mon engagement sur ces sujets remonte à mon premier mandat de député. Il était alors impossible d’en parler. Nous avons néanmoins pu avancer lors de la précédente législature et accélérer au cours de celle-ci – mais la catastrophe en a fait autant.

J’ai procédé à presque vingt-cinq auditions. Les deux acteurs qui se sont opposés à cette proposition de loi sont Plastics Europe – le lobby de l’industrie du plastique – et la direction générale de la prévention des risques (DGPR) du ministère de la transition écologique.

M. Michel Vialay remarque que toutes les politiques menées jusqu’à présent n’empêchent pas la fuite de plastique. C’est exactement ce que je démontre.

Sur le fait de s’en tenir à une mesure nationale, je pourrais lui donner raison, mais à un moment donné il faut commencer. Nous l’avons fait avec les véhicules à moteur thermique ou les importations de produits contribuant à la déforestation.

Il n’y a en effet pas d’étude d’impact : c’est un point qu’il faudra améliorer.

Je salue l’abstention du groupe LR, que je comprends comme positive.

Pour rédiger cette proposition de loi, je me suis appuyé sur des travaux que j’avais précédemment menés et le rapport de M. Philippe Bolo et de la sénatrice Mme Angèle Préville, qui, elle, la soutient et ne dit pas qu’elle rate sa cible. Vous laissez entendre, monsieur Bolo, que la proposition de loi encourage la substitution des polymères issus du pétrole par ceux issus de la biomasse. Ce ne sera pas le cas pour deux raisons. La première est qu’il sera plus coûteux de produire du plastique à partir de la biomasse et du recyclage, ce qui entraînera une diminution considérable de la production de plastique. La seconde est qu’il faudra renforcer le contrôle de l’usage des terres agricoles à d’autres fins que l’alimentation. Encore une fois, cette proposition de loi complète les autres lois récemment adoptées.

On me dit encore qu’elle ne prendrait pas en considération les fuites de plastique. Précisément, l’interdiction de quelques articles en plastique comme les pailles, piques à steak ou les couverts, n’empêche pas qu’elles croissent plus que jamais. Le Président de la République a annoncé des investissements colossaux pour faire des plastiques recyclés la principale source des plastiques de demain, avec plus de 1 milliard d’euros consacrés à deux sites de production dès 2025. Mais le plastique qui sera produit par ces usines chimiques sera beaucoup plus cher que celui fabriqué directement à partir de pétrole. C’est ce changement systémique que demandent tous les scientifiques.

Faut-il recourir à la loi pour organiser des états généraux sur la question des emballages ? On pourrait en effet s’en passer et confier leur organisation à la CNDP. Mais il faut agir et donner une impulsion que nous pourrons confirmer lors de l’examen du texte en séance publique, le vendredi 4 février. L’urgence est là. Un tel débat contribuera à atteindre l’objectif d’interdiction des emballages plastiques à usage unique en 2040.

Quant à renforcer l’ADEME et travailler avec les éco-organismes, je relève que ces derniers ne concernent pas tous les usages du plastique et qu’il existe donc des lacunes. Une Agence nationale du plastique serait plus efficace, à l’image de l’Office français de la biodiversité (OFB) qui couvre l’ensemble du spectre de la biodiversité et résulte de la fusion de l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

Mme Chantal Jourdan a souligné le poids économique de l’industrie du plastique. Il ne faut pas le nier, mais le plastique ne disparaîtra pas, c’est sa production qui se transformera. Si l’industrie française prend de l’avance en abandonnant la production de masse et en se spécialisant dans la performance et la qualité, elle se mettra à l’abri de la concurrence des pays qui font du dumping social et environnemental. Elle créera aussi plus de valeur, et donc sécurisera ses implantations en France.

Je le répète, l’Agence nationale du plastique s’inspire de l’AFB, dont j’ai accompagné la création lors de la précédente législature et qui était soutenue par l’actuelle ministre de la transition écologique. À l’époque, cette agence avait été décriée, mais elle a fait la démonstration de son utilité. C’est tout le sens de la création d’une Agence nationale du plastique qui permettrait de mettre les efforts en commun au sein d’une organisation unique, plutôt que d’avoir des organismes disparates et de batailler pour augmenter de manière marginale le nombre de salariés qui s’occupent du plastique au sein de l’ADEME.

Je remercie M. Jean-Michel Clément d’avoir souligné qu’il s’agissait de s’inscrire dans une trajectoire de sobriété. Tous les scientifiques disent que nous n’y sommes pas et que l’on assiste à un phénomène de substitution. La multiplication par 2,4 en vingt ans du polyester utilisé dans l’industrie textile témoigne qu’on ne se préoccupe pas de la biodiversité. Sachant que le tonnage de plastique utilisé par cette industrie est deux fois supérieur à celui employé pour l’emballage, s’attaquer à ce dernier est certes indispensable, mais pas suffisant. Tel est bien le sens de cette proposition de loi.

Comme le relève Mme Riotton, il faudra prévoir des dérogations afin de continuer à produire du plastique à partir de pétrole pour des usages indispensables à la santé ou à la sécurité – j’ai déposé des amendements à cet effet.

M. Jean-Michel Clément a estimé que cette proposition de loi constituait une alerte. La présence de nombreux collègues pour l’examen de celle-ci – alors que l’activité parlementaire est très dense – montre que nous en sommes tous conscients. C’est le message que nous pourrons retenir à l’issue des débats.

Je partage les inquiétudes de M. Jimmy Pahun s’agissant de certains décrets et de la vigilance nécessaire. Celle-ci a besoin d’espaces où s’exercer, et les états généraux de l’emballage en sont un. Ils permettront aux responsables politiques, aux industriels, aux consommateurs et aux organisations non gouvernementales (ONG) de se rencontrer et de décider collectivement. Je le remercie de soutenir la création de l’Agence nationale du plastique.

Article 1er (article L. 541-9-9-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Interdiction de la fabrication et de la vente de plastique produit à partir de pétrole

Amendement CD10 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. En accord avec le titre de la proposition de loi, il s’agit de substituer au mot « polymères » celui de « plastiques », afin d’exclure du champ d’application les polymères utilisés dans la fabrication d’autres produits que les plastiques, comme l’aspirine.

Mme Véronique Riotton. Vous proposez une interdiction générale, que vous assortissez ensuite de dérogations. Nous avons fait le choix inverse avec la loi AGEC et d’autres dispositifs, afin de donner la visibilité nécessaire – c’est un changement structurel. Cette loi prévoit que des décrets sont élaborés dans le cadre de la stratégie nationale « 3R » – pour la réduction, le réemploi et le recyclage des emballages en plastique à usage unique –, en commençant par la période 2021-2025, puis tous les cinq ans. L’enjeu est d’accompagner chaque filière.

Le groupe LaREM ne soutiendra ni cet amendement ni l’article 1er, car nous considérons qu’il faut inscrire la stratégie de transformation dans la durée plutôt que d’instaurer un couperet qui ne distingue pas entre les différents plastiques.

J’indique à M. Jean-Michel Clément que l’indice de réparabilité est en vigueur depuis le 1er janvier 2021 ; c’est un des grands succès de la loi AGEC.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD11 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Cet amendement vise à exclure les plastiques recyclés du champ d’application de la proposition de loi. L’objectif est bien de les insérer dans le cycle de fabrication du plastique, et non de privilégier le plastique biosourcé.

Les amendements ont pour objet d’améliorer un texte qui n’a pas encore été voté. Si j’ai bonne mémoire, le projet de loi AGEC comprenait initialement 12 ou 14 articles, pour en arriver finalement à plus de 120. Personne n’a critiqué le fait de l’avoir ainsi enrichi. Il s’agit de trouver les meilleures solutions pour atteindre l’objectif zéro plastique issu du pétrole en 2030.

M. Bruno Millienne. Je loue le travail sérieux de M. François-Michel Lambert ; il mène ce combat depuis longtemps. Mais il y a plusieurs choses que je ne comprends pas.

Le plastique recyclé serait plus cher que le plastique issu directement de produits pétroliers. Je vous invite à visiter l’usine Skytech, installée à Bonnières-sur-Seine, qui recycle tous les types de plastiques et les revend moins cher que les plastiques pétroliers. La recherche a progressé ; ce n’est peut-être pas la solution, mais c’est un espoir.

Même si vous ne souhaitez pas que les plastiques biosourcés remplacent les plastiques pétroliers, c’est inévitablement ce qui va arriver et l’on se retrouvera face aux mêmes problèmes de pollution par les plastiques. Il faut donc s’attaquer directement à cette pollution, et nous voterons contre cette proposition de loi parce que nous pensons que le travail n’est pas encore suffisamment abouti.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Pas suffisamment abouti, sans doute, mais c’est tout le sens d’une proposition de loi dans le cadre d’une niche parlementaire que de susciter le débat. Une fois encore, cette proposition ne s’oppose à aucune des lois ou des réglementations déjà adoptées par ailleurs.

Le plastique recyclé est probablement moins cher que le plastique vierge dans certains cas. Cependant, la fast fashion existe car le polyester est bien moins cher que la fibre de coton, dont le prix augmente. C’est cette différence de prix qui permet l’hyperconsommation dans le secteur du textile. D’où la proposition d’interdire les plastiques pétroliers vierges, ce qui aura forcément un effet sur les coûts.

Mme Nathalie Sarles. S’agissant du textile, il y a, selon moi, deux sujets. L’un est que les consommateurs se tournent de plus en plus vers les fibres biosourcées. L’autre est que la réussite de la fast fashion ne tient pas tant au prix des matières premières qu’au fait qu’elle emploie des esclaves. C’est cela qui fait le prix bas.

M. Adrien Morenas. Si la France interdit de produire des vêtements en polyester, le reste du monde continuera de le faire – notamment la Chine, l’Inde et tous les pays qui fabriquent à bas coût. Ces produits seront importés chez nous, et donc cela ne changera pas grand-chose au problème.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Il faudrait en effet que la question soit traitée à l’échelle mondiale. Mais je rappelle que la majorité à l’Assemblée nationale a réussi à inscrire dans la loi la fin du véhicule à moteur thermique en 2040. Il fallait être fou pour oser y penser en 2017, puis pour voter cette mesure en 2019. Il fallait également être fou pour soutenir la fermeture des centrales à charbon et dire à nos partenaires européens : « nous les fermons et nous vous demandons de mettre en place une stratégie de sortie ». Cela a aidé le gouvernement allemand précédent à décider, et le nouveau gouvernement va probablement accélérer la fermeture de ces centrales.

S’agissant des équilibres de prix dans le secteur de la fast fashion, je vous demande de ne retenir que ces chiffres : 30 millions de tonnes de coton et 30 millions de tonnes de polyester en 2010. On ne peut pas produire davantage de coton, car sa culture est déjà extrêmement nocive. C’est donc le polyester qui alimente l’accélération de la fast fashion, avec une multiplication par 2,4 de sa production prévue en vingt ans. Les millions de tonnes de plastique supplémentaires ainsi produits servent au départ pour fabriquer du textile, mais à la fin tout cela finit dans les océans.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je précise que le projet de loi AGEC comportait 13 articles lors de son dépôt sur le bureau du Sénat. À l’issue de la première lecture par ce dernier, il en comptait 77, et 130 au terme de nos travaux. La loi a été promulguée en février 2020, ce qui est relativement récent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD14 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Dès la rédaction de cette proposition de loi, j’avais conscience que l’interdiction de tout plastique vierge à base de pétrole à compter du 1er janvier 2030 n’était pas tenable, ce que les auditions ont confirmé. Nous en avons besoin, notamment dans le domaine sanitaire et dans celui de la sécurité ou de la sûreté, pour avoir une garantie de performance et de qualité.

Cet amendement s’inscrit dans une démarche de coconstruction – je ne prétends pas avoir déposé une proposition de loi qui ne nécessiterait aucun ajustement. Il permet aux ministres en charge de la santé et de l’industrie de prévoir par arrêté des dérogations au principe d’interdiction qui entrera en vigueur en 2030.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Article 2 (article L. 541-10-17-1 [nouveau] du code de l’environnement) : Instaurer une stratégie nationale zéro plastique issu de produits pétroliers

La commission rejette l’amendement de cohérence CD12 du rapporteur.

Elle rejette l’article 2.

Après l’article 2

Amendement CD1 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Cet amendement propose de nouveau d’interdire les emballages à usage unique en polystyrène à partir de 2025. Lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience », notre assemblée avait adopté un amendement allant dans ce sens, pour dire non au polystyrène, dans un élan transpartisan.

Tout d’abord, le polystyrène est toxique pour l’homme et l’environnement. Ensuite, il n’est pas recyclable et perturbe le tri des autres plastiques. Enfin, les alternatives viables sont immédiatement disponibles. J’insiste sur ce dernier point et sur l’engagement de grands groupes de l’agro-alimentaire pour tourner la page du polystyrène – c’est le cas de Danone et de Nestlé. C’est donc bien possible. C’est l’écologie des solutions que nous défendons.

Lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience », le Sénat a jugé bon de revenir sur ce que nous avions voté en introduisant une condition de recyclage qui rend le dispositif complètement inopérant. La loi prévoit ainsi que le polystyrène ne sera pas interdit en 2025 s’il est effectivement recyclable et recyclé. Cela fait dix ans que les industriels promettent des solutions de recyclage du petit polystyrène alimentaire, mais sans aboutir. Pendant les débats sur le projet de loi, ils défendaient encore leur produit en arguant qu’il était déjà parfaitement recyclé, au motif qu’une infime quantité de polystyrène est réutilisée pour en faire des cintres et des pots de fleurs.

Quand bien même serait-il parfaitement recyclé en 2025, cela n’enlèverait rien au fait que ce matériau est un mauvais plastique, pire que les autres. Il sera toujours toxique pour l’homme et pour l’environnement. Plutôt que d’encourager des industriels dans cette voie sans issue, orientons-les dès maintenant vers d’autres solutions.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. J’avais cosigné et voté l’amendement en question.

L’exposé sommaire de l’amendement CD1 indique qu’il s’agit d’interdire l’usage du polystyrène dans les emballages ménagers. Cette philosophie que nous partageons pourrait attirer les mêmes critiques soulevant les risques d’une interdiction définitive et appelant une autre méthode.

Vous avez rappelé l’immobilisme de l’industrie. Je me souviens que l’interdiction des sacs plastiques avait déjà été proposée lorsque M. Jean-Louis Borloo était ministre de l’environnement. Il a fallu attendre une ministre au caractère très affirmé et capable de résister aux pressions – Mme Ségolène Royal – pour y arriver. Je me souviens combien j’ai dû en rabattre sur l’ambition d’interdiction de la vaisselle à usage unique en 2015, finalement limitée aux seuls gobelets et assiettes sous prétexte qu’on ne trouvait pas de matière alternative au plastique pour les couverts. Malgré les avancées de la loi AGEC, des industriels contournent l’interdiction des couverts en plastique par la mention « réutilisable » – comment faire lorsqu’il s’agit de l’emballage plastique d’un sandwich thon-mayonnaise, comme celui que j’ai récemment acheté ? Nous sommes face à des acteurs qui ne sont pas honnêtes.

Votre amendement correspond à la philosophie de la proposition de loi. Avis très favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD2 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun. Je propose d’interdire l’incorporation de composés perfluorés dans les emballages et les contenants alimentaires mis sur le marché comme substituts des produits en plastique. À peine avions-nous interdit la vaisselle jetable en plastique, que l’on a eu recours à d’autres matières, très nocives !

Les composés perfluorés sont utilisés pour leurs propriétés imperméabilisantes. Les gobelets et assiettes en carton, par exemple, peuvent en être recouverts. Or ces composés migrent de l’emballage ou du contenant vers l’aliment, donc vers l’être humain. Leurs effets sur la santé et les milieux naturels sont de mieux en mieux documentés. On sait notamment que l’acide perfluoro-octanoïque (PFOA), le sulfonate de perfluoro-octane (PFOS) et leurs dérivés altèrent la fécondité et ont des effets hépatiques, cardiovasculaires et endocriniens. Une étude de Santé publique France montre que la population française – y compris les femmes enceintes – est exposée à ces composés qui persistent dans l’environnement. Ces données devraient nous amener à les interdire dans les emballages alimentaires. L’enjeu est aussi de contrôler l’usage des substituts du plastique : veillons à ce que les nouveaux produits ne soient pas pires que les anciens, afin de protéger au mieux la santé humaine et les écosystèmes naturels.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Vous avez tout à fait raison, les composés perfluorés sont très persistants, résistent à la dégradation et demeurent très longtemps actifs. On les retrouve dans tous les compartiments de l’environnement et dans la chaîne alimentaire. Si certains composés comme le PFOA sont désormais bien connus, on s’interroge sur la toxicité d’un grand nombre d’autres, qui pourraient être notamment des perturbateurs endocriniens.

Je l’ai dit, les scientifiques nous alertent : sur les neuf limites planétaires, la cinquième est désormais dépassée, celle de la pollution chimique ; et elle l’est très largement, bien plus que ne l’est celle relative au changement climatique, ce qui est déjà angoissant en soi.

Nous ne pouvons pas nous contenter de la tactique actuelle qui consiste à interdire un produit puis un autre. Chaque fois que les connaissances scientifiques progressent, les industriels se renouvellent. Le bouclier de la loi est trop faible par rapport au glaive d’une industrie qui invente en permanence de nouveaux polymères ou de nouveaux composés. Une voiture peut contenir jusqu’à 200 polymères plastiques ; cela donne une idée de l’enjeu.

Je soutiens cet amendement. L’une des fonctions de l’Agence nationale du plastique serait précisément de traiter ces questions avec toutes les parties prenantes, dans une approche collective et responsable, afin d’éviter que le Parlement n’ait à interdire, un à un, tel produit ou tel usage, tel polymère ou tel adjuvant. C’est le rôle que joue désormais l’OFB sur les questions relatives à la biodiversité.

Mme Véronique Riotton. La directive relative aux emballages et aux déchets d’emballages nous impose une contrainte : les États membres ne peuvent pas interdire les emballages qui satisfont aux critères fixés dans la directive. C’est pourquoi nous travaillons segment par segment dans le cadre de la stratégie nationale « 3R » qui vise à supprimer les plastiques à usage unique d’ici à 2040. Il n’est pas possible de voter aujourd’hui cet amendement.

M. Jimmy Pahun. L’industrie commence à peine à utiliser ces composés ; c’est le moment ou jamais de les interdire ! Nous devons progresser vers l’emploi de matériaux sains et le recyclage total des déchets.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Je connais votre engagement à ce sujet, madame Riotton, notamment en votre qualité de présidente du Conseil national de l’économie circulaire. Cependant, en tant que parlementaires et citoyens, il nous est très difficile de ne pas nous affranchir de ce que nous imposent en la matière l’Union européenne, les accords commerciaux ou les règles de l’Organisation mondiale du commerce.

Nous avons, vous et moi, des enfants ou des petits-enfants, et nous nous inquiétons pour l’avenir. M. Jimmy Pahun a rappelé les conséquences dramatiques que peut avoir l’utilisation de ces composés. La mesure qu’il propose n’est certes qu’un remède partiel au regard des multiples effets que nous subissons à cause des produits chimiques et plastiques. Néanmoins, et quand bien même elle serait retoquée ultérieurement au niveau européen, avançons compte tenu de ce que nous savons aujourd’hui ; tentons de bloquer ce que nous pouvons bloquer.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 (article L. 541-15-10 du code de l’environnement) : Calendrier d’interdiction progressive des polymères fabriqués à partir de pétrole

La commission rejette l’amendement de cohérence CD13 du rapporteur.

Elle rejette l’article 3.

Article 4 (article L. 541‑1 du code de l’environnement) : Institution d’un débat public relatif aux objectifs de réemploi des emballages

Amendement rédactionnel CD8 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Cet amendement tend à préciser que les états généraux de l’emballage accompagnent la mise en œuvre – et non la préparation – de la trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés, prévue par la loi AGEC. Avec cette proposition de loi, nous entendons soutenir cette stratégie.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 4.

Article 5 (section 3 [nouvelle] du chapitre Ier du titre III du livre Ier du code de l’environnement) : Création d’une Agence nationale du plastique

La commission rejette successivement les amendements rédactionnels CD7 et CD9 du rapporteur.

Elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

Amendement CD16 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. Cet amendement est identique à un amendement déposé par M. Paul-André Colombani, absent car contaminé par le covid-19. Je propose que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’opportunité de créer une Agence nationale du plastique qui concourrait à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques en matière de gestion des matières plastiques.

Le principe d’une telle agence a été très largement soutenu par les acteurs que nous avons auditionnés, à l’exception de Plastics Europe qui estime qu’il n’y a pas lieu d’en créer une, et de la DGPR du ministère de la transition écologique, qui pense préférable de réorganiser les services de l’ADEME – voire de faire appel aux éco-organismes –, idée très judicieuse que certains d’entre vous ont reprise. Cependant, on ne peut pas s’en tenir à cette éventualité : un travail de fond est nécessaire. Le rapport conclura peut-être que la création d’une agence spécifique est une mauvaise solution, mais ne manquera pas de relever, dans le même temps, la faiblesse des moyens dédiés. Nul ne peut la nier : avec 2,5 ETP à l’ADEME, nous ne sommes pas à la hauteur de l’urgence.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Nous souhaitons un prompt rétablissement à M. Colombani.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD17 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. J’ai, là aussi, repris un amendement de M. Paul-André Colombani. Il vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport dressant un bilan des quantités de matières plastiques mises annuellement sur le marché en France, de leur composition et des additifs utilisés majoritairement dans leur composition.

Nos débats l’ont montré – M. Jimmy Pahun a évoqué la nocivité du polystyrène et des composés perfluorés ; j’ai signalé qu’une voiture pouvait contenir jusqu’à 200 types de polymères –, la réalité nous dépasse et nos connaissances sont insuffisantes. Sans indicateurs ni trajectoires montrant ce qui se passe et ce qui nous attend, nous resterons aveugles et ne pourrons pas être à la hauteur de l’enjeu et des risques.

Mme Véronique Riotton. Il faut effectivement continuer à travailler sur les questions relatives au plastique, mais il faut aussi tenir compte du travail déjà réalisé. Je vous invite à prendre connaissance du rapport indiquant les potentiels de réduction, de réemploi et de recyclage des emballages en plastique d’ici à 2025, établi en préparation au décret quinquennal fixant les objectifs dans le cadre de la stratégie nationale « 3R ». Remis par le ministère de la transition écologique – l’ADEME n’est donc pas seule à travailler sur le sujet –, il fait le point sur l’ensemble des aspects. Nous ne voterons pas l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CD15 du rapporteur.

M. François-Michel Lambert, rapporteur. J’ai, là encore, repris un amendement de M. Paul-André Colombani. Il tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la loi, un rapport présentant un panorama des alternatives au plastique produit pour tout ou partie à partir de pétrole ou de produits pétroliers.

Ce travail serait complémentaire de la stratégie nationale « 3R », madame Riotton. Lorsque nous avons examiné le projet de loi AGEC, en 2019, nous n’avions pas tous les éclairages dont nous disposons aujourd’hui. J’ai notamment fait référence dans ma présentation liminaire aux travaux de l’UICN, du PNUE et de différents chercheurs, ainsi qu’au rapport établi par Mme Angèle Préville et M. Philippe Bolo pour l’OPECST. Ils rendent compte de la submersion à laquelle nous sommes confrontés et nous permettent de mesurer l’urgence.

Je suis depuis de longues années la pollution plastique – certains d’entre vous ont salué mon engagement, et je les en remercie – et la réalité va encore au-delà de ce que j’imaginais. Je l’ai dit, sur les neuf limites planétaires, la cinquième, celle de la pollution par les produits chimiques et plastiques, est désormais très largement dépassée. Certains des scientifiques que nous avons interrogés se sont d’ailleurs montrés un peu inquiets : les mesures que je présente dans cette proposition de loi pourraient se révéler déjà trop tardives.

Mme Véronique Riotton. Ce rapport existe, je viens de le mentionner : c’est celui qui indique les potentiels de réduction, de réemploi et de recyclage d’ici à 2025. L’amendement me semble donc satisfait.

L’examen du texte touchant à sa fin, monsieur le rapporteur, je tiens à saluer votre engagement sincère et votre investissement sur ces questions. Nous nous rejoignons sur les constats de fond, mais pas toujours sur la méthode. Nous allons poursuivre le travail.

La commission rejette l’amendement.

Article 6 (articles 575 et 575 A du code général des impôts) : Gage

La commission rejette l’article 6.

Mme la présidente Laurence Maillart-Méhaignerie. Je vous remercie de votre travail, monsieur le rapporteur. Le sujet du plastique continuera à nous préoccuper. Restons mobilisés !

 

*

*     *

L’ensemble des articles de la proposition de loi et des amendements ayant été rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Table ronde « État et collectivités territoriales »

 Direction générale de la prévention des risques (DGPR)

M. Vincent Coissard, sous-directeur des déchets et de l’économie circulaire

 Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

Mme Angèle Préville, sénatrice

 Agence de la transition écologique (ADEME)

M. Roland Marion, directeur adjoint à l’économie circulaire

 

Table ronde « Professionnels du recyclage et de la gestion des déchets »

 FEDEREC *

M. François Excoffier, président

M. Manuel Burnand, directeur général

 VEOLIA*

Mme Anne Le Guennec, directrice générale « France recyclage & valorisation des déchets »

M. Jean Christophe Delalande, responsable « Affaires publiques recyclage et valorisation des déchets » - France Veolia

 CARBIOS

M. Bruno Langlois, directeur du business développement et des partenariats

Mme Delphine Denoizé, chef de projet « PET »

 Société française du génie des procédés

M. Nicolas Roche, vice-président universitaire

– Syndicat national des régénérateurs de matières plastiques

M. François Aublé, président

M. Olivier Vilcot, vice-président

 

CITEO *

M. Laurent Grave-Raulin, directeur des relations institutionnelles

Mme Sophie Genier, directrice « Recyclage »

 

Table ronde « Professionnels du plastique »

 Lyondell Basell

M. Richard Roudeix, président et directeur général délégué (senior vice president) « Oléfines et polyoléfines Europe, Moyen-Orient, Afrique et Inde »

M. Bruno Héry, directeur des affaires institutionnelles « Europe, Asie et international »

 Plastics Europe, catalyseur de la transition de l'industrie des plastiques * 

M. Jean Yves Daclin, directeur général de Plastics Europe France

Mme Véronique Fraigneau, directrice « Communication et affaires publiques » de Plastics Europe France

M. Martin Lefeuvre, conseil de Plastics Europe France (Communication & Institutions)

 Union des industries textiles

Mme Vanessa de Saint Blanquat, directrice générale

 Association française des compostables biosourcés

M. Christophe de Boissoudy, président

 

Table ronde « Organisations non gouvernementales et recherche »

 Expédition MED

M. Bruno Dumontet, directeur et fondateur

 Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Jean-François Ghiglione, directeur de recherche

 Expédition 7e Continent

M. Patrick Deixonne, navigateur, explorateur et chef de mission

 Zéro Waste France *

Mme Moïra Tourneur, responsable du plaidoyer

 Fondation Tara *

M. Henri Bourgeois Costa, mission « Économie circulaire - plaidoyer plastique »

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) https://www.unep.org/fr/resources/emissions-gap-report-2021

([2])  https://www.leparisien.fr/environnement/pollution-biodiversite-quelles-sont-les-limites-planetaires-a-ne-pas-depasser-pour-la-securite-de-lhumanite-21-01-2022-XMPIPAIO6BFDLPBBPQCMVTULOA.php

([3])  https://www2.assemblee-nationale.fr/content/download/320346/3119124/version/2/file/2020_0063_rapport_pollution_plastique-compress%C3%A9.pdf

([4])  « Art. L. 5411. ­ I. ‑ […] À ce titre, la France se dote d'une trajectoire nationale visant à augmenter la part des emballages réemployés mis en marché par rapport aux emballages à usage unique, de manière à atteindre une proportion de 5 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2023, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente, et de 10 % des emballages réemployés mis en marché en France en 2027, exprimés en unité de vente ou équivalent unité de vente. Les emballages réemployés doivent être recyclables […].

([5])  Les emballages réemployés désignent des emballages qui peuvent au moins connaitre une deuxième utilisation, à l’inverse des emballages à usage unique. La définition d’un emballage réemployé est la suivante : « Un emballage faisant l’objet d’au moins une deuxième utilisation pour un usage identique à celui pour lequel il a été conçu, et dont le réemploi ou la réutilisation est organisé par ou pour le compte du producteur ».

([6]) Cf. la proposition 48 de la FREC : « Renforcer la gouvernance nationale et le pilotage, en faisant évoluer le Conseil national des déchets en un Conseil national de l’économie circulaire ».

([7]) PlasticsEurope estime à 367 millions de tonnes la production mondiale de matières plastiques en 2020.

([8]) L’Union des industries textiles a estimé au cours de son audition par le rapporteur que la demande mondiale de fibres synthétiques en 2030 s’établirait à 72 millions de tonnes.

([9]) https://www.ademe.fr/expertises/dechets/passer-a-laction/valorisation-matiere/dossier/recyclage/recyclage-enjeu-strategique-leconomie.

([10]) Selon Citeo, ce taux s’élève en 2021 à 54,5 % pour les bouteilles et flacons en plastique. En moyenne, le recyclage de quatre bouteilles en polyéthylène téréphtalate (PET) peut permettre la production de trois nouvelles bouteilles en PET.

([11]) Règlement (UE) n° 10/2011 du 14 janvier 2011 concernant les matériaux et objets en matière plastique destinés à entrer en contact avec des denrées alimentaires.

([12]) Citéo est le  premier éco-organisme dans le domaine du recyclage du plastique issu d’emballages.

([13]) Au cours des dernières années, ce fonds bénéficiaient environ de 230 millions d’euros annuel pour financer des projets

([14]) A titre d’exemples, l’Ademe produit un guide d’information : https://librairie.ademe.fr/cadic/6402/guide-pratique-paradoxe-plastique-10-questions.pdf?modal=false et des études plus spécifiques comme par exemple une étude publiée en mars 2020 relative à lutte contre la pollution plastique en milieu marin.

([15]) Science, février 2015, J-R. Jambeck et al,  Plastic waste inputs from land into the ocean.

([16]) UICN, juin 2020, Julien Boucher, Guillaume Billard, The Mediterranean : Mare Plasticum.