N° 14

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 juillet 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,
SUR LE PROJET DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,

 

maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire
en matière de lutte contre la covid-19 (n° 9)

PAR Mme Caroline ABADIE

Députée

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Voir le numéro :  9


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SOMMAIRE

 

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Pages

avant-propos...............................................5

EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er  (art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19

Article 2 Prorogation du contrôle sanitaire applicable  aux déplacements extra-hexagonaux

Article 3 (nouveau) Rapport sur la définition d’un cadre pérenne de réponse  aux menaces, crises ou catastrophes sanitaires

Article 4 (nouveau) Rapport sur les mesures prises par le Gouvernement  aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19

COMPTE-RENDUS DES DÉBATS

1. Audition de M. François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention et discussion générale (réunion du mardi 5 juillet 2022 à 15 heures 30)

2. Examen des articles du projet de loi (réunion du mercredi 6 juillet 2022 à 9 heures)

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Mesdames, Messieurs,

Le 1er août 2022 marquera une date importante : pour la première fois depuis plus de deux ans, il n’y aura plus de régime juridique exorbitant du droit commun en vigueur pour faire face à l’épidémie de covid-19. À cette date expireront en effet le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire et le régime de gestion de la crise sanitaire en vigueur sur le fondement de la loi du 31 mai 2021.

Le contexte sanitaire fragile, qui nous rappelle que le virus n’a pas disparu, impose cependant de maintenir deux outils indispensables à la protection des Français et à lutte contre la circulation épidémique. Tel est l’objet du présent projet de loi et des deux articles qu’il contenait à son dépôt.

L’article 1er proroge la mise en œuvre des systèmes d’information SI-DEP et Contact-Covid sous les conditions et garanties actuellement en vigueur. Ces deux systèmes d’information sont indispensables pour assurer le suivi et l’accompagnement des personnes infectées et de leurs cas contacts ainsi que le traçage de ces derniers.

L’article 2 proroge le certificat sanitaire applicable aux déplacements extra-hexagonaux. Cette mesure poursuit un double objectif, celui de protéger, avec un outil réactif et efficace, le territoire national des situations de résurgence épidémique à l’étranger et de l’apparition de nouveaux variants et, au sein du territoire national, les territoires qui sont les plus vulnérables face à l’épidémie.

La commission des Lois, appelée à inaugurer la XVIème législature avec l’examen de ce projet de loi, est parvenu à un consensus pleinement satisfaisant pour approuver cette double prorogation tout en avançant son échéance du 31 mars au 31 janvier 2023. Elle a également introduit deux articles additionnels renforçant l’information du Parlement durant cette période.

 

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   EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI

Article 1er
(art. 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020
prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions)
Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre
aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er proroge les systèmes d’information mis en œuvre en application de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire a déjà prorogé ces systèmes d’information jusqu’au 31 juillet 2022.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté un amendement de M. Dino Cinieri qui avance du 31 mars 2023 au 31 janvier 2023 la date jusqu’à laquelle les systèmes d’information sont prorogés.

1.   L’état du droit

L’article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions a autorisé, dans le respect du règlement général sur la protection des données (RGPD) ([1]) et sous certaines conditions, la mise en œuvre temporaire d’un traitement de données à caractère personnel concernant la santé des personnes atteintes par le virus de la covid-19 et leur entourage.

 

 

 

● Deux outils informatiques pour lutter contre l’épidémie

Sur le fondement de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, le décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 ([2]) a mis en place deux outils informatiques :

– le système d’information national de dépistage (SI-DEP), qui centralise l’ensemble des résultats des tests de dépistage effectués. Mis en œuvre sous la responsabilité du ministre de la santé, il permet, d’une part, d’informer le patient et le professionnel de santé prescripteur des résultats du test et, d’autre part, de regrouper l’ensemble des résultats obtenus pour les mettre à la disposition des autorités et personnels qui participent à la lutte contre l’épidémie (sous forme de données individuelles) ou qui sont chargées du suivi épidémiologique et de la recherche sur le virus (sous forme de données agrégées) ;

Le système d’information SI-DEP

Le système d’information de dépistage des infections liées à la covid-19 dénommé SI‑DEP collecte, depuis le mois de mai 2020, l’ensemble des tests virologiques RT‑PCR et antigéniques, sérologiques ainsi que les autotests réalisés sous la supervision d’un professionnel de santé. Il constitue le premier maillon de la stratégie « Tester, Alerter, Protéger » de lutte contre la covid-19 ; sans SI-DEP, le traçage des cas contacts ne serait pas possible.

Une partie de cette collecte provient de plus de 4 400 laboratoires de biologie médicale publics et privés répartis sur l’ensemble du territoire et dont les systèmes d’information ont été interfacés. La complétude de collecte des résultats de tests antigéniques et d’autotests supervisés est opérée par les professionnels de santé désormais habilités à pratiquer des tests de dépistage (infirmiers, médecins et pharmaciens, chirurgiens-dentistes, masseurs-kinésithérapeutes et sages-femmes).

Source : rapport du Gouvernement transmis au Parlement le 4 janvier 2022.

– « Contact Covid », élaboré par l’Assurance Maladie, qui assure le suivi et l’accompagnement des personnes infectées et de leurs cas contacts.

Le système d’information Contact Covid

Contact Covid est un outil mis à la disposition des professionnels de santé et des personnels placés sous leur autorité ainsi que des agents habilités de l’Assurance Maladie et des agences régionales de santé (ARS) pour accompagner l’avancée des enquêtes sanitaires. Cet outil enregistre les données des patients atteints de la covid-19 (dits « patients zéro »), celles des contacts que ces derniers ont communiqués aux enquêteurs sanitaires (dits « cas contacts ») ainsi que des personnes présentes lors de l’évènement identifié comme étant à l’origine probable de la contamination (dites « personnes co-exposées ») et permet de suivre l’avancée de l’enquête sanitaire.

Si 1 % des fiches « patient zéro » sont créées manuellement dans Contact Covid par les professionnels de santé qui reçoivent, après consultation, un résultat du laboratoire de biologie médicale positif de leur patient, dans l’immense majorité des cas, les fiches sont créées par l’Assurance Maladie via un processus de récupération des données issues de SI-DEP et d’importation dans Contact Covid. Chaque fiche « patient zéro » fait ensuite l’objet d’un contact téléphonique direct permettant de communiquer au patient les consignes sanitaires à respecter et d’identifier les cas contacts à risque qui sont à leur tour contactés par l’Assurance Maladie.

Source : rapport du Gouvernement transmis au Parlement le 4 janvier 2022.

Les données ainsi collectées peuvent être utilisées, le cas échéant sans le consentement des personnes concernées, en vue de servir six finalités :

– l’identification des personnes infectées par le dépistage et la collecte des résultats des tests ;

– l’identification des personnes présentant un risque d’infection, notamment des cas contacts ;

– l’orientation de ces personnes vers des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques ainsi que leur suivi médical ;

– la surveillance de l’épidémie et la recherche sur le virus. Dans ce cas, les données doivent être pseudonymisées et leur traitement est conditionné au consentement des personnes concernées ;

– l’accompagnement social des personnes infectées et des personnes susceptibles de l’être pendant et après la fin des prescriptions médicales d’isolement prophylactiques, sous réserve de leur consentement ;

– l’adaptation, à partir des dates et résultats des examens de dépistage virologique, de la durée des mesures de mise en quarantaine ou de placement et de maintien en isolement.

Les acteurs pouvant accéder à ces données, dans la mesure où elles sont nécessaires à leur intervention, sont notamment les services du ministère de la santé, Santé publique France, l’Assurance Maladie, les agences régionales de santé, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements et les centres de santé, les médecins prenant en charge les personnes concernées ainsi que les pharmaciens et les laboratoires autorisés à réaliser les examens de dépistage.

Les autres systèmes d’information pour faire face à l’épidémie de covid-19

Le décret n° 2020-650 du 29 mai 2020 relatif au traitement de données dénommé « StopCovid » a permis de mettre en œuvre l’application « StopCovid », devenue « TousAntiCovid » le 22 octobre 2020. Elle constitue un outil complémentaire dans le traçage des contacts des patients atteints par la maladie et qui ont volontairement téléchargé l’application.

Le décret n° 2020-1690 du 25 décembre 2020 autorisant la création d’un traitement de données à caractère personnel relatif aux vaccinations contre la covid-19 a mis en place le système d’information « Vaccin Covid » pour assurer le suivi de la campagne de vaccination. Celui‑ci a pour finalités principales l’organisation de la vaccination, l’approvisionnement en vaccins, l’information des personnes vaccinées, la recherche et le suivi de pharmacovigilance.

La durée de conservation maximale des données à caractère personnel collectées dans SI-DEP et dans Contact Covid est de trois mois après leur collecte. À l’issue de ce délai, celles-ci sont supprimées. Ce délai a été porté à six mois par l’article 8 de la loi du 5 août 2021 ([3]) pour les seules données qui concernent des personnes ayant fait l’objet d’un examen de dépistage virologique ou sérologique de la covid-19 concluant à une contamination, afin « de permettre à des personnes ayant été testées positives à la Covid-19 il y a plus de trois mois, d’en obtenir la preuve et d’ainsi pouvoir achever leur parcours vaccinal plus rapidement en n’ayant besoin que d’une injection », comme l’indique l’exposé sommaire de l’amendement de Mme Agnès Firmin Le Bodo ayant introduit cette disposition ([4]).

Par exception, un décret en conseil d’État permet de prolonger la durée de conservation des données nécessaires à la surveillance épidémiologique et à la recherche sur le virus jusqu’à la date d’échéance de l’autorisation de recourir à ces systèmes d’information. L’article 3 du décret du 12 mai 2020 permet ainsi à certaines autorités, chargées notamment de missions de surveillance épidémiologique, de statistiques ou de recherche ([5]), de conserver certaines des données dont elles disposent tant que les systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid demeurent autorisés.

Enfin, l’article 7 de la loi du 31 mai 2021 ([6]) a permis le versement, sous forme pseudonymisée, des données recueillies par les systèmes d’information au sein du système national des données de santé aux fins d’améliorer la connaissance sur la covid-19. La durée de conservation de ces seules données est alors régie par l’article L. 1461-1 du code de la santé publique, soit un maximum de vingt ans, indépendamment de la durée d’autorisation de SI-DEP et de Contact Covid.

● Une disposition prorogée à trois reprises

Initialement, la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions prévoyait le recours à ces systèmes d’information « aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et pour la durée strictement nécessaire à cet objectif ou, au plus, pour une durée de six mois à compter de la fin de l’état d’urgence sanitaire ».

La mise en œuvre des systèmes d’information a ensuite été prorogée à trois reprises, en fixant une date – et non plus une durée – d’échéance :

– l’article 5 de la loi du 14 novembre 2020, qui a modifié l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, l’a prorogée jusqu’au 1er avril 2021, date d’échéance initiale du dispositif d’état d’urgence sanitaire prévu par le code de la santé publique ;

– l’article 3 de la loi du 15 février 2021 a ensuite prolongé l’autorisation de recours à ces systèmes d’information jusqu’au 31 décembre 2021 ;

– l’article 6 de la loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire l’a enfin prorogée jusqu’au 31 juillet 2022.

2.   Le dispositif proposé

Compte tenu du rebond épidémique à court terme et des incertitudes sur l’évolution de la situation sanitaire à moyen terme, le 1° du présent article proroge la mise en œuvre des systèmes d’information SI-DEP et Contact-Covid, sous les conditions et garanties actuellement en vigueur, jusqu’au 31 mars 2023.

Le 2° supprime une référence devenant superflue du fait l’inapplicabilité du cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire au-delà du 31 juillet 2022.

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par un amendement de compromis de M. Dino Cinieri. Il avance la date jusqu’à laquelle les systèmes d’information SI‑DEP et Contact-Covid sont prorogés de deux mois, du 31 mars au 31 janvier 2023. La Commission s’est par ailleurs engagée à auditionner sur ce sujet le ministre chargé de la santé au plus tard trois mois avant la date d’échéance, c’est‑à-dire le 31 octobre 2022.

 

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Article 2
Prorogation du contrôle sanitaire applicable
aux déplacements extra-hexagonaux

Adopté par la Commission avec modifications

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 proroge le contrôle sanitaire applicable aux déplacements extra-hexagonaux.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 a introduit ce dispositif. Sa validité a été prorogée jusqu’au 31 juillet 2022 par la loi n° 2021‑1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire.

       Modifications apportées par la Commission

La Commission a adopté, par coordination avec l’article 1er, un amendement de M. Dino Cinieri qui avance du 31 mars 2023 au 31 janvier 2023 la date d’échéance du contrôle sanitaire, ainsi que deux amendements rédactionnels de la rapporteure.

1.   L’état du droit

Afin de permettre la reprise sécurisée des déplacements à l’issue de la première période d’état d’urgence sanitaire, la loi du 9 juillet 2020 ([7]) a introduit la faculté d’imposer à un passager aérien la présentation d’un test de dépistage négatif. Dans le cadre du second état d’urgence sanitaire, cette disposition a été étendue à toutes les entrées sur le territoire national et à tous les moyens de déplacement utilisés – aérien, maritime, ferroviaire ou terrestre. Elle fut également appliquée pour les déplacements à destination des territoires ultramarins et de la Corse. 

En lien avec l’introduction, le 1er juillet 2021, d’un certificat Covid numérique de l’Union européenne ([8]) pour faciliter la libre circulation pendant la pandémie, la loi du 31 mai 2021 a instauré, au sein du régime de gestion de la crise sanitaire, un dispositif de contrôle sanitaire pour les déplacements extra-hexagonaux, c’est-à-dire ceux à destination ou en provenance du territoire national, de la Corse ou d’un département ou d’une collectivité d’outre-mer.

Le dispositif de la loi du 31 mai 2021, commenté dans le rapport de notre collègue Jean-Pierre Pont ([9]), donne la faculté au Premier ministre, d’imposer, par décret, aux personnes de plus de douze ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance des territoires précités et aux personnels intervenant dans les services de transport concernés de présenter :

– le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19 ;

– un justificatif de statut vaccinal concernant la covid-19 ;

– ou ([10]) un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination par la covid-19.

Ce contrôle sanitaire, introduit au 1° du A du II de l’article 1er de la loi, est distinct des passes sanitaire et vaccinal, prévus au 2° du même A, qui se sont successivement appliqués aux déplacements de longue distance par transports publics interrégionaux ([11]).

Initialement fixée au 30 septembre 2021, l’échéance du dispositif a été repoussée au 15 novembre 2021 par la loi du 5 août 2021 et au 31 juillet 2022 par la loi du 10 novembre 2021.

Les articles 23-1 à 23-6 du décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 ([12]) prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire fixent les dispositions actuellement applicables aux déplacements en provenance et à destination du territoire national et des onze territoires d’outre-mer, aucune mesure spécifique n’étant à ce jour en vigueur en ce qui concerne les déplacements depuis ou vers la Corse.  

2.   Le dispositif proposé

Alors que le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, instauré par la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid‑19, et le régime de gestion de la crise sanitaire en vigueur sur le fondement de la loi du 31 mai 2021 arriveront à échéance le 31 juillet 2022, le présent article instaure un cadre juridique distinct pour le contrôle sanitaire applicable aux déplacements extra-hexagonaux afin d’autoriser sa prorogation jusqu’au 31 mars 2023.

Le cadre juridique applicable à ce dispositif sera néanmoins celui d’ores et déjà prévu par les articles 1er et 4 de la loi du 31 mai 2021, sous réserve de deux évolutions :

– la reconduction du Conseil scientifique, prévu à l’article L. 3131-19 du code de la santé publique et au VII de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, n’est pas justifiée compte tenu du contexte sanitaire et de l’expiration des régimes juridiques exorbitants du droit commun ([13]) ;

– alors que le dispositif de contrôle parlementaire mis en œuvre depuis la loi du 23 mars 2020 et repris au VI de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 est préservé, l’impact des mesures prises en application du présent article fera l’objet d’un rapport mensuel. 

Dans son avis sur le présent projet de loi ([14]), le Conseil d’État estime que le maintien de cette disposition s’avère justifié et que l’échéance retenue apparaît comme adéquate.

Cette prorogation est en effet cohérente avec la prorogation du certificat Covid numérique de l’Union européenne jusqu’au 30 juin 2023. Elle s’avère également nécessaire pour prévenir les cas de résurgence épidémique à l’étranger et pour continuer de protéger les territoires d’outre-mer particulièrement vulnérables face à l’épidémie. Il convient enfin d’insister sur le fait que cet article ne fixe que le cadre juridique de la mesure : ses modalités d’application, soumises au principe de proportionnalité rappelé au IV de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021, par le Premier ministre continueront d’être adaptées en fonction de l’évolution de la situation sanitaire.

Le Conseil scientifique, dans son avis sur le présent projet de loi ([15]), considère lui aussi que ces mesures sont « proportionnées aux évolutions possibles de l’épidémie au cours de la période considérée ». Compte tenu de la saisonnalité du virus, il souligne qu’un « possible rebond de l’épidémie au cours de l’automne ou de l’hiver prochain, le cas échéant accompagné de mutations du virus, nécessite que les pouvoirs publics soient en mesure de réagir rapidement aux évolutions observées ou anticipées ».

3.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par deux amendements rédactionnels de la rapporteure et un amendement de M. Dino Cinieri qui avance, conformément au compromis trouvé à l’article 1er, la date d’échéance de l’article 2 au 31 janvier 2023.

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Article 3 (nouveau)
Rapport sur la définition d’un cadre pérenne de réponse
aux menaces, crises ou catastrophes sanitaires

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3, introduit à l’initiative de M. Philippe Gosselin (amendement CL 47), prévoit que dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement une évaluation du cadre juridique de réponse aux menaces, crises ou catastrophes sanitaires en vue de définir un cadre pérenne. Ce rapport portera notamment sur les traitements de données à caractère personnel. 

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Article 4 (nouveau)
Rapport sur les mesures prises par le Gouvernement
aux fins de lutter contre l’épidémie de covid-19

Introduit par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 4, introduit à l’initiative de Mme Marietta Karamanli (amendement CL 65), prévoit que dans un délai de trois mois après la promulgation de la présente loi, le Gouvernement présente au Parlement un rapport exposant les mesures qu’il prend aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19 et leur impact sur la propagation de l’épidémie, sur le système de santé, sur l’état de santé de la population, sur son adhésion à la vaccination contre la covid-19 et sur l’état général de l’économie et des finances publiques.

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   COMPTE-RENDUS DES DÉBATS

Lors de ses réunions des mardi 5 juillet et mercredi 6 juillet, la Commission examine le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 (n° 9) (Mme Caroline Abadie, rapporteure).

1.   Audition de M. François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention et discussion générale (réunion du mardi 5 juillet 2022 à 15 heures 30)

Lien vidéo : https://assnat.fr/VOzp34.

M. le président Sacha Houlié. Nous avons le plaisir de vous accueillir, monsieur le ministre de la santé et de la prévention, pour le premier projet de loi de cette nouvelle législature, présenté hier soir en conseil des ministres, qui maintient provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19. Nous vous adressons nos félicitations pour votre nomination et tous nos vœux de succès.

C’est Mme Caroline Abadie qui est désignée par la commission rapporteure sur ce texte.

Il revient à présent au ministre de nous éclairer sur le contenu de ce projet de loi, qui ne comporte que deux articles, ainsi que sur le contexte qui conduit le Gouvernement à le soumettre au Parlement selon un calendrier contraint – le dispositif actuel en matière de sécurité sanitaire devant prendre fin le 31 juillet prochain. Nous examinerons les amendements demain à partir de neuf heures. Compte tenu du fait que nous entendons le ministre aujourd’hui, j’ai souhaité que le délai de dépôt des amendements soit repoussé à vingt et une heures ce soir. Le texte de la commission est programmé en séance publique le lundi 11 juillet à seize heures.

Monsieur le ministre, vous avez été le chef des urgences du centre hospitalier régional de Metz-Thionville et le président de l’association SAMU-Urgences de France. Vous êtes aussi l’auteur d’un rapport remis la semaine dernière à la Première ministre sur les améliorations à apporter à l’organisation des urgences et des soins non programmés. C’est un sujet auquel je suis extrêmement sensible, et j’ai pu constater combien ces travaux étaient conduits avec performance et pertinence. Nous sommes impatients de vous entendre sur le contenu de ce projet de loi, mais aussi de connaître votre analyse de l’évolution de la situation épidémique et de ses conséquences pour nos concitoyens.

À compter du 1er août, le Gouvernement ne pourra plus prendre les mesures coercitives autorisées par le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire en cas de reprise épidémique particulièrement marquée, mesures telles que le passe vaccinal, les jauges ou l’obligation de port du masque. J’ai rédigé avec Philippe Gosselin un rapport d’information sur le régime juridique de l’état d’urgence sanitaire et je sais que nous sommes particulièrement équipés, et désormais expérimentés en matière de gestion de la crise. L’État sait faire. Les professionnels sont mobilisés – trop pour certains. La population est avertie et vaccinée ; peut-être un peu lasse, elle commence à penser que l’épidémie relève du passé. Les chiffres démontrent pourtant le contraire.

Quelle est la stratégie envisagée par le Gouvernement au regard des prévisions épidémiologiques, de ce que font nos voisins et des options dont nous disposons pour protéger cet été les publics les plus fragiles et les hôpitaux ? Quelles sont les tendances observées dans le monde et quels sont les schémas qui vous ont inspiré pour ce projet de loi ?

M. François Braun, ministre de la santé et de la prévention. Avant tout, j’adresse à chacun d’entre vous mes félicitations républicaines pour son élection et je félicite le président ainsi que les membres du bureau de la commission pour leur désignation.

Je souhaite également remercier le Président de la République et la Première ministre pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en me remettant cette lourde responsabilité. Je salue la mobilisation remarquable de Mme la ministre Brigitte Bourguignon ces dernières semaines.

La santé est ce que nous avons de plus cher. Avec la ministre déléguée Agnès Firmin Le Bodo, je m’engage à mettre tout en œuvre pour que chacun puisse se soigner dans de bonnes conditions, quel que soit son revenu ou son lieu de résidence, et pour développer une culture de la santé permettant de bien mieux prévenir les difficultés de nos concitoyens.

Depuis plus de deux ans, nous faisons face à une pandémie qui a appelé des réponses exceptionnelles. Fantassin de la première ligne dans l’Est de la France, j’ai pu voir de très près, de trop près peut-être, la réactivité de notre système de santé, qui a été exceptionnelle, mais aussi les ravages de cette épidémie sur les malades, sur leur famille, mais également sur les soignants.

Nous sommes entrés dans le régime de l’état d’urgence sanitaire avec la loi du 23 mars 2020. Alors que nous ne disposions pas de l’arme vaccinale, il nous a permis d’adopter des mesures exceptionnelles, à la hauteur de l’épidémie de covid-19 à laquelle nous devions faire face.

Je vais encore une fois saluer la mobilisation extraordinaire des personnels soignants et médico-sociaux, des équipes du ministère de la santé et, plus généralement, de toutes les personnes ne relevant pas du secteur médical qui sont intervenues au service des Français depuis le début de la crise, parfois au péril de leur santé et de leur vie. J’ai ainsi une pensée pour les personnels de la SNCF, d’Aéroports de Paris et du transport aérien, notamment Air Austral et Air Caraïbes, qui ont permis des transferts massifs de patients pour soulager les régions les plus affectées, tant en métropole qu’outre-mer. Je pense aux victimes de la covid-19 et à leurs proches. Enfin, je remercie nos voisins européens pour leur solidarité, qui s’est matérialisée par une aide mutuelle. Je m’appliquerai à entretenir cet élan.

Je mesure ma responsabilité en matière de gestion de l’épidémie. Une boussole dirigera mon action : protéger les Françaises et les Français ainsi que notre système de santé, maintenir la prise en charge des autres soins, préserver un mode de vie aussi normal que possible – c’est-à-dire veiller, à chaque instant, à la stricte nécessité et proportionnalité des mesures prises, en toute transparence vis-à-vis de nos concitoyens et de leurs représentants.

Le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire et le régime dit de sortie de crise sanitaire s’éteindront le 31 juillet prochain, comme le Gouvernement s’y est engagé et conformément à votre vote. Le projet de loi qui vous est soumis n’est donc pas un projet d’état d’urgence – je tiens à ce que l’on ne fasse pas circuler de fausses informations. Ce projet de loi comporte des mesures minimales, mais nécessaires, pour continuer à surveiller l’épidémie après le 31 juillet, afin de protéger les Français.

Avant de présenter ces mesures, je souhaite vous informer plus précisément sur la circulation du virus de la covid-19 en fonction des dernières données dont je dispose.

Nous connaissons actuellement une septième vague de covid-19. Les sous-variants d’omicron BA.4 et BA.5 constituent désormais les souches virales majoritaires. Ils provoquent une résurgence épidémique sur l’ensemble du territoire national. Cette reprise s’observe dans l’ensemble de l’Europe.

S’agissant de l’incidence, le nombre de cas augmente ces derniers jours. Le nombre de contaminations quotidiennes était de 120 000 en moyenne cette semaine, et devrait légèrement dépasser les 200 000 ce soir.

L’ensemble du territoire est touché, mais c’est en Île-de-France que le taux d’incidence est le plus élevé, dépassant les 1 200 cas pour 100 000 habitants. Les situations sont contrastées outre-mer, où la cinétique de l’épidémie est différente de celle observée en métropole. J’aurai toujours une attention particulière pour ces territoires de la République. Si le taux d’incidence est, à l’heure actuelle, faible à La Réunion et à Mayotte, les données épidémiologiques se dégradent en Guadeloupe et en Guyane – mais selon une dynamique proche, voire moindre qu’en métropole. La Martinique fait, quant à elle, face à une résurgence épidémique marquée depuis plusieurs semaines. La situation y semble toutefois en voie d’amélioration, avec un taux d’incidence en baisse, mais qui reste élevé – de l’ordre de 1 100 cas pour 100 000 habitants. Je fais part de ma solidarité avec nos compatriotes ultramarins et je salue l’engagement des soignants sur place.

Sur le plan clinique, selon les données dont nous disposons, les deux sous-variants actuels présentent les mêmes caractéristiques que le variant omicron du début de l’année 2022 et de fin mars, à savoir une très forte transmissibilité mais un tableau clinique moins sévère que les souches historiques du virus.

Je ne peux pas dire avec certitude quand le pic épidémique sera atteint. Les scientifiques esquissent un horizon à deux ou trois semaines, mais avec beaucoup d’incertitudes. Les pays qui ont connu avant nous une circulation virale comparable, principalement le Portugal et l’Afrique du Sud, ont atteint leur pic en six semaines environ.

Bref, le virus circule plus et plus vite. Nous devons – et tel est mon devoir en tant que ministre – protéger la population et veiller au retentissement de cette reprise sur le système de santé.

À l’heure actuelle, nous observons une augmentation des admissions dans les services hospitaliers conventionnels et, dans une moindre mesure, dans les services de soins critiques : environ 7 000 patients sont actuellement hospitalisés dans les premiers et près de 1 000 dans les seconds. Cela reste très en deçà du pic de 3 500 patients en soins critiques atteint en janvier dernier, sans même parler des vagues précédentes, encore plus importantes.

Pour autant, je suis extrêmement attentif à l’évolution de la situation, compte tenu du contexte que nous connaissons à l’hôpital. Ce dernier va être renforcé à court terme par les mesures d’urgence que j’ai présentées à la demande de la ministre qui m’a précédé. Il faut désormais en organiser la mise en œuvre extrêmement rapide, conformément aux annonces de la Première ministre. La reconnaissance de la pénibilité, et en particulier des contraintes attachées au travail de nuit, fait partie de ces engagements.

Contrairement à ce que d’aucuns prétendent, la stratégie du Gouvernement pour limiter l’impact de cette nouvelle vague est claire.

Il faut prévenir la diffusion du virus. Nous vivons depuis plus de deux ans avec lui et nous savons quels sont les comportements à adopter. Je le dis aux Français avec solennité : il faut que nous retrouvions les bons réflexes. Nous pourrions légiférer sans cesse, mais nous souhaitons plutôt que chacun soit réactif et adapte son comportement aux exigences de la situation. Il faut mettre un masque dans les lieux bondés – comme cette salle. Il faut le mettre dans les transports en commun ou à l’occasion des départs en vacances.

Il faut mobiliser la vaccination, qui constitue l’arme décisive contre les formes graves du virus. Conformément aux recommandations des autorités scientifiques, un nouveau rappel est proposé aux personnes les plus fragiles, c’est-à-dire les plus de 60 ans et les personnes immunodéprimées. Il faut se faire vacciner quand on est fragile et il faut le faire maintenant, alors que nous n’avons pas atteint le pic épidémique – 50 % des contaminations surviennent lorsque l’épidémie ralentit. La vaccination est efficace contre les formes graves. Elle sauve des vies. Je le dis en tant que médecin urgentiste : j’ai vu bien trop de morts évitables. À l’heure actuelle, la vaccination connaît une accélération et je m’en réjouis. Nous avons enregistré près de 570 000 vaccinations la semaine dernière. Près de 3 millions de personnes ont ainsi reçu une deuxième dose de rappel. C’est mieux, mais ce n’est pas encore assez. La dynamique doit encore s’amplifier, avec l’appui des professionnels de ville, médecins et pharmaciens.

Il faut aussi adopter les bons comportements quand on est cas contact ou symptomatique, c’est-à-dire se tester, réduire ses contacts, et s’isoler si on est positif. À ce propos, je me félicite que notre système de test tienne. Plus de 3 millions de tests ont été effectués la semaine dernière. Le dispositif fonctionne. Les Français le mobilisent.

Il faut assurer la bonne prise en charge à ceux qui sont fragiles ou symptomatiques. Des traitements curatifs existent, comme le Paxlovid, qui réduisent très significativement les risques d’hospitalisation pour les personnes fragiles. Il est important que les Français le sachent, pour pouvoir en parler à leur médecin et leur pharmacien dès l’apparition des symptômes. La semaine dernière, 1 500 patients ont bénéficié de ce traitement, soit une progression de plus de 50 % par rapport à la semaine qui précédait. C’est l’une des solutions figurant dans l’arsenal destiné à protéger nos concitoyens les plus à risques.

Voilà pour la situation sanitaire. Si nous sortirons le 31 juillet des régimes législatifs exceptionnels de crise, nous ne sortirons pas pour autant de l’épidémie de covid-19. Nous avons donc besoin de maintenir certains outils de gestion, et tel est principalement l’objet du projet de loi qui vous est soumis. Il comporte deux articles très ciblés. Je souhaite qu’il soit approuvé par une majorité au sein de votre assemblée.

Le premier article vise à maintenir jusqu’au 31 mars 2023 – soit à l’issue de la phase épidémique hivernale – les systèmes d’information de crise que constituent en particulier le SI-DEP (système d’information national de dépistage populationnel pour le covid-19) et Contact Covid.

Le SI-DEP est une plateforme sécurisée permettant l’enregistrement des tests covid. Elle permet notamment de s’assurer que toutes les personnes positives sont bien prises en charge, mais aussi de créer de manière sécurisée les certificats permettant aux Français qui le souhaitent de se déplacer dans les nombreux pays qui maintiennent des restrictions à l’entrée de leur territoire.

Contact Covid permet, quant à lui, d’identifier les cas contacts et de vérifier que chacun d’entre eux est bien informé, testé et accompagné.

Je rappelle que ces outils numériques sont soumis au règlement général sur la protection des données (RGPD), que toutes les personnes qui y ont accès sont soumises au secret médical et qu’ils sont également placés sous la surveillance continue de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) et du comité de contrôle et de liaison parlementaire institué par la loi du 11 mai 2020, lequel restera pleinement en fonction tant que ces systèmes d’information demeureront actifs. La gestion des informations stockées dans ces fichiers est clairement encadrée. Les données sont conservées six mois en cas de test positif et trois mois pour un test négatif.

Il est essentiel de conserver ces systèmes d’information. Ils sont le thermomètre de l’épidémie. Ils permettent d’informer les Français et les autorités sur le nombre de cas, et de consolider l’information sur la nature des variants. Ils garantissent la transparence de la gestion de l’épidémie. Ils sont des outils permettant d’anticiper et d’être réactif, notamment en ce qui concerne l’activation des réflexes barrière.

La Haute Autorité de santé (HAS) a établi différents scénarios d’évolution de la situation épidémique pour les mois à venir. Son scénario de base prévoit le maintien d’une circulation active du virus, avec la survenue de reprises épidémiques périodiques, ces vagues pouvant toutefois être progressivement de moindre impact. Cela implique que nous sachions mesurer précisément ces reprises épidémiques pour adapter nos réponses ou pour identifier le risque de survenue d’un scénario moins favorable.

Le second article du projet de loi vise à conserver jusqu’au 31 mars 2023 la possibilité de demander certains justificatifs aux personnes de plus de 12 ans souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou de l’une des collectivités ultramarines. Il s’inscrit pleinement dans la stratégie adoptée au niveau européen, notamment pour rester en mesure de prévenir l’arrivée de nouveaux variants qui seraient préoccupants ou de préserver les territoires situés outre-mer, si c’était nécessaire. Je le crois proportionné à la situation, sur la base des avis du Conseil scientifique et du Conseil d’État.

Le projet de loi donne la possibilité d’intervenir, en veillant à l’information continue du Parlement et en cohérence avec la stratégie européenne.

J’entends ici ou là qu’il s’agit d’un retour au passe vaccinal. C’est faux. Nous devons la clarté à ceux qui nous écoutent : la faculté juridique d’imposer un passe vaccinal pour accéder à certains lieux publics de la vie courante s’éteindra le 31 juillet prochain, et l’article 2 du projet de loi ne permet pas de le remettre en œuvre.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. C’est à la commission des lois qu’il revient d’inaugurer cette seizième législature, en examinant le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19. Il s’agit du treizième texte dont elle est saisie sur ce sujet depuis le début de la crise sanitaire.

Ce projet de loi s’avère néanmoins bien différent des précédents, non par ce qu’il contient, mais par ce qu’il ne contient pas. En effet, c’est la première fois qu’il n’est pas proposé d’instaurer ou de proroger le régime juridique exorbitant du droit commun. Il faut le souligner et s’en réjouir, même si la sortie des régimes d’exception est facilitée par le fait que l’utilisation des outils juridiques est toujours restée proportionnée et circonstanciée. Les mesures privatives de liberté n’ont jamais été une lubie ou une solution de facilité.

Le 1er août prochain marquera donc une date importante : le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire et le régime de gestion de la crise sanitaire en vigueur sur le fondement de la loi du 31 mai 2021 expireront. Les Français retrouveront alors un régime de pleine liberté, cohérent avec l’extinction progressive des différentes mesures prises depuis le début de la pandémie. Il faut toutefois noter que ce retour à la vie quotidienne a déjà été largement entamé, avec l’allègement de nombreuses mesures depuis mars 2022.

Ce projet de loi de confiance et de responsabilité témoigne donc du fait que nous avons appris à vivre avec ce virus. Je ne reviendrai pas sur les indicateurs épidémiologiques qui ont été présentés par le ministre. Le fait que le virus n’ait pas disparu impose de maintenir les outils indispensables à la protection des Français et à la lutte contre la circulation épidémique.

Tel est l’objet des deux articles de ce projet de loi.

Compte tenu du rebond épidémique à court terme et des incertitudes sur l’évolution de la situation sanitaire à moyen terme, l’article 1er proroge jusqu’au 31 mars 2023 les deux systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid, dans les conditions et avec les garanties actuellement en vigueur. Bien qu’il s’agisse de traitements de données provisoires, il faut souligner qu’ils sont mis en œuvre dans le respect du RGPD. Les décrets régissant ces outils ont été pris systématiquement après l’avis de la CNIL.

Pour mémoire, le SI-DEP centralise l’ensemble des résultats des tests de dépistage. Il s’agit du premier maillon de la stratégie « tester, alerter, protéger » adoptée pour lutter contre la covid-19. Sans le SI-DEP, le traçage des cas contacts ne serait pas possible, et plus personne n’imagine désormais se passer de ce service.

Contact Covid est quant à lui un outil indispensable pour que les professionnels de santé, l’assurance maladie et les agences régionales de santé (ARS) puissent assurer le suivi et l’accompagnement des personnes infectées et de leurs cas contacts.

Compte tenu de l’efficacité de ces deux traitements de données pour gérer et suivre la situation sanitaire liée à la covid-19, l’article 1er proroge leur base légale, dans un contexte où la circulation de nouveaux variants et un risque de rebond épidémique sont avérés.

L’article 2 proroge quant à lui jusqu’au 31 mars 2023 le contrôle sanitaire applicable aux déplacements à destination ou en provenance de l’hexagone, de la Corse ou d’un département d’outre-mer ou d’une autre collectivité ultramarine. Ce dispositif, que nous connaissons bien, a été prévu dès la loi du 9 juillet 2020, afin de permettre la reprise sécurisée des déplacements – c’était au sortir du premier état d’urgence sanitaire. Ce contrôle sanitaire est entièrement distinct de ce que nous connaissons sous les appellations de passe sanitaire ou de passe vaccinal, qui ne pourront plus être mis en place par la voie réglementaire après le 31 juillet prochain.

Cette disposition vise à protéger des territoires entiers et s’explique par plusieurs raisons. Elle est d’abord liée à la prorogation du certificat covid-19 numérique de l’Union européenne. Elle s’avère également nécessaire pour prévenir les cas de résurgence épidémique à l’étranger, afin notamment de réagir à l’apparition de nouveaux variants. Elle permet également de continuer à protéger les territoires ultramarins, qui sont particulièrement vulnérables face à l’épidémie.

Enfin j’insiste sur le fait que cet article fixe seulement le cadre juridique de la mesure. Ses modalités d’application continueront d’être adaptées en fonction de l’évolution de la situation sanitaire et, bien entendu, d’être contrôlées par le Parlement.

Monsieur le ministre, parmi les sujets qui n’apparaissent pas dans ce projet de loi figure la situation des personnels des établissements de santé qui n’ont pas respecté l’obligation vaccinale imposée par la loi du 5 août 2021 et qui sont suspendus. Dans un contexte de tension extrême dans les services d’urgence – que vous connaissez mieux que nous, pour y avoir travaillé et avoir rendu un rapport la semaine dernière sur le sujet – il me semble important de se prémunir des fausses informations, qui sont nombreuses à circuler sur cette question. Pouvez-vous dresser un état des lieux objectif de la situation ? Combien de personnes sont-elles concernées ?

Dans ma circonscription, le centre hospitalier Lucien-Hussel de Vienne compte trois personnes suspendues sur un effectif total de 1 800. Est-ce représentatif de la situation à l’échelle nationale ?

M. Thomas Rudigoz (RE). Monsieur le ministre, vous pouvez compter sur le soutien et la détermination du groupe Renaissance pour agir avec vous dans l’intérêt de nos concitoyens.

J’ai bien entendu une pensée pour les personnels soignants, en première ligne depuis maintenant plus de deux ans et demi. Je salue leur dévouement et leur professionnalisme, qui ont permis de surmonter cette crise, laquelle, malheureusement, nécessite encore des mesures préventives.

Nous sommes entrés dans une nouvelle vague de covid-19, la septième depuis le début de l’épidémie, avec 80 000 cas positifs par jour en moyenne. Si l’on peut se féliciter que la campagne de rappel vaccinal organisée par le Gouvernement fonctionne et que les Français soient de plus en plus nombreux à recevoir leur deuxième dose de rappel – 115 000 vendredi dernier, c’est un record – le nombre croissant d’hospitalisations est préoccupant. Il est en effet supérieur à ce qu’il était à la mi-juin 2021, au début de la vague du variant delta. Envisagez-vous l’extension de la deuxième dose de rappel à d’autres catégories d’âge ?

Le régime juridique de sortie de l’état d’urgence sanitaire s’éteindra le 31 juillet 2022. Il ne sera alors plus possible de prendre des mesures relevant de l’état d’urgence sanitaire, telles que la limitation de la liberté d’aller et venir ou de la liberté de réunion, comme lors du confinement. Il ne sera pas non plus possible d’édicter des mesures relevant du régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire – sur le port du masque, l’ouverture des établissements recevant du public, l’instauration d’un couvre-feu ou encore d’un passe sanitaire.

Faute de prorogation, les systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid ne pourraient plus être exploités. C’est la raison pour laquelle, face à la résurgence de l’épidémie et à des sous-variants de plus en plus imprévisibles, il est souhaitable de conserver une surveillance efficace de la circulation du virus, laquelle a fait ses preuves.

Le groupe Renaissance soutient donc ce projet de loi, dont les deux articles visent à protéger nos concitoyens tout en poursuivant le retour à la vie normale.

Je le souligne : ce texte ne prolonge aucune mesure de restriction des libertés. Bien au contraire, il prend acte du souhait de ne pas prolonger au-delà de l’échéance du 31 juillet 2022 la possibilité de déclencher l’état d’urgence sanitaire ou le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Dès le 1er août, nous sortons du régime d’exception ; le Gouvernement ne pourra plus utiliser que les pouvoirs dont il disposait auparavant et devra, le cas échéant, soumettre au Parlement toute disposition législative requise par les circonstances.

Face à la situation épidémique que nous vivons encore, ce texte maintient de manière proportionnée, nécessaire et circonstanciée deux outils efficaces de gestion de crise.

Il prolonge jusqu’au 31 mars 2023 la possibilité – j’insiste sur le terme – de subordonner des déplacements à la présentation de certains justificatifs. Le Gouvernement pourrait y mettre fin immédiatement, le cas échéant sur une base territorialisée, dès lors que cela ne serait plus nécessaire.

En plus d’être extrêmement utiles en termes de surveillance sanitaire, les traitements de données présentent un intérêt scientifique majeur pour la recherche, le suivi épidémiologique et la prévention de nouvelles épidémies.

Ce projet de loi est un texte transitoire. Il est essentiel de souligner qu’il ne s’inscrit pas dans notre droit de façon pérenne. Sans intervention du législateur, ce dispositif s’éteindra de lui-même le 31 mars 2023, une date parfaitement logique sur le plan épidémiologique car elle tient compte de l’incidence particulièrement forte en période hivernale.

Il s’agit donc d’un texte de bon sens et de responsabilité face à la virulence de cette septième vague. J’espère qu’une large majorité de nos collègues le votera.

Mme Julie Lechanteux (RN). Il me semble nécessaire d’avoir un bilan du passe sanitaire puis vaccinal, qui nous a privés de nos libertés fondamentales : une étude d’impact précise, des études médicales ou scientifiques sérieuses, des preuves pour affirmer qu’il a permis de protéger de la contamination depuis son instauration.

Car les contaminations se multiplient. La troisième dose n’a donc permis de protéger ni de la contamination, ni de la diffusion des différents variants. Le slogan gouvernemental « Tous vaccinés, tous protégés » est évidemment faux, car nous savons tous aujourd’hui que la vaccination n’empêche pas la contamination. Pourquoi lancer une campagne pour la quatrième dose alors que le vaccin ne fonctionne pas et qu’il n’est pas adapté au variant omicron, en particulier au sous-variant BA.5 ?

M. le président Sacha Houlié. Le vaccin n’aide pas à se protéger contre la contamination mais contre les formes graves du virus.

M. Ugo Bernalicis (LFI NUPES). Monsieur le ministre, vous avez reçu la confiance du Président de la République et de la Première ministre, mais pas encore la nôtre. Je ne doute pas que vous essaierez de remplir vos fonctions au mieux. Nous ferons quant à nous notre travail de parlementaires : décortiquer le texte et la stratégie passée.

Je commencerai par redire notre reconnaissance aux personnels médico-sociaux – il n’y a pas que l’hôpital et les soignants. Ils n’ont pas démérité pendant toute cette séquence. Parlons aussi des oubliés du Ségur de la santé, de tous ceux qui n’ont pas bénéficié de la prime parce qu’ils n’entraient pas dans la bonne case et qu’ils n’étaient pas au bon endroit au bon moment. Tout le monde a le droit à la reconnaissance, mais dès qu’il s’agit de verser des primes, cela devient plus compliqué… J’espère que vous pourrez répondre rapidement à leurs revendications, en vous aidant peut-être de la proposition de loi de notre collègue Caroline Fiat pour la reconnaissance et la revalorisation des « exclus du Ségur ».

Autre enseignement : vous savez visiblement lutter contre la pandémie sans le passe vaccinal. Nous vous avions répété pendant des mois qu’il était possible de le faire sans restreindre les libertés. Nous vous avions même expliqué qu’il valait mieux privilégier des stratégies consistant à « aller vers », cibler les bénéficiaires de la vaccination, éviter de contraindre. Vous y venez ! Est-ce parce que vous aviez besoin de quelques électrices et électeurs de plus pendant la campagne présidentielle ?

Néanmoins, vous n’échapperez pas à la question de l’anticipation, ni à celle des moyens qui manquent cruellement à l’hôpital public. Vous avez dirigé une nouvelle mission flash sur les urgences, qui venait après d’autres – c’est à se demander à quoi elles ont servi. Quant aux tests, serons-nous suffisamment armés pour répondre aux demandes, lorsque nous serons au sommet de la vague ? Allez-vous réintégrer les soignants suspendus, alors que les dispositifs d’obligation vaccinale prendront fin au 31 juillet ? Est-ce qu’avec un test négatif un soignant pourra retourner au travail ?

S’agissant des masques, vous avez vu qu’en bon élève, j’ai mis un masque chirurgical dès que vous l’avez recommandé. Mais suis-je pour autant protégé, quand le Conseil scientifique nous explique que seuls les masques FFP2 sont efficaces contre le dernier variant ? Où en est la production de FFP2, et leur acheminement dans le secteur médico‑social ? C’est en répondant à toutes ces questions que nous pourrons gérer la crise sans passe vaccinal.

Rappelez-vous aussi que nous vous avions rebattu les oreilles avec les purificateurs d’air. Le Gouvernement avait fini par lâcher qu’ils pouvaient être utiles, mais que c’était compliqué à organiser…Si vous nous aviez écoutés ne serait-ce que la dernière fois que nous les avons réclamés, il y a sept ou huit mois, ils seraient installés dans toutes les écoles et la rentrée pourrait se préparer dans de bonnes conditions. Qu’avez-vous prévu ?

Pour ce qui est du texte, vous prolongez évidemment l’existence du portail SI-DEP. Rappelons tout de même que le précédent gouvernement, à quatre reprises, n’avait pas transmis les rapports attendus à la CNIL, ce qui soulève un doute sur l’efficacité du dispositif. Quant à l’article 2, le champ des déplacements concernés n’est pas très clair et appelle des précisions.

Enfin, les tests seront-ils gratuits ?

M. le président Sacha Houlié. Le rapport de la CNIL relatif à l’évaluation des systèmes d’information, notamment TousAntiCovid, sera publié demain.

M. Philippe Gosselin (LR). Je salue notre nouveau ministre, qui prend la place qu’a occupée, et avec quelle vigueur, Olivier Véran pendant plus de deux ans. Nous avons aussi une pensée émue pour toutes celles et tous ceux qui sont décédés ou qui souffrent de la covid-19.

Le texte que vous nous présentez n’est pas relatif à l’état d’urgence sanitaire, personne ne peut le contester. Il ne s’agit pas non plus de trouver les voies et moyens pour instaurer un passe vaccinal, qui, du reste, quand il a été présenté au mois de janvier, n’avait pas de raison d’être. Il a été la cause de bien des difficultés et de bien des incompréhensions, et y compris d’écarts de langage du Président de la République, qui aurait mieux fait de s’abstenir au lieu de braquer une partie de nos concitoyens.

La portée des deux articles du texte est assez limitée, dans le contexte d’une éventuelle septième vague. Ne mettons pas de côté la question de la vaccination. On en parle assez peu, à l’exception de quelques campagnes audiovisuelles ; les centres de vaccination ont fermé les uns après les autres, ce qui était sans doute cohérent au moment où la décision a été prise, mais il faut s’interroger sur leur réouverture et sur l’aide, notamment financière, à apporter aux collectivités.

Pour ce qui est des systèmes d’information de crise, les précédents débats nous avaient permis de relever plusieurs difficultés, et la CNIL en avait fait autant. Le Conseil d’État, dans le 6. de son avis du 24 juin 2022, relève les limites du régime juridique actuel, « y compris en matière de traitements de données à caractère personnel ». Il n’est donc pas aussi affirmatif que vous sur l’innocuité du dispositif. Il faudrait, à tout le moins, une clause de revoyure – la fameuse ! Sur ce point, le 31 décembre serait préférable au 31 mars.

Vous nous suggérez aussi d’ouvrir la possibilité d’un passe sanitaire, et non pas vaccinal, pour aller en Corse et outre‑mer. Cela mérite un vrai débat. Nous devons absolument éviter de stigmatiser nos compatriotes ultramarins. Cela a déjà été suffisamment douloureux les mois derniers, et pas seulement aux Antilles.

Enfin, il faut parler de ce que ne dit pas le texte et de ce que nos amendements ne pourront peut-être pas aborder en vertu de la jurisprudence sur l’article 45 de la Constitution, qui a un effet guillotine empêchant certains amendements d’être débattus. Je pense ici à la réintégration des quelque 16 000 soignants suspendus. Après le temps de l’incertitude, celui de l’amnistie me semble venu.

M. le président Sacha Houlié. Sur cette question, c’est plutôt l’article 40 qui aurait un effet guillotine, et non l’article 45.

M. Philippe Gosselin. Mais je comptais gager mon amendement, monsieur le président ! Les tabacs vont encore en prendre un coup !

M. Emmanuel Mandon (Dem). Le groupe Démocrate vous félicite, monsieur le ministre, pour votre nomination : vous pourrez compter sur lui pour vous accompagner dans les indispensables réformes dont notre pays a besoin.

Avec ce projet de loi, nous sommes amenés, dans un contexte de reprise de l’épidémie, à maintenir provisoirement le dispositif de veille et de lutte contre la covid-19. Depuis le début de la crise sanitaire, le Gouvernement, soutenu par la majorité, a mesuré la gravité de cette pandémie et pris les dispositions qui s’imposaient, dont l’état d’urgence sanitaire avec la loi du 23 mars 2020. À partir du moment où le taux de vaccination a permis de freiner l’épidémie, le Gouvernement a instauré un régime de sortie de crise, par la loi du 31 mai 2021, précisée par trois lois successives, la dernière datant de janvier 2022.

Aujourd’hui, face à la forte reprise épidémique à l’échelle européenne, sous l’effet d’un sous‑variant d’omicron, nous assistons depuis plus d’un mois à une augmentation significative des indicateurs épidémiologiques quotidiens en France et du taux d’incidence dans toutes les classes d’âge. Il convient donc d’être particulièrement attentifs à l’évolution des indicateurs hospitaliers. Si le nombre de personnes diagnostiquées positives augmente de manière notable, il ne paraît pas pertinent à l’heure actuelle de recourir aux dispositions exclusivement permises par le cadre de l’état d’urgence sanitaire. C’est pourquoi le groupe Démocrate souscrit à la volonté de ne proroger ni le cadre de l’état d’urgence sanitaire, ni le régime de sortie de crise sanitaire.

Nous soutenons donc le maintien d’un dispositif de veille et de sécurité sanitaires qui permet de rester vigilants et d’être réactifs jusqu’à la fin de la période hivernale. Le Conseil scientifique l’a clairement expliqué dans son avis du 23 juin : « La vague épidémique actuelle, et un possible rebond de l’épidémie au cours de l’automne ou de l’hiver prochain, le cas échéant accompagné de mutations du virus, nécessite que les pouvoirs publics soient en mesure de réagir rapidement aux évolutions observées ou anticipées. »

Le texte nous permet de nous inscrire dans une démarche de responsabilité à l’égard de tous nos concitoyens. Rappelons-nous que, depuis le début de la crise, les Français ont été confrontés à une situation inédite. Le Gouvernement a dû prendre des décisions difficiles, mais qui avaient pour unique boussole la préservation de la santé publique et la protection de celle de nos concitoyens. Cela a été rendu possible grâce à l’implication de personnels soignants ou non soignants qui ont assuré leur mission avec dévouement, professionnalisme et un engagement remarquable, ce dont nous devons les remercier.

Grâce au recul qu’ont acquis les scientifiques sur la covid-19, nous avons, en tant que législateur, une meilleure appréhension des dispositions à adopter selon le contexte épidémique. Ce projet de loi en est l’illustration concrète. Notre groupe votera en sa faveur.

Envisagez-vous, monsieur le ministre, d’imposer le port du masque par voie réglementaire pour renforcer les mesures du projet de loi ?

Mme Marietta Karamanli (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés vous souhaite la bienvenue, monsieur le ministre. La question du régime juridique applicable en temps de crise sanitaire nous occupe sérieusement depuis deux ans et demi. Dès le début de la pandémie, nous avions insisté sur le fait que l’article L. 3131‑1 du code de la santé publique suffisait amplement à gérer la situation en cas de reprise de l’épidémie. Nous avons débattu de multiples fois ici du régime juridique de l’état d’urgence sanitaire consacré par la loi du 23 mars 2020. Ce régime autorise le Gouvernement à prendre des mesures attentatoires aux libertés fondamentales, individuelles et publiques : confiner la population, placer en quarantaine des personnes potentiellement affectées par la covid‑19, isoler celles dont la contamination a été avérée, fermer des lieux recevant du public, limiter voire interdire des rassemblements sur la voie publique, réquisitionner certains biens et services, prendre toute mesure permettant la mise à disposition de médicaments, bloquer le prix de certains produits, comme ce fut le cas pour les masques chirurgicaux.

Le régime juridique de gestion de la sortie de crise créé par la loi du 31 mai 2021 autorise aussi le Gouvernement à prendre des mesures permettant de vivre avec le virus. L’article L. 3131‑1 dispose que le ministre chargé de la santé peut, par arrêté motivé, prescrire dans l’intérêt de la santé publique toute mesure proportionnée aux risques courus et appropriée aux circonstances de temps et de lieu. Le droit commun semble donc équilibré et susceptible de pourvoir parfaitement aux nécessités sanitaires, en cas de reprise de l’épidémie. C’est au demeurant la finalité explicitement prévue par cet article, qui dispose que « le ministre peut également prendre de telles mesures après la fin de l’état d’urgence sanitaire […] afin d’assurer la disparition durable de la situation de crise sanitaire ».

Lorsque la situation l’exige, la proclamation de l’état d’urgence sanitaire n’est évidemment pas discutable. C’est la raison pour laquelle nous ne nous y sommes point opposés, ni au moment de la création de l’état d’urgence sanitaire en mars, ni lors de sa prorogation en mai. À l’inverse, lorsque la situation ne l’exige plus de manière évidente, il est impératif de sortir de cet état d’exception afin de retrouver le droit commun.

Le projet de loi vise à proroger uniquement le système d’information de pilotage de l’épidémie et le passe sanitaire pour les voyages ayant comme point de départ ou d’arrivée la France, et ce sans créer un nouveau régime de droit commun, qui serait sous le contrôle resserré du Parlement et sous un éclairage scientifique. Et, bien qu’il s’agisse de prolonger des dispositions importantes, nous ne disposons ni d’une évaluation des mesures prises, ni d’un bilan épidémiologique. Par ailleurs, si son objet est certes restreint, ce projet ne permet nullement d’améliorer la transparence et de mieux associer le Parlement aux mesures à venir. C’est un choix regrettable.

Quelle est la stratégie vaccinale du Gouvernement ? Nous pouvons lire ou entendre beaucoup de choses dans la presse et les médias, notamment en matière de conseils à la population, mais nous n’avons aucune information émanant directement du Gouvernement.

Enfin, des personnels médicaux et soignants ont refusé des obligations associées à la phase aiguë de l’épidémie. Y a-t-il un bilan les concernant ? Quelles sont les intentions du Gouvernement à leur sujet ?

La position de notre groupe est subordonnée aux réponses qui seront apportées à ces questions.

M. Philippe Pradal (HOR). Monsieur le ministre, permettez-nous de saluer votre nomination à la tête de ce ministère si important, qui a été tant sollicité ces deux dernières années. Il faut rendre hommage à toutes les personnes qui sont en première ligne depuis le début de la crise. Nous nous réjouissons que, pour accomplir cette lourde tâche, vous puissiez désormais compter sur le soutien et l’expertise de notre ancienne collègue, Agnès Firmin Le Bodo.

Le projet de loi devrait tous nous réjouir, en montrant qu’il est possible de gagner des batailles contre la pandémie. Grâce à la vaccination et aux efforts de tous les Français pendant cette période longue et difficile, nous savons désormais comment vivre avec la covid-19, sans mettre à mal notre système hospitalier, sans plonger dans une crise sanitaire.

Je m’interroge sur la capacité à décider au niveau national de l’obligation du port du masque dans les hôpitaux et les EHPAD sans le fondement juridique des lois sanitaires, qui deviendront caduques à la fin du mois. En cas de regain de l’épidémie, comme c’est le cas, le Gouvernement serait-il en mesure d’imposer le port du masque dans les lieux où les personnes sont particulièrement vulnérables ?

Par ailleurs, pourriez-vous dresser un état des lieux de la couverture vaccinale dans les EHPAD ?

Sur le texte en lui-même et le retour au droit commun de l’article 1er, je ne reprends pas les éléments de l’avis du Conseil scientifique sur l’intérêt de disposer d’outils de suivi de la pandémie. Le Conseil d’État souligne, à juste titre, que ce report est sans incidence sur la durée de conservation des données directement identifiantes, de trois ou six mois à compter de l’enregistrement.

Concernant l’article 2, il permettra, en fonction de la situation, d’instaurer un passe sanitaire aux frontières pour les personnes de plus de 12 ans se déplaçant à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou des territoires ultramarins. Les personnels intervenant dans les services de transport concernés devront également présenter un passe. Il s’agit d’un outil important, permettant de mettre sous contrôle, voire d’endiguer le développement de futurs variants en provenance de l’étranger.

Vous pourrez compter sur le soutien des membres du groupe Horizons pour faire adopter ce texte, qui nous paraît nécessaire et équilibré.

Mme Sandra Regol (Écolo - NUPES). Monsieur le ministre, vous avez parlé d’une stratégie gouvernementale claire et vous êtes félicité de notre système de tests. Mais en termes d’accès, tout ne me semble pas si clair, d’une part parce qu’ils ne sont pas gratuits, d’autre part parce que le passe est toujours demandé lorsqu’on y a recours. Cela induit, pour celles et ceux qui ne sont pas à jour, qui pensaient que le passe était dépassé, des coûts que tout le monde n’est pas en mesure d’assumer.

La clarté, ce n’est pas non plus ce que les Françaises et les Français mettent en avant lorsqu’on les interroge sur la situation actuelle. Faut-il porter un masque ou non ? Quand recevoir une nouvelle dose de vaccin ? Qu’en est-il de la situation des hôpitaux ? Cela fait pourtant longtemps que les scientifiques et les soignants réclament des indicateurs clairs, comme le taux d’occupation des lits de réanimation, de soins intensifs, et de soins continus. On sait que le nombre de lits a encore diminué ces deux dernières années, en pleine pandémie. Il faudrait que ces indicateurs soient créés rapidement, et que le nombre de lits disponibles soit constant. On sait aussi que les personnels de santé sont éreintés, mis de côté, qu’ils choisissent d’abandonner, par dégoût, par lassitude, par sentiment de ne pas être suffisamment respectés. Cela fait encore des lits en moins. Et s’y ajoutent encore d’autres en cette période de vacances estivales, qui voit pour la première fois une recrudescence de la maladie. Il y a de quoi être inquiet, et de tels problèmes se posent dans l’ensemble du territoire.

Quant aux Français de l’étranger, assignés à l’extérieur de nos frontières durant une partie de la pandémie, ils s’interrogent aujourd’hui sur le sort qui leur sera réservé : tests ? vaccins ? passes ? On est assez loin de la clarté.

Enfin, La Défenseure des droits, Claire Hédon, a rappelé que les mesures exceptionnelles, si elles étaient nécessaires pour lutter contre la pandémie – et les zoonoses ne sont pas près de disparaître si nous ne changeons pas nos modes de vie – ne devaient pas empiéter sur nos libertés. Or, nombreuses sont les libertés qui n’ont pas été respectées durant cette période.

Nous aurons besoin d’éclaircissements pour voter en connaissance de cause.

M. Davy Rimane (GDR - NUPES). Depuis plus de deux ans, les Français subissent les conséquences d’une pandémie que nous ne pouvions pas prévoir, mais que nous aurions pu mieux gérer. Depuis les attentats du 13 novembre 2015, la France a vécu plus de la moitié du temps sous le régime de l’état d’urgence, antiterroriste puis sanitaire.

Sans remettre en cause la légitimité d’instaurer un régime d’exception en période de crise, nous devons tous convenir que, pour préserver les droits et les libertés individuelles mais aussi pour maintenir la confiance avec nos concitoyens, le recours à ces régimes d’exception doit être circonscrit dans le temps pour éviter qu’ils soient banalisés et intégrés au droit commun.

Or, ces principes semblent avoir été oubliés dans certains territoires. En Guyane, les mesures les plus strictes, restrictives et attentatoires aux libertés individuelles prévues par l’état d’urgence sanitaire ont été appliquées sans discontinuer jusqu’à sa levée définitive, en mars 2022. Deux ans ! Mon territoire a fait partie, avec d’autres outre-mer ou dans l’Hexagone, des principales victimes de la déliquescence du service public de la santé, que la crise sanitaire a mise en lumière. Les manquements dont souffre l’hôpital public et que son personnel dénonce depuis des années, notamment l’insuffisance des moyens financiers et humains, le manque de lits en réanimation ou le défaut de considération, ont aggravé la crise. Les nombreux atermoiements du Gouvernement, sur le port du masque ou les confinements entre autres, n’ont fait que ralentir la sortie de crise. Ainsi, le tribunal administratif de Paris a reconnu, le 28 juin dernier, la responsabilité fautive de l’État dans la gestion du stock de masques antérieurement à l’émergence de la covid-19 puis dans la communication gouvernementale initiale relative au port du masque pour la période antérieure à mai 2020.

Savez-vous seulement comment vont nos jeunes, nos étudiants, qui ont pris de plein fouet ces mesures radicales et ont souffert du confinement ? Aucune étude n’a été réalisée pour évaluer la santé mentale des Français, particulièrement des plus jeunes. Les familles françaises les plus précaires sont en détresse sociale. Dans le secteur économique, de nombreux professionnels se sont sentis lésés et se sont retrouvés en grande difficulté.

Les décisions prises pour lutter contre la pandémie négligent tout une dimension humaine. Posons-nous les bonnes questions, car les crises se succèdent sans que nous trouvions de solution durable.

Il est heureux que ce projet de loi ne tende à proroger ni le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire, ni celui de la sortie de crise sanitaire. Hélas, il ne résout pas le problème structurel des hôpitaux et les difficultés de notre système de santé face à de telles crises sanitaires. Il ne prévoit pas davantage de dresser le bilan de la gestion de cette crise, au regard du jugement rendu par le tribunal administratif de Paris. En revanche, il vise à prolonger le maintien des systèmes d’information de crise. Nous nous y opposerons, tout comme nous voterons contre la possibilité de demander un passe aux personnes qui se déplacent à destination ou en provenance de la Corse ou d’une collectivité ultramarine, car nous souhaitons que cette disposition soit réservée aux personnes entrant ou sortant du territoire national.

Ce texte n’est pas à la hauteur des enjeux, en particulier en outre-mer.

M. Olivier Serva (LIOT). Notre groupe se félicite que le cadre de l’état d’urgence sanitaire et le régime de sortie de l’état d’urgence sanitaire s’achèvent enfin le 31 juillet. Depuis le début de la pandémie, nous avons vécu de manière continue sous un régime d’état d’exception, état d’urgence sanitaire puis régime de sortie de l’état d’urgence – sorte d’état d’urgence qui ne dit pas son nom.

Ces régimes d’exception, censés être temporaires, ont perduré plus de deux ans. Il n’était que temps d’en sortir et de gérer la situation par le droit commun, d’autant que de nombreuses mesures attentatoires aux libertés individuelles ont été inefficaces. Ainsi, le passe vaccinal n’a pas conduit à la hausse escomptée des vaccinations, alors même qu’il représentait une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales. De même, le confinement et le couvre-feu furent des mesures excessives et discutables, appliquées uniformément sans tenir compte des contextes locaux, ce que nous regrettons particulièrement dans les outre-mer.

Espérons qu’une page se tourne le 31 juillet, lorsque les régimes d’exception seront caducs, et que le Gouvernement, plutôt que de relancer un arsenal de mesures disproportionnées, privilégie une relation de confiance avec les territoires.

Cependant, est-il pertinent de maintenir les systèmes d’information de crise jusqu’au 31 mars 2023 ?

Le maintien du passe sanitaire entre la Corse, les collectivités ultramarines et l’Hexagone paraît nécessaire pour limiter la hausse des contaminations dans les territoires fragiles où les systèmes de santé, déjà saturés, ne pourraient affronter une nouvelle vague épidémique. Cette mesure, qui répond à la demande de certains territoires, est appropriée mais, du fait de la pénurie de personnels soignants, nous souhaitons que soient immédiatement réintégrés les personnels soignants non vaccinés. Le maintien de cette sanction, alors que les principales mesures sanitaires devraient être levées le 31 juillet prochain, est contre-productive et injustifiée.

Aucune considération d’ordre juridique ou sanitaire ne permet de suspendre des personnels, qui plus est des fonctionnaires, qui acceptent de se faire tester. Surtout, le manque d’effectifs chronique place les hôpitaux dans des situations critiques, en particulier en outre-mer où les suspensions ont été nombreuses – par exemple en Guadeloupe d’où je viens.

Il est urgent de réintégrer ces personnels désireux de travailler, dont l’hôpital a besoin. La question de la période de non-rémunération doit aussi être traitée. Le groupe LIOT a déposé deux amendements en ce sens.

M. François Braun, ministre. Vous me demandez si je réintégrerai les soignants non vaccinés. Je peux vous répondre simplement que ce n’est pas d’actualité, comme l’a rappelé le Président de la République, et que ce n’est pas l’objet de ce texte. Cela étant, j’ai beau avoir joué au rugby pendant dix ans, je n’ai pas pour habitude de botter en touche. Je m’attacherai donc à répondre le plus honnêtement possible à toutes les questions qui se poseront.

Plutôt que de commencer par les soignants non vaccinés, je préfère souligner la responsabilité et l’engagement de l’immense majorité des professionnels qui se sont fait vacciner. Cette vaccination relève d’une double responsabilité, individuelle et collective. On se fait vacciner pour soi, pour ses proches et sa famille, mais aussi pour protéger l’ensemble du système de santé. Ne pas se faire vacciner, c’est prendre le risque d’augmenter le nombre de malades, d’accroître la charge qui pèse sur notre système de santé, et de moins bien prendre en charge les patients, qu’ils souffrent de la covid-19 ou d’autre chose. Notre ministère prendra toutes les mesures nécessaires pour faire prendre conscience du caractère essentiel de cette responsabilité tant individuelle que collective. Cela étant, rappelons que selon la dernière enquête, la proportion d’agents suspendus est très faible, de l’ordre de 0,53 %. D’autre part, il reste possible de suspendre cette obligation par décret, après avis des autorités scientifiques, si la situation épidémique le permet.

J’en viens à la stratégie vaccinale. Sur les préconisations des autorités scientifiques, nous concentrons nos efforts sur les personnes les plus fragiles : celles âgées de plus de 60 ans, les personnes immunodéprimées et celles atteintes de pathologies chroniques. La HAS est du même avis. Bien entendu, cette décision pourra être révisée en fonction de l’évolution de la pandémie. Il n’est pas prévu de rouvrir les centres de vaccination pour le moment mais, s’il fallait élargir le public susceptible de recevoir une dose de rappel, la question serait posée.

Concernant le passe sanitaire, la septième vague n’est pas aussi virulente que la première. Cette pandémie aura au moins eu le mérite de nous enseigner qu’il faut rester humble et modeste face à l’évolution de ce virus et nous adapter aux données dont nous disposons. Selon un rapport de janvier du Conseil d’analyse économique, instance indépendante, l’instauration du passe sanitaire a permis d’éviter 4 000 décès et 32 000 hospitalisations. Compte tenu de la saturation de nos services, je n’ose imaginer dans quel état serait l’hôpital si cette mesure n’avait pas été prise. En outre, elle a permis de soutenir l’économie et d’éviter des dispositions plus restrictives et plus longues, dont les conséquences auraient été encore plus graves pour nos concitoyens.

L’adaptation est donc la règle. Nous devons vivre avec ce virus, ce qui ne signifie pas qu’il est immobile. Au contraire, il évolue sans cesse et nous devons être suffisamment réactifs.

Certaines questions étaient hors sujet mais j’y répondrai tout de même. Le Ségur de la santé était indispensable et des efforts sans précédents ont été consentis, par étapes : ce fut ainsi au tour des personnels médico-sociaux de bénéficier en début d’année d’une revalorisation de leur salaire. Personne n’a jamais dit, cependant, que le Ségur était suffisant et c’est pour cette raison qu’une conférence des parties prenantes a été lancée.

La fin de l’état d’urgence marque celle du passe vaccinal, qui ne sera plus exigible après le 31 juillet. Il en est de même pour toutes les mesures prises dans le même cadre.

En revanche, ce projet de loi tend à maintenir la possibilité d’exercer un contrôle sanitaire exceptionnel à nos frontières, dans des circonstances particulières. Que se serait-il passé si cette mesure n’avait pas existé lorsque le variant omicron a surgi en Afrique du Sud ? Loin de moi l’intention de stigmatiser l’outre-mer, comme a pu le craindre M. Gosselin. Au contraire, je veux le protéger. J’ai personnellement participé aux évacuations sanitaires des patients antillais. C’est un vrai pont aérien qui a été installé et c’est dans cet état d’esprit que je continuerai à travailler pour l’outre-mer. Je m’y rendrai d’ailleurs prochainement, pour témoigner de notre intérêt et pour honorer la mémoire d’un collègue, hélas disparu, qui s’est beaucoup investi dans la lutte contre la covid-19.

S’agissant des masques, faut-il passer par la recommandation, l’incitation, l’obligation ? La question mérite, en effet, d’être posée. Nous vivons depuis deux ans et demi avec le virus, et ce n’est pas fini. La HAS nous prédit de nouvelles vagues, mais on peut espérer que le virus, plus contagieux, sera moins dangereux. Nous pourrions aussi imposer des tests à la chaîne, en permanence. Nous pouvons surtout éduquer nos citoyens. Le titre de mon ministère ne vous aura pas échappé : santé et prévention. L’un de mes objectifs sera de transmettre cette culture de la prévention aux personnels hospitaliers qui sont en contact avec des personnes fragiles. Les soignants ont la responsabilité de porter le masque pour limiter la transmission de maladies, qu’il s’agisse de la covid-19 ou de la grippe. Ils doivent retrouver ce réflexe. C’est un geste citoyen qu’il faut adopter pour freiner la diffusion du virus, dont on craint toujours un nouveau variant plus dangereux.

Le tribunal administratif de Paris a reconnu l’État fautif, le 28 juin dernier, pour sa gestion des masques. Mais dans des décisions contraires, le tribunal administratif de Lyon a considéré que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’État n’étaient pas réunies. Il faut l’entendre aussi. Toutes les options juridiques seront examinées pour démontrer devant les juridictions qu’aucune faute ne peut être imputée à l’État en l’espèce.

La robustesse du système de test a été mise en doute. C’est montrer peu de considération pour les professionnels qui continuent à se mobiliser tous les jours, week-end compris, jusqu’à tard le soir, pour tester nos concitoyens. Jusqu’à 12 millions de tests ont été réalisés en une semaine en janvier et je félicite les professionnels qui se sont mobilisés.

La stratégie du Gouvernement est claire. Il faut, tout d’abord, renforcer les gestes barrières, porter le masque dans les lieux surpeuplés, se laver les mains. Ces usages déjà un peu oubliés sont efficaces contre la covid-19, mais aussi contre les épidémies de bronchiolite ou de gastro-entérite. Nos concitoyens sont responsables et ils respecteront ces recommandations. Il faut ensuite vacciner les plus fragiles et, enfin, renforcer les traitements – l’antiviral Paxlovid et les anticorps monoclonaux.

Pour ce qui est des EHPAD, je reconnais que la situation est préoccupante. Seuls 50 % des personnes en EHPAD sont vaccinées, ce qui n’est pas normal. Le ministère a interpellé les directions des établissements et facilité la distribution de vaccins. Les ARS exercent un rétrocontrôle des déclarations de vaccination : les établissements qui n’ont pas déclaré de vaccinations devront s’en expliquer.

La covid-19 n’est pas la première zoonose à laquelle nous sommes confrontés, ni la dernière, et nous ne pourrons faire l’économie d’une réflexion sur la santé globale. Le Conseil scientifique sera remplacé par un comité de veille sur les risques sanitaires, dont la composition n’est pas encore arrêtée, mais qui devra intégrer les professionnels qui suivent cette problématique, en particulier les vétérinaires.

La date du 31 mars 2023 a été retenue car elle intervient après l’hiver, à une période où l’on peut raisonnablement penser, à la suite des scientifiques et de la HAS, que la vague hivernale sera redescendue. Mais avant ce répit, l’hiver sera sans doute marqué par une hausse des cas de grippe et de covid-19, dont les symptômes sont proches de ceux de la grippe mais qu’il faudra continuer à distinguer. Nous devons donc conserver la possibilité de dépister la résurgence d’un variant particulier jusqu’à la fin de l’épidémie de grippe.

Je dirai bien évidemment un mot de la crise des urgences, puisque je me suis vu confier une mission flash sur les urgences et soins non programmés. Le terme « flash » a été moqué, mais je le revendique car il était devenu impératif d’apporter des réponses pratiques et pragmatiques, non pas à la crise des urgences, mais à celle de l’hôpital et du système de santé dans son ensemble.

La crise des urgences n’est que la partie émergée de l’iceberg. Les urgences sont le point d’aboutissement de toutes les difficultés, en amont comme en aval. Imaginez deux plaques tectoniques qui s’affrontent : c’est l’éruption. Bien évidemment, nous ne résoudrons pas tout en trois mois. Nos recommandations avaient pour objectif de passer ce cap difficile et de limiter les dégâts. Elles s’inspirent de pratiques qui ont donné de bons résultats dans certains territoires. Ce n’est pas l’alpha et l’oméga, mais une boîte à outils dans laquelle chaque territoire pourra puiser. Avant la fin de la semaine, le cadre de ces mesures devrait être défini. C’est bien à l’échelle des territoires que les solutions doivent être trouvées, car les problèmes qui se posent dans l’est mosellan ne sont pas les mêmes que dans le pays basque.

Chacune de ces recommandations s’accompagne d’un objectif principal et d’indicateurs, qui seront suivis dès la semaine prochaine pour conduire l’évaluation sur ces trois mois. Si les recommandations sont efficaces, nous pourrons en rediscuter, sinon nous devrons y mettre un terme.

M. Erwan Balanant. Le virus ne circule pas avec la même intensité dans tout le territoire. Serait-il possible que les mesures réglementaires soient prises à l’échelle du département, pour être adaptées à chaque situation ?

M. Philippe Gosselin. Monsieur le ministre, pour que nous parlions bien de la même chose, le taux de 0,53 % que vous avez évoqué concerne-t-il l’ensemble des soignants suspendus, aussi bien dans les services hospitaliers et médico-sociaux que dans la médecine de ville ? Combien de personnes sont concernées ?

M. François Braun, ministre. Il s’agit d’un peu moins de 12 000 de nos concitoyens, toutes professions confondues, y compris les personnels techniques et administratifs.

Mme Danièle Obono. Monsieur le ministre, vous n’avez pas répondu à la question concernant la prévention et la planification de la réponse sanitaire. C’est pourtant la clef.

Commençons par les transports : le chassé-croisé des vacanciers a commencé. Qu’avez-vous prévu pour limiter la propagation du virus, notamment à bord des trains ? Vous contenterez-vous de recommander le port du masque dans les lieux clos ? Ce serait assez léger.

D’autre part, la pandémie risque de reprendre de plus belle cet automne, au moment de la rentrée scolaire. Que pensez-vous de notre proposition d’installer des purificateurs d’air dans les écoles, sans que la charge en repose exclusivement sur les collectivités, qui n’en auront pas les moyens ? Des études menées en Belgique dans les écoles ont mis en évidence l’efficacité de ces dispositifs pour freiner la progression de la pandémie. L’école a été le point faible de votre stratégie sanitaire. Qu’avez-vous prévu de faire pendant les mois d’été pour préparer la rentrée ?

Mme Cécile Untermaier. Recevez toutes mes félicitations pour votre nomination.

Certains collègues vous ont déjà interrogé au sujet de la réintégration des personnels soignants qui ont été suspendus parce qu’ils refusaient de se faire vacciner, dont vous venez d’indiquer qu’ils sont 12 000. Alors que l’hôpital et la médecine de ville sont à bout de souffle, que les déserts médicaux ne cessent de progresser et que l’on manque de soignants, ne conviendrait-il pas de faire preuve de souplesse, sachant que l’on a déjà admis que des soignants vaccinés mais testés positifs à la covid-19 puissent travailler ?

Ma deuxième question concerne les dérogations à la vaccination. Dans nos permanences, nous avons rencontré des personnes qui souhaitaient ne pas être vaccinées, non par opposition de principe, mais pour des raisons médicales, qui ne sont pas toujours prises en compte. Envisagez-vous d’assouplir le dispositif, par exemple pour les personnes souffrant de la maladie de Lyme ?

Enfin, le moment semble venu de faire le bilan de l’épidémie de covid-19. Certaines personnes ont subi des traumatismes majeurs, qui ne sont pas pris en compte par la puissance publique ; elles ressentent des douleurs psychiques et physiques, souffrent parfois d’un covid long. Or, on n’en parle pas. Il est essentiel de faire le bilan de ces deux années et des effets délétères qu’elles ont pu avoir sur les populations fragiles. Je pense notamment aux étudiants, qui ont été en grande souffrance.

M. Yoann Gillet. Vous avez salué l’engagement de nos soignants. Pourtant, le dispositif de veille et de sécurité sanitaire proposé par le Gouvernement en matière de lutte contre la covid-19 passe à côté de l’essentiel. L’état de notre système de santé est une honte pour notre pays ! Les moyens qui lui sont consacrés sont sous-dimensionnés, nos hôpitaux manquent de personnel, nos soignants souffrent, manquent de considération et sont à bout. Ils sont de plus en plus nombreux à changer d’orientation professionnelle.

Or, le Gouvernement ne prévoit rien pour remédier à ce qui est à la fois une injustice sociale et une aberration en termes de santé publique. Alors que nous manquons cruellement de soignants, des milliers d’entre eux sont suspendus. Quand le Gouvernement mettra-t-il fin à cette hérésie ? Quand agira-t-il pour l’intérêt de notre système de santé ? Quand réintégrerez-vous les milliers de soignants injustement suspendus, qui sont pourtant indispensables ?

Vous venez de nous dire que ce n’était pas d’actualité. C’est pourtant une priorité. Il y a urgence : réagissez !

M. Ludovic Mendes. Je vous ai vu à l’œuvre, pendant la crise sanitaire, au sein du service d’urgence de l’hôpital de Metz : nous allons perdre un grand homme aux urgences, mais nous gagnerons un grand ministre. Nous connaissons votre combat pour les urgences et les hôpitaux.

La Moselle et l’Alsace ont été très fortement touchées par la pandémie. Nombre d’entre nous et de nos soignants ont d’ailleurs pu avoir le sentiment d’être oubliés au début de la crise, même si les choses ont changé par la suite. La proximité avec le Luxembourg nous prive d’un certain nombre de soignants, nous en manquons et nous cherchons des solutions.

À l’heure où le nombre de contaminations repart à la hausse, les hôpitaux ne sont pas encore engorgés, mais on commence à voir des personnes arriver dans les services d’urgence et de réanimation, aussi bien à l’hôpital public que dans les établissements privés ou privés solidaires. Un plan d’organisation de la réponse de sécurité civile (ORSEC) vient d’être déclenché en Moselle pour faire face aux difficultés liées à la canicule et aux fortes chaleurs et d’autres départements risquent de faire de même. Cela impliquera une mobilisation des personnels soignants, sanitaires et de la sécurité civile.

La reprise épidémique pourrait avoir des conséquences graves pour nos hôpitaux, compte tenu de la crise qu’ils traversent. L’arrivée de nouveaux variants sur le territoire européen justifie le maintien d’une vigilance sanitaire. Au-delà de ce que prévoit ce projet de loi, comment soutenir l’hôpital public pour lui permettre de faire face à la reprise épidémique au cours des prochains mois ?

M. Mansour Kamardine. Je vous adresse à mon tour mes vœux de bienvenue au sein de cette belle commission des lois, où nous pourrons partager avec vous les préoccupations de nos compatriotes, y compris ceux d’outre-mer.

Je m’interroge sur la finalité de l’article 2 de votre projet de loi. Contrairement à ce que vous avez pu dire, ce que nous ressentons, en tout cas à Mayotte, c’est une stigmatisation des populations et des territoires ultramarins ; c’est que, vu de métropole, ce sont les ultramarins qui importent l’épidémie. Nous ne partageons évidemment pas ce point de vue.

Vous avez rappelé que, depuis le début de l’épidémie en 2020, des progrès fantastiques ont été faits dans le domaine médical, avec l’arrivée des vaccins. Pour ma part, j’ai déjà reçu trois injections et si vous me demandiez d’en recevoir cinq, je le ferais volontiers. Mais ce que je ne peux pas supporter, c’est que l’on me contrôle à la fois à l’aéroport de Dzaoudzi et à Paris, comme si je venais de l’étranger, alors que je suis Français et que je passe d’un territoire français à un autre, et que l’on me demande encore de produire un test quand je repars. Quand mon collègue Philippe Gosselin vient à Paris ou repart dans sa circonscription, on ne lui demande pas tout cela. Ce traitement inégalitaire, pour ne pas dire discriminatoire, est insupportable.

Je vous demande donc de revoir votre texte afin qu’aucun de nos compatriotes ne soit soumis à ce système sous prétexte qu’il ne vit pas sous la même latitude. La différenciation est une chose, mais il est essentiel que tout le monde soit traité sur un pied d’égalité. Nous manquons de moyens matériels et humains, et on ne nous parle de différenciation que pour éviter de mettre en cause l’État. La discrimination des territoires ultramarins est insupportable !

Mme Elsa Faucillon. Je partage le constat dressé par plusieurs de mes collègues : après deux ans et demi de crise sanitaire, de gestion hypercentralisée et d’état d’urgence sans cesse prorogé, l’heure du bilan est venue – non pas un bilan définitif, puisque nous ne sommes pas au bout de la crise sanitaire, mais un premier bilan tout de même. Celui-ci doit nous permettre de franchir une nouvelle étape, que nous appelons de nos vœux : une nouvelle étape pour notre hôpital public ; une nouvelle étape pour les soignants et tous les personnels de l’hôpital public, qui est largement en crise ; une nouvelle étape dans la prévention et la prise en charge des conséquences des confinements successifs et, plus globalement, de la pandémie de covid-19 – je pense notamment à la santé mentale des jeunes.

S’il y a un domaine où il est nécessaire de faire un bilan, c’est bien celui de la gestion des protocoles sanitaires à l’école : ils n’ont pas cessé de changer, ont été profondément chaotiques et souvent annoncés à la dernière minute. Vous n’êtes pas ministre de l’éducation nationale, mais cette question relève bien de la santé publique. Le 16 avril, à Marseille, le Président de la République annonçait un effort massif de purification de l’air dans nos écoles, ajoutant même que les premiers résultats de cette mesure seraient visibles avant la fin de cette année. Ce que je vous demande, après cette annonce, ce sont des chiffres, un budget, un calendrier. La rentrée des classes va déjà être particulièrement difficile pour nos élèves, du fait du manque d’enseignants ; on ne peut pas leur faire subir, à nouveau, des protocoles chaotiques. Il est nécessaire d’accompagner les collectivités, car ces purificateurs sont chers. Si l’éducation est nationale, c’est bien pour assurer l’égalité sur l’ensemble du territoire. C’est la même chose pour la santé publique : merci de nous donner des éléments concrets quant aux moyens que vous allez engager pour garantir une rentrée moins chaotique que la précédente.

Mme Naïma Moutchou. Nous attendions ce texte, qui doit nous permettre de tourner la page, non pas de l’épidémie, mais de l’état d’urgence sanitaire. À chaque fois que nous avons eu à en débattre, nous avons rappelé qu’il s’agissait d’un régime exceptionnel qui, parce qu’il restreignait nos droits, devait être temporaire. Il est heureux que nous puissions enfin en sortir. Nous aurons toujours à notre disposition le droit commun, les mesures de police générale, les pouvoirs exceptionnels du ministre de la santé et les dispositions contenues dans ce texte.

La conservation des données à caractère personnel a suscité de nombreux débats. Dans la mesure où elle concerne le droit à la vie privée de nos concitoyens, il importe qu’elle soit précisément encadrée. Je suis favorable aux dispositions contenues dans ce texte, mais je veux m’assurer que le cadre de la conservation des données que nous avions voté sera maintenu. Les fichiers nominatifs n’ont pas vocation à être conservés au-delà du temps nécessaire pour atteindre l’objectif de protection de la santé publique. Pouvez-vous nous garantir que les délais de conservation de trois et six mois seront maintenus ?

M. Benjamin Lucas. Si j’étais provocateur ou taquin, je ne formulerais pas une question, mais une supplique : « Rendez les lits ! » Vous avez esquivé cette question centrale depuis le début de cette audition.

Nos soignants sont en souffrance, épuisés et très inquiets en ce début d’été. Nous devons leur assurer des conditions dignes pour exercer leur mission. Si le nombre d’hospitalisations augmente fortement, nous serons dans une situation dramatique. Ma question est donc très simple : comptez-vous rouvrir les milliers de lits fermés pendant et malgré la crise, qui nous manquent déjà et nous manqueront cruellement cet été ?

M. François Braun, ministre. Peut-on adapter les mesures de freinage et les territorialiser ? Il faut savoir de quoi on parle. Il est plus facile d’éviter la circulation du virus entre l’Hexagone et les outre-mer qu’entre la région Grand Est et la région parisienne, par exemple. Je ne prendrai qu’un seul exemple, qui m’a frappé. Pendant la première vague, le fameux cluster de Mulhouse s’est étendu selon nos anciennes frontières de 1870 : il a touché l’Alsace, est remonté vers Strasbourg puis il s’est diffusé vers la Moselle et le nord de la Meurthe‑et‑Moselle. Cela pour dire que le virus ne connaît pas les frontières terrestres.

S’agissant des outre-mer, les mesures de freinage ne sont pas prises contre mais pour nos territoires ultramarins, qui ont souvent connu des vagues épidémiques après l’Hexagone. Notre logique n’est certainement pas de culpabiliser ces territoires, mais de les protéger. À Mayotte, l’incapacité à fournir une réponse locale a immédiatement posé des problèmes majeurs. Ce sont d’ailleurs des Mahorais qui ont fait l’objet des premiers transferts en avion : nous les avons rapatriés pour mieux les prendre en charge. Je me suis mal fait comprendre : mon objectif n’est vraiment pas de stigmatiser les territoires ultramarins, mais de les protéger.

S’agissant de la prévention et de la planification de la réponse sanitaire, les mesures sont toujours les mêmes, à commencer par le port du masque et le lavage fréquent des mains avec du gel hydroalcoolique. Nous sommes revenus à cette phase. Je crois que nos concitoyens l’ont bien compris : il faut marteler ce message et il faut que nous soyons nous-mêmes exemplaires.

Plusieurs questions concernaient la rentrée scolaire et les écoles, qui me préoccupent au plus haut point. L’État a déjà investi 100 millions dans l’amélioration de la qualité de l’air dans nos écoles pour soutenir les collectivités territoriales, puisque c’est une compétence que l’on peut dire partagée, et il faut continuer d’agir en ce sens. Vous avez raison de nous alerter à ce sujet.

Je me suis déjà exprimé au sujet des 12 000 personnels de santé qui ont été suspendus. Dans toute décision médicale, on évalue le bénéfice et le risque. Le bénéfice qu’il y aurait à faire revenir ces 0,5 % de soignants est inférieur au risque de les voir contaminer un grand nombre de malades. Nous ne sommes pas sortis de cette pandémie. Dès que les scientifiques nous diront qu’il n’y a plus de risque, nous remettrons ce dossier sur la table.

Garantir l’égalité d’accès aux soins et lutter contre les déserts médicaux sont évidemment des priorités : j’y reviendrai.

Les contre-indications à la vaccination sont médicales et clairement identifiées par la Haute Autorité de santé. Elle les met d’ailleurs régulièrement à jour pour tenir compte des découvertes que font nos scientifiques à propos de ce virus. Il ne m’appartient pas d’aller au-delà des recommandations formulées par la HAS.

Les souffrances psychologiques et les cas de covid long sont également une préoccupation majeure. Nous ne mesurons pas encore toutes les conséquences de cette pandémie, y compris sur les personnels de santé. Qui aurait imaginé que la pandémie allait aboutir à l’épuisement psychologique des soignants, à un sentiment de perte de sens vis-à-vis de leur métier ? On ne l’avait pas prévu, on ne pouvait pas le prévoir.

Repenser notre système de santé est pour moi une priorité absolue. Nous sommes confrontés à un double problème, à la fois conjoncturel – gérer la situation cet été – et structurel.

Monsieur Mendes, je vous remercie pour vos propos. Je regrette déjà Metz, mais la mission qui m’a été confiée est de taille et je n’ai pas l’habitude d’éviter les problèmes. Nos soignants souffrent d’une perte de sens et exercent un métier pénible. Je me réjouis que, parmi les recommandations que nous avons faites, la Première ministre ait retenu celle qui concerne la reconnaissance de la pénibilité du métier des soignants. C’est la première fois que l’État reconnaît cette pénibilité. Pour l’heure, nous appelons surtout l’attention sur le travail de nuit, mais c’est un début.

Sur le plan structurel, notre système de santé est en grande partie le produit des Trente Glorieuses. Il est fondé sur l’offre de soins – et il existe d’ailleurs une direction générale de l’offre de soins. Cela veut dire que c’est celui qui présente la meilleure offre qui va emporter le jambon. Quand on veut gagner des parts de marchés – une expression affreuse que l’on entend dans tous les hôpitaux –, plutôt que de proposer une offre complémentaire de celle du voisin, on essaie d’avoir une façade plus jolie, de mettre des lumières, etc. J’exagère volontairement.

Ce système de santé fondé sur l’offre de soins n’est plus adapté aux besoins de santé de la population : vieillissement, pathologies chroniques, décompensations, etc. Nous devons construire un système fondé sur la réponse aux besoins de santé ; nous le devons à nos concitoyens. Répondre aux besoins de santé implique de faire travailler les gens ensemble, alors que raisonner en termes d’offre de soins, c’est, de fait, opposer les gens ; c’est, par définition, adopter une logique conflictuelle. Il faut que l’hôpital et la ville travaillent ensemble, que l’hôpital travaille avec les cliniques et les établissements de santé privés d’intérêt collectif (ESPIC). C’est ce qui permettra de rénover notre système de santé, de le rendre plus souple et plus adapté aux besoins actuels.

C’est ce que nous avons fait pendant la première vague : l’hôpital a travaillé main dans la main avec la médecine de ville. À Metz, nous avons travaillé main dans la main avec la clinique et l’ESPIC. C’est cet état d'esprit qu’il faut retrouver. C’est cet état d’esprit que les soignants ont apprécié et qu’ils veulent retrouver pour donner du sens à leur métier.

On est en train de faire le bilan de ces deux années et demie de crise, mais ce n’est pas si simple. Je vous donnerai un seul exemple : les transferts que nous avons faits en TGV, même s’ils ont été décriés, ont permis de sauver des vies en faisant passer des patients de territoires saturés, le Grand Est et l’Île-de-France, vers des zones de l’Hexagone qui avaient moins de patients hospitalisés. Même si on n’en a pas encore la preuve absolue, même si on ne peut pas encore dire combien de vies ont été sauvées, on commence à avoir un certain nombre d’éléments objectifs qui confirment que cette mesure a bien sauvé des vies.

« Rendez-nous des lits ! », m’avez-vous dit. Sachez que c’est l’une des deux préoccupations principales des urgentistes. La première, c’est que n’arrivent pas dans nos services des gens qui pourraient être mieux pris en charge ailleurs. C’est tout l’objet des recommandations que nous avons faites et qui vont être appliquées avec ce mot d’ordre : « Avant de vous déplacer, appelez. ». Il faut que les gens comprennent que, lorsqu’ils ont une angine, ils seront probablement mieux pris en charge par leur médecin généraliste qu’aux urgences, où ils risquent de passer huit heures dans la salle d’attente et où ils vont, en plus, crachouiller sur tout le monde… L’autre préoccupation des urgentistes, c’est celle des lits d’aval.

Ma responsabilité n’est pas d’ouvrir de nouveaux lits, mais de rouvrir ceux qui ont été fermés, faute de soignants. C’est un objectif majeur. D’ailleurs, si vous avez la solution miracle pour créer du jour au lendemain 150 000 soignants, je suis preneur ! Pour l’heure, il va falloir que l’on applique la stratégie du damage control, dont je vous ai parlé, et, surtout, que l’on réenchante le métier de soignant, en revenant à ses valeurs. Il faut évidemment rouvrir les lits, mais avec des soignants adaptés à ces lits. Au cours de la première vague, si l’on a transféré rapidement des patients, c’est parce que l’on a augmenté de façon exponentielle le nombre de nos lits de réanimation. Mais un lit de réanimation, ce n’est pas seulement un lit, un respirateur et une seringue électrique : il faut des soignants adaptés et compétents. Il va falloir rouvrir les lits qui ont été fermés, et le plus tôt sera le mieux.

M. Antoine Léaument. Plusieurs de mes collègues vous ont interrogé sur la réintégration des soignants suspendus et votre réponse n’est pas satisfaisante. Vous nous dites que ce n’est pas d’actualité et que ce n’est pas l’objet de ce texte. Mais ce projet de loi ne contient finalement aucune mesure susceptible de renforcer notre système de santé, alors que votre exposé des motifs signale qu’il est « déjà éprouvé par plus de deux ans de gestion de crise ». La faute à qui ? Vos prédécesseurs ont continué de fermer des lits pendant la crise sanitaire.

Vous nous avez dit que 12 000 personnes sont concernées par la mesure de suspension, dans de nombreux métiers. Il faut les réintégrer ; elles manquent à notre système de santé. Puisque vous avez évoqué la question de la pénibilité, je pense qu’il serait utile que ces personnels secondent ceux qui travaillent en ce moment même.

Ce qui me choque, dans vos propos, c’est que vous avez de nouveau dit des soignants non-vaccinés qu’ils n’ont pas le sens de la responsabilité collective. Vous avez dit que ne pas se faire vacciner, c’est faire plus de malades. Or on sait que la vaccination n’empêche ni la contamination, ni la transmission du virus. Pourquoi, dès lors, maintenir une mesure aussi absurde que la suspension des soignants, alors qu’on en a besoin ?

Votre éphémère prédécesseure, Mme Brigitte Bourguignon, avait déclaré vouloir faciliter la reprise d’activité des soignants retraités. Je vous propose une mesure bien plus simple : laissez les retraités tranquilles et réintégrez les soignants non-vaccinés. Si vous ne le faites pas, notre groupe le proposera par voie d’amendement.

Vous dites, enfin, qu’on ne pouvait pas prévoir le « craquage » des soignants. Vous n’écoutez pas du bon côté de l’hémicycle car le 2 avril 2017, dans un discours prononcé à Châteauroux, Jean-Luc Mélenchon avait parlé du risque de « krach sanitaire », en se fondant sur le témoignage des soignants, qui étaient déjà en grève.

M. Jean Terlier. Toutes mes félicitations pour votre nomination. On peut se réjouir de l’arrivée de ce projet de loi qui, sans remettre en cause la sortie de l’état d’urgence, nous fournit des outils pour une surveillance efficace de l’évolution du virus. Vous avez évoqué la situation de l’hôpital et je voudrais, à cet égard, vous féliciter pour les recommandations que vous avez formulées dans le rapport issu de votre mission flash. J’avais alerté votre prédécesseure sur la situation des urgences dans ma circonscription, notamment à l’hôpital de Lavaur qui, par manque de médecins, ne pouvait plus assurer l’ouverture des urgences la nuit. Un certain nombre des recommandations que vous avez formulées vont permettre d’apporter des solutions et je vous en remercie.

Vous avez indiqué que vos recommandations devraient être mises en œuvre à l’échelle des territoires. Il me semble effectivement que c’est à cette échelle qu’il importe d’agir, mais pouvez-vous donner des précisions ?

M. Thomas Ménagé. Permettez-moi tout d’abord de me joindre à mes collègues et d’avoir une pensée pour tous les soignants, notamment pour ceux de mon territoire et du centre hospitalier de Montargis, qui travaillent dans des conditions très difficiles.

L’article 2 du projet prévoit que le Premier ministre peut « par décret pris sur le rapport du ministre chargé de la santé », imposer aux personnes souhaitant se déplacer à destination ou en provenance du territoire hexagonal, de la Corse ou des outre-mer, la présentation du résultat d’un test négatif, d’un justificatif de vaccination ou d’un certificat de rétablissement. Ce décret sera pris sur la base de l’intérêt qu’il présente pour la santé publique et aux seules fins de lutter contre la propagation de l’épidémie. Le Premier ministre est donc, dans ce cadre, le seul juge de l’opportunité de recourir ou non à ces restrictions de notre liberté de circulation. Pouvez-vous nous préciser quels seront les critères d’appréciation, les seuils précis, les indicateurs clairs sur lesquels l’exécutif prévoit de s’appuyer pour recourir ou non à ce dispositif ?

Vous le comprendrez, la méfiance légitime de nombreux Français quant à la gestion de la crise sanitaire nécessite beaucoup plus de transparence, notamment s’agissant de mesures qui portent atteinte à nos libertés fondamentales et qui introduisent, comme l’a rappelé M. Kamardine, une forme d’inégalité, voire de stigmatisation, vis-à-vis de nos compatriotes d’outre-mer.

M. Thibault Bazin. Monsieur le ministre, je me réjouis qu’il y ait enfin des Lorrains au sein du Gouvernement, après cinq années d’oubli de notre région par le Président de la République !

Je souhaite vous interroger sur les réserves émises par le Conseil d’État dans son avis relatif à votre projet de loi. Selon lui, « il en résulte un état du droit peu lisible, dès lors que les dispositions des articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique […] ne sont plus susceptibles de recevoir application au-delà du 31 juillet 2022, sans être pour autant formellement abrogées. » Le Conseil d’État rappelle également « l’intérêt s’attachant à ce que soit réalisée une évaluation du cadre juridique actuel […] compte tenu des limites du droit en vigueur et des besoins spécifiques, y compris en matière de traitements de données à caractère personnel, auxquels la législation en vigueur ne permet pas de répondre de manière suffisante. » Envisagez-vous d’autres projets de loi, en complément de celui-ci, pour mieux gérer le risque épidémique, puisque celui-ci s’inscrit dans la durée ?

Par ailleurs, face à la hausse des contaminations, je souhaite vous relayer une demande récurrente qui remonte du terrain : allez-vous ouvrir la vaccination à tous ceux qui le souhaitent, en arrêtant de découper la population majeure par tranches d’âge ?

M. Thomas Portes. Après deux années d’une gestion de crise sanitaire erratique, le Gouvernement nous présente un onzième projet de loi relatif au covid-19 qui, comme les précédents, ne répond pas à la question centrale : quelle politique de santé publique pour le pays ? Sans moyens financiers et humains pour l’hôpital public, il n’y a pas de lutte efficace contre une pandémie. Or, depuis dix ans, 12 milliards d’euros d’économies ont été faits sur le dos de l’hôpital public.

Monsieur le ministre, je partage votre constat, mais pas vos solutions. Les chiffres sont accablants : 120 services d’urgence, recouvrant 20 % du pays, tournent au ralenti ou sont fermés sur diverses plages horaires, singulièrement la nuit, et aucun territoire n’est épargné. Les personnels sont épuisés et les drames se multiplient : ainsi, dans la nuit de dimanche à lundi, aux urgences du centre hospitalier universitaire de Toulouse, une femme de 47 ans s’est retrouvée en état de mort cérébrale en raison d’une prise en charge trop tardive. Cela fait des années que les soignants, les citoyens et les élus se mobilisent et alertent le Gouvernement, mais celui-ci demeure sourd à leurs revendications.

Pire, il a commandé une mission flash sur le sujet, comme lors du précédent quinquennat. Votre nomination a d’ailleurs été qualifiée de provocation par l’association des médecins urgentistes de France car, dans le rapport de cette mission, que vous avez pilotée, vous recommandez la fermeture de certains services d’urgence, notamment la nuit. Cela entraînerait une rupture de la continuité du service public et une mise en danger des patients. Selon nous, il n’y a pas d’autre option que d’avoir un service d’urgence à trente minutes de chez soi, ouvert 24 heures sur 24 et 365 jours par an. Nous avons formulé plusieurs propositions visant à renforcer les moyens de l’hôpital public : j’espère que le Gouvernement y donnera un avis favorable.

Enfin, nous demandons la réintégration de tous les personnels soignants non vaccinés, dont nous avons tant besoin.

Mme Sarah Tanzilli. Je tiens tout d’abord à vous féliciter pour votre nomination et à vous présenter mes vœux de réussite dans votre tâche.

Nous constatons une hausse massive du nombre de contaminations quotidiennes à la covid-19 : 100 000 cas par jour lors des sept derniers jours, le seuil des 200 000 cas devant être franchi aujourd’hui. Cette propagation exponentielle soulève plusieurs questions. De quels traitements disposons-nous et quels en sont les résultats sur les différents variants présents sur notre territoire ? Quel est l’état de nos stocks ? Comment prévoyons-nous de les faire évoluer et de nous approvisionner ? Quels sont les profils des patients qui peuvent en bénéficier ?

M. Jean-François Coulomme. Pour faire revenir les personnels dans les établissements médicaux, il faudrait, selon vous, rendre cette profession plus attractive. Vous proposez pour cela d’appliquer le Ségur de la santé, qui prévoyait une prime de 183 euros par personne. Or seuls deux tiers des 800 000 soignants en ont bénéficié. La solution est donc très simple : il faut appliquer la loi votée sous le précédent gouvernement.

La liste des organismes autorisés à accéder à nos données personnelles relatives à la pandémie de covid-19 est très longue et présente peu de garanties. Il serait donc nécessaire que vous retiriez de cette liste ceux qui n’ont aucune raison objective d’accéder à ces données.

Mme Raquel Garrido. La Constitution prévoit un délai minimal de six semaines entre le dépôt d’un projet de loi par le Gouvernement et sa discussion en séance plénière. Or vous avez choisi, pour cette première loi, une procédure ultra-accélérée, où les délais ne se comptent pas en semaines ni même en jours, mais en heures… Votre projet de loi a été publié hier soir, et la rapporteure, désignée à quinze heures, a rendu son rapport dans un délai express, une demi-heure après sa nomination ! Quant aux amendements, ils doivent être déposés ce soir avant vingt et une heures. Il n’est pas raisonnable de fonctionner ainsi : ce n’est pas respectueux pour l’Assemblée nationale et ce n’est pas justifié par le contenu du projet de loi. Si encore il s’agissait de préparer la rentrée en fournissant des purificateurs d’air, d’élaborer un grand plan d’urgence pour éviter l’effondrement de l’hôpital pendant l’été, ou de réintégrer les soignants non vaccinés, pourquoi pas ? Mais tel n’est pas l’objet du projet de loi.

De plus, celui-ci reste flou sur la limitation des déplacements. Vous affirmez que le texte ne vise que ceux à destination ou en provenance de l’Hexagone, ce qui, dans l’absolu, peut concerner tous les déplacements. Cela nous semble exorbitant du droit commun. Il me paraît grave d’utiliser une procédure aussi abusive pour octroyer, de façon injustifiée, des pouvoirs supplémentaires à l’exécutif.

M. le président Sacha Houlié. La procédure accélérée a été très couramment utilisée pendant la précédente législature. Le rapport n’a pas encore été rendu et l’heure limite de dépôt des amendements, normalement fixée à dix-sept heures, a été repoussée de quatre heures pour tenir compte de l’audition.

M. Andy Kerbrat. Les vaccins ont prouvé leur efficacité dans la protection contre les formes graves de la covid-19 et sauvent des vies. La septième vague démontre toutefois qu’ils ne permettent pas de stopper la propagation du virus. On peut être vacciné, comme le sont 54 millions de Français, tout en étant porteur du virus et contribuer ainsi à sa transmission si l’on ne respecte pas les gestes barrières. Cela prouve que la vaccination n’est donc pas le bon outil pour lutter contre la transmission lors des déplacements. À l’inverse, le test protège la société car, en empêchant les personnes contaminées de se déplacer, il brise la chaîne de contamination. Il doit donc être le seul justificatif à présenter.

Vous vous félicitez, à raison, du succès des tests. Nous demandons donc de la cohérence : pour amplifier la dynamique, rendons-les gratuits, comme cela existe pour le sida, les infections sexuellement transmissibles ou les hépatites. Alors que nous entrons dans l’ère des pandémies liées aux zoonoses, la sécurité sanitaire et la protection des hôpitaux n’ont pas de prix. Pour un foyer de cinq personnes, à 44 euros le test, cela représente 220 euros, une charge que les plus précaires ne peuvent assumer, surtout en temps de crise sociale due à l’inflation et à la spéculation. Notre devoir est d’assurer la meilleure protection sanitaire à tous, quels que soient leurs revenus. Cette approche permettrait en outre de réintégrer le personnel soignant non vacciné.

M. François Braun, ministre. Concernant la conservation des données personnelles par les systèmes d’information, nous reprenons exactement les dispositions de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, à savoir trois mois en cas de test négatif et six mois quand il est positif.

Certains d’entre vous ne sont pas satisfaits de ma réponse concernant la réintégration des soignants non vaccinés : je l’entends mais c’est malheureusement la seule ! Le rapport bénéfices-risques est important, tout comme le sont les notions de responsabilité collective et de responsabilité individuelle, auxquelles il faut rester attaché.

Concernant le krach sanitaire annoncé, nous devons rester modestes, car le virus ne cesse d’évoluer. La vaccination empêche non pas la transmission, mais les formes graves de la maladie. C’est bien parce que ces dernières étaient trop nombreuses que les services de réanimation ont subi une crise majeure. La vaccination est donc nécessaire, non seulement pour sauver des vies mais aussi pour alléger la pression sur notre système de santé.

Les communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) continuent de se développer dans les villes, sur la base de la stratégie Ma santé 2022. Partout où il existe une solution efficace, une CPTS a été mise en place pour permettre le dialogue entre la ville et l’hôpital. C’est probablement à cette échelle qu’il faudra réfléchir. De même, il existe pour les hôpitaux des groupements hospitaliers de territoire (GHT). Dans certains endroits, des représentants de la CPTS siègent à la commission médicale d’établissement (CME) de l’hôpital, tandis que l’hôpital est représenté dans le conseil d’administration de la CPTS. Il faut encourager cette amorce de collaboration.

S’agissant des critères de contrôle des déplacements, nous nous inscrivons dans une stratégie européenne, à l’instar de ce qui existe pour les vaccins et les traitements. En effet, si le virus ne s’arrête pas aux frontières d’une région, il ne s’arrêtera pas davantage à celles d’un pays. La majorité de nos voisins sont étiquetés « verts » par l’OMS, c’est-à-dire qu’ils ne posent pas de problème particulier. Le projet de loi prévoit un rapport au Parlement concernant les décisions qui seront prises en la matière.

L’enjeu des crises sanitaires à venir est une préoccupation majeure. Le comité qui prendra le relais du conseil scientifique, lequel officiait dans le cadre de l’urgence sanitaire, aura un rôle élargi de surveillance de l’ensemble de la problématique, sur le modèle de One Health.

La quatrième dose de vaccin ne concerne pour l’instant que les plus de 60 ans et les personnes fragiles. Les recommandations scientifiques à ce sujet sont claires.

L’hôpital public n’est pas le seul à souffrir : nos collègues libéraux rencontrent eux aussi des difficultés. C’est donc sur l’ensemble du système de santé qu’il faut se pencher. Si nous sommes tous d’accord sur le diagnostic, nous différons sur le traitement. Je suis prêt à écouter toutes vos propositions. Je n’ai toutefois pas sorti les recommandations de mon chapeau : je suis allé les chercher sur le terrain.

Je tiens à mettre un terme aux délires sur les fermetures des services d’urgence la nuit : je n’ai jamais recommandé cela ! Le principe retenu est celui de l’évaluation de l’état clinique de la personne, soit par la régulation médicale, soit à l’entrée du service des urgences avec, le cas échéant, une réorientation vers la médecine générale. Je sais qu’une version de travail de notre document a été diffusée : je vous invite à revenir au document officiel, qui précise clairement ce point. Il serait impensable que nos concitoyens se rendent dans un service d’urgence et trouvent porte close. Il est évident qu’ils recevront une réponse, même si celle-ci devait aboutir à une réorientation du patient.

Concernant les traitements, le paxlovid, un antiviral, est de plus en plus prescrit – 1 500 patients ont été traités ainsi cette semaine, contre 900 la semaine dernière –, même si ce n’est pas encore suffisant. Concernant l’evusheld, une combinaison de deux anticorps monoclonaux, 22 000 personnes ont été prises en charge grâce à ce traitement depuis son lancement. Les indications ne sont pas tout à fait les mêmes, mais ces deux traitements sont disponibles rapidement grâce à la procédure de l’accès précoce, et nous allons continuer à inciter les médecins à les utiliser.

Le recours à la procédure accélérée pour l’examen du projet de loi tient à la nécessité que celui-ci puisse être achevé avant l’échéance du 31 juillet. Il n’était pas possible de l’examiner plus tôt en raison des élections, et nous ne pouvions pas attendre le 30 juillet.

Pour remédier aux maux de l’hôpital, nous avons besoin d’échanger sur des sujets majeurs. Je suis tout à fait ouvert aux discussions dans les semaines et les mois à venir. Personne ne trouvera la solution tout seul dans son coin : nous la trouverons ensemble, soignants, soignés et élus, car tout le monde est concerné. Plutôt que de parler de droits et de devoirs, je préfère parler de besoins et de responsabilité.

 

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2.   Examen des articles du projet de loi (réunion du mercredi 6 juillet 2022 à 9 heures)

Lien vidéo : https://assnat.fr/CCK4jd

M. le président Sacha Houlié. Mes chers collègues, la discussion générale sur le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid‑19 a eu lieu hier, en présence du ministre de la santé et de la prévention. Nous examinons aujourd’hui les articles du projet de loi.

Sur ce texte comportant deux articles, 113 amendements ont été déposés : 65 sont mis en discussion ; 18 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, suivant l’avis du président de la commission des finances, car ils tendent à aggraver une charge publique – des amendements prévoyant notamment, avec ou sans gage, la réintégration des soignants non vaccinés ; 30 ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution. Le projet de loi étant d’une portée très limitée, il a parfois été difficile, pour les auteurs d’amendements, d’établir un lien, même indirect, entre ceux-ci et le texte, qu’il s’agisse de la prorogation des outils SI-DEP (système d’information national de dépistage) et Contact Covid, ou de celle du contrôle sanitaire effectué lors des déplacements hors de l’Hexagone. Logiquement, et selon une jurisprudence constante, j’ai déclaré ces amendements irrecevables, faute d’avoir un lien avec les dispositions du projet de loi. L’audition de M. le ministre et la discussion générale qui a suivi ont permis d’aborder ces sujets.

Le délai de dépôt des amendements examinés en séance, portant sur le texte adopté par la commission, a été fixé par la conférence des présidents au vendredi 8 juillet à 17 heures.

Article 1er (article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions) : Prorogation des systèmes d’information mis en œuvre aux fins de lutter contre l’épidémie de covid19

Amendements de suppression CL34 de Mme Marie-France Lorho, CL54 de Mme Elsa Faucillon et CL94 de M. Ugo Bernalicis.

M. Jordan Guitton. Notre groupe souhaite supprimer l’article 1er.

Mme Emeline K/Bidi. Nous proposons la suppression de l’article 1er, qui vise à reporter au 31 mars 2023 l’échéance jusqu’à laquelle peuvent être mis en œuvre, dans des conditions conduisant à déroger au secret médical, le traitement, le partage et la conservation des données à caractère personnel relatives à la santé des personnes atteintes par le virus de la covid-19 et à celle des personnes ayant été en contact avec elles, dans le cadre des systèmes d’information, créés par décret en Conseil d’État, SI-DEP et Contact Covid. Ces fichiers permettent le traitement de données médicales particulièrement sensibles, qui peuvent relever du secret médical des patients comme de leur vie privée, éventuellement sans le consentement des personnes concernées. Compte tenu des protections constitutionnelle et conventionnelle du droit au respect à la vie privée et à la protection des données à caractère personnel, les atteintes portées à ces droits par la création de ces fichiers doivent, comme le rappelle la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) dans son avis du 10 septembre 2020, être justifiées par un motif d’intérêt général, nécessaires et proportionnées à la réalisation de l’objectif visé.

En raison du danger de la banalisation voire de la pérennisation de ces expérimentations et face à l’absence d’évaluation précise de l’efficacité et des conséquences du déploiement de ces outils numériques, nous proposons de refuser leur prorogation.

M. Ugo Bernalicis. Nous ne comprenons pas bien pourquoi il faut proroger le dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19. L’audition du ministre n’a pas été très bavarde à ce sujet, sinon pour indiquer que, chaque texte ayant fait l’objet d’un avis de la CNIL, toutes les précautions de forme ont été prises. Or la CNIL, dans ses avis, a émis des réserves sur le dispositif.

Le Gouvernement s’est engagé à lui remettre des rapports démontrant sa pertinence et son efficacité en matière de lutte contre l’épidémie. Il s’agissait de démontrer, non que les documents sont bel et bien supprimés dans un délai de trois ou six mois, ce qui a fait l’objet de contrôles, mais que le dispositif a permis d’atteindre l’objectif initialement visé. Dès lors qu’il autorise des démarches exorbitantes du droit commun et permet la mise en circulation de données médicales ainsi que la collecte de données personnelles des gens sans toujours disposer de leur consentement, la question se pose.

Le rapport de la CNIL sur les conditions de mise en œuvre des dispositifs contre la covid-19, annoncé hier et paru aujourd’hui, est très critique. Il leur reconnaît au mieux une utilité marginale dans la lutte contre l’épidémie.

Si l’on met tout cela bout à bout, on se demande bien pourquoi il faudrait proroger ce dispositif, alors même que la période transitoire de sortie de l’état d’urgence sanitaire prendra fin le 31 juillet 2022 et que la stratégie du Gouvernement n’est absolument pas claire pour la suite des événements. Nous ne signerons pas de chèque en blanc pour la collecte de nos données personnelles.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. L’article 1er vise à proroger jusqu’au 31 mars 2023 la base légale des systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid et non l’état d’urgence, comme l’affirment les exposés sommaires de certains amendements. Nous connaissons un contexte de circulation accrue de nouveaux variants et de risque élevé de rebond épidémique. À l’inverse de M. Ugo Bernalicis, je ne comprends pas bien pourquoi il faudrait, au cœur de la septième vague – nous avons dénombré 200 000 cas positifs hier –, abandonner les outils de suivi de l’épidémie.

Je rappelle que SI-DEP permet le traçage des cas contacts et donc la mise en œuvre de notre stratégie « Tester, alerter, protéger ». Il centralise les résultats des tests de dépistage et constitue un outil de surveillance quotidienne de l’épidémie, dont chacun est devenu coutumier. Quant à Contact Covid, il permet au personnel de l’assurance maladie, à celui des agences régionales de santé (ARS) et aux autres professionnels de santé d’assurer efficacement le suivi et l’accompagnement des personnes infectées et des cas contacts. C’est bien le « aller vers », réclamé par tout le monde, que ces systèmes d’information rendent possible.

Le souci de la protection des données personnelles est compréhensible. Je rappelle que ces systèmes d’information respectent entièrement le règlement général sur la protection des données (RGPD), comme l’a rappelé le Conseil d’État dans ses avis sur les divers projets de loi et sur les décrets d’application. Ils ont été mis en œuvre après avis systématique de la CNIL, qui diligente de nombreux contrôles pour s’assurer de la conformité de la mise en œuvre de ces outils avec les textes qui les régissent.

Par ailleurs, en matière de visibilité, nous avons adopté, dès le mois de mai 2020, des dispositions prévoyant la prorogation de ces systèmes d’information six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Par parallélisme des formes, nous poursuivons la stratégie consistant à surveiller l’épidémie, quand bien même l’état d’urgence sanitaire serait levé.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Madame la rapporteure, votre défense du dispositif est formelle : la CNIL a systématiquement rendu un avis et le RGPD est respecté. Très bien, mais là n’est pas le sujet. Ce sur quoi la CNIL interroge le Gouvernement, c’est l’adéquation entre le dispositif et les objectifs de lutte contre la pandémie.

Que la collecte des données personnelle serve à quelque chose ou à quelqu’un, je n’en doute pas, mais la démonstration qu’elle sert à atteindre ces objectifs n’a pas été faite. Pire, le Gouvernement a mis le doigt dans l’engrenage de la collecte des données : l’ayant fait passer pour normale et nécessaire, il n’a eu de cesse d’en étendre le périmètre et d’augmenter le nombre de personnes qui y ont accès.

Je me souviens parfaitement que vous, majorité, avez voté des dispositions donnant accès à ces données à des tas de gens, sans même savoir lesquels et dans quel but. Le ministre au banc était incapable de nous répondre à ce sujet, notamment sur le périmètre délimitant les agents de préfecture concernés. Le service des permis de conduire a-t-il accès aux données collectées dans le cadre de la lutte contre la covid-19 ? À moins qu’il ne s’agisse de s’assurer que les malades de la covid-19 ne conduisent pas !

Le dispositif a été étendu au point de présenter des risques objectifs. Nous ne voyons pas bien l’utilité de sa prorogation, dès lors que ni vous, madame la rapporteure, ni le Gouvernement, n’en démontre l’utilité.

M. Thomas Rudigoz. Notre groupe votera contre les amendements. Nous examinons un texte de loi très ramassé, comptant deux articles relatifs à deux outils. Nous sommes dans une situation de sortie de l’état d’urgence sanitaire. Les critiques que nous avons entendues sur la suppression de nos libertés ne sont plus de mise. J’ai l’impression d’entendre M. Ugo Bernalicis tenir les mêmes propos qu’il y a deux ans. Les dispositions que nous examinons sont presque d’ordre technique. L’échéance du 31 mars 2023 les rend clairement transitoires. Supprimer l’article 1er nous priverait d’un outil essentiel, qui a fait ses preuves, contrairement à ce que nous venons d’entendre dire.

M. Erwan Balanant. Nous voterons également contre les amendements. M. Ugo Bernalicis dit que le Gouvernement n’a pas démontré l’efficacité du dispositif. Si la CNIL a quelque compétence sur la gestion des fichiers, je ne suis pas certain qu’elle en ait une en matière de traitement des statistiques médicales, qui est un vrai métier. Se priver d’un outil qui sert à piloter les décisions prises par le Gouvernement et par les autorités publiques me semble un peu difficile à envisager. Si les courbes étaient, depuis un an, complètement plates, je comprendrais que l’on supprime tout. Or nous sommes dans un moment de résurgence de la maladie. Se priver de cet outil serait une faute grave. La commettre nous ferait sans doute prendre de mauvaises décisions, que les oppositions ne manqueraient pas de critiquer.

M. Philippe Gosselin. Je siège au collège de la CNIL depuis quelques longues années. L’avis dont les orateurs précédents se prévalent a été rendu le 19 mai dernier. La CNIL y rappelle que les dispositifs de lutte contre l’épidémie de covid-19 doivent conserver un caractère temporaire, dès lors qu’ils constituent une réponse à une situation sanitaire exceptionnelle. Par ailleurs, la CNIL a parfaitement compétence pour s’intéresser aux données personnelles de santé – tout autre qu’elle ne saurait le faire.

En outre, la CNIL rappelle que les rapports que le Gouvernement est censé lui remettre de façon régulière sont en général rendus très tardivement, ce qui la gêne dans son évaluation. Celui sur les dispositifs tels que Contact Covid et StopCovid n’a été remis qu’en début d’année. Les rapports consacrés à l’évaluation des autres dispositifs de santé ont été transmis le 16 mai 2022, soit avec plusieurs mois de retard. Cela signifie que la CNIL n’a pas pleinement les moyens de mener l’évaluation dont la loi lui a confié la charge. Quant au Conseil d’État, il est, d’après son avis du 24 juin dernier, assez circonspect sur le régime juridique de ces systèmes d’information.

La commission rejette les amendements.

Amendement CL33 de Mme Marie-France Lorho.

M. Jordan Guitton. Il s’agit de supprimer l’alinéa 2. La mention d’une date contredit l’exposé des motifs du présent projet de loi, qui prévoit un recours à des mesures proportionnées pour lutter contre une nouvelle expansion de la covid-19. Il est disproportionné de proroger le traitement des données à caractère personnel relatives à la santé des personnes infectées par le virus de la covid-19, surtout sans leur consentement, jusqu’au 31 mars 2023.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Cet amendement a pour effet de supprimer l’utilité de l’article 1er. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL81 de M. Thomas Ménagé, CL97 de M. Jordan Guitton, CL66 de Mme Marietta Karamanli, amendements identiques CL1 de M. Philippe Gosselin, CL6 de M. Patrick Hetzel, CL24 de M. Thibault Bazin, CL55 de Mme Elsa Faucillon et CL63 de M. Max Mathiasin, amendement CL18 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

M. Thomas Ménagé. Nous proposons de remplacer la date du 31 mars 2023 par celle du 30 septembre 2022. Nous ne souhaitons pas signer un chèque en blanc au Gouvernement. Il importe que la représentation nationale soit consultée à nouveau pour un point d’étape bien plus rapproché. On constate sur le terrain que, en la matière, la méfiance vis-à-vis de l’exécutif nécessite que nous débattions de façon régulière à ce sujet.

M. Jordan Guitton. Il convient d’avancer l’échéance, afin que la représentation nationale puisse procéder à une évaluation des dispositifs et éventuellement décider de la nécessité, ou non, de leur reconduction.

Mme Marietta Karamanli. Notre groupe propose d’avancer la fin de la prorogation des systèmes d’information SI-DEP et Contact Covid au 30 novembre 2022. Ils contiennent et traitent des données personnelles sensibles, couvertes par le secret médical, auxquelles de nombreuses autorités et de nombreux professionnels ont accès. Il convient donc de fixer strictement leur durée de vie en fonction de l’évolution de l’épidémie de covid-19.

L’amendement vise à garantir une clause de revoyure dans trois mois. Il laisse au Gouvernement la possibilité d’obtenir une nouvelle prorogation de ces deux systèmes d’information, si cela était nécessaire, une fois passé ce délai. Il s’agit de prévoir une date d’échéance raisonnable pour pouvoir se repositionner.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit de permettre au Parlement de débattre de façon régulière sur un sujet particulièrement sensible, qui nous a précédemment amenés à suspendre des libertés publiques et des droits fondamentaux. Certes, le présent texte ne vise pas – aucune ambiguïté ne subsiste à ce sujet – l’instauration d’un état d’urgence sanitaire, mais il importe d’assurer un bon équilibre entre le temps long nécessaire au Gouvernement pour travailler et la possibilité, pour le Parlement, de mener le débat démocratique.

Monsieur le président, nous avons commis, vous et moi, un rapport à ce sujet il y a un peu plus d’un an. Nous avions proposé d’adopter une clause de revoyure, qui avait été le leitmotiv de nos débats. Il me semble très opportun d’en adopter une.

Outre notre rapport, qui peut être contesté et me valoir une critique d’égocentrisme, je m’appuierai pour l’essentiel sur le point 6 de l’avis du Conseil d’État du 24 juin dernier, qui souligne les « limites du droit en vigueur et des besoins spécifiques, y compris en matière de traitements de données à caractère personnel, auxquels la législation en vigueur ne permet pas de répondre de manière suffisante ». Compte tenu des réserves exprimées par le Conseil d’État, fixer une date postérieure au 31 décembre 2022 sans clause de revoyure nous semble totalement inenvisageable. Il faut se revoir ici et débattre si nécessaire, fût-ce en plein hiver, fût-ce pendant une vague de covid-19.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Philippe Gosselin, l’excellent rapport que nous avons commis ensemble porte sur les mesures restrictives de liberté, qui peuvent faire l’objet d’une clause de revoyure.

M. Xavier Breton. Chacun connaît la tendance du Gouvernement à chercher à se passer du contrôle du Parlement dans la mise en œuvre de certaines mesures. Il importe de fixer une date pas trop éloignée et de rester dans le calendrier de la présente année civile. Nous proposons donc d’adopter la date du 31 décembre.

M. Thibault Bazin. Nous sommes sous un régime exorbitant du droit commun. Le présent projet de loi vise à le prolonger uniquement pour les dispositifs de surveillance épidémique et d’identification des cas contacts, dans le cadre des fichiers informatiques SI-DEP et Contact Covid, et ce jusqu’au 31 mars 2023.

Qui est capable de dire quelle sera la situation en novembre, décembre, janvier, février ou mars ? Personne. Le Conseil d’État, dans son avis du 5 juillet 2022, relève « la durée particulièrement longue de la période au cours de laquelle cette mesure sera susceptible de recevoir application » – neuf mois. Il convient, et c’est l’objet de l’amendement de repli CL6, de revoir ce délai très long, en prévoyant, pour le Parlement, une clause de revoyure dans six mois, à échéance du 31 décembre 2022.

Il y a quelques mois, on nous opposait que le Parlement ne pourrait pas se réunir, en raison des élections présidentielle et législatives. Aujourd’hui, rien ne nous interdit de prévoir de nous réunir en novembre ou en décembre. Nous sommes là pour travailler !

J’espère que l’amendement, qui va dans le bon sens, recevra l’assentiment de la commission des lois.

Mme Elsa Faucillon. Nous faisons également partie de la team « Clause de revoyure ». Nous aimerions limiter la prorogation de la collecte de données personnelles. Nous sommes d’ores et déjà dans un régime dérogatoire au secret médical. Les données collectées sont très sensibles. Elles sont stockées dans un fichier d’une ampleur inédite, ce qui nous semble déjà largement justifier la suppression, à tout le moins la limitation de son application, en attendant que nous puissions en débattre à nouveau. La CNIL, dans ses rapports, insiste sur la nécessité de prendre des mesures proportionnées aux objectifs fixés par le cadre et l’aspect inédit de la situation.

Nous espérons que ces arguments, répétés et étayés par de nombreux collègues depuis un certain temps, seront entendus.

M. Max Mathiasin. Il s’agit de limiter au 31 décembre 2022 la prorogation du traitement et du partage des données à caractère personnel des personnes infectées par la covid‑19. S’il semble nécessaire, pour anticiper l’évolution de l’épidémie, de maintenir provisoirement les systèmes d’information de crise, leur prorogation jusqu’au 31 mars 2023, soit huit mois, telle qu’elle est proposée par le Gouvernement, ne nous semble pas justifiée.

M. Dino Cinieri. Comme mes collègues, je considère que nous sommes là, en ce début de législature, pour travailler. Si la prolongation du dispositif de veille jusqu’à l’automne 2022 est compréhensible, la date du 31 mars 2023 semble trop éloignée. Nous proposons de la remplacer par celle du 31 janvier 2023.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Mettons-nous d’accord sur un point : la date du 31 décembre 2022 laisse cinq mois, celle du 31 mars 2023 huit, dès lors que le délai court à partir du 31 juillet et non d’aujourd’hui.

Les amendements proposent, sur le fondement d’appréciations totalement personnelles voire arbitraires, des durées allant de deux à six mois ; le Gouvernement propose huit mois. En tout état de cause, nous sommes tous favorables à l’adoption d’une clause de revoyure.

Lorsque nous avons adopté la loi du 23 mars 2020, nous avons décidé de laisser perdurer les systèmes d’information six mois après la fin de l’état d’urgence sanitaire. Ils sont essentiels pour faire en sorte que nos concitoyens soient informés de leur situation personnelle et de la situation du pays, sachent, par exemple, s’ils doivent ou non porter un masque et adoptent le comportement responsable que nous attendons d’eux en cas de flambée de l’épidémie.

Ces outils sont indispensables. Chacun, me semble-t-il, s’accorde à considérer que nous en avons besoin. S’en priver en plein milieu de l’hiver, au moment où la grippe fera aussi rage, nous empêchera de distinguer les malades du covid-19 de ceux de la grippe. C’est pourquoi le Gouvernement propose d’enjamber l’hiver.

Le rapport que vous avez rendu préconise certes des clauses de revoyure, mais s’agissant de mesures de freinage de l’épidémie, liées à l’état d’urgence sanitaire et présentant un caractère contraignant pour nos concitoyens. Les mesures que nous examinons aujourd’hui sont des mesures de suivi, qui apportent un plus à nos concitoyens en matière d’information et d’accompagnement. Les unes et les autres ne sont pas du tout de même nature.

S’agissant de l’avis du Conseil d’État du 24 juin dernier, le point 6 est intéressant, mais il faut aussi lire le point 8, dans lequel le Conseil d’État estime que « le report de l’échéance prévu par le projet de loi est justifié par la situation épidémiologique actuelle et par ses perspectives d’évolution à moyen terme », et considère en conséquence que le présent projet de loi ne méconnaît pas les exigences qu’il rappelle précédemment.

Très concrètement, nous avons un sujet de discussion s’agissant de la date, alors que des vagues épidémiques surviendront régulièrement. Chacun défend une date selon son propre système de valeurs. Pouvons-nous en rediscuter d’ici à l’examen du texte en séance publique ? Le ministre me l’a proposé avant la présente réunion de commission. Pour l’heure, nous n’avons que des appréciations personnelles assez aléatoires.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Raphaël Schellenberger. La question de la date a très régulièrement émaillé nos discussions sur l’état d’urgence sanitaire et sur son cadre réglementaire depuis le mois de mars 2020.

Madame la rapporteure, vous reproduisez exactement l’attitude que nous avons connue pendant les deux précédentes années : en gros, c’est « Circulez, il n’y a rien à voir, nous sommes parvenus à un point d’équilibre, il n’y a rien à discuter ». Cela a fonctionné pendant deux ans, car vous aviez la majorité absolue. Aujourd’hui, vous ne l’avez plus. Nous devons donc adopter des méthodes de travail raisonnables, qui nous permettent de nous mettre d’accord sur ces sujets.

Vous ne pouvez pas vous contenter de renvoyer ce travail à la séance publique. Il s’agit typiquement d’un travail qui doit être mené en commission. Si nous travaillons sérieusement sur ce sujet en commission, alors nous aurons, en séance publique, une discussion apaisée, et serons en mesure d’avoir un débat démocratique serein et respectueux de chaque sensibilité.

Quoi qu’il en soit, vous n’avez pas la majorité pour faire adopter votre date telle quelle. La date changera à l’issue du scrutin en commission. Il s’agit de nous mettre d’accord sur celle qui nous semble la plus opportune.

M. Thomas Rudigoz. Certes, le travail en commission a son importance, mais le ministre, hier, a exprimé sa volonté de travailler avec le Parlement et tendu la main à plusieurs reprises. Il me semble intéressant d’avoir, dans les jours à venir, un temps d’échange avec lui et les membres de son cabinet, avant l’examen du texte en séance publique. Il ne faut pas s’arc-bouter sur ses positions, d’autant que nous ne sommes pas tous d’accord sur le délai.

Je comprends la préoccupation, exprimée notamment par M. Philippe Gosselin, d’éviter un enjambement trop long préjudiciable au Parlement. Nous avons eu ces débats à plusieurs reprises lors de l’examen des précédents textes relatifs à l’état d’urgence sanitaire. Je partage cette sensibilité. Toutefois, nous sommes en présence de plusieurs dates, même au sein du groupe Les Républicains, ce qui démontre que les avis sont partagés.

Accordons-nous un temps de discussion. Je suggère le retrait des amendements pour trouver un terrain d’entente avec ceux qui veulent bien discuter avec le Gouvernement.

M. Philippe Gosselin. Tout cela donne l’impression d’être dans le film Le jour de la marmotte, dans lequel tout se répète sans cesse. Nous avons aimé la saison 1, de 2017 à 2022 ; je sens que nous allons aimer la saison 2.

Clairement, le choix de la date d’échéance est un point d’achoppement fort. Celle prévue dans le texte nous semble trop éloignée, qui enjambe l’été, l’automne et l’hiver. Il n’est pas question de priver le Gouvernement de moyens d’action, mais de prévoir de façon claire, dès maintenant, un débat avant la fin de l’année. Voilà l’objet de nos amendements. Il est évident que ce débat est nécessaire, car il permet de transmettre des informations et d’échanger, tant entre collègues qu’avec le ministre. Laissez le Parlement débattre et contrôler l’action du Gouvernement, conformément à la mission qui lui est assignée par l’article 24 de la Constitution !

La CNIL elle-même dénonce les risques d’accoutumance et de banalisation, et porte, comme elle l’a indiqué à plusieurs reprises, un regard assez critique sur certains systèmes d’information, sans les dénoncer pour autant. Je ne dis pas qu’il faut tout rejeter en bloc. Toutefois, je rappelle qu’au point 6 de son avis du 24 juin dernier, le Conseil d’État se dit très circonspect sur les délais retenus, dans la continuité de son avis du 20 décembre 2020. Autrement dit, depuis deux ans, on s’assoit sur certains éléments juridiques, y compris ceux détaillés par le Conseil d’État, parce que vous aviez la majorité et faisiez en réalité ce que bon vous semblait, chers collègues du groupe Renaissance.

La situation a changé. Il faut essayer de coconstruire. Nous pratiquons une opposition responsable, sous réserve que le Gouvernement ne s’assoie pas sur les droits du Parlement. Le leitmotiv n’a pas changé depuis quelques mois et je peux vous assurer qu’il ne changera pas. C’est plutôt à vous de vous adapter à la nouvelle situation. Il ne s’agit ni d’un chantage ni d’un diktat, mais d’une coconstruction, dans l’intérêt collectif.

M. Erwan Balanant. Les mesures que nous examinons ne relèvent pas, en effet, de la privation de liberté, contrairement à d’autres prises au cours de la crise sanitaire.

Puisque chacun se plaît à rappeler les débats que nous avons eus, je vous rappelle, monsieur Philippe Gosselin, que vous avez toujours proposé des délais beaucoup plus courts, parfois trop courts, et qu’en général nous sommes parvenus à un accord. Nous avons souvent dû repousser les dates initialement adoptées tandis que se produisait une résurgence de l’épidémie ou que nous étions confrontés à une urgence. Nous devrions trouver un accord d’ici à l’examen du texte en séance publique, si nous nous en donnons le temps. Au demeurant, aucune date ne fait consensus au sein du groupe Les Républicains.

Nous parlons d’un outil de pilotage, qui permet aux pouvoirs publics de prendre des décisions. L’amendement de Mme Marietta Karamanli, par exemple, vise à fixer strictement sa durée de vie en fonction de l’évolution de l’épidémie. Or, si nous nous en privons, nous aurons du mal à fixer le cap que nous devons prendre.

Nous sommes pleinement conscients de la nécessité de parvenir à un accord. Chacun connaît notre fonctionnement : nous saurons, j’en suis persuadé, profiter du temps de la navette parlementaire pour accomplir une coconstruction sans problème.

Chacun connaît notre fonctionnement : grâce au temps de la navette parlementaire, j’en suis persuadé, nous n’aurons aucun problème pour réussir une coconstruction.

M. Thibault Bazin. Je regrette que le ministre ne soit pas présent pour l’examen des articles du projet de loi, alors même qu’il n’y a pas de conseil des ministres ce mercredi matin.

Le fonctionnement que nous connaissons, il vous faudra sans doute le changer, chers collègues de la majorité. La discussion constructive prenant en compte les diverses sensibilités de la représentation nationale, c’est ici, au Parlement, qu’elle doit avoir lieu, et non dans les couloirs d’un cabinet ministériel dont on ne connaît pas les membres à ce jour. C’est maintenant que nous devons fixer des délais raisonnables, dès lors que nous prorogeons un régime dérogatoire pour des systèmes d’information collectant des données personnelles. Le délai de cinq mois, prévu par plusieurs amendements issus de courants politiques divers, me semble raisonnable.

Surtout, le Conseil d’État souligne l’absence d’une évaluation du cadre juridique actuel. Or cette évaluation est nécessaire. Nous pourrions nous fixer l’objectif d’en disposer enfin d’ici à cinq mois, afin d’avoir dans notre droit commun un cadre durable de gestion d’un risque épidémique qui devient récurrent. Nous ne pourrons pas maintenir pendant des années un régime exorbitant du droit commun et il faudra bien adapter notre système. Il importe de nous fixer pour cela un délai raisonnable, et le cap est fixé à cinq mois. Il faut que nous retrouvions une vie normale en conjuguant protection des données et libertés individuelles.

M. Jean-Pierre Pont. Je rappelle qu’initialement, ce virus aimait le froid et l’humidité, puisqu’il en existait des foyers dans les abattoirs, et qu’il semble désormais aimer le chaud et le sec. Il est donc très variant et ce n’est pas parce que nous nous réunirions tous les mois que nous en saurions plus.

Quant à la clause de revoyure, chère à M. Philippe Gosselin, nous disposons déjà de tous les moyens de nous informer régulièrement. Nous pouvons en effet procéder à des auditions et nous n’en avons pas été privés durant la législature précédente. Nous avons également obtenu, avec le dernier texte, de pouvoir tenir un débat sans vote. Donnons-nous cependant de l’air et de l’espace, afin que les scientifiques puissent prendre des décisions.

Mme Raquel Garrido. L’argument de la rapporteure évoquant le risque de mettre fin aux deux systèmes d’information est de mauvaise foi, car la discussion ne porte pas sur le maintien ou l’arrêt du système d’information lui-même, mais sur la possibilité que nous avons de décider de la date du transfert de ce pouvoir à l’exécutif. Cette discussion qui se prolonge n’a donc pas lieu d’être. Nous sommes tous membres de l’Assemblée nationale et sommes, en principe, tous cohérents face au pouvoir exécutif : c’est notre travail. Quel que soit le groupe politique auquel nous appartenons, nous représentons tous ici une addition de groupes politiques minoritaires. Voilà la réalité. Si nous ne nous mettons pas tous d’accord pour défendre les prérogatives de l’Assemblée nationale, qui le fera ? Comme cela a déjà été dit à juste titre, le ministre n’est même pas présent : inutile d’en avoir des porte-parole en son absence ! Nous pourrions au moins nous mettre d’accord, ensemble, pour exercer le pouvoir qui nous est conféré par les électeurs et qui consiste à déterminer l’étendue, le périmètre et les délais des pouvoirs que nous donnons à l’exécutif et que nous considérons comme importants face à la situation sanitaire du pays. Le Gouvernement propose d’étendre ces pouvoirs jusqu’à une certaine date ; une contre-proposition tend à réduire ce délai. Mettons-nous d’accord sur ce point et avançons !

Mme Naïma Moutchou. Ce débat est important et légitime. Nous avons tous dit de ce régime dérogatoire que nous devons y être particulièrement vigilants. La question de la date n’est pas de savoir si les membres de la commission des lois ou, plus généralement, les parlementaires peuvent délibérer en la matière, car nous pouvons fort bien nous revoir dans trois semaines ou dans deux mois ; elle porte sur l’évolution du cadre sanitaire, la résurgence de l’épidémie, la circulation du virus et l’apparition de nouveaux variants.

Il est proposé de fixer la date au mois de mars – ce qui peut s’expliquer, car nous sortirons alors de la période hivernale et le rebond de l’épidémie devrait, a priori, durer encore quelques mois. S’agissant de la date, les propositions formulées par les groupes d’opposition ne sont pas coordonnées, certains amendements proposant de la fixer en octobre, en novembre, en décembre ou encore en janvier. Peut-être faut-il donc prendre un peu de recul pour parvenir à un consensus sur la date la plus adaptée pour la prolongation du régime dérogatoire. Entre octobre et janvier, nous avons en effet quelque latitude. Peut-être le plus raisonnable est-il de retirer les amendements pour permettre une discussion avant l’examen du texte en séance publique afin de parvenir à une solution unique qui serait celle de l’Assemblée nationale et qui nous honorerait.

M. Didier Paris. Nous n’avons aucun désaccord de fond quant à une prolongation de l’application de ces mesures, mais sur la durée de cette prolongation, qui ne fait pas l’unanimité, chaque groupe proposant une durée différente, et qui est, en réalité, relativement subjective. Ce ne serait pas déposséder la commission des lois de son pouvoir que de décider, comme nous l’avons fait à de multiples reprises durant le quinquennat précédent, d’une discussion parallèle ou complémentaire entre les membres de la commission des lois et le ministre. L’absence de ce dernier a été regrettée par plusieurs orateurs. Dont acte : allons au contact du ministre, soyons constructifs tous ensemble et retenons le principe qui consiste, sur ce point– et sur ce point seulement – à discuter avec lui, les membres de la commission des lois proposant, en vue de nos débats en séance publique, une date qui fasse consensus. Nous en sommes capables.

M. Raphaël Schellenberger. Il y a là une incompréhension de ce qu’est la commission des lois. Nous ne sommes pas en réunion d’intergroupe parlementaire. Je sais que la majorité comporte plusieurs sensibilités et passe beaucoup de temps dans les couloirs à discuter de points d’équilibre interne, mais il s’agit là d’autre chose. Nous sommes ici à la commission des lois et des groupes qui ont parfois des sensibilités très différentes n’ont pas forcément vocation à se mettre d’accord sur une position unique en amont d’une discussion au sein d’une institution de la République. C’est précisément le rôle de la commission que de faire émerger de nos débats un point d’équilibre qui puisse faire converger l’ensemble des courants politiques qui composent la nation et qui sont représentés dans notre hémicycle.

Lorsque vous nous renvoyez à des discussions qui se tiendraient en dehors de notre commission, vous méprisez son rôle. Lorsque vous nous renvoyez à des discussions exclusives avec le ministère, vous oubliez que nous avons changé de législature et de paradigme politique. Le vote aura lieu, et vous n’avez pas la majorité : soit nous prenons le temps de nous mettre d’accord sur une date, soit ça va casser pour vous.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Peut-être ai-je omis de présenter un argument important – même si je doute qu’il fasse changer d’avis les oppositions : notre cadre national se situe dans un cadre européen, et le certificat covid numérique de l’Union européenne a été prorogé jusqu’à la fin juin 2003. Or, sans SI-DEP, on ne peut pas émettre les certificats covid numériques liés à nos déplacements européens.

J’entends bien le besoin de débat qui s’exprime, mais je rappelle que, durant les deux heures et demie où le ministre est resté avec nous, une seule question lui a été posée – par Naïma Moutchou – sur SI-DEP, et que toutes les autres questions portaient sur d’autres sujets, si intéressants soient-ils. La clause de revoyure que vous demandez nous permet de discuter de ce système d’information. De fait, nous ne sommes pas en train de parler de l’état d’urgence sanitaire ou de mesures qui contraignent la liberté de nos concitoyens au quotidien. J’entends donc bien votre besoin de futurs débats avec le ministre et je vous propose de dissocier les deux dates que prévoit le texte – l’une liée au système d’information et l’autre aux déplacements. Si nous pouvons nous parler pour dissocier ces dates, je suis ouverte à la discussion et je propose une brève suspension pour permettre une discussion avec les responsables de groupes.

La réunion est suspendue de neuf heures cinquante à dix heures quinze.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Nous nous sommes mis d’accord sur la date du 31 janvier 2023 et nous voterons donc l’amendement de M. Dino Cinieri. En outre, pour donner suite aux arguments avancés en faveur d’une date de revoyure et à la volonté de débattre avec le ministre de la santé, M. le président aura le soin de convoquer ce dernier à mi-parcours afin qu’il puisse répondre à toutes les questions que vous lui poserez librement à propos de la crise sanitaire, de l’épidémie ou du système d’information.

Quant au besoin exprimé sur différents bancs de notre commission de disposer de rapports et d’informations, j’aborderai tout à l’heure ces rapports un par un, mais je puis déjà dire que certains d’entre eux pourront évidemment recevoir un avis favorable.

M. le président Sacha Houlié. La construction juridique est donc la suivante : à trois mois, un point d’étape sur l’état de l’épidémie, pour lequel le ministre sera convoqué devant notre commission ; à six mois, soit au 31 janvier 2023, l’expiration des mesures que nous allons voter au titre de l’article 1er et de l’article 2. Nous voterons ainsi l’amendement de M. Dino Cinieri, présenté dans le cadre de la discussion commune et j’invite donc les auteurs des autres amendements en discussion commune à les retirer.

M. Philippe Gosselin. Je note un changement d’attitude et je m’en réjouis, car il n’est pas si courant qu’une suspension des travaux de la commission permette d’avancer avant même la séance publique. Je note avec satisfaction, pour mon groupe, que le principe de la clause de revoyure est désormais acté, même si nous ne sommes pas pleinement d’accord sur les dates de départ et d’arrivée. Il s’agit d’un progrès très important par rapport à des débats précédents où nous nous sommes vu opposer une fin de non-recevoir.

L’amendement de notre collègue M. Dino Cinieri fixe la date au 31 janvier : si ce mois supplémentaire par rapport au nôtre peut permettre de décongestionner la situation et de travailler en bonne intelligence, avec l’engagement de pouvoir exercer, dans tous les cas, une action de contrôle du Gouvernement – parce que c’est l’essence même du Parlement –, les conditions nous semblent être remplies et je retirerai mes amendements. Je garde tout de même à l’esprit le besoin que soient rendus quelques rapports, car le Gouvernement doit aussi nous indiquer sa stratégie pour les mois à venir, afin d’éviter une gestion parfois chaotique et à court terme, et de nous assurer une vue d’ensemble. À ces conditions, nous pourrons travailler et avancer dans le bon sens.

M. Erwan Balanant. Je me réjouis également de cet accord, qui représente une première coconstruction. Le groupe Démocrate s’en félicite également parce qu’à l’occasion de chacun de ces textes nous avions demandé des bilans d’étape – l’idée est à peu près la même que la clause de revoyure. La date du 31 janvier 2023 me semble raisonnable compte tenu du calendrier que connaît l’Assemblée au mois de décembre, et elle permet en outre de prévoir une étape au 31 octobre, qui scinde cette période en deux phases de trois mois chacune. C’est très bien.

Avec cette nouvelle méthode issue de l’accord que nous avons trouvé en commission, nous pourrons concentrer nos débats en séance publique sur d’autres questions, sur lesquelles nous n’aurions pas trouvé d’accord. Du moins celle-ci est-elle purgée et nous pouvons avancer, sans avoir, je l’espère, à revenir sur cette date en séance. Je vous remercie pour l’écoute mutuelle dont nous avons su faire preuve.

M. Thomas Rudigoz. Je salue, moi aussi, le travail que nous avons accompli avec les responsables de groupe, le président de notre commission et la rapporteure, assez inédit pour être noté. Je remercie les collègues des différents groupes d’oppositions de leur esprit constructif, qui nous a permis de trouver un point de convergence sur une date. Certains groupes tenaient à la date du 31 décembre, du fait qu’elle permettait de clore la période avec la fin de l’année, mais décembre est également une période chargée, où doit notamment être examiné le projet de loi de finances (PLF).

Je tiens également à saluer le président de notre commission, qui a décidé d’auditionner le ministre de la santé d’ici la fin octobre afin que celui-ci puisse faire un point d’étape et répondre aux différentes questions légitimes de nos collègues sur la situation sanitaire dans notre pays et sur les chiffres exacts liés à cette situation.

M. Thomas Ménagé. Je me félicite à mon tour de ce moment d’échanges et de cette avancée, qui ne présage toutefois en rien du vote sur l’ensemble du texte en séance publique. Nous sommes d’accord pour retirer l’ensemble des amendements qui proposaient d’autres dates.

Je vous remercie de prévoir une audition du ministre d’ici à trois mois, mais, comme l’ont souligné certains de mes collègues, cette audition devra donner lieu à un vrai rapport, à de vraies données et à des chiffres. Nous demandons depuis des mois une vraie visibilité quant à la stratégie du Gouvernement et aux mesures prises. C’est une bonne chose que cela se fasse en cette période hivernale, où l’évolution de l’épidémie nous permettra de réévaluer les mesures à prendre. Nous voterons donc l’amendement de M. Dino Cinieri.

M. Ugo Bernalicis. Pour la première fois dans l’histoire de La République en marche – pardon, de Renaissance –, nous avons discuté. Waouh ! C’est bien, c’est politique. En même temps, vous avez acté le fait que vous n’étiez pas majoritaires sur ces questions : la discussion était obligatoire. Il est clair, cependant, que cela ne changera rien à nos oppositions sur tout ou partie du texte. Notamment, l’instauration des tests non gratuits restera un point de blocage. Pour le reste, tout ce qui sera bon à prendre sera pris, car c’est mieux que si c’était pire. Nous ferons donc avec la solution qui a été trouvée en fixant un point d’équilibre au 31 janvier.

J’insiste néanmoins sur le rapport que nous allons demander au Gouvernement. Il est arrivé parfois, extrêmement rarement, durant la législature précédente, que votre majorité accepte que des rapports soient demandés au Gouvernement. Celui que j’ai obtenu portait sur les femmes en détention : on l’attend toujours depuis deux ans et demi ou trois ans. Il ne s’agit donc pas de voter une telle mesure sans jamais recevoir le rapport demandé ! Le Gouvernement pourra, bien sûr, y mettre ce qu’il voudra et nous ne serons pas obligés de le croire, mais il faut que ce rapport soit produit, qu’un effort soit fait et que cette demande soit entendue par le Gouvernement.

Je compte donc sur le nouveau plus jeune président de la commission des lois de toute la Ve République pour donner un nouveau style, peut-être un peu plus punchy, afin que le Parlement et l’Assemblée nationale soient respectés dans leur fonctionnement institutionnel. Ce serait là un bon point de départ, même si cela n’enlève rien à une bonne partie de nos oppositions sur le fond.

M. le président Sacha Houlié. Pour ce qui concerne les rapports, je reprendrai la pratique de la présidente Mme Yaël Braun-Pivet, avec un examen annuel de la remise de tous les rapports dus par le Gouvernement et un suivi qui vous sera communiqué, afin que vous puissiez avoir la liste précise des informations que nous doit le Gouvernement.

Pour ce qui concerne la gratuité des tests, les amendements en ce sens ont été jugés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, après avis président de la commission des finances qui, comme vous le savez, siège dans l’opposition.

Mme Naïma Moutchou. Je m’associe à ce qui a été dit : il s’agit d’un bon compromis. Le délai fixé à six mois et la convocation du ministre de la santé pour poser les questions nécessaires sur la situation épidémique et avoir des chiffres et des statistiques concourent à un équilibre et, en même temps, permettent de disposer d’un dispositif juridique sécurisé. C’est aussi la preuve que les échanges et la coconstruction peuvent fonctionner.

Mme Marietta Karamanli. Comme mes collègues, je me réjouis de cette avancée. Il est en effet assez naturel qu’au Parlement, on discute, on parlemente : c’est notre fonction, pour pouvoir prendre les meilleures décisions. Je salue à cet égard l’écoute dont ont fait preuve le président, la rapporteure et l’ensemble de nos collègues.

Cela n’enlève rien, cependant, aux limites de ce texte de loi ni aux inquiétudes et aux demandes supplémentaires qu’il suscite quant à la situation sanitaire et à la stratégie du Gouvernement, que nous souhaitons connaître.

Comme l’exprime un amendement que nous avons déposé en vue de la remise d’un rapport, nous demandons tous de la transparence. Nous voulons connaître le bilan et disposer d’une évaluation, non seulement en qualité de représentants de nos électeurs et de la population, mais aussi parce que cela contribue à la confiance dans la démocratie, ce qui est essentiel au vu de la situation dans notre pays et dans d’autres.

Je salue également l’idée de convoquer le ministre et l’engagement pris en ce sens par le président, qui a démontré précédemment, lorsqu’il était membre de cette même commission, qu’il avait la capacité de faire venir devant nous les membres du Gouvernement. Ceux-ci doivent venir s’expliquer et apporter tous les éclairages nécessaires, en jouant bien le jeu de cet exercice démocratique. Nous serons là pour le vérifier.

Les rapports doivent également être partagés. Il faut savoir quels sont ceux qui ont été demandés et ceux qui ont été acceptés, et quand nous connaîtrons les conclusions de ces différents travaux.

Je retire l’amendement CL66 visant à fixer la date au 30 novembre.

Mme Elsa Faucillon. Nous avons discuté en vue d’un accommodement. Nous avons parlementé. Hourra, et tant mieux !

S’agissant de la venue du ministre devant notre commission dans un délai de trois mois, j’ai bien entendu que M. le président s’y engage et je veux bien croire que cela se réalisera, mais il doit également s’agir d’un bilan. Je ne vise pas tant les demandes de rapports que l’engagement de tous les membres de notre commission à se mettre d’accord pour demander que nos demandes de bilan obtiennent des réponses. Nous voyons bien, en effet, ce qui est advenu hier lors de l’audition : chacun pose ses questions et le ministre répond bien ce qu’il veut – certes avec un style différent de celui des autres ministres, mais toujours sans répondre précisément aux questions.

Je veux bien retirer, au nom de mon groupe, l’amendement visant à retenir la date du 31 décembre, mais l’ensemble des membres de la commission qui se mettent d’accord sur cet accommodement doivent également pouvoir porter cette demande de bilan et demander des réponses précises.

M. Dino Cinieri. Monsieur le président, madame la rapporteure, merci d’avoir invité les groupes à discuter de cet amendement qui propose un compromis de bon sens et un bon équilibre. Je me réjouis de son adoption, bien que je ne puisse pas même le voter puisque je ne fais pas partie de la commission des lois. Là où il y a une volonté, il y a un chemin. Lorsque vous rencontrerez un blocage, appelez-moi : je vous ferai l’amendement qui va bien !

M. Thibault Bazin. Je me réjouis de l’accord trouvé au profit de l’amendement de mon collègue M. Dino Cinieri, dont nous aurons grand besoin au long de ce quinquennat pour trouver des chemins d’accord.

La clause de revoyure à six mois est une très bonne chose, et il importait de pouvoir modifier en ce sens le projet du Gouvernement. La venue du ministre devant la commission à mi-parcours, au bout de trois mois, est également une bonne chose.

Nous avons néanmoins besoin d’une évaluation du cadre juridique actuel, faute de quoi la question se posera à nouveau à l’issue du délai, car le risque épidémique perdurera. Il faut donc ajouter dans l’accord consensuel l’évaluation du cadre juridique d’ici à cette échéance. Je retire donc mon amendement CL24, au profit de celui de M. Dino Cinieri.

M. Max Mathiasin. Puisqu’un consensus a été trouvé, je retire mon amendement CL63. Je tiens cependant à évoquer deux amendements que j’avais déposés et qui ont été considérés respectivement comme un cavalier et comme créant une charge supplémentaire.

M. le ministre et le Gouvernement ne pourront plus passer très longtemps sous silence le fait que, dans les régions, départements ou territoires d’outre-mer, le taux de vaccination n’a jamais dépassé 30 % de la population en âge de se faire vacciner ou concernée par la vaccination. En Guadeloupe, par exemple, bon nombre de personnels de santé sont aujourd’hui suspendus, un hôpital a connu un incendie et nous attendons la construction du nouvel hôpital, qui ne sera pas livré avant 2024-2025, et le système de santé est défaillant, les urgences ne fonctionnent pas et les médecins s’en vont.

Face à cette situation, nous avons besoin de savoir exactement quel sort sera réservé à ces personnels suspendus, non seulement en Guadeloupe, mais aussi en Martinique, en Guyane et dans d’autres départements, territoires et régions d’outre-mer. En effet, ces personnels ne se feront pas davantage vacciner, pour des raisons qu’il faut rechercher dans l’histoire de ces pays, dans leurs cultures et dans le rapport qu’on y entretient avec le corps humain, mais dont nous ne discuterons pas ici.

Nous, parlementaires guadeloupéens et des outre-mer, entendons continuer à nous battre sur ce terrain. Il faut trouver une explication à cela et nous ne pouvons pas nous contenter de dire que, dans des départements, régions et territoires de la France, des gens ne sont pas vaccinés et que nous laissons perdurer un système de soins défaillant. Contre l’idée que nos propositions créeraient une charge supplémentaire, je précise que les salaires de ces personnels étaient déjà budgétés.

M. le président Sacha Houlié. Vos amendements ont en effet été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, après avis du président de la commission des finances.

Quant à l’hôpital que vous avez cité, il fera certainement l’objet de débats dans le cadre du projet de loi de finances, notamment de la mission « Outre-mer ».

La commission adopte l’amendement CL18, les autres amendements ayant été retirés.

Amendement CL95 de M. Ugo Bernalicis.

Mme Danièle Obono. Cet amendement vise à renforcer les obligations de transmission à la CNIL et à ainsi assurer un contrôle effectif des systèmes d’information mis en place dans le cadre de la crise. La CNIL a relevé à plusieurs reprises le manque de transparence du Gouvernement, qui a refusé de transmettre les données nécessaires aux contrôles des systèmes d’information, ou beaucoup tardé à le faire. Nous proposons d’y remédier en introduisant dans la loi le contrôle de la CNIL sur les fichiers et l’obligation pour le Gouvernement de transmettre les informations nécessaires au contrôle, à défaut de quoi devra être engagée une procédure de suspension de ces systèmes.

C’est là une manière de rendre plus contraignante l’obligation de transmission des informations. Il nous semble en effet que ce contrôle des données personnelles de santé présente bien trop de défaillances et pas assez de garanties s’agissant de données qui sont un enjeu de liberté mais aussi un sujet sensible. Il l’est également en matière économique, et la perspective d’utiliser ces données pour d’autres recherches, publiques ou privées, et de les vendre fait aujourd’hui l’objet de discussions, notamment au niveau européen, faisant apparaître la nécessité d’un contrôle de la CNIL beaucoup plus contraignant pour le Gouvernement.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Je suis totalement d’accord avec vous et nous partageons le même objectif. C’est, du reste, la raison pour laquelle nous avons déjà satisfait votre amendement. Dans son audition de mai 2020, la présidente de la CNIL avait d’ailleurs annoncé que celle-ci procéderait à une série de contrôles du dispositif SI-DEP et Contact Covid, afin de s’assurer de la conformité de leur mise en œuvre avec le texte que nous votions.

Vous serez peut-être heureuse de savoir que, depuis le mois d’avril 2020, quarante-huit opérations de contrôle ont été effectuées. Il s’agit d’investigations sur place ou en ligne, mais également par le biais de la transmission de documents. Ces contrôles peuvent d’ailleurs conduire, en cas de manquements graves ou répétés, à l’adoption de mesures correctrices, telles que des mises en demeure, voire des sanctions. Tout cela se fait, bien entendu, en bonne intelligence. Les vérifications donnent lieu à des échanges approfondis avec le ministère de la santé et les autres organismes qui gèrent ou utilisent ces outils.

Enfin, en vertu de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020, la CNIL rend un avis public au Parlement sur la mise en œuvre de ces outils – nous le savons tous, puisque nous les lisons attentivement. Le dernier de ses avis vient de paraître, et j’en cite le résumé : « La synthèse des travaux menés par la CNIL ne révèle pas de dysfonctionnement majeur des systèmes d’information créés pour lutter contre la crise sanitaire. Des ajustements techniques et des textes ont été effectués par le Gouvernement pour tenir compte de ses remarques. »

Votre amendement me semble donc largement satisfait et je vous demande donc de le retirer, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Votre réponse passe à côté du sens et de l’objet de notre amendement. Il n’est pas question ici des contrôles de la CNIL, mais des manquements du Gouvernement à transmettre les informations à temps pour ces contrôles, notamment afin que nous n’ayons pas connaissance des avis et des détails le jour même ou quelques jours auparavant, mais dans des délais nous permettant d’étudier ces questions.

Par ailleurs, je suggère qu’une audition de la CNIL ait lieu parallèlement à celle du ministre de la santé, afin que nous puissions disposer d’éléments plus précis sur des questions que le ministre ne maîtrise peut-être pas toujours techniquement, qui éclaireraient notre choix parlementaire.

Si nous insistons sur l’obligation pour le Gouvernement de transmettre ces informations, c’est parce qu’elles nous permettront d’exercer un contrôle parlementaire plus réel, et non pas plusieurs mois plus tard, lorsque nous serons passés à d’autres enjeux. Telle est la contrainte que nous souhaitons exercer sur le Gouvernement, et l’amendement n’est donc pas du tout satisfait.

M. Philippe Gosselin. Mme la rapporteure souligne à juste titre que quarante-huit contrôles ont été effectués, comme le montre l’avis du 19 mai 2022. La CNIL a également été auditionnée à douze reprises et a rendu trente et un avis depuis avril 2020. Elle a donc été très sollicitée et nous avons beaucoup travaillé.

En revanche, à la page 10 du même avis du 19 mai 2022, la CNIL souligne que les rapports qui lui sont adressés, censés contenir l’évaluation des dispositifs d’information, sont généralement communiqués très – et même trop – tardivement. Il faut donc absolument que le Gouvernement respecte ses engagements. Cela vaut aussi, évidemment, pour ce que nous venons de voter, sur quoi nous ne reviendrons pas : un engagement vaut s’il est synallagmatique, si chacune des parties donne en fonction de ce qui est prévu. Il est donc bon de rappeler au Gouvernement qu’il doit respecter les dates.

M. le président Sacha Houlié. Je précise que la présidente de la CNIL a remis son rapport, mais qu’elle n’a pas été auditionnée, car nous nous étions en période d’élections.

Avant l’audition du ministre, nous procéderons donc à l’audition de la présidente de cette autorité administrative indépendante.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL98 de Mme Danièle Obono.

M. Antoine Léaument. Cet amendement vise à réduire la liste des personnes ayant accès aux données personnelles telle que la prévoit l’article, qui renvoie à cet égard à la loi du 11 mai 2020. Puisque nous sommes placés sous l’œil vigilant du peuple français, dont nous sommes les représentants, je rappellerai cette liste : le service de santé des armées, les communautés professionnelles territoriales de santé, les établissements de santé, sociaux et médico-sociaux, les équipes de soins primaires, les maisons de santé, les centres de santé, les services de santé au travail, les professionnels de santé et personnels spécialement habilités des services de santé des établissements d’enseignement scolaire ou des établissements d’enseignement supérieur et les médecins prenant en charge les personnes concernées, les pharmaciens, les professionnels de santé ou les étudiants inscrits dans une formation donnant accès aux professions de santé, les dispositifs d’appui à la coordination des parcours de santé complexes, les dispositifs spécifiques régionaux, les dispositifs d’appui existants qui ont vocation à les intégrer – c’est très vague ! –, ainsi que les laboratoires, services et professionnels de santé autorisés à réaliser les examens de dépistage virologique ou sérologique ou les examens d’imagerie médicale pertinents sur les personnes concernées, et les organismes qui assurent l’accompagnement social des intéressés. Cela fait quand même beaucoup de monde !

Notre amendement propose donc de réduire ce champ, suivant en cela l’avis du Conseil constitutionnel, qui déclarait que lorsque sont en cause des données à caractère personnel de nature médicale, une vigilance particulière doit être observée dans la conduite de ces opérations et la détermination de leurs modalités. Nous ne faisons donc que suivre l’avis du Conseil constitutionnel en nous efforçant de réduire le champ des personnes ayant accès à ces données de santé très sensibles.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Le Conseil constitutionnel s’est déjà prononcé sur ces deux lois, n’émettant pas, sur ces points, d’avis défavorable.

Par ailleurs, peut-être n’avez-vous pas vu que si la liste a été allongée au fil des lois, ce n’est pas pour plus de contraintes, mais pour un meilleur accompagnement social. Du reste, en la matière, les personnes qui fournissent leurs données consentent explicitement à ce recueil de données et à leur transmission à ce groupe de personnes. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. Nous nous élevons contre la logique d’extension progressive de l’accès aux données personnelles que vous avez rappelée. Alors que la liste des personnes bénéficiant d’un tel accès est appelée à s’élargir encore à la demande de banques ou d’assurances désireuses de connaître le statut virologique de leurs clients, il est nécessaire d’imposer des restrictions.

Nous l’avons dit dès le début, cette mesure porte gravement atteinte à la protection des données personnelles et au secret médical. D’exceptionnelle, elle est devenue normale à la faveur des ajouts successifs. Les organismes qui assurent l’accompagnement social n’ont pas à connaître le statut virologique des personnes qu’ils accompagnent, pourtant ils peuvent désormais y avoir accès.

Ce n’est pas un hasard si la vente des données de santé préoccupe sérieusement l’Union européenne. Notre souveraineté est également en jeu.

Il convient donc de limiter au strict minimum l’accès aux données.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL7 de M. Patrick Hetzel.

M. Xavier Breton. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les dispositions prises pour améliorer la sécurité informatique et la protection des données personnelles sur la plateforme SI-DEP.

En août 2021 a été révélée une faille informatique ayant rendu accessible les résultats de plus de 700 000 tests antigéniques sur une autre plateforme, Francetest.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Vos préoccupations sont satisfaites : outre les rapports du Comité de contrôle et de liaison covid-19 dont le Parlement est destinataire, je vous renvoie aux avis de la CNIL, adressés au Parlement et rendus publics ainsi qu’aux précédentes auditions de ses représentants – le président de la commission a, à l’instant, fait part de son intention d’en organiser une à la rentrée.

La CNIL a lancé des vérifications sur la violation de données subie par l’AP-HP à l’été 2021 ainsi que sur la publication des données que vous mentionnez – Francetest a déjà été mise en demeure par la CNIL. Lorsque l’enquête sera terminée, ses conclusions ont vocation à figurer dans les rapports précités de l’instance. Il n’est pas nécessaire d’en demander un nouveau.

M. Ugo Bernalicis. Loin de nous l’idée de critiquer le travail de la CNIL, d’autant plus méritoire étant donné la faiblesse de ses moyens et la lourdeur de ses missions de protection des données que de nombreux textes lui ont confiées sous la précédente législature.

Toute collecte de données doit être assortie d’un mécanisme de contrôle. L’audition de la CNIL sera, je l’espère, l’occasion de disposer des éléments objectifs permettant au Parlement d’exercer son contrôle.

La commission rejette l’amendement.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Prorogation du certificat sanitaire applicable aux déplacements extra-hexagonaux

Amendements de suppression CL42 de Mme Marie-France Lorho, CL116 de M. Ugo Bernalicis et CL67 de Mme Marietta Karamanli. 

M. Jordan Guitton. L’article 2 ouvre la voie aux restrictions sanitaires que pourrait justifier un prochain rebond de covid-19. Depuis plus de deux ans, les Français subissent des restrictions qui portent atteinte à leurs libertés au quotidien.

La dangerosité du virus est atténuée et la grande majorité des Français est vaccinée. Le maintien d’un cadre législatif coercitif n’est en aucun cas légitime. L’amendement vise à supprimer la possibilité de recourir, pour un temps encore long, à des instruments politiques liberticides.

Mme Élisa Martin. Nous refusons de valider un nouveau dispositif, qui n’est pas sans conséquence sur notre quotidien, sans que les précédents n’aient fait l’objet d’une évaluation, qu’il s’agisse de leurs effets en matière sanitaire ou sur les libertés publiques.

L’article 2 prévoit un régime dérogatoire laissant les mains libres au Gouvernement et faisant fi du Parlement.

Enfin, je relève des manques coupables au premier rang desquels la gratuité des tests dont l’efficacité est avérée pour lutter contre l’épidémie – objectif qui doit tous nous rassembler. Si les tests sont payants, les personnes hésiteront davantage à s’y soumettre.

Mme Marietta Karamanli. La mesure de police sanitaire prévue à l’article 2 n’est pas assortie de garanties suffisantes.

Certes, elle est justifiée par un motif légitime – la maîtrise d’un nouveau pic épidémique –, mais elle emporte d’importantes conséquences pour les libertés publiques ainsi qu’en matière sociale et économique.

La proportionnalité du dispositif et sa pertinence vont de pair. L’intervention d’une instance scientifique indépendante et transparente ainsi que l’instauration de seuils pour l’application de la mesure ou un retour à la normale en sont des éléments constitutifs. Le Parlement doit disposer d’informations objectives.

Le Conseil d’État n’a pas jugé nécessaire d’inscrire dans la loi la création d’un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires qui devait prendre le relais du Conseil scientifique au sujet duquel nous avions exigé des garanties d’indépendance et la transparence de ses avis.

Nous nous félicitons de la fin de l’état d’urgence sanitaire mais cela ne nous empêche pas de maintenir nos exigences quant aux modalités d’application de la mesure proposée par l’article 2 et à la place donnée au Parlement.

Une mesure dépourvue des garanties suffisantes peut susciter défiance et refus dans un contexte mouvant du fait des rebonds de l’épidémie et de l’incohérence des décisions – je n’ai pas besoin de rappeler l’épisode très pénible de la fin de l’année dernière. Nous insistons à nouveau sur la nécessité de définir une stratégie de vaccination.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Je suis défavorable à la suppression d’un dispositif en vigueur depuis près de deux ans et qui a permis la reprise sécurisée puis le maintien des déplacements internationaux.

La date du 31 janvier 2023, à laquelle prendrait fin sa prorogation, semble recueillir l’approbation de tous les groupes. Je demande donc le retrait de tous les amendements qui s’y rapportent à l’exception de celui de M. Cinieri, dont l’examen va suivre. Je rappelle à toutes fins utiles que le certificat numérique covid de l’Union européenne a été prorogé jusqu’au 30 juin 2023 après l’accord du Parlement européen.

Ce dispositif est un outil réactif et efficace pour nous protéger des épisodes de résurgence épidémique à l’étranger et l’apparition de nouveaux variants le territoire national, mais aussi, en son sein, les zones qui sont plus vulnérables face à l’épidémie.

Les garanties prévues dans le régime de la loi du 31 mai 2021 demeurent – l’exigence de proportionnalité, la possibilité de saisine du juge des référés ou encore les modalités d’information et de contrôle renforcées du Parlement.

Mme Elsa Faucillon. Nous sommes opposés à l’article 2 en l’état en raison d’abord du flou autour du sort des territoires ultramarins.

Ensuite, nos amendements qui portaient sur les tests ont été écartés de la discussion en vertu des articles 40 et 45 de la Constitution. Pendant des mois, nous avons incité les Français à se faire tester car cette méthode a prouvé son efficacité. Nous contestons l’absence de gratuité des tests pour les personnes qui n’ont pas suivi le parcours vaccinal sur lequel on peut d’ailleurs s’interroger : qui sait aujourd’hui où il en est en la matière et où il en sera le 31 août ? Quelle peut être l’efficacité d’une politique de tests payants dans une période de vacances ?

Les précisions sur la notion de frontières pour la Corse et les territoires ultramarins ainsi que la gratuité des tests sont les deux conditions pour faire évoluer notre position sur le dispositif.

M. Ugo Bernalicis. La très grande majorité des gens se sont pliés au parcours vaccinal ; ils ont reçu leur dose de rappel après des délais qui ont fortement varié. Ceux qui ont respecté le schéma vaccinal – parfois de mauvaise grâce mais ils l’ont fait – devront désormais payer les tests nécessaires pour revenir sur le territoire national. C’est injuste. Cela l’est tout autant pour ceux qui n’ont pas suivi le schéma puisque les tests sont le seul moyen de savoir si une personne est porteuse du covid. Rappelons que le vaccin protège imparfaitement contre l’infection.

La gratuité des tests relève d’une politique de santé publique d’intérêt général. C’est une mesure réglementaire. Si le ministre annonçait prochainement la gratuité, cela pourrait modifier notre appréciation sur le texte.

M. Thomas Rudigoz. Nous nous opposons aux amendements de suppression.

Les dispositions que nous examinons n’ont absolument rien à voir avec celles que nous avons connues sous l’état d’urgence sanitaire ou lors de la sortie de celui-ci et qui étaient très restrictives des libertés. Il s’agit de mesures d’adaptation à une crise épidémique, toujours présente, face à laquelle nous ne pouvons pas rester les bras croisés.

Je crois me rappeler qu’au début de l’épidémie, tous les représentants des groupes s’inquiétaient des voyageurs en provenance de l’étranger et réclamaient un contrôle à nos frontières. C’est exactement ce que nous faisons.

En ce qui concerne les déplacements vers la Corse ou les territoires ultramarins, notre première préoccupation est de protéger ces territoires. Il y a plusieurs mois, le président du conseil exécutif de Corse souhaitait instaurer des mesures de contrôle pour les visiteurs à leur arrivée sur l’île de beauté. Notre objectif est d’éviter l’entrée de personnes malades sur des territoires où la situation sanitaire et celle de l’hôpital sont déjà tendues. Nous ne pouvons pas prendre de tels risques.

M. Davy Rimane. Nous ne pouvons pas souscrire à l’article 2 en l’état. Les personnes en provenance des territoires ultramarins ont subi de fortes discriminations pour accéder au territoire hexagonal. Toute personne venant de Guyane devait ainsi faire un test avant le départ, un autre à l’arrivée, elle était ensuite parquée à l’aéroport puis assignée à résidence pendant dix jours sous surveillance policière.

Plutôt que d’être protégés, nous avions le sentiment d’être les pourvoyeurs du virus sur le territoire hexagonal.

Comme l’a dit mon collègue, les amendements relatifs à la réintégration de soignants non vaccinés ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 alors même que leur coût était déjà provisionné dans le budget.

Faute de bras, des vies sont aujourd’hui perdues. Les soignants quittent le territoire car ils sont fatigués. Il est urgent de trouver une solution pérenne et rapide pour remédier au manque de soignants sinon nous allons au-devant de difficultés plus graves encore que celles que nous connaissons.

M. le président Sacha Houlié. Je rappelle que les avis relatifs à l’article 40 sont rendus par le président de la commission des finances.

Mme Raquel Garrido. M. Rudigoz nous reproche de refuser de prendre des mesures de gestion de la crise sanitaire, en l’espèce la possibilité de limiter les déplacements de nos compatriotes.

Mais il nous est demandé ici de nous prononcer non pas sur l’instauration de mesures de limitation des déplacements mais seulement sur la délégation totale à l’exécutif, pendant une très longue période courant jusqu’au 31 mars 2023, du pouvoir de prendre de telles mesures.

En affirmant à juste titre votre pouvoir de législateur, vous venez d’avancer au 31 janvier 2023 la prorogation des systèmes d’information, en l’assortissant d’une obligation de dialogue entre l’exécutif et l’Assemblée nationale en octobre. Et nous laisserions les mains libres à l’exécutif pour une période encore plus longue pour limiter les déplacements de nos compatriotes, une mesure très attentatoire aux libertés dont la rédaction est de surcroît particulièrement floue.

L’article 2 mentionne tous les déplacements à destination ou en provenance du territoire hexagonal – ce qui peut couvrir l’ensemble des déplacements des Français – ou de l’une des collectivités mentionnées à l’article 72‑3 de la Constitution – je vous en épargne la liste, elle est longue. Le Gouvernement pourrait ainsi décider de limiter à sa guise les déplacements selon d’innombrables options.

Monsieur Rudigoz, ne nous faites pas passer pour ce que nous ne sommes pas. Nous sommes simplement de bons législateurs.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Je réitère mon avis défavorable. Je rappelle que nous nous sommes mis d’accord sur la date du 31 janvier 2023. J’invite ceux qui y sont favorables à retirer leurs amendements de suppression.

Les amendements CL42 et CL67 sont retirés.

La commission rejette l’amendement CL116.

Amendements CL83 de M. Thomas Ménagé, CL99 de M. Jordan Guitton, CL68 de Mme Marietta Karamanli, amendements identiques CL2 de M. Philippe Gosselin, CL25 de M. Thibault Bazin, et CL56 de Mme Elsa Faucillon, amendement CL19 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Comme je l’ai indiqué, je suis favorable à l’amendement CL19 de M. Cinieri et je demande le retrait des autres. La date du 31 janvier est un bon compromis d’autant que d’ici là, le ministre de la santé et de la prévention sera entendu par notre commission.

M. le président Sacha Houlié. J’ajoute que dans la présentation du texte en séance, je ferai part au ministre de notre discussion de ce matin et de sa convocation devant la commission avant le 31 octobre.

M. Philippe Gosselin. Par cohérence et parallélisme des formes, la date du 31 janvier s’impose aussi pour l’article 2. Je retire donc mon amendement.

La commission adopte l’amendement CL19, tous les autres ayant été retirés.

Amendement CL69 de Mme Marietta Karamanli.

M. Hervé Saulignac. L’amendement vise à solliciter un avis du Conseil scientifique sur l’utilité du passeport sanitaire pour les voyages internationaux avant que le Premier ministre ne décide de le rétablir.

En effet, le texte ne prévoit aucun éclairage scientifique de la décision publique en la matière.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Le Conseil scientifique a déjà rendu un avis sur la prorogation du contrôle sanitaire applicable aux déplacements hexagonaux en date du 23 juin 2022. Il considère « ces dispositions proportionnées aux évolutions possibles de l’épidémie au cours de la période considérée ». Il s’est également prononcé en faveur de sa propre disparition. Comme le Gouvernement s’y était engagé, il sera remplacé par un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires, une structure plus souple, mieux adaptée au nouveau contexte sanitaire.

M. le président Sacha Houlié. Les parlementaires sont aussi conviés au comité de contrôle et de liaison covid-19 dont la Première ministre a souhaité le maintien.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL79 de M. Thomas Ménagé.

M. Thomas Ménagé. Il s’agit d’encadrer l’action du Premier ministre en instituant une consultation préalable de l’Assemblée nationale qui pourrait prendre la forme d’une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat. Cela permettrait à la majorité et aux oppositions de s’exprimer sur l’opportunité de recourir aux dispositifs envisagés.

Afin de restaurer la confiance, il est nécessaire que la représentation nationale débatte des restrictions de libertés.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Retrait, à défaut, avis défavorable. La Constitution ne permet pas de conditionner l’édiction d’une mesure réglementaire à un débat à l’Assemblée nationale.

L’amendement est retiré.

Amendement CL41 de Mme Marie-France Lorho. 

M. Jordan Guitton. Pour plus de clarté, l’amendement vise à substituer au mot : « imposer » le mot : « contraindre ».

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Avis défavorable. Cette modification me semble inutile.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL37 de Mme Marie-France Lorho. 

M. Jordan Guitton. Une étude américaine des centres de prévention et de lutte contre les maladies (CDC) datée de mars 2020 souligne que la létalité de la covid-19 parmi les plus jeunes est particulièrement faible. Ainsi, le taux pour les enfants en âge d’être scolarisés aux États-Unis s’élevait à 0,018 %. Selon une autre analyse datée de septembre 2020, celui était tout au plus de 0,003 % pour les enfants de 1 à 19 ans.

Le fait d’imposer aux personnes âgées de douze à dix-huit ans de produire des attestations vaccinales ou de rétablissement à la suite de contamination ou d’un dépistage virologique ne concluant pas à une infection apparaît disproportionné puisque la maladie affecte le plus souvent sans gravité cette population.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Le débat a déjà été tranché par notre assemblée en mai 2021. Pour des raisons sanitaires évidentes – les mineurs propagent le virus autant que les adultes –, nous avons rendu applicables aux mineurs le certificat sanitaire relatif aux déplacements et le passe sanitaire relatif aux activités tout en aménageant, à l’initiative de notre président, les modalités d’exercice de l’autorité parentale afin de faciliter la vaccination des mineurs. Nous avions estimé que la possibilité de présenter un test PCR permettait de surmonter les situations familiales délicates empêchant la vaccination du mineur de plus de 12 ans.

Lors de la discussion de la loi du 22 janvier 2022, nous avions fait le choix de dispenser les mineurs de moins de 16 ans – à cet âge, la vaccination ne relève pas du libre choix du seul mineur. Cependant, nous n’avions pas modifié le régime de certificat sanitaire pour les déplacements.

Je souhaite donc le maintien de la disposition actuelle, juridiquement équilibrée et sanitairement pertinente. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL38 de Mme Marie-France Lorho, CL102 de Mme Raquel Garrido, amendements identiques CL50 de M. Timothée Houssin et CL101 de M. Jordan Guitton (discussion commune).

M. Jordan Guitton. La liberté de circulation doit être un droit et pas seulement un souhait. Le droit ne peut conditionner les simples souhaits des Français à des restrictions portant atteinte à leur liberté de circuler.

Mme Raquel Garrido. Puisque nous déléguons notre pouvoir à l’exécutif jusqu’au 31 janvier – c’est mieux mais cela reste problématique –, faisons-en sorte de l’encadrer clairement.

Le texte ne précise pas les déplacements concernés. Tous les déplacements de tous les Français vers toutes les collectivités d’outre-mer sont ainsi susceptibles d’être visés.

L’amendement CL102 vise donc à préciser que le dispositif s’impose aux personnes souhaitant « entrer sur le territoire national ». Sont exclus les déplacements entre l’Hexagone et l’outre-mer ou la Corse, ce qui n’empêche pas le législateur de prévoir l’application du dispositif si besoin, à la demande des territoires, pour protéger ces derniers d’un rebond épidémique.

Le ministre de la santé et de la prévention a évoqué hier les frontières mais le terme n’est pas mentionné dans l’article. Or ce qui se conçoit bien s’énonce clairement. L’amendement répond à cette exigence de précision.

M. Timothée Houssin. Les amendements CL50 et CL101 s’appuient sur des arguments identiques. Ils visent à insérer les mots « à l’exception des déplacements sur le territoire national » afin d’exclure notamment les déplacements entre la métropole et le reste du territoire national afin de ne pas créer de rupture d’égalité entre les Français.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Avis défavorable. Le ministre l’a précisé hier, il ne s’agit pas de stigmatiser la Corse ni l’outre-mer.

La mesure répond à une réalité objective : certains territoires sont plus fragiles que d’autres et nécessitent de ce fait d’être protégés.

Madame Garrido, nous sommes précisément en train de définir le cadre dans lequel le Gouvernement devra, le cas échéant, agir. L’urgence que requièrent les décisions dans ce domaine – quelques jours – n’est pas compatible avec la procédure parlementaire aussi accélérée soit-elle. Il est prévu que le Gouvernement informe sans délai le Parlement des décisions qu’il aura été éventuellement amené à prendre. Les mesures n’ont pas vocation à s’appliquer de manière uniforme et durable.

M. Antoine Léaument. Nous pensions naïvement que le texte était mal rédigé mais non, vous l’avez dit à deux reprises, vous souhaitez bel et bien pouvoir de nouveau instaurer le passe sanitaire pour tous les déplacements sur l’ensemble du territoire national.

Il est insupportable de voir les outre-mer constamment traités de manière différente du territoire hexagonal. Les lois ne peuvent pas varier de l’un aux autres. Nous formons un seul et même pays.

Nous ne pouvons pas approuver l’article en l’état d’autant que vous êtes opposés à la gratuité des tests, lesquels sont pourtant la seule manière de savoir si une personne est contaminée. Vous ne protégez pas les gens puisque le seul vaccin n’empêche ni la contamination ni la transmission. L’efficacité de l’article 2 est nulle.

Mme Émeline K/Bidi. À La Réunion, où je suis élue, cet article est vu comme une double peine. Non seulement nous ne bénéficions pas des mêmes règles pour l’entrée sur le territoire – même en période normale – puisque nous faisons l’objet de vérifications d’identité à l’entrée et à la sortie de La Réunion, mais notre système de santé est plus fragile car l’État n’a pas mis les moyens humains et matériels pour le renforcer.

On demande aux Réunionnais de payer cette fragilité, en instaurant des tests à l’entrée et à la sortie du territoire. S’il s’agit de protéger les outre-mer, on peut comprendre la nécessité d’un test à l’entrée, afin d’éviter la propagation du virus, mais où est la cohérence quand on l’instaure également pour sortir du territoire ? L’objectif n’est alors plus de protéger les ultramarins, mais l’Hexagone.

C’est pourquoi, en l’état de sa rédaction, je ne pourrai voter pour cet article.

M. Thomas Rudigoz. Je rappelle aux collègues de La France insoumise que ce n’est pas la rapporteure qui a écrit le texte puisqu’il s’agit, non pas d’une proposition, mais d’un projet de loi.

Nous avons déjà débattu de la problématique des outre-mer, visés à l’article 72-3 de la Constitution. Le ministre l’a clairement rappelé : il s’agit de les protéger. Je comprends notre collègue réunionnaise qui estime qu’il s’agit de contraintes supplémentaires. Mais la situation sanitaire est parfois très tendue dans ces territoires et, lors de la première crise du covid, les ponts aériens visaient justement à alléger la pression sur les territoires ultramarins.

Si l’épidémie venait à nouveau à flamber, de telles dispositions protégeraient les territoires concernés, qui n’ont pas la capacité de l’absorber. C’est d’ailleurs pour protéger la Corse que M. Simeoni, président de la collectivité de Corse, avait exigé la mise en place de telles dispositions.

Le Gouvernement demande simplement à la représentation nationale de lui donner des outils afin qu’il puisse en faire usage si la situation l’exige. Cela ne signifie pas qu’il va mettre en application ces nouvelles mesures sanitaires dès le 1er août.

Mme Émilie Bonnivard. J’insiste sur l’impact d’une telle mesure sur l’économie touristique des outre-mer, alors que cette dernière pèse proportionnellement beaucoup plus dans les territoires d’outre-mer – 10 % du PIB – que dans l’Hexagone. Cela risque d’avoir un impact sur le départ de nos concitoyens vers les outre-mer, en pleine saison touristique. Or l’économie touristique est fondamentale outre-mer et la filière a déjà beaucoup souffert. Il conviendrait de mesurer l’impact du passeport sanitaire en pleine saison touristique.

M. le président Sacha Houlié. Votre crainte est légitime, mais à l’hiver 2020, avec les restrictions que nous connaissions à l’époque, l’outre-mer a pourtant enregistré un pic de voyageurs en provenance de l’Hexagone.

La commission rejette successivement tous les amendements.

Amendement CL39 de Mme Marie-France Lorho.

M. Jordan Guitton.  L’amendement vise à supprimer les mots « , ainsi qu’aux personnels intervenant dans les services de transport concernés, ». Cette précision engendre une disparité de traitement entre les Français suivant leur profession – en l’occurrence les personnels des services de transports. Elle conditionne l’accès au travail à l’état de santé du salarié. Cette mesure contrevient au 5 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 qui dispose que « chacun a le devoir de travailler et le droit d’obtenir un emploi. Nul ne peut être lésé, dans son travail ou son emploi, en raison de […] de ses opinions […] ». Il ouvre par ailleurs une voie inquiétante en droit du travail : si un salarié doit faire valoir son bon état de santé pour travailler, il n’est pas assuré que demain, un employeur ne pourra pas discriminer un salarié pour raisons de santé.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Il s’agit pourtant d’une mesure de bon sens : la règle doit s’appliquer à l’ensemble des passagers du service de transport concerné, y compris les personnels, comme cela a toujours été le cas. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL84 de M. Thomas Ménagé, CL96 du M. Jordan Guitton et CL53 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

M. Thomas Ménagé. Le 25 novembre dernier, le Premier ministre avait réduit à vingt-quatre heures la durée de validité du résultat d’un test PCR ou antigénique donnant droit à un passe sanitaire, ce qui avait mis en difficulté de nombreux Français tant dans leurs déplacements que dans leur vie quotidienne.

L’article 2 du projet de loi prévoit une obligation de test pour ceux qui ne disposent pas d’un schéma vaccinal complet ou d’un certificat de rétablissement. L’amendement CL84, ainsi que ceux que mes collègues défendront, a pour objectif d’enserrer le délai entre le test et le déplacement. Il prévoit un délai de trente-six heures et ceux de mes collègues prévoient quarante-huit ou soixante-douze heures, afin de disposer de temps pour obtenir le résultat du test.

Sur le terrain, nous faisons face à la réalité et, en pleine flambée épidémique, il est impossible d’obtenir un résultat dans un délai aussi court. En outre, si, pour des raisons professionnelles, il faut faire un aller-retour entre l’outre-mer et l’Hexagone pour vingt-quatre heures, deux tests seront nécessaires. Il faut demander au Gouvernement de fixer un délai raisonnable et donner la garantie à nos concitoyens d’être en mesure de le respecter.

M. Jordan Guitton. Dans le cadre de nos prérogatives en commission, nous souhaitons ouvrir la discussion avec la rapporteure, de manière intelligente, ce qui explique cette série de trois amendements.

M. Timothée Houssin. Nous souhaitons que le délai soit inscrit dans la loi, afin d’éviter les vingt-quatre heures, contraignantes, qui constituent une entrave aux déplacements. Il faut s’entendre sur un délai raisonnable, le plus long possible, qui permet à nos concitoyens non seulement de faire le test, mais aussi d’en obtenir le résultat.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Actuellement, le délai est de soixante-douze heures. Vos amendements illustrent la difficulté de la définition d’un délai rigide et il convient de conserver une disposition souple, et adaptable à l’évolution du virus. Avis défavorable aux trois amendements.

M. Timothée Houssin. Ne pourrait-on pas inscrire les soixante-douze heures dans le projet de loi ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL100 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument. Pour lutter efficacement contre l’épidémie de covid-19, il faut tester. L’amendement vise donc à prévoir que, pour se déplacer, seule la preuve d’un test négatif est utile. Ce sera plus efficace car le vaccin n’empêche ni la contamination, ni la transmission. Pour lutter contre la propagation du virus, il faut tester.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Ce dispositif s’inscrit dans un cadre européen plus large qui comprend trois documents : le test PCR, le certificat de vaccination et de rétablissement. Il ne me semble pas opportun de déroger aux règles européennes, aussi bien de manière générale que dans ce cas précis. Avis défavorable.

M. Antoine Léaument. Nous pensons qu’il convient de désobéir aux règles européennes quand elles ne sont pas utiles, c’est ce qui nous différencie de vous !

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL70 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Notre groupe souhaite introduire un mécanisme d’extinction automatique du passeport sanitaire quand l’épidémie de covid-19 aura atteint des seuils planchers définis par la Haute Autorité de santé (HAS), autorité indépendante. Un tel mécanisme garantirait la protection des libertés individuelles et un éclairage scientifique.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Votre amendement est satisfait dans son esprit par le IV de l’article 1er de la loi du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire : « Les mesures prescrites en application du présent article sont strictement proportionnées aux risques sanitaires encourus et appropriées aux circonstances de temps et de lieu. Il y est mis fin sans délai lorsqu’elles ne sont plus nécessaires. ».

Une telle formulation me semble préférable, la vôtre ne permettant pas, par exemple, de répondre à l’émergence très ciblée d’un variant particulièrement dangereux à l’étranger. Avis défavorable.

Mme Danièle Obono. L’amendement est intéressant. Je tiens à souligner les contradictions de la majorité et du Gouvernement. Vous insistez sur l’importance du suivi des données en cas de résurgences du virus. Mais vous avez oublié le triptyque de la gestion de l’épidémie : tester, tracer, isoler. Certes, il est fondamental de tracer, mais si nous ne nous donnons pas les moyens de tester suffisamment, et de faciliter l’accès aux tests, les données ne correspondront pas à la réalité.

Vous devriez donc accepter nos amendements, notamment ceux relatifs à la gratuité des tests, outils nécessaires de prévention et de veille sanitaire. En les refusant, vous ne vous montrez pas à la hauteur. Les indicateurs actuels, négatifs, l’illustrent.

Mme Marietta Karamanli. Le Conseil scientifique s’est prononcé sur le projet de loi, mais ne se prononcera pas sur le passeport sanitaire La création du comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires n’étant pas du ressort du projet de loi, nous souhaitions garantir la compatibilité des différentes dispositions et instances.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte ensuite successivement les amendements rédactionnels CL51 et CL52 rect. de la rapporteure.

Suite à l’adoption de l’amendement CL52 rect., les amendements CL86 de Mme Marietta Karamanli, CL27 de M. Thibault Bazin et CL23 de M. Dino Cinieri tombent.

Amendement CL85 de M. Thomas Ménagé.

M. Thomas Ménagé. Conformément à l’esprit de nos institutions, le Gouvernement doit rendre compte de son action devant le Parlement. Si le Premier ministre est habilité à prendre des mesures attentatoires aux libertés, sur la base d’éléments concomitants à sa prise de décision, il doit les justifier a posteriori et surtout exposer leurs conséquences afin que nous puissions juger de la pertinence des différents dispositifs mis en place depuis deux ans.

Nous n’apprenons pas toujours de nos erreurs car vous refusez systématiquement une étude de ces dispositifs. Je ne comprendrais pas un vote négatif de la part de la majorité et des oppositions sur notre proposition puisque, tant en commission, que lors de la suspension de la réunion, nous avons insisté sur la nécessité et l’importance d’obtenir des rapports précis sur les dispositifs mis en place et sur leur efficacité.

Madame la rapporteure, je vous remercie de bien vouloir faire en sorte que la coconstruction souhaitée par la majorité, à laquelle nous avons souscrit puisque nous avons retiré nos amendements, ne soit pas à géométrie variable et que notre amendement soit accepté.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Il n’y a pas de géométrie variable, cher collègue, puisque nous sommes tout à fait d’accord. Nous venons d’ailleurs d’adopter un amendement, CL52 rect., qui va plus loin que le vôtre puisqu’il dispose qu’un rapport est remis tous les mois jusqu’au 31 janvier 2023.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Après l’article 2

Amendement CL3 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Il s’agit de prendre en compte l’avis du Conseil d’État, que nous lisons toujours avec beaucoup d’attention, et de toiletter notre droit, notamment le code de la santé publique. Cela vise en particulier les articles L. 3131-12 à L. 3131-20 de ce code qui définissent le régime de l’état d’urgence sanitaire et ne sont plus susceptibles de recevoir application au-delà du 31 juillet 2022, sans être pour autant formellement abrogés. Il serait cohérent de procéder à leur abrogation pure et simple.

M. le président Sacha Houlié. Dans le cadre de la mission d’information dont vous étiez le co-rapporteur, vous devez vous souvenir que l’on avait noté qu’il était nécessaire de préserver un cadre pérenne de l’état d’urgence dans le code de la santé publique, afin de ne pas se retrouver face à une feuille blanche si la situation venait à se reproduire. Bien sûr, comme nous l’avions indiqué dans notre rapport, nous devons en discuter et le code doit être toiletté, mais il serait prudent de conserver ces dispositions.

M. Philippe Gosselin. Le régime de l’état d’urgence sanitaire tel que prévu aux articles L. 3131-12 à L. 3131-20 du code de la santé publique n’est absolument plus susceptible de recevoir application au-delà du 31 juillet. En cas de nouvelle crise, il faudrait que nous votions un autre texte. Supprimons donc le chapitre Ier bis sans toucher au reste du code de la santé publique.

M. le président Sacha Houlié. Vous avez raison, ces dispositions seront inapplicables du fait du caractère temporaire du dispositif, mais le cadre juridique ainsi posé est susceptible d’être pérennisé dans le code de la santé publique.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Je suis d’accord avec le président, même si votre remarque est pertinente, monsieur Gosselin. Votre raisonnement comporte un hic. Ainsi, le régime de quarantaine et d’isolement applicable hors période d’état d’urgence sanitaire renvoie au II des articles L. 3131-15 et L. 3131-17 en ce qui concerne ses conditions d’application. En conséquence, même si c’est très marginal, nous avons encore besoin de ces articles.

M. Philippe Gosselin. Le petit hic ne me blesse ni me heurte, madame la rapporteure. En revanche, il faudra expliquer au Conseil d’État, conseiller du Gouvernement et saisi pour avis sur le projet de loi – comme il se doit – que ses raisonnements juridiques semblent peu compatibles avec votre approche. Cela m’inquiète sur la qualité des avis du Conseil d’État…

M. le président Sacha Houlié. Suggérez-vous que le Parlement est meilleur conseiller d’État que le Conseil d’État, monsieur Gosselin ?

M. Philippe Gosselin. Je ne suggère rien, je me contente d’écouter avec attention les remarques de la rapporteure et de constater le différend important entre elle et le Conseil d’État.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL47 de M. Philippe Gosselin.

M. Philippe Gosselin. Cet amendement constitue la suite logique de notre accord de ce matin. Peut-être ne le souligne-t-on pas assez dans nos débats, la prochaine échéance est importante : le 31 juillet, le cadre juridique de l’état d’urgence sanitaire disparaît.

Il est donc temps de s’interroger sur la pertinence, ou non, d’un cadre pérenne, adapté à la gestion de la covid-19 mais également à d’autres crises sanitaires, sur le modèle de la loi du 3 avril 1955 relative à l’état d’urgence ou de celle du 9 août 1849 sur l’état de siège, ou d’un autre modèle à inventer. Peut-être conviendrait-il tout simplement de tirer le bilan des deux ans et demi d’état d’urgence sanitaire et de sortie de crise.

C’est ce que propose l’amendement, dans un délai de trois mois, qui correspond au rendez-vous fixé avec le ministre de la santé et la présidente de la CNIL.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL65 de Mme Marietta Karamanli.

Mme Marietta Karamanli. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre un rapport au Parlement sur l’efficacité des mesures prises par le Gouvernement aux fins de lutter contre la propagation de l’épidémie de covid-19.

Deux ans et demi après le début des premières mesures, il convient d’en faire le bilan, dans un cadre démocratique où toutes les sensibilités politiques sont représentées, avec la possibilité d’en débattre en commission permanente ou en séance.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Votre demande de rapport est complémentaire de celle de M. Gosselin. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL82 de Mme Émilie Bonnivard.

Mme Émilie Bonnivard. La filière touristique, y compris le tourisme social et solidaire, a été l’une des plus violemment touchée par le covid. Les pertes de recettes touristiques, domestiques et internationales, ont été colossales depuis 2020, dans une des rares filières excédentaires de notre pays. En 2020, les recettes touristiques internationales ont chuté de moitié, passant de 57 à 28 milliards.

Or le tourisme représente 8 % du PIB et 2 millions d’emplois. Les clientèles lointaines, américaines ou chinoises, qui sont aussi celles qui ont le panier moyen le plus important, ont mis beaucoup de temps à revenir. C’est le cas depuis le début d’année, notamment vers les destinations qui ont beaucoup souffert car elles sont très dépendantes de cette clientèle étrangère – Paris, l’Île de France et le littoral. Si des mesures sanitaires sont réinstaurées aux frontières en pleine période estivale, on peut craindre un décrochage de l’activité par rapport aux projections et aux reports dont elle a besoin après presque trois années très difficiles.

L’amendement vise à disposer dans un délai de trois mois d’un rapport sur les effets des mesures aux frontières et sur les pertes de recettes pour la filière touristique, afin d’accompagner les destinations les plus touchées.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Madame Bonnivard, nous habitons la même région et sommes donc toutes les deux sensibles à la présence de skieurs – et de randonneurs – dans les Alpes. Mais le projet de loi n’acte pas le retour du contrôle sanitaire aux frontières puisque celui-ci n’a jamais disparu.

Vous avez raison, pendant une longue période, les touristes ont dû déserter notre pays. Pour autant, ils sont revenus avec le cadre sanitaire actuel, propice à les rassurer. Celui prévu par le projet de loi s’inscrit dans cette continuité. Je vous renvoie au décret du 1er juin 2021 qui précise les mesures applicables aux passagers en provenance des zones verte, orange et rouge.

Je vous demanderai donc de bien vouloir retirer votre amendement. À défaut, mon avis sera défavorable.

Mme Raquel Garrido. Madame Bonnivard, en France, et surtout en Île-de-France, le tourisme est essentiellement un tourisme d’affaires. Évidemment, le confinement nous a percutés de façon très différente. Pour autant, le premier confinement est la seule période de l’année 2020 où les objectifs climatiques de l’accord de Paris ont été à peu près atteints. Cela illustre combien l’industrie du tourisme doit modifier ses comportements. Je ne suis pas d’accord avec vous : il ne faut pas tenter de revenir à la situation passée, mais réfléchir à d’autres comportements touristiques.

Vous vous souciez que les touristes reviennent en Savoie mais que se passera-t-il s’il n’y a plus de neige dans les Alpes à cause du réchauffement climatique ? On ne peut pas regarder ce qui nous arrive à travers un tout petit bout de lorgnette.

Mme Émilie Bonnivard. Quelle caricature…

La filière touristique fait vivre des millions de personnes en France, leader mondial. Elle mérite un peu plus de nuances ! Il est évident qu’elle, comme toutes les autres filières économiques, doit aborder sa transition – j’ai parlé du tourisme social et solidaire que nous avons beaucoup accompagné –, mais pas plus que les autres. Malheureusement, on considère souvent le tourisme comme accessoire, et la filière est donc montrée du doigt. Mais les touristes font manger et vivre des milliers de familles sur le territoire national. Il s’agit d’une économie de l’offre, qui permet aux familles de rester vivre dans leur territoire. En Savoie, sans le tourisme, il n’y aurait plus ni habitants, ni écoles en montagne.

La commission rejette l’amendement.

Titre

Amendements CL36 et CL35 de Mme Marie-France Lorho.

M. Jordan Guitton. L’amendement CL35 vise à supprimer le terme « provisoirement » car une période de trois ans ne peut plus être considérée comme du « provisoire ».

L’amendement CL36 vise quant à lui à ajouter les mots « diverses dispositions de vigilance sanitaire » pour illustrer qu’il s’agit finalement de maintenir un dispositif complètement disproportionné – au 30 juin 2022, 870 personnes se trouvent en soins intensifs, contre 1 640 au 30 avril 2022. Évidemment, c’est la fin d’un cycle électoral et vous mettez ce projet de loi sur le tapis dans des délais express, afin de maintenir un cadre législatif favorable qui va permettre au Gouvernement de restreindre, encore une fois, nos libertés dans les mois à venir.

Mme Caroline Abadie, rapporteure. Mon avis est défavorable. S’agissant du terme « temporaire », à partir du moment où des dispositions comportent une date de fin d’application, il s’agit bien de mesures temporaires. Je crois que tout le monde ici souhaite qu’elles le soient. Autant l’indiquer clairement dans le titre.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis elle adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19 (n° 9) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 

1


([1]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE.

([2]) Décret n° 2020-551 du 12 mai 2020 relatif aux systèmes d’information mentionnés à l’article 11 de la loi n° 2020-546 du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([3]) Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

([4]) Amendement n° 1088 adopté en première lecture à l’Assemblée nationale le 21 juillet 2021.

([5]) Il s’agit exclusivement :

– de Santé publique France et des agences régionales de santé ;

– de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques du ministère chargé de la santé ;

– de la Plateforme des données de santé et de la Caisse nationale de l’assurance maladie ;

– du service de santé des armées.

([6]) Loi n° 2021-689 du 31 mai 2021 relative à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

([7]) 4° du I de l’article 1er de la loi n° 2020-856 du 9 juillet 2020 organisant la sortie de l’état d’urgence sanitaire

([8]) Règlement (UE) 2021/953 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2021 relatif à un cadre pour la délivrance, la vérification et l’acceptation de certificats COVID-19 interopérables de vaccination, de test et de rétablissement (certificat COVID numérique de l’UE) afin de faciliter la libre circulation pendant la pandémie de COVID-19.

([9]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion_lois/l15b4141_rapport-fond

([10]) L’emploi par la loi du terme « ou » permet au Premier ministre d’imposer une présentation cumulative, et non alternative, des documents précités ou d’en exclure un ou plusieurs suivant les circonstances. 

([11]) La loi du 5 août 2022 avait rendu le passe sanitaire applicable à ces déplacements avant que ces derniers ne soient soumis au passe vaccinal en application de la loi du 22 janvier 2022.

([12]) Décret n° 2021-699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

([13]) L’étude d’impact sur le présent projet de loi précise que le Gouvernement entend créer, auprès des ministres chargés de la santé et de la recherche, un comité de veille et d’anticipation des risques sanitaires afin d’éclairer les décisions à prendre dans ce domaine.

([14]) Avis n° 405549 du 24 juin 2022, par. 10.

([15]) https://solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/avis_conseil_scientifique_23_juin_2022.pdf