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N° 4969

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 janvier 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à rétablir le vote par correspondance,

 

PAR M. Jean-Noël BARROT

Député

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Voir le numéro : 3039.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

avant-propos............................................... 5

Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er (supprimé) (art. L. 78-1 [nouveau] du code électoral) Autorisation du vote à distance

Article 2 (supprimé) Gage financier

Compte rendu des débats

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Cette proposition de loi visant à rétablir le droit de voter par correspondance a été déposée par le groupe Modem et apparentés le 2 juin 2020, soit quelques semaines avant le second tour des élections municipales dont le report avait été rendu nécessaire par la pandémie de covid-19. À l’épreuve de la crise sanitaire, ce second tour a donné lieu à une abstention record, près de six électeurs sur 10 ne s’étant pas déplacés aux urnes. L’affaiblissement constant de la participation électorale depuis plus d’une décennie n’est pourtant pas une fatalité. Si elle présente bien sûr des causes structurelles, elle témoigne aussi de l’inadaptation des modalités par lesquelles les citoyens peuvent exprimer leur vote.

Confrontées au même contexte sanitaire, d’autres grandes démocraties n’ont pas souffert d’une hausse de l’abstention et ont même observé un surcroît de participation électorale lors des derniers scrutins. Bien qu’elle n’explique pas à elle seule ces différences, la faculté laissée de longue date aux électeurs de voter par correspondance semble avoir joué un rôle majeur dans plusieurs pays : près de 42 % des électeurs américains ont ainsi voté par correspondance lors du dernier scrutin présidentiel, soit trois fois plus qu’en 2016.

En Allemagne, plus d’un électeur sur trois a également voté par correspondance aux dernières élections fédérales. Lors de la réunion de l’assemblée parlementaire franco-allemande le 28 juin 2021, la chancelière Angela Merkel a considéré que le vote par correspondance était l’un des principaux éléments explicatifs de la stabilité de la participation électorale constatée outre-Rhin.

En France, le vote par correspondance postale est autorisé depuis 2009 pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger, et depuis 2021 pour le vote des personnes détenues, à la suite de la réussite de son expérimentation pour les élections européennes de 2019. Généraliser la faculté de voter par correspondance permettrait à tous les électeurs qui le souhaitent, notamment les plus vulnérables, d’exprimer individuellement leur choix sans être contraints de se déplacer au bureau de vote.

Cette évolution faciliterait aussi la participation de tous ceux qui n’habitent pas de façon effective et permanente la circonscription électorale dans laquelle ils sont inscrits, soit près de 8 millions d’électeurs à ce jour. Il ne s’agit donc pas d’apporter une simple réponse conjoncturelle à la crise sanitaire mais bien d’offrir une souplesse supplémentaire aux électeurs dont la situation ne leur permet pas de se déplacer au bureau de vote le jour du scrutin.

Outre son utilisation croissante dans de nombreux pays, le vote par correspondance est une technique approuvée par de nombreuses organisations internationales, à l’inverse du vote par procuration qui, par nature, porte atteinte au caractère secret et individuel du vote. Nos concitoyens sont eux-mêmes très majoritairement favorables au vote par correspondance, comme en témoignent les résultats de deux enquêtes d’opinion publiées en novembre 2020 qui montrent qu’entre 57 % et 72 % des électeurs approuvent son rétablissement, étant entendu que rien ne les obligerait à y recourir.

Certes, des objections sérieuses et légitimes existent. Qu’elles s’appuient sur des raisons principielles, historiques ou logistiques, ces critiques peuvent cependant être surmontées. Il convient de mettre en place une procédure à la fois simple et précise, afin de garantir la réussite opérationnelle du vote par correspondance et de faciliter son utilisation pour tous les électeurs qui le souhaitent. Le vote par correspondance a déjà été autorisé en France entre 1946 et 1975. Les irrégularités et fraudes constatées du fait de son utilisation ont été provoquées par une procédure défaillante susceptible de porter atteinte à la sincérité des scrutins. Nous pouvons et devons tirer tous les enseignements de cette expérience : la faculté de voter par correspondance exige une organisation robuste et conforme à nos principes démocratiques.

Cette proposition de loi fait écho à de nombreuses et récentes initiatives législatives dont les origines soulignent la dimension transpartisane ([1]). Elle permettrait également de concrétiser la préconisation formulée par la mission d’information créée par la Conférence des présidents de notre assemblée en juillet 2021 tendant à expérimenter la possibilité de voter par correspondance lors des prochains scrutins ([2]). Le présent rapport appréhende l’ensemble des enjeux que soulève cette réforme si importante pour notre vie démocratique, en s’appuyant sur les exemples étrangers et en apportant des réponses aux critiques habituellement adressées au vote par correspondance.

La lutte contre l’abstention est un objectif primordial qui dépasse les clivages idéologiques. Ce texte constitue l’opportunité de passer de la parole aux actes, afin de rendre possible la mobilisation de tous les citoyens, au bénéfice de notre démocratie.

 

 

   Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er (supprimé)
(art. L. 78-1 [nouveau] du code électoral)
Autorisation du vote à distance

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi autorise les électeurs à voter par correspondance, par voie postale ou électronique.

  Dernières modifications législatives intervenues

La loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021 portant diverses mesures relatives à l’élection du Président de la République a autorisé les détenus à voter par correspondance à l’élection présidentielle.

  Position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

1.   L’état du droit

Autorisé en 1946, le vote par correspondance postale a été abandonné en 1975. Depuis lors, le législateur a ouvert la possibilité à certains électeurs de voter à distance, dans des cas qui demeurent strictement limités.

a.   L’abandon du vote par correspondance postale en 1975

La loi n° 46-667 du 12 avril 1946 a autorisé certaines catégories d’électeurs à voter par correspondance à l’ensemble des scrutins ([3]). Le champ d’application de cette mesure était circonscrit à des citoyens éprouvant des difficultés à se déplacer aux urnes le jour de l’élection en raison de nécessités professionnelles ou de leur situation personnelle, à l’instar des personnes malades, des étudiants, des militaires, des agents commerciaux ou des aidants familiaux ([4]).

Régie par les articles L. 79 à L. 85 et R. 81 à R. 93 du code électoral, la procédure encadrant le vote par correspondance a fait l’objet de nombreuses critiques au cours des années 1960 et 1970. Elle comportait en effet des risques d’erreurs, de manipulations voire de fraudes, susceptibles de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Le processus en vigueur souffrait de trois défauts majeurs.

Premièrement, la demande de vote par correspondance émanant des électeurs était soumise à un faible formalisme. Les électeurs volontaires devaient simplement envoyer une demande en ce sens, sur papier libre, à la mairie de la commune dans laquelle ils étaient inscrits. Aucune pièce d’identité n’était exigée, ce qui limitait nécessairement la portée des vérifications accomplies afin de s’assurer que le demandeur correspondait effectivement à l’électeur inscrit. En outre, le demandeur indiquait lui-même l’adresse à laquelle il souhaitait que le matériel de vote lui fût envoyé, qu’il se soit agi ou non de son domicile.

Deuxièmement, la procédure était placée sous le contrôle des communes qui recueillaient, instruisaient, acceptaient ou refusaient les demandes de vote par correspondance, jusqu’à, le cas échéant, l’envoi postal du matériel de vote aux électeurs concernés. Le rôle central exercé par les communes n’apparaît pas conforme aux actuels standards internationaux applicables au vote à distance ([5]) qui requièrent notamment l’intervention d’autorités administratives indépendantes dont l’action est destinée à superviser les processus électoraux afin de garantir leur impartialité et leur sincérité ([6]).

Troisièmement, le stockage des bulletins de vote par correspondance postés par les électeurs ne présentait pas des conditions de sécurité optimales. L’opérateur postal était ainsi chargé de conserver les plis dans ses locaux puis de les acheminer au bureau de vote le jour du scrutin.

Les failles de ce dispositif ont été révélées à l’occasion de plusieurs contentieux à la suite d’incidents lors de scrutins nationaux et locaux, notamment en Corse où le taux de votants par correspondance a atteint près de 22 % lors des élections législatives de 1967, contre 1,58 % à l’échelle nationale ([7]). Le juge administratif et constitutionnel a décidé à plusieurs reprises de ne pas prendre en compte les bulletins de vote par correspondance parmi les suffrages exprimés ([8]) voire d’annuler les résultats du scrutin, à l’image de l’élection municipale de la commune de Bastia ([9]) en 1965 ou de l’élection législative de 1967 dans la deuxième circonscription de la Corse.

 

 

 

Conseil constitutionnel, décision n° 67-435 AN du 24 janvier 1968, élection législative de la 2è circonscription de la Corse, considérants n° 5 et 6

5. Considérant qu’il résulte de l’instruction que le nombre des votes par correspondance pris en compte dans les résultats des opérations électorales de la ville de Bastia, s’il reste proportionnellement inférieur à celui de ces mêmes votes émis dans l’ensemble de la circonscription , est cependant sensiblement supérieur à la différence entre, d’une part, le nombre des plis recommandés d’envoi des instruments de vote par correspondance et, d’autre part, le nombre des plis retournés à Bastia, soit que leurs destinataires n’aient pu être touchés, soit qu’ils n’aient pas demandé à voter par correspondance ; qu’il en découle que de nombreux votes par correspondance n’émanent pas d’électeurs ayant demandé à utiliser ce mode de votation ;

6. Considérant qu’il résulte de tout ce qui précède qu’il y a lieu d’annuler l’élection contestée.

Ces cas d’espèce témoignent de la fragilité de la procédure encadrant à cette époque le vote par correspondance. Lors de son audition par votre rapporteur, le professeur de droit Romain Rambaud a ainsi évoqué le « traumatisme des fraudes corses des années 1960-1970 » qui a directement conduit le législateur à supprimer la faculté de voter par correspondance en 1975 ([10]). L’origine des fraudes et des dysfonctionnements constatés réside dans l’organisation défaillante de cette modalité de vote, au regard notamment de la place décisive qu’occupent les mairies dans le dispositif.

Perçue comme une technique mal maîtrisée et susceptible d’entraîner des irrégularités portant préjudice à la fiabilité et à la sincérité des opérations électorales, cette possibilité a ainsi été remplacée par le vote par procuration.

Pour autant, le vote par correspondance a été progressivement rétabli en faveur d’électeurs confrontés à des situations particulières, bien qu’il présente un caractère marginal à ce jour.

b.   L’utilisation aujourd’hui résiduelle des techniques de vote à distance

Par dérogation au vote « physique » à l’urne le dimanche ([11]), le code électoral autorise aujourd’hui certains électeurs à voter à distance pour des élections et dans des conditions strictement définies. Ces assouplissements sont motivés par la nécessité de tenir compte des spécificités inhérents à la situation des Français résidant à l’étranger et des personnes détenues, qui peuvent en effet éprouver des difficultés à se rendre à un bureau de vote le jour du scrutin ou à établir une procuration.


 Le vote par correspondance postale

Réintroduit par la loi n° 82-471 du 7 juin 1982 pour réformer le mode d’élection de l’Assemblée des Français de l’étranger ([12]), le vote par correspondance sous pli fermé a été autorisé par l’ordonnance n° 2009-936 du 29 juillet 2009 pour l’élection des onze députés représentant les Français de l’étranger ([13]). Cette modalité, prenant la forme d’une option activée par les électeurs en amont du scrutin, a été mise en œuvre lors des élections législatives de 2012 et 2017 ([14]). Afin de garantir l’acheminement postal des bulletins de vote en vue du second tour de scrutin, l’article L. 330-11 du code électoral prévoit un délai d’entre-deux tours de deux semaines, par dérogation avec la règle selon laquelle les deux tours des élections ne sont séparés que d’une seule semaine ([15]).

Lors des élections des députés représentant les Français de l’étranger en 2017, près de 120 000 électeurs ont manifesté le souhait de voter par correspondance ([16]) et 28 800 y ont finalement recouru. La procédure est encadrée au niveau règlementaire.

Procédure de vote par correspondance postale applicable aux députés représentant les Français de l’étranger, articles R. 176-4 à R. 176-4-4 du code électoral

Article R. 176-4

L’électeur souhaitant voter par correspondance sans user de la faculté qui lui est ouverte par la sous-section 4 peut demander à recevoir le matériel de vote lui permettant de voter par correspondance sous pli fermé au premier tour et, le cas échéant, au second tour. Sa demande, formulée auprès de l’ambassadeur ou du chef de poste consulaire, doit être reçue au plus tard le 1er mars de l’année de l’élection.

L’électeur qui n’a pas fait usage de son droit de vote par correspondance sous pli fermé conserve la possibilité de voter à l’urne, par procuration ou par correspondance électronique, dans les conditions prévues à la présente section.

Article R. 176-4-1

Le matériel de vote par correspondance sous pli fermé comprend une enveloppe d’expédition, une enveloppe d’identification, une enveloppe électorale ainsi qu’une notice d’utilisation reproduisant les dispositions des articles R. 176-4-2, R. 176-4-3 et R. 176-4-6 et invitant l’électeur à s’assurer que les circonstances locales ne risquent pas de faire obstacle à l’acheminement dans les temps de son vote par correspondance sous pli fermé.

Ce matériel est adressé aux électeurs qui en ont fait la demande conjointement aux circulaires et aux bulletins de vote expédiés en application de l’article R. 34.

Article R. 176-4-2

L’enveloppe d’identification revêtue des nom, prénoms et signature de l’électeur et renfermant l’enveloppe électorale contenant le bulletin de vote doit parvenir à l’ambassadeur ou au chef de poste consulaire chargé d’organiser les opérations de vote, au plus tard le vendredi précédant le jour du scrutin, à douze heures (heure légale locale). Dans les circonscriptions électorales d’Amérique, elle doit lui parvenir au plus tard le jeudi précédant le jour du scrutin, à douze heures (heure légale locale).

Article R. 176-4-3

Afin de permettre le contrôle de son identité, l’électeur joint à son enveloppe d’identification une copie d’une des pièces figurant sur la liste prévue au second alinéa de l’article R. 176-1-10.

Article R. 176-4-4

Chaque ambassadeur ou chef de poste consulaire chargé d’organiser les opérations de vote tient un registre du vote par correspondance sous pli fermé, composé de pages numérotées. Il est fait mention au registre des enveloppes d’identification reçues au fur et à mesure de leur arrivée. Sur chaque enveloppe est aussitôt apposé un numéro d’ordre.

Doivent être inscrits au registre sans délai le numéro d’ordre, la date, l’heure d’arrivée de l’enveloppe à l’ambassade ou au poste consulaire concerné, les nom et prénoms de l’électeur, son numéro d’inscription sur la liste électorale et le nom de l’agent ayant procédé à cet enregistrement. Le cas échéant, ce dernier signale les enveloppes d’identification qu’il estime relever des dispositions de l’article R. 176-4-6.

Tout électeur et tout candidat ou son représentant, au sens de l’article R. 176-1-13, peuvent consulter le registre et y consigner leurs observations relatives aux opérations du vote par correspondance.

En outre, à la suite d’une expérimentation lors des élections européennes de mai 2019 ([17]), le vote par correspondance des détenus ayant conservé la jouissance de leurs droits civiques a été pérennisé pour l’ensemble des scrutins par la loi n° 2019-1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique ([18]), à compter du 1er janvier 2021 ([19]). Cette faculté a ensuite été rendue applicable ([20]) à l’élection présidentielle dont les conditions d’organisation sont régies par les dispositions organiques prévues par la loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962.

Lors des élections européennes de mai 2019, 85 % des détenus ayant voté ont eu recours au vote par correspondance.

 

La participation des détenus aux elections

 

 

Votes par procuration

Permissions de sortir

Votes par correspondance

Total

Participation

Élection présidentielle (2017)

853

200

-

1 053

2 %

Élections législatives (2017)

412

113

-

525

1 %

Élections européennes (2019)

110

55

4 395

4 560

8 %

      Source : étude d’impact du projet de loi relatif à la vie locale et à la proximité de l’action publique, 2019.

Un taux de participation similaire a été constaté lors des élections régionales et départementales de juin 2021 ([21]). La faculté ouverte aux détenus de voter par correspondance lors des élections européennes de mai 2019 et des élections régionales et départementales de juin 2021 a ainsi contribué à multiplier par 4 leur participation électorale par rapport à l’élection présidentielle et par 8 par rapport aux élections législatives.

 Le vote électronique

Outre son utilisation dans le cadre des élections professionnelles, le vote électronique est autorisé depuis 2003 pour les élections consulaires et depuis 2009 pour les élections des députés représentant les Français de l’étranger ([22]).

S’agissant des élections consulaires, cette modalité de vote est très largement préférée au vote à l’urne, en raison des contraintes géographiques qui caractérisent l’organisation de ces scrutins dans certains États. Selon les chiffres communiqués par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, près de 86 % des votants ([23]) aux élections consulaires du 7 novembre 2021 ont choisi le vote par Internet ([24]).

S’agissant des élections législatives, les électeurs résidant à l’étranger ont pu voter pour la première fois par voie électronique en 2012. Plus de la moitié d’entre eux ([25]) ont choisi de recourir à cette technique. En 2017, le vote électronique n’a pas été mis en œuvre en raison des risques élevés de cyberattaques évalués par l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information (ANSSI) ([26]).

2.   Le dispositif de la proposition de loi

Dans sa rédaction initiale, le présent article vise à autoriser le vote par correspondance par voie postale et électronique pour l’ensemble des électeurs et des scrutins ([27]), conformément aux dispositions actuellement prévues par l’article L. 330-13 du code électoral s’agissant des Français de l’étranger. Un décret en Conseil d’État déterminera la procédure applicable.

Le vote par correspondance postale a vocation à être une modalité complémentaire du vote à l’urne. Au-delà d’une souplesse organisationnelle légitime, il s’agit aussi de lutter contre le phénomène abstentionniste, hélas renforcé par la crise sanitaire depuis 2020. Si de nombreux exemples étrangers démontrent la faisabilité et l’utilité de ce dispositif, il convient bien sûr d’appréhender avec attention les enjeux logistiques et institutionnels qu’il soulève.

a.   Le vote par correspondance postale : une modalité de vote qui a fait ses preuves à l’étranger

Mis en place dès la fin du XIXè siècle, le vote par correspondance est notamment autorisé en Suisse, en Islande, au Royaume-Uni, au Luxembourg, en Allemagne, en Pologne, aux États-Unis et en Australie. Sur le modèle applicable en France entre 1946 et 1975, cette possibilité est limitée à certaines catégories d’électeurs en Irlande, en Espagne, en Autriche, en Lituanie, en Belgique, aux Pays-Bas, et en Slovénie.

Le vote par correspondance en Europe en 2020

Source : International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA), 2020.

Le succès de cette modalité de vote dans les États qui l’ont autorisée est éprouvé de longue date, en dépit des polémiques infondées ayant émaillé, à l’initiative du Président Donald Trump, le dépouillement du dernier scrutin présidentiel américain. Le vote par correspondance fait l’objet d’une progression constante dans les pays qui l’ont autorisé ou assoupli au cours des dernières décennies. En Australie, 1,2 million de votes par correspondance ont été enregistrés lors des élections fédérales de 2016, soit plus de 8,5 % des votes, contre un peu moins d’un million en 2013. Aux États-Unis, près de 42 % des électeurs, soit 65 millions d’Américains, ont voté par correspondance à l’élection présidentielle de 2020, soit près de trois fois plus qu’en 2016.

Le contexte sanitaire depuis la crise du Covid-19 survenue au printemps 2020 a également accentué cette tendance. En Allemagne, la proportion des votants par correspondance aux élections fédérales, qui s’élevait à 21,4 % en 2009, a atteint le record de 36 % en 2021.

La part du vote par correspondance lors des élections au bundestag entre 1957 et 2017

Source : Deutsche Welle (DW)

Dans sa contribution écrite remise à votre rapporteur à l’issue de son audition, le professeur Romain Rambaud mentionne également le basculement du second tour des élections cantonales à Genève en « tout distanciel » en avril 2020 afin de faire face à la première vague épidémique :

« Cette transformation n’a pas posé de difficultés en Suisse […] On estime que 90 % des personnes votent par correspondance dans ce pays et, si le droit de vote à l’urne continue à exister, les bureaux de vote ne sont ouverts le jour du vote que durant quelques heures. » ([28])

L’adhésion d’une part substantielle voire majoritaire des électeurs au vote par correspondance postale témoigne de leur confiance dans la fiabilité du système électoral. Les irrégularités et fraudes constatées en la matière apparaissent très résiduelles et présentent en tout état de cause un volume semblable à celles détectées lors de votes à l’urne, comme l’a rappelé le Conseil d’État suisse en 2018 : « Compte tenu des contrôles opérés par l’administration, s’il n’est pas possible d’affirmer une absence totale de fraude, en revanche celle-ci est assurément marginale. » ([29])

Dans les États qui l’autorisent, le vote par correspondance postale est encadré par des procédures simples afin d’inciter les électeurs qui le souhaitent à y recourir ([30]). Au cours des années 2000, l’Allemagne a décidé d’assouplir les démarches que les électeurs sont tenus d’accomplir afin de voter par correspondance, en supprimant à cette fin la nécessité de justifier d’un motif légitime. Saisi par un requérant estimant que cette réforme portait atteinte à la sécurité du scrutin, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a rejeté sa demande en considérant que cet assouplissement, d’une part, ne violait pas le principe d’un vote libre, secret et public et, d’autre part, qu’il visait à renforcer la participation électorale et satisfaisait ainsi un objectif d’intérêt général ([31]).

En outre, de nombreuses organisations internationales telles que l’Institut international pour la démocratie et l’assistance électorale (IDEA) ([32]), la Commission de Venise du Conseil de l’Europe, l’Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) et le Comité des droits de l’Homme de l’ONU considèrent que le vote par correspondance représente une technique de vote répondant aux standards démocratiques, sous réserve du respect des principes nécessaires afin de garantir la sincérité du scrutin.

Dans son rapport publié en 2020, l’OSCE précise en effet que « le vote par correspondance peut être un moyen efficace de renforcer l’accès au vote ; cependant, cela requiert notamment d’établir de solides garde-fous pour lutter contre des possibles manipulations et de bénéficier d’un service de distribution postale fiable. » ([33])

b.   Des enjeux logistiques et institutionnels à appréhender avec rigueur

Utilisé depuis 2012 par les électeurs lors des élections législatives des représentants des Français de l’étranger, le vote par correspondance postale a pu se heurter à des difficultés administratives induites par la complexité de la procédure en vigueur, comme l’a souligné en 2019 notre collègue Frédéric Petit, député de la 7è circonscription des Français établis à l’étranger :

« […] Les demandes de mise en place d’un meilleur système de vote, moins complexe et moins coûteux, reviennent une nouvelle fois. Sur le site du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, il est même admis que les procédures de vote par correspondance peuvent être longues et sujettes aux aléas de l’efficacité des services postaux selon les endroits où les citoyens se situent. Dans une démocratie exemplaire comme la France, ces aléas ne sauraient être tolérés. » ([34])

Ces critiques ne remettent pas en cause le bienfondé du vote par correspondance mais la rigidité parfois excessive de ses conditions d’application, à l’instar du système de triple enveloppe ([35]) prévu par l’article R. 176-4-1 qui a donné lieu à de nombreuses irrégularités au cours des scrutins précédents. En 2017, 25 % des plis envoyés par correspondance n’ont finalement pas été pris en compte en raison de la constatation lors du dépouillement d’irrégularités relatives à la composition des enveloppes.

Le rapport remis par Jean-Louis Debré au Premier ministre en novembre 2020 sur le report des élections régionales et départementales de 2021 souligne les risques contentieux qui en découlent :

« Ce taux élevé de votes non pris en compte et d’irrégularités est l’un des motifs qui a conduit le Conseil Constitutionnel, dans sa décision n° 2017-5052 AN du 2 février 2018, à décider de l’annulation de l’élection législative de 2017 dans la 5ème circonscription législative (Espagne, Portugal, Monaco, Andorre). En outre, en l’état du droit, les électeurs qui choisissent de voter par correspondance mais dont le vote par correspondance ne sera pas pris en compte du fait d’une erreur de leur part n’en seront pas informés, sauf vérification par un tiers des listes d’émargement le jour du scrutin. » ([36])

Votre rapporteur considère que le succès du vote par correspondance observé à l’étranger dépend à la fois de la simplicité et de la solidité des procédures qui l’encadrent. Il convient d’en anticiper l’organisation au regard du nombre d’acteurs intervenant dans le processus ([37]), certains d’entre eux étant de surcroît soumis à de strictes contraintes de délai. L’électeur intéressé est tenu d’« activer » l’option du vote par correspondance, recevoir le matériel de vote, utiliser correctement les enveloppes fournies et procéder à l’envoi postal dans des délais permettant la réception des plis, leur sécurisation et leur dépouillement le jour du scrutin.

Afin de limiter les sources d’erreurs ou d’oubli, la procédure applicable doit faire l’objet d’une information précise de l’ensemble des électeurs. Contrairement au système existant entre 1946 et 1975, elle doit permettre de contrôler l’identité des votants, en exigeant l’envoi d’une copie de la pièce d’identité, d’un formulaire signé par l’électeur et d’un justificatif de domicile correspondant à l’adresse à laquelle le matériel de vote a été préalablement envoyé.

Il convient aussi de fixer des délais garantissant l’envoi du matériel de vote aux électeurs volontaires suffisamment en amont de l’élection. Cette condition suppose à son tour d’améliorer la fiabilité des « bases adresses » des électeurs inscrits au répertoire électoral unique (REU) ([38]). Auditionné par votre rapporteur, le groupe La Poste a fait état d’un taux de plis non distribués (PND) lors de l’envoi des documents de propagande électorale compris habituellement entre 7 % et 9 %. Selon La Poste, 1 300 communes ont cependant présenté un taux de PND supérieur à 10 % lors des dernières élections régionales et départementales.

En outre, suivant l’exemple du Liechtenstein ([39]), il est nécessaire de fixer une date limite à l’envoi des votes par correspondance afin de garantir leur réception au plus tard la veille du scrutin, et ainsi faciliter le déroulement des opérations de dépouillement à l’issue de celui-ci. Un dispositif numérique de suivi des plis pourrait également être mis en œuvre afin de garantir leur traçabilité et d’informer l’électeur de leur bonne réception avant le scrutin. À cette fin, La Poste émet l’idée de transmettre aux électeurs concernés un QR code personnalisé lors de l’envoi du matériel de vote.

Si les contraintes de délais apparaissent aisément surmontables s’agissant du premier tour de scrutin, elles semblent plus problématiques en ce qui concerne le second tour, celui-ci survenant seulement une semaine après le premier, à l’exception de l’élection présidentielle pour laquelle l’entre-deux tours s’étend sur deux semaines. Dans l’objectif de sécuriser au maximum l’acheminement en temps utile des votes postaux, il serait opportun d’étendre la durée de l’entre-deux tours d’une à deux semaines, à l’image des règles déjà applicables aux élections des représentants des Français de l’étranger.

La conservation des plis envoyés par les électeurs constitue aussi un enjeu à prendre en compte pour préserver la sincérité du scrutin. Leur stockage dans les bureaux de poste, ou dans les locaux des mairies et des préfectures, alimenterait des soupçons quant aux manipulations éventuelles dont ils pourraient faire l’objet. La conservation des bulletins de vote au sein des tribunaux judiciaires, des commissariats ou casernes de gendarmerie satisferait l’exigence de transparence et d’impartialité attachée à la procédure.

Enfin, conformément à la jurisprudence constitutionnelle ([40]), il serait également nécessaire de permettre aux électeurs qui ont déjà voté par correspondance de voter à l’urne le jour du scrutin. Le cas échéant, le vote par correspondance qui devrait être versé dans l’urne à l’issue des opérations de vote ne serait pas pris en compte, l’électeur ayant déjà signé la liste d’émargement lors de son vote « en présentiel ». Ce mécanisme permettrait très simplement d’éviter un double vote tout en garantissant la possibilité pour l’électeur ayant voté par correspondance de changer d’avis jusqu’au dernier moment ([41]), à condition de se déplacer physiquement au bureau de vote le jour du scrutin.

En dernier lieu, votre rapporteur considère que l’introduction du vote par correspondance implique de sensibiliser les personnels des bureaux de vote aux bonnes pratiques inhérentes à la gestion de ces plis afin de garantir le bon déroulement du processus électoral.

c.   Une solution pertinente et respectueuse des principes sur lequel repose le vote dans le but de stimuler la participation électorale, notamment en période de crise sanitaire

La présente proposition de loi ne vise pas à « dépoussiérer » nos modalités de vote mais poursuit l’objectif de renforcer la participation électorale, à l’épreuve d’un abstentionnisme désormais structurel contre lequel l’ensemble des responsables politiques prétendent vouloir lutter. Le vote par correspondance constitue précisément l’une des réponses susceptibles d’être mise en œuvre.

Publié en décembre 2021, le rapport d’information de notre collègue Stéphane Travert visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale préconise ainsi d’expérimenter le vote par correspondance lors des prochaines élections locales ([42]) :

 

 

 

Rapport d’information visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, décembre 2021

« Aussi, la mission considère que le vote par correspondance doit pouvoir faire l’objet d’une réflexion renouvelée s’incarnant dans des expérimentations locales, en s’appuyant sur les expériences nationales et étrangères, afin de ne pas s’arrêter aux difficultés posées par cette modalité de vote mais plutôt de chercher de manière lucide et volontariste à les résoudre.

Proposition  8 : Expérimenter le vote par correspondance […] lors de prochaines élections locales ou de référendums d’initiative locale, dans les communes volontaires. »

Il apparaît paradoxal de déplorer l’érosion constante de la mobilisation citoyenne lors des élections et de refuser par principe d’adapter nos modalités de vote, ce qui semble pourtant indispensable afin de combattre efficacement ce phénomène préjudiciable à notre vie démocratique.

L’impact positif du vote par correspondance sur la participation a été observé à plusieurs reprises. Deux études scientifiques américaines ont ainsi montré l’existence d’une corrélation certes limitée mais réelle entre l’introduction du vote par correspondance et la hausse de la participation électorale ([43]).

En Californie, l’introduction du vote postal en 2016 a participé à l’augmentation de la participation aux élections générales, celle-ci s’élevant à 30 % en 2014 puis à 50 % en 2018 ([44]). En Bavière, l’organisation du second tour des élections locales d’avril 2020 en « tout distanciel » du fait de la crise sanitaire a même permis d’augmenter la participation de 4,2 points par rapport à 2014. Confronté lui aussi à la première vague de l’épidémie de covid-19, notre pays reportait simultanément le second tour des élections municipales en juin 2020 sans autoriser le vote par correspondance, ce qui a débouché sur un record d’abstention ([45]).

En 2020, la France est ainsi le troisième État dans le monde à avoir subi la plus forte baisse de la participation électorale.

 

Participation électorale lors des scrutins organisés lors de la crise sanitaire

Figure 1:  While most of the countries and territories that held elections amid the COVID-19 have seen a decline in turnout, there has been a number of countries and territories where the turnout increased. Image credit: International IDEA.Source : International Institute for Democracy and Electoral Assistance (IDEA), 30 septembre 2020

Alors que la pandémie de covid-19 n’est pas terminée et que nul ne peut anticiper l’évolution du contexte sanitaire, l’introduction du vote par correspondance permettrait non seulement aux électeurs qui le souhaitent, notamment les personnes vulnérables, d’accomplir individuellement leur devoir civique sans se déplacer au bureau de vote mais faciliterait aussi la participation de tous ceux qui n’habitent pas de façon effective et permanente la circonscription électorale dans laquelle ils sont inscrits.

La France étant l’un des rares États démocratiques à ne pas disposer d’une procédure d’inscription automatique sur les listes électorales ([46]), le vote par correspondance postale représente ainsi le meilleur palliatif possible pour les 7,6 millions d’électeurs « mal-inscrits » ([47]) qui, selon les travaux menés par la professeure Céline Braconnier auditionnée par votre rapporteur, présentent un taux d’abstention aux élections trois fois supérieur à la moyenne.

Au-delà des évidents enjeux logistiques et institutionnels qu’il convient de prendre en compte, le vote par correspondance fait également l’objet de deux critiques qui ne reposent, à ce jour, sur aucun élément susceptible de les objectiver.

D’une part, le refus du vote par correspondance motivé au nom de l’attachement aux principes traditionnels du vote apparaît paradoxal voire infondé. En effet, le vote par procuration heurte plus frontalement le caractère personnel et secret du vote que le vote par correspondance, l’électeur étant contraint de divulguer son choix à une personne tierce, sans pour autant que le respect de son vote par celle-ci soit absolument garanti. Le risque d’un vote « sous influence » existe tout autant s’agissant du vote par procuration, qui a d’ailleurs été facilité lors des scrutins locaux de 2020 et 2021 à la faveur de la crise sanitaire.

La possibilité pour un même mandataire de détenir une double procuration ([48]), la suppression de l’exigence de justifier d’un motif pour lequel l’électeur ne peut se déplacer aux urnes et la dématérialisation partielle de la procédure grâce au téléservice « Ma procuration » n’ont pas soulevé d’objections majeures, alors même que ces assouplissements constituent une évolution notable de l’acte de vote. Votre rapporteur s’étonne ainsi de l’existence d’un « deux poids deux mesures » par lequel le vote par procuration serait naturellement exempt des critiques qui ne manquent pas d’être adressées au vote par correspondance.

En outre, le vote par procuration n’est pas en soi exempt de fraudes électorales ([49]). Enfin, le conservatisme exprimé par certains responsables politiques en la matière n’est pas partagé par les Français dont une large majorité, selon deux enquêtes d’opinion réalisées en novembre 2020, approuve la possibilité de voter par correspondance, ce qui révèle aussi la confiance des citoyens dans cet outil au regard de l’impératif de sincérité de scrutin.

Selon l’institut IFOP, 57 % des électeurs sont favorables au vote par correspondance ([50]). L’institut Harris Interactive évalue cette proportion à 72 % ([51]).

D’autre part, l’estimation du coût afférent à la possibilité de voter par correspondance semble pour le moins imprécise, tant il dépend des modalités pratiques de sa mise en œuvre ([52]). Celles-ci pourraient d’ailleurs utilement s’appuyer sur l’envoi postal des documents de propagande électorale et des potentialités offertes par la dématérialisation des procédures administratives, s’agissant par exemple de la formalisation du choix de l’électeur de voter par correspondance.

3.   La position de la Commission

La Commission a rejeté le présent article. La Commission a également rejeté un amendement de rédaction globale déposé par le rapporteur tendant à rendre expérimentale la faculté pour tous les électeurs de voter par correspondance postale lors des prochaines élections municipales prévues en 2026. Compte tenu des spécificités inhérentes au vote par voie électronique et des risques opérationnels qu’il soulève à ce jour, le champ de l’expérimentation était circonscrit au seul vote par correspondance sous pli fermé.

Suivant l’exemple du vote par correspondance des détenus expérimenté en 2019 puis généralisé en 2021, la mise en place d’une expérimentation aurait permis de tirer les enseignements de l’utilisation de cette modalité de vote grâce à la remise d’un rapport du Gouvernement au Parlement au plus tard six mois après les prochaines élections municipales, préalablement à son éventuelle pérennisation.

En outre, cet amendement concrétisait la proposition n° 8 formulée par le rapport d’information présenté par notre collègue Stéphane Travert en décembre 2021 visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale.

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Article 2 (supprimé)
Gage financier

Rejeté par la Commission

  Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 de la proposition de loi a pour objet de compenser la charge éventuelle qui pourrait résulter, pour l’État, de la mise en œuvre des dispositions prévues par l’article 1er. Il prévoit, à cette fin, la création d’une taxe additionnelle aux droits sur les tabacs, prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

  Position de la Commission

La Commission a rejeté cet article.

 


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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 26 janvier 2022, la Commission examine la proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance (n° 3039) (M. Jean-Noël Barrot, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/aGHMlK

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous en venons à l’examen du dernier texte inscrit à l’ordre du jour de ce matin.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir au sein de la commission des Lois et de me permettre ainsi de vous présenter une proposition de loi, cosignée avec mes collègues du groupe MoDem et apparentés, visant à rétablir le vote par correspondance.

Ce texte a été déposé le 2 juin 2020, après que l’irruption de la covid-19 a considérablement perturbé les opérations de vote du premier tour des élections municipales et avant que le second tour de ces mêmes élections soit, hélas, marqué par une abstention record, près de six électeurs sur dix ne s’étant pas rendus aux urnes. Pourtant, dans d’autres grandes démocraties, l’Allemagne et les États-Unis notamment, le taux de participation aux élections a augmenté pendant la pandémie. S’il n’explique pas à lui seul cette différence, le vote par correspondance semble néanmoins avoir joué un rôle puisqu’il a été utilisé par 42 % des électeurs américains lors du dernier scrutin présidentiel – soit trois fois plus qu’en 2016 – et par plus d’un tiers des électeurs allemands lors des dernières élections fédérales, en 2021.

En France, le vote par correspondance postale est autorisé pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger et pour le vote des personnes détenues. La faculté offerte à ces dernières de voter par correspondance, expérimentée avec succès lors des élections européennes de 2019 puis généralisée par la loi « Engagement et proximité » depuis le 1er janvier 2021, a nettement favorisé leur participation électorale, qui a été multipliée par huit entre les élections législatives de 2017 et les élections les régionales et départementales de 2021.

Étendre la possibilité de voter par correspondance permettrait aux électeurs qui le souhaitent, notamment les plus vulnérables d’entre eux, d’exprimer individuellement leur choix sans être contraints de se rendre au bureau de vote. Cela faciliterait également la participation de tous ceux qui n’habitent pas de façon effective et permanente dans la circonscription électorale dans laquelle ils sont inscrits, soit près de 8 millions d’électeurs. Cette proposition de loi n’est donc pas une simple réponse conjoncturelle liée à la crise sanitaire : elle a vocation à offrir une souplesse supplémentaire aux électeurs qui n’ont pas la possibilité de voter personnellement le jour du scrutin.

De plus en plus utilisé dans de nombreux pays, le vote par correspondance est une technique qui bénéficie d’un avis favorable des organisations internationales telles que l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), la commission de Venise du Conseil de l’Europe et les institutions de l’ONU, à condition que la procédure soit précisément encadrée. Les Français y sont eux-mêmes majoritairement favorables, comme en témoignent les résultats de deux enquêtes d’opinion publiés en novembre 2020, qui montrent que 57 % à 72 % des électeurs approuvent son rétablissement, étant entendu que rien ne les obligerait à y recourir.

Le vote par correspondance suscite néanmoins trois types de critiques légitimes.

Premièrement, il est rejeté au nom des principes – le recours à l’urne et à l’isoloir – qui permettent de soustraire l’acte de vote aux influences dont il peut être l’objet. Or le vote par procuration compromet bien davantage le caractère personnel et secret du vote puisque l’électeur qui établit une procuration est obligé de divulguer son choix à une personne tierce sans être certain que celle-ci respectera son vote. Pourtant, les assouplissements progressifs du vote par procuration, que nous saluons, n’ont soulevé aucune objection majeure, contrairement aux critiques habituellement adressées au vote par correspondance. On ne peut donc, en toute bonne foi, être à la fois favorable à l’élargissement du vote par procuration et opposé au vote par correspondance au prétexte que celui-ci pourrait faire l’objet de pressions.

Deuxièmement, le vote par correspondance suscite une méfiance liée aux irrégularités, voire aux risques de fraude, qu’il serait susceptible d’entrainer. En France, ces craintes s’expliquent par le souvenir des fraudes qui ont pu survenir à l’occasion de certains scrutins, notamment en Corse, au cours des années 1960 et 1970. Ces difficultés, dont il ne faut pas nier l’existence, s’expliquent en réalité – les auditions l’ont montré – par les défaillances de la procédure prévue dans le code électoral, laquelle n’imposait pas une véritable vérification de l’identité des électeurs votant par correspondance et accordait un rôle central aux mairies, ce qui ne correspond pas aux standards internationaux actuels. Cinquante ans plus tard, aucune étude n’a démontré, à l’étranger, que cette technique de vote induirait davantage d’irrégularités ou de fraudes que le vote à l’urne, comme l’ont récemment rappelé les autorités suisses et allemandes. Si le vote par correspondance se déroule sans irrégularité dans les autres grandes démocraties occidentales, pourquoi en serait-il autrement dans notre pays ?

Troisièmement, le vote par correspondance suscite un certain nombre d’interrogations d’ordre logistique et opérationnel. Toutefois, les auditions nous ont rassurés sur ce point. Là encore, il est difficile d’imaginer en toute bonne foi qu’une grande démocratie comme la France ne serait pas capable de relever le défi logistique.

Outre les consultations auxquelles nous avons procédé, nous nous sommes appuyés sur les travaux de notre assemblée sur le sujet. Je pense en particulier au rapport de la mission d’information créée par la conférence des présidents en juillet dernier, mission dont le président était Xavier Breton et le rapporteur Stéphane Travert. Fruit d’un remarquable travail collégial et approfondi, cet excellent rapport, approuvé par les membres de la mission d’information, indique : « La mission considère que le vote par correspondance doit pouvoir faire l’objet d’une réflexion renouvelée s’incarnant dans des expérimentations locales en s’appuyant sur les expériences nationales et étrangères afin de ne pas s’arrêter aux difficultés posées par cette modalité de vote, mais plutôt de chercher de manière lucide et volontariste à les résoudre. » Ainsi, dans leur proposition n° 8, nos collègues recommandent d’expérimenter le vote par correspondance et le vote par internet lors des prochaines élections locales ou lors de référendums d’initiative locale dans les communes volontaires.

Cette solution nous paraissant équilibrée, nous vous proposerons, par un amendement à l’article 1er de la proposition de loi, de la concrétiser et de recourir à une simple expérimentation du vote par correspondance postale lors des élections municipales de 2026, expérimentation qui serait menée sur la base du volontariat et dont les modalités seraient fixées par décret. Je précise que cet amendement concerne le seul vote par correspondance postale et non le vote électronique, initialement inclus dans la rédaction de la proposition de loi.

Le vote par correspondance n’est pas l’unique rempart à l’effondrement de la participation électorale dans notre pays mais, alors que la méfiance de nos concitoyens à l’égard de leurs représentants grandit de jour en jour – et de la méfiance à la violence, on l’a vu récemment, il n’y a qu’un pas –, nous ne pouvons pas nous payer le luxe d’écarter d’un revers de la main toute modernisation de nos modalités de vote. S’agissant d’un sujet aussi important, prenons le temps d’expérimenter, comme nous l’a suggéré la mission d’information de la conférence des présidents, faisons-nous une idée sur le fondement des résultats de cette expérimentation, et nous pourrons ensuite trancher en notre âme et conscience.

M. Thomas Rudigoz (LaREM). L’objet de la proposition de loi est d’instaurer, en complément du vote traditionnel à l’urne, un vote anticipé à distance et de réduire ainsi le niveau de l’abstention. Si le groupe LaREM partage le constat d’une démocratie qui se lézarde à mesure que les électeurs désertent les urnes, nous sommes beaucoup plus partagés sur l’efficience et la fiabilité du dispositif qui nous est proposé. Le débat sur la participation électorale est bien plus vaste ; je salue, à cet égard, le rapport d’information publié en décembre dernier que Stéphane Travert et Xavier Breton ont consacré aux ressorts de l’abstention.

À ce jour, nous disposons, en France, d’un système que l’on peut qualifier de robuste. C’est, du reste, ce qui ressort, monsieur le rapporteur, de l’audition des représentants du ministère de l’Intérieur. Les électeurs français ont confiance dans ce système en vigueur depuis plus d’un siècle, qui consiste à se rendre au bureau de vote le dimanche, à s’enfermer dans l’isoloir puis à glisser son bulletin dans l’enveloppe avant d’insérer celle-ci dans l’urne, et ce sous le contrôle du président du bureau de vote et de ses assesseurs, citoyens bénévoles. Telle est la tradition électorale française, qui assure le respect le plus total du secret du vote, donc de sa liberté. Nul, ici, ne peut contester la fiabilité de ce système qui garantit le consentement de l’électeur au vote et permet de s’assurer qu’il a fait un choix libre et éclairé, à l’abri de toute influence.

C’est là l’enjeu fondamental du vote par correspondance : tant que le vote sous influence – familiale, clientéliste, voire communautaire – ne pourra pas être évité, il ne sera pas sécurisé.

Au demeurant, des aménagements existent, qu’il s’agisse du vote par procuration ou du vote par correspondance, qui est déjà autorisé pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger et, depuis l’an dernier – c’était un engagement du Président de la République –, pour le vote des détenus. Ces dispositifs ont évidemment pour but d’améliorer la participation aux élections, et notre groupe souhaite faciliter le plus possible la démarche des électeurs. Du reste, pendant la crise sanitaire, le Gouvernement a choisi d’encourager le recours au vote par procuration pour les élections municipales puis les départementales et les régionales de 2021, en permettant à un électeur de porter deux procurations.

Par ailleurs, rappelons que le vote par correspondance était possible jusqu’en 1975, date à laquelle il y a été mis un terme en raison de trop nombreux cas de fraudes, qui avaient provoqué l’annulation de diverses élections municipales et législatives. Anecdote éclairante : dans une petite commune, on avait décompté 35 votes par correspondance effectués grâce à des certificats médicaux établis par un médecin décédé deux ans plus tôt… À l’époque, aux quatre coins de la France, on a constaté des bourrages d’urnes, l’oubli de bulletins dans les plis adressés aux électeurs – certains maires n’envoyant que celui de leur liste – et de faux émargements. Ces pratiques, me direz-vous, sont d’un autre temps. Hélas ! on recourt encore aujourd’hui à des manœuvres peu scrupuleuses. Ainsi, le Conseil d’État a récemment décidé de rendre inéligible l’ancien maire du 6e secteur de Marseille en raison de fraudes électorales constituées par l’utilisation de procurations établies dans un EHPAD auprès de résidents parfois séniles, et ce à leur insu.

Dans la société française actuelle, où un nombre de plus en plus élevé de nos concitoyens remet tout en question, où d’aucuns se laissent tenter par toutes sortes de théories complotistes, le contexte n’est pas suffisamment serein et apaisé pour permettre le vote par correspondance à grande échelle.

Enfin, d’un point de vue purement logistique, nous sommes très dubitatifs quant à la possibilité d’acheminer le matériel de vote en temps et en heure jusqu’aux électeurs, au vu des erreurs et retards de distribution de la propagande électorale lors des dernières élections. Si cet acheminement paraît encore possible lorsque quinze jours s’écoulent entre les deux tours, comme pour l’élection présidentielle, tel n’est pas le cas lorsqu’il n’y a qu’une semaine entre le premier et le second tour. Au reste, le vote par correspondance, notamment aux États-Unis, s’applique très souvent à des élections à un tour.

Par ailleurs, nous avons noté l’appréciation mitigée du ministère des Affaires étrangères, qui déplore qu’un bulletin sur quatre soit nul lorsque les Français de l’étranger ont recours au vote par correspondance. En outre, le dispositif aurait un coût très important pour l’État puisqu’il faudrait adresser les bulletins par courrier recommandé aux électeurs qui choisiraient de voter par correspondance.

En tout état de cause, la question doit être abordée dans le débat présidentiel à venir car nous devons envisager l’utilisation de nouveaux outils pour attirer à nouveau les Français, en particulier les jeunes, vers les urnes. Le vote par correspondance pourrait ainsi être expérimenté dans certaines communes volontaires, comme le propose effectivement la mission de MM. Travert et Breton, mais une telle expérimentation doit s’inscrire dans le cadre plus large d’une réforme de nos institutions.

Compte tenu de ces différents éléments, le groupe LaREM votera contre la proposition de loi.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Il est vrai que la participation aux élections soulève un problème conjoncturel, voire structurel, mais il faut se garder de réagir avec précipitation.

Voter est un acte qui n’est ni anodin ni simple : chaque électeur doit prendre le temps de réfléchir à son choix, lequel ne doit pas être déterminé par des intérêts territoriaux, économiques ou communautaires, mais doit concourir à l’élaboration d’un projet collectif. Quelle société voulons-nous construire ensemble ? Tel est l’enjeu du vote, pour chaque électeur. Ce qui éloigne l’électeur du vote, c’est davantage la difficulté qu’il éprouve à répondre à cette question, dans une société de plus en plus morcelée, que l’obligation de se rendre dans un bureau de vote pour y glisser un bulletin dans l’urne et signer la liste d’émargement. De fait, ceux qui expliquent que la participation est moins élevée lorsqu’il fait beau le jour du vote sont systématiquement démentis la semaine suivante, lorsqu’on s’aperçoit que la participation n’est pas plus élevée un jour de pluie.

Il faut donc rester très prudent quant aux modalités du vote : ce n’est pas parce qu’elles seront simplifiées que la décision sera plus facile à prendre.

Au fond, l’élection est le seul moment où l’électeur se trouve dans la même situation que son représentant pendant l’exercice de son mandat. En effet, que faisons-nous chaque jour, sinon réfléchir au point d’équilibre qui permet de construire une société ? Or, on le voit, il nous est difficile d’expliquer notre travail, qui est parfois complexe et ne se limite pas aux effets de manche et aux propos de tribune mais se construit sur la durée et dans la complexité de l’action. Si nous facilitons trop la procédure de vote, si elle se réduit à un simple clic sur internet, nous distendrons davantage encore le lien entre les électeurs et leurs futurs représentants.

Je ne crois pas, monsieur le rapporteur, que les États-Unis d’Amérique soient un exemple en matière de modalités de vote. Certes, la dernière élection présidentielle a suscité une mobilisation que l’on n’avait pas connue depuis longtemps. Mais jusque-là, le modèle américain, qui inclut le vote par correspondance, se caractérisait plutôt par une faible participation et une piètre confiance dans l’issue du scrutin. Le modèle français, quant à lui, celui de l’isoloir et de l’urne, est peut-être à l’origine d’une diminution de la participation – si tant est que celle-ci s’explique par les modalités du vote –, mais il assure en tout état de cause une grande confiance dans l’issue du scrutin, laquelle est peu contestée.

Un certain nombre d’éléments ont conduit à la suppression du vote par correspondance en France. Je ne crois pas que les problèmes liés au communautarisme auxquels nous faisons face actuellement nous incitent à le rétablir, dès lors que ses modalités ne permettent pas de garantir le secret et la sincérité d’un vote susceptible d’être effectué dans la cuisine familiale ou un espace partagé, dans des quartiers parfois gangrenés par les violences communautaires.

Enfin, à quelques semaines d’une élection présidentielle, le moment est mal choisi pour discuter, à la faveur d’une niche parlementaire, d’un texte qui, même s’il ne s’appliquerait qu’aux élections municipales de 2026, tend à modifier les modalités du scrutin. Votons dans les semaines qui viennent comme nous l’avons toujours fait !

M. Frédéric Petit (Dem). La question du vote par correspondance revêt une importance particulière à mes yeux puisque, lors du scrutin qui a abouti à mon élection, un tiers des électeurs ont voté par correspondance.

Ce système est largement utilisé. On a évoqué l’Allemagne et les États-Unis. Faisons un peu d’histoire. Aux États-Unis, le vote par correspondance a été adopté pour permettre aux électeurs mobilisés durant la guerre de sécession d’exprimer leur suffrage. En Allemagne, il est pratiqué depuis 1947, la Cour de Karlsruhe ayant estimé, dans un avis de 1981, que ses avantages l’emportaient largement sur les risques de fraude.

Le vote par correspondance est, je le rappelle, un vote à l’urne : la veille du scrutin, l’ensemble des bulletins de vote adressés par correspondance sont insérés dans l’urne et la liste électorale est émargée.

Je ne reviens pas sur les risques de fraude : notre rapporteur en a très bien parlé.

Je suis d’accord avec ceux d’entre vous qui ont souligné la solennité des modalités de vote actuelles. Toutefois, le ministère de l’Intérieur, pourtant prudent quant aux changements susceptibles d’intervenir dans ce domaine, envisage que le scrutin puisse, comme dans d’autres pays, se dérouler sur plusieurs jours et débuter avant le dimanche. Cela ne changerait rien à la solennité du vote, qui prévaut – je l’ai expérimenté – dès lors que le vote par correspondance est un vote à l’urne et qu’il est traité par le même bureau de vote que celui où l’on se rend physiquement. J’avais du reste déposé un amendement, déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution, afin de renforcer la solennité des bureaux de vote, les bénévoles, qui sont souvent des experts, n’étant pas toujours très bien traités.

On a dit qu’un quart des bulletins de vote adressés par correspondance pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger étaient nuls. Cela n’est pas dû au vote par correspondance mais au système, unique au monde et très complexe – à trois enveloppes –, inventé par l’administration française. À la suite de ces problèmes, des rapports ont montré qu’il fallait retenir un système à deux enveloppes, comme dans tous les autres pays.

Le groupe MoDem, vous l’avez compris, votera pour cette proposition de loi, à laquelle nous tenons beaucoup.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Le traumatisme causé par les fraudes au vote postal constatées en 1975 pèse lourd, et de manière injuste, en 2022. Le dispositif proposé est en effet tout autre. J’ai moi-même déposé une proposition de loi analogue à celle-ci en septembre 2021 : les deux textes diffèrent sur la forme mais, sur le fond, les objectifs sont les mêmes.

L’instauration de modalités de vote différentes est plus que pertinente : c’est une exigence démocratique. Elle nous paraît même tardive, compte tenu des difficultés liées à la pandémie, mais nous nous sommes heurtés à l’opposition du ministère de l’Intérieur. Si nous soutenons ce texte, c’est pour une raison simple : il faut faciliter l’expression de la volonté souveraine des Françaises et des Français. C’est pour cette raison que le vote a lieu le dimanche et qu’à 18 ans, on est inscrit automatiquement sur les listes électorales, et c’est à cette fin que le vote par correspondance doit être généralisé. En s’y refusant, la France fait figure d’anomalie parmi les démocraties libérales : il est possible de voter par correspondance en Allemagne, aux États-Unis, en Suisse, en Espagne, au Royaume-Uni et en Australie – la liste n’est pas exhaustive.

Lorsque, au cours d’une réunion de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, j’ai demandé à Angela Merkel pourquoi le taux d’abstention était plus faible en Allemagne qu’en France, elle m’a répondu que cette différence s’expliquait uniquement par le vote par correspondance ! C’est du reste à la suite de cet échange que j’ai décidé de déposer la proposition de loi que j’évoquais au début de mon propos.

Le vote par correspondance n’est pas, dans les pays où il est autorisé, un phénomène marginal ou cosmétique : la part des voix exprimées par correspondance a été, en Allemagne, de 28,6 % aux élections législatives de 2017, en Australie, de 8,5 % en 2016 et, aux États-Unis, de 26 % à la présidentielle de 2016 et de 42 % à celle de 2020, la participation ayant par ailleurs augmenté de onze points entre ces deux élections.

Ce n’est pas la panacée de la démocratie : le vote par correspondance ne supprimera pas le sentiment de confiscation qui résulte de l’injonction que constitue le vote utile, du fait majoritaire et des déséquilibres inhérents au semi-présidentialisme – pour ne pas dire à l’ultraprésidentialisme – de la Ve République. Pour y remédier, il faut modifier les modes de scrutin et l’équilibre des pouvoirs.

Mon regret est que le dispositif proposé soit expérimental, mais il est vrai que la date à laquelle nous examinons la proposition de loi est problématique. Il nous faut, comme vous l’avez dit, monsieur le rapporteur, simplifier l’inscription sur les listes électorales, car près de 8 millions de personnes ne sont pas inscrites sur les listes de la commune où elles résident. C’est, du reste, un problème pour les maires, qui ne rencontrent plus les nouveaux habitants de leur commune. Même si cela est très difficile, ceux-ci devraient être inscrits automatiquement sur les listes de leur commune de résidence et rencontrer le maire au moment de leur emménagement. Tant que cela ne sera pas le cas, le vote par correspondance apparaîtra comme d’autant plus nécessaire.

Enfin, la Commission supérieure du numérique et des postes a rendu, le 10 novembre 2021, un avis sur la modernisation des processus électoraux dans lequel elle conclut à la nécessité d’instaurer le vote par correspondance, qui est attendu par nos concitoyens.

M. Christophe Euzet (Agir ens). Je salue l’initiative prise par le président Mignola et Jean-Noël Barrot de nous soumettre cette proposition de loi, car elle a trait à une question cruciale dans le débat démocratique actuel, question sur laquelle les avis divergent. Le groupe Agir ensemble est lui-même divisé : certains de ses membres considèrent que le vote par correspondance faciliterait le vote et contribuerait ainsi à améliorer la participation aux élections ; d’autres, dont je suis, s’y opposent, pour de multiples raisons.

Tout d’abord, je suis très attaché au caractère solennel du vote. La démocratie se mérite ; le vote est un acte individuel volontariste, dont on ne peut faire aisément abstraction. Se rendre dans un bureau de vote, pénétrer dans l’isoloir – je me souviens du sentiment de responsabilité qui m’a envahi lorsque j’ai voté pour la première fois à 18 ans – et glisser son bulletin dans l’urne est une démarche citoyenne. Je crains que le vote par correspondance – puis le vote électronique, que l’on voit poindre derrière lui – ne retire cette solennité. C’est, en outre, la porte ouverte aux votes épidermiques, que l’on risque de voir se multiplier dans notre société caractérielle.

Un autre risque, qui a déjà été évoqué et qui me paraît particulièrement préoccupant, c’est de voir certains individus subir des pressions, de la part de leur entourage, de cercles de pensée, de cercles communautaires ou religieux. Le danger, dans ce cas, c’est que le vote ne soit plus l’expression d’un choix individuel.

Il faut encore évoquer le risque de fraude, qui est inévitable, et les difficultés de mise en œuvre matérielle d’un tel système. D’une manière générale, même si la crise que nous avons connue a favorisé la multiplication des procurations, je crois qu’il faut éviter au maximum les médiations, afin de préserver la solennité du moment et l’importance de l’acte en lui-même. Et il faut nous mobiliser pour trouver d’autres solutions.

Il existe d’autres moyens de lutter contre l’abstention que ce faux ami qu’est le vote par correspondance – et, à terme, le vote électronique : l’inscription automatique sur les listes électorales ; l’aménagement des conditions du vote, avec la possibilité de voter pendant un laps de temps plus grand ; un effort pour rapprocher les bureaux de vote des citoyens, en multipliant les points où il serait possible de voter ; l’amélioration de la représentation, grâce à la proportionnelle ; une participation accrue de nos concitoyens à tous les niveaux décisionnels avant, pendant, et après les élections, de façon à leur permettre d’exister indépendamment des périodes électorales ; une limitation du cumul horizontal des mandats locaux et une limitation des mandats dans le temps, de façon à ouvrir les postes à la concurrence élective.

Même à titre expérimental, le vote par correspondance me semble représenter un risque pour nos concitoyens. C’est la raison pour laquelle, à titre personnel, et au nom d’une majorité du groupe Agir ensemble, je voterai contre cette proposition de loi.

M. Jean-Félix Acquaviva (LT). Cette proposition de loi vise à ajouter une nouvelle section au code électoral pour instituer le vote par correspondance, soit sous pli fermé, soit par voie électronique. Cette disposition pourrait potentiellement concerner l’ensemble des élections, même si la proposition de loi ne l’a pas prévu pour l’élection présidentielle.

C’est un outil que l’on peut légitimement envisager pour lutter contre l’abstention. Avec un taux d’abstention de 65,7 % au second tour des dernières élections régionales et départementales – sauf en Corse, où il n’était que de 40 %, la démocratie souffre d’un manque de légitimité de plus en plus important et la recherche de solutions est une bonne chose.

Toutefois, des questions se posent quant à la sécurité du scrutin : la sécurité informatique d’un vote électronique n’est pas toujours facile à garantir. En 2017, par exemple, on a dû annuler au dernier moment le vote électronique pour l’élection des députés représentant les Français de l’étranger, compte tenu des menaces de cyberattaque, notamment russes, après l’élection présidentielle américaine.

Le vote par voie postale interroge également, quand on se rappelle que le simple envoi des plis électoraux et des professions de foi a connu des dysfonctionnements majeurs lors des dernières élections régionales et départementales. Un vote par correspondance ne risque-t-il pas d’entraîner des fraudes ou des dysfonctionnements logistiques ? Je viens d’un territoire où il y a eu beaucoup de fraudes, et c’est précisément pour cette raison que nous sommes attachés au vote physique éclairé.

Quand bien même la sécurité du scrutin serait avérée, quelle confiance nos concitoyens auraient-ils dans ce système ? Donald Trump a utilisé l’argument de la fraude pour remettre en cause les résultats de la dernière élection présidentielle. Même s’il était infondé, cet argument a convaincu un nombre suffisant de ses partisans pour créer une grave crise politique.

Le vote éclairé dans l’isoloir est un moment solennel, au cours duquel le citoyen exprime un choix mûrement réfléchi, fruit d’un long processus. Un simple clic n’aurait pas le même impact et n’impliquerait pas la même réflexion en amont. La symbolique est une chose importante.

Il faut réfléchir aux moyens de lutter contre l’abstention, mais une mesure ne pourra pas, à elle seule, régler le problème. La reconnaissance du vote blanc, l’instauration du vote obligatoire, que certains pays ont choisie, et le vote par anticipation seraient des pistes à explorer. Il importe, surtout, de lutter contre la défiance politique, ce qui va bien au-delà de la question de l’abstention. Nous pensons en effet qu’il faut aller vers une démocratie beaucoup plus participative, notamment au travers d’une véritable décentralisation.

Le système allemand de vote par correspondance a été cité en exemple, mais il faut rappeler que l’Allemagne est très décentralisée. En vertu du principe de subsidiarité, la prise de décision a généralement lieu à l’échelon le plus bas, si bien que l’efficacité de l’action publique ne se mesure pas de la même façon que dans notre système républicain. Et cela explique en grande partie que les Allemands votent beaucoup plus massivement que les Français. Ramener la décision au plus près des citoyens nous apparaît comme un enjeu majeur de lutte contre la défiance politique.

M. Matthieu Orphelin. J’entends des arguments pour et contre le vote par correspondance. Pour ma part, j’y suis plutôt favorable mais, dans tous les cas, avec l’amendement que le rapporteur va nous proposer, le vote par correspondance ne fera l’objet, au mieux, que d’une expérimentation à partir de 2026, pour une entrée en application en 2032... Ne nous faites pas rire ! On donne l’impression de s’intéresser à la crise démocratique et, en réalité, on ne fait rien.

Par ailleurs, je ne partage pas du tout le concert de louanges que j’ai entendu au sujet du rapport d’information de notre collègue Stéphane Travert. Ce rapport a été volontairement orienté vers des mesures très techniques, dont celle du vote par correspondance, mais il ne s’attaque pas aux vraies raisons de l’abstention, notamment la mal-inscription électorale, qui est le premier facteur d’abstention chez les jeunes. Si la majorité avait vraiment voulu agir sur ce sujet, elle nous aurait soumis une proposition de loi pour régler cette question directement. La deuxième chose que demandent les jeunes, c’est de l’information et de la formation sur les enjeux de la démocratie. Or, là-dessus, vous ne proposez strictement rien.

Le rapport préconise quelques mesures techniques intéressantes, comme le vote blanc ou le vote par correspondance. Mais la réalité, c’est que cette mission d’information n’a volontairement été lancée qu’à la fin du quinquennat, pour qu’elle n’ait pas d’effet. Et là, nous sommes en train de débattre d’une loi qui entrera éventuellement en application en 2032. Excusez-moi de trouver cela un peu grotesque, à un moment où la crise démocratique, dans notre pays, est tellement grave.

M. Rémy Rebeyrotte. Je souscris aux propos de Thomas Rudigoz et de Christophe Euzet. Chaque pays a son histoire, et l’une des caractéristiques françaises, c’est le grand nombre des scrutins à deux tours. Si je peux concevoir qu’un vote par correspondance puisse être sécurisé dans le cadre d’un scrutin à un tour, je vois mal comment on peut l’organiser dans l’espace très court de l’entre-deux-tours. C’est vraisemblablement au vote numérique, plutôt qu’au vote par correspondance, qu’il faut désormais réfléchir : il serait plus adapté à notre mode de scrutin et nous avons désormais des technologies qui le permettent.

Encore faut-il que le vote soit parfaitement sécurisé et que l’on puisse s’assurer que l’électeur, au moment du vote, est bien isolé et à l’abri de toute pression, et que c’est bien son choix personnel qu’il exprime. Des électeurs, souvent âgés, m’ont déjà dit que leur fils ou leur fille avait mis pour eux un bulletin dans une enveloppe mais que, une fois dans l’isoloir, ils ont fait ce qu’ils voulaient, y compris retirer le bulletin en question pour en mettre un autre. Il faudra s’assurer, grâce aux techniques du numérique, que c’est bien la volonté propre de l’électeur qui s’exprime.

C’est tout l’enjeu de la réforme qu’il faudra construire. Il faut que la personne puisse voter par voie électronique, au moment où elle le souhaite, pas forcément depuis chez elle, et il faut que l’on puisse s’assurer qu’elle a fait elle-même son choix, comme elle l’aurait fait dans l’isoloir. Il faut du temps pour résoudre un tel problème. Le ministère de l’Intérieur y travaille, de nombreuses études sont menées sur le sujet, des rapports existent. Il faudra franchir le pas, mais je crois qu’il est encore un peu tôt pour trancher cette question, essentielle pour l’avenir.

Mme Laurence Vichnievsky. Ce débat est intéressant. En ce qui me concerne, je n’aurais pas déposé l’amendement qui vise à reporter l’application de ce texte. Comme Matthieu Orphelin, je trouve que le fait de proposer ce dispositif à titre expérimental et à une échéance très lointaine n’a plus beaucoup de sens. J’aurais voté ce texte sans cet amendement. Même s’il ne va pas résoudre à lui seul le problème de l’abstention, le vote par correspondance est un outil intéressant et je pense qu’il faudra bientôt en venir aussi au vote électronique. On peut le regretter, mais c’est dans l’ordre des choses et il faut s’adapter aux évolutions de la société.

Quant à l’argument selon lequel les électeurs risqueraient de subir des pressions – c’est l’argument phare du ministère de l’intérieur –, il me laisse de marbre, parce que les pressions sont les mêmes, que l’on aille dans un bureau de vote ou que l’on soit chez soi, avec son enveloppe. Ce n’est pas le fait de parcourir cette petite distance à pied qui va permettre de les éviter, mais l’instruction civique, l’initiation politique, le goût de la chose publique et de l’intérêt général, qui devraient animer chacun de nos concitoyens.

Je ne comprends vraiment pas vos réticences vis-à-vis de ce texte, mes chers collègues. Pour ma part, je le voterai – et je répète que je l’aurais voté même sans l’amendement du rapporteur.

M. Frédéric Petit. S’agissant de la solennité du vote, je rappelle que le vote par correspondance finit dans l’urne et qu’il est ouvert par la communauté élective le dimanche soir.

Pour ce qui concerne la formation, je crois que l’on ne s’appuie pas assez sur nos bureaux de vote – et c’est le sens de l’amendement que je défendrai en séance publique. Aux États-Unis, le travail accompli par les bénévoles qui tiennent les bureaux de vote dans les semaines qui précèdent le vote est important pour la démocratie. Ce sont des gens qui appellent, qui vérifient, qui regardent, qui discutent. Prendre exemple sur eux serait une manière de faire avancer les choses.

Enfin, je voudrais donner quelques chiffres qui illustrent la différence entre le vote électronique et le vote par correspondance – une différence qui tient aussi à la solennité du vote. Traditionnellement, le vote électronique remplace le vote à l’urne : on a à peu près la participation que l’on attendait mais, au lieu de n’avoir que du vote à l’urne, une partie de celui-ci est remplacée par du vote électronique. Le vote par correspondance, lui, ajoute de la participation : il peut représenter 10, 20, parfois 30 % de participation en plus – une participation que l’on n’avait pas prévue.

Je pense que cette différence tient à l’acte lui-même. Appuyer sur un bouton, ce n’est pas la même chose que de s’installer dans sa cuisine, en face de la propagande électorale, de mettre son bulletin dans une petite enveloppe, puis la petite enveloppe dans une grande, et d’apposer sa signature. Ce n’est peut-être pas aussi solennel que l’isoloir, mais ça l’est davantage que le vote électronique. Et je pense que c’est pour cela qu’on constate, sur le terrain, que le vote par correspondance amène de la participation, qui n’aurait pas existé autrement.

M. Erwan Balanant. À titre personnel, je suis profondément attaché à ce que j’appelle la liturgie électorale : le vote du dimanche, avec son unité de lieu, d’action et de temps. Cela fait partie de notre patrimoine et de notre culture démocratique et j’y suis attaché, parce que je pense que cela donne une solennité au vote.

Et pourtant, il faut accepter que le monde change et je pense que nous devrions expérimenter sans tarder le vote électronique. Nous pouvons emprunter sur vingt ans grâce à notre téléphone portable, nous pouvons signer des actes notariés par mail, nos enfants regardent leurs notes sur Pronote, le logiciel de l’éducation nationale, une grande partie de notre vie est gérée par des applications. On peut le regretter, on peut avoir la nostalgie de la vie d’avant et de l’odeur du vieux papier. Moi, j’aime le vieux papier, mais il faut aussi être à la page.

Je suis sûr que l’on peut inventer une application qui permettrait de voter le dimanche des élections de manière sécurisée. On paie nos impôts en ligne de façon sécurisée ; nos banques sont parvenues à sécuriser l’accès à nos comptes. Faisons preuve de créativité et sortons de cette nostalgie démocratique, qui est aussi un conservatisme. Les jeunes ont changé de paradigme.

M. Pacôme Rupin. Monsieur le rapporteur, vous avez parlé très justement de la méfiance, ou de la défiance, qu’éprouvent nombre de nos concitoyens pour les élus et le monde politique. Or nous avons un bien très précieux en France : la confiance quasi unanime dans notre processus électoral et dans le résultat des élections. Aux États-Unis, a contrario, près de la moitié des citoyens pense que l’élection a été volée. À un moment où les théories du complot fleurissent et où les divisions se creusent dans notre société, il ne faut toucher à ce bien précieux qu’avec une extrême précaution.

Le vote par correspondance pourrait entamer la confiance d’une partie de nos concitoyens dans le processus électoral et entraîner une remise en cause du résultat des élections, ce qui serait très problématique. Et je ne crois pas qu’il résoudrait pour autant le problème de la défiance vis-à-vis des politiques. Chacun sait que le vote par correspondance ne va pas, à lui seul, s’attaquer aux causes profondes de la crise que traverse la démocratie.

Il existe des spécificités françaises : le dimanche, le rituel républicain, les deux tours qui s’enchaînent et qui empêchent, d’un point de vue opérationnel, le vote par correspondance. Si le dépouillement du vote par correspondance avait lieu le samedi, certaines personnes connaîtraient les tendances du scrutin avant même qu’il ait eu lieu le dimanche…

Pour toutes ces raisons, je suis défavorable au vote par correspondance. Ce n’est pas une innovation démocratique, puisqu’il a existé il y a très longtemps et qu’on est d’ailleurs revenu dessus.

Mme Cécile Untermaier. J’aimerais répondre à ceux qui repoussent le vote par correspondance, en arguant du fait que le processus actuel suscite la confiance de nos concitoyens et qu’il ne faudrait pas risquer de l’entamer, en alimentant le complotisme.

Le système actuel suscite peut-être la confiance, mais de moins en moins de personnes y participent. Il semble donc utile d’imaginer une alternative, qui ne remette pas en question le cérémonial auquel nous sommes tous attachés.

J’ai le sentiment qu’on a envie d’emmerder les Français, pour reprendre une expression désormais célèbre. Nous avons, avec le vote par correspondance, une alternative intéressante à la procuration, qui pourrait simplifier la vie des personnes qui ont des difficultés à se rendre dans un bureau de vote. Je ne comprends pas que l’on repousse ce dispositif simple, sur lequel la Commission supérieure du numérique et des postes s’est prononcée favorablement.

Sur la question éthique, on peut faire un parallèle avec le paiement de l’impôt, qui est aussi un moment important. Désormais, il est prélevé à la source et on ne sait même plus comment cela se passe. Ne faudrait-il pas réintroduire un cérémonial, au cours duquel on irait remettre un chèque symbolique à la direction générale des finances publiques ? C’est la même chose : vivons dans la modernité et profitons de ce que permet le service postal.

Quant à la pression sur l’électeur, elle s’exerce partout, comme l’a très bien rappelé Laurence Vichnievsky. Lorsqu’on fait une procuration, on ne sait pas pour qui la personne que l’on a choisie va effectivement voter : c’est un chèque en blanc. Nos concitoyens peuvent donc souhaiter mettre eux-mêmes dans l’enveloppe le bulletin qui leur convient.

Enfin, il ne s’agit que d’une expérimentation. Dans le contexte actuel, je comprends mal pourquoi on se priverait d’une expérimentation qui peut s’appuyer sur La Poste et la Commission supérieure du numérique et des postes et qui est proposée par l’un des groupes de la majorité. Tout cela me laisse assez perplexe quant aux capacités de progrès et d’innovation que nous pouvons avoir au sein de cette assemblée.

Mme Élodie Jacquier-Laforge. Je souscris à ce qui vient d’être dit. Il faut que nous ayons le courage d’avancer et l’expérimentation qui est proposée permettrait de le faire.

J’aimerais évoquer le modèle des élections professionnelles. Ce ne sont certes pas les mêmes enjeux, mais ce sont tout de même des enjeux importants. Or, pour ces élections, il y a déjà la possibilité de voter à l’urne, par correspondance ou par voie électronique. Inspirons-nous de ce qui existe déjà pour les élections professionnelles et avançons collectivement sur ce sujet d’importance. Il ne faudrait pas que le fossé qui nous sépare de nos concitoyens s’élargisse encore.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Je vous remercie pour la qualité de vos interventions. Cette question du vote par correspondance suscite des adhésions et des oppositions et il me semble qu’une expérimentation à petite échelle permettrait précisément de trancher ce débat, en s’appuyant sur des faits.

J’aimerais revenir sur le vote par procuration. À l’élection présidentielle, 3 millions de personnes ont voté par procuration. Chacun de nous pense sans doute, en son for intérieur, qu’il est préférable de voter à l’urne que par procuration, mais on tolère tout de même les votes par procuration. Et pourquoi le fait-on ? Pourquoi les Français ont-ils confiance dans les résultats de l’élection présidentielle, alors que 3 millions de bulletins ont été mis dans l’urne par une personne différente de celle qui votait ?

On le tolère, parce que cela permet de résoudre certains problèmes, à commencer par celui que rencontrent les personnes qui n’habitent pas dans la commune où elles sont inscrites. Cela concerne notamment les jeunes. À 18 ans, ils sont inscrits automatiquement sur les listes électorales et leur taux de participation est relativement élevé. Mais, au cours de leurs études, nombre d’entre eux vivent loin et il peut être difficile pour eux de revenir exprès pour le vote. On leur a donc permis de voter par procuration. C’est la même chose pour les personnes qui sont mobiles, parce que leur activité professionnelle les amène loin de la commune où elles sont inscrites. On s’est dit qu’on n’allait quand même pas empêcher ces personnes de voter et on leur a ouvert le vote par procuration. Il y a une autre catégorie de personnes dont la situation explique que l’on tolère le vote par procuration : ce sont les personnes trop âgées ou trop handicapées pour se rendre dans un bureau de vote. Pour elles, on accepte que le vote soit intermédié, même si ce n’est pas idéal, parce que le fait qu’elles puissent voter est plus important que la manière dont elles le font.

Si l’on est d’accord sur ce constat et que l’on envisage maintenant le vote par correspondance, on doit bien admettre qu’il permet lui aussi aux jeunes et aux personnes éloignées du lieu où elles sont inscrites de voter. Il permet lui aussi aux personnes qui sont trop âgées ou trop handicapées pour se déplacer de le faire. Et il a deux autres avantages. Dans le contexte de crise sanitaire que nous avons connu, le fait même de se rendre au bureau de vote pouvait représenter un risque pour la santé. Or la procuration ne résout pas le problème, puisqu’elle suppose que quelqu’un se déplace, alors que le vote par correspondance permet à chacun de voter sans prendre le moindre risque. Le deuxième avantage du vote par correspondance, c’est qu’il n’implique pas, comme la procuration, de trouver une personne de confiance à qui confier son bulletin de vote. Avec le vote par correspondance, chacun peut envoyer son bulletin au bureau de vote sans la moindre crainte.

Les bénéfices du vote par correspondance sont identiques, et même supérieurs, à ceux du vote par procuration. Les risques associés, quant à eux, sont moindres. Pour toutes ces raisons, le vote par correspondance apparaît comme un outil complémentaire, qui conviendra à certaines personnes. Il ne s’agit évidemment pas de forcer les Français à voter par correspondance, mais d’ajouter cette possibilité à la palette des manières dont les citoyens peuvent s’exprimer au moment des élections.

J’aimerais, enfin, dire un mot sur le dispositif et sur ce qui est proposé. Mme Untermaier et M. Orphelin l’ont dit : ce que je propose n’est pas révolutionnaire. Si nous adoptons cette proposition de loi, telle que je propose de l’amender, si le texte est adopté au terme de la navette parlementaire, puis qu’un décret en Conseil d’État en définit les modalités, il faudra encore que des communes se portent volontaires, et que des électeurs de ces communes se portent, à leur tour, volontaires, pour que le vote par correspondance fasse l’objet d’une expérimentation aux élections locales de 2026. Vous voyez qu’il existe des garde-fous très importants…

Cette proposition de loi ne risque pas de déstabiliser notre système électoral, ni d’introduire de la défiance chez nos concitoyens : puisqu’ils ont pleinement confiance dans les procurations, il n’y a aucune raison pour qu’ils n’aient pas confiance dans le vote par correspondance. C’est une manière de montrer, notamment à ceux d’entre eux qui ont le plus de mal à se déplacer, parce qu’ils sont étudiants, ou parce que la maladie, le handicap, le grand âge ne leur permettent plus de le faire, que nous essayons de les associer pleinement aux décisions qui concernent l’avenir du pays.

Article 1er (art. L. 78-1 [nouveau] du code électoral) : Autorisation du vote à distance

Amendement de suppression CL1 de Mme Emmanuelle Ménard

Mme Emmanuelle Ménard. J’ai écouté la discussion avec beaucoup d’intérêt. Il y a des arguments pour et contre le vote par correspondance. Spontanément, j’étais plutôt contre, et je le reste, pour les raisons suivantes.

D’abord, si le vote par correspondance, qui était auparavant possible en France, a été supprimé en 1975, c’est à cause du nombre élevé de fraudes qu’il permettait. C’est aussi, comme le rappelait en 2020 Christophe Castaner, alors ministre de l’Intérieur, parce qu’il prêtait à manipulation : c’est au nom de la sécurité et de la sincérité du scrutin que l’on a recouru au vote par procuration plutôt qu’au vote par correspondance.

Monsieur le rapporteur, vous ne voyez pas pourquoi les Français n’auraient pas la même confiance dans le vote par correspondance que dans le vote par procuration, mais vous oubliez une différence majeure : la validité de la procuration est vérifiée par un officier de police judiciaire qui peut venir au domicile des personnes.

Des recherches très sérieuses ont été conduites, notamment par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), sur les pratiques frauduleuses constatées du fait du vote par correspondance. Ce mode de vote ne permet de vérifier ni les papiers d’identité ni l’enveloppe : cela pose un vrai problème.

Depuis les déclarations de M. Castaner, la crise sanitaire a fourni à certains d’entre nous une raison supplémentaire d’exhumer le vote par correspondance, mais nous ne sommes pas capables de le mettre en œuvre dans des conditions de sécurité suffisantes. De ce point de vue, l’élection présidentielle américaine de 2020 devrait nous inciter à la plus grande prudence : les contestations qu’elle a suscitées ne contribuent pas à un climat serein – c’est un euphémisme.

La proposition de loi tend à autoriser le vote par correspondance sous pli fermé, écartant la voie électronique. Pourquoi cela ne ressusciterait-il pas les problèmes de fraude qui ont entraîné sa suppression en 1975 ?

Enfin, l’objection majeure contre le vote par correspondance est que celui-ci ne garantit pas un vote libre, loin de toute pression familiale. À cet égard, je ne suis pas du tout d’accord avec Laurence Vichnievsky, qui oublie un élément essentiel : l’isoloir, lieu où vous êtes libre de toute pression, seul face à vous-même. La procuration, elle, est remise à une personne de confiance : c’est encore un autre cas de figure. En tout cas, cette liberté est la raison principale de ne pas autoriser à nouveau le vote par correspondance.

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Avant la pandémie, je ne m’étais jamais vraiment posé la question du vote par correspondance. De ce fait, me sont d’abord venus à l’esprit tous les arguments que vous avez développés.

Toutefois, le vote par procuration expose à un plus grand risque de vote sous influence que le vote par correspondance, car il repose sur un intermédiaire qui ne va pas transporter le bulletin. Quant aux risques de fraude, si vous n’êtes pas convaincue, ce que l’on peut comprendre, par l’exemple américain – où la participation a tout de même fortement augmenté –, tournez-vous vers l’Allemagne et les autres pays européens qui, forts d’une longue expérience, recourent au vote par correspondance en limitant ces risques sans grande difficulté, comme le montrent les études internationales. Enfin, la logistique représente bien une petite difficulté, mais c’est une raison supplémentaire d’expérimenter pour se faire une idée sur ce point.

À cet égard, le dispositif que je propose dans l’amendement suivant est si encadré qu’il prémunira contre tous les risques légitimement signalés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL9 de M. Jean-Noël Barrot

M. Jean-Noël Barrot, rapporteur. Il reprend, en laissant de côté le vote électronique, la proposition numéro 8 du rapport d’information de nos collègues Breton et Travert.

La commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’article 1er.

Article 2 : Gage financier

La commission rejette l’article 2.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté et l’amendement CL10 de M. Jean-Noël Barrot tombe.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. La proposition de loi sera examinée dans l’hémicycle telle qu’elle avait été déposée, lors de la journée réservée du MoDem, le 3 février.

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à rétablir le vote par correspondance (n° 3039).

 


—  1  —

   Personnes entendues

   M. Olivier Jacob, préfet, secrétaire général adjoint, directeur de la modernisation et de l’administration territoriale

   M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur

   M. Sébastien Audebert, chef du bureau des études et des élections politiques

   M. Cédric Prieto, chef du service des Français à l’étranger

   M. Philippe Dorge, directeur général adjoint, directeur général de la Branche Services-Courrier-Colis

   Mme Rébecca Peres, déléguée aux affaires territoriales et parlementaires

 

L’ambassade d’Allemagne en France a également remis une contribution écrite à votre rapporteur.


([1]) Voir par exemple la proposition de loi n° 4469 déposée le 21 septembre 2021 par Cécile Untermaier et les membres du groupe Socialistes et apparentés et la proposition de loi n° 111 déposée le 5 novembre 2020 par le sénateur Xavier Iacovelli.

([2]) Rapport d’information n° 4790 (XVe législature) de Stéphane Travert, visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, 8 décembre 2021, proposition n° 8, pp. 44 et 45.

([3]) Articles L. 79 et R. 81 du code électoral.

([4]) Articles L. 80 et L. 81 du code électoral.

([5]) Voir à ce sujet le document « Alternative voting methods and arrangements » publié en 2020 par l’OSCE.

([6]) Observations générales n° 25 du comité des droits de l’Homme de l’ONU, paragraphe 20 : « An independant electoral authority should be established to supervise the electoral process and to ensure that it is conducted fairly, impartially and in accordance with established laws which are compatible with the Covenant. »

([7]) Jean-Louis Briquet, « Le vote au village des Corses de l’extérieur », Revue française de science politique, volume 66, 2016, pp. 751 à 771.

([8]) Conseil constitutionnel, décision n° 74-32 PDR du 24 mai 1974 et Conseil d’État, Commune de Serriera, 21 juin 1972.

([9]) Conseil d’État, Commune de Bastia, 14 octobre 1967.

([10]) Loi n° 75-1329 du 31 décembre 1975.

([11]) Article L. 54 du code électoral.

([12]) Aux côtés des conseils consulaires, l’Assemblée des Français de l’étranger est une instance politique consultative qui représente les Français résidant à l’étranger.

([13]) Article L. 330-13 du code électoral.

([14]) Selon le rapport d’information n° 240 de François-Noël Buffet, Le vote à distance, quelles conditions ? fait au nom de la commission des Lois du Sénat en décembre 2020, 120 000 électeurs ont « activé » l’option du vote par correspondance lors des élections législatives de 2017, mais seulement un quart d’entre eux ont finalement envoyé un pli à l’administration.

([15]) À l’exception de l’élection présidentielle.

([16]) Soit près de 10 % des électeurs admis à voter.

([17]) 4 395 personnes détenues ont pu voter par correspondance, sur les 5 184 détenus admis à voter.

([18]) Articles L. 79 et L. 80 du code électoral.

([19]) Les détenus n’ont pas pu voter par correspondance lors des élections municipales de 2020.

([20]) Loi organique n° 2021-335 du 29 mars 2021.

([21]) Réponse ministérielle du 16 novembre 2021 à la question écrite n° 40336 de Chantal Jourdan.

([22]) Article L. 330-13 du code électoral.

([23]) Soit 176 734 votants. Le nombre total de votants s’élève à 205 865, soit environ 15 % des électeurs inscrits.

([24]) https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/services-aux-francais/voter-a-l-etranger/resultats-des-elections/article/elections-consulaires-2021-resultats

([25]) Soit 57,4 % des votants au premier tour et 53,5 % au second tour.

([26]) Le vote électronique devrait pouvoir être mis en œuvre lors des élections des députés représentant les Français de l’étranger au printemps 2022, sous réserve de l’homologation de la plateforme de vote.

([27]) À l’exception de l’élection présidentielle dont les règles sont fixées au niveau organique.

([28]) Contribution écrite de Romain Rambaud.

([29]) Réponse à la question écrite n° QUE 927-A du député suppléant suisse Pierre Bayenet, 5 décembre 2018.

([30]) Voir l’étude comparée figurant en annexe du rapport d’information de François-Noël Buffet, Le vote à distance, quelles conditions ? fait au nom de la commission des Lois du Sénat en décembre 2020.

([31]) Cour constitutionnelle allemande, 9 juillet 2013.

([32]) La France n’en fait pas partie.

([33]) OSCE, Alternative voting methods and arrangements, 2020, p. 11.

([34]) Question écrite n° 18867 de Frédéric Petit, 16 avril 2019.

([35]) Une enveloppe contenant le bulletin de vote, une enveloppe contenant les justificatifs d’identité et une enveloppe d’expédition contenant les deux premières.

([36]) Rapport de Jean-Louis Debré au Premier ministre, précité, p. 48.

([37]) Communes, électeurs, sociétés de routage, services postaux.

([38]) Créé par la loi n° 2016-1048 du 1er août 2016 et le décret n° 2018-343 du 9 mai 2018, le répertoire électoral unique (REU) permet la mise à jour à l’échelle nationale des listes électorales à l’initiative, d’une part, des communes qui procèdent aux inscriptions et radiations des électeurs, et d’autre part, de l’INSEE, sur la base des informations transmises par l’administration. Afin d’assurer une meilleure gestion du processus électoral et la fiabilisation des listes, le REU s’est ainsi substitué à la juxtaposition des 35 500 fichiers tenus indépendamment par chaque commune. Élaboré et géré par l’INSEE, le dispositif garantit l’unicité d’inscription de tout électeur et permet la prise en compte des demandes d’inscription jusqu’à six semaines avant le scrutin.

([39]) Les votes postaux doivent être réceptionnées au plus tard par les autorités compétences l’avant-veille du scrutin à 17 heures.

([40]) Conseil constitutionnel, décision n° 68-513 AN du 19 décembre 1968 : « Considérant que tout électeur admis à voter par correspondance peut renoncer au bénéfice de ce mode de votation et se rendre, le jour du scrutin au bureau de vote, pour exercer son droit de vote ; que, par suite, la circonstance que les époux Roussier, admis à voter par correspondance, n’aient pas exercé ce droit, mais aient voté dans l’un des bureaux de vote de Vienne le 30 juin 1968, ne saurait entacher leur vote d’irrégularité. »

([41]) Des évènements survenus à la fin de la campagne électorale mais postérieurs à l’envoi postal du vote justifient en effet la possibilité, pour les électeurs qui le souhaitent, de modifier leur vote. En outre, la possibilité de voter à l’urne après avoir activé l’option du vote par correspondance se justifie dans l’hypothèse où l’électeur concerné n’a pas reçu le matériel de vote en temps utile.

([42]) Rapport d’information n° 4790 (XVe législature) de Stéphane Travert, visant à identifier les ressorts de l’abstention et les mesures permettant de renforcer la participation électorale, 8 décembre 2021, pp. 44 et 45.

([43]) Roger Larocca, John S. Klemanski, « U.S. State Election Reforme and Turnout in Presidential Elections », State Politics & Policy Quarterly, mars 2011 et Alan S. Gerber, Gregory A. Huber et Seth J. Hill « Identifying the Effect of All-Mail Elections in Turnout : Staggered Reform in the Evergreen State », Political Science Research and Methods, juin 2013.

([44]) https://elections.cdn.sos.ca.gov/sov/2018-general/sov/04-historical-voter-reg-participation.pdf

([45]) 41,86 % de participation au second tour des élections municipales du 28 juin 2020.

([46]) À l’exception des jeunes majeurs qui ont accompli les démarches de recensement citoyen.

([47]) Dont 43 % de jeunes majeurs, selon les chiffres communiqués par Céline Braconnier.

([48]) Cette possibilité n’a pas été pérennisée pour les prochains scrutins présidentiel et législatifs.

([49]) Conseil d’État, élections municipales de Propriano, 16 juin 1986 et Conseil constitutionnel, décision n° 88-1093 AN du 25 novembre 1988.

([50]) https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2020/11/117717-R%C3%A9sultats.pdf  

([51]) https://harris-interactive.fr/opinion_polls/les-francais-et-le-report-des-elections/.

([52]) Auditionnés par votre rapporteur, les services du ministère de l’Intérieur ont évalué le coût global à environ 70 millions d’euros par tour de scrutin. Le groupe La Poste a précisé ne pas être mesure de confirmer ou d’infirmer cette estimation.