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N° 4997

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 7 février 2022.

 

 

RAPPORT

 

 

FAIT

 

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION,
en nouvelle lecture, SUR LA PROPOSITION DE LOI, modifiée par le Sénat
de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement,

 

 

 

Par M. Erwan BALANANT,

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1re lecture : 4658, 4712 et T.A. 720.

  Commission mixte paritaire : 4984.

  Nouvelle lecture : 4976.

Sénat :  1re lecture : 254, 323, 324 et T.A. 86 (2021-2022).

  Commission mixte paritaire : 433 et 434 (2021-2022).

 


 

 


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

Commentaires des articles

Article 1er Droit à une scolarité sans harcèlement

Article 1er bis A Mention du droit à une scolarité sans cyberharcèlement dans les règlements intérieurs des établissements

Article 1er bis Rôle du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE)

Article 2 Application du droit à une scolarité sans harcèlement aux établissements privés

Article 2 bis Introduction de la lutte contre le harcèlement parmi les conditions d’octroi de l’agrément pour l’enseignement français à l’étranger

Article 3 Formation à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire et prise en charge des élèves concernés par ce phénomène

Article 3 bis A Possibilité de déscolarisation en cours d’année en raison d’un changement du choix d’instruction opéré par les familles

Article 3 bis B Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

Article 3 bis C Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

Article 3 bis D Détection des situations de harcèlement scolaire dans le cadre des visites médicales

Article 3 bis E Demande de rapport relatif à la prise en charge des soins psychiatriques et psychologiques reçus par les victimes et les auteurs de harcèlement scolaire

Article 3 bis Information relative aux liens pouvant être établis avec les associations compétentes

Article 3 ter Rôle du réseau des œuvres universitaires

Article 3 quater Recrutement des assistants d’éducation par contrat à durée indéterminée après six ans d’exercice

Article 4 Délit de harcèlement scolaire et universitaire

Article 4 bis Peine de confiscation pour les infractions commises par internet

Article 4 ter (nouveau) Circonstance aggravante de harcèlement moral sur l’ensemble des mineurs

Article 5 Enregistrement de l’audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d’une procédure pénale

Article 6 Stage de responsabilisation à la vie scolaire

Article 7 Lutte contre le harcèlement scolaire par les prestataires de services de communication au public en ligne

travaux de la commission

I. Discussion générale

II. Examen des articles

Annexe : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement


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   AVANT-PROPOS

À la suite de l’examen par le Sénat en première lecture du texte adopté par l’Assemblée nationale, la commission mixte paritaire, réunie le 1er février dernier, n’est pas parvenue à élaborer un texte commun sur les dispositions de la présente proposition de loi.

Des divergences de vues significatives s’étaient déjà manifestées avant sa réunion, mises en lumière par la teneur des rapports respectifs des commissions compétentes des deux chambres et par la comparaison des textes adoptés par ces dernières. En particulier, la limitation aux seuls rapports entre pairs de la protection conférée aux élèves contre le harcèlement, en excluant de son champ d’application les relations avec les adultes, est apparue comme une réduction significative de la portée du texte.

De manière analogue, le refus exprimé par le Sénat de consacrer au harcèlement scolaire une qualification pénale autonome en tant que délit distinct du harcèlement moral présente des inconvénients majeurs, tant au regard de la fonction expressive et pédagogique du droit pénal que de la cohérence du quantum des peines.

Si les objectifs poursuivis par les deux chambres sont identiques, le rejet par le Sénat des orientations fondamentales du texte issu de l’Assemblée nationale empêchait l’élaboration d’une position commune. C’est pourquoi le rétablissement de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture est, à l’exception de modifications rédactionnelles ou de précisions bienvenues, systématiquement préconisé par le rapporteur.

 


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   Commentaires des articles

Article 1er
Droit à une scolarité sans harcèlement

Origine de l’article : proposition de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, le présent article a pour objet d’affirmer un droit à une scolarité sans harcèlement parmi les dispositions liminaires du code de l’éducation. Il comportait principalement quatre dispositions se rapportant à :

une définition générale des faits de harcèlement contre lesquels tout élève ou étudiant doit être protégé durant sa scolarité, quel qu’en soit l’auteur ;

un renvoi au nouvel article 222-33-2-3 du code pénal caractérisant les faits de harcèlement scolaire et précisant les peines applicables à leurs auteurs ;

l’attribution aux établissements d’enseignement et au réseau des œuvres universitaires de la responsabilité de lutter contre le harcèlement en leur sein par des mesures appropriées ;

la délivrance, chaque année, d’une information sur les risques liés au cyberharcèlement à l’intention des parents d’élèves.

La lecture combinée de ces dispositions définit une obligation de moyens à la charge des pouvoirs publics en vue d’assurer la réalisation des objectifs assignés à l’institution scolaire et universitaire en matière de lutte contre le harcèlement que peuvent subir les élèves et étudiants qui la fréquentent.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat a apporté plusieurs modifications à la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

La commission a d’abord restreint la protection accordée aux élèves et aux étudiants aux rapports avec leurs pairs. Ainsi, le troisième alinéa de l’article premier correspondant au premier alinéa du nouvel article L. 111-6 du code de l’éducation, prévoit qu’aucun élève ou étudiant « ne doit subir, de la part d’autres élèves ou étudiants, des faits de harcèlement […] ». À l’inverse, la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale ne mentionnait pas la qualité éventuelle des auteurs de ces actes ni la nature de leurs liens avec la victime, dans la mesure où le présent article a pour objet de conférer une garantie à l’ensemble des élèves et étudiants.

Ensuite, en cohérence avec la réécriture de l’article 4 (cf. infra), le Sénat a substitué à la mention de l’article 222-33-2-3 du code pénal, dont le texte issu de l’Assemblée nationale prévoyait la création, celle des circonstances aggravantes définies au 6° de l’article 222-33-2-2 du même code. Cette modification découle du choix de la seconde assemblée saisie de supprimer la qualification autonome du harcèlement scolaire et universitaire en tant que délit distinct du harcèlement moral, en lui préférant la définition d’une nouvelle circonstance aggravante applicable aux agissements dont l’article 222-33-2-2 précité prévoit la répression.

Une troisième modification consiste en l’ajout de la mention du cyberharcèlement aux troisième et quatrième alinéas de l’article 1er.

III.   la position du rapporteur

L’objectif poursuivi à travers le présent article dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale est double :

– d’une part, énoncer un principe général selon lequel tout élève ou étudiant doit être protégé contre le harcèlement durant sa scolarité ;

– d’autre part, définir les conditions générales de réalisation de cet objectif, en déterminant une obligation de moyens à la charge des pouvoirs publics, et notamment des établissements d’enseignement.

Les modifications apportées par le Sénat atténuent la portée des dispositions originelles de la présente proposition de loi, et compromettent dès lors l’atteinte des objectifs poursuivis.

En premier lieu, le Sénat a choisi de restreindre le bénéfice du droit à une scolarité sans harcèlement en limitant son champ d’application aux rapports entre élèves. La limitation introduite est présentée comme une protection contre de possibles recours abusifs, visant en particulier les enseignants, dont l’action pédagogique se verrait plus facilement entravée sous l’effet combiné de l’instrument juridique que constitue le nouveau délit et de la caution apportée, du seul fait de sa création, aux éventuelles réclamations des parents.

Le rapporteur estime qu’il s’agit là d’une précision injustifiée, qui limite significativement la portée de l’article et constitue une source de confusion. En effet, en énonçant un droit au bénéfice de chaque élève ou étudiant sans circonscrire son champ d’application aux relations entre pairs, la rédaction issue de l’Assemblée nationale présente l’avantage de ne pas imputer a priori la responsabilité exclusive des faits de harcèlement à une seule catégorie de membres de la communauté éducative. Si la grande majorité des cas de harcèlement à l’encontre d’élèves sont le fait d’autres jeunes, on ne saurait exclure, notamment au regard du nombre élevé de situations de harcèlement, que certaines d’entre elles puissent être le fait d’adultes, à plus forte raison dans un contexte scolaire et universitaire marqué par l’asymétrie des positions et les rapports d’autorité qui en découlent.

Sans protéger les adultes de recours abusifs, toujours possibles sur la base du droit existant, la restriction du champ d’application de l’article 1er limite la protection dont bénéficient les élèves et les étudiants. Dans le cadre d’une lecture a contrario, la modification de l’article 1er adoptée par le Sénat laisse entendre, ou bien que le harcèlement d’un élève ou d’un étudiant par un adulte est impossible a priori, ou bien que sa gravité doit être relativisée. Il s’agit là d’un signal négatif, préjudiciable à l’atteinte des objectifs communs aux deux assemblées.

Enfin, la mention du cyberharcèlement aux troisième et quatrième alinéas ne semble pas justifiée. En effet, le délit de harcèlement scolaire défini à l’article 4 dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale ne précise pas par quels moyens les auteurs d’actes de harcèlement sont susceptibles d’atteindre leurs victimes. Dès lors que le cyberharcèlement constitue une modalité du harcèlement scolaire et non pas une infraction autonome, il ne paraît pas opportun de juxtaposer systématiquement ces deux notions.

La référence au cyberharcèlement trouve en revanche sa place à l’alinéa 5, relatif à l’information aux élèves et à leurs parents, dont on peut considérer que la connaissance des outils numériques et de leurs usages n’est pas toujours aussi étendue que celle de leurs enfants. Le principe d’une information annuelle trouve ainsi son fondement dans le besoin d’une actualisation régulière de cette connaissance.

Le rapporteur propose donc de rétablir la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

 

*

Article 1er bis A
Mention du droit à une scolarité sans cyberharcèlement dans les règlements intérieurs des établissements

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le Sénat a introduit un article 1er bis A modifiant l’article L. 511-5 du code de l’éducation, relatif notamment à l’usage du téléphone portable dans les établissements scolaires. Ainsi, ce dernier se voit complété d’un nouvel alinéa, disposant que le droit à une scolarité sans cyberharcèlement ainsi que les sanctions encourues en cas de cyberharcèlement et de harcèlement scolaire soient mentionnés dans le règlement intérieur des établissements scolaires.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que cette nouvelle disposition est redondante au regard des articles 1er et 3 de la présente proposition de loi. En effet, tant l’information sur les risques liés au harcèlement scolaire et notamment au cyberharcèlement, instaurée par l’article 1er, que la mention dans les projets d’établissements de mesures tendant à combattre ce phénomène, prévue par l’article 3 dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, répondent à l’objectif sous-jacent à cet article additionnel. Sa suppression devrait donc être envisagée.

*

Article 1er bis
Rôle du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté
et à l’environnement (CESCE)

Origine de l’article : introduit en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article prévoit l’introduction de la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les missions du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE), constitué au sein de chaque établissement en application de l’article L. 421-8 du code de l’éducation. Ainsi, la seconde phrase du deuxième alinéa de ce dernier article est complétée de la mention de la lutte contre le harcèlement scolaire parmi les initiatives auxquelles le CESCE apporte son concours.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a modifié l’article 1er bis de telle sorte que la prévention et la lutte contre le cyberharcèlement soient mentionnées au même titre que l’action menée par le CESCE contre le harcèlement scolaire.

III.   la position du rapporteur

Comme il est indiqué plus haut, la mention du cyberharcèlement revêt ici un caractère tautologique, car ce moyen d’action n’est qu’une modalité parmi d’autres du harcèlement scolaire. Juxtaposer ces deux notions dans la loi serait de nature à susciter des confusions quant à la caractérisation des faits constitutifs de harcèlement scolaire. Le rapporteur propose donc de supprimer cette mention.

 

*

Article 2
Application du droit à une scolarité sans harcèlement aux établissements privés

Origine de l’article : proposition de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article étend l’application de l’article L. 111-6 du code de l’éducation, introduit par l’article 1er, aux établissements d’enseignement privés, liés ou non à l’État par un contrat d’association. Il modifie en ce sens les articles L. 442-2 et L. 442-20 du code de l’éducation, qui énumèrent les dispositions de la partie législative du code de l’éducation applicables à ces catégories d’établissements, en y ajoutant la mention du nouvel article L. 111-6.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a modifié le 1° de l’article 2 en y faisant figurer la lutte contre le cyberharcèlement. Du fait des modifications apportées à l’article L. 111-6 du code de l’éducation, dont l’article premier prévoit la création, la lutte contre le cyberharcèlement est également introduite parmi les obligations mises à la charge des établissements privés sous contrat par le 2° du présent article.

La seconde assemblée saisie a également modifié la rédaction et l’emplacement à l’article L. 442-2 du code de l’éducation des compléments et mentions introduits par l’Assemblée nationale en première lecture. En effet, la référence au droit à une scolarité sans harcèlement s’est vu substituer la mention de la lutte contre « toute forme de harcèlement scolaire et de cyberharcèlement ».

III.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime, ici encore, que la mention du cyberharcèlement est superfétatoire et qu’elle devrait dès lors être supprimée.

En revanche, le changement d’emplacement, au sein de l’article L. 442-2 du code de l’éducation, de la mention de la lutte contre le harcèlement scolaire, paraît pertinent : en intégrant celle-ci aux matières relevant du contrôle des établissements privés « hors contrat » par le représentant de l’État dans le département et par l’autorité en charge de l’éducation, sa mention au I de l’article susmentionné conforte la portée et l’effectivité du droit à une scolarité sans harcèlement dans ces établissements.

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Article 2 bis
Introduction de la lutte contre le harcèlement parmi les conditions d’octroi de l’agrément pour l’enseignement français à l’étranger

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le Sénat a introduit un article 2 bis modifiant l’article L. 452-3-1 du code de l’éducation, qui nomme certaines des conditions que doivent respecter les établissements situés en dehors du territoire national pour bénéficier de l’agrément délivré par l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE). Ainsi, la disposition introduite par le Sénat en première lecture vise à faire de la lutte contre le harcèlement l’une de ces conditions, au même titre que le respect des principes de l’école inclusive.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur considère que cet article additionnel apporte un complément bienvenu aux dispositions de la proposition de loi, en intégrant les établissements français à l’étranger parmi les acteurs de la lutte contre le harcèlement scolaire. L’Assemblée nationale pourrait ainsi conserver la présente disposition en nouvelle lecture, sous réserve d’une modification rédactionnelle. Le rapporteur propose un amendement en ce sens.

*

Article 3
Formation à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire et prise en charge des élèves concernés par ce phénomène

Origine de l’article : proposition de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article prévoit d’abord la formation d’un ensemble de professionnels à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire, à sa détection et à la prise en charge des victimes et des auteurs de ces faits. La rédaction issue de l’Assemblée nationale adopte une approche différenciée entre la formation initiale et continue : si la première a vocation à concerner l’ensemble des professionnels avant leur entrée en fonction, il semble difficile d’imposer une obligation de formation à des personnes actuellement en poste, compte tenu des effectifs concernés.

C’est pourquoi le présent article dispose que les professionnels mentionnés reçoivent, dans le cadre de leur formation initiale, une formation spécifique à la lutte contre le harcèlement scolaire. La valeur impérative que revêt, en droit, le présent de l’indicatif, signale le caractère obligatoire de ces actions pédagogiques. À l’inverse, la seconde phrase du même alinéa se réfère à une « offre de formation continue » proposée aux personnes citées à la phrase précédente ainsi qu’à toute personne intervenant dans un établissement scolaire à titre professionnel.

À ces dispositions inscrites dans la proposition de loi, sans être intégrées au code de l’éducation, s’ajoute un nouveau chapitre introduit dans ce dernier. Ainsi, le texte issu de l’Assemblée nationale dispose que le projet d’établissement mentionné à l’article L. 401-1 du même code détermine les « lignes directrices et les procédures destinées à la prévention, à la détection et au traitement des faits constitutifs de harcèlement » scolaire. Il s’agit par ces dispositions d’organiser la déclinaison, au sein de chaque établissement d’enseignement, des actions tendant à circonscrire ce phénomène.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a procédé à deux séries de modifications portant respectivement sur le I et le II du présent article.

En premier lieu, la liste des professionnels concernés par la formation prévue au I a été modifiée, selon deux orientations distinctes :

– d’une part, la mention des personnels de l’éducation nationale s’est vue substituer celle, plus développée, de diverses catégories de professionnels ;

– d’autre part, un souci d’explicitation s’est traduit par le remplacement de la notion de « forces de l’ordre » par la référence aux « personnels de la police nationale, des polices municipales et de la gendarmerie nationale ». De manière analogue, les personnes liées par un contrat d’engagement éducatif (CEE) sont mentionnées parmi les personnels d’animation sportive, culturelle et de loisirs.

Le Sénat a par ailleurs supprimé la distinction établie par l’Assemblée nationale entre la formation initiale de ces personnels, qui devra comprendre un module dédié aux enjeux du harcèlement scolaire, et l’offre de formation continue. Ce faisant, la seconde assemblée saisie a instauré une obligation de formation à l’égard de l’ensemble des professionnels mentionnés au I de l’article 3.

L’alinéa 5 du présent article dans la rédaction adoptée par le Sénat dispose ensuite que cette formation précise les compétences respectives de chacun des acteurs de la lutte contre le harcèlement scolaire.

Les dispositions du I ont par ailleurs été réintégrées au sein du code de l’éducation, alors même qu’elles concernent des personnels qui n’en relèvent pas.

En second lieu, le Sénat a supprimé les dispositions relatives au projet d’établissement.

Enfin, un article L. 543-3 a été ajouté au code de l’éducation, permettant l’octroi d’une dérogation à la carte scolaire au bénéfice d’élèves dont l’intégrité morale ou physique serait menacée au sein de l’établissement qu’ils fréquentent.

III.   la position du rapporteur

À travers le I du présent article, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, le rapporteur poursuit l’objectif de former un vaste ensemble de professionnels susceptibles d’être confrontés à des situations de harcèlement scolaire, à des titres distincts, allant de l’identification des victimes à la réponse judiciaire qui peut y être apportée. Cette ambition est tempérée par une exigence de réalisme liée au nombre de personnes relevant de cet article. Les effectifs de professionnels en fonction rendent en effet difficilement envisageable l’instauration d’une obligation de formation imposée à l’ensemble d’entre eux.

Par ailleurs, le remplacement de la mention des agents de l’éducation nationale, formulation la plus économe sur le plan légistique, par celle des enseignants, des accompagnants des élèves en situation de handicap ainsi que des personnels de direction et de vie scolaire, alourdit inutilement la rédaction.

D’autre part, la référence aux compétences respectives de chacun des acteurs, dans la mesure où elle a trait au contenu de la formation mentionnée à l’alinéa précédent, relève manifestement du domaine réglementaire et ne saurait par conséquent figurer dans la partie législative du code de l’éducation.

Le II du même article, supprimé par le Sénat, contient des dispositions nécessaires pour assurer l’effectivité et la pérennité de la lutte contre le harcèlement scolaire dans chaque établissement. L’argumentaire développé par le Sénat, alléguant la nature réglementaire des dispositions retranchées du texte, n’est pas probant : le contenu du projet d’établissement est en effet spécifié au deuxième alinéa de l’article L. 401-1 du code de l’éducation, et fait donc déjà l’objet de dispositions législatives.

Enfin, le nouvel article L. 543-3 du même code introduit par le Sénat est à la fois contestable dans son inspiration – car il laisse entendre que le traitement approprié d’une situation de harcèlement consiste à soustraire la victime à la communauté éducative – et trop imprécis dans sa formulation, dans la mesure où la nature de la menace justifiant la dérogation à la carte scolaire n’est pas mentionnée.

Le rapporteur préconise ainsi le rétablissement de la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale.

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Article 3 bis A
Possibilité de déscolarisation en cours d’année en raison d’un changement du choix d’instruction opéré par les familles

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le Sénat a introduit un article 2 bis A modifiant les dispositions de l’article L. 131-5 du code de l’éducation relatives aux conditions pouvant justifier la mise en place de l’instruction en famille en cours d’année scolaire. Cet article additionnel prévoit ainsi qu’un changement du choix d’instruction puisse donner lieu à la déscolarisation de l’élève durant l’année, à l’instar d’un changement de domicile.

II.   la position du rapporteur

Le présent article rétablit un motif de déscolarisation supprimé par la loi n° 2021-1109 du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République. Il est de surcroît dépourvu de tout lien avec les dispositions et même l’objet de la proposition de loi. Sa suppression est donc préconisée.

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Article 3 bis B
Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le Sénat a introduit un article 2 bis B modifiant l’article L. 131-5 du code de l’éducation, relatif aux conditions pouvant justifier la mise en place de l’instruction en famille. Cet article additionnel prévoit ainsi qu’une menace de l’intégrité physique et morale de l’élève dans l’établissement d’enseignement qu’il fréquente puisse donner lieu à sa déscolarisation.

II.   la position du rapporteur

En cohérence avec la position exprimée à propos de l’article 3, le rapporteur estime que la suppression de cet article doit être envisagée.

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Article 3 bis C
Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le Sénat a introduit un article 2 bis C modifiant le quatorzième alinéa de l’article L. 131-5 du code de l’éducation, relatif aux conditions de déscolarisation d’un enfant en cas de menace de son intégrité au sein de l’établissement scolaire qu’il fréquente. Cet article additionnel prévoit ainsi que le dépôt d’une plainte pour harcèlement justifie une demande d’autorisation du recours à l’instruction en famille et la mise en place de celle-ci dans le délai restant à courir avant que cette autorisation ne soit accordée ou refusée.

II.   la position du rapporteur

Le présent article mentionne le dépôt d’une plainte pour harcèlement, sans préciser si celle-ci découle d’une situation en lien avec l’environnement scolaire. Il est donc dépourvu de rapport suffisant avec l’objet de la proposition de loi et les autres dispositions de cette dernière, de telle sorte que sa suppression doive être envisagée.

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Article 3 bis D
Détection des situations de harcèlement scolaire dans le cadre des visites médicales

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Un nouvel article 2 bis D prévoit que les consultations et les actions de prévention médico-sociale ainsi que l’établissement d’un bilan de santé dans le cadre scolaire, qui concernent les enfants de moins de six ans, permettent notamment la détection des situations de harcèlement scolaire, comme l’article L. 542-2 du code de l’éducation le prévoit déjà pour les cas de maltraitance.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que cet article additionnel complète utilement les dispositions de l’article 3 relatives à la formation des personnels médicaux, en favorisant la détection des cas de harcèlement scolaire auprès d’un public particulièrement jeune, dont les capacités d’expression sont limitées. Aussi l’Assemblée nationale pourrait-elle maintenir, au cours de la nouvelle lecture, l’article 2 bis D, sous réserve d’une modification rédactionnelle. Le rapporteur propose un amendement en ce sens.

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Article 3 bis E
Demande de rapport relatif à la prise en charge des soins psychiatriques et psychologiques reçus par les victimes et les auteurs de harcèlement scolaire

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le présent article, issu de l’examen du texte en première lecture par le Sénat, consiste en une demande de rapport du Gouvernement au Parlement relatif à la prise en charge des frais de consultation et de soins psychiatriques et psychologiques engagés par les victimes et les auteurs de faits de harcèlement scolaire.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que cette demande de rapport émanant du Sénat et s’adressant au Gouvernement, il convient de s’en remettre à l’avis de ce dernier et à la sagesse de l’Assemblée nationale.

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Article 3 bis
Information relative aux liens pouvant être établis avec les associations compétentes

Origine de l’article : introduit en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : supprimé en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article modifie l’article L. 312-15 du code de l’éducation, relatif à l’enseignement moral et civique, dont il complète le sixième alinéa. Il prévoit qu’une information est délivrée à la communauté éducative concernant les liens qui peuvent être établis avec les associations compétentes en matière de lutte contre le harcèlement scolaire et de soutien aux victimes. L’objectif ainsi poursuivi est de développer les rapports entre les établissements d’enseignement et le milieu associatif, et partant de favoriser la cohérence des actions menées et de promouvoir la meilleure utilisation des ressources existantes.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a supprimé cet article.

III.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime qu’il n’est pas nécessaire de rétablir cet article, dans la mesure où l’objectif poursuivi peut être atteint au moyen d’autres dispositions. Ainsi, les projets d’établissements mentionnés au II de l’article 3, supprimé par le Sénat et dont le rétablissement est proposé par le rapporteur, peuvent faire état des liens existants ou susceptibles d’être établis avec les associations et structures compétentes.

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Article 3 ter
Rôle du réseau des œuvres universitaires

Origine de l’article : introduit en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : supprimé en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article introduit la lutte contre le harcèlement scolaire et universitaire parmi les missions du réseau des œuvres universitaires, en complétant l’article L. 822-1 du code de l’éducation. Il tend à favoriser la protection des étudiants recourant aux services des centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS).

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a supprimé cet article.

III.   la position du rapporteur

L’article 3 bis concerne des pans importants de la vie universitaire. Sa suppression réduit donc significativement la portée de la proposition de loi dans le champ de l’enseignement supérieur, et compromet la protection qu’elle apporte aux étudiants.

Le rétablissement de la rédaction issue de l’Assemblée nationale est ainsi proposé par le rapporteur.

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Article 3 quater
Recrutement des assistants d’éducation par contrat à durée indéterminée après six ans d’exercice

Origine de l’article : introduit en première lecture par le Sénat

I.   Les Dispositions adoptées par le sÉnat

Le présent article modifie l’article L. 916-1 du code de l’éducation, relatif aux conditions de recrutement et d’emploi des assistants d’éducation (AED). Il prévoit la définition par décret des conditions dans lesquelles l’État peut conclure un contrat à durée indéterminée avec un AED pour que ce dernier poursuive ses missions au-delà de la période d’engagement maximale de six ans actuellement en vigueur.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que cette disposition, qui est de nature à favoriser l’amélioration du climat scolaire et par conséquent à prévenir les situations de harcèlement par le maintien en poste d’agents expérimentés et formés, devrait être conservée.

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Article 4
Délit de harcèlement scolaire et universitaire

Origine de l’article : proposition de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article, tel qu’il a été adopté en première lecture par l’Assemblée nationale, crée un nouveau délit tendant à réprimer, en tant que tel, le harcèlement scolaire et universitaire.

Ainsi, les faits de harcèlement moral commis à l’encontre d’un élève par toute personne exerçant une activité professionnelle ou étudiant au sein du même établissement que la victime sont passibles de trois ans d’emprisonnement et 45 000 euros d’amende à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende selon la nature du dommage causé à la victime.

Ces peines sont également applicables lorsque les faits se poursuivent alors que l’auteur ou la victime a changé d’établissement.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

La commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale du Sénat, à laquelle l’examen du présent article a été délégué, a adopté un amendement tendant à substituer à l’infraction autonome prévue par l’Assemblée nationale une modification de l’article 222-33-2-2 du code pénal relatif au harcèlement moral.

Le présent article, dans sa rédaction issue du Sénat, complète l’article précité d’une nouvelle circonstance aggravante visant les faits commis à l’encontre d’un élève par l’un de ses pairs. La circonstance aggravante est également caractérisée lorsque les faits se sont poursuivis après le départ de l’auteur ou de la victime de l’établissement.

Ainsi, les faits de harcèlement moral scolaire ou universitaire sont punis de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, et de trois ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende s’ils ont été commis avec l’une des circonstances aggravantes supplémentaires mentionnées au 1° à 5° de l’article 222-33-2-2 du code pénal ([1]).

III.   la position du rapporteur

Le rapporteur poursuivait, par le présent article, plusieurs objectifs :

– d’une part, utiliser la fonction expressive du code pénal pour clarifier la portée de la sanction du harcèlement scolaire et universitaire aux yeux de tous, des élèves comme des professionnels intervenant au sein des établissements scolaires ;

– d’autre part, modifier le quantum des peines applicables et l’articulation du nouveau délit de harcèlement scolaire et universitaire avec les autres délits de harcèlement moral afin de mettre un terme à des distorsions de répression préjudiciables.

Force est de constater que la modification apportée par le Sénat va à l’encontre de la volonté exprimée par l’Assemblée nationale sur l’ensemble de ces points. Il apparaît en effet difficile de poser un interdit de façon claire – et donc utile – au détour d’une simple circonstance aggravante.

De surcroît, le rapporteur n’estime pas souhaitable d’écarter les professionnels intervenant au sein des établissements de cette dernière, le harcèlement scolaire et universitaire devant être pris en compte dans toutes ses éventualités au nom de la protection que l’État doit à tout élève.

Par ailleurs, l’adoption du présent article dans la version proposée par le Sénat ne ferait qu’ajouter de nouvelles incohérences à l’échelle des peines actuelle. En effet, des faits similaires commis par un adulte au sein de l’établissement – qui aura donc souvent autorité sur la victime – seront bien moins réprimés que les mêmes faits commis par des pairs.

Le rapporteur propose donc le rétablissement du présent article dans la version adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale.

*

Article 4 bis
Peine de confiscation pour les infractions commises par internet

Origine de l’article : introduit en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblÉe nationale

Le présent article, introduit en séance publique par l’Assemblée nationale, complète l’article 131-21 du code pénal pour permettre la confiscation de l’appareil ayant permis la commission de l’infraction sur internet. Le harcèlement scolaire et universitaire ayant, de plus en plus souvent, des prolongements numériques, il importe de prévoir une peine adaptée au cyberharcèlement.

II.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a complété le présent article afin de corriger deux inconstitutionnalités récemment révélées par le Conseil constitutionnel à l’occasion de plusieurs questions prioritaires de constitutionnalité.

En effet, dans sa rédaction issue de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, l’article 131-21 du code pénal prévoit, lorsque la peine de confiscation porte sur des biens sur lesquels un tiers autre que le condamné dispose d’un droit de propriété, que celle-ci ne peut être prononcée que si le tiers a été en mesure de présenter ses observations sur la confiscation envisagée par la juridiction.

Or, dans une décision du 24 novembre 2021 ([2]), le Conseil constitutionnel a reconnu la nécessité, pour l’époux d’une personne condamnée, d’être mis en mesure de présenter ses observations sur la mesure de confiscation envisagée par la juridiction. La notion de « tiers » n’incluant pas l’époux du condamné, le Sénat y a substitué celle de « personne », en même temps qu’il a précisé, au I du présent article, que cette exigence s’imposait pour tous les biens susceptibles d’être confisqués en application de l’article précité.

Par ailleurs, le Sénat a souhaité tirer les conséquences de la décision n° 2021-952 du 3 décembre 2021, par laquelle le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles plusieurs dispositions relatives aux réquisitions faites dans le cadre d’une enquête préliminaire. En effet, en application des articles 77-1-1 et 77-1-2 du code de procédure pénale, le procureur de la République peut requérir de toute personne, physique ou morale, la transmission ou la mise à disposition des informations intéressant l’enquête, notamment celles issues d’un système informatique ou d’un traitement de données nominatives.

Ainsi, comme le note le Conseil constitutionnel dans la décision précitée, le procureur de la République et les forces de l’ordre peuvent se faire communiquer des données de connexion qui « comportent notamment les données relatives à l’identification des personnes, à leur localisation et à leurs contacts téléphoniques et numériques ainsi qu’aux services de communication au public en ligne qu’elles consultent » et qui « fournissent sur les personnes en cause ainsi que, le cas échéant, sur des tiers, des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée. »

Or, en l’état actuel des dispositions mentionnées, « la réquisition de ces données est autorisée dans le cadre d’une enquête préliminaire qui peut porter sur tout type d’infraction et qui n’est pas justifiée par l’urgence ni limitée dans le temps ». Le Conseil constitutionnel a dès lors estimé que le législateur n’avait pas apporté de garanties suffisantes propres à assurer un équilibre entre le droit au respect de la vie privée et la recherche des auteurs d’infractions.

Afin de remédier à l’abrogation des dispositions mentionnées – reportée au 31 décembre 2022 –, le Sénat a introduit au sein du code de procédure pénale, par le II du présent article, un nouvel article 60-1-2 qui prévoit que les réquisitions portant sur les données de connexion, de trafic et de localisation ne sont possibles, si les nécessités de la procédure l’exigent, que dans quatre cas de figure :

– que la procédure porte sur un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement ;

– que les réquisitions concernent les équipements terminaux de la victime et interviennent à la demande de celle-ci ;

– qu’elles tendent à retrouver une personne disparue ;

– qu’elles visent uniquement à identifier l’auteur d’un délit puni d’au moins un an d’emprisonnement commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne.

Le II du présent article modifie également les articles 60-1, 60-2, 60-1-1, 77-1-1, 77-1-2 et 99-3 afin de soumettre les réquisitions de ces données numériques aux conditions prévues par le nouvel article 60-1-2. Ainsi, les enquêtes de flagrance, mais aussi les enquêtes conduites dans le cadre d’une instruction judiciaire, seraient limitées par le présent II.

III.   la position du rapporteur

Le rapporteur est favorable à l’adoption du présent article.

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Article 4 ter (nouveau)
Circonstance aggravante de harcèlement moral sur l’ensemble des mineurs

Origine de l’article : introduit par le Sénat

I.   les dispositions adoptÉes par le sénat

Le présent article modifie l’article 222-33-2-2 du code pénal, relatif au harcèlement moral, pour étendre la circonstance aggravante tenant à la minorité de la victime aux mineurs de 15 à 18 ans.

II.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que le présent article est porteur d’une évolution opportune, et propose de le conserver.

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Article 5
Enregistrement de l’audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d’une procédure pénale

Origine de l’article : proposition de loi initiale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article, dans la rédaction issue de l’Assemblée nationale, vise à favoriser l’enregistrement de l’audition des mineurs victimes de harcèlement moral, notamment scolaire, lors de l’enquête et de l’information judiciaire.

II.   les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a modifié le présent article afin de le rendre cohérent avec les dispositions adoptées à l’article 4. Il a également procédé à une modification rédactionnelle au troisième alinéa de l’article 706-52 du code de procédure pénale.

III.   la position du rapporteur

Par cohérence avec le rétablissement de l’article 4 dans la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, le rapporteur propose de rétablir le présent article dans sa rédaction initiale, tout en conservant la modification rédactionnelle apportée par le Sénat.

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Article 6
Stage de responsabilisation à la vie scolaire

Origine de l’article : proposition de loi, modifié en première lecture par l’Assemblée nationale

Sort au Sénat : supprimé en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article, dans la rédaction adoptée en première lecture par l’Assemblée nationale, complète les articles L. 112-2, L. 122-5, L. 422-1 et L. 422-3 du code de la justice pénale des mineurs afin de prévoir que les mesures de stage susceptibles d’être ordonnées peuvent comporter un volet spécifique relatif à la sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire.

II.   les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a supprimé le présent article, estimant que les précisions apportées relevaient du domaine règlementaire.

III.   la position du rapporteur

Le rapporteur estime que le rétablissement du présent article est, en l’absence de mesures règlementaires actuelles en ce sens, indispensable à la mise en place effective d’un tel volet de sensibilisation et à l’harmonisation des pratiques judiciaires sur l’ensemble du territoire national.

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Article 7
Lutte contre le harcèlement scolaire par les prestataires de services de communication au public en ligne

Origine de l’article : proposition de loi initiale

Sort au Sénat : modifié en première lecture

I.   les dispositions adoptÉes par l’assemblée nationale

Le présent article étend les obligations pesant sur les fournisseurs d’accès à internet et les hébergeurs en matière de lutte contre les infractions de harcèlement sexuel, de pédopornographie et d’apologie du terrorisme à l’infraction de harcèlement scolaire et universitaire créée par l’article 4 de la présente proposition de loi dans sa version initiale. Ainsi, ces personnes devront mettre en place un dispositif de signalement accessible à toute personne et informer promptement les autorités compétentes des faits qui leur sont signalés. Les opérateurs de plateforme les plus importants seront en outre astreints à des obligations renforcées.

II.   les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat, dans un souci de coordination avec les modifications apportées à l’article 4, a modifié le présent article et l’a complété d’un 2° imposant aux fournisseurs d’accès à internet et aux hébergeurs, d’une part, de présenter à leurs utilisateurs, de manière régulière, de courtes vidéos de sensibilisation aux bons usages du numérique, à la prévention du cyberharcèlement, aux peines encourues en cas de mauvais usage d’internet et aux moyens d’action des victimes et, d’autre part, de présenter de manière explicite les extraits de leurs conditions générales d’utilisation relatives au harcèlement et au cyberharcèlement.

III.   la position du rapporteur

Par cohérence avec le rétablissement souhaité de l’article 4 dans la version adoptée par l’Assemblée nationale, le rapporteur propose le rétablissement du 1° du présent article dans la même version.

S’agissant du 2°, le rapporteur estime qu’il est en grande partie satisfait par les conséquences du présent article, d’une part, sur les 3° et 4° de l’article 6-4 de la loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, qui prévoient que les plus importants opérateurs de plateforme en ligne, qu’ils soient ou non établis en France, sont tenus d’exposer, au sein de leurs conditions générales d’utilisation, les dispositions interdisant la mise en ligne de contenus illicites – dont le harcèlement scolaire fera partie – ainsi que les sanctions encourues par leurs auteurs, et de rendre compte au public des moyens mis en œuvre pour lutter contre la diffusion de tels contenus par la publication d’informations et d’indicateurs chiffrés définis par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM), et d’autre part, sur l’article 62 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, sur le fondement duquel l’ARCOM encourage ces mêmes acteurs à mettre en œuvre des outils de coopération pour lutter contre les infractions mentionnées à l’article 6-4.

 

 


—  1  —

   travaux de la commission

La commission procède à l’examen, en nouvelle lecture, de la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement (n° 4976) (M. Erwan Balanant, rapporteur), lors de sa réunion du 7 février 2022 ([3]).

I.   Discussion générale

M. le président Bruno Studer. À la suite de l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) réunie le mardi 1er février, nous procédons à l’examen en nouvelle lecture de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement (n° 4976), qui sera discutée en séance publique jeudi matin.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Le texte nous revient du Sénat dans une rédaction sensiblement différente de celle que nous avions adoptée en séance publique le 1er décembre dernier. Or les points de désaccord qui se sont manifestés entre nos deux chambres concernent deux sujets importants pour l’équilibre de la proposition de loi.

Par une modification de l’article 1er, le Sénat a restreint aux rapports entre pairs le champ d’application du droit à une scolarité sans harcèlement. Ce choix me paraît d’autant plus difficile à comprendre que l’objet de l’article n’est pas en première instance de réprimer des comportements, mais de conforter pour l’ensemble des élèves et des étudiants le droit de ne pas subir des faits de harcèlement au cours de leur formation. La rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture ne vise aucune catégorie particulière. Elle ne saurait par conséquent s’analyser comme une manifestation de défiance à l’égard de qui que ce soit. C’est pourquoi plusieurs amendements déposés par les membres de la majorité et moi‑même proposeront de revenir sur cette altération de la portée initiale du texte.

À l’article 4, le Sénat a substitué au délit de harcèlement scolaire que nous avions créé une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral. Cette modification comporte plusieurs inconvénients au regard des objectifs poursuivis et de la cohérence de notre droit pénal. Tout d’abord, l’application de cette circonstance aggravante aux seuls élèves aboutit à réprimer plus sévèrement les actes commis par un mineur à l’égard d’un de ses camarades que les mêmes agissements perpétrés par un adulte à l’encontre d’un jeune sur qui il a autorité. Il faut souligner cette distorsion du quantum des peines. Ensuite, à la différence d’un délit autonome, une circonstance aggravante n’est pas comptabilisée dans les statistiques lors du dépôt de plainte. Cela peut paraître anodin, mais on a vu qu’il a été constaté qu’un véritable outil permettant de mesurer l’ampleur du phénomène et son évolution faisait défaut. Enfin et surtout, le délit autonome de harcèlement scolaire tel que nous l’avons défini en première lecture est plus clair et plus pédagogique qu’une circonstance aggravante du délit de harcèlement moral en quelque sorte général, dont le champ d’application excède très largement le milieu scolaire et universitaire. Nous sommes tous convaincus que l’action pédagogique est le plus sûr moyen de lutter contre le harcèlement scolaire. C’est la raison pour laquelle le code pénal – qui est le recueil des interdits fondamentaux d’une société – constitue bien l’un des supports indispensables du message que nous devons transmettre.

En revanche, plusieurs apports du Sénat sont bienvenus et méritent de figurer dans la rédaction définitive du texte. C’est notamment le cas de l’article 3 bis D, qui élargit l’objet des visites médicales à l’identification des enfants victimes de harcèlement scolaire, ou encore de l’article 3 quater, qui concerne les assistants d’éducation (AED).

Mme Zivka Park (LaREM). Il y a quelques semaines, nous nous étions mis à la hauteur des enfants harcelés et harceleurs, pour comprendre les ressorts complexes de ce fléau et trouver des réponses adaptées et rapidement opérantes. À l’issue des débats à l’Assemblée nationale, nous nous félicitions des avancées permises par la proposition de loi présentée par notre collègue Erwan Balanant, aussi bien en matière de prévention que d’amélioration du traitement judiciaire des faits de harcèlement scolaire.

Nous étions alors loin d’imaginer que ce texte serait largement remis en question, tant l’ampleur du phénomène appelle à une prise de conscience par la société toute entière – et surtout une réaction forte. En supprimant le délit autonome de harcèlement scolaire et en limitant la définition du harcèlement scolaire aux seuls faits commis entre élèves, les sénateurs ont transformé un texte ambitieux et porteur d’espoir en une compilation de demi-mesures.

Pour combattre le harcèlement scolaire, nous avons encore du chemin à parcourir. Je remercie les associations qui luttent sans relâche contre ce fléau. Le harcèlement scolaire est désormais un sujet au cœur des préoccupations des élèves, de leurs parents, des enseignants, des acteurs associatifs et des pouvoirs publics. Il est fort heureusement possible de le traiter en dehors des tribunaux et nous continuerons bien évidemment à encourager l’élan citoyen de responsabilité pour dire non au harcèlement scolaire. Mais ces progrès ne doivent pas conduire à ignorer les situations dramatiques. Il faut donc franchir une nouvelle étape dans la lutte contre le harcèlement et les violences scolaires, car c’est bien un droit fondamental que d’avoir accès à l’éducation sereinement – sans se rendre à l’école la boule au ventre.

Pour que les victimes de harcèlement scolaire puissent se reconstruire et témoigner après l’isolement, la dépression et la déscolarisation, nous devons leur donner confiance dans la société. Nous devons montrer que nous reconnaissons pleinement leur souffrance et qu’il n’y aura désormais plus aucune tolérance pour l’acharnement dont ils sont parfois les victimes.

Afin de tenir cet engagement, il faut un délit autonome de harcèlement scolaire  j’en reste intimement persuadée. Mais nous voulons également une harmonisation des sanctions, car dans la législation actuelle le harcèlement scolaire est puni au titre du délit de harcèlement moral. L’instauration du délit de harcèlement scolaire permettra également, lorsque cela est nécessaire, d’ordonner la confiscation des téléphones, tablettes ou ordinateurs utilisés pour commettre l’infraction. Nous allons donc aussi agir contre le cyberharcèlement et l’accès non régulé de nos enfants aux réseaux sociaux, souvent à l’origine du harcèlement scolaire.

Enfin, ce délit autonome de harcèlement scolaire – complété par les stages de responsabilisation à la vie scolaire – aura également une valeur d’exemple, pédagogique et éducative. C’est un point fondamental. Nous ne cédons pas à l’obsession pénale, mais nous souhaitons simplement instaurer un cadre juridique clair afin d’inculquer aux enfants ce qui relève de l’interdit. Car pour faire société, il faut des droits et des devoirs, des libertés et des interdits.

Aussi est-il important de conserver les équilibres des textes déjà votés. Je pense notamment à la proposition de loi de notre collègue Michèle Victory visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et des AED. Je fais aussi référence à la loi confortant le respect des principes de la République, et notamment à ses dispositions sur l’instruction en famille.

Nous ne ferons pas marche arrière. Nous tiendrons avec responsabilité notre engagement envers les enfants de France et leurs familles, pour que l’école soit un lieu d’apprentissage, de bienveillance et, avant tout, d’épanouissement.

M. Maxime Minot (LR). Je regrette l’échec de la CMP, sur lequel je reviendrai. Chaque année entre 800 000 et 1 million d’élèves sont victimes de harcèlement scolaire. Ce sont autant de parcours scolaire fragilisés. Autant d’enfants, d’adolescents et de jeunes adultes qui souffrent – parfois de longues années après la fin de leur scolarité. Le harcèlement peut aller jusqu’à tuer. En 2021, une vingtaine de pré-adolescents et d’adolescents victimes de harcèlement scolaire sont morts. Comme le rappelait Olivier Paccaud, rapporteur du texte au Sénat, le harcèlement scolaire n’est ni une version moderne de La guerre des boutons ni un bizutage bon enfant. Parce que ses conséquences peuvent être tragiques et parce que des solutions existent, il est impératif d’agir pour briser la loi du silence qui nourrit et fortifie ce fléau mortifère. Permettez-moi d’avoir une pensée pour toutes les victimes et pour leurs familles meurtries par ce mal, dont on doit mesurer toute l’étendue et toutes les menaces. Il est de notre devoir de parlementaires et de citoyens, et en tant qu’adultes, de prendre ce problème au sérieux et d’y apporter des réponses.

Ces dernières ne passent pas nécessairement par la loi. Un travail important avait d’ailleurs été réalisé par le Sénat dans le cadre de la mission d’information sur le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement, qui a rendu ses conclusions en septembre dernier et a formulé trente-cinq propositions – dont plusieurs sont directement applicables dans les établissements.

Certes, on ne peut pas dire que rien n’a été fait. La généralisation depuis septembre 2021 du programme de lutte contre le harcèlement à l’école (pHARe) devrait permettre d’améliorer la formation et l’information des différents acteurs. Néanmoins si des outils existent, ils restent méconnus et peu utilisés sur le terrain. Cette proposition de loi a le mérite de donner un coup de projecteur sur ce triste mais pourtant réel sujet. La plupart des dispositions vont dans le bon sens, même si certaines relèvent du symbole. C’est la raison pour laquelle le groupe Les Républicains avait soutenu ce texte en première lecture.

Le Sénat a procédé à différentes modifications. Parmi celles qui méritent un accueil positif, on note la nouvelle place accordée dans le code de l’éducation à la lutte contre le harcèlement scolaire, l’extension au cyberharcèlement de la définition du harcèlement scolaire ou universitaire et l’application aux établissements privés des nouvelles dispositions de lutte contre le harcèlement et le cyberharcèlement. Il faut aussi saluer le renforcement de la formation et de la sensibilisation de l’ensemble des personnels au contact des élèves quotidiennement, ou encore la meilleure prise en compte des témoins. Toutes ces avancées sont positives et devraient être maintenues.

Le désaccord principal entre les deux chambres concerne la création d’un délit spécifique de harcèlement scolaire. Le Sénat a souhaité maintenir une définition du harcèlement scolaire qui concerne seulement celui commis entre pairs. Il a estimé qu’à défaut ce texte comporterait le risque de faire peser une suspicion sur l’institution scolaire, en légiférant sur un phénomène dont on ne mesure encore ni l’ampleur ni la gravité. Il est exact que des sanctions pénales et administratives existent déjà. Un adulte, qu’il soit enseignant, personnel administratif ou technique de l’éducation nationale ou encore AED, peut être poursuivi pour des faits de harcèlement commis sur un élève. Notre droit prévoit en outre des circonstances aggravantes lorsque le harcèlement est commis sur un mineur de 15 ans.

Les sénateurs ont donc considéré qu’inscrire dans le code pénal un délit spécifique de harcèlement scolaire risquait de faire primer le symbole au détriment de l’efficacité. Ils ont réécrit l’article 4 en conséquence – je n’y reviens pas. Toutefois, ils ont considéré que les faits de harcèlement survenant dans les établissements d’enseignement doivent être identifiés et faire l’objet d’une sanction renforcée. La nouvelle rédaction qu’ils ont adoptée réintègre donc le harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement, dont il constituera une situation aggravante supplémentaire.

Le groupe Les Républicains déplore qu’un accord n’ait pas pu être atteint en CMP, le désaccord portant plus sur la forme que sur le fond. De manière cohérente avec notre position lors de la première lecture à l’Assemblée, nous soutiendrons les initiatives qui permettront de trouver un consensus. Car n’oublions pas que notre rôle de parlementaires est d’écrire au mieux la loi, mais aussi de représenter le peuple – y compris ceux qui sont trop jeunes pour voter mais qui ont besoin de notre soutien.

Mme Pascale Cesar (Dem). Alors que le travail avait été rondement mené au sein de notre assemblée – avec un texte équilibré et fortement enrichi grâce à nos échanges –, quelle déception de voir la CMP échouer ! D’autant plus que cet échec résulte du refus ferme des sénateurs de revenir sur leur retrait de deux dispositions indispensables à nos yeux, et sans lesquelles le texte serait dénaturé et notre ambition diminuée.

La principale divergence a ainsi porté sur la restriction de la définition du harcèlement scolaire au seul harcèlement entre pairs. Si nous souhaitons aller plus loin dans la lutte contre ce phénomène, il est essentiel d’inclure dans sa définition l’ensemble des individus qui peuvent y prendre part. Même si nous savons que le harcèlement scolaire est bien souvent le fait des élèves, il faut reconnaître qu’il peut parfois être engagé, prolongé ou encore ignoré par des membres du personnel éducatif. Nous ne voulons en aucun cas stigmatiser, mais simplement garantir à nos enfants qu’ils seront protégés face à ce fléau grâce à une définition large, que les faits soient commis aussi bien par un camarade que par un adulte.

Le second point d’achoppement résulte de la volonté des sénateurs de supprimer le délit autonome pour replacer le harcèlement scolaire au sein du délit général de harcèlement moral. Comme nous l’avions rappelé lors de la première lecture, le harcèlement scolaire est d’une gravité particulière car il implique une notion d’autorité de le harceleur sur la personne harcelée, mais aussi parce qu’il plonge la victime dans une situation quasi quotidienne de harcèlement dont elle ne peut s’extraire. C’est pourquoi nous considérons qu’il est important que ces faits fassent l’objet d’une incrimination spécifique, d’autant plus qu’ils sont commis bien souvent sur des personnes mineures dans l’enceinte de l’école de la République – dont l’objectif premier est la protection des enfants.

Sur ces deux points, le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés présentera des amendements de rétablissement, aux côtés des groupes de la majorité, afin de rendre à cette proposition de loi toute sa force pour lutter efficacement contre le harcèlement scolaire.

Nous regrettons également que les sénateurs aient limité le champ des acteurs pouvant être impliqués dans la lutte contre le harcèlement scolaire. En renonçant à s’appuyer sur le réseau national des œuvres universitaires et sur les associations, on se priverait de partenariats inestimables du fait de leur proximité avec les jeunes, mais également de leur expérience dans le domaine de la lutte contre le harcèlement scolaire.

Mais notre commission doit aussi conserver les dispositions ajoutées par le Sénat qui vont dans le bon sens. C’est le cas du dispositif qui vise à faire de la lutte contre le harcèlement scolaire une des conditions d’agrément pour rejoindre le réseau d’enseignement français à l’étranger. En effet, il est tout à fait cohérent d’exiger le même engagement et la même vigilance qu’en France aux établissements situés à l’étranger. De même, l’élargissement aux élèves de l’information annuelle sur la lutte contre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement correspond à la volonté d’améliorer les mesures de prévention de ce phénomène. L’information et la communication sont des outils clés, à même de réduire le nombre d’auteurs potentiels mais aussi de favoriser la parole des victimes.

Vous l’aurez compris : notre ambition sur ce texte se veut forte. Notre groupe espère ainsi que les débats qui vont suivre permettront de faire avancer ce texte essentiel pour la protection de nos enfants.

Mme Michèle Victory (SOC). Comme nous l’avions dit en première lecture et comme nous le répétons, lutter contre le harcèlement scolaire dépasse les clivages politiques. Se mobiliser contre ce fléau pour protéger tous les enfants doit être une préoccupation commune.

Les gouvernements successifs ont chacun présenté leur plan de lutte contre ces violences. Mais force est de constater que, du fait de l’amplification du phénomène liée aux réseaux sociaux, le harcèlement a pris des nouvelles formes qui rendent le calvaire des victimes interminable. De récentes et graves affaires de harcèlement ont été constatées ces derniers mois, et nous pensons vraiment à toutes ces familles et à ces enfants meurtris.

Il ne faut cependant pas oublier que le harcèlement dit beaucoup du climat scolaire dans son ensemble. C’est pourquoi la lutte contre le harcèlement passe par l’amélioration de ce climat parfois dégradé, en accordant davantage de considération aux enseignants, aux AED et aux AESH. Il faut améliorer les conditions dans lesquelles les élèves grandissent. Parce que l’école est le lieu du collectif, les dispositifs mis en place doivent tenir compte de l’effet de groupe. Le programme « sentinelles et référents », dont s’inspire le dispositif pHARe, a permis de travailler avec toutes les parties prenantes – et c’est l’essentiel. Tout cela relève d’abord de la prévention et l’information.

Le texte qui nous revient du Sénat a été remanié. Je sais que sa philosophie est éloignée du travail que vous avez engagé, monsieur le rapporteur. Cependant nous souscrivons à plusieurs des modifications apportées par les sénateurs. La transformation de l’infraction autonome de harcèlement scolaire en circonstance aggravante du harcèlement nous semble plus adaptée à la nécessaire proportionnalité des sanctions. Le harcèlement scolaire est déjà sanctionné par la loi et alourdir le code pénal risquerait d’être contre-productif. Les faits de harcèlement ne sont que rarement poursuivis et la caractérisation matérielle de l’infraction est assez difficile à établir. C’est à cela qu’il faut travailler, en donnant à la justice les moyens nécessaires pour juger toutes ces affaires. Il est douteux que l’instauration d’un délit autonome assorti de peines aussi élevées conduirait à libérer la parole des victimes.

C’est la raison pour laquelle nous accueillons favorablement d’autres dispositions ajoutées par le Sénat, comme l’élargissement aux établissements hors contrat de la lutte contre le harcèlement, l’extension des catégories de personnels formés et, enfin, l’amélioration du rôle que doivent jouer les plateformes et les fournisseurs d’accès à internet (FAI) dans ce combat.

En outre, le Sénat a repris une disposition résultant de la proposition de loi visant à lutter contre la précarité des AESH et des AED, dont j’étais la rapporteure. Cette mesure concerne les AED. Je regrette bien sûr que les AESH ne figurent pas dans ce dispositif, tant leur rôle est important. Les élèves en situation de handicap sont eux aussi victimes de harcèlement scolaire. Mais je me réjouis que la situation des AED soit une fois de plus évoquée dans notre assemblée. Je le répète, même si nous en sommes tous convaincus : ils forment un des piliers des établissements scolaires, et chaque jour ils accueillent, écoutent et prennent en charge les élèves. Pourtant, ils sont les invisibles de l’éducation nationale. Leurs missions se sont accrues et ils doivent quitter leur emploi souvent au bout de six ans. Cette situation n’est plus tenable. Nous en avons déjà parlé et nous aurons l’occasion d’y revenir.

Nous avons encore quelques interrogations au sujet de ce texte. Nous continuons à regretter l’absence de moyens donnés aux personnels éducatifs et aux personnels de la santé scolaire, dont nous ne cessons de dénoncer la pénurie. Comment imaginer que l’on pourra associer les infirmières et les médecins scolaires à la lutte contre le harcèlement alors que, faute de moyens, ils ne sont même pas en mesure d’exercer leurs missions quotidiennes ? Le législateur ne peut pas tout.

Le groupe Socialistes et apparentés soutient l’intention qui inspire cette proposition de loi et souhaite que les mesures adoptées puissent apporter de vraies réponses à la communauté éducative et aux enfants. Nous voterons en fonction des résultats obtenus lors de l’examen du texte en cherchant, comme l’a dit M. Minot, à arriver à un accord satisfaisant.

M. Benoit Potterie (Agir ens). Comme lors de la première lecture, le groupe Agir ensemble soutiendra avec vigueur cette proposition de loi, que nous avons cosignée. Les profondes transformations introduites par le Sénat ont rendu inéluctable l’échec de la CMP – ce que nous regrettons sincèrement. Mais la suppression du délit autonome et l’exclusion des adultes de la définition du harcèlement scolaire constituent des lignes rouges que notre groupe, tout comme le rapporteur, refuse de franchir. Nous proposerons leur rétablissement.

Il est en effet des drames individuels qui sont également collectifs, et qui nous poussent à agir de manière responsable. Le suicide de la jeune Dinah, qui a mis fin à ses jours le 5 octobre dernier à l’âge de 14 ans, en est un. Agressions physiques, insultes racistes, homophobes ou sexistes : la violence, qui autrefois cessait à 16 heures 30, franchit désormais la grille de l’école et se poursuit de plus belle, dans le confort de l’anonymat des réseaux sociaux. Dinah n’est malheureusement pas un cas isolé. Au moins dix-neuf élèves ont mis fin à leurs jours l’année dernière, sous la pression de leurs camarades harceleurs. Dinah est le triste visage d’un fléau qui toucherait entre 6 et 10 % des élèves, soit environ 700 000 à 1 million d’enfants. Aucune région, aucune ville, aucun établissement, aucune classe sociale n’est épargnée. Trop souvent pourtant la souffrance des victimes est rendue invisible et passée sous silence. L’isolement, la honte, la peur d’en parler à ses parents ou à ses professeurs sont autant de verrous qu’il faut briser pour que cesse enfin la loi du silence. Car tel est bien le véritable enjeu : libérer et mieux recueillir la parole des victimes. Pour le harcèlement scolaire, comme pour toutes les autres formes de violence qui gangrènent notre société, la logique est la même : la peur doit changer de camp.

Or il faut bien reconnaître que l’on a tardé à prendre conscience du phénomène et à bâtir une réelle politique publique de lutte contre les violences scolaires. Depuis 2017, nous avons agi pour faire évoluer la prévention des faits de harcèlement et la prise en charge des victimes dans la pratique quotidienne de la vie scolaire. Je pense bien sûr à l’inscription du droit à une scolarité sans harcèlement dans la loi pour une école de la confiance, votée en 2019, ainsi qu’à la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, dont notre collègue Laetitia Avia a été la rapporteure.

Mais en matière de harcèlement scolaire, comme dans bien d’autres domaines, beaucoup de leviers d’action relèvent du domaine réglementaire. D’où la généralisation du programme pHARe, à partir de la rentrée 2021. Il se traduira dans tous les établissements par la présence d’élèves ambassadeurs, vers lesquels les victimes ou les témoins pourront se tourner. Le groupe Agir ensemble se réjouit par ailleurs des récentes annonces du Président de la République, parmi lesquelles figure la création d’une nouvelle application pour signaler des faits de harcèlement. Cela faisait partie des mesures préconisées par Timothé Nadim, ancien élève harcelé qui a su relever la tête et qui milite désormais pour que les choses changent. Je tiens à saluer son engagement.

La proposition de loi qui nous est soumise permettra d’aller encore plus loin. Elle repose sur le triptyque suivant : prévention, accompagnement et protection. En première lecture, notre groupe avait précisé le contenu des mesures que devront prendre les établissements, pour insister sur l’amélioration de la prévention. De même – parce qu’au-delà des sanctions pénales la première réponse doit d’abord être éducative –, nous soutiendrons le rétablissement de l’article 6, supprimé par le Sénat, qui crée un stage de sensibilisation visant à responsabiliser les élèves harceleurs.

L’école doit rester un lieu d’émancipation par le savoir, mais aussi par l’apprentissage du civisme et de la citoyenneté. Ce texte y contribue et je veux remercier chaleureusement son rapporteur, Erwan Balanant, pour son engagement constant en faveur de la lutte contre les violences scolaires.

Le groupe Agir ensemble votera avec conviction en faveur de cette proposition de loi.

M. Grégory Labille (UDI-I). Du fait de notre expérience du milieu scolaire, des retours du terrain ou grâce à l’examen de cette proposition de loi, nous comprenons tous que le harcèlement scolaire est un phénomène complexe, qui frappe toutes les écoles, toutes les classes sociales et tous les âges. Il était temps que la représentation nationale se penche sur cette question avec sérieux et application !

L’examen de ce texte, ici même en première lecture, avait laissé apparaître un consensus sur l’urgence à agir davantage que sur les moyens à mettre en œuvre. Alors que nos collègues sénateurs ont apporté des modifications substantielles à la proposition de loi, je regrette que la commission mixte paritaire ait été si rapidement bâclée. Pour autant, à l’instar des autres membres de mon groupe, je ne souscris pas à l’ensemble de ces modifications.

La définition du harcèlement scolaire adoptée par le Sénat n’intègre ni les professeurs ni les personnels encadrants, ce qui exclurait du champ de la proposition de loi tout un pan des problèmes que nous cherchons à combattre. Comme vous, monsieur le rapporteur, je trouverais incohérent qu’un adulte exerçant au sein d’un établissement scolaire soit moins sanctionné qu’un élève pour des faits de harcèlement similaires. De la même manière, le fait que des actes de harcèlement ou de cyberharcèlement soient commis par un groupe de jeunes dont certains ne sont pas scolarisés dans le même établissement que la victime ne doit pas conduire au prononcé d’une peine différente ; c’est pourtant ce que votre définition risque d’entraîner.

Nos collègues de la Chambre haute ont voulu introduire dans le texte la notion de cyberharcèlement. Bien que cette mention puisse paraître redondante, ce phénomène, qui tend à prendre de l’ampleur, ne mérite-t-il pas d’être distingué dès à présent, non parce qu’il constituerait une action délictuelle différente, mais pour montrer que l’utilisation des outils numériques implique un ressenti différent ? Le fait que les réseaux sociaux et moyens de communication en ligne soient déconnectés du réel ne nécessite-t-il pas une réponse adaptée pour des enfants et des parents qui comprennent peut-être mal la portée de tels actes ?

Le Sénat est revenu – à juste titre – sur certaines dispositions relatives à l’instruction en famille. Je veux rappeler ici mon attachement à la liberté de l’instruction, qui a été dévoyée et pour laquelle certains se battent encore. Lors de l’examen de la loi confortant le respect des principes de la République, il y a un an, votre groupe a souhaité qu’un enfant harcelé puisse, en urgence, poursuivre son cursus dans le cadre d’une scolarisation à domicile, par dérogation au régime d’autorisation instauré par ce texte. Je ne comprends donc pas pourquoi vous vous opposez désormais à une mesure similaire visant à permettre le changement d’établissement. Le code de l’éducation prévoit aujourd’hui la possibilité de déscolariser un enfant harcelé, mais pas de la changer d’établissement, à moins qu’il soit envoyé dans le privé. C’est un non‑sens !

Ainsi, mon groupe aborde favorablement nos discussions, mais il veillera à ce que soient préservés les apports de la navette parlementaire.

Mme Sabine Rubin (FI). Je remercie à nouveau nos collègues du groupe MODEM d’avoir déposé cette proposition de loi qui s’attaque au harcèlement scolaire. Ce phénomène difficile à appréhender est un véritable fléau dont la représentation nationale doit se saisir pleinement. Selon la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, 700 000 élèves en sont victimes chaque année, particulièrement en primaire et au collège.

Si je partage les intentions de cette proposition de loi, je déplore que notre rapporteur veuille rétablir le texte de l’Assemblée nationale. Je souscris plutôt aux modalités d’action proposées par le Sénat. Je crains que les moyens choisis par notre assemblée soient au mieux inefficaces, au pire dangereux ; aussi, je doute que ce texte soit de nature à résoudre réellement le problème qu’il entend combattre.

La rédaction de l’article 1er témoigne de l’impréparation de cette proposition de loi. Étant favorable à l’approche adoptée par le Sénat, je regrette que notre assemblée s’apprête à rétablir les dispositions initiales, confuses, qui ne distinguent pas le harcèlement entre camarades du harcèlement provenant d’un encadrant. Cela nécessiterait une concertation en amont avec la communauté éducative.

L’article 3 fait également débat. S’il est effectivement nécessaire de mieux former les personnels encadrants à la question du harcèlement, vous ne proposez aucun accroissement des moyens humains.

Enfin, je crains que vous rétablissiez une judiciarisation à outrance de ce phénomène. La création d’un nouveau délit, à l’article 4, est parfaitement inefficace, le harcèlement étant essentiellement le fait de mineurs, qui échappent à la justice ordinaire des adultes. Cet article sous-estime grandement le rôle de la prévention, qui doit ici prévaloir. Sensibiliser, identifier, accompagner et, le cas échéant, sanctionner : telle doit être la chaîne des mesures à prendre pour mieux lutter contre le harcèlement. Cela suppose davantage de conseillers principaux d’éducation (CPE), d’AED, de médecins, d’infirmiers et d’assistantes sociales, ainsi qu’une meilleure stabilité des équipes encadrantes – nous voyons là tout l’intérêt de la proposition de loi de Mme Victory visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation. Si une sanction est nécessaire, elle doit d’abord être éducative, et non pénale.

N’étant pas membre de votre commission, je ne pourrai pas prendre part au vote cet après-midi. Cela étant, je réitère toutes mes réserves quant à votre volonté de rétablir le texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Non, monsieur Labille, la CMP n’a pas été bâclée. En réalité, j’avais déjà acté le désaccord entre l’Assemblée nationale et le Sénat, après de nombreux échanges téléphoniques, pendant le week-end, avec M. Paccaud pour essayer de trouver des solutions de compromis – ce qui était difficile, au vu des différences profondes entre nos deux textes. Nous avons conclu à un désaccord serein, dans la mesure où nous partageons la même envie de combattre le harcèlement scolaire. D’ailleurs, un certain nombre de propositions du Sénat sont de bonnes dispositions, que nous allons intégrer dans le texte.

La volonté du Sénat de juxtaposer la notion de cyberharcèlement à celle de harcèlement pose un vrai problème. Le cyberharcèlement n’est en effet qu’une modalité du harcèlement scolaire. Il serait très dangereux de distinguer ces deux notions, car cela laisserait croire qu’elles renvoient à deux choses différentes alors qu’il s’agit en réalité du même phénomène.

Madame Rubin, je veux bien que nous ne soyons pas d’accord mais j’ai du mal à entendre que ce texte n’a pas été préparé. Il résulte de trois années de travail. J’ai d’abord remis un rapport au Gouvernement, après avoir mené entre 200 et 300 auditions. Nous avons ensuite organisé de nombreuses auditions sur cette proposition de loi, auxquelles vous n’avez pas participé ; nous avons notamment entendu les responsables syndicaux, avec qui nous avons considéré qu’englober l’ensemble des acteurs de la communauté éducative dans les dispositions de ce texte n’était pas un problème, mais plutôt une solution. En voulant protéger les enfants contre tout type de harcèlement scolaire au sein même du système éducatif, nous ne stigmatisons personne. Nous ne visons pas l’institution – un enfant peut très bien être harcelé par un parent d’élève, comme j’ai pu le voir au cours de mes trois années de travail. C’est pourquoi nous avons adopté une définition large du harcèlement scolaire, qui est la plus protectrice possible.

Le Sénat a voulu faire du harcèlement une circonstance aggravante du délit pénal. Cela ne règle rien, et cela ne correspond pas à la fonction expressive du droit, qui consiste à définir clairement et précisément les interdits. Nous voulons donc rétablir la définition d’un délit spécifique dans le code pénal, qui donne des droits aux enfants. Comme l’a souligné la Défenseure des droits, cette démarche permettra de libérer la parole des enfants harcelés, qui sauront qu’ils sont dans leur bon droit lorsqu’ils dénoncent les faits dont ils sont victimes. Ce faisant, nous les protégerons.

Cette proposition de loi repose sur trois piliers. Le premier est évidemment la prévention du harcèlement scolaire. Le second est l’accompagnement des auteurs, des victimes et des témoins – ces derniers ont été ajoutés dans le dispositif par les sénateurs, qui ont eu une bonne idée. Le troisième est la protection des enfants tout au long de leur parcours éducatif, de la maternelle jusqu’à la vie universitaire.

Nous convenons tous qu’il faut avancer. Nous avons besoin d’outils juridiques nouveaux permettant de sécuriser les actions déjà menées, de les amplifier et, ce faisant, de mieux lutter contre le harcèlement scolaire.

II.   Examen des articles

La commission passe ensuite à l’examen des articles.

TITRE Ier
DE LA PRÉVENTION DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET DE LA PRISE EN CHARGE DES VICTIMES

Article 1er : Droit à une scolarité sans harcèlement

Amendements identiques AC20 de M. Erwan Balanant, AC3 de Mme Blandine Brocard, AC5 de Mme Zivka Park et AC7 de M. Benoit Potterie.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ces amendements visent à rétablir les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture.

Mme Sabine Rubin. Vous m’avez reproché de ne pas avoir suivi les auditions, mais il ne vous aura pas échappé que je ne suis pas membre de cette commission.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Habituellement, je ne le suis pas non plus.

Mme Sabine Rubin. Cela ne m’empêche pas de lire les rapports, notamment celui du Sénat, qui a également organisé des auditions. Nos collègues sénateurs ont limité la notion de harcèlement scolaire au harcèlement entre pairs, qu’ils distinguent des mauvais comportements d’un adulte encadrant envers un élève, contre lesquels il existe déjà des sanctions. Je me suis peut-être mal exprimée lorsque j’ai dit que ce texte n’avait pas été assez travaillé. Quoi qu’il en soit, je préfère l’approche adoptée par le Sénat, qui me semble plus juste.

La commission adopte les amendements.

Elle adopte l’article 1er modifié.

Article 1er bis A : Mention du droit à une scolarité sans cyberharcèlement dans les règlements intérieurs des établissements

La commission adopte l’amendement de suppression AC21 de M. Erwan Balanant.

En conséquence, l’article 1er bis A est supprimé.

Article 1er bis : Rôle du comité d’éducation à la santé, à la citoyenneté et à l’environnement (CESCE)

Amendement AC22 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de supprimer la notion de cyberharcèlement, pour les motifs que j’ai déjà exposés. Cet ajout, qui partait d’une bonne idée, est juridiquement dangereux.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 1er bis modifié.

Article 2 : Application du droit à une scolarité sans harcèlement aux établissements privés

Amendement AC23 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Cet amendement a le même objet que le précédent : il vise une nouvelle fois à supprimer la notion de cyberharcèlement.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis : Introduction de la lutte contre le harcèlement parmi les conditions d’octroi de l’agrément pour l’enseignement français à l’étranger

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC24 de M. Erwan Balanant.

Elle adopte l’article 2 bis modifié.

Article 3 : Formation à la prévention et à la lutte contre le harcèlement scolaire et prise en charge des élèves concernés par ce phénomène

Amendement AC25 de M. Erwan Balanant et sous-amendement AC35 de M. Grégory Labille.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je propose de rétablir la rédaction initiale de l’article 3, qui avait fait l’objet d’un consensus en première lecture.

M. Grégory Labille. Lorsque l’intégrité physique et morale d’un enfant est menacée, je souhaite que ses responsables légaux puissent se voir octroyer une dérogation afin de l’inscrire dans un autre établissement scolaire situé dans une autre commune.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Ce n’est pas forcément la meilleure solution, car il s’agit pour l’enfant harcelé d’une double peine, mais cette option ultime est aujourd’hui permise par le code de l’éducation. Votre sous-amendement me semble donc déjà satisfait. Je vous invite à le retirer, quitte à le redéposer en séance – le ministre pourra alors vous expliquer qu’il est tout à fait possible de changer certains enfants d’établissement.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 3 bis A : Possibilité de déscolarisation en cours d’année en raison d’un changement du choix d’instruction opéré par les familles

La commission rejette l’article 3 bis A.

Article 3 bis B : Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

La commission rejette l’article 3 bis B.

Article 3 bis C : Autorisation de l’instruction en famille en cas de menace de l’intégrité physique ou morale de l’élève

La commission rejette l’article 3 bis C.

Article 3 bis D : Détection des situations de harcèlement scolaire dans le cadre des visites médicales

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC26 de M. Erwan Balanant.

Elle adopte l’article 3 bis D modifié.

Article 3 bis E : Demande de rapport relatif à la prise en charge des soins psychiatriques et psychologiques reçus par les victimes et les auteurs de harcèlement scolaire

La commission adopte l’amendement rédactionnel AC33 de M. Erwan Balanant.

Elle adopte l’article 3 bis E modifié.

Article 3 bis (supprimé) : Information relative aux liens pouvant être établis avec les associations compétentes

La commission maintient la suppression de l’article 3 bis.

Article 3 ter (supprimé) : Rôle du réseau des œuvres universitaires

Amendement AC17 de Mme Fabienne Colboc.

Mme Anne Brugnera. Le Sénat a supprimé l’article 3 ter, que nous avions voté en première lecture afin d’associer les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) à la lutte contre le harcèlement en milieu universitaire. Je vous invite à le rétablir.

M. Erwan Balanant, rapporteur. À l’article 1er, nous avons élargi le périmètre du harcèlement scolaire à tous les apprentissages et à toute la scolarité d’un élève, y compris à l’université. Il est donc assez cohérent de donner aux CROUS les moyens de lutter contre ce phénomène. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement et l’article 3 ter est ainsi rétabli.

Article 3 quater : Recrutement des assistants d’éducation par contrat à durée indéterminée après six ans d’exercice

Amendements AC10 et AC12 de Mme Michèle Victory.

Mme Michèle Victory. L’amendement AC10 reprend, dans sa version initiale, le dispositif de ma proposition de loi visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation. Compte tenu de leur rôle absolument essentiel au sein du système scolaire, aux côtés des élèves harcelés, nous tenons à ce que ces deux catégories de personnels soient incluses dans le présent texte.

Lors de l’examen de ma proposition de loi, la majorité a, contre l’avis de la rapporteure, renvoyé à un décret les modalités de la possible CDIsation des AED ayant exercé leurs missions pendant six ans. Or la crise sanitaire nous a rappelé quels étaient les besoins dans ce secteur, et l’attente des personnels concernés est particulièrement forte. Au vu de la longueur du temps législatif et des délais nécessaires à l’élaboration d’un décret, il nous paraît nécessaire d’inscrire ces dispositions directement dans la loi. C’est pourquoi l’amendement AC12 vise à supprimer le renvoi à un décret.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je vous remercie pour votre travail de longue haleine concernant les AED, auquel nous devons en grande partie ces avancées. Je confirme que ces personnels accomplissent un travail remarquable. Il y avait quelque chose d’assez incongru à se passer d’AED qui avaient travaillé pendant six ans dans un établissement, qui connaissaient parfaitement les élèves, et qui avaient envie de continuer leur mission mais ne le pouvaient pas. Les sénateurs ont, en quelque sorte, accéléré l’adoption de votre proposition de loi, et je m’en félicite. Nous avons souhaité conserver ces dispositions consensuelles dans le présent texte mais, à ce stade, nous préférons nous en tenir à leur rédaction actuelle. Avis défavorable.

Mme Michèle Victory. Je vous remercie de vos propos, mais votre avis me place dans une position très délicate. Je me réjouis que les AED, qui exercent un vrai métier – une minorité d’entre eux seulement sont encore étudiants – et veulent s’impliquer dans leur établissement, puissent continuer à assumer leurs fonctions au bout de six ans. Je voterai donc évidemment l’article 3 quater, mais avec beaucoup de peine pour les AESH, qui méritent également toute notre attention et tout notre soutien. Ayez conscience du désespoir dans lequel certains se trouvent ! Le fait d’accepter cette mesure pour les AED et non pour les AESH constitue une injustice assez terrible pour les seconds. Nous avons le sentiment que nous n’allons pas au bout des choses, ce qui est vraiment dommage.

La commission rejette successivement les amendements.

Suivant l’avis du rapporteur, elle adopte l’amendement rédactionnel AC9 et rejette l’amendement AC13 de Mme Michèle Victory.

Elle adopte l’article 3 quater modifié.

TITRE II
DE L’AMÉLIORATION DU TRAITEMENT JUDICIAIRE DES FAITS DE HARCÈLEMENT SCOLAIRE ET UNIVERSITAIRE

Article 4 : Délit de harcèlement scolaire et universitaire

Amendements identiques AC27 de M. Erwan Balanant, AC4 de Mme Blandine Brocard, AC6 de Mme Zivka Park et AC8 de M. Benoit Potterie.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mon amendement vise à rétablir l’infraction autonome relative aux faits de harcèlement scolaire et universitaire telle qu’adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture. En effet, elle protège les enfants dans toutes les situations, qu’il s’agisse d’un harcèlement à l’ancienne, en classe ou dans la cour de récréation, ou bien de cyberharcèlement. Ce dernier est un véritable fléau pour l’enfant qui en est victime : il ne connaît plus aucun répit, perd toute capacité de réaction, n’est plus en mesure d’élaborer une défense ni même d’en parler à ses parents ou à un adulte référent. Nous devons impérativement poursuivre la lutte contre ce phénomène.

Le rétablissement de cette infraction permettra en outre d’imposer aux plateformes dans un article ultérieur, des obligations de régulation et de modération relatives au harcèlement scolaire. Cette mesure, adoptée lors de l’examen de la proposition de loi de Laetitia Avia, avait été retoquée par le Conseil constitutionnel.

La commission adopte les amendements et l’article 4 est ainsi rédigé.

Article 4 bis : Peine de confiscation pour les infractions commises par internet

Amendement AC19 et AC2 de M. Éric Bothorel, et sous-amendement AC32 de M. Erwan Balanant.

M. Éric Bothorel. L’amendement AC19 est rédactionnel. L’amendement AC2 vise, quant à lui, à autoriser le recueil de données de connexion dans le cadre d’enquêtes judiciaires portant notamment sur des faits de cyberharcèlement. Il précise en outre que cette disposition s’applique lorsque le vecteur numérique est le moyen de commission de l’infraction. Une telle clarification permet de donner des moyens d’action aux services enquêteurs.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Je félicite M. Bothorel pour la vigilance dont il a fait preuve sur un sujet aussi important. Avis favorable sous réserve de l’adoption de mon sous-amendement rédactionnel.

La commission adopte successivement l’amendement AC19, le sous-amendement et l’amendement AC2 sous-amendé.

Elle adopte l’article 4 bis modifié.

Article 4 ter (nouveau) : Circonstance aggravante de harcèlement moral sur l’ensemble des mineurs

La commission adopte l’article 4 ter non modifié.

Article 5 : Enregistrement de l’audition du mineur victime de harcèlement dans le cadre d’une procédure pénale

Amendement AC28 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de rétablir la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 5 modifié.

Article 6 : Stage de responsabilisation à la vie scolaire

Amendement AC29 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de rétablir la rédaction supprimée par le Sénat en première lecture. Cette mesure importante permet à certains tribunaux de proposer, en partenariat avec l’éducation nationale, des stages de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire, qui sont de bonnes alternatives aux peines.

Mme Rubin parlait d’un texte inadapté aux mineurs. En réalité, il est adapté à tous : le droit pénal prévoit des peines pour toutes les infractions, et c’est ensuite le juge qui prend en considération la minorité de l’enfant et son éventuel discernement dans le prononcé de la peine.

La commission adopte l’amendement et l’article 6 est ainsi rédigé.

Article 7 : Lutte contre le harcèlement scolaire par les prestataires de services de communication au public en ligne

Amendement AC30 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Il s’agit de rétablir l’article imposant aux plateformes de modérer les contenus relevant du harcèlement scolaire.

La commission adopte l’amendement et l’article 7 est ainsi rédigé.

Titre

Amendement AC31 de M. Erwan Balanant.

M. Erwan Balanant, rapporteur. Mon amendement vise à supprimer les mots « et de cyberharcèlement » pour ne pas laisser penser qu’il s’agit d’un phénomène distinct du harcèlement scolaire. Celui-ci doit être envisagé dans son intégralité : le cyberharcèlement n’en est qu’un mode opératoire.

La commission adopte l’amendement et le titre de la proposition de loi est ainsi modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’Éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

– Texte adopté par la commission :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b4997_texte-adopte-commission.pdf

– Texte comparatif :

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-cedu/l15b4997-compa_texte-comparatif.pdf


—  1  —

   Annexe :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi visant à combattre le harcèlement scolaire et le cyberharcèlement

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’éducation

L. 111‑6 (nouveau)

1er

Code de l’éducation

L. 511‑3‑1 (abrogé)

1er bis

Code de l’éducation

L. 421‑8

2

Code de l’éducation

L. 442‑2

2

Code de l’éducation

L. 442‑20

2 bis

Code de l’éducation

L. 452‑3‑1

3

Code de l’éducation

Chapitre III du titre IV du livre V (articles L. 543‑1 et L. 543‑2) (nouveau)

bis D

Code de l’éducation

L. 542‑2

3 ter

Code de l’éducation

L. 822‑1

quater

Code de l’éducation

L. 916‑1 (nouveau)

4

Code pénal

222‑33‑2‑3 (nouveau)

bis

Code pénal

131‑21

bis

Code de procédure pénale

60‑1, 77‑1‑1 et 99‑3

bis

Code de procédure pénale

60‑1‑1

bis

Code de procédure pénale

60‑1‑2 (nouveau)

ter

Code pénal

222‑33‑2‑2

5

Code de procédure pénale

706‑52

6

Code de la justice pénale des mineurs

L. 112‑2

6

Code de la justice pénale des mineurs

L. 112‑5

6

Code de la justice pénale des mineurs

L. 422‑1

6

Code de la justice pénale des mineurs

L. 422‑3

7

Loi n° 2004‑575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique

6

 

 


([1]) Soit lorsqu’ils ont causé une incapacité totale de travail supérieure à huit jours, qu’ils ont été commis sur un mineur de quinze ans ou sur une personne dont la particulière vulnérabilité, due à son âge, à une maladie, à une infirmité, à une déficience physique ou psychique ou à un état de grossesse, est apparente ou connue de leur auteur, qu’ils ont été commis par l’utilisation d’un service de communication au public en ligne ou par le biais d’un support numérique ou électronique ou lorsqu’un mineur était présent et y a assisté.

([2]) Décision n° 2021-949/950 QPC du 24 novembre 2021

([3]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.11838740_62013ff93aa5c.commission-des-affaires-culturelles--harcelement-scolaire-et-cyberharcelement-7-fevrier-2022