N° 5123

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 24 février 2022.

RAPPORT

 

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES
SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE : (1)
 

visant à sauvegarder la lavandiculture française,

 

par M. Adrien MORENAS,

Député

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(1) La composition de la commission figure au verso de la présente page.


 

La Commission des affaires européennes est composée de : Mme Sabine THILLAYE, présidente ; MM. Pieyre-Alexandre ANGLADE, Jean-Louis BOURLANGES, Bernard DEFLESSELLES, Mme Liliana TANGUY, vice‑présidents ; M. André CHASSAIGNE, Mme Marietta KARAMANLI, M. Christophe NAEGELEN, Mme Danièle OBONO, secrétaires ; MM. Patrice ANATO, Philippe BENASSAYA, Mme Aude BONO-VANDORME, MM. Éric BOTHOREL, Vincent BRU, Mmes Mireille CLAPOT, Yolaine de COURSON, Typhanie DEGOIS, Marguerite DEPREZ‑AUDEBERT, M. Julien DIVE, Mmes Coralie DUBOST, Frédérique DUMAS, MM. Pierre‑Henri DUMONT, Jean-Marie FIEVET, Alexandre FRESCHI, Mmes Maud GATEL, Valérie GOMEZ‑BASSAC, Carole GRANDJEAN, Christine HENNION, MM. Michel HERBILLON, Alexandre HOLROYD, Mme Caroline JANVIER, MM. Christophe JERRETIE, Jérôme LAMBERT, Jean-Claude LECLABART, Mmes Constance Le GRIP, Martine LEGUILLE-BALOY, Marion LENNE, Nicole Le PEIH, MM. Jean-Baptiste MOREAU, Adrien MORENAS, Xavier PALUSZKIEWICZ, Jean‑Pierre PONT, Dominique POTIER, Didier QUENTIN, Mme Maina SAGE, MM. Raphael SCHELLENBERGER, Benoit SIMIAN, Mme Michèle TABAROT.

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : UN DÉPLOIEMENT PROGRESSIF DU RÈGLEMENT REACH INCLUANT LES HUILES ESSENTIELLES DANS LA LISTE DES PRODUITS CHIMIQUES

I. UN RÈGLEMENT COMPLEXE MAIS NOVATEUR PENSÉ AU SERVICE DU CONSOMMATEUR

A. Avant le règlement REACH, une réglementation européenne complexe et balbutiante sur les produits chimiques

B. Le fonctionnement et les apports des rÈglements REACH et clp pour la sécurité des produits chimiques

II. une adaptation difficile de la lavandiculture franÇaise au dÉploiement de reach

A. une petite filiÈre fleurissante, cœur battant de l’Économie rÉgionale et pilier de la biodiversitÉ locale

1. Une filière fleurissante, symbole de la Provence et nécessaire a la biodiversité de la région

2. Une filière composée majoritairement de petites et moyennes entreprises pour lesquelles l’adaptation à de nouvelles réglementations engendre de lourds coûts difficiles à supporter

a. Une filière faite de très petites entreprises…

b. …faisant face à une concurrence nationale et internationale grandissante

3. Les huiles essentielles, un produit de composition complexe dont la réglementation soulève des interrogations

B. malgrÉ une mauvaise anticipation des consÉquences du rÈglement reach, une adaptation rÉussie à ce nouveau cadre rÉglementaire avec le soutien des pouvoirs publics

1. Une mauvaise préparation collective aux conséquences de REACH qui considère explicitement les huiles essentielles comme des produits chimiques

a. Une mauvaise appréhension des enjeux pour la filière au moment de l’adoption du règlement REACH

2. Une adaptation coûteuse mais réussie grâce au volontarisme des producteurs et au soutien des pouvoirs publics

DEUXIÈME PARTIE : la rÉvision prochaine des rÈglements reach et clp attise les craintes des producteurs

I. une révision des règlements reach et clp dans la droite lignée du pacte vert européen avec pour objectif protéger le consommateur et l’environnement

II. instruits par l’expérience passée, les producteurs craignent une fragilisation de la filière et se mobilisent activement pour peser sur la proposition de rÉvision

A. Une mobilisation des producteurs très en amont de la publication des propositions de révisions pour peser dans le sens de ces propositions

B. Une réaction rapide et attentive des autorités nationales et européennes cherchant à rassurer les producteurs

C. des craintes légitimes des producteurs au regard du poids de la réglementation sur une petite filière

troisième partie : une proposition de rÉsolution pour mettre en avant les possibles difficultÉs d’une telle rÉvision et dÉfendre un produit naturel et local

I. élargir la proposition de résolution à toutes les huiles essentielles et promouvoir une meilleure information sur les révisions de la réglementation européenne

A. défendre les huiles essentielles dans leur ensemble puisqu’elles font face aux mêmes défis que la filière lavandicole

B. promouvoir davantage de pédagogie, de transparence de l’information sur une réglementation complexe mais nécessaire

II. rassurer les producteurs sur la prise en compte de la situation particuliÈre de la filiÈre d’huiles essentielles en France

A. REconnaître les huiles essentielles comme des produits agricoles ne fait pas l’unanimité dans la profession et ne constitue pas une solution de long terme

B. une différenciation claire et durable entre les petites productions artisanales et la production à but industriel est nécessaire

Conclusion

EXAMEN EN COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION


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   Introduction

 

Mesdames, Messieurs,

La lavande est un produit naturel qui façonne les paysages du sud de la France et à partir duquel s’est construite une économie locale fleurissante. Pour le dire simplement, la lavande est un emblème de la Provence. La sauvegarde de la lavandiculture et du savoir-faire qui s’y attache, défendue dans la présente proposition de résolution européenne (PPRE), apparaît donc comme une nécessité.

Cette proposition intervient à un tournant pour la production d’huile essentielle de lavande et de lavandin. D’une part, après de nombreuses années de croissance, la filière fait face, depuis deux ans, à une importante concurrence internationale. Le succès du marché des huiles essentielles dans lequel la France excelle, grâce à une huile essentielle fine bénéficiant de l’appellation d’origine protégée (AOP), a attiré de nouveaux pays producteurs comme le Brésil, la Bulgarie ou encore la Moldavie. Les producteurs français, principalement des petites et moyennes entreprises, tentent donc aujourd’hui de maintenir leur position dans ce marché hautement concurrentiel.

D’autre part, le règlement REACH, qui prévoit l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques ainsi que les restrictions applicables et le règlement CLP couvrant la classification et l’étiquetage des produits, couvrant les huiles essentielles depuis 2018, s’apprêtent à être révisés. Bien qu’ils concernent les produits chimiques au premier chef, ces deux règlements couvrent également les produits naturels comme les huiles essentielles pouvant donner lieu à une utilisation à des fins chimiques. Les huiles essentielles se caractérisent en effet par de multiples usages que ce soit en parfumerie, cosmétique, aromathérapie ou dans l’industrie du nettoyage et peuvent être des composants dans un produit chimique.

Dans ce contexte, notre collègue Julien Aubert a déposé une proposition de résolution européenne visant à préserver l’huile essentielle de lavande. Il y suggère de considérer l’huile essentielle de lavande comme un produit agricole au sens de l’article 38 du traité de fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), c’est-à-dire comme faisant partie des produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, ainsi que des produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits. Il propose par là même de distinguer ce produit naturel des essences de lavande de synthèse qui devraient, selon lui, rester couvertes par le règlement REACH.


Inspiré et instruit par des échanges avec les différentes parties prenantes sur la technicité du sujet, votre rapporteur fait un choix différent. Le présent rapport revient sur le déploiement progressif du règlement REACH et son impact sur la filière de l’inclusion des huiles essentielles, considérées comme un produit chimique (I). Ce rappel historique permet de mieux comprendre les inquiétudes des producteurs français de lavande à l’aune d’une révision prochaine des règlements REACH et CLP (II). Dans ce contexte, votre rapporteur suggère d’englober toutes les huiles essentielles dans la résolution tout en apportant des éclaircissements utiles et rassurants pour assainir le débat en amont des propositions de révision (III).

 


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   PREMIÈRE PARTIE : UN DÉPLOIEMENT PROGRESSIF DU RÈGLEMENT REACH INCLUANT LES HUILES ESSENTIELLES DANS LA LISTE DES PRODUITS CHIMIQUES

I.   UN RÈGLEMENT COMPLEXE MAIS NOVATEUR PENSÉ AU SERVICE DU CONSOMMATEUR

A.   Avant le règlement REACH, une réglementation européenne complexe et balbutiante sur les produits chimiques

Dans le contexte de la construction du marché intérieur, la réglementation européenne sur les produits chimiques s’est progressivement affinée.

La première directive sur la classification, l’emballage et l’étiquetage des produits remonte ainsi à 1967, elle fixait une obligation simple : étiqueter les substances considérées comme dangereuses ou suspectées de l’être. Les producteurs n’étaient pas tenus à cette époque de réaliser des essais ou de fournir des données sur la dangerosité des substances chimiques. Cette réglementation a été modifiée en 1976 par la directive 76/769/CEE du Conseil, du 27 juillet 1976, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la limitation de la mise sur le marché et de l'emploi de certaines substances et préparations dangereuses. Outre l’harmonisation de la réglementation entre États membres, cette directive a créé un système de restriction de mise sur le marché pour les substances dangereuses. Dans ce cadre, la Commission européenne prend à sa charge l’évaluation des risques et l’analyse des coûts et bénéfices de la restriction.

Par la suite, alors que la production, l’importation et l’utilisation de produits chimiques augmentent, l’Union européenne a décidé en 1973 de mettre en place un « système d’alerte précoce » pour les nouvelles substances chimiques. Les substances chimiques existantes, pour leur part, ne faisaient l’objet d’aucun contrôle jusqu’en 1979. À cette date, la directive 79/831 qui constitue la sixième modification de la directive de 1967 en moins de dix ans, établit une distinction entre ces deux catégories de produits chimiques : ainsi, toutes les substances chimiques commercialisées avant 1981 sont considérées comme existantes et peuvent être commercialisées sans davantage de contraintes. A contrario, les nouvelles substances chimiques ne peuvent être commercialisées qu’à condition pour le producteur ou l’importateur, de produire des données sur les possibles effets néfastes de la substance aux autorités européennes.

Quelques années plus tard, en 1993, la Commission européenne revient sur cet équilibre en réglementant également les substances existantes. Le règlement sur les substances existantes crée une procédure d’information et d’évaluation des risques reposant sur un dialogue fluide entre les industriels, les États membres et la Commission européenne. Or, sa mise en œuvre s’avère complexe, l’obtention de données tangibles de la part des industriels et l’évaluation de l’ensemble des substances à l’échelon européen posent particulièrement problème. L’efficacité de la procédure est en cause : on estime qu’en 2005, seules 141 substances prioritaires ont été évaluées sur les 100 000 substances existantes, soit 0,014 % en 12 ans.

Ces difficultés pratiques sont confirmées par une étude de 1998 qui démontre les limites de ce cadre réglementaire et alimente l’idée d’une réforme de grande ampleur. Répondant à une demande du Conseil de l’Union européenne, la Commission publie un livre blanc en 2001 intitulé « stratégie pour la future politique dans le domaine des substances chimiques » qui rencontre l’approbation du Conseil et du Parlement européen. Sur ce fondement, la Commission européenne publie un projet de règlement, rendu public et soumis à la consultation des internautes en 2003. Il a suscité plus de 60 000 réactions des citoyens mais aussi des représentants d’intérêts, des associations, démontrant la sensibilité d’une telle révision. Ce n’est qu’en 2006, à l’issue de quatre ans de discussions, que le règlement instituant un système d’enregistrement, d’évaluation et d’autorisation des substances chimiques, plus connu sous le nom de REACH est finalement adopté.

B.   Le fonctionnement et les apports des rÈglements REACH et clp pour la sécurité des produits chimiques

Le règlement REACH résulte d’un arbitrage et d’un compromis difficile entre le principe de précaution irriguant de longue date les politiques européennes et la nécessité de ne pas alourdir à outrance les exigences pesant sur les industriels du secteur chimique.

Aujourd’hui considéré comme l’un des plus ambitieux et protecteurs au monde pour les consommateurs, REACH a permis d’harmoniser et unifier le niveau d’exigence requis pour les substances existantes et les substances nouvelles avec un calendrier de déploiement progressif en trois étapes : 2010, 2013 et 2018. Les produits les plus dangereux et les plus grands tonnages devant s’enregistrer prioritairement en 2010 et les produits aux plus petits tonnages en 2018. Le niveau d’exigence demandé sur les données diminue proportionnellement à la quantité de substance mise sur le marché.

Par ailleurs, REACH apporte dans son fonctionnement des innovations majeures. Il opère par différentes phases. Tout d’abord, la phase d’enregistrement des produits chimiques qui inverse la charge de la preuve par rapport à la réglementation existante. Il revient désormais à celui qui met le produit sur le marché (le plus souvent le producteur ou l’importateur) de démontrer l’innocuité des substances chimiques qu’il commercialise. Ensuite, vient la phase d’évaluation où les produits doivent passer des tests toxicologiques et écotoxicologues nécessaires à leurs dossiers d’enregistrement dans REACH. Les producteurs doivent également justifier les mesures des gestions de risques adaptées à leurs produits. Une substance ne fournissant pas les informations demandées sur sa sécurité ne pourrait pas être mise sur le marché : c’est le principe « no data, no market » qui constitue l’épine dorsale du règlement REACH. De plus, les substances les plus dangereuses doivent faire l’objet d’une autorisation pour être commercialisées afin de limiter les risques pour l’homme et l’environnement.

Par ailleurs, le règlement REACH conserve la possibilité de créer des restrictions à la production et à l’utilisation de substances chimiques déjà existantes. Les États membres et la Commission européenne peuvent ainsi proposer des mesures dites de gestion de risques sur toute substance qui leur semblerait poser un risque qu’elles jugeraient non maîtrisé jusque-là. Les États membres ou la Commission doivent néanmoins justifier que le risque posé par la substance en question mérite une action au niveau communautaire.

Parallèlement, le règlement prévoit la création d’une agence européenne des produits chimiques (ECHA) dont le siège se trouve à Helsinki. Elle a pour mission de contrôler les dossiers d’enregistrement, établir la liste des substances à évaluer et à autoriser en priorité ainsi que de coordonner l’évaluation des substances effectuées par les États membres. Animée par une vertu de transparence, l’ECHA s’enorgueillit aujourd’hui de posséder la base de données sur les produits chimiques la plus complète au monde.

Dans le sillon du règlement REACH, le règlement portant relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances (CLP) a été publié en 2008 mais n’a pris effet qu’en 2015. Il adapte le système général harmonisé de classification et d’étiquetage des produits chimiques (GHS) de niveau international à l’échelon européen. Le CLP concerne toutes les personnes physiques ou morales établies dans l’Union européenne qui produisent, extraient ou importent une substance chimique ou d’origine naturelle. À la différence du règlement REACH, le règlement CLP couvre tous les produits chimiques, sauf exceptions clairement définies et ne connaît pas de limites de bornes de tonnage.

Les entreprises sont tenues d’établir les risques que peuvent présenter leurs produits pour la santé humaine et l’environnement et de les classifier en fonction du niveau de danger recensé. Ces informations doivent être transmises à l’ECHA. Les produits doivent ensuite être étiquetés et emballés conformément à la nomenclature du CLP pour faciliter l’utilisation des consommateurs. Par la suite, les importateurs et utilisateurs de substances ou de mélanges doivent également procéder à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des produits qu’ils mettent sur le marché intérieur.

II.   une adaptation difficile de la lavandiculture franÇaise au dÉploiement de reach

A.   une petite filiÈre fleurissante, cœur battant de l’Économie rÉgionale et pilier de la biodiversitÉ locale

1.   Une filière fleurissante, symbole de la Provence et nécessaire a la biodiversité de la région

Cultivées de longue date en France, les plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM) ont néanmoins un bassin historique de production situé en région Provence-Alpes-Côte d’Azur (PACA) et qui comprend également les départements de la Drôme et de l’Ardèche. On estime que ce périmètre géographique couvre 60 % des surfaces de culture des PPAM en France métropolitaine. La lavande est le fleuron de la filière PPAM, elle est la plante la plus cultivée et également un des plus rentables. La lavande fine qui se distingue par son excellence possède sa propre appellation d’origine contrôlée (AOP). La carte ci-dessous présente le bassin historique de la lavande et distingue la zone de production reconnue d’origine protégée.

 

Source : Bleu Provence. Disponible en ligne : https://www.blue-provence.com/content/13-lavande-fine-bio

Les plantes à parfum représentent dans la région 37 020 hectares de surface agricole dont au moins 23 400 hectares situés en Provence-Alpes-Côte d’Azur ([1]) sur les 67 000 hectares de PPAM cultivées en France. Les cultures de lavande et de lavandin représentent plus de 50 % des cultures de PPAM en France ([2]). La région Sud-Est compte au moins 2 900 exploitations agricoles cultivant des PPAM dont 1 640 sont situées en PACA ([3]). La culture de lavande en particulier représente 4 000 hectares permettant la production de 84 tonnes d’huiles essentielles par an dont 19 tonnes d’huiles essentielles de lavande AOP ([4]). On estime que dans la région, la moyenne la taille moyenne des parcelles à 7 hectares, la production de lavande et sa transformation en huiles essentielles à très petite échelle pouvant constituer un complément de revenus pour certains habitants.

Au total, on estime que la production de lavande génère 9 000 emplois directs dans la région et crée 17 000 emplois indirects ([5]). On en distingue au moins 8 catégories ([6]) :

-         l’emploi direct lié à la culture des PPAM dans les exploitations agricoles ;

-         l’emploi amont dans les activités de fourniture de biens et services de l’agriculture ;

-         l’emploi aval dans les activités de transformation en huiles essentielles ;

-         l’emploi aval dans les activités des autres transformations et dans les activités incorporant des PPAM comme intrants (parfumerie, cosmétique, etc) ;

-         l’emploi indirect dit complémentaire installé dans la région pour des raisons stratégiques ou d’image. L’installation de l’entreprise L’Occitane à Grasse étant souvent cité en exemple par les personnes auditionnées par le rapporteur ;

De la production de lavande découlent de nombreuses activités et dépendent de nombreux emplois. Outre la récolte et la commercialisation du produit agricole brut, s’ajoutent aussi l’apiculture, la vente au détail, l’exportation mais surtout la distillerie pour les huiles essentielles qui est la principale activité de la filière. En effet, la production de PPAM et leur transformation en huiles essentielles sont les produits les plus exportés par la région PACA. En 2018 par exemple, l’exportation des PPAM a rapporté près de 1,4 milliard d’euros générés principalement grâce aux huiles essentielles qui représentent 1,3 milliard à elles seules ([7]).

Par ailleurs, le tourisme constitue une importante source de revenus niveau local. Dès 2005, l’Office national interprofessionnel des plantes à parfum aromatiques et médicinales (ONIPPAM) – fusionné aujourd’hui dans FranceAgriMer ‑ estimait le chiffre d’affaires en consommation touristique dans la région concernée à environ deux milliards d’euros par an ([8]).

À ces considérations économiques, s’ajoute le rôle clé que joue la lavande dans la préservation de la biodiversité régionale. En effet, la filière apicole dépend de l’existence de champs de fleurs. Les chiffres sont à cet égard très parlants : 120 000 ruches dépendent de la production de lavande tandis que 70 % de la production nationale de miel dépend des champs de lavande. Plus grave encore, dans le sud de la France, la lavande pousse naturellement dans des zones arides comme le plateau de Sault. Or, le réchauffement climatique rend ces zones de plus en plus sèches, c’est pourquoi, aucune culture ne pourrait se substituer à la lavande en cas d’effondrement de la filière.

À partir de ces éléments, un constat simple s’impose : une perturbation voire un effondrement de la filière PPAM, dont la vente des huiles essentielles est un pilier, en particulier de lavande et de lavandin, aurait des graves répercussions sur l’économie locale et régionale. La lavande est un ce sens un atout et une aubaine pour la région qui doit être préservée et soutenue. Elle joue également un rôle fondamental dans l’écosystème local et dans la préservation de la biodiversité, un élément clé qui ne saurait être négligé à l’heure de mettre en œuvre la transition écologique.

2.   Une filière composée majoritairement de petites et moyennes entreprises pour lesquelles l’adaptation à de nouvelles réglementations engendre de lourds coûts difficiles à supporter

a.   Une filière faite de très petites entreprises…

La filière des PPAM, en particulier de lavande et de lavandin, est majoritairement composée de petites et moyennes entreprises. Outre 300 entreprises qui représentent des débouchés divers comme la parfumerie, la cosmétique ou encore l’aromathérapie, il existe 130 distilleries dédiées à l’huile essentielle de lavande et de lavandin ([9]).

La moitié d’entre elles se situe dans la catégorie de production entre une et dix tonnes par an. Cette donnée est clé parce que dans le cadre du règlement REACH, le fabricant – pour les huiles essentielles, le distillateur – est l’entité juridique responsable. Considérant que la plupart des distilleries ne fonctionnent que quelques semaines par an et que la moitié d’entre elles a un chiffre d’affaires inférieur à 80 000 euros par an et parfois même inférieur à 5 000 euros, on comprend que le poids d’une réglementation exigeante et changeante leur semble lourd à porter.

b.   …faisant face à une concurrence nationale et internationale grandissante

Le marché des huiles essentielles est en pleine expansion au niveau international, il devrait atteindre une valeur de 24 milliards d’euros ([10]) cette année. Portés par le retour des consommateurs vers les produits naturels, les quatre marchés qui constituent les débouchés premiers des PPAM se portent bien :

-         le marché des compléments alimentaires atteint un chiffre d’affaires de 1,99 milliard d’euros ;

-         le marché de la cosmétique naturelle et biologique représente un chiffre d’affaires de 757 millions d’euros ;

-         l’aromatique alimentaire quant à elle représente 612 millions de chiffre d’affaires ;

-         et l’aromathérapie en pharmacie atteint les 206 millions d’euros de chiffre d’affaires ([11]).

Attirés par la forte croissance de ces marchés, de nouveaux entrants font leur apparition au niveau national et international. Au niveau national, à la faveur du réchauffement climatique, il est désormais possible de cultiver la lavande dans les plaines tandis qu’au niveau international d’autres acteurs montent en puissance. Au premier rang, la Bulgarie qui est leader sur le marché de l’huile essentielle de rose et est désormais le premier producteur de lavande, devant la France. Les producteurs s’inquiètent de cette concurrence croissante en rappelant que l’huile essentielle de lavande sous AOP se vend à environ 140 euros la tonne tandis que les producteurs bulgares commercialisent une huile essentielle, de moins bonne qualité, aux environs de 40 euros la tonne.

Parallèlement à cette compétition entre producteurs d’huiles essentielles naturelles, s’est installée une compétition avec les produits de synthèse qui sont de moins bonne qualité mais se vendent à des prix inférieurs, inégalables pour les produits naturels. Issus de l’industrie chimique, ces produits de synthèse ont une composition plus simple que celle des huiles essentielles naturelles, il leur est donc plus facile de se conformer à un cadre réglementaire exigeant et changeant. À ce stade, la préférence du consommateur pour le naturel est favorable aux huiles essentielles naturelles mais à l’aune d’une nouvelle réglementation pénalisant leurs producteurs, les produits de synthèse pourraient remporter des parts de marché occupées par les produits naturels jusque-là.

3.   Les huiles essentielles, un produit de composition complexe dont la réglementation soulève des interrogations

En effet, contrairement aux produits chimiques, premières cibles de REACH, deux spécificités des huiles essentielles rendent l’application d’un cadre réglementaire trop rigide difficile pour les producteurs. Tout d’abord, la composition chimique des huiles essentielle est très complexe. Là où un produit chimique peut contenir une seule molécule, les huiles essentielles contiennent environ 600 molécules.

Cette composition peut par ailleurs varier en fonction du sol, de l’exposition au soleil, de la récolte, autant d’éléments qui ne permettent pas une classification simple. La définition imprécise qu’en retient le droit français, c’est-à-dire que l’huile essentielle est définie comme « une substance odorante volatile extraite principalement par distillation à la vapeur d’eau, à partir de plantes » ([12]), illustre bien la complexité d’y appliquer un cadre réglementaire rigide.

De plus, les huiles essentielles étant des produits multi-usages, en fonction de l’usage final, elles sont couvertes par des règlements différents par exemple pour les produits alimentaires, la parfumerie, la cosmétologie ou encore les produits phytosanitaires. Dans d’autres régions du monde, au Canada par exemple, cette difficulté est surmontée en appliquant un seul règlement pour tous les produits de santé naturels (PSN) dont les huiles essentielles font partie.

B.   malgrÉ une mauvaise anticipation des consÉquences du rÈglement reach, une adaptation rÉussie à ce nouveau cadre rÉglementaire avec le soutien des pouvoirs publics

1.   Une mauvaise préparation collective aux conséquences de REACH qui considère explicitement les huiles essentielles comme des produits chimiques

a.   Une mauvaise appréhension des enjeux pour la filière au moment de l’adoption du règlement REACH

Dans l’Union européenne, les produits commercialisés dans le marché intérieur sont soumis – sauf exceptions – à la réglementation en vigueur, pour les produits chimiques les règlements REACH et CLP s’appliquent actuellement.

Pour comprendre le cadre s’appliquant aux huiles essentielles et la source des inquiétudes des producteurs, plusieurs rappels sont nécessaires.

En premier lieu, au moment de l’adoption du traité de Rome, l’essentiel de la production d’huile essentielle ne se faisait pas par extraction de vapeur d’eau, méthode naturelle et traditionnelle qui prédomine aujourd’hui. Au contraire, le recours aux produits de synthèse était courant. Ce faisant, la filière était donc majoritairement représentée par des groupes industriels fabriquant des produits chimiques. Dans ce contexte, l’idée d’envisager les huiles essentielles comme des produits agricoles, c’est-à-dire comme des « produits du sol, de l'élevage et de la pêcherie, ainsi que les produits de première transformation qui sont en rapport direct avec ces produits » n’était pas un enjeu et n’aurait en l’état, pas été souhaitable. De ce fait, les huiles essentielles, y compris de lavande, ont été classées comme des produits chimiques au moment du traité de Rome.

Cette classification n’a pas été remise en cause par la suite ce qui a, sans doute, contribué à une mauvaise anticipation de la part de la filière et des pouvoirs publics de l’impact du règlement REACH sur une filière composée de PME. En effet, au moment des négociations sur ce règlement, le cœur de cible était les industries chimiques. Elles étaient donc particulièrement mobilisées et actives tant auprès des autorités nationales qu’européens.

Les producteurs d’huile essentielle naturelle n’étaient pas assez informés de ses conséquences. Rappelons que le règlement REACH se caractérise par sa technicité et comme l’ont souligné les producteurs au cours des auditions, par un mélange de droit latin et de droit anglo-saxon, difficile à appréhender dans le contexte de l’époque.

Les pouvoirs publics, pour leur part, ont également mal évalué l’impact de REACH sur cette petite filière. Selon les informations fournies au rapporteur, les premières estimations de la Commission européenne tablaient sur un coût de 6 000 à 7 000 euros de mise en conformité au règlement REACH, il a en réalité été de 1,2 million d’euros. Au niveau national, bien que les enjeux pour la filière aient été soulevés, ils n’ont pas été pris en compte correctement. En effet, la filière est très modeste au regard des enjeux de protection du consommateur et de l’environnement dans un marché de 500 millions de consommateurs. En outre, les producteurs étaient, pour l’essentiel, absents des discussions. Les utilisateurs situés en aval de la chaîne de production ont été mieux associés puisque plus habitués à traiter ce type de problématiques.

a.   Requérant une évaluation de leur sécurité chimique, les huiles essentielles ne bénéficient pas des exemptions accordées aux produits naturels dans le règlement REACH

Dans ce contexte, les huiles essentielles ne bénéficient pas des exemptions pour les produits naturels existant dans l’annexe V du règlement REACH. Le guide pour cette annexe explique explicitement que l’exemption prévue à l’entrée 9 « s’applique exclusivement aux graisses végétales et aux huiles végétales mais ne couvre pas les huiles essentielles ».

Ces dernières sont définies comme « des substances hydrophobes de composition complexe, dérivées de plantes, contenant des composés organiques volatiles tels que des alcools, des aldéhydes, des cétones, des phénols, des esters, des éthers et des terpènes, en proportions variables. Ce sont donc des substances chimiques dont l’innocuité pour la santé et l’environnement ne saurait être garantie sans une évaluation au préalable de sa sécurité chimique ».

Pour sa part, en dehors des règlements existants pour certains usages comme la parfumerie, la cosmétique ou encore le phytosanitaire, le règlement CLP est applicable si les huiles essentielles sont mises sur le marché en tant que matière première pour la fabrication d’autres produits.

2.   Une adaptation coûteuse mais réussie grâce au volontarisme des producteurs et au soutien des pouvoirs publics

Pour le dire autrement, l’application du règlement REACH aux huiles essentielles s’est faite de manière collatérale et la prise de conscience collective de son impact sur la filière a été tardive d’autant plus que l’essentiel des producteurs se situe dans la catégorie inférieure à une tonne par entité légale, pour lesquelles le règlement n’entrait en application qu’à partir de 2018. Néanmoins, la mise en conformité de la filière s’est faite avec un certain succès, dont le crédit revient aux producteurs et aux autorités nationales et européennes.

Les producteurs, conscients des enjeux pour la filière de s’adapter à un règlement conçu pour les grands groupes de l’industrie chimique, ont fait preuve d’un volontarisme exemplaire. Ils ont pris l’initiative de solliciter l’organisation de tables rondes régulières entre 2014 et 2018 pour préparer la mise en conformité de la filière. Ces réunions ont permis aux producteurs, aux industriels en aval ainsi qu’aux autorités françaises et européennes de traiter les difficultés auxquelles était confrontée la filière. Lors des auditions, il est ressorti que la bonne volonté des parties prenantes a été clé dans ces échanges. Grâce à ces réunions, des guides fixant des lignes directrices spécifiques pour les huiles essentielles ont pu être publiés par la fédération européenne des huiles essentielles mais aussi pour la parfumerie en accord avec la Commission européenne et l’ECHA.

Parallèlement, dès 2008, le Gouvernement français et les établissements publics, d’abord l'Office national interprofessionnel des plantes à parfum, aromatiques et médicinales (ONIPPAM) puis FranceAgriMer, ont accompagné techniquement et financièrement la filière. L’État a ainsi répondu aux inquiétudes légitimes des producteurs sur les coûts des tests à réaliser. En effet, selon le comité interprofessionnel des huiles essentielles françaises (CIHEF), le coût du dossier d’enregistrement pour les distilleries françaises s’est élevé à 1,2 million d’euros et a nécessité la création d’un équivalent temps plein (ETP) pour accompagner techniquement les agriculteurs ([13]).

Comme le soulignent les représentants des producteurs au rapporteur, la filière des huiles essentielles s’est dans l’ensemble montrée « bonne élève » dans l’application de REACH, ce qui suscite des interrogations sur les raisons de leurs inquiétudes actuelles.

 


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   DEUXIÈME PARTIE : la rÉvision prochaine des rÈglements reach et clp attise les craintes des producteurs

I.   une révision des règlements reach et clp dans la droite lignée du pacte vert européen avec pour objectif protéger le consommateur et l’environnement

Dans le cadre du Pacte vert européen, l’Union européenne s’est fixée pour objectif de devenir le premier continent climatiquement neutre à l’horizon 2050. Pour y arriver, l’Union mobilise tous les secteurs économiques à travers des stratégies ciblées, des feuilles de route, pour chacun d’entre eux. Pour les produits chimiques, la Commission européenne a présenté une stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques en décembre 2020.

La stratégie entend « interdire l'utilisation des produits chimiques les plus nocifs dans les produits de consommation tels que les jouets, les articles de puériculture, les cosmétiques, les détergents, les matériaux en contact avec des denrées alimentaires et les textiles, sauf s'ils se révèlent essentiels pour la société, et de veiller à ce que tous les produits chimiques soient utilisés de manière plus sûre et plus durable » ([14]). Faisant l’objet de nombreux débats et polémiques depuis quelques années, la réglementation sur les perturbateurs endocriniens, avérés et suspectés, est également au centre de cette stratégie. La révision des règlements REACH et CLP, dont les premiers projets de révision seront publiés en fin d’année, entend améliorer la sécurité des produits chimiques tant pour le consommateur que pour l’environnement.

II.   instruits par l’expérience passée, les producteurs craignent une fragilisation de la filière et se mobilisent activement pour peser sur la proposition de rÉvision

A.   Une mobilisation des producteurs très en amont de la publication des propositions de révisions pour peser dans le sens de ces propositions

Instruits par l’expérience de REACH, les producteurs d’huile essentielle, en particulier de lavande, se sont rapidement organisés pour faire connaître les enjeux de ces éventuelles révisions – initialement prévues pour la fin de l’année 2021 - sur leur filière.

Ainsi, à l’été 2021, leur mobilisation a connu un important retentissement médiatique tant au niveau local que national. Toutefois, votre rapporteur souligne que dans cet écho médiatique, peu de médias ont fait l’effort de contextualiser et d’analyser les craintes légitimes des producteurs sur un sujet très technique.

Dans le même temps, leur démarche a trouvé un accueil chaleureux de la part des citoyens. Ainsi, la pétition en ligne ([15]) lancée sur le site change.org par les PPAM de France a recueilli à ce jour 199 326 signatures. Comme l’explique le texte : « En signant cette pétition, exigeons ensemble de la Commission européenne une approche spécifique adaptée aux produits naturels et aux huiles essentielles (…) seule la prise en compte de la complexité des matières premières végétales permettra de garantir la sécurité du consommateur, de l’environnement et la poursuite de ces cultures telles que nous les connaissons aujourd’hui » ([16]).

Ce soutien massif démontre l’attachement grandissant des consommateurs aux produits naturels et à la lavande, une culture historique dont les propriétés curatives et aromatiques ne sont plus à démontrer.

B.   Une réaction rapide et attentive des autorités nationales et européennes cherchant à rassurer les producteurs

Au-delà des clivages partisans, de nombreux élus ont été sensibles à la mobilisation des agriculteurs. En témoignent les différents déplacements des personnalités politiques à tous échelons confondus et de représentants de la Commission européenne dans les sites de production.

Au niveau européen, en septembre dernier, des députés européens du groupe politique Renew ont écrit au commissaire Virginijus Sinkevičius, chargé de l’environnement. Ils appelaient à la prise en considération des spécificités de la filière et plaidaient pour que des mesures appropriées et proportionnées soient prévues dans le cadre des révisions à venir ([17]). Le commissaire y a apporté une réponse écrite en novembre dernier. Il explique que « la Commission s’engage, tout au long de la procédure de révision de ce règlement [CLP], à consulter largement les parties prenantes à tenir compte de la situation particulière des petites entreprises, et a déjà noué un dialogue fructueux avec le secteur des huiles essentielles ».

Dans le même temps, au niveau national, le Parlement et le Gouvernement se sont exprimé sur ce sujet. Au Sénat et à l’Assemblée nationale, de nombreuses questions orales et écrites au Gouvernement se sont succédées à l’automne 2021, la proposition de résolution européenne de Julien Aubert a également été déposée à cette époque.

Le Gouvernement pour sa part a bien identifié les enjeux de cette révision pour la filière. Outre des visites récurrentes dans les zones de production, le Ministre de l’Agriculture a créé un comité interministériel des huiles essentielles en septembre dernier. Présidé par Patrice de Laurens, directeur général de la DRAAF‑PACA, ce comité réunissant les cinq ministères concernés, ainsi que les représentants de la filière a pour objectif d’identifier les enjeux clés et aboutir à une position commune qui sera portée au moment des négociations sur ces révisions.

La volonté commune, au-delà des clivages politiques et à tous les échelons, de soutenir la filière des huiles essentielles françaises est à saluer. 

C.   des craintes légitimes des producteurs au regard du poids de la réglementation sur une petite filière

Les inquiétudes des producteurs portent sur des points particulièrement techniques, au moins quatre d’entre eux sont clairement identifiés.

Concernant le règlement REACH, l’inquiétude principale des producteurs porte sur le renforcement des exigences dans les dossiers d’enregistrement pour les petits volumes de production, c’est-à-dire inférieurs à dix tonnes par an. La grande majorité des distillateurs produisant entre une et dix tonnes par an, ils seraient nombreux à être pleinement concernés.

En effet, la Commission européenne prévoit de fusionner les catégories de volumes de production existant jusqu’à présent. Le niveau d’exigences, c’est-à-dire le nombre et le niveau des tests toxicologiques et écotoxicologiques demandés, seraient les mêmes pour les productions d’une à dix tonnes et de dix à cent tonnes. À la place, trois sous-catégories de substances seraient créées en fonction du niveau de préoccupation (faible, moyen et fort). Il appartiendra aux producteurs et aux industriels de démontrer le niveau de préoccupation qu’engendre leur produit et de passer les tests supplémentaires qui pourraient être requis.

Rappelant le coût financier de l’adaptation à REACH et faisant état des devis qu’elle a demandés sur les possibles tests, la profession s’inquiète de ne pas disposer des fonds nécessaires pour répondre à de nouvelles exigences. Une des pistes de sortie évoquées jusqu’ici serait d’apporter un soutien financier à la filière pour réaliser les éventuels nouveaux tests.

Dans le règlement CLP, la création d’une nouvelle classe de danger soulève des inquiétudes chez les producteurs. S’attaquant à la problématique des perturbateurs endocriniens dans les produits du quotidien, la Commission européenne entend adopter une nouvelle définition du terme. Il se subdiviserait en deux catégories. La première catégorie dite de classe un rassemblerait les perturbateurs endocriniens dangereux ayant un effet néfaste avéré. Trois critères permettraient de le prouver :

-         que la substance ait un effet de perturbateur endocrinien ;

-         que celui-ci soit néfaste pour la santé ;

-         qu’il y ait un lien de causalité entre l’effet perturbateur et les conséquences pour la santé.

La deuxième catégorie pour sa part, regrouperait les perturbateurs suspectés. Les conditions pour intégrer cette catégorie ne sont pour l’heure pas connues. La Commission a cependant précisé qu’un niveau de preuve suffisant pour chacun des trois critères déjà définis pour la catégorie numéro un serait nécessaire pour intégrer la catégorie numéro deux. Néanmoins, en fonction de leur sévérité, la filière des huiles essentielles craint d’être frappée par ricochet. Il faut, selon elle, éviter toute confusion entre les perturbateurs endocriniens et les substances entraînent une activité endocrinienne. Les huiles essentielles se trouvent dans ce dernier cas de figure mais la durée des effets et leur réversibilité montre bien, selon les producteurs, qu’elles ne sont pas des perturbateurs endocriniens.

Bien qu’aucune étude connue à ce jour, n’ait identifié un perturbateur endocrinien dans les huiles essentielles, le manque de tests adaptés à leur caractéristique (ce sont des substances complexes) inquiète la profession. En termes d’affichage, elle craint par-dessus tout la mise en place de pictogrammes pour mettre en garde l’utilisateur qui correspondraient mal au degré de dangerosité des huiles essentielles.

En outre, la profession s’inquiète de possibles nouvelles règles de classification des substances complexes (c’est-à-dire des more than one component substances, MOCS), dont elles font partie. Dès lors, si la Commission européenne décidait de classifier la dangerosité des produits molécule par molécule, cela soulèverait deux problèmes. Tout d’abord, un problème financier de grande ampleur puisque fournir des tests pour tous les composants serait extrêmement coûteux. Selon les devis commandés par la profession, le test pour chaque composant (y compris les plus petits) serait d’environ 1 million d’euros ; or, les huiles essentielles peuvent contenir jusqu’à 600 molécules. Cette méthode molécule par molécule pourrait coûter 1,2 milliard d’euros pour une huile essentielle comme celle de lavande, que les producteurs ne pourront pas financer seuls.

De plus, alors que les études manquent aussi sur ce point, les dernières données indiquent que les effets des huiles essentielles évaluées comme une substance d’ensemble sont différents de la somme de chacune des molécules qui les composent. Dans ce contexte, cette méthode de classification semble particulièrement inadaptée pour l’huile essentielle, ce qui conduit les producteurs à réclamer un traitement différencié si elle venait à être utilisée. Ils aimeraient que les huiles essentielles soient évaluées comme une seule et même substance.


Un dernier projet sur les sensibilisants cutanés dans les mélanges à destination du consommateur, encore au stade exploratoire, mobilise également la filière. Contenant du linalol, une substance potentiellement allergène, l’huile essentielle de lavande pourrait être concernée par ce projet. Or, il serait préjudiciable pour la profession de devoir afficher des pictogrammes restrictifs parce qu’un seul composant sur 600 pourrait avoir, dans certaines conditions, des conséquences allergènes légères. Les représentants des producteurs expliquent sur ce point que la simple annonce qu’un projet soit en cours suffit à décourager les clients actuels et potentiels, soucieux de la sécurité de leur produit et de leur chaîne d’approvisionnement. Paradoxalement ce type d’initiatives aurait donc pour effet de favoriser les produits de synthèse, dont la classification est plus facile et moins coûteuse, au détriment des produits naturels.

 


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   troisième partie : une proposition de rÉsolution pour mettre en avant les possibles difficultÉs d’une telle rÉvision et dÉfendre un produit naturel et local

La proposition de résolution européenne de Julien Aubert visant à sauvegarder la lavandiculture française intervient dans ce contexte d’incertitudes pour les producteurs. Il y propose la création d’une distinction entre l’essence de lavande et l’huile essentielle naturelle. Alors que la première est un produit de synthèse dont la couverture par le règlement REACH ne pose pas de difficulté particulière, l’huile essentielle de lavande naturelle devrait, selon lui, être considérée comme un produit agricole au sens de l’article 38 du TFUE.

Instruit par des échanges constructifs avec les différentes parties prenantes, votre rapporteur adopte une autre vision dans l’objectif de dépasser les difficultés présentes et assainir le débat.

I.   élargir la proposition de résolution à toutes les huiles essentielles et promouvoir une meilleure information sur les révisions de la réglementation européenne

A.   défendre les huiles essentielles dans leur ensemble puisqu’elles font face aux mêmes défis que la filière lavandicole

D’emblée, il semble judicieux d’élargir le cadre de la proposition de résolution pour inclure toutes les huiles essentielles. La lavande constitue le fleuron de la filière par sa qualité, ses caractéristiques et son label AOP. Néanmoins, d’autres plantes à parfum aromatiques et médicinales, à commencer par le lavandin, dont la France est le premier producteur au niveau mondial, sont concernées par la réglementation européenne.

De plus, de la même manière que la lavande dans les zones concernées, les autres plantes comme la sauge sclarée ou le thym participent à l’économie locale et à l’équilibre de l’écosystème. D’autant que les producteurs de lavande cultivent bien souvent d’autres plantes aromatiques avec des volumes moindres. Ils seraient par exemple les premières victimes collatérales si une révision réglementaire venait à inclure les productions en-dessous d’une tonne dans le cadre de REACH.

Dans ce contexte, votre rapporteur inclut toutes les PPAM utilisées pour produire des huiles essentielles. À titre illustratif, la carte ci-dessous présente la richesse et la diversité de plantes à parfum cultivées dans le territoire métropolitain, auxquelles il convient d’ajouter celles cultivées dans les outre-mer. Les auditions ont révélé que les producteurs français d’outre-mer partagent les mêmes inquiétudes que les producteurs de Provence.

B.   promouvoir davantage de pédagogie, de transparence de l’information sur une réglementation complexe mais nécessaire

Parallèlement, au vu de l’impact que peuvent avoir des révisions de grande ampleur, votre rapporteur plaide pour davantage de transparence et de pédagogie sur les réglementations européennes les plus complexes, dont REACH fait résolument partie.

Dans le cas présent, la majorité des producteurs n’ont été concernés par l’application du règlement que pour la dernière phase de déploiement, c’est-à-dire en 2018. Au vu des coûts et des difficultés techniques qu’a impliqué leur mise en conformité, davantage d’informations sur le fondement de la révision ainsi que plus de clarté sur le calendrier de déploiement sont nécessaires pour leur permettre d’anticiper les révisions.

Faute d’une communication large et qualitative sur les mesures envisagées, l’idée même d’une révision peut déstabiliser une filière de cette taille. La France qui, parmi les États membres, se distingue par le poids et la place qu’occupe l’agriculture dans notre pays, devrait en faire une priorité.

II.   rassurer les producteurs sur la prise en compte de la situation particuliÈre de la filiÈre d’huiles essentielles en France

A.   REconnaître les huiles essentielles comme des produits agricoles ne fait pas l’unanimité dans la profession et ne constitue pas une solution de long terme

L’idée d’exclure les huiles essentielles du cadre réglementaire de REACH, n’est pas retenue par votre rapporteur pour diverses raisons. D’une part, si toute la profession estime que l’huile essentielle est un produit naturel, sortir du règlement REACH ne fait pas l’unanimité. Certains défendent que considérer les huiles essentielles comme produits agricoles serait juste et logique puisque les méthodes de production devenues naturelles et traditionnelles sont radicalement différentes de celles qui avaient cours au moment du Traité de Rome. Ils espèrent par là même que la réglementation à laquelle les huiles essentielles seront assujetties sera moins sévère. De l’autre, l’interprofession rappelle que l’adaptation au règlement REACH, bien que coûteuse, a été un succès. La couverture par le règlement permet de rassurer les industries de l’aval et les consommateurs sur la sécurité du produit. Leur demande porte principalement sur la révision à venir et le durcissement de la réglementation dans le futur.

En parallèle, la position des institutions européennes est très claire. Si la lavande en elle-même est considérée comme un produit agricole, il n’en va pas de même pour les huiles essentielles bien qu’elles soient reconnues comme un produit naturel. Tout d’abord parce que la forte concentration de certains composants dont des alcools justifie une évaluation du produit pour assurer sa sécurité chimique. La réglementation européenne trouve donc à s’appliquer et à ce stade, aucune difficulté n’a pas été signalée sur le respect du règlement REACH par les producteurs.

De plus, comme l’a expliqué le Commissaire Thierry Breton aux producteurs, que les huiles essentielles soient reconnues comme des produits agricoles ne change rien à l’application des règlements REACH et CLP. Tout produit commercialisé dans le marché intérieur est soumis aux réglementations en vigueur. Dans le cas des produits chimiques, dont les huiles essentielles font partie, ces deux règlements s’appliquent.

Dès lors, exiger la reconnaissance des huiles essentielles comme un produit agricole apparaît comme une fausse solution qui n’est pas en mesure de répondre aux inquiétudes actuelles des producteurs. C’est pourquoi, votre rapporteur choisit un angle différent qui se focalise sur les problématiques contemporaines.

B.   une différenciation claire et durable entre les petites productions artisanales et la production à but industriel est nécessaire

L’amélioration de la sécurité des produits chimiques pour le consommateur et l’environnement prévue par le pacte vert et la stratégie de durabilité est un objectif louable et salué par toutes les parties prenantes. Néanmoins, au regard du contexte spécifique d’application des règlements REACH et CLP aux huiles essentielles, votre rapporteur suggère des voies de compromis.

Une distinction claire entre les règles applicables aux différents volumes de production est impérative. Ainsi, l’exemption d’application du règlement REACH aux productions inférieures à une tonne par entité légale devrait être pérennisée. Il est clair qu’au vu des coûts financiers et de l’assistance technique nécessaire pour se mettre en conformité avec la réglementation européenne, ces productions à petite échelle ne pourraient y faire face.

De plus, parce qu’elles reposent le plus souvent sur un échange direct et un lien de confiance entre les producteurs et les consommateurs, les flacons d’huile essentielle vendus au détail devrait être exemptés de tout étiquetage de type substance dangereuse, dans le cadre de la révision du règlement CLP. Comme le soulignaient les députés européens dans leur lettre au Commissaire chargé de l’environnement : « la perception des consommateurs sur ces produits pourrait être radicalement modifiée, ce qui entraînerait un fort préjudice économique pour toute la chaîne de production, des agriculteurs aux producteurs finaux » ([18]).

Parallèlement, comme le souhaitent l’ensemble des parties prenantes, l’existence d’une catégorie particulière regroupant les productions allant d’une à dix tonnes par entité légale dans le règlement REACH ne devrait pas être remise en cause. Conscient des différences de volumes et de chiffre d’affaires entre les productions d’une à dix tonnes et de dix à cent tonnes, votre rapporteur plaide pour que la différenciation actuellement en vigueur entre ces catégories soit maintenue ; en effet, la Commission européenne entend fusionner ces deux catégories et augmenter le niveau d’exigence des tests toxicologiques et écotoxicologiques qui leur seront demandés.


Or, de telles mesures pourraient pénaliser 50 % des distilleries françaises. Il serait donc judicieux de prévoir des exemptions pour les producteurs d’une à dix tonnes sur les nouvelles exigences envisagées. De la même manière, des clarifications sur le niveau d’exigence imposé aux trois sous-catégories de préoccupation annoncées (faible, moyenne et forte) seraient bienvenues.

Dans l’ensemble, parce que les huiles essentielles sont des produits naturels qui ne constituent pas le cœur de cible du règlement REACH, des mesures transitoires, échelonnées et adaptées à la filière semblent indispensables pour les révisions envisagées. La préservation de cette filière française d’excellence en dépend.

 


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   Conclusion

Ainsi, dans la perspective d’une révision des règlements REACH et CLP, la sauvegarde de la filière des plantes à parfum, dont la production des huiles essentielles est un débouché clé, doit être une priorité.

Alors que la réglementation européenne vise en première instance les substances chimiques, les huiles essentielles sont également couvertes par les règlements REACH et CLP. Ces derniers sont techniques et leur niveau d’exigence s’est progressivement renforcé. Le règlement REACH, en particulier, a représenté un défi d’adaptation pour la filière PPAM. Néanmoins, grâce au volontarisme des producteurs ainsi qu’au soutien et à la coopération des autorités nationales et européennes, la mise en conformité des huiles essentielles a été un succès en 2018.

Quatre ans après l’entrée en vigueur du règlement pour la filière, une première révision des règlements REACH et CLP se prépare dans le cadre du pacte vert européen et de la stratégie européenne de durabilité des produits chimiques. Au vu des coûts financiers et des difficultés techniques rencontrés précédemment, la filière des PPAM s’est d’ores et déjà mobilisé pour faire connaître les difficultés que pourrait poser cette révision.

Comptant sur la solidarité des consommateurs et l’attention des médias, la mobilisation des producteurs a bien été prise en compte par les pouvoirs publics. La création d’un comité interministériel sur les huiles essentielles au niveau national pour préparer la révision réglementaire démontre l’intérêt et l’attachement du Gouvernement à la préservation de cette filière emblématique des huiles essentielles. De la même manière, la Commission européenne s’est montrée disponible et ouverte au dialogue avec les producteurs alors que les deux règlements sont encore en préparation.

Cependant, la place spécifique des huiles essentielles dans un règlement consacré aux produits chimiques justifie l’inquiétude des producteurs quant à une évolution de la réglementation. Afin de clarifier leurs attentes et assainir le débat, votre rapporteur a procédé à différentes auditions pour être en mesure d’éclairer la problématique.

Il en ressort le besoin de distinguer les productions de moins d’une tonne de celles allant jusqu’à dix et cent tonnes, en vue de cette révision. La situation actuelle des petites productions exclues du cadre réglementaire de REACH doit, en effet, être préservée. Le renforcement de la réglementation et le niveau d’exigence qui sera attendu pour les productions d’une à dix tonnes et de dix à cent tonnes méritent d’être clarifiés.

La présente proposition de résolution européenne entend contribuer à une meilleure information et une plus grande transparence des mesures envisagées car la sauvegarde de la filière des plantes à parfum aromatiques et médicinales, qui caractérise notre pays et en particulier les régions du sud de la France, est une nécessité.


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   EXAMEN EN COMMISSION

La Commission s’est réunie le mercredi 23 février 2022, sous la présidence de Mme Sabine Thillaye, Présidente, pour examiner la présente proposition de résolution européenne.

M. Adrien Morenas, rapporteur. La thématique de la PPRE concerne l’avenir de la filière française des PPAM, autrement dit des plantes à parfum aromatiques et médicinales. Plus précisément, il s’agit de la production d’huiles essentielles, un des principaux débouchés de la filière.

Le marché des huiles essentielles est florissant : au niveau international, il représente 24 milliards d’euros. Grâce à sa filière PPAM de grande qualité, la lavande fine française bénéficie de sa propre AOP et, en 2018, l’exportation de PPAM a rapporté près de 1,4 milliard d’euros à la France, dont 1,3 milliard grâce à l’huile essentielle.

Dans sa PPRE, Julien Aubert se concentrait sur le cas de la lavande, fleuron de cette filière. En effet, la France est le premier producteur de lavandin au monde et le deuxième producteur de lavande, derrière la Bulgarie. En Provence, l’économie locale repose en grande partie sur la culture de la lavande, qui génère 9 000 emplois directs et 17 000 emplois indirects.

Par ailleurs, dans le Sud de la France, la lavande est souvent la seule production possible pour les agriculteurs vivants sur les plateaux secs et non-irrigables. Emblème de la région, la lavande est aussi un atout précieux, tant en termes économiques qu’écologiques, qu’il est primordial de préserver.

Dans mon rapport, j’ai souhaité élargir la proposition de Julien Aubert à toutes les PPAM parce qu’elles sont toutes soumises à la même réglementation européenne : le règlement relatif à l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des produits chimiques (REACH). Combiné avec le règlement relatif à la classification, à l'étiquetage et à l'emballage des substances et des mélanges (CLP), ce règlement REACH concerne les huiles essentielles, qui sont considérées comme « des substances hydrophobes de composition complexe, dérivées de plantes, contenant des composés organiques volatiles tels que des alcools […] en proportions variables », « dont l’innocuité pour la santé et l’environnement ne saurait être garantie sans une évaluation au préalable de la sécurité chimique ».

Entré en vigueur pour la majorité des distillateurs en 2018, il est désormais question, dans le cadre du Pacte vert européen, de le réviser à l’horizon 2025. Or, les producteurs de lavande sont très inquiets et se sont ainsi vivement mobilisés. Le Gouvernement s’est montré à l’écoute, le ministre de l’Agriculture suit d’ailleurs ce dossier activement et s’est rendu plusieurs fois sur place. Il a également créé un comité interministériel pour les huiles essentielles, qui constitue une instance de dialogue utile pour les producteurs et les ministères concernés.

Pour autant, l’inquiétude des producteurs a plusieurs fondements. En premier lieu, la mise en conformité de la filière PPAM au règlement REACH a déjà coûté 1,2 million d’euros et n’a pu se faire que grâce au volontarisme des producteurs ainsi qu’au soutien financier et logistique de l’État et des établissements publics comme FranceAgriMer.

Or, moins de quatre ans après l’entrée en vigueur de ce règlement pour la plupart des producteurs, il est déjà prévu de renforcer la réglementation pour une vaste majorité d’entre eux. Ainsi, deux problèmes se posent :

En premier lieu, les huiles essentielles sont des substances complexes. Par exemple, l’huile essentielle de lavande contient 600 molécules, alors que dans le même temps un produit de synthèse peut n’en contenir qu’une. La Commission européenne, en envisageant d’utiliser une méthode de classification molécule par molécule, mettrait donc en place une procédure inadaptée à des substances aussi complexes que les huiles essentielles.

En outre, cette procédure engendrerait d’importants coûts (de tests notamment) que la filière des PPAM ne pourrait supporter seule. En effet, les devis demandés par les producteurs montrent que cela pourrait s’élever à 1,2 milliard d’euros.

Dans le même temps, la Commission européenne prévoit de renforcer le règlement CLP sur la classification et l’étiquetage, en particulier concernant les perturbateurs endocriniens. Deux classes de produits seront créées : la classe 1 pour les perturbateurs dangereux ayant un effet néfaste avéré et la classe 2 pour les perturbateurs suspectés. Si les critères pour intégrer la deuxième catégorie sont encore mal connus, la filière craint d’être frappée par ricochet.

Il faut donc éviter toute confusion entre les perturbateurs endocriniens et les substances entraînant une activité endocrinienne. Les huiles essentielles se trouvent dans ce dernier cas de figure mais la durée des effets et leur réversibilité montrent qu’elles ne sont pas des perturbateurs endocriniens.

Que l’Union européenne envisage de durcir la réglementation sur les produits chimiques pour améliorer la sécurité du consommateur et de l’environnement est une très bonne nouvelle. Néanmoins, parce qu’elles sont couvertes par la même réglementation, les huiles essentielles pourraient être concernées. Par cette proposition de résolution, nous plaidons pour que les spécificités de ces produits naturels soient mieux prises en compte.

Si dans la version initiale, notre collègue Julien Aubert recommande de considérer les huiles essentielles comme un produit agricole et ainsi de les exclure du règlement REACH, la proposition actuelle met en avant une autre approche. Considérer les huiles essentielles comme des produits agricoles ne change pas puisque la réglementation européenne s’applique dès qu’un produit est commercialisé dans le marché intérieur.

Dans le même temps, exclure les huiles essentielles du règlement REACH n’est pas une solution à long terme. En effet, les producteurs n’y sont pas tous favorables. Ils ont fait l’effort de s’adapter à ce règlement dont ils connaissent maintenant le processus et ne demandent pas nécessairement à en sortir.

Ainsi, il s’agit d’établir une distinction claire entre les petits producteurs et les productions à des fins industrielles. Les petits producteurs, qui ne sont pas concernés par le règlement REACH, doivent rester dans ce cas de figure. De même, le commerce au détail d’huiles essentielles doit être exempté de la révision du règlement CLP.

Pour les productions à des fins industrielles, couvertes par le règlement REACH, il est proposé qu’ils soient également exemptés des nouvelles exigences techniques. Les coûts financiers engendrés par ces nouvelles exigences sont trop élevés par rapport à ce que peut supporter une petite filière, comme celle des PPAM. En outre, la PPRE demande des clarifications sur la classification des perturbateurs endocriniens, afin que la filière puisse se préparer en amont.

En tout état de cause, l’Union européenne et le Gouvernement devraient prévoir des mesures transitoires, échelonnées et adaptées en vue des révisions des règlements REACH et CLP.

 

L’exposé du rapporteur a été suivi d’un débat.

 

M. Julien Aubert. D’un point de vue politique, je suis satisfait que le cas de la lavandiculture ait pu être inclus dans l’agenda de la présidence française de l’Union. En effet, j’espère que le Gouvernement français fera usage de l’influence que lui octroie la présidence pour apporter une solution définitive à cette problématique.

Le choix d’élargir la PPRE de la lavande aux PPAM me paraît contestable parce que la lavande demeure un cas à part. Aujourd’hui, la lavande française est concurrencée par celle provenant de Bulgarie, de sorte que si les négociations européennes aboutissent à étouffer la filière française, contrairement à d’autres plantes à parfum, celle-ci disparaîtra.

Le point principal de la PPRE est de traiter différemment l’huile essentielle de lavande, qui n’est pas un produit chimique. Les grands producteurs de lavande ont intérêt à mettre en avant leur adaptation au règlement REACH, pour justifier leur volonté de ne pas revenir en arrière. En revanche, les plus petits jusqu’ici exemptés ne souhaitent pas être absorbés par ce règlement, tout l’enjeu étant alors de savoir comment les protéger au mieux.

En espérant obtenir des négociations européennes que cette situation soit pérennisée, je crains que la parole de la Commission européenne en 2022 soit étouffée en 2026, en 2030 ou même en 2035. En effet, dès le départ, il y a une erreur dans la conception du règlement REACH.

Les huiles essentielles sont définies comme des substances chimiques par ce règlement, alors même qu’elles ne peuvent pas l’être. Par définition, une substance chimique est une substance manufacturée ou produite par l’homme. Cependant, s’agissant des huiles essentielles, le distillateur ne produit rien : l’huile essentielle est produite par la plante !

Analyser une huile essentielle molécule par molécule, autrement dit de la même manière qu’un produit chimique, est une erreur de logique. Une huile essentielle est un tout et il est impossible de dissocier les molécules dans une huile essentielle qui peut en contenir jusqu’à 600.

De la même manière, des chiffres intéressants sont mis en lumière par ce rapport, démontrant que l’appréhension du coût réel de l’adaptation bureaucratique a été mal envisagée dès le départ.

Pourquoi la filière s’est-elle adaptée à REACH et pourquoi faut-il en sortir ? Parce que de mon point de vue, la maintenir dans le cadre des produits chimiques ne la protègera pas des futurs durcissements en matière de régulation. La situation actuelle est très coûteuse pour les petits producteurs et elle sera amenée à s’empirer si nous relâchons la pression.

En outre, Thierry Breton indique dans sa réponse aux producteurs que REACH ne s’applique pas aux produits agricoles. Cela est vrai mais considérer les produits issus de la lavandiculture comme des produits agricoles serait un tremplin pour obtenir un traitement particulier sur la durée. Il faut faire la distinction entre produits de synthèse et produits artisanaux, qui nécessitent des méthodes de production bien spécifiques, comme l’extraction à froid. Il y a aussi une distinction à faire sur les risques sanitaires. Les produits chimiques créés par l’homme sont à l’origine de tels problèmes, tandis que la filière artisanale a fait des efforts importants sur les effets allergènes ou irritants de ses produits.

Si la politique de la Commission européenne en la matière n’évolue pas, les petits producteurs, qui fabriquent de l’huile essentielle de bonne qualité, finiront par périr. Ils ne pourront pas faire face aux grandes entreprises qui elles, ont de grands moyens et le pouvoir d’exercer du lobbying auprès de la Commission. Selon moi, pour qu’il y ait justice, nous nous devons de traiter deux choses différentes de manière différente.

Mme Nicole le Peih. Nous savons l’importance de la lavandiculture dans nos régions, en particulier dans le quart sud-est de la France. Outre son poids économique, cette filière revêt une importance culturelle et touristique. Le label AOC reconnaît en outre toute cette richesse de nos territoires locaux.

Au nom de mon groupe, je voudrais rappeler l’importance de la culture de la lavande et plus globalement de la filière des plantes à parfum aromatiques et médicinales. En effet, plusieurs milliers d’exploitations et autant d’emplois induits sont en jeu.

Face aux enjeux de la réglementation, la proposition de résolution que nous examinons aujourd’hui se concentre dans sa version initiale sur la classification des huiles essentielles de lavande, préconisant de les faire passer de la catégorie « produits chimiques » à celle de « produit agricole ». Or, si l’intention de préserver cette filière est judicieuse, la solution avancée ici imposerait de modifier la définition de produit agricole au sens du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Cela nécessiterait une révision des traités européens. C’est pourquoi cette proposition n’est ni réaliste, ni réellement opérable. Nous devons donc travailler sur les modalités de contrôle des toxicités afin de protéger les producteurs et s’assurer que les nouveaux critères répondant aux exigences de santé publique n’engendrent pas un surcoût économique exorbitant.

Le travail du Gouvernement, en partenariat avec les acteurs de la filière, a déjà permis de faire évoluer le projet de la Commission européenne. Ainsi, la nécessité d’apporter des preuves scientifiques concernant les trois critères permettant de qualifier une substance de perturbateur endocrinien a été intégrée. Cela constitue une première victoire mais nous devons poursuivre le travail de protection de la filière en apportant des solutions précises et adaptées.

La Commission a elle-même confirmé qu’il n’y aurait pas de proposition avant fin 2022. Nous avons donc le temps d’entamer un travail de réflexion approfondi sur la réglementation afin de s’assurer qu’elle reste cohérente avec la réalité du terrain. Notre groupe soutient la réécriture de cette PPRE proposée par le rapporteur afin d’ouvrir des pistes de réflexion concernant le travail juridique à poursuivre. Cela nous permettra d’adapter la réglementation européenne aux enjeux de la transition écologique, tout en veillant à protéger nos producteurs.

À cet égard, sur quels aspects du contrôle vous paraît-il nécessaire de se concentrer afin de trouver un juste compromis, protecteur de la filière et en conformité avec les enjeux sanitaires ?

Mme Frédérique Dumas. Je soutiens l’approche de mon collègue Julien Aubert selon laquelle l’enjeu réside dans la classification de l’huile essentielle. Si nous souhaitons protéger notre filière, il est nécessaire de revenir aux fondamentaux et expliquer clairement notre démarche.

Mme Marietta Karamanli. Je partage la même préoccupation que mes collègues. Les huiles essentielles ne sont pas des produits chimiques. Nous devons davantage insister sur ce point pour que cela soit le plus clair possible.

M. Adrien Morenas, rapporteur. Aujourd’hui en France, 150 producteurs fabriquent environ 84 tonnes d’huile essentielle de lavande. Par un calcul simple consistant à diviser 84 par 150 il apparaît que de nombreux producteurs ne sont pas concernés par le règlement REACH. La grande majorité est en dessous de la tonne de production. Concernant les activités de vente d’huiles essentielles, d’aromathérapie ou d’autres activités médicinales, nous souhaitons que le seuil de 0,1 tonne ne rentre pas dans la réglementation REACH.

La PPRE de notre collègue Julien Aubert a le mérite d’ouvrir la voie à ces discussions, malgré le peu de temps qu’il nous reste. Les activités sont concentrées dans la région Sud. La Bulgarie est également soumise à REACH, il est donc difficile de parler de distorsion de la concurrence. En revanche, nos procédés sont protégés par le label AOC, ce qui offre une garantie pour la reconnaissance de notre savoir-faire.

Article unique

Amendement n 1 de M. Adrien Morenas.

M. Adrien Morenas, rapporteur. En souscrivant pleinement à l’objectif initial de la PPRE de Julien Aubert, pour la préservation de la lavandiculture, cet amendement propose néanmoins une nouvelle rédaction. Je suggère d’emblée que la PPRE couvre toutes les plantes à parfums et non pas seulement la lavande. Elles sont toutes dans le même cas de figure, certaines d’entre elles représentant même un revenu bien inférieur. La révision de réglementation ajouterait des difficultés.

Ensuite, considérant les efforts faits par les producteurs d’une à dix tonnes pour s’adapter à REACH, je suggère qu’ils restent dans le cadre réglementaire, comme ils le souhaitent par ailleurs.

Néanmoins, nous demandons des clarifications sur les révisions à venir et leur implication sur les producteurs, concernant notamment les perturbateurs endocriniens. Nous suggérons d’exempter les producteurs de 1 à 10 tonnes de nouveaux tests toxicologiques et écotoxicologiques, une mesure envisagée par la commission européenne. Concernant les petits producteurs de moins d’une tonne qui ne sont pas couverts par REACH, nous demandons à ce qu’ils en demeurent préservés. Les flacons d’huiles essentielles vendus au détail ne doivent pas être concernés par les nouvelles exigences.

À mon sens, cette réécriture est la meilleure façon de soutenir les petits producteurs et cette petite filière, tout en maintenant une grande sécurité pour le consommateur et l’environnement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement n° 1 de M. Adrien Morenas.

M. Adrien Morenas, rapporteur. Cet amendement a pour but de faire correspondre le titre à l’esprit de la réécriture en l’élargissant à toutes les plantes à parfum aromatiques et médicinales.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article unique ainsi modifié.

L’ensemble de la proposition de résolution européenne est adopté.

 

 

 

 


1

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE INITIALE

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88‑4 de la Constitution,

Vu l’article 151‑5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 38 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Considérant les avantages en termes économique procurés par la filière de production de lavande et d’huile essentielle de lavande à notre pays ;

Considérant le caractère patrimonial que revêt la culture de la lavande en Provence ;

Considérant l’attrait touristique que la culture de la lavande génère ;

Considérant les propriétés et l’évolution du processus de fabrication de l’huile essentielle de lavande ;

Considérant que la distinction entre huile essentielle et essence est reconnue par la nomenclature internationale des ingrédients cosmétiques ;

Considérant le péril sur toute une filière de production que pourrait entraîner un accroissement des contraintes règlementaires sur la production d’huile essentielle de lavande, considérée comme un produit chimique ;

Invite le Gouvernement à engager des négociations avec les membres du Conseil européen afin que l’huile essentielle de lavande, en tant que produit issu de la plante extrait par un processus d’entraînement à la vapeur d’eau, soit classée dans la catégorie « produits agricoles » au sens de l’article 38 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

Suggère de conserver l’essence de lavande, entendue comme un mélange synthétisé chimiquement par l’homme pour reproduire la senteur de lavande, à l’exclusion des propriétés thérapeutiques de l’huile essentielle, dans la catégorie des produits chimiques.

 

 


1

   AMENDEMENTS EXAMINÉS PAR LA COMMISSION

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

21 FEVRIER 2022


Proposition de Résolution Européenne
sur la sauvegarde de la lavandiculture française (N°4611)

 

AMENDEMENT

No 1

 

présenté par

M. Adrien MORENAS, rapporteur

----------

 

ARTICLE UNIQUE

 

Rédiger ainsi cet article :

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 38 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le règlement (CE) no 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), et instituant une agence européenne des produits chimiques,

Vu le règlement (CE) no 1272/2008 – classification, emballage et étiquetage des substances et des mélanges (législation CLP),

Vu le Pacte vert européen,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques « Vers un environnement exempt de substances toxiques »,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur « la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques : il est temps d’agir »,

Considérant la contribution de la production de lavande et d’huile essentielle de lavande et au-delà celle de l’ensemble des plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM) à l’économie locale en termes d’emploi et de croissance;

Considérant le caractère patrimonial et l’attrait touristique que revêt la culture de la lavande en Provence ;

Considérant que la filière des huiles essentielles en France est principalement composée de petites et moyennes entreprises qui ne peuvent assumer seules les coûts d’adaptation à une nouvelle réglementation ;

Considérant que la lavandiculture française, qui se distingue par la qualité de ses produits, fait face à une augmentation de la concurrence internationale ;

Considérant que l’huile essentielle de lavande, comme les autres huiles essentielles, a su trouver sa place et s’adapter au règlement REACH avec le soutien des pouvoirs publics ;

Considérant que pour la majorité des producteurs d’huile essentielle, l’application du règlement REACH à leur production date de 2018 et que la prochaine révision prendrait effet en 2025, soit moins de dix ans plus tard ;

Considérant que l’adaptation de la filière des huiles essentielles au règlement REACH a coûté 1,2 millions d’euros et n’a pu se faire qu’avec le soutien des pouvoirs publics ;

Considérant que les huiles essentielles sont un produit naturel dont la couverture par le règlement REACH se justifie au regard de la complexité de ces substances et les multiples usages possibles ;

Considération que le volume moyen de production des exploitations ne dépasse pas une tonne et que les productions d’huiles essentielles en dessous d’une tonne ne sont pas concernées par le règlement REACH ;

Considérant les risques pour la filière de production que pourrait entraîner un accroissement des contraintes règlementaires sur la production d’huile essentielle de lavande ;

Se félicite de l’adoption du Pacte vert et de la stratégie européenne de durabilité des produits chimiques tendant à améliorer la sécurité des produits chimiques pour les consommateurs et l’environnement ;

Salue la décision du Gouvernement de créer un comité interministériel pour la sauvegarde des huiles essentielles qui réunit les parties prenantes du sujet et doit permettre de clarifier leurs attentes en vue de la future révision du règlement REACH ;

Invite la Commission européenne et les Gouvernements nationaux à informer le plus rapidement possible les groupements professionnels lorsque des révisions de la réglementation européenne sont de nature à engendrer des coûts susceptibles de déstabiliser une filière de production ;

Suggère que, dans le cadre de la révision du règlement portant sur la classification, emballage et étiquetage des substances et des mélanges (CLP), le non étiquetage des flacons d’huile essentielle vendus au détail soit garanti ;

Suggère que l’exemption d’application du règlement REACH pour les productions de moins d’une tonne par entité légale soit préservée ;

Invite l’Union européenne à ne pas remettre en cause dans le règlement REACH l’existence d’une catégorie particulière de production d’une à dix tonnes par entité légale et sous cette condition à ne pas exclure les huiles essentielles de l’application du règlement REACH,

Invite l’Union européenne dans ces conditions à maintenir l’existence de deux catégories distinctions pour les productions d’une à dix tonnes et de dix à cent tonnes,

Demande à ce que les producteurs appartenant à la catégorie des productions d’une à dix tonnes d’huile essentielle par entité légale soient exemptés des nouvelles exigences envisagées dans le cadre de la révision du règlement REACH ;

Invite l’Union européenne à clarifier les niveaux d’exigences imposés aux trois sous-catégories de substances à faibles préoccupation, à préoccupation moyenne et à préoccupation forte qui seraient créées dans le cadre de la révision du règlement REACH ;

Invite l’Union européenne et le Gouvernement français à mettre en place des mesures transitoires, échelonnées et adaptées à la filière des huiles essentielles françaises dans le cadre d’une révision des règlements REACH et CLP.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Souscrivant pleinement à l’intérêt de préserver la lavandiculture française et la production des huiles essentielles en France, cet amendement s’appuie sur la proposition de résolution initiale de M. Julien Aubert, dont il propose une nouvelle rédaction. Nourrie par les travaux et nombreuses auditions réalisés, cette rédaction vise à élargir la proposition de résolution européenne à toute la filière française des plantes à parfum et aromatiques (PPAM). Elle entend également préciser et clarifier les inquiétudes légitimes des producteurs vis-à-vis de la révision du règlement REACH.

En effet, ce n’est que grâce au volontarisme des producteurs, soutenus techniquement et financièrement par les pouvoirs publics, que la filière a pu se mettre en conformité avec la réglementation européenne. Il semble donc peu pertinent et disproportionné de demander une nouvelle adaptation à la filière seulement quatre ans après l’entrée en vigueur de REACH.

 

 

 

Cet amendement est adopté.

 


1

COMMISSION DES AFFAIRES EUROPÉENNES

21 Février 2022


Proposition de Résolution Européenne
sur la sauvegarde de la lavandiculture française (N°4611)

 

AMENDEMENT

No 2

 

présenté par

M. Adrien MORENAS, rapporteur

----------

 

ARTICLE UNIQUE

 

Au titre de la proposition de résolution européenne, substituer aux mots « lavandiculture française » les mots « filière française des plantes à parfum aromatiques et médicinales ».

 

 

EXPOSÉ SOMMAIRE

L’ensemble des huiles essentielles issues des plantes à parfum aromatiques et médicinales étant soumis au même cadre réglementaire européen que la filière lavandicole, cet amendement élargit l’objet de la proposition de résolution pour inclure toutes les plantes à parfum aromatiques et médicinales.

 

 

 

 

 

 

Cet amendement est adopté.

 


1

   PROPOSITION DE RÉSOLUTION ADOPTÉE PAR LA COMMISSION

 

Article unique

L’Assemblée nationale,

Vu l’article 88-4 de la Constitution,

Vu l’article 151-5 du Règlement de l’Assemblée nationale,

Vu l’article 38 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne,

Vu le règlement (CE) no 1907/2006 concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), et instituant une agence européenne des produits chimiques,

Vu le règlement (CE) no 1272/2008 – classification, emballage et étiquetage des substances et des mélanges (législation CLP),

Vu le Pacte vert européen,

Vu la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions sur une stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques « Vers un environnement exempt de substances toxiques »,

Vu les conclusions du Conseil de l’Union européenne sur « la stratégie pour la durabilité dans le domaine des produits chimiques : il est temps d’agir »,

Considérant la contribution de la production de lavande et d’huile essentielle de lavande et au-delà celle de l’ensemble des plantes à parfum aromatiques et médicinales (PPAM) à l’économie locale en termes d’emploi et de croissance;


Considérant le caractère patrimonial et l’attrait touristique que revêt la culture de la lavande en Provence ;

Considérant que la filière des huiles essentielles en France est principalement composée de petites et moyennes entreprises qui ne peuvent assumer seules les coûts d’adaptation à une nouvelle réglementation ;

Considérant que la lavandiculture française, qui se distingue par la qualité de ses produits, fait face à une augmentation de la concurrence internationale ;

Considérant que l’huile essentielle de lavande, comme les autres huiles essentielles, a su trouver sa place et s’adapter au règlement REACH avec le soutien des pouvoirs publics ;

Considérant que pour la majorité des producteurs d’huile essentielle, l’application du règlement REACH à leur production date de 2018 et que la prochaine révision prendrait effet en 2025, soit moins de dix ans plus tard ;

Considérant que l’adaptation de la filière des huiles essentielles au règlement REACH a coûté 1,2 millions d’euros et n’a pu se faire qu’avec le soutien des pouvoirs publics ;

Considérant que les huiles essentielles sont un produit naturel dont la couverture par le règlement REACH se justifie au regard de la complexité de ces substances et les multiples usages possibles ;

Considération que le volume moyen de production des exploitations ne dépasse pas une tonne et que les productions d’huiles essentielles en dessous d’une tonne ne sont pas concernées par le règlement REACH ;

Considérant les risques pour la filière de production que pourrait entraîner un accroissement des contraintes règlementaires sur la production d’huile essentielle de lavande ;

Se félicite de l’adoption du Pacte vert et de la stratégie européenne de durabilité des produits chimiques tendant à améliorer la sécurité des produits chimiques pour les consommateurs et l’environnement ;

Salue la décision du Gouvernement de créer un comité interministériel pour la sauvegarde des huiles essentielles qui réunit les parties prenantes du sujet et doit permettre de clarifier leurs attentes en vue de la future révision du règlement REACH ;

Invite la Commission européenne et les Gouvernements nationaux à informer le plus rapidement possible les groupements professionnels lorsque des révisions de la réglementation européenne sont de nature à engendrer des coûts susceptibles de déstabiliser une filière de production ;

Suggère que, dans le cadre de la révision du règlement portant sur la classification, emballage et étiquetage des substances et des mélanges (CLP), le non étiquetage des flacons d’huile essentielle vendus au détail soit garanti ;

Suggère que l’exemption d’application du règlement REACH pour les productions de moins d’une tonne par entité légale soit préservée ;

Invite l’Union européenne à ne pas remettre en cause dans le règlement REACH l’existence d’une catégorie particulière de production d’une à dix tonnes par entité légale et sous cette condition à ne pas exclure les huiles essentielles de l’application du règlement REACH,

Invite l’Union européenne dans ces conditions à maintenir l’existence de deux catégories distinctions pour les productions d’une à dix tonnes et de dix à cent tonnes,

Demande à ce que les producteurs appartenant à la catégorie des productions d’une à dix tonnes d’huile essentielle par entité légale soient exemptés des nouvelles exigences envisagées dans le cadre de la révision du règlement REACH ;

Invite l’Union européenne à clarifier les niveaux d’exigences imposés aux trois sous-catégories de substances à faibles préoccupation, à préoccupation moyenne et à préoccupation forte qui seraient créées dans le cadre de la révision du règlement REACH ;

Invite l’Union européenne et le Gouvernement français à mettre en place des mesures transitoires, échelonnées et adaptées à la filière des huiles essentielles françaises dans le cadre d’une révision des règlements REACH et CLP.

 


([1]) Selon les données de la chambre d’agriculture de la région PACA.  

([2]) Selon les informations fournies par les représentants de la filière PPAM.  

([3])  Selon les informations fournies par la Direction régionale de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF) de la région PACA.

([4])  Selon le Dauphiné, « Un nouveau comité interministériel “huiles essentielles” pour rassurer les acteurs de la lavande », 9 septembre 2021. Disponible en ligne : https://www.ledauphine.com/economie/2021/09/09/un-nouveau-comite-interministeriel-huiles-essentielles-pour-rassurer-les-acteurs-de-la-lavande

([5]) Idem

([6])  Selon les informations fournies par la DRAAF-PACA.

([7]) Idem

([8])  Selon les données de l’association des producteurs d’appellation d’origine protégée huile essentielle de lavande de Haute-Provence (APAL) dans un courrier adressé au Ministre de l’Agriculture en 2013. Disponible en ligne : https://www.lavande-aop.fr/sites/default/files/documents-a-consulter/dossier-reach.pdf

([9]) France 3 Auvergne-Rhône-Alpes, « Drôme : l'Europe va-t-elle tuer la lavande, le thym et le romarin ? », 27 juillet 2021. Disponible en ligne : https://france3-regions.francetvinfo.fr/auvergne-rhone-alpes/drome/drome-l-europe-va-t-elle-tuer-la-lavande-le-thym-et-le-romarin-2194015.html

([10])  Selon la société américaine, Market Research Reports, spécialisée dans les études de marché tel que rapporté par Libération, « Arômes : sous la menace de l’UE, l’huile essentielles sur le feu ». Disponible en ligne :https://www.liberation.fr/lifestyle/lhuile-essentielle-sur-le-feu-20210925_M6YBL2KSN5BS5ENFB3SI3HHX6U/

([11]) Selon les données d’Agra presse, « PPAM : des productions souvent méconnues », 25 mars 2021. Disponible en ligne : https://www.agra.fr/agra-presse/ppam-des-productions-souvent-meconnues

([12])  Selon la définition qu’en donne la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), responsable des règles d'information des consommateurs et de loyauté des produits mis sur le marché.

([13])  À ce montant s’ajoutent les investissements réalisés par les entreprises situées à l’aval de la chaîne de production qui ont, elles aussi, dû se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation.

([14]) Commission européenne, communiqué de presse, « Pacte vert: la Commission adopte une nouvelle stratégie dans le domaine des produits chimiques, vers un environnement exempt de substances toxiques », 14 décembre 2020. Disponible en ligne : https://ec.europa.eu/commission/presscorner/detail/fr/ip_20_1839

([15]) Disponible en ligne : https://www.change.org/p/commission-europ%C3%A9enne-p%C3%A9tition-contre-la-disparition-des-huiles-essentielles-et-des-produits-naturels-2?use_react=false&v2=false  

([16]) Idem.

([17])  Disponible en ligne : https://sylviebrunet.eu/posts/7K4B3tGyCb88xtmAgFH57T/des-eurodeputes-renaissance-se-mobilisent-pour-defendre-la-production-francaise-de-lavande

([18])  Disponible en ligne : https://sylviebrunet.eu/posts/7K4B3tGyCb88xtmAgFH57T/des-eurodeputes-renaissance-se-mobilisent-pour-defendre-la-production-francaise-de-lavande