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N° 144

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 juillet 2022.

 

 

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat,

Par Mme Charlotte PARMENTIER-LECOCQ,

Députée

——

A V I S
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
Par Mmes Maud BREGEON et Sandra MARSAUD,

Députées

——

A V I S
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
Par M. Louis MARGUERITTE,
Député
——

 

 

 

 

Voir le numéro : 19.

 


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SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

TITRE IER protection du niveau de vie des français

Chapitre Ier Valorisation du travail et partage de la valeur

Article 1er Création de deux primes de partage de la valeur

Article 2 Exonération de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants

Article 3 Promotion de la diffusion de l’intéressement

Article 4 Incitation des branches à négocier régulièrement sur les salaires en facilitant l’engagement d’une procédure de fusion à défaut d’accord

Chapitre II Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 5 Prise en compte anticipée de l’inflation sur les pensions et les prestations sociales

Article 6 Définition d’un plafond temporaire d’indice de référence des loyers à 3,5 % et révision anticipée des paramètres de dépense des aides personnelles au logement

TITRE II protection du consommateur

Chapitre Ier Résiliation des contrats

Article 7 Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique

Article 8 Résiliation en « trois clics » des contrats d’assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique

Chapitre II Lutte contre les pratiques commerciales illicites

Article 9 Aggravation des sanctions pour pratiques commerciales déloyales

Article 9 bis (nouveau) Taux d’intérêt légaux pour non-remboursement ou nonrétablissement d’un compte bancaire objet d’une opération de paiement non autorisée et signalée

TITRE III SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

Chapitre Ier  Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz

Article 10 Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel

Article 11 Renforcement des capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel

Article 12 Contrôle de la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel

Article 13 Possibilité de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel

Article 14 Régime procédural dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre

Chapitre II Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité

Article 15 Permettre l’embauche et la réembauche de salariés pour faire face à la reprise temporaire d’activité de centrales à charbon

Article 16 Permettre la reprise d’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement en électricité et imposer la compensation renforcée des émissions de gaz à effet de serre en résultant

Chapitre III Dispositions relatives à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Article 17 Permettre le transfert des droits ARENH aux fournisseurs de secours

Article 18 Supprimer le guichet ARENH de mi-année

Article 19 Valider le décret n° 2022-342 rehaussant le volume de l’ARENH cédé

TITRE IV DISPOSITIONS RELATIVES AU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

Article 20 Extension du mécanisme d’indexation gazole à l’ensemble des produits énergétiques

Audition des ministres

Travaux de la commission des affaires sociales

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 17 heures 15

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 21 heures 30

Réunion du mercredi 13 juillet 2022 à 9 heures 30

Travaux de la commission des affaires économiques

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15 heures

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 17 heures 15

Travaux de la commission des finances, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

Avis de la commission

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15 heures

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21 heures

Annexes

Annexe n° 1 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure de la commission des affaires sociales

Annexe n° 2 : Liste des personnes auditionnées par les rapporteures de la commission des affaires économiques

Liste des personnes auditionnées par Mme Sandra Marsaud

Liste des personnes auditionnées par Mme Maud Bregeon

Annexe n° 3 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen dU Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat


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   Avant-propos

Enjeu majeur pour nos concitoyens, le pouvoir d’achat est tissé de deux composantes indissociables : une composante structurelle, qui s’appuie sur les fruits du travail de chacun, et une composante conjoncturelle, qui peut pâtir des bouleversements macroéconomiques actuels. Notre majorité s’est engagée pour que le travail paye toujours mieux, mais aussi pour lutter contre les effets économiques et sociaux néfastes d’une situation mondiale chaotique.

Nous n’avons ainsi jamais cessé de faire des gains de pouvoir d’achat notre boussole, depuis 2017. L’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) a estimé, dans une note du 17 mars 2022, que la législature qui s’achevait s’était traduite par un gain de 0,9 % par an en moyenne du revenu brut disponible, et donc du pouvoir d’achat. Cela représente un gain réel moyen de l’ordre de 300 euros par Français. Plus encore, en raison des choix forts de notre majorité en matière de prélèvements socio-fiscaux comme de lutte contre le chômage, la même étude estime que les 10 % des ménages les plus modestes et les ménages ayant un revenu correspondant à la médiane ont été ceux qui ont vu leur pouvoir d’achat augmenter le plus fortement au cours des cinq dernières années. La XVe législature a été la législature du pouvoir d’achat.

La protection de ce pouvoir d’achat a fait l’objet d’un effort massif de nos finances publiques au pic de la crise du covid‑19. L’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) estime ainsi que les mesures liées à l’activité partielle, les aides exceptionnelles pour les ménages modestes ou encore le fonds de solidarité ont permis d’éviter un accroissement de 0,6 % du taux de pauvreté et ont stabilisé les indicateurs relatifs aux inégalités. Alors que l’économie française a perdu près de 130 milliards d’euros au cours des années 2020 et 2021 par rapport à la situation de 2019, le revenu des ménages a augmenté de 90 milliards d’euros sur la même période.

L’attention du Gouvernement et de cette majorité envers le pouvoir d’achat ne s’est jamais relâchée et l’ensemble des ménages français a continué d’être accompagné face aux conséquences de la guerre en Ukraine, et notamment de l’augmentation brutale du taux de l’inflation qui accable l’ensemble des économies de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Selon des données Eurostat pour juin 2022, le taux d’inflation annuel de la zone euro est estimé à 8,6 %, principalement tiré par l’évolution des prix de l’énergie (41,9 %). Alors que cette même inflation est estimée à 8,2 % en Allemagne, 8,5 % en Italie, 10 % en Espagne et même 22 % en Estonie, elle demeure contenue à 6,5 % en France, soit le taux le plus bas de l’ensemble de la zone euro, après Malte. Le taux de l’inflation en France demeure donc l’un des plus bas de l’ensemble des économies développées.

Cette situation n’est pas due aux fruits du hasard, mais aux efforts constants de la puissance publique pour limiter l’augmentation des prix, et notamment les prix de l’énergie, tout en soutenant le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes. Qu’il s’agisse du bouclier tarifaire de l’énergie, de la remise de 18 centimes d’euros par litre de carburant appliquée depuis le 1er avril 2022, de l’indemnité de 100 euros versée à 38 millions de Français pour faire face à l’inflation, de la revalorisation exceptionnelle du chèque-énergie pour 6 millions de nos concitoyens ou encore de la revalorisation du barème kilométrique, c’est un ensemble inédit de mesures de protection du pouvoir d’achat des Français qui a permis de limiter les effets les plus néfastes de la tendance inflationniste mondiale.

Il demeure toutefois que les dernières prévisions des instituts statistiques en charge du suivi de l’inflation prévoient que celle-ci va durer plus longtemps qu’il n’était anticipé. Pour l’année 2022, selon l’estimation de la Banque de France publiée le 21 juin dernier, l’évolution de l’indice des prix à la consommation harmonisé (ICPH) serait de 5,6 % en 2022 et de 3,4 % en 2023, contre 2,1 % en 2021. Elle demeurerait inférieure de 1,2 % à l’évolution des prix dans la zone euro, mais cette situation n’en appelle pas moins à une réponse supplémentaire de la part du Gouvernement et de cette majorité, afin de continuer, toujours, de protéger les Français.

Pour ce faire, l’article 1er crée une « prime de partage de valeur », exonérée de cotisations sociales, d’un montant pouvant aller jusqu’à 3 000 euros et même 6 000 euros en cas de signature d’un accord d’intéressement ou de participation (en fonction de la taille de l’entreprise). En parallèle, face à la période exceptionnelle d’inflation que nous connaissons, il prolonge, jusqu’au 31 décembre 2023, un dispositif comparable à celui de la « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat », reconduite à plusieurs reprises depuis 2019, exonérée non seulement de l’ensemble des cotisations sociales mais aussi d’impôt sur le revenu et de contributions sociales, avec des plafonds identiques à ceux de la prime pérenne de partage de la valeur. Simple d’utilisation pour les employeurs et ayant fait la preuve de son efficacité depuis 2019, cette prime temporaire doit bénéficier le plus fortement possible aux salariés les plus modestes, puisqu’elle ne peut être versée qu’aux salariés qui perçoivent moins de trois fois l’équivalent du SMIC.

L’article 2 apporte également un soutien significatif aux travailleurs indépendants, exclus des « allégements généraux » de cotisations dont bénéficient les salariés. En permettant une diminution de leurs cotisations d’assurance maladie et de maternité jusqu’à 1,1 fois le plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), le projet de loi permet un gain de pouvoir d’achat de 550 euros par an à ceux qui disposent d’un niveau de rémunération équivalent au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC). En particulier, les travailleurs indépendants dont le revenu est inférieur à 40 % du PASS se verront totalement exonérés de cotisations d’assurance maladie et maternité, à l’exception des indemnités journalières. Le projet de loi accroît également les garanties offertes aux micro-entrepreneurs auxquels des allégements équivalents seront appliqués par voie règlementaire.

L’article 3 vise à favoriser la diffusion de l’intéressement, en particulier dans les petites et moyennes entreprises, dans le prolongement des réformes conduites sous le précédent quinquennat. À cette fin, il ouvre l’accès au dispositif simplifié de mise en place d’un régime d’intéressement par décision unilatérale, aujourd’hui réservé à l’employeur d’une entreprise de moins de 11 salariés, à l’employeur d’une entreprise de moins de cinquante salariés, dans le cas où celle-ci serait dépourvue de délégué syndical et de comité social et économique (CSE), à la condition toutefois que l’absence d’installation du comité ne résulte pas d’une carence de l’employeur, mais aussi dans le cas où la négociation n’aurait pas abouti à la conclusion d’un accord. Par ailleurs, il porte de trois à cinq ans la durée maximale pendant laquelle un accord d’intéressement ou une décision unilatérale peut produire ses effets. Enfin, il simplifie les modalités de contrôle des accords et décisions unilatérales d’intéressement.

Afin d’aboutir à une revalorisation rapide des bas salaires, l’article 4 permet au ministre du travail d’engager la restructuration d’une branche professionnelle caractérisée par son manque de vitalité conventionnelle, particulièrement en ce qui concerne le nombre d’accords garantissant un salaire minimum au moins égal au SMIC. La précision ainsi apportée au mécanisme de fusion de branches vise à inciter les partenaires sociaux à conclure, au plus vite, des accords sur le rehaussement des minima conventionnels, dans le contexte actuel de forte inflation, et, à défaut, de restructurer les branches qui présentent une carence durable en la matière.

Face à l’urgence de la hausse des prix à la consommation, l’article 5 revalorise de 4 % les prestations sociales avec effet rétroactif au 1er juillet 2022. Le champ d’application de cette mesure est particulièrement large et sans précédent : pensions de retraites, pensions d’invalidité, prestations familiales, minima sociaux, bourses scolaires, etc. Sans se substituer aux revalorisations annuelles habituelles desdites prestations – qui interviendront pour la plupart en janvier et avril 2023 – cette mesure permet de les anticiper partiellement pour augmenter, dès cet été, le revenu disponible des Français qui en bénéficient. Cette mesure d’urgence requiert un effort budgétaire de 8 milliards d’euros de la part des pouvoirs publics, répartis sur 2022 et 2023. Elle permettra d’accompagner le pouvoir d’achat de nos concitoyens, en particulier celui de nos aînés et des personnes les plus fragiles.

L’article 6, quant à lui, porte sur les dépenses de logement, qui représentent le poste le plus important du budget des ménages. Afin de prendre en compte et d’amortir, là aussi, le niveau élevé d’inflation déjà constaté et de limiter des hausses excessives de dépenses de loyer pour les locataires, il plafonne l’indice de référence des loyers (IRL), qui encadre les augmentations de loyer qui peuvent être décidées par les bailleurs, à + 3,5 % en glissement annuel pour les quatre trimestres à venir. Il indexe également, par anticipation, les paramètres de dépenses des aides personnelles au logement (APL) versées à compter du 1er juillet 2022. Le taux de révision anticipée des prestations est également fixé à 3,5 %.

L’article 7 vise à simplifier les démarches des consommateurs désireux de résilier un contrat. À cet effet, il comporte deux mesures favorables qui contribuent à la préservation du pouvoir d’achat autant qu’elles participent à la protection du droit des consommateurs : en premier lieu, il affirme le principe suivant lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié suivant la même modalité ; en second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité susceptible de leur permettre d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. En l’occurrence, l’article s’inspire du dispositif de « bouton résiliation » développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.

L’article 8 propose l’application de règles et d’un dispositif similaires pour les contrats d’assurance souscrits par voie électronique auprès des assureurs, des mutuelles et des instituts de prévoyance. Le projet de loi prévoit que ces deux articles doivent entrer en vigueur à une date fixée par décret et, au plus tard, le 1er février 2023.

Dans un même souci de conserver aux consommateurs leur entière liberté de choix, l’article 9 tend à alourdir les sanctions pénales encourues pour pratiques commerciales déloyales, c’est‑à‑dire les pratiques commerciales trompeuses ou agressives. À cette fin, il relève le quantum des peines au titre de deux circonstances aggravantes nouvelles : la conclusion d’un ou plusieurs contrats obtenue par des pratiques trompeuses ou agressives ; les pratiques commerciales déloyales commises en bande organisée.

Le titre III occupe une place particulière dans le projet de loi : s’il vise également à protéger les consommateurs français en mettant en place des mesures d’urgence, mobilisables en situation de crise pour répondre à des besoins essentiels, il est surtout question de sécurité d’approvisionnement énergétique.

Afin de garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz des ménages, l’article 10 réforme les modalités de stockage du gaz naturel, afin de permettre de remplir au maximum les infrastructures disponibles. Il crée une trajectoire annuelle de remplissage des infrastructures de stockage. Le ministre chargé de l’énergie pourra ordonner aux opérateurs de stockage la constitution de stocks de sécurité en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement.

Poursuivant le même objectif de mobilisation de tous les leviers disponibles permettant d’assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz, l’article 11 permet aux grands consommateurs de gaz raccordés à un réseau de distribution de conclure des contrats d’interruptibilité rémunérée de leur consommation avec un gestionnaire de réseau de transport. Actuellement, ces contrats d’interruptibilité rémunérée sont ouverts aux seuls grands consommateurs raccordés à un réseau de transport.

L’article 12 permet au ministre chargé de l’énergie de suspendre ou de restreindre l’activité des centrales électriques à gaz en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en gaz. Si, à cette première menace, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, le ministre pourra réquisitionner ces centrales. Les exploitants des installations bénéficieront d’une indemnisation.

L’article 13 ouvre la possibilité d’imposer à l’opérateur d’un terminal méthanier flottant de maintenir l’exploitation de son installation, lorsque cela est nécessaire à la sécurité d’approvisionnement en gaz. Une compensation est prévue à hauteur des coûts engendrés par un tel maintien.

L’article 14 crée un régime procédural spécifique applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre. Cette dérogation doit permettre d’assurer la mise en service du terminal pour l’hiver 2023‑2024. La construction pourra être dispensée d’évaluation environnementale, ce qui permettra une mise en service plus rapide du terminal méthanier proprement dit. Cet article énumère l’ensemble des procédures applicables, notamment celles ayant trait à l’étude des conséquences environnementales du projet et à la compensation de celles-ci : l’application d’un régime dérogatoire n’est pas synonyme d’une absence de garanties sur ces sujets.

Les deux articles suivants proposent quant à eux d’autoriser la remobilisation de centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement électrique national. L’article 15 permet ainsi, à titre dérogatoire et temporaire, de réembaucher d’anciens salariés, et, le cas échéant, d’en recruter de nouveaux pour relancer la centrale de Saint‑Avold l’hiver prochain. L’article 16 conforte la base légale de ce recours d’urgence et soumet en contrepartie les exploitants de ces installations à une obligation de compensation renforcée des émissions de gaz à effet de serre qui en résulterait.

Les trois derniers articles du titre III apportent enfin quelques aménagements au dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) pour préserver les intérêts des consommateurs français : l’article 17 permet de transférer les volumes d’électricité réservés par un fournisseur défaillant – ou ayant perdu son autorisation de vendre de l’électricité sur le marché français – aux fournisseurs de secours qui prennent en charge ses clients. L’article 18 vise à supprimer l’obligation d’organiser un second guichet en cours d’année pour répartir les volumes d’ARENH, sans toutefois perdre la faculté d’en ouvrir un en tant que de besoin. Et l’article 19 doit valider les irrégularités procédurales du décret n° 2022-342, qui a relevé, à titre exceptionnel, le plafond annuel des volumes d’ARENH à livrer par Électricité de France (EDF) aux fournisseurs alternatifs d’électricité dans l’objectif de protéger le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Face à la forte hausse des prix du gaz naturel véhicule (GNV) et du bioGNV qui place aujourd’hui à l’arrêt les poids lourds ayant fait le choix de ces énergies décarbonées, l’article 20 permet aux transporteurs routiers de répercuter les variations du coût de toutes les énergies alternatives au gazole, comme le gaz mais aussi l’électricité et l’hydrogène, dans les contrats de transport grâce à un mécanisme d’indexation élargi.

 


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   Commentaire des articles

TITRE IER
protection du niveau de vie des français

Chapitre Ier
Valorisation du travail et partage de la valeur

Article 1er
Création de deux primes de partage de la valeur

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er prévoit de créer, en se fondant sur le modèle de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, deux primes. La première, « prime de partage de la valeur », constitue une prime pérenne d’un même montant, exonérée de cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle pour un montant maximal de 3 000 euros, modulable et sans plafond légal de revenu. Cette prime sans cotisation sociale peut aller jusqu’à 6 000 euros en cas de signature d’un accord d’intéressement. D’autre part, l’article 1er vise à créer une prime exceptionnelle jusqu’au 31 décembre 2023, exonérée d’impôt sur le revenu et de cotisations et contributions sociales, d’un montant maximum de 3 000 euros, pour les salariés dont le revenu équivaut à moins de trois fois la valeur du SMIC.

I.   L’État du droit : depuis 2019, des primes exceptionnelles reconduites et élargies pour améliorer le pouvoir d’achat des français

A.   depuis 2006, de rares dérogations à la règle d’assujetissement des primes à l’impôt et aux cotisations sociales

● Les primes et gratifications comprennent plusieurs dispositifs régulièrement utilisés par les employeurs pour accroître le pouvoir d’achat de leurs salariés, notamment les primes de fin d’année, le treizième mois et les primes de vacances, en complément des rémunérations régulièrement versées.

Elles peuvent être classées en deux catégories, en fonction de leur caractère volontaire – librement fixées par l’employeur en respectant l’égalité entre salariés – ou obligatoire – prévues par accord collectif ou convention, contrat de travail, engagement de l’employeur.

● Hors exceptions liées à des situations particulières, les primes versées par l’employeur sont considérées comme des compléments de rémunération soumis à l’impôt sur le revenu (articles 79 et 82 du code général des impôts), aux cotisations sociales (article L. 242-1 du code sécurité sociale) et contributions sociales (par exemple, article L. 136-1-1 du même code pour la contribution sociale généralisée).

Avant l’instauration de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2019, les quelques exceptions à ce principe portaient sur trois types de primes :

– primes liées à l’intéressement et à la participation des salariés aux résultats de l’entreprise, lorsqu’elles sont attribuées dans le cadre d’un accord collectif ;

– gratifications versées à la remise de la médaille d’honneur du travail ;

– indemnités assimilées à des dommages et intérêts, ainsi au licenciement.

Depuis 2006, cinq dispositifs de primes exceptionnelles ont été créés.

LES DISPOSITIFS DE PRIMES EXONÉRÉES ANTÉRIEURS À 2019

Intitulé

Source

Montant maximum exonéré de cotisations sociales

Champ de l’exonération

Modalités d’application

Bonus exceptionnel

Loi de financement de la sécurité sociale pour 2006

1 000 euros par salarié*

 

Exonération d’impôt sur le revenu quand la prime était affectée en tout ou partie au plan d’épargne entreprise

Le versement devait intervenir avant le 31 juillet 2006.

Prime exceptionnelle

Loi du 12 février 2008 pour le pouvoir d’achat

1 000 euros par salarié*

 

 

Exonération de cotisations sociales

 

Le versement devait intervenir avant le 30 juin 2008 et ne concernait que les entreprises non assujetties à l’obligation de mise en place de la participation.

Prime exceptionnelle

Loi du 3 décembre 2008 en faveur des revenus du travail

1 500 euros par salarié*

 

Exonération d’impôt sur le revenu lorsque la somme est affectée, en tout ou partie, à un plan d’épargne salariale

Le versement devait intervenir avant le 30 septembre 2009.

Bonus exceptionnel outre-mer

Loi du 27 mai 2009 pour le développement économique des outre-mer

1 500 euros par an et par salarié

Exonération de l’ensemble des cotisations sociales

Le versement devait intervenir avant le 31 décembre 2013.

Prime de partage des profits

Loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2011

1 200 euros par an et par salarié

 

Exonération de l’ensemble des cotisations sociales

Négociation obligatoire dans les entreprises de plus de cinquante salariés ayant augmenté la part de rémunération du capital attribuée aux actionnaires, facultative si moins de cinquante salariés.

Source : Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des affaires sociales sur le projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales, par M. Olivier Véran, 19 décembre 2018.

B.   la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat : un dispositif inédit pour améliorer le pouvoir d’achat des franÇais

●D’abord instaurée en 2019 dans le contexte de la crise des « gilets jaunes » ([1]), la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) a été reconduite en 2020 ([2]), puis en 2021, jusqu’au 31 mars 2022 ([3]).

●Également appelée « prime Macron », il s’agit d’un dispositif facultatif qui offre la possibilité à tout employeur de verser une prime exceptionnelle à ses salariés. L’employeur est libre d’en fixer le montant. De manière exceptionnelle, cette prime peut être exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu, sous certaines conditions.

1.   En 2019, une nouvelle prime sans impôt ni cotisation pour répondre à la crise des « gilets jaunes »

●La loi dite « MUES » de décembre 2018 a introduit, pour la première fois, une « prime exceptionnelle de pouvoir d’achat » (PEPA), dans l’objectif d’inciter les entreprises à verser en l’exonérant de tout prélèvement fiscal et social, c’est‑à‑dire à la fois de l’impôt sur le revenu, de toutes les cotisations sociales ([4]) et contributions d’origine légale ou conventionnelle ([5]), ainsi que de plusieurs participations, taxes et contributions ([6]).

La loi a toutefois prévu un certain nombre de conditions au versement de la prime :

– une limite de 1 000 euros concernant la part faisant l’objet d’une exonération fiscale et sociale ;

– un plafond de salaire équivalent à trois fois le montant annuel du salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) ;

– un délai d’application limité ([7]) ;

– une modulation limitée du montant de la prime entre les bénéficiaires ([8]).

La prime ne peut également pas se substituer à un autre élément de rémunération. Cette question est centrale dans la mesure où, comme l’a noté l’INSEE en 2020 ([9]) à propos de la prime versée au cours de l’année 2019, il importe de s’assurer que les primes ne font pas obstacle à d’éventuelles augmentations de salaire qui auraient pu avoir lieu en l’absence de prime. En s’appuyant sur l’évolution du salaire moyen par tête (SMPT), l’INSEE note que « sur 1,4 point de croissance annuelle des salaires au premier trimestre 2019 directement imputable à la prime PEPA, environ 40 % (soit 0,6 point) relèverait d’effets d’aubaine. L’effet "net" de la prime ne serait que de 0,8 point. » Pour cette première version de la prime, l’effet d’aubaine serait donc « d’ampleur relativement limitée ».

GLISSEMENT DU SALAIRE MOYEN PAR TÊTE ET IMPACT DE LA PEPA

Source : INSEE, 2020.

2.   Une reconduction en 2020 par l’intermédiaire de la loi de financement de la sécurité sociale et adaptée au moment de la crise sanitaire

● À la suite du « Grand débat national », la PEPA a été reconduite en 2020 par l’intermédiaire de l’article 7 de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2020 ([10]), pour la période allant du 1er janvier au 30 juin 2020. Alors que les principales caractéristiques de la PEPA applicable en 2019 ont été conservées, cette LFSS en ajoute une nouvelle : la mise en œuvre préalable d’un plan d’intéressement dans l’entreprise, à l’exception des établissements ou service d’aide par le travail (ESAT) et des associations et fondations à but non lucratif et reconnues d’utilité publique.

● Le panel des bénéficiaires est également étendu aux salariés mis temporairement à disposition d’une entreprise utilisatrice ([11]), aux travailleurs handicapés bénéficiant d’un contrat de soutien et d’aide par le travail et relevant d’un ESAT, aux agents relevant d’un établissement public, administratif ou industriel et commercial, au moment du versement de la prime.

● L’ordonnance du 1er avril 2020 ([12]), prise dans le cadre des mesures d’urgence contre l’épidémie de covid‑19, a permis d’assouplir les conditions de versement de la PEPA :

– elle supprime la condition liée à la signature d’un accord d’intéressement mais, afin de conserver l’incitation à signer de tels accords, l’ordonnance augmente le plafond de la prime à 2 000 euros pour les entreprises qui remplissent cette condition ;

– elle ajoute un critère de modulation du montant de la prime (« les conditions de travail liées à l’épidémie de covid19 »), sans pour autant exclure les salariés qui n’auraient pas été particulièrement mobilisés durant la crise ;

– elle repousse la date limite de versement au 31 août 2020, ensuite prolongée au 31 décembre 2020 par la deuxième loi de finances rectificative pour 2020 ([13]).

3.   La loi de finances rectificative a reconduit la prime exceptionnelle en 2021

 La loi de finances rectificative (LFR) pour 2021 ([14]) a reconduit le versement de la PEPA pour une période courant entre 1er juin 2021 et le 31 mars 2022. La prime conserve le même champ de bénéficiaires et d’exonérations.

Ainsi, entre 2021 et le début de l’année 2022, la part exonérée de la prime peut atteindre :

– 1 000 euros, si l’entreprise compte cinquante salariés ou plus et n’a pas mis en place d’accord d’intéressement ;

– 2 000 euros, si l’entreprise respecte l’une des conditions suivantes :

– compter moins de cinquante salariés ;

– avoir mis en œuvre un accord d’intéressement ;

– être couverte par un accord de branche ou un accord d’entreprise prévoyant la valorisation du métier des salariés ayant contribué, en 2020 ou 2021, à la continuité de l’activité économique et/ou au maintien de la cohésion sociale durant la crise sanitaire, soit les salariés dits « de deuxième ligne ».

LA PRISE EN COMPTE DES SALARIÉS DE LA « DEUXIÈME LIGNE » DANS LA PEPA

Le Gouvernement s’est fixé l’objectif d’intégrer dans le champ de la prime exceptionnelle les salariés dits de la « deuxième ligne » dans le cadre de la lutte contre l’épidémie de covid‑19. À cette fin, une mission avait été lancée, en octobre 2020, par la ministre du travail afin d’accompagner les partenaires sociaux dans la démarche de reconnaissance de ces métiers de « deuxième ligne », dont le rapport a été rendu public en décembre 2021 ([15]).

EFFECTIFS DE SALARIÉS DU SECTEUR PRIVÉ DANS LES MÉTIERS
DE LA « DEUXIÈME LIGNE »

Source : rapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne

La mission avait identifié dix‑sept métiers, représentant environ 4,6 millions de salariés dans le secteur privé, en combinant deux critères : le degré d’exposition potentielle au covid‑19 lors de l’activité ordinaire de travail et le fait d’avoir majoritairement continué à travailler sur site durant le premier confinement en raison de l’impossibilité d’exercer l’activité en télétravail.

Ainsi, ces salariés ont pu bénéficier de la prime au cours de la période couverte par cette LFR, dès lors que leurs employeurs étaient soit couverts par un accord de branche ou d’entreprise visant à valoriser ces métiers, soit s’étaient engagés, par un accord d’entreprise, à ouvrir des négociations pour aboutir à un tel accord de branche, soit avaient déjà engagé des négociations avec ce même objectif.

C.   L’efficacité économique et sociale de la prime exceptionnelle

●D’après l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, entre 2019 et 2022, 15 307 184 personnes ont bénéficié de la PEPA, pour un montant de 8,3 milliards d’euros, versé par 1 633 491 établissements. Le montant moyen de la prime s’est élevé, sur cette même période, à 542 euros.

D’après les données fournies par l’étude d’impact du présent projet de loi, il apparaît que les entreprises de moins de cinquante salariés (non soumises à l’obligation de mettre en œuvre un dispositif de partage de la valeur) versent un montant moyen de prime plus important que les autres entreprises. Ainsi, plus de 25 % des salariés percevant une rémunération inférieure à 3 SMIC ont perçu une prime exceptionnelle au titre d’au moins un des trois dispositifs précédents. En termes de montant total, 25 % des primes ont été versées par les entreprises de plus de 500 salariés.

MONTANT TOTAL ET MOYEN DE PRIME PEPA VERSÉS EN 2021 et 2022 EN FONCTION DU NOMBRE DE SALARIÉS DANS L’ENTREPRISE

(en euros)

 

2021

2022

Tranche d’effectifs salariés

Montant total de prime PEPA versé

Montant moyen prime PEPA

Montant total de prime PEPA versé

Montant moyen prime PEPA

0 à 9

536 584 151

786

116 827 035

703

10 à 19

242 598 685

703

64 527 356

618

20 à 49

254 979 715

619

87 649 025

545

50 à 99

115 046 620

495

52 256 619

464

100 à 249

145 321 080

468

81 987 338

435

250 à 499

101 326 748

463

65 254 099

423

500 à 1 999

175 979 252

469

142 290 176

465

2 000 et plus

272 197 597

337

237 335 004

391

Source : étude d’impact.

Toujours d’après l’étude d’impact, le montant moyen de la PEPA a varié entre 2019 et 2022, s’échelonnant entre 66 et 572 euros par bénéficiaire en fonction des années.

MONTANTS DE PEPA VERSÉS, NOMBRE D’ÉTABLISSEMENTS L’AYANT VERSÉE ET DE BÉNÉFICIAIRES PAR AN

 

Montant de la PEPA versée

(en milliards d’euros)

Nombre d’établissements ayant versé une PEPA

Nombre de bénéficiaires d’une PEPA

Montant moyen de PEPA par bénéficiaire

(en euros)

2019

2,26

470 158

4 907 813

461

2020

3,21

586 806

5 214 619

66

2021

1,94

431 785

3 384 058

572

2022

0,89

145 742

1 800 694

494

Total

8,3

1 633 491

15 307 184

542

Source : étude d’impact.

 

PEPA MOYENNE PAR SALARIÉ EN 2020 (EUROS)

Source : URSSAF.

●Des différences régionales peuvent également être notées dans les montants attribués au titre de la PEPA, d’après les données de l’URSSAF ([16]). Ces montants varient de 552 euros pour la Bretagne à 650 euros pour le Grand Est. L’Île‑de‑France, les régions du Nord‑Est et du Sud‑Est sont celles pour lesquelles les primes sont les plus élevées.

 

ÉVOLUTION DE LA PEPA MOYENNE EN 2020 (%)

Source : URSSAF.

● Si les montants moyens évoluent dans toutes les régions à la hausse par rapport à 2019, ces augmentations s’échelonnent, dans l’Hexagone, de 38,2 % en Centre-Val de Loire à 62 % pour les Hauts‑de‑France. Ces différences s’expliquent, selon l’URSSAF, en raison du fait que « la part des établissements versant la prime tend à décroître lorsque la part dans les effectifs totaux de la région des deux secteurs ayant le plus faible pourcentage d’établissements versant la prime  Hébergement-restauration et autres activités de service – augmente ».

● Au total, l’assouplissement permis, au cours de l’année 2020, par l’ordonnance du 1er avril 2020 ([17]) en lien avec la crise sanitaire, semble avoir eu un effet non négligeable, dans la mesure où les montants versés ont fortement augmenté après les quatre premiers mois de l’année, passant d’une fourchette située entre 140 et 198 millions d’euros à un pic en mai 2020 de 502 millions d’euros ([18]).

II.   Le dispositif proposé : création d’une prime de partage de la valeur et maintien d’une prime exceptionnelle pour une annÉe

Ainsi que l’a annoncé le Président de la République, le dispositif proposé par le Gouvernement vise, dans un contexte d’inflation et d’érosion rapide du pouvoir d’achat des Français, notamment les plus modestes, à amplifier et pérenniser la prime de pouvoir d’achat.

Ce nouveau dispositif est fondé sur deux primes, l’une pérenne et l’autre temporaire, avec des caractéristiques distinctes.

A.   La « prime de partage de la valeur », une nouvelle prime pérenne dont la part exonérée peut atteindre 6 000 euros

● La « prime de partage de la valeur » constitue un nouveau type de prime, qui n’est plus exceptionnelle comme l’étaient les différentes versions de la PEPA. Elle sera versée à compter du 1er août 2022. La prime de partage de la valeur, telle que proposée par le présent projet de loi, ne prévoit pas de limite dans le temps pour en bénéficier, lui retirant donc son caractère « exceptionnel » et l’inscrivant comme un dispositif central de soutien pérenne au pouvoir d’achat des Français.

● Cette prime, sous certaines conditions, est exonérée, comme le prévoit le V du présent article, dans la limite de 3 000 euros, de cotisations sociales d’origine légale ou conventionnelle à la charge du salarié et de l’employeur, ainsi que des participations, taxes et contributions ([19]). Au même V, cette prime est assimilée aux sommes versées au titre de l’intéressement, en particulier pour ce qui concerne l’assujettissement au forfait social ([20]).

RÉGIME FISCAL ET SOCIAL DES PRIMES D’INTÉRESSEMENT

Les primes d’intéressement sont exonérées de cotisations sociales et patronales mais elles ne le sont pas de la CSG (appliquée avec le taux de 9,2 %) ni de la CRDS (taux de 0,5 %). Ces deux contributions ne s’appliquent toutefois pas sur la totalité du montant de la somme versée au titre de l’intéressement. En effet, ces primes sont soumises au « forfait social » (c’est‑à‑dire une contribution prélevée sur les rémunérations ou gains exonérés de cotisations sociales) au taux de 20 %, à l’exception des primes versées aux entreprises de moins de 250 salariés ([21]), qui en sont exonérées.

Pour l’employeur, les primes et le forfait social sont déductibles du résultat fiscal imposable à l’impôt sur les bénéfices. Pour les salariés, les primes sont soumises à l’impôt sur le revenu (catégorie « traitements et salaires »). Toutefois, dans le cas où elles seraient affectées à un plan d’épargne dans les quinze jours qui suivent le versement, les primes sont exonérées d’impôt sur le revenu dans la limite des trois quarts du plafond annuel de la sécurité sociale (30 852 euros en 2022).

● Le II définit le champ des personnes susceptibles de verser la prime, à savoir :

– les employeurs mentionnés à l’article L. 3311-1 du code du travail, c’est‑à‑dire l’ensemble des employeurs de droit privé ;

– les entreprises ayant recours à des contrats de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et un client utilisateur ([22]), en fonction des conditions fixées par l’accord d’entreprise ou de groupe, afin de déterminer une éventuelle modulation de la prime entre bénéficiaires ;

– les établissements d’aide et les services d’aide par le travail employant des travailleurs handicapés.

● Contrairement aux versions antérieures de la prime, dont les bénéficiaires devaient percevoir des rémunérations d’un montant inférieur à trois fois la valeur du SMIC annuel, le II ne définit pas de niveau maximal de rémunération permettant de bénéficier de cette prime.

En effet, le Conseil d’État a indiqué, dans son avis rendu dans le cadre de la loi « portant mesures d’urgence », que « même si l’instauration d’un tel plafond est susceptible de faire naître, dans certains cas de figure, un effet de seuil, ce dispositif peut, compte tenu notamment de son caractère temporaire et non obligatoire, de sa simplicité, ainsi que de la faculté conférée à l’employeur de moduler le montant de la prime selon les bénéficiaires, être admis au regard du respect du principe d’égalité » ([23]). Il a donc considéré que seules les exigences nées de l’urgence et du caractère exceptionnel de la mesure autorisaient à définir un plafond de rémunération pouvant donner lieu à certains effets de seuil et, dans certaines situations, à une inversion de la hiérarchie des revenus pour ceux qui sont situés de part et d’autre de ce seuil.

● Le III conserve néanmoins des conditions au bénéfice de l’exonération comparables aux versions antérieures de la prime :

– le du III définit le champ des personnes éligibles au versement de la prime de manière large : il s’agit des salariés liés à l’entreprise par un contrat de travail, des intérimaires mis à disposition de l’entreprise utilisatrice, agents des établissements publics et les travailleurs handicapés ;

– le 2° du même III permet de moduler le montant de la prime attribuée à chaque salarié, en fonction de sa rémunération, du niveau de classification ([24]), de la durée de présence effective pendant l’année écoulée, de la durée de travail prévue par le contrat de travail, en considérant les congés maternité, paternité, adoption et éducation des enfants mentionnés dans le code du travail comme un temps de présence effective ([25]) ;

– le prévoit enfin que la prime ne saurait se substituer à aucun élément de rémunération ([26]), à une augmentation de rémunération ou à des primes prévues par un accord salarial, le contrat de travail ou les usages en vigueur au sein de l’entreprise ou de l’établissement public. La rapporteure y attache une véritable attention, compte tenu du fait que le versement de la prime ne saurait se faire au détriment du paiement à bon droit des cotisations, constitutives de droit pour les salariés, comme de ressources pour la sécurité sociale.

En effet, le Conseil constitutionnel avait indiqué, dès 2007, que « si le principe d’égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicte pour des motifs d’intérêt général des mesures d’incitation par l’octroi d’avantages fiscaux, c’est à la condition qu’il fonde son appréciation sur des critères objectifs et rationnels en fonction des buts qu’il se propose et que l’avantage fiscal consenti ne soit pas hors de proportion avec l’effet incitatif attendu » ([27]). Le Conseil d’État a jugé, dans son avis, que les critères précis qui encadrent la prime de partage de la valeur, en particulier le plafond d’exonérations de cotisations sociales et des diverses taxes, inférieur à ceux qui résultent d’une prime d’intéressement, permettent de ne pas engendrer de rupture d’égalité devant les charges publiques.

● Selon le IV, le montant maximal de la prime et le niveau maximal de rémunération pouvant y donner accès font l’objet d’un accord d’entreprise ou de groupe ([28]) ou, à défaut, d’une décision unilatérale de l’employeur qui en informe alors le comité social et économique (CSE) lorsqu’il existe (il est obligatoire dans les entreprises de plus de onze salariés). En pratique, cette faculté offerte à l’employeur confère une certaine souplesse dans l’application de la prime. Le Conseil d’État note dans son avis que cette disposition permettant une décision unilatérale de l’employeur peut entrer en contradiction avec le huitième aliéna du Préambule de la Constitution de 1946, qui introduit le principe de participation des travailleurs à la gestion des entreprises ([29]). Toutefois, le Conseil d’État indique également que cette faculté laissée à l’employeur ne méconnait pas par elle‑même le principe de participation. En outre, ces modalités sont identiques à celles qui étaient applicables jusqu’à ce jour et la déclaration unilatérale est très régulièrement utilisée dans les entreprises, en particulier dans le cadre de la mise en place de mutuelle collective obligatoire ou d’un contrat prévoyance. En outre, il faut rappeler la nécessité, pour les employeurs, que la prime soit simple et rapide à mettre en place, afin d’assurer sa pleine efficacité.

● Le V précise également que la part exonérée de la prime de partage de la valeur peut être portée à 6 000 euros, soit le double du montant de droit commun, si, à la date du versement de la prime, les employeurs :

– mettent en œuvre ou ont conclu un dispositif d’intéressement, lorsqu’ils ont l’obligation de mettre en place des dispositifs de participation ([30]) (pour les entreprises de plus de cinquante salariés) ;

– mettent en œuvre ou ont conclu un dispositif d’intéressement ou de participation, lorsqu’ils ne sont pas soumis à l’obligation susmentionnée.

● Dans la lignée de ses versions exceptionnelles antérieures, la prime de partage de la valeur ajoutée poursuit en effet l’objectif de développement des plans d’intéressement dans nos entreprises, dispositif concret de partage de la valeur ajoutée entre l’investissement et le travail ([31]). Il est donc tout à fait pertinent et indispensable que la prime de partage de la valeur reprenne le schéma de la PEPA depuis la LFSS 2020, en incitant les entreprises à conclure de tels accords d’intéressement et leur permettant ainsi de bénéficier d’un montant doublé de la prime de partage de la valeur.

● Au même V, sont exclus de ces conditions, de la même manière que pour les versions antérieures de la prime, les associations et fondations ([32]) et les établissements ou services d’aide par le travail ([33]) pour les primes versées aux travailleurs handicapés, structures pour lesquelles la mise en place d’une plan d’intéressement ne présente pas d’intérêt.

● Ainsi, si elle s’en inspire directement, plusieurs différences existent entre la prime de partage de la valeur prévue par le présent article et la PEPA :

– ce dispositif est pérenne, et non plus transitoire et exceptionnel ;

– le montant de la part exonérée de la prime est triplé, autant en ce qui concerne le dispositif de droit commun que celui qui est conditionné à la mise en place d’un dispositif d’intéressement ;

– la prime de partage de la valeur n’est pas exonérée d’impôt sur le revenu ni de contributions sociales (CSG et CRDS notamment) et elle est assimilée aux sommes versées au titre de l’intéressement ;

– l’ensemble des salariés peuvent en bénéficier indépendamment de leurs niveaux de revenus, sous réserve de la décision de l’employeur.

● Avec, notamment, le relèvement du plafond de la prime, le Gouvernement anticipe, dans l’étude d’impact du présent projet de loi, une augmentation du montant moyen versé et du nombre de salariés concernés, du fait de l’allégement des conditions de versement pour les entreprises de cinquante salariés et plus. Ainsi, l’étude d’impact indique qu’une « hausse de 50 % seulement des montants moyens versés et du nombre de bénéficiaires représenterait des gains de pouvoir d’achat de plus de 6 milliards d’euros. Pour un salarié rémunéré 1,5 SMIC, soit environ 2 000 euros nets, une prime moyenne de 750 euros représente une hausse de rémunération de plus de 3 %. »

B.   Une nouvelle prime exceptionnelle valable jusqu’en 2023

● Cette nouvelle prime de partage de la valeur, selon le VI, peut également prendre la forme, si elle est versée entre 1er août 2022 et le 31 décembre 2023, d’une prime exceptionnelle, d’un montant maximal de 3 000 euros (ou 6 000 euros en cas d’accord d’intéressement) pour les salariés ayant reçu une rémunération, au cours de l’année précédant le versement, inférieure à trois fois la valeur du SMIC. À la différence de la prime pérenne, celle‑ci est exonérée non seulement de cotisations sociales mais aussi des contributions sociales ([34]) et d’impôt sur le revenu. Elle permet donc de continuer à soutenir massivement le pouvoir d’achat des Français dans la période de forte inflation actuelle et à venir.

● Le VI permet également d’inclure la prime de pouvoir d’achat dans le revenu fiscal de référence ([35]). Il s’agit d’une innovation par rapport aux versions antérieure, dans un souci de juste appréciation des ressources des contribuables. Le VI précise également qu’en cas de cumul entre cette nouvelle prime temporaire de partage de la valeur et la PEPA issue de la LFR 2021, le montant total de prime exonéré d’impôt sur le revenu au titre des revenus de l’année 2022 ne peut excéder 6 000 euros, afin d’éviter tout « effet d’aubaine » lié au cumul de ces deux dispositifs.

● Enfin, le VII adapte sur le plan légistique les dispositions du présent article aux territoires de Mayotte et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

III.   Modifications apportées par la commission

La commission a adopté neuf amendements rédactionnels de la rapporteure. Elle a également adopté un amendement AS146 présenté par M. Leseul, visant à préciser que l’entreprise utilisatrice informe « sans délai » l’entreprise de travail temporaire dont elle emploie l’un des salariés qu’elle attribue la prime de partage de la valeur. Un autre amendement (AS147) adopté par la commission, également présenté par M. Leseul, permet d’indiquer que l’entreprise de travail temporaire en informe sans délai son comité social et économique, lorsqu’il existe.

Un amendement AS240 de M. Dharéville, identique à un amendement adopté par la commission des finances, précise que, dans le cas où la prime de partage de la valeur est définie par la voie d’une décision unilatérale de l’employeur, ce dernier doit « consulter préalablement », et non plus simplement « informer » le comité social et économique, lorsqu’il existe.

La commission a également adopté l’amendement AS290 de Mme Pouzyreff visant à ajouter l’ancienneté dans l’entreprise aux critères permettant de moduler la prime de partage de la valeur. L’adoption par la commission d’un amendement AS351 de Mme Le Nabour a également permis d’inscrire dans le projet de loi la possibilité offerte aux employeur de fractionner le versement de la prime au long de l’année, tout en garantissant que ce versement ne se fera pas sur une base mensuelle, afin d’empêcher qu’il ne se substitue au salaire.

Enfin, la commission a adopté l’amendement AS352 de M. Martin qui demande à ce que le gouvernement soumette au parlement, au plus tard le 30 juin 2024, un rapport permettant d’évaluer l’efficacité de la prime de partage de la valeur.

*

*     *

Article 2
Exonération de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 prévoit de nouvelles exonérations de cotisations sociales pour l’ensemble des travailleurs indépendants, afin notamment de permettre à ceux qui ont une rémunération équivalente au SMIC de bénéficier d’un gain de pouvoir d’achat de 550 euros par an.

I.   L’État du droit : Les exonÉrations de cotisations sociales des travailleurs indÉpendants s’inscrivent dans le contexte d’un système de prÉlÈVement social complexe et de l’essor démographique du travail non salarié

A.   Les cotisations sociales des travailleurs indépendants reflètent un système complexe de protection sociale

1.   Les travailleurs indépendants, une catégorie particulièrement diverse

● Les travailleurs indépendants sont classés dans le code de la sécurité sociale en « négatif », comme n’étant pas des salariés. Le travail indépendant ne donne pas lieu à une définition par les textes juridiques, à l’exception des professions qui le composent. La jurisprudence l’apprécie par opposition au salariat, via la notion de liens de subordination juridique ou de « dépendance ». Plusieurs caractéristiques rassemblent ainsi les travailleurs indépendants :

– ils ne sont pas liés par un contrat de travail avec leur propre entreprise ;

– ils travaillent pour leur propre compte ;

– ils sont les seuls contributeurs au financement de leur protection sociale, ne pouvant pas bénéficier, comme les salariés, d’une prise en charge partagée entre employeur et salarié.

● La catégorie des « travailleurs indépendants » révèle donc une forte hétérogénéité des métiers et secteurs d’activités, allant des professions médicales et paramédicales à l’immobilier, en passant par les services aux entreprises et à la personne, le droit, l’informatique ou l’agriculture. Certaines de ces professions voient leur accès réglementé, notamment les avocats et architectes ainsi qu’une grande partie des professions médicales et paramédicales.

● De plus, les travailleurs indépendants sont affiliés à différents régimes de la sécurité sociale (MSA, ex‑RSI, régime général, CNVAPL, CNBF). Ce panel de possibilités permet aux travailleurs indépendants de ne pas exercer sous le même statut durant toute leur carrière, offrant ainsi une certaine flexibilité, avec parfois des allers-retours ou des cumuls entre activité salariée et activité indépendante. Ainsi, selon l’INSEE, fin 2017, « trois micro-entrepreneurs et un nonsalarié classique sur dix cumulent leur activité non salariée avec un emploi salarié » ([36]).

● Cette diversité se traduit par des formes juridiques différentes, impliquant de multiples caractéristiques (personnalité morale, nombre d’associés, responsabilité du dirigeant...). Dans son rapport consacré à ce sujet ([37]), le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale (HCFiPS) distingue schématiquement quatre formes juridiques, auxquelles toutes les professions n’ont pas obligatoirement accès :

– les entrepreneurs individuels (EI, EIRL, 34,7 % fin 2017) ;

– les entrepreneurs individuels ayant opté pour le régime micro-fiscal et/ou micro‑social, c’est‑à‑dire les micro-entrepreneurs ([38]) (30,3 %) ;

– les gérants majoritaires de sociétés soumis à l’impôt sur le revenu (SARL, EURL, 26,3 %) ;

– les dirigeants d’entreprises soumises à l’impôt sur les sociétés (SA, SAS, SASU, SEL, SELARL) et gérants minoritaires de SARS (assimilés salariés au sens de la sécurité sociale, 8,6 %).

RÉPARTITION DES COTISANTS PAR REGROUPEMENT DE SECTEURS D’ACTIVITÉ
SELON QU’ILS SONT OU NON AUTOENTREPRENEURS (AU 31 DÉCEMBRE 2020)

Source : Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, 2021.

2.   Un essor démographique, porté par l’autoentreprise, qui cache d’importantes disparités de revenus

● En décembre 2020, la France comptait environ 3,8 millions de cotisants ([39]) répertoriés dans cette catégorie de « travailleurs indépendants », constituant le deuxième bloc de bénéficiaires de la sécurité sociale, après les salariés. Il faut noter que, parmi eux, on compte 3,4 millions de comptes cotisants à la sécurité sociale des indépendants, c’est‑à‑dire en retirant de la catégorie globale des « travailleurs indépendants » les praticiens et auxiliaires médicaux (PAMC) ([40]), les artistes-auteurs ([41]) et les marins-pêcheurs ([42]). Les quatre principales catégories professionnelles principales sont donc : les commerçants (36 %), les artisans (33 %) et les professions libérales hors PAMC (19 %) et les professions libérales non règlementées (11 %).

LES COMPTES DE COTISANTS À LA SÉCURITÉ SOCIALE DES INDÉPENDANTS
(AU 31 DÉCEMBRE 2020)

Source : Conseil de la protection sociale des indépendants, 2021.

●Le HCFiPS ([43]) établit plusieurs constats sur les travailleurs indépendants, dont le plus important est celui de la forte dynamique démographique récente. En effet, si l’emploi non salarié était très important dans les années 1970 (4,5 millions de personnes), celui-ci a décru jusqu’aux années 2000 (2,5 millions), pour repartir à la hausse à partir de 2004.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE TRAVAILLEURS NON SALARIÉS
PAR SECTEURS D’ACTIVITÉ

Source : HCFiPS, « Rapport sur la protection sociale des travailleurs indépendants », septembre 2020.

Ce rebond démographique peut s’expliquer notamment par la part du secteur tertiaire, dans un contexte de transformation de l’environnement économique (externalisation pratiquée par les entreprises, plateformes d’intermédiation) et par la création de statut de microentreprise, en 2009, en essor depuis lors (700 000 en 2011 ([44]) et 1,9 million fin juin 2020 ([45]), en augmentation de 21,8 % sur un an).

En 2021, l’INSEE a établi que l’augmentation du nombre d’immatriculations d’entreprises est portée par le régime du micro-entrepreneur ([46]) (+ 17 %, soit 93 400 immatriculations supplémentaires), qui offre des avantages en termes de simplicité pour la création d’entreprise et pour le calcul et le paiement des cotisations sociales et d’impôt sur le revenu. L’INSEE précise que « les créations ont ainsi plus que doublé depuis 2017, année précédant le relèvement des plafonds de chiffre d’affaires ouvrant droit au régime ».

NOMBRE DE CRÉATIONS D’ENTREPRISES DEPUIS 2010

Source : INSEE, 2022.

En 2020, la proportion d’autoentrepreneurs progresse chez les artisans et les commerçants par rapport à 2019, (respectivement + 4 et +5 points) et diminue parmi les professions libérales (– 3 points). Elle est stable au sein des professions libérales non réglementées (à un niveau très élevé : 95 %) ([47]).

● Les travailleurs indépendants se distinguent également par d’importantes disparités de revenu. En 2017, les non-salariés retiraient en moyenne 2 580 euros par mois de leur activité dans l’ensemble des secteurs hors agriculture, et 1 410 euros dans le secteur agricole ([48]).

La disparité de revenus est plus marquée pour les travailleurs indépendants que pour les salariés, comme le rappelle le HCFiPS : « un non-salarié "classique" sur dix gagne moins de 500 euros par mois, alors que ce seuil est de 850 euros pour les salariés du secteur privé, soit 1,7 fois plus » ([49]).

Dans le haut de l’échelle des rémunérations (dernier décile), un non‑salarié « classique » perçoit toutefois 2,3 fois plus qu’un salarié du privé au rang équivalent.

Le statut d’auto‑entrepreneur apparaît aussi comme particulièrement divers en termes de revenu, étant donné que, par exemple, seuls 846 000 d’entre eux déclarent un chiffre d’affaires positif au deuxième trimestre 2020, soit un peu moins de 45 % ([50]).

DISPARITÉ DES REVENUS D’ACTIVITÉ DES NON-SALARIÉS CLASSIQUES
ET DES SALARIÉS DU PRIVÉ EN 2017

Source : INSEE, 2020.

● Cette différence de rémunération peut se lire en fonction des catégories professionnelles et des sexes.

REVENU MENSUEL MOYEN DES NON-SALARIÉS « CLASSIQUES »
EN 2017 PAR SEXE

Source : INSEE, 2022.

3.   Un système de prélèvement social particulièrement complexe

● Sujet constant de préoccupation pour les travailleurs indépendants, le système de prélèvement social qui s’applique à eux se caractérise par une grande complexité reflétant la diversité des statuts de cette catégorie professionnelle tout comme la nécessité pour eux d’assumer seuls le financement de leur protection sociale, à la différence du financement dual de celles des salariés.

a.   La sécurité sociale des indépendants

● Le régime des travailleurs non salariés non agricoles couvrait, jusqu’au 1er janvier 2018, plusieurs professions indépendantes : artisans, commerçants, industriels, professions libérales. Après une organisation complexe avec trois régimes spécifiques (loi du 17 janvier 1958), le Régime social des indépendants (RSI) a été créé en 2006 afin de simplifier ce système, devenant ainsi l’interlocuteur unique des professions indépendantes pour ce qui concerne le recouvrement des cotisations et contributions sociales, à l’exception de celles permettant le versement des prestations. Les professions libérales ne sont donc pas concernées par cette réforme et restent gérées par des organismes spécifiques (CNAVPL et CNBF).

Le RSI est toutefois rapidement contesté, plaçant notamment les travailleurs indépendants face à une diversité d’institutions qui leur versent leurs prestations sociales (URSSAF, RSI, organismes conventionnés). Le recouvrement et le traitement des cotisations connaissent d’importants dysfonctionnements, dans un contexte où les responsabilités entre RSI et URSSAF sont difficiles à établir. La Cour des comptes qualifie, en 2017, le RSI de « catastrophe industrielle » ([51]).

Ainsi, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a transformé le RSI en Sécurité sociale des travailleurs indépendants (SSTI) : les travailleurs indépendants sont intégrés en deux ans au régime général. Cette période transitoire avait été prévue afin d’intégrer progressivement la gestion de la sécurité sociale des travailleurs indépendants au sein du régime général. Pendant cette période, la Caisse nationale déléguée pour la sécurité sociale des travailleurs indépendants (CNDSSTI) a assuré la gestion du régime, pour la couverture des risques d’assurance maladie ([52]), d’assurance vieillesse, d’invalidité, de décès et d’indemnités journalières des artisans, des commerçants et des professions libérales non réglementées. Dorénavant, ils sont pris en charge par les mêmes organismes que les salariés du secteur privé (URSSAF, CPAM, Carsat).

LES PRINCIPALES DONNÉES RELATIVES À LA PROTECTION SOCIALE DES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS EN 2020

D’après le Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) ([53]), en 2020, 101,1 milliards d’euros de cotisations ont été encaissés sur l’ensemble des risques, y compris les cotisations famille, CSG-CRDS et formation auprès des artisans, des commerçants et des professions libérales (hors PAMC).

En termes de dépenses, 4,1 milliards d’euros ont été consacrés aux soins de ville, dont 290 millions d’euros d’indemnités journalières maladie ([54]). Les pensions de retraite complémentaire ont représenté 2,1 milliards d’euros. En effet, 2,1 millions de retraités de base ont eu une carrière complète de travailleurs indépendants et 1,4 million bénéficient de la retraite complémentaire. Enfin, 4,4 millions de personnes ont bénéficié de prestations maladie. Le régime compte également 39 376 assurés invalides.

● Il faut, pour décrire le système de protection sociale des travailleurs indépendants, distinguer, comme l’a fait le HCFiPS ([55]), les travailleurs indépendants dits « classiques » (c’est‑à‑dire non micro-entrepreneurs exerçant sous forme d’entreprise individuelle et les gérants majoritaires de SARS n’ayant pas opté pour l’imposition sur les revenus), les micro-entrepreneurs et les « assimilés salariés », qui sont rattachés au régime général ([56]).

b.   Les différentes assiettes sociales en fonction des catégories des travailleurs indépendants

● Pour les indépendants « classiques », deux assiettes sociales existent :

– l’une pour les cotisations, qui correspond à peu près à celle de l’impôt sur le revenu, c’est‑à‑dire le revenu professionnel ([57]) ;

– l’autre pour la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), qui correspond à l’assiette des cotisations, majorée du montant de ces cotisations.

● Pour les micro-entrepreneurs, il n’existe qu’une seule assiette pour les cotisations sociales et la CSG-CRDS ([58]), correspondant au chiffre d’affaires réalisé avec une estimation forfaitaire des frais professionnels, avec un niveau qui diffère selon les catégories d’indépendants ([59]). Les micro-entrepreneurs n’ont pas à se soumettre aux assiettes minimales forfaitaires (assurance vieillesse et indemnités journalières).

● Enfin, pour les dirigeants de sociétés et les gérants minoritaires de SARL (« assimilés salariés »), l’assiette correspond aux rémunérations brutes que la société verse au dirigeant. La société s’acquitte des cotisations employeurs et précompte sur cette rémunération brute les cotisations « salariales » dues par le dirigeant. Il s’agit donc d’un système plus simple que celui des indépendants « classiques ».

c.   Les taux applicables aux travailleurs indépendants

● Les taux sont également très variables :

– le taux de la cotisation d’allocations familiales est un taux nominal identique pour tous les indépendants (3,1 %, contre 3,45 % pour les salariés dont les gains n’excèdent pas 3,5 fois le niveau du SMIC ([60])) ;

– une cotisation de 1,3 % au titre du régime complémentaire d’invalidité-décès ([61]) s’applique aux indépendants relevant de la Sécurité sociale des indépendants. Tous les indépendants ne bénéficient pas d’un accès aux indemnités journalières (IJ) d’assurance maladie. Ainsi, le taux diffère en fonction de l’accès ou non à ces IJ : 7,2 % pour les artisans-commerçants et 6,5 % pour les professions libérales ([62]) et les exploitants agricoles ;

– les indépendants ne sont pas soumis à la contribution de solidarité pour l’autonomie (0,3 % pour les salariés) ;

– seuls les exploitants agricoles s’acquittent d’une cotisation forfaitaire couvrant le risque accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), dont le montant varie en fonction de l’année et du domaine d’activité ;

– les cotisations d’assurance vieillesse sont celles pour lesquelles les taux diffèrent le plus. Pour les artisans, commerçants, professions libérales non réglementées « classiques », ce taux est de 24,75 % (contre 27,77 % pour les salariés) en 2019 (avant allégements et exonérations).

PRINCIPALES RÈGLES D’ASSUJETTISSEMENT APPLICABLES À L’ANNÉE 2021 POUR LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

Source : annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

 Par ailleurs, pour les travailleurs indépendants non agricoles (à l’exception des personnes exerçant une profession libérale réglementée), la possibilité d’opter pour le dispositif microsocial permet de calculer les cotisations en appliquant un taux unique assis directement sur le chiffre d’affaires ou les recettes (et non l’application de taux de cotisations sur les revenus nets), en prenant en compte un abattement forfaitaire représentatif des charges professionnelles. En 2020, ce taux unique de cotisation est de 12,8 % pour les commerçants et de 22 % pour les artisans, les professionnels libéraux non réglementés et les professionnels libéraux rattachés à la CIPAV.

Au total, l’étude d’impact fournie par le Gouvernement résume les différentes cotisations dont s’acquittent les différentes catégories de travailleurs indépendants.

COTISATIONS ACQUITTÉES PAR LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS COTISANT AU RÉEL ([63]), HORS LIBÉRAUX, POUR UN REVENU ÉGAL AU SMIC

 

Taux réglementaires (%)

Taux effectifs après exonérations (%)

Montant (en euros)

Maladie maternité dont IJ

7,20

4,06

635

Vieillesse plafonnée (1 PASS)

17,15

17,15

2 681

Vieillesse déplafonnée

0,60

0,60

94

Vieillesse complémentaire

7,00

7,00

1 094

Invalidité décès

1,30

1,30

203

Famille

3,10

0,00

0

 

COTISATIONS ACQUITTÉES PAR LES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX POUR UN REVENU ÉGAL AU SMIC

Risques

Taux réglementaires (%)

Taux effectifs après exonérations (%)

Montant en euros

Maladie maternité

6,50

3,23

504

IJ maladie

0,30

0,30

49

Vieillesse plafonnée (1 PASS)

8,23

8,23

1 287

Vieillesse déplafonnée

1,87

1,87

292

Vieillesse complémentaire

Selon sections professionnelles

Invalidité-décès

Forfaitaire selon sections professionnelles

Famille

3,10

0

 

COTISATIONS ACQUITTÉES PAR LES CHEFS D’EXPLOITATION OU D’ENTREPRISE AGRICOLE À TITRE PRINCIPAL OU EXCLUSIF POUR UN REVENU ÉGAL AU SMIC

Risques

Taux réglementaires (%)

Taux effectifs après exonérations (%)

Montant en euros

Maladie maternité

6,50

3,23

504

IJ maladie (forfaitaire)

Forfaitaire

1,15

180

Invalidité

1,1

1,1

172

Vieillesse plafonnée (1 PASS)

14,87

14,87

2 324

Vieillesse déplafonnée

2,24

2,24

350

Vieillesse complémentaire obligatoire

4,00

4,92

769

Famille

3,10

0,00

0

AT-MP (cotisation pivot)

Forfaitaire modulable

3,02

472

Source : étude d’impact.

B.   Les exonÉrations de cotisations sociales

● Une exonération peut se définir comme la minoration ou la suppression des taux de cotisations ou contributions applicables sur l’assiette des rémunérations ou des revenus perçus, et qui prennent la forme soit d’allégements de cotisations, soit de réduction de taux. Les exemptions d’assiette, quant à elles, minorent l’assiette sur laquelle sont calculées les prélèvements sociaux et appliqués ces mêmes taux.

● Certains travailleurs indépendants bénéficient, comme les salariés, d’exonérations ou réductions de cotisations sociales, même si les comparaisons entre ces deux catégories font apparaître d’importantes différences.

1.   De multiples exonérations au bénéfice des salariés

● Les salariés du secteur privé, en dehors des exonérations propres à certains secteurs, bénéficient de dispositifs généraux d’exonérations. C’est le cas notamment de la réduction générale de cotisations sur les bas salaires – dégressive entre 1 et 1,6 fois le SMIC – dont le renforcement progressif a conduit à ce que, dans la situation actuelle, l’employeur soit totalement exonéré de cotisations patronales sur le champ non seulement de la sécurité sociale mais aussi de l’assurance chômage et de l’assurance vieillesse complémentaire.

● S’ajoute à ce dispositif la réduction de 1,8 point du taux de cotisation d’allocations familiales pour les personnes dont la rémunération est inférieure à 3,5 fois le SMIC et, depuis 2019, la réduction de 6 points du taux de cotisation d’assurance maladie pour les rémunérations inférieures à 2,5 SMIC.

2.   Les exonérations au profit des travailleurs indépendants « classiques »

Les travailleurs indépendants « classiques », quant à eux, bénéficient d’une exonération dégressive à la fois sur les cotisations d’allocations familiales et sur les cotisations d’assurance maladie (hors IJ).

a.   L’exonération relative à la cotisation d’assurance maladie et maternité

● Mise en place par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2017 puis modifiée par la LFSS 2018 et aujourd’hui codifiée à l’article L. 621‑1 du code de la sécurité sociale, la réduction dégressive, dans la limite de 5 points, du taux de la cotisation d’assurance maladie et maternité due par les travailleurs indépendants s’applique lorsque leur revenu annuel est inférieur à 110 % du plafond annuel de sécurité sociale (PASS), soit 45 250 euros en 2021.

En conséquence, le taux de la cotisation croît linéairement de 1,5 % jusqu’à 6,5 % pour les professionnels libéraux et les exploitants agricoles. Le taux de l’exonération décroît en conséquence linéairement jusqu’à 110 % du PASS (45 250 euros) ([64]).

ÉVOLUTION DU TAUX DE COTISATION D’ASSURANCE MALADIE DES PROFESSIONNELS LIBÉRAUX ET DES EXPLOITANTS AGRICOLES

ÉVOLUTION DU TAUX DE COTISATION D’ASSURANCE MALADIE DES ARTISANS ET COMMERÇANTS

Source : annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

● D’après l’annexe 5 au PLFSS 2022, le coût de cette exonération était de 843 millions d’euros en 2020, contre 743 millions d’euros en 2019 et 649 millions d’euros en 2018, au bénéfice d’environ 1,6 million de cotisants.

b.   L’exonération relative à la cotisation d’allocations familiales

● Une exonération ou une réduction du taux de cotisation d’allocations familiales de travailleurs indépendants (y compris des exploitants agricoles) a été introduite la loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, ensuite modifié par la LFSS pour 2019. Cette exonération ou réduction s’applique lorsque le revenu annuel est inférieur à 140 % du PASS, prenant plusieurs formes :

– pour les travailleurs indépendants dont le revenu net est inférieur ou égal à 110 % du plafond annuel de la sécurité sociale (soit 45 250 euros en 2021), l’exonération est totale et le taux de la cotisation est par conséquent nul ;

– pour les travailleurs indépendants ayant un revenu compris entre 110 % et 140 % du PASS (soit 57 590 euros en 2021), le taux de la cotisation croît linéairement de 0 % jusqu’à 3,1 %. Le montant de l’exonération décroît en conséquence à partir de ce seuil jusqu’à devenir nul à 140 % du PASS.

EFFET DE L’EXONÉRATION SUR LE TAUX DE COTISATION APPLICABLE

Source : annexe 5 au projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2022.

● D’après l’annexe 5 au PLFSS 2022, le coût de ce dispositif est de 698 millions d’euros en 2020, contre 1,2 milliard d’euros en 2019 et 1,07 milliard d’euros en 2018. Il bénéficie également à 1,6 million de cotisants.

c.   Les réductions spécifiques des cotisations des travailleurs indépendants établis outre‑mer

● Introduites par la loi n° 2000-1207 du 13 décembre 2000 d’orientation pour l’outre-mer, ces réductions ont été plusieurs fois modifiées ([65]), jusqu’à la LFSS 2017 qui en opère une refonte globale. Ce dispositif a vocation à encourager la création d’activités et d’emploi dans les départements d’outre-mer (DOM) ([66]). Il distingue trois catégories de travailleurs indépendants :

– les travailleurs indépendants non agricoles non micro-entrepreneurs qui bénéficient, pendant les vingt‑quatre premiers mois de leur activité, d’une exonération totale des cotisations et contributions de sécurité sociale, pour un revenu inférieur à 100 % du PASS, pour décroître jusqu’aux revenus atteignant 250 % du PASS. Pour la troisième année d’activité, les cotisations d’assurance maladie, d’assurance vieillesse de base, d’allocations familiales et les contributions de sécurité sociale sont calculées, pour la partie des revenus inférieure au PASS, sur une assiette égale à 25 % de son revenu d’activité – l’abattement varie en fonction du revenu. À partir de la quatrième année, ces cotisations et contributions sont calculées sur une assiette égale à 50 % des revenus. Enfin, les travailleurs indépendants sont exonérés de cotisation d’assurance maladie lorsque leurs revenus sont inférieurs à 13 % du PASS et des cotisations d’assurance vieillesse de base et complémentaire ([67]) ;

– les micro-entrepreneurs, dont le taux unique de cotisation est réduit de deux tiers pour les micro-entrepreneurs au cours des sept premiers trimestres civils d’activité ([68]) ;

– les exploitants agricoles exerçant dans des exploitations de moins de 40 hectares pondérés, qui bénéficient d’une exonération totale des cotisations d’allocations familiales, d’assurance maladie-maternité, d’assurance invalidité-décès et d’assurance vieillesse.

● Selon l’annexe 5 au PLFSS 2022, alors qu’il concernait 85 463 personnes en 2018 ([69]), ce dispositif avait un coût de 109 millions d’euros en 2020.

d.   Autres dispositifs d’exonération ou de dispense

● Depuis la LFSS 2015, pour les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et de la prime d’activité et, depuis la LFSS 2020, pour les travailleurs indépendants réalisant des activités accessoires saisonnières, a été introduite une dispense d’application des assiettes minimales pour le calcul des cotisations sociales ([70]). Ces dernières sont donc calculées proportionnellement au revenu déclaré.

● En outre, afin de soutenir les travailleurs indépendants particulièrement affectés par la crise, des réductions forfaitaires ont été définies au titre des périodes d’emploi du 1er février au 30 avril ou 31 mai 2020 puis des périodes du 1er septembre ou du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021, selon le secteur d’activité, applicables aux montants de cotisations et contributions sociales. Le coût du dispositif est évalué à 0,9 milliard d’euros.

3.   L’Acre, seule exonération générale pour l’ensemble des travailleurs indépendants

● Pour les micro-entrepreneurs et les travailleurs indépendants « assimilés salariés », il n’existe aucune exonération spécifique. Le HCFiPS souligne dans son rapport précité que cette absence d’exonération est liée, pour les micro-entrepreneurs, à l’objectif de maintenir un système simple et lisible et, pour les « assimilés salariés », au fait que, n’étant pas couverts pour le risque chômage, ils ne s’acquittent pas de cette cotisation et ne bénéficient donc pas de la réduction générale et des taux réduits ([71]).

● Il faut noter toutefois que tous les travailleurs indépendants peuvent bénéficier du dispositif d’exonération dit « Acre » (aide à la création ou à la reprise d’une entreprise, article L. 131-6-4 du code de la sécurité sociale). Ce dispositif est soumis à certaines conditions listées dans l’article L. 5141-1 du code du travail. Le bénéfice de cette exonération diffère en fonction du statut :

– les travailleurs indépendants ne relevant du régime microsocial qui en bénéficient sont exonérés pendant douze mois des cotisations d’assurance maladie, maternité, de retraite de base, vieillesse complémentaire, invalidité, décès et d’allocations familiales. Le montant de cette exonération dépend du niveau de revenu annuel : elle est totale si celui-ci est inférieur à 75 % du PASS, dégressive si celui-ci est compris entre 75 % et 100 % du PASS et nulle au-delà de 100 % du PASS ;

– les travailleurs indépendants relevant du régime microsocial bénéficient d’un taux de cotisation minoré jusqu’à la fin du troisième trimestre civil qui suit celui du début d’activité.

TAUX DE COTISATION POUR LES MICRO-ENTREPRENEURS BÉNÉFICIAIRES DU DISPOSITIF ACRE EN FONCTION DU TYPE D’ACTIVITÉ

Activité

Taux de cotisation jusqu’à la fin du 3e trimestre suivant la date d’inscription

Taux plein en régime de croisière

Vente de marchandises (BIC)

6,40 %

12,80 %

Prestations de services (BIC ou BNC) ou professions libérales non règlementées (BNC)

11 %

22 %

Professions libérales relevant de la Cipav (BNC)

12,10 %

22,20 %

Location de meublés de tourisme classés

3 %

6 %

Source : URSSAF.

L’Acre n’exonère pas du paiement de la CSG, de la CRDS, de la contribution à la formation professionnelle, de la Curps ([72]) (pour les professionnels de santé) et de la retraite complémentaire obligatoire (pour les artisans et commerçants).

4.   Comparaison des prélèvements sociaux entre salariés et travailleurs indépendants

●Selon les calculs du HCFiPS, la comparaison des exonérations appliquées aux salariés et aux travailleurs indépendants permet, malgré des limites méthodologiques ([73]), de montrer certaines « iniquités » entre ces deux catégories.


TAUX EFFECTIFS DE L’ENSEMBLE DES PRÉLÈVEMENTS DE SÉCURITÉ SOCIALE RAPPORTÉS AU REVENU SUPER BRUT
(CHAMP DES PRÉLÈVEMENTS COMMUNS À L’ENSEMBLE DES ASSURÉS)

Source : HCFiPS, « Rapport sur la protection sociale des travailleurs indépendants », septembre 2020.

Si, pour les rémunérations inférieures ou égales au SMIC, le taux de prélèvement est très faible pour les salariés, il est au contraire élevé pour les indépendants et peut varier du simple au triple en fonction du statut. D’après l’étude d’impact, les travailleurs indépendants ayant un niveau de rémunération équivalent au SMIC s’acquittent des niveaux de cotisations effectifs suivants :

– 30,11 % pour les artisans ou commerçants ;

– 13,63 % pour les professionnels libéraux (hors cotisation pour la retraite complémentaire ou l’invalidité décès ([74])) ;

– 30,53 % pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole à titre principal ou exclusif.

À l’inverse, au-delà du niveau du SMIC, notamment pour les rémunérations dépassant le PASS, le taux effectif des salariés se stabilise autour de 41 % alors que celui des indépendants diminue.

II.   Le dispositif proposÉ : DE NOUVELLES EXONÉRATIONS DE COTISATIONS SOCIALES POUR LES TRAVAILLEURS INDÉPENDANTS

● Le dispositif proposé prévoit d’accroître les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les travailleurs indépendants, dans un double objectif de faire converger l’effort contributif de ces travailleurs avec celui des salariés, lorsqu’ils ont des rémunérations de niveaux proches, et d’amélioration rapide du pouvoir d’achat des travailleurs indépendants rémunérés au niveau du SMIC, dans un contexte d’inflation.

Ces derniers sont en effet logiquement exclus des dispositifs mis en place pour faire face à cette situation inflationniste (revalorisation du SMIC et du traitement des agents publics, par exemple). La comparaison, rappelée plus haut, avec la situation des salariés rémunérés au niveau du SMIC, appelle à une action ciblée sur les cotisations des travailleurs indépendants disposant du même niveau de revenu.

● D’après l’étude d’impact du présent projet de loi, le dispositif prévu au présent article permet, conformément aux annonces du Président de la République, que les travailleurs indépendants ayant un revenu équivalent au SMIC (15 632 euros nets avec les conditions proposées par le présent article) bénéficient d’une augmentation annuelle de pouvoir d’achat de 550 euros.

A.   Une BASE LÉGISLATIVE RenovÉe POUR ASSURER DE NOUVELLES EXONÉRATIONS DE cotisations d’assurance maladie pour les travailleurs indÉpendants

● Le 2° du I propose de refondre l’article L. 621-1 du code de la sécurité sociale (CSS), afin de viser l’ensemble des catégories de travailleurs indépendants, puisque sont concernés tous ceux qui sont mentionnés à l’article L. 611-1 du CSS, c’est‑à‑dire :

– les travailleurs non salariés non agricoles, leurs conjoints et collaborateurs ;

– les débitants de tabacs ;

– pour des raisons impérieuses de sécurité, les moniteurs de ski titulaires d’un brevet d’État ou d’une autorisation d’exercer ;

– les personnes bénéficiaires de l’agrément prévu à l’article L. 472-1 du code de l’action sociale et des familles, c’est‑à‑dire les mandataires judiciaires ;

– les loueurs de chambres d’hôtes ([75]) dont le revenu imposable de l’activité est supérieur à un montant fixé par décret ;

– les personnes exerçant une activité de location de locaux d’habitation meublés dont les recettes sont supérieures à un certain seuil, lorsque ces locaux sont loués à une clientèle y effectuant un séjour à la journée, à la semaine ou au mois et n’y élisant pas domicile ;

– les personnes exerçant une activité de location de biens meubles ([76]) et dont les recettes annuelles tirées de cette activité sont supérieures à 20 % du PASS.

● Le premier alinéa du nouvel article L. 621-1 du code de la sécurité sociale (CSS) tel que proposé par le 2° du I définit les cotisations, assises sur le revenu d’activité, dues au titre des risques d’assurance maladie et maternité, comprenant les indemnités journalières. Les modalités de prélèvements sont, pour les indépendants « classiques », c’est‑à‑dire hors micro-entrepreneurs et travailleurs non-salariés agricoles, les suivantes :

– les cotisations sont assises sur une assiette nette constituée du montant des revenus d’activité indépendante à retenir pour le calcul de l’impôt sur le revenu ([77]) ;

– il est possible de ne demander à ce qu’aucune cotisation ou contribution, provisionnelle ou définitive, ne soit exigée pendant les douze premiers mois suivant le début de l’activité non salariée ([78]) ;

– un report de cotisation est accordé pour toute la période pendant laquelle ils perçoivent une indemnité journalière ([79]) ;

– les cotisations sont dues annuellement et les taux fixés par décret ([80]).

Pour les micro-entrepreneurs, les prestations sont calculées sur la base de leur chiffre d’affaires ou de leurs recettes après application de trois taux d’abattement ([81]).

 L’innovation introduite à cet article consiste à distinguer nettement les taux de cotisations dues par les travailleurs indépendants « classiques » d’un côté, à savoir les artisans et commerçants, et les professions libérales, de l’autre.

● Entre ces deux catégories, le nouvel article L. 621-1 du CSS tel que proposé par le 2° du I prévoit un « couloir » de taux dans lequel pourraient s’intégrer les éventuelles différences de taux entre les professions libérales d’une part et les artisans et commerçants d’autre part, ces derniers ayant toujours un taux de cotisation supérieur à celui applicable aux professions libérales. Ce « couloir » ne s’appliquerait que pour la fraction de revenus inférieure à un certain seuil défini par décret (cinq fois la valeur du PASS). Le 2° du I précise ainsi que ces taux sont égaux pour ce qui concerne les revenus supérieurs à ce seuil.

En effet, alors que ces deux catégories de travailleurs indépendants ont été intégrées, avec la réforme du régime social des indépendants, dans le même régime pour ce qui concerne l’assurance maladie, le Conseil constitutionnel ne permet qu’une divergence entre taux fondée sur des différences historiques. À ce titre, le 2° du I prévoit que cette différence de taux ne peut être comprise qu’entre 0,3 et 0,7 point sur l’ensemble des revenus.

● À ce titre, en 2019, les artisans, commerçants et professions libérales ([82]), hors PAMC, qui étaient déjà actifs au 1er janvier sont obligatoirement affiliés à la SSTI pour les risques maladie (prestations en nature) et maternité. Depuis le 1er janvier 2020, la gestion de la population des travailleurs indépendants affiliée à l’assurance maladie est entièrement à la charge du régime général.

En ce qui concerne la différence minimale de 0,3 point, elle peut s’expliquer par une différence entre les artisans-commerçants et les professions libérales. Alors que la cotisation pour les indemnités journalières est comprise dans les cotisations maladie pour les artisans-commerçants, ce n’est pas le cas pour les professionnels libéraux, qui s’acquittent d’une cotisation spécifique de 0,3 % pour les revenus inférieurs à trois fois le montant du PASS. Ainsi, dans le cas où le taux de cotisations d’assurance maladie des artisans commerçants venait à être nul ([83]), alors ce taux serait, en prenant en compte les cotisations IJ pour les professions libérales, égal à celui de ces dernières (0,3 %). En effet, le Conseil constitutionnel avait clairement indiqué en 2017 qu’il peut être prévu une exonération totale de cotisations d’assurance maladie pour les travailleurs indépendants dont les revenus sont les plus faibles, dès lors ces cotisations ne financent pas de prestations en espèces. Or, étant donné que la cotisation pour les IJ a vocation à financer une prestation en espèces, le législateur ne saurait autoriser le pouvoir réglementaire à priver d’IJ une catégorie appartenant à un régime ayant un accès contributif à des IJ. La formulation retenue par le Gouvernement, avec cette limite basse de 0,3 point, permet de respecter une telle exigence.

Pour ce qui concerne la limite haute de ce « couloir » (0,7 point), il faut rappeler que le Conseil constitutionnel avait jugé en 2014 ([84]) qu’« un même régime de sécurité sociale continuerait, en application des dispositions contestées, à financer, pour l’ensemble de ses assurés, les mêmes prestations malgré l’absence de versement, par près d’un tiers de ceux-ci, de la totalité des cotisations salariales ouvrant droit aux prestations servies par ce régime ; que, dès lors, le législateur a institué une différence de traitement, qui ne repose pas sur une différence de situation entre les assurés d’un même régime de sécurité sociale, sans rapport avec l’objet des cotisations salariales de sécurité sociale ». S’il n’exclut pas par définition toute forme de dégressivité des cotisations, il a exigé, dans une décision de 2017 ([85]), que celle-ci « n’aboutisse pas à faire qu’une partie non négligeable (en l’espèce, un tiers) des bénéficiaires d’une prestation d’assurance maladie ou d’assurance vieillesse versée par un régime obligatoire de sécurité sociale n’ait plus à acquitter la totalité de la cotisation due ».

Le sixième alinéa de l’article L. 621-1 du CSS tel que proposé par le du I reprend les dispositions existantes selon lesquelles, s’agissant des travailleurs indépendants dont les revenus sont inférieurs à 40 % du PASS, ces derniers cotisent sur cette assiette minimale pour la couverture des prestations en espèces de l’assurance maladie. Les indemnités journalières correspondent en effet à une logique contributive, et une telle assiette minimale garantit des prestations d’un niveau suffisant pour assurer une prise en charge décente des travailleurs indépendants concernés.

● En cohérence avec la nouvelle rédaction de l’article L. 621-1, le 3° du I supprime le premier alinéa de l’article L. 621-2 du même code ([86]).

● Le a dudu I modifie en profondeur l’article L. 621-3 du même code, relatif à l’exonération de cotisations sociales susmentionnée.

En ce sens, le a dudu I, outre des modifications d’ordre rédactionnel, permettrait d’insérer « les taux » plutôt qu’un taux unique en première phrase de l’article L. 621-3 du CSS qui modifie les modalités de plafonnement des exonérations par le pouvoir réglementaire. Le droit existant permet une réduction « dans la limite de 5 points ». Le droit proposé fixe un montant maximal de rémunération jusqu’auquel les exonérations pourraient s’appliquer, à 1,1 fois le montant du PASS. Ces réductions devraient également respecter les mêmes « règles d’encadrement » que celles mentionnées plus haut, c’estàdire l’impossibilité de faire diverger les taux effectifs, soit après l’application de la réduction, dans une proportion supérieure à un « couloir » situé entre 0,3 et 0,7 point. En outre, il est proposé, dans le même alinéa, que, pour les artisans et commerçants qui ont un revenu inférieur à un montant défini par décret, ce taux de cotisations (hors indemnités journalières) soit nul. Cela correspond à la possibilité pour le pouvoir réglementaire de supprimer l’ensemble des cotisations maladie à un niveau inférieur à 40 % du PASS (cf. infra).

● D’après l’étude d’impact fournie par le Gouvernement, dans le cadre législatif tel que proposé par le présent article s’il venait à être adopté, plusieurs exonérations seraient définies par voie réglementaire :

– une baisse de la cotisation d’assurance maladie, en la supprimant jusqu’à 40 % du PASS ([87]) et en rendant son taux progressif entre 40 % et 60 % du PASS. Au-delà de 40 % du PASS, le taux augmenterait de 0 % à 4,5 % pour des revenus correspondant à 60 % ([88]) du PASS, soit l’équivalent du niveau actuel de cotisation. L’exonération totale de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants dont les revenus sont les plus faibles ne s’oppose pas à la doctrine établie par le Conseil constitutionnel depuis 2017 ([89]) évoquée supra ;

– une baisse de la cotisation au titre des indemnités journalières, de 0,85 % à 0,50 % pour les artisans commerçants ([90]).

 

Situation actuelle

Situation proposée

Artisans et commerçants

- 0-40 % PASS : 0,85 % à 4,01 %

- 40-110 % PASS : 4,01 % à 7,2 %

- 110 % à 5 PASS : 7,2 %

- > 5 PASS : 6,50 %

(Minimale : 40 % du PASS)

- 0-40 % PASS : 0,5 %

- 40-60 % PASS : 0,50 % à 4,50 %

- 60 à 110 % PASS : 4,50 % à 7,2 %

- 110 % à 5 PASS : 7,2 %

- > 5 PASS : 6,50 %

(Minimale : 40 % du PASS)

Professionnels libéraux (PL) et non-salariés agricoles (TNSA)

- 0-110 % PASS : 1,5 % à 6,5 %

- > 110% PASS : 6,5 %

IJ :

PL (sur fraction du revenu < 3 PASS) : 0,30 %

(Minimale IJ : 40 % du PASS)

TNSA (forfaitaire) : 180 euros

- 0-40 % PASS : 0

- 40-60 % PASS : 0 à 4,0 %

- 60-110 % PASS : 4,0 % à 6,5 %

- > 110% PASS : 6,5 %

IJ :

PL (sur fraction du revenu < 3 PASS) : 0,30 %

(Minimale IJ : 40 % du PASS)

TNSA (forfaitaire) : 180 euros

Source : étude d’impact.

● En ce qui concerne les personnes non salariées des professions agricoles, le II propose une modification de coordination entre le code rural et de la pêche maritime et le code de la sécurité sociale, pour garantir l’équivalence stricte du régime social entre cette catégorie de travailleurs indépendants et les professions libérales.

● Pour tirer les conséquences de ces propositions d’évolution, le b dudu I, le du I et le du I procèdent à des ajustements rédactionnels.

● Enfin, le III organise l’entrée en vigueur différée entre :

 les travailleurs indépendants « classiques », pour qui le nouveau calcul des cotisations entrera en vigueur au titre des cotisations dues sur l’année 2022, qui feront l’objet d’une régularisation au cours de l’année 2023 ;

 les micro-entrepreneurs, pour qui ce nouveau calcul entrerait en vigueur à partir du 1er octobre 2022, sur la base leurs déclarations de chiffre d’affaires sur une base mensuelle (automatiquement) ou trimestrielle mois (sur demande).

B.   de nouvelles garanties pour les micro-entrepreneurs

● Le I traite de la situation des micro-entrepreneurs en proposant de modifier l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

Le a dudu I propose d’abord d’une modification d’ordre rédactionnel, en définissant un taux « effectif global » plutôt qu’un taux seulement « global » pour lequel les cotisations des micro-entrepreneurs doivent être d’un niveau équivalent à celui des autres travailleurs indépendants, étant donné qu’il est fait mention, à la même phrase du premier alinéa de l’article L. 613-7 du CSS, d’un « taux global ». Ce même a du 1° du I opère également une simplification légistique au premier alinéa de l’article L. 613-7 du CSS, au sujet de la distinction des taux entre les micro-entrepreneurs et les autres travailleurs indépendants.

En outre, en cohérence avec la refonte de l’article L. 631-1 du CSS, le b du du I prévoit, dans des modifications d’ordre rédactionnel, d’en supprimer la mention dans le deuxième alinéa de l’article L. 613-7 du CSS. Il précise également la référence faite à l’article 50-0 du code général des impôts, pour le taux de d’abattement de 71 % (qui concerne les entreprises mentionnées par le 1° de l’article 50-0 du code général des impôts ([91])), et modifie en conséquence la même référence pour les abattements de 50 % ([92]) et de 34 % ([93]).

Par ailleurs, le c dudu I précise les garanties que doit offrir le décret d’application de ce même article L. 613-7 en ce qui concerne l’équivalence des taux de cotisations entre les micro-entrepreneurs et les autres travailleurs indépendants. En effet, les taux de cotisations des micro-entrepreneurs, s’appliquant globalement sur le chiffre d’affaires ou les recettes et fixés par référence aux taux de cotisation applicables aux indépendants « au réel », doivent être réduits, par décret, en cohérence avec les nouveaux taux de cotisation effectifs fixés en application du présent article.

Au total, d’après l’étude d’impact du Gouvernement, ces dispositifs devraient concerner environ un travailleur indépendant sur deux (61 % des artisans et commerçants, 52 % des professionnels libéraux et 82 % des exploitants agricoles), en particulier ceux qui ont un revenu en dessous ou aux alentours du SMIC.

Sur la base des revenus 2019, l’impact budgétaire de cette mesure, hors micro-entrepreneurs, est évalué à environ 320 millions d’euros, dont 200 millions d’euros pour les artisans, commerçants et professionnels libéraux non réglementés, 54 millions d’euros pour les professions libérales et 66 millions d’euros pour les travailleurs non salariés agricoles. Pour les micro-entrepreneurs, le coût de cette mesure serait d’environ 120 millions d’euros.

III.   modifications apportées par la commission

La commission a adopté cinq amendements rédactionnels de la rapporteure, dont l’un de coordination.


—  1  —

Article 3
Promotion de la diffusion de l’intéressement

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 a pour objet de favoriser la diffusion de l’intéressement dans les entreprises, en particulier dans celles qui comptent moins de 50 salariés. À cette fin, il procède à la simplification et à l’assouplissement des règles qui l’encadrent, dans le prolongement des réformes conduites sous la précédente législature.

I.   L’État du droit : l’intéressement, un dispositif d’épargne collective progressivement assoupli pour bénéficier à plus de salariés mais qui demeure encore largement absent des petites entreprises

Aux termes de l’article L. 3312-1 du code du travail, l’intéressement est un dispositif d’épargne collective facultatif qui a pour objet d’associer les salariés, par le versement de primes, aux résultats ou aux performances d’une entreprise, indépendamment de la taille de ses effectifs, de la nature de son activité ou de sa forme juridique. Il doit présenter un caractère aléatoire et résulter d’une formule de calcul exposée à l’article L. 3314-2 du même code.

La formule de calcul de l’intéressement
(article L. 3314-2 du code du travail)

« Pour ouvrir droit aux exonérations prévues aux articles L. 3315-1 à L. 3315-3, l’intéressement collectif des salariés doit présenter un caractère aléatoire et résulter d’une formule de calcul liée :

«  Soit aux résultats ou aux performances de l’entreprise au cours d’une année ou d’une période d’une durée inférieure, exprimée en nombre entier de mois au moins égal à trois ;

«  Soit aux résultats de l’une ou plusieurs de ses filiales au sens de l’article L. 233-16 du code de commerce, dès lors que, à la date de conclusion de l’accord, au moins deux tiers des salariés de ces filiales situées en France sont couverts par un accord d’intéressement.

« La formule de calcul décrite au 1° peut être complétée d’un objectif pluriannuel lié aux résultats ou aux performances de l’entreprise. »

A.   un dispositif mis en place par accord d’entreprise ou décision unilatérale de l’employeur

● La mise en place d’un dispositif d’intéressement suppose la conclusion d’un « accord d’intéressement » pour une durée comprise entre un an et trois ans (alors qu’elle était fixée à trois ans avant l’entrée en vigueur de la loi du 7 décembre 2020, dite loi ASAP ([94])), selon l’une des modalités énoncées au I de l’article L. 3312‑5 du code du travail. Ainsi, cela peut se faire :

– par convention ou accord collectif de travail ;

– par accord entre l’employeur et les représentants d’organisations syndicales représentatives dans l’entreprise ;

– par accord conclu au sein du comité social et économique (CSE) ([95]) ;

– à la suite de la ratification, à la majorité des deux tiers du personnel, d’un projet d’accord proposé par l’employeur ([96]).

L’accord peut prévoir son renouvellement par tacite reconduction pour une durée égale à la durée initiale dès lors qu’aucune demande de renégociation n’est présentée par l’une des parties habilitées ([97]) dans les trois mois précédant la date d’échéance dudit accord.

Le contenu de l’accord d’intéressement
(article L. 3313-2 du code du travail)

« L’accord d’intéressement définit notamment :

«  La période pour laquelle il est conclu ;

«  Les établissements concernés ;

«  Les modalités d’intéressement retenues ;

«  Les modalités de calcul de l’intéressement et les critères de répartition de ses produits dans le respect des dispositions prévues aux articles L. 3314-1 à L. 3314-7 ;

«  Les dates de versement ;

«  Les conditions dans lesquelles le comité social et économique ou une commission spécialisée créée par lui dispose des moyens d’information nécessaires sur les conditions d’application des clauses du contrat ;

«  Les procédures convenues pour régler les différends qui peuvent surgir dans l’application de l’accord ou lors de sa révision. »

Une entreprise peut, sur le fondement de l’article L. 3312-8 du même code, faire application d’un dispositif d’intéressement conclu au niveau de la branche ([98]). Cela ne la dispense néanmoins pas de conclure un accord selon l’une des modalités énumérées plus haut sauf si elle compte moins de 50 salariés, auquel cas elle peut opter pour l’application de ce dispositif au moyen d’un document unilatéral d’adhésion si l’accord de branche le prévoit et « propose, sous forme d’accord type indiquant les différents choix laissés à l’employeur, des stipulations spécifiques pour ces entreprises ».

En outre, depuis la loi du 17 juin 2020 ([99]), l’employeur d’une entreprise de moins de 11 salariés dépourvue de délégué syndical ou de membre élu de la délégation du personnel du CSE dispose de la faculté de mettre en place, par décision unilatérale, un régime d’intéressement pour une durée comprise, là encore, entre un an et trois ans, à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de la décision. L’employeur est alors tenu d’en informer les salariés par tous moyens. Ce régime dérogatoire, prévu au II de l’article L. 3312-5, vaut accord d’intéressement mais ne peut être reconduit, au terme de sa période de validité, que par un accord conclu dans les conditions de droit commun (I de l’article L. 3312‑5).

Selon ses promoteurs, la réforme portée par cette loi devait produire deux types d’effets : favoriser la reprise économique à court terme en soutenant le pouvoir d’achat des salariés, d’une part ; faciliter l’accès des personnels des très petites entreprises à l’épargne salariale et œuvrer de ce fait à une répartition plus équilibrée des fruits des performances économiques de ces dernières, d’autre part.

● L’accord d’intéressement, la décision unilatérale ou le document unilatéral d’adhésion à un accord-type de branche doit être déposé auprès de l’autorité administrative – sur la plateforme TéléAccords du ministère du travail – dans un délai de quinze jours à compter du premier jour de la deuxième moitié de la période de calcul suivant la date de sa prise d’effet ([100]). L’autorité administrative, chargée d’opérer un contrôle de forme (complétude du dossier et validité des modalités de négociation), dispose d’un délai d’un mois pour délivrer un récépissé de dépôt d’un accord valablement conclu ([101]). À défaut de demande de pièces complémentaires ou d’observations formulées dans ce délai, l’accord est réputé valablement conclu ([102]).

Simultanément à la délivrance du récépissé ou, à défaut, à l’expiration du délai d’un mois, l’autorité administrative transmet l’accord, suivant les cas, aux unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF), aux caisses générales de sécurité sociale (CGSS) ou aux caisses de mutualité sociale agricole (CMSA), chargées d’opérer un contrôle de fond (légalité des clauses du texte), qui disposent d’un délai de trois mois pour demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, à l’exception des règles relatives aux modalités de dénonciation et de révision des accords ([103]). En l’absence d’observation de leur part, les exonérations fiscales et sociales associées à la mise en place d’un régime d’intéressement sont réputées acquises pour l’exercice en cours. Les organismes de recouvrement des cotisations sociales disposent d’un délai supplémentaire de deux mois (à compter de l’expiration du délai de trois mois) pour formuler, le cas échéant, des demandes de retrait ou de modification de clauses contraires aux dispositions légales de sorte que l’entreprise puisse mettre l’accord en conformité avec les dispositions en vigueur pour les exercices suivant celui du dépôt. En l’absence de demande, les exonérations sont réputées acquises pour les exercices ultérieurs.

L’entreprise qui applique un accord de branche d’intéressement se trouve dans une situation caractérisée par une plus grande sécurité juridique que celle qui opte pour une solution alternative. En premier lieu, les exonérations fiscales et sociales sont réputées acquises dès le dépôt de l’accord ou du document unilatéral d’adhésion, pour sa durée d’application ([104]). En second lieu, dès lors que l’accord de branche est agréé par l’autorité administrative, aucune contestation ultérieure de sa conformité aux dispositions légales en vigueur au moment de sa conclusion ne peut avoir pour effet de remettre en cause les exonérations pour l’entreprise qui y adhère ([105]).

B.   un dispositif qui bénéficie à tous les salariés de l’entreprise

● L’intéressement doit bénéficier à tous les salariés compris dans le champ de l’accord qui en définit les modalités de mise en œuvre, en application de l’article L. 3342-1 du code du travail, sous réserve éventuellement que ces derniers disposent d’une ancienneté suffisante dans l’entreprise, laquelle ne peut excéder trois mois ([106]).

À l’inverse, il ne bénéficie pas, en principe, aux dirigeants de société. Mais la règle connaît une exception. En effet, l’accord d’intéressement peut prévoir, en ce qui concerne les entreprises qui emploient 1 à 249 salariés, que le dispositif profite également au chef d’entreprise ou, s’il s’agit de personnes morales, au président, directeur général, gérant ou membres du directoire, ou encore au conjoint ou partenaire lié par un pacte civil de solidarité du chef d’entreprise s’il a le statut de conjoint collaborateur ou de conjoint associé mentionné à l’article L. 121-4 du code de commerce ou à l’article L. 321-5 du code rural et de la pêche maritime ([107]).

● La répartition de l’intéressement entre les bénéficiaires se fait suivant les critères énoncés à l’article L. 3314-5 du code du travail : elle peut être uniforme, proportionnelle à la durée de présence dans l’entreprise au cours de l’exercice ou proportionnelle aux salaires, ces critères étant susceptibles d’être cumulativement retenus par l’accord.

En tout état de cause, et conformément à l’article L. 3314-8 du même code, le montant global des primes distribuées ne doit pas dépasser annuellement 20 % du total des salaires bruts versés au personnel de l’entreprise. Quant au montant des primes distribuées à une même personne, il ne peut excéder, au titre d’un exercice, une somme égale aux trois quarts du montant du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale.

C.   un dispositif caractérisé par un régime d’exonérations fiscales et sociales incitatif

● Les sommes versées au titre de l’intéressement n’ont pas, aux termes de l’article L. 3312-4 du code du travail, le caractère d’éléments de salaire pour l’application de la législation du travail. Elles ne peuvent se substituer à aucun des éléments de rémunération en vigueur dans l’entreprise ou qui deviennent obligatoires en vertu de dispositions légales ou de clauses contractuelles.

Elles sont exclues des assiettes des cotisations de sécurité sociale ([108]) et sont exonérées d’un certain nombre d’autres cotisations et prélèvements assis sur les mêmes assiettes ([109]).

Ces sommes ne sont pas non plus soumises au forfait social dans les entreprises non assujetties à la participation – c’est‑à‑dire les entreprises de moins de 50 salariés – ni dans celles qui comptent entre 50 et moins de 250 salariés ([110]). Dans les autres entreprises, elles y sont soumises au taux de 20 % ou à un taux réduit, fixé à 16 %, si elles sont affectées à certains produits d’épargne ([111]).

L’intéressement est soumis à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ([112]) ainsi que, le cas échéant, à la taxe sur les salaires ([113]).

● Par ailleurs, les entreprises qui mettent en œuvre un dispositif d’intéressement peuvent déduire des bases retenues pour l’assiette de l’impôt sur les sociétés ou de l’impôt sur le revenu le montant des sommes versées en espèces aux bénéficiaires ([114]).

Ces sommes sont, en revanche, soumises à l’impôt sur le revenu pour les salariés (et autres bénéficiaires) sauf si elles sont versées sur un plan d’épargne, auquel cas elles en sont exonérées dans la limite d’un montant égal aux trois quarts du plafond annuel moyen retenu pour le calcul des cotisations de sécurité sociale (30 852 euros en 2022) ([115]).

II.   le dispositif proposé : faciliter la diffusion de l’intéressement pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés

Avec l’article 3, le Gouvernement entend permettre « une meilleure association des salariés aux enjeux de l’entreprise et un plus grand partage de la valeur créée dans l’entreprise » ([116]), gages d’attractivité et de fidélisation des personnels, dans le prolongement des orientations retenues dès l’année 2017.

A.   un objectif poursuivi avec détermination sous la précédente législature

Sous la précédente législature, la majorité présidentielle s’est employée à créer les conditions d’une plus grande diffusion de l’intéressement dans les entreprises, en particulier dans les petites et très petites structures, aux fins de permettre à leurs salariés d’en bénéficier davantage.

Évolution du nombre d’accords d’intéressement
conclus entre 2017 et 2020

2017

2018

2019

2020

18 540

20 630

23 690

27 790

Source : direction générale du travail.

La loi du 22 mai 2019, dite loi PACTE ([117]), a sensiblement simplifié le cadre légal, en obligeant les branches à négocier des accords-types d’intéressement avant le 31 décembre 2020, accords-types susceptibles d’être repris à leur compte par les petites et moyennes entreprises, dispensées ce faisant de négociations en leur sein, en sécurisant le bénéfice des exonérations associées aux primes d’intéressement pour toute la durée d’un accord, en facilitant le développement de l’intéressement de projet ou encore, l’énumération n’étant pas exhaustive, en améliorant l’information des salariés sur les sommes épargnées et les modalités d’investissement de ces sommes.

L’intéressement de projet
(article L. 3312-6 du code du travail)

« Dans les entreprises ou les groupes disposant d’un accord d’intéressement et concourant avec d’autres entreprises à une activité caractérisée et coordonnée, un accord peut être conclu pour prévoir que tout ou partie des salariés bénéficie d’un intéressement de projet.

« Cet accord d’intéressement de projet est négocié dans les conditions [de droit commun] s’il n’implique que tout ou partie des salariés d’une même entreprise ou d’un même groupe. Il est négocié selon des modalités identiques à celles prévues au premier alinéa de l’article L. 3333-2 [relatif au plan d’épargne interentreprises] s’il concerne tout ou partie des salariés d’entreprises qui ne constituent pas un groupe.

« Dans les deux cas, la majorité des deux tiers requise pour la ratification s’entend sur les personnels entrant dans le champ d’application du projet.

« Dans les entreprises disposant d’un accord d’intéressement, cet accord peut comporter un intéressement de projet définissant un objectif commun à tout ou partie des salariés de l’entreprise.

« L’accord définit un champ d’application et une période de calcul spécifiques, qui peuvent différer de ceux prévus aux articles L. 3311-1 et L. 3312-5 sans pouvoir excéder trois ans.

« L’application à l’intéressement de projet des dispositions du premier alinéa de l’article L. 3312-4 ne donne pas lieu à application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. »

Dans la continuité de cette loi, la loi du 17 juin 2020 précitée, adoptée dans le contexte de la crise sanitaire liée à l’épidémie de covid-19, a opportunément facilité la mise en place de l’intéressement dans les entreprises de moins de 11 salariés, en la rendant possible par décision unilatérale de l’employeur, dans les conditions évoquées plus haut.

De son côté, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([118]) a significativement réduit les prélèvements sur les sommes versées dans le cadre des dispositifs de partage de la valeur. Elle a supprimé le forfait social de 20 % auquel étaient soumis les sommes distribuées au titre de l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés et, plus généralement, l’ensemble des versements d’épargne salariale pour les entreprises de moins de 50 salariés.

De façon quasiment concomitante, la loi du 24 décembre 2018 ([119]) a instauré une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([120]) a reconduite tout en conditionnant le bénéfice des exonérations fiscales et sociales afférentes à la conclusion d’un accord d’intéressement avant le 30 juin de la même année ([121]).

L’action conduite au cours du quinquennat précédent a produit des résultats encourageants. En 2020, la part des salariés du secteur privé non agricole couverts par un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale augmentait pour la troisième année consécutive et s’établissait à un peu plus de 50 % ([122]). Fait notable, elle progressait fortement, cette année-là, dans les entreprises de moins de 10 salariés ([123]). En revanche, l’accès à l’intéressement demeurait globalement stable – 4,4 millions de bénéficiaires – même s’il connaissait une légère hausse dans les très petites entreprises (1 à 9 salariés) ([124]).

Ce frémissement ne suffit pas à battre en brèche le constat selon lequel ce dernier demeurait et demeure encore l’apanage des moyennes et grandes entreprises (voir le tableau ci-dessous), où le dialogue social occupe une place nettement plus importante que dans les sociétés de plus petite dimension, dans lesquelles il est peu développé ([125]).

Ce constat justifie pleinement que le Parlement légifère sur la question.

Part des salariés ayant accès à un dispositif de participation, d’intéressement ou d’épargne salariale en 2020

(En %)

Taille d’entreprise

Participation

Intéressement

PEE

Perco

Au moins un dispositif

1 à 9 salariés

10 à 49 salariés

2,5

5,6

4,9

12,1

10,3

14,8

6,7

6,1

17,3

19,5

50 à 99 salariés

100 à 249 salariés

250 à 499 salariés

500 à 999 salariés

1 000 salariés ou plus

39,4

61,5

68,2

67,6

70,0

25,2

35,9

48,5

54,1

69,2

37,1

52,1

66,0

65,0

82,8

15,4

23,5

26,8

35,6

56,4

50,0

69,1

77,8

77,8

88,5

Ensemble

39,2

34,4

44,3

25,1

52,8

Champ : ensemble des entreprises privées hors agriculture, particuliers employeurs et activités extraterritoriales ; France, hors Mayotte.

Source : Dares, enquêtes ACEMO-PIPA et ACEMO-TPE 2021.

B.   un objectif réaffirmé à l’aube de la nouvelle législature

Le présent article traduit la volonté du Gouvernement d’accentuer l’effort réalisé au cours des cinq dernières années en faveur de la simplification et de l’assouplissement du cadre juridique de l’intéressement dans la perspective de sa plus grande diffusion, en particulier dans les entreprises de moins de 50 salariés, dans lesquelles elle est freinée par la négociation obligatoire.

● Le I apporte à l’article L. 3312-2 du code du travail la précision bienvenue, suggérée par le Conseil d’État ([126]), selon laquelle l’intéressement collectif des salariés pourra être institué non seulement par voie d’accord – ce qu’énonce d’ores et déjà le texte – mais aussi par décision unilatérale de l’employeur à la condition que, dans un cas comme dans l’autre, l’entreprise satisfasse à ses obligations en matière de représentation du personnel.

● Le II effectue plusieurs modifications à l’article L. 3312-5 du même code, qui définit les modalités de mise en œuvre de l’intéressement.

Le , qui modifie le I de cet article, prévoit que l’accord d’intéressement pourra désormais être conclu pour une durée comprise entre un an et cinq ans, et non plus trois ans, afin que l’entreprise puisse opter « pour la durée la plus adaptée à [sa] situation » ([127]) et que soient mieux pris en compte, par exemple, les objectifs pluriannuels qui seraient les siens (a du ).

Il prévoit aussi le principe du renouvellement de l’accord par tacite reconduction, énoncé au dernier alinéa du même I, si aucune des parties habilitées à le négocier ou à le ratifier n’a demandé de renégociation dans les trois mois précédant chacune de ses échéances, cette rédaction traduisant l’hypothèse d’un renouvellement répété dans le temps (b du ).

Le , qui réécrit intégralement le II du même article, ouvre l’accès au dispositif simplifié de mise en place d’un régime d’intéressement par décision unilatérale, aujourd’hui réservé à l’employeur d’une entreprise de moins de onze salariés, à :

– l’employeur d’une entreprise de moins de 50 salariés non couverte par un accord de branche agréé ([128]), dans le cas où elle serait dépourvue de délégué syndical et de CSE, plutôt que de membre élu de la délégation du personnel du CSE, à la condition toutefois que l’absence d’installation de ce comité ne résulte pas d’une carence dudit employeur, conformément à l’article L. 3312-2 dans sa nouvelle rédaction. Autrement, « la loi, en permettant à un employeur ayant fait entrave à l’installation du CSE prévue par la loi de fonder un pouvoir unilatéral sur cette même absence, instaurerait, à l’égard des salariés de l’entreprise, une différence de traitement dans l’application du principe de participation [consacré au huitième alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ([129])] qui ne pourrait être regardée comme légalement en rapport avec la différence de situation constituée par l’absence de CSE » ([130]) ;

– l’employeur d’une entreprise de moins de 50 salariés non couverte par un accord de branche agréé qui disposerait, quant à elle, d’un délégué syndical ou serait dotée d’un CSE, dans le cas où la négociation tenue dans les conditions de droit commun (plus précisément sur le fondement du 1° ou du 3° du I de l’article L. 3312‑5) n’aurait pas abouti à la conclusion d’un accord. Un « procèsverbal de désaccord » devrait alors être établi et faire mention des propositions des parties dans leur état le plus récent. Du reste, le CSE serait consulté sur le projet de régime d’intéressement au moins quinze jours avant son dépôt auprès de l’autorité administrative.

Par parallélisme avec l’évolution proposée au 1°, le régime d’intéressement pourra être mis en place, dans les deux situations énoncées ci‑dessus, pour une durée comprise entre un an et cinq ans.

Au demeurant, il continuera de valoir accord d’intéressement au sens de l’avant-dernier alinéa de l’article L. 3312-5, non modifié par le texte.

Enfin, gage supplémentaire d’assouplissement du cadre juridique, il pourra être reconduit par décision unilatérale de l’employeur et non plus par accord conclu au terme d’une négociation, cette seconde solution apparaissant peu adaptée à la réalité du terrain.

● Le III modifie l’article L. 3312-6 du code du travail pour prévoir, par cohérence avec la rédaction proposée à l’article L. 3312-5, que l’accord d’intéressement de projet pourra produire ses effets pour une durée maximale de cinq ans, contre trois ans à l’heure actuelle.

● Le IV complète l’article L. 3313-3 du même code aux fins, là encore, d’encourager la conclusion d’accords d’intéressement par la simplification des normes applicables. À cet effet, le renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer les conditions dans lesquelles les exonérations fiscales et sociales seront réputées acquises pour la durée de l’accord dès lors que celui-ci aura été rédigé selon « une procédure dématérialisée permettant de vérifier préalablement sa conformité aux dispositions en vigueur » et qu’il aura été déposé suivant les prescriptions réglementaires ([131]). Ces exonérations ne sont pour le moment réputées acquises, pour l’exercice en cours, qu’en l’absence d’observation des organismes compétents (URSSAF notamment) au terme d’un délai de trois mois et, pour les exercices ultérieurs, qu’au terme d’un délai supplémentaire de deux mois.

Ce nouveau dispositif, qui s’appliquera indifféremment en cas d’accord ou de décision unilatérale, devrait avoir pour effet de faciliter la mise en œuvre de l’intéressement dans les entreprises les moins susceptibles de disposer d’une expertise juridique (interne ou non).

Il n’aura pas d’incidence, à tout le moins dans l’immédiat, sur les finances publiques, « [l]e coût du développement d’un système informatique par l’ACOSS permettant la délivrance d’accords pré-validés sécurisés [pouvant] être considéré comme négligeable à ce stade » ([132]), selon le Gouvernement. En revanche, la « systématisation de la connexion entre les systèmes d’information ou encore [l]’amélioration plus substantielle du site " mon intéressement pas à pas " (développement de nouvelles fonctionnalités, de nouvelles formules de calcul, etc.) pourra représenter un coût à terme plus substantiel » ([133]).

Le du IV effectue au même article L. 3313‑3 une modification rédactionnelle qui tire les conséquences des changements de fond proposés au V.

● Le V procède à une réécriture complète de l’article L. 3345-2 du code du travail dans la perspective d’une simplification de la procédure de contrôle par l’autorité administrative des accords d’intéressement et de participation ainsi que des règlements de plans d’épargne salariale.

Dorénavant, les organismes de recouvrement des cotisations sociales (URSSAF, CGSS et CMSA) pourront, dans un délai fixé par décret qui n’excédera pas trois mois à compter du dépôt de l’accord ou du règlement auprès de l’autorité administrative, « demander le retrait ou la modification des clauses contraires aux dispositions légales, à l’exception des règles relatives aux modalités de dénonciation et de révision des accords », sans qu’il soit nécessaire que ladite autorité ait préalablement examiné la validité de l’accord ou du règlement dans le délai d’un mois, la pertinence de cette étape ne paraissant pas avérée. Sa suppression aura donc pour effet de réduire la durée globale du processus de mise en place d’un régime d’intéressement et d’alléger, en parallèle, la charge de travail de l’administration.

● Le VI précise que les dispositions des IV et V s’appliqueront aux accords et règlements déposés auprès de l’autorité administrative à compter du 1er janvier 2023, le caractère différé de cette entrée en vigueur étant justifié par la nécessaire mise à jour des systèmes informatiques.

Les autres dispositions entreront en vigueur immédiatement.

III.   modifications apportées par la commission

Sur proposition de votre rapporteure, la commission a adopté dix amendements rédactionnels. Deux méritent d’être signalés.

L’AS395 aménage la rédaction de l’article L. 3312-2 du code du travail telle qu’elle est proposée par le projet de loi initial de sorte qu’y soit expressément énoncée la règle selon laquelle l’article L. 3312‑5 du même code servira de fondement à l’institution de l’intéressement par accord ou par décision unilatérale de l’employeur, à la condition, dans un cas comme dans l’autre, que l’entreprise satisfasse à ses obligations en matière de représentation du personnel.

L’AS400 précise utilement que les accords-types d’intéressement qui seront mis à la disposition des entreprises par voie dématérialisée en application du nouveau dispositif prévu à l’article L. 3313‑3 dudit code seront conformes aux dispositions légales en vigueur, sur le modèle de ce que prévoit actuellement le même article.

Article 4
Incitation des branches à négocier régulièrement sur les salaires en facilitant l’engagement d’une procédure de fusion à défaut d’accord

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 précise que le critère de la vitalité conventionelle, permettant au ministre chargé du travail d’engager une procédure de fusion de branches, pourra notamment être caractérisé par l’absence d’une négociation régulière sur le niveau du salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification.

Cette évolution a pour objectif d’inciter toutes les branches à signer des accords sur leur salaire minimum national afin de le maintenir à un niveau au moins égal au salaire minimum de croissance (SMIC), dans un contexte de forte inflation.

À défaut d’accord sur ce thème, et au regard d’un faisceau d’indices caractérisant son atonie conventionnelle, le ministre pourra engager une procédure de fusion de la branche avec une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues.

I.   L’État du droit : Une procédure de restructuration des branches efficace mais qui n’assure pas, dans un contexte de forte inflation, des salaires minimaux dynamiques

A.   L’introduction d’un mécanisme de fusion de branches a contribuÉ À restructurer le paysage conventionnel avec pour objectif d’EN assurer la vitalitÉ

1.   La nécessité de restructurer le paysage conventionnel en branches fortes

● Aux termes de l’article L. 2232‑5‑1 du code du travail, la branche a pour mission, d’une part, de définir les conditions d’emploi et de travail des salariés ainsi que les garanties qui leur sont applicables dans les domaines de leur ressort ([134]) et, d’autre part, de réguler la concurrence entre les entreprises relevant de son champ.

La réduction du nombre de branches, qui étaient au nombre de 700 au milieu des années 2010, vise à leur permettre d’exercer pleinement ces compétences dont le contour a été clarifié, notamment par l’ordonnance du 22 septembre 2017 ([135]).

Selon le ministère du travail, il existe, en effet, une corrélation importante entre l’effectif des entreprises relevant des branches et leur vitalité conventionnelle. En 2015, on constatait ainsi que 95 % des branches n’ayant pas organisé de négociation depuis quinze ans couvraient moins de 5 000 salariés alors que 97 % des branches de plus de 10 000 salariés avaient une activité conventionnelle régulière ([136]).

● La nécessité de constituer des branches fortes aux moyens techniques, humains et financiers adéquats pour assurer leurs missions s’est logiquement traduite par la fixation d’objectifs de réduction de leur nombre et la mise en place d’outils de restructuration à la main du Gouvernement.

La loi du 5 mars 2014 ([137]) a confié à l’État les moyens d’inciter et de procéder à des restructurations au travers de différents dispositifs, au nombre desquels figure la possibilité de fusionner deux branches.

Codifié à l’article L. 2261‑32 du code du travail, cet outil permet au ministre chargé du travail de fusionner le champ d’une convention collective d’une branche avec celui d’une convention collective d’une branche de rattachement aux conditions économiques et sociales analogues, au nom de l’intérêt général qui s’attache à la restructuration du paysage conventionnel et en raison d’une taille et d’une activité réduites de la première branche.

2.   La faculté du ministre du travail d’engager la fusion de branches

● Après une réforme limitée du dispositif par la loi du 17 août 2015 ([138]), le mécanisme de fusion de branches a été redéfini par l’article 25 de la loi du 8 août 2016 ([139]) afin d’accélérer le rythme et l’ampleur de la restructuration du paysage conventionnel, l’objectif énoncé dans la loi étant d’aboutir à environ deux cents branches professionnelles.

Aux termes du I de l’article L. 2261‑32 du code du travail, la fusion peut désormais intervenir, eu égard à l’intérêt général attaché à la restructuration des branches professionnelles, dès lors que la branche se caractérise soit :

1° par un effectif inférieur à 5 000 salariés ([140]) ;

2° par une faible activité conventionnelle résultant de la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ;

3° par un champ d’application géographique uniquement régional ou local ;

4° par un taux d’adhésion à une organisation professionnelle représentative des employeurs des entreprises de moins de 5 % ;

5° par l’absence de mise en place ou de réunion de la commission paritaire permanente de négociation et d’interprétation ;

6° par son incapacité à assurer effectivement la plénitude de ses compétences en matière de formation professionnelle et d’apprentissage ([141]).

● Près de six ans après le vote de la loi du 8 août 2016, l’objectif de restructuration du paysage conventionnel semble être atteint ou en passe de l’être. Alors que le ministère du travail recensait en 2015 près de 700 branches dans le régime général, le nombre de branches s’établit aujourd’hui à moins de 250 grâce à la restructuration de plus de 450 d’entre elles ([142]). Une quarantaine de branches ont été rattachées par un arrêté de fusion.

B.   La faible activité conventionnelle qui persiste dans certaines branches pèse sur la progression salariale des employés les moins qualifiés

1.   Le phénomène du « plancher collant » pénalise la rémunération des salariés les moins qualifiés

S’il appartient aux branches de négocier sur les salaires, conformément à l’article L. 2241‑1 du code du travail, et de fixer un salaire minimum ainsi qu’une grille de rémunération minimale en fonction de la qualification, la loi impose aux entreprises de rémunérer leurs salariés à un niveau au moins égal au SMIC ([143]), quelles que soient les stipulations conventionnelles applicables.

En application de l’article L. 2241‑10 du même code, lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification de la branche est inférieur au SMIC, les organisations liées par une convention de branche se réunissent dans un délai de trois mois pour négocier.

Si le montant du SMIC augmente, une négociation doit, en principe, intervenir dans ce même délai de trois mois pour rehausser le salaire minimal national professionnel, de telle sorte que celui­-ci demeure au moins égal à ce montant.

La négociation doit également permettre de revaloriser les salaires correspondant aux coefficients les plus faibles de l’échelle des rémunérations afin qu’ils se situent au‑dessus du SMIC, reflétant une progression de carrière des salariés concernés.

En l’absence d’une nouvelle négociation de branche, un certain nombre de salariés placés dans les premiers coefficients des grilles de rémunération se trouveront tous rémunérés au même niveau, celui du salaire minimum légal, quelle que soit leur ancienneté dans l’entreprise, puisque leur niveau de rémunération minimal conventionnel se situera en dessous du SMIC.

2.   Le retour de l’inflation aggrave ce constat et rend nécessaires des négociations régulières sur les salaires

● Malgré le contexte de faible inflation des dernières années, qui ont connu une progression modérée et régulière du SMIC ([144]), un certain nombre de branches ne disposaient pas d’une grille salariale dans laquelle le niveau du premier coefficient était conforme au SMIC, traduisant une carence d’accords régulièrement négociés sur ce thème.

Ainsi, au 31 décembre 2020, 134 des 171 branches du régime général dont l’effectif est supérieur à 5 000 salariés, soit 78 % d’entre elles, avaient conclu un accord prévoyant un premier coefficient au moins au niveau du SMIC.

Ce taux était en baisse par rapport à 2019, où il s’établissait à 87 %, mais l’écart se justifiait par la diminution de l’activité conventionnelle en raison de l’épidémie de covid‑19 ([145]).

En juin 2021, 74 % des branches suivies présentaient une grille salariale comportant au moins le premier coefficient supérieur au SMIC ([146]).

● Avec l’augmentation substantielle du taux d’inflation ([147]), et corrélativement du niveau du SMIC, le nombre de branches dans lesquelles le premier coefficient est inférieur au SMIC est désormais majoritaire, conduisant un grand nombre de salariés à subir le phénomène de « plancher collant » ([148]) dans leur progression salariale.

Immédiatement après la revalorisation du SMIC en date du 1er mai 2022, portant à 3,5 % son augmentation sur l’année en cours, 146 des 171 branches de plus de 5 000 salariés comportaient ainsi au moins un coefficient de rémunération inférieur au SMIC. Au 1er juillet 2022, 112 branches demeuraient dans cette situation ([149]).

3.   L’absence de négociation sur les salaires ne constitue pas, en soi, un critère permettant à l’administration d’intervenir pour imposer la conclusion d’un nouvel accord de branche

La forte inflation et la stagnation des salaires minimums fixés par certains accords de branches dégradent les perspectives de carrière des salariés sans qualification en l’absence de négociations de branche régulières.

Le Gouvernement ne peut, cependant, engager une procédure de fusion sur le fondement du 2° de l’article L. 2261‑32 uniquement au regard de la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts.

II.   Le dispositif proposÉ : inciter les branches à négocier des accords réguliers sur les salaires en permettant au Gouvernement d’engager, à défaut, leur restructuration

Le présent article complète le 2° du I de l’article L. 2261‑32 du code du travail afin de préciser que le critère de l’atonie conventionnelle, susceptible de justifier une fusion de branches, pourra s’apprécier notamment au regard d’un faible nombre d’accords assurant un salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification au moins égal au SMIC.

Le ministre chargé du travail pourra ainsi engager la restructuration d’une branche au regard d’un faisceau d’indices caractérisant son manque de vitalité conventionnelle parmi lesquels figurera la faiblesse du nombre d’accords garantissant un salaire minimum au moins équivalent au SMIC.

Cette mesure a pour objectif de donner au Gouvernement la possibilité d’actionner le levier de la restructuration afin d’inciter les branches à négocier plus rapidement et plus régulièrement des accords sur les salaires dans un contexte de forte inflation. À plus long terme, elle permettra de poursuivre le mouvement de restructuration des branches, en particulier de celles caractérisées par leur atonie conventionnelle, notamment dans le domaine du salaire minimum.

Votre rapporteure note par ailleurs que, bien que la loi prévoie d’ores et déjà des obligations visant à stimuler les négociations collectives portant sur les grilles de classification et les rémunérations, il apparaît que l’efficacité de ces moyens demeure limitée. Cette situation conduit à s’interroger sur l’ensemble des leviers qui permettent d’encourager davantage l’ouverture, et la réussite, de négociations portant sur les parcours de carrières, les rémunérations, et l’attractivité des métiers.

Votre rapporteure constate que si les mesures du projet de loi soutiennent en effet le pouvoir d’achat des salariés, celles‑ci ne sauraient répondre à elles seules à l’enjeu de progression des carrières qui requiert avant tout un travail de négociation des partenaires sociaux. Aussi votre rapporteure souhaite adresser un message d’encouragement aux organisations patronales et syndicales à parvenir à des évolutions notables, comme cela a pu être le cas récemment dans certaines branches, notamment celle de l’hôtellerie et de la restauration.

Au-delà des enjeux évidents de pouvoir d’achat, il s’agit également de renforcer l’attractivité des métiers et de parvenir à l’objectif de plein emploi, seul levier véritable de lutte contre la précarité et la pauvreté.

III.   modifications apportées par la commission

Suivant l’avis favorable de votre rapporteure, la commission a adopté deux amendements identiques AS90 et AS214 de MM. Colombani et Viry réduisant de trois mois à quarante‑cinq jours le délai imparti à la partie patronale pour ouvrir des négociations salariales de branche lorsque les minimas conventionnels sont fixés à un niveau inférieur au SMIC.

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*     *

Chapitre II
Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 5
Prise en compte anticipée de l’inflation sur les pensions et les prestations sociales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 prévoit une augmentation de 4 % du montant des prestations, allocations ou aides individuelles – et des éléments qui interviennent dans leur calcul ou qui en conditionnent le bénéfice – dont la revalorisation relève habituellement de l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale. Cette mesure d’urgence, applicable dès le 1er juillet 2022, permet ainsi d’anticiper la prise en compte de l’inflation sur ces prestations pour préserver le pouvoir d’achat des bénéficiaires sans attendre l’année 2023 ou le 1er octobre, pour une partie d’entre elles.

Il modifie également, à titre dérogatoire, la date de référence du montant du salaire minimum de croissance retenu pour le calcul de la retraite minimale des exploitants agricoles liquidant leur pension entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022. En fixant cette date au 1er juillet 2022, il permet de prendre en compte l’évolution de 2,65 % du SMIC intervenue le 1er mai 2022 en application des mécanismes de revalorisation légaux.

Cette mesure d’une ampleur exceptionnelle représente un effort budgétaire massif de 8 milliards d’euros répartis entre 2022 et 2023.

I.   L’État du droit : Le principe gÉnÉral de revalorisation AnnuelLE des prestations sociales n’exclut pas la possibilitÉ pour le lÉgislateur de prÉvoir des mesures exceptionnelles en fonction du contexte macroÉconomique

« Notre premier défi [...] c’est de répondre de façon urgente à la question du pouvoir d’achat » ([150]).

Lors de la campagne présidentielle, le Président de la République s’était engagé à revaloriser les pensions de retraites et les prestations sociales dès l’été 2022 pour répondre à l’urgence du pouvoir d’achat.

Le présent article traduit cet engagement en actes. Applicable dès le 1er juillet, la revalorisation de 4 % des prestations sociales est une mesure concrète qui représente un effort budgétaire massif de 8 milliards d’euros.

Par l’ampleur inédite de son périmètre (pensions de retraites, prestations familiales, minima sociaux, pensions d’invalidité...), elle sera un levier essentiel de protection du niveau de vie de millions de Français, en particulier de nos aînés et des personnes les plus précaires.

A.   En principe, Les prestations sociales font l’objet d’une revalorisation annuelle afin de tenir compte du taux d’inflation constatÉ

● Depuis le 1er janvier 2016, l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale prévoit un principe général de revalorisation annuelle des prestations sociales. Avant cette date, les montants des prestations étaient révisés à des dates différentes et selon des règles variables pour chacun des dispositifs.

Les modalités de revalorisation des droits et prestations ont été unifiées par l’article 67 de la loi n° 2015‑1785 du 29 décembre 2015 de finances pour 2016 s’agissant des prestations financées par l’État et les collectivités territoriales et par l’article 89 de la loi n° 2015‑1702 du 21 décembre 2015 de financement de la sécurité sociale pour 2016 s’agissant des prestations financées par les organismes de sécurité sociale.

● Les dates de mise en œuvre de ces revalorisations ont été harmonisées pour plus de simplicité :

– Les pensions de retraite, et certaines prestations sociales assimilées (comme l’allocation de solidarité aux personnes âgées – ASPA – et l’allocation de veuvage) sont revalorisées le 1er janvier de chaque année en application de l’article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Les évolutions récentes des dates de versement des pensions de retraite

Les pensions de retraite de base du régime général et des régimes alignés et les anciennes formes de minimum vieillesse ont longtemps été revalorisées à la même échéance, le 1er avril de chaque année. Afin de générer des économies pour la branche vieillesse, la loi n° 2014‑40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites a créé un décalage en reportant la date de revalorisation des pensions de retraite au 1er octobre. Ces économies ont été estimées à 3,3 milliards d’euros entre 2014 et 2017 selon le rapport de la commission des affaires sociales sur la loi n° 2017‑1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

Dans un objectif de clarification, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 a harmonisé les dates de revalorisation des pensions de retraite et de l’ASPA au 1er janvier de chaque année. En anticipant ainsi sa date de revalorisation, cette réforme a permis d’accélérer la mise en œuvre de l’augmentation de l’ASPA, bénéficiant ainsi principalement aux retraités modestes.

 La plupart des autres prestations sociales – minima sociaux, prestations familiales, prestations AT-MP des régimes de sécurité sociale, plafonds de ressources pour la complémentaire santé solidaire, etc. – sont revalorisées le 1er avril de chaque année.

 

● Le législateur a également simplifié le mode de calcul de la revalorisation du montant des droits et prestations, lequel se fonde désormais sur un coefficient égal à l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, constatée sur les douze derniers indices mensuels de ces prix publiés par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE).

Ce mode de calcul basé sur l’inflation constatée ex post présente l’avantage de ne pas nécessiter de mécanisme correctif, à la différence d’un mode de calcul fondé sur des taux prévisionnels d’inflation. Le second alinéa de l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale permet en outre d’exclure toute baisse des prestations lorsque l’inflation est négative assurant par un « effet cliquet » que le niveau des prestations concernées ne baisse pas.

Ainsi, en cas d’inflation négative, le coefficient de revalorisation est automatiquement porté à un. Dans cette hypothèse, les allocataires des prestations bénéficient d’une amélioration de pouvoir d’achat, le montant desdites prestations augmentant en termes réels – c’est‑à‑dire corrigé de l’inflation.

● En application de ce mécanisme, les pensions de retraite et les prestations assimilées ont été revalorisées de 1,1 % le 1er janvier 2022, tandis que les autres prestations sociales et les prestations familiales ont été revalorisées de 1,8 % le 1er avril 2022

B.   Le mÉcanisme de droit commun n’exclut pas la possibilitÉ d’y dÉroger par des mesures conjoncturelles

● Aucun principe de valeur constitutionnelle ou conventionnelle ne contraint le législateur à prévoir la revalorisation automatique des prestations sociales. Le mécanisme de droit commun prévu à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale n’exclut donc pas la possibilité pour le législateur d’y déroger, notamment en fonction du contexte macroéconomique, ni de prévoir des revalorisations différenciées.

La situation s’est produite à plusieurs reprises sous le précédent quinquennat. Dans un objectif de maîtrise des dépenses publiques liées à un contexte budgétaire défavorable, les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019 et 2020 ont maîtrisé la revalorisation des montants et plafonds des prestations sociales à hauteur de 0,3 %, soit un niveau inférieur à l’évolution de l’indice des prix à la consommation constatée en 2018 (+ 1,6 %) et en 2019 (+ 1 %).

● Afin de préserver le pouvoir d’achat des ménages les plus modestes, plusieurs prestations ont toutefois été exclues totalement ou partiellement du champ de cette mesure pour être revalorisées au niveau de l’inflation :

– la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 a exclu du champ d’application de la revalorisation maîtrisée, pour l’année 2020, les pensions de retraite et d’invalidité des assurés dont le montant total est inférieur ou égal à 2 000 euros bruts par mois – soit 77 % des pensionnés, représentant 14 millions de personnes selon l’étude d’impact –, les majorations de pensions de retraite afférentes auxdites pensions (minimum contributif, majoration pour conjoint à charge et pension majorée de référence des exploitants agricole) et l’allocation de veuvage ;

– le montant minimal de pension de réversion mentionné au deuxième alinéa de l’article L. 351-3 du code de la sécurité sociale ;

– certaines prestations de solidarité, en particulier les minima sociaux : le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique, l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’allocation temporaire d’attente, l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants, la prestation transitoire de solidarité, l’allocation supplémentaire d’invalidité.

● À l’inverse, conformément aux engagements du Président de la République et de la majorité, plusieurs prestations sociales ont fait l’objet d’une revalorisation exceptionnellement supérieure à l’inflation cumulée sur le précédent quinquennat, traduisant une volonté d’accroître le pouvoir d’achat des ménages concernés :

– L’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) a fait l’objet d’une revalorisation exceptionnelle entamée dès 2018. Son montant mensuel pour un allocataire est ainsi progressivement passé de 803,20 euros au 1er janvier 2017 à 916,78 euros au 1er janvier 2022, soit une augmentation de 14,1 % ;

– Le montant maximal de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) a été revalorisé à hauteur de 13,4 % au cours du précédent quinquennat. Son montant mensuel pour un allocataire s’établissait à 919,86 euros le 1er avril 2022 contre 810,89 euros le 1er avril 2017. Cette revalorisation globale s’ajoute à la mise en place, par la loi de finances pour 2022, d’un mécanisme d’abattement forfaitaire d’un montant de 5 000 euros sur les revenus du conjoint du bénéficiaire de l’AAH, majoré pour chaque enfant à charge, permettant d’accroître le nombre de bénéficiaires et le montant moyen de la prestation de manière significative.

Si l’on tient compte de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (hors tabac) observée entre janvier 2017 et janvier 2022 (+ 6,9 % selon l’INSEE), l’ASPA et l’AAH ont donc fait l’objet d’une revalorisation réelle respective de 7,2 % et 6,5 %.

C.   l’accÉlÉration historique de l’inflation plaide pour des mesures d’urgence exceptionnelles

● Le mécanisme de revalorisation annuelle des pensions et des prestations sociales, entré en vigueur le 1er janvier 2016, a été conçu dans une période de relative stabilité économique et de faible inflation.

En effet, depuis les années 1990, le taux d’inflation se caractérise par son niveau historiquement bas et sa stabilité. Oscillant généralement entre 0 % et 2 %, il n’a jamais dépassé les 3 % depuis 1991 en variation annuelle ([151]).

● Or, après une baisse continue depuis l’été 2018, force est de constater que l’inflation connaît un regain depuis 2021, lequel s’est fortement accéléré au premier semestre 2022.

Selon les prévisions de l’INSEE, les prix à la consommation augmenteraient de 5,8 % entre juin 2021 et juin 2022. Le taux d’inflation est particulièrement spectaculaire s’agissant des prix de l’énergie, lesquels sont en hausse de 33,1 % en un an, ce qui en fait le principal facteur de l’inflation. Les produits alimentaires sont également concernés puisque leurs prix augmentent de 5,8 % sur la même période. Dans sa note de conjoncture publiée le 24 juin dernier, l’INSEE prévoit une inflation moyenne de 5,5 % en 2022.

Évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT)
depuis janvier 2010 (en glissement annuel)

Note de lecture : l’indice des prix à la consommation hors tabac a évolué de 5,3 % entre mai 2021 et mai 2022.

Source : commission des affaires sociales d’après les données de l’INSEE

Cette situation s’explique par plusieurs facteurs qui ne seront rappelés que brièvement ici :

 la réouverture de l’économie après les périodes de restrictions liées à l’épidémie de covid‑19, qui se caractérise par une forte reprise de la consommation dans un contexte où les entreprises rétablissent peu à peu leurs chaînes d’approvisionnement ;

 l’augmentation des prix de l’énergie – en particulier du pétrole, du gaz et de l’électricité – liée à la reprise économique, mais aussi à la faiblesse des stocks ;

 l’invasion de l’Ukraine par la Russie qui, depuis le 24 février 2022, exerce une pression sur les prix, en particulier ceux des denrées alimentaires et de l’énergie.

● Particulièrement vertueux en période de stabilité économique, le mécanisme de revalorisation annuelle des pensions et prestations sociales présente des limites en cas de forte inflation. Le décalage d’un an entre l’évolution des prix et l’accroissement des ressources des retraités et des bénéficiaires de prestations sociales ne leur permet en effet pas de pourvoir à leurs besoins courants lorsque les prix augmentent rapidement.

Cette situation est d’autant plus problématique que les bénéficiaires des prestations sociales, en particulier des prestations non contributives, sont bien souvent des personnes aux revenus modestes, plus fragiles socialement que la moyenne nationale. Selon les données de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DREES) ([152]), plus de 50 % des bénéficiaires de minima sociaux étaient chômeurs ou sans activité en 2018. 30 % des bénéficiaires vivaient dans une famille monoparentale avec deux enfants ou plus.

De plus, les prestations sociales non contributives représentent une part significative des ressources des ménages les plus pauvres. Alors qu’elles ne comptent que pour 5,7 % du revenu disponible de l’ensemble des ménages, elles représentent 12,5 % du revenu disponible des ménages modestes et 40 % de celui des ménages en situation de pauvreté monétaire ([153]).

 En outre, les sous‑jacents actuels de l’inflation affectent particulièrement les ménages modestes qui dépensent une part importante de leurs ressources dans les produits énergétiques et l’alimentation. L’alimentation représente ainsi 18,3 % des dépenses des 20 % des ménages les plus modestes (contre 16 % pour l’ensemble des ménages) ([154]). De plus, la hausse des prix de l’énergie les affecte davantage puisqu’ils allouent 6 % de leurs dépenses à l’électricité et au chauffage (contre 4,9 % pour l’ensemble des ménages). Enfin, il convient de relever que le poids des dépenses contraintes dans la dépense totale des ménages est plus important pour les ménages modestes. Ils disposent donc d’une moindre capacité d’épargne pour leur permettre de faire face, même temporairement, à une accélération des prix.

Votre rapporteure note également que l’inflation est susceptible de se répercuter sur l’évolution des loyers. Or, le logement constitue déjà le premier poste de dépenses des ménages, en particulier des ménages modestes qui sont plus souvent locataires que les ménages aisés. Afin de préserver leur pouvoir d’achat, le Gouvernement fait le choix d’anticiper la revalorisation des aides personnelles au logement (APL) et de mettre en place un dispositif de plafonnement de l’évolution des loyers. Ces mesures font l’objet de l’article 6 du présent projet de loi, dont l’examen a été délégué à la commission des affaires économiques.

● Les mesures portées depuis 2017 par la majorité et le Gouvernement (revalorisation de l’ASPA et de l’AAH, « bouclier tarifaire » et « remise à la pompe » de 18 centimes d’euros, etc.) ont permis de sauvegarder le pouvoir d’achat des personnes les plus modestes et de contenir partiellement la hausse des prix, en particulier des prix de l’énergie. Votre rapporteure note par ailleurs que le taux d’inflation observé en France est le plus faible de la zone euro et l’un des plus faibles des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE).

Taux d’inflation dans les pays de la zone euro en mai 2022
(glissement annuel)

Note de lecture : entre mai 2021 et mai 2022, l’indice des prix à la consommation a augmenté de 5,2 % en France contre 8,1 % en moyenne dans la zone euro.

Source : commission des affaires sociales d’après les données de l’OCDE. Aucune donnée disponible pour Chypre et Malte qui, bien qu’appartenant à la zone euro, ne sont pas membres de l’OCDE.

Cela étant, l’enjeu que représente la reprise historique de l’inflation plaide pour des mesures d’urgence bénéficiant à la grande majorité des Français.

II.   le dispositif proposÉ : Un effort inÉdit permettant d’anticiper la revalorisation des prestations sociales dÈs le 1er juillet

● Le présent article prévoit une revalorisation anticipée des prestations sociales avec application rétroactive au 1er juillet 2022 pour prendre en compte l’évolution du coût de la vie dans un contexte de forte reprise de l’inflation. Il tire également les conséquences de la hausse automatique du SMIC – entrée en vigueur le 1er mai 2022 – sur le montant minimal de pensions de retraite complémentaire des exploitants agricoles liquidant leur retraite entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022.

La revalorisation anticipée des APL fait l’objet d’un article à part – l’article 6 –, qui prévoit également un dispositif de plafonnement de l’évolution des loyers.

A.   une revalorisation gÉnÉrale AnticipÉe de 4 % des prestations sociales pour faire faCe À la reprise de l’inflation

Le I permet de revaloriser par anticipation de 4 % les montants de l’ensemble des prestations, allocations ou aides individuelles dont les modalités de revalorisation relèvent directement ou indirectement de l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale ainsi que les éléments qui interviennent dans leur calcul ou qui en conditionnent le bénéfice.

1.   Le champ d’application de cette mesure est particulièrement large

● L’ampleur des prestations entrant dans le champ de cette mesure est considérable, que ce soit par le nombre de bénéficiaires ou qu’il s’agisse des montants en jeu. Sont ainsi concernés ([155]) :

1° Les pensions de vieillesse servies par le régime général et les régimes alignés ([156]) ;

On notera que les pensions des fonctionnaires civils et militaires sont incluses dans le champ de la mesure. L’article L. 16 du code des pensions civiles et militaires de retraite prévoit en effet que celles-ci sont « revalorisées dans les conditions prévues à l’article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale », lequel renvoie à l’application du coefficient prévu à l’article L. 161-25 du même code.

Il en va de même pour d’autres prestations dont la revalorisation s’effectue dans les mêmes conditions que les pensions de vieillesse du régime général : l’allocation de veuvage ([157]), la majoration forfaitaire pour enfant à charge, le montant minimal de pension de réversion, le montant minimal de la pension de vieillesse de veuve ou de veuf ([158]), les minima contributifs et l’allocation de solidarité aux personnes âgées ([159]).

Les maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat bénéficient d’un régime additionnel de retraite obligatoire, créé par la loi n° 2005‑5 du 5 janvier 2005 ([160]). Conçu avec l’objectif de compenser, à terme et à carrière comparable, l’écart de pension entre les enseignants du privé et du public, ce régime public verse une pension additionnelle aux retraités de l’enseignement privé, calculée comme une fraction des pensions de base et complémentaires.

L’article R. 914-141 du code de l’éducation prévoit que les pensions servies au titre de ce régime sont revalorisées chaque année dans les mêmes conditions que les pensions de retraite du régime de base – soit le 1er janvier, par application du coefficient prévu à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale (article L. 161‑23-1 précité). Il ajoute néanmoins une condition nécessaire à cette revalorisation, à savoir que le ratio d’équilibre de charges du régime doit être supérieur à 1 ([161]). En pratique, cette seconde condition est rarement remplie et les pensions n’ont ainsi pas été revalorisées depuis plusieurs années.

Le second alinéa du I du présent article permet donc d’appliquer la revalorisation anticipée aux pensions servies par le régime de retraite additionnel des maîtres contractuels de l’enseignement privé sous contrat. Il précise par ailleurs que l’État endosse le coût de cette revalorisation anticipée afin de ne pas la faire porter sur les cotisants en activité.

En revanche, une grande partie des régimes complémentaires de retraite, en particulier l’AGIRC-ARRCO, dont le pilotage est assuré par les partenaires sociaux, n’est pas concernée par cette revalorisation anticipée.

2° Les pensions d’invalidité ([162]) et les prestations d’accidents du travail et maladies professionnelles (AT‑MP) ;

On retrouve notamment dans cette catégorie les indemnités et rentes dues aux victimes d’accidents du travail atteintes d’une incapacité permanente ([163]) et à leurs ayants droit, la prestation complémentaire pour recours à une tierce personne ([164]) et le montant minimal de la pension d’invalidité ([165]).

3° Les prestations familiales et prestations assimilées ([166]) : allocations familiales, complément familial et complément familial majoré, allocation de soutien familial, prestation d’accueil du jeune enfant (PAJE) et prestation partagée d’éducation de l’enfant (PREPARE), allocation de rentrée scolaire, allocation d’éducation enfant handicapé (AEEH) ([167]) et allocation forfaitaire versée en cas de décès d’un enfant ;

L’article L. 551-1 du code de la sécurité sociale prévoit en effet que la base mensuelle de calcul des allocations familiales (BMAF) est revalorisée le 1er avril de chaque année par application du coefficient mentionné à l’article L. 161-25 du même code. La rédaction du premier alinéa du I du présent article permet donc bien d’appliquer cette revalorisation anticipée aux prestations familiales.

De façon plus générale, on notera que la rédaction retenue permet d’appliquer une telle revalorisation à l’ensemble des prestations dont le montant est calculé à partir de la base mensuelle de calcul des allocations familiales sans être des prestations familiales stricto sensu. Il en va ainsi notamment des bourses nationales du second degré, prévues à l’article L. 531‑1 du code de l’éducation.

4° Les prestations de solidarité et d’insertion, en particulier les minima sociaux : allocation aux adultes handicapés (AAH), allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), revenu de solidarité active (RSA), le revenu de solidarité outre‑mer (RSO), allocation de solidarité spécifique (ASS), allocation équivalent retraite (AER) et la prime transitoire de solidarité (PTS), allocation temporaire d’attente (ATA), aide à la vie familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine (AVFS) et la prime d’activité ([168]).

● Sans prétendre à l’exhaustivité, on notera également que d’autres droits et prestations sont concernés par la revalorisation prévue au présent article, notamment :

– le plafond de ressources permettant de bénéficier de la protection complémentaire en matière de santé (complémentaire santé solidaire) ([169]) ;

– les allocations versées dans le cadre du « contrat engagement jeune » ([170]) et de la garantie jeune, ainsi que l’allocation ponctuelle versée en application de l’article L. 5131-5 du code du travail ;

– les sommes versées au titre de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle.

● Compte tenu du champ d’application sans précédent de cette mesure, celle‑ci bénéficiera à plus de 18 millions de retraités, 1,6 million de titulaires d’une rente AT‑MP et 0,8 million de bénéficiaires d’une pension d’invalidité selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi. La revalorisation des prestations familiales bénéficiera à plus de 6 millions de familles.

Les 1,9 million de foyers bénéficiaires du RSA et les 1,2 million de bénéficiaires de l’AAH seront concernés par cette revalorisation ainsi que 4,5 millions de foyers bénéficiaires de la prime d’activité.

2.   Une revalorisation anticipée qui s’ajoute à celles déjà intervenues depuis le début de l’année

● En application du régime de droit commun, la forte inflation attendue en 2022 n’aurait dû être répercutée sur les prestations sociales précitées qu’entre le 1er octobre 2022 et le 1er avril 2023, à l’exception de celles des prestations revalorisées sur la base du SMIC. L’article 5 permet donc d’anticiper ces revalorisations pour protéger le pouvoir d’achat des bénéficiaires.

Il est à noter que la revalorisation prévue s’ajoute à celles déjà effectuées depuis le début de l’année.

La revalorisation totale pour l’année 2022 devrait donc s’établir à 5,1 % pour les pensions de retraite et les prestations assimilées et 5,8 % pour les prestations familiales et les autres prestations sociales.

● À titre d’exemple, pour un retraité dont la pension s’établissait à 1 200 euros par mois en 2021, la revalorisation anticipée permettra un gain de 49 euros par mois dès cet été. Ajoutée à l’augmentation intervenue le 1er janvier 2022 (+ 13 euros), cette revalorisation permet de porter sa pension à 1 262 euros pour une augmentation globale de 62 euros par rapport à 2021.

Le tableau ci-dessous présente le gain potentiel induit par la revalorisation anticipée pour les bénéficiaires de minima sociaux.

Impact de la mesure pour les allocataires de minima sociaux

(en euros)

 

Prestations dont bénéficie le foyer actuellement

Après revalorisation de 4 %

Impact de la revalorisation de 4 % au 1er juillet

AAH

920

957

37

RSA

576

599

23

ASPA personne seule

917

953

37

ASPA couple

1 423

1 480

57

AVFS

635

661

26

RSO

542

564

22

Prime d’activité

564

586

22

Note de lecture : le gain mensuel maximal potentiel pour un allocataire de l’AAH induit par la mesure est de 37 euros. Les montants indiqués ne tiennent pas compte des éventuels cumuls de prestations. Le gain peut donc être supérieur.

Source : étude d’impact.

● La hausse prévue au présent article correspond à une avance permettant d’anticiper la revalorisation des prestations pour augmenter immédiatement le pouvoir d’achat des ménages concernés et non d’une mesure ponctuelle exceptionnelle

Le présent article prévoit ainsi d’imputer le coefficient de revalorisation de 4 % sur celui applicable à la première revalorisation à venir du montant et des éléments entrant dans le calcul de chaque prestation concernée. Comme le mécanisme de revalorisation de droit commun, le dispositif proposé comporte néanmoins une garantie de maintien du niveau des prestations permettant de s’assurer que le montant des pensions et prestations sociales ne puisse pas baisser en valeur absolue.

Plusieurs hypothèses se présentent donc pour les revalorisations qui interviendront jusqu’en avril 2023 en application du régime de droit commun :

– le taux d’inflation hors tabac annuel observé pendant les douze mois précédant la revalorisation est supérieur à 4 % (par exemple 5 %, pour un coefficient de droit commun de 1,05) : l’imputation du coefficient de 1,04 sur le coefficient de droit commun conduirait à appliquer un coefficient de 1,01, soit une hausse de 1 % ;

– le taux d’inflation hors tabac annuel observé est inférieur à 4 % (par exemple 3 %, pour un coefficient de droit commun de 1,03) : l’imputation du coefficient de 1,04 sur le coefficient de droit commun conduirait à appliquer un coefficient de 0,99. Ce coefficient étant inférieur à un, il est porté à cette valeur, ce qui conduit à ce qu’aucune revalorisation ne soit appliquée. Dans cette hypothèse, toutefois, la valeur réelle des prestations, à savoir le différentiel avec l’inflation augmenterait d’autant.

Cette hausse ne se cumule donc pas avec la revalorisation de droit commun mais elle est sanctuarisée dans tous les cas.

● Selon l’étude d’impact, cette mesure représente un effort budgétaire considérable de l’ordre de 8 milliards d’euros au total, dont 6,6 milliards d’euros pour l’année 2022 :

– l’application du taux de 4 % aux pensions revalorisées à la date du 1er janvier constitue une dépense de 4,9 milliards d’euros pour 2022 ;

– l’application du même taux aux prestations sociales et aux prestations familiales revalorisées à la date du 1er avril représente un coût de 1,6 milliard d’euros pour 2022 et de 1,4 milliard d’euros pour les trois premiers mois de l’année 2023.

Sur le montant total des dépenses pour l’année 2022, 4,6 milliards d’euros sont portés par la sécurité sociale (essentiellement du fait des revalorisations applicables aux pensions de retraites) et 2 milliards d’euros sont portés par l’État et les collectivités territoriales (essentiellement du fait des revalorisations applicables aux pensions de retraites servies pour la retraite des fonctionnaires et par les régimes équilibrés par l’État).

● Par son ampleur, l’impact budgétaire de cette mesure modifiera de facto les grandes lignes de l’équilibre financier de la sécurité sociale pour 2022 telles qu’adoptées lors du vote de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Aucune disposition organique n’impose que cette mesure soit adoptée exclusivement à l’occasion d’une loi de financement de la sécurité sociale dès lors qu’une telle loi de financement est encore susceptible d’intervenir dans l’année pour en tirer les conséquences nécessaires ([171]). Cette mesure a donc toute sa place dans le présent projet de loi.

Votre rapporteure note néanmoins qu’une telle prise en compte devra nécessairement intervenir au moment de l’examen de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, relative à l’exercice 2022. L’impact sur l’année 2023 devra quant à lui être pris en compte à l’occasion de la quatrième partie dudit PLFSS.

Votre rapporteure relève également que les prestations de solidarité et d’insertion, en particulier les minima sociaux, versées par les départements, augmenteront sensiblement, ce qui impactera nécessairement l’équilibre budgétaire des collectivités concernées, dans des proportions diverses selon le nombre de bénéficiaires concernés. Votre rapporteure relève qu’aucune compensation n’est prévue à ce stade pour compenser cette hausse des dépenses.

B.   LA prise en compte de l’Évolution du SMIC dans le calcul du montant minimal de retraite des exploitants agricoles pour l’annÉe 2022

1.   Le montant minimal de retraite des exploitants agricoles se base sur le montant du SMIC

● Le II de l’article modifie, à titre dérogatoire, la date à laquelle s’apprécie le montant du SMIC servant à calculer le montant minimal des droits servis aux personnes non salariées des professions agricoles au titre de leur retraite complémentaire obligatoire (RCO) pour l’année 2022.

L’article 1er de la loi du 2 mars 2002, dite « loi Peiro », a fixé comme objectif de « garantir, après une carrière complète en qualité de chef d’exploitation ou d’entreprise agricole, un montant total de pension de retraite de base et de retraite complémentaire obligatoire au moins égal à 75 % du salaire minimum de croissance net ».

Faute de financement et de mécanisme adaptés, cet objectif est resté largement théorique jusqu’à l’adoption de la loi n° 2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraites et la création de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime.

● Cet article met en œuvre cette garantie minimale de retraite à travers un mécanisme de complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire servis aux chefs d’exploitation et d’entreprise agricole qui remplissent plusieurs critères d’éligibilité :

– l’assuré doit justifier, à la date d’effet de sa retraite, de la durée d’assurance à taux plein exigé pour sa génération ;

– il doit avoir fait valoir l’intégralité de ses droits auprès des régimes obligatoires de base et complémentaire d’assurance vieillesse ;

– son niveau de retraite doit être inférieur à un montant minimal fixé par la loi.

Ce complément est calculé de façon à assurer un montant minimal annuel de retraite égal à un pourcentage de 1 820 fois le montant du SMIC net agricole ([172]). Initialement fixé à 75 %, ce pourcentage a été porté à 85 % à la suite de l’adoption de la loi n° 2020‑839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer, dite « loi Chassaigne ».

2.   La modification, à titre dérogatoire, de la date de référence du SMIC retenue pour le calcul du montant minimal de retraite des exploitants agricoles

Le IV de l’article L. 732-63 du code rural et de la pêche maritime dispose que le montant du SMIC servant de base à ce calcul correspond est apprécié le 1er janvier de l’année civile au cours de laquelle la pension de retraite prend effet.

À titre dérogatoire, et pour s’assurer que la retraite minimale des exploitants agricoles puisse bénéficier des mesures d’urgence prises depuis le début de l’année par le Gouvernement face à l’inflation, le II du présent article modifie la date à laquelle est prise en compte le montant du SMIC permettant de calculer cette retraite du 1er janvier 2022 au 1er juillet 2022.

Les exploitants agricoles procédant à la liquidation de leur retraite entre le 1er juillet et le 31 décembre 2022 bénéficieront ainsi de la hausse du SMIC intervenue le 1er mai 2022 en application du mécanisme de revalorisation automatique prévu à l’article L. 3231-5 du code du travail.

En effet, cet article prévoit que, lorsque l’indice national des prix à la consommation ([173]) atteint un niveau correspondant à une hausse d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur – la plupart du temps, le 1er janvier –, le SMIC est relevé dans la même proportion à compter du premier jour du mois qui suit la publication de l’indice entraînant ce relèvement. En application de ce mécanisme, le SMIC a fait l’objet d’une revalorisation de 2,65 % le 1er mai 2022 ([174]).

III.   modifications apportées par la commission

La commission a adopté cinq amendements rédactionnels de votre rapporteure.

*

*     *

Article 6
Définition d’un plafond temporaire d’indice de référence des loyers à 3,5 % et révision anticipée des paramètres de dépense des aides personnelles au logement

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article propose le plafonnement de la variation de l’indice de référence des loyers (IRL) à 3,5 % sur une durée d’un an, à partir de juillet 2022 jusqu’à juin 2023, afin de limiter l’impact de la forte inflation sur les hausses de loyer et de rendre prévisible les dépenses que les ménages consacrent à leur logement. Il propose également de réviser par anticipation les APL versées à compter du 1er juillet 2022 – plutôt que le 1er octobre, comme le prévoit le droit en vigueur. Le taux de revalorisation anticipée est fixé au niveau du plafond d’IRL.

I.   L’état du droit

A.   Les aides personnelles au logement (APL)

La politique des aides à la personne, qui s’est substituée en grande partie en 1977 à celle des aides à la pierre, a pour objectif de favoriser l’accès à un logement décent et le maintien dans le logement des ménages à revenus modestes. Pour cette raison, les aides personnelles au logement (APL) sont allouées à raison des ressources des ménages locataires.

Les barèmes de calcul de l’APL ont été élaborés au regard de cet objectif : en prenant en compte une part de la dépense de logement d’autant plus importante que le revenu est faible, ils permettent de limiter le taux d’effort net après aide des bénéficiaires. L’actualisation annuelle des paramètres du barème représentatifs de la dépense de logement permet d’assurer le maintien de l’efficacité sociale de l’aide, en veillant à ce que les taux d’effort des ménages ne se dégradent pas.

Les aides personnelles au logement sont en effet définies à partir de deux familles de paramètres :

– les paramètres représentatifs de la dépense de logement, qui sont revalorisés au 1er octobre de chaque année :

Les trois aides personnelles au logement

Les aides personnelles au logement (APL) regroupent trois dispositifs distincts, créés depuis 1945 et destinés à couvrir partiellement les charges de logement des ménages. Ces aides, non cumulables et versées sous conditions de ressources, sont constituées de deux familles de prestations : les deux allocations de logement (AL), d’une part, et l’aide personnalisée au logement (dont le sigle est également APL), d’autre part.

– l’allocation de logement familiale (ALF) ([175]), prestation familiale créée en 1948 lors de la réforme du régime des loyers. Elle est attribuée aux ménages – personnes isolées ou couples – ayant des personnes à charge ([176]). En 2022, elle représentera près de 3,6 Mds€ versés à 1,1 million de bénéficiaires ([177]) ;

– l’allocation de logement sociale (ALS), créée en 1971 afin de venir en aide à des catégories de personnes autres que les familles et caractérisées par le niveau modeste de leurs ressources (personnes âgées, personnes handicapées, jeunes travailleurs salariés de moins de 25 ans), étendue progressivement à d’autres catégories de bénéficiaires (chômeurs et bénéficiaires de minima sociaux) puis généralisée à partir de 1991 aux catégories qui restaient encore exclues d’une aide personnelle ([178]). Ainsi, depuis 1993, elle est attribuée à toute personne, sous condition de ressources, qui n’entre pas dans les conditions fixées pour bénéficier de l’ALF ou de l’APL. En 2022, elle représentera 5 Mds€ versés à 2,6 millions de bénéficiaires ;

– l’aide personnalisée au logement (APL), créée en 1977, s’applique à un parc de logements déterminé, à raison du conventionnement de ces logements et quelles que soient les caractéristiques familiales de leurs occupants. Depuis lors, l’ALF et l’ALS ne sont versées que pour les logements ne relevant pas de l’APL. Uniquement versée en secteur locatif ([179]), elle concerne les logements conventionnés financés par des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI), des prêts locatifs à usage social (PLUS) ou des prêts locatifs sociaux (PLS), les logements conventionnés à l’occasion de l’attribution de subventions à l’amélioration (prime à l’amélioration des logements à usage locatif et à occupation sociale [PALULOS] ou aide de l’Agence nationale de l’habitat), ainsi que les logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à des organismes d’habitation à loyer modéré, à des sociétés d’économie mixte ou à d’autres bailleurs. En 2022, elle représentera 7 Mds€ versés à près de 3 millions de bénéficiaires.

Initialement éclaté entre plusieurs fonds, le financement de ces trois aides relève depuis 2016 du Fonds national d’aide au logement (FNAL), créé à l’occasion de la création de l’ALS. Le Fonds, dont les charges prévisionnelles s’établissent à 15,8 Md€ en 2022, est financé en grande partie (82,7 %) par l’État, via l’action « Aides personnelles » du programme 109 Aide à l’accès au logement, le solde étant principalement issu d’une contribution des employeurs (16,3 %), directement ou via une contribution du groupe Action Logement.

Les règles applicables à ces aides, initialement éclatées entre différents codes, sont désormais regroupées au sein du code de la construction et de l’habitation.

– les paramètres représentatifs des ressources des locataires, qui sont revalorisés au 1er janvier de chaque année :

Le calcul des APL présente certains éléments de complexité et ses modalités sont prévues par plusieurs textes différents. Ses paramètres principaux sont déterminés au chapitre III de l’arrêté du 27 septembre 2019 relatif au calcul des aides personnelles au logement et de la prime de déménagement.

Votre rapporteure regrette l’abandon, depuis 2014, de la publication annuelle d’une note relative au mode de calcul des APL.

Cette carence est préjudiciable à la bonne compréhension de cette prestation par les administrations gestionnaires elles-mêmes, par les opérateurs publics, par les parlementaires et par les bénéficiaires de ce dispositif.

Tableau de synthÈse des Évolutions rÉcentes des paramÈtres des APL

Paramètres

1er janv. 2019

1er oct. 2019

1er janv. 2020

1er oct. 2020

1er janv. 2021

1er oct. 2021

1er janv. 2022

1er oct. 2022

 Loyers-plafonds

 Mensualités-plafonds

 Redevances équivalentes au loyer et aux charges en foyers APL
 Forfait charges

 Terme constant de la participation personnelle

 

+0,3 %

 

+0,3 %

 

+0,42 %

 

+0,90 %

Forfait R0

+0,3 %

 

+0,3 %

 

+0,0 %

 

+1,0 %

 

Source : direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires).

Le mode de calcul des APL

Cet encadré rappelle succinctement le mode de calcul des aides personnelles au logement de droit commun, sans aborder certains cas spécifiques comme l’« APL foyers ».

 

APL versée [Af] = L + C – Pp – 5 ([180])

L désigne le loyer éligible, correspondant au loyer principal pris en compte dans la limite d’un plafond fixé par arrêté en fonction de la zone géographique et de la composition familiale, à partir duquel il y a dégressivité puis annulation des APL ([181]). Cela signifie concrètement que si le loyer réel de l’allocataire est supérieur au loyer plafond, le montant retenu pour le calcul est celui du plafond pertinent.

C désigne le montant des charges forfaitaires, dit « forfait charges », qui dépend de la composition du foyer. Déterminé par décret, il est le même pour les trois zones et s’élève actuellement à 54,22 euros par bénéficiaire isolé ou couple sans personne à charge. À cette somme, il faut ajouter 12,29 euros par personne supplémentaire à charge.

Depuis 2017, le montant total obtenu est minoré de 5 euros ([182]).

Calcul de la participation personnelle [Pp] = P0 + Tp * (R – R0) ([183])

P0 désigne la participation minimale du ménage, calculée selon des modalités précisées par arrêté et qui ne peut être inférieure à un montant minimal défini par arrêté ([184]), égal à la plus élevée des deux valeurs suivantes : 8,5 % * (L + C) ou 35,39 euros.

R représente les ressources du ménage, arrondies à la centaine d’euros supérieure. Les ressources prises en compte s’entendent du total des revenus nets catégoriels retenus pour l’établissement de l’impôt sur le revenu ([185]). Sont également pris en compte les indemnités journalières et les rémunérations liées aux heures supplémentaires ([186]).

Pour les étudiants et depuis la réforme du versement contemporain des aides, R est remplacé par une constante dite montant forfaitaire de ressources applicable aux étudiants. Le montant forfaitaire auquel sont réputées égales les ressources du bénéficiaire et, le cas échéant, de son conjoint, est fixé à 7 800 euros pour la location. Toutefois, lorsque le demandeur est titulaire d’une bourse de l’enseignement supérieur qui n’est pas assujettie à l’impôt sur le revenu, le montant forfaitaire de ressources est fixé à 6 300 euros pour la location ([187]).

R0 est un abattement forfaitaire appliqué aux ressources du ménage, son montant étant donc déduit de celui des ressources du bénéficiaire. Depuis le 1er janvier 2015, le montant est calculé à partir du montant du forfait R0 de l’année N-1 revalorisé selon le taux progression de l’IPC hors tabacs de l’année N-2, calculé en moyenne annuelle ([188]). Le montant de R0 est défini par arrêté ([189]) (voir tableau de gauche ci-dessous).

Tp = TF + TL

Tp représente le taux de prise en compte des ressources du ménage. Le calcul de Tp, qui représente une partie du paramètre de ressources de la prestation, est la partie la plus complexe de la détermination de la somme à verser. Il est égal à la somme d’un premier taux TF calculé en fonction de la composition familiale et d’un second taux TL, lui-même calculé par application d’un taux au rapport entre le loyer éligible L et un loyer de référence LR.

TF est un taux, défini par arrêté en fonction de la taille de la famille (tableau de droite) :

 

TL, le taux de prise en compte du loyer, exprimé en pourcentage et arrondi à la troisième décimale, s’obtient par application d’un taux progressif à un rapport lui-même appelé RL. Pour la détermination de TL, les taux progressifs et les tranches successives de RL sont fixés comme suit : 0 % pour la tranche de RL inférieure à 45 % ; 0,45 % pour la tranche de RL entre 45 % et 75 % ; 0,68 % pour la tranche de RL supérieure à 75 % (voir tableau suivant) ([190]).

RL = L / LR

RL, exprimé en pourcentage et arrondi à la deuxième décimale, représente le rapport entre le loyer retenu dans la limite du plafond L et un loyer de référence LR (tableau ci-dessous).

B.   L’indice de référence des loyers (IRL)

L’évolution des loyers dans le temps est encadrée par le législateur dans un objectif de modération de ces loyers. En l’absence d’une clause de révision dans le contrat de bail, le loyer reste ainsi le même pendant toute la durée du bail. Le contrat peut toutefois prévoir la révision du loyer, celle-ci intervenant dans ce cas chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat.

Dans ce cas, l’évolution des loyers est plafonnée par la variation d’un indice de référence des loyers (IRL), créé dans sa version actuelle en 2008 ([191]) et défini à l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ([192]). Cet indice, publié chaque trimestre par l’Institut national de la statistique et des études économiques, correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution de l’indice des prix à la consommation (IPC), hors tabac et hors loyers.

L’indexation du loyer est une faculté, le bailleur pouvant faire le choix de ne pas la prévoir dans le contrat de location. Lorsqu’elle est prévue, le bailleur peut ne pas la demander au locataire d’une année sur l’autre ou pendant toute la durée de location. Pour rendre effective chaque révision, le bailleur doit manifester sa volonté d’y procéder dans l’année qui suit la publication de l’IRL. Si elle est prévue au bail et demandée dans les délais, la révision s’applique sans qu’il soit nécessaire de signer un avenant au bail.

Dernier avis paru relatif à l’indice de référence des loyers (T2 2022) ([193])

« L’indice de référence des loyers du deuxième trimestre de 2022, publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques, atteint : 135,84.

« Cet indice est calculé sur une référence 100 au quatrième trimestre 1998.

« Cet indice a été publié par l’Insee le 13 juillet 2022. »

Lors des auditions menées par votre rapporteure, les positions ont divergé sur le degré d’application de l’IRL par les bailleurs. Les acteurs se sont néanmoins accordés sur le constat d’une application plus systématique des révisions de loyer indexées sur l’IRL dans le cas des biens gérés par des administrateurs de biens. Selon l’Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI), l’indexation à l’IRL serait aussi davantage appliquée dans le parc social. Toutefois, selon la Fédération nationale des offices publics de l’habitat (FNOPH), les organismes HLM font souvent le choix de n’appliquer que partiellement les hausses de loyer rendues possibles par l’IRL. Cette possibilité a été récemment explicitée par le législateur à l’occasion de la loi dite « 3DS » du 22 février 2022 ([194]).

INDICES PUBLIÉS PAR L’INSEE DEPUIS 2017

Année, trimestre et date de l’avis de l’Insee

Niveau

Évolution
T/T-4
(en %)

 

T2 (Insee du 13.07.22 / JO du 14.07.22)

135,84

+ 3,60

2022

T1 (Insee du 15.04.22 / JO du 16.04.22)

133,93

+ 2,48

2021

T4 (Insee du 14.01.22 / JO du 15.01.22)

132,62

+ 1,61

T3 (Insee du 15.10.21 / JO du 16.10.21)

131,67

+ 0,83

T2 (Insee du 13.07.21 / JO du 16.07.21)

131,12

+ 0,42

T1 (Insee du 15.04.21 / JO du 17.04.21)

130,69

+ 0,09

2020

T4 (Insee du 15.01.21 / JO du 17.01.21)

130,52

+ 0,20

T3 (Insee du 15.10.20 / JO du 16.10.20)

130,59

+ 0,46

T2 (Insee du 16.07.20 / JO du 17.07.20)

130,57

+ 0,66

T1 (Insee du 15.04.20 / JO du 25.06.20)

130,57

+ 0,92

2019

T4 (Insee du 15.01.20 / JO du 16.01.20)

130,26

+ 0,95

T3 (Insee du 15.10.19 / JO du 16.10.19)

129,99

+ 1,20

T2 (Insee du 11.07.19 / JO du 17.07.19)

129,72

+ 1,53

T1 (Insee du 11.04.19 / JO du 12.04.19)

129,38

+ 1,70

2018

T4 (Insee du 15.01.19 / JO du 16.01.19)

129,03

+ 1,74

T3 (Insee du 11.10.18 / JO du 28.11.18)

128,45

+ 1,57

T2 (Insee du 12.07.18 / JO du 13.07.18)

127,77

+ 1,25

T1 (Insee du 12.04.18 / JO du 13.04.18)

127,22

+ 1,05

2017

T4 (Insee du 12.01.18 / JO du 13.01.18)

126,82

+ 1,05

T3 (Insee du 12.10.17 / JO du 13.10.17)

126,46

+ 0,90

T2 (Insee du 13.07.17 / JO du 16.07.17)

126,19

+ 0,75

T1 (Insee du 13.04.17 / JO du 14.04.17)

125,90

+ 0,51

Certaines règles prévues par le législateur dans la loi du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR) et relatives à l’évolution des loyers contribuent, par l’encadrement de l’application de l’IRL, à la régulation du niveau général des loyers :

– la révision annuelle de loyer ne peut être faite que dans l’année qui suit la date de révision du bail (définie dans le bail ou, à défaut de détermination expresse, correspondant à la date du dernier IRL publié avant la conclusion du bail), sans quoi le bailleur est réputé avoir renoncé au bénéfice de la révision pour l’année écoulée ;

– la révision de loyer s’applique à compter de la date de la demande, et non pas rétroactivement ;

– lorsque le délai d’un an est écoulé, la révision non appliquée est perdue pour le bailleur.

Montant du loyer révisé

Nouveau loyer = Loyer en cours *  Nouvel IRL du trimestre de référence du contrat  
IRL du même trimestre de l’année précédente

Il faut ici souligner que l’IRL, dans sa forme actuelle, est structurellement construit pour protéger les locataires de hausses trop fortes ou abruptes de loyers. En effet, en appliquant le taux de l’IPC hors tabac et loyers sur douze mois glissants à l’indice retenu pour le même trimestre de l’année précédente, il permet un lissage qui en fait un indice systématiquement décalé par rapport à l’inflation effective.

Les loyers sont révisés aux échéances suivantes :

– dans le parc locatif social, au 1er janvier de chaque année en fonction de l’IRL du deuxième trimestre de l’année précédente ;

– dans le parc locatif privé, à une date prévue par le contrat de bail ou, à défaut, à la date anniversaire du contrat, en fonction du dernier IRL paru.

Au-delà des loyers des logements nus ou meublés, l’IRL s’applique en cours de bail pour les locaux d’habitation dans le cadre du fermage et pour l’encadrement du montant des redevances et du prix de vente dans le cadre des contrats de location-accession.

II.   Le dispositif proposé

A.   Le plafonnement sur une année de l’indice de référence des loyers

Du fait de la progression constatée, depuis plusieurs mois, des prix de l’énergie et des matériaux, l’indice des prix à la consommation hors tabac et loyers est passé de 2,9 % en janvier 2022 à 5,2 % en mai. En conséquence, les deux derniers IRL parus font état d’une augmentation plus forte que celles qu’a connues l’indice depuis 2019 : + 1,61 % au quatrième trimestre 2021 et + 2,48 % au premier trimestre 2022 (voir tableau précédent).

Cette tendance haussière devrait se poursuivre au deuxième trimestre 2022. Selon les projections, l’Insee a annoncé, le 13 juillet, un IRL situé aux alentours de 3,60 %. Il pourrait ensuite atteindre + 4,5 % en glissement annuel au quatrième trimestre de 2022 et + 5 % au-delà. Selon l’étude d’impact annexée au présent projet de loi et sur une base de 78 Mds€ de loyers réels acquittés annuellement par les locataires (53,6 Mds€ dans le parc privé et 24,8 Mds€ dans le parc social ([195])), une telle hausse se traduirait par des dépenses supplémentaires de 3,5 Mds€ par an pour les locataires, dont 2,4 Mds€ pour ceux du parc privé et 1,1 Md€ pour ceux du parc social.

C’est pourquoi le II du présent article 6 propose de plafonner à + 3,5 % la variation, en glissement annuel, de l’IRL pour les quatre prochains trimestres à partir de juillet 2022. Concrètement, cela signifie que les IRL pour le T3 et le T4 de 2022 et le T1 et le T2 de 2023, calculés selon les modalités expliquées plus haut, ne pourront augmenter de plus de 3,5 %. Ils pourront toutefois se situer en-deçà de ce plafond.

Par rapport à la hausse attendue de + 4,5 % au quatrième trimestre de 2022, le plafonnement à + 3,5 % doit permettre, toujours selon l’étude d’impact, une moindre hausse de la dépense de loyer acquittée par les locataires, de l’ordre de 536 M€ par an dans le parc privé et de 248 M€ par an dans le parc social. De ce point de vue, le plafonnement de la hausse des loyers peut être compris comme un transfert financier des bailleurs et de l’État vers les locataires, le manque à gagner s’élevant autour de 700 M€.

Les auditions menées par la rapporteure sur ce sujet ont mis au jour des positions assez contrastées chez les différentes parties prenantes. Les associations de locataires ont généralement appelé de leurs vœux des mesures plus fortes de modération de l’évolution des loyers comme le gel des loyers ou, solution moins radicale, le gel de l’indice de référence à son taux d’avril 2022 (+ 2,48 %).

S’agissant de la proposition de geler les loyers à leur niveau actuel, votre rapporteure estime qu’une telle mesure enverrait un signal particulièrement négatif aux bailleurs. Cette idée d’un gel, plus qu’une proposition réaliste en période d’inflation, ne peut qu’être un symbole politique brandi par certains pour simplifier le débat, au risque de caricaturer les positions. En fait et comme l’ont montré les auditions réalisées, les positions des locataires et des bailleurs sont presque diamétralement opposées – comme cela est souvent le cas dans les questions de rapports locatifs – et exigent un travail de conciliation.

Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de protection du droit de propriété et de liberté contractuelle, des mesures trop unilatérales en matière de loyers pourraient encourir la censure du juge constitutionnel : si la liberté contractuelle est bien compatible avec un plafonnement proportionné de la hausse des loyers, le Conseil eu l’occasion de montrer dans sa jurisprudence sur l’encadrement des loyers que les interdictions générales et absolues en matière de réglementation des loyers ne sont pas conformes à la Constitution.

Il importe de rappeler, à cet égard, que dans le cadre de la loi dite « Climat et résilience » du 22 août 2021, le législateur a déjà décidé du gel, à compter du 25 août 2022, des loyers des logements fortement consommateurs d’énergie ([196]). Cette interdiction d’augmentation du loyer, qui est dérogatoire à l’application de l’IRL mais reste proportionnée dans son champ d’application, trouvera à s’appliquer aux contrats en cours, en cas de renouvellement du bail ainsi qu’en cas de nouveau contrat de location. Elle s’applique à tous les logements dont le diagnostic de performance énergétique les classe F ou G, ce qui représente un quart du parc locatif.

Les bailleurs sociaux et privés ont, pour leur part, plaidé en faveur de l’augmentation de l’indice de référence afin de mieux refléter la hausse des coûts subie par les propriétaires bailleurs. La période se caractérise, selon eux, par une forte pression à la réalisation de travaux de réhabilitation énergétique des logements anciens afin de les mettre en conformité avec les obligations issues de la loi Climat et résilience.

Cette nécessité est encore accentuée par l’augmentation très prononcée des prix de l’énergie, qui laisse craindre une hausse des factures de chauffage à l’hiver prochain. Toutefois, les prix des matériaux de construction ont également connu une hausse très forte, compliquant l’équilibre des opérations de rénovation. Pour les propriétaires des parcs social et privé, il ne semble donc pas judicieux de porter atteinte aux ressources financières des bailleurs dans une période marquée par une hausse du besoin d’investissement.

Le taux d’augmentation retenu, qu’il est proposé de fixer à + 3,5 % jusqu’au deuxième trimestre 2023, correspond à un taux nettement inférieur à l’inflation prévue sur l’année qui vient, qui pourrait atteindre + 7 %. L’Union nationale des propriétaires immobiliers, qui considère que ce taux est relativement bas, a insisté sur la nécessité de ne pas pérenniser cette fixation au-delà de cette date. Votre rapporteure considère qu’une telle mesure n’aurait pas de sens à ce stade, les prévisions macroéconomiques étant peu stables à une échéance d’une année. L’inflation pourrait baisser en deuxième moitié de l’année 2023, situation dans laquelle un IRL à + 3,5 % se révélerait trop élevé par rapport à l’IPC.

L’indice d’augmentation qui a été retenu, après deux années de hausses très faibles (+ 0,66 % et + 0,42 %), est également justifié par l’impératif de protection de l’équilibre financier des bailleurs sociaux. Les recettes locatives de ces organismes représentent en effet leurs ressources futures nécessaires aux investissements, tant en construction qu’en rénovation. C’est pourquoi les organismes HLM ont donné un avis favorable à cette mesure.

B.   L’anticipation de la révision des APL

De façon à mieux accompagner la hausse des loyers et en parallèle des autres revalorisations de prestations sociales proposées dans le présent projet de loi (revenu de solidarité active, allocation aux adultes handicapés, allocation de solidarité aux personnes âgées), l’article 6 prévoit la révision anticipée des barèmes de ressources des APL.

Cette mesure porte concrètement sur une augmentation immédiate de + 3,5 % des barèmes du loyer éligible L et du forfait charges C. Ces paramètres de dépenses étant habituellement révisés au 1er octobre, le projet de loi prévoit une révision rétroactive au 1er juillet, ce qui représente un gain de trois mois d’augmentation des sommes perçues pour les allocataires. Cette mesure a un coût estimé par les administrations à 114 M€ pour le troisième trimestre 2022.

En même temps, comme le précise l’étude d’impact et comme le Gouvernement l’a assuré à votre rapporteure, un décret et un arrêté seront publiés, dans la mesure du possible avant le 31 juillet, qui revaloriseront, au 1er juillet 2022, les paramètres de ressources : le barème R0 sera ainsi augmenté de 4 % et le forfait représentatif des ressources étudiantes de 3,5 %. Cette mesure, qui revient à anticiper de six mois la révision de ces paramètres de ressources
– ceux-ci n’étant habituellement révisés qu’au 1er janvier de l’année – aura un coût budgétaire de 55 M€ pour les deux trimestres restants en 2022. Il est précisé que, si la situation le justifie, les taux seront à nouveau augmentés au 1er janvier 2023.

L’étude d’impact illustre par ses projections l’impact financier des deux mesures cumulées pour les ménages concernés. Il est à noter que, pour l’ensemble des allocataires, la revalorisation des APL interviendra en amont de l’application de l’IRL. Cela est d’autant plus vrai des locataires du parc social, pour lesquels le loyer ne pourra être révisé à l’IRL qu’à compter du 1er janvier 2023.

Projections des IMPACTS FINANCIERS sur les MÉNAGES ALLOCATAIRES

Source : étude d’impact annexée au projet de loi, page 107.

III.   Les modifications apportées par la commission

Après avoir adopté six amendements rédactionnels de sa rapporteure, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

TITRE II
protection du consommateur

Chapitre Ier
Résiliation des contrats

Article 7
Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 7 vise à faciliter l’exercice, par les consommateurs, du droit de résilier un contrat souscrit par voie électronique : d’une part, le texte consacre le principe d’un parallélisme des formes entre les modalités de souscription et de résiliation d’un contrat conclu par voie électronique ; d’autre part, il fait obligation aux professionnels de mettre à disposition des consommateurs une fonctionnalité leur permettant d’accomplir à distance les formalités nécessaires pour mettre un terme à l’exécution du contrat.

Cet article subordonne l’entrée en vigueur de ces dispositions à la prise d’un décret qui doit intervenir, au plus tard, au 1er février 2023. Entrent dans le champ d’application du texte les contrats en cours d’exécution à cette date.

I.   L’État du droit : un droit de résiliation des contrats conclus par voie Électronique parfois entravÉ faute D’un cadre normatif approprié

L’article 7 du projet de loi participe du constat qu’au-delà des stipulations conventionnelles auxquelles les consommateurs peuvent adhérer, l’exercice de la faculté de résilier des contrats souscrits par voie électronique ne va pas de soi. Or le maintien de liens contractuels non librement consentis et ne répondant plus à leurs besoins constitue une atteinte aux droits de ces consommateurs.

Comme l’observait justement Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, « dans une période marquée par l’inflation, chaque euro compte et chacun va faire ses comptes ! » ([197]). De fait, le poids des dépenses contraintes augmente et il importe de garantir à chacun la possibilité de réaliser des arbitrages de consommation au regard de ses ressources et de leur utilité.

La réalisation de cet objectif justifie donc une intervention du législateur, fondée sur deux constats : d’une part, celui de l’existence d’obstacles pratiques à l’exercice du droit de résiliation des contrats souscrits par voie électronique ; d’autre part, celui d’un droit de la consommation offrant peu d’outils afin d’assurer la simplification des démarches des consommateurs.

1.   Des pratiques diverses susceptibles de compliquer la résiliation des contrats souscrits par voie électronique

Si les chiffres consolidés manquent afin de quantifier l’ampleur du phénomène, les éléments recueillis confirment les multiples difficultés pratiques auxquelles peuvent être confrontés les consommateurs désireux de résilier un contrat souscrit par voie électronique. Les auditions réalisées par la rapporteure mettent en exergue plusieurs grands obstacles :

– premièrement, l’identification des interlocuteurs auprès desquels entamer la procédure de résiliation et le canal par lequel la transmettre : suivant un constat partagé entre le représentant de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et plusieurs associations de consommateurs, même si les sites de certains professionnels possèdent bien une fonctionnalité permettant d’engager la procédure de résiliation, rien n’en garantit la visibilité ; il peut également arriver que les consommateurs se trouvent dans l’impossibilité de joindre un interlocuteur par téléphone ;

– deuxièmement, la dissymétrie entre les modalités de souscription et les modalités de résiliation : les éléments recueillis donnent à penser que de nombreux professionnels exigent l’envoi d’un courrier recommandé en lieu et place du recours au procédé dématérialisé ou à distance utilisé pour la souscription du contrat ;

– troisièmement, la formalisation de la demande de résiliation : certains professionnels admettent l’envoi d’un courriel librement rédigé tandis que d’autres exigent de renseigner un formulaire ; la nature des informations demandées se révèle également assez variée ;

– quatrièmement, le traitement de la notification de résiliation : au-delà de délais de réponse inégaux, il ne semble pas rare que l’examen des demandes de résiliation se solde par des demandes de pièces complémentaires et que des professionnels ne donnent pas suite à des notifications, compte tenu d’une appréciation subjective de la volonté exprimée par les consommateurs.

En outre, les représentants d’associations de consommateurs alertent sur les risques inhérents à l’absence d’une information claire et circonstanciée sur les effets produits par une résiliation. D’après leur analyse, certains processus dématérialisés ne mettent pas les consommateurs en position de connaître la date à laquelle les contrats prennent fin, ni de déterminer les prestations et garanties conservées ou perdues.

2.   Un recours aux procédés dématérialisés peu encouragé par le droit en vigueur

Au plan juridique, la faculté des consommateurs de résilier par voie électronique un contrat souscrit selon un procédé analogue demeure tributaire des clauses convenues avec les professionnels. Ainsi que le souligne l’étude d’impact annexée au projet de loi ([198]), il n’existe pas aujourd’hui de disposition de portée générale susceptible de régir, en droit européen comme en droit national, les modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique.

D’une part, la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs ([199]) préserve la compétence des États membres de l’Union européenne en ce qui concerne les modalités de notification au professionnel par le consommateur de sa volonté de mettre fin à un contrat de vente ([200]).

D’autre part, les règles nationales du droit de la consommation relatives aux contrats à distance ([201]) portent presque exclusivement sur les modalités de formation des contrats souscrits par voie électronique : le code énonce ainsi des prescriptions relatives aux obligations contractuelles et aux modalités de paiement (à l’exemple de l’article L. 221-14 modifié par le présent texte) et il encadre l’exercice du droit de rétractation. En revanche, le code ne traite pas des conditions de rupture des conventions relevant de ce régime.

Dès lors, les professionnels disposent d’une certaine latitude afin de déterminer les modalités de résiliation des contrats souscrits par voie électronique, sous réserve des dispositions destinées à prévenir les pratiques commerciales déloyales, telles que les pratiques agressives.

Suivant l’analyse de l’étude d’impact, seul ce concept offre aujourd’hui des outils susceptibles de contribuer à la protection du consommateur contre des agissements qui contribuent à annihiler le droit de résiliation. L’article L. 121-6 du code de la consommation tend ainsi à proscrire « tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ».

II.   Le dispositif proposé : UN OUTIL DE SIMPLIFICATION DE LA VIE DES CONSOMMATEURS DANS LE CONTEXTE D’UNE DIGITALISATION DES PRATIQUES DE CONSOMMATION

L’article 7 du projet de loi vise à faciliter les démarches nécessaires à la résiliation, par les consommateurs, des contrats souscrits par voie électronique. À cet effet, le paragraphe I complète les dispositions de l’article L. 221-14 du code de la consommation qui, dans sa rédaction actuelle, porte exclusivement sur les obligations d’information contractuelles des professionnels à l’égard des consommateurs.

La modification proposée consiste à insérer un paragraphe II constitué de deux alinéas, qui poursuivent deux objectifs ([202]) : en premier lieu, reconnaître aux consommateurs le droit d’obtenir la résiliation d’un contrat électronique suivant le même procédé ; en second lieu, imposer le développement de dispositifs permettant l’accomplissement par le consommateur des démarches nécessaires en ligne.

A.   une consÉcration du parallÉlisme des formes dans les modalités de souscription et de résiliation des contrats électroniques

La première phrase du II de l’article 7 prévoit qu’en cas de contrat souscrit par voie électronique, les professionnels doivent donner aux consommateurs la possibilité de résilier leurs engagements à distance, par le même procédé. Par le terme « consommateur », il faut entendre les personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre d’une activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale.

● Compte tenu du choix d’inscrire ce principe à l’article L. 221-14 du code de la consommation, disposition qui relève d’une section édictant des règles spécifiques, le parallélisme des formes ne vaut pas pour l’ensemble des contrats de consommation.

Au sens du présent texte, la notion de « contrats conclus par voie électronique » renvoie en effet, pour l’essentiel, aux contrats à distance. Aux termes de l’article L. 221-1 du code de la consommation, entre dans cette catégorie, « tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence physique simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat ».

Toutefois, dans une acception assez large, la notion de contrats souscrits par voie électronique pourrait s’appliquer à des conventions dont la conclusion n’interviendrait pas dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de service à distance.

Ainsi que l’ont relevé plusieurs personnes auditionnées, cette notion couvre potentiellement les situations où un consommateur rend visite à un établissement commercial uniquement afin de recueillir des informations sur les biens ou les services, puis négocie et conclut le contrat à distance. Ce dernière interprétation ne parait pas infondée au regard des définitions sur lesquelles repose la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 ([203]). En l’absence de précision, on pourrait également considérer que relèvent du champ d’application de l’article 7 les contrats négociés dans l’établissement commercial du professionnel et finalement conclus en recourant à une technique de communication à distance.

● Du point de vue de l’objet des contrats, il ressort des intentions exprimées par le Gouvernement que l’article 7 du projet de loi a vocation à régir des contrats portant sur la fourniture de biens et de services touchant à la vie quotidienne.

Au cours de l’audition conjointe organisée par la commission des affaires économiques et la commission des affaires sociales ([204]), Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, a ainsi évoqué les abonnements ayant pour objet les services internet, le téléphone, l’usage de sites de vidéo à la demande ou la fourniture de gaz et d’électricité.

L’étude d’impact annexée au projet de loi ([205]) précise qu’en conséquence de l’article L. 221-2 du code de la consommation ([206]), ne font pas partie du champ d’application de l’article 7 :

– les contrats portant sur les services sociaux, y compris le logement social, l’aide à l’enfance et aux familles, à l’exception des services à la personne mentionnés à l’article L. 723-1 du code du travail ;

– les contrats portant sur les services de santé fournis par des professionnels de la santé aux patients pour évaluer, maintenir ou rétablir leur état de santé, y compris la prescription, la délivrance et la fourniture de médicaments et de dispositifs médicaux ;

– les contrats portant sur les jeux d’argent et hasard mentionnés à l’article L. 320-6 du code de la sécurité intérieure et les transactions portant sur des paris ;

– les contrats portant sur les services financiers ;

 les contrats portant sur un forfait touristique, au sens de l’article L. 211-2 du code du tourisme ;

– les contrats portant sur les contrats d’utilisation de biens à temps partagé, les contrats de produits de vacances à long terme et les contrats de revente et d’échange mentionnés aux articles L. 224-69 et L. 224-70 du même code ;

– les contrats rédigés par un officier public ;

– les contrats portant sur la fourniture de denrées alimentaires, de boissons ou d’autres biens ménagers de consommation courante, qui sont livrés physiquement par un professionnel lors de tournées fréquentes et régulières au domicile ou au lieu de résidence ou de travail du consommateur ;

– les contrats portant sur les services de transport de passagers, à l’exception des dispositions prévues à l’article L. 221-14 ;

– les contrats conclus au moyen de distributeurs automatiques ou de sites commerciaux automatisés ;

– les contrats conclus avec des opérateurs de télécommunications pour l’utilisation des cabines téléphoniques publiques ou conclus aux fins d’une connexion unique par téléphone, internet ou télécopie, notamment les services et produits à valeur ajoutée accessibles par voie téléphonique ou par message textuel ;

– les contrats portant sur la création, l’acquisition ou le transfert de biens immobiliers ou de droits sur des biens immobiliers, la construction d’immeubles neufs, la transformation importante d’immeubles existants ou la location d’un logement à des fins résidentielles ;

– les contrats portant sur des biens vendus sur saisie ou de quelque autre manière par autorité de justice.

B.   LA MISE EN PLACE D’UNE FONCTIONNALITÉ DESTINÉE À FAVORISER l’allÉgement et l’efficacité des démarches de résiliation

Afin de donner consistance au principe de parallélisme des formes, la seconde phrase du paragraphe II (alinéa 5 de l’article 7) fait obligation aux professionnels de mettre à disposition des consommateurs une « fonctionnalité dédiée » dont il doit assurer « l’accès facile, direct et permanent ».

La prescription s’impose aux entreprises établies en France et à l’étranger en vertu des dispositions du code de la consommation qui définissent la loi applicable aux contrats et consacrent la primauté d’un certain nombre de normes essentielles du droit national. Il en va ainsi dans le cas des contrats transfrontaliers. L’article L. 232-3 du code dispose ainsi que « nonobstant toute stipulation contraire, le consommateur ne peut être privé de la protection que lui assurent les dispositions prises par un État membre de l’Union européenne en application de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, lorsque le contrat conclu à distance ou hors établissement présente un lien étroit avec le territoire de cet État. » Il en résulte que la mise en œuvre du dispositif établi par le présent projet de loi s’impose à toute entreprise, indépendamment du lieu de son siège social.

1.   Vers le développement d’un dispositif de résiliation dématérialisée inspiré de la législation allemande

● L’article 7 du projet de loi impose aux professionnels la mise en place d’un dispositif dématérialisé destiné à simplifier l’accomplissement des démarches de résiliation d’un contrat souscrit par voie électronique. Dans le domaine des services numériques, une « fonctionnalité » se définit en effet comme une fonction implantée dans un système informatique permettant à l’utilisateur d’effectuer un traitement. Cette prescription peut être jugée cohérente avec la consécration d’un parallélisme des formes entre les procédés utilisés pour la conclusion d’un contrat électronique et les formalités à réaliser afin d’obtenir la rupture des engagements convenus.

La troisième phrase du cinquième alinéa établit l’objet de la « fonctionnalité dédiée » dont l’article prévoit le développement en explicitant les trois besoins auxquels doit répondre le dispositif. Ces derniers constituent les trois étapes du processus de résiliation que le texte tend à formaliser en pratique, à savoir :

– premièrement, la notification par le consommateur de la volonté de résilier le contrat électronique qui le lie à un professionnel ;

– deuxièmement, la confirmation par le professionnel de la réception de la notification de résiliation ;

– troisièmement, l’information de la date à laquelle la résiliation prend effet : l’alinéa 5 de l’article 7 indique que l’information doit être communiquée « sur un support durable et sans retard injustifié » ; cette précision rend possible l’usage de SMS ou courriels ou de tout système de communication, l’obligation prévue par la loi étant satisfaite dès lors que le dispositif retenu assure la préservation des éléments communiqués.

L’alinéa 6 de l’article 7 laisse au pouvoir réglementaire le soin de concevoir et d’édicter les caractéristiques et finalités du dispositif en renvoyant à un décret la fixation des « modalités de présentation et d’utilisation de la fonctionnalité ». Du point de vue de la rapporteure, une telle disposition ménage la possibilité de tirer pleinement parti des concertations que le Gouvernement s’apprête à engager avec les professionnels afin de mener un travail nécessairement technique.

● La mise à disposition d’une « fonctionnalité dédiée » fondée sur le présent article pourrait consister en la généralisation d’un « bouton de résiliation » accessible sur les sites internet des professionnels. Ainsi que l’indique l’étude d’impact ([207]), le projet de loi s’inspire ici très directement du dispositif récemment développé en Allemagne, sur le fondement d’une loi du 10 août 2021 « pour des contrats de consommation équitables » ([208]).

D’après les éléments recueillis par la rapporteure, la loi allemande fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une déclaration de résiliation accessible par le biais d’un « bouton » sur le site internet du professionnel. Afin de limiter le nombre de pages à consulter, le professionnel ne peut exiger la connexion à un espace personnel ou des étapes additionnelles pour la confirmation de la résiliation. La loi allemande tend au développement d’un dispositif normalisé par ses caractéristiques et le processus qu’il met en œuvre.

Si les boutons et la page de confirmation ne sont pas mis à disposition du consommateur, celui-ci peut résilier son contrat à tout moment et sans préavis.

Le dispositif allemand de « bouton résiliation »

 

En application de la loi allemande du 10 août 2021, le bouton de résiliation doit comporter, de manière lisible, la mention « résiliation » ou « résilier un contrat ici » ou toute autre formulation équivalente et non ambiguë. Il doit être disponible en permanence, tout en étant facilement accessible.

La loi formalise un processus de résiliation comportant trois étapes :

1° le consommateur clique sur le bouton de résiliation, qui le dirige directement sur une page de confirmation ;

2° le professionnel doit inviter le consommateur et lui permettre de fournir des informations concernant le type et le motif de résiliation en cas de résiliation extraordinaire, son identité, le contrat et la date à laquelle il souhaite y mettre fin, ainsi qu’une adresse pour la transmission électronique de la confirmation de résiliation. Si le consommateur ne précise pas la date à laquelle il met fin à la relation contractuelle, la résiliation prend effet à la date la plus proche possible.

3° Enfin, la page doit contenir un bouton de confirmation qui permet au consommateur d’envoyer sa déclaration de résiliation. Ce bouton doit comporter, de manière lisible, la mention « résilier maintenant » ou toute autre formule équivalente et non ambiguë. Comme le bouton de résiliation, la page de confirmation doit être disponible en permanence, et être directement et facilement accessible.

Le consommateur doit être en mesure de sauvegarder sur un support durable sa déclaration de résiliation ainsi que la date et l’heure de cette déclaration.

Le professionnel doit ensuite confirmer immédiatement au consommateur, par voie électronique, le contenu, la date et l’heure de la réception de cette déclaration mais aussi la date à laquelle la relation contractuelle prend fin par résiliation. Le code civil allemand prévoit une présomption de bonne réception, selon laquelle il est présumé qu’une déclaration de résiliation faite en cliquant sur le bouton de confirmation est parvenue au professionnel immédiatement après son dépôt.

Source : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

● Tout professionnel coupable d’un manquement à l’obligation fixée par le I de l’article 7 du projet de loi pourra se voir infliger une amende administrative dont le montant ne peut excéder 15 000 euros pour une personne physique et 75 000 euros pour une personne morale.

Cette sanction découle des modifications opérées à l’article L. 242-10 du code de la consommation (par le 2° du I du présent article). En supprimant le mot « information », le projet de loi tire les conséquences du nouveau champ de l’article L. 221-14 du même code auquel la disposition fait référence : celui-ci, en effet, ne comporte pas désormais que des obligations d’information.

C.   Une entrée en vigueur effective d’ici au début de 2023

● Aux termes de la première phrase du II de l’article 7, le développement de la fonctionnalité facilitant la résiliation des contrats souscrits en ligne ne constituera une obligation qu’à compter d’une date fixée par décret et, au plus tard, au 1er février 2023.

Cette disposition se justifie d’un strict point de vue pratique. Certes, aucun des éléments recueillis au cours des travaux préparatoires ne permet d’établir l’existence d’obstacles techniques à la mise en œuvre de cette nouvelle fonctionnalité. Néanmoins, les pouvoirs publics ne sauraient négliger l’importance des adaptations que pourrait nécessiter l’état assez inégal des systèmes d’information des opérateurs économiques.

Votre rapporteure considère que l’efficacité du dispositif et sa pleine appropriation par les acteurs pourraient nécessiter des concertations approfondies, de sorte que les fonctionnalités développées par les professionnels répondent parfaitement aux objectifs fixés par le législateur. C’est la raison pour laquelle, à son initiative, la commission des affaires économiques a résolu de maintenir l’échéance fixée par le projet de loi : dans cette optique, elle a repoussé deux amendements destinés l’un à avancer la date d’entrée en vigueur de l’article 7, l’autre à différer sa mise en œuvre à août 2023.

Au plan juridique, l’échéance assignée pour la prise du décret conditionnant l’application de l’article 7 ne méconnaît pas la compétence du législateur. Il ressort en effet de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l’entrée en vigueur d’une disposition législative ne peut être suspendue à la publication d’un décret ([209]).

● La seconde phrase du II de l’article 7 précise que l’obligation faite aux professionnels vaut pour les contrats en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur du dispositif.

Dans une certaine mesure, cette disposition présente une portée rétroactive en ce qu’elle affecte des relations contractuelles préexistantes. Néanmoins, il peut être considéré qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’économie des conventions passées entre consommateurs et professionnels. Dès lors, elle ne semble pas contrevenir aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles ([210]).

III.   la position de la commission DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

À l’initiative de la rapporteure, la commission a procédé une réécriture globale de l’alinéa 5 de l’article 7 (amendement CE 250).

La nouvelle rédaction adoptée poursuivait deux objectifs principaux, à savoir préciser la finalité du dispositif de « bouton résiliation » et expliciter les mesures réglementaires d’application afin d’assurer la pleine efficacité du dispositif. Elle entend ainsi répondre aux signalements recueillis au cours des auditions sur la nécessité d’établir un cadre minimal afin de prévenir des formalités inutiles pour le consommateur. Il importe également que le décret ouvre la voie à des spécifications techniques de nature à garantir la visibilité du bouton de résiliation sur les sites internet des professionnels, ainsi que l’efficacité de la notification faite par le consommateur.

La bonne compréhension des effets de la rupture d’un contrat constitue le dernier enjeu que cette nouvelle rédaction s’est efforcée d’appréhender. Ainsi que l’ont relevé les représentants de l’association Consommation Logement et cadre de vie (CLCV), l’usage d’un bouton de résiliation ne saurait donner lieu seulement à l’envoi d’un courriel : il convient aussi que les consommateurs puissent mesurer l’impact d’une résiliation sur les garanties et prestations dont ils peuvent disposer.

À l’initiative de notre collègue Julien Dive, la commission a en outre souhaité adopter deux amendements : objet d’un avis défavorable de la rapporteure, le premier amendement (CE 67) prévoit une réduction de 25 % les frais dus en cas de résiliation d’un contrat d’abonnement téléphonique ou internet de plus de 12 mois, au-delà de la première année ; ayant recueilli un avis de sagesse de la rapporteure, le second amendement (CE 68) exonère les consommateurs inscrits en procédure de surendettement des frais de résiliation d’un contrat téléphonique ou internet.

Par ailleurs et à l’initiative de la rapporteure, la commission a adopté des amendements destinés à apporter des corrections de précision ou de rédaction (amendements CE 250, 251, 253). Également porté par Mme Sandra Marsaud, l’amendement CE 252 a été adopté, qui vise à adapter la référence faite par l’article L. 242-2 du code de la consommation aux seuls alinéas existants de l’article L. 221-14 du même code.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

Article 8
Résiliation en « trois clics » des contrats d’assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 8 entend conforter les droits reconnus aux consommateurs en leur permettant de résilier plus facilement un contrat d’assurance souscrit par voie électronique auprès d’assureurs, de mutuelles ou d’instituts de prévoyance. À cet effet, il propose d’insérer dans les codes des assurances, de la mutualité et de la sécurité sociale deux dispositions similaires à celles de l’article 7 du présent projet de loi : d’une part, le principe d’un nécessaire parallélisme des formes entre les modalités de souscription et de rupture du contrat conclu par voie électronique ; d’autre part, l’obligation pour les professionnels de mettre à disposition des consommateurs une fonctionnalité leur permettant d’accomplir à distance les formalités nécessaires pour mettre un terme à l’exécution des contrats conclus.

L’article 8 prévoit l’entrée en vigueur de ce nouveau cadre à une date fixée par un décret qui doit être publié, au plus tard, le 1er février 2023. Il assujettit au dispositif dont il organise le développement les contrats en cours d’exécution à cette date.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : UNE RÉSILIATION DES CONTRATS d’assurance en principe aisée, mais exposée à des formalismes parfois peu justifiÉs

A.   un cadre juridique destinÉ À favoriser l’exercice des droits des consommateurs

Au regard des normes générales applicables aux contrats de consommation, la résiliation des contrats d’assurance fait aujourd’hui l’objet d’un corpus législatif et réglementaire assez étoffé. Il faut y voir le souci constant, exprimé par les pouvoirs publics, de donner aux consommateurs la capacité de jouir pleinement de la faculté de rompre des engagements qui ne présenteraient plus d’utilité pour eux.

Cette volonté se manifeste, depuis le début des années 2000, par une succession de réformes du droit applicable aux contrats d’assurance souscrits auprès des entreprises d’assurance, des mutuelles et des institutions de prévoyance. Relatives aux conditions d’exécution des conventions, elles poursuivent deux objectifs essentiels : d’une part, rendre plus régulier l’exercice du droit de résiliation ; d’autre part, simplifier les démarches par un usage accru des outils procurés par les nouvelles technologies de l’information et de la communication.

1.   Des mesures législatives destinées à assurer l’exercice régulier du droit de résiliation

Dans cette optique, le législateur a entendu assurer la protection des droits des consommateurs en améliorant leur information et en réduisant la périodicité à laquelle ils peuvent rompre leurs engagements en toute légalité et bonne foi. Sur ce dernier point, le précédent quinquennat s’inscrit dans la continuité de l’action engagée depuis près de vingt ans.

● Depuis le 1er août 2005, la loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005, dite loi « Chatel » ([211]) fait ainsi obligation aux assureurs de rappeler aux assurés leur faculté de dénoncer un contrat à reconduction tacite ([212]). Elle prévoit un délai de dénonciation glissant dans l’hypothèse où l’avis d’échéance des contrats ne serait pas adressé en temps utile, soit dans un délai minimal de 15 jours avant la date limite de résiliation. À défaut, l’assuré dispose de 20 jours supplémentaires à compter de cette échéance pour adresser un courrier notifiant sa volonté de résilier. En outre, si aucune date ne figure sur l’avis d’échéance adressé, la loi autorise les assurés à résilier leurs contrats sans préavis.

● La loi n° 2014-344 du 17 mars 2014, dite loi « Hamon » ([213]) reconnait aux consommateurs le droit de résilier à tout moment, après la première année de souscription, pour l’assurance habitation (locataire-copropriétaire), l’assurance automobile (responsabilité civile) et l’assurance affinitaire. Inversement, si l’assureur est à l’origine de la résiliation, celui-ci doit désormais motiver sa décision. L’article 61 du texte rend juridiquement possible la résiliation infra-annuelle (ou « RIA ») pour les contrats d’assurance reconductibles, sans frais ni pénalité pour les assurés ([214]).

Le droit à résiliation consacré par la loi s’applique aux contrats couvrant les personnes physiques en dehors de leurs activités professionnelles et relevant de branches définies par décret en Conseil d’État ([215]).

● En dernier lieu, la loi n° 2020-270 du 28 février 2022 ([216]) prévoit une obligation d’information de même nature en ce qui concerne les contrats d’assurance emprunteurs ([217]).

2.   Une reconnaissance croissante de l’usage des outils et procédures dématérialisés dans les rapports entre assureurs et consommateurs

● D’une part, le droit en vigueur accorde aux consommateurs le droit de résilier un contrat d’assurance souscrit par voie électronique suivant le même procédé que celui utilisé pour sa conclusion.

L’affermissement du parallélisme des formes découle de dispositions édictées, pour l’essentiel, dans trois textes :

– la loi précitée n° 2014-344 du 17 mars 2014 : la loi prévoit cette facilité pour la résiliation des garanties obligatoires en matière d’assurance automobile et d’assurance locative ;

– la loi n° 2019-733 du 14 juillet 2019 : la loi dispose que les assurés peuvent résilier par lettre simple ou sur tout autre support durable et consacre la nécessaire symétrie des modalités de souscription et de résiliation des contrats d’assurance à l’article L. 113-14 du code des assurances. En conséquence, l’assureur est tenu d’offrir un mode de résiliation similaire à celui de la souscription ([218]) ;

– la loi n° 2022-270 du 28 février 2022 : ce texte complète l’article L. 221‑10 du code de la mutualité afin de prévoir que « si le membre participant fait usage du droit de résiliation mentionné au présent alinéa, il notifie à la mutuelle ou à l’union, dans les conditions prévues à l’article L. 113-14 du code des assurances, la décision du prêteur prévue au deuxième alinéa de l’article L. 31331 dudit code, ainsi que la date de prise d’effet du contrat d’assurance accepté en substitution par le prêteur ».

● D’autre part et de manière assez récente, la loi admet l’emploi d’outils et de procédures dématérialisés dans la communication d’information ou la validation d’actes engageant les parties à un contrat d’assurance.

Ainsi, l’ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017 ([219]) introduit en droit français la notion de « support durable », définie à l’article L. 111-9 du code des assurances ([220]) et offre la possibilité de créer des « espaces personnels » dématérialisés et mis à disposition. L’ordonnance impose en conséquence aux assureurs, aux intermédiaires et aux souscripteurs d’un contrat d’assurance de groupe certaines obligations quant à la conservation des données contenues par l’espace personnel mis à la disposition d’un assuré. ([221]) En dernier lieu, elle établit l’équivalence de principe entre l’envoi recommandé électronique et l’envoi par lettre recommandée et reconnait la signature électronique, tant dans le code des assurances que dans celui de la mutualité. ([222])

B.   un développement des contrats d’assurance par voie Électronique synomyme de simplification des dÉmarches ?

Selon les statistiques présentées par l’étude d’impact ([223]), sur près de 150 millions de contrats d’assurance, 10 % trouveraient leur origine dans une souscription réalisée intégralement en ligne. D’après les analyses convergentes des représentants de la Fédération française de l’assurance et des associations représentatives des consommateurs, il s’agit d’une pratique certes encore marginale, mais en pleine croissance. Dans le champ des assurances couvertes par les mutuelles, la souscription de contrats en ligne reste le fait des retraités et des travailleurs non-salariés.

Pour autant, l’ensemble des éléments recueillis au cours des travaux de la rapporteure porte à conclure qu’il subsiste encore des freins à l’usage des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Les représentants de la Fédération française de l’assurance soulignent certes que l’emploi de télé-procédures et de supports électroniques tels que le SMS ou le courriel semble se développer. S’agissant des modalités de résiliation des contrats, l’état des lieux dressé à l’issue des auditions réalisées offre toutefois un tableau plus contrasté.

Même en l’absence de données consolidées, il semble que les modalités d’usage des outils d’information et de communication, voire les pratiques de certains opérateurs, ne garantissent pas nécessairement le respect du parallélisme des formes prévu la loi. Les assurés peuvent rencontrer des difficultés similaires à celles décrites précédemment en ce qui concerne les contrats de consommation ([224]).

De fait et suivant une statistique évoquée par plusieurs personnes auditionnées, les modalités de résiliation des contrats (à l’initiative de l’assureur ou de l’assuré) motivent 9 % des requêtes adressées au médiateur de l’assurance. D’après l’analyse livrée dans l’étude d’impact, les litiges découlent, pour beaucoup, d’un manque de lisibilité des contrats quant aux conditions de leur résiliation.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : la mise en place d’UN SUPPORT TECHNIQUE AFIN DE PROTÉGER LES DROITS RECONNUS PAR LA LOI

L’article 8 du projet de loi présente une parfaite symétrie avec son article 7 au regard des principes qu’il instaure et du dispositif introduit dans le droit en vigueur : seul diffère l’objet des contrats relevant de son champ d’application, à savoir les contrats d’assurance conclus auprès d’entreprises d’assurance, de mutuelles ou d’instituts de prévoyance.

Le présent texte complète les dispositions du 4° de l’article L. 113-14 du code des assurances, de l’article L. 221-10-3 du code de la mutualité, ainsi que des articles L. 932-12-2 et L. 932-21-3 du code de la sécurité sociale par un alinéa unique qui poursuit deux objectifs : d’une part, conforter au plan juridique la possibilité du recours à un procédé dématérialisé identique pour la souscription et la résiliation d’un contrat d’assurance ; d’autre part, imposer aux entreprises de mettre à la disposition des assurés une fonctionnalité permettant de résilier les contrats d’assurance à distance.

A.   un appui juridique à la résiliation des contrats d’assurance par voie Électronique

1.   La réaffirmation d’un parallélisme des formes entre souscription et résiliation des contrats d’assurance souscrits par voie électronique

● En premier lieu, l’alinéa 2 du I de l’article 8 du projet de loi pose le principe suivant lequel les contrats d’assurance souscrits par voie électronique peuvent être résiliés suivant un procédé identique à celui utilisé pour leur conclusion.

La notion de « contrats d’assurance souscrits par voie électronique » se confond, pour l’essentiel, avec celle des contrats conclus à distance. En l’espèce, la notion renvoie :

– aux contrats conclus dans le cadre de la fourniture à distance à un consommateur d’opérations d’assurance visées par l’article L.112-2-1 du code des assurances : ces contrats portent sur des garanties relatives aux assurances de dommages et aux assurances de personnes ;

– aux conventions marquant l’adhésion à distance à un règlement ou un contrat collectif à adhésion facultative visée par l’article L. 221-18 du code de la mutualité ;

– aux conventions régies par le chapitre II du titre 3 du livre 9 du code de la sécurité sociale : plus précisément, ces contrats portent sur des opérations collectives à adhésion obligatoire et sur des opérations collectives à adhésion facultative.

Les dispositions introduites par le projet de loi régissent donc l’exécution de contrats relatifs à des assurances obligatoires et à des assurances facultatives, telles que les assurances de protection juridique. L’impact exact sur les assurances affinitaires([225]) peut être considéré comme plus incertain, en l’absence de toute précision dans l’exposé des motifs ou l’étude d’impact.

● Comme indiqué à propos de l’article 7 du projet de loi, la notion de « contrat souscrit par voie électronique » peut donner lieu à une interprétation potentiellement extensible. Suivant l’analyse des représentants de la Fédération française de l’assurance et en l’absence de précisions complémentaires, elle pourrait aussi inclure dans le champ d’application de l’article 8 des conventions conclues au terme d’une visite à un établissement commercial ou d’échanges afin de recueillir des informations sur les biens ou les services et dont la signature serait réalisée au moyen d’un procédé électronique ([226]).

L’obligation consacrée par l’article 8 vaut pour les contrats d’assurance souscrits par des consommateurs. Au sens de l’alinéa 2 de ce texte et en cohérence avec l’article L. 112-2-1 du code des assurances, les souscripteurs doivent donc être des personnes physiques qui agissent à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de leur activité commerciale ou professionnelle.

2.   Un cadre pour le développement du « bouton de résiliation » sur le modèle allemand

À l’instar de l’alinéa 5 de l’article 7 du projet de loi, le second alinéa du I de l’article 8 consacre au plan législatif l’obligation de mettre à disposition des consommateurs une fonctionnalité de nature à leur permettre d’accomplir les formalités nécessaires à la résiliation de leurs contrats souscrits par voie électronique.

● Dans la rédaction du texte déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, la disposition ne comporte pas de renvoi à un décret d’application. Selon l’étude d’impact, il s’agit d’un choix délibéré motivé par l’organisation particulière des assurances, mutuelles et instituts de prévoyance, ainsi que par la nécessité de ménager les spécificités qui peuvent découler des multiples canaux par le biais desquels les contrats d’assurance peuvent être souscrits ([227]).

● En conséquence, l’alinéa 2 de l’article 8 se borne à exiger « un accès facile, direct et permanent » à une fonctionnalité dédiée. Comme précédemment indiqué, la mesure ouvre la voie au développement d’un « bouton de résiliation » sur le modèle du dispositif adopté en Allemagne, sur le fondement d’une loi du 10 août 2021 « pour des contrats de consommation équitable » ([228]).

Ces prescriptions n’emportent d’obligation que pour l’emplacement et la visibilité du dispositif sur le site internet des opérateurs économiques. Contrairement à l’article 7, elles ne tendent pas à formaliser les différentes étapes du processus de résiliation que les consommateurs devront suivre. Si on peut comprendre l’utilité de ménager une certaine souplesse dans la mise en œuvre de la loi au regard de la diversité des situations, l’absence de mention expresse n’en présente pas moins l’inconvénient d’une certaine imprécision quant aux exigences et finalités du dispositif au regard de l’objectif de protection du consommateur.

● En vertu des dispositions d’ordre public qui déterminent la loi applicable aux contrats d’assurance souscrits ([229]), l’obligation de mettre en place le dispositif prévu par le présent texte s’impose aux opérateurs économiques établis sur le territoire national ou à l’étranger. En effet, il ne peut être dérogé aux prescriptions de la loi française si le consommateur possède sa résidence principale sur le territoire national ou que le risque couvert par le contrat se localise en France. À défaut, les opérateurs proposant les contrats d’assurance s’exposent aux sanctions prévues par les codes applicables suivant leur statut.

B.   Une entrée en vigueur effective d’ici À début 2023

● Aux termes de la première phrase du II de l’article 8, le développement de la fonctionnalité facilitant la résiliation des contrats souscrits en ligne ne constituera une obligation qu’à compter d’une date fixée par décret et, au plus tard, au 1er février 2023.

La disposition peut être jugée raisonnable dans la mesure où aucun des éléments recueillis au cours des travaux préparatoires ne permet d’établir l’existence d’obstacles techniques à la mise en œuvre de cette nouvelle fonctionnalité.

Les auditions réalisées par la rapporteure mettent néanmoins en lumière des appréciations divergentes entre les acteurs quant aux implications pour le fonctionnement des systèmes d’information des entreprises.

Du point de vue de la Fédération de l’assurance, la mise en place du « bouton de résiliation » nécessite des investissements et des adaptations qui justifieraient de repousser l’échéance prévue par la loi, étant observé que le délai courant pour la formalisation de téléprocédures comme celle envisagée est plutôt d’une année. À l’inverse, les analyses développées par la direction générale du Trésor et direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) donnent à penser que le développement de cette fonctionnalité ne susciterait que des coûts incrémentaux. Du point de vue de ces services, les obligations qui découlent de la loi précitée n° 2019-733 du 14 juillet 2019 imposent déjà aux opérateurs de mettre en place des procédures dématérialisées de nature à permettre la résiliation par un procédé électronique. Par ailleurs, les représentants de la direction générale du Trésor font état de concertations qui auraient commencé avec les opérateurs, notamment en marge des travaux du comité consultatif du secteur financier.

Il va de soi que les pouvoirs publics ne sauraient négliger l’importance d’un travail technique approfondi au regard de l’état assez inégal des systèmes d’information des opérateurs économiques. Aux yeux de votre rapporteure, l’efficacité du dispositif et sa pleine appropriation par les acteurs pourraient sans doute nécessiter des concertations approfondies, de sorte que les fonctionnalités développées par les professionnels répondent parfaitement aux objectifs fixés par le législateur.

Pour être ambitieux, le délai fixé par la loi n’apparait pas irréaliste, eu égard aux obligations qui découlent déjà du droit en vigueur. En outre, les opérateurs économiques et les pouvoirs publics pourront tirer les enseignements du dispositif mis en place en Allemagne, sur le fondement de la loi pour des contrats de consommation équitable du 10 août 2021, tant sur le plan du design du bouton de résiliation que sur la normalisation des procédures y afférentes.

C’est la raison pour laquelle, à l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires économiques a résolu de maintenir l’échéance fixée par le projet de loi et qu’elle a donc repoussé deux amendements destinés, pour l’un, à avancer la date d’entrée en vigueur de l’article 7, et pour l’autre, à différer sa mise en œuvre à août 2023.

Comme précédemment observé à propos de l’article 7, l’échéance assignée pour la prise du décret conditionnant l’application de l’article 8 ne méconnaît pas la compétence du législateur. Il ressort en effet de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que l’entrée en vigueur d’une disposition législative ne peut être suspendue à la publication d’un décret ([230]).

● La seconde phrase du II de l’article 8 précise que l’obligation faite aux professionnels vaut pour les contrats en cours d’exécution à la date d’entrée en vigueur du dispositif.

Dans une certaine mesure, cette disposition présente une portée rétroactive en ce qu’elle affecte des relations contractuelles préexistantes. Néanmoins, il peut être considéré qu’elle ne porte pas une atteinte disproportionnée à l’économie des conventions passées entre consommateurs et professionnels et que, dès lors, elle ne contrevient pas aux exigences constitutionnelles ou conventionnelles ([231]).

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté l’article 8 du projet de loi après avoir procédé, à l’initiative de la rapporteure, à la réécriture de l’alinéa 2 du I du texte.

Analogue à celle introduite à l’article 7, cette nouvelle rédaction se tend à expliciter la portée de l’obligation faite aux assureurs, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance de mettre à disposition des personnes souscriptrices d’un contrat d’assurance une fonctionnalité leur permettant d’accomplir la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat. Il comporte des précisions quant au champ des règles d’application qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire de définir, sans préjudice de la spécificité des canaux par lesquels les contrats peuvent être souscrits.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Chapitre II
Lutte contre les pratiques commerciales illicites

Article 9
Aggravation des sanctions pour pratiques commerciales déloyales

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 9 propose de renforcer les instruments de lutte contre les pratiques commerciales déloyales susceptibles d’attenter aux droits des consommateurs et de nuire à leur pouvoir d’achat. À cette fin, le I de cet article propose de relever le quantum des peines encourues en cas de pratiques commerciales déloyales, en créant deux circonstances aggravantes : d’une part, la conclusion d’un ou plusieurs contrats obtenue par des pratiques commerciales trompeuses ou agressives ; d’autre part, les pratiques commerciales trompeuses ou agressives commises en bande organisée.

Le paragraphe II de l’article 9 porte demande d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, afin de renforcer les moyens de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Le Gouvernement met en avant deux objectifs : d’une part, simplifier et alléger les procédures administratives et d’enquête de la DGCCRF ; d’autre part, assurer la publicité et le caractère dissuasif de ses actions.

En l’absence de toute mention expresse au I de l’article 9, les dispositions aggravant les sanctions contre les pratiques commerciales déloyales sont appelées à entrer en vigueur à compter de la publication de la loi. En revanche, le II prévoit une publication de l’ordonnance relative aux moyens de la DGCCRF dans un délai de six mois à compter de la promulgation du texte. Il impose par ailleurs au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées un projet de loi de ratification dans les trois mois suivant la publication de l’ordonnance.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : DES OUTILS JURIDIQUES à compléter AU REGARD DES PRATIQUES NOUVELLES SUSCEPTIBLES DE PORTER ATTEINTE AUX DROITS DES CONSOMMATEURS

La protection des droits des consommateurs nécessite aujourd’hui de relever de nombreux défis : la démultiplication des échanges, l’ouverture des frontières et l’affermissement d’une économie numérique fondée sur les nouvelles technologies de l’information et de la communication renouvellent assez profondément le cadre des rapports entre professionnels et consommateurs. Ils invitent à s’interroger sur la portée et l’efficacité des outils de régulation développés par la puissance publique, notamment dans le cadre d’un droit de la consommation qui s’est progressivement étoffé et a acquis une certaine autonomie par rapport au droit civil.

Des éléments recueillis par la rapporteure, il ressort en effet que les consommateurs et les services de l’État se trouvent aujourd’hui confrontés à des modes opératoires caractérisés par une sophistication croissante et permettant la réalisation d’infractions à grande échelle. Assez largement partagé, ce constat soulève la question du régime et des moyens de sanction des pratiques commerciales déloyales.

A.   une rÉpression croissante des pratiques commerciales dÉloyales

Au-delà du formalisme encadrant la conclusion et l’exécution des contrats ou l’information des consommateurs, la protection des droits du consommateur repose sur un arsenal juridique destiné à prévenir et réprimer les agissements susceptibles d’altérer le jugement de non-professionnels et d’entraver leur liberté de choix. Il consiste en la définition de pratiques interdites et de pratiques commerciales déloyales susceptibles de donner lieu à l’application de sanctions pénales et civiles.

1.   Des pratiques commerciales déloyales assez largement entendues

Objet des articles L. 121-1 à L. 121-7 du code de la consommation, les pratiques commerciales déloyales font partie des pratiques commerciales interdites ([232]). Au sens de l’article L. 121-1 du code de la consommation, il s’agit d’une pratique « contraire aux exigences de la diligence professionnelle » et qui altère – ou est susceptible d’altérer – de manière substantielle le comportement économique du consommateur normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, à l’égard d’un bien ou d’un service. La notion se divise en deux sous-catégories.

 Les pratiques commerciales trompeuses constituent la première catégorie, définie notamment aux articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation. Si la notion recouvre de nombreuses pratiques énumérées par le code de la consommation, il ressort des termes de l’article L. 121-2 que, pour l’essentiel, ces pratiques peuvent être caractérisées par deux circonstances :

– en premier lieu, la création d’une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

– en second lieu, des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur des éléments relatifs aux produits ou services vendus.

L’article L. 121-5 du code de la consommation précise que les pratiques commerciales trompeuses peuvent être caractérisées à l’égard des professionnels et des non-professionnels.

● La seconde catégorie est celle des pratiques commerciales agressives, dont la définition résulte des articles L. 121-6 et L. 121-7 du code de la consommation.

En application de l’article L. 121-6, une pratique peut relever de cette qualification dès lors que, du fait de sollicitations répétées et insistantes ou de l’usage d’une contrainte physique ou morale, et compte tenu des circonstances qui l’entourent :

1° Elle altère ou est de nature à altérer de manière significative la liberté de choix d’un consommateur ;

2° Elle vicie ou est de nature à vicier le consentement d’un consommateur ;

3° Elle entrave l’exercice des droits contractuels d’un consommateur.

Pour la caractériser, l’article invite à prendre en considération :

1° Le moment et l’endroit où la pratique est mise en œuvre, sa nature et sa persistance ;

2° Le recours à la menace physique ou verbale ;

3° L’exploitation, en connaissance de cause, par le professionnel, de tout malheur ou circonstance particulière d’une gravité propre à altérer le jugement du consommateur, dans le but d’influencer la décision de ce consommateur à l’égard du produit ;

4° Tout obstacle non contractuel important ou disproportionné imposé par le professionnel lorsque le consommateur souhaite faire valoir ses droits contractuels, et notamment celui de mettre fin au contrat ou de changer de produit ou de fournisseur ;

5° Toute menace d’action alors que cette action n’est pas légalement possible.

2.   Une prévention et une répression fondées sur des sanctions pénales et civiles

La directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur, en son article 13, impose aux États membres de prévoir un régime de sanctions effectives, proportionnées et dissuasives.

Dans le cadre du droit de la consommation français, la prévention et la répression des pratiques commerciales déloyales procèdent, en premier lieu, des sanctions pénales prévues par le code de la consommation.

Les sanctions pénales applicables consistent en une peine de deux ans d’emprisonnement et 300 000 euros d’amende tant pour les pratiques commerciales trompeuses que pour les pratiques commerciales agressives, en application des articles L. 132-2 et L. 132-11 du code de la consommation.

Pour ce qui concerne les pratiques commerciales trompeuses, le code de la consommation permet de porter le montant de l’amende encourue, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires annuel moyen, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, ou à 50 % des dépenses engagées pour la réalisation de la publicité ou de la pratique constituant ce délit. Ce taux est porté à 80 % dans le cas des pratiques commerciales trompeuses mentionnées aux b) et e) du 2° de l’article L. 121-2, lorsqu’elles reposent sur des allégations en matière environnementale.

S’agissant des pratiques commerciales agressives, le code prévoit la possibilité d’une amende représentant 10 % du chiffre d’affaires annuel moyen, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits, suivant les avantages tirés du délit.

Par ailleurs, la sanction de ces pratiques commerciales déloyales peut donner à lieu à des peines complémentaires, telles qu’une interdiction, pour une durée de cinq ans au plus, d’exercer directement ou indirectement une activité commerciale.

Le code de la consommation prévoit également des sanctions spécifiques selon la nature du délit :

– dans le cas d’une condamnation pour pratiques commerciales trompeuses, le code autorise le tribunal à ordonner, par tous moyens appropriés, l’affichage ou la diffusion de l’intégralité ou d’une partie de la décision ou d’un communiqué informant le public des motifs et du dispositif de celle-ci ([233]) ;

– pour la répression des pratiques commerciales agressives, le régime établi par le code de la consommation comporte également des sanctions civiles, en l’occurrence la possibilité d’obtenir la nullité du contrat conclu (en vertu de l’article L. 132-10 du code de la consommation).

B.   lES POUVOIRS D’enquÊte et de sanction de la dgccrf : des ressources Étendues et sans cesse À renouveler

Direction générale du ministère chargé de l’économie et des finances, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) participe à la préservation de l’ordre public économique ([234]). À ce titre, ses missions portent sur trois domaines essentiels :

– la régulation concurrentielle des marchés : relèvent ainsi de sa compétence la lutte contre les ententes et les abus de position dominante (la DGCCRF peut saisir l’Autorité de la concurrence), la modernisation des règles de fonctionnement des marchés, la lutte contre les pratiques commerciales déloyales pour assurer notamment la loyauté des relations entre les fournisseurs et les distributeurs, l’examen de la situation de la commande publique ;

– la protection économique des consommateurs : il incombe à la DGCCRF de s’assurer de la qualité des produits (alimentaires ou non-alimentaires) et des services vendus (application des règles d’étiquetage, de composition et de dénomination des marchandises, contrôle des falsifications et tromperies, etc.) ;

– la préservation de la sécurité des consommateurs, notamment par des actions préventives face aux risques de dangerosité de certains produits.

1.   Des pouvoirs en rapport avec des missions exigeantes

Dans l’accomplissement de ses missions, la DGCCRF dispose de prérogatives de puissance publique relativement étendues, qui consistent en des pouvoirs d’enquête, de contrôle et de sanction. Afin de garantir l’efficacité de son office, la DGCCRF peut aujourd’hui s’appuyer sur des procédures qui tendent à renouveler ses moyens d’action, ainsi que ses rapports avec les opérateurs économiques, les consommateurs mais également d’autres acteurs publics chargés de la préservation de l’ordre public économique.

En conséquence de réformes législatives successives, la direction peut, en premier lieu, prendre part et tirer parti de procédures d’échange et de diffusion d’informations.

Ainsi, l’article L. 512-20 du code de la consommation prévoit un dispositif d’échange spontané d’informations et de documents entre les agents de la DGCCRF et différents corps de contrôle en matière de conformité et de sécurité des produits. D’après l’étude d’impact ([235]), un tel dispositif présente l’avantage de permettre aux agents de la DGCCRF de prendre connaissance d’informations concernant certains opérateurs soupçonnés d’avoir commis des infractions multiples et constatées par plusieurs corps de contrôle.

En second lieu, l’efficacité de l’action de la DGCCRF apparait conditionnée par le développement récent de procédures d’injonction dans l’ensemble de ses domaines de compétence. Participe ainsi du renforcement de ses moyens la possibilité de prononcer :

– des injonctions administratives en matière de protection économique et physique du consommateur (article L. 521-1 du code de la consommation) ;

– des injonctions de mise en conformité (articles L. 521-1 à L. 521-3-1 du code de la consommation) : en particulier, l’article L. 521-3 autorise la DGCCRF à enjoindre à un professionnel, responsable de plein droit à l’égard du consommateur de la bonne exécution des obligations résultant du contrat conclu à distance et incapable de remplir ses obligations, de ne plus prendre aucun paiement avant la livraison intégrale du bien ou l’exécution effective du service, ainsi que d’informer le consommateur de l’injonction dont il a fait l’objet.

L’article L. 521-3-1 du même code confère à la direction le pouvoir de prononcer des mesures à l’encontre des opérateurs de plateforme qui se sont rendus coupables d’infractions aux règles touchant aux informations précontractuelles, aux pratiques commerciales, ainsi qu’à la conformité et à la sécurité des produits à partir d’une interface en ligne, après une injonction laissée sans suite. Sur ce fondement, il peut notamment être imposé à un opérateur de plateforme en ligne ou de plateformes exploitant des logiciels permettant d’accéder à une interface en ligne, d’afficher un message avertissant les consommateurs du risque de préjudice encouru lorsqu’ils accèdent à un contenu manifestement illicite. En cas d’infraction passible d’une peine d’au moins deux ans d’emprisonnement et de nature à porter une atteinte grave à la loyauté des transactions ou à l’intérêt des consommateurs, l’autorité administrative peut notifier les adresses électroniques des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites pour que toute mesure utile destinée à faire cesser leur référencement soit prise. La loi permet à la DGCCRF, en dernier ressort, d’ordonner aux opérateurs de registre ou aux bureaux d’enregistrement de domaines de prendre une mesure de blocage d’un nom de domaine, d’une durée maximale de trois mois renouvelable une fois, suivie, si l’infraction constatée persiste, d’une mesure de suppression ou de transfert du nom de domaine à l’autorité compétente.

 des injonctions sous astreinte en matière de pratiques commerciales restrictives de concurrence (article L. 470-1 du code de commerce).

2.   Des aménagements procéduraux envisageables

Les analyses développées dans le cadre des auditions conduites par la rapporteure accréditent l’idée selon laquelle les dispositions accordant des moyens d’action nouveaux à la DGCCRF s’insèrent parfois malaisément dans le droit en vigueur. Les problèmes évoqués au cours des auditions semblent notamment résulter de procédures n’intégrant pas (ou mal) les spécificités de son action au regard des exigences tenant au respect des principes généraux du droit.

● Ainsi, d’après les éléments recueillis, le droit positif ne prévoit pas de dispositif général d’échange d’informations entre les agents de la DGCCRF et les officiers et agents de police judiciaire. Un tel dispositif n’existe que dans certains domaines, comme la lutte contre la contrefaçon (article L. 512-21 du code de la consommation), la lutte contre les activités lucratives non déclarées portant atteinte à l’ordre et à la sécurité publics ([236]) ou encore la lutte contre le dopage ([237]).

Conformément aux dispositions de l’article 28 du code de procédure pénale, les agents de la DGCCRF détiennent certaines prérogatives de police judiciaire, qu’ils exercent dans les conditions et limites prévues par des règles spécifiques figurant notamment dans le code de la consommation. Alors qu’ils sont tenus de respecter le secret de l’enquête pénale, tout comme les officiers et les agents de la police judiciaire, ils ne peuvent pourtant pas échanger spontanément des informations avec ces derniers.

● Dans la mise en œuvre de l’injonction fondée sur l’article L. 521-3-1 du code de la consommation, le secret professionnel et, le cas échéant, le secret de la procédure pénale s’opposent en pratique à la communication des éléments d’information sur les manquements ou infractions dont le constat se trouve à l’origine de la procédure aux prestataires de service d’information identifiés. Or, ces derniers bénéficient des garanties qui découlent du principe du contradictoire.

● Des difficultés similaires peuvent également contrarier les actions de communication entreprises par la DGCCRF et destinées à conférer aux mesures prises un impact dissuasif. Suivant l’analyse livrée à la rapporteure, les dispositions en vigueur ne l’autorisent notamment pas à assurer la publicité des injonctions prononcées.

La question se pose en particulier dans le cadre de la mise en œuvre d’une communication, par les agents de la DGCCRF, sur des faits faisant l’objet d’une procédure judiciaire à laquelle ils peuvent participer. À la suite de la modification opérée par la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([238]), l’article 11 du code de procédure pénale accorde aux officiers de police judiciaire (OPJ) la possibilité de communiquer au nom et sous le contrôle du procureur de la République : cette faculté vise à prévenir « la propagation d’informations parcellaires ou inexactes », à « mettre fin à un trouble à l’ordre public » ainsi qu’à sauvegarder « tout autre impératif d’intérêt public ». La différence de traitement entre les agents de la DGCCRF, privés d’une telle possibilité, et les OPJ ne semble pas fondée en pratique, compte tenu du concours que ceux-là peuvent apporter à l’action de la justice.

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ : le renforcement des sanctions et des outils de la puissance publique contre certaines pratiques commerciales déloyales

L’article 9 du projet de loi comprend deux dispositifs complémentaires visant à renforcer les outils que possède l’État afin de prévenir et réprimer les pratiques commerciales déloyales : le paragraphe I propose un alourdissement des peines prévues pour ce type d’infraction, alors que le paragraphe II tend à conforter la DGCCRF dans son rôle de gardienne de l’ordre économique public et de fer de lance de la bonne application de la loi en la matière.

A.   un alourdissement des sanctions encourues en cas de pratiques commerciales dÉloyales

Le I de l’article 9 du projet de loi insère quatre nouveaux articles au sein de la section du code de la consommation relative aux sanctions applicables aux pratiques commerciales trompeuses ([239]) et aux pratiques commerciales agressives ([240]). Ces nouvelles dispositions tendent à réprimer plus sévèrement les agissements susceptibles de recevoir ces deux qualifications par le biais de deux mesures complémentaires : d’une part, l’instauration de circonstances aggravantes ; d’autre part, le relèvement du quantum des peines encourues.

1.   La création de deux circonstances aggravantes nouvelles pour les pratiques commerciales trompeuses et agressives

● En premier lieu, les alinéas 3 et 6 de l’article 9 consacrent dans le code de la consommation la circonstance aggravante tenant à la conclusion d’un ou plusieurs contrats résultant de pratiques commerciales trompeuses ou agressives. Tel est l’objet de la création des articles L. 132-2-1 (pour les pratiques commerciales trompeuses) et L. 132-11-1 (pour les pratiques commerciales agressives).

Ces articles visent les situations dans lesquelles un professionnel obtient la souscription d’un engagement contractuel par des agissements susceptibles d’altérer le libre consentement d’un consommateur et pouvant relever du champ des pratiques qualifiées de trompeuses ou d’agressives. En cela, la circonstance aggravante ainsi formalisée évoque l’infraction de tromperie réprimée par l’article L. 441-1 du code de la consommation.

La tromperie en droit de la consommation

Aux termes de l’article L. 441-1 du code de la consommation, la tromperie peut être caractérisée, quel que soit le moyen ou le procédé employé, même par l’intermédiaire d’un tiers, dès lors qu’elle aboutit à communiquer aux consommateurs des informations délibérément erronées :

1° soit sur la nature, l’espèce, l’origine, les qualités substantielles, la composition ou la teneur en principes utiles de toute marchandise ;

2° soit sur la quantité des choses livrées ou sur leur identité, par la livraison d’une marchandise autre que la chose déterminée qui a fait l’objet du contrat ;

3° soit sur l’aptitude à l’emploi, les risques inhérents à l’utilisation du produit, les contrôles effectués, les modes d’emploi ou les précautions à prendre.

La qualification s’applique pour la fourniture de biens ou de prestations de services.

● En second lieu, les alinéas 4 et 7 du I de l’article 9 introduisent dans le régime de sanction des pratiques commerciales déloyales la circonstance aggravante d’infraction commise en « bande organisée ».

Suivant la précision apportée par l’étude d’impact ([241]), la notion obéit à la même définition que celle figurant à l’article 132-71 du code pénal. Au sens de cet article, constitue une bande organisée au sens de la loi tout groupement formé ou toute entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’une ou de plusieurs infractions.

En soi, l’utilisation de cette circonstance aggravante ne constitue pas une novation. Le code de la consommation admet déjà de tels motifs d’aggravation des peines en cas de falsifications (article L. 451-2) et de fraudes (article L. 454-3), infractions réprimées par les dispositions destinées à protéger les consommateurs d’altérations susceptibles de porter atteinte à la conformité des produits ou services.

Toutefois, au vu des éléments recueillis au cours des auditions, le recours à cette qualification offre le moyen de réprimer des agissements concertés susceptibles d’affecter la liberté de choix des consommateurs dans la souscription d’un contrat.

2.   Un relèvement sensible du quantum des peines encourues en cas de circonstances aggravantes

● Le I de l’article 9 tend à alourdir les peines encourues en cas de pratiques commerciales trompeuses ou agressives dès lors que peut être caractérisée l’une des circonstances aggravantes qu’il insère dans le code de la consommation. Le texte propose d’infliger :

– trois ans d’emprisonnement pour la conclusion d’un ou plusieurs contrats obtenue par des pratiques commerciales trompeuses ou agressives (en application des articles L. 132-2-1 et L. 132-11-1 nouveaux du code de la consommation créés par les alinéas 3 et 6) ;

– sept ans d’emprisonnement pour une pratique commerciale trompeuse ou agressive en bande organisée (en application des articles L. 132‑2‑2 et L. 132-11-2 nouveaux insérés dans le code de la consommation par les alinéas 4 et 7).

Le 3° du I de l’article 9 procède au même alourdissement des sanctions applicables en cas de falsifications : en modifiant l’article L. 454-1 du code de la consommation, il porte de deux à trois ans la durée de la peine d’emprisonnement qui sanctionne les pratiques interdites relevant de cette qualification. Cette mesure peut être considérée comme une coordination de cohérence, au regard de la proximité entre les agissements relevant de la falsification et les pratiques commerciales déloyales visées par le présent projet de loi.

Rappelons qu’en l’état du droit en vigueur, les peines prévues pour ces deux infractions se limitent à 2 ans d’emprisonnement et une amende de 300 000 euros pour les pratiques commerciales trompeuses (article L. 132-2 du code de la consommation) et agressives (article L. 132-11 du même code).

● En soi, le quantum des peines présente un caractère proportionné au regard des sanctions encourues pour d’autres infractions établies par le code de la consommation, telles que la tromperie.

Du reste, le dispositif porté par l’article 9 paraît cohérent avec l’évolution du droit de l’Union européenne. Tout en reconnaissant aux États la prérogative de déterminer le régime des sanctions applicables ([242]), l’Union en effet tend à renforcer les obligations et sanctions destinées à prévenir et réprimer les pratiques commerciales déloyales attentatoires aux droits des consommateurs.

Ainsi que le relève l’étude d’impact, le présent projet de loi participe donc, dans une certaine mesure, à l’intégration en droit national des prescriptions de la directive 2019-2161 du 27 novembre 2019 dite « Omnibus », qui avait pour objectif une meilleure application des règles de l’Union en matière de protection du consommateur ([243]).

B.   Une demande d’habilitation afin de conforter les moyens d’action de la dgccrf

Le premier alinéa du II de l’article 9 porte demande d’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance afin d’améliorer l’efficacité des outils mis à la disposition de la DGCCRF. Sous réserve d’une approbation du Parlement, l’article 38 de la Constitution autorise le Gouvernement à prendre des mesures qui relèvent normalement du domaine de la loi pour l’exécution de son programme.

Au regard de son dispositif, ainsi que des précisions apportées par l’étude d’impact ([244]), l’habilitation peut être considérée comme satisfaisant aux exigences constitutionnelles, ainsi que l’a estimé le Conseil d’État : « La rédaction de cet article d’habilitation, qui précise la finalité des mesures que le Gouvernement se propose de prendre et les domaines d’intervention de l’ordonnance à intervenir, répond aux exigences constitutionnelles »([245]). En pratique, elle ne contribue pas à dessaisir le Parlement de son rôle dans l’édiction des principes essentiels de notre droit de la consommation, puisque l’ordonnance envisagée doit permettre, avant tout, de régler des questions techniques.

1.   Une ordonnance destinée à favoriser des améliorations procédurales dans un champ relativement circonscrit

● Aux termes du premier alinéa du II de l’article 9, l’habilitation demandée par le Gouvernement vise à lui permettre de modifier par ordonnance des textes touchant à l’office de la DGCCRF en tant que gardienne de l’ordre public économique. Il s’agit en l’occurrence :

– des dispositions relatives aux pouvoirs d’enquête et suites données aux contrôles de la DGCCRF, objet du livre V du code de la consommation ([246]) ;

– des règles organisant la liberté des prix et de la concurrence, fixées par le livre IV du code de commerce ([247]) : celui-ci rassemble notamment les normes qui fondent la prévention et la répression des pratiques anticoncurrentielles, ainsi que le contrôle des concentrations économiques ; il traite également des conditions de la transparence des marchés, des pratiques restrictives de concurrence et d’autres pratiques prohibées.

Si elle présente l’inconvénient de donner un caractère extensif à l’habilitation, la mention « et s’il y a lieu, d’autres codes et lois » peut se justifier en réalité par une considération d’ordre pratique : la nécessité d’adapter certains textes affectés par les modifications réalisées dans le cadre de l’habilitation, afin d’assurer, par exemple, une coordination ou une évolution des références.

● Ainsi que l’établissent les alinéas 10 à 13 du II de l’article 9, l’habilitation demandée au Parlement poursuit quatre objectifs :

– premièrement, permettre l’échange d’informations entre les agents de la DGCCRF et les officiers et agents de police judiciaire : d’après l’étude d’impact ([248]), la modification réalisée par ordonnance consisterait à rétablir un dispositif général d’information par la création d’un nouvel article L. 512-21-1 du code de la consommation.

Cette disposition donnerait aux agents de la DGCCRF le droit de solliciter des renseignements de la part des officiers et agents, comme sous l’empire du droit antérieur ;

– deuxièmement, clarifier les modalités de mise en œuvre de l’injonction numérique fondée sur l’article L. 521-3 du code de la consommation, afin de mieux lutter contre les fraudes en ligne (faux sites administratifs, vente de produits dangereux) : d’après l’étude d’impact ([249]), il s’agirait d’aménager l’application des règles relatives au secret professionnel et au secret de l’enquête pénale afin de garantir le respect du principe du contradictoire à l’égard d’un prestataire de services d’information en matière d’injonction numérique.

La réalisation de cet objectif donnerait lieu à une modification de l’article L. 521-3-1 du code de la consommation afin d’introduire des dispositions spécifiques au regard du droit commun de la procédure contradictoire prévu par le code des relations entre le public et l’administration, afin de permettre un échange d’informations quant à l’objet d’une enquête en cours avec le prestataire visé ;

– troisièmement, renforcer les actions de communication de la DGCCRF sur les suites données à ses enquêtes afin de mieux sensibiliser les consommateurs, selon le principe du « name and shame ».

Aux termes de l’étude d’impact ([250]), l’ordonnance aurait pour objet de modifier le code de la consommation, le code de commerce et le code de procédure pénale afin d’instaurer un dispositif de publicité applicable à :

– quatrièmement, accorder aux agents de la DGCCRF la faculté de communiquer sur les procédures pénales auxquelles ils concourent, avec l’accord et sous le contrôle du procureur de la République : d’après l’étude d’impact ([251]), l’ordonnance introduirait dans le code de la consommation un dispositif reproduisant celui de l’article 11 du code de procédure pénale, ce qui aboutirait à donner aux agents de la direction les mêmes possibilités de s’exprimer sur des constats susceptibles d’entrer dans le cadre d’une procédure judiciaire que les officiers de police judiciaire, à la suite de l’entrée en vigueur de la loi pour la confiance dans l’institution judiciaire ([252]).

Même si elles ne figurent pas en tant que telles dans le dispositif du II de l’article 9 du projet de loi, les précisions apportées par l’étude d’impact paraissent suffire à déterminer précisément le champ et les finalités de l’habilitation à légiférer demandée au Parlement. Du point de vue de la rapporteure, il pourrait être cependant utile qu’au-delà des objectifs généraux affirmés, le texte du projet de loi énumère de manière très précise les dispositions des codes appelées à faire l’objet de compléments ou de modifications.

2.   Des délais de publication des ordonnances relativement resserrés

Le premier alinéa du II de l’article 9 limite la durée de l’habilitation demandée à six mois à compter de la publication de la loi. L’alinéa 14 fait obligation au Gouvernement de déposer sur le bureau des Assemblées un projet de loi de ratification dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Au regard des usages entourant le recours à l’article 38 de la Constitution, les délais prévus par le projet de loi ne peuvent être tenus pour déraisonnables ou anormaux. Ils paraissent de nature à favoriser un travail technique abouti et à permettre un examen des dispositifs élaborés, de sorte que le Parlement puisse exercer sa vigilance en temps utile par rapport à l’examen du projet de loi.

III.   Les modifications apportées par la commission

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article, après en avoir supprimé les alinéas 9 à 14 qui délimitaient le champ de l’habilitation demandée par le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance en vue de conforter les moyens d’actions de la DGCCRF.

Cette modification résulte du vote d’un amendement déposé par MM. Jérôme Nury et Vincent Rolland (amendement CE 56), contre l’avis de la rapporteure.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 9 bis (nouveau)
Taux d’intérêt légaux pour non-remboursement ou nonrétablissement d’un compte bancaire objet d’une opération de paiement non autorisée et signalée

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Introduit par la commission

Le présent article additionnel résulte de l’adoption en commission des affaires économiques de trois amendements identiques respectivement présentés par M. Jumel, Mme Bourouaha et M. William pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)-NUPES, par Mme Laernoes et les membres du groupe Écologiste-NUPES, et par M. Meizonnet et les membres du groupe Rassemblement national.

Il donne la possibilité aux personnes dont le compte bancaire a été débité d’une opération non autorisée d’obtenir de leur établissement bancaire le paiement d’intérêts moratoires majorés en cas de non remboursement des sommes indûment prélevées ou de non-rétablissement du compte dans l’état antérieur au prélèvement. Il impose le paiement d’intérêts légaux majorés de dix points si le remboursement des sommes ou le rétablissement du compte n’est pas réalisé dans les délais prévus par l’article L. 133-18 du code monétaire et financier ; au-delà de trente jours après l’échéance fixée par la loi, l’établissement bancaire est redevable des intérêts légaux majorés de vingt points par mois de retard.

La sanction n’est applicable que pour les opérations de paiement non autorisées mais signalées par le titulaire du compte au service de prestation de paiement.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : L’obligation légale de REMBOURSer dES SOMMES OU DE RETABLIR UN COMPTE bancaire EN CAS D’opération de paiement non autorisée mais signalÉe

L’article L. 133-18 du code monétaire et financier vise à protéger les utilisateurs de services de paiement contre des prélèvements indus sur le compte dont ils peuvent disposer auprès d’un établissement bancaire et de crédit ou un prestataire de services de paiement.

À cette fin, il fait obligation aux établissements gestionnaires de comptes ou prestataires de procéder au remboursement des sommes indûment prélevées et, le cas échéant, au rétablissement dans son état antérieur du compte objet de l’opération de paiement non autorisée. Cette obligation doit être remplie dans les délais fixés par l’article L. 133-18 du code monétaire et financier, « à savoir immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant ».

La protection ainsi assurée par le code monétaire et financier suppose que l’utilisateur du service de paiement ait signalé l’opération de paiement non autorisée dans des conditions prévues par l’article L. 133-24 du même code. Par ailleurs, le prestataire de services de paiement ou l’établissement gestionnaire du compte peuvent s’exonérer de leur obligation s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France.

II.   LE DISPOSITIF ADOPTÉ

Le présent article additionnel résulte de l’adoption en commission des affaires économiques, avec un avis de sagesse de la rapporteure, de trois amendements identiques respectivement présentés par M. Jumel, Mme Bourouaha et M. William pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR)‑NUPES (CE 181), par Mme Julie Laernoes et les membres du groupe Écologiste-NUPES (CE 211) et par M. Meizonnet et les membres du groupe Rassemblement national (CE 113). Le dispositif complète les dispositions de l’article L. 133-18 du code monétaire et financier par l’ajout d’un nouvel alinéa.

Il prévoit ainsi qu’en cas de non-remboursement d’une opération de paiement non autorisée ou, le cas échéant, de non-rétablissement du compte bancaire objet de ce prélèvement indu dans les délais prévus par la loi, un utilisateur de service de prestation de paiement peut prétendre obtenir le paiement d’intérêts légaux de retard majorés.

Les intérêts légaux de retard s’appliquent aux sommes dues à l’utilisateur du service de paiement ; ils sont majorés de dix points si le remboursement des sommes ou le rétablissement du compte n’est pas réalisé dans les délais prévus par l’article L. 133-18 du code monétaire et financier ; au-delà de trente jours après l’échéance fixée par la loi, l’établissement bancaire peut se voir appliquer des intérêts légaux majorés de vingt points par mois de retard.

Les dispositions introduites à l’article L. 133-18 ne modifient pas les conditions exigées de l’utilisateur du service de paiement, ainsi que les motifs pour lesquels le prestataire ou l’établissement gestionnaire de compte pourrait être délié de son obligation. En outre, il maintient la possibilité, pour le payeur et et son prestataire de services de paiement, de décider contractuellement d’une indemnité complémentaire.

III.   Les modifications apportÉes par la commission

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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*     *

TITRE III
SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz

Article 10
Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 10 réforme les dispositions applicables au stockage du gaz naturel, afin de renforcer rapidement la sécurité d’approvisionnement. Une trajectoire de remplissage des infrastructures de stockage doit être définie. Elle est complétée par un objectif minimal de remplissage assigné aux opérateurs de stockage, qui s’ajoute à l’objectif de remplissage déjà assigné aux fournisseurs. En cas de risque de non‑respect de la trajectoire ou de non‑atteinte de l’objectif de remplissage, les opérateurs de stockage peuvent être amenés à constituer des stocks de sécurité.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : le stockage du gaz naturel repose sur la souscription de capacités de stockage par les fournisseurs auprès des opérateurs

A.   La constitution de stocks de gaz naturel est un élément clé de la sécurité d’approvisionnement

1.   Une consommation de gaz naturel française tributaire des approvisionnements étrangers

Afin d’assurer son approvisionnement, la France est contrainte d’importer la quasi-totalité du gaz naturel qu’elle consomme – la production du dernier gisement encore actif en France, celui de Lacq, n’est en effet plus injectée dans le réseau depuis 2013. Le gaz naturel peut être importé de deux manières :

– soit par gazoduc, grâce à l’interconnexion des réseaux de transport entre les différents pays ;

– soit au moyen de terminaux méthaniers. Le gaz naturel est alors acheminé par bateau, depuis les pays producteurs vers les pays importateurs, sous forme liquide. Il est ensuite regazéifié au niveau d’un port grâce à un terminal méthanier, afin de pouvoir être injecté dans les réseaux de transport.

La France est donc largement tributaire de ses importations de gaz naturel. En 2020, celui‑ci représentait 15,8 % de la consommation d’énergie primaire en France ([253]). La même année, la France s’approvisionnait principalement auprès de la Norvège (36 % du total des entrées brutes), de la Russie (17 %), suivis par l’Algérie et les Pays-Bas (8 % chacun) ([254]).

2.   La sécurité d’approvisionnement rend nécessaire le stockage de gaz sur le territoire national

Afin d’assurer la sécurité d’approvisionnement ([255]) en gaz naturel et de disposer de la flexibilité nécessaire pour s’adapter aux besoins de la consommation, des stocks de gaz sont constitués sur le territoire, dans des sites souterrains. Aux termes de l’article L. 421‑3 du code de l’énergie, « les infrastructures de stockage de gaz naturel contribuent à l’équilibrage du réseau de transport, à la continuité d’acheminement sur le réseau de transport, à l’optimisation du système gazier et à la sécurité d’approvisionnement du territoire ». Selon l’étude d’impact du projet de loi, le gaz ainsi stocké permet de couvrir « environ 50 % des besoins lors des périodes de pointe de consommation ».

C’est la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) qui définit précisément quels sont les sites de stockage qui sont garants de la sécurité d’approvisionnement ([256]). Selon la Commission de régulation de l’énergie (CRE), « la France dispose de 130 TWh de capacités de stockage souterrain de gaz naturel, ce qui représente un peu moins d’un tiers de sa consommation annuelle de gaz » ([257]).

Les infrastructures de stockage sont gérées par les opérateurs de stockage et les stocks sont constitués par les fournisseurs de gaz naturel, exception faite de la constitution de stocks complémentaires (voir infra). Le gaz ainsi stocké est revendu par les fournisseurs à leurs clients. Il est livré aux consommateurs via les réseaux de transport et de distribution de gaz. Les fournisseurs doivent bénéficier d’un accès transparent et non discriminatoire aux infrastructures de stockage ([258]). Les opérateurs de stockage sont soumis, quant à eux, à des obligations de service public, mentionnées à l’article L. 421‑3 du code de l’énergie. ([259])

B.   Les dispositions encadrant le stockage du gaz naturel en France ont été récemment réformées

La gestion du stockage du gaz naturel repose à la fois sur la gestion des infrastructures de stockage et de leurs capacités, d’une part, et sur le remplissage de ces infrastructures, d’autre part.

Afin de renforcer la sécurité d’approvisionnement, le cadre juridique du stockage de gaz naturel a été entièrement redéfini par la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 ([260]) et par une ordonnance associée ([261]). Les dispositions régissant le stockage du gaz sont désormais décrites, pour la majeure partie d’entre elles, aux articles L. 421‑1 à L. 421‑16 du code de l’énergie.

1.   La définition des stocks minimaux et du remplissage minimal des capacités de stockage

L’article L. 421‑4 du code de l’énergie dispose que le ministre chargé de l’énergie fixe chaque année, par arrêté, « les stocks minimaux de gaz naturel nécessaires au 1er novembre pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel pendant la période comprise entre le 1er novembre et le 31 mars ». Le dernier arrêté publié pour l’application de cet article a été pris le 13 mai 2022 ([262]). En pratique, ces stocks minimaux sont constitués grâce aux fournisseurs, qui souscrivent des capacités de stockage auprès des opérateurs.

L’article L. 421‑7 du même code précise que les fournisseurs doivent assurer un niveau de remplissage minimal de ces capacités au 1er novembre. Un arrêté de 2018 ([263]) précise que ce niveau minimal de remplissage s’établit, pour chaque fournisseur, à 85 % des capacités de stockage souscrites par celui‑ci.

2.   Les capacités de stockage sont attribuées aux fournisseurs selon un mécanisme d’enchères

Afin de garantir un stockage de gaz naturel satisfaisant, la loi n° 2017‑1839 précédemment mentionnée prévoit un mécanisme de mise aux enchères publiques des capacités de stockage auprès des fournisseurs ([264]). Les modalités de ces enchères sont définies par la CRE, sur proposition des opérateurs de stockage.

Les opérateurs de stockage sont rémunérés par le revenu de ces enchères. Une compensation est prévue en cas de revenu insuffisant à l’issue des enchères par rapport au coût supporté par les opérateurs de stockage : un terme tarifaire stockage, intégré au tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz, est alors reversé, en complément, à ces opérateurs. À l’inverse, si le montant des enchères procure un revenu supérieur aux coûts supportés, l’excédent de recettes est reversé aux gestionnaires du réseau de transport de gaz naturel. C’est la CRE qui définit les modalités précises de ces ajustements tarifaires.

3.   La possibilité de demander la constitution de stocks complémentaires aux opérateurs et aux fournisseurs

L’article L. 421‑6 du code de l’énergie dispose que si, à l’issue d’un cycle d’enchères, l’ensemble des capacités souscrites ne correspond pas aux stocks minimaux qui sont prévus, le ministre chargé de l’énergie peut imposer la constitution de stocks complémentaires :

– soit aux opérateurs ;

– soit aux fournisseurs ;

– soit aux opérateurs et aux fournisseurs.

Le même article prévoit une compensation pour les opérateurs de stockage qui seraient tenus de constituer des stocks complémentaires, mais pas pour les fournisseurs. Le ministère de la transition énergétique a précisé à ce sujet à votre rapporteure que la constitution de stocks par les fournisseurs est « directement compensée par la vente du gaz naturel à leurs clients », dans la mesure où ils se servent du gaz stocké pour approvisionner ces derniers.

Pour l’hiver 2022-2023, le ministère souligne que les capacités de stockage nécessaires ont été souscrites et qu’il n’a donc pas été nécessaire de recourir au mécanisme de stockage complémentaire.

4.   Les points forts du système actuel de stockage de gaz naturel

Le fonctionnement actuel de la régulation du stockage de gaz naturel en France permet d’assurer des niveaux de remplissage satisfaisants, comme le souligne la CRE : « Au 1er novembre 2021, le taux de remplissage des stockages français s’établissait à 94,5 %, un taux bien supérieur à la moyenne européenne de 75 % ». Le régulateur souligne également que le niveau de souscription des stockages pour l’hiver 2022-2023 est de 97 % ([265]).

Le ministère de la transition énergétique précise également que « depuis sa mise en œuvre en 2018, le mécanisme de régulation des infrastructures essentielles de stockage de gaz naturel a permis d’assurer le niveau de souscription des capacités de stockage voulu ».

C.   une réforme des modalités de stockage du gaz naturel vient tout juste d’être adoptée par l’union européenne

Afin de faire face aux tensions actuelles existant sur l’approvisionnement en gaz au niveau européen, liées à des prix du gaz déjà élevés en 2021 et aux baisses d’approvisionnement russe en raison du conflit avec l’Ukraine, l’Union européenne vient d’adopter le règlement (UE) 2022/1032 ([266]) sur le stockage de gaz. Ce règlement prévoit notamment :

– la fixation d’objectifs de remplissage des installations de gaz situées sur le territoire des États membres au plus tard le 1er novembre de chaque année. Cet objectif de remplissage s’établit à 80 % au 1er novembre 2022 et à 90 % à partir de 2023 ;

– la définition d’une trajectoire de remplissage propre à chaque État membre, en lien avec l’objectif de remplissage au 1er novembre et comportant des objectifs intermédiaires tout au long de l’année. Il est précisé au considérant 16 du règlement que « les États membres devraient être libres de choisir de fixer un objectif de remplissage plus élevé, de sorte que l’Union puisse s’efforcer d’atteindre collectivement le remplissage de 85 % de la capacité des installations de stockage souterrain de gaz dans l’Union pour 2022 ».

II.   Le dispositif proposé : l’instauration d’une trajectoire de remplissage des infrastructures de stockage de gaz naturel

Compte tenu des tensions sur l’approvisionnement en gaz précédemment rappelées, il convient de renforcer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel de la France. L’étude d’impact annexée au projet de loi fait observer que « les exportations de gaz russe par gazoduc vers l’Union européenne ont été en mai 2022 inférieures de près de 40 % à celles observées en mai 2021 ». L’article 10 du projet de loi modifie donc les dispositions applicables aux modalités de stockage de gaz naturel, avec un objectif double, selon l’étude d’impact :

– « sécuriser la constitution de stocks dans l’éventualité d’une défaillance d’un fournisseur de gaz naturel », d’une part. Il est notamment indiqué que si la France n’a pas été victime de défaillances de fournisseurs à grande échelle, cela a en revanche été observé au Royaume-Uni. Il est par ailleurs précisé qu’un « nonremplissage par Gazprom des capacités de stockage souscrites a été observé en 2021 en Allemagne, en Autriche et aux PaysBas » ;

– « sécuriser un éventuel remplissage anticipé ou renforcé des infrastructures de stockage », d’autre part.

Quant aux bénéfices pour le consommateur final et selon le ministère de la transition énergétique, la réforme proposée renforce la flexibilité du système d’approvisionnement et sa capacité d’adaptation à la demande des consommateurs, ainsi que la prévention du risque de pénurie de gaz et de flambée des prix.

Les modalités et les conditions d’application du nouvel article L. 421-7-2 du code de l’énergie, créé par l’article 10, devront être précisées par décret pris après avis de la CRE.

A.   La définition d’une trajectoire de remplissage pour assurer une meilleure sécurité d’approvisionnement

L’article 10 prévoit que le ministre chargé de l’énergie fixe par arrêté, pris après avis de la CRE, une trajectoire annuelle de remplissage des infrastructures de stockage ainsi qu’un objectif minimal de remplissage de ces infrastructures aux opérateurs des infrastructures de stockage. Il convient de rappeler que le droit en vigueur impose aujourd’hui aux fournisseurs une obligation de remplissage de leurs capacités de stockage à hauteur de 85 % au 1er novembre, comme cela a été détaillé.

Une telle disposition est en lien direct avec l’adoption récente du règlement (UE) 2022/1032 précité, qui acte la définition d’une trajectoire et d’objectifs de remplissage pour chaque État membre. La trajectoire de remplissage de la France pour 2022 y est définie de la manière suivante à l’annexe I bis :

 

1er août 2022

1er septembre 2022

1er octobre 2022

1er novembre 2022

52 %

65 %

72 %

80 %

Concrètement, la mesure a pour but de « pouvoir fixer une trajectoire de remplissage minimal par voie réglementaire qui aille au-delà des 85 %, pour remplir les stockages au maximum technique pour cet hiver », selon le ministère de la transition énergétique.

L’article 10 assigne à la CRE un rôle de suivi de l’atteinte des objectifs fixés par la trajectoire nationale et de prévision des risques de non‑atteinte de ces objectifs.

B.   La constitution de stocks de sécurité par les opérateurs de stockage en cas de remplissage insuffisant des capacités de stockage

En lien direct avec l’établissement d’une trajectoire de remplissage, l’article 10 du projet de loi modifie les obligations incombant aux opérateurs de stockage, d’une part, et aux fournisseurs, d’autre part, en matière de stockage de gaz naturel :

– l’article 10 modifie l’article L. 421‑6 du code de l’énergie : seuls les fournisseurs devront constituer des stocks complémentaires, sur décision ministérielle, en cas de capacités souscrites insuffisantes. Cela signifie que les opérateurs de stockage ne pourront plus être sollicités pour assurer cette mission ;

– il est prévu que le ministre chargé de l’énergie ordonne aux opérateurs de constituer les stocks de sécurité nécessaires au respect de la trajectoire de remplissage dans les hypothèses suivantes :

Ces stocks de sécurité pourront être constitués en priorité grâce aux capacités de stockage non souscrites par les fournisseurs, puis, au besoin, grâce à la part non utilisée des capacités souscrites.

Un tel système permettra de renforcer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. La constitution de stocks de sécurité permettra notamment de pallier des éventuelles difficultés en cas de faillite d’un fournisseur, qui ne pourrait dès lors plus remplir ses capacités de stockage.

C.   Les opérateurs de stockage seront compensés pour la constitution de stocks de sécurité

Il est prévu un mécanisme de couverture des coûts occasionnés pour les opérateurs de stockage mobilisés afin d’assurer le respect de la trajectoire de remplissage, grâce aux tarifs d’utilisation des réseaux de transport.

III.   La position de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté l’amendement CE231 de la rapporteure, qui permet de préciser la définition de la trajectoire annuelle de remplissage et celle de l’objectif minimal de remplissage des infrastructures imposés aux opérateurs de stockage. Il est indiqué que la trajectoire est composée d’objectifs intermédiaires de remplissage ainsi que d’un objectif minimal de remplissage au 1er novembre.

L’adoption de l’amendement CE229 de la rapporteure conduit à renvoyer à une délibération de la CRE la définition des modalités techniques de constitution et de cession des stocks par les opérateurs de stockage, plutôt qu’à un décret, s’agissant de mesures particulièrement techniques.

Enfin, la commission a adopté les amendements rédactionnels CE230, CE223 et CE224 de la rapporteure.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 11
Renforcement des capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission sans modification

L’article 11 renforce les outils de flexibilité mobilisables par les gestionnaires des réseaux de transport afin d’assurer l’équilibrage de ceux‑ci. Il permet aux grands consommateurs de gaz naturel raccordés à un réseau de distribution de souscrire des contrats d’interruptibilité garantie. À ce jour, seuls les grands consommateurs directement raccordés à un réseau de transport peuvent souscrire de tels contrats.

I.   L’éTAT DU DROIT : l’interruptibilité est un mécanisme de flexibilité destiné à faciliter l’équilibrage des réseaux de gaz et sécuriser l’approvisionnement

A.   Un équilibrage des réseaux de gaz garanti par divers mecanismes de flexibilité

Le gaz naturel est aujourd’hui acheminé des sites de stockage, des points d’interconnexion aux frontières et des terminaux méthaniers vers les consommateurs finals grâce à un réseau de transport. Ce réseau de transport est géré par des gestionnaires des réseaux de transport. Le gaz naturel parvient ensuite aux consommateurs finals grâce à un réseau de distribution. Certains sites fortement consommateurs de gaz naturel ([267]) sont néanmoins directement connectés au réseau de transport, sans passer par le réseau de distribution. Ce dernier est géré par les gestionnaires des réseaux de distribution.

Aux termes des articles L. 431-3 et L. 432‑11 du code de l’énergie, ce sont les gestionnaires de réseaux qui sont responsables de l’équilibre du réseau dont ils ont la charge. Afin de garantir l’équilibrage des flux et la sécurité d’approvisionnement, il existe divers mécanismes de flexibilité permettant d’ajuster au mieux l’offre et la demande en gaz naturel. Cela permet donc de sécuriser la livraison des consommateurs finals. En particulier, deux mécanismes de flexibilité font intervenir les grands consommateurs de gaz naturel :

– le mécanisme d’interruptibilité, régi par les articles L. 431‑6‑2 et L. 431‑6‑3 du code de l’énergie. L’interruptibilité repose sur des contrats qui peuvent être conclus entre un gestionnaire de réseau et des sites fortement consommateurs de gaz naturel. Ces contrats prévoient que leur consommation puisse être interrompue, à l’initiative du gestionnaire de réseau, lorsque le fonctionnement des réseaux de transport de gaz naturel est particulièrement menacé ;

– le mécanisme de délestage intervient dans un second temps, lorsque l’interruptibilité pourrait se révéler insuffisante pour assurer l’équilibrage du réseau ou la continuité d’acheminement. Ce mécanisme est explicité aux articles L. 434‑1 à L. 434‑4 du même code. Le gestionnaire de réseau peut alors ordonner aux sites fortement consommateurs de réduire ou d’arrêter leur consommation de gaz naturel. Les consommateurs concernés sont recensés au moyen d’une enquête annuelle effectuée par les gestionnaires des réseaux de transport et de distribution. Elle permet au préfet de département d’établir la liste des consommateurs concernés ([268]). Ce sont les sites ayant une consommation de gaz naturel supérieure à 5 gigawattheures (GWh) par an qui sont concernés par le mécanisme de délestage.

B.   Les Dispositions spécifiques à l’interruptibilité

Le code de l’énergie prévoit deux types d’interruptibilité, à savoir l’interruptibilité garantie et l’interruptibilité secondaire.

1.   L’interruptibilité garantie

L’interruptibilité dite « garantie », prévue à l’article L 431-6-2 du code de l’énergie, permet au seul gestionnaire de réseau de transport de gaz naturel de demander l’interruption de la consommation des consommateurs finals agréés raccordés directement à son réseau « lorsque le fonctionnement normal des réseaux de transport de gaz naturel est menacé de manière grave et afin de sauvegarder l’alimentation des consommateurs protégés ». Cette interruptibilité est rémunérée.

Aucun contrat d’interruptibilité garantie n’a été signé à ce jour, selon les informations transmises par le ministère de la transition énergétique : aucun besoin n’avait en effet été identifié en la matière, avant la forte baisse constatée des exportations de gaz russe vers l’Union européenne.

2.   L’interruptibilité secondaire

L’interruptibilité dite « secondaire » est définie à l’article L. 431-6-3 du même code. Elle permet aux gestionnaires des réseaux de transport mais aussi de distribution, en plus des capacités de flexibilité offertes par l’interruptibilité garantie, de contractualiser des capacités interruptibles avec des consommateurs finals. L’article L. 431-6-3 précise qu’il s’agit d’un dispositif sans compensation ([269]).

L’interruptibilité secondaire est déclenchée à l’initiative du gestionnaire de réseau de transport lorsque « le fonctionnement des réseaux de transport est menacé de manière exceptionnellement grave et ne peut plus être préservé ». Le gestionnaire d’un réseau de distribution peut également prendre l’initiative de cette interruptibilité pour les sites consommateurs directement raccordés à son réseau, dans les mêmes conditions.

Selon les données fournies par le ministère de la transition énergétique, pour l’hiver 2021-2022, 25,9 GWh/j de capacités d’interruptibilité étaient contractualisées avec des consommateurs de gaz naturel raccordés à un réseau de transport et 14,0 GWh/j avec des consommateurs raccordés à un réseau de distribution. Le gestionnaire de distribution GRDF précise que, lors de l’étude qu’il a menée en 2022, 82 contrats étaient signés sur 2 542 sites éligibles, pour une capacité interruptible contractualisée de 7 GWh/j, soit 1,9 % de la capacité de l’ensemble des sites éligibles, ces chiffres étant en baisse par rapport à l’année 2021.

Aucun contrat d’interruptibilité secondaire n’a été activé à ce jour.

II.   Le dispositif proposé : une extension du dispositif d’interruptibilité garantie aux grands consommateurs raccordés au réseau de distribution

À l’instar de l’article 10 du projet de loi, l’objectif de son article 11 est de maximiser la sécurité d’approvisionnement en gaz de la France, compte tenu des incertitudes pesant sur ses importations.

Afin d’augmenter les capacités de flexibilité des réseaux, l’article 11 étend le dispositif d’interruptibilité garantie aux grands consommateurs raccordés à un réseau de distribution. Il n’était jusqu’ici ouvert qu’aux seuls grands consommateurs directement raccordés à un réseau de transport. Ce sont les consommateurs de gaz naturel consommant plus de 5 GWh par an qui sont concernés par un tel dispositif. Selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi, les consommateurs de gaz naturel raccordés à un réseau de distribution et consommant plus de 5 GWh PCS par an représentent une consommation cumulée d’environ 70 TWh PCS par an, soit quatre mille consommateurs. Toujours selon cette étude d’impact, cela « pourrait ainsi permettre d’augmenter de plus de 40 % le potentiel de contractualisation ». Le ministère de la transition énergétique a, par ailleurs, indiqué à votre rapporteure que les consultations opérées en amont ont permis de confirmer l’intérêt pour ce dispositif de certains consommateurs industriels de gaz naturel raccordés à un réseau de distribution.

Le gestionnaire de réseau de distribution ne pourra pas prendre l’initiative d’activer le mécanisme d’interruptibilité garantie sur le réseau, à l’inverse des dispositions existantes s’agissant de l’interruptibilité secondaire. Les contrats afférents seront donc conclus directement avec le gestionnaire du réseau de transport. Cela permettra aux gestionnaires de réseau de transport de disposer d’une vision globale des capacités d’interruptibilité et permettra ainsi d’adapter l’activation du dispositif en fonction des besoins liés à l’équilibre des réseaux de transport. De la même manière que pour les grands consommateurs directement raccordés au réseau de transport, ceux raccordés au réseau de distribution seront compensés en cas d’adhésion au dispositif d’interruptibilité garantie. Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État a notamment souligné la nécessité, pour le Gouvernement, « de déterminer avec soin le montant du rabais tarifaire consenti aux clients acceptant d’intégrer le mécanisme d’interruption de leur alimentation en gaz (…) afin que ce soutien tarifaire soit proportionné à la contribution effective des clients à l’équilibrage du réseau ». Les modalités de cette compensation seront déterminées par voie réglementaire.

III.   La position de la commission des affaires économiques

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 12
Contrôle de la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 12 octroie au ministre chargé de l’énergie des prérogatives importantes s’agissant du fonctionnement des installations de production d’électricité à partir de gaz :

– en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel, il peut ordonner aux exploitants de ces installations de suspendre ou de restreindre leur activité ;

– si, à cette première menace, s’ajoute une menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, le ministre peut réquisitionner ces installations.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : en matière d’énergie, des mesures de sauvegarde de portée très générale en cas de crise

La sécurité d’approvisionnement, tant en électricité qu’en gaz naturel, est aujourd’hui conditionnée par l’équilibre qui s’établit sur les réseaux entre offre et demande. En matière d’électricité, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité (RTE) est responsable de cet équilibre. Il établit notamment, à cette fin, un bilan électrique national annuel et un bilan prévisionnel pluriannuel ([270]).

L’équilibre des réseaux peut être menacé par divers facteurs comme, par exemple, un approvisionnement en énergie insuffisant. De manière générale, le code de l’énergie prévoit des « mesures de sauvegarde en cas de crise » ([271]), qui s’appliquent dans diverses situations critiques. En particulier :

– parmi les dispositions applicables à tous les types d’énergie, l’article L. 143-1 du code de l’énergie dispose qu’« en vue de remédier à une pénurie énergétique y compris localisée ou à une menace sur l’équilibre des échanges extérieurs, le Gouvernement peut, par décret en conseil des ministres, et pour une période déterminée, soumettre à contrôle et répartition, en tout ou en partie, les ressources en énergie et en produits énergétiques de toute nature » ;

– parmi les dispositions spécifiquement applicables à l’électricité et au gaz :

II.   Les dispositions proposées : un dispositif spécifique de contrôle des moyens de production d’électricité à partir de gaz naturel en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement

A.   la sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité est aujourd’hui menacée

En raison de prix sur les marchés de gros élevés et du conflit entre la Russie et l’Ukraine, des menaces pèsent sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. Il existe également des menaces sur la sécurité d’approvisionnement en électricité :

– l’étude d’impact du projet de loi souligne que « la France dispose de 12,8 GW de capacités de production d’électricité à partir de gaz naturel. En 2021, ces capacités ont produit 32,9 TWh d’électricité, soit 6,3 % de la production électrique nationale ». Une partie de la production électrique dépend donc directement de l’approvisionnement en gaz ;

– plus généralement, RTE a émis un diagnostic de vigilance pour les prochains hivers. Il souligne que le système électrique dispose de peu de marges de manœuvre. L’explication est multifactorielle : prix élevés du gaz et de l’électricité, menaces pesant sur la sécurité d’approvisionnement en gaz, disponibilité dégradée du parc nucléaire, etc. Ainsi, RTE a souligné auprès de votre rapporteure que des « situations de tension sur l’équilibre offre/demande sont à attendre en cas de vague de froid (de l’ordre de 4 °C en dessous des normales), de situation de très faible production éolienne sur la plaque européenne, ou de forte dégradation supplémentaire de la disponibilité du parc de production ».

B.   Ces menaces justifient une possibilité de contrôle, par l’état, des moyens de production d’électricité à partir de gaz

Compte tenu des risques brièvement rappelés ci-dessus, l’article 12 du projet de loi a pour objectif de renforcer la sécurité d’approvisionnement en électricité en cas de menace pesant sur les approvisionnements, tant en gaz qu’en électricité.

Un article L. 143-6-1 nouveau est donc inséré dans le code de l’énergie, qui prévoit que le ministre chargé de l’énergie peut disposer, en cas de besoin, des installations de production d’électricité à partir de gaz naturel, selon les modalités suivantes :

– s’il existe une menace sur la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel, il peut ordonner aux exploitants de telles installations la restriction ou la suspension de l’activité de leurs installations ;

– si la sécurité d’approvisionnement en électricité est également menacée, le ministre peut réquisitionner les services exploitant ces installations, afin que ces dernières fonctionnent « uniquement selon les directives et sous le contrôle des opérateurs [que le ministre] désigne ».

Il s’agit donc, pour l’État, de pouvoir disposer des moyens de production d’électricité à partir de gaz naturel lorsque la sécurité d’approvisionnement – et donc l’équilibre des réseaux – est menacée. Le ministère de la transition énergétique précise qu’ « il s’agit ici de donner la possibilité, lorsque la sécurité d’approvisionnement est en jeu, de limiter le fonctionnement des centrales (pour économiser le gaz) totalement ou en le ciblant sur des périodes de pointe de demande électrique (durant lequel le fonctionnement serait requis), sans s’en remettre uniquement aux signaux de marché ».

L’insertion de telles dispositions dans le code de l’énergie, en complément de celles déjà existantes et décrites supra, se justifie, selon l’étude d’impact du projet de loi, par le fait que ces dernières, de portée très générale, « ne sont pas explicites sur la possibilité de réquisitionner des unités de production d’électricité, ni sur possibilité de prendre des mesures exceptionnelles sur le fondement d’une double menace, à la fois sur la sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité » : il s’agit en effet, pour l’essentiel, de mesures conservatoires ou de sauvegarde. À l’inverse, l’article 12 vise précisément les centrales à gaz et permet une activation du dispositif réellement adaptée aux besoins en matière de sécurité d’approvisionnement. Les dispositions de cet article permettent aussi d’indemniser les exploitants concernés, comme décrit ci‑dessous.

C.   des prérogatives particulièrement importantes qui justifient un encadrement strict et une indemnisation

Les pouvoirs octroyés au ministre chargé de l’énergie par l’article 12 sont strictement encadrés en tant qu’ils portent atteinte à des droits ou libertés garantis par la Constitution, en l’espèce le droit de propriété et la liberté d’entreprendre. Le Conseil d’État rappelle, dans son avis, que de telles dispositions doivent donc être justifiées par « l’intérêt général impérieux », ce qu’il reconnaît en l’espèce.

Le Conseil d’État souligne également, s’agissant de tels pouvoirs, qu’ils sont « précisément encadrés, limités dans le temps et strictement proportionnés à la gravité de la menace pesant sur les réseaux », comme l’exige la jurisprudence en la matière. Le 5° de l’article 12 dispose en effet que les mesures de suspension ou de restriction d’activité ou de réquisition ne s’appliquent que « pendant la durée strictement nécessaire » pour assurer la sécurité d’approvisionnement du pays et sont « proportionnées » à la gravité de cette menace. La décision du ministre chargé de l’énergie doit être motivée et préciser « sa durée d’application et les modalités de sa mise en œuvre » (dernier alinéa du 2° de l’article L. 143-6-1 nouveau du code de l’énergie).

Une indemnisation de l’exploitant concerné est prévue, à hauteur des pertes matérielles, directes et certaines dues à la décision de réquisition, de restriction ou de suspension :

– cette indemnisation tient compte, à titre exclusif, des dépenses « exposées d’une façon effective et nécessaire par l’exploitant, de la rémunération du travail, de l’amortissement et de la rémunération du capital, appréciés sur des bases normales ». Ces dispositions sont rédigées de manière identique à celles de l’article L. 2234‑1 du code de la défense, applicables aux réquisitions liées à la défense nationale ;

– en revanche, l’indemnisation ne couvre pas la privation de profit qui peut résulter, pour l’exploitant, de l’impossibilité d’exploiter librement son installation ;

– les éventuelles recettes tirées du fonctionnement de l’installation soumise au régime de l’article 12 seront reversées à l’exploitant, en déduction de l’indemnité préalablement mentionnée.

Certaines dispositions du code de la défense relatives aux réquisitions trouvent également à s’appliquer, notamment sur la responsabilité de l’État en cas de dommages causés aux biens et services requis.

III.   la position de la commission des affaires économiques

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté l’amendement CE99 de Mme Battistel (SOC), modifié par un sous‑amendement CE271 de la rapporteure.

L’amendement CE99 exclut des installations de production qui peuvent être réquisitionnées, en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, les installations de cogénération produisant à la fois de l’électricité et de la chaleur et qui sont raccordées à un réseau de chaleur. Une telle disposition permet notamment d’assurer que la réquisition d’une centrale à gaz ne prive de chauffage les habitations raccordées au réseau de chaleur, ce qui pourrait avoir des conséquences dommageables. Le sous‑amendement CE271 de la rapporteure permet d’étendre cette exclusion des installations de cogénération du dispositif aux cas où seule la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel serait menacée.

La commission a également adopté les amendements rédactionnels CE224, CE225, CE226 et CE227 de la rapporteure.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

Article 13
Possibilité de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 13 permet au ministre chargé de l’énergie d’imposer à un opérateur de terminal méthanier flottant une obligation de maintien en exploitation, si cela s’avérait nécessaire pour assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel. Cette obligation de maintien en exploitation ouvre droit, pour l’opérateur, à une compensation des coûts associés.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : un terminal mÉthanier flottant est un navire, ce qui entraÎne des diffÉrences dans son rÉgime d’exploitation par rapport À un terminal mÉthanier terrestre

Les importations de gaz naturel françaises dépendent de deux types d’installations : les gazoducs et les terminaux méthaniers. Ces derniers permettent d’importer du gaz naturel liquéfié (GNL).

A.   ÉlÉments de contexte sur l’approvisionnement de la France en gaz naturel liquéfiÉ (GNL)

Le GNL est acheminé depuis les pays producteurs vers les pays importateurs par bateau, sous forme liquide. Il est ensuite regazéifié au niveau d’un terminal méthanier, afin de pouvoir être injecté dans les réseaux de transport de gaz. Il existe à la fois des terminaux méthaniers construits « à terre » et des terminaux méthaniers flottants, autrement appelés FSRU (Floating Storage and Regasification Unit).

Il n’existe actuellement en France que des terminaux méthaniers terrestres, qui sont au nombre de quatre : Montoir de Bretagne, Dunkerque, Fos Tonkin et Fos Cavaou. À ce jour, aucun terminal méthanier flottant n’est exploité dans notre pays. Compte tenu des tensions actuelles sur l’approvisionnement en gaz, liées notamment au conflit entre la Russie et l’Ukraine, ces terminaux méthaniers jouent un rôle important dans la sécurité d’approvisionnement de la France et de l’Union européenne : GRTgaz soulignait ainsi, le 17 juin 2022, que « depuis les 5 premiers mois de l’année, les entrées de GNL ont augmenté de 66 %, soit 51 TWh supplémentaires » ([273]).

Les capacités des terminaux méthaniers existants ont été augmentées pour répondre à cette situation sensible : à Fos Cavaou, les capacités sont augmentées de 11 térawattheures pouvoir calorifique supérieur (TWh PCS) pour 2022 et de 13 TWh PCS pour 2023, selon l’étude d’impact du projet de loi. Celle‑ci précise aussi que les terminaux de Dunkerque et de Montoir « ont lancé des processus d’optimisation visant à accroître dans des proportions plus modestes la capacité de ces terminaux ».

B.   Le cadre juridique applicable À l’exploitation des terminaux mÉthaniers

1.   Le cadre applicable aux terminaux méthaniers terrestres

Les terminaux méthaniers terrestres relèvent de la réglementation applicable aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE).

Par ailleurs, le droit d’accès aux installations de GNL est encadré par les articles L. 111‑97 à L. 111‑110 du code de l’énergie. Un droit d’accès pour les tiers est notamment prévu « sous réserve de préserver le bon fonctionnement et le niveau de sécurité des infrastructures de gaz naturel » ([274]). L’article L. 452-1-2 du code de l’énergie dispose par ailleurs que les tarifs d’utilisation des installations de GNL sont établis « de manière transparente et non discriminatoire ». C’est la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui fixe les méthodes utilisées pour établir cette tarification ([275]).

Il existe un régime dérogatoire à ce droit d’accès des tiers, prévu à l’article L. 111‑109 du code de l’énergie. Cette dérogation doit être sollicitée par l’opérateur et, en cas d’accord de l’autorité administrative, notifiée à la Commission européenne. Une telle dérogation a pour objectif principal de permettre au porteur de projet de sécuriser ses investissements. Le terminal méthanier de Dunkerque bénéficie ainsi actuellement d’une dérogation au droit d’accès des tiers, pour une durée de 20 ans ([276]).

2.   Le cadre applicable aux terminaux méthaniers flottants

a.   Un terminal méthanier flottant est un navire soumis au droit maritime international

Un terminal méthanier flottant n’est pas une ICPE. Ce point a été confirmé par le Conseil d’État, dans son avis sur le présent projet de loi : « Un terminal méthanier flottant étant constitué d’un navire (…), amarré dans un port où il est raccordé, par une canalisation, aux réseaux de gaz naturel terrestres, le régime des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), auquel sont soumis les terminaux méthaniers terrestres, ne lui est pas applicable ».

Le Conseil d’État poursuit en détaillant les dispositions applicables à ce type de terminal flottant : « Il demeure, en tant que navire, assujetti aux règles et aux contrôles de sécurité auxquels est soumise, en vertu du droit international maritime, la catégorie de navires à laquelle il appartient. Il est, en outre, soumis, pour ses activités dans l’enceinte portuaire, au règlement de police portuaire et à des prescriptions prises par le préfet sur proposition de l’autorité portuaire ».

Le terminal méthanier flottant demeure donc un navire et c’est cette nature particulière qui définit les dispositions juridiques qui lui sont applicables. Le ministère de la transition énergétique a précisé à votre rapporteure certaines de ces dispositions :

– « le type de navire qui sera utilisé devra respecter les dispositions du Recueil IGC [Recueil international de règles relatives à la construction et à l’équipement des navires transportant des gaz liquéfiés en vrac], tel que défini à la Règle 11 de la Partie C du Chapitre VII de la Convention SOLAS [Convention internationale de 1974 sur la sauvegarde de la vie humaine en mer] et rendu d’application obligatoire par la Règle 12 de ce même chapitre ». Il est en outre nécessaire de garantir le maintien de la navigabilité du terminal : l’un des avantages du terminal flottant par rapport à un terminal méthanier classique est en effet son caractère réversible. Il faut donc que le navire puisse repartir lorsque le besoin aura cessé ;

– « les opérations de transfert et déchargement devront respecter les dispositions du règlement général de transport et de manutention des marchandises dangereuses dans les ports maritimes ainsi que celles du règlement local » ;

– enfin, le préfet peut toujours prescrire des mesures complémentaires.

b.   Le régime du droit d’accès des tiers existant pour les terminaux terrestres s’applique aux terminaux flottants

Les dispositions de droit commun applicables en matière de droit d’accès des tiers à un terminal GNL flottant sont identiques à celles applicables aux terminaux méthaniers terrestres :

– droit d’accès des tiers régi par les articles L. 111‑97 à L. 111‑104 du code de l’énergie et tarif d’utilisation de l’installation établi de manière transparente et non discriminatoire (article L. 452‑1‑2 du même code) ;

– possibilité d’un régime dérogatoire au droit d’accès des tiers mentionné à l’article L. 111‑109 du même code.

II.   Les dispositions proposÉes : la possibilitÉ d’obliger un opÉrateur de terminal mÉthanier flottant au maintien en exploitation de son installation

A.   l’obligation de maintien en exploitation d’un terminal GNL flottant afin de garantir la sécuritÉ d’approvisionnement

L’article 13 du projet de loi ouvre la possibilité, pour le ministre chargé de l’énergie, d’obliger l’opérateur d’un terminal méthanier flottant à maintenir son exploitation, en cas de nécessité d’augmenter les capacités d’import de gaz naturel pour assurer la sécurité d’approvisionnement en gaz. En contrepartie, cet article crée, au bénéfice de cet opérateur, un régime spécifique de compensation des coûts associés à cette obligation de maintien en exploitation.

Cet article prévoit que le ministre chargé de l’énergie désigne par arrêté l’installation ou le projet d’installation de terminal GNL flottant concerné par cette obligation. Le ministre fixe également la durée imposée de maintien en exploitation, ainsi que la date impérative de mise en service du terminal, le cas échéant.

La rédaction proposée de l’article 13 précise clairement que le terminal méthanier flottant demeure assujetti à la réglementation qui lui est applicable en matière de sécurité et d’environnement (droit international maritime, notamment). Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État considère que cet encadrement, précédemment décrit, lui paraît « de nature à garantir un degré d’exigence suffisant en matière de protection de la santé, de la sécurité et de la salubrité publiques ainsi qu’en matière de protection de l’environnement ».

B.   Le maintien en exploitation ouvre droit À une couverture des coÛts induits pour l’opÉrateur du terminal flottant

L’article 13 du projet de loi précise les conditions financières d’exploitation du terminal GNL flottant en cas d’obligation de maintien en exploitation.

L’exploitant devra établir un programme annuel d’investissements soumis à l’approbation de la CRE, à laquelle il appartiendra notamment de contrôler la réalisation des investissements nécessaires au bon fonctionnement de l’installation.

Les dispositions sur le droit d’accès des tiers sont adaptées en ce qu’elles concernent le tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel, du fait que l’opérateur peut être obligé de maintenir son installation en exploitation. Cette adaptation est présentée au paragraphe IV de l’article :

– les tarifs d’utilisation des réseaux de transport couvrent l’ensemble des coûts supportés par l’opérateur du terminal en raison de son maintien en exploitation, « dans la mesure où ces coûts correspondent à ceux d’un opérateur efficace » ;

– les gestionnaires de réseau de transport de gaz naturel reversent leur dû aux opérateurs, selon des modalités fixées par la CRE ;

– si les recettes issues de l’exploitation du terminal sont supérieures aux coûts associés à l’obligation de maintien en exploitation, l’excédent de recettes est reversé par l’exploitant au gestionnaire de réseau, selon des modalités fixées par la CRE.

Ces dispositions présentent certaines similarités avec le mécanisme de rémunération complémentaire existant pour les opérateurs des infrastructures de stockage, lorsque le montant issu de la mise aux enchères des capacités de stockage s’avère insuffisant ([277]).

Elles sont applicables uniquement en cas de droit d’accès des tiers transparent et non discriminatoire aux installations. Il n’y a donc pas de compensation en cas d’application du régime dérogatoire d’accès aux tiers prévu à l’article L. 111‑109 du code de l’énergie.

III.   la position de la commission des affaires Économiques

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté l’amendement CE104 de notre collègue Marie-Noëlle Battistel, contre l’avis de la rapporteure. Il prévoit qu’un décret en Conseil d’État précise les obligations de démantèlement qui incombent à l’exploitant d’un terminal méthanier flottant, ainsi que celles relatives à la renaturation des espaces artificialisés pour construire le terminal et les installations associées.

La commission a également adopté les amendements rédactionnels CE232, CE247, CE233, CE234, CE248, CE235, CE236 et CE237 de la rapporteure.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 14
Régime procédural dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 14 définit le régime procédural dérogatoire applicable à la construction d’une canalisation de raccordement entre le projet de terminal méthanier flottant du Havre et le réseau de transport de gaz naturel.

Cette dérogation est précisément encadrée. Les mesures prises pour l’analyse et la maîtrise des conséquences environnementales du projet, ainsi que pour l’information et la participation du public, y sont détaillées.

L’article 14 du projet de loi prévoit des dispositions spécifiques pour l’installation d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre. Disposer de ce terminal doit en effet permettre à la France de renforcer sa sécurité d’approvisionnement en gaz naturel.

Aujourd’hui, les importations de gaz naturel par gazoduc sont particulièrement menacées : selon l’étude d’impact annexée au projet de loi et en lien direct avec le conflit en Ukraine, les exportations de gaz russe vers l’Union européenne ont été inférieures de 40 % en mai 2022 par rapport au mois de mai 2021.

Par ailleurs, les possibilités d’importation depuis les pays frontaliers comme l’Allemagne, la Belgique ou la Suisse sont restreintes. L’étude d’impact souligne, à ce titre, que « la défaillance d’une seule infrastructure ou la poursuite d’exportations vers la Belgique ou la Suisse, telles qu’elles sont actuellement observées, pourrait conduire à rompre cet équilibre ».

C’est pourquoi, à l’instar d’autres pays européens, la France souhaite se doter d’un terminal méthanier flottant qui lui permettra d’accroître ses capacités d’importation de gaz naturel ([278]). Pour raccorder ce terminal flottant au réseau de transport de gaz naturel, il est nécessaire de construire des canalisations de raccordement, d’une longueur inférieure à 5 km.

Un terminal méthanier flottant présente l’avantage, par rapport à un terminal méthanier terrestre, d’être une solution temporaire et réversible : le navire faisant office de terminal méthanier peut en effet repartir lorsqu’il n’apparaît plus nécessaire à la sécurité d’approvisionnement en gaz de la France. De plus, un terminal méthanier flottant nécessite des délais de raccordement moins importants qu’un terminal méthanier terrestre.

Les dispositions de l’article 14 du projet de loi visent à permettre la mise en service de ce terminal méthanier flottant en amont de l’hiver 2023‑2024 ([279]). Elles traitent plus spécifiquement du régime dérogatoire d’autorisation applicable à la construction des canalisations de raccordement.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : les travaux de raccordement d’un terminal mÉthanier sont soumis À autorisation

A.   la construction d’une canalisation de transport de gaz naturel est soumise À autorisation

Le commentaire de l’article 13 du projet de loi rappelle qu’un terminal méthanier flottant relève notamment, de par sa nature même, du droit international maritime.

La construction et l’exploitation d’une canalisation de transport de gaz raccordant un terminal méthanier sont soumises aux dispositions de l’article L. 555‑1 du code de l’environnement. Cet article prévoit que de telles canalisations sont soumises au régime d’autorisation. Cette autorisation ne peut être accordée que si les dangers et inconvénients résultant de l’ouvrage « peuvent être prévenus par des mesures spécifiées par l’arrêté pris par l’autorité administrative compétente ». L’article L. 555‑10 du même code précise les modalités de délivrance et de modification d’une telle autorisation, notamment le contenu du dossier de demande.

Un tel projet peut être soumis, le cas échéant, à évaluation environnementale, en application des articles L. 122‑1 et suivants du code de l’environnement : certains projets devant obligatoirement être soumis à une telle évaluation sont définis par voie réglementaire ([280]) ; pour d’autres, un examen au cas par cas doit être mené, afin que l’autorité compétente décide ou non de soumettre le projet à évaluation. La réalisation d’une évaluation environnementale implique notamment des procédures de consultation du public et la réalisation d’un rapport d’évaluation des incidences du projet sur l’environnement.

B.   Le droit europÉen permet, sous certaines conditions, d’exonÉrer un projet d’évaluation environnementale

Le droit de l’Union européenne permet, sous certaines conditions, de dispenser un projet de l’évaluation environnementale auquel il devrait normalement être soumis, le cas échéant après un examen au cas par cas.

Les dispositions encadrant le recours à une telle dérogation figurent à l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2011/92/UE ([281]). La dispense d’évaluation environnementale n’est permise que « lorsque l’application desdites dispositions entraînerait une atteinte à la finalité du projet, pour autant que les objectifs de la présente directive soient atteints ». Un certain nombre d’obligations incombent néanmoins aux États membres lorsqu’une évaluation n’est pas réalisée, afin d’assurer la bonne prise en compte des incidences environnementales du projet, en particulier :

– examiner si une autre forme d’évaluation conviendrait ;

– mettre à la disposition du public, le cas échéant, les informations obtenues grâce à une autre forme d’évaluation, ainsi que celles relatives à la décision d’accorder une dispense et les motivations qui l’accompagnent ;

– informer la Commission européenne des motifs d’une telle exemption et lui fournir les informations mises à disposition de leurs ressortissants.

Cette directive n’a pas été transposée en droit interne.

II.   Les dispositions proposÉes : un rÉgime spÉcifique pour accÉlÉrer la mise en service du terminal mÉthanier du havre

A.   UN rÉgime spÉcifique À la construction de la canalisation de transport de gaz naturel

Face à l’urgence de sécuriser l’approvisionnement du pays en gaz naturel, l’article 14 fixe le cadre juridique dérogatoire applicable au raccordement d’un terminal méthanier flottant, celui du Havre, au réseau de transport de gaz naturel.

Une transposition ponctuelle de dispositions de la directive 2011/92/UE est ainsi réalisée, afin d’ouvrir la possibilité de dispenser le projet de la procédure d’évaluation environnementale. Selon le ministère de la transition énergétique, ces dispositions permettront de réduire les délais et de simplifier le contenu des dossiers nécessaires tout en garantissant la préservation de l’environnement au travers des dispositions envisagées.

1.   L’avis du Conseil d’État confirme la possibilité de recourir à un régime procédural dérogatoire pour un projet spécifiquement désigné

Dans son avis sur le présent projet de loi, le Conseil d’État confirme à plusieurs titres la possibilité d’un tel régime procédural dérogatoire :

– le Conseil rappelle que le droit de l’Union européenne ne permet d’instituer un régime d’instruction dérogatoire qu’à titre exceptionnel et pour des projets définis. C’est bien le cas en l’espèce, puisque l’article 14 dispose que les dérogations prévues s’appliquent au projet d’installation d’un terminal méthanier flottant dans la circonscription du grand port fluviomaritime de l’axe Seine (site du Havre) ;

– le Conseil considère que ces dérogations « trouvent dans l’urgence s’attachant à la mise en service de cet équipement particulier un intérêt général suffisant pour les justifier » ;

– enfin, le Conseil admet la possibilité de déroger à la procédure d’évaluation environnementale grâce à une transposition ponctuelle de la directive 2011/92/UE précitée : « La circonstance que cette disposition de la directive, qui ouvre une faculté aux États membres, n’ait pas été transposée, en droit interne, par des dispositions générales introduites dans le code de l’environnement, ne fait pas obstacle à ce que des dispositions particulières, destinées à ne régir qu’un seul projet, opèrent une telle transposition, qui demeure nécessaire ».

2.   L’article 14 du projet de loi définit un champ d’application strictement limité

Le périmètre d’application défini par l’article 14 du projet de loi apparaît particulièrement circonscrit :

– les dispositions prévues s’appliquent uniquement au projet de terminal méthanier flottant du Havre ;

– les dérogations permises devront être « strictement proportionnées » aux besoins du projet et ne sont valables que jusqu’au 1er janvier 2025 ;

– le type de construction concerné est défini de manière précise et limitative : « une canalisation de transport de gaz naturel d’une longueur de moins de cinq kilomètres ainsi que (…) la construction des installations annexes qui lui sont associées ».

B.   le contenu du rÉgime dÉrogatoire mis en place par l’article 14

Le régime dérogatoire mis en place ne prive pas l’autorisation de construction de la canalisation de toute garantie environnementale : il aménage le droit existant pour permettre d’accélérer et de simplifier certaines procédures préalables à la mise en service du terminal méthanier flottant.

Le I de l’article 14 dispose ainsi que l’instruction du projet peut être conduite selon tout ou partie des règles dérogatoires prévues à l’article 14 « lorsque l’application des règles de droit commun serait incompatible avec la finalité poursuivie par le projet, en particulier sa date de mise en service ».

Le II de l’article prévoit la possibilité d’exonérer le projet d’évaluation environnementale, le cas échéant après examen au cas par cas. Cette dispense sera accordée par le ministre chargé de l’environnement. Certaines informations doivent être mises à disposition du public par l’autorité compétente avant d’accorder l’autorisation :

– le projet de décision de dispense et les motifs qui justifient cette dernière ;

– un dossier établi par le porteur de projet et qui fait état des incidences notables de celui‑ci sur la santé et l’environnement, avec les mesures de compensation prévues le cas échéant ;

– les raisons qui expliquent en quoi l’évaluation environnementale porterait atteinte à la finalité du projet.

En application des dispositions de la directive 2011/92/UE, la Commission européenne devra être informée du projet de décision.

Le III de l’article prévoit, comme unique aménagement aux dispositions applicables en vigueur en cas d’atteinte prévue ou prévisible à des espèces protégées ou à leur habitat, que les mesures compensatoires nécessaires puissent être prescrites dans les 6 mois suivant l’autorisation. Elles devront être mises en œuvre dans un délai maximal de 2 ans. Des mesures d’évitement et de réduction sont prescrites avant l’engagement des travaux.

Le IV de l’article mentionne les dispositions applicables en matière de déclaration d’utilité publique.

Le V de l’article dresse la liste des éléments à fournir pour la demande d’autorisation : les consultations obligatoires à mener sont réduites ; la demande d’autorisation sera communiquée, pour avis, aux communes situées à moins de 500 mètres de la canalisation ; les communes disposeront d’un mois pour se prononcer et, à défaut de réponse, leur avis sera réputé favorable. Une étude des dangers demeure obligatoire.

Ce paragraphe prévoit aussi que l’autorisation ne pourra être délivrée qu’après une procédure de participation du public, dans les conditions prévues à l’article L. 123‑19-2 du code de l’environnement.

Le VI de l’article permet de lancer les travaux soumis au seul régime déclaratif et nécessaires pour préparer la pose et la construction de la canalisation avant l’obtention de l’autorisation, lorsqu’ils sont réalisés dans un milieu déjà artificialisé.

Le VII de l’article ouvre la possibilité de limiter les travaux d’archéologie préventive à réaliser au seul cas où les travaux de construction de la canalisation et des infrastructures associées sont susceptibles d’avoir un impact « notable et direct » sur le patrimoine archéologique.

Enfin, le VIII de l’article permet de dispenser le projet de la procédure de sélection préalable normalement applicable aux autorisations d’occupation du domaine public, lorsque « les motifs tenant à l’urgence d’assurer la sécurité énergétique nationale la justifient ».

III.   La position de la commission des affaires Économiques

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté l’amendement CE106 de Mme Marie-Noëlle Battistel, qui encadre la durée d’autorisation d’exploitation du futur terminal méthanier flottant du Havre. Celle‑ci sera limitée à cinq ans et ne pourra être prolongée que par la loi.

La commission a également adopté les amendements rédactionnels CE238, CE239, CE240, CE241, CE242, CE249, CE243, CE244, CE245 et CE246 de la rapporteure.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Chapitre II
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité

Article 15
Permettre l’embauche et la réembauche de salariés pour faire face à la reprise temporaire d’activité de centrales à charbon

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 15 permet, à titre dérogatoire et temporaire, de réembaucher d’anciens salariés, et, le cas échéant, d’en recruter de nouveaux afin de remettre en activité certaines centrales à charbon pour faire face aux besoins d’approvisionnement en électricité durant l’hiver 2022‑2023.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR : L’ACCOMPAGNEMENT DES SALARIÉS DANS LE CADRE DE LA FERMETURE DES CENTRALES À CHARBON PAR l’ORDONNANCE N° 2020-921 du 29 JUILLET 2020

A.   la fermeture programmÉe des centrales À charbon A ENTRAÎNÉ LA MISE EN œuvre DE MESURES D’ACCOMPAGNEMENT SOCIAL POUR LES SALARIÉS CONCERNÉS

Conformément à l’objectif affiché de « sortir notre pays du charbon », l’article 12 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (LEC) avait prévu le plafonnement, à compter du 1er janvier 2022, des émissions de gaz à effet de serre des centrales de production d’électricité à partir de combustibles fossiles émettant plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure (tCO2/MWh). Le décret pris ultérieurement impliquait la fermeture de quatre centrales à charbon, dont la centrale Émile Huchet de Saint‑Avold (Moselle), arrêtée depuis le 31 mars 2022 ([282])

L’arrêt de ces centrales ayant des conséquences lourdes sur l’emploi de leurs personnels, l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020, prise en application de l’article 12 de la LEC, a défini des mesures d’accompagnement spécifiques pour ces salariés.

L’article 1er de l’ordonnance précise que seuls les salariés dont l’entreprise met en place un plan de sauvegarde de l’emploi sont éligibles aux dispositions prévues par le titre Ier de l’ordonnance. En pratique, ces dispositions s’appliquent aux seuls salariés des centrales exploitées par Gazel Énergie à Saint‑Avold et Gardanne-Meyreuil, les salariés des centrales du Havre et de Cordemais ayant été reclassés en interne par Électricité de France (EDF).

L’article 4 prévoit que, lors du congé de reclassement, tel que défini à l’article L. 1233-71 du code du travail et pour la période excédant le préavis, une allocation est versée par l’employeur au salarié. Cette allocation est complétée par une allocation à la charge de l’État. Ce complément a été fixé par l’article 1er du décret n° 2021-297 à 13 % maximum du montant de la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié sur les douze derniers mois travaillés.

Le cœur du dispositif de soutien aux salariés des centrales à charbon repose sur la mise en place d’un congé d’accompagnement spécifique (CAS) aux articles 6 et suivants de l’ordonnance pour les salariés qui n’auraient pas retrouvé d’emploi à l’expiration du congé de reclassement. La mise en place de ce congé fait l’objet d’une convention individuelle entre l’employeur et le salarié. La durée du CAS est de douze mois et peut être portée à dix-huit mois pour les salariés proches de l’âge de la retraite.

Durant ce congé, le salarié perçoit une allocation versée par l’employeur et prise en charge par l’État. Le montant de cette allocation est égal à :

– 70 % de la rémunération mensuelle brute moyenne perçue par le salarié au cours des douze mois précédant le congé de reclassement, durant les six premiers mois du CAS ;

– puis 65 % de cette rémunération à compter du septième mois du CAS.

Dans une logique d’incitation au retour à l’emploi, le salarié bénéficiaire de ce dispositif s’engage à suivre des actions de formation et de validation des acquis de l’expérience professionnelle, l’ordonnance prévoyant notamment un accès facilité au dispositif Pro A et aux formations du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Le salarié qui retrouve un emploi avant le terme du congé peut poursuivre le CAS auprès d’un nouvel employeur. La prise en charge financière de l’allocation par l’État se trouve alors réduite, le nouvel employeur devant assumer un reste à charge de 10 % durant les six premiers mois de la poursuite du congé et de 20 % à compter du septième mois.

B.   LA SITUATION ACTUELLE DES ANCIENS SALARIÉS DE sAINT-Avold

Dans le cadre de la fermeture de la centrale Émile Huchet, son exploitant Gazel Énergie a mis en place un document unilatéral portant plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), homologué par l’administration le 31 mars 2021. Ce document prévoit que tous les salariés concernés se voient proposer un congé de reclassement de douze mois, pouvant être porté à dix-huit mois pour les salariés âgés de quarante‑cinq et plus, avec une allocation de reclassement égale à 65 % de la rémunération brute des douze derniers mois, conformément aux dispositions de l’ordonnance n° 2020-921.

Le plan de sauvegarde de l’emploi prévoyait 87 départs volontaires pour le site de Saint-Avold. Selon les informations communiquées à votre rapporteure par les services du ministère chargé de la transition énergétique, 3 salariés sont partis avant la conclusion du PSE, 7 ont fait valoir leurs droits à la retraite depuis mars, 7 autres sont déjà reclassés et un dernier est en cours de reconversion.

II.   LE DROIT PROPOSÉ : PERMETTRE, À titre dÉrogatoire et provisoire, L’EMBAUCHE ET LA RÉEMBAUCHE DE SALARIÉS POUR FAIRE FACE AUX DIFFICULTÉS CONJONCTURELLES D’APPROVISIONNEMENT EN électricité

A.   LA REPRISE TEMPORAIRE D’ACTIVITÉ DES CENTRALES À CHARBON IMPLIQUE L’ADOPTION DE DISPOSITIONS DÉROGATOIRES AU CODE DU TRAVAIL

Dans un contexte d’insécurité sur l’approvisionnement en gaz résultant de la guerre en Ukraine et de la moindre disponibilité des centrales nucléaires sur le territoire national, le gestionnaire national du réseau de transport d’électricité (RTE) estime que « la sécurité d’approvisionnement en électricité de la France pour l’hiver 2022 sera sous forte vigilance. » ([283]).

Pour faire face à ce risque, il est apparu nécessaire de permettre la relance ponctuelle de la production électrique de certaines centrales à charbon. Un décret actuellement en consultation prévoit ainsi un rehaussement du plafond applicable aux centrales à charbon pour répondre aux menaces sur l’approvisionnement en électricité ; cela permettra d’accroître, si nécessaire, la production des deux unités encore ouvertes à la centrale de Cordemais (deux tranches de 600 MW) et de rouvrir temporairement la centrale de SaintAvold (une tranche de 600 MW), qui peut techniquement redémarrer.

L’article 16 du projet de loi propose précisément de conforter la base légale de ce décret, tout en introduisant une obligation de compensation complémentaire des émissions de gaz à effet de serre générés par ces reprises d’activité (cf. commentaire de l’article 16 du présent projet de loi).

La réouverture de la centrale de Saint‑Avold suppose le recrutement de personnels afin de préparer sa relance, de la faire fonctionner en tant que de besoin pendant l’hiver 2022-2023, puis de gérer sa remise à l’arrêt (on parle de « décommissionnement »). Au surplus, les opérations de maintenance nécessaires à la réouverture d’une centrale fermée depuis cinq mois impliquent leur lancement dans les meilleurs délais. Dans ces conditions, il apparaît opportun de privilégier la réembauche de ses anciens salariés.

Tel est l’objet du présent article 15 qui vise, en premier lieu, à autoriser la réembauche, ou l’embauche, de salariés pour assurer la reprise d’activité des centrales à charbon en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité du pays, et ce, dès le 1er juillet (IV de l’article). La proximité du risque justifie en effet un lancement anticipé du processus de recrutement. L’article 15 ouvre cette faculté pour toutes les centrales à charbon fermées ; mais il ne concernera, dans les faits, que celle de Saint-Avold.

En l’espèce, si le rappel des anciens salariés constitue bien l’option privilégiée, le vivier disponible ne représente plus que 69 à 70 personnes, alors que Gazel Énergie a besoin de 70 personnes au moins selon les informations communiquées à votre rapporteure. Le rappel prioritaire des anciens salariés reposant sur la base du volontariat, il est également nécessaire de prévoir la possibilité d’embaucher des compétences venues de l’extérieur.

Les salariés extérieurs nouvellement embauchés ne bénéficieraient pas des dispositions dérogatoires au code du travail spécifiquement prévues par le présent article en faveur des anciens salariés des centrales, telles la suspension de leurs congés de reclassement ou d’accompagnement spécifique et la possibilité de prolonger leurs contrats jusqu’à 36 mois (voir ci‑après), à moins de venir d’autres centrales à charbon fermées. L’article 15 vise ainsi à préserver les avantages que ces salariés ont acquis dans le cadre de leur PSE, tout en assurant à l’entreprise de disposer des compétences nécessaires jusqu’à la remise à l’arrêt de la centrale. Dans son avis du 4 juillet 2022 ([284]), le Conseil d’État a considéré que la situation est de nature à justifier la différence de traitement entre les anciens salariés des centrales à charbon et d’éventuels contractuels nouvellement recrutés.

Eu égard aux circonstances exceptionnelles qui peuvent nécessiter la reprise d’activité des centrales à charbon et à la brièveté des délais pour y répondre, l’article 15 prévoit, en second lieu, un certain nombre de dérogations, limitées dans le temps, à plusieurs dispositions législatives du code du travail pour permettre la réembauche des anciens salariés, voire le recrutement de nouveaux. Dans son avis précité, le Conseil d’État estime que ces dérogations sont « justifié[es] par un motif d’intérêt général » tiré de la situation spécifique des centrales à charbon qui, alors qu’elles ont dû récemment interrompre leur activité, sont incitées à la relancer temporairement en vue de garantir l’indépendance énergétique de la France ([285]).

B.   DES DÉROGATIONS LIMITÉES DANS LE TEMPS

Le présent article introduit un article 21 bis au sein de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon afin d’introduire les dérogations impératives qui permettront de recruter le personnel nécessaire à la reprise d’activité de la centrale.

● Le I ouvre un nouveau cas, très délimité, autorisant le recours aux contrats de travail à durée déterminée (CDD) ou aux contrats de mission aux entreprises ayant mis en œuvre un PSE – en l’espèce, Gazel Énergie –, en sus des cas mentionnés aux articles L. 1242-2, L. 1242-3, L. 1251-6 et L. 1251-7 du code du travail : celui d’une reprise temporaire d’activité résultant de la mise en œuvre, par l’autorité administrative, de la faculté ouverte par l’article 16 du présent projet de loi pour faire face aux menaces sur l’approvisionnement en électricité.

Le paragraphe I précise par ailleurs les modalités, également dérogatoires, de ces contrats :

– ils peuvent être conclus avec des salariés qui ont été licenciés économiques à l’occasion de la fermeture des centrales. Le congé de reclassement ou le congé d’accompagnement spécifique dont bénéficiait le salarié est alors suspendu pendant la durée du nouveau contrat conclu. Le terme initial du congé de reclassement ou, s’il a déjà débuté, le terme du congé d’accompagnement est reporté pour une durée égale à celle de la période de travail effectuée () ;

– Par dérogation à l’interdiction posée par les articles L. 1242-5 du code du travail relatif aux conditions de passation d’un CDD et L. 1251-9 du même code relatif à la conclusion d’un contrat de travail temporaire, l’employeur peut conclure de tels contrats dans les six mois suivant le licenciement économique (). Cette disposition s’applique tant pour la réembauche d’anciens que pour le recrutement de nouveaux salariés.

● Le II fixe une durée maximale dérogatoire de trente-six mois pour la conclusion des CDD ou contrats de mission avec les anciens salariés de centrale à charbon fermée. La durée de trente-six mois doit permettre de couvrir les besoins en énergie de l’hiver 2022-2023 mais surtout l’ensemble des missions induites depuis la maintenance initiale jusqu’à la nouvelle fermeture de la centrale. En revanche, la durée de droit commun de dix-huit mois continuera de s’appliquer pour les éventuels salariés nouvellement recrutés.

● En complément, le III vient supprimer le délai de carence qui doit, en vertu des articles L. 1244-3 du code du travail pour le CDD et L. 1251-36 du même code pour le contrat de mission, s’écouler entre la fin du contrat et la réembauche d’un salarié pour le même poste, en cas de contrats successifs. Cette dérogation vise indifféremment les anciens salariés et les nouveaux embauchés afin d’assurer une continuité dans l’exécution des tâches indispensables à l’activité de la centrale.

● Enfin, le IV circonscrit l’application de ce nouvel article 21 bis à la période courant du 1er juillet 2022 au 31 décembre 2023, démontrant le caractère exceptionnel des dérogations apportées au code du travail.

III.   La position de la commission

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article, après avoir adopté trois amendements rédactionnels de sa rapporteure (CE 260, 262 et 263).

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 16
Permettre la reprise d’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement en électricité et imposer la compensation renforcée des émissions de gaz à effet de serre en résultant

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 16 vise à conforter la base légale de la reprise ou du renforcement de l’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisonnement électrique national, et à soumettre en contrepartie les exploitants de ces installations à une obligation de compensation additionnelle des émissions de gaz à effet de serre qui en résulterait.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR

A.   Le dÉclin volontariste de l’utilisation du charbon comme source d’Énergie en France

Conformément à la promesse du Président de la République de fermer l’ensemble des centrales à charbon présentes sur le territoire d’ici la fin de l’année 2022, l’article 12 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat (LEC) avait prévu le plafonnement par décret, à compter du 1er janvier 2022, des émissions de gaz à effet de serre des installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles (fioul ou charbon) situées sur le territoire métropolitain continental et émettant plus de 0,55 tonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawattheure (t CO2/MWh) ([286]).

En instaurant ainsi un plafond annuel de 0,7 kilotonne d’équivalents CO2 par mégawatt (article D. 311-7 du code de l’énergie), le décret n° 2019-1467 du 26 décembre 2019 a limité le fonctionnement des centrales électriques à 600 ou 700 heures par an ([287]). Cela devait en particulier conduire à la fermeture progressive des quatre dernières centrales à charbon encore en activité au moment du vote de la loi.

À l’été 2022, la France ne dispose plus que de deux unités de production encore en fonctionnement, pour une puissance totale de 1 200 mégawatts (MW), dans la centrale située à Cordemais (Loire-Atlantique) et exploitée par EDF. Cette centrale est aujourd’hui utilisée en complément du nucléaire et des énergies renouvelables lors des pics de consommation d’électricité, afin de garantir l’équilibre du réseau électrique. Par conséquent, sa production peut varier fortement d’une année sur l’autre. En 2021, 2,61 TWh y ont été produits pour répondre aux variations de la demande d’électricité. Un projet de reconversion de cette installation en centrale à combustible à base de bois de « déchets » a été abandonné par EDF, tandis que son autorisation d’exploitation a finalement été prolongée jusqu’en 2024.

Ces installations sont, en tout état de cause, soumises au marché carbone européen tant qu’elles sont en activité. Elles doivent donc restituer des quotas d’émissions de gaz à effet de serre pour chaque tonne de CO2 qu’elles émettent, conformément au droit européen et à l’article L. 229-7 du code de l’environnement.

En dehors de la centrale de Cordemais, la centrale Émile Huchet (600 MW) située à Saint‑Avold (Moselle) a été arrêtée en mars 2022, mais elle demeure opérationnelle et pourrait redémarrer.

B.   Une relance dÉjÀ lÉgalement possible

Selon l’article L. 311-1 du code de l’énergie, l’exploitation d’une installation de production d’électricité est subordonnée à la détention d’une autorisation administrative. Les critères de l’autorisation sont fixés à l’article L. 311-5 et concernent notamment l’impact de l’installation sur les objectifs de lutte contre l’aggravation de l’effet de serre. L’autorisation d’exploiter doit ainsi être compatible avec la programmation pluriannuelle de l’énergie, laquelle prévoit une réduction de la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 30 % en 2030 par rapport à 2012.

Le décret du 26 décembre 2019 précité s’inscrivait précisément dans cette trajectoire.

Toutefois, l’article L. 143-4 du code de l’énergie permet toujours au ministre chargé de l’énergie de prendre des mesures temporaires de sauvegarde en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité.

Il faut rappeler que si la loi du 8 novembre 2019 précitée a bien limité le fonctionnement des centrales à charbon, elle ne l’a pas formellement interdit. Et si l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie rappelle l’objectif impérieux de réduction des émissions nationales de gaz à effet de serre, il laisse au pouvoir réglementaire la compétence pour fixer le plafond d’émissions des centrales le plus adapté.

En l’état du droit, le ministre chargé de l’énergie est donc fondé à revenir sur cette limitation en cas de menaces pour l’indépendance énergétique de notre pays.

Pour sécuriser le passage de l’hiver 2021-2022 dans un contexte d’indisponibilité d’une partie du parc nucléaire (en raison de problèmes de corrosion sous contrainte et des suites de la crise sanitaire), le décret n° 2022-123 du 5 février 2022 a modifié une première fois les dispositions de 2019, en prévoyant un plafond de :

– 1 kilotonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée entre le 1er janvier 2022 et le 28 février 2022 ;

– 0,6 kilotonne d’équivalents dioxyde de carbone par mégawatt de puissance électrique installée entre le 1er mars 2022 et le 31 décembre 2022.

Cela n’a pourtant pas suffi et la France a dû recourir à des importations massives d’électricité, parfois proches du seuil technologique maximum, pour faire face à ses besoins lors du dernier hiver.

Or, les problèmes de disponibilité des centrales nucléaires persistent, les productions d’électricité renouvelable ne sont pas encore pilotables et la guerre en Ukraine fait peser des risques sur l’approvisionnement en gaz. Cette conjonction de menaces fait craindre à Réseau de transport d’électricité (RTE) que la sécurité d’approvisionnement électrique de notre pays puisse être remise en cause pendant l’hiver 2022-2023.

Dans le cadre de l’examen du présent projet de loi, votre rapporteure s’est entretenue avec des responsables de RTE.

Publié en mars 2021, le bilan prévisionnel 2021-2030 de RTE appelait à la vigilance pour les prochains hivers en raison des faibles marges de réponse du système électrique national. La disponibilité dégradée du parc nucléaire, pour des raisons structurelles et conjoncturelles, le retard de l’EPR de Flamanville et les retards accumulés sur les nouveaux moyens de production renouvelables pesaient déjà sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de notre pays. RTE craignait alors des tensions entre l’offre et la demande en cas de vagues de froid (de l’ordre de 4 °C en dessous des normales), de situation de très faible production éolienne sur la plaque européenne ou de forte dégradation supplémentaire de la disponibilité du parc de production nucléaire.

Depuis cette date, la guerre en Ukraine est venue exacerber les tensions sur les prix de l’énergie et l’approvisionnement en gaz de l’Europe.

RTE vient donc de relancer son dispositif d’étude sur la sécurité d’approvisionnement afin d’actualiser son diagnostic sur le passage de l’hiver 2022-2023. Mais il salue d’ores et déjà les mesures prévues par le titre III du présent projet de loi pour préserver la souveraineté énergétique de la France.

Dans ces conditions, le Gouvernement estime que faire fonctionner les centrales à charbon plus que ce que permet le plafond actuel permettrait de limiter ce risque. Il s’agit de regagner des marges de sécurité stratégiques.

Un projet de décret, en consultation publique jusqu’au 21 juillet 2022, prévoit donc le rehaussement du plafond d’émissions des centrales pour permettre des émissions supplémentaires jusqu’à 2 500 kilotonnes d’équivalents dioxyde de carbone sur la période comprise entre le 1er octobre 2022 et le 31 mars 2023. Cela permettrait de disposer des 1,8 gigawatt de puissance des centrales de Cordemais et Saint-Avold, remise en activité, dans la limite d’un plafond d’environ 2 500 heures supplémentaires sur la période (au lieu des 600 heures annuelles actuellement autorisées). Ce rehaussement permettrait la production d’environ 5 TWh d’électricité supplémentaire. Le seuil précédent, fixé à 0,6 kt CO2e/MW, serait réinstauré à partir du 1er avril 2023, avant de retrouver le plafond réglementaire d’origine dès le 1er janvier 2024 (0,7 kt CO2e/MW).

Même avec un tel rehaussement, la production d’électricité à partir de charbon resterait marginale en France (de l’ordre de 1 %).

Toutefois, eu égard au caractère primordial de la lutte contre l’effet de serre, il est apparu nécessaire, à la fois, de confirmer la possibilité légale de relever ces plafonds au regard des impératifs de sécurité d’approvisionnement en électricité, en confortant son fondement juridique, et de lui associer, en contrepartie, une obligation de compensation carbone renforcée.

II.   LE DROIT PROPOSÉ

A.   confirmer la possibilité de rehausser temporairement l’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement national en électricité

Si le premier alinéa de l’article 16 paraît se contenter de citer le projet de décret actuellement en consultation, reconnaissant implicitement la légalité de la décision du pouvoir réglementaire de rehausser le plafond des émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon « afin d’assurer les objectifs de sécurité d’approvisionnement et de réduction de la dépendance aux importations [et de répondre] à un besoin exceptionnel en énergie susceptible d’affecter la vie de la Nation » (cf. notice du projet de décret), l’étude d’impact souligne expressément son objectif de clarifier la possibilité légale de relever le plafond d’émissions mentionné au II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie dans des circonstances exceptionnelles.

L’article vise plus précisément le cas d’une « menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national ».

Le rehaussement ainsi justifié doit évidemment s’inscrire dans un temps limité, circonscrit par l’importance des risques et l’urgence des besoins.

Cela concernera le prochain hiver ; mais l’article 16 dessine aussi un cadre juridique qui pourra être réactivé en tant que de besoin. Interrogés par votre rapporteure, les services ministériels confirment que l’intention immédiate est de rehausser le plafond d’émissions du 1er octobre 2022 au 31 mars 2023, mais que de nouveaux décrets seraient susceptibles d’être pris si des situations analogues venaient à se répéter au cours des hivers suivants.

En contrepartie des aménagements ainsi rendus possibles, le projet de loi prévoit d’imposer la surcompensation des émissions résultant de la remobilisation des centrales.

B.   Imposer, en contrepartie, aux exploitants des centrales une compensation carbone renforcÉe

L’article 16 prévoit que le décret rehaussant le plafond d’émissions des centrales à combustibles fossiles devra imposer aux exploitants des installations concernées une compensation spécifique des émissions de gaz à effet de serre résultant de ce rehaussement – ou plus exactement des émissions supplémentaires générées par la remobilisation effective des centrales, le nouveau plafond n’étant qu’un maximum.

Si le premier alinéa de l’article 16 renvoie au décret de rehaussement la définition du niveau et des modalités de la nouvelle compensation, le second alinéa précise que cette obligation de compensation ne dispense pas les exploitants de leurs obligations de restitution des quotas carbone définies par le marché carbone européen (également appelé EU ETS) et transcrites dans l’article L. 2297 du code de l’environnement. Elle viendrait s’ajouter aux obligations déjà existantes.

En outre, l’article L. 229-7 obligeant les exploitants à restituer – sous peine de sanctions – une unité carbone pour chaque tonne de CO2 émise par leurs installations durant l’année civile, les volumes des quotas carbone devant être rendus seraient eux-mêmes augmentés à due concurrence des émissions de gaz à effet de serre supplémentaires.

Dans son avis du 4 juillet 2022 ([288]), le Conseil d’État souligne que la mesure de compensation additionnelle est « nécessaire pour sécuriser sur le plan juridique la remobilisation des centrales à charbon ».

Le charbon est, en effet, le combustible qui émet le plus de gaz à effet de serre ([289]) et toute inflexion de la courbe des émissions de ces gaz apparaît incompatible avec l’atteinte des objectifs de réduction fixés par l’article L. 100-4 du code de l’énergie, lequel fixe les objectifs de la politique énergétique et notamment l’objectif de réduire la consommation énergétique primaire d’énergies fossiles de 40 % en 2030 par rapport à l’année de référence (2012). Le Conseil d’État rappelle notamment qu’une relance de la consommation d’énergies fossiles dépourvue de cette nouvelle compensation serait susceptible de tomber sous le coup de sa jurisprudence « Commune de Grande Synthe » du 19 novembre 2020 – une compensation que le Gouvernement devra calibrer « de manière à se conformer à ces décisions [jurisprudentielles] ».

De fait, l’impact sur l’environnement de la remobilisation des centrales à charbon ne serait pas négligeable, puisque le rehaussement de leurs émissions correspondrait – si les 2 500 heures d’exploitation excédentaires étaient atteintes – à 4,5 millions de tonnes de CO2 supplémentaires (le charbon émettant environ 0,9 tCO2/MWh, sur des émissions globales moyennes annuelles d’environ 290 millions de tonnes de CO2 pour la France), ce qui représente l’équivalent de près de 2 millions de véhicules en circulation.

Afin d’en limiter les répercussions climatiques, le projet de décret prévoit donc que toutes les émissions allant au-delà du plafond actuel devront faire l’objet d’une compensation carbone supplémentaire, via des projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’augmentation de l’absorption de CO2 – par exemple des boisements, la reconstitution de peuplements forestiers dégradés, l’accompagnement de la transition vers des pratiques agricoles vertueuses, la plantation de haies, etc. Il convient cependant d’observer que la réduction ou l’absorption des émissions se fera dans un calendrier différé par rapport aux émissions de CO2 dues au fonctionnement des centrales. Aussi l’impact climatique, bien qu’atténué, ne sera pas immédiatement annulé.

En l’espèce, les projets envisagés pour la relance de la centrale de Saint‑Avold bénéficieraient essentiellement à la région Grand Est.

Selon l’étude d’impact, il est estimé – et prévu dans le projet de décret – que compenser des émissions carbone avec des projets de bonne qualité environnementale se fera à un coût moyen de 27,5 euros par tonne équivalent CO2, soit un coût global qui serait proche de 124 millions d’euros si la totalité de l’option de dépassement du plafond était atteinte. Le paiement de cette « obligation » devrait intervenir avant le 31 mai 2023 et l’ensemble des obligations viendrait alimenter un fonds de financement de projets de réduction des émissions de gaz à effet de serre ou d’augmentation de l’absorption de CO2.

À cet égard et selon les dispositions de l’article L. 229-55 du code de l’environnement, les réductions et séquestrations de carbone issues des projets permettant de compenser les émissions de gaz à effet de serre doivent répondre aux principes suivants : être mesurables, vérifiables, permanentes et additionnelles. Pour s’acquitter de leur obligation de compensation, les exploitants utilisent en théorie des crédits carbones. Il s’agit de documents délivrés à la suite d’un projet de compensation qui certifie que l’exploitant a supprimé ou évité des émissions de CO2. Un crédit carbone est une unité équivalente à une tonne de CO2 évitée ou séquestrée. Le décret devra préciser la méthode employée pour garantir la compensation des émissions supplémentaires.

L’obligation de compensation renchérirait alors d’environ 24,75 euros par MWh le coût marginal de l’électricité produite par les centrales à charbon. Toutefois, le coût de l’électricité répercuté sur le consommateur est le coût marginal de la centrale la plus onéreuse sur le réseau. Compte tenu des tensions actuelles sur les réseaux, ce sont les centrales à gaz qui devraient peser la plupart du temps sur les prix de vente aux consommateurs finals. Les services du ministère chargé de la transition énergétique estiment que le différentiel de prix est suffisamment élevé pour que la production électrique des centrales à charbon demeure rentable pour leurs exploitants, malgré la surcompensation, et l’impact sur le consommateur très faible.

III.   La position de la commission

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article avec les modifications décrites ci-après.

La commission a adopté deux amendements rédactionnels de sa rapporteure (CE265 et 266) ainsi qu’un amendement CE264 qui réécrit le premier alinéa de cet article, afin :

– de clarifier l’énoncé des deux principes pérennes ici introduits, à savoir la faculté de relever le plafond d’émissions de gaz à effet de serre des centrales à charbon en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de notre pays et la création d’une compensation spécifique, obligatoire et intégrale des émissions supplémentaires résultant des reprises d’activité ainsi autorisées ;

– de définir le cadre légal des mesures de compensation qui seraient ainsi financées, en les soumettant aux exigences de qualité posées par l’article L. 229-55 du code de l’environnement pour les projets de réduction ou de séquestration de carbone.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Chapitre III
Dispositions relatives à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Article 17
Permettre le transfert des droits ARENH aux fournisseurs de secours

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 17 permet de transférer les volumes d’électricité relevant du dispositif d’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) réservés par un fournisseur défaillant – ou ayant perdu son autorisation de vendre de l’électricité sur le marché français – aux fournisseurs de secours qui ont pris en charge ses clients.

Les trois articles du chapitre III du titre III du projet de loi apportent certains aménagements au dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

Le mécanisme de l’ARENH a été mis en place par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité (dite « loi NOME »), dans le double objectif d’ouvrir effectivement à la concurrence un marché de la fourniture d’électricité dominé par Électricité de France (EDF) et de permettre aux consommateurs français de continuer à bénéficier de prix compétitifs, car reflétant les coûts amortis du parc nucléaire historique, quel que soit leur choix de fournisseur. Il est la contrepartie de la mise en extinction des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE).

Encadré par les articles L. 336-1 et suivants du code de l’énergie, ce mécanisme impose à EDF de livrer chaque année, aux fournisseurs alternatifs qui ont demandé à bénéficier du dispositif, un certain volume de l’électricité qu’elle produit (cf. le commentaire de l’article 19) à un prix fixe, défini par arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie et censé représenter les conditions économiques de production et de fonctionnement du parc nucléaire français en service à la date de promulgation de la loi de 2010.

Ce prix est fixé, sans changement depuis le 1er janvier 2011, à 42 euros le mégawattheure (€/MWh) cédé. Un relèvement à 46,2 €/MWh a bien accompagné l’augmentation de 20 TWh du volume global d’ARENH à céder en 2022, mais dans les deux cas, ces tarifs restent très en‑deçà des prix actuels sur les marchés de gros de l’électricité, auprès desquels les fournisseurs concurrents achètent l’énergie qu’ils ne produisent pas eux-mêmes. Les fournisseurs ne pouvant surenchérir sur un prix connu de tous, chaque consommateur bénéficie alors d’un coût d’approvisionnement au prix de l’ARENH pour la partie correspondant à ses droits ARENH. Même s’il ne régule qu’une partie de l’énergie achetée, le dispositif permet, par sa grande stabilité et son niveau tarifaire, de limiter notablement le renchérissement et les variations du prix de l’électricité pour les consommateurs français.

En pratique, les fournisseurs alternatifs doivent souscrire les volumes d’ARENH qu’ils souhaitent réserver pour l’année civile, à l’occasion d’un « guichet » organisé en fin d’année précédente ([290]). Ces volumes d’électricité sont déterminés par les caractéristiques de leurs portefeuilles de clients, chaque consommateur d’électricité qui réside en France métropolitaine procurant à son fournisseur un « droit à l’ARENH », et par leurs prévisions de consommation. La Commission de régulation de l’énergie (CRE) reçoit leurs demandes, calcule leurs droits, dont l’addition ne peut dépasser le plafond global fixé par un arrêté des ministres chargés de l’énergie et de l’économie, et notifie à chacun le volume qui lui est réservé pour l’année qui vient.

Conçu comme une solution transitoire, le dispositif prendra fin le 31 décembre 2025 au plus tard. Gouvernement et Parlement seront donc amenés, dans les prochains mois, à travailler au mécanisme qui remplacera l’ARENH. En attendant, le projet de loi propose certaines évolutions que la Commission de régulation de l’énergie ou le Gouvernement ont jugé nécessaires pour sécuriser les consommateurs ou EDF. Tel est l’objet des articles 17 à 19.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR : un dispositif de fourniture de secours en électricité À optimiser avant de le finaliser

L’article L. 333-3 du code de l’énergie prévoit qu’en cas de défaillance d’un fournisseur, de perte ou de suspension de son autorisation à vendre de l’électricité en France, un ou des fournisseurs de secours soient désignés pour assurer la continuité de l’approvisionnement de ses clients.

L’article 64 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat est venu préciser les modalités de sélection des fournisseurs de secours en électricité. À l’instar de ce qui est prévu pour le gaz, ils seront désignés pour cinq ans par le ministre chargé de l’énergie après un appel à candidatures organisé avec l’appui de la CRE.

Cette nouvelle procédure exige au préalable la définition d’un cahier des charges qui détermine les exigences auxquelles doivent satisfaire les contrats de fourniture de secours, et dont l’élaboration a été confiée à la Commission de régulation de l’énergie. Celle-ci a ainsi procédé à une consultation publique à l’été 2021 puis publié, le 14 octobre dernier, sa délibération n° 2021-315 portant proposition de cahier des charges.

La CRE y souligne une lacune du dispositif légal de l’ARENH qui réduirait notablement l’utilité du mécanisme de secours : en l’état actuel du droit, il n’est en effet pas possible de transférer (ou céder) des droits ARENH à d’autres acteurs que ceux à qui ils ont été notifiés après les guichets d’attribution annuels : les fournisseurs de secours ne pourraient donc pas assurer un approvisionnement au tarif ARENH des clients qu’ils reprendraient en charge et devraient inévitablement se procurer l’électricité supplémentaire nécessaire pour répondre aux besoins de ces nouveaux consommateurs sur les marchés à court terme (dits « marchés spot »), les plus onéreux (le cours actuellement prévu en 2023 s’établissant à 300 €/MWh), puis en répercuter le surcoût sur ces clients (en sus de la majoration découlant naturellement des frais induits par la prise en charge imprévue d’un volume important de nouveaux utilisateurs).

Cela reviendrait à priver totalement ces clients de leurs droits individuels ARENH et à les pénaliser financièrement pour des défaillances qui ne leur sont pas imputables.

La CRE a donc recommandé d’autoriser le transfert des droits ARENH contractés par le fournisseur défaillant en cas de prise en charge de secours, considérant que faute d’une telle disposition, la protection des consommateurs serait inexistante, au moins sur le plan financier : « Le “secours” apporté au client résidera uniquement dans l’absence de coupure le temps de choisir une offre sur le marché. » ([291])

Le Gouvernement a alors suspendu la publication du cahier des charges du futur appel à candidatures et, par suite, l’organisation de cette sélection jusqu’à ce que cette difficulté soit résolue.

En attendant l’aboutissement de la nouvelle procédure, des solutions exceptionnelles ont été trouvées pour protéger les clients des quelques fournisseurs qui ont fait défaut depuis 2019.

À la fin de l’année dernière, EDF a ainsi été désignée fournisseur de secours « de manière transitoire et en urgence » après la défaillance brutale d’Hydroption (arrêté du 5 novembre 2021). Début 2022 et après le défaut de quatre autres sociétés, EDF s’est retrouvée en charge d’environ 40 000 sites supplémentaires (dont 17 000 sites résidentiels), représentant un volume total de 200 GWh.

EDF étant le producteur cédant de l’ARENH, elle a pu préserver son bénéfice pour les consommateurs qu’elle a récupérés. Mais les entreprises locales de distribution (ELD), également mobilisées dans le dispositif transitoire, n’ont pas eu cette facilité et elle n’existera pas pour les autres fournisseurs de secours qui seraient désignés par le futur appel à candidatures. Au demeurant, EDF ne souhaite pas que cette solution provisoire perdure, estimant que les clients concernés doivent être incités à rapidement conclure de nouveaux contrats commerciaux d’approvisionnement, avec elle ou avec d’autres fournisseurs.

II.   LE DROIT PROPOSÉ : l’organisation du transfert des droits ARENH aux fournisseurs de secours

L’article 17 prévoit donc qu’un arrêté du ministre chargé de l’énergie détermine les conditions et les modalités de la réattribution aux fournisseurs de secours des volumes ARENH qui devaient être livrés au fournisseur faisant défaut.

S’agissant de sujets très techniques, la version initiale du projet de loi proposait que ces dispositions fassent directement l’objet d’une délibération de la CRE. Le Conseil d’État a demandé que cet acte règlementaire soit pris à un niveau ministériel, mais sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie.

Conformément à la recommandation initiale de la CRE, l’article 17 retient l’option de la cession aux fournisseurs de secours des volumes ARENH restant à livrer sur les droits qui avaient été attribués au fournisseur devenu défaillant.

Les autres alternatives seraient extrêmement complexes, voire impossibles à mettre en œuvre ou économiquement non viables – transfert des droits par tranche pour suivre de plus près les éventuelles sorties avant la fin de l’année des clients repris (ce qui implique un suivi fin de milliers de comptes), réattribution des droits ARENH par les procédures habituelles (mécanisme lourd et chronophage, qui ne garantirait pas, au demeurant, que ces droits reviennent aux fournisseurs ayant récupéré les clients auxquels ils étaient initialement attachés), obligation pour un fournisseur de secours sélectionné de constituer par anticipation une réserve d’électricité de secours pour des prises en charge futures (montant impossible à estimer et atteinte à l’équité résultant de la charge qui leur est imposée, résultant du différentiel de coût entre ce qu’ils auraient à payer pour les volumes ARENH et les prix des marchés où ils s’approvisionneront quand ils récupèreront les clients), etc.

Au demeurant, la CRE souligne qu’elle travaille avec les services du ministère chargé de la transition énergétique à prévenir les situations de défaillance, en renforçant la vérification des capacités des sociétés sollicitant une autorisation de vente sur le marché français à faire face à leurs engagemetns.

Interrogés par la rapporteure, les services et la CRE ont indiqué que l’arrêté visé par l’article 17 aura surtout à préciser que la répartition des volumes d’ARENH doit se faire proportionnellement aux volumes de consommation des portefeuilles de clients récupérés par chaque fournisseur de secours et à décrire la procédure contractuelle à mettre en œuvre. Le transfert se fera évidemment à prix ARENH constant et les volumes récupérés s’ajouteront aux volumes déjà attribués aux fournisseurs de secours pour leurs propres clients.

Il n’y aura aucune différence de traitement selon qu’il y a défaillance, perte ou suspension d’autorisation de fourniture.

Il convient cependant de souligner qu’EDF restera dans sa position spécifique de producteur cédant les volumes ARENH. En pratique, les droits correspondants aux clients qu’il reprendra en charge n’auront pas à être réattribués ; ils seront simplement récupérés par Électricité de France. Mais il lui reviendra de les intégrer dans la facture des consommateurs qui lui seront affectés en tant que fournisseur de secours, selon des modalités qu’il précisera dans l’offre de secours qu’il présentera à l’appel à candidatures.

III.   La position de la commission

Après avoir adopté un amendement rédactionnel de sa rapporteure (CE 267), la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article ainsi modifié.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 18
Supprimer le guichet ARENH de mi-année

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission sans modification

L’article 18 vise à supprimer l’obligation d’organiser un second guichet en cours d’année pour la répartition annuelle des volumes d’électricité inscrits dans le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), sans toutefois perdre la faculté d’en ouvrir un en tant que de besoin.

IV.   LE DROIT EN VIGUEUR : un dédoublement obligatoire du guichet annuel d’attribution des droits d’ARENH sans véritable utilité

Le dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), créé par la loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité et que le présent article propose d’aménager, est présenté en introduction du commentaire de l’article 17.

Il suffit ici de rappeler que ce dispositif permet aux fournisseurs alternatifs de demander la livraison d’une partie de la production d’électricité d’origine nucléaire d’Électricité de France (EDF) pour la fourniture, à prix réglementé, de leurs clients finals.

Le volume maximal d’électricité pouvant être cédé au cours d’une année, dit « plafond ARENH », est fixé par un arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ; il ne peut néanmoins excéder le plafond de 150 térawattheures (TWh) par an défini par l’article L. 336-2 du code de l’énergie.

Le volume d’électricité cédé à un fournisseur est calculé, pour une année, en fonction des prévisions d’évolution de la consommation de son portefeuille de clients : chaque consommateur ouvre des « droits ARENH » pour son fournisseur, qui peut alors solliciter des volumes d’électricité auprès d’EDF à due concurrence. Le cumul de tous les volumes demandés ne peut cependant pas dépasser le plafond annuel fixé par les ministres.

Il revient alors à la CRE d’organiser chaque année le partage du volume global entre les différents fournisseurs, dans le cadre d’une procédure dénommée « guichet » qui détermine les droits et engagements de chacun pour l’année à venir.

Processus contractuel de répartition annuelle de l’ARENH

Déclaration d’identification

Un fournisseur d’électricité souhaitant bénéficier de l’ARENH transmet son dossier de déclaration à la CRE et une copie au ministre chargé de l’énergie. Si le dossier est complet, la CRE lui délivre un récépissé dans un délai de 30 jours à partir de la réception du dossier.

Signature d’un accord-cadre

Dans un délai de 15 jours à compter de la demande qui lui est faite par un fournisseur titulaire du récépissé, EDF signe avec celui-ci un accord-cadre, dont les stipulations sont définies par arrêté du ministre chargé de l’énergie, pris sur proposition de la CRE.

Demande d’ARENH

Après signature de l’accord-cadre, le fournisseur transmet à la CRE un dossier de demande d’ARENH, au moins 40 jours avant le début de chaque période de livraison (1er janvier et 1er juillet de chaque année).

Calcul du droit à l’ARENH et notification des fournisseurs

Sur la base des prévisions de consommation transmises par le fournisseur, la CRE calcule ex ante ses droits à l’ARENH et lui en notifie le montant pour la période de livraison à venir.

Notification d’EDF, de Réseau de transport d’électricité (RTE) et de la Caisse des Dépôts et Consignation (CDC)

La CRE notifie à RTE et EDF le niveau total d’ARENH pour la période à venir et informe RTE du droit de chaque fournisseur. La CRE transmet aussi à la CDC le montant à payer par les fournisseurs et le niveau des garanties bancaires qu’ils doivent apporter.

Transfert de l’énergie

RTE transfère l’électricité cédée par EDF dans le cadre de l’ARENH selon des modalités ne permettant pas à EDF de connaître les quantités transférées à chaque fournisseur.

Gestion des flux financiers

La CDC centralise les flux financiers entre EDF et les fournisseurs liés à la facturation des cessions d’énergie dans le cadre de l’ARENH.

Le guichet de référence pour la ventilation annuelle des droits ARENH est organisé à partir de novembre de l’année précédente. En principe, lorsque le plafond ARENH a été atteint, il n’y a plus de nouveaux droits attribuables. Toutefois, des guichets infraannuels ont été créés pour permettre aux fournisseurs d’ajuster leurs demandes d’ARENH en cas d’évolution de leur portefeuille de clients en cours d’année – ce qui pouvait intéresser particulièrement les fournisseurs alimentant les petits consommateurs, dont les souscriptions s’étalent tout au long de l’année. En théorie, les uns peuvent alors libérer des droits au profit des autres.

L’expérience a néanmoins montré que ces guichets de mi-année étaient peu utilisés. Jusqu’en 2017, seules 7 demandes étaient effectuées en moyenne lors de ces guichets, contre 28 aux guichets de janvier.

Dans son Rapport d’évaluation du dispositif ARENH entre 2011 et 2017, publié le 18 janvier 2018, la CRE a constaté en outre que c’étaient essentiellement des fournisseurs de grands consommateurs, généralement très stables, qui recouraient à ces guichets de mi-année. L’ampleur des évolutions semble indiquer qu’il s’agissait le plus souvent d’arbitrages financiers, jouant sur les écarts de prix entre le marché et l’ARENH, plutôt que de véritables variations de leurs besoins.

À partir de 2018, les demandes débordant systématiquement le plafond réglementaire de l’ARENH, la CRE a commencé à appliquer un écrêtement sur les droits attribués (cf. commentaire de l’article 19). Avec le creusement du différentiel de prix entre l’ARENH et les cours des marchés de gros, cela a fortement réduit l’intérêt de ces ajustements. Le recours au guichet de mi-année est alors devenu anecdotique.

Pour autant, l’article L. 336-3 du code de l’énergie impose à la CRE de continuer à organiser ces guichets « infra-annuels ».

II.   LE DROIT PROPOSÉ : la suppression du caractère systématique des guichets infra-annuels

Constatant la quasi-désaffection des fournisseurs alternatifs pour ces procédures, leur fonctionnement inadapté et la lourdeur de leur instruction pour ses services, la CRE recommande de renoncer au caractère systématique des guichets infra-annuels.

EDF elle-même dénonce les difficultés que lui causaient les renoncements en cours d’année à une partie des volumes d’ARENH réservés.

Pour essayer de limiter les ajustements opportunistes, la CRE avait mis en place une « clause de monotonie » censée empêcher les demandes en sens contraires entre deux périodes de livraison, le principe étant que lorsqu’un fournisseur augmente sa demande d’ARENH entre deux guichets successifs (bi-annuels), il ne peut pas la réduire au guichet suivant (et inversement). Mais elle n’a été utilisée que deux fois et est fortement critiquée par les fournisseurs.

L’article 18 propose donc, en modifiant l’article L. 336-3 du code de l’énergie, de renoncer à l’organisation obligatoire des guichets infra-annuels.

Il préserve toutefois la possibilité, pour l’autorité réglementaire, d’en rouvrir un en cours d’année, si nécessaire. De fait, il a été nécessaire en 2022 de prévoir une période de livraison exceptionnelle pour la répartition des 20 TWh d’ARENH supplémentaires.

En tout état de cause, cet article ne revient pas sur le caractère annuel de la procédure normale d’attribution des droits ARENH, défini au premier alinéa de l’article L. 336-3 du code de l’énergie

III.   La position de la commission

La commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption de cet article sans modification.

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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Article 19
Valider le décret n° 2022-342 rehaussant le volume de l’ARENH cédé

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 19 propose de couvrir les irrégularités procédurales, liées au défaut de certaines consultations obligatoires, entachant le décret n° 2022-342 qui a relevé, à titre exceptionnel, le plafond annuel des volumes d’ARENH à livrer par EDF aux fournisseurs alternatifs d’électricité afin de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs français.

I.   LE DROIT EN VIGUEUR : UN REHAUSSEMENT EN URGENCE DU PLAFOND ARENH POUR PRÉSERVER LE POUVOIR D’ACHAT DES FRANÇAIS

La loi n° 2010-1488 du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, dite « loi NOME », a réformé l’organisation du marché français de l’électricité afin de permettre son ouverture effective à la concurrence, en application de la directive européenne 2009/72/CE. Elle s’est néanmoins attachée à concilier les mesures encourageant le développement de la concurrence avec une forte régulation visant à préserver la sécurité d’approvisionnement du pays et à protéger les consommateurs nationaux.

L’un des enjeux centraux était notamment de garantir à l’ensemble des consommateurs français, quel que soit le choix de leur fournisseur d’électricité, de continuer à bénéficier des volumes et des coûts amortis résultant des investissements nationaux dans la production nucléaire.

Ce souci de sécurité pour les consommateurs au sein d’un cadre concurrentiel rénové et équilibré pour les producteurs s’est traduit par la mise en place du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH, cf. la présentation en introduction de l’article 17). Celui-ci organise la livraison aux fournisseurs alternatifs qui le demandent d’une partie de la production d’électricité d’origine nucléaire d’Électricité de France (EDF) à un prix réglementé souvent inférieur – et aujourd’hui très inférieur – aux prix des marchés.

Initialement fixé à 100 térawattheure (TWh) par an par la loi NOME, le volume global d’électricité pouvant être ainsi cédé par EDF, défini à l’article L. 336-2 du code de l’énergie, a été porté à 150 TWh (hors fourniture des pertes des gestionnaires de réseaux) depuis la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, dite « loi LEC ».

Dans sa décision n° 2019-791 DC du 7 novembre 2019, le Conseil constitutionnel a confirmé la conformité de ce rehaussement avec la liberté d’entreprendre, sous la seule réserve de tenir suffisamment compte des conditions économiques de production d’électricité par les centrales nucléaires. Il a également reconnu l’importance de l’objectif de protection des consommateurs poursuivi par le législateur en 2019 et la cohérence du rehaussement du plafond alors opéré avec cet objectif : « en portant à 150 TWh le volume maximal d’électricité, le législateur a entendu éviter la situation où les fournisseurs, faute d’accès au volume d’énergie nucléaire nécessaire pour fournir leurs clients, seraient contraints d’acquérir sur le marché une électricité plus chère entraînant ainsi un renchérissement des prix pour le consommateur final. Ainsi, le législateur, qui a entendu assurer un fonctionnement concurrentiel du marché de l’électricité et garantir une stabilité des prix sur ce marché, a poursuivi un objectif d’intérêt général ».

Les 150 TWh ne constituent toutefois qu’une limite maximale. Le volume réellement livrable dans l’année, dit « plafond ARENH », est fixé par arrêté des ministres chargés de l’économie et de l’énergie après avis de la Commission de régulation de l’énergie (CRE). Fixé à 100 TWh depuis l’arrêté du 28 avril 2011, ce plafond n’avait pas été modifié après la LEC, en dépit d’une demande croissante de droits ARENH.

La totalité des demandes des fournisseurs d’électricité et des grands industriels électro‑intensifs directement liés par contrat à EDF([292]) ne pouvant dépasser le plafond ARENH, les volumes livrables sont partagés entre tous dans le cadre d’un guichet annuel organisé par la CRE (cf. le commentaire de l’article 18).

Pendant de nombreuses années, les volumes sollicités sont restés en-deçà du plafond. La limite des 100 TWh a donc suffi à accompagner le développement de la concurrence sur le marché de détail français et la lisibilité du prix de l’ARENH a pu rassurer les consommateurs tentés de s’approvisionner auprès d’autres fournisseurs que le fournisseur historique.

Depuis 2018 cependant, dans un contexte où les fournisseurs alternatifs sont devenus beaucoup plus nombreux et le prix de l’électricité a fortement progressé sur les marchés de gros, le plafond ARENH est systématiquement dépassé.

Le dispositif en vigueur interdisant de livrer davantage d’ARENH, les demandes ne peuvent alors être satisfaites en totalité. Pour répartir équitablement le rationnement, la CRE a été conduite à appliquer un « écrêtement » sur chaque volume attribué à proportion du dépassement global constaté lors du guichet annuel. Ainsi, lorsque la somme des volumes maximaux des acheteurs alternatifs excède de 20 % le plafond ARENH, la CRE réduit de 20 % les droits de chaque demandeur.

Afin de conserver au marché de l’électricité son caractère de « marché contestable », cet écrêtement est également appliqué à la partie ARENH de l’approvisionnement des consommateurs bénéficiant encore des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) ainsi qu’aux volumes d’ARENH demandés par les sociétés contrôlées par EDF ([293]).

La CRE ayant reçu en novembre 2021 un total de demandes de 160,33 TWh d’électricité pour l’année 2022, formulées par 81 fournisseurs, le taux d’écrêtement a été de 62,37% pour chacun. Dans la mesure où il accroît la part de l’approvisionnement des fournisseurs tiers au prix du marché, le dépassement du plafond d’ARENH entraîne une hausse des prix pour les clients.

Conséquences financières des écrêtements selon les calculs de la CRE

Le plafond de 100 TWh a été dépassé une première fois à l’occasion du guichet de novembre 2018 (133 TWh) puis à l’occasion des guichets de novembre 2019 (147 TWh), novembre 2020 (146,2 TWh) et novembre 2021 (160,33 TWh).

Pour l’année 2019, le surcoût lié à l’écrêtement de l’ARENH se décomposait en :

 2,9 €/MWh HT liés au complément en énergie ;

 0,3 €/MWh HT lié au complément en capacité.

Ce surcoût a représenté 450 millions d’euros hors taxes (M€ HT) sur l’ensemble des clients résidentiels et professionnels aux TRVE au 31 décembre 2019, et de l’ordre de 500 M€ HT (600 M€ TTC) sur l’ensemble des clients résidentiels (aux TRVE et en offres de marché).

Pour l’année 2020, le surcoût se décomposait en :

 1,0 €/MWh HT lié au complément en énergie ;

 0,4 €/MWh HT lié au complément en capacité.

Soit un surcoût, respectivement, de 175 M€ HT et 200 M€ HT (250 M€ TTC).

Pour l’année 2021, le surcoût se décomposait en :

 1,3 €/MWh HT lié au complément en énergie ;

 1,0 €/MWh HT lié au complément en capacité.

Soit un surcoût de 275 M€ HT pour le premier groupe et de 360 M€ HT (440 M€ TTC) pour la totalité des consommateurs résidentiels.

L’écrêtement réduit en outre la prévisibilité des prix et, par suite, la capacité des fournisseurs à établir des offres de prix pluriannuelles. Les consommateurs, notamment industriels, n’ont désormais plus de visibilité sur les prix de l’année suivante.

Étant donné les répercussions négatives de cette situation sur les consommateurs français, d’une part, et dans l’attente du mécanisme qui remplacera l’ARENH au plus tard le 1er janvier 2026, d’autre part, la CRE recommande depuis plusieurs années le relèvement du plafond ARENH, comme l’article L. 336-2 du code de l’énergie l’autorise.

Début 2022, confronté à l’emballement des prix de l’électricité depuis l’été 2021, le Gouvernement a décidé de prendre des mesures exceptionnelles pour préserver le pouvoir d’achat des Français et la compétitivité de l’approvisionnement énergétique des entreprises : un arrêté du 11 mars 2022 a ainsi augmenté de 20 TWh le plafond ARENH pour la seule année 2022.

Le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique a parallèlement ouvert une période de livraison supplémentaire et un guichet exceptionnel a été organisé pour répartir ce volume additionnel en urgence. Il a été décidé que ces droits supplémentaires seraient alloués sur la base des quantités demandées au guichet de novembre 2021, sans formalités particulières et sauf renoncement explicite de la part de certains fournisseurs.

Dans les faits, la CRE a notifié un total de 19,5 TWh d’ARENH additionnels à 72 fournisseurs. La différence par rapport au plafond de 20 TWh résulte de l’arrêt d’activité de certains fournisseurs, ainsi que de la renonciation d’autres fournisseurs au bénéfice de ces volumes additionnels. Il reste qu’au regard des 160,36 TWh qui avaient été demandés, 40,86 TWh supplémentaires n’ont pu être livrés en 2022.

Pour garantir à EDF de pouvoir trouver les 20 TWh d’ARENH supplémentaires que les fournisseurs alternatifs avaient, en pratique, déjà acquis sur les marchés pour fournir leurs clients, l’article 5 du décret a prévu que les fournisseurs ne peuvent avoir l’ARENH supplémentaire que s’ils s’engagent à revendre des volumes équivalents à EDF. Cette obligation de rétrocession a été introduite à la demande expresse d’EDF, ont précisé les services du ministère chargé de la transition énergétique à votre rapporteure.

Pour limiter concomitamment le manque à gagner financier pour EDF, qui perd l’opportunité de vendre plus cher son électricité nucléaire (pour une partie du moins, car la référence du prix ARENH s’applique à une large part de ses contrats de fourniture) et le surcoût des volumes rachetés, le décret a également fixé un prix de rétrocession de 257 €/MWh, correspondant à la moyenne des prix à terme pour 2022 constatés entre le 2 et le 23 décembre 2021, cependant qu’un second arrêté du 11 mars 2022 a relevé le tarif de vente des volumes d’ARENH supplémentaires à 46,2 €/MWh. Le coût financier final reste élevé, évalué par EDF entre 8 et 10 milliards d’euros, mais le risque pour l’entreprise est stabilisé dans un contexte d’extrême volatilité des prix de marché et d’incertitudes accentuées par la guerre en Ukraine.

Le Gouvernement et la CRE défendent ce relèvement et l’urgence de sa mise en œuvre comme une mesure indispensable à la protection du pouvoir d’achat des Français face à la grave crise des prix de l’énergie. La CRE recommande même de porter le plafond ARENH à 130 TWh pour les années 2023, 2024 et 2025.

Toutefois, ces mesures font l’objet de plusieurs recours en annulation. Les organisations syndicales et les administrateurs salariés d’EDF, d’une part, et les représentants des actionnaires salariés, de l’autre, ont saisi le Conseil d’État pour suspendre (en référé) et annuler (au fond) l’arrêté « Volume » et le décret. Un fournisseur a par ailleurs demandé l’annulation de l’article 5 du décret, relatif à la condition de revente réciproque à EDF par le fournisseur.

Estimant que l’urgence invoquée par les parties n’est pas en mesure de contrebalancer celle tenant à l’intérêt public de la mesure pour les consommateurs, le juge des référés a rejeté les demandes de suspension, par décision en date du 5 mai 2022. Mais les recours au fond restent en attente de jugement.

De son côté et par courrier en date du 10 mai 2022, le président-directeur général d’EDF, en sa qualité de mandataire social chargé de préserver les intérêts de l’entreprise, a introduit un recours gracieux auprès du Premier ministre et des ministres chargés de l’économie, de l’énergie et de l’industrie, demandant le retrait de tout le dispositif réglementaire.

II.   LE DROIT PROPOSÉ : la validation du décret de rehaussement pour réduire les risques d’une annulation financièrement dévastatrice

L’augmentation de 20 TWh du volume d’ARENH à livrer en 2022 a profité à tous les consommateurs, particuliers, collectivités comme professionnels, les fournisseurs devant répercuter intégralement l’avantage de leur prix réglementé sur leurs clients.

La CRE surveille étroitement ce point (cf. sa délibération n° 2022-98 du 31 mars 2022 portant orientations et décision sur les modalités de répercussion des volumes additionnels d’ARENH dans les offres de fourniture).

L’annulation du décret du 11 mars 2022 contraindrait les différents consommateurs à payer rétroactivement le différentiel de prix. Les représentants des entreprises et industries grandes consommatrices d’électricité ont notamment fait part à la rapporteure de leur grande inquiétude face à cette perspective – à tel point que le Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (CLEEE) a déposé un mémoire en défense du dispositif.

L’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) montre, dans le tableau ci-dessous, la progression des coûts énergétiques de l’industrie et les impacts des parts ARENH à 100 TWh et à 120 TWh en 2022 sur les prix supportés.

Selon les calculs de l’UNIDEN, les 20 TWh supplémentaires ont permis aux industries françaises d’économiser 5,5 milliards d’euros sur leurs factures d’électricité – montant qui serait à reverser si le décret était annulé. Non seulement la facture serait donc très lourde eu égard au niveau des prix atteints par l’électricité, aggravant des situations économiques et sociales déjà fragilisées, mais cette régularisation serait également très complexe, voire impossible, à mettre en œuvre, car elle exigerait de regarder précisément chaque situation individuelle – et ferait vraisemblablement l’objet de contestations en retour.

Eu égard aux répercussions dévastatrices d’une telle issue, l’article 19 propose de valider le décret mis en cause – mais pour ses seules irrégularités liées au défaut de certaines consultations obligatoires. Ne pouvant être couverts par une loi, les autres moyens invoqués – comme l’éventuelle incompatibilité avec des articles du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne – restent potentiellement opérants.

Une validation législative doit satisfaire à plusieurs critères pour être légale. S’agissant des règles constitutionnelles, il faut notamment que cette validation intervienne avant que le Conseil d’État ait statué au fond sur les recours et il est nécessaire de démontrer que l’atteinte au droit des personnes résultant de la validation soit justifiée par un « motif impérieux d’intérêt général » ([294]).

Dans son avis du 4 juillet 2022, le Conseil d’État s’est attaché à vérifier chaque condition de régularité de la mesure de validation et a confirmé son respect des exigences constitutionnelles.

Relevant que l’objectif poursuivi par le décret contesté, pris dans son ensemble, consiste à stabiliser les prix de fourniture de l’électricité afin de protéger l’ensemble des consommateurs d’une répercussion en cascade des hausses des marchés sur leurs factures, à un moment où l’ARENH ne jouait plus son rôle stabilisateur, le Conseil considère que ce décret « tend ainsi à la satisfaction d’un besoin social fondamental d’accès à une énergie à un prix raisonnable » et que « eu égard aux perturbations que pourrait entraîner l’annulation du décret sur le marché de l’électricité, aux répercussions qu’elle pourrait avoir sur la situation des consommateurs, notamment les ménages, et à la crise exceptionnelle de l’énergie que connaît la France, l’atteinte portée par la mesure de validation à la garantie des droits est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général. »

Quant au principe de non-ingérence du législateur dans une procédure en cours, résultant de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et du citoyen, le Conseil estime qu’en l’espèce, elle est « limitée et ne rend pas vaine la continuation des litiges en cours ».

III.   La position de la commission

La commission des affaires sociales a adopté cet article, sur lequel la commission des affaires économiques avait émis un avis favorable.

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TITRE IV
DISPOSITIONS RELATIVES AU TRANSPORT ROUTIER DE MARCHANDISES

Article 20
Extension du mécanisme d’indexation gazole à l’ensemble des produits énergétiques

Adopté par la commission avec modifications

L’article 20 modifie les articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du code des transports. Il étend le dispositif existant d’indexation du prix des contrats de transport routier de marchandises (TRM) sur l’évolution du coût des carburants aux énergies alternatives au gazole.

I.   L’État du droit : le dispositif d’indexation gazole NE s’ÉTEND pas aux Énergies alternatives alors que le transport routier de marchandises est incitÉ À verdir son parc

A.   Les transporteurs routiers peuvent rÉpercuter les variations du coût du gazole sur leurs prix

L’article 23 de la loi n° 2006-10 du 5 janvier 2006 relatif à la sécurité et au développement des transports a introduit, au bénéfice du secteur du transport routier de marchandises (TRM), un mécanisme d’indexation du prix des contrats sur le coût des carburants, fréquemment appelé « indexation gazole ».

Codifié à l’article L. 3222-1 du code des transports, ce mécanisme vise à protéger les transporteurs routiers de variations de charges de carburant trop importantes. Il permet une révision de plein droit du prix de transport initialement convenu afin de prendre en compte une « évolution des charges liée à la variation du coût du carburant entre la date du contrat et la date de réalisation de l’opération de transport ».

L’article L. 3222-2 du code des transports précise qu’à défaut de stipulations contractuelles identifiant les charges de carburant liées à l’opération de transport, les parties s’appuient sur les référentiels communiqués par le Comité national routier (CNR) pour mettre en place le mécanisme d’indexation, notamment « l’indice gazole » professionnel publié mensuellement.

S’y ajoute, au II des articles précités, un dispositif d’indexation identique s’agissant spécifiquement des « charges de carburant nécessaires au fonctionnement de groupes frigorifiques autonomes », qui peuvent concerner du gazole non routier.

Le non-respect, par le cocontractant d’un transporteur routier, des obligations résultant de ce dispositif d’indexation est puni d’une amende de 15 000 euros (article L. 3242-3 du code des transports).

B.   Le dispositif n’INCLUt pas les Énergies alternatives touchées par l’inflation et amenÉes À se développer

Les dénominations actuellement en vigueur aux articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du code des transports ne prennent pas explicitement en compte les énergies alternatives comme le gaz, l’électricité et l’hydrogène. Si ces motorisations alternatives demeurent encore largement minoritaires au sein du TRM, elles progressent et sont amenées à se développer dans la perspective de la décarbonation du secteur.

L’article 103 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « climat et résilience », prévoit la fin, d’ici 2040, de la vente des véhicules lourds neufs affectés au transport de marchandises et utilisant majoritairement des énergies fossiles. L’article 301 rend obligatoire l’élaboration d’une feuille de route sur la décarbonation du secteur avant le 1er janvier 2023.

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) pour 2019-2028 fixe par ailleurs des objectifs chiffrés s’élevant à 400 poids lourds électriques et 21 000 poids lourds au gaz naturel véhicule (GNV) pour 2023, et respectivement 11 000 et 54 000 à l’horizon 2028 pour un parc de poids lourds estimé actuellement à environ 600 000 véhicules.

Le secteur bénéficie par ailleurs de dispositifs de soutien et d’incitation au verdissement de son parc de véhicules. L’article 133 de la loi « climat et résilience » a prorogé le dispositif de suramortissement applicable aux poids lourds jusqu’au 31 décembre 2030. Le secteur a également bénéficié d’une enveloppe de 100 millions d’euros dans le cadre du plan de relance pour la mise en place d’un bonus à l’achat ou à la location de longue durée d’un véhicule industriel fonctionnant à l’électricité ou à l’hydrogène.

Actuellement, les motorisations alternatives demeurent toutefois peu répandues. En 2021, 99 % des poids lourds avaient une motorisation diesel. La Task-Force sur la transition énergétique du transport routier de marchandises, qui réunit transporteurs, constructeurs de véhicules et énergéticiens depuis 2021, souligne une utilisation des véhicules lourds électriques encore limitée et exclusivement urbaine (livraison, bennes à ordures ménagères, porteurs 6x4 de 26 tonnes) ainsi que des difficultés de développement pour le transport régional et de longue distance. L’usage de l’hydrogène est quant à lui quasi inexistant ([295]).

Toutefois, le recours aux énergies alternatives apparaît bien en progression avec tout particulièrement une utilisation croissante des carburants alternatifs au diesel comme le gaz et le biogaz (GNC et GNL) voire les biodiesels (B100 ou HVO). Au 1er janvier 2020, parmi les 5 700 véhicules ne roulant pas au diesel, 4 700 roulaient au GNV ([296]). En 2021, 4,8 % des immatriculations de poids lourds concernaient une motorisation alternative dont 1 944 immatriculations au gaz et 46 à l’électricité ([297]).

Or, le GNV est tout particulièrement concerné par les fortes augmentations de prix induites par la crise ukrainienne, et dans des proportions supérieures à celles du gazole. Ainsi, alors que l’écart de prix entre le gaz et le gazole était en moyenne de 14 % en faveur du gaz en 2020, le gaz était 49 % plus cher que le gazole en décembre 2021 et 79 % plus cher au premier trimestre 2022 ([298]). Ces incertitudes sur les prix du GNV et du bioGNV pèsent actuellement sur les perspectives de décarbonation du secteur.

II.   Le dispositif proposÉ étend l’indexation à l’ensemble des « produits énergétiques »

L’article 20 du présent projet de loi étend le mécanisme d’indexation du prix des contrats de transport routier de marchandises à l’ensemble des produits énergétiques utilisés par les transporteurs.

Il modifie les articles L. 3222-1 et L. 3222-2 du code des transports en remplaçant la mention des « charges de carburant » par, d’une part, la mention des « charges de produits énergétiques de propulsion » (pour les énergies de déplacement), et, d’autre part, la mention des « charges de produits énergétiques » (s’agissant spécifiquement de l’énergie utilisée pour le fonctionnement des groupes frigorifiques autonomes). La référence à l’indice « gazole » du CNR est également remplacée par les indices des « produits énergétiques ».

Cette nouvelle rédaction permet d’inclure les énergies alternatives comme le gaz (en particulier le GNV et le bioGNV qui constituent la motorisation alternative au gazole la plus utilisée), l’électricité et l’hydrogène, ainsi que les indices d’évolution du prix du gaz publiés depuis plusieurs mois par le CNR.

À l’article L. 3222-2, la date d’origine faisant référence pour déterminer la période pendant laquelle la variation des charges a lieu est par ailleurs précisée ; il ne s’agirait plus du « jour de la commande » mais de la « date du contrat ».

L’article prévoit une application aux contrats de transports conclus à compter du 1er janvier 2023.

III.   modifications apportées par la commission

La commission a adopté trois amendements rédactionnels de la rapporteure.

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   Audition des ministres

Au cours de leur réunion conjointe le lundi 11 juillet 2022 à 21 heures, les commissions des affaires sociales et des affaires économiques ont entendu M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, Mme Agnès PannierRunacher, ministre de la transition énergétique, Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, et M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement, sur le projet de loi ([299]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est inscrit à l’ordre du jour de la séance publique à compter du 18 juillet prochain, ce qui nous conduit à l’examiner en commission dès cette semaine. Saisie au fond, la commission des affaires sociales a décidé de déléguer à la commission des affaires économiques les articles relevant de sa compétence.

Nos deux commissions se retrouvent ce soir pour l’audition des ministres, que je remercie d’avoir répondu à notre invitation. Elles continueront de travailler parallèlement et, bien sûr, efficacement sur l’examen des articles.

Comme l’indique son titre, le texte que nous sommes appelés à examiner relève d’une situation d’urgence, pour laquelle les Français attendent des réponses rapides et concrètes. La représentation nationale est contrainte de travailler vite car il y va de la protection du niveau de vie de nos concitoyens. Certaines de ces mesures étant d’ordre réglementaire, le Gouvernement n’a pas tardé à les prendre ; d’autres, en revanche, relèvent de la loi, et nos compatriotes ne comprendraient pas que nous tardions à les adopter.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je tiens d’abord à remercier Mme la présidente de la commission des affaires sociales d’avoir délégué à la commission des affaires économiques l’examen de quatorze articles du projet de loi. Cette procédure nous impose des obligations respectives et nous soumet à quelques contraintes du fait d’un calendrier particulièrement resserré, mais elle permet à chacune de nos commissions de se pencher sur les dispositions qui relèvent pleinement de ses compétences. Je remercie également les membres du Gouvernement présents ce soir ; j’ai grand plaisir à les recevoir en ce début de législature dans notre belle salle de la commission des affaires économiques. Je dois néanmoins me faire l’interprète des très nombreux collègues, de l’opposition comme de la majorité, qui ont émis cet après-midi des remarques concernant les délais extrêmement brefs qui nous ont été octroyées pour examiner ce texte. Je félicite d’autant plus nos trois rapporteures d’avoir accepté leur mission.

Pour terminer, je précise que les orateurs de groupes disposeront de quatre minutes de temps de parole et les autres députés de deux minutes.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Le Gouvernement a bien conscience des contraintes que constituent les délais imposés pour la discussion de ce texte relatif au pouvoir d’achat, mais nous avons fait le choix de le présenter en Conseil des ministres dès la nouvelle Assemblée installée afin que celle-ci puisse l’examiner aussi rapidement que possible et qu’il entre en vigueur au plus tôt. Nombre de mesures que nous proposons sont des mesures de protection attendues par nos concitoyens, et même si les avis peuvent diverger sur telle ou telle, même s’il peut exister des désaccords sur le curseur ou le niveau de protection ou d’engagement, il y a chez nous tous – je l’espère – la volonté partagée de protéger le pouvoir d’achat de nos compatriotes.

Ce dernier est évidemment au cœur des préoccupations du Gouvernement, comme il était au cœur des préoccupations des gouvernements qui se sont succédé au cours du précédent quinquennat. Pour m’en tenir à ces quelques exemples, sous le précédent quinquennat, les impôts des ménages ont baissé de 25 milliards d’euros et le minimum vieillesse, l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et la prime d’activité ont été revalorisés dans des proportions inédites. Plus largement, depuis 2017, nos priorités ont été de renforcer l’appareil productif et de réformer le marché du travail pour créer de la richesse et de l’emploi durable. Nous persévérons dans cette voie, celle de la croissance et du plein emploi, car nous considérons que c’est à ces seules conditions que nous pourrons améliorer de façon durable le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Nous n’avons pas à rougir de nos résultats. Les enquêtes, telle que celle réalisée par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) en mars dernier, le confirment : le dernier quinquennat fut un quinquennat de pouvoir d’achat. Celui‑ci a plus augmenté durant les cinq dernières années que lors des deux quinquennats précédents. Concrètement, hors inflation, c’est environ 300 euros en moyenne par an que nous avons pu apporter à chacun de nos compatriotes grâce aux créations d’emploi et aux mesures que nous avons prises. Cet acquis ne suffit néanmoins pas, puisque nous sommes confrontés à une situation inédite : l’inflation, que l’on croyait durablement éloignée, est en effet de retour partout dans le monde ; la France n’y échappe pas : même si elle s’établit dans notre pays à un taux très largement inférieur à celui de nos voisins, elle pourrait atteindre, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), 5,5 % en 2022, soit son plus haut niveau depuis 1985.

Au-delà de la réalité statistique, c’est la vie quotidienne de nos concitoyens qui est touchée, parfois bouleversée, par l’augmentation des prix. Nombre de petites entreprises se retrouvent en difficulté faute de pouvoir répercuter totalement la hausse de leurs coûts. Cette réalité, le Gouvernement ne l’a jamais ignorée. Nous n’avons pas attendu ce projet de loi pour apporter des solutions concrètes, susceptibles de répondre à l’urgence ; dès l’automne, nous avons mis en place des mécanismes inédits afin de protéger les Français. Nous avons ainsi créé un bouclier tarifaire pour l’énergie et le gaz – ma collègue Pannier-Runacher y reviendra plus longuement –, nous avons institué une remise carburant de 18 centimes par litre, nous avons versé une indemnité inflation à 38 millions de Français ainsi qu’un chèque énergie exceptionnel.

Ces mesures ont massivement soutenu le pouvoir d’achat des Français. Elles ont aussi contribué à réduire l’inflation : Malte exceptée, la France a le taux d’inflation le plus bas de la zone euro. Ce pic d’inflation, qui, comme l’a souligné la Banque de France, est temporaire, tend malgré tout à durer et s’accroît. Personne ne peut nier le ressenti de nos concitoyens face à cette situation. Il y a donc urgence à intervenir.

Répondre à cette urgence par des mesures concrètes est le premier objectif du projet de loi – même si, la présidente Khattabi l’a rappelé, tout ne figure pas dans le texte. Il existe d’autres mesures, qui ne relèvent pas du périmètre de la loi : je pense à l’indemnité carburant pour les travailleurs, qui sera versée en octobre prochain, ou à l’aide exceptionnelle de solidarité, qui bénéficiera à près de 14 millions de personnes à la rentrée. Autant de mesures que nous pouvons prendre par voie réglementaire sans que nous ayons à prévoir une disposition législative. Qu’elles soient absentes du projet de loi signifie donc, non pas qu’elles sont abandonnées, mais que nous les mettons en œuvre d’une autre manière.

On trouvera néanmoins dans ce texte une deuxième réponse, qui consiste à mieux valoriser le travail, par la baisse pérenne des charges sociales qui pèsent sur les travailleurs indépendants, par le renforcement des dispositifs de partage de la valeur, et en s’assurant que les salariés ne voient pas leurs salaires bloqués au SMIC malgré leur ancienneté et les évolutions de postes – je pense aux conventions collectives et aux minima de branche. Je tiens, dès à présent, à préciser que valoriser le travail, ce n’est pas fragiliser nos entreprises. Ce sont elles qui créent les emplois. Je ne suis pas de ceux qui opposent le pouvoir d’achat des salariés et le résultat des entreprises. Répondre à l’urgence sans perdre de vue nos objectifs à plus long terme est aussi l’enjeu de ce projet de loi, dont je vais à présent détailler les mesures sociales.

Nous proposons d’abord, comme s’y était engagé le Président de la République, de tripler et de pérenniser la prime de pouvoir d’achat. Les entreprises pourront verser une prime de 3 000 euros, pouvant dans certains cas aller jusqu’à 6 000 euros, par an et par salarié, exonérée de cotisations sociales, en une fois ou de manière fractionnée – ce qui est une nouveauté, et permettra à des entreprises disposant de moins de trésorerie de procéder à ce versement.

Par ailleurs, pour inciter au versement de primes et accroître les gains de chaque salarié dans cette période de tension sur le pouvoir d’achat, les primes versées d’ici à la fin de l’année prochaine aux salariés percevant moins de trois fois le SMIC seront entièrement exonérées de contributions et de cotisations sociales, ainsi que défiscalisées.

Nous proposons donc à la fois une mesure pérenne pour améliorer le pouvoir d’achat et une mesure exceptionnelle de pouvoir d’achat pour les salariés.

Nous proposons aussi un ensemble de mesures destinées à faciliter la mise en œuvre du dispositif d’intéressement, en particulier pour les petites entreprises, avec des mesures concrètes qui proviennent toutes de remontées du terrain, et un objectif clair : lever tous les blocages identifiés de manière à favoriser l’essor de l’intéressement dans les entreprises. Nous allons supprimer les contrôles a priori, rendre possible la mise en place de manière unilatérale d’un accord d’intéressement dans les entreprises de moins de cinquante salariés, contre onze actuellement. Tout ce qui est susceptible de développer l’intéressement a été retenu.

Nous proposons de baisser les cotisations sociales des travailleurs indépendants. Cette baisse pérenne se traduira par un gain de pouvoir d’achat pouvant aller jusqu’à 550 euros pour les travailleurs non salariés gagnant l’équivalent du SMIC – nous savons que c’est pour beaucoup d’entre vous une priorité. Tous les micro-entrepreneurs et près de 80 % des artisans, des commerçants et des exploitants agricoles bénéficieront ainsi d’une hausse substantielle de leur pouvoir d’achat. Cette exonération sera compensée à la sécurité sociale par l’État.

Enfin, nous proposons une mesure visant à inciter les branches professionnelles à maintenir des minima conventionnels au moins au niveau du SMIC. Il s’agit de se donner les moyens de fusionner celles des branches qui présenteraient des minima durablement inférieurs au SMIC, ce qui freine la progression salariale et pénalise l’attractivité de ces secteurs. Le Gouvernement s’attelle pleinement à la résolution de ce problème. J’ai d’ailleurs réuni jeudi dernier le comité de suivi de la négociation salariale de branches – le précédent s’était tenu en décembre dernier sous la présidence de la ministre du travail de l’époque, Mme Élisabeth Borne. Nous ne relâcherons pas nos efforts. J’ai demandé à mes services d’être particulièrement attentifs à l’état des négociations par branche sur cette question.

Nous devons en particulier éviter deux écueils. Le premier serait de considérer que le problème concerne la quasi-totalité des entreprises, alors que ce n’est pas le cas. Le nombre de branches concernées est temporairement important du fait de la revalorisation du SMIC intervenue le 1er mai dernier – sur douze mois, elle s’élève à 5,9 %, ce qui a amené de nombreuses branches à avoir des minima inférieurs au SMIC. Toutefois, entre le 1er mai et le 1er juillet, près d’un quart des branches concernées se sont mises en conformité et beaucoup d’entre elles ont ouvert des discussions. Pour la plupart, le problème est transitoire, lié aux délais normaux de négociation.

Le second écueil serait de nous substituer à la négociation collective ou de recourir à des dispositifs qui pénaliseraient les petites entreprises. Nous croyons pour notre part aux vertus du dialogue social de branche pour régler ces situations, quitte à inscrire parfois des niveaux inférieurs en commission paritaire et à en assurer le suivi régulier.

Dernier point : la revalorisation des prestations sociales. Nous proposons d’avancer au 1er juillet de cette année les revalorisations prévues au 1er janvier ou au 1er avril de l’année prochaine, avec, pour l’ensemble des prestations, une augmentation de 4 %. Cette hausse pourra, le cas échéant, être perçue à titre rétroactif de manière à respecter la temporalité du débat parlementaire. Cette revalorisation s’ajoutera à celles de 1,1 % pour les allocations perçues le 1er janvier dernier et de 1,8 % pour celles touchées le 1er avril. Elle concernera tous les retraités, y compris les travailleurs indépendants et les fonctionnaires ; elle soulagera le quotidien des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’AAH, de l’allocation de solidarité spécifique ; elle touchera les bénéficiaires de la prime d’activité. Enfin, seront intégrées dans les prestations familiales les autres prestations de la sécurité sociale, les allocations d’accompagnement vers l’emploi, ainsi que les bourses du secondaire – nous agissons ainsi pour les étudiants.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique. Nous sommes dans une course contre la montre. Nous faisons face à une crise énergétique sans précédent depuis les chocs pétroliers des années 1970. Les raisons, vous les connaissez : cette crise inédite trouve notamment sa source dans la guerre en Ukraine, déclenchée par l’invasion russe, la Russie étant le premier fournisseur de gaz et le deuxième fournisseur de pétrole de l’Europe. Sous l’impulsion du Président de la République et des dirigeants européens, des sanctions massives ont été prises à l’encontre de la Russie. Il est de notre devoir de faire tout ce qui est en notre pouvoir pour mettre fin à ce conflit qui marque le retour de la guerre sur le continent européen.

Depuis plusieurs mois, le système énergétique européen est sous tension. Cela se traduit par une hausse sans égale depuis des décennies des cours du carburant, du gaz et, par voie de conséquence, de l’électricité, qui s’ajoute aux tensions inflationnistes que nous observions déjà fin 2021 en raison de la reprise économique plus rapide qu’attendu après la crise sanitaire. Par ailleurs, le fonctionnement actuel du marché de l’électricité conduit les Français à être exposés partiellement aux prix des dernières centrales « appelées » à l’échelle européenne. Si cela permet d’apporter quarante jours par an de l’électricité en France, cela présente l’inconvénient de ne pas faire totalement profiter les Français des coûts compétitifs des installations qu’ils ont financées, notamment le parc nucléaire. Nos concitoyens comprennent difficilement qu’ils payent leur électricité en partie au prix du gaz alors que nous avons l’un des mix les plus décarbonés d’Europe. Il y va de l’acceptabilité sociale comme de la justice environnementale, deux enjeux qui sont au cœur de la transition. Nous devons le corriger.

Dire que nous faisons face à une crise énergétique, ce n’est pas employer des mots en vain : il s’agit du quotidien de nos concitoyens. L’augmentation des prix de l’énergie représente 60 % de l’augmentation globale des prix qu’ils subissent actuellement. Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est donc d’abord pour protéger le pouvoir d’achat des Français en contenant la hausse des prix de l’énergie. Avec le Président de la République, nous avons pris dès le début de la crise énergétique des mesures fortes visant à protéger le pouvoir d’achat des Français, en particulier de ceux qui dépendent des énergies fossiles pour se déplacer et pour se chauffer. Avec la majorité présidentielle, nous avons mis en place un blocage des prix du gaz et de l’électricité, ainsi qu’une réduction directement à la pompe de 18 centimes par litre d’essence. Fin 2021, nous avions déjà prévu un chèque énergie exceptionnel pour nos compatriotes les plus modestes, et un chèque inflation de 100 euros, qui a bénéficié à près de 38 millions de Français. Les résultats sont là : grâce à ces mesures, nous avons contenu l’inflation à 5 % quand elle dépasse 10 % voire 20 % chez nos voisins européens. C’est moitié moins que la moyenne européenne, mais c’est encore trop, et le Gouvernement et la majorité en ont bien conscience. Grâce au bouclier tarifaire – en d’autres termes, au blocage des prix –, nous avons évité une hausse des factures des Français de 50 % sur le gaz et de 35 % sur l’électricité. Ces hausses, que l’on observe ailleurs, auraient été insupportables. Les mesures que nous avons prises n’ont pas d’équivalent en Europe. Le présent projet de loi et le projet de loi de finances rectificative (PLFR) ont vocation à poursuivre nos efforts pour protéger les Français, et je sais que tous les membres de vos commissions ont conscience de la nécessité d’agir vite, fort et efficacement.

Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est ensuite parce que nous devons sécuriser nos approvisionnements en énergie pour l’hiver prochain. Protéger les Français, c’est aussi garantir qu’ils pourront avoir accès à l’énergie pour se déplacer et se chauffer cet hiver. Eu égard à la situation énergétique exceptionnelle, notre responsabilité est d’envisager tous les scénarios possibles, en prenant des dispositions pour sécuriser nos approvisionnements. C’est une question de résilience, mais aussi de souveraineté énergétique.

Nous allons prendre diverses mesures, dont certaines figurent dans le présent projet de loi, pour entrer dans l’hiver dans les meilleures conditions. D’abord, nous sécurisons le remplissage du stockage stratégique de gaz au-delà du niveau obligatoire de 85 %, qui avait été instauré en 2018 ; notre objectif est d’atteindre au plus vite et en tout état de cause avant le 1er novembre le taux de 100 %. Afin d’augmenter et de diversifier nos capacités d’importation et d’utilisation du gaz naturel liquéfié, nous prenons des mesures permettant la mise en place d’un terminal gazier flottant dans le port du Havre. Ce projet est nécessaire si l’on veut remplacer rapidement le gaz russe ; il a été conçu pour avoir le moins d’impact possible sur le plan social et environnemental. Il n’a pas vocation à être permanent : d’où le choix d’une installation flottante.

Par souci de cohérence avec nos ambitions climatiques, le texte prévoit des dispositions permettant de compenser les émissions de gaz à effet de serre liées à un éventuel fonctionnement ponctuel de la centrale à charbon de Saint-Avold, dont la fermeture est, par précaution, retardée de quelques mois. Les centrales à charbon représentaient, je le rappelle, moins de 1 % de la production d’électricité française pendant l’hiver 2021-2022. Si notre objectif demeure de ne pas avoir recours au charbon, tant que cela est possible, nous nous donnons néanmoins une sécurité afin de passer l’hiver. Enfin, pour maximiser les outils à notre disposition en cas de tension ponctuelle d’approvisionnement, nous étendons le mécanisme qui permet aux consommateurs de gaz de participer volontairement – j’y insiste – à une réduction de leur consommation en cas de tension sur le réseau. Ce mécanisme d’effacement est planifié et rémunéré. En conformité avec l’esprit de responsabilité qui est le nôtre, ces dispositions nous permettront de préparer une éventuelle situation de très forte tension cet hiver sans transiger sur notre ambition climatique.

Si nous sommes dans une course contre la montre, c’est enfin pour mettre en œuvre dès maintenant la transition énergétique et libérer les Français des énergies fossiles. C’est une nécessité absolue si l’on veut lutter contre le dérèglement climatique. La situation actuelle le démontre : libérer les Français des énergies fossiles, c’est aussi agir pour leur pouvoir d’achat, puisqu’ils ne peuvent pas du jour au lendemain changer leur véhicule, leur chaudière à fuel ou à gaz. Il est de notre responsabilité de trouver des solutions pour les accompagner dans la décarbonation de leur mode de l’ordre de transport et de leur mode de chauffage. C’est pourquoi il faut ponctuellement mettre en place un bouclier énergétique. Le PLFR prévoit en outre une augmentation de 400 millions d’euros du budget alloué au dispositif MaPrimeRénov’ et de 400 millions du bonus écologique, d’un montant maximum de 6 000 euros, qui permet d’accompagner nos compatriotes vers l’achat de véhicules électriques, que beaucoup ne peuvent pas se payer. Nous avons aussi engagé avec la Première ministre un chantier prioritaire autour de la sobriété énergétique, avec un objectif de réduction de 10 % de la consommation d’énergie d’ici à 2024, et nous avons commencé par installer des groupes de travail sur l’État, qui doit être exemplaire, sur les entreprises, avec les partenaires sociaux, et sur les surfaces commerciales, avec Mme Olivia Grégoire ; le prochain portera sur le logement. Si nous voulons réussir la transition énergétique, il faut une mobilisation collective et, en premier lieu, un effort des institutions et des acteurs privés. La sobriété énergétique appelle un changement de comportement en profondeur, qui doit être accompagné par les politiques publiques. J’ai demandé aux énergéticiens de s’emparer du sujet et d’être eux aussi exemplaires, en proposant aux Français des contrats avantageux qui valorisent leur effort de sobriété en permettant de faire plus d’économies : tarification en heures pleines / heures creuses, incitation à mieux piloter sa consommation à distance… On peut faire beaucoup. L’énergie n’est pas illimitée : la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas.

Cette approche doit être complétée par l’accélération du déploiement des nouvelles capacités de production d’énergie bas-carbone. Nos objectifs sont connus : déploiement de cinquante parcs éoliens en mer, investissements dans notre parc nucléaire avec un programme de six nouveaux réacteurs EPR, conformément aux annonces faites par le Président de la République à Belfort, en février. Le projet de loi d’accélération de la transition énergétique est important si l’on veut accélérer le déploiement massif des énergies décarbonées. Enfin, le travail européen que nous menons a franchi une étape décisive sous la présidence française, avec la décision, dans le cadre du paquet « climat », de la fin en 2035 de la vente des véhicules émettant du CO2, ce qui va accélérer la transition vers les véhicules électriques. L’adoption, la semaine dernière, par le Parlement européen de l’acte délégué complémentaire de la Commission européenne sur la taxonomie, en faveur duquel le Président de la République et le Gouvernement se sont fortement engagés, est une autre étape décisive en vue d’accélérer les investissements dans l’ensemble des technologies de la transition, qu’elles soient renouvelables ou nucléaires.

Mesdames et messieurs les députés, ce projet de loi est indispensable pour nous donner les moyens de protéger les Français et pour étendre nos marges de manœuvre en vue de l’hiver prochain. Nous compromettrions sérieusement nos capacités d’action si l’État ne disposait pas de l’ensemble de ces leviers pour agir. Je suis convaincue que nous trouverons le chemin du compromis, un chemin qui nous rassemblera tout en nous permettant de répondre à la triple urgence de protéger le pouvoir d’achat des Français, de renforcer notre souveraineté énergétique et de répondre au défi climatique.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme. Je tiens d’abord à dire que je me sens honorée de représenter ce soir le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. C’est aussi un honneur pour moi de revenir à l’Assemblée nationale pour parler d’un sujet qui est, depuis plusieurs mois, au cœur des débats politiques et des préoccupations de nos concitoyens et, depuis plusieurs années, des combats que je mène.

Le présent projet de loi comprend deux axes. Le premier concerne le pouvoir d’achat – je suis obligée d’y faire référence en tant que ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises (PME) et des indépendants. Il s’agit non seulement de protéger rapidement le pouvoir d’achat des Français qui ne peuvent pas ou plus travailler mais aussi de renforcer le pouvoir d’achat de ceux qui travaillent, en particulier dans les PME ou parmi les indépendants.

Le second axe est celui du pouvoir du choix. Dans ces moments où l’inflation oblige tous nos concitoyens à examiner encore plus attentivement chacune de leurs dépenses, il est de notre devoir de les protéger en tant que consommateurs contre des pratiques commerciales susceptibles de retarder ou de suspendre les décisions et arbitrages qu’ils prennent. Tel est l’objet des articles 7, 8 et 9 du projet de loi, à travers lesquels nous vous proposons de nous attaquer ensemble à des situations que nous connaissons toutes et tous.

Alors que, de plus en plus souvent, quelques clics suffisent à contracter un abonnement en ligne, il faut parfois des heures, voire des mois pour résilier ce même abonnement. Je ne citerai évidemment aucune marque, mais chacun de nous a probablement vécu cette mauvaise expérience de consommateur. Qui ne s’est jamais retrouvé à essayer d’appeler un numéro injoignable, pour s’entendre finalement dire qu’il fallait envoyer un courrier recommandé, dont il ne serait tenu compte qu’à compter de son traitement, et encore, sous réserve de la complétude des pièces du dossier ? Ce que nous proposons, à travers l’article 7, c’est que lorsqu’un abonnement est vendu en ligne, une procédure de résiliation simple, en trois clics, soit obligatoirement prévue. Nous ciblons ici les contrats du quotidien : abonnements internet, abonnements téléphoniques, site de vidéo à la demande, abonnements de fourniture de gaz ou d’électricité.

L’article 8, dans la même veine, cible quant à lui les contrats d’assurance. Les entreprises d’assurance, les mutuelles et les institutions de prévoyance proposant la souscription de tels contrats par voie électronique devront elles aussi prévoir une résiliation facile, directe, permanente. Là encore, nous souhaitons redonner de la liberté et du pouvoir de choisir aux Français, tout en contribuant à renforcer la concurrence, à lutter contre les prolongations artificielles des contrats et à améliorer ainsi rapidement la protection des consommateurs.

La mesure vise les assurances tant pour les biens – habitation ou encore automobile – que pour les personnes – assurance vie, assurance emprunteur –, souscrites par les consommateurs mais pas par les professionnels.

Ces mesures s’inscrivent dans la continuité de travaux engagés lors du précédent quinquennat, notamment la loi du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur, qui a fait l’unanimité sur les bancs de l’Assemblée nationale, mais aussi la loi du 14 juillet 2019 relative au droit de résiliation sans frais de contrats de complémentaire santé, permettant aux assurés de résilier ces contrats après un an de souscription sans frais ni pénalités.

Toujours pour protéger le consommateur, l’article 9 prévoit quant à lui de créer deux circonstances aggravantes pour mieux sanctionner les pratiques commerciales déloyales. Premier cas : lorsque la pratique a donné lieu à la conclusion d’un contrat, c’est‑à‑dire lorsque l’arnaque – pardonnez-moi, la pratique commerciale déloyale – a réussi et que la victime se retrouve engagée financièrement, parfois de manière significative. Deuxième cas : lorsque la pratique a été commise en bande organisée, c’est‑à‑dire qu’un groupe de personnes agit tout au long de la chaîne de commercialisation de dispositifs comme les économies d’énergie, le compte personnel de formation ou encore les pronostics sportifs.

Il vous a été proposé d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de préciser comment la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pourrait organiser son action dans ce domaine, qu’il s’agisse des échanges d’informations avec les autres autorités publiques ou encore de la communication qu’elle pourra donner aux suites administratives et pénales. Cela suppose un travail interministériel assez lourd, qui prendra du temps. Nous avons pris bonne note des débats passionnants qui ont eu lieu cet après-midi. Vous avez souhaité revenir sur la forme ; nous sommes ouverts à cette possibilité d’évolution.

En un mot, il y a trois articles répondant à un seul objectif : redonner le pouvoir de choisir au consommateur, notamment dans une période où chaque euro compte.

M. Olivier Klein, ministre délégué auprès du ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, chargé de la ville et du logement. Je connais l’engagement de chacune de vos commissions et de chacun de leurs membres s’agissant des questions relatives au pouvoir d’achat, enjeu majeur pour l’ensemble de nos concitoyens et dont nous nous saisissons pleinement, comme le montre le projet de loi.

Je vous présenterai ce soir deux mesures essentielles du texte, qui figurent à l’article 6 et qui concernent l’enjeu central qu’est le logement. Pour la plupart des Français, le logement est le premier poste de dépense et, face à l’augmentation généralisée des prix, nous prenons nos responsabilités. La Première ministre a en effet fixé en la matière un cap très clair la semaine dernière devant votre assemblée : notre priorité est que le logement soit abordable pour chacun. À cette fin, l’article 6 comporte un double mécanisme.

Il prévoit d’abord un bouclier loyers. Ainsi, jusqu’à la fin juin 2023, les loyers ne pourront pas augmenter de plus de 3,5 % en un an. Il s’agit là d’une solution équilibrée, alors que l’indice de référence des loyers (IRL) pourrait atteindre environ 5,5 % d’ici à la fin de l’année et être plus élevé encore au cours du premier semestre 2023. Ce dispositif de protection, qui n’existe nulle part ailleurs, est le fruit de concertations nourries avec l’ensemble des acteurs concernés.

Le bouclier loyers sera en outre accompagné d’une revalorisation de 3,5 % des aides personnelles au logement (APL) afin de protéger les locataires qui en ont le plus besoin. Cette revalorisation est anticipée au 1er juillet 2022, alors qu’elle était initialement prévue en deux étapes : le 1er octobre 2022 et le 1er janvier 2023. Cette revalorisation permettra aux APL de couvrir les hausses de loyer jusqu’à 3,5 %. D’une part, tous les bailleurs ne procéderont pas à une hausse de 3,5 %, puisqu’il s’agit d’un plafond et non d’un seuil. D’autre part, la revalorisation des loyers sera postérieure à la revalorisation des APL, ce qui représentera somme toute un gain net pour tous les bénéficiaires. Enfin, cette mesure s’inscrit dans un paquet global : elle vient en complément des mesures présentées par mes collègues.

Au total, 5,8 millions de foyers bénéficieront de cette revalorisation, dont 2,6 millions résidant en logement social et 800 000 étudiants, pour un effort budgétaire d’environ 169 millions d’euros.

Il revient au Parlement de débattre de ces mesures et éventuellement de les enrichir. Je me réjouis, à cet égard, de l’adoption de l’article 6 cet après-midi en commission des affaires économiques et en commission des finances. Cela témoigne du fait que cette priorité est partagée par votre assemblée. Toutefois, j’ai conscience que ces mesures soulèvent chez certains d’entre vous des interrogations ; je me tiens donc, comme mes collègues, à votre disposition pour y répondre.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure de la commission des affaires sociales. « Notre premier défi, et je sais que cela fait consensus parmi nous, c’est de répondre à l’urgence du pouvoir d’achat ». Ainsi s’est exprimée la Première ministre, Élisabeth Borne, la semaine dernière lors de sa déclaration de politique générale.

Rarement contexte économique aura été aussi bouleversé pour nos concitoyens dans les périodes récentes. Certes, la crise était imprévisible, mais cela ne doit en rien nous empêcher d’agir collectivement et résolument pour aider nos concitoyens à surmonter cette épreuve. C’est l’objet du texte qui nous est présenté, lequel, conjointement au PLFR 2022, que la commission des finances examine en parallèle, traduit l’engagement et la détermination du Gouvernement à protéger le niveau de vie des Français.

Si ces mesures sont examinées aussi vite, c’est qu’elles répondent à des attentes fortes des Français et que nous n’avons pas le droit d’exaspérer ces attentes. Il n’en demeure pas moins que les textes seront examinés dans des conditions qui, je l’espère, permettront à l’ensemble des groupes de s’exprimer et de contribuer à l’élaboration de solutions collectives.

En tant que rapporteure de la commission des affaires sociales, il me revient de vous présenter les articles que celle-ci examinera au fond, en particulier les articles 1er à 5.

Une fois n’est pas coutume, je commencerai par l’article 5, qui constitue l’un des éléments centraux de l’effort des finances publiques en faveur du soutien au pouvoir d’achat de nos concitoyens, en particulier les plus fragiles.

Cet article permet de revaloriser par anticipation les montants et éléments intervenant dans le calcul de près de cinquante prestations sociales, afin de prendre en compte la hausse historique de l’inflation.

Les difficultés auxquelles font face une partie de nos concitoyens pour se loger et se nourrir appelaient de notre part une réaction immédiate, qui se traduit par cette revalorisation anticipée dont les effets seront perçus dès cet été. Cet effort de 8 milliards d’euros pour nos finances publiques pour les années 2022 et 2023, aussi massif soit‑il, me paraît justifié par l’urgence sociale. À cet égard, nous suivons la même boussole que celle qui nous avait guidés au cours de la précédente législature lorsque nous avions augmenté de manière exceptionnelle certains minima sociaux, mais aussi quand il avait fallu protéger l’ensemble des salariés face au covid.

Néanmoins, j’appelle l’attention du Gouvernement sur le fait que la mesure n’est pas compensée pour les collectivités : celles‑ci devront la prendre à leur charge. Si l’on peut évidemment considérer que les collectivités locales, à l’instar de l’État et des entreprises, doivent prendre leur part, l’impact pour certaines d’entre elles sera majeur. Je me fais ici l’écho de la situation des départements les plus peuplés, particulièrement le Nord. Ce département compte ainsi 90 000 bénéficiaires du RSA. La mesure représente une charge supplémentaire de 40 millions d’euros pour la collectivité, comme me l’a indiqué son président. Il en est de même pour certaines petites communes rurales disposant de très faibles marges de manœuvre. Quelle est la position du Gouvernement sur ces situations particulières ?

Par ailleurs, dans sa déclaration de politique générale, la Première ministre a annoncé la volonté du Gouvernement d’aller au bout de la déconjugalisation de l’AAH. Dans le prolongement de cette déclaration, nous sommes plusieurs députés de différents groupes à avoir déposé des amendements en ce sens.

Je tiens également à saluer le travail de l’ensemble des députés qui ont permis de faire avancer le débat sur la question depuis plusieurs années. Je pense en particulier à Stéphane Peu et Pierre Dharréville, du groupe Gauche démocrate et républicaine, à Aurélien Pradié et Stéphane Viry, du groupe Les Républicains, à Yannick Favennec-Bécot, du groupe Horizons et, bien entendu, à Marie-George Buffet et Jeanine Dubié, qui ne siègent plus parmi nous mais dont le rôle fut absolument essentiel. Leur engagement a permis de faire avancer la réflexion sur ce sujet particulièrement compliqué.

Nous avons eu de nombreux débats à ce propos lors de la précédente législature, des débats parfois âpres, mais qui procédaient tous de la même préoccupation, à savoir la justice sociale et le souci de l’autonomie pour les personnes en situation de handicap. C’est le sens de nombreux dispositifs adoptés au cours de la précédente législature qui ont permis d’augmenter le montant de l’allocation et le nombre de bénéficiaires.

La déconjugalisation de l’AAH répond à des enjeux majeurs d’autonomie pour les allocataires concernés. Toutefois, elle pourrait avoir des effets de bord délétères pour un certain nombre d’allocataires : la disposition serait positive pour de nombreux ménages, mais une déconjugalisation « sèche » ferait plusieurs dizaines de milliers de perdants. Le Gouvernement a‑t‑il l’intention de mettre en place un dispositif transitoire permettant aux bénéficiaires de ne pas perdre leurs droits au moment de l’entrée en vigueur de la déconjugalisation ?

Répondre à l’urgence n’empêche pas de s’inscrire dans le temps long et de satisfaire l’impératif selon lequel le travail doit être reconnu à sa juste valeur, que ce soit pour les salariés ou pour les indépendants. C’est l’objet des deux premiers articles.

L’article 1er pérennise un dispositif dont ont déjà bénéficié plus de 15 millions de nos concitoyens, pour un montant total de plus de 8 milliards d’euros. Il s’agit de la prime de pouvoir d’achat, désormais appelée « prime de partage de la valeur ». Ce changement de dénomination témoigne bien du fait que cette prime, versée dans des conditions aussi simples que possible, doit permettre aux salariés de profiter de la réussite de l’entreprise.

L’article 2 permet quant à lui de répondre à une forme d’inégalité entre les travailleurs indépendants et les salariés. Alors que ces derniers bénéficient, au voisinage du SMIC, des allégements généraux, qui contribuent très largement à faciliter l’embauche, les quelque 3,8 millions de travailleurs indépendants souffrent, pour un même niveau de rémunération, d’un niveau de contribution plus élevé. C’est pour cette raison que, ainsi que l’avait promis le Président de la République, l’article 2 exonère les travailleurs indépendants de 550 euros de cotisations annuelles à hauteur du SMIC. Ce gain de pouvoir d’achat, qui répond à une demande de longue date des organisations représentatives des travailleurs indépendants, ne se traduira par aucune perte de droits contributifs. Elle concerne toutes les catégories d’indépendants, qu’il s’agisse des micro-entrepreneurs, des artisans, des commerçants ou encore des professions libérales.

Les articles 3 et 4 contiennent eux aussi des mesures destinées à protéger le niveau de vie des Français.

L’article 3 traduit la volonté du Gouvernement de prolonger l’effort consenti depuis 2017 en faveur de la diffusion de l’intéressement, en particulier dans les entreprises de moins de cinquante salariés, où il est peu répandu, par la simplification et l’assouplissement des règles.

L’article 4 a pour objectif d’inciter les branches à négocier plus régulièrement sur le minimum conventionnel, afin de tenir compte des augmentations successives du SMIC. Il ouvre ainsi au Gouvernement la faculté d’engager la restructuration d’une branche professionnelle au regard d’un faisceau d’indices caractérisant son manque de vitalité conventionnelle. Parmi ces indices figurera explicitement la faiblesse du nombre d’accords garantissant un salaire minimum au moins équivalent au SMIC.

Si la fusion administrative de branches demeure réservée aux cas dans lesquels il existe une difficulté structurelle à négocier un accord sur ce thème, les dispositions prévues garantissent qu’une attention particulière sera portée à la juste rémunération des salariés les moins qualifiés.

De manière plus large, nous pouvons déplorer la faible dynamique de revalorisation des parcours de carrière et des rémunérations dans certaines branches, et ce alors même que tous les secteurs rencontrent des difficultés de recrutement. Nous avons engagé d’importantes réformes au cours du précédent quinquennat pour favoriser la création d’emplois et renforcer les leviers de la formation et de l’insertion professionnelle. Il est donc indispensable, pour atteindre l’objectif de plein emploi, que les branches obtiennent des résultats tangibles en matière de progression des rémunérations. À cet égard, j’en appelle aux partenaires sociaux. Nous l’avons dit : l’État doit prendre sa part, mais les entreprises également. Aussi, je souhaite interroger M. le ministre du travail sur la dynamique actuelle des négociations collectives et son sentiment sur les débouchés réels de ces dispositions.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. La commission des affaires économiques a examiné cet après-midi les articles 6 à 9, dont elle est saisie au fond par délégation et que j’ai été chargée de rapporter.

L’article 6 porte sur les dépenses de logement, qui représentent le poste le plus important dans le budget des ménages. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous prenons particulièrement à cœur d’agir dans ce domaine : il y a là un levier pour le pouvoir d’achat.

Afin de prendre en compte l’inflation, dont le niveau est d’ores et déjà élevé, et de limiter les augmentations excessives des dépenses de logement pour les locataires, l’article 6 vise à indexer les APL de manière anticipée, à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre comme ce serait le cas au regard du droit actuel. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit un niveau proche de l’évolution de l’IRL attendue au deuxième trimestre 2022.

En parallèle, le Gouvernement révisera les composantes des APL qui relèvent du domaine réglementaire. Il augmentera notamment le barème R0 de 4 %, ce qui constitue une avancée importante.

Ces évolutions doivent permettre, avec les autres mesures prises par la majorité pour revaloriser les minima sociaux et les revenus du travail, de donner un coup de pouce décisif aux revenus des ménages, notamment les plus modestes.

Les mesures contenues dans cet article ont été ratifiées par le Conseil national de l’habitat, qui rassemble les acteurs du logement. Il convient d’ailleurs de saluer les membres de cette instance, qui se sont réunis dans des délais contraints pour analyser les dispositions. Au cours des auditions que j’ai menées vendredi dernier, neuf heures durant, avec plusieurs collègues de la commission des affaires économiques, nous avons toutefois constaté qu’il y avait, comme toujours dans ce secteur, une variété de points de vue sur les mesures proposées.

C’est le cas, par exemple, en ce qui concerne le plafonnement à 3,5 % de l’augmentation des loyers, qui vise à refléter la hausse des prix de façon partielle et partagée. Avec une inflation qui pourrait atteindre 7 % en fin d’année, il nous paraît important de protéger les locataires en plafonnant l’évolution à la hausse de leur loyer. En effet, si nous ne faisons rien, la hausse de l’IRL, sur lequel sont annexés les loyers du parc privé et du parc social, pourrait dépasser les 5 % à la fin de l’année et au début de l’année prochaine.

Le taux de 3,5 %, qui est très proche de celui qui sera publié dans quelques jours par l’INSEE, a été choisi parce qu’il permet de répartir équitablement l’effort entre bailleurs et locataires. Nous avons en effet à cœur de protéger les locataires sans enfoncer financièrement les bailleurs, dans une période où nous demandons à ces derniers un effort important en matière de remise à niveau du parc de logements, notamment sur le plan énergétique – effort rendu plus nécessaire que jamais par la hausse des prix de l’énergie, mais plus compliqué aussi du fait du renchérissement des matériaux de construction.

Soutenir le pouvoir d’achat, c’est également veiller au bon fonctionnement de nos marchés de biens et de services. Au-delà des convictions politiques de chacun, nous pouvons tous dresser un constat : là où il y a des ententes, là où se nichent des monopoles, se cachent souvent des rentes qui contribuent au renchérissement du coût de la vie. Il nous faut donc veiller au maintien d’un certain équilibre dans les rapports de production et d’échange qui servent l’utilité commune.

Dans cet esprit, le projet de loi tend à conforter la protection du droit des consommateurs par trois dispositions complémentaires qui forment les deux chapitres du titre II – l’une d’entre elles a été supprimée cet après-midi, mais je pense que nous la rétablirons.

L’article 7 du projet de loi vise à simplifier les démarches des consommateurs désireux de résilier un contrat. À cet effet, il comporte deux mesures. En premier lieu, il affirme le principe selon lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié suivant la même modalité. En second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs un bouton de résiliation, susceptible de leur permettre d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. Cette mesure s’inspire d’un dispositif développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.

L’article 8 propose l’application des mêmes règles et d’un dispositif similaire pour les contrats d’assurance souscrits par voie électronique.

L’article 9 participe au renforcement de la protection des droits des consommateurs, dans la mesure où il vise à doter la puissance publique de nouveaux instruments, dans l’intérêt du respect de la loi. En premier lieu, l’article alourdit les sanctions pénales encourues pour pratiques commerciales déloyales. En second lieu, le texte proposait dans sa version initiale – cette partie de l’article a été supprimée cet après-midi en commission –, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’alléger les procédures d’enquête et les procédures administratives de la DGCCRF. Il visait également à accroître la portée dissuasive des actions de la DGCCRF. J’espère que nous pourrons retravailler cette disposition avec le Gouvernement.

En commission des affaires économiques, nous sommes parvenus à des compromis sur les articles qui nous avaient été délégués. Je forme le vœu que ce travail soit utile à nos débats et que, dans un esprit constructif, nous sachions apporter des réponses aux attentes de nos concitoyens.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques. Le titre III, que j’ai l’honneur de rapporter, comporte des mesures de sécurisation stratégique et juridique de nos approvisionnements énergétiques et de notre production d’énergie. Il traite également de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), avec pour objectif de protéger le pouvoir d’achat des Français.

La commission des affaires économiques a commencé cet après-midi à étudier ce titre, qui regroupe les articles 10 à 19. Les articles 10, 11 et 12 ont déjà été adoptés. À cette occasion, nous avons expliqué que c’était la gravité et la proximité des risques pesant notamment sur la souveraineté énergétique de notre pays qui avaient conduit le Gouvernement à introduire ces articles.

Mme Pannier-Runacher a ainsi rappelé les incertitudes autour des livraisons de gaz au regard du contexte géopolitique. Par ailleurs, les imports de gaz naturel liquéfié (GNL) sont limités, ce qui nous empêche de diversifier autant que nous le voudrions nos approvisionnements de gaz. Le parc nucléaire connaît également des tensions : trente et un réacteurs sont à l’arrêt. En outre, la sécheresse ampute la production hydroélectrique. Ces contraintes nous obligent à prendre des décisions et à nous doter d’outils permettant de garantir à l’ensemble des Français et à notre tissu industriel des approvisionnements énergétiques suffisants pour l’hiver prochain. Cela ne signifie pas pour autant que nous ayons renoncé à limiter les effets négatifs pour l’environnement, et encore moins que nous ayons remis en cause nos ambitions en matière climatique.

Les articles 10 à 14 concernent le gaz. Nous avons conscience qu’il s’agit d’une énergie fossile. Toutefois, il convient de rappeler que 12 millions de ménages y ont recours pour se chauffer. Nous ne pouvons pas nous permettre de plonger l’ensemble de ces foyers dans la difficulté au cours des prochains mois.

L’article 10 renforce la performance de notre système de stockage du gaz en instaurant une trajectoire d’approvisionnement annuelle et en permettant d’aller au-delà des minima de remplissage définis.

L’article 11 élargit le champ des gros consommateurs de gaz éligibles au dispositif d’interruptibilité rémunérée, afin d’offrir davantage de flexibilité d’approvisionnement.

L’article 12 accorde au ministre chargé de l’énergie des pouvoirs exceptionnels au cas où l’équilibre du réseau électrique serait menacé par des difficultés d’approvisionnement : il lui serait alors possible de réquisitionner les centrales à gaz pour réguler leur production.

Les articles 13 et 14 définissent le cadre juridique nécessaire à la construction et à l’exploitation d’un nouveau terminal méthanier flottant sur le site du port du Havre. Cela permettra d’accroître temporairement et rapidement nos capacités d’importation de gaz, sans pour autant construire d’infrastructures pérennes. Il s’agit bien de mettre en place une solution réversible, dans un contexte de crise, tout en apportant un niveau suffisant de garanties environnementales. Nous ne remettons pas en cause la trajectoire qui doit nous conduire à la neutralité carbone en 2050.

Les articles 15 et 16 contiennent eux aussi des dispositions visant à sécuriser notre approvisionnement énergétique. Au-delà des mesures relatives au gaz, le Gouvernement a commencé à sensibiliser nos compatriotes aux efforts nécessaires en matière d’optimisation et de sobriété, mais cela pourrait ne pas être suffisant. Il faut donc que nous disposions, en dernier recours, d’un autre outil. En l’occurrence, nous devons pouvoir exploiter les centrales à charbon plus qu’il était prévu.

Devoir augmenter le nombre d’heures de production d’électricité fondée sur le charbon, ce n’est pas une bonne nouvelle ; chacun ici en a parfaitement conscience. Mais il ne serait pas socialement acceptable de laisser des ménages en déficit d’énergie l’hiver prochain. Si nous vous proposons d’adopter les articles 15 et 16, c’est donc dans un souci de responsabilité. Ces mesures sont temporaires et visent à faire face à une crise exceptionnelle.

Les articles 17 à 19 traitent d’un dispositif ayant un impact direct sur le pouvoir d’achat des Français, à savoir l’ARENH. Il ne s’agit pas de rouvrir le débat sur un mécanisme dont nous connaissons tous les limites. Le fait est que ce dispositif, censé être remplacé au‑delà du 31 décembre 2025, doit pour le moment perdurer afin de protéger non seulement les consommateurs, mais aussi les entreprises – en particulier les industries, dont nous avons vu l’année dernière qu’elles avaient besoin que le plafond de l’ARENH soit rehaussé. Nous prenons acte de cette situation, de manière, par exemple, à ce que les 150 000 salariés des entreprises électro-intensives ne se retrouvent pas au chômage dans les mois à venir.

L’ensemble de ces dispositions visent à faire face à la crise ; nous sommes conscients de leur impact, qui est compensé autant que faire se peut. Elles ont pour objectif de sécuriser l’accès à l’énergie des Français et leur pouvoir d’achat.

M. le président Guillaume Kasbarian. Avant d’entendre les orateurs des groupes politiques, je précise qu’à la suite d’une demande qui nous a été faite, nous suspendrons la réunion pour permettre à chacun de prendre part, dans l’hémicycle, au vote sur la motion de rejet préalable déposée sur le projet de loi maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la covid-19.

Mme Christine Le Nabour (RE). Depuis deux ans, notre débat économique et social évolue au rythme de l’urgence de la crise sanitaire. Pour y faire face, il a fallu agir vite et efficacement, dans la logique du « quoi qu’il en coûte ». Nous avons su préserver notre économie, protéger nos entreprises et nos salariés. Les résultats sont là : notre économie résiste, les projets d’investissements étrangers sont en augmentation, le produit intérieur brut (PIB) a retrouvé son niveau d’avant‑crise dès la fin de l’année 2021. Dans le même temps, le taux de chômage connaît son niveau le plus faible depuis 2008 ; le chômage des jeunes est au plus bas depuis quarante ans.

La guerre en Ukraine, qui sévit depuis le 24 février 2022, n’est évidemment pas sans effet sur l’inflation, déjà favorisée par la reprise économique mondiale. Elle se situe aujourd’hui à un niveau jamais atteint depuis 1985. Face à cette montée des prix, un ensemble de mesures ont été adoptées pour protéger les Français. Cette action globale, rapide et déterminée nous permet aujourd’hui d’être le pays de la zone euro le moins touché par l’inflation. Ainsi, si la France n’est pas épargnée, toutes ces mesures ont permis une stabilité que les grandes économies occidentales nous envient.

Afin de garantir les engagements du Président de la République, qui visent à revenir à un déficit public égal à 3 % du PIB d’ici à 2027, il s’agit désormais de privilégier des mesures temporaires et ciblées en faisant preuve de responsabilité vis-à-vis des générations futures. Le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat que nous allons examiner répond à la préoccupation première des Français. C’est un sujet primordial à nos yeux. Nous devons soutenir les revenus des travailleurs pour faire en sorte que le travail paie toujours mieux et aider les Français à se loger, se déplacer, se nourrir et se chauffer cet hiver. Comme le dit si bien notre Première ministre, Élisabeth Borne, nous devons mettre en place des « mesures concrètes, rapides et efficaces », toujours dans l’objectif – que nous partageons tous – de permettre à nos concitoyens de vivre dignement.

La commission des affaires sociales examinera cinq articles visant à pérenniser la « prime Macron » en en faisant une prime de partage de la valeur grâce au triplement de ses plafonds, à baisser les cotisations sociales pour les travailleurs indépendants, à rendre plus simple la mise en œuvre d’accords d’intéressement dans les petites entreprises, à dynamiser les négociations de branche professionnelle sur les salaires et à anticiper la revalorisation des retraites, des prestations sociales et des bourses étudiantes sur l’inflation.

Aujourd’hui, 70 % des branches professionnelles disposent de minima conventionnels en dessous du SMIC, complétés, entre autres, par des primes ou des tickets-restaurant. Le temps long des négociations et les différentes baisses de cotisations opérées sur les bas salaires ont certes permis de réduire le chômage, mais ont favorisé le tassement des grilles salariales. J’aimerais savoir ce que vous comptez faire pour favoriser les progressions de carrière. En effet, cela peut être une réponse aux tensions de recrutement sur le marché du travail.

Le Président de la République, tout comme la Première ministre, lors de son discours de politique générale, se sont engagés à ne plus prendre en compte le revenu du conjoint dans le calcul de l’AAH. Pendant cinq ans, nous avons beaucoup œuvré pour améliorer les conditions de vie des personnes en situation de handicap et leur autonomie, en suivant la logique de la société inclusive, une société qui change de regard sur le handicap et qui doit s’adapter à la différence. Sans aller jusqu’à la déconjugalisation totale, nous avons voté la mise en place d’un nouveau calcul en 2021, qui a permis à 120 000 personnes en situation de handicap en couple de bénéficier d’une augmentation mensuelle de 110 euros en moyenne. Notre groupe a déposé un amendement sur ce projet de loi visant la déconjugalisation de l’AAH.

Toutefois, ce n’est qu’une étape. Nous devons aussi apporter une réponse aux 45 000 personnes en situation de handicap qui travaillent et dont le conjoint ou la conjointe ne travaillent pas, qui seront les perdants de cette mesure. Par ailleurs, nous devons continuer à accompagner les personnes en situation de handicap dans leur vie quotidienne, améliorer leur autonomie, agir pour l’accès à l’école, à la formation et à l’emploi. Le taux de chômage des personnes handicapées est passé de 14 % à 19 % avant la covid. C’est mieux, mais il faut aller plus loin. Attention de ne pas freiner cette dynamique.

Nous attendons la révision du barème d’attribution de l’AAH, lequel n’incite pas toujours à travailler. Ainsi, une personne qui passe à temps partiel ne conserve pas son allocation. En conséquence, beaucoup renoncent à un projet professionnel. Le revenu disponible d’une personne en établissement et service d’accompagnement par le travail est quasiment le même quel que soit le niveau auquel l’établissement la rémunère. Comptez‑vous entreprendre une révision de ce barème ? Comptez-vous maintenir chaque année le niveau de crédits du quinquennat précédent en faveur de l’amélioration des conditions de vie et d’autonomie des personnes en situation de handicap ?

Mme Laure Lavalette (RN). Enfin, le Gouvernement se saisit de la question du pouvoir d’achat, thème que Marine Le Pen a su mettre au centre de la campagne présidentielle depuis le mois de septembre. Voilà ce que nous considérons être une opposition constructive ! Ce projet de loi est discuté dans un contexte d’urgence pour tous nos concitoyens. Vous le savez, après cinq ans d’Emmanuel Macron, un Français sur quatre ne mange pas à sa faim, des étudiants font la queue devant les banques alimentaires, certains retraités vivent avec 8 euros par jour, et cet hiver, en France, des Français ont dû choisir entre se chauffer et dîner. S’il y a aujourd’hui urgence, c’est parce que, pendant cinq ans, il y a eu défaillance. Nous sommes particulièrement inquiets lorsque Bruno Le Maire annonce qu’à partir du 1er janvier 2023, les factures d’électricité et de gaz pourraient être indexées sur les revenus. Faudra‑t‑il, mesdames et messieurs les ministres, montrer sa fiche de paye pour acheter sa baguette de pain ? Est‑ce vraiment la France que vous voulez ?

La guerre en Ukraine et la crise de la covid n’expliquent pas tout. L’inflation structurelle que nous connaissons est avant tout la conséquence de cinq ans d’une gestion calamiteuse qui a provoqué la ruine des travailleurs modestes, la paupérisation des classes moyennes et la précarisation des retraités. Les Français, sachez-le, ne veulent pas l’aumône, la politique du chèque qu’il soit énergie, carburant, inflation ou que sais-je encore, est une régression sociale sans précédent. Qui peut se contenter d’une société où l’on attend un chèque de l’État pour remplir son frigidaire ?

Rien, c’est le mot qui nous est venu à l’esprit à la lecture de votre projet de loi : rien sur le litre d’essence à 2,30 euros, rien sur les salaires, qui ne permettent plus de vivre dignement de son travail, rien sur la précarité étudiante, rien sur les situations particulières de la vie, les familles nombreuses, la perte d’un conjoint, un tout petit geste pour le handicap – il était temps, car nul ne peut être pénalisé pour avoir fondé un foyer –, rien sur les pratiques bancaires étouffantes...

Je pourrais énumérer encore longtemps les manquements du projet de loi, mais les Français, vous le savez, attendent de nous des propositions concrètes. Notre groupe se propose de vous aider à élaborer un texte qui réponde véritablement aux attentes des Français, car votre réalité ne semble pas être la leur. Permettez-moi de vous présenter un rapide florilège de nos propositions, toutes rejetées par votre nouvelle arme pour museler l’opposition : le cavalier législatif. La baisse de la TVA de 20 à 5,5 % sur l’essence, le fioul, le gaz et l’électricité : retoquée ! Le doublement du chèque énergie, faute d’une meilleure proposition de votre part : retoqué ! La création d’un panier de 100 % de première nécessité, avec une TVA à 0 % : de même ! Le plafonnement des frais bancaires, véritable spoliation des Français et surtout des plus précaires : retoqué ! L’élargissement des titres : retoqué ! Le rétablissement de la demi‑part fiscale pour les veuves et veufs : retoqué ! Allez dire aux Français que cela n’aura pas d’incidence sur leur pouvoir d’achat, je n’ose imaginer leur réaction. J’espère que ces propositions sauront vous ramener à la réalité, cette réalité que vous semblez fuir au travers de procédures qui ne doivent pas se transformer en outils de dérives.

L’usage du cavalier législatif nous paraît excessif au regard des propositions liées au portefeuille des Français que les groupes d’opposition ont présentées. Vous ne semblez pas le réaliser, mais l’Assemblée nationale ne vous est plus acquise, les oppositions sont aujourd’hui de véritables interlocutrices que vous ne pouvez ignorer pour rédiger la loi. Le musellement de l’opposition n’est aujourd’hui plus une option. Nos travaux doivent se dérouler dans les meilleures conditions, au bénéfice de nos concitoyens. Mesdames, messieurs les ministres, les Français attendent de vous, de nous un projet ambitieux, un véritable sursaut. Leurs attentes ne sont évidemment pas dérisoires, elles sont urgentes et vitales. Notre groupe répondra toujours présent en commission comme dans l’hémicycle pour défendre ce qui ne peut être ignoré.

M. le président Guillaume Kasbarian. J’observe que vous n’avez pas été muselée puisque vous avez pu vous exprimer. Par ailleurs, je vous informe qu’en commission des affaires économiques, nous avons passé un long moment à expliquer les raisons qui ont conduit à qualifier certaines dispositions de cavaliers législatifs. Les présidences de commission appliquent la Constitution. Elles censurent les amendements lorsqu’ils sont considérés comme des cavaliers. Tous les groupes politiques sont logés à la même enseigne. Le Gouvernement lui-même est soumis à cette censure lorsqu’il dépose des amendements. Avec la présidente Khattabi, nous appliquons les règles à la lettre. C’est également le cas de la commission des finances, qui a déclaré irrecevables un certain nombre de cavaliers. Au sein du groupe RN, vous avez par exemple déposé des amendements sur la TVA. J’ai expliqué à M. Meizonnet que la commission des finances avait censuré ce type d’amendements, lors de l’examen du projet de loi sur le pouvoir d’achat, et invité les commissaires à les déposer dans le cadre du PLFR. Nous ne faisons qu’appliquer la loi et la Constitution.

M. Hadrien Clouet (LFI-NUPES). Ce texte n’est pas un projet de loi comme un autre. Pour nous, c’est une facture géante que vous adressez à la population française pour lui faire les poches. Vous nous présentez là un document qui est une facture étalée dans le temps. Rien, dans ce texte, n’est du nouveau pouvoir d’achat ; cela se rapproche beaucoup plus d’un vulgaire crédit conso. Pas une seule fois, vous n’augmentez le dû des salariés, c’est‑à‑dire leur salaire ; vous versez uniquement de l’intéressement ou de la prime. C’est donc évidemment une arnaque d’ampleur puisque, sans cotisations sociales, rien de tout cela ne compte pour une pension de retraite et que cela met les comptes de la sécurité sociale dans le rouge. Une prime qui vous plonge dans la pauvreté et menace de ruiner les seniors, il fallait y penser, Mme Borne l’a fait !

Dans la foulée, vous avez inventé une nouvelle doctrine en matière de travail : la rémunération hypothétique. Les salariés ne verront pas leur salaire augmenter ; votre projet prévoit qu’ils devront supplier l’employeur ou, au minimum, compter sur lui pour qu’il veuille bien les intéresser aux résultats de l’entreprise afin de tenir jusqu’à la fin du mois. Or, la conséquence directe de l’intéressement dans la plupart des entreprises, c’est le gel des salaires, c’est travailler plus longtemps et plus durement pour espérer la prime, bref, c’est travailler plus pour gagner peut-être. Surtout, vous confiez aux employeurs les pleins pouvoirs pour élaborer les dispositifs d’intéressement sans aucune négociation avec le personnel. En somme, vous avez la même conception de l’entreprise que de l’Assemblée nationale : un lieu où une personne seule pourrait dicter sa loi sans jamais solliciter la confiance du plus grand nombre.

Alors que tout le pays est étranglé par l’inflation et que vous récoltez une cagnotte de 50 milliards d’euros, vous nous présentez un texte qui se résume également à un avoir, comme à la caisse du supermarché. En effet, toutes ces hausses de prestations et d’allocations sont anticipées : vous versez aujourd’hui ce que vous nous deviez demain. Vous ne tentez même pas de rattraper la hausse des prix : plus 17 % pour les pâtes, plus 14 % pour l’huile, plus 13 % pour le café, bref, l’indice des prix et l’ensemble des prix des produits de consommation courante augmentent deux fois plus vite que votre revalorisation. Pour 1 euro que vous versez en prestations et en allocations, la grande distribution et les grandes multinationales en perçoivent 2. Ainsi, entre nos comptes courants et les bénéfices des profiteurs de crise, il faut choisir : vous avez choisi les profiteurs. La vérité est que vous approuvez, dans le fond, cette inflation, car vous obtenez ainsi ce que vous tentez de faire depuis cinq ans : parvenir à une diminution des salaires réels de la population.

Par ailleurs, vous nous présentez ici la facture de vos propres erreurs. La loi El Khomri, par exemple, puis les ordonnances Pénicaud ont retiré aux branches le pouvoir de négocier dans toute une série de domaines : je pense notamment au temps de travail. Plutôt que de rétablir leurs prérogatives, vous les liquidez administrativement. Plutôt que de placer sous conditions les 66 milliards d’euros annuels d’exonérations de cotisations sociales, qui coûtent 1 000 euros à chaque habitant du pays, vous allumez un cierge, en espérant que le patronat négocie. On s’étonne, finalement, que vous n’ayez pas encore proposé de transformer l’ensemble des travailleuses et travailleurs du pays en chauffeurs Uber, ce qui est un bon signe, puisque cela indique qu’Emmanuel Macron se tient à distance du travail parlementaire.

Enfin, vous nous présentez, en prime, la facture de vos renoncements climatiques : les projets d’énergies renouvelables sont gelés dans le pays, vous êtes à 20 % en dessous de nos engagements dans le mix énergétique français et nous sommes le seul pays européen à ne pas tenir ses engagements en matière de renouvelables. Vous venez avec votre texte, comme si de rien n’était, nous expliquer qu’on rouvre les centrales à charbon et qu’on accroît les capacités d’importation de gaz naturel liquéfié. L’heure est pourtant à la bifurcation écologique et au développement des énergies renouvelables, à la sobriété et à de véritables plans de rénovation thermique du bâti.

Le recyclage, c’est effectivement écologique, sauf lorsqu’il s’agit de vos vieilles solutions. Il est donc absurde d’intituler ce projet « protection du pouvoir d’achat ». Les mots sont justes mais il faut les séparer : protection, bien sûr, mais de certains grands intérêts ; pouvoir, oui, celui de l’Élysée ; achat, également, mais uniquement de la paix sociale pendant quelques semaines. Il était pourtant envisageable de conférer à ce texte un intitulé qui soit honnête, clair et peut-être plus lisible, il aurait suffi de le baptiser « projet de diminution du pouvoir d’achat de l’ensemble de nos compatriotes ».

La réunion est suspendue de vingt-deux heures quinze à vingt-deux heures quarante.

M. Stéphane Viry (LR). Ce projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat soulève plusieurs interrogations. Quelles réponses apporte-t-il aux attentes de nos concitoyens ? Quel message adresse-t-on, à travers lui, aux Françaises et aux Français ? Les mesures prises ne doivent pas apparaître trop techniques, technocratiques et éloignées de leurs préoccupations. Le constat est simple : les Français perdent depuis plusieurs mois, du fait de l’inflation, une part importante de leur capacité à vivre, de leur pouvoir d’achat. L’objectif de ce texte est d’éteindre un incendie provoqué par de mauvaises décisions. Entre juin 2021 et juin 2022, notre pays a connu une inflation de l’ordre de 5,8 %
– du jamais vu depuis quarante ans. Ce sont donc deux textes étudiés simultanément à l’Assemblée nationale qui vont tenter d’améliorer, de corriger, de redresser le pouvoir d’achat des Français : ce projet de loi et le PLFR 2022.

En tout état de cause, l’appauvrissement de nos compatriotes nous impose de prendre des mesures fortes et ce, dès que possible. La baisse de 1,5 % du pouvoir d’achat au premier trimestre de 2022 démontre cette urgence. Si l’on ne réagit pas, l’inflation atteindra 7 % à la fin de l’année. Les données économiques ne sont pas très bonnes, la croissance qui était annoncée n’est en réalité qu’un faible sursaut alors que l’inflation semble avoir été minimisée par les autorités gouvernementales. On aurait pu espérer une baisse significative des taxes, notamment sur les carburants. Seuls les chèques semblent apporter une réponse, très coûteuse, à la perte de pouvoir d’achat. Que faire alors des taxes, des taxes sur les taxes, de la pression fiscale, devenue insoutenable pour certains ménages ? Résoudre les problèmes, oui, les déplacer, non. Le groupe Les Républicains, qui est responsable et force de propositions sur ce texte, défendra bien entendu des amendements, pratiques, de bon sens, qui viseront à améliorer la condition de vie des Français.

Toutefois, arrêtons de nous voiler la face en proposant des chèques qui oublient trop souvent les classes moyennes. Les Français paient des taxes à l’État, et l’État leur verse des chèques avec lesquels ils vont payer de nouvelles taxes : c’est un serpent qui se mord la queue. Ces mesures bancales et temporaires n’aboutissent pas à des solutions pérennes. Nous proposons des mesures concrètes qui permettraient par exemple de baisser la taxe sur les carburants. Le prix de l’essence est devenu insoutenable pour de nombreux foyers. Nous réclamons – en l’assumant très clairement – une forte baisse des taxes sur les carburants qui profiterait à tous de manière indifférenciée et qui permettrait de faire baisser le prix du carburant à la pompe pour qu’il ne dépasse pas 1,50 euro du litre. Nous proposons pour cela de supprimer la TVA sur la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE), qui est effectivement une taxe sur la taxe totalement injuste.

Par ailleurs, nous appelons de nos vœux une baisse de la TICPE. Ce serait une mesure de justice fiscale, dans la mesure où les habitants des zones rurales, lourdement pénalisés par la flambée des prix à la pompe, ont perdu 1 point de pouvoir d’achat supplémentaire par rapport aux habitants des zones urbaines.

Nous assumons tout autant la volonté de mieux rémunérer le travail afin de faire en sorte qu’il apporte plus que l’assistanat. Pour ce faire, il faut défiscaliser totalement les heures supplémentaires afin d’augmenter le salaire net. Nous n’oublions pas les retraités, qui ont souffert en 2018 de la hausse de la CSG. Si le Gouvernement a annulé la hausse de la CSG pour les retraités les plus modestes, 8 millions de pensionnés continuent à subir cette hausse. Enfin, nous reviendrons dans les débats sur la déconjugalisation de l’allocation adulte handicapé.

Mes chers collègues, ce qui compte, c’est le net sur le bulletin de salaire, c’est le durable et pas des mesures éventuelles ou des primes hypothétiques de temps à autre, c’est le prix des énergies, du carburant, ce qui compte c’est de baisser la pression fiscale, les contributions, les taxes, pour laisser l’argent aux Français, ce qui compte, c’est d’adopter des mesures claires, simples et efficaces. Or, en l’état, j’ai le sentiment, à lire le projet de loi, que les mesures sont un peu trop technocratiques et illisibles pour les Français.

M. Nicolas Turquois (Dem). Cette XVIe législature débute dans un contexte économique très particulier. Notre pays fait face à une inflation galopante qui affecte le pouvoir d’achat, le quotidien de nos compatriotes. Après des décennies d’une hausse des prix quasi nulle, et maîtrisée, la reprise économique post‑pandémie a engendré de fortes tensions d’approvisionnement sur de nombreux produits, puis la guerre en Ukraine a fini de déstabiliser le marché mondial de l’offre et de la demande, notamment des matières premières et de l’énergie. Si des mesures de protection efficace ont immédiatement été prises dès la fin de l’année dernière, notamment sur les prix du gaz et de l’électricité, le pic inflationniste est désormais atteint, et il nous faut agir vite et fort pour en limiter les effets. C’est l’objet du texte qui nous réunit aujourd’hui.

Pour permettre aux Français de gagner plus chaque mois, il contient des mesures qui encouragent le travail sans oublier les plus précaires. À ce titre, la revalorisation de l’ensemble des droits et prestations sociales de 4 % est un signal de justice sociale et d’équité important. Notre groupe se réjouit que les allocations familiales soient revalorisées dès à présent, tout comme les pensions de base de retraite. Toutefois, nous souhaitons interroger le Gouvernement sur l’effet de bord que pourrait constituer une augmentation des taux de CSG frappant certains retraités du fait de cette revalorisation. Il serait en effet contreproductif de reprendre d’une main ce que l’État donne de l’autre.

Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) salue également les dispositions de l’article 3, qui simplifient considérablement la mise en œuvre des plans d’intéressement dans les petites et moyennes entreprises. Cette mesure, que notre famille politique porte depuis la dernière législature, doit permettre de mieux partager la valeur produite et de mieux impliquer les salariés dans la réussite des entreprises. Cela s’articule de manière cohérente avec le relèvement des plafonds de la prime de pouvoir d’achat. Sur ce sujet, notre groupe proposera de permettre aux entreprises qui le souhaitent de compléter leurs versements au cours de l’année civile par un nouvel accord, dans la limite des plafonds imposés.

Par ailleurs, les membres de notre groupe, comme la plupart d’entre nous, défendront la déconjugalisation de l’AAH, conformément aux annonces de la Première ministre. Si d’importantes divergences ont été exprimées sur cette question, il s’agit d’une attente forte qui ne peut être occultée. Notre groupe veillera cependant à ce que cette réforme ne fasse aucun perdant.

En outre, nous examinons le projet de loi dans un contexte de crise énergétique d’une ampleur exceptionnelle. Tandis que les dépenses en énergie représentent près de 12 % de la consommation des ménages et ne cessent d’augmenter, la défense de notre sécurité d’approvisionnement énergétique est la priorité, la condition sine qua non préalable à toute autre mesure. Il nous paraît important de rappeler que les dispositions exceptionnelles présentées dans ce texte sont avant tout des réponses à un contexte international subi. Exemple très concret qui animera sans nul doute nos débats : la possibilité de rouvrir une centrale à charbon. Non, nous ne nous réjouissons vraiment pas de ce scénario ; nous le déplorons, même. Cela étant, nous considérons que nous devons nous prémunir contre toute éventualité, notamment celle d’un black‑out en France cet hiver, dont les conséquences humaines et économiques seraient catastrophiques.

Il est de notre responsabilité de prévoir que le cadre légal en vigueur permette à une installation ayant une capacité de production équivalente à deux tiers d’un réacteur nucléaire d’être remise en fonction temporairement et sous condition de compensation carbone, en cas de grave danger sur notre sécurité d’approvisionnement. Sur ce sujet, nous souhaiterions, madame la ministre, que vous réaffirmiez devant nous que cette mesure ne modifie en rien nos objectifs de réduction de gaz à effet de serre globaux ni notre trajectoire de sortie du charbon. Avez-vous des éléments concrets et chiffrés sur la potentielle réouverture de la centrale à charbon au regard de nos besoins énergétiques ? Enfin, nous considérons que des points de contrôle devront être régulièrement établis pour quantifier et planifier nos objectifs. C’est également pour ces raisons que nous serons favorables aux dispositions relatives à l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique. Le Gouvernement doit pouvoir disposer des outils nécessaires pour éviter au maximum la déstabilisation des marchés de l’énergie.

Dans un contexte économique et politique inédit, il nous appartient à nous, députés de la nation, de trouver les voies et moyens du dialogue et de l’écoute réciproque pour parvenir à l’ambition qui anime, je le crois, chacun d’entre nous. Protéger, améliorer la vie des Français, cela doit se faire dans un climat de sérénité mais aussi de responsabilité budgétaire : nous y serons vigilants.

M. Gérard Leseul (SOC). Je regrette les mauvaises conditions d’examen de ce texte, que nous étudions simultanément dans trois commissions, avec un délai de moins de quarante‑huit heures pour rédiger les amendements, alors même que le Gouvernement élabore ce projet depuis plusieurs semaines. Cela augure très mal de la nouvelle méthode annoncée par la Première ministre. Ce premier texte de la législature concerne le pouvoir d’achat, ou plutôt, devrais‑je dire, est supposé en traiter, car il nous est finalement présenté un projet de loi un peu fourre‑tout, principalement composé de mesures relatives au domaine énergétique, avec quelques dispositions d’ordre économique, mais qui ne traite pas au fond du pouvoir d’achat global de nos concitoyens.

Pour protéger le pouvoir d’achat, vous consacrez une vision court-termiste qui se cantonne finalement à trois types de solutions largement insuffisantes : la sous-indexation des prestations sociales des bénéficiaires, la baisse des cotisations sociales et l’incitation à verser des primes aux salariés par les entreprises. Les trois premiers articles creusent délibérément le trou de la sécurité sociale, sur lequel le Gouvernement pourra ensuite s’appuyer pour justifier la baisse des droits sociaux et notamment la réforme des retraites. L’article 1er prévoit un triplement du plafond de la « prime Macron » et l’exonération de prélèvements sociaux dans la plupart des cas. L’article 2 instaure de nouvelles exonérations de cotisations pour les indépendants, dont la compensation par l’État à la sécurité sociale n’est pas prévue. L’article 3 comprend des mesures visant à la généralisation de l’intéressement, un dispositif qui échappe à la plupart des prélèvements sociaux par l’employeur. Pour l’ensemble des comptes sociaux, c’est une perte massive.

Votre texte ne propose pas de solutions de long terme mais des mesurettes qui conduisent en définitive à abîmer notre modèle social et à faire reposer l’effort sur les Françaises et les Français, qui verront en réalité leur pouvoir d’achat s’éroder, notre modèle social détricoté et aucune augmentation réelle de salaire dans la durée. C’est pourquoi, à gauche, nous avons travaillé sur une contre-proposition de loi visant à augmenter le traitement des fonctionnaires de 10 %, indexer les pensions de retraite sur l’inflation, revaloriser l’allocation de rentrée scolaire et les aides pour le logement, déconjugaliser l’AAH, encadrer les loyers et bloquer temporairement les prix d’un ensemble de biens de première nécessité. Toutes ces mesures contribueraient dès la rentrée à l’institution d’un réel bouclier protégeant le pouvoir d’achat de tous les Français.

Dans nos territoires périurbains et ruraux, dans nos campagnes, nombre de nos concitoyens se trouvent en difficulté, voire en très grande difficulté, pour joindre les deux bouts. À plus de 2 euros le litre de carburant, le problème du déplacement est encore plus crucial qu’hier, plus onéreux pour les Français, alors que, dans le même temps, une entreprise comme Total a largement bénéficié de cette situation en engrangeant près de 16 milliards d’euros de bénéfices, et déjà plus de 5 milliards sur le premier semestre de 2022. C’est pourquoi nous sommes favorables à un blocage temporaire des prix du carburant ainsi que des biens de première nécessité, qui représentent des dépenses contraintes pour nos concitoyens, qu’il s’agisse des aliments de base, des produits d’hygiène, etc.

Nous proposerons également une baisse de la TVA sur les billets de transport en commun et de train. Il faudra augmenter les investissements structurels dans ces secteurs et renforcer les petites lignes, trop longtemps délaissées.

Mesdames et messieurs les ministres, nous sommes opposés, philosophiquement et donc politiquement, à votre vision de la société telle qu’elle s’exprime dans ce texte. La rémunération du travail, ce ne sont pas des primes, c’est au contraire du salaire brut et du salaire net à la fin du mois. Vos primes font l’impasse sur les cotisations sociales, alors que nous avons besoin de ces dernières pour renforcer notre protection sociale, nos retraites ou encore l’hôpital public, qui a besoin d’un grand plan d’investissement, le plus rapidement possible. La revalorisation des salaires nous paraît une réponse urgente à apporter face au malaise qui traverse notre société. Des richesses existent, mais elles sont très inégalement réparties : le CAC 40 a dégagé près de 160 milliards de bénéfices en 2021 et versé 60 milliards de dividendes, tandis que l’épargne covid est estimée à 175 milliards d’euros. Comment dire, dans ces conditions, que nous ne pouvons pas revaloriser le travail, et notamment le SMIC ?

M. Thierry Benoit (HOR). Nous voici rassemblés ce soir pour examiner le projet de loi « portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». On aurait pu aussi bien écrire « portant mesures d’urgence en faveur du reste à vivre », parce que, pour un certain nombre de nos concitoyens, il s’agit bien de cela. Je souhaite au Gouvernement de connaître, avec ce texte, un succès identique à celui que lui ont valu les mesures de soutien aux activités économiques au moment de la crise sanitaire. Je rappelle que le fonds de solidarité, l’activité partielle, le report de charges, les prêts garantis par l’État ont permis de traverser cette crise, avec 850 000 emplois créés en 2021, une baisse d’impôts qui a été malgré tout significative, puisqu’elle a excédé 20 milliards d’euros, et un taux de chômage qui oscille autour de 7 %. Dans le bassin d’emploi où je vis, à Fougères, nous avons un taux de chômage de 4,5 % ; il oscille, dans mon département, entre 3 % et 7 %, ce qui signifie que les mesures qui ont été prises vont dans le bon sens.

Il faut évaluer qui sont les gagnants et les perdants de la crise. Nous le savons tous, il n’y a pas eu que des perdants. Les banques, certaines compagnies d’assurances, la distribution et les centrales internationales de services, les fabricants de médicaments, la logistique internationale et les entreprises gestionnaires de porte-conteneurs, celles du secteur de l’énergie pourraient peut-être alimenter un fonds d’aide spécifique au pouvoir d’achat ?

Ensuite, en phase de reconstruction, dans l’après-crise, il faut se focaliser sur le travail. Des heures supplémentaires défiscalisées, dans leur format de 2007, pourraient constituer une mesure précieuse de soutien au pouvoir d’achat des salariés – ils pouvaient toucher 100 à 200 euros d’heures supplémentaires défiscalisées avec un salaire de 1 300 à 1 500 euros par mois.

Quand on travaille, il faut pouvoir se déplacer. Le projet de loi comprend différentes mesures, l’une d’elles concernant les trajets domicile-travail. À titre personnel, j’aurais préféré un dispositif similaire à celui qui existait avec la taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) flottante : une TICPE flottante, plus lisible pour une bonne partie de nos concitoyens.

Notre pays n’échappera pas à un débat sur la TVA, que l’on peut appeler sociale, ou antidélocalisation : il faut y réfléchir concernant les produits de première nécessité – alimentation, hygiène et carburant lorsqu’il s’agit d’aller au travail.

Les mesures concernant le logement vont dans le bon sens avec l’augmentation des APL et l’encadrement de l’augmentation des loyers à 3,5 %.

S’agissant des retraites, la revalorisation généralisée de 4 % me semble prolonger les inéquités actuelles. Il faudrait profiter du projet de loi pour donner un coup de pouce sérieux aux très petites retraites.

Enfin, nous soutiendrons la déconjugalisation de AAH : il s’agit d’en faire une prestation universelle dont le montant ne sera plus tributaire des revenus du conjoint.

Mme Sandrine Rousseau (Écolo-NUPES). Dans l’hémicycle, mais aussi en commission, vous avez vanté votre nouvelle méthode de gouvernement et la concertation. Force est de constater que le compte n’y est pas pour ce premier projet de loi : le texte a été déposé en un temps record, nous devons l’étudier en un temps record et dans un nombre de commissions record. Nous n’avons donc pas le temps d’auditionner les acteurs, notamment les organisations non gouvernementales environnementales, alors que certaines dispositions du projet de loi touchent à l’écologie.

En outre, la plupart de nos amendements ont été déclarés irrecevables. Il sera donc impossible de les étudier en commission et il nous faudra nous contenter des amendements les moins ambitieux !

Vous prétendez qu’il s’agit d’un projet de loi d’urgence pour le pouvoir d’achat, mais il ne répond en rien à l’urgence ou au pouvoir d’achat. Pire, il est écocidaire alors que nous traversons une canicule exceptionnelle et que plus personne ne nie le caractère dramatique de la situation écologique, surtout pas le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui nous invite à agir radicalement, et de toute urgence.

Pour vous, le pouvoir d’achat, ce sont des primes et l’intéressement, alors que seule une hausse des salaires permettrait à tous nos concitoyens de sortir durablement de la pauvreté. Avec vos propositions, l’amélioration de la situation des salariés dépendra de celle des entreprises ou de la capacité de ces derniers à négocier au sein des branches. Ce n’est pas à la hauteur de l’enjeu !

Vous augmentez les minima sociaux de 4 % alors que l’inflation est à 6 %. Les 5 euros des APL vous ont poursuivis tout au long de la précédente législature. Désormais, on vous reprochera les 2 % manquants ! Après le vote de votre projet de loi, nos concitoyens – et particulièrement les personnes percevant les minima sociaux – seront plus pauvres qu’elles ne l’étaient avant la hausse de l’inflation. Bravo !

L’individualisation de l’AAH pourrait faire l’objet d’un amendement. Certes, mais combien de mobilisations et d’alertes aura-t-il fallu pour que vous changiez d’avis ? Combien d’élections pour que vous envisagiez avoir fait une erreur ?

L’énergie la moins chère est celle que nous ne consommons pas. En France, 4,8 millions de logements sont des passoires thermiques – classées F et G par le diagnostic de performance énergétique (DPE) – ce qui représente 17 % du parc de logements. Pourtant, le projet de loi prévoit-il d’accélérer la rénovation obligatoire de ces logements ? Non. Prévoit-il un reste à charge nul pour les propriétaires de ces logements ? Non. Va-t-on obliger les propriétaires bailleurs à faire ces travaux dans des délais restreints ? Non. Tout cela permettrait de diminuer la facture énergétique dès l’hiver prochain.

Que faites-vous pour réduire la dépendance aux énergies fossiles, après vos beaux discours dans l’hémicycle ? Rien. Que faites-vous en faveur d’un forfait mobilités durables obligatoire dans toutes les entreprises ? Rien, pas plus que vous n’annoncez de baisse de la TVA dans les transports en commun, dont on sait pourtant qu’ils sont une alternative crédible.

Sur les loyers, vous présentez votre mesure comme un compromis entre les intérêts des locataires et ceux des propriétaires, en niant totalement le rapport inégalitaire entre les deux acteurs. Pour les 20 % les plus pauvres de nos concitoyens, le loyer consomme 26 % du budget mensuel, et c’est une dépense contrainte.

Enfin, je le répète, ce projet de loi est écocidaire : votre terminal méthanier flottant ne sera opérationnel qu’en 2023 et on rouvre des centrales à charbon !

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons l’habitude de débattre calmement en commission, et de respecter les durées de parole annoncées.

En outre, vous ne pouvez mettre incessamment en cause les présidences de commission. Les règles d’irrecevabilité des amendements sont les mêmes pour tous les groupes. Ce n’est pas un choix politique, mais l’application du droit, en l’occurrence de la Constitution. Si un amendement est déposé dans une commission qui n’examine pas l’article auquel il est rattaché, s’il crée des dépenses – article 40 de la Constitution –, s’il est cavalier et relève à ce titre de l’article 45 de la Constitution, les présidents de commission, quelle que soit leur étiquette politique, doivent prononcer l’irrecevabilité.

D’ailleurs, tous les groupes d’opposition ne s’amusent pas à remettre systématiquement en cause ces décisions. Ainsi, Les Républicains n’ont pas jugé bon de nous reprocher l’utilisation de l’article 45. Pourtant, j’ai censuré certains de leurs amendements – comme ceux relatifs au démarchage téléphonique intempestif.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Sur la forme, on prend les mêmes méthodes et on recommence : vous faites l’impasse sur le Parlement, avec des délais contraints qui en disent long sur le respect que vous avez pour nous.

Sur la forme, toujours, je salue les ministres présents, mais regrette l’absence du vice‑Premier ministre qui passe son temps dans les médias et aurait été bien inspiré de venir écouter les propositions formulées par l’opposition pour améliorer le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Votre projet de loi, pipeauté, ne fait pas la maille, comme on dit chez moi. Vous faites l’impasse sur l’inflation, refusant de bloquer les prix, refusant de vous doter des outils qui permettraient réellement de lutter contre elle. Vous nous présentez un texte fourre-tout, qui masque mal vos turpitudes. Il illustre votre incapacité à avoir mis en œuvre une politique énergétique publique, globale et cohérente, durant le précédent mandat.

Vous faites l’impasse sur les salaires et les retraites, mais c’est idéologique. Peut-être même avez-vous de l’urticaire lorsque vous en entendez parler. Vous préférez câliner la finance, plutôt que la France qui travaille. Vous faites de l’esbroufe, la prime Macron en étant l’illustration. Pourtant, vous devriez savoir que, pour parler aux tripes des Français, encore faut-il leur remplir le ventre.

Votre projet de loi sera au pouvoir d’achat ce qu’Uber est aux taxis. Vous distribuez des « chèquounets », de rattrapage, qui ne feront que prolonger la précarité dont vous êtes les experts. Au cours de la précédente législature, il a dû vous échapper que l’argent ruisselle sur le CAC 40, comme jamais, mais que, pour la France qui travaille, les fins du mois ressemblent cruellement aux débuts. Vous avez du mal à percevoir la valeur du travail…

Pourquoi voit-on fleurir des grèves et des revendications légitimes ? Car l’inflation pose, à nouveau, la question du niveau des salaires. Le ministre Le Maire, absent, déclare que la pénurie de main-d’œuvre est un problème crucial. Mais vous ne pouvez pas, comme lui, fermer les yeux et tourner les talons quand il s’agit de relancer l’attractivité de certains métiers par le biais des salaires.

Je ne parlerai même pas des retraites, et des retraités modestes, oubliés de votre projet de loi. Vous vivez dans un monde virtuel : le triplement de la prime Macron est virtuel et l’on est à peu près aussi sûr que cela arrive que de constater une apparition divine ! Vous êtes des virtuoses du virtuel. Ainsi, le meilleur ami d’Uber n’avait-il pas déclaré au sommet du G7 vouloir faire la guerre aux profiteurs de guerre ? Une fois arrivé à l’Élysée, il a oublié ce qu’il avait dit la veille. Vous êtes des virtuoses du virtuel à une exception près : quand il s’est agi d’alléger la fiscalité des plus riches lors de votre précédent mandat, la question était réglée en moins de quinze jours.

Le Président des riches, le président de l’Uber-République, le Président de la République des consultants, de la République des milliardaires, ne sera décidément pas celui du pouvoir d’achat. Vous prenez soin des sociétés anonymes, mais vous renoncez à prendre soin des gens.

Nous avons déposé des propositions auxquelles nous avons réfléchi ensemble, afin de prendre en compte ce que nos concitoyens nous ont dit durant la campagne électorale. Ceux qui ont bossé toute leur vie, et qui ont une retraite modeste, attendent des mesures concrètes. Ceux qui se lèvent le matin pour faire tourner l’usine, ceux qui travaillent dans les métiers du lien et ont été au charbon durant la crise sanitaire attendent des mesures sonnantes et trébuchantes. Les étudiants précaires, dont on a tant parlé lors de la crise du covid, attendent, eux aussi, des mesures efficaces.

Votre réaction actuelle face à l’inflation et à la crise du pouvoir d’achat me fait penser à votre incapacité à résoudre les maux de l’hôpital : nous avions crié au loup, dénoncé l’état de délabrement de l’hôpital. Vous nous aviez répondu « on sait, on sait » et, vous aviez raison, on sait dans quel état se trouve l’hôpital à la veille de l’été…

Vous refusez le choc de pouvoir d’achat que nous vous proposons ; je vous invite à faire attention au choc social que cela pourrait générer.

M. Paul-André Colombani (LIOT). Dans l’Hexagone, en Corse, dans les outre‑mer, votre projet de loi sur le pouvoir d’achat était urgemment attendu. Les difficultés vécues au quotidien par nos concitoyens s’aggravent, et dans certains territoires, la colère monte. Répondre à ces souffrances doit être notre priorité absolue.

Nous déplorons la méthode – elle devait changer. Vous parlez de concertation et de dialogue ; pourtant, ce premier débat en commission commence mal puisque des dizaines d’amendements ont été jugés irrecevables. Nos amendements sur la cherté de l’essence et la revalorisation des retraites, qui touchent directement et spécifiquement au pouvoir d’achat des Corses, ont été déclarés irrecevables alors qu’il s’agissait simplement, pour certains, de demandes de rapport. Nous attendions plus d’écoute et de considération pour nos territoires.

Aucun article ne s’attaque concrètement aux très fortes inégalités sociales et territoriales. Aucun article n’est adapté aux spécificités des territoires les plus en difficulté – territoires ruraux, insulaires ou ultramarins. Notre groupe plaide pour des dispositifs renforcés dans ces territoires, déjà confrontés à une situation structurelle dramatique en termes de cherté de la vie.

En outre, les dispositifs sont sous‑calibrés et insuffisamment ciblés sur les populations les plus en difficulté – travailleurs modestes, jeunes, étudiants, personnes en situation de grande précarité. Il faut rapidement prendre la mesure de l’ampleur d’une crise qui va s’inscrire dans la durée.

Bien sûr, il faut revaloriser les retraites et les prestations sociales. Mais 4 %, c’est en deçà de l’inflation attendue, à presque 7 % à la fin de l’année. De plus, comment comptez‑vous compenser ces revalorisations pour les collectivités territoriales ? Si la revalorisation des bourses étudiantes et des APL va aussi dans le bon sens, pourquoi ne pas les indexer sur l’inflation ?

Quant au plafonnement à 3,5 % de la hausse des loyers, il est insuffisant et ne protège pas assez les locataires.

Pour les plus vulnérables, les personnes en situation de handicap, nous nous battons depuis des années pour individualiser le calcul de l’AAH. C’est une mesure de justice sociale et d’autonomie. Je me réjouis que le travail de notre collègue Jeanine Dubié aboutisse enfin.

Pour conclure, la question du pouvoir d’achat est indissociable de celle des salaires. Les primes sont intéressantes, mais elles doivent demeurer ponctuelles car elles ne sont pas créatrices de droits sociaux. La prolongation de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) n’est pas sans risque. Elle pourrait désinciter les entreprises à augmenter les salaires ou à mettre en place de véritables dispositifs d’intéressement.

S’agissant de souveraineté énergétique, nous sommes évidemment favorables aux mesures visant à accroître nos stocks de gaz. Mais comment comptez-vous accompagner les opérateurs des infrastructures ? Nous sommes en revanche opposés au rehaussement du volume de l’ARENH car cette décision vient fragiliser encore davantage les finances d’EDF. Pourriez-vous nous éclairer sur votre proposition de réorganisation du groupe ? Y aura-t-il un projet Hercule 2 ? Le capital sera-t-il détenu à 100 % par l’État ? Cela ne résout en rien le problème de sous-rémunération subi par EDF.

Ces mesures suffiront-elles à préserver le pouvoir d’achat des ménages ? Le doute est permis sans perspective crédible et juste pour les finances publiques. Il est donc urgent de trouver de nouvelles sources de financement, comme la contribution des grands groupes du numérique ou de l’énergie, afin que nos concitoyens ne paient pas l’addition.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Dix-sept députés ont demandé à intervenir. Il est vingt‑trois heures treize. Nous avons la chance de pouvoir entendre les réponses de quatre ministres. Mes chers collègues, je vais donc vous demander de bien vouloir être très concis et de poser directement vos questions, afin que les ministres aient le temps de vous répondre. Je vous propose d’intervenir chacun pour une minute. (Protestations).

M. Didier Martin. C’est une enveloppe de 20 milliards d’euros que le Gouvernement débloque pour améliorer la vie quotidienne des Français, n’en déplaise aux prophètes de la morosité et de la dépression. Étudiants, retraités, salariés, ces mesures vont leur permettre de mieux faire face à leurs dépenses quotidiennes.

Parmi elles figure à l’article 1er la création d’une prime sans impôt et sans charge, au bénéfice des salariés, quand la situation de leur entreprise le permet. Cette prime de partage de la valeur s’inscrit dans le prolongement des PEPA, dites « primes Macron », mises en place par le Gouvernement durant le précédent quinquennat, qui ont déjà eu un impact non négligeable sur le pouvoir d’achat. Ce sont plus de 8 milliards d’euros qui ont été versés depuis 2018, avec un montant moyen de 542 euros par bénéficiaire. Plus de 25 % des salariés percevant moins de trois SMIC mensuels ont reçu une prime exceptionnelle.

Le Gouvernement entend désormais aller plus loin en modifiant à la fois les modalités d’attribution et le montant de la prime obtenue. Sachant que l’INSEE...

Mme la présidente Fadila Khattabi. Votre question, monsieur le député !

M. Didier Martin. Nous préparons des interventions de deux minutes, et non d’une, madame la présidente... L’INSEE a mis en évidence un effet d’aubaine avec la PEPA. Quelles évaluations avez-vous prévues, en amont comme en aval, pour vous assurer que le versement de la nouvelle prime ne viendra pas se substituer à d’autres dispositifs, comme l’intéressement ou la participation ? Cette prime ne va-t-elle pas avoir des conséquences sur les augmentations pérennes de salaire ?

M. Jean-Hugues Ratenon. Je vais centrer mon intervention sur les outre‑mer, même si la situation s’aggrave partout en France. Les mauvais coups portés par le Gouvernement ont provoqué son rejet massif lors des dernières élections présidentielle et législatives dans les outre-mer. C’est peut-être pour nous punir de ne pas avoir bien voté que vous avez supprimé un ministère des outre‑mer de plein exercice, pour le remplacer par une tutelle...

Alors que la fortune des milliardaires français a quasiment doublé pendant la crise, augmentant de 230 milliards d’euros, aujourd’hui même, l’INSEE révèle qu’à La Réunion, trois individus sur dix sont touchés par deux formes de pauvreté : la pauvreté monétaire et la privation matérielle. Ainsi, 14 % de la population – personnes âgées, enfants, familles entières – sont concernés par une pauvreté sévère. Six personnes sur dix doivent s’endetter pour vivre, c’est grave ! Le cumul des pauvretés est cinq fois plus fréquent à La Réunion qu’en France hexagonale. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : l’inflation et des revenus inadaptés continuent d’aggraver une situation quasi-identique dans tous les outre-mer.

En réponse, votre texte est beaucoup trop timide et le compte n’y est pas. C’est pourquoi nous proposons un SMIC à 1 500 euros, plaidons pour qu’aucune personne âgée ne vive en dessous du seuil de pauvreté – 1 100 euros par mois – et refusons que les retraites soient inférieures au SMIC. Il faut une TVA à 0 % sur les produits de consommation courante et il faut bloquer les prix. Ce sont quelques mesures de bon sens. Est-ce trop demander ? Réagissez ! En l’état, votre texte abandonne trop de gens, et plus encore les outre-mer.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je ne vois pas quelle est la question. (Protestations des députés NUPES)

M. Julien Dive. Madame la ministre de la transition énergétique, pour faire face aux besoins énergétiques, vous avez évoqué la centrale à charbon de Saint-Avold. Je reprends vos termes : la fermeture a été retardée de quelques mois.

L’article 15 du projet de loi vise justement les centrales à charbon. À Saint-Avold, les personnels font l’objet d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) depuis le mois de mars et l’article autorise le renouvellement de contrats à durée déterminée (CDD) ou contrats de mission dans la limite d’une durée de trente-six mois. Cela signifie-t-il que vous envisagez une fermeture de la centrale dans trente-six mois ? Les salariés, comme nous, avons besoin de visibilité.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Face à la situation géopolitique, à la hausse exponentielle des prix de l’énergie et aux menaces sur notre approvisionnement, il faut agir, mais nous avons aussi la responsabilité de veiller à maintenir le cap, prioritaire, de la réduction des gaz à effet de serre. Nous y veillerons.

Il convient de protéger le pouvoir d’achat des ménages face à la hausse des prix de l’électricité. Mais, en relevant le plafond de l’ARENH, dispositif spoliateur, au bénéfice de fournisseurs alternatifs et d’énergéticiens qui n’en avaient pas tous besoin, vous pénalisez EDF au moment où l’entreprise doit massivement investir dans les énergies renouvelables – la Cour des comptes vient d’ailleurs de s’en faire l’écho.

Un article du projet de loi vise à donner force de loi à ce qui ne devrait être qu’une mesure conjoncturelle et de nature réglementaire. Votre objectif est-il de soustraire à la justice administrative, saisie par les syndicats d’EDF, le décret du 11 mars 2022, définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’ARENH ? Nous proposerons la suppression de l’article.

M. Pierre Dharréville. À la lecture du projet de loi, on constate que le débat sur les salaires est clairement tabou. Vous faites tout pour ne surtout pas en parler. Aucune mesure ne concerne la rémunération contractuelle du travail par le salaire... Vous tentez de nous y habituer depuis cinq ans, mais nous ne parvenons pas à nous y habituer.

Il faut poser cette question. Notre économie en a besoin, ainsi que les femmes et les hommes qui travaillent. C’est également ce qui finance la sécurité sociale et crée des droits pour les salariés. Ma première question est donc simple : quand va-t-on parler de salaire ?

Ma seconde question porte sur les retraites. L’INSEE estime qu’entre 2003 et 2014, les retraites ont augmenté deux fois moins vite que le SMIC. Quand va-t-on parler de l’augmentation réelle des pensions de retraite ?

M. Thibault Bazin. Les citoyens des territoires éloignés des hypercentres des métropoles subissent davantage que les autres la hausse des coûts de l’énergie parce qu’ils ont besoin de leur voiture pour vivre et aller travailler. Vous refusez de baisser massivement les taxes sur les énergies. Pourtant, elles sont socialement et territorialement injustes.

Vous oubliez les classes moyennes puisque les foyers dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 14 101 euros seront exclus du dispositif. Pire, vous envisagez une socialisation des coûts de l’énergie.

Les collectivités locales, notamment les petites communes, prennent également de plein fouet la hausse du coût de l’énergie. C’est aussi le cas des établissements médico-sociaux, comme cette maison de retraite de 120 lits dans ma circonscription, dont la facture énergétique a dépassé, dès fin avril 2022, le budget annuel prévu au contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens et à l’état des prévisions de recettes et de dépenses. Cela représente un dépassement de près de 1 000 euros par résident. Que prévoyez-vous pour accompagner les maisons de retraite, leurs salariés et leurs résidents, à l’heure où des investissements sont attendus pour les rénover ? Si la hausse du coût de l’énergie n’était pas compensée, cela viendrait les fragiliser dans leur capacité à relever le défi de la transition énergétique.

M. Arthur Delaporte. Votre projet de loi porte « mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ». Mais, pour protéger le pouvoir d’achat, il faut prendre en compte l’inflation. Or, monsieur le ministre, vous prévoyez une revalorisation des pensions, des prestations et des minima sociaux de 4 %, inférieure à l’inflation. Vous avez évoqué 5,5 %, mais c’était 5,8 % en juin et ce sera probablement plus en juillet. Pouvez-vous nous confirmer que la revalorisation sera inférieure à l’inflation ? Dans ce cas, il s’agit d’une baisse du pouvoir d’achat et l’objectif poursuivi par votre projet de loi est contraire à son intitulé.

M. Adrien Quatennens. Si l’inflation atteint 7 % en septembre, la fonte sera de même proportion pour les salaires et les revenus. Pour une poignée de très riches, ce n’est pas un drame. Mais pour la grande masse des Français, cela rend la vie quotidienne impossible.

Je vais vous poser deux questions, et me permettre de vous souffler les réponses. D’où vient l’inflation ? Est-elle liée à la guerre en Ukraine, comme vous l’avez expliqué ? Non car elle préexistait. Elle est largement le fait de la spéculation. Ainsi, pendant que les Français paient leur carburant 2 euros le litre à la pompe et que leur plein leur coûte plus de 100 euros, Total réalise des bénéfices records et son président-directeur général vient de s’augmenter de 52 %.

Qui va payer l’inflation ? La vie des gens va-t-elle être la variable d’ajustement ? Devront-ils faire des choix dans les dépenses contraintes – se déplacer, bien manger ou offrir des loisirs à leurs enfants ? Où allez-vous enfin cibler la rente privée et les profiteurs de crise ? Nous avons la réponse : j’encourage tout le monde à lire – une fois n’est pas coutume – le numéro spécial consacré aux fortunes de France par Challenges. Leur patrimoine a doublé en un quinquennat. Ce n’est donc pas la crise pour tout le monde mais, bien sûr, vous n’allez pas cibler les plus riches car vous allez faire payer la grande masse des Français.

Contrairement à ce qu’affirme l’intitulé de votre projet de loi, il ne protège pas le pouvoir d’achat. Au contraire, il entérine sa baisse ! Quand il s’agit de faire des cadeaux aux plus riches et aux grandes entreprises, sans aucun effet, vous mettez le paquet. En revanche, quand il s’agit de revaloriser les revenus des ménages face à l’inflation, vous leur donnez des miettes ! En réalité, vous ne donnez rien ; vous anticipez des revalorisations déjà prévues et vous imaginez toutes les astuces possibles pour éviter d’augmenter les salaires.

Le peuple ne réclame pas des miettes pour survivre ; il réclame sa juste part du gâteau. C’est pourquoi nous proposons la hausse du SMIC à 1 500 euros, la revalorisation des minima sociaux au niveau du seuil de pauvreté et celle du point d’indice des fonctionnaires. Allez‑vous continuer à y faire obstruction ?

M. Jean-Pierre Vigier. Le coût de l’inflation n’est pas le même pour tous. Les habitants des territoires ruraux subissent des surcoûts importants – carburant, dépenses d’énergie, entre autres – et perdent ainsi un point de pouvoir d’achat supplémentaire par rapport aux urbains. Ne faut-il pas, dans ce contexte, prendre des mesures ciblées ? Aider ceux qui souffrent davantage, dans les territoires fragiles, serait une mesure de justice sociale.

Les dispositions que contient ce texte sont très diverses, mais quelle attention spécifique apportez-vous aux habitants des territoires ruraux ?

M. Philippe Naillet. Si les difficultés sont grandes pour les populations de l’Hexagone, elles sont terribles dans les territoires ultramarins, plus particulièrement à La Réunion. Nous subissons la double peine, avec un coût de la vie supérieur de 7 % – les produits alimentaires sont plus chers de 25 % – et une population plus pauvre. Malheureusement, vous avez fait le choix de n’augmenter ni le SMIC ni les petites retraites.

Ma question sera simple : le Gouvernement compte-t-il agir de façon forte, dans les prochains jours, en bloquant les prix par un décret en Conseil d’État ?

Mme Aurélie Trouvé. Vous prenez les chiffres qui vous arrangent, en taisant la forte augmentation des inégalités de pouvoir d’achat, que l’OFCE a démontrée, et la chute de 1,9 % du pouvoir d’achat au premier trimestre 2022 – une baisse historique.

Mes questions portent sur la prime Macron, à laquelle sont opposés les 151 députés de la NUPES. Son versement étant au bon vouloir des entreprises, 16 % des salariés seulement la touchent, à des montants bien en deçà du plafond de défiscalisation. Comment le relèvement de celui-ci peut-il changer quoi que ce soit au montant moyen et au nombre de personnes concernées ? C’est du pur affichage !

En outre, l’exonération de cotisations sociales et d’impôts creusera encore les caisses de l’État et de la protection sociale. Vous aurez ensuite beau jeu de nous dire qu’il n’y a pas assez d’argent pour les retraites et qu’il faut travailler jusqu’à 65 ou 67 ans… Quelles sont les recettes qui permettront de compenser ces pertes ?

Cette prime, vous le savez, sert d’excuse aux patrons pour ne pas augmenter les salaires réels. C’est sans doute ce que vous recherchez vous-même puisque vous refusez obstinément la hausse du SMIC réel, et des salaires réels de manière générale. Ce seraient pourtant les seules mesures à même d’augmenter durablement les revenus, sans rogner sur les recettes publiques et alors que les marges des entreprises sont historiquement élevées !

M. Alexandre Vincendet. Vous prévoyez de revaloriser les APL et de plafonner les loyers mais vous ne traitez pas la question de l’accession à la propriété. Dans les métropoles, le prix de l’immobilier explose, avec la hausse des prix d’achat, l’augmentation des taux et des coûts de construction. Ne faudrait-il pas restaurer les APL accession, supprimées en 2018 ? Il faut savoir que les aides au logement locatif données à une personne qui reste dans le parc social, alors qu’elle pourrait devenir propriétaire, sont trois fois plus coûteuses. Cette mesure, qui pourrait concerner les zones les plus tendues et les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), favoriserait le parcours résidentiel.

Par ailleurs, la hausse des taux d’intérêt pourrait inciter le Gouvernement à restaurer la déduction fiscale des intérêts d’emprunt.

M. Elie Califer. L’urgence, en Guadeloupe, ce n’est plus le pouvoir d’achat mais le risque d’implosion. Allez-vous aider les entreprises qui n’arrivent pas à faire face à la hausse des prix et des salaires ?

Que comptez-vous faire pour les départements d’outre-mer qui doivent faire face à une file active impressionnante de bénéficiaires du RSA ?

Le temps n’est-il pas venu de contrôler le prix des produits pétroliers, dont seule la raffinerie SARA décide ?

M. Matthias Tavel. S’agissant de la souveraineté énergétique, votre projet de loi est l’aveu d’un triple échec. Échec du marché de l’énergie, d’abord. Pourquoi ne proposez-vous pas la fin de l’ARENH, un pillage organisé sur le dos des Français ? Pourquoi ne remettez-vous pas en cause le marché européen de l’énergie, qui est une source de gaspillage ? Si l’on en croit la méthode actuelle d’appels des centrales, il vaut mieux produire de l’électricité avec du charbon qu’avec du gaz. Pourquoi ne mettez-vous pas à contribution les profits des pétroliers, qui s’apparentent à un racket des Français ? Pourquoi vous entêtez-vous, pour sauver une entreprise que vous avez vous-même achevée, à recapitaliser EDF, alors qu’il faudrait la renationaliser pour défendre le service public ?

Échec de votre action climatique, ensuite. Pourquoi traitez-vous sans attendre des questions liées au GNL et au charbon alors que vous repoussez à la rentrée le projet de loi sur les énergies renouvelables ? Pourquoi n’y a-t-il rien, dans ce texte, sur la sobriété énergétique ? Pourquoi ne prévoyez-vous aucune mesure pour raccorder les unités de production d’énergie renouvelable – 7 gigawatts issus de l’éolien et du solaire ne sont toujours pas raccordés ?

Enfin, échec de votre zigzag en matière énergétique – qui pourrait bien se terminer en court-circuit. Vous allez rouvrir la centrale de Saint-Avold, en rembauchant des gens que vous aviez licenciés dans des conditions sociales dégradées, sans leur garantir un CDI et le statut des industries électriques et gazières. Pas de conversion durable : vous n’avez d’autre projet pour cette centrale que de relancer la production au charbon. Il en va de même pour Cordemais, dont vous annonciez la fermeture il y a quelques mois mais qui est encore en activité, grâce aux salariés. Nous en avons besoin aujourd’hui, mais nous attendons toujours de votre part un engagement sur la pérennité, qui ne serait pas liée au charbon, de ce site.

Mme Josiane Corneloup. Les ménages résidant en zone rurale, davantage dépendants de la voiture et dont les dépenses de carburant et d’énergie pour le logement augmentent, ressentent plus vivement la progression de l’inflation. Ce texte contient, pêle-mêle, diverses mesures de revalorisation, peu lisibles pour les Français. L’indemnité carburant ne prend pas du tout en compte la spécificité des territoires ruraux ; à nos yeux, le litre d’essence à 1,50 euro serait une mesure équitable, tant pour les citoyens que pour les chefs d’entreprise, qui souffrent aussi de la hausse des prix des carburants.

Il est par ailleurs nécessaire de créer les conditions d’une France plus prospère en valorisant le travail, plutôt que l’assistanat. C’est la raison pour laquelle je suis tout à fait favorable à la défiscalisation des heures supplémentaires.

Mme Danielle Simonnet. Pourquoi ne pas renommer ce projet de loi « pour la préservation de la rente » ? Car lorsque vous prétendez contenir la hausse des loyers à 3,5 %, vous l’encouragez, de fait ! Il faut savoir que 4 % des propriétaires possèdent 50 % des biens en location… Quelle indécence, quelle déconnexion, quel mépris de la réalité des urgences sociales en matière de logement ! Le loyer représente le premier poste de dépenses et pour beaucoup de locataires, la part des revenus qu’ils y consacrent, qui était de 10 % dans les années 1970, est de plus de 50 % aujourd’hui. De plus en plus de familles renoncent même à remplir le frigo. Voilà la situation dans laquelle nous sommes ! Quand cesserez-vous de considérer le logement comme un produit financier et respecterez-vous le droit de tous à un logement décent ?

Vous prévoyez d’augmenter de 3,5 % les APL en faisant croire que cela compensera la hausse des loyers. Comment pouvez-vous à ce point prendre les gens pour des abrutis ? On sait bien que tous les locataires ne perçoivent pas les APL et que, pour les allocataires, la hausse des aides ne permettra pas de couvrir l’augmentation des loyers !

Enfin, il faut, d’urgence, mettre un terme aux expulsions locatives !

M. Sébastien Delogu. Avec cette loi, les gens auront encore plus de mal à vivre – ou à survivre. Vous êtes très loin de mesurer l’urgence sociale du pays. Les Français ne peuvent plus faire le plein. Vous demandez à Total, qui se goinfre, un effort de 0,12 euro au litre, mais ce sont eux qui paient le reste de la facture, à la pompe ou avec leurs impôts. Pendant ce temps, les profiteurs de crise ne sont pas taxés. Vous parliez du ruissellement, il n’y a plus que les miettes !

La hausse des prix du carburant renforce de jour en jour le cercle vicieux que vous avez instauré. Les gens sont obligés de choisir : faire le plein ou remplir le frigo, réparer la voiture ou payer le centre aéré des enfants. Pour eux, c’est la double peine : tandis que vos amis les milliardaires accumulent les bénéfices, ils continuent de se casser le dos pour un salaire de misère – qui ne sera pas revalorisé –, qu’ils dépensent ensuite pour se rendre au travail. Les aides dont ils bénéficient viennent de leurs impôts – et pas des grands groupes. C’est une histoire de fou ! Pour résumer, vous nous faites payer ce qu’on vous coûte...

Monsieur le ministre, pourquoi n’abandonnez-vous pas votre costume pour partir vivre la vie des Françaises et des Français ? Vous les comprendrez enfin !

Mme Rachel Keke. Votre projet de loi prétend viser l’amélioration du pouvoir d’achat des Français, mais il est une insulte de plus à leur espoir d’améliorer le quotidien. Ce texte ignore complètement les besoins réels de la population. Celle-ci souffre, monsieur le ministre. Nous n’arrivons pas à finir le mois, nous n’arrivons même plus à acheter un carton de poulet pour nos enfants ! Est-ce que vous êtes humain ? Est-ce que vous savez que la vie est dure pour nous ?

L’augmentation du SMIC, c’est possible. Notre lutte, pendant vingt‑deux mois, à l’hôtel Ibis des Batignolles a permis de changer les conditions de travail ; le salaire est passé de 1 600 à 2 000 euros. L’argent existe ! Vous pouvez le mettre à la disposition des gens qui souffrent, qui manifestent, qui crient, qui pleurent, qui souffrent !

M. William Martinet. Monsieur le ministre de la ville et du logement, l’un de vos prédécesseurs, Julien Denormandie, a marqué les esprits en 2017 avec une mesure dont nous nous souvenons tous : le coup de rabot de 5 euros sur les APL. Mesure injuste s’il en est, puisqu’elle a pénalisé les classes populaires et aggravé la pauvreté, alors que, dans le même temps, l’ISF était supprimé. M. Denormandie a donc marqué l’histoire politique et traîné cette mesure comme un boulet, jusqu’à la fin du quinquennat.

Il semble que, pour réaliser le même tour de force, vous ayez trouvé la mesure idoine : l’augmentation de 3,5 % de l’IRL, dans le parc social comme dans le parc privé. Si les propriétaires s’emparent de cette possibilité, cela coûtera en moyenne 300 euros par an aux locataires. Je vous dis « bravo » ! Comptez sur les députés de la NUPES pour vous rappeler cette mesure tout au long du quinquennat ; vous ne manquerez pas de la regretter !

Mme Astrid Panosyan-Bouvet. Je voudrais vous interroger sur l’article 4 et les 1 500 000 personnes, dont beaucoup sont des femmes, qui travaillent dans des branches disposant de minima conventionnels inférieurs au SMIC. La différence entre le salaire conventionnel et le SMIC est le plus souvent compensée par des primes – avantages en nature pour le logement et la nourriture – qui ne sont pas retenues comme des revenus de référence pour l’accès au crédit ou la location d’un logement. Cela empêche toute amélioration durable des conditions de vie.

Par ailleurs, la revalorisation du SMIC crée un tassement des grilles salariales. Le SMIC devient la norme, même lorsqu’il y a de nouvelles compétences. Ce manque de négociations de branche contrarie les perspectives d’évolution professionnelle et rend les métiers moins attractifs.

L’article va dans le bon sens, mais il ne constitue pas une incitation assez forte pour les branches à négocier. Pourquoi ne pas introduire une logique de conditionnalité et, comme l’ont proposé l’ensemble des organisations syndicales lors des auditions, réduire les allégements de cotisations sociales lorsque le salaire minimum conventionnel de la branche reste durablement inférieur au SMIC ?

Plus largement, si les politiques d’allégement sur les bas salaires de ces dernières années ont permis de développer l’emploi, elles favorisent aussi une contraction de la grille salariale pour les premiers échelons. Comment permettre à chacun de vivre dignement de son travail et de voir sa carrière progresser ? Comment aider les entreprises à résoudre les difficultés de recrutement ? Nos concitoyens attendent des réponses.

M. Olivier Dussopt, ministre. J’espère que les débats dans l’hémicycle et la discussion des articles nous permettront d’apporter les précisions nécessaires car je crains que nos réponses, à cette heure tardive et compte tenu du temps qui nous reste, ne soient pas exhaustives.

Je commencerai par souligner que la revalorisation de 4 % qui sera appliquée sur les droits et prestations sociales vient après la revalorisation de 1,1 % des retraites en janvier et celle des prestations sociales, à hauteur de 1,8 %, en avril – soit, en cumulé, 5,1 % et 5,8 %. Afin de protéger le pouvoir d’achat des Français, cette revalorisation exceptionnelle anticipe les revalorisations de droit commun prévues jusqu’en avril 2023. La mesure coûte 6,7 milliards d’euros, ce qui est loin d’être dérisoire.

Des craintes ont été exprimées quant à la capacité des départements, dans les outre‑mer ou en métropole, d’assumer l’augmentation du RSA. Mes collègues Christophe Béchu et Caroline Cayeux ont engagé une discussion globale avec les collectivités sur la question du financement et c’est un point auquel nous accordons toute notre attention. Je tiens toutefois à souligner que les dépenses liées au RSA en 2022 sont en diminution de 5,1 %, après une première baisse de 2,1 % en 2021, du fait de la reprise économique et d’un nombre d’allocataires moins élevé. Nous estimons qu’après la revalorisation de 4 % du RSA, la baisse des dépenses serait en moyenne de 0,3 % en 2023. La revalorisation nous paraît donc absorbable, mais nous suivons avec attention la situation de chaque département.

Le Gouvernement a l’intention d’instituer un dispositif transitoire qui permettra de maintenir le montant de l’AAH jusqu’à l’expiration des droits acquis pour les allocataires qui seraient susceptibles de le voir baisser en raison de la déconjugalisation. Ainsi, cette mesure ne fera pas de perdants – ils auraient pu se compter en dizaines de milliers. Nous ferons en sorte que la rédaction de ce dispositif, et celle des amendements qui pourraient la modifier, soit parfaitement sécurisée.

L’exonération des cotisations maladie pour les travailleurs indépendants sera de 100 % lorsque les revenus s’élèvent à 40 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,05 SMIC – puis dégressive pour les revenus allant jusqu’à 60 % du plafond de sécurité sociale – soit 1,5 SMIC. Nous avons construit ce dispositif pour éviter tout effet de seuil et obtenir un lissage.

Avec la revalorisation automatique du SMIC, nous disposons d’un des dispositifs les plus protecteurs du salaire minimum qui soient. Alors qu’il n’avait été activé qu’une fois depuis 2008, le système l’a été deux fois en neuf mois, pour une hausse globale de 5,9 %, équivalente à l’inflation. Si, dans les semaines qui viennent, l’INSEE constatait une inflation supérieure à celle prévue, une nouvelle revalorisation interviendrait. Cela ne devrait pas être le cas au 1er août, mais dans la mesure où la référence est l’inflation constatée pour le premier quintile de revenus, il vaut mieux attendre les publications de l’INSEE pour le confirmer.

Compte tenu de ces revalorisations, certaines branches voient leurs minima passer sous la barre du SMIC. Cela ne signifie pas, fort heureusement, que les salariés sont payés au‑dessous du SMIC, mais que la possibilité de percevoir une rémunération supérieure au SMIC prendra plus de temps. Au 1er mai, 140 branches, sur les 170 que la direction générale du travail observe, étaient concernées ; elles ne sont plus que 105 aujourd’hui. La plupart d’entre elles respectent l’obligation d’ouvrir une négociation dans les trois mois qui suivent le passage au‑dessous du SMIC ; les autres sont incitées à engager les discussions par une commission paritaire.

Nous proposons, avec l’article 4, de créer un nouveau critère de restructuration des branches. Si une branche reste durablement avec au moins un palier au‑dessous du SMIC, le Gouvernement prend un arrêté de constatation, accompagné d’un projet de fusion avec une branche ayant fait l’objet d’une revalorisation conséquente. Si la branche concernée n’ouvre pas des négociations dans un délai bref, la restructuration sera d’office. Cette mesure, dont nous avons discuté avec les partenaires sociaux, a le mérite de maintenir le dialogue social.

Nous avons constaté, dans le cadre des négociations collectives, que les revalorisations, qui étaient en moyenne de 1,5 % par an entre 2014 et 2020, sont passées à 1,9 % en 2021 et se situent aujourd’hui entre 2,5 et 3 %. Nous voyons bien que l’effet inflationniste a des conséquences sur le niveau des branches. Nous avons choisi de ne pas indexer les paliers des branches sur le SMIC, considérant que le dialogue social devait permettre des différences de revalorisation entre paliers. Nous avons laissé aux partenaires sociaux le soin de cette discussion, même si nous la suivons de très près – je préside, comme ma prédécesseure Élisabeth Borne, le comité de suivi des négociations salariales.

Pas moins de 4 millions de personnes ont perçu la PEPA depuis sa création. Nous proposons d’instaurer une prime de partage de la valeur (PPV), dont le montant pourra aller jusqu’à 3 000 euros, et jusqu’à 6 000 euros lorsqu’un dispositif d’intéressement sera mis en œuvre par l’entreprise. Premier dispositif : cette prime sera totalement défiscalisée pour les salariés qui perçoivent moins de 3 SMIC. Suivant l’avis du Conseil d’État, nous avons prévu que ce dispositif serait temporaire et prendrait fin au 31 décembre 2023. Nous introduisons une nouveauté, le fractionnement, en précisant, pour éviter tout effet d’éviction du salaire, qu’il ne peut s’agir de mensualisation.

Second dispositif : les autres salariés, à partir de 3 SMIC, seront eux aussi exonérés de cotisations salariales mais le régime fiscalo-social de la PPV sera aligné sur celui de l’intéressement et de la participation. Cela répond à la crainte, exprimée par certains, d’une « cannibalisation » des dispositifs d’intéressement. Je veux dire ici que l’intéressement est un outil qui nous convient et que nous poussons : il a représenté 21 milliards d’euros l’année dernière, soit un gain moyen de 1 000 euros par salarié concerné. Nous sommes loin, là encore, de mesures qui pourraient être considérées comme dérisoires. Ainsi que l’a proposé le Conseil d’État, ce second dispositif sera pérenne.

La suppression totale du taux majoré de CSG représenterait un coût de 3,5 milliards d’euros, d’où notre avis défavorable.

Quant aux heures supplémentaires, nous sommes ouverts à une discussion sur le plafond en deçà duquel la défiscalisation peut s’appliquer, ainsi qu’à des outils permettant d’améliorer le dispositif de défiscalisation et d’exonération de cotisations. En revanche, une défiscalisation et une désocialisation totales seraient coûteuses – 5,8 milliards d’euros, dont 5,5 milliards de cotisations patronales, de CSG et de CRDS – et il faut rester raisonnable du point de vue budgétaire. Voilà qui laisse un peu d’espace pour la discussion.

Je veux dire à celles et ceux qui nous ont interrogés sur les mesures de soutien au pouvoir d’achat déjà prises depuis le début de l’année que leur montant dépasse 30 milliards d’euros, dont 13 milliards pour le bouclier énergétique, 6,7 milliards de revalorisation des prestations sociales et des pensions et 5 milliards d’aides au carburant.

M. Turquois s’est inquiété du calcul du taux d’assujettissement à la CSG et du franchissement des seuils qui le déterminent en conséquence de la revalorisation des pensions de retraite. Si on revalorise celles-ci en 2022, la prise en compte du nouveau niveau de pension pour la définition du taux de CSG auquel le retraité est assujetti interviendra en 2024, puisque ce sont les revenus de l’année n‑2 qui servent à calculer ce taux. Or, d’ici à 2024, les seuils qui déterminent le taux seront revalorisés au même rythme que l’inflation. Dans la mesure où la revalorisation des retraites est elle aussi calée sur le rythme de l’inflation, l’évolution des seuils au même rythme prémunit tout retraité d’un franchissement de seuil dû à la revalorisation des pensions que nous vous proposons.

Je m’excuse par avance auprès de ceux à qui je n’aurais pas répondu, mais le débat en séance nous permettra de revenir sur les différents points qui ont été évoqués.

Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre. Le dispositif ARENH est le seul qui permette d’accompagner les entreprises industrielles, car celles-ci ne bénéficient pas du blocage apporté par le bouclier énergétique. L’ARENH a ainsi permis de préserver 150 entreprises industrielles et 45 000 emplois industriels et de sécuriser plusieurs sites. À ce sujet, madame Battistel, vous vous souvenez certainement du dossier Ferropem, que vous aviez suivi de très près avec moi : c’est un exemple typique.

Le prix de ce dispositif est supérieur au coût de production. On fait donc une confusion lorsqu’on dit qu’EDF vend à perte, puisqu’il vend au-dessus de son coût de production ; en revanche, il y a bien une perte d’opportunité par rapport au coût de l’électricité. On pourrait dire, si on était un peu taquin, que c’est une façon de taxer des surprofits…

L’État détient 85 % du capital d’EDF et a annoncé par la bouche de la Première ministre sa volonté de porter sa participation à 100 %. Je vous rassure donc, monsieur Tavel : la nationalisation a déjà été faite depuis longtemps ; en réalité, EDF a toujours été public. Mais une montée au capital n’est pas une recapitalisation : il s’agit de deux opérations différentes. La démarche annoncée correspond en revanche bien à ce que vous demandez ; vous devriez vous en réjouir.

Cela me permet également de répondre à votre question sur l’ARENH : dès lors que l’État détient 100 % du capital, les finances d’EDF, par congruence, ce sont les finances de l’État. Nous avons toujours été derrière EDF. Nous avons en effet procédé à des recapitalisations lorsque l’entreprise en avait besoin. L’État actionnaire a donc toujours été responsable et au rendez-vous. Que n’aurait-on pas entendu si les entreprises industrielles fortement frappées par l’augmentation des prix de l’électricité avaient déposé le bilan, avec les milliers de suppressions d’emplois et de licenciements qui se seraient ensuivis !

Avec l’ARENH, les fournisseurs ne peuvent profiter d’un effet d’aubaine, car la production est transmise pour bénéficier directement au consommateur final. La CRE contrôle ces éléments. Lorsque j’avais encore le portefeuille de ministre de l’industrie, j’ai moi-même réuni l’ensemble des fournisseurs d’énergie, avec le président de l’époque de la CRE, pour les rappeler très clairement à leurs obligations. Nous avions également produit une information destinée à toutes les filières pour qu’elles puissent saisir directement la CRE à des fins d’enquête si elles constataient que leurs mandants n’appliquaient pas l’amélioration des prix pour les entreprises, notamment industrielles.

En ce qui concerne le développement des énergies renouvelables, le projet de loi annoncé nécessite la concertation de six entités, qui prend quatre semaines. C’est l’une des raisons qui expliquent qu’il ne puisse être prêt qu’à la rentrée, mais il n’est pas repoussé d’autant : nous continuons d’y travailler et nous avons tout un train de mesures disponibles. Du côté réglementaire, nous avons déjà pris des dispositions pour accélérer le déploiement des énergies renouvelables, s’agissant notamment des raccordements des 7 gigawatts non raccordés – ce qui ne relève pas du législatif, ni même, à vrai dire, du réglementaire, mais de l’action commune que mènent le ministre de l’énergie et Enedis en suivant un à un tous les projets du vivier pour en accélérer la mise en œuvre. Nous sommes à la manœuvre dans ce domaine, nous avons pris des mesures réglementaires la semaine dernière et nous le ferons à nouveau dans les prochains jours afin de débloquer du photovoltaïque, de l’éolien terrestre et du biogaz.

À propos de la sobriété énergétique, je suis un peu étonnée : nous venons de lancer un plan à ce sujet et cela ne relève pas non plus du domaine réglementaire. La loi « climat et résilience » prévoit diverses mesures en la matière ; elles gagneraient à être appliquées et nous avons rappelé les acteurs économiques à leurs responsabilités, comme pour l’État. Notre plan inclut la réduction de 10 % de la consommation d’énergie : il s’agit bien de sobriété, non d’efficacité énergétique. Cette mesure s’ajoute à toutes les autres que nous prenons.

Madame Rousseau, vous aurez constaté que dans le projet de loi de finances rectificative, comme je l’ai dit dans mon propos introductif, des crédits additionnels sont consacrés à la rénovation thermique et à la conversion de véhicules. Par ailleurs, l’obligation de rénovation des passoires thermiques a été votée dans le cadre de la loi « climat et résilience » ; certains ici l’ont jugée trop vigoureuse, vous trouvez qu’elle ne l’est pas assez : on peut donc penser qu’elle représente un juste milieu.

En ce qui concerne les centrales à charbon, il y a des projets durables de reconversion. D’abord, trois implantations dans la chimie verte, sur la plateforme industrielle de Saint-Avold, soutenues par France relance : Circa, Metex et Afyren. Je me suis rendue sur place pour finaliser ces projets, qui représentent plusieurs centaines d’emplois. Une centrale biomasse va alimenter le territoire en chaleur renouvelable, avec le soutien de l’État. Un projet de production d’hydrogène de bus pourra être financé grâce au fonds de compensation carbone que nous instituons dans le présent projet de loi.

La nécessité d’inclure dans les délais les opérations de remise en arrêt, qui prennent un certain temps, explique la durée de trente-six mois de contrat, soit au-delà de la fin de l’hiver, pour les salariés réembauchés. C’est sur la base du volontariat que ces salariés reprendront le travail. L’accompagnement proposé prévoit une reconversion et une allocation de l’État lors du congé de reclassement. Quatre-vingt-sept salariés sont inclus dans le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) ; le projet de loi sécurise leur situation au regard de ce PSE de qualité. Au total, 250 millions d’euros d’investissement public et privé sont consacrés à leur reconversion. On peut donc considérer qu’un peu de travail a été fait en la matière.

Il n’a jamais été question de fermer Cordemais en 2022, seulement en 2026 ; je vous renvoie aux décisions qui ont été clairement annoncées depuis un certain temps compte tenu des besoins de la Bretagne en électricité.

En ce qui concerne la baisse du prix du carburant, quelques éléments factuels sur la baisse des taxes. Si on ramenait à 5,5 % le taux de TVA sur TICPE, cela représenterait l’équivalent d’une perte de recettes de 6 milliards d’euros, à laquelle s’ajouteraient 35 milliards en ramenant la TICPE à zéro comme cela a été évoqué, soit 41 milliards pour cette seule mesure : cela ne me paraît pas cohérent avec l’objectif, que je comprends parfaitement, de meilleure gestion des finances publiques et d’attention particulière à notre trajectoire en la matière. Le chiffrage est à peu près le même pour le blocage du prix du carburant à 1,5 euro le litre, si l’on se fonde sur la moyenne des prix précédemment constatés. Pour proposer cela, il faut des recettes en face, qui pourraient modifier singulièrement le projet.

Monsieur Turquois, la mesure concernant la centrale de Saint‑Avold ne modifie pas notre trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui a d’ailleurs été renforcée sous la présidence française de l’Union européenne – j’ai personnellement bouclé la négociation sur le paquet « climat » il y a deux semaines – pour atteindre une réduction de 55 % de nos émissions à l’horizon 2030.

La puissance de Saint‑Avold s’élève à 600 mégawatts et le charbon représentait l’année dernière 0,7 % de l’ensemble de notre production d’électricité. En règle générale, on fait appel à une centrale à charbon lors de pics de consommation, de huit heures à treize heures et de dix-huit heures à vingt heures ainsi que dans les périodes de froid plus intense.

En matière de sobriété, nous devons nous préparer collectivement en vue de l’hiver prochain à baisser notre chauffage d’un degré, du moins pour ceux qui chauffent à plus de dix-neuf degrés. La température de consigne de dix-neuf degrés n’est en effet pas toujours respectée dans les logements, sans doute parce que c’est une habitude que l’on n’avait pas et qu’il faut retrouver. Dix-neuf degrés, c’est bon pour la santé, et c’est aussi 7 % d’économies d’énergie pour la France : mieux dormir en économisant de l’énergie, donc en ne la payant pas, c’est encore un élément du pouvoir d’achat.

Monsieur Jumel, dans les faits, le bouclier énergétique est un blocage des prix de l’électricité et du gaz – je ne sais pas comment l’appeler autrement puisqu’il consiste à bloquer le prix.

En ce qui concerne l’accompagnement des stocks de gaz, il existe un système permettant de sécuriser les énergéticiens qui vont prendre position pour accélérer les achats de gaz et remplir nos stocks stratégiques. Le taux de remplissage étant de 65 %, il faut continuer.

S’agissant enfin des maisons de retraite, ni le projet de loi relatif au pouvoir d’achat, ni le projet de loi de finances rectificative ne comportent de dispositif qui leur serait spécifiquement destiné, mais tout un effort d’accompagnement des collectivités locales a été fait. La TICFE (taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité), par exemple, représente 400 millions d’euros pour l’ensemble des collectivités ; ce montant ne couvre pas tout, mais il est significatif des efforts considérables de l’État vis-à-vis des ménages, des entreprises et des collectivités ainsi que des établissements publics qui dépendent d’elles.

Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée. Je n’ai pas noté de question sur le volet consommation, mais je n’en tire aucune conclusion quant à une quelconque unanimité de votre part à ce sujet ! Je serai heureuse d’en reparler en séance avec vous.

Je sais combien M. Jumel, dont je connais le talent oratoire, était ravi de me voir ce soir en lieu et place de Bruno Le Maire. Celui-ci sera très certainement au banc des ministres en séance et ne manquera pas de répondre à vos sollicitations. Ce fut un immense honneur et un plaisir de le représenter ce soir.

M. Olivier Klein, ministre délégué. Monsieur Vincendet, l’accession à la propriété est un vrai enjeu, mais qui ne relève pas de l’urgence qui caractérise le texte. Nous y œuvrerons dans les mois qui viennent, notamment pour redonner du mouvement au parcours résidentiel, de la pension de famille jusqu’à l’accession. Parmi les mesures de pouvoir d’achat par l’intermédiaire de l’accession figurent déjà le prêt à taux zéro et la TVA réduite dans les zones ANRU. Nous travaillerons sur le prix du foncier et pourrons développer des mesures d’accompagnement du parcours résidentiel, telles que le bail réel solidaire. L’essentiel reste la production, notamment de logements sociaux, que le précédent gouvernement avait pris plusieurs mesures pour favoriser. À la suite du rapport de François Rebsamen, des mesures de compensation du coût des exonérations de taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB) pour les collectivités locales avaient ainsi été adoptées pour permettre à ces dernières de développer des équipements publics, tandis que d’autres dispositions visaient le logement intermédiaire.

Le projet de loi qui vous est soumis garantit un équilibre entre locataires et propriétaires. Je ne crois pas que tous les propriétaires bailleurs soient des Thénardier, mais ceux-là, je les ai combattus et je continuerai, notamment les marchands de sommeil. La mesure est un bouclier : il ne s’agit pas d’un seuil, mais d’un plafond. Elle va protéger les locataires, notamment dans le logement social. Je me suis entretenu en fin de semaine dernière avec les bailleurs sociaux, dont Emmanuelle Cosse. Ceux qui vont bien auront à cœur de ne pas pousser la hausse au maximum possible, mais certains d’entre eux sont fragiles et il faut qu’ils continuent à rénover et maintiennent la qualité de l’accueil des locataires, sans parler de la politique de construction qui nous tient tous à cœur. La hausse possible reste mesurée.

Je partage l’inquiétude qui s’est exprimée au sujet des expulsions locatives, qui sont toujours un drame. Elles étaient en baisse depuis plusieurs années...

Mme Danielle Simonnet. À part pendant le covid-19, elles sont en hausse !

M. Olivier Klein, ministre délégué. En tout cas, depuis 2017, elles sont en baisse. Nous y resterons très attentifs et nous serons exigeants envers les bailleurs, notamment sociaux, pour qu’ils mettent tous en œuvre les mesures de protection prévues au premier euro d’impayé. Il ressort de mes échanges avec Emmanuelle Cosse qu’il n’y a pas actuellement d’alerte particulière quant à une hausse du nombre d’impayés.

M. le président Guillaume Kasbarian. Merci beaucoup.


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   Travaux de la commission des affaires sociales

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 17 heures 15

Au cours de sa première réunion du mardi 12 juillet 2022, la commission procède à l’examen des articles du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure) ([300]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen du projet de loi, qui sera discuté en séance publique à partir du lundi 18 juillet. Pour mémoire, notre commission a délégué les articles 6 à 19 – relatifs à la consommation, au logement et à l’énergie – à la commission des affaires économiques qui, quoique formellement saisie pour avis, les examinera comme si elle en était saisie au fond. Conformément à l’usage respecté depuis que cette procédure est en vigueur, il nous reviendra d’adopter sans modification les rédactions qu’elle aura privilégiées pour ces dispositions. Je vous propose, compte tenu du déroulement de nos travaux, d’accueillir demain, à neuf heures trente, les deux rapporteures de la commission des affaires économiques pour qu’elles nous présentent leurs travaux.

Sur les six articles que nous examinons au fond, trois cent quatre-vingt-quatorze amendements ont été déposés. Parmi eux, quatre amendements ont été déposés en doublons par les mêmes auteurs et onze autres ont été retirés avant cette réunion. Trois amendements, déclarés irrecevables, modifiaient des dispositions réglementaires ou organiques. Quatorze autres portaient sur des articles délégués à la commission des affaires économiques, où ils avaient d’ailleurs été également déposés pour certains.

Ensuite, soixante-quatre amendements ont été déclarés irrecevables au regard de l’article 40 de la Constitution. Comme de coutume, j’ai intégralement suivi les avis du président de la commission des finances.

Enfin, le respect de l’article 45 de la Constitution est également de rigueur. Il n’est ni facile ni agréable de déclarer un amendement cavalier, comme le président de la commission des affaires économiques Guillaume Kasbarian l’a très bien expliqué hier. Je dois à mon tour rappeler les exigences de l’article 45 de la Constitution, qui impose de se fonder, non sur le titre du projet de loi, mais sur le contenu de ses articles.

L’exercice, je le répète, n’est pas aisé. C’est pourquoi, en cas de doute, je fais toujours prévaloir l’initiative parlementaire. Ainsi, il m’a semblé que les amendements relatifs à la négociation collective, au salaire minimum interprofessionnel de croissance (SMIC) et aux prestations revalorisées par le projet de loi – notamment l’AAH – étaient en lien avec le projet de loi. En revanche, il était impossible de lier les dispositions du texte avec un certain nombre d’amendements, souvent fiscaux, relatifs à l’impôt sur le revenu, à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ou aux droits de succession, mais aussi à des exonérations, à des réductions de contribution sociale généralisée (CSG) ou de cotisations sociales. Le blocage des prix, l’encadrement des rémunérations, les transports publics ou privés, les vacances, les tickets restaurant, la carte Vitale biométrique, le contrôle technique, le permis de conduire, la consommation d’eau, la diffusion télévisée des rencontres sportives sont autant de sujets qui peuvent avoir des incidences sur le pouvoir d’achat, mais qu’il n’a pas été possible de relier à une des dispositions du projet de loi. Cela concerne cent trente-trois amendements. Bon nombre d’entre eux ont d’ailleurs vocation à être discutés dans le cadre du projet de loi de finances rectificative et je constate que certains de nos collègues ont déjà déposé en ce sens.

Il nous reste donc à examiner cent soixante-quatre amendements sur lesquels nous aurons des débats nourris, riches et utiles à nos concitoyens. J’indique enfin, à toutes fins utiles, que nous suspendrons nos travaux, si cela est nécessaire, pour voter dans l’hémicycle où est discuté le projet de loi de veille et de sécurité sanitaire.

M. Sébastien Delogu. Sur les soixante amendements déposés par le groupe La France insoumise, seuls huit seront discutés. C’est insupportable. Il ne sera pas possible de parler de la garantie d’autonomie pour les jeunes, du blocage des prix, de la gratuité des cantines scolaires, de l’ouverture des assurances chômage aux travailleurs indépendants. Vous considérez nos amendements comme autant de cavaliers législatifs alors qu’ils sont notre programme même. Vous utilisez cet argument car vous ne voulez pas de mesures ambitieuses pour le pays, pourtant seules à même d’aider les Français en difficulté. Comme l’a dit notre collègue Rachel Keke, on ne paie pas un loyer avec des primes ou des chèques ponctuels.

Mme Sandrine Rousseau. Je regrette également cette lecture restrictive. Je vous propose de renommer votre texte le projet de loi pour des miettes et du carbone. Nos amendements, eux, portaient précisément sur le pouvoir d’achat et les moyens d’améliorer concrètement la vie des gens.

M. Pierre Dharréville. Il fut un temps où l’application de l’article 45 de la Constitution était moins stricte, ce qui permettait des débats plus riches. Avec votre manière de procéder, le Gouvernement fixe un cadre que le Parlement doit suivre scrupuleusement. J’avais déposé un amendement sur l’échelle des salaires : cela a des conséquences directes sur le pouvoir d’achat !

Le Règlement de l’Assemblée nationale a été adopté sous la précédente législature par la seule majorité d’alors. Il n’est pas possible d’en rester là, ce n’est pas satisfaisant.

M. François Ruffin. Le titre du projet de loi est alléchant, de même que celui du chapitre Ier du titre Ier, « Valorisation du travail et partage de la valeur ». Or, dès qu’un débat s’ouvre sur la façon de redonner de la valeur au travail et de mieux répartir les profits, vous le refermez pour en rester au périmètre étroit des primes, des passes et des aides. Que les femmes de ménage soient mieux payées, notamment pour leurs heures de travail tôt le matin et tard le soir, il ne sera pas possible d’en discuter : pour vous, ce n’est ni le lieu ni le moment. Où et quand cela sera-t-il possible, si ce n’est dans un chapitre sur la valorisation du travail et le partage de la valeur ?

Que les intérimaires soient rétribués au minimum pour une journée, ce n’est ni le lieu ni le moment. Que tous les salariés du secteur médico-social touchent la prime « Ségur », nous ne pourrons pas en discuter. Que les travailleurs de plateformes comme Uber soient présumés salariés, comme le réclame la Commission européenne, nous ne pourrons pas en discuter. Que les salariés des sous-traitants bénéficient des mêmes droits que ceux des donneurs d’ordre, nous ne pourrons pas en discuter. Que les rémunérations des dirigeants, qui ont doublé l’année dernière, soient plafonnées, nous ne pourrons pas en discuter. À quoi sert donc un projet de loi sur la valorisation du travail s’il n’est pas possible de discuter de ces sujets ?

La Première ministre, la semaine dernière, a utilisé le mot-clef de « compromis ». Comment bâtir un compromis si on exclut par principe la moindre disposition qui dépasse du périmètre étroit qu’a tracé le Gouvernement ? Que vous nous disiez que vous n’acceptez pas nos solutions, d’accord, mais discutons-en ! En l’occurrence, nous ne pouvons pas défendre les travailleurs de notre pays.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je prends note de vos remarques. Je me borne à appliquer la Constitution. Nous avons cinq ans pour travailler, monsieur Ruffin, pour agir au service des Français.

TITRE IER
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANCAIS

Chapitre Ier
Valorisation du travail et partage de la valeur

Article 1er : Création de deux primes de partage de la valeur

Amendements identiques AS51 de M. Stéphane Viry, AS93 de M. Thibault Bazin et AS126 de Mme Danielle Brulebois.

M. Stéphane Viry. Je propose quelques ajustements afin de permettre aux employeurs de verser plusieurs primes défiscalisées chaque année, dans la limite de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). Celle-ci peut être attribuée en plusieurs tranches mais elle n’est décidée qu’une fois par an. Or, un certain nombre d’employeurs ne savent pas toujours ce qu’il en sera de l’évolution économique, de leur chiffre d’affaires et de leur trésorerie. Ils sont donc contraints de limiter le montant de la PEPA ou d’attendre la fin de la période d’attribution pour s’assurer de leur capacité à y recourir. Le mécanisme pourrait être adapté pour permettre de verser une ou plusieurs primes PEPA durant la période de référence, dans la limite du plafond global fixé par la loi. Cette mesure permettrait de lever une partie des réticences et d’inciter les employeurs à accorder cette prime à leurs salariés.

M. Thibault Bazin. Certaines entreprises, aux activités saisonnières, connaissent des fluctuations et ne peuvent savoir à l’avance ce que sera leur situation sur une année. Après les trois années que nous avons connues, nous savons combien les prévisions, d’un trimestre à l’autre, peuvent évoluer. L’amendement que nous proposons favorisera l’essor de ces primes de partage de la valeur.

Mme Danielle Brulebois. Il convient en effet de donner plus de souplesse à ce dispositif apprécié, qui est un élément de récompense et de fidélisation des salariés. Dans un territoire de plein-emploi comme le Jura, de nombreuses entreprises souhaiteraient pouvoir la verser en plusieurs fois, par exemple lorsqu’elles bénéficient de contrats importants.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Les arguments de MM. Viry et Bazin correspondent plutôt aux deux amendements suivants. Mais je les rejoins sur la possibilité de verser cette prime en plusieurs fois, avec toutefois une limite importante : qu’elle ne soit pas versée mensuellement, au risque de constituer une substitution de rémunération, hors cotisations.

Je vous propose plutôt d’adopter l’amendement AS351 de Mme Christine Le Nabour, qui permet un tel fractionnement, hors mensualisation, afin que les entreprises puissent tenir compte de leur trésorerie. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. La possibilité d’un fractionnement présente en effet le risque d’une mensualisation, la prime correspondant dès lors à un salaire de seconde zone. La rapporteure a évoqué une substitution de rémunération mais, quelle que soit la modalité, c’est bien de cela qu’il s’agira : la philosophie de cette prime relève du contournement de salaire. C’est pourquoi nous ne cessons de poser la question centrale du salaire. Vous essayez quant à vous de la contourner, comme le montre votre accord autour du fractionnement et, donc, d’une forme d’institutionnalisation de cette part de salaire sans droits.

M. Thibault Bazin. Selon l’amendement AS351 de Mme Le Nabour, le fractionnement serait possible dès lors qu’il ne serait pas mensuel ?

Mme la rapporteure. Le fractionnement est d’ores et déjà possible. Mais nous préférons l’inscrire dans la loi en veillant à ce que le versement de la prime ne soit pas confondu avec le salaire et donc que celle-ci ne soit pas mensuelle.

M. Thibault Bazin. Le problème n’est pas de savoir à quel rythme elle peut être versée, mais quand les employeurs pourront décider de la verser en fonction de leur situation.

Mme la rapporteure. Cela relève des deux amendements suivants.

M. Pierre Dharréville. Cette possibilité pèsera directement sur les négociations annuelles obligatoires en matière salariale : la prime ayant été versée, l’employeur pourra considérer qu’il n’est plus nécessaire de discuter des augmentations.

M. François Ruffin. Madame la rapporteure, vous ne répondez pas sur la philosophie de ces versements successifs : la substitution d’une prime à un salaire qui ouvre des droits à la retraite, au chômage, à la sécurité sociale. J’ai fait la liste des primes versées depuis le début de la présidence d’Emmanuel Macron : elle est exponentielle. En fait, vous ne voulez pas soulever la question des salaires, donc du financement de la sécurité sociale et des retraites. Vous pourrez ensuite faire valoir des déficits considérables pour dire que l’assurance maladie doit être confiée au privé et l’âge de départ à la retraite augmenté ! La philosophie générale de ce texte consiste à liquider le système social.

M. Adrien Quatennens. Nous sommes au cœur du problème que pose ce texte, dont l’objectif premier est d’éviter l’essentiel : l’augmentation des salaires, seule à même de participer effectivement au partage de la valeur. De plus, le Président de la République a passé son temps à faire de l’affichage en assurant tripler la prime. En fait, il triple le plafond, aujourd’hui de 1 000 euros, la moyenne de la prime versée en 2021 étant de 506 euros. Le triplement du plafond n’implique en rien celui de la prime.

La défiscalisation de la prime pénalisera les recettes de l’État. Dans quelques mois, vous nous expliquerez que les caisses de la sécurité sociale sont vides et qu’il faudrait faire travailler les Français plus longtemps ! Nous ne demandons pas des aumônes au bon vouloir du patron mais des augmentations de salaire. C’est ce que veulent les travailleurs de ce pays et il faut les entendre.

M. Jean-Philippe Nilor. On perçoit votre malaise. Vous voulez sauver les apparences – il ne faudrait pas que cette prime, mensualisée, ressemble trop à un salaire – mais l’article 1er illustre parfaitement la philosophie du projet de loi et sa temporalité. S’agit-il d’un coup à court terme ou voulez-vous investir dans le long terme ? Sur le long terme, on ne pourra pas échapper à une augmentation des salaires et prestations sociales. En choisissant les primes, c’est le court-termisme et l’électoralisme que vous choisissez. C’est bien dommage et cela laisse mal augurer de la suite de la législature.

Mme Sandrine Rousseau. Nous n’avons pas encore abordé la question de la justice entre salariés. En effet, la prime sera versée au bon vouloir des responsables des entreprises et il existe une différence notable entre les grandes et les petites structures. Ces dernières ayant souffert de la crise du covid, elles ne disposeront peut-être pas de la trésorerie nécessaire pour verser de telles primes à leurs salariés.

Votre dispositif a un autre inconvénient : la défiscalisation est identique quelle que soit la taille de l’entreprise. Elle bénéficiera donc aussi bien aux multinationales qui profitent d’une rente pétrolière, par exemple, et qui défiscalisent dans les paradis fiscaux, tout en creusant le trou de la sécurité sociale et notre déficit public. C’est injuste vis-à-vis des salariés qui travaillent dans des secteurs en tension, dans lesquels la trésorerie est plus fragile ; eux ne pourront pas bénéficier des primes.

C’est pourquoi, pour améliorer véritablement le pouvoir d’achat des salariés, il n’y a pas d’autre solution que d’augmenter les salaires.

M. Gérard Leseul. Je partage l’analyse de mes collègues. Lors de la longue audition des ministres hier, de nombreuses questions ont été posées et il est symptomatique, voire symbolique, que le ministre du travail n’ait répondu ni « travail » ni « salaire ». C’est même scandaleux. Nous débattons du partage de la valeur ajoutée en entreprise et cela passe par le salaire. Vos propositions contribuent au détricotage du socle qui fonde la justice sociale et la relation des Français avec le travail. Il existe une grande injustice entre les travailleurs en fonction de la société dans laquelle ils travaillent, les salariés d’une PME n’étant pas traités de la même façon que ceux des grands groupes. Ces derniers n’ont pas de problème : ils ont dégagé plus de 160 milliards d’euros de résultats et distribué 60 milliards de dividendes en 2021. Cela ne leur poserait pas de difficulté de revaloriser le travail – pas plus qu’ils n’en ont pour verser des primes. À l’inverse, si vous ne touchez pas aux salaires, la plupart des salariés au SMIC n’auront rien. On ne peut pas faire l’économie d’un débat sur les salaires.

La réunion est suspendue de dix-sept heures cinquante-cinq à dix-huit heures dix.

M. Arthur Delaporte. Si l’étude d’impact indique quelles entreprises ont versé ces primes et leur taille, elle ne précise pas quels salariés en ont bénéficié et quel était leur salaire. Les primes auraient été versées dans 500 000 établissements pour 2 milliards d’euros et 5 millions de salariés. Ces chiffres sont mensongers : il s’agit au maximum de 3 millions de personnes en 2021 et 1,8 million en 2022, sachant que nous ne savons pas exactement le nombre de bénéficiaires uniques. Ce n’est évidemment pas le type de dispositif que nous soutenons.

Mme la rapporteure. Il est clair que plusieurs collègues sont contre le versement de primes par les entreprises ; c’est dommage. Cet avis n’est évidemment pas partagé par tous.

Vous estimez que les primes nuisent à la progression des rémunérations. Mais la commission des comptes de la sécurité sociale évalue l’augmentation de la masse salariale à 8,3 %. Si cette hausse est certes liée à l’augmentation du nombre de salariés, l’augmentation du salaire moyen est estimée à 1,7 %, hors primes. La distribution de primes n’empêche donc pas la hausse des salaires.

En outre, quand on connaît un peu la vie des entreprises, on sait que, dans une situation favorable, elles peuvent financer une prime plus facilement qu’une hausse de salaire. Cela assure un complément de rémunération au salarié qui, sans ce dispositif, n’aurait rien.

Nous souhaitons faciliter la vie des entreprises, Je propose donc à nos collègues de retirer leurs amendements au profit de celui de Mme Le Nabour, qui permet le versement fractionné de la prime afin de tenir compte de l’état de la trésorerie des entreprises.

L’amendement AS126 est retiré.

La commission rejette les amendements AS51 et AS93.

Amendements identiques AS206 de M. Stéphane Viry et AS286 de M. Nicolas Turquois.

M. Stéphane Viry. Les amendements donnent une base légale aux décisions des entreprises qui en ont les moyens de verser davantage de primes, afin de sécuriser les employeurs et de les inciter à ces versements complémentaires.

M. Nicolas Turquois. Parfois, en cours d’année, la situation financière favorable de l’entreprise lui permettrait de réaliser un nouveau versement. Il s’agit donc de le sécuriser.

Je ne partage pas les interpellations de mes collègues. Le système des primes est parfaitement adapté à l’environnement des petites et moyennes entreprises, extrêmement évolutif. Dans le contexte actuel, elles connaissent des difficultés d’approvisionnement en matériaux et manquent de visibilité mais, paradoxalement, elles ont aussi une activité soutenue. Certains chefs d’entreprise sont inquiets de l’avenir et, à court terme, préfèrent verser des primes pour améliorer la rémunération sans hypothéquer l’avenir.

Mme la rapporteure. Je comprends l’intention de cet amendement, qui est d’offrir de la flexibilité. Mais ne perdons pas de vue la procédure en amont du versement de la prime – accord d’entreprise ou décision unilatérale de l’employeur. S’il faut la renouveler plusieurs fois dans l’année, cela complique le dispositif, d’autant que les critères d’attribution pourraient varier à chaque fois, ce qui introduirait une instabilité pour les salariés. Je préfère que nous en restions à une seule procédure annuelle, la prime pouvant être versée en plusieurs fois selon la trésorerie de l’entreprise. En outre, rien n’empêche l’employeur de verser d’autres primes non défiscalisées.

La commission rejette les amendements.

Amendement AS146 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. À l’alinéa 3, je propose que l’information de l’entreprise d’intérim sur le fait que l’entreprise utilisatrice d’un de ses intérimaires verse une prime de partage de la valeur à ses salariés se fasse sans délai. La rédaction actuelle ne prévoit pas de délai. L’entreprise utilisatrice pourrait se prévaloir de cette faille juridique pour éviter ou retarder l’information de l’entreprise de travail temporaire. Il convient d’y remédier.

La réunion est suspendue de dix-huit heures vingt à dix-huit heures vingt-cinq.

Mme la rapporteure. En ce qui concerne l’amendement présenté par notre collègue Gérard Leseul, je trouve la précision bienvenue.

La commission adopte l’amendement.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il s’agit du premier amendement adopté par notre commission pour cette législature.

Amendement AS147 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’amendement prévoit que l’information de l’entreprise d’intérim sur le fait que l’entreprise utilisatrice d’un de ses intérimaires verse une prime de partage de la valeur à ses salariés soit également adressée au comité social et économique de l’entreprise d’intérim et ce, sans délai.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteur. Avis également favorable.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS363 de la rapporteure.

Amendement AS148 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il est proposé de garantir le bénéfice de la prime aux apprentis et stagiaires. Il y va de l’équité dans le monde du travail.

Mme la rapporteure. Notre collègue est donc favorable au versement de primes ! Cet amendement vise à la fois apprentis et stagiaires. Les apprentis peuvent déjà bénéficier de la prime de pouvoir d’achat. Les stagiaires, n’ayant pas de contrat de travail, ne peuvent percevoir de primes. Mon avis sera donc défavorable.

M. François Ruffin. Nous restons opposés aux primes mais, à partir du moment où elles existent, il faut éviter de créer des dissensions au sein des entreprises. C’est ce que vous faites constamment. Ainsi la prime Ségur est-elle devenue un objet de dissensions au sein des associations car vous avez fait le tri entre les associations qui peuvent en bénéficier – qui seraient directement au contact des usagers – et les autres. Cela crée des frustrations. La situation est la même dans le monde hospitalier. Le management par la prime génère un sentiment d’injustice permanent au sein des organisations.

Nous sommes opposés aux primes, qui échappent aux cotisations de sécurité sociale. En outre, on ne dirige pas un pays en agitant une carotte, en versant des primes tous les trois mois. Mais dès lors que le dispositif existe, il doit s’appliquer à toutes les personnes au sein de l’entreprise, y compris les intérimaires.

M. Hadrien Clouet. Je partage l’analyse : nous faisons contre mauvaise fortune bon cœur. Nous ne sommes pas favorables à ces rémunérations anormales car, ce qui est normal, c’est d’être rémunéré – non seulement pour son travail, pour chaque heure travaillée, mais également pour être prémuni face aux risques de la vie. C’est le principe du salariat ! Mais certains élus de la commission semblent décidés, depuis quelques jours, à ne pas préserver ce principe.

Les primes provoquent de la pauvreté : en les rémunérant de la sorte, quand ils partent en retraite ou perdent leur emploi, les salariés risquent de basculer sous le seuil de pauvreté, indépendamment des revenus qu’ils percevaient. Mais enfin, si ces primes leur permettent de tenir jusqu’à la fin du mois, on prend ! Y compris pour ceux qui sont en apprentissage ou en stage, c’est‑à‑dire ceux dont la moitié du temps de travail n’est pas payée puisqu’ils travaillent souvent à temps plein sans être rémunérés pour le travail réalisé.

M. Didier Le Gac. Vous évoquez la prime Ségur. Il s’agit en l’espèce d’une revalorisation salariale, de 183 euros nets par mois, pour tous les agents hospitaliers ! Certes, elle a été versée en plusieurs vagues, d’abord à tous les agents hospitaliers de l’État – qui ne sont pas exclusivement des soignants – puis aux salariés des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes, aux agents du secteur médico-social, à tous ceux qui travaillent dans les instituts médico-éducatifs...

M. Thibault Bazin. Comme peut-on soutenir qu’une prime appauvrit ? Les citoyens que je rencontre ont plutôt tendance à attendre toutes les hausses de rémunération possibles ! Bien sûr, une augmentation de salaire est le mieux, mais parfois l’entreprise ne peut pas s’engager durablement car elle n’a pas de visibilité sur son activité à trois ou six mois. Dans la vie, les entreprises connaissent des aléas ; les dernières années l’ont illustré.

Les salariés sont favorables à tout ce que l’entreprise peut donner. Bien sûr, il faut rester vigilant face à d’éventuels abus, mais toute rémunération complémentaire va dans le bon sens. Il y a d’ailleurs d’autres mécanismes, par exemple qui valorisent ceux qui sont méritants et qui remplissent leurs objectifs – j’ai déposé un amendement en ce sens.

M. Pierre Dharréville. Si l’on suit jusqu’au bout la logique de notre collègue Thibault Bazin, cela peut nous emmener loin et remettre en cause l’équilibre entre rémunération par prime et par salaire. Ce n’est pas notre modèle social. Certes, il est attaqué de toutes parts depuis très longtemps – cela ne s’arrange pas – mais nous tenons à le préserver.

La rapporteure a parlé tout à l’heure de fidéliser les salariés. La meilleure manière de les fidéliser, c’est d’assurer leur rémunération, et donc leur salaire !

Mme Justine Gruet. Je m’interroge sur notre capacité à décentraliser les décisions. Il faut redonner des marges de manœuvre aux territoires. Il faut faire confiance aux entreprises et aux chefs d’entreprise, en leur laissant une flexibilité dans la gestion de cette prime. Je partage l’analyse de M. Thibault Bazin : sur le terrain, les gens sont favorables à une meilleure valorisation du travail.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS364 et AS365 de la rapporteure.

Amendement AS290 de Mme Natalia Pouzyreff.

Mme Huguette Tiegna. Cet amendement ajoute un nouveau critère d’individualisation de la prime de partage de la valeur en fonction de l’ancienneté du salarié dans l’entreprise. Actuellement, la prime est individualisable au regard de la durée de présence effective du salarié durant l’année écoulée, ou de la durée prévue par le contrat de travail. Cette rédaction ne prend pas en compte l’ancienneté. Accroître la latitude des employeurs pourrait les inciter à distribuer davantage cette prime et, surtout, à fidéliser les salariés les plus anciens.

Mme la rapporteure. Avis favorable. Vous proposez un critère objectif qui n’était pas pris en compte.

M. Adrien Quatennens. Nous examinons un projet de loi visant à protéger le pouvoir d’achat. Or, l’impact de la hausse des prix ne varie pas selon l’ancienneté dans l’entreprise ! Vous ajoutez un critère d’individualisation de la rémunération, qui va rendre l’accès aux primes encore plus inégalitaire et aléatoire. Si votre but est bien de protéger le pouvoir d’achat, cessez d’ajouter des critères, d’autant que cette prime n’est déjà versée qu’à une minorité de salariés. Il faut rejeter l’amendement.

M. Hadrien Clouet. Je partage l’analyse de M. Quatennens. On s’éloigne de plus en plus du principe selon lequel à travail égal, salaire égal. Vous parlez d’individualisation ; je comprends plutôt compétition... Bientôt, dans une entreprise de 200 salariés, on aura 200 bulletins de salaire différents, y compris pour des postes équivalents ! À quand la modulation du salaire en fonction du niveau des eaux ou de la couleur des cheveux ? Soyons raisonnables, il serait plus intéressant d’augmenter globalement le niveau de rémunération des salariés, mais surtout de s’assurer que, pour un même poste et une même activité, les personnels perçoivent la même rémunération.

M. Thibault Bazin. Nous ne discutons pas seulement du pouvoir d’achat mais aussi, comme l’indique le titre du chapitre Ier, de la valorisation du travail et du partage de la valeur. Sur le terrain, l’un des enjeux pour les entreprises est de fidéliser leurs salariés, ce qui suppose certes de mieux les rémunérer, mais aussi de valoriser leur fidélité à l’entreprise. Il me semble intéressant, tout en veillant à éviter une dérive qui priverait certains salariés de primes en raison de leur ancienneté, de valoriser ceux qui s’engagent dans la durée auprès des entreprises. Nous constatons un développement excessif de l’intérim, du fait non des entreprises mais des salariés. Cela pose problème pour certains postes qui exigent une formation longue, sur des machines de valeur. Le système des primes me semble intéressant à l’aune de l’ambition visant à revaloriser le travail de façon générale.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS94 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement devrait susciter des réactions de l’autre côté de la salle. Je crois beaucoup au mérite. À l’heure actuelle, quatre critères collectifs permettent de moduler la prime de partage de la valeur (PPV). Pour inciter les employeurs à en verser une, un critère de performance individuelle pourrait être établi, ce qui permettrait de récompenser les salariés ayant atteint leurs objectifs professionnels au cours de l’année.

Madame la rapporteure, vous avez rappelé la nécessité de se fonder sur des critères objectifs. Un critère basé sur des objectifs professionnels, associé à des entretiens, permet de valoriser ceux qui les ont atteints.

Mme la rapporteure. Cher collègue, je partage l’objectif de valoriser la performance, mais la PPV n’est pas le véhicule adéquat. Nous avons bien compris que certains de nos collègues, notamment les membres du groupe La France insoumise, sont vraiment hostiles aux primes. Mais elles sont utiles, appréciées et bienvenues pour la plupart des salariés, sinon tous.

L’objectif est de donner des outils supplémentaires aux employeurs pour leur permettre d’attribuer les primes selon des critères objectifs. Je donne un avis malheureusement défavorable à l’amendement qui, en se fondant sur la performance individuelle du salarié, s’éloigne de l’objectif de la PPV. L’employeur peut récompenser la performance individuelle, mais pas dans le cadre de ce dispositif défiscalisé. Par ailleurs, je rappelle que ces primes sont comparativement plus élevées dans les petites et très petites entreprises. Il s’agit d’un outil d’amélioration du pouvoir d’achat.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS366, AS375, AS367 et AS381 de la rapporteure.

Amendements identiques AS240 de M. Pierre Dharréville et AS422 de la commission des finances.

M. Yannick Monnet. Il s’agit, dès lors que la PPV peut être accordée de façon unilatérale, de renforcer le rôle du comité social et économique pour un peu plus de démocratie et d’efficacité. L’amendement vise à remplacer l’information par une consultation préalable.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis de la commission des finances. La commission des finances, saisie pour avis sur les articles 1er à 6 et 15 à 19 du projet de loi, a fait sien cet amendement.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS149 de M. Gérard Leseul.

M. Arthur Delaporte. Cet amendement s’inscrit dans l’objectif de partage de la valeur indiqué au chapitre Ier. Il s’agit de réserver la PPV aux salariés dont la rémunération est inférieure à deux fois le plafond mensuel de la sécurité sociale, soit environ 7 000 euros par mois. Les salariés qui gagnent plus n’ont pas forcément besoin que leur pouvoir d’achat s’améliore de 500 euros. Cela permettrait de concentrer les primes sur ceux qui en ont véritablement besoin.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il n’est pas souhaitable de limiter ou de rigidifier la PPV. Par ailleurs, le Conseil d’État a souligné que de telles dispositions induiraient une rupture d’égalité préjudiciable aux salariés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS150 de M. Gérard Leseul.

M. Arthur Delaporte. Amendement de repli qui vise à rendre inéligibles à la PPV les salariés dont la rémunération est supérieure à douze fois la rémunération moyenne du décile des salariés disposant de la rémunération la plus faible.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendements AS143 et AS151 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Pour assurer le partage de la valeur ajoutée créée par l’entreprise, l’amendement AS151 plafonne l’écarts des montants versés au titre de la PPV entre salariés d’une même entreprise sur la base d’un rapport du simple au triple. L’amendement AS143 prévoit un rapport de un à douze. Nous sommes réellement favorables à la conditionnalité des aides et des primes. Aux critères de performance individuelle que M. Thibault Bazin appelle de ses vœux, j’oppose des critères de modération collective.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Outre que nous souhaitons éviter la rigidification du dispositif et conserver sa simplicité, le Conseil d’État nous met en garde contre les ruptures d’égalité.

M. Thibault Bazin. Une entreprise peut être dans une situation financière permettant de verser une PPV pour certains sites, services ou équipes, et dans une situation moins favorable pour d’autres. L’idéal serait de combiner l’approche de l’auteur des amendements et la mienne afin d’obtenir une mesure incitative et, en même temps, propre à développer un esprit collectif dans les entreprises.

La réunion est suspendue de dix-huit heures cinquante à dix-neuf heures cinq.

La commission rejette successivement les amendements AS143 et AS151.

Amendement AS152 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Si le projet de loi a pour objet le partage de la valeur, il convient d’aller au bout de la logique en contraignant les entreprises en bonne santé à verser la PPV. Une entreprise peut être considérée rentable et en bonne santé si elle réalise un résultat imposable supérieur ou égal à 5 % de son chiffre d’affaires.

Mme la rapporteure. Cela revient à contraindre l’employeur à utiliser un dispositif proche de la participation, qui est d’ores et déjà obligatoire pour les entreprises de plus de cinquante salariés. Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. La réalité économique des entreprises connaît aussi des pertes reportées d’un exercice précédent, ou des besoins de financement pour leur croissance, leur développement ou leurs investissements... La disposition proposée semble trop rigide.

M. Nicolas Turquois. L’amendement procède d’une méconnaissance du monde économique. Prenons une petite entreprise individuelle, employant deux ou trois salariés et réalisant 400 000 euros de chiffre d’affaires : il faudrait qu’elle distribue des primes à partir de 20 000 euros de résultat. C’est l’épaisseur du trait ! Monsieur Leseul, demandez aux artisans de votre circonscription s’ils peuvent quantifier le produit de leur activité à 20 000 euros près !

M. Arthur Delaporte. Il ne s’agit pas de méconnaissance mais d’un principe de justice. Si une entreprise fait des bénéfices – et encore, à partir de 5 % du résultat imposable, pas du premier euro ! – il est bon qu’elle les redistribue, non ?

M. Gérard Leseul. Monsieur Turquois, je n’aime pas les arguments d’autorité. Ayant passé trente ans dans le monde de l’entreprise, je n’ai de leçon à recevoir de personne. Certes, l’application de notre amendement aux petites entreprises peut s’avérer compliquée. Mais dans la logique du projet de loi que vous soutenez, il faut partager la valeur ajoutée, fût‑ce à hauteur de 20 000 ou 30 000 euros.

M. François Ruffin. Ce qui vous gêne, chers collègues de la majorité, c’est la contrainte, c’est que le partage de la valeur ne soit pas laissé au bon vouloir du chef d’entreprise, mais érigé en règle. En l’occurrence, la règle serait que si l’entreprise dégage des bénéfices, elle en reverse une part aux salariés – et encore, pas en totalité ! Chaque entreprise doit aussi investir et rémunérer ses actionnaires.

Vous ne voulez donc rien d’autre que le bon vouloir des chefs d’entreprise. Le Gouvernement, par la voix du ministre de l’économie, appelle les entreprises à augmenter les salaires ; il appelle, mais on ne répond pas beaucoup ! Le même demande gentiment un effort supplémentaire à Total, qui a consenti, en début d’année, à reverser 0,33 % de son bénéfice : effort considérable ! Quant au ministre de l’agriculture, il demande à la grande distribution si elle veut bien proposer des promotions dans les supermarchés. Vous n’avez aucune volonté d’adopter des lois pour que les salariés bénéficient véritablement du fruit du travail commun. Vous vous contentez d’attendre qu’une sorte d’autorégulation tombe du ciel. Parmi les chefs d’entreprise, certains sont pleins de bonne volonté, d’autres non : pour les salariés, l’arbitraire règne. Nous voulons qu’une règle assure la justice et l’égalité.

J’observe que contraindre les citoyens, en revanche, ne pose aucun problème. Vous voulez bien leur interdire, par temps de covid-19, d’aller promener leur chien à plus d’un kilomètre de chez eux sans remplir des papiers, ou distinguer des commerces essentiels et non essentiels. Mais dans le domaine de l’économie et de l’entreprise, le laisser-faire règne !

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS153 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Il s’agit d’adopter des exigences fondées non sur le mérite individuel, mais sur la performance environnementale et sociale des entreprises : c’est en respectant ces critères qu’elles pourraient bénéficier des exonérations de cotisations sociales sur les primes versées.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Cela aurait pour effet d’exclure certaines entreprises du bénéfice de la PPV et donc de pénaliser les salariés, à rebours de votre objectif. Ce serait contre-productif dans la situation que nous connaissons en matière de pouvoir d’achat.

M. Gérard Leseul. Madame la rapporteure, ce qui est contre-productif, c’est de ne pas respecter des normes sociales et environnementales minimales. Certes, les salariés de ces entreprises seraient exclus du bénéfice des primes, mais cet amendement appelle en réalité à exercer une pression interne en faveur d’un dialogue social dynamique, afin de rendre les entreprises vertueuses.

M. Hadrien Clouet. Je soutiens cet amendement qui permet de remettre à l’endroit le principe des exonérations de cotisations. Depuis plusieurs décennies, nous assistons à un grand renversement. Initialement, les exonérations de cotisations visaient un objectif politique affirmé, certes discutable mais clair : le soutien à l’emploi. Désormais, elles sont devenues un dû. Une part de notre argent, par le biais d’une part de notre salaire, dont les cotisations font partie, sert désormais à financer des cadeaux. Les heures de travail de la population ne sont pas, me semble-t-il, des cadeaux aux entreprises à distribuer de façon inconditionnelle, d’autant que ce mécanisme coûte à tout le monde. En effet, le déficit de la sécurité sociale, artificiellement organisé par le manque de cotisations, est compensé par les paniers fiscaux, donc par l’imposition de la population.

En outre, les exonérations de cotisations encouragent les employeurs à sous-payer les salariés, dès lors qu’augmenter les salaires empêche d’en bénéficier. Cette subvention fiscale joue le rôle, me semble-t-il, d’une trappe à bas salaires qui encourage une pauvreté laborieuse.

M. Thibault Bazin. Les entreprises ne respectant pas les normes sociales et environnementales devraient donc être exclues des avantages qu’offre la PPV ? Si de telles entreprises existent, il faut mener des actions judiciaires. Nous devrions partir du principe que nos entreprises respectent notre réglementation sociale et environnementale – ce qui n’est peut-être pas le cas d’entreprises installées dans d’autres pays, de sorte que l’achat de leurs produits par certains de nos concitoyens pose problème.

Si l’on additionne les amendements de M. Leseul, les entreprises ne pourront donc pas verser la PPV si elles ne respectent pas certains standards sociaux et environnementaux, mais elles seront obligées de la verser à partir d’un certain résultat, ce qui les empêche d’investir dans leur transition écologique... Cela ne me semble guère cohérent.

Mme Sandrine Rousseau. Il serait temps que l’argent public aille prioritairement aux entreprises qui respectent des critères sociaux et environnementaux. C’est même l’urgence ! Si nous nous inscrivions résolument dans le cadre de la transition écologique, nous le ferions sans problème.

Par ailleurs, les cotisations sociales dont nous exonérons les entreprises à tour de bras sont des salaires différés, ce qui contribue en partie à la solidité de notre système social dont nous avons constaté l’importance lors de la crise du covid-19, malgré les attaques dont il a fait l’objet de la part de la majorité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS307 de M. Hadrien Clouet.

Mme Clémence Guetté. Nous contestons la philosophie même de l’exonération de cotisations sur la PPV. L’article 1er est dangereux. Il incite les entreprises à préférer aux augmentations de salaire l’attribution de primes défiscalisées. La Première ministre a dit que les organisations syndicales et patronales trouveraient en elle une interlocutrice constructive. Les organisations patronales ont peut-être été servies ; pour les syndicats, c’est une autre histoire. Nous n’avons pas souvenir de tracts syndicaux contestant les hausses de salaire et réclamant uniquement des primes ! Peut-être avons-nous mal compris lorsque vous parliez d’esprit d’ouverture et de compromis.

L’article 1er est d’autant plus dangereux qu’il ruine fondamentalement les comptes publics. Une prime défiscalisée, c’est moins d’argent pour l’État et pour la sécurité sociale. Vous imposez l’austérité aux services publics tout en justifiant par avance les prochaines réformes que vous proposerez, dont celle des retraites.

L’amendement vise à supprimer les exonérations de cotisations prévues pour la nouvelle forme de la « prime Macron ».

Mme la rapporteure. Pour ma part, je n’ai pas souvenir de tracts syndicaux proclamant ne surtout pas vouloir des primes ! Nous avons une divergence de fond, chers collègues de La France insoumise : nous sommes favorables au versement de primes par les employeurs afin d’aider les salariés. Avis défavorable sur l’amendement.

D’ailleurs, les dispositifs de primes en vigueur depuis plusieurs années n’ont pas nui à la progression des salaires, qui ont augmenté en masse et en salaire moyen, ce qui a permis d’augmenter les entrées d’argent dans les caisses de la sécurité sociale et dans celles de l’État.

Mme Farida Amrani. Je suis syndicaliste...

M. Éric Alauzet. Il n’y a ici que des députés !

Mme Farida Amrani. J’étais syndicaliste avant mon élection et je l’étais encore il y a très peu de temps. J’en ai fait, des grèves et des manifestations pour m’opposer au versement de primes à la place d’une augmentation de salaire. Toutes les primes ne sont pas prises en compte dans le calcul de la retraite. Les Français travaillent dur pour ces fameuses primes, mais il ne faut pas oublier qu’elles sont versées à la tête du client : elles ne sont pas fonction du travail fait ni données à tout le monde de façon équitable !

Mme Christine Le Nabour. Dans quel monde ?

Mme Farida Amrani. Il faut le dire et le répéter car vous ne semblez pas connaître le fonctionnement des entreprises, chers collègues de la majorité !

M. Didier Le Gac. Personne n’a le monopole de la connaissance du monde du travail !

Mme Farida Amrani. Les Français qui atteignent l’âge de la retraite en bonne santé n’ont qu’un revenu misérable. Dans leur vie active, ils ont un salaire pour essayer de nourrir leur famille. Une fois en retraite, c’est une catastrophe. Comment faire admettre aux Français qu’ils toucheront des primes non prises en compte dans le calcul de leur pension ? Si vous tenez à verser des primes, faites en sorte qu’elles deviennent du salaire !

M. Thibault Bazin. La sérénité de nos travaux exige que nous ne mettions pas tous les employeurs dans le même sac comme si, pour reprendre les mots de notre collègue, tous versaient des primes à la tête du client. Je connais des entreprises, petites et moyennes, dont les patrons essaient de faire au mieux et d’assurer une forme de justice en répartissant la valeur. Au demeurant, il s’agit d’un moyen de motiver les salariés et de les faire participer davantage. Ce phénomène se développe en dépit de freins que chacun connaît.

Nous sommes dans une situation d’urgence en matière de pouvoir d’achat. La crise énergétique impose de donner un coup d’accélérateur. Clairement, supprimer les exonérations de cotisations sur la PPV est un frein au versement : cela ferait mécaniquement baisser le nombre de primes attribuées, et le pouvoir d’achat avec.

Par ailleurs, personne ici n’est titulaire d’un mandat impératif, émanant de quelque organisation que ce soit. Nous sommes tous députés.

M. Nicolas Turquois. J’ai l’impression que nos collègues du groupe de La France insoumise visent les très grandes entreprises. Certes, des excès peuvent être constatés dans les petites et moyennes entreprises, mais de moindre ampleur. Les chefs d’entreprise, à l’heure actuelle, éprouvent l’inquiétude du lendemain. Leur activité est soutenue mais le coût des matériaux et de l’énergie ne cesse d’augmenter, et ils ne sont pas certains que la demande se maintienne. Simultanément, leurs salariés demandent des augmentations de salaire en raison de l’inflation. La PPV a des défauts, mais elle permet d’accompagner la situation dans l’immédiat. Par ailleurs, lorsque vous distribuez une prime deux années consécutives, vous finissez bien par être obligé de la convertir en augmentation de salaire. Vos salariés vous le demandent !

N’amalgamez pas les très grandes entreprises et les millions de petites et moyennes entreprises que compte la France. Des mesures très positives y sont prises. Les patrons essaient de faire au mieux – ils connaissent bien leurs salariés, lesquels parlent de leur niveau de salaire. Je suis blessé par vos propos, qui relèvent d’une forme de punition généralisée des entreprises et notamment des petites et moyennes parmi elles.

M. Arthur Delaporte. Certains propos ont semblé méprisants à l’endroit de notre collègue Farida Amrani qui a commis le crime de révéler son passé syndicaliste. Nous sommes bien conscients qu’en tant que députés, nous devons défendre l’intérêt général. Mais nous avons le droit de prouver que, nous aussi, nous connaissons le milieu de l’entreprise, même si nous étions salariés plutôt que dirigeants. Personne n’a le monopole de l’entreprise et il n’est pas question de mettre tous les employeurs dans le même sac. Mais nous tenons à rappeler que tout le monde a des droits sociaux. Une prime doit être socialisée. La socialisation du travail, c’est du salaire différé. C’est le fondement du droit du travail français.

M. François Ruffin. Comment faire nation, faire communauté alors qu’au sein d’une même entreprise, tous les salariés ne recevront pas la prime ? Ce n’est pas comme si l’inflation et la baisse du pouvoir d’achat ne concernaient que certains et pas les autres. Au lieu de résoudre un problème national à l’échelle nationale, vous appliquez de petits coups de pinceau à droite et à gauche. La question se pose pour les agents d’entretien dans leur ensemble, les caristes dans leur ensemble, les ouvriers du bâtiment dans leur ensemble. Ce n’est pas en s’en remettant aux entreprises qui décideront de verser ou non la prime, ou de l’accorder à tel salarié plutôt qu’à tel autre, que nous nous en sortirons. Vous avez la responsabilité de légiférer pour que le travail de tous les salariés de ce pays soit reconnu, grâce au salaire. Au lieu de cela, vous prenez le risque d’aggraver le sentiment d’injustice déjà exacerbé depuis cinq ans.

M. Pierre Dharréville. Finalement, qui financera cette prime ? L’employeur versera l’équivalent de ce qu’il aurait pu accorder en hausse de salaire. Mais qui supportera la défiscalisation et les exonérations de cotisations sociales? Ce seront l’État et la sécurité sociale, autrement dit nos impôts, qui financeront cette prime qui n’est pas accordée à tout le monde et qui ne règle pas la question du pouvoir d’achat. Il y a une forme d’entourloupe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS155 de M. Gérard Leseul.

M. Arthur Delaporte. Il s’agit d’exonérer des cotisations sociales employeurs les seules entreprises de moins de 1 000 salariés. Ceci évitera que les grandes entreprises n’en profitent pour substituer la prime de partage de la valeur à une hausse de salaire.

Mme la rapporteure. Avis défavorable car vous rompez l’égalité entre les salariés. Ce serait dommage car la prime a davantage profité aux salariés des très petites entreprises.

M. François Ruffin. C’est précisément ce que vient de dire notre collègue Arthur Delaporte : ce ne sont pas les grandes entreprises, qui ont les moyens d’augmenter les salaires, qui doivent profiter de cette prime. Les géants du CAC 40 ont dégagé des profits record, de près de 160 milliards d’euros en 2021. Il y a de quoi en donner aux salariés ! Il n’y a pas de raison qu’ils versent des primes alors qu’ils pourraient augmenter les salaires.

Mme la rapporteure. Toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés ne sont ni cotées en bourse ni ultra-bénéficiaires. Cet amendement illustre votre vision dogmatique de l’entreprise. Nous avons bien compris que vous étiez opposés aux primes. Nous souhaitons que tous les employeurs puissent en accorder à leurs salariés.

M. Pierre Dharréville. Comment financer cette prime sans gaspiller de l’argent public, qui servira à grossir encore davantage les dividendes de bon nombre d’entreprises ?

Mme Annie Vidal. Nous devons prendre, dans l’urgence, des mesures pour contrer les conséquences de l’inflation. En l’espèce, ce dispositif a fait ses preuves auprès des entreprises et des salariés. Je n’en ai pas rencontré un seul qui n’en veuille pas. Vous préférez les mesures salariales qui prennent du temps ! Ce n’est pas l’intérêt de nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS205 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Le régime social et fiscal de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat versée entre 2019 et le 31 mars 2022 se caractérisait par sa simplicité. Elle était exonérée de toutes les cotisations et contributions sociales ainsi que d’impôt sur le revenu pour les salariés rémunérés moins de trois fois la valeur du SMIC annuel. Votre nouvelle version est plus complexe et sans doute moins efficace. Je propose de revenir au dispositif antérieur.

Mme la rapporteure. Nous aurions, nous aussi, préféré en rester au modèle initial. Le Conseil d’État ayant décelé un risque constitutionnel de rupture d’égalité devant les charges publiques, nous avons dû distinguer un dispositif pérenne d’un dispositif temporaire, destiné à répondre à l’urgence jusqu’à la fin de l’année 2023.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS154 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Nous faisons amende honorable et nous consentons au principe de la prime, à condition que vous supprimiez l’exonération de cotisations sociales salariales et patronales et ne conserviez pour le salarié que l’exonération d’impôt sur le revenu et de CSG !

Mme la rapporteure. Avis défavorable car vous feriez perdre à la prime tout son intérêt.

M. Arthur Delaporte. La Première ministre nous invite à trouver des solutions intermédiaires. Nous faisons un pas vers vous en acceptant le principe de la prime. Acceptez de nuancer votre position pour le bien-être collectif !

M. Pierre Dharréville. Je suis touché par le geste de notre collègue Gérard Leseul et je suis déçu, à défaut de surpris, de votre refus de compromis. La mesure proposée par nos collègues socialistes serait un moindre mal. Vous mettez en avant le caractère exceptionnel de ce dispositif mais force est de constater qu’il s’éternise, au risque de pérenniser ce mode de rémunération. Cela en dit long sur la manière dont on paye le travail en France.

Mme Sandrine Rousseau. J’avais bien compris que vous étiez pour la prime mais pas que vous étiez contre les cotisations sociales. Si l’on assujettit ces primes aux cotisations sociales, on évite de creuser le trou de la sécurité sociale. Par ailleurs, vous partez du principe que nous vivons une situation exceptionnelle. Or, l’inflation est une conséquence de la hausse du prix de l’énergie et je peux vous affirmer, en tant qu’écologiste et économiste, que nous ne sommes qu’au début d’une ère où l’énergie sera chère. Les mesures que l’on vote ici n’ont pas vocation à répondre à une situation exceptionnelle ; elles sont amenées à perdurer.

M. François Ruffin. Notre groupe est bien au-delà du compromis : ce sont des kilomètres que nous parcourons dans votre direction en acceptant le principe de la prime même s’il ne nous convient pas. Or, de votre côté, vous refusez les quelques aménagements que proposent nos collègues socialistes. Quant à la prétendue urgence, cela fait cinq ans qu’on nous en parle. Vous devriez plutôt vous demander pourquoi vous n’êtes capables de légiférer que dans l’urgence. Votre horizon est si étroit que vous ne savez pas penser des mesures structurelles pour les prochaines décennies. L’inflation n’est pas conjoncturelle mais structurelle, en conséquence de la crise écologique.

En outre, nous payons le prix des quarante dernières années de modération salariale. Vous ne pouvez plus vous permettre de prendre des mesures pour l’automne, comme vous l’avez trop souvent fait, avant de vous souvenir que le peuple existe et de vous résigner à distribuer quelques miettes avant les prochaines élections. L’un de vos députés l’a lui-même reconnu : nous sommes en train de déguster le sucré ; demain, ce sera le salé !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ces miettes s’élèvent tout de même à quelques milliards d’euros.

M. Nicolas Turquois. Je suis un partisan des cotisations sociales parce qu’elles financent notre système social. En revanche, un chômage de masse de longue durée finit par mettre en péril le niveau de vie, l’éducation, le logement d’une partie de la société. Un chef d’entreprise hésitera moins à engager un salarié si le droit du travail est souple. Le contexte économique reste difficile en raison de l’épidémie et de la guerre en Ukraine. Si cette disposition permet d’embaucher des personnes, de mieux les rémunérer, pourquoi ne pas l’adopter ? La baisse du taux de chômage, passé de 9,6 % à 7,4 % entre 2017 et 2021, a entraîné une hausse des recettes fiscales et le déficit des comptes de la sécurité sociale est moindre que prévu. Prenons donc les mesures qui font reculer le chômage !

Mme Prisca Thevenot. Nous sommes d’accord avec notre collègue François Ruffin : le travail doit mieux payer et nous devrons revoir l’équilibre entre le patronat et le salariat pour favoriser la redistribution des richesses. Cependant, il n’y aura rien à redistribuer si nous n’avons rien créé. Cessons de diaboliser les chefs d’entreprise car tout le monde finira par y perdre. La meilleure manière d’inverser le rapport de force est de réussir le plein-emploi. Les mesures des cinq dernières années vont dans ce sens ; en revanche, elles ne répondent pas à l’urgence. N’opposez pas ces deux types d’action qui se complètent !

M. Thibault Bazin. Les salariés ont des attentes légitimes. Tant mieux si les salaires augmentent ! Les employeurs, quant à eux, sont soumis à des contraintes structurelles et conjoncturelles. Efforçons-nous de prendre des mesures qui satisfassent les uns et les autres. Certaines entreprises peuvent augmenter les salaires, d’autres préféreront verser une prime. Si nous augmentons le coût de cette prime pour les entreprises, elles hésiteront à l’accorder, ce qui aura des conséquences sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Les salariés veulent gagner plus et il vaut mieux que ce soit sous forme de prime que pas du tout.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS95 de M. Thibault Bazin et AS351 de Mme Christine Le Nabour (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’instruction du 19 août 2021 relative aux conditions d’exonération de la prime exceptionnelle prévue par la loi du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021 évoque la possibilité d’étaler le versement de cette prime. En revanche, les textes législatifs sont muets, mentionnant simplement la date de versement. L’amendement vise, par conséquent, à prévoir que le versement de la prime peut être réalisé en une ou plusieurs fois au cours de l’année civile.

M. Marc Ferracci. Afin de clarifier le cadre juridique et de renforcer l’attractivité du dispositif en tenant compte des contraintes de trésorerie des petites et moyennes entreprises, l’amendement AS351 autorise le versement de la prime en une ou plusieurs fois au cours de l’année civile, sous réserve qu’elle ne soit pas versée sur une base mensuelle. Il s’agit d’éviter toute confusion avec le salaire. Nous devons réserver à cette prime un caractère exceptionnel.

Mme la rapporteure. Nous en arrivons à l’amendement que j’évoquais au début de cette réunion, qui permet aux entreprises qui ont des contraintes de trésorerie de verser la prime en plusieurs fois.

L’amendement de M. Thibault Bazin toutefois n’interdit pas un versement mensualisé, ce qui présenterait les risques évoqués de confusion avec le salaire. Je l’invite donc à retirer son amendement au profit de celui qu’a présenté M. Marc Ferracci.

M. Pierre Dharréville. Le compromis qui se dessine entre la majorité et le groupe Les Républicains ne me surprend guère. Cette prime pourra-t-elle être versée sur une base bimensuelle ? Je préfère poser la question car je crains, par de petits arrangements, un camouflage de la triste réalité. Cet amendement n’est qu’une hypocrisie : la prime finira par se substituer aux salaires, mais il ne faut pas que cela se voie !

Mme la rapporteure. Je regrette que la précision proposée ne suffise pas à apaiser les craintes de notre collègue Pierre Dharréville. Et j’ai émis des avis favorables à des amendements issus de vos bancs, comme vous semblez l’oublier. Les compromis se font des deux côtés !

M. Thibault Bazin. Si les députés de la majorité avaient opté pour le travail collaboratif avec nous, ils auraient simplement sous-amendé mon amendement... Mais comme nous sommes des gens responsables et que l’important est le pouvoir d’achat de nos concitoyens, je retire mon amendement.

L’amendement AS95 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS351.

Amendement AS92 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. C’est la troisième fois que le Gouvernement prévoit de prolonger cette prime censée rester exceptionnelle. Cette quasi-pérennisation pourrait inciter les entreprises à ne pas augmenter les salaires. De surcroît, le projet de loi autorise certaines entreprises à adopter unilatéralement des dispositifs d’intéressement en passant outre le dialogue social. Nous proposons donc de supprimer la clause relative à l’intéressement, qui crée une confusion entre la prime exceptionnelle et les dispositifs pérennes de partage de la valeur.

Mme la rapporteure. Avis défavorable car nous voulons favoriser la conclusion d’accords d’intéressement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS315 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il s’agit d’assimiler la prime de partage de la valeur à un nouveau flux d’épargne salariale, pour intégrer ce dispositif dans les mécanismes d’épargne salariale au même titre que l’intéressement. Ainsi, il ne pourra se substituer à aucun élément de rémunération.

Mme la rapporteure. Il est nécessaire de conserver l’assujettissement de la prime de partage de la valeur pérenne à l’impôt sur le revenu afin de la distinguer de la prime temporaire. Quant à l’affectation de la somme dans un plan d’épargne d’entreprise, elle pourrait finir par prendre le pas sur la participation et l’intéressement. Nous préférons conserver ces dispositifs côte à côte. Avis défavorable.

M. François Ruffin. Il s’agirait, nous dit-on, de répondre à une situation d’urgence pour les salariés voulant profiter du mécanisme d’épargne salariale. Mais un salarié qui a des difficultés ne peut pas épargner ! C’est toute l’ambiguïté de ce texte, renforcée par le relèvement du plafond de la prime à 6 000 euros. Qui recevra un tel montant ? Personne, dans ma circonscription, n’est dupe. Ceux qui recevront 6 000 euros sont ceux qui perçoivent déjà de gros salaires. Ceux-là, oui, pourront épargner.

Le temps est vraiment venu de faire nation et de se demander comment les travailleurs de la seconde ligne – le Président de la République disait vouloir rappeler que notre pays repose sur ces femmes et ces hommes que nos économies reconnaissent et rémunèrent si mal – bénéficieront d’une augmentation de salaire en pleine crise de l’inflation. Votre proposition ne fera qu’aggraver les inégalités au sein même des entreprises.

M. Thibault Bazin. L’intéressement n’est pas ouvert à tout le monde car il faut que l’entreprise ait prévu un dispositif dédié. Je proposerai un amendement pour que tous les salariés soient concernés.

Monsieur Ruffin, il est important de soutenir l’épargne des travailleurs de première ligne : il faut boucler les fins de mois, mais aussi être capable, demain, de financer des travaux destinés à sortir de la précarité énergétique ou l’achat d’un véhicule moins énergivore.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS368 de la rapporteure.

*

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 21 heures 30

Au cours de sa seconde réunion du mardi 12 juillet 2022, la commission poursuit l’examen des articles du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure) ([301]).

Article 1er (suite) : Création de deux primes de partage de la valeur

Amendement AS203 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. Nous souhaitons accroître la capacité des employeurs à verser la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA). Cette dernière a été une réussite grâce à la facilité de sa mise en œuvre et aux exonérations accordées aux employeurs. Nous proposons de permettre aux entreprises, lorsqu’elles ont conclu un accord d’intéressement, de verser une prime sans limitation de montant – alors que le texte prévoit un plafond de 6 000 euros.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Le Conseil d’État a précisé que la limite fixée – le plafond de 6 000 euros – était essentielle au regard du principe d’égalité devant l’impôt.

Avis défavorable.

M. Stéphane Viry. Nous ne sommes pas tenus de suivre l’avis du Conseil d’État. Vous m’avez déjà opposé cet argument, mais je rappelle qu’il nous appartient de voter la loi. Le juge pourra ensuite se prononcer sur certaines dispositions à l’occasion d’un recours.

Mme Sandrine Rousseau. Supprimer le plafond de la prime revient à reconnaître qu’il ne s’agit pas d’accroître le pouvoir d’achat des plus fragiles mais de soutenir les primes défiscalisées pour l’ensemble des salariés, y compris les cadres et les cadres supérieurs, ce qui est inacceptable.

M. Thibault Bazin. Les plafonds actuels ne concernent pas seulement les cadres. Les situations diffèrent selon les salariés, mais le statut n’entre pas en ligne de compte.

Mme la rapporteure. L’intérêt de l’avis du Conseil d’État est de nous permettre de mesurer le risque d’inconstitutionnalité de ce type d’amendements. Par ailleurs, le plafond de 6 000 euros offre des marges de manœuvre satisfaisantes.

La commission rejette l’amendement.

Puis la commission adopte l’amendement rédactionnel AS369 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendements AS218 de M. Stéphane Viry et AS96 de M. Thibault Bazin.

M. Stéphane Viry. Cet amendement vise à supprimer la condition tenant à la conclusion d’un accord d’intéressement pour les entreprises dont l’effectif est inférieur à cinquante salariés.

M. Thibault Bazin. Le versement de la PEPA est limité, notamment, par deux freins : il ne peut y avoir qu’un versement annuel et il faut avoir conclu un accord d’intéressement. Nous souhaitons, par cet amendement, favoriser le versement de la prime dans les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME).

Mme la rapporteure. Le dispositif se caractérise déjà par sa souplesse et sa simplicité, et est assez couramment utilisé par les TPE. Je rappelle que nous triplons les plafonds. L’article a vocation à encourager la conclusion d’accords d’intéressement, dont l’accès est largement simplifié.

M. Thibault Bazin. Il est nécessaire d’assouplir les dispositifs d’intéressement pour permettre leur montée en puissance.

La commission rejette successivement les amendements.

La réunion est suspendue de vingt et une heures quarante à vingt-deux heures trentecinq.

Amendement AS77 de Mme Véronique Louwagie.

M. Stéphane Viry. L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS209 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry. L’amendement a pour objet de maintenir l’exonération fiscale liée à la prime de partage de la valeur pendant la période transitoire pour tous les salariés, quelle que soit leur rémunération.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Suivant le même avis, elle rejette ensuite l’amendement AS204 de M. Stéphane Viry.

Amendement AS80 de Mme Véronique Louwagie.

M. Stéphane Viry. Il vise à permettre aux salariés qui le souhaitent de verser leur prime de partage de la valeur sur leur plan d’épargne salariale pour acquérir un logement ou faire face à des besoins futurs.

Mme la rapporteure. Le fait de verser la prime sous la forme d’un supplément d’intéressement reviendrait à substituer la prime à d’autres éléments de rémunération. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS242 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Sandrine Rousseau. Il s’agit de supprimer les exonérations de cotisations sociales pour les très grandes entreprises.

Mme la rapporteure. Comme j’ai eu l’occasion de le dire, je suis défavorable aux amendements qui visent à exclure certains salariés en raison de la taille ou du chiffre d’affaires de l’entreprise.

Mme Sandrine Rousseau. Ce ne sont pas les salariés qui seraient pénalisés mais les entreprises multinationales, lesquelles devraient verser les cotisations sur les primes – c’est le minimum qu’on puisse leur demander.

M. Hadrien Clouet. Cet amendement mettrait fin à la contribution financière que les TPE apportent indirectement, dans le cadre d’un régime fiscal unique, aux grandes entreprises.

M. Thibault Bazin. L’exposé des motifs évoque les multinationales, alors que le dispositif prévu concerne toutes les entreprises. Par ailleurs, n’oublions pas que les grandes entreprises emploient aussi des salariés de la première ligne, aux revenus modestes. Raisonner comme vous le faites reviendrait à exclure ces salariés, alors que ceux qui travaillent dans des entreprises de plus petite taille pourraient bénéficier d’une prime. Cela me paraît profondément injuste, et je m’interroge sur la constitutionnalité de cette mesure.

Mme Sandrine Rousseau. Nous ne proposons pas d’interdire le versement de primes mais souhaitons que les multinationales s’acquittent des cotisations sociales.

Mme la rapporteure. À la lecture de l’avis du Conseil d’État, on peut penser que cette mesure conduirait à une rupture de l’égalité devant l’impôt. Si on exclut certaines entreprises, on exclut de fait leurs salariés, car la prime sera moins attractive.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS243 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Sandrine Rousseau. L’amendement vise à subordonner l’exonération de cotisations pour les grandes entreprises au respect d’obligations en matière de responsabilité sociale et environnementale.

Mme la rapporteure. Aux arguments précédents, j’ajouterai que votre amendement introduit beaucoup de complexité, alors que l’objectif poursuivi est de créer un outil simple, efficace et rapide, pour donner du pouvoir d’achat aux salariés.

M. Thibault Bazin. Les conditions énoncées sont déjà prévues par la loi, qu’il s’agisse, par exemple, de l’égalité entre les femmes et les hommes ou de la trajectoire minimale de réduction des émissions. Il ne faut pas catégoriser les entreprises en fonction de leur taille : elles sont toutes appelées à contribuer à une transition écologique vertueuse.

M. Pierre Dharréville. Votre argumentation met en évidence le fait que vous ne voulez jamais conditionner le versement d’aides aux entreprises au respect de certaines obligations. L’absence de conditionnalité des aides a été très critiquée au cours de la période récente, dans la mesure où elle réduit l’efficacité de la dépense publique. Vous allez en outre accentuer les inégalités entre les entreprises du point de vue du taux d’imposition effectif.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS156 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Nous avons entendu que l’intention du Gouvernement était d’augmenter le pouvoir d’achat des salariés, et c’est louable. Toutefois, votre mesure crée pour les organismes de sécurité sociale un manque à gagner que vous ne proposez pas de compenser. Il est prouvé que, dans un grand nombre d’entreprises, les mécanismes de prime ou d’intéressement se substituent à la rémunération.

La sécurité sociale a enregistré un déficit très important en 2021, le déficit prévisible pour 2022 s’établissant à plus de 30 milliards d’euros. Nous nous opposons à votre logique d’appauvrissement des caisses des organismes sociaux. Pour les renflouer, nous proposons de mettre à contribution les entreprises qui ont réalisé des superprofits pendant la crise du covid et la crise russo-ukrainienne. Je donne quelques exemples de ces superprofits : 4 milliards d’euros pour Total ; 925 millions pour Engie ; 4,4 milliards pour CMA-CGM.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

N’étant pas prise sur le salaire, la PPV n’entraînera pas de perte de recettes pour la sécurité sociale. En outre, elle ne serait pas nécessairement versée en l’absence des exonérations qui la rendent attractive.

D’après le rapport présenté à la Commission des comptes de la sécurité sociale, nonobstant les différentes primes instituées au cours des années passées, la masse salariale a continué d’augmenter, de 8 %, ce qui a procuré des recettes supplémentaires à la sécurité sociale. L’argument selon lequel les mesures qui permettent aux entreprises d’accorder des primes aux salariés réduiraient les recettes sociales ne tient pas. Si tel était le cas, il ne serait d’ailleurs pas nécessaire d’inscrire une compensation, puisque celle‑ci découle des textes en vigueur.

M. Thibault Bazin. Je ne soutiendrai pas l’amendement, mais ses auteurs soulèvent une question fondamentale que nous devrons traiter lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) – il est d’ailleurs dommage que, dans la situation actuelle, on ne nous soumette pas de PLFSS rectificatif – et sur laquelle nous pourrions tous nous retrouver : la compensation des mesures d’exonération par le budget de l’État.

Nous pouvons nous accorder sur des mesures ponctuelles en fonction du contexte, mais cette compensation est un principe institué en 1994 par la « loi Veil » et inscrit à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Soyons donc vigilants. Madame la présidente, madame la rapporteure, je vous invite à vous faire l’écho de cette préoccupation de notre commission, de sorte que les mesures prévues dans le présent projet de loi soient effectivement compensées par le budget de l’État – sachant que l’on parle de 63 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires.

M. François Ruffin. Nous souscrivons à l’amendement de notre camarade Gérard Leseul, pour deux raisons. D’abord, en l’occurrence, les dépenses dispendieuses, c’est vous ; la gestion en bon père de famille, c’est nous. Lorsqu’on ne prévoit pas les recettes nécessaires, le trou de la sécurité sociale est en réalité une construction. Ensuite, l’examen de ce projet de loi intervient à un moment précis de notre histoire : si l’on considère l’économie française dans son ensemble, jamais le taux de marge des entreprises après impôt n’a été aussi élevé.

Certes, dans vos rangs, vous ne voyez pas là de difficulté particulière ! Il faut néanmoins se demander à quoi ces marges doivent servir. À la rémunération des actionnaires ? C’est essentiellement à cela qu’elles sont utilisées aujourd’hui. À l’investissement dans l’outil de production ? Ce n’est pas le souci prioritaire pour l’instant ; le capital se sert très largement, comme il ne s’est jamais servi. Au financement des écoles, des hôpitaux, des retraites par la collectivité ? C’est une nécessité, et l’amendement y répond en partie.

M. Gérard Leseul. Je ne peux pas être d’accord avec vous, madame la rapporteure : dès lors que vous préférez des primes exonérées à une augmentation du salaire, il y a bel et bien un manque de recettes. D’autre part, je ne comprends pas votre raisonnement : avec des primes exonérées, comment faites-vous entrer des cotisations dans les caisses sociales ? Admettez au moins ce principe de bon sens : une augmentation de salaire donne lieu à des cotisations et ne fragilise pas les caisses sociales.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS352 de M. Didier Martin.

M. Didier Martin. Cet amendement du groupe Renaissance reprend une proposition formulée par le Conseil d’État dans son avis sur le projet de loi.

Le système d’exonération spécifique de la PPV est prévu en deux temps. Jusqu’au 31 décembre 2023, la prime sera totalement exonérée des cotisations salariales et patronales ainsi que de l’impôt pour les salariés percevant moins de 3 SMIC par mois ; jusqu’à cette même date, les autres salariés seront exonérés de cotisations salariales avec un régime aligné sur celui de l’intéressement et de la participation. À compter du 1er janvier 2024, le régime d’exonération des salariés percevant moins de 3 SMIC sera aligné sur celui des autres salariés, à savoir l’exonération des cotisations sociales.

Compte tenu du changement des critères d’attribution et du montant de la prime versée, il serait intéressant de réaliser un premier bilan du dispositif au 30 juin 2024, soit six mois après la fin de la première phase – le 31 décembre 2023.

L’amendement tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement un rapport d’évaluation visant à s’assurer que la PPV a bien atteint ses objectifs et qu’elle ne se substitue pas à des augmentations de rémunération.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

Un tel rapport, remis par le Gouvernement avant le 30 juin 2024, permettrait effectivement d’évaluer l’effet de la PPV, notamment de son régime temporaire, au regard de l’objectif visé : stimuler le pouvoir d’achat.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Article 2 : Exonération de cotisations sociales pour les travailleurs indépendants

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS370, AS371 et AS372 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendements AS373 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq et AS46 de Mme Emmanuelle Anthoine (discussion commune).

Mme Isabelle Valentin. L’amendement AS46 est défendu.

Mme la rapporteure. Mon amendement AS373 est rédactionnel. J’émets un avis défavorable à l’amendement AS46.

La commission adopte l’amendement AS373.

En conséquence, l’amendement AS46 tombe.

La commission adopte l’amendement rédactionnel AS374 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendements AS256 de M. Pierre Dharréville et AS158 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Pierre Dharréville. L’article 2 introduit une nouvelle baisse des cotisations d’assurance maladie pour les artisans, commerçants, professions libérales et chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ayant un revenu équivalent au SMIC. L’étude d’impact indique : « Sur la base des revenus 2019, l’impact budgétaire de cette mesure, hors microentrepreneurs, est évalué à environ 320 millions d’euros en 2022, dont 200 millions pour les artisans, commerçants et professionnels libéraux non réglementés, 54 millions pour les professions libérales et 66 millions pour les travailleurs non salariés agricoles. »

À l’image de la baisse des cotisations salariales maladie et chômage opérée en 2017, ces mesures vont attribuer un maigre supplément de pouvoir d’achat aux indépendants, de l’ordre de 45 euros par mois, sans droits nouveaux. De surcroît, elles vont de nouveau affaiblir grandement le financement de la sécurité sociale.

Pour ces raisons, l’amendement AS256 a pour objet de rappeler au Gouvernement la règle, héritée de la « loi Veil » du 25 juillet 1994, selon laquelle toute baisse de cotisation sociale doit être intégralement compensée au régime concerné par le budget de l’État. Nous relevons que, depuis 2018, cette obligation n’a pas été observée de manière absolue par les gouvernements successifs, en application de la « doctrine Charpy ». Ce fut notamment le cas, à la fin de l’année 2019, de mesures d’urgence d’un montant de 3 milliards d’euros qui visaient déjà à renforcer le pouvoir d’achat, en réponse au mouvement des « gilets jaunes ». Nous avions critiqué à l’époque cette décision sans précédent.

Les présentes dispositions s’inscrivant dans la continuité de ces mesures, il y a lieu de s’inquiéter. Chaque fois que l’État déroge à la « loi Veil », il remet en cause les fondements et le principe même de la sécurité sociale, initialement conçue comme un ensemble géré par les organisations syndicales et financé par les cotisations.

M. Arthur Delaporte. L’amendement AS158 va dans le même sens. Compte tenu du principe de compensation rappelé par notre collègue Pierre Dharréville, nous suggérons de compenser la baisse des cotisations en faveur des travailleurs indépendants par un impôt sur le chiffre d’affaires des laboratoires pharmaceutiques réalisé sur les produits remboursés par l’assurance maladie. Ce serait un juste retour des choses.

Mme la rapporteure. J’appelle votre attention sur l’importance de l’article 2 : il prévoit une baisse des cotisations perçues sur les revenus des indépendants, donc un gain immédiat de pouvoir d’achat pour eux. Nous mettons leurs cotisations au même niveau que celles des salariés, tout en maintenant les prestations auxquelles ils ont droit.

Mon avis est défavorable. D’une part, il est clairement indiqué dans l’étude d’impact que cette réduction des cotisations sera compensée par l’affectation d’une fraction de TVA. D’autre part, le principe de compensation est prévu dans la loi, à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, mentionné précédemment. Il n’est pas nécessaire de le préciser à nouveau.

M. Adrien Quatennens. Au contraire, la précision a son importance, car le coup nous a déjà été fait ! Il faut réaffirmer que la règle est la compensation par l’État des baisses de cotisations sociales. Par le passé, vous ne l’avez pas toujours appliquée, et vous le savez très bien. En l’espèce, si la compensation est déjà prévue, ainsi que vous venez de nous l’expliquer, n’ayez pas peur de l’inscrire dans la loi !

Avec ce projet de loi, vous organisez une nouvelle fois les conditions d’un affaiblissement des comptes de la sécurité sociale. Vous vous en servirez comme une preuve lorsque vous reviendrez vers nous, dans quelque temps, pour justifier des réformes, par exemple celle des retraites.

M. Hadrien Clouet. La mesure qui nous est présentée tend à opposer, dans le temps, deux formes de redistribution : au nom du gain de 1 euro aujourd’hui, on vous prendra 2 euros demain. L’attribution d’un peu de cash à la fin du mois est un prétexte pour s’en prendre au salaire différé, par le biais des cotisations sociales.

En l’état de la rédaction, la hausse de pouvoir d’achat des travailleuses et travailleurs indépendants résultera exclusivement d’une réduction des cotisations sociales. Cela marque un recul du financement de la sécurité sociale, d’où la compensation demandée, à juste titre, par mes camarades. Le Gouvernement manque en outre l’occasion de tirer les leçons de plusieurs échecs passés. Je pense notamment au rapport d’information sur l’allocation des travailleurs indépendants (ATI), publié par cette commission il y a un an. Il montrait l’inefficacité totale de l’ATI lorsque les indépendants perdent leur activité, alors même que les périodes d’affiliation sont plus longues pour eux que pour les salariés et qu’ils sont soumis à des conditions de ressource plus exigeantes.

Pour nous, la priorité est le maintien du financement pérenne de la sécurité sociale et l’égalisation – enfin ! – des droits sociaux des indépendants avec ceux des salariés.

M. Pierre Dharréville. Madame la rapporteure, ce qui figure dans l’étude d’impact est un engagement très modeste. Nous souhaitons qu’il soit inscrit dans la loi. Vous conviendrez que cela n’aurait pas tout à fait la même portée.

Quand on procède régulièrement à des exonérations de cotisations sociales, on affaiblit le principe même de la cotisation et on fait de la sécurité sociale une sorte de variable d’ajustement des politiques économiques. Or les institutions ont été faites précisément pour protéger la sécurité sociale contre cela : elle doit, en tout temps, assurer le meilleur niveau de protection sociale. Vous l’affaiblissez non seulement de manière immédiate, mais aussi dans la durée, comme vient de le relever mon collègue, car les montants qui ne sont pas versés aujourd’hui sous forme de cotisations ne constituent pas de droits pour demain. Il y a un problème philosophique profond dans les réformes que vous nous proposez. C’est d’ailleurs pourquoi je préfère parler de « prise en charge » des cotisations par l’État plutôt que d’« exonération ».

M. Nicolas Turquois. Certains propos traduisent une profonde méconnaissance de la réalité. M. Clouet vient ainsi de dire qu’il doit y avoir, pour les indépendants, les mêmes cotisations que pour les salariés.

Un indépendant paie à la fois les cotisations sociales du salarié et de l’employeur. Il paie ainsi 45 % de charges sociales, quand un salarié paie entre 24 % et 27 %, et son employeur, un taux équivalent. Pour un indépendant qui se lance et qui gagne l’équivalent du SMIC, cela représente un effort considérable – je vous le dis en ma qualité d’agriculteur. Il est proposé ici que les indépendants qui gagnent peu paient des cotisations de l’ordre de celles des salariés ; ce n’est donc pas une renonciation à la cotisation sociale.

Les indépendants ont un statut intermédiaire : certains économistes les considèrent comme des salariés ; d’autres, comme des entrepreneurs. S’installer comme indépendant, c’est tout de même une démarche particulière. Pour la faciliter, il existe, dans différentes professions d’indépendants, des dispositifs proposant un effort partiel et temporaire.

M. Thibault Bazin. L’amendement prévoit que toute mesure d’exonération de cotisation soit intégralement compensée, c’est‑à‑dire que la loi – l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale – soit respectée. Faut-il l’inscrire dans ce texte pour s’en assurer ? Nous n’aurions pas davantage de certitudes. Si cet amendement n’était pas adopté, cela voudrait-il dire que la loi ne serait pas respectée ? J’espère que non.

En pratique, malgré la vigilance de la rapporteure générale, la compensation par le budget de l’État n’est pas totalement assurée. Il faut donc se donner rendez-vous dès le PLFSS pour examiner les précédentes mesures d’exonération, notamment celles prises à la suite du mouvement des « gilets jaunes ». Si M. Dharréville redépose cet amendement en séance, il faudra que le ministre délégué chargé des comptes publics prenne l’engagement que la loi soit respectée et nous devrons exercer un contrôle à la fin de chaque année.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. M. Dussopt s’est engagé hier, lors de son audition, avant même que je pose la question, à ce qu’il y ait des compensations. S’il faut reprendre toutes les lois existantes dans les nouvelles, on ne va pas s’en sortir.

M. Paul Christophe. Contrairement à la loi « gilets jaunes », ce qui nous avait d’ailleurs fait réagir, l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale prévoit expressément une compensation. C’est le régime de droit commun, si je puis dire. Notre rôle, monsieur Bazin, est effectivement de contrôler son application.

La réunion est suspendue de vingt-trois heures cinq à minuit trente le mercredi 13 juillet.

M. Thibault Bazin. Je propose, pour la qualité et la lisibilité de nos travaux, qu’on ne suspende pas de nouveau cette réunion pour retourner dans l’hémicycle mais plutôt qu’on la lève définitivement, sachant qu’il n’y a pas de séance publique demain matin.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS159 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport évaluant l’efficacité et la pertinence des mesures temporaires de réduction des cotisations sociales prévues par l’article 2.

Nous nous interrogeons en particulier sur le caractère temporaire de ces réductions pour certains travailleurs indépendants – elles seront pérennes pour les autres. Il n’y aurait pas d’égalité de traitement, et nous souhaitons comprendre ce qui a présidé à un tel choix.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

D’abord, votre demande est satisfaite par l’annexe 5 du PLFSS, qui énumère, chaque année, les exonérations de cotisations sociales, précise leur coût et indique si elles sont compensées ou non. Ensuite, en application de la loi organique promulguée le 14 mars dernier, chaque dispositif d’exonération doit faire l’objet d’une évaluation tous les trois ans. Ainsi, le dispositif proposé sera nécessairement évalué.

M. Gérard Leseul. Pouvez-vous nous éclairer sur la distinction faite entre les travailleurs indépendants et sur la non-pérennité de certains régimes ?

Mme la rapporteure. Il n’existe pas de distinction. Toutes les exonérations de cotisations seront évaluées, dans le cadre de l’annexe 5, et il n’y aura pas de régime non pérenne.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Promotion de la diffusion de l’intéressement

Amendement AS241 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Nous contestons le principe qui est à l’origine de cet article. Non seulement l’intéressement concourt, en tant que modalité de rémunération, à contourner les salaires, mais il devrait aussi faire l’objet d’une véritable négociation. Ce que vous proposez repose sur une décision unilatérale de l’employeur.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

L’objectif est de rendre plus souple l’accès à l’intéressement tout en préservant le dialogue social : il faudra au préalable une consultation des représentants du personnel, sauf carence en la matière dans les entreprises – cela se produit souvent dans celles de moins de cinquante salariés, ce qui peut bloquer l’accès à l’intéressement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS306 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet. Je redis que nous sommes assez hostiles aux formes anormales de rémunération qui ne sont pas des salaires et qui leur font concurrence. Vous appliquez aux entreprises la méthode de Mme Borne, à savoir le culte du pouvoir solitaire et absolu. Les employeurs décideraient seuls, sans institutions représentatives du personnel et sans négociation collective dans les entreprises de moins de cinquante salariés dépourvues d’un cadre collectif, qui représentent les deux tiers de cette catégorie d’entreprises. Ce serait une reféodalisation. En effet, les primes d’intéressement dépendent exclusivement des rapports de force dans chaque entreprise.

L’intéressement lui-même peut sembler louable en tant que principe de rémunération – par la reconnaissance de l’individu dans l’entreprise – mais il est aléatoire. Au lieu de recevoir un salaire « quoi qu’il en coûte », le personnel voit sa rémunération fluctuer d’un mois ou d’une année à l’autre, suivant la météo des marchés, l’organisation des chaînes d’approvisionnement et même l’humeur de l’employeur. Aux salaires on substitue une loterie ou plutôt une course sans fin. La conséquence systématique du remplacement des salaires par l’intéressement est d’obliger à travailler plus longtemps et plus durement pour espérer une prime. En somme, c’est travailler plus pour gagner peut-être quelque chose, ce qui ne nous semble pas correspondre à l’urgence actuelle.

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour la raison que j’ai déjà évoquée. Il ne s’agit pas de passer outre à la représentation du personnel lorsqu’elle existe, mais de permettre à l’entreprise, en cas d’échec des négociations collectives ou d’absence de représentants du personnel, d’instaurer un accord d’intéressement. Ce n’est pas une loterie en matière de rémunérations.

M. Thibault Bazin. Je n’en peux plus des discours caricaturaux – il a été question de féodalisation et de rapports de force. Dans les très petites entreprises, de moins de cinquante salariés, que le chef d’entreprise connaît souvent et avec lesquels il discute tous les jours, les résultats fluctuent. Tout n’est pas connu à l’avance. Je crois beaucoup à la participation et à l’intéressement, qui redonnent une place aux salariés et permettent de partager quand un peu plus de valeur est créé. Certains types d’entreprises marchent toujours très bien, et tant mieux, mais dans beaucoup de cas ce n’est pas vrai. Or nous fixons un cadre général dans la loi. Par ailleurs, objectivement, tous les chefs d’entreprise ne s’inscrivent pas dans un rapport de force avec leurs salariés.

Mme Justine Gruet. Vous êtes en train de faire passer tous les chefs d’entreprise pour des méchants, alors que ce n’est pas du tout le ressenti que j’ai eu pendant ma campagne. C’est plutôt du donnant-donnant, un travail d’équipe fait dans une grande complémentarité. Je tiens à saluer l’engagement de nos chefs d’entreprise qui, eux aussi, ont été victimes de la crise et qui affrontent encore des problèmes auxquels nous devons nous intéresser : le manque de main-d’œuvre, l’augmentation des prix de l’énergie et celle du coût des matières premières. L’enjeu, en matière de pouvoir d’achat, est aussi de redonner de la confiance aux chefs d’entreprise, au lieu d’instaurer de la défiance. La prime d’intéressement, quand le chef d’entreprise connaît ses salariés, est une belle façon de les valoriser et de les fidéliser.

M. Adrien Quatennens. Il ne s’agit pas de dire qu’il y a des gentils et des méchants mais que le rapport du salarié avec son patron est de subordination. C’est du rapport entre le capital et le travail qu’il est question.

Si on vous suit, ce n’est plus un projet de loi pour protéger le pouvoir d’achat mais pour le faire fluctuer. Le problème des accords d’intéressement est qu’ils sont conditionnés à l’atteinte d’objectifs et à des décisions unilatérales de l’employeur. C’est une nouvelle fois une manière d’éviter l’essentiel : il faudrait augmenter les salaires, mais vous vous y refusez depuis le début. Nous ne sommes pas d’accord avec la variabilité et le lien avec l’atteinte d’objectifs.

M. Nicolas Turquois. Comment fait-on pour augmenter les gens quand les entreprises ne gagnent pas leur vie ?

M. Adrien Quatennens. L’augmentation des salaires profitera à beaucoup d’entreprises par la relance de la consommation populaire. Il faut aussi distinguer les petites entreprises des plus grandes. Ce sont des profiteurs de guerre que nous parlons, comme d’ailleurs Emmanuel Macron. Notre programme prévoit notamment une caisse de péréquation pour assurer une solidarité entre les grandes entreprises et les petites et faire en sorte que tous puissent bénéficier de l’augmentation des salaires.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS395 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendement AS298 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet. Au lieu d’avoir des hausses de salaire tangibles, fixes ou prévisibles, ce texte fera courir les salariés derrière une carotte parfois imaginaire. Surtout, l’intéressement aux bénéfices est un intéressement aux risques. Si l’entreprise va bien, les revenus des salariés pourront augmenter ; si elle va mal, ils fluctueront dans le même sens. Or le principe du salariat, la raison même de son invention, c’est de déconnecter les revenus de la personne qui travaille du chiffre d’affaires à la semaine, au mois ou à l’année de l’entreprise.

Au niveau macroéconomique, la généralisation des dispositifs d’intéressement est catastrophique : dès qu’une entreprise fléchit, elle distribue moins de revenus et ses salariés consomment moins, ce qui peut mettre en difficulté d’autres entreprises par le biais de la consommation.

Au lieu d’aller avec les salaires, l’intéressement les remplace : il y a un effet de substitution depuis 2017. Les négociations sur l’intéressement sont deux fois plus nombreuses que les négociations salariales. Pourquoi ? C’est notamment parce que l’intéressement est une forme de dumping : exonéré de cotisations sociales, il est plus attractif que le salaire pour l’entreprise, sur le plan comptable.

Si l’on veut préserver les ressources de la sécurité sociale, c’est‑à‑dire nos droits à partir à la retraite et à être soignés, et si on veut des rémunérations dignes, assurées, pérennes, il faut soumettre l’intéressement au versement de cotisations. C’est l’objet du présent amendement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Je ne partage pas du tout la vision de nos collègues de La France insoumise, qui sont contre les primes et contre l’intéressement. Pour nous, il est important que les employeurs puissent avoir une multitude d’outils allant au-delà des salaires. Nous encourageons à augmenter ces derniers, mais les salariés sont également favorables aux primes et à l’intéressement. Nous souhaitons donc conserver le caractère incitatif des accords d’intéressement.

M. Marc Ferracci. Certaines explications reposent sur une erreur de raisonnement. Vous partez du principe que les résultats d’une entreprise dépendent du contexte macroéconomique. Ce n’est vrai que dans une faible mesure. De nombreux travaux montrent que les résultats des entreprises dépendent d’abord de la politique qu’elles mènent. La philosophie de l’intéressement est d’impliquer les salariés dans les résultats de l’entreprise, de faire en sorte que par leur action, collective mais aussi individuelle, ces résultats soient meilleurs. Il ne faut pas inverser la causalité en partant du principe que le contexte macroéconomique détermine, par l’intéressement, les revenus des salariés.

M. Thibault Bazin. Nos collègues de La France insoumise opposent systématiquement l’augmentation des salaires et l’intéressement. En moyenne, les augmentations salariales sont remarquables cette année. Selon une étude de la Banque de France, elles sont comprises entre 2,5 % et 3,5 %, et dépassent même 4 % dans certains secteurs, comme l’automobile, ce qui permet une revalorisation structurelle de certains métiers. Le but est de pouvoir verser une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, non pas à la place du salaire mais en plus, si la santé de l’entreprise le permet.

Si des entreprises fléchissent, elles ne peuvent même plus verser des salaires. Le nombre de défaillances d’entreprises a augmenté ces dernières semaines. Pour que les entreprises perdurent, et pour que ceux qui ont donné leur vie à une entreprise ne perdent pas leur emploi, il faut trouver un juste équilibre.

J’ajoute que ce n’est pas M. Macron qui donne des primes, même si l’on parle maladroitement de « primes Macron », mais les entreprises, en fonction de leur secteur.

On aimerait que les gens aient plus de pouvoir d’achat. Concernant les salaires, des évolutions ont eu lieu. Il reste des freins, qui sont notamment liés à la conjoncture. Certaines peurs peuvent se comprendre : on ne veut pas faire peser un risque structurel sur la pérennité de l’entreprise. Tout le monde y perdra si elle n’est plus là dans un an. Lorsque la situation est meilleure mais qu’on n’est pas encore sûr que c’est durable, on peut verser des primes.

M. François Ruffin. La faculté donnée aux chefs d’entreprise de verser des primes d’intéressement ne résoudra pas le problème macro-économique de la distorsion entre les revenus du capital et ceux du travail – dans ce pays, la part de la valeur ajoutée consacrée au capital n’a jamais été aussi élevée.

Le rapport de Christine Erhel sur les 4,6 millions de salariés de la deuxième ligne montre que ceux-ci perçoivent un salaire inférieur de 30 % au salaire moyen et, pour nombre d’entre eux, en dessous du SMIC parce qu’ils travaillent à temps partiel ou alternent intérim et chômage.

Il faut relever le niveau des salaires en France. Vous n’y parviendrez pas avec des incantations ou en vous remettant au bon vouloir des patrons. Je fais une distinction entre les petits patrons qui font ce qu’ils peuvent et les requins du CAC40. Les salariés des petites entreprises ne doivent pas être des salariés de seconde zone. Les grandes entreprises traitent souvent mieux leurs salariés que les sous-traitants car les premières peuvent distribuer la valeur ajoutée qu’elles ont confisquée aux seconds.

Comment mieux répartir la valeur ajoutée tout au long de la chaîne ? Comment faire en sorte que le travail en bénéficie plus que le capital ? Les réponses qui nous sont apportées sont vraiment médiocres mais je doute que le problème vous intéresse.

Mme Sandrine Rousseau. La baisse de pouvoir d’achat est un problème structurel – que je sache, aucune déflation n’est prévue dans les mois qui viennent – que le recours à des primes ne permet pas de résoudre.

Le temps de l’énergie chère ne fait que commencer. Sans une augmentation des salaires, vous ne pourrez pas protéger le pouvoir d’achat comme vous prétendez le faire.

M. Pierre Dharréville. Le débat ne concerne pas le bien-fondé de l’intéressement.

L’article 3 donne injustement une place accrue à l’intéressement puisqu’il permet à l’employeur, en cas d’échec des négociations, de l’instaurer unilatéralement, passant outre la volonté des salariés. Si le texte comportait aussi des mesures en faveur des salaires, notre appréciation serait peut-être différente.

M. Ferracci présentait l’intéressement comme un outil pour impliquer les salariés. Mais le moyen incontournable de les aider à se sentir bien dans l’entreprise – on le sait, la bonne santé des salariés et la qualité de leurs conditions de travail participent à la bonne santé de l’entreprise –, c’est le salaire ; l’intéressement ne suffit pas.

M. Hadrien Clouet. Madame la rapporteure, les salariés sont selon vous favorables à l’intéressement. Pourquoi dès lors laisser l’employeur décider seul ? Pourquoi ne pas créer un cadre de négociation collective permettant de confirmer votre hypothèse ? Mon amendement précédent reste à votre disposition pour ce faire.

Mme la rapporteure. Le cadre que vous souhaitez existe bel et bien. L’article prévoit qu’en cas d’absence d’institutions représentatives du personnel ou d’échec des négociations, l’employeur peut proposer de l’intéressement aux salariés. Je vous invite à faire un sondage auprès des salariés pour savoir s’ils sont favorables ou non à l’intéressement – je suis convaincue qu’ils le sont.

Vous opposez de manière dogmatique salaires et primes d’intéressement. Pourquoi l’employeur n’aurait-il pas plusieurs outils à sa disposition selon la situation ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’amendement rédactionnel AS396 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendement AS160 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à limiter à trois ans la durée maximale du régime d’intéressement instauré par décision unilatérale de l’employeur.

Mme la rapporteure. La durée est alignée sur celle qui est prévue pour le régime d’intéressement institué par un accord.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS161 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à restreindre le champ du régime d’intéressement à l’initiative de l’employeur au seul cas de l’absence d’instances représentatives du personnel dans l’entreprise.

Mme la rapporteure. Le comité social d’entreprise doit être consulté sur le projet de régime d’intéressement élaboré par l’employeur en cas d’échec de la négociation.

M. Gérard Leseul. L’amendement a précisément pour objet de restreindre le dispositif aux entreprises de moins de cinquante salariés

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS397, AS398 et AS399 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendement AS162 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. L’amendement vise à limiter à trois ans la durée maximale du régime d’intéressement de projet.

Mme la rapporteure. Par cohérence, les accords d’intéressement de projet sont conclus pour une durée équivalente à celle des autres accords d’intéressement.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS402, AS400, AS401, AS403 et AS404 de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq.

Amendement AS100 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Il est proposé d’adjoindre aux critères collectifs d’intéressement des critères individuels.

Mme la rapporteure. L’intéressement n’a pas vocation à être une prime de performance, l’employeur disposant d’autres leviers.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 3 modifié.

Après l’article 3

Amendements AS102 et AS103 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’amendement AS102 vise à exonérer de forfait social les sommes versées au titre de l’intéressement tandis que l’amendement AS103 a le même objet pour les seules entreprises de moins de deux cent cinquante salariés.

Mme la rapporteure. Les sommes versées au titre de l’intéressement sont déjà exonérées de forfait social dans les entreprises de moins de deux cent cinquante salariés. De manière plus générale, les cotisations liées à l’intéressement bénéficient aussi d’un régime préférentiel.

La suppression totale du forfait social relève plutôt du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En outre, le coût de la mesure dépasse 2 milliards d’euros.

M. Thibault Bazin. L’harmonisation est une nécessité mais il faut veiller aux effets de seuil et à la bonne lisibilité des dispositifs.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS108 et AS109 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin. L’article 207 de la loi de finances pour 2021 a temporairement exonéré de forfait social, pour les années 2021 et 2022, les abondements de l’employeur aux plans d’épargne entreprise qui complètent les versements des salariés pour l’acquisition d’actions ou de certificats d’investissement de l’entreprise ou d’une entreprise du groupe.

Cette exonération permet d’inciter les salariés à flécher leur épargne vers le renforcement des fonds propres des entreprises, d’accroître l’actionnariat salarié qui est un facteur de motivation et de fidélisation des salariés et ainsi de favoriser le partage de la valeur dans l’entreprise.

L’amendement AS108 vise à pérenniser l’exonération tandis que l’amendement AS109 tend à la proroger jusqu’au 31 décembre 2024.

Mme la rapporteure. Je m’interroge sur l’utilité de proroger ad vitam æternam un dispositif prévu pour soutenir les entreprises dans un contexte de crise... Quoi qu’il en soit, vu l’impact potentiel d’une telle disposition sur le budget de la sécurité sociale, je vous invite à la présenter plutôt dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale ou du projet de loi de finances.

M. Thibault Bazin. Vu l’urgence, le Gouvernement ne pourrait-il pas envisager de déposer cet été un PLFSS rectificatif ?

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS107 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. La monétisation des jours de réduction du temps de travail (RTT) et des congés payés au-delà de la cinquième semaine est aujourd’hui possible pour les entreprises couvertes par un accord collectif dans le cadre d’un compte épargne‑temps (CET). La loi du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire avait permis une monétisation simplifiée des jours de repos conventionnel et d’une partie du congé annuel excédant vingt‑quatre jours ouvrables et ce, de manière exceptionnelle, jusqu’au 30 juin 2021. Il serait souhaitable que cette mesure soit pérennisée.

Mme la rapporteure. Votre amendement, qui consiste à pérenniser à un dispositif mis en place à l’occasion de la crise sanitaire afin de tenir compte des situations d’activité partielle et d’ouvrir d’autres possibilités de revenus pour les salariés, me semble insuffisamment encadré et précis. Comment s’articulerait-il avec le dispositif existant dans les entreprises qui disposent d’un CET ? De surcroît, il n’y a pas eu de consultation préalable avec les partenaires sociaux, ce qui me semblerait, vu le sujet, une précaution souhaitable. Dans ces conditions, il me semble difficile d’émettre un avis favorable à votre amendement. Je vous propose de le retirer et de le retravailler.

M. Marc Ferracci. J’ajoute que le programme présidentiel prévoit la création d’un compte épargne‑temps universel, qui sera précédée d’une large concertation avec les partenaires sociaux et qui vise à étendre le CET actuel et à permettre sa monétisation dans des conditions à définir. Ce sera l’occasion d’en rediscuter.

M. Thibault Bazin. Il semblerait que j’aie eu une bonne idée... À nouveau quinquennat, nouvelle méthode : ne voulez‑vous pas vous rallier à nos propositions, plutôt que le contraire ? Votez cet amendement, quitte à ce qu’en séance, vous y apportiez des précisions ou des rectifications. Cette mesure est attendue par nos compatriotes et sera efficace. Quant à la concertation, elle pourrait avoir lieu dans les jours qui viennent.

M. Hadrien Clouet. Non, monsieur Bazin, c’est une mauvaise idée. Demander de choisir entre, d’un côté, l’argent, de l’autre, la vie de famille et le temps avec les proches, cela revient toujours à attenter à la vie de famille et à la santé des travailleuses et travailleurs. Un droit aussi fondamental que celui au repos ne doit pas être à vendre.

Mme Justine Gruet. Pour ma part, je souscris pleinement aux propos de mon collègue Bazin. Une telle disposition laisserait aux salariés une liberté de choix, en fonction de leur situation. Typiquement, cela donnerait un coup de pouce quand on est en début de carrière, qu’on a envie de bosser, de bien gagner sa vie, qu’on est en train de s’installer et qu’on a des prêts à rembourser.

Chers collègues de la majorité, vous souhaitez que nous travaillions ensemble : c’est l’occasion !

Mme Isabelle Valentin. Durant la campagne électorale, nous avons visité des entreprises, petites et grandes, et rencontré des salariés : tous nous ont tous dit qu’ils préféraient l’argent aux RTT ! Quand on gagne 1 200 ou 1 300 euros par mois, 100 ou 150 euros de plus, c’est appréciable : la vie de famille ou les loisirs, ça coûte cher.

M. François Ruffin. Comment est-il possible que des gens qui font un travail que l’on juge indispensable à ce pays touchent 1 200 ou 1 300 euros de revenu, alors que personne ici n’accepterait de telles conditions ? C’est cela le problème, et non de savoir s’il faut faire des heures sup ou attenter aux jours de RTT ! Ce qu’il faut, c’est relever le salaire minimum et que les gens soient payés au moins 1 500 euros – et encore, ce n’est pas probablement pas assez.

On doit pouvoir vivre de son salaire. Ceux qui célèbrent continuellement la « valeur travail » sont souvent les premiers à la profaner. Car qu’est-ce qui fait la valeur du travail ? C’est d’abord un revenu correct, pour pouvoir en vivre dignement ; on doit pouvoir se loger, se nourrir, se vêtir, éduquer ses enfants. C’est ensuite un statut, avec des droits associés, qui ne doivent pas être en permanence remis en cause : le droit au chômage, à la sécurité sociale, à la retraite. C’est enfin un droit au repos. Depuis le début du mouvement ouvrier, la lutte autour du travail est aussi une lutte pour arracher des moments à ce travail. Petit à petit, on a conquis du temps : le congé maternité, le dimanche chômé, la semaine anglaise, les congés payés... Et aujourd’hui on vient nous dire que, pour être rémunéré correctement pour son travail, il faudrait renoncer au repos ? Non, le problème, c’est le salaire – un mot qui a totalement disparu de nos débats. Nous discutons du pouvoir d’achat et de la valeur du travail, mais le mot « salaire » est tabou !

La réunion est suspendue de une heure quinze à une heure cinquante.

Mme Rachel Keke. La sous‑traitance, c’est la maltraitance. On dit qu’on prend trop souvent les entreprises pour des méchants, mais certaines entreprises sont vraiment très méchantes ; elles profitent des femmes de ménage, ne paient pas les heures supplémentaires. Je peux vous en parler : je suis dedans. Il arrive que nous fassions trente à cinquante chambres pour toucher, à la fin du mois, 700 à 900 euros. C’est de la pure maltraitance.

Il faut que nous réfléchissions ensemble à une loi permettant d’augmenter les salaires. À l’hôtel Ibis Batignolles, nous avons dû faire grève pendant vingt-deux mois pour obtenir 250 à 500 euros d’augmentation de salaire ! Pourtant, de l’argent, il y en a. On ne devrait pas être obligé de se mettre en grève pour obtenir cela. Souvent, les syndicats sont complices des employeurs, et les entreprises font ce qu’elles veulent, parce qu’il n’y a aucun contrôle. Certaines femmes, qui ne savent ni lire ni écrire, ne comprennent rien à leur fiche de paie ; on ne leur paie pas les heures supplémentaires et quand elles demandent pourquoi, on les envoie chier. La voilà, la réalité ; il faut que vous la compreniez. C’est un problème dramatique, et c’est pourquoi nous demandons une augmentation du SMIC, non des primes – les primes, les patrons ne les paient pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS106 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. De plus en plus d’entreprises souhaitent intégrer des critères liés à la responsabilité sociale des entreprises dans leurs accords d’intéressement. Il s’agit d’utiliser ce dernier comme un levier de performance sociale et environnementale. Ces entreprises sont néanmoins dissuadées par la crainte d’un redressement en cas de contrôle par les URSSAF, les critères de RSE pouvant ne pas être reconnus comme aléatoires.

Légalement, l’attribution de la prime d’intéressement et son montant doivent en effet impérativement varier et être soumis à des aléas. Fixité, variation de montant dans une même fourchette ou minimum assuré sont interdits.

Un levier pour faciliter le recours à des critères de responsabilité sociale des entreprises dans les accords d’intéressement serait de préciser qu’ils peuvent être une composante de la formule de calcul de l’intéressement et d’imposer aux organismes de contrôle de clarifier ce qu’ils entendent par « critères aléatoires ».

Mme la rapporteure. S’agissant de l’intégration des objectifs sociaux et environnementaux dans la formule de calcul de l’intéressement, je peux vous suivre ; d’ailleurs, la loi ne l’interdisant pas, il est d’ores et déjà possible de le faire. En revanche, ajouter de nouvelles charges aux URSSAF ne me semble pas souhaitable, d’autant moins que des outils et informations se trouvent déjà à la disposition des entreprises et du public.

Je vous suggère donc de retirer votre amendement et d’en déposer en séance un autre, qui se limiterait au premier point.

M. Hadrien Clouet. Si je comprends bien, lorsqu’une entreprise polluera ou maltraitera ses sous-traitants, ses salariés perdront des revenus ? Et vous appelez cela de l’intéressement ? Pour moi, c’est plutôt la double peine !

Mme Sandrine Rousseau. Quel amendement fascinant ! Après nous avoir expliqué que l’on ne pouvait pas aider les entreprises en fonction de critères environnementaux, vous proposez maintenant que les salariés prennent en charge, à travers leurs primes, les risques liés aux activités polluantes de l’entreprise ? J’ai vraiment du mal à comprendre comment vous concevez les critères sociaux et environnementaux... Néanmoins, je reste positive : je suis certaine qu’un jour nous parviendrons à faire en sorte qu’on les prenne en considération pour accorder des aides aux entreprises.

M. Thibault Bazin. Évitons les caricatures. Ce n’est pas du tout l’esprit de cet amendement.

Vous, vous voulez contraindre, et interdire le versement de primes quand les normes environnementales et sociales ne sont pas respectées – ce qui peut d’ailleurs paraître étonnant, vu que les entreprises sont censées les respecter et ne pas « maltraiter » les gens.

Ce que nous proposons est totalement différent : il s’agit d’éviter que certaines sommes versées dans le cadre de primes d’intéressement fassent l’objet, en raison d’une interprétation divergente des textes, d’un redressement de la part de l’URSSAF. Il convient donc, d’une part, de sécuriser l’intégration d’objectifs RSE dans le calcul de l’intéressement, d’autre part, de faire en sorte que les contrôles les prennent bien en considération ; pour cela, il faut clarifier la notion de « critères aléatoires », de manière à apporter davantage de sécurité aux entreprises, qui, en l’état, évitent de verser des primes d’intéressement sur cette base afin de ne pas prendre de risque.

La commission rejette l’amendement.

*

Réunion du mercredi 13 juillet 2022 à 9 heures 30

Au cours de sa réunion du mercredi 13 juillet 2022, la commission poursuit l’examen des articles du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mme Charlotte ParmentierLecocq, rapporteure) ([302]).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous poursuivons l’examen des articles du projet de loi portant mesures d’urgences pour la protection du pouvoir d’achat. Il nous reste 134 amendements à examiner, en incluant ceux déposés par la commission des affaires économiques sur les quatorze articles que notre commission lui a délégués, et qui sont relatifs à la consommation, au logement et à l’énergie. Je souhaite la bienvenue aux deux rapporteures de la commission des affaires économiques, Mme Sandra Marsaud et Mme Maud Bregeon. Je rappelle que, conformément à l’usage observé depuis que cette procédure a été instituée, il nous appartient de reprendre sans modification les amendements adoptés par la commission des affaires économiques sur les articles qui lui ont été délégués.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques (articles 6 à 9). Avant que vous ne votiez sur les dispositions qui relèvent du champ de compétence de la commission des affaires économiques, je tiens à vous apporter les précisions suivantes quant au résultat de nos travaux.

Comme vous le savez, l’article 6 comporte deux mesures principales. Premièrement, afin de prendre en compte le niveau élevé d’inflation déjà constaté et de limiter la hausse des dépenses de logement pour les locataires, il prévoit d’indexer par anticipation les aides personnelles au logement (APL) à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre, comme le prévoit le droit en vigueur. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit à un niveau proche de l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL) attendue au deuxième trimestre 2022.

Deuxièmement, il plafonne la variation de l’IRL pendant un an à compter de juillet 2022, afin de limiter l’impact de l’inflation sur les loyers et de rendre plus prévisibles les dépenses que les ménages consacrent au logement. À mon initiative, la commission des affaires économiques n’a adopté que des corrections d’ordre rédactionnel afin d’assurer la bonne application de la loi. Après des débats riches et animés, elle a ainsi adopté l’article 6 modifié par six amendements rédactionnels.

L’article 7 comporte deux dispositions essentielles : en premier lieu, il affirme le principe suivant lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié selon la même modalité ; en second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité – le « bouton résiliation » – leur permettant d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. En l’occurrence, l’article s’inspire d’un dispositif développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.

Outre des corrections légistiques, la commission, par l’amendement AS390, a procédé à mon initiative à la réécriture de l’alinéa 5, pour préciser la finalité du dispositif du « bouton résiliation » et expliciter les mesures réglementaires d’application, afin d’assurer la pleine efficacité du mécanisme.

À l’initiative de Julien Dive, la commission a adopté deux amendements : l’un réduit de 25 % les frais dus en cas de résiliation d’un contrat d’abonnement téléphonique ou internet de plus de douze mois, au-delà de la première année ; l’autre exonère les consommateurs inscrits en procédure de surendettement des frais de résiliation d’un contrat téléphonique ou internet.

L’article 8 applique des règles similaires à celles prévues par l’article 7 aux contrats d’assurance souscrits par voie électronique. Il s’agit des contrats électroniques souscrits auprès des assureurs, des mutuelles et des instituts de prévoyance. Le projet de loi prévoit que ces deux articles doivent entrer en vigueur à une date fixée par décret, et au plus tard avant le 1er février 2023. La commission a procédé, sur la base de mes propositions, à une réécriture analogue à celle de l’article 7 de la définition de la finalité du « bouton de résiliation ».

L’article 9 poursuit deux objectifs. Premièrement, il alourdit les sanctions pénales encourues en cas de pratique commerciale déloyale, c’est‑à‑dire trompeuse ou agressive. À cette fin, il relève le quantum des peines, en particulier au titre de la circonstance aggravante de la pratique en bande organisée. La commission des affaires économiques a adopté le dispositif proposé sans changement.

Deuxièmement, il habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’alléger les procédures d’enquête et les procédures administratives de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). La commission a supprimé ces dispositions Il s’agissait en l’occurrence d’accroître la portée dissuasive de l’action de la DGCCRF, suivant le principe du « name and shame ». Comme je l’ai dit hier, le recours à cette procédure nous a semblé regrettable.

En dernier lieu, la commission a voté en faveur de trois amendements identiques visant à appliquer des intérêts légaux majorés à l’encontre d’un établissement bancaire ou d’un service de paiement, soit en cas de non-remboursement des opérations de paiement non autorisées et signalées, soit dans l’hypothèse de l’absence de rétablissement d’un compte bancaire dans son état antérieur à l’opération litigieuse. J’avais émis un avis de sagesse.

TITRE IER
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS

Chapitre II
Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 6 : Définition d’un plafond temporaire d’indice de référence des loyers à 3,5 % et révision anticipée des paramètres de dépense des aides personnelles au logement (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS382, AS383, AS384, AS385, AS386 et AS387 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 6 modifié.

TITRE II
PROTECTION DU CONSOMMATEUR

Chapitre Ier
Résiliation de contrats

Article 7 : Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS388, AS389, AS390, AS394, AS391, AS392 et AS393 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 7 modifié.

Article 8 : Résiliation en « trois clics » des contrats d’assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique (examen délégué)

La commission adopte l’amendement AS405 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 8 modifié.

Chapitre II
Lutte contre les pratiques commerciales illicites

Article 9 : Aggravation des sanctions pour pratiques commerciales déloyales (examen délégué)

La commission adopte l’amendement AS406 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 9 modifié.

Article 9 bis (nouveau) : Taux d’intérêt légaux pour nonremboursement ou nonrétablissement d’un compte bancaire objet d’une opération de paiement non autorisée et signalée (examen délégué)

La commission adopte l’amendement AS407 rectifié de la commission des affaires économiques portant article additionnel après l’article 9. L’article 9 bis est ainsi rédigé.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques (titre III). Le titre III est consacré à la souveraineté énergétique. Il est constitué des articles 10 à 19, qui ont trait à trois domaines. S’agissant tout d’abord de la sécurité d’approvisionnement en gaz, qui prend une acuité particulière dans le contexte international, le texte comporte des mesures relatives au renforcement des obligations de stockage, à la réquisition des centrales à gaz et à la création d’un terminal méthanier flottant au Havre pour diversifier nos capacités d’approvisionnement. En ce qui concerne, ensuite, la sécurité d’approvisionnement en électricité, le projet de loi contient des dispositions permettant la reprise ponctuelle d’activité de certaines centrales à charbon, mesures d’urgences contrebalancées par une obligation de compensation renforcée de leurs émissions de gaz à effet de serre. Enfin, pour ce qui est de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), le texte propose des mesures visant essentiellement à préserver les droits des consommateurs, qu’ils soient clients de fournisseurs défaillants ou bénéficiaires du supplément d’ARENH accordé au printemps pour contenir l’emballement des prix de l’électricité. Ces dernières dispositions visent, plus généralement, à protéger le pouvoir d’achat des Français en sécurisant le bouclier tarifaire.

Notre commission a adopté un certain nombre d’amendements sur ces articles, parmi lesquels quatre de l’opposition, déposés par le groupe Socialistes et apparentés, dont trois auxquels j’ai donné un avis favorable.

S’agissant des dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz, outre des amendements rédactionnels, nous avons adopté, à l’article 10, mon amendement AS409, qui définit plus précisément la trajectoire de remplissage des stocks de gaz en y adossant des objectifs intermédiaires, ainsi qu’un amendement qui a trait aux modalités techniques de constitution des stocks.

À l’article 12, nous avons adopté deux amendements de Mme Battistel, l’un qui exclut les installations de cogénération des moyens de production d’électricité – car elles ont pour vocation, notamment, d’alimenter le chauffage urbain – et l’autre qui prévoit la remise d’un rapport au Parlement sur le bilan des réquisitions de centrales à gaz.

À l’article 13, un amendement de Mme Battistel demande des précisions réglementaires sur les obligations assignées à l’opérateur d’un terminal méthanier flottant en matière de démantèlement des installations et de renaturalisation des espaces artificialisés.

Enfin, nous avons adopté un amendement de Mme Battistel, à l’article 14 qui limite la durée d’exploitation du nouveau terminal méthanier flottant du Havre à cinq ans. Nous avons en effet insisté sur le fait qu’il s’agit d’une installation transitoire. Cette durée ne pourra être prolongée que par la loi.

Les amendements adoptés sur les cinq articles suivants – 15 à 19 –, sont tous rédactionnels, hormis mon amendement AS446 qui vise à clarifier les principes introduits par l’article 16 et à préciser les exigences de qualité des mesures de surcompensation visées.

TITRE III
SOUVERAINETÉ ENERGÉTIQUE

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz

Article 10 : Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS409, AS410, AS411 et AS412 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 10 modifié.

Article 11 : Renforcement des capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel (examen délégué)

La commission adopte l’article 11 non modifié.

Article 12 : Contrôle de la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS413, AS414, AS415, AS416, AS417 et AS418 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 12 modifié.

Article 13 : Possibilité de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS423, AS424, AS425, AS426, AS427, AS428, AS429, AS430 et AS431 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 13 modifié.

Article 14 : Régime procédural dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS432, AS433, AS434, AS435, AS436, AS437, AS438, AS439, AS440, AS441 et AS442 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 14 modifié.

Chapitre II
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité

Article 15 : Permettre l’embauche et la réembauche de salariés pour faire face à la reprise temporaire d’activité de centrales à charbon (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS443, AS444 et AS445 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 15 modifié.

Article 16 : Permettre la reprise d’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement en électricité et imposer la compensation des émissions de gaz à effet de serre en résultant (examen délégué)

La commission adopte successivement les amendements AS446, AS447 et AS448 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 16 modifié.

Chapitre III
Dispositions relatives à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Article 17 : Permettre le transfert des droits ARENH au fournisseur de secours (examen délégué)

La commission adopte l’amendement AS449 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 17 modifié.

Article 18 : Supprimer le guichet ARENH de miannée (examen délégué)

La commission adopte l’article 18 non modifié.

Article 19 : Valider le décret n° 2022342 rehaussant le volum de l’ARENH cédé (examen délégué)

La commission adopte l’amendement AS450 de la commission des affaires économiques.

Puis elle adopte l’article 19 modifié.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Merci, mesdames les rapporteures de la commission des affaires économiques. Nous en revenons aux articles du texte dont nous sommes saisis au fond.

TITRE IER
PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS

Chapitre Ier
Valorisation du travail et partage de la valeur

Article 4 : Incitation des branches à négocier régulièrement sur les salaires en facilitant l’engagement d’une procédure de fusion à défaut d’accord

Amendement de suppression AS259 de M. Pierre Dharréville.

M. Yannick Monnet. À l’heure actuelle, 112 des 171 branches du régime général affichent encore une grille comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur, ce qui affecte près de 7,5 millions de salariés. Ces grilles débutant à des minima inférieurs au SMIC dévalorisent les travailleurs, amenuisent leurs perspectives d’évolution de carrière et, in fine, font perdre son sens au travail. Comment s’étonner, ensuite, de ce que le Gouvernement appelle une « pénurie de main-d’œuvre » ?

Pour mettre fin à cette situation intolérable, le Gouvernement propose dans cet article d’imposer une restructuration aux branches ayant une faible activité conventionnelle en matière de minima de branche. Cette disposition est non seulement susceptible de porter atteinte à la liberté syndicale, mais semble également être d’une efficacité limitée, puisqu’elle n’est apparemment pas d’application immédiate, et pourrait de surcroît pousser certaines branches à engager une restructuration non souhaitée par les salariés et leurs représentants. Aussi proposons-nous de supprimer cet article, non pas parce que nous ne souhaiterions pas remédier à cette difficulté mais, à l’inverse, parce que nous entendons faire des propositions alternatives, à notre sens plus réalistes, plus justes et plus efficaces, que nous défendrons après l’article 4.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq, rapporteure. Avis défavorable.

L’objet de l’article est précisément de donner les moyens au Gouvernement d’inciter plus fortement les branches à négocier, en particulier celles qui ont encore des minima sociaux inférieurs au SMIC.

M. Adrien Quatennens. Le Gouvernement s’inquiète là d’un problème qui n’est pas nouveau. Sur les 171 branches du régime général, 120 – soit 71 % – affichent une grille salariale inférieure au SMIC en vigueur. Votre article en reste à un effet d’affichage puisque vous entendez éviter l’essentiel, c’est‑à‑dire des augmentations de salaire dignes de ce nom. Nous sommes d’autant moins dupes que nous avons entendu M. Geoffroy Roux de Bézieux, président du Mouvement des entreprises de France (MEDEF) affirmer que « l’État a un double discours en la matière : officiellement, il faut augmenter les salaires mais, en coulisses, on nous dit de faire attention à ne pas nourrir l’inflation avec trop de hausses de salaires ». Quelle est votre véritable intention ? La nôtre est claire : augmenter les salaires.

M. Pierre Dharréville. Nous doutons fortement de l’efficacité de cette disposition, qui sera sans doute essentiellement une mesure d’affichage mais qui ne sera pas dépourvue de risques pour un certain nombre de branches, dont on ne sait pas très bien comment elles pourraient être regroupées. Par ailleurs, nous ne sommes pas certains que les salariés en retireront un bénéfice réel.

Lors de l’audition des organisations syndicales de salariés que vous avez conduite, madame la rapporteure, je n’ai pas souvenir qu’une seule ait validé le dispositif de fusion. Celui‑ci a été unanimement critiqué, avant tout pour son manque d’efficacité et les risques qu’il soulève. Des propositions alternatives ont été faites, consistant, par exemple, à conditionner les aides par une révision de la grille salariale des branches concernées, dans un délai de six mois. Je m’étonne donc que vous ayez maintenu ce dispositif en l’état.

M. Thibault Bazin. Pour ma part, je suis surpris que vous refusiez cet article, qui va plutôt dans le sens de vos revendications. Chaque branche a ses spécificités et est le produit d’une histoire. Ainsi, dans certaines, une partie de la rémunération est extra-salariale. Des progrès restent à accomplir et peut‑être l’article ne va-t-il pas assez loin pour vous, mais c’est un premier pas.

M. Nicolas Turquois. La réflexion de nos collègues ne me laisse pas indifférent. Je ne sais pas comment on peut permettre qu’une branche applique des minima inférieurs au SMIC. Je trouve donc qu’on devrait aller plus loin en la matière et prévoir une échelle, adaptée à chaque branche, mais qui commence au moins au SMIC. On a constaté l’année dernière à quel point il était difficile de revaloriser la grille des aides à domicile, qui commençait en dessous du SMIC – ces professionnels devaient attendre neuf ans pour atteindre le salaire minimum.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet. Je suis également sensible aux propos qui ont été tenus. Nous avons appelé l’attention du ministre du travail sur le tassement d’un certain nombre de branches vers les bas salaires et sur l’existence de salariés payés en dessous du SMIC. La compensation qui leur est octroyée pour leur permettre d’atteindre une rémunération théorique au SMIC prend souvent la forme de chèques-restaurant ou d’une aide au logement, lesquels sont insuffisants pour leur assurer un reste à vivre correct. Nous devons engager une réflexion sur les grilles salariales et les effets de seuil qui coincent les salariés dans les trappes à bas salaire. Le texte ne va sans doute pas assez loin face à l’urgence des mesures à adopter dans certaines branches.

M. Marc Ferracci. Je voudrais insister sur l’interaction entre le SMIC et les minima conventionnels. La France présente une forte spécificité, pour deux raisons. D’une part, nous sommes le pays dans lequel les salariés sont les plus couverts – à hauteur de près de 95 % – par des accords de branche, du fait de l’extension quasi automatique des accords par le ministère du travail. Même s’il y a un temps de latence entre la revalorisation du SMIC et la renégociation des minima de branche, ces derniers finissent généralement par être réévalués – même si certaines branches restent en dessous –, ce qui profite à un nombre très significatif de salariés. D’autre part, dans notre pays, le SMIC est indexé sur les prix, mais aussi sur les salaires.

Par conséquent, le risque d’une circularité entre la hausse des minima et l’accroissement du SMIC est important. Je ne dis pas qu’il ne faut rien faire, mais il faut en avoir conscience. La circularité a non seulement des effets sur l’inflation, mais aussi sur l’emploi. En effet, lorsqu’on augmente le SMIC ou les minima, on embarque un grand nombre d’entreprises. Certaines, souvent les plus grandes, ont les moyens d’augmenter les salaires – elles le font en règle générale spontanément, surtout lorsqu’il y a des tensions dans les recrutements. Mais d’autres entreprises, souvent les plus petites ou les plus jeunes, n’ont pas les mêmes capacités. Il faut bien avoir en tête les effets sur l’emploi liés à la spécificité de notre système.

Mme Sandrine Rousseau. Les branches dans lesquelles les minima sont inférieurs au SMIC sont celles dans lesquelles les salariés ont le moins de pouvoir de négociation. Puisque nous discutons d’un texte consacré au pouvoir d’achat, qui vise à renforcer la capacité de négociation – étant rappelé que vous avez préféré cette voie à celle de la loi pour accroître les primes – je considère qu’il faut supprimer cet article, qui n’accorde qu’un minimum de pouvoir aux salariés de ces branches.

Mme Rachel Keke. Il faut augmenter les salaires, car les petites entreprises sous‑traitantes ne paient pas correctement. Même si le SMIC augmente, on se retrouve toujours, à la fin du moins, avec 700, 800 ou 900 euros. On ne peut pas vivre avec des chèques et des primes.

M. Pierre Dharréville. Nous avions proposé, par un amendement qui a été jugé irrecevable, la tenue d’une négociation, au sein des branches, sur l’échelle des salaires, ce qui aurait pu avoir un effet sur le pouvoir d’achat.

J’ai souvenir que la fusion des branches avait été évoquée, il y a quelque temps déjà, mais pour d’autres objectifs. Je ne voudrais pas que l’on se serve de la question du pouvoir d’achat pour réorganiser les branches contre l’avis des acteurs sociaux.

On sait bien que les négociations avancent peu – c’est un euphémisme – dans certains domaines : je pense aux négociations sur les tableaux des maladies professionnelles, où les blocages ne sont quasiment jamais le fait des syndicats de salariés. Nous devons engager une réflexion sur la discussion sociale dans notre pays, qui appelle des mesures législatives fortes. Ce n’est pas ce que nous sommes en train de faire.

M. Christophe Blanchet. Le SMIC est censé être un salaire « minimum ». Si certaines branches pratiquent des salaires inférieurs, il faut bien trouver une autre dénomination ! Peut-être « salaire intermédiaire » ? Quoi qu’il en soit, il faut un peu de cohérence. Il doit y avoir un salaire minimum pour tous, même s’il peut y avoir des effets de bord dans certaines entreprises. Je tiens à préciser que la majorité des très petites entreprises (TPE) et des petites et moyennes entreprises (PME) n’accordent pas de chèques cadeaux, de chèques‑vacances ou de chèques‑repas.

M. Arthur Delaporte. Rappelons que le SMIC est le salaire minimum interprofessionnel de croissance. M. Ferracci évoquait le risque qu’une augmentation des salaires entraîne une hausse du SMIC : pour ma part, je perçois plutôt cela comme une chance ! Je me félicite de constater que même certains députés de la majorité sont ouverts à l’idée d’augmenter les salaires. C’est bien, en effet, la meilleure manière d’accroître le pouvoir d’achat. Il est heureux que l’on reconnaisse – Mme la rapporteure a dit un mot à ce sujet – que le projet de loi présente certaines limites, notamment quant à l’augmentation des salaires.

M. Marc Ferracci Je rappelle qu’une loi de 1950 a créé le salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), qui était indexé sur les prix, avant que ne lui succède le SMIC, indexé sur les salaires, en 1970. À cette date, on ne connaissait pas encore le ralentissement des gains de productivité, qui est apparu au début des années 1970. De nombreux travaux ont montré que l’augmentation continue des salaires par les mécanismes que j’ai évoqués précédemment, combinée au ralentissement des gains de productivité, est à l’origine de l’émergence du chômage de masse. Je ne dis pas qu’il faut mettre fin à l’indexation du SMIC sur les salaires, mais il me paraît nécessaire d’engager une réflexion globale sur les mécanismes d’indexation et de revalorisation des minima.

La commission rejette l’amendement AS259.

Amendements identiques AS90 de M. Paul-André Colombani et AS214 de M. Stéphane Viry.

M. Paul-André Colombani. Cet amendement vise à créer un mécanisme plus opérationnel pour les branches professionnelles qui ne respectent pas l’obligation de garantir des salaires d’un montant au moins égal au SMIC. Pour ce faire, il vise à réduire à quarante‑cinq jours le délai dont dispose la partie patronale pour ouvrir des négociations salariales de branche. Cela permettrait une revalorisation plus rapide des minima sans altérer la qualité de la négociation.

M. Stéphane Viry. À travers ces amendements, nous souhaitons rappeler l’importance du dialogue social et de la confiance que l’on doit accorder aux branches, notamment pour mener à bien les négociations salariales. Il faut cependant constater un manque de dynamisme dans certaines branches, qui est préjudiciable aux salariés. Ce texte manque l’occasion d’inciter à la négociation et d’offrir des perspectives d’évolution aux salariés. C’est pourquoi je propose de raccourcir le délai laissé à la partie patronale pour ouvrir des négociations, ce qui permettrait une revalorisation des minima dès que possible. On ne peut pas admettre qu’un grand nombre de branches aient encore des minima conventionnels inférieurs au SMIC.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Le rythme imposé est déjà dérogatoire par rapport aux autres domaines de négociation, ce serait mettre trop de pression. Cet article constitue déjà une forte incitation pour les branches à faire confiance aux partenaires sociaux et aboutir dans le délai très court de trois mois. Au demeurant, il apparaît que 25 % des branches ont finalisé leurs négociations en deux mois.

M. Hadrien Clouet. Je soutiens ces amendements. Même s’il est question d’incitation, l’article pose bel et bien une contrainte et nous nous félicitons d’avoir convaincu nos collègues d’opposer ce genre de politique aux fédérations d’employeurs. Les arguments avancés sont de bon sens. Obliger les partenaires à ouvrir une négociation permet l’expression des différents rapports de force. C’est une exigence minimale pour un texte qui veut réorganiser la négociation au niveau des branches, même si le fait de devoir user de la contrainte est un aveu d’échec pour les lois El Khomri et Pénicaud, qui ont inversé la hiérarchie des normes et ont conduit, en dépossédant les branches d’une partie de leur pouvoir de régulation, à diminuer l’intérêt et la force des négociations.

M. François Ruffin. Nous voterons ces amendements, pour prendre nos responsabilités. Lorsqu’on renvoie quelque chose aux branches, on se décharge de sa responsabilité.

Le rapport de Mme Christine Erhel confirme que les 4,6 millions de salariés de la deuxième ligne – cela concerne l’industrie agroalimentaire, le bâtiment, les auxiliaires de vie sociale, les agents d’entretien – sont à la fois sous-payés et maltraités. Il recommande des revalorisations salariales et la refonte de l’organisation du travail. Que répond Mme Borne, alors ministre du travail, après avoir reçu ce travail remarquable ? « Nous faisons le pari avec confiance que le dialogue social aboutira à quelque chose d’intéressant. » En d’autres termes, on n’impose aucune règle et l’harmonie va descendre du ciel par la vertu du dialogue social.

Vous croyez en la main invisible du marché, avec des aménagements venant des luttes ou du dialogue. Pour ma part, je ne crois pas à l’autorégulation. La régulation est nécessaire, et elle doit prendre forme à la commission des affaires sociales – mais le projet de loi que nous devons examiner choisit de ne pas réguler ! Vous refusez d’imposer des règles qui obligeraient à relever les salaires dans toutes les branches essentielles.

En nous déchargeant de notre responsabilité sur les branches, nous laissons tout simplement 4 millions de salariés dans la merde.

M. Arthur Delaporte. Nous soutenons l’amendement qui vise à améliorer le processus de la négociation obligatoire.

Mme la rapporteure. Au vu des débats et dans le souci partagé d’inciter les partenaires sociaux à négocier, je revois ma position et donne un avis favorable.

La commission adopte les amendements.

Amendement AS110 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. L’amendement vise à accompagner les branches tout en ciblant davantage celles qui n’ont pas conclu durablement des accords assurant un salaire minimum au moins égal au SMIC.

Si la négociation périodique est obligatoire, la conclusion d’un accord ne l’est pas. La menace d’une fusion des branches est-elle crédible, et adaptée ?

Le véritable problème est que si le SMIC augmente plusieurs fois dans l’année, un rendez-vous de négociation annuel devient insuffisant. La difficulté s’accroît si plusieurs niveaux de la grille de rémunération sont inférieurs au SMIC, avec le risque d’un écrasement des premiers niveaux qui pénaliserait les salariés qui ont réussi à progresser.

Je ne suis pas très attaché à cet amendement mais j’insiste sur l’importance de la conclusion d’un accord, sur laquelle le texte est muet puisque ce n’est pas une question de pouvoir d’achat.

M. Pierre Dharréville. La fusion est une menace en peau de lapin. Il semble que, dans des discussions officielles, certains l’aient agitée comme un chiffon rouge tout en assurant qu’elle ne serait pas mise à exécution. Il est étonnant que les auteurs de la mesure tiennent un tel discours.

Mme la rapporteure. Retrait, ou avis défavorable. L’amendement aurait pour effet de rigidifier le système alors que le renforcement de l’incitation à négocier est plébiscité dans nos débats.

L’amendement est retiré.

Amendement AS163 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. La menace de fusion doit être crédible. Or la constatation de la carence par le ministre qui ouvre la voie à la fusion ne fait l’objet d’aucune limite de temps. L’amendement fixe à deux ans le délai laissé aux partenaires sociaux pour engager la négociation.

Mme la rapporteure. Même avis : le bornage dans le temps peut au contraire affaiblir la capacité du ministre à inciter plus fortement les partenaires sociaux. L’article donne au ministre un pouvoir d’appréciation selon un faisceau d’indices, sans doute plus efficace que des critères trop rigides.

M. Gérard Leseul. Pouvez-vous préciser les critères d’appréciation ?

Mme la rapporteure. Le ministre s’appuie sur un faisceau d’indices. Il pourra tenir compte de l’historique ou des progrès effectués dans une branche par rapport à une autre. Des critères trop rigides risquent d’empêcher certaines branches d’avancer plus vite et plus loin. Il s’agit de doter le ministre d’un outil supplémentaire d’incitation.

Mme Sandrine Rousseau. La notion de faisceau d’indices n’existe pas dans le droit du travail. Par ailleurs, si les ministres faisaient des appréciations sur la base de faisceaux d’indices, certains auraient déjà quitté le Gouvernement. Il est préférable de fixer des critères dans la loi.

M. Nicolas Turquois. Je suis surpris de l’argumentation de la rapporteure. Le délai de deux ans est un bon point d’équilibre. C’est un laps de temps raisonnable pour permettre au chef d’entreprise de négocier et au ministre d’accompagner les branches et de réagir en cas de carence.

M. Thibault Bazin. Le délai de deux ans serait cohérent dans une situation normale, mais dans une période d’inflation où plusieurs revalorisations ont lieu dans l’année, est‑il toujours pertinent ?

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement AS260 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Je n’entre pas dans le débat sur l’augmentation de la productivité dans notre pays, qui est constante ces dernières années.

L’amendement vise à ramener le délai légal entre deux négociations de branche de quatre à deux ans pour coller davantage à la réalité en matière de salaires.

Mme la rapporteure. L’amendement concerne toutes les négociations obligatoires, pas seulement celles sur les rémunérations. Est-ce vraiment l’objet du texte ? En outre, les branches pourraient avoir des difficultés à suivre un tel rythme. Enfin, le délai de quatre ans peut être réduit dans le cadre d’un accord d’adaptation – si ce dernier n’est pas respecté, les négociations deviennent obligatoires tous les ans.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS268 de Mme Clémence Guetté et amendements identiques AS144 de M. Gérard Leseul et AS239 de M. Pierre Dharréville (discussion commune).

Mme Clémence Guetté. Mon amendement vise à porter le SMIC à 1 500 euros nets. Chez nos voisins européens, le salaire minimum a augmenté ces dernières années et, contrairement à ce qu’on nous raconte, le chômage n’a pas nécessairement suivi le même mouvement.

Le projet de loi a pour but de redonner du pouvoir d’achat aux gens. Or, à nos yeux, le salaire est le premier moteur du pouvoir d’achat. Les salariés ne peuvent pas se contenter des primes temporaires, nous en avons déjà débattu. Quand le président‑directeur général (PDG) de Total touche de son côté 380 SMIC, on peut penser que 1 500 euros, c’est un minimum.

L’amendement prévoit également une caisse de péréquation entre les entreprises afin que les grandes entreprises puissent aider les plus petites à financer la hausse.

M. Gérard Leseul. Si vous souhaitez protéger le pouvoir d’achat, vous ne pouvez pas faire l’économie d’une juste rémunération du travail et donc d’une revalorisation des salaires, à commencer par le SMIC. En janvier dernier, le groupe Socialistes et apparentés avait déposé une proposition de loi visant à augmenter le SMIC et à ouvrir une conférence nationale sur les salaires. À l’époque, la plupart des groupes s’y étaient opposés. Pourtant, la branche de l’hôtellerie-restauration a revalorisé de 16,33 % ses minima ! Les augmentations de 15 % que nous proposions correspondent donc aux demandes de la plupart des branches aujourd’hui.

La revalorisation du SMIC est aussi dictée par l’absence de coup de pouce depuis plus de dix ans. Le groupe d’experts s’y refuse catégoriquement. Pourtant, à l’heure où les dividendes explosent, il est légitime de revaloriser l’ensemble des salaires, à commencer par le SMIC, en le portant à 1 923 euros bruts mensuels.

M. Marc Ferracci. La comparaison des hausses du salaire minimum d’un pays à l’autre n’a pas de sens parce que les points de départ sont différents. La comparaison en valeur absolue en euros n’a pas davantage de sens. Le bon indicateur, c’est le pourcentage du salaire moyen ou médian que représente le SMIC. Les statistiques de l’OCDE montrent qu’en 2020, celui-ci était de 61 % en France et de 51 % en Allemagne. Les comparaisons doivent être assises sur ces données et non sur les hausses. Si l’on part de plus bas, il est normal d’augmenter plus vite.

M. Pierre Dharréville. Je souscris aux arguments développés. Nous sommes favorables à une augmentation du SMIC, qui n’en a pas connu de substantielle ces dernières années.

Il ne s’agit pas de comparaisons internationales, mais de savoir comment vivent les gens. Or on vit mal avec le SMIC, on vit mal de son travail. Il faut donc augmenter le SMIC ! La logique est assez élémentaire, mais implacable. Il s’agit d’une mesure de justice. Nous souhaitons également une meilleure répartition des richesses : les hauts salaires sont très élevés et augmentent fortement, alors que le SMIC ne croît certainement pas au même rythme. Il est indispensable de limiter l’échelle des salaires. Les mesures que nous préconisons permettraient de réduire les inégalités et de mieux rémunérer le travail.

Mme la rapporteure. Dans ce débat récurrent, nos avis divergent ; vous ne serez donc pas étonnés de mon avis défavorable.

Nous sommes convaincus qu’il faut s’appuyer sur les partenaires sociaux. Nous avons confiance en eux et dans le dialogue social pour parvenir à une hausse des rémunérations – la branche hôtellerie-restauration en est un bon exemple. Il est donc à nos yeux plus important de stimuler la négociation comme nous le faisons dans l’article 4.

S’agissant des rémunérations au niveau du SMIC, elles ont connu une hausse de plus de 6 % depuis un an – ce n’est évidemment pas à la hauteur de ce que vous proposez – à laquelle s’ajoutent d’autres mesures, parmi lesquelles l’augmentation de la prime d’activité évoquée à l’article 5.

Le SMIC peut progresser sans pour autant prendre le risque de mettre à mal certaines entreprises, en laissant aux partenaires sociaux, branche par branche, le soin de définir les niveaux de rémunération. Nous sommes tous d’accord sur la nécessité de rouvrir rapidement des négociations pour que les rémunérations et les grilles de classification évoluent.

M. Hadrien Clouet. Puisque, depuis le début de la législature, vous êtes favorables à la concertation et aux grandes coalitions, je reviens sur le cas de l’Allemagne. La hausse du SMIC, qui va être porté à 12 euros brut par heure, a été l’un des sujets autour desquels s’est bâtie la grande coalition allemande. J’en conviens, les effets de structure rendent les comparaisons difficiles mais le SMIC a progressé en Allemagne de 22 % sur l’année – et il ne s’agit que de compenser la hausse des prix. Ce qui doit guider nos choix politiques, ce n’est pas la compétitivité à l’exportation mais exclusivement la capacité à vivre de son travail.

M. Philippe Vigier. M. Ferracci a raison, pour comparer la France et l’Allemagne, il faut considérer le salaire médian : or l’écart est de 20 %. Le SMIC agricole en Allemagne était bien plus faible il y a cinq ans, ce qui en faisait un élément de concurrence déloyale ; depuis, il a un peu augmenté.

Pour alimenter la caisse de péréquation, vous soumettez à une contribution les entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros. Comment avez-vous déterminé ce seuil ? Les entreprises dont le chiffre d’affaires est plus faible mais qui réalisent d’immenses profits échapperaient donc à la contribution ? Savez-vous de quelle somme le fonds disposera et comment elle sera redistribuée ? Il ne suffit pas de mettre un produit d’appel en vitrine sans réfléchir sur son fonctionnement ! J’ai quelques doutes sur la faisabilité de votre projet.

M. Adrien Quatennens. Je ne renonce pas au plaisir de débattre avec Marc Ferracci, qui est désormais sur nos bancs après avoir été conseiller économique d’Emmanuel Macron, puis conseiller spécial auprès de la ministre Muriel Pénicaud. Il ne peut pas ignorer que la productivité a fortement augmenté au cours de ces trente dernières années sans que les salaires augmentent dans les mêmes proportions, ni que le temps de travail diminue. Donc à qui profite le crime ? Ces dix dernières années, les dividendes versés aux actionnaires ont crû de 70 % quand les salaires, eux, n’ont progressé en moyenne que de 12 % et que l’investissement productif a reculé de 5 %. La question est donc bien celle du partage de la valeur.

J’en ai assez d’entendre, comme c’est souvent le cas dans la bouche de Bruno Le Maire notamment, qu’avant de partager des richesses, il faut les produire. Le meilleur vaccin contre cette affirmation, c’est le classement du magazine Challenges sur les fortunes de France : il en ressort que les cinq cents premières possèdent 1 000 milliards d’euros ; que la fortune des milliardaires pendant le covid a augmenté de 236 milliards et que cinq milliardaires détiennent autant que 27 millions de Français ! Oui, il faut partager la valeur, et la meilleure manière de le faire est d’augmenter les salaires.

Vous ne cessez de dire qu’il faut pouvoir vivre de son travail. Je ne sais pas, monsieur Ferracci, si vous avez déjà fait l’expérience de vivre au SMIC mais pour de nombreuses personnes, cela relève davantage de la survie. Oui il faut partager la valeur et augmenter les salaires, et c’est précisément ce que vous acharnez à ne pas vouloir faire.

M. François Ruffin. Nous vous soumettons une idée absolument révolutionnaire : faire en sorte que les Français vivent de leur travail, de leur salaire ! Nous ne voulons pas de prime, pas d’aide, pas d’aumône que leur accorderait l’État ou leur entreprise. J’ai fait la liste des primes sous la présidence d’Emmanuel Macron : prime d’activité, « prime Macron », aide pour les plus précaires, prime pour les agents hospitaliers, « prime Grenelle », chèque énergie, remise carburant, indemnité inflation... On ne sort pas de la logique de chèque.

Je suis choqué que nous discutions aujourd’hui d’un projet de loi sur le pouvoir d’achat sans avoir auditionné une seule personne qui souffre parce que le sien est trop faible. Sur nos bancs, nous ne souffrons pas. J’ai discuté avec des caristes qui gagnent 1 280 euros par mois après dix‑sept ans d’ancienneté. Qui ici accepterait de faire le boulot de cariste pendant un mois pour ce salaire‑là ?

Les considérations internationales sont donc secondaires. Ce qui importe, c’est de savoir si les gens peuvent vivre de leur travail. Comment répartir les richesses dont notre pays ne manque pas ? Il faut peut‑être prendre à des gens comme nous pour donner à ceux qui font un boulot au moins aussi essentiel, si ce n’est plus que le nôtre, et qui doivent voir leurs salaires nettement réévalués. Mais ce n’est pas cela qui est à l’ordre du jour.

Mme Rachel Keke. Les grandes entreprises peuvent aider les petites. Lorsque les salariés se mettent en grève, les entreprises sous‑traitantes prétendent qu’elles ne peuvent pas augmenter les salaires parce que le donneur d’ordre ne leur en donne pas les moyens. Si la lutte dure, le donneur d’ordre finit par lâcher de l’argent pour mettre fin au conflit.

À l’hôtel Ibis des Batignolles, il a fallu vingt‑deux mois de lutte pour obtenir de meilleurs salaires. Le groupe Accor a mis de l’argent sur la table pour satisfaire nos revendications. Quand les salariés se défendent, les entreprises trouvent l’argent. Sans rapport de forces, elles prétendent qu’il n’y en a pas.

Il faut augmenter les salaires car il est impossible de vivre avec 800 ou 900 euros.

M. Jérôme Guedj. Ces amendements sont au cœur des engagements que nous avons pris pendant la campagne des élections législatives. Nous devons nous saisir de notre pouvoir de législateur s’agissant du SMIC.

Jusqu’à présent, l’évolution du SMIC procédait de décisions automatiques ou quasi automatiques, qui s’inscrivaient dans une logique de modération salariale. Celle‑ci a prévalu pendant quinze ans mais elle vient aujourd’hui se fracasser sur le retour de l’inflation.

L’inflation rend encore plus indispensable l’augmentation des salaires, à commencer par celle du SMIC. Il faut aussi envisager de tourner le dos à une politique de modération salariale dont l’efficacité peut être mise en doute dans bien des domaines.

Mais le sujet qui doit nous préoccuper – quelle que soit leur sensibilité politique, tous les parlementaires en entendent parler dans leurs permanences depuis des années – c’est l’impossibilité pour le plus grand nombre de nos concitoyens de vivre dignement à partir du 15 du mois. Le fait que le législateur s’empare à nouveau de son pouvoir souverain pour changer la vie des gens – ce n’est pas une formule tribunitienne – est une sorte de jalon pour la suite de la législature. Jusqu’alors, le législateur ne s’intéressait pas au niveau du SMIC. Nos amendements proclament que nous ne sommes plus dans une logique mécanique, d’expertise – car nous crevons de la vision économiciste, partagée à droite et à gauche pendant des années, selon laquelle la question salariale est de nature technique, réservée aux experts. Ils affirment haut et fort qu’il s’agit avant tout d’une question politique.

M. Thibault Bazin. Selon moi, qui ne suis pas ultralibéral, le salaire minimum est nécessaire pour éviter les abus. Du point de vue de l’efficacité, la modération salariale bute sur des limites, mais il en va probablement de même d’une très forte revalorisation du SMIC. Quels seraient les effets, positifs ou négatifs, de celle que vous proposez ? Serait-elle efficace pour améliorer les conditions de vie de toutes les personnes aux revenus modestes ? En cas de très forte augmentation du SMIC, on le sait, le coût du travail augmente, ce qui peut entraîner une destruction d’emplois. L’autre risque, c’est l’écrasement des premiers niveaux hiérarchiques. Certains employeurs pourraient avoir tendance, à salaire égal, à écarter les personnes moins qualifiées, qui seraient dès lors pénalisées. Il faut mesurer ces deux risques.

M. Rémy Rebeyrotte. Je souscris à ce qui vient d’être dit. Tout l’enjeu du texte est de répondre au problème de pouvoir d’achat sans relancer la spirale prix-salaires. J’ai entendu parler de « changer la vie des gens » mais en 1982, François Mitterrand et Jacques Delors ont bien dit qu’il fallait absolument endiguer cette spirale – on augmente les salaires, les entreprises relèvent leurs prix pour reconstituer leurs marges, ce qui appelle une nouvelle augmentation des salaires... Ce n’est pas un jeu de NUPES, c’est un jeu de dupes ! L’inflation devient alors l’exutoire des conflits sociaux. Et l’augmentation des prix domestiques a des conséquences, qui ont probablement déterminé le choix de MM. Mitterrand et Delors : elle réduit nécessairement les exportations et accroît les importations. C’est sans doute pourquoi la désindustrialisation de la France s’est accélérée à ce moment-là.

Il faut donc savoir ce que l’on veut. Il faut effectivement redonner du pouvoir d’achat, mais sans relancer ce mécanisme que nous connaissons parfaitement, car il pourrait avoir des conséquences dramatiques sur l’emploi et sur les structures économiques et industrielles de notre pays.

M. Marc Ferracci. Adrien Quatennens, qui a eu la gentillesse de rappeler mon parcours, aurait pu mentionner que je m’étais aussi intéressé à ces sujets en tant que professeur d’université.

Au fond, les différents points de vue que nous exprimons ici sont réconciliables. Nous souhaitons tous améliorer le niveau de vie de nos concitoyens, en particulier des moins diplômés, des moins qualifiés et de ceux qui vivent dans la précarité. Nous divergeons sur les moyens pour y parvenir.

L’augmentation des salaires doit se faire en prenant en compte la productivité. Premièrement, je le redis, le chômage a commencé à croître très fortement au tournant des années 1970 et 1980 parce que les salaires augmentaient plus vite que la productivité – personne de sérieux ne le conteste. D’où le problème que nous avons à traiter aujourd’hui : le chômage de masse. Deuxièmement, lorsqu’il y a des gains de productivité, il faut que les salariés puissent se les approprier. Cela soulève la question du pouvoir de négociation des salariés, sur laquelle nous divergeons.

Les économistes libéraux et les économistes marxistes sont d’accord sur un point : le meilleur déterminant des salaires est le niveau du chômage. Sans doute vous souvenez-vous de « l’armée de réserve industrielle » de Marx ? Les économistes libéraux intègrent ce paramètre dans leurs modèles.

Notre stratégie consiste à créer des emplois, pour aller vers le plein-emploi, car cela donnera aux salariés un pouvoir de négociation accru, soit directement avec leur patron, soit à l’occasion de la négociation annuelle obligatoire. Ce n’est pas une stratégie définie en chambre, et nous constatons qu’elle est payante : dans les métiers de l’hôtellerie-restauration, en raison du dynamisme et des tensions sur le marché du travail, les salariés ont obtenu des augmentations de salaires de 16 %, voire de 30 % pour certaines qualifications.

M. Arthur Delaporte. Je suis heureux de prendre la parole après cette leçon d’économie du professeur Ferracci. Si j’ai bien compris, il y a, d’un côté, les gens sérieux et, de l’autre, les dupes. Nous avons un débat philosophique, une discussion centrale, où deux visions totalement différentes s’expriment. Je ne veux pas que l’on nous dise que nous sommes dupes ou que nous ne sommes pas sérieux.

Nous aimons nous comparer à nos voisins européens. Or nous n’avons pas augmenté le SMIC au même niveau en France que dans les autres pays européens – Royaume‑Uni, Allemagne, Portugal, Espagne. Certes, tous les pays ne partent pas du même point, mais la France est le seul pays où le niveau du SMIC a baissé, de manière continue, par rapport à celui du salaire médian. Autrement dit, alors que tous nos voisins augmentent le SMIC, nous le baissons, par rapport à l’évolution du coût de la vie. C’est une situation tangible, et je veux que nous en soyons conscients.

Il faut donc agir. Nos amendements sont essentiels, car ils concentrent toute notre philosophie, notamment sur la question de la valeur du travail. Nous voulons augmenter le SMIC ; c’est la seule solution pour améliorer durablement le pouvoir d’achat.

Mme Danielle Brulebois. Pour redistribuer la richesse, il faut la créer. Parmi les pays riches, la France est celui où les inégalités sociales sont les moins importantes, car elle est championne de la redistribution, qui représente une proportion importante du produit intérieur brut. Pour redistribuer par des mesures sociales, il faut préserver le plein emploi et la capacité de nos entreprises à créer de la richesse.

M. Nicolas Turquois. J’entends les arguments de nos collègues de l’opposition. Néanmoins, en Allemagne, où le salaire minimum a été créé il y a moins de dix ans, le taux de chômage est de 3,2 %. Il faut réduire le chômage en France, car le chômage de masse a eu, dans la durée, des effets collatéraux dramatiques : pauvreté, mal‑logement, absence d’intégration, violence dans certains territoires.

Je ne méconnais pas le fait qu’il soit extrêmement dur de vivre, ou plutôt de survivre avec un SMIC, notamment en milieu urbain. Toutefois, que se passera-t-il si l’on porte le SMIC brut mensuel à 1 923 euros ? Cette augmentation brutale et quelque peu dogmatique de 300 euros provoquera un effet de sidération et un arrêt total de notre économie : une interruption complète des investissements extérieurs, un blocage des PME – même si les patrons de PME anticiperont peut-être une compensation de la part des grandes entreprises –, un écrasement de l’échelle des salaires. Ne peut-on envisager une augmentation régulière, mais progressive ?

Il faut s’attaquer au chômage et, en parallèle, augmenter régulièrement mais progressivement les salaires. C’est ainsi que l’on parviendra selon moi à résoudre l’équation.

Mme Sandrine Rousseau. Je tiens à vous rassurer, le doublement de la fortune des Français les plus riches pendant le covid n’a pas provoqué d’effet de sidération ni d’arrêt total de l’économie ! En outre, les visions libérale et keynésienne s’accordent sur ce point, l’augmentation du SMIC stimulerait la consommation, ce qui permettrait d’atteindre les buts que vous visez. En revanche, l’augmentation de la fortune des plus riches conduit à un accroissement de l’épargne, non à la création de richesse que vous appelez de vos vœux. Par ailleurs, dans ce que vous appelez « création de richesse », il y a de nombreuses activités qui détruisent la planète, donc notre avenir, et qu’on ne peut donc pas raisonnablement qualifier ainsi.

À la fin des Trente Glorieuses, avez-vous dit, le partage de la valeur ajoutée s’est fait davantage en faveur du capital. Si tel a été le cas, c’est en raison de la libéralisation des marchés financiers. Si vous voulez que le travail regagne une partie de la valeur ajoutée, alors régulons les marchés financiers ! Or vous n’avez rien fait en ce sens.

L’enjeu est de donner du pouvoir de négociation aux salariés au sein des entreprises. Les amendements présentés ont une seule vocation : permettre à toutes les PME d’augmenter les salaires, particulièrement les bas salaires. Ce ne sera pas possible avec le dispositif que vous soutenez, à savoir une prime accordée au bon vouloir des chefs d’entreprise. La réalité devrait nous inciter à adopter l’un de ces amendements.

On a comparé tout à l’heure le salaire médian en Allemagne et en France. S’il y a un tassement des salaires autour du SMIC en France, c’est précisément à cause des exonérations de cotisations sociales sur les bas salaires appliquées au cours des dix dernières années.

M. Pierre Dharréville. Notre discussion révèle un choc entre deux visions de la société, deux modèles. Je souhaite en tout cas démystifier l’idée selon laquelle la modération salariale serait une bonne chose pour lutter contre le chômage : depuis les années 1970, nous avons eu en même temps la modération salariale et le chômage de masse ! C’est le résultat des politiques qui ont été menées et que vous proposez de poursuivre.

Il y a en réalité une spirale négative de course à la compétitivité, où on s’applique à ne pas rémunérer le travail au niveau où il devrait l’être : c’est toujours le travail qui trinque et le capital qui en profite. Cette contradiction existe, et vous ne pouvez pas l’évacuer ; désolé d’être le communiste qui vous la rappelle.

Nous proposons d’engager une dynamique vertueuse, pour donner les moyens à celles et ceux qui travaillent de vivre bien, tout simplement. Cela aurait des effets très bénéfiques sur le développement de notre société, sur notre capacité à relever les défis de la planète et sur notre aptitude à vivre ensemble. Nous en avons besoin ; on ne peut pas accepter plus longtemps que les richesses soient captées par un très petit nombre et que notre système économique soit dominé à ce point par les forces de la finance, auxquelles il faut s’attaquer.

Au 1er janvier 2021, plus de 2 millions de personnes étaient payées au SMIC, et 7,6 millions d’actifs, soit un tiers d’entre eux, percevaient moins de 1,3 SMIC. On a organisé en permanence des trappes à bas salaires, et vous continuez à le faire avec les mesures que vous nous proposez. Il faut mettre fin à ces politiques et rémunérer le travail correctement.

M. Turquois estime qu’une augmentation de 300 euros est trop violente et qu’il faudrait de la régularité. Engageons ce débat ! Si vous voulez des mesures progressives, proposez-les ! Or vous n’avez rien suggéré en la matière.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Ne vous excusez pas d’être communiste, monsieur Dharréville !

M. Pierre Dharréville. Je le revendique, au contraire !

M. Gérard Leseul. J’ai entendu quelques contrevérités au cours de ce débat, qui mériterait d’ailleurs d’être poursuivi. Certains estiment que le SMIC a détruit notre compétitivité. Or le SMIC est utilisé très majoritairement dans les services, bien plus que dans l’industrie. Dès lors, les arguments relatifs à la compétitivité, à la concurrence internationale ou au déficit de la balance commerciale ne tiennent pas la route.

Quelques bonnes volontés s’étant exprimées, j’appelle les différentes composantes de la majorité et de l’opposition à proposer des sous-amendements, afin que nous ayons une véritable discussion dans l’hémicycle. Il faut, davantage qu’un coup de pouce – il n’y en a d’ailleurs pas eu depuis que le groupe d’experts a été créé, il y a quinze ans – une vraie revalorisation du SMIC. Vous n’êtes pas d’accord avec l’augmentation de 15 % que nous souhaitons. Je rappelle que Mme Pécresse proposait 10 %. Faites des contre-propositions, mais travaillez dans le sens d’une saine revalorisation du travail.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS89 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. L’amendement vise à créer un mécanisme plus incitatif pour les branches professionnelles qui ne respectent pas l’obligation de garantir des salaires au moins au niveau du SMIC. Nous proposons de conditionner les exonérations de cotisations à la revalorisation des minima de branche. Dans le cas où ces minima resteraient inférieurs au SMIC pendant plus de six mois, les entreprises ne pourraient plus bénéficier des exonérations de cotisations sociales actuellement applicables. En revanche, si des négociations de branche débouchaient dans ce délai sur une revalorisation des minima à un niveau au moins égal au SMIC, le bénéfice des exonérations serait maintenu.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable, car il serait fâcheux de pénaliser des entreprises en raison d’une insuffisance ou d’un manque de dynamique dans leur branche, alors même qu’elles peuvent avoir une politique de rémunération relativement favorable. Vous prévoyez qu’elles puissent se prémunir contre ce risque grâce à un accord d’entreprise, mais il est complexe, notamment pour les plus petites d’entre elles, d’engager de telles négociations, qui peuvent être longues.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS262 de M. Pierre Dharréville.

M. Pierre Dharréville. Si le Gouvernement en est venu à nous soumettre ce projet de loi, c’est que vous êtes bien obligés d’admettre que la situation est urgente et grave. Cependant, vous ne nous proposez que des rustines.

J’ai relevé dans vos propos une tendance à vous en remettre au marché, une confiance, voire une foi dans celui-ci. Nous savons sur quoi cela débouche : un modèle de société qui repose sur des emplois low cost, résultant de la suppression des droits et de la modération salariale. Créons de l’emploi, dites-vous, et la situation s’améliorera. On ne peut pas croire cela ; il faut inscrire à l’ordre du jour le progrès social, immédiatement.

Le présent amendement, couplé avec l’amendement AS260 de tout à l’heure, vise à favoriser la conclusion d’accords de branche favorables aux salariés dans les six mois suivant le début des négociations. Le versement des aides publiques aux grandes entreprises de la branche serait conditionné à leur réussite. La conditionnalité des aides est pour nous un point central ; elle a été largement réclamée par les organisations syndicales que nous avons rencontrées.

J’insiste sur la nécessité d’augmenter l’ensemble des grilles salariales, de discuter des écarts de salaire dans une même entreprise et d’augmenter le SMIC. Je le redis avec une colère froide, on vit mal aujourd’hui avec le SMIC, et cela concerne des millions de salariés dans notre pays.

Mme la rapporteure. Je partage la colère que vous exprimez. Toutefois, je ne vois pas le lien avec la solution que vous proposez ici. Là encore, on sanctionnerait des entreprises en raison d’un manque de dynamique dans leur branche. Un dispositif similaire avait été adopté par le Parlement en 2008, mais il n’a jamais été appliqué du fait de sa complexité, de son caractère peu opérant et du risque constitutionnel qui s’y attachait.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS300 de M. Hadrien Clouet, AS257 de M. Pierre Dharréville et AS145 de M. Gérard Leseul (discussion commune).

M. Adrien Quatennens. Par l’amendement AS300, nous proposons l’ouverture, dès la rentrée prochaine, de négociations de branche pour augmenter les salaires, pour protéger ainsi les salariés de la hausse des prix et pour réaliser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

Nous en revenons à ce que nous disons depuis le début : les travailleurs réclament non pas des primes aléatoires ou des petits chèques, mais de véritables augmentations de salaire. Non seulement il est nécessaire de revaloriser le SMIC, ce qui aura un effet sur les salaires légèrement supérieurs, mais il faut aussi engager des négociations visant à augmenter durablement les salaires dans l’ensemble des branches.

M. Pierre Dharréville. L’amendement AS257 relève du même esprit que mon amendement précédent.

En fin de compte, madame la rapporteure, une partie de nos problèmes se sont aggravés à cause des ordonnances travail adoptées dès le début de la précédente législature, que nous avons combattues et qui ont inversé la hiérarchie des normes. Vous nous avez expliqué à l’époque combien vous croyiez au dialogue social. Ici, nous proposons que la puissance publique cesse d’être une simple spectatrice et intervienne en fixant un cadre un peu plus incitatif et contraignant pour que les négociations débouchent sur des résultats intéressants pour les salariés.

M. Gérard Leseul. L’amendement AS145 reprend l’article 2 de la proposition de loi visant à augmenter le SMIC déposée par le groupe Socialistes et apparentés en décembre dernier. Si nous voulons faire bouger les lignes, puisque vous refusez de passer par le présent projet de loi pour revaloriser le SMIC, vous devez au minimum accepter que l’État organise une conférence nationale sur les salaires. Il convient de favoriser le dialogue social national sur les augmentations de salaires dans l’ensemble des entreprises.

Mme la rapporteure. Avis défavorable sur les trois amendements.

Vous proposez d’imposer à toutes les branches un même calendrier de négociation – débutant soit le 1er septembre prochain, soit le lendemain de la promulgation du présent texte. Or des négociations de cette nature ont été engagées dans la grande majorité des branches et ont porté leurs fruits dans 25 % d’entre elles. De plus, nous venons de renforcer la logique d’incitation à la négociation en adoptant l’article 4.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS299 de M. Hadrien Clouet

M. Adrien Quatennens. Par cet amendement, nous proposons de systématiser les négociations de branche chaque fois que le SMIC est revalorisé. Sur 171 branches, je le rappelle, 120 affichent dans leur grille salariale au moins un coefficient inférieur au SMIC. Grâce à cet amendement, chaque fois que le SMIC augmente, fût-ce de manière mécanique, cette augmentation serait diffusée aux autres salaires, notamment à ceux qui sont immédiatement supérieurs.

Mme la rapporteure. Je vous suggère de retirer votre amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable. Il est satisfait par le mécanisme prévu à l’article L. 2241‑10 du code du travail, selon lequel les partenaires sociaux se réunissent dans un délai de trois mois – que nous venons d’abaisser à quarante‑cinq jours – pour négocier sur les salaires minima devenus inférieurs au SMIC.

M. Adrien Quatennens. Les manquements que j’évoquais, dans 120 branches sur 171, ont été constatés précisément après la revalorisation du SMIC intervenue en mai dernier. Il importe donc de signifier dans la loi que les branches concernées doivent systématiquement ouvrir des négociations après chaque augmentation du SMIC.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS258 de M. Pierre Dharréville.

M. Yannick Monnet. Les hausses obligatoires du SMIC et l’absence de négociations de branche ont écrasé les grilles salariales. Il en résulte des progressions de salaires particulièrement lentes, d’autant plus lorsque les minima de branche sont inférieurs au SMIC.

L’amendement vise à réintroduire l’échelle mobile des salaires, laquelle consiste à augmenter les salaires en fonction de l’augmentation des prix, afin de garantir le pouvoir d’achat des salariés face à l’inflation et de leur assurer à tous une évolution de carrière.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise à indexer les salaires sur l’inflation. Vous proposez donc de revenir sur un principe ancien de notre droit du travail qui prohibe l’indexation automatique des salaires sur le niveau général des prix ou sur le SMIC. L’échelle mobile des salaires a été supprimée dans les années 1980 précisément pour éviter d’entretenir la spirale inflationniste. Nous en revenons au débat que nous avons eu précédemment sur l’augmentation du SMIC.

Avis défavorable.

M. Pierre Dharréville. Cette logique, nous en connaissons le résultat : comme les prix augmentent vite, nous sommes amenés à légiférer pour essayer d’apporter des solutions. Or, manifestement, vous ne les trouvez pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS138 de M. François Ruffin.

Mme Karen Erodi. Par cet amendement, nous proposons que les salaires du secteur privé soient indexés sur l’inflation. Celle‑ci est non pas conjoncturelle, mais structurelle. Elle est installée dans la durée, liée à la crise écologique qui entraîne un relèvement des prix des matières premières et des denrées alimentaires. Il faut donc une réponse structurelle, non pas un laborieux bricolage de mesures et d’incessants pansements.

Qui paie l’inflation ? Pas les grandes entreprises : en pleine supposée crise, elles battent cette année un record de bénéfices. Pas les actionnaires : jamais leurs dividendes n’ont été aussi gigantesques. Pas les PDG : leurs rémunérations ont doublé l’an dernier – en la matière, c’est une hyperinflation.

Ce sont les salariés qui paient l’inflation : leurs revenus n’augmentent pas au même rythme que les prix, et c’est leur pouvoir de vie qui est rogné. J’énonce ce qui est pour nous une évidence : les travailleurs, sur qui « le pays repose tout entier », qui le font tourner, doivent vivre de leur travail, pas seulement en survivre. Le revenu tiré de leurs efforts ne doit pas s’éroder.

L’inflation n’est pas un mal inconnu. D’ailleurs, tant qu’elle ne galope pas, sans doute n’est-elle même pas un mal tout court ; l’expansion d’après-guerre s’est faite avec l’inflation. Pour que les salariés n’en pâtissent pas, une solution a longtemps existé : l’indexation des salaires sur l’inflation, autrement appelée échelle mobile des salaires. Quand les prix augmentent de 5 %, tous les salaires – et pas seulement le salaire minimum – augmentent de 5 %.

En 1982, le Gouvernement a procédé à la « désindexation ». L’effet a été quasi immédiat : en moins d’une décennie, près de 10 % de la valeur ajoutée a glissé du travail vers le capital. En d’autres termes, des salaires ont été convertis en dividendes.

Mme la rapporteure. Cet amendement vise lui aussi à indexer les salaires sur l’inflation. Autrement dit, les salaires seraient revalorisés automatiquement, sans passer par le dialogue social. J’y suis opposée, car nous privilégions la logique de négociation collective, qui permet de s’adapter aux spécificités de chaque branche. En outre, ce mécanisme pourrait relancer la spirale inflationniste.

La commission rejette l’amendement.

Chapitre II
Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 5 : Prise en compte anticipée de l’inflation sur les pensions et les prestations sociales

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS376, AS377, AS378, AS379 et AS380 de la rapporteure.

Amendements AS219 de Mme Marie-Charlotte Garin, AS114 de M. Paul-André Colombani et AS166 de M. Gérard Leseul.

Mme Marie-Charlotte Garin. Il convient de proposer plus que des miettes et d’accompagner les plus précaires de manière juste et prolongée, vu que l’inflation sera durable et que cette période va fragiliser le pouvoir d’achat de nos concitoyens et concitoyennes.

Mon amendement vise à instaurer une clause de revoyure concernant les prestations, allocations ou aides visées par l’article. On verra alors s’il est nécessaire de les rehausser encore, dans la mesure où la revalorisation anticipée prévue pour juillet ne compense pas totalement la perte de pouvoir d’achat qu’ont connu nos concitoyens et concitoyennes au cours de l’année écoulée.

M. Paul-André Colombani. Nous souhaitons instaurer une clause de revoyure au 1er octobre afin d’examiner s’il est nécessaire de revaloriser davantage les pensions de retraite et prestations sociales.

En effet, si la revalorisation anticipée de 4 % des retraites et des prestations sociales est bienvenue, elle est en deçà du niveau d’inflation attendu, qui devrait s’élever à 7 % à la fin de l’année.

Par conséquent, il est proposé de procéder à une réévaluation du coefficient appliqué par le présent article en vue de le corriger éventuellement à la hausse dans le cas où l’inflation progresserait encore fortement.

M. Jérôme Guedj. Revaloriser de 4 %, c’est bien, ; le problème, c’est que l’inflation est de 5,5 %, et qu’elle atteindra peut-être 7 % d’ici à la fin de l’année. On risque un effet ciseaux sur les prestations concernées par la revalorisation – on parle beaucoup, et à juste titre, des pensions de retraite, mais cela concerne aussi les prestations familiales, dont on sait combien elles sont déterminantes pour sortir une partie de nos concitoyens de situations de pauvreté. C’est pourquoi nous proposons par l’amendement AS166 que dans un délai de trois mois à compter de la promulgation du présent texte, le Gouvernement remette au Parlement un rapport permettant de mesurer l’impact de l’inflation sur le pouvoir d’achat de leurs bénéficiaires.

Mme la rapporteure. Avis défavorable sur les trois amendements.

D’abord, une clause de revoyure à l’automne laisserait un délai bien trop court, d’autant que la prochaine revalorisation n’interviendrait qu’en janvier.

Ensuite, l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) prévoit une inflation d’environ 5 % pour 2022. Or les pensions de retraite ont déjà été revalorisées cette année, de 1,1 %, et les minima sociaux de 1,8 %. En ajoutant les 4 % prévus dans cet article, on aboutit à une hausse de 5,1 % pour les pensions de retraite et de 5,8 % pour les autres prestations.

Enfin, en principe, une revalorisation se fonde sur l’année écoulée. En l’occurrence, nous avons anticipé pour atteindre l’inflation prévisionnelle. Notre coefficient de 4 % est en réalité plus généreux qu’une revalorisation habituelle. Il s’agit d’un effort budgétaire majeur et de revalorisations d’une ampleur jamais vue depuis très longtemps.

M. Adrien Quatennens. Avec cet article 5, on réalise pleinement dans quelle impasse nous met votre projet de loi. Bien loin de protéger le pouvoir d’achat, comme vous le prétendez, il entérine sa baisse, puisque les revalorisations proposées sont inférieures à la hausse des prix, qui devrait être de l’ordre de 7 % à 8 %. Surtout, il ne faudrait pas donner l’impression que M. Macron offrirait quelque chose aux Français : il ne fait qu’anticiper des revalorisations qui, de toute façon, étaient prévues.

Avant 2015, les prestations sociales étaient indexées sur les prévisions d’inflation pour l’année à venir. Depuis, elles sont revalorisées sur la base de l’inflation moyenne enregistrée au cours de l’année passée. Quand l’inflation s’accroît, il faut désormais attendre plusieurs mois avant que les prestations suivent. Vous ne faites qu’anticiper cette revalorisation.

Le pire, c’est que M. Macron fait en réalité de nombreuses économies sur certaines des prestations qu’il prétend revaloriser. Ainsi, les pensions n’ont pas été revalorisées en 2018, ce qui représente une perte de pouvoir d’achat de 1,4 % ; les prestations sociales ont été sous‑indexées en 2019 et 2020, pour une économie d’environ 10 milliards d’euros. Ces revalorisations entérinent une perte de pouvoir d’achat. Pour les retraites, par exemple, la perte subie depuis janvier, de 1,5 % au moins, ne sera pas rattrapée.

Cet article confirme que le projet de loi entérine une baisse du pouvoir d’achat, et que c’est la grande masse des Français qui paiera l’inflation, et non les profiteurs de crise, qui pourront continuer à faire des profits.

M. Éric Alauzet. Je pense pour ma part que nos concitoyens seront extrêmement heureux de ces revalorisations. C’est vrai, c’est dur de vivre avec un SMIC, et c’est plus dur encore de vivre avec des prestations sociales. C’est bien la raison pour laquelle la majorité et le Président de la République ont deux grands projets : d’une part le plein emploi, qui fera monter les salaires, d’autre part le revenu de base, ou du moins la solidarité à la source. Ce sera bien plus utile pour nos concitoyens. C’est bien beau d’essayer de gratter 1 % ou 2 %, mais quand on a très peu, cela ne représente pas grand‑chose. En revanche, permettre à des dizaines de milliers de nos concitoyens de toucher des prestations sociales qu’ils ne réclamaient pas, voilà qui devrait être un objectif commun, bien plus fort que toutes ces discussions sur des pouillèmes de pourcentage. J’aimerais que nous essayions de l’atteindre ensemble, dans une volonté commune d’améliorer la situation de nos concitoyens les plus malheureux et les plus défavorisés. Voilà ce que j’attends de vous, monsieur Quatennens, plutôt que de la polémique permanente.

Mme Sandrine Rousseau. De ces « pouillèmes de pourcentage » dépend la vie des gens. Je rappelle que ce sont les bénéficiaires de minima sociaux qui ont le plus de dépenses contraintes par rapport à leur revenu, en particulier l’énergie et le loyer. Ce sont les premiers touchés par l’inflation, qui ne pèse pas d’un même poids sur tous les Français. Indexer les minima sociaux sur l’inflation est le minimum que l’on puisse faire.

M. Arthur Delaporte. Il ne s’agit pas de polémiquer, monsieur Alauzet, mais de regarder la réalité en face : il y a d’un côté l’inflation, et de l’autre des minima sociaux et des prestations qui ne suivent pas. Pourquoi leur revalorisation est‑elle inférieure à l’inflation ? Le ministre n’a pas répondu quand je lui ai posé la question. L’enjeu n’est même pas d’anticiper les choses, comme c’était le cas avant 2015, mais simplement de revaloriser les pensions et prestations au niveau d’inflation constatée à ce jour, à savoir près de 6 %. Si on ne le fait pas, c’est qu’on baisse les prestations.

M. Adrien Quatennens. Pardon, mais 7 ou 8 % de hausse des prix, taux que nous aurons sans doute bientôt, ce ne sont pas des « pouillèmes de pourcentage » ! Pour des millions de Français, cela signifie des arbitrages à faire entre des dépenses contraintes, des vacances annulées, des loisirs que l’on ne peut plus payer à ses gamins, des consommations auxquelles on renonce – par exemple pour bien manger.

Pardon donc de ne pas nous satisfaire de revalorisations qui ne sont qu’un peu anticipées, et de surcroît inférieures à l’inflation. En faisant ce choix, vous faites payer aux Français le prix de l’inflation, alors que depuis 2010 les 500 plus grandes fortunes de ce pays ont accru leur fortune de 315 %. Même des économistes qui ne sont pas du tout de notre bord, comme M. Artus, de la banque Natixis, disent que votre politique consistant à reverser un maximum de capital aux plus riches et aux grandes entreprises n’a eu aucun effet. Pour ces gens‑là, ce ne sont pas « pouillèmes de pourcentage », c’est le pactole – mais à ceux qui souffrent, vous n’avez rien à donner !

Mme la rapporteure. On nous dit que nous ne nous préoccupons pas des bénéficiaires des minima sociaux, que nous ne leur donnons que des miettes. C’est inadmissible, et c’est mensonger. Regardez le montant que représentent ces revalorisations ! Nous n’attendons pas janvier, nous retenons des taux très élevés, pour coller aux prévisions d’inflation de l’INSEE ! Et à ces augmentations s’ajoutent toutes les autres mesures du paquet pour le pouvoir d’achat, le bouclier tarifaire, les remises sur le carburant et la suppression de la redevance audiovisuelle !

Ce texte permettra non seulement d’accroître les revenus, donc le pouvoir d’achat, mais aussi de réduire les dépenses et de limiter l’inflation, qui est en France plus basse que chez nos voisins européens – en Allemagne, par exemple, on prévoit une inflation de 8,7 %. Ce ne sont pas des miettes, c’est un effort important, fondé de surcroît sur une anticipation de manière à protéger au plus vite le pouvoir d’achat des Français, dans la lignée des mesures prises ces derniers mois.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS116 de M. Olivier Serva.

M. Paul-André Colombani. L’amendement a pour objectif d’alerter sur l’aggravation des inégalités sociales et territoriales du fait de l’inflation, qui ne touche pas tout le monde de la même façon. La hausse des prix est vécue plus fortement par les personnes âgées et retraitées, et celles vivant en milieu rural ou dans les territoires insulaires et ultramarins. Aussi proposons-nous de procéder à une revalorisation différenciée des prestations sociales et pensions, plus importante dans les territoires où l’inflation est la plus forte et liée à la cherté de la vie structurelle, comme c’est le cas en Corse et en outre-mer.

Mme la rapporteure. Je partage votre souci. Cependant, le dispositif que vous proposez comporte un risque de rupture d’égalité entre les Français, ce qui poserait des problèmes de constitutionnalité. Des mesures spécifiques sont déjà en vigueur ou à l’étude afin de répondre à la situation particulière des Français qui vivent en dehors de l’Hexagone. Les ministres Darmanin et Carenco ont ainsi annoncé vouloir étendre à tous les départements et régions d’outre‑mer le bouclier qualité‑prix qui existe à La Réunion. D’autres mesures pourront résulter des négociations qui seront menées à l’occasion d’un Oudinot de la vie chère, sous l’autorité du ministre délégué chargé des outre‑mer.

M. Paul-André Colombani. En restant dans la constitutionnalité, on reste aussi dans l’inégalité.

D’autre part, si vous répondez sur la question des outre-mer, la Corse, qui est une île, est confrontée aux mêmes problèmes. Or vous ne prévoyez rien pour les retraités corses.

M. Elie Califer. Je soutiens l’amendement. Peut-être y a-t-il un risque de constitutionnalité mais l’inégalité est réelle. Les boucliers, cela ne fonctionne pas – on l’a vu en 2009. Il faut prendre en considération les différences de situation territoriale – la Corse, la Guadeloupe, la Martinique. En matière de pouvoir d’achat, aucun véritable effort n’est réalisé en faveur de ces territoires. C’est à eux de se débrouiller pour obtenir une réduction de l’octroi de mer, une baisse de la TVA pour un certain temps, un revenu supplémentaire temporaire d’activité – qui a duré deux ans... La loi pour l’égalité réelle en outre‑mer ? Elle doit bien n’avoir eu qu’un décret d’application... Il faut remettre les outre‑mer dans le chemin de l’égalité. Ce n’est pas accidentellement que tout l’outre‑mer s’est vautré dans le vote RN lors des dernières élections. Il serait grand temps que l’État et le Gouvernement s’occupent de la réalité ultramarine.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS167 de M. Gérard Leseul.

M. Arthur Delaporte. Nous demandons un rapport sur l’absence de revalorisation de la prestation de compensation du handicap depuis 2005 et les effets de la conjugalisation du mode de calcul des montants des fonds départementaux de compensation du handicap. Un grand nombre de personnes sont en souffrance et considèrent que ces montants sont nettement insuffisants. Il faut agir.

Mme la rapporteure. Il s’agit d’une question qui relève du périmètre réglementaire. Je suggère que vous retiriez l’amendement et que vous le déposiez en séance afin d’examiner la question directement avec le Gouvernement.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendement AS169 de M. Gérard Leseul.

M. Gérard Leseul. Le projet de loi prévoit une sous-indexation des prestations sociales – notamment des pensions de retraite – avec une revalorisation de 4 % alors que, selon l’INSEE, l’inflation devrait dépasser 5 % en 2022. Cela va faire des malheureux. Nous proposons donc de donner aux retraités pénalisés par les sous-indexations chroniques la faculté d’aller devant le juge des référés pour faire cesser rapidement cet état de fait et obtenir un montant de pension actualisé de l’évolution des prix. Nous demandons ainsi à la puissance publique de faire preuve de réactivité.

Mme la rapporteure. Demande de retrait : l’amendement est satisfait.

M. Gérard Leseul. Auriez-vous l’obligeance de préciser pourquoi ?

Mme la rapporteure. L’application du coefficient de revalorisation constitue un acte administratif, contre lequel peut naturellement déjà saisir tout justiciable qui y a intérêt, y compris contre sa carence. Le juge des référés aura à sa main, s’il paraît pertinent de s’en saisir, l’ensemble des outils pour ordonner des mesures utiles, bien que, dans tous les cas, l’acte administratif doive respecter les dispositions législatives qui auront été prises.

L’amendement est retiré.

Amendements identiques AS359 de la rapporteure, AS330 de M. Philippe Vigier, AS344 de M. Laurent Marcangeli, AS354 de Mme Caroline Janvier et AS355 de M. Christophe Naegelen, amendements identiques AS269 de M. Stéphane Peu et AS301 de M. Hadrien Clouet, amendements identiques AS88 de M. Julien Bayou et AS255 de Mme Clémence Guetté, amendements AS168 de M. Gérard Leseul et AS236 de M. Aurélien Taché (discussion commune).

Mme la rapporteure. Nous en venons à la question de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui a fait l’objet d’âpres débats dans notre assemblée, dans lesquels se sont impliqués des collègues de différents groupes dont Stéphane Viry, Pierre Dharréville ou encore notre ancienne collègue Jeanine Dubié.

La majorité s’y était montrée défavorable, pour plusieurs raisons. En premier lieu, cette mesure, si elle aurait un effet financier favorable pour la plupart des intéressés, aurait aussi des conséquences négatives pour 45 000 personnes. Ensuite, l’AAH s’assimile à une compensation de l’absence de revenus liés au travail : comme d’autres prestations sociales, elle est rattachée au foyer. Déconjugaliser l’AAH conduirait donc à remettre en cause le fonctionnement de l’ensemble de notre système de protection sociale. Traiter cette question à part serait discutable, puisque cela reviendrait à appliquer un traitement particulier aux personnes en situation de handicap.

Néanmoins, après tous ces débats, je crois que nous avons la possibilité d’aller vers un changement de mode de fonctionnement, en engageant la coconstruction que, d’une certaine manière, les Français ont appelée de leurs vœux. Nous pourrions tous faire un pas les uns vers les autres pour aboutir à un compromis qui satisfasse la grande majorité d’entre nous. De son côté, le Président de la République a infléchi sa position et s’est engagé à aller vers la déconjugalisation. Lors de son discours de politique générale, la Première ministre l’a confirmé et nous a autorisés à intégrer cette question dans le présent texte, en annonçant qu’elle lèverait le gage.

Tous les groupes politiques ont donc déposé un amendement visant à déconjugaliser l’AAH. Ont été déclarés irrecevables ceux qui essayaient de régler le problème des perdants de la réforme, ce gage‑là n’ayant pas été levé par la Première ministre – il l’a été, mais trop tardivement, après la date limite de dépôt des amendements, par le ministre Olivier Dussopt lors de son audition. Nous sommes donc saisis de plusieurs propositions de déconjugalisation « sèche » de l’AAH. En déposant moi‑même un tel amendement, je veux réaffirmer l’engagement de la majorité à aller dans cette direction. Toutefois, il nous faut continuer à travailler afin de régler la question des perdants, à savoir les personnes en situation de handicap qui sont le seul membre du couple à travailler.

Après de nombreuses discussions, le consensus qui se dégage est que s’il faut procéder à la déconjugalisation, il ne faut pas qu’elle se fasse de manière brutale, sans un système d’accompagnement et de gestion des perdants. Je pense aussi qu’un tel sujet mérite autre chose qu’une discussion en commission. Je propose donc que nous ne votions rien aujourd’hui et que nous continuions à travailler en coconstruction d’ici à la séance – je me tiens à la disposition des groupes pour ce faire – pour aboutir à une solution qui conviendrait à la grande majorité de l’Assemblée. Le dispositif doit assurer à la fois la déconjugalisation et la gestion des perdants. C’est pourquoi je vous propose de retirer l’ensemble des amendements de déconjugalisation sèche pour discuter en séance d’un amendement plus solide qui couvre l’ensemble des enjeux que je viens d’évoquer.

M. Philippe Vigier. Ces cinq dernières années sont en effet marquées par cet échec. Nous nous n’avons pas su régler cette question, alors que la déconjugalisation de l’AAH avait été défendue par de nombreux députés sur tous les bancs, à commencer par Jeanine Dubié. C’est un moment important que nous vivons, et je suis heureux que nous nous engagions dans une démarche de coconstruction et que le Parlement, enfin de retour, prenne le problème à bras‑le‑corps.

Je ferai néanmoins deux remarques. D’abord, s’il ne doit pas y avoir de perdants, cela signifie, comme il s’agit d’une charge nouvelle pour les finances publiques, que le ministre doit s’engager à régler la situation de ces 45 000 personnes.

Mme la rapporteure. Il l’a fait.

M. Philippe Vigier. Il faut donc qu’un amendement soit proposé à l’ensemble des groupes politiques. Nous aurons ainsi fait notre boulot de façon efficace, solidaire et transversale, dans le seul objectif de répondre à l’injustice actuelle.

Ensuite, vous indiquez dans votre amendement, madame la rapporteure, que la réforme doit entrer en vigueur au plus tard le 1er janvier 2024. On ne peut pas en rester là. Vu le contexte, un délai de six mois semblerait préférable – c’est en tout cas la proposition que j’émets au nom du groupe Dem.

Porter un tel amendement de façon transversale, comme cela s’est déjà fait par le passé, serait un acte fort.

M. Paul Christophe. C’est en effet un sujet important pour nombre d’entre nous. Si des avancées importantes, notamment la revalorisation de l’AAH, ont été obtenues au cours des cinq dernières années, il restait cette pierre d’achoppement. Nous avons été nombreux, sur divers bancs, à soutenir la déconjugalisation. Cependant, la rapporteure a raison : une déconjugalisation sèche ne serait pas satisfaisante, parce qu’elle aurait un effet pervers pour 45 000 personnes. Je suis donc d’accord pour retirer notre amendement AS344 et travailler à un amendement collectif en vue de la séance, mais à condition que l’ensemble des groupes soient associés, car c’est une question qui concerne tout le monde. J’appelle aussi votre attention sur le fait que déposer un amendement de manière collégiale dans les délais impartis demandera beaucoup d’agilité. Nous comptons sur vous, madame la rapporteure.

Mme Caroline Janvier. Il est utile, en effet, de rappeler ce qui a été fait au cours des cinq dernières années pour ne pas rester sur une impression d’échec du fait du non-vote de la déconjugalisation.

Nous avons revalorisé de 12 % le montant de l’AAH, le portant de 810 à 910 euros, ce qui est substantiel – cela a d’ailleurs représenté un coût important pour nos finances publiques, mais c’était nécessaire. Nous avons instauré le droit à vie à l’AAH, suivant les préconisations du rapport d’Adrien Taquet, pour 150 000 personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer. Enfin, nous avons réformé le système d’abattement sur les ressources du conjoint de sorte que les bénéficiaires de l’AAH dont le conjoint est rémunéré au SMIC restent allocataires à taux plein.

L’avancée qui nous est proposée répond à une demande légitime et unanime du secteur du handicap. Il est heureux que nous ayons la perspective d’aboutir en séance à un amendement identiquement défendu par tous les groupes et qui puisse concerner l’ensemble des bénéficiaires, y compris les 45 000 personnes pour qui les amendements en discussion auraient un effet négatif.

M. Paul-André Colombani. Avec notre amendement AS355, je veux rappeler le travail acharné de Jeanine Dubié pendant la précédente législature : c’est grâce à elle que la disposition avait été adoptée en première lecture dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Libertés et Territoires. La navette avec le Sénat avait alors permis de combler un angle mort qui faisait des perdants – malheureusement, la majorité avait choisi de ne pas nous suivre. Je suis heureux que tout le monde ait retrouvé la raison et je suis entièrement d’accord pour une coconstruction, ainsi que pour avancer la date d’application au 1er janvier 2023.

M. Stéphane Peu. Dès sa création en 1974 par le secrétaire d’État auprès de Simone Veil qui en était chargé, l’AAH a été conçue comme une allocation d’autonomie. C’est au fil du temps qu’elle est devenue une prestation sociale. En la déconjugalisant, on revient ainsi à sa fonction originelle.

J’avais présenté la proposition dans l’hémicycle à trois reprises avec Jeanine Dubié : je pourrais en dire beaucoup sur les cinq années passées...

Nous soutenons l’idée d’une coconstruction, mais qui permette à chaque groupe de déposer son amendement, même identique aux autres, afin de pouvoir livrer sa propre interprétation dans son exposé sommaire.

Enfin, le délai d’application doit effectivement être beaucoup plus court. On a beaucoup trop traîné, l’attente est immense, les associations sont unanimes : il faut aller vite.

Mme Clémence Guetté. Sans vouloir briser le consensus général – nous soutiendrons évidemment la déconjugalisation de l’AAH, nous avons déposé les amendements AS301 et AS255 en ce sens – je tiens à dire la surprise que nous a inspiré l’épiphanie de Mme Borne dans son discours de politique générale. Pendant cinq ans, alors qu’il y avait déjà urgence, nous avons proposé cette mesure. En mars 2019, vous avez refusé. En décembre 2019, vous avez refusé. En juin 2021, en octobre 2021, en décembre 2021, vous avez refusé ! Je le rappelle, même si cela vous gêne !

Tant mieux si vous vous rangez à notre avis, mais les gens ont déjà trop attendu. Selon une enquête APF France handicap menée auprès de femmes en situation de handicap – celles qui pâtissent le plus de la situation – le revenu de près de 45 % des répondantes est affecté par le dispositif actuel. Ce n’est peut-être pas le dernier sujet sur lequel vous vous rangerez à notre point de vue après coup...

L’inflation s’ajoutant à l’urgence, il faut absolument agir vite. Je suis également d’accord pour que chaque groupe rédige l’amendement à sa manière.

Mme Marie-Charlotte Garin. Nous nous réjouissons de parvenir à un consensus. Par notre amendement AS88, nous sommes favorables à une déconjugalisation effective en 2023 : la dignité n’attend pas et nous sommes déjà en retard. La succession de refus lors du précédent quinquennat a été particulièrement choquante. L’enjeu est l’indépendance économique, principalement des femmes. Si une femme sur trois est victime de violences sexistes et sexuelles au cours de sa vie, ce chiffre est triplé pour les femmes en situation de handicap, et le lien entre cette situation et la dépendance économique est très marqué dans leur cas.

La mesure a été demandée de manière répétée par les associations et par les premières concernées. S’il y a un enseignement à en tirer, c’est une leçon de méthode : on pourrait travailler de manière plus constructive avec les unes et les autres !

Nous sommes donc favorables à une coconstruction ambitieuse. Nous jugerons sur les actes, puisque c’est ainsi que nous serons tous jugés.

M. Jean-Hugues Ratenon. Je défends l’amendement AS255. Ce consensus est bienvenu. Clémence Guetté a eu raison de pointer les manquements successifs à l’exigence de justice sociale. Enfin, nous allons rendre justice à beaucoup de familles. Cette situation touche énormément les femmes, brise des couples, rompt la cohésion sociale et complique souvent la recherche d’un emploi. Elle pose des problèmes de pouvoir d’achat et crée des situations dramatiques dans l’Hexagone, mais aussi dans les outre-mer.

Mme Christine Pires Beaune. Merci de m’accueillir au sein de votre commission.

Je salue le travail accompli pendant les cinq dernières années, en particulier par Jeanine Dubié. À plusieurs reprises au cours du quinquennat, nous – c’est‑à‑dire des députés siégeant sur presque tous les bancs – avons tenté de faire adopter la déconjugalisation, hélas sans succès. Chargée de suivre cette mesure au nom du groupe Socialistes et apparentés dans différentes propositions de loi, j’avais parlé à l’époque de procrastination. Il nous paraissait tellement injuste de laisser toutes les personnes concernées dans cette situation !

Dans son discours de politique générale, la Première ministre s’est dite favorable à la déconjugalisation et a levé le gage. Nous allons enfin faire cesser cette humiliation selon laquelle une personne subissant un handicap doit dépendre des revenus de son conjoint ou de sa conjointe. Le handicap ne se partage pas ! C’est la solidarité nationale qui doit permettre l’autonomie des personnes handicapées, non la solidarité familiale.

Notre amendement AS168, qui vise à corriger cette situation, fait malheureusement, tel qu’il est rédigé, des perdants. Nous suivrons les autres groupes en le retirant et en saisissant la main que vous nous tendez pour rédiger ensemble un amendement qui parvienne au même but sans présenter cet inconvénient. Plus exactement, il faudra un amendement par groupe, identique aux autres mais ayant son exposé sommaire spécifique.

Quant à la date, l’effectivité au 1er janvier 2024 n’est tout simplement pas possible : nous attendons, ils attendent depuis trop longtemps ! Il faut que le Gouvernement nous entende sur ce point.

Enfin, il faudra prévoir la possibilité de changer de système pour tenir compte des événements de la vie et du caractère évolutif des situations.

Mme Sandrine Rousseau. L’amendement AS236 est défendu.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il y a donc consensus sur les points suivants : un amendement par groupe, une date d’entrée en vigueur en 2023, ne pas faire de perdants.

Mme la rapporteure. Merci à tous de vous joindre à cette démarche collective. L’objectif est bien de s’accorder sur le texte de l’amendement tout en permettant à chacun de défendre ses propres positions dans l’exposé sommaire. Je suis également tout à fait d’accord pour avancer la date d’entrée en vigueur.

Les amendements sont retirés.

M. Aurélien Pradié. Je souhaite exprimer la position du groupe Les Républicains sur le sujet.

Le moment que nous vivons est important pour notre fonctionnement démocratique et pour la vie du Parlement. Depuis plus de cinq ans, les uns et les autres bataillent – ou prêchent dans le désert ; et alors que nous avons parfois eu le sentiment que nous n’y arriverions pas, nous sommes en passe de réussir. Le fait que nous soyons désormais tous d’accord montre que la répétition des débats est utile, dans une démocratie parlementaire.

Une autre bonne nouvelle est que la vie de plus de 270 000 de nos concitoyens va changer. De tels changements sont la raison première pour laquelle nous faisons de la politique et sommes députés.

Nous soutiendrons la méthode consistant à déposer des amendements identiques aux exposés sommaires différents, car nous avons chacun nos histoires politiques, nos combats, notre façon de les mener ; il serait absurde et insultant d’effacer les débats que nous avons eus ces cinq dernières années et dont l’âpreté nous a permis d’aboutir.

La mesure doit être appliquée le plus rapidement possible : pas question de traîner davantage.

Le traitement des perdants n’est pas un détail. Près de 50 000 de nos concitoyens sont concernés, plus peut-être demain. Mais de toute façon, une mesure de justice ne saurait créer une nouvelle injustice.

Enfin, il serait utile que nous adoptions la mesure dans une version déjà travaillée par le Sénat, qui avait étudié le sujet de près ; ainsi, la navette ne prendra pas trop de temps. En effet, nous voulons tous que cette mesure vivement attendue entre en vigueur au plus tôt.

Un dernier mot : en l’occurrence, une matière très technique, ne concernant pas un si grand nombre de nos concitoyens, a beaucoup marqué les débats politiques au cours du quinquennat passé. C’est une leçon : il n’y a pas de petit sujet technique, il y a des sujets qui révèlent une vision de la société – ici, de la solidarité, de l’autonomie et de la dignité.

Amendement AS234 de M. Paul-André Colombani.

M. Paul-André Colombani. En Corse, le taux de pauvreté des retraités est plus élevé de 9 points qu’en France métropolitaine et la part des retraités percevant le minimum vieillesse y était de 8,6 % en 2018, contre 3,3 % au niveau national. Cet état de fait explique que le taux de personnes retraitées dans les dossiers de surendettement soit de 22,4 % en Corse, contre 16,2 % en France métropolitaine.

Aussi demandons-nous un rapport évaluant l’opportunité de tenir compte de cette exposition particulière des retraités corses aux difficultés financières en majorant pour eux l’augmentation des retraites afin de la porter à 10 %, conformément à ce qu’a demandé le président de l’Assemblée de Corse.

Mme la rapporteure. Vous avez raison, mais compte tenu de la portée de votre questionnement, je vous propose de retirer votre amendement pour interpeller le Gouvernement en séance à ce sujet.

M. Paul-André Colombani. Malheureusement, ce ne serait pas la première fois : j’ai déjà interpelé le Gouvernement au moins deux fois par des questions orales au cours de la précédente législature, et cette demande de rapport est le seul moyen qui nous reste, tous nos autres amendements ayant été jugés irrecevables.

Des discussions vont s’ouvrir avec le Gouvernement, qui devraient aboutir à l’évolution du statut institutionnel de la Corse afin de mieux tenir compte de ses spécificités, mais il y a urgence : on ne peut attendre une hypothétique réforme constitutionnelle dans les années qui viennent. J’ai besoin de ce rapport, comme de celui que j’ai demandé sur la constitution du prix de l’essence. Les outils sont sur la table, mais on n’avance pas ! Il me faut des réponses concrètes, sur ces deux points.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS334 de M. Benjamin Lucas.

Mme Sandrine Rousseau. Il s’agit de demander un rapport sur l’extension du revenu de solidarité active (RSA) aux jeunes dès l’âge de 18 ans. En effet, les jeunes de 18 à 25 ans jouissent des droits civiques, mais pas des droits sociaux.

Mme la rapporteure. Demande de retrait, car il existe déjà plusieurs rapports sur le sujet, dont celui de M. Ruffin.

M. Adrien Quatennens. Je soutiens l’amendement. J’ai entendu un de nos collègues s’exclamer : « Mon Dieu, mon Dieu, le RSA à 18 ans ! » On devrait plutôt dire : « Mon Dieu, mon Dieu, des jeunes de 18 ans qui font la queue pour chercher à manger ! » Personne ici ne dit ni ne dira jamais que le RSA est la panacée. Mais la précarité absolue de la jeunesse que nous avons observée récemment, et qui perdure, doit être soulagée. Pour cela, le RSA serait un minimum. Nous avions déposé un amendement créant une allocation d’autonomie jeunesse pour qu’aucun jeune indépendant du foyer fiscal de ses parents ne vive sous le seuil de pauvreté, mais il a été déclaré irrecevable. Il nous semble essentiel que cette question soit traitée, surtout dans un texte sur la protection du pouvoir d’achat.

Mme Christine Le Nabour. Nous n’allons pas relancer un débat que nous avons déjà eu et que nous aurons certainement à nouveau. Je ne sais pas sur quelles bases scientifiques vous fondez vos dires, mais votre amendement est mal rédigé : le RSA jeune existe déjà pour trois catégories de jeunes, ceux qui ont travaillé deux ans au cours des trois ans écoulés, et ceux qui sont parents ou en passe de l’être.

Il faudra surtout suivre de près la mise en œuvre par les missions locales et Pôle emploi du contrat d’engagement jeune lancé le 1er mars et s’assurer de sa plus-value pour l’insertion sociale et professionnelle de nos jeunes.

Mme Sandrine Rousseau. Alors le RSA dissuaderait les jeunes d’aller chercher du travail ?

Mme Christine Le Nabour. Je n’ai pas dit ça !

Mme Sandrine Rousseau. Si, vous dites qu’il faudra regarder l’impact du RSA sur la capacité d’insertion des jeunes !

Mme Christine Le Nabour. Je parlais du contrat d’engagement jeune !

Mme Sandrine Rousseau. Les jeunes ont été les premières victimes de la crise du covid, notamment du fait de la disparition des emplois saisonniers, puisque, contrairement à ce que vous pensez, un tiers d’entre eux travaille régulièrement pour pouvoir financer ses études. Il s’agit d’empêcher qu’ils ne tombent dès 18 ans dans des trappes à pauvreté et de les soutenir dès l’âge où ils devraient bénéficier des droits sociaux puisqu’ils sont majeurs.

Mme Christine Le Nabour. Vous regarderez mon intervention et vous verrez que vous avez tort.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS338 de M. Benjamin Lucas

Mme Sandrine Rousseau. C’est une demande de rapport sur le revenu universel – proposition des écologistes depuis bien longtemps – et ses effets sur le pouvoir d’achat.

Mme la rapporteure. Sur ce sujet aussi, il existe de récents travaux, notamment ceux commandés par le Gouvernement au Conseil d’État sur les modalités concrètes de rapprochement des bases ressources des aides sociales.

Demande de retrait.

Mme Sandrine Rousseau. Le rapprochement des bases ressources des aides sociales n’est pas le revenu universel. Je maintiens l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS350 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul. Les jeunes et les étudiants sont complètement absents du texte, pourtant censé traiter du pouvoir d’achat de l’ensemble de nos concitoyens. En outre, le Gouvernement a annoncé une sous-indexation des bourses étudiantes, puisque leur revalorisation sera de 4 % alors que l’inflation doit dépasser 5,2 % à la fin de l’année. Nous aimerions donc bien savoir comment les étudiants vont faire pour vivre.

Nous demandons par conséquent un rapport pour faire toute la lumière sur les pertes réelles de pouvoir d’achat subies par les étudiants boursiers.

Mme la rapporteure. Je ne peux pas vous laisser dire que les bourses sont sous‑indexées par rapport à l’inflation. Non seulement elles font partie du paquet de revalorisations, d’où les 4 % qui ont été évoqués, mais en outre, depuis 2019, le Gouvernement a revalorisé de 3,3 % les bourses sur critères sociaux, ce qui est supérieur à l’inflation sur la période, et les a même revalorisées du double de l’inflation au cours de l’année universitaire 2021-2022.

Avis défavorable.

M. Arthur Delaporte. Il ne vous a peut-être pas échappé que, selon une enquête de La Mutuelle des étudiants parue cette semaine, 70 % des étudiants sont en situation de précarité psychique, ce qui s’explique largement par des conditions de vie elles-mêmes très précaires. La pauvreté chez les jeunes est une réalité qu’il faut regarder en face. Ce n’est pas parce que vous revalorisez les prestations à un niveau inférieur à l’inflation, contrairement à ce que vous dites – que vous remédiez à la précarité de la jeunesse, à laquelle il serait bon que notre commission s’intéresse. Cette demande de rapport est de bon sens.

La commission rejette l’amendement.

Article 20 : Extension du mécanisme d’indexation gazole à l’ensemble des produits énergétiques

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels AS419, AS421 et AS420 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 20 modifié.

Titre

Amendement AS139 de Mme Christine Pires Beaune

M. Gérard Leseul. Dès lors que le projet de loi ne traite pas complètement du pouvoir d’achat ni de la revalorisation des salaires, mais aborde l’approvisionnement énergétique – nous avons adopté les amendements de la commission des affaires économiques à ce sujet – nous proposons de substituer, dans le titre, aux mots « protection du pouvoir d’achat » les mots « sécurisation de notre approvisionnement énergétique et diverses mesures d’ordre économique ». Ce sera plus conforme à ce qu’est – malheureusement – le texte.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Enfin, la commission adopte l’ensemble du projet de loi modifié.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter le projet de loi figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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   Travaux de la commission des affaires économiques

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15 heures

Au cours de sa première réunion du lundi 11 juillet 2022, la commission des affaires économiques a procédé à l’examen pour avis (avec délégation au fond) des articles 6 à 19 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mmes Sandra Marsaud et Maud Bregeon, rapporteures pour avis) ([303]).

M. le président Guillaume Kasbarian. L’examen du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, premier texte de la législature soumis à notre commission, s’effectue selon des modalités de calendrier et des procédures sur lesquelles il importe que je revienne un instant, car elles sont un peu complexes.

Tout d’abord, comme vous tous ici, je regrette la grande brièveté des délais qui nous ont été accordés entre le dépôt du projet de loi, jeudi dans la soirée, et l’examen du texte en commission, ce lundi. Sachez qu’à chaque fois que j’en ai l’occasion, j’indique aux responsables du pouvoir exécutif que nous attendons des délais un peu plus généreux.

Toutefois, le texte fait l’objet de grandes attentes de la part des Français et des Françaises et un report de son examen, même de quelques jours, pourrait conduire, du fait de la navette parlementaire, à reporter son adoption définitive à la mi-août, période à laquelle il n’est pas certain que tous les protestataires viendront siéger en commission…

Je constate que nos rapporteures pour avis, Mme Sandra Marsaud et Mme Maud Bregeon, ont pu organiser dans des délais record des auditions qui ont occupé toute la journée de vendredi, et je rappelle que le bureau avait décidé de repousser le délai de dépôt des amendements de quarante-huit heures par rapport au délai réglementaire.

Mais encore une fois, j’en conviens, les conditions d’examen de ce texte ne sont pas celles que nous sommes en droit d’attendre.

Venons-en à l’aspect procédural, qui n’est pas le plus simple à appréhender.

Premier point : le projet de loi a été renvoyé à la commission des affaires sociales. C’est donc elle qui aura à se prononcer, au bout du compte, sur tous les articles du texte et, à la fin de l’examen, sur l’ensemble du texte. C’est elle également qui établira le texte adopté par la commission, lequel servira de base pour le dépôt des amendements en séance publique.

Deuxième point : la présidente de la commission des affaires sociales, Mme Fadila Khattabi, a estimé que plusieurs articles du projet de loi relevaient directement de la compétence de notre commission. Par un courrier du 8 juillet, elle a donc, selon les termes employés par l’article 87, alinéa 2, de notre Règlement, sollicité l’avis de la commission des affaires économiques sur les articles 6 à 19.

En clair, cela signifie que ces quatorze articles nous sont délégués au fond, procédure prévue explicitement depuis la réforme du Règlement de 2019 et qui emporte plusieurs conséquences.

Premièrement, la discussion des amendements portant directement sur ces articles délégués ou des amendements portant article additionnel à ces articles ne peut se faire que devant notre commission. Les amendements qui ont été déposés sur ces articles auprès de la commission des affaires sociales ont donc été déclarés irrecevables. De même, les amendements déposés auprès de notre commission sur des articles non délégués ont été frappés d’irrecevabilité. Toutes ces règles avaient été rappelées par moi-même lors de notre réunion de jeudi matin et figuraient dans un courrier adressé à chaque responsable de groupe, ainsi que sur la convocation à la réunion.

Deuxièmement, même si nous parlons d’une délégation au fond, juridiquement, cette saisine demeure une saisine pour avis. La particularité de la « sollicitation d’un avis », et ce qui constitue tout l’intérêt de cette procédure, réside toutefois en ce que la commission des affaires sociales s’engage à reprendre les amendements adoptés par la commission des affaires économiques. Mais nos rapporteures pour avis devront se rendre devant la commission des affaires sociales pour lui soumettre les amendements que nous aurons adoptés – et ceux-là seulement. Cela implique donc que nos travaux précèdent ceux de la commission des affaires sociales.

Troisième point : pour simplifier encore les choses, la commission des finances s’est saisie pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19. Il s’agit, cette fois, d’un avis simple, sans délégation au fond, mais vous aurez noté que plusieurs de ces articles – les articles 6 et 15 à 19 – relèvent de notre propre délégation au fond. Le rapporteur pour avis de la commission des finances, M. Louis Margueritte, est donc tenu de venir nous soumettre les amendements qui seront adoptés par la commission des finances sur ces articles, afin que, si notre commission les adopte à son tour, ils puissent être soumis à la commission des affaires sociales.

En résumé et pour le dire simplement, le calendrier est très contraint.

Mme Aurélie Trouvé et M. Sébastien Jumel m’ont fait savoir, vendredi, qu’ils préféreraient que la commission ne se réunisse pas pendant que la motion de censure sera discutée en séance publique. Il est ressorti de la consultation organisée à ce sujet par mes soins que la plupart des membres du bureau appartenant à la majorité, ainsi que les membres des groupes Les Républicains et Rassemblement national, préféraient débuter l’examen du texte cet après-midi.

Rien dans le Règlement ne s’oppose à ce que la commission siège pendant la défense d’une motion de censure. Bien évidemment, je suspendrai nos travaux lorsque le scrutin sur cette motion sera engagé, étant entendu que seuls les députés favorables à la censure vont voter dans le cadre de cette procédure.

Autre particularité de ce projet de loi, le Gouvernement a choisi de ne pas être présent en commission durant l’examen des articles, que ce soit en commission des affaires économiques, en commission des finances ou en commission des affaires sociales. C’est son droit, en vertu de l’article 45 du Règlement. Les orateurs des groupes pourront s’exprimer et interroger le Gouvernement lors de la réunion de ce soir, consacrée à l’audition, conjointe avec la commission des affaires sociales, de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, de Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée des PME, du commerce, de l’artisanat et du tourisme.

La commission des affaires économiques poursuivra l’examen des articles demain, mardi, après les questions au Gouvernement et le soir, et continuera, si nécessaire, mercredi.

Mais je n’en ai pas encore tout à fait fini avec la procédure.

Plusieurs amendements ont été déclarés irrecevables, pour différentes raisons. Quatorze d’entre eux se rattachaient à des articles ne relevant pas, à l’évidence, du champ de notre saisine, mais soumis à la commission des affaires sociales. Nous avions pourtant attiré votre attention sur ce risque. Sept ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution, comme constituant une charge ou une baisse de recettes non gagée – je dois préciser que le président de la commission des finances, saisi pour donner son avis, ne m’a pas transmis sa réponse ; nous avons donc appliqué souverainement l’article 40. Cent six amendements, enfin, constituaient des « cavaliers législatifs » en vertu de l’article 45 de la Constitution.

Il me faut rappeler que l’article 45 dispose que « tout amendement est recevable en première lecture dès lors qu’il présente un lien, même indirect, avec le texte déposé ou transmis ». L’article 98, alinéa 6, de notre Règlement reprend cette même formulation, qui a en outre été explicitée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel depuis sa première décision en la matière, le 13 décembre 1985.

Pour procéder à son contrôle, le Conseil constitutionnel se réfère au contenu du texte déposé. L’amendement doit pouvoir se rattacher à un article précis de celui-ci, pas à son titre ni à l’exposé des motifs ou à l’intitulé des chapitres : ces éléments ne viennent que conforter le contenu sans être décisifs pour son appréciation.

Depuis sa décision du 20 décembre 2019 sur la loi d’orientation des mobilités, le Conseil constitutionnel a formalisé son raisonnement traditionnel en précisant, pour chacun des articles censurés comme cavaliers législatifs, en quoi ils ne se rattachaient pas à une disposition identifiée du projet de loi initial.

En clair, même si l’intitulé du texte mentionne « la protection du pouvoir d’achat », ce n’était pas une justification pour déclarer recevable tout amendement présenté par ses auteurs comme visant cet objectif : encore fallait-il que les amendements aient un lien avec un article du texte et que cet article figure bien dans le champ de notre saisine.

Certains amendements déclarés irrecevables par la commission des affaires économiques seront donc discutés, mais devant la commission des affaires sociales, s’ils ont effectivement été déposés auprès de cette commission. Je pense, par exemple, aux amendements sur la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés.

D’autres amendements, en particulier fiscaux, n’avaient manifestement aucun lien avec un article du projet de loi. Mais la discussion de tels amendements trouvera sa place dans l’examen du projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022 par la commission des finances, cette semaine même. C’est aussi dans ce cadre que vous pourrez évoquer les tarifs réglementés du gaz, qui font l’objet de l’article 12 de ce projet de loi de finances rectificative.

S’agissant des amendements sur la protection du consommateur, j’ai retenu ceux visant à lutter contre des pratiques déjà illégales, mais j’ai écarté ceux tendant à encadrer des pratiques licites, notamment en matière de frais bancaires ou de démarchage téléphonique. Les députés Les Républicains en ont déposé un certain nombre à ce sujet.

Enfin, en matière d’énergie, les articles dont nous sommes saisis portent sur la sécurité d’approvisionnement en gaz et en électricité, ainsi que sur l’accès régulé à l’électricité nucléaire. Les autres problématiques, comme la rénovation énergétique, par exemple, ne pouvaient pas être retenues.

Je termine en vous indiquant que le Conseil constitutionnel censure d’office les cavaliers législatifs, sans même que les auteurs d’une saisine les contestent. Dès lors, si le président d’une commission permanente, en commission, ou le Président de l’Assemblée, en séance publique, n’exerce pas un contrôle étroit de la règle constitutionnelle, le risque est élevé que de nombreuses dispositions soient censurées par le Conseil. Ainsi, vingt-trois articles de la loi EGALIM 1 sur un total de quatre-vingt-dix-huit, soit un quart du texte définitif, avaient été déclarés contraires à la Constitution. J’aurais pu citer aussi l’exemple de la loi ASAP, dont j’étais rapporteur.

Au bout du compte, il nous reste 123 amendements à examiner.

M. Sébastien Jumel. Après cette longue intervention, ma grand-mère aurait dit : « Ni vu ni connu, j’t’embrouille ! » On n’y comprend rien ! Je croyais qu’une nouvelle ère s’était ouverte, de respect du Parlement, de ses prérogatives et de ses compétences, et que l’exécutif avait l’ardente volonté de veiller à la coélaboration dans l’examen des textes, dans une recherche de compromis. Tout ça, c’était du baratin ; nous nous faisions d’ailleurs peu d’illusions à ce sujet.

Vous réunissez notre commission bien que les députés de plein exercice que nous sommes – non des « protestataires », mais des commissaires, dont des membres de la commission des finances – regrettent que vous le fassiez au moment même où une motion de censure, qui n’est pas un petit sujet, est examinée en séance. Un autre regret vient des délais restreints, pour rester poli, ou plutôt de l’absence de délai permettant d’amender le texte. L’Amour du risque, c’était le titre d’un feuilleton des années 1980 : nous regrettons aussi que vous fassiez le boulot du Conseil constitutionnel avant même qu’il puisse s’exprimer.

Le Gouvernement, lui, ne s’est pas privé de faire figurer dans le texte nombre d’articles non liés au pouvoir d’achat, quand ils ne sont pas de nature à dégrader celui-ci, alors que tous les amendements auxquels nous avons réfléchi, que nous avons minutieusement préparés, non pour protester ni pour bloquer, mais pour prendre en compte ce que les gens nous disent – que, dès le début du mois, ils n’arrivent pas à remplir le frigo, et qu’en fin de mois ils ne peuvent pas assumer les dépenses –, ceux-là ont été jetés à la trappe au nom d’un examen très restrictif et dogmatique de l’article 45.

Bref, la coélaboration n’existe pas, la possibilité pour le Parlement d’améliorer ou d’enrichir le texte se heurte au mur de l’irrecevabilité et les délais imposés sont une première marque de mépris à l’égard des parlementaires. Je m’en serais voulu de commencer cette réunion inaugurale sans le dénoncer.

Vous avez fait part de vos propres regrets, monsieur le président, mais on mesurera l’autorité du président à sa capacité de se faire respecter par l’exécutif. Vous êtes le président de tous les commissaires, dans leur diversité politique, qu’ils soient de la majorité ou de l’opposition. Je souhaite que vous gagniez en autorité pour faire respecter le Parlement, notamment notre commission, en matière de délais d’examen des textes.

Mme Aurélie Trouvé. Je souscris tout à fait aux propos de Sébastien Jumel ; nous avons fait un courrier en ce sens au nom de tous les députés de la NUPES membres de cette commission.

Alors que nous sommes saisis avec délégation au fond d’articles dont certains concernent étroitement les questions écologiques – les centrales à gaz, le projet de terminal méthanier, un autre terminal flottant – et impliquent d’importantes répercussions, je m’étonne beaucoup que les organisations environnementales n’aient pas été auditionnées. Nous vous l’avons fait savoir dans notre lettre, nous aurions aimé que ce soit le cas de Réseau action climat (RAC), de WWF et de bien d’autres. Leur expertise et leur avis auraient été utiles.

Mme Sophia Chikirou. En ce qui concerne l’irrecevabilité des amendements que nous avons déposés, vous avez évoqué un précédent de 20 % à 25 % d’amendements jugés irrecevables, mais, ici, vous en avez jugé 106 irrecevables, pour 123 en discussion : n’y a-t-il pas là un petit excès de vigilance de votre part ? Nous, commissaires, sommes capables d’évaluer la constitutionnalité de nos amendements.

Pour ma part, deux amendements que j’ai déposés ont été jugés irrecevables alors qu’ils portent exactement sur la question du pouvoir d’achat des Français : ils proposaient de bloquer le prix de l’abonnement au gaz. Si cela n’a aucun rapport avec le projet de loi, monsieur le président, je ne sais pas ce que vous y voyez !

Je crains que l’on ne débute la législature par une sorte d’excès de pouvoir, arbitraire – le vôtre, celui que vous donne ici le Règlement. J’appelle tous mes collègues membres de la commission à être vigilants vis-à-vis de cette pratique et je vous demande un peu plus de souplesse dans votre jugement et d’explications. En ce qui concerne mes deux amendements, je ne comprends pas votre décision ; et au total, avec 106 irrecevables pour 123 en discussion, vous exagérez !

M. Charles Fournier. Même protestation quant à l’irrecevabilité de plusieurs de nos amendements. On pourrait tout aussi bien douter du lien direct qu’entretient avec le pouvoir d’achat le fait de ne pas respecter le code de l’environnement pour accélérer l’installation d’un terminal méthanier, et considérer cette disposition comme un cavalier. Estimer que la sobriété énergétique, à propos de laquelle nous avions déposé toute une série d’amendements, ne fait pas partie de la souveraineté énergétique est une vraie interprétation politique alors que l’équilibre en matière d’énergie est atteint à la fois par la sobriété et par l’accès à l’approvisionnement ainsi que par la production d’énergie renouvelable. Il est très regrettable que tous ces amendements aient été écartés.

M. Nicolas Meizonnet. Je souscris à la majorité des arguments avancés à propos du nombre d’amendements écartés. Ce texte se voulait un grand projet de loi pour le pouvoir d’achat des Français, très attendu et indispensable compte tenu de la situation. L’ensemble des groupes ont été raisonnables quant au nombre d’amendements déposés, sans volonté d’obstruction. Pourtant, la discussion du texte va être très limitée. Il semble aberrant, et incompréhensible pour les Français qui nous regardent, que nos principales propositions – baisse de la TVA sur toutes les sources d’énergie, suppression de la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité, deux mesures liées au pouvoir d’achat, qu’on le veuille ou non – ne puissent être discutées. Nous regrettons ce rejet massif d’amendements.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Jumel, en ce qui concerne les délais, je vous ai dit que je partageais votre point de vue, je l’ai fait remonter, je l’ai exprimé en réunion de bureau ; j’espère être entendu. Je peux monter en autorité avec le temps, ne vous inquiétez pas ; j’espère ne pas vous décevoir, mais je suis sûr que j’arriverai à vous convaincre.

En ce qui concerne les « cavaliers législatifs », le Gouvernement met ce qu’il veut dans le projet de loi au dépôt ; vous n’êtes pas obligés d’être d’accord avec lui ni de voter ses articles, mais c’est ainsi. En revanche, le Gouvernement est lui-même soumis à la censure qui frappe les amendements au titre de l’article 45 : s’il venait à présenter des amendements sans lien avec le projet de loi, il subirait exactement la même règle que vous tous. J’applique la même règle à tout le monde, sans distinction de groupe politique ni de personne. J’analyse chaque amendement, je regarde s’il a un lien direct ou indirect avec le texte, j’essaye de l’y raccrocher et le moindre doute bénéficie à l’auteur de l’amendement. C’est ainsi que j’ai repêché un amendement LR portant sur les pratiques illicites de démarchage téléphonique abusif, puisqu’elles étaient déjà illicites.

Je ne vous garantis d’ailleurs absolument pas que les amendements en question passeront in fine. Madame Chikirou, les 25 % des articles d’EGALIM jugés non conformes à la Constitution, c’était après l’ensemble du processus législatif et malgré le filtrage consciencieux des cavaliers par mon prédécesseur en commission, puis avant la séance. Quant à la loi ASAP, soixante députés de gauche avaient saisi le Conseil constitutionnel de 144 articles et plus d’une vingtaine avaient été censurés comme étant des cavaliers, ce dont les auteurs de la saisine s’étaient félicités, de manière un peu paradoxale – on dépose des cavaliers, on fait un recours devant le Conseil constitutionnel, puis on applaudit la censure de toute une partie du texte… Choisissons nos combats !

Je peux vous assurer que j’essaie d’adopter une attitude absolument neutre vis-à-vis des membres de la commission et que j’applique strictement la Constitution, en accordant toujours le bénéfice du doute, je le répète, à l’auteur de l’amendement. Je note votre frustration ; je vous invite à coller au plus près aux articles ; je vous garantis que, lorsque j’ai un doute, j’essaye de récupérer l’amendement.

En ce qui concerne la TVA, monsieur Meizonnet, pour information, le président de la commission des finances a lui aussi jugé qu’il fallait les renvoyer au PLFR. Deux présidents qui n’ont pas la même sensibilité politique et ne sont pas d’accord sur tout – c’est un euphémisme – s’accordent donc à dire que les articles liés à la TVA ne relèvent pas du texte sur le pouvoir d’achat, mais du PLFR ; nous arrivons donc à être justes indépendamment de nos positions politiques personnelles. Je vous invite à déposer vos amendements dans le cadre du PLFR et du futur projet de loi de finances.

Madame Trouvé, s’agissant des auditions, je sais que les rapporteures pour avis en ont organisé le maximum dans le temps qui leur était imparti. Quand vous êtes sollicitée par des organisations, il vous appartient d’y répondre par des entretiens et des contacts complémentaires. Je ne doute pas que vous l’ayez fait ; nous avons tous été saisis par différentes organisations, cela fait partie de la vie parlementaire.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Merci de m’avoir chargée d’être rapporteure pour avis des articles 6 à 9.

Le Gouvernement n’ayant déposé le projet de loi sur le bureau de notre assemblée qu’à l’issue du conseil des ministres tenu jeudi dernier, nous n’avons pu faire qu’une seule journée d’auditions, le vendredi, qui a cependant été très riche. Je remercie les collègues qui se sont joints à moi.

En raison des délais contraints, tous les acteurs n’ont pu se rendre disponibles. Nous avons tout de même pu auditionner, sur la consommation, France assureurs, la Mutualité française, l’UFC-Que choisir et la confédération Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) ainsi que les directions concernées, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) et le Trésor ; sur le logement, la CLCV, la Confédération nationale du logement, l’Association Force ouvrière consommateurs, l’Union nationale des propriétaires immobiliers, la Fédération des offices HLM, la Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) et l’Union nationale des syndicats immobiliers (UNIS).

Je remercie vivement tous ces intervenants d’avoir pu se rendre disponibles littéralement du jour au lendemain. Ces auditions et les échanges avec mes collègues m’ont beaucoup aidée à mieux comprendre les dispositions du texte et à creuser certaines d’entre elles.

Je parlerai plus longuement du fond et de l’orientation politique du texte lors de l’audition des ministres qui aura lieu ce soir. Je m’en tiens pour l’instant à un bref résumé des dispositions et des propositions d’évolution que je vous soumettrai.

L’article 6 comporte deux mesures principales.

Premièrement, afin de prendre en compte le niveau élevé d’inflation déjà constaté et de limiter les hausses excessives de dépenses de logement pour les locataires, il propose d’indexer par anticipation les aides personnelles au logement (APL) versées à compter du 1er juillet 2022, sans attendre le 1er octobre comme le prévoit le droit existant. Le taux de revalorisation anticipée est fixé à 3,5 %, soit un niveau proche de l’évolution de l’indice de référence des loyers (IRL) attendue au deuxième trimestre 2022.

Deuxièmement, il propose le plafonnement de la variation de l’IRL sur une durée d’un an, de juillet 2022 à juin 2023, afin de limiter l’impact de la forte inflation sur les hausses de loyer et de rendre prévisibles les dépenses que les ménages consacrent au logement.

L’article 7 vise à simplifier les démarches des consommateurs désireux de résilier un contrat. À cet effet, il comporte deux mesures. En premier lieu, il affirme le principe selon lequel tout contrat souscrit par voie électronique peut être résilié suivant la même modalité. En second lieu, il fait obligation aux professionnels de mettre à la disposition des consommateurs une fonctionnalité susceptible de leur permettre d’accomplir à distance les formalités nécessaires à la rupture du contrat. En l’occurrence, l’article s’inspire du dispositif de bouton « Résiliation » développé en Allemagne sur le fondement d’une loi de 2021.

L’article 8 propose l’application des mêmes règles et d’un dispositif similaire pour les contrats d’assurance souscrits par voie électronique auprès des assureurs, des mutuelles et des instituts de prévoyance. Le projet de loi prévoit que ces deux articles entrent en vigueur à une date fixée par décret et, en tout cas, avant le 1er février 2023.

L’article 9 vise deux objectifs. En premier lieu, il tend à alourdir les sanctions pénales encourues pour pratiques commerciales déloyales, c’est‑à‑dire trompeuses ou agressives. À cette fin, il relève le quantum des peines au titre de deux circonstances aggravantes, en particulier les pratiques en bande organisée. En second lieu, il est proposé, sur le fondement de l’article 38 de la Constitution, d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin d’alléger les procédures d’enquête et les procédures administratives de la DGCCRF. Il s’agit enfin d’accroître la portée dissuasive de ces actions, suivant le principe du name and shame.

Vous le voyez, le projet de loi mobilise une grande diversité de leviers d’action afin de préserver le pouvoir d’achat et de limiter le pic d’inflation que connaît le pays. Comme vous, je peux regretter que le cadre imparti à sa discussion ne permette pas de mener tous les débats voulus. Néanmoins, j’espère que, dans un esprit constructif, nous saurons répondre aux attentes de nos concitoyens en assurant l’efficacité des mesures d’intérêt public que le projet comporte.

M. le président Guillaume Kasbarian. Aucun amendement à l’article 6 n’ayant été adopté en commission des finances, je lève la réserve sur cet article, par l’examen duquel nous commençons donc sans attendre.

Article 6 (art. L. 353-9-2, L. 353-9-3, L. 442-1, L. 445-3, L. 445-3-1 et L. 823-4 du code de la construction et de l’habitation, art. L. 411-11 du code rural et de la pêche maritime, art. 7 de la loi n° 84-595 du 12 juillet 1984 et art. 17-1 et 17-2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989) : Définition d’un plafond temporaire d’IRL à 3,5 % et révision anticipée des paramètres de dépenses des APL

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE218, CE219 et CE217 de Mme Sandra Marsaud.

Amendement rédactionnel CE220 de Mme Sandra Marsaud.

M. William Martinet. Au sujet de la revalorisation des APL, une fausse information circule, qui tend à faire croire aux allocataires que leurs allocations seront revalorisées de 3,5 %. Ce n’est pas ce qui va se passer ! Il s’agit d’une revalorisation des barèmes, en conséquence de laquelle aucun allocataire ne bénéficiera d’une augmentation de 3,5 % de son allocation : un certain nombre la verra augmenter d’une proportion proche de ce taux, tandis que, pour d’autres, la hausse sera nulle ou négligeable, de moins de 1 euro. Je pense notamment aux allocataires du parc social – nous avons échangé avec les bailleurs sociaux lors de l’audition de vendredi dernier – qui touchent les APL : pour 40 % d’entre eux, il n’y aura aucune augmentation. Soyons très clairs sur ce point.

Quand la majorité a voulu baisser les APL de 5 euros en 2017, c’est bien l’ensemble des allocataires sans exception qui a subi cette réduction. Dans le cas de la revalorisation de 3,5 %, non seulement le montant est insuffisant – c’est un autre sujet – mais, en pratique, un grand nombre d’allocataires n’en bénéficiera absolument pas.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Comme vous, lorsque la Fédération des offices publics de l’habitat a fait cette annonce, j’ai été choquée. J’ai cherché à mieux comprendre et je suis heureuse de vous dire qu’en définitive, il ne s’agit pas vraiment de cela. Il fallait creuser le sujet pour le savoir – je ne dis pas que vous ne l’avez pas fait, seulement que nous n’en avions pas le temps ; je pense que nous allons pouvoir nous entendre à ce sujet, et j’espère pouvoir vous apporter des réponses.

Il faut distinguer en la matière ce qui est prévu par la loi de ce qui est fixé de manière réglementaire, par décret. Parmi les intervenants que nous avions conviés et qui n’ont pas pu venir, l’Union sociale pour l’habitat (USH) nous a confirmé qu’une partie de ce qui pourrait être revalorisé par décret n’était pas comprise dans ses projections. Je ne jouerai pas à la grande spécialiste, je vous dirai simplement ce que j’ai appris pendant le week-end. Les aides personnelles au logement dépendent d’un certain nombre de paramètres qui se divisent en deux catégories : d’une part, ce qui est lié à la dépense de logement de l’allocataire ; d’autre part, les paramètres de ressources. La première catégorie relève du texte de loi, la seconde du décret. Dans la partie ressources figurent ce que l’on appelle le R0, lié à la prise en compte des revenus, ainsi que d’autres paramètres. Au total, les APL vont être nettement augmentées, non pas d’environ 1 euro comme nous l’avions craint avec la Fédération des offices publics de l’habitat, mais de bien plus.

L’étude d’impact, que je n’avais pas eu le temps de lire lorsque nous avons eu ces échanges vendredi, inclut, aux pages 106 et 107, des tableaux présentant l’impact positif de la mesure sur différents types de foyers – couples, personnes isolées, avec ou sans enfants – selon leur situation géographique. Cela m’a rassurée : on peut considérer que ce n’est pas suffisant – peut-être les débats vont-ils le mettre en évidence –, mais le montant de la revalorisation peut aller jusqu’à plus de 20 euros.

Loin de moi l’envie de vous tromper. Je suis députée comme vous, nous avons fait les auditions ensemble. Simplement, étant rapporteure pour avis, j’ai passé quelques coups de fil et je suis plutôt agréablement surprise de ce résultat et des confirmations que j’ai pu en obtenir.

La commission adopte l’amendement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je donne la parole au rapporteur pour avis de la commission des finances, qui vient d’arriver.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. La commission des finances, saisie pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19, a examiné, pour le moment, l’article 6 uniquement ; elle examinera les autres ce soir à vingt et une heures. Cet article a fait l’objet d’un avis favorable.

Trois amendements avaient été déposés. Les deux premiers, qui visaient à limiter respectivement à 1 % et à 0 % l’augmentation de l’IRL, ont été rejetés. Le troisième, de Charles de Courson, visait à prévoir des spécificités en matière de logement, touchant notamment les territoires d’outre-mer ; son auteur l’a retiré au profit d’un travail que nous allons mener conjointement pour voir s’il est possible de donner au préfet la capacité de fixer plus précisément l’augmentation permise dans ces territoires.

Amendements CE173 de Mme Soumya Bourouaha et CE133 de M. Thibault Bazin (discussion commune)

M. Sébastien Jumel. « On va s’entendre », dites-vous, madame la rapporteure pour avis ; on verra. Retenez tout de même que, tout laïque que je sois, je suis comme saint Thomas, je ne crois que ce que je vois ; et je ne considère pas ce que dit le Gouvernement comme parole d’Évangile, surtout lorsqu’il s’agit d’APL. Pourquoi ? Parce que vous avez un passif !

Dès 2017, vous avez pris des mesures visant à dégrader considérablement le niveau des APL qui viennent au secours des plus modestes. Un couple explose et une famille monoparentale se retrouve à devoir assumer le loyer ; une famille précaire subit une chute brutale de son revenu qui rend la pression du loyer insurmontable : ce sont des réalités sociales auxquelles nous sommes confrontés dans nos territoires. Mais vous avez décidé une coupe uniforme de 5 euros. Un député – j’espère qu’il est passé à la trappe – avait dit : « Qu’est-ce que vous voulez faire avec 5 balles ? » Mais 5 balles, pour une famille très modeste, cela peut permettre de faire face à des dépenses de première nécessité. Du fait de votre réforme sur la contemporéanisation, 374 000 personnes ont perdu leur APL et les APL ont diminué de 73 euros pour un peu plus de 1,3 million de locataires. C’est ça, votre passif !

Le Gouvernement a promis, dites-vous, de prendre en compte les réalités, mais nous ne voyons rien de concret dans le texte pour l’instant, mis à part la limitation de la hausse des loyers, et vous refusez d’augmenter substantiellement les aides au logement. Depuis 2017, 10 milliards d’euros ont été ponctionnés dans la poche des locataires. En diminuant les APL de 5 euros, le Gouvernement a pris 1 milliard aux plus pauvres, au moment même où il supprimait l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) et donnait 3 milliards à ses amis. Cette histoire nous est restée en travers de la gorge.

En l’espèce, le compte n’y est pas ; « cela ne fait pas la maille », comme on dit chez moi. C’est pourquoi nous avons déposé des amendements. Celui-ci, le CE173, vise à geler les loyers. Telle est la proposition du groupe communiste.

M. Thibault Bazin. Mon amendement CE133 fait en quelque sorte équilibre à celui que vient de présenter M. Jumel. Si l’on plafonne les loyers dans les prochains mois, on risque d’envoyer un mauvais signal aux propriétaires bailleurs, qui les découragera de réaliser des travaux de rénovation énergétique, pourtant attendus et nécessaires. Donc, plutôt que de soumettre la hausse des loyers au respect d’un plafond fixe, qui pourrait être déconnecté des réalités, je propose que l’on s’inspire d’un système en vigueur dans les années 1990 : la révision du loyer ne pourrait excéder, à la hausse, la variation de la moyenne des indices de référence des loyers sur les quatre derniers trimestres.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces deux amendements en discussion commune préconisent des évolutions contraires : l’un tend à baisser l’IRL, l’autre à l’augmenter.

Le CE173 vise à geler l’IRL pour les six prochains trimestres à son niveau d’avril 2022, lequel a été fixé par l’INSEE à 2,48 %. Il s’agirait donc d’un niveau inférieur à celui qui nous est présenté dans le projet de loi et qui résulte des concertations préalables menées par le Gouvernement.

Par son amendement CE133, M. Bazin propose, en sens contraire, de remplacer le plafond de la hausse des loyers par un taux glissant calculé en fonction de l’IRL des quatre derniers trimestres.

M. Sébastien Jumel. Drôle de discussion commune !

M. le président Guillaume Kasbarian. Les deux amendements ont trait au même sujet. Une discussion commune peut porter sur des propositions très divergentes.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’approche défendue par M. Bazin me semble moins protectrice des ressources des locataires. Avec une inflation à 7 %, les indices pour les troisième et quatrième trimestres de 2022 pourraient connaître de fortes revalorisations, ce qui entraînerait une hausse nette de l’IRL des deux premiers trimestres de l’année 2023.

Je rappelle que l’IRL, publié chaque trimestre par l’INSEE, correspond à un indice pondéré de la moyenne de l’indice des prix à la consommation (IPC) sur les douze derniers mois. Concrètement, il s’obtient pour un trimestre donné en appliquant à l’indice du même trimestre de l’année précédente la moyenne sur douze mois glissants de l’évolution annuelle de l’IPC hors tabac et hors loyers. Cette méthode de calcul, qui se fonde sur l’IRL du trimestre de l’année précédente, assure que l’indice suit les variations de l’IPC mais seulement de manière décalée et fortement lissée, pour éviter aux ménages de trop fortes augmentations au fil des mois. L’IRL constitue donc structurellement un moyen de protéger les locataires contre des variations abruptes suscitées par l’inflation, telle que nous la connaissons et allons la connaître.

En l’occurrence, l’INSEE doit publier dans quelques jours – il le fait habituellement autour du 15 juillet – l’indice pour le deuxième trimestre de 2022. Selon les calculs, il devrait se situer autour de 3,55 %. L’inflation ayant atteint 5,2 % en mai et étant appelée à augmenter encore, l’IRL pourrait s’élever, d’après les estimations, autour de 5 % au quatrième trimestre.

L’article 6 vise à plafonner la hausse de l’IRL à 3,5 % pour les quatre trimestres à venir. Je pense qu’il vaut mieux préserver ce taux fixe de 3,5 %, qui permet en outre une prévisibilité des dépenses, salutaire en période d’inflation. La stabilité des prévisions est essentielle pour que les ménages puissent orienter leurs dépenses dans un contexte marqué par les contraintes sur leur budget.

J’émets un avis défavorable sur les deux amendements.

M. William Martinet. Je souhaite réagir à la remarque de M. Bazin sur les travaux de rénovation énergétique, qui relèvent effectivement de la responsabilité des bailleurs. Rappelons d’abord qu’il existe un système d’aides à la rénovation, sans doute très généreux, destiné aux bailleurs. Il ne serait pas raisonnable de demander aux locataires de payer de leur poche de tels travaux. Par ailleurs, les auditions auxquelles nous avons participé vendredi dernier ont été très instructives : le président de la FNAIM a rappelé que moins d’un appartement sur cinq était concerné par des travaux lors de sa remise en location. Il serait totalement disproportionné d’augmenter les loyers pour financer des travaux, de rénovation énergétique ou autres. La question est non pas celle du financement des travaux, mais celle de la rente immobilière. En décidant d’augmenter l’IRL de 3,5 %, vous vous placez indéniablement du côté de la rente immobilière et de toutes les mesures qui la favorisent, hélas au détriment du pouvoir d’achat des locataires. Vous pouvez d’ailleurs renommer votre projet de loi : c’est un texte non pas en faveur du pouvoir d’achat, mais en faveur, entre autres, de la rente locative.

M. Thibault Bazin. Monsieur Martinet, ce texte n’est pas le mien, sinon il s’agirait d’une proposition de loi. Vous caricaturez ma proposition et me prêtez des propos que je n’ai pas tenus. C’est précisément là où il existe des passoires énergétiques, qui grèvent le budget des ménages, que des travaux sont nécessaires. Tout le monde connaît les échéances en la matière. En dépit des aides et des avantages fiscaux, il y a un reste à charge. Si nous voulons inciter les propriétaires à la rénovation énergétique, il faut qu’ils puissent s’y retrouver, sans quoi ils ne feront pas de travaux et mettront fin aux locations. C’est d’ailleurs pourquoi nous nous retrouvons avec tant de logements vacants, notamment à Paris ; il y en aurait au total 3 millions.

Ma proposition pourrait conduire à une augmentation supérieure au chiffre qui figure dans le texte, mais ce n’est pas sûr. D’ailleurs, l’IRL a baissé il y a quelques mois, ce qui a entraîné une baisse des loyers qui s’y réfèrent. Il importe que le système s’adapte aux réalités, et il serait beaucoup plus cohérent de retenir la moyenne des quatre derniers trimestres, comme je le propose. L’enjeu est de réconcilier les propriétaires et les locataires ; il ne faut pas les opposer. Il sera nécessaire de réaliser dans certains logements des travaux très importants, que les mécanismes d’incitation ne suffisent pas à rendre justifiables du point de vue économique.

Vous parlez de rente, mais l’immobilier n’est pas une rente pour tout le monde et le logement est un bien essentiel. Il arrive que des personnes issues des classes moyennes, par exemple des couples de professeurs ou de fonctionnaires, consacrent toutes leurs économies à refaire un logement, en prenant du temps sur leurs week-ends, afin de le mettre en location et de bénéficier ainsi d’un complément de retraite. J’ai bien entendu les questions que vous avez posées au cours de l’audition vendredi dernier ; je ne partage pas votre vision et n’ai pas une approche financière du logement. Certains propriétaires ne sont pas des personnes aisées, tant s’en faut.

M. Sébastien Jumel. Tout le monde a compris : Thibault Bazin s’occupe des propriétaires ; nous proposons que l’on s’occupe des locataires ; la majorité a décidé de ne s’occuper ni des uns, ni des autres. Nous contestons le terme de « revalorisation » des aides au logement, puisqu’elle ne compensera pas, comme j’en ai fait la démonstration tout à l’heure, les coupes à répétition que vous avez pratiquées depuis 2017 au détriment des locataires.

Vous nous avez fait une réponse compliquée, madame la rapporteure pour avis. Êtes‑vous, oui ou non, favorable au gel de l’IRL ? J’ai l’impression que vous écrivez une nouvelle version de la chanson de Brassens : « mourir de faim à cause de son loyer, d’accord, mais de mort lente ». En réalité, vous ne freinez pas l’augmentation des loyers ; vous vous contentez de la limiter et de l’accompagner. Ces mesurettes de pouvoir d’achat sont des mesurettes d’accompagnement de la mort lente de ceux dont le frigo est vide et ne se remplira pas davantage avec votre texte. C’est pourquoi je maintiens l’amendement CE173. J’espère qu’il sera adopté, car il est attendu par la Confédération nationale du logement (CNL) et par toutes les associations qui sont, au quotidien, au chevet des locataires.

Mme Sandrine Rousseau. Le groupe Écolo-NUPES soutiendra l’amendement CE173. Le loyer est une des charges incompressibles les plus importantes pour les foyers les plus en difficulté, et la mesure qui figure dans le projet de loi confine à une augmentation des loyers. S’il s’agit de réconcilier les bailleurs et les locataires, deux solutions sont possibles : accélérer la rénovation énergétique en la rendant obligatoire ou réquisitionner les logements vacants. La première solution faisait l’objet d’un amendement qui a été déclaré irrecevable ; la seconde fait l’objet d’un amendement ultérieur, que, j’en suis sûr, vous soutiendrez.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je mets aux voix l’amendement CE173. Qui est pour ?... Qui est contre ?... Il n’est pas adopté.

M. Sébastien Jumel. Ça se compte !

M. le président Guillaume Kasbarian. Si vous le souhaitez, mais si vous contestez chaque vote, ça va être long…

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE221 de Mme Sandra Marsaud.

Amendements CE194 de Mme Clémence Guetté, CE89 de M. Gérard Leseul, amendements identiques CE90 de M. Gérard Leseul et CE174 de Mme Soumya Bourouaha, amendement CE132 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. William Martinet. L’amendement CE194 vise à geler les loyers dans le parc locatif privé et social. Que signifie concrètement pour les locataires l’augmentation de 3,5 % de l’IRL prévue par le Gouvernement à l’article 6 ? Que les loyers peuvent augmenter jusqu’à 3,5 % en cours de bail, par une décision unilatérale du propriétaire. Prenons le montant moyen des loyers en France, soit environ 700 euros par mois – mais on sait que les loyers sont beaucoup plus élevés au cœur de certaines métropoles. Dans ce cas, le propriétaire a la possibilité d’augmenter la charge locative de 300 euros par an. Je ne pense pas que les Françaises et les Français puissent se permettre de débourser 300 euros supplémentaires chaque année pour payer leur loyer !

Qui plus est, l’augmentation de 3,5 % de l’IRL que vous prévoyez est historique : jamais depuis sa création l’IRL n’a été revalorisé à ce niveau. Les associations de locataires nous ont d’ailleurs appris qu’il avait été nécessaire de faire évoluer l’indice et de créer l’IRL en 2008 précisément pour éviter les revalorisations antérieures qui pouvaient atteindre 2,5 % et que tout le monde jugeait insupportables.

Enfin, je le répète, le Gouvernement a arbitré en faveur de la rente locative au détriment du pouvoir d’achat des locataires. Rappelons qu’il y a une forte concentration de la propriété dans notre pays : d’après les chiffres publiés par l’INSEE il y a quelques mois, 3,5 % des ménages détiennent 50 % des logements mis en location. Que l’on ne nous serve pas la fable du petit propriétaire ! Les petits propriétaires ont sans doute besoin d’être aidés, mais cela peut passer par d’autres dispositifs, notamment une garantie universelle des loyers. En réalité, vous favorisez les 3,5 % de multipropriétaires, d’où le présent amendement.

M. Philippe Naillet. L’amendement CE89 vise aussi à geler les loyers. Je ne reprends pas les arguments présentés par mon camarade William Martinet, mais j’appelle, moi aussi, l’attention sur le fait que 3,5 % des propriétaires possèdent 50 % des logements en location. J’ajoute que les charges des propriétaires, qui se limitent à la taxe foncière et aux charges locatives, progressent moins vite que l’IRL.

L’amendement CE90 est un amendement de repli.

M. Sébastien Jumel. L’amendement CE174, identique au précédent, est également un amendement de repli.

En bloquant l’augmentation des loyers et en augmentant les APL de manière substantielle, nous consoliderions la capacité des familles modestes – celles qui sont éligibles à un logement social et aux APL – à payer leur loyer et, au bout du compte, nous prendrions soin des propriétaires. Rien de mieux pour un propriétaire qu’un locataire en mesure de payer son loyer ! Quant au débat lancé par notre collègue Thibault Bazin, c’est un faux débat. Nous revenons à la charge : il faut bloquer les loyers et augmenter les APL pour corriger les mesures injustes qui continuent de peser sur votre mauvais bilan.

M. Thibault Bazin. Je n’ai pas eu l’impression de raconter des fables. Malgré vos dénégations, il existe bel et bien des propriétaires modestes, J’ai reçu le témoignage de plusieurs personnes, notamment d’artisans ou d’indépendants touchant un revenu mensuel assez faible, qui ont mis toutes leurs économies dans un appartement qu’ils louent pour percevoir un complément de ressources. Ils ne sont pas tous multipropriétaires ; il ne faut pas caricaturer.

L’amendement CE132 vise à plafonner l’augmentation de l’IRL à 4 %, donc bien en deçà de ce qu’elle serait sinon. Cela ferait un équilibre avec les amendements suivants. En écoutant mes collègues insoumis, je me dis que le texte du Gouvernement est finalement un moindre mal !

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable au gel des loyers. Les auditions de vendredi dernier ont été riches et nous ont fourni de nombreux arguments contre une telle mesure.

Nous avons retenu un taux nettement inférieur à l’inflation prévue sur l’année qui vient, mais qui est tout de même positif, de manière à faire porter l’effort à la fois sur les bailleurs et sur les locataires de manière proportionnée. Certains estiment que ce n’est pas satisfaisant, mais il faut trouver un équilibre. À cet égard, l’État prend toute sa part, en augmentant les APL afin de protéger les plus faibles. Monsieur Jumel, cette hausse sera opérée par décret, et son incidence sera bien plus positive que ne le laissent penser les auditions. J’invite chacun d’entre vous à lire l’étude d’impact, qui présente des tableaux très clairs à ce sujet. De ce point de vue, il serait regrettable de ne pas revaloriser l’IRL, car le calcul des APL, déjà très complexe, est fondé en grande partie sur l’IRL : lorsque l’IRL augmente, les APL augmentent également – et inversement.

Par ailleurs, un point est souvent passé sous silence : à partir du 25 août 2022, c’est‑à‑dire dans un mois et demi, conformément à l’article 159 de la loi « climat et résilience », le loyer des logements classés F et G eu égard à leur diagnostic de performance énergétique (DPE) sera gelé en France hexagonale. Cela représente tout de même un quart du parc locatif. Il s’agit d’un gel indirect, mais c’est bel et bien un gel. Du reste, il déplaît à de nombreux propriétaires. On peut comprendre leurs difficultés, mais c’est conforme aux objectifs que nous avons adoptés, et j’assume d’avoir voté cette mesure.

Je me sens tout à fait au clair. Nous sommes dans le fameux « en même temps ». C’est une ligne parfois difficile à tenir, mais mes collègues et moi l’assumons.

En outre, il ressort des auditions que tous les bailleurs ne répercutent pas la hausse pleine de l’IRL sur leurs locataires, tant dans le parc public que dans le parc privé. La Fédération des offices publics de l’habitat a ainsi indiqué que, le 1er janvier prochain, certains bailleurs ne l’appliqueraient vraisemblablement pas. Nous avons introduit cette possibilité dans la loi 3DS – loi relative à la différenciation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

Vous évoquez les 50 % de logements privés détenus par de gros propriétaires, mais l’autre moitié appartient à de petits propriétaires – je rejoins M. Bazin sur ce point, le terme « petit » n’ayant rien de péjoratif. Les propriétaires n’augmentent pas toujours le loyer. Je l’ai moi-même constaté lorsque j’étais locataire à Bordeaux au cours de mes études.

Après deux années d’augmentation très faible, la hausse des loyers peut être nécessaire pour préserver l’équilibre financier des bailleurs sociaux. Ils nous l’ont dit et cela figure dans l’étude d’impact. Les recettes locatives des offices publics et des entreprises sociales de l’habitat constituent leurs ressources futures nécessaires aux investissements ; cela fait partie de leur modèle économique. Il y a, à mon sens, un équilibre entre, d’un côté, la limitation à 3,5 % de l’augmentation de l’IRL et, de l’autre, l’augmentation de 3,5 % des APL. L’indice de référence a effectivement été refondé en 2008 précisément pour éviter les problèmes posés par la précédente mouture, à savoir des hausses trop fortes ou abruptes des loyers.

En imposant un gel des loyers, on prendrait le risque de susciter leur décrochage par rapport à la réalité économique sous-jacente, ce qui pourrait pénaliser tout un segment de la population. Ce n’est pas tout blanc ou tout noir. Les dispositions du projet de loi se complètent et sont parfaitement raisonnables.

Lors de mes échanges avec les administrations, je leur ai demandé d’où venaient les mesures qui figurent dans le présent texte. Elles ne sortent pas du chapeau. Le Gouvernement a passé commande à tous les ministères et à tous les fonctionnaires : il leur a demandé quelles mesures d’urgence pourraient être prises dans leur périmètre respectif pour que la période inflationniste ne grève pas le pouvoir d’achat. Ce sont donc les fonctionnaires qui ont proposé ces mesures. La DGCCRF nous l’a confirmé lorsque nous l’avons auditionnée vendredi dernier. J’ai tenu à vérifier ce point et je le mentionnerai dans le rapport.

M. Sébastien Jumel. Je vous remercie, madame la rapporteure pour avis, de votre honnêteté et de votre sincérité. Vous nous donnez une indication forte sur la manière dont vous entendez conduire le mandat : vous affirmez tout de go que ce texte est le fruit non pas d’orientations, de décisions ou d’arbitrages politiques mais le fruit de la technostructure. Il y a de quoi s’inquiéter ! D’une part, le texte nous semble en complet déphasage avec ce que vivent les gens au quotidien. D’autre part, les mêmes ont été capables de vous faire des propositions inverses, consistant à taper sur le pouvoir d’achat ou à prendre le pognon aux plus nombreux, à savoir les pauvres, pour le donner aux plus riches, ce qui a eu les conséquences que nous connaissons.

Présenter un texte sur le pouvoir d’achat suppose de faire une photographie de l’impact dramatique qu’aura l’augmentation des prix sur le quotidien des Français. Nous faisons le constat que, lorsque tout augmente, la valeur travail n’est pas reconnue. Vous refusez de le partager et excluez donc de toucher aux salaires et aux retraites. Il y a évidemment une posture idéologique de votre part. Vos mesurettes techniques visent non pas à empêcher l’impact de l’inflation sur le quotidien des Français, mais à le limiter. Nous avons là la révélation du caractère inopérant, inefficace et injuste de ce texte, qui produira les effets que vous prédisez.

Mme Julie Laernoes. Je vais dans le même sens que M. Jumel. La sincérité est désarmante, et il est tout de même grave que, dans le moment politique que nous traversons et compte tenu de l’état dans lequel se trouve notre pays, le projet de loi que nous examinons résulte du rassemblement des mesures que la technostructure a fait remonter ! En tant qu’élue, je souhaiterais débattre d’orientations fortes et politiques. Or, vu le nombre d’amendements déclarés irrecevables pour des raisons diverses, je ne vois pas comment nous allons pouvoir travailler ensemble à l’élaboration de solutions propices. Nous ne sommes qu’au début de la discussion, mais la question du logement représente une grande partie de celle du pouvoir d’achat.

M. Thibault Bazin. Nous mélangeons plusieurs sujets, ce qui complique nos échanges. Les loyers ne sont pas fixés de la même manière selon la zone géographique, la catégorie du logement et l’étiquette énergétique. Ce qui est mentionné pour un logement peut être faux pour un autre. Des dispositions ont été prises, à la suite de travaux approfondis, notamment contre les loyers abusifs. Les règles de fixation des loyers ne sont pas les mêmes selon que la zone est tendue ou non, selon qu’il s’agit du parc privé locatif ou du parc public.

La revalorisation des APL est souhaitable, car elle permettra de faire une partie du chemin. Quant au plafonnement de la révision, il aura un impact différent en fonction des zones, des territoires et des biens. Il peut porter préjudice aussi bien à certains propriétaires qu’à certains locataires. L’effet de la mesure sera-t-il suffisant pour corriger les phénomènes de perte de chances subis par les propriétaires ou par les locataires, sachant qu’il ne faut pas opposer les uns aux autres ? Telle est la question.

Dans l’étude d’impact, très théorique, il manque un élément : quelle sera l’évolution dans les prochains mois ? Vous instaurez un plafond avec une valeur fixe, parce que vous anticipez certaines évolutions. Or personne n’est capable de dire ce qui se passera dans trois mois ou dans six mois. Dans trois mois, nous devrons peut-être nous interroger sur le bien‑fondé de la mesure, et nous constaterons peut-être qu’elle est allée trop loin ou, au contraire, qu’elle était insuffisante. Cela complique nos discussions.

Mme Danielle Simonnet. Madame la rapporteure pour avis, vous venez de nous révéler la façon dont le projet de loi a été élaboré. Je souhaite porter à la connaissance de tous les membres de la commission que, lors des auditions de vendredi dernier, les organisations de représentants des propriétaires nous ont fait d’autres révélations : ils étaient très satisfaits de la concertation menée en amont des annonces faites par M. Bruno Le Maire et la limitation de l’augmentation des loyers à 3,5 % faisait partie de leurs demandes. J’informe en outre mes collègues que les organisations représentatives des locataires, pour leur part, se sont fortement étonnées de ne pas avoir été consultées avant ces annonces. On voit donc bien quels intérêts sont défendus.

L’encadrement de la hausse des loyers à 3,5 % est en fait une autorisation d’augmenter d’autant les loyers, alors que l’ensemble des organisations de représentants des locataires demandaient le gel des loyers, voire leur baisse dans les zones tendues. Je suis une nouvelle députée et je suis assez naïve : je pensais que, puisqu’on nous invitait à travailler sur un texte de loi relatif au pouvoir d’achat, nous allions effectivement nous préoccuper du pouvoir d’achat. Or je me rends compte que, dans l’article que nous examinons, on se préoccupe de la rente des propriétaires.

Lors de cette audition, madame la rapporteure pour avis, vous avez demandé comment il serait possible de compenser la perte à gagner pour les petits propriétaires. Tout le monde a évidemment pensé aux petits propriétaires retraités, mais personne n’a pensé à ce moment-là à relever leur pension de retraite, ce qui me semblait pourtant relever de l’évidence. Il est totalement scandaleux de faire croire que l’on va défendre le pouvoir d’achat en autorisant une augmentation des loyers de 3,5 % et en refusant d’augmenter les APL au-delà de ce qui est prévu ; une hausse bien supérieure serait nécessaire.

M. Philippe Naillet. Je vais dans le même sens que mes collègues. Sans chercher à singulariser le territoire dont je viens, je signale que 75 % des Réunionnais sont éligibles au logement locatif très social. Nous subissons une double peine : le coût de la vie à La Réunion est supérieur de 7 % à ce qu’il est en France hexagonale, alors même que la population est plus pauvre. Accepter l’augmentation des loyers de 3,5 %, c’est plonger des familles en difficulté dans des difficultés plus grandes encore.

Je ne vois pas en quoi les mesures que vous proposez vont compenser l’inflation pour les plus modestes, puisqu’on annonce déjà une inflation de 6,1 % cette année, et de 7 % l’année prochaine – comme tous les collègues, je lis les chiffres. Le loyer est le premier poste de dépense pour les familles les plus modestes. Si l’objectif central de ce texte est de protéger leur pouvoir d’achat, le gel des loyers est de loin préférable à la solution retenue.

M. Pascal Lavergne. Mon intervention portera davantage sur la forme que sur le fond. Réagissant aux propos de la rapporteure pour avis, monsieur Jumel, vous avez reproché au Gouvernement d’avoir fait appel à des fonctionnaires pour élaborer ce texte. D’après ce que j’ai compris, un certain nombre de fonctionnaires peuplent les rangs de la NUPES. Y aurait-il donc des catégories de fonctionnaires que l’on peut interroger et d’autres, non ? Un peu de respect pour les fonctionnaires, s’il vous plaît !

M. Frédéric Descrozaille. Vous avez des années d’expérience, monsieur Jumel, et nous sommes sans doute d’accord pour déplorer que, par rapport au Gouvernement, le Parlement manque d’autonomie, d’expertise et de compétences. Nous avons déjà évoqué ensemble, pas nécessairement en séance, le fait que la Ve République a évolué vers une situation où l’exécutif détient trop de pouvoir. Le texte que nous examinons en est une illustration : élus depuis peu, nous avons eu très peu de temps pour l’examiner ; il est affreusement technique, et je vous avoue très humblement que je n’en maîtrise pas tout le contenu.

La rapporteure pour avis a reconnu avec humilité que le Gouvernement avait passé commande pour élaborer ce texte, en demandant quelles mesures étaient susceptibles, dans chaque périmètre, de limiter immédiatement la hausse des prix. Contrairement à ce que vous avez dit, c’est une instruction politique, et qui a du sens. Quant à la formule « technostructure », elle n’est pas digne d’un débat de ce niveau.

Ce texte n’est effectivement pas examiné dans des conditions idéales, mais ne faites pas semblant de découvrir, parce que notre collègue rapporteure pour avis a dit la vérité, que l’exécutif prend à cette occasion la main sur le Parlement. Pas vous, monsieur Jumel… Au cours de la législature, nous aurons certainement un débat sur la manière de réformer les institutions et de rééquilibrer les pouvoirs. J’espère qu’il sera transpartisan, car nous pouvons être unis en la matière.

M. Hervé de Lépinau. Je rappelle qu’un bail de location est un contrat, qui doit, par principe, être appliqué de bonne foi et qui comporte généralement une clause d’indexation du loyer, dans laquelle figure l’indice de référence. Certains d’entre vous souhaitent-ils déséquilibrer le contrat ou contraindre les parties à écarter cette clause ? J’aimerais en outre que l’on fasse la distinction entre bailleurs sociaux et bailleurs particuliers. Les contrats de bail passés avec les organismes publics de l’habitat ne prévoient pas nécessairement de révision du loyer, ou alors au bout de trois ans plutôt que tous les ans. En revanche, je le répète, les contrats de bail conclus entre particuliers comprennent généralement une clause d’indexation, qui en fait partie intégrante. Je vois mal comment on pourra contraindre ces propriétaires et ces locataires à se dégager du contrat.

M. Sébastien Jumel. Je souhaite m’exprimer, monsieur le président, j’ai été interpellé !

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous m’avez invité à faire preuve d’un peu d’autorité, monsieur Jumel, en voilà une occasion. Le sujet étant important, j’ai accordé largement la parole, aux huit intervenants qui la demandaient, alors que l’on entend généralement un orateur pour et un contre. Si je vous donne la parole, d’autres vont vouloir réagir, et ce sera une histoire sans fin. Tout le monde ayant pu s’exprimer, je propose que nous en restions là et passions au vote. N’hésitez pas à solliciter la parole sur les amendements suivants.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE222 de Mme Sandra Marsaud.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 modifié.

Après l’article 6

Amendements identiques CE91 de M. Gérard Leseul, CE165 de Mme Sandrine Rousseau, CE172 de Mme Soumya Bourouaha et CE198 de M. Hadrien Clouet.

M. Philippe Naillet. L’amendement CE91 des députés Socialistes et apparentés vise, en complément des mesures prévues à l’article 6 encadrant l’évolution des loyers, à généraliser et à rendre pérenne l’encadrement des loyers à l’échelle de l’ensemble du territoire, en distinguant les zones dites tendues, où la pression locative est forte, du reste du territoire.

Lorsque les collectivités locales ne se sont pas saisies de la possibilité ouverte par les lois ALUR – pour l’accès au logement et un urbanisme rénové – et ELAN – portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique – de créer un observatoire local des loyers, l’État en prendrait l’initiative dans des conditions précisées par décret.

Dans les zones dites tendues, l’encadrement des loyers serait assuré par la fixation du seul loyer de référence comme loyer plafond, ce qui entraînerait de fait une diminution des loyers lorsque ceux-ci sont plus élevés que le loyer moyen des logements comparables. Un loyer de référence minoré serait conservé, ce qui permettrait aux bailleurs de logements dont les loyers sont inférieurs à ce plancher de procéder à une correction. Le dispositif ne ferait pas obstacle à ce que le loyer puisse tenir compte de la réalisation de travaux, comme la loi le permet déjà.

Dans les zones dites détendues, aux loyer de référence et loyer de référence minoré s’adjoindrait un loyer de référence majoré permettant de tenir compte, dans l’établissement du loyer, de caractéristiques de localisation ou de confort supérieures à celles des logements comparables.

Ainsi, en complément de la nécessaire maîtrise de l’évolution annuelle des loyers, le présent amendement tend à instaurer un encadrement général mais territorialement différencié permettant de mieux lutter contre les loyers excessifs et de réduire les loyers moyens dans les communes tendues. Ce dispositif a également été proposé dans la proposition de loi d’urgence sociale commune à l’intergroupe NUPES.

Mme Julie Laernoes. L’amendement CE165 vise à encadrer les loyers sur tout le territoire, y compris dans le cas où les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) ne se sont pas saisis des dispositions législatives leur permettant de créer un observatoire local des loyers – première étape de l’encadrement des loyers. M. Naillet ayant déjà présenté le dispositif, je n’entre pas davantage dans les détails.

Il est essentiel de faire la distinction entre les zones tendues et les zones non tendues. Le territoire d’où je viens est une zone tendue, où 70 % de la population peuvent prétendre à un logement locatif social. Le parc privé ne permet plus de répondre à la demande, et nous ne trouvons plus de personnes exerçant des métiers peu valorisés, puisqu’elles ne peuvent plus se loger dans le centre des métropoles. Il est absolument urgent d’encadrer les loyers, pour les contenir dans les zones non tendues et les baisser dans les zones tendues.

M. Sébastien Jumel. J’ai écouté tout à l’heure avec délectation les compliments que vous avez adressés aux hauts fonctionnaires. Il est assez savoureux de les entendre de la part d’une majorité qui a fait appel à des cabinets d’études tout au long de la législature précédente ! Soyez-en convaincus, nous sommes profondément attachés à la fonction publique d’État, au principe de neutralité des fonctionnaires et à leur expertise, mais nous considérons qu’il appartient au politique de décider et d’arbitrer.

L’amendement CE172 vous donne d’ailleurs l’occasion de le faire, puisque nous proposons d’étendre l’encadrement des loyers à l’ensemble du territoire national, afin de les faire baisser dans les zones tendues, là où la crise du logement est la plus aiguë et où ça tape le plus fort, et de les stabiliser dans le reste du pays. C’est un amendement de bon sens, mais qui n’est peut-être pas suffisamment technocratique pour être adopté…

Mme Danielle Simonnet. Il est essentiel de mettre en place un encadrement des loyers dans les zones dites non tendues mais aussi d’encadrer les loyers à la baisse dans les zones tendues.

À Paris, l’explosion des loyers a été extrêmement préoccupante. De manière plus générale, les loyers représentaient environ 10 % des dépenses des ménages dans les années 1970. Ils pèsent désormais plus de la moitié de ces dépenses pour une part croissante de la population. La situation devient impossible.

Par ailleurs, il faut encadrer les loyers à la baisse dans les zones tendues. Dans une ville extrêmement dense comme Paris, presque un tiers des locations ne respectent pas l’encadrement des loyers. Cela pose la question des moyens alloués à une police du logement, pour que soient bien poursuivis ceux qui s’adonnent à la délinquance financière.

Dans chaque zone, il faut absolument fixer un loyer de référence inférieur au loyer médian et que les propriétaires ne puissent pas le dépasser quand le bien est mis en location – car il faut faire baisser durablement les loyers.

Pour limiter les abus des propriétaires dans les zones non tendues, il faut également fixer un loyer de référence à ne pas dépasser.

Avec cette proposition d’encadrement des loyers, nous mettrons un terme à la hausse sans fin des loyers pour permettre à tous d’accéder à un logement dans de bonnes conditions.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à généraliser l’encadrement des loyers à tout le territoire. Lorsque l’on connaît la situation du monde rural, on sait qu’y encadrer les loyers serait assez terrible et ne correspond absolument pas à la réalité.

L’encadrement des loyers en vigueur résulte de la loi ELAN. Elle permet aux collectivités territoriales de mettre en œuvre un tel dispositif, sur la base du volontariat.

Généraliser cet encadrement me paraît prématuré. À l’heure actuelle, le dispositif est appliqué à Paris, Lille, Lyon, Villeurbanne, Montpellier et Bordeaux. En outre, deux établissements publics territoriaux de la métropole du Grand Paris – Plaine Commune et Est Ensemble – ont choisi de recourir à ce dispositif.

Il a été mis en place en juillet 2019 à Paris et en mars 2020 à Lille. Montpellier et Bordeaux l’ont appliqué depuis le début de l’année 2022. Les autres établissements publics et collectivités cités ne pourront le faire qu’au cours du second semestre de cette année. Dès lors, les pouvoirs publics ne disposent pas du recul suffisant pour mesurer la pertinence des loyers de référence et des procédures prévues dans le cadre de cette expérimentation. Au reste, la crise sanitaire provoquée par la covid-19 a pu perturber son déroulement et peser de manière artificielle sur le fonctionnement du marché locatif – y compris en zone rurale.

Alors qu’elle devait s’achever le 21 novembre 2023, cette expérimentation a été prolongée de trois ans par la loi 3DS. Le délai figurant dans la loi ELAN a été de nouveau ouvert, afin de permettre à de nouvelles collectivités ou EPCI de rejoindre le dispositif. Ces deux mesures nous ont paru nécessaires pour mesurer l’impact de l’encadrement des loyers et pour adopter des dispositions susceptibles de répondre durablement aux besoins de la population en matière de logement. Il est trop tôt pour y revenir, cinq mois seulement après leur adoption.

Avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Ce débat peut donner matière à confusion entre le plafonnement et l’encadrement des loyers.

L’encadrement a été mis en place dans plusieurs métropoles. On peut se poser des questions sur ses effets. La situation des loyers ne s’est pas véritablement améliorée. Dans les métropoles où existent des tensions, il n’y a pas d’adéquation entre l’offre et la demande. Il y a de moins en moins d’offre et plus les contraintes seront importantes, moins les propriétaires seront incités à mettre des logements en location.

Je m’interroge donc sur l’efficacité du dispositif d’encadrement : on l’a essayé et on a vu qu’il ne donnait pas les fruits escomptés. Certes, Bordeaux a pu récemment mettre en œuvre l’encadrement des loyers, mais on peut douter que cela y résoudra la crise du logement.

Je m’oppose à ces amendements parce qu’ils proposent une fausse bonne solution.

Mme Julie Laernoes. L’argument selon lequel il y aurait moins de mises en location en raison des contraintes imposées aux bailleurs privés est assez fallacieux. Dans une zone très tendue comme Nantes, il y a extrêmement peu de logements vacants et l’augmentation des loyers est une réalité.

L’évolution des prix des loyers qu’on peut observer un peu partout en France fait ressortir les inégalités territoriales, car la mise en place d’un observatoire local des loyers – qui permet de déterminer quelles sont les zones tendues – relève du bon vouloir des présidents d’EPCI.

Nous observons les prémices d’une crise du logement liée aux importants déplacements de population qui résultent de l’épidémie persistante de la covid-19. Il est nécessaire d’encadrer les loyers et de lisser leurs évolutions dans les zones tendues et non tendues, faute de quoi nous allons encore être en retard par rapport aux faits. Il faut anticiper la hausse des loyers. Je le répète : c’est un problème sérieux pour accéder à l’emploi, aux services et au logement, singulièrement pour les jeunes.

Il faut adopter ces amendements pour éviter que la situation s’aggrave.

Mme Danielle Simonnet. Il est assez surréaliste d’entendre qu’à Paris les logements et bureaux vacants seraient au fond le résultat d’une spéculation insuffisamment débridée. Les Parisiens et tous les citoyens qui vivent dans des zones urbaines denses où existe un problème de spéculation et de tension en matière de logement s’étrangleront en écoutant ceux qui racontent cette fable.

Il faut bien comprendre que l’autorisation d’augmenter les loyers de 3,5 % a pour conséquence une hausse moyenne de ceux-ci de 300 à 400 euros par an, et de plus de 700 euros par an dans les zones denses.

Si l’on prétend se préoccuper du pouvoir d’achat des Français, pour lesquels le loyer représente le premier poste de dépenses, il faut commencer par geler les loyers, avec un encadrement des loyers et un encadrement à la baisse dans les zones denses.

M. Matthias Tavel. Selon la rapporteure pour avis, l’encadrement général des loyers est prématuré. Je crois au contraire que le moment est venu d’agir en les gelant. C’est ce que nous proposons dans cet amendement, avec un encadrement à la baisse dans les zones tendues et avec un encadrement sur l’ensemble du territoire.

On voit se généraliser les phénomènes qu’on a pu constater dans les grandes villes, où la situation est devenue hors de contrôle. Ce que l’on a vu à Nantes se passe par exemple à Saint-Nazaire, où il devient de plus en plus difficile de se loger.

Il faut agir maintenant, avant qu’il ne soit trop tard.

Vous ne voulez pas entendre le point de vue des locataires – manifestement vous avez fait un autre choix. Mais écoutez au moins celui des employeurs, qui ne parviennent pas à recruter, car les salariés ne peuvent pas se loger à un prix décent. Si vous ne voulez pas intervenir pour les locataires, faites-le au moins pour les patrons. Mais faites-le, parce que les gens en ont besoin.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. La généralisation de l’encadrement des loyers ne répond pas aux problèmes rencontrés dans les zones rurales, où il faut souvent procéder à de coûteux travaux de rénovation des logements vacants. Il faut y traiter les choses d’une manière différente de celle retenue avec l’encadrement des loyers dans les zones en tension.

Il convient aussi de laisser les élus locaux se saisir de ces sujets. Ils connaissent bien les questions d’habitat et de logement, qui relèvent de leur compétence.

Lors des auditions, la CLCV a indiqué que le marché locatif parisien était moins tendu depuis cinq ans. Cela prouve que Paris n’est pas toute la France et que les évolutions sont différentes selon les régions. C’est l’une des raisons pour lesquelles la généralisation de l’encadrement des loyers n’est, selon moi, pas pertinente. En soi un tel dispositif ne me choque pas, mais il faut en laisser l’initiative aux élus locaux, qui connaissent bien les réalités locales. Les élections municipales ont eu lieu en 2020 et il est loisible aux citoyens de saisir leurs élus et de faire des propositions.

Laissons vivre la démocratie locale ainsi que la faculté récemment ouverte par la loi 3DS.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE92 de M. Gérard Leseul.

M. Philippe Naillet. Cet amendement, suggéré par la Fondation Abbé Pierre, prévoit de limiter l’évolution des loyers à celle de l’IRL au moment de la relocation. Il est prouvé que les augmentations de loyer les plus importantes ont lieu au moment d’une nouvelle location, notamment lorsque la précédente était ancienne.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Nous parlions à l’instant de l’« encadrement ELAN ». Il s’agit maintenant du « plafonnement dit ALUR ». Ce plafonnement, déjà prévu pour modérer l’évolution des loyers par l’article 18 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs, impose que la réévaluation du loyer entre deux locataires ne peut pas dépasser l’évolution de l’IRL en zone tendue.

Cette règle permet de modérer l’évolution des loyers en appliquant aux loyers entre deux baux la même règle qu’au loyer en cours de bail.

Il n’est pas opportun d’appliquer aux baux entre deux locataires, comme vous le proposez, une règle encore plus contraignante que celle qui s’applique au loyer en cours de bail.

Avis défavorable.

M. William Martinet. Je ne résiste pas à la tentation de réagir aux propos de la rapporteure pour avis sur la démocratie locale et l’encadrement des loyers.

Comme vous le savez, le ministère du logement a refusé l’encadrement des loyers par Grenoble et par deux établissements publics territoriaux, dont Grand-Orly Seine Bièvre, alors que la majorité des élus et des citoyens le souhaitaient. Voilà pour l’argument de la démocratie locale, dont on voit les limites au vu de l’attitude du Gouvernement.

L’échange entre la rapporteure pour avis et M. Bazin est une vraie réussite. L’encadrement des loyers prévu par la loi constitue une usine à gaz. Son application extrêmement difficile permet à M. Bazin d’expliquer que l’encadrement ne fonctionne pas et de demander sa suppression. La loi ELAN ne traduisait pas une réelle volonté politique du Gouvernement d’encadrer les loyers. Vous avez fait le service minimum et vous l’avez fait de la manière la plus compliquée possible.

Voilà pourquoi les amendements précédents, que vous avez rejetés, ce que je regrette profondément, étaient indispensables pour mettre en place un dispositif fonctionnel d’encadrement des loyers, dont les locataires auraient perçu les effets à la fin de chaque mois.

M. Sébastien Jumel. La situation économique est sans précédent. Une bulle inflationniste grossit. Elle conduit le ministre de l’économie à revoir chaque matin ses prévisions assurées de la veille. Plusieurs secteurs d’activité risquent d’être déstabilisés – l’alimentation, les loyers, l’énergie –, avec les gens pour premières victimes.

Dans cette période de turbulences et d’incertitudes, la question de l’encadrement général des loyers s’impose.

La rapporteure pour avis a évoqué la ruralité. J’ai été maire d’une ville moyenne et ma circonscription comprend 162 communes rurales situées autour de celle-ci. Depuis le covid-19, les prix y explosent. L’ère de la métropolisation est terminée – et c’est heureux. Mais de très nombreux habitants des métropoles, qui n’ont plus les moyens de s’y loger, s’intéressent aux villes moyennes et aux communes rurales. Cela provoque une déstabilisation du marché du logement qui n’avait pas été prévue.

Il est légitime de considérer qu’il faut faire une pause et qu’il faut encadrer. Dans des régions entières, les gens du cru se demandent comment faire pour se loger. Les maires sont désarmés pour lutter contre le phénomène Airbnb et contre l’explosion du nombre de résidences secondaires et des loyers.

Les libéraux privilégient la loi du laisser-faire et du laissez-passer. Pour notre part, nous préférons la loi qui protège et qui régule, y compris les loyers.

M. Thibault Bazin. Je trouve dommage que l’on caricature mes propos. Je n’ai déposé aucun amendement proposant d’abroger telle ou telle loi. J’ai seulement relevé un certain nombre des effets de l’encadrement des loyers. Ce constat a été également réalisé par des études. On sait que tout dispositif concernant les loyers a des effets positifs et négatifs.

Nous pouvons tous partager le constat d’une crise du logement. Mais l’ensemble des solutions proposées par les amendements, et défendues notamment par notre collègue Jumel, portent sur la demande. Or il y a une crise de l’offre.

Les messages envoyés au travers des dispositifs qui seront adoptés auront un effet, y compris sur le parc locatif privé. Il faut que ces messages soient cohérents. On attend une évolution de ce parc grâce à des travaux et des investissements. On ne peut pas dire que tous les propriétaires sont des rentiers. C’est faux. Ils ont parfois emprunté et doivent rembourser le prêt contracté pour acquérir les logements. Ils peuvent avoir des investissements à y réaliser.

Je comprends votre vision, qui permet de faire des effets de manche. Mais nombre de propriétaires, y compris dans des zones qui ne sont pas tendues, ne peuvent pas effectuer la rénovation thermique de logements vacants. Le montant des loyers susceptible d’amortir l’investissement serait trop élevé.

Il faut accompagner tous les territoires et ne pas opposer les uns aux autres.

M. Hervé de Lépinau. Cette législature va être passionnante parce que les clivages idéologiques ressortent enfin. Nous allons débattre.

Les propos de M. Jumel laissent entendre qu’il refuse la loi du marché, c’est‑à‑dire celle de l’offre et de la demande. Je suis élu du sixième département le plus pauvre de France, dont le budget est équilibré par les droits de mutation à titre onéreux (DMTO), c’est‑à‑dire grâce aux ventes immobilières. Nous pouvons maintenir son budget social grâce à ces droits, mais nous constatons aussi que les maisons sont principalement achetées par des Parisiens qui doivent s’exiler parce que la vie parisienne est devenue très compliquée – merci madame Hidalgo ! Ils arrivent avec un pouvoir d’achat énorme et peuvent payer comptant, ce qui fait que les prix augmentent mécaniquement.

Je pose une question très simple : faut-il soviétiser les relations sociales ou bien faut‑il faire confiance à chacun tout en ayant conscience que la loi de l’offre et de la demande est imparfaite ? Je lance le débat.

Mme Danielle Simonnet. Votre description montre bien que la loi du marché ne fonctionne pas !

Mme Julie Laernoes. Nous avons débuté cette législature en souhaitant être force de proposition, pour tirer ensemble les leçons et prendre les mesures nécessaires.

Sur un sujet aussi important pour le pouvoir d’achat des Français que le logement, nous avons fait des propositions sensées s’appuyant sur l’expérience locale et associative et nous avons évité de tomber dans les extrêmes ou la caricature. Je regrette que tous nos amendements aient été rejetés à ce stade de l’examen du projet de loi. J’espère qu’il en ira différemment par la suite.

Certains assimilent nos propositions à des mesures soviétiques. De tels propos n’ont pas leur place dans cette commission. Nous voulons travailler de manière constructive pour améliorer le pouvoir d’achat et l’accès au logement. C’est aussi une urgence absolue pour l’emploi dans les zones tendues.

Je déplore la conclusion des débats sur l’article 6 et les amendements portant article additionnel après cet article.

M. le président Guillaume Kasbarian. Le vote des députés est libre. Peut-être n’avez-vous pas réussi à convaincre nos collègues.

L’expression est également libre et des différences idéologiques majeures peuvent se manifester. « Soviétique » n’est pas une insulte. C’est un adjectif que j’ai moi-même utilisé lorsque Mme Batho présentait ses amendements sur le projet de loi « climat et résilience » – ce qui m’avait valu quelques commentaires acerbes. Cela fait partie du débat politique.

Mme Sophia Chikirou. Nous pouvons tous faire part d’anecdotes liées à notre expérience d’élus locaux et sur ce que vivent nos concitoyens. Mais il s’agit ici de légiférer de manière générale.

Il faut rappeler que 3,5 % des propriétaires détiennent 50 % des logements mis en location. On ne parle donc pas de petits propriétaires. On légifère pourtant en mettant en avant la situation de ces derniers. Au nom d’une minorité qu’on chercherait à protéger, on fait des cadeaux énormes à 3,5 % de rentiers. Il faut avoir cela présent à l’esprit une bonne fois pour toutes.

Il faut discuter sérieusement de nos propositions, qui ne sont pas irréalistes et qui répondent à la nécessité d’aider les Français à supporter la charge du loyer – qui représente entre 30 % et 50 % de leurs revenus.

Nos amendements seront peut-être tous rejetés en bloc lors de la suite de la discussion. Pourquoi pas ? Le débat aura lieu malgré tout. Mais, dans ce cas, il faut en finir avec l’hypocrisie. Mme Borne a dit en réponse à la motion de censure qu’elle souhaitait gouverner et agir ensemble, mais le comportement des groupes qui la soutiennent va dans un tout autre sens.

M. le président Guillaume Kasbarian. Encore une fois, les différences idéologiques font que nous ne sommes pas tous d’accord.

Mme Anne-Laurence Petel. Il n’y a pas, d’un côté, ceux qui défendent les locataires et, de l’autre, ceux qui défendent les propriétaires. Il y a un problème de logement.

Les lois déjà votées constituent autant de boîtes à outils pour les collectivités territoriales – qu’il s’agisse de la loi ELAN, de la loi ALUR ou de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains (loi SRU).

Les zones tendues sont particulièrement nombreuses dans les métropoles, mais les causes sont multiples. On a parlé de l’absence de logements vacants à Nantes, mais dans la métropole d’Aix-Marseille-Provence il y en a énormément – 7 000 à Aix-en-Provence. Ailleurs, c’est le foncier disponible qui fait défaut pour construire.

Nous n’avons pas la même approche philosophique. Vous pensez que la France est un espace homogène. Nous pensons qu’il faut mettre différents instruments à la disposition des élus locaux, afin qu’ils puissent répondre aux besoins en logements plus nombreux et moins chers en fonction des spécificités de leur territoire.

Nantes et Aix-en-Provence ne se ressemblent pas du tout. Si les causes sont différentes, les solutions doivent l’être aussi.

M. Charles Fournier. J’avais déposé un amendement à l’article 6 qui n’apparaît finalement plus dans la liasse des amendements mis en discussion. Je trouve cela dommage.

Il proposait la rénovation écologique performante de tous les logements, grâce à une prise en charge financière des travaux par l’État – totale pour les ménages les plus modestes et à plus de 90 % pour les ménages modestes. Cette mesure permettrait d’améliorer directement le pouvoir d’achat et concerne tant les petits propriétaires dont nous avons parlé que les locataires.

Une telle mesure de justice sociale aurait complété MaPrimeRénov’, qui ne permet pas aux ménages les plus modestes d’effectuer les travaux de rénovation thermique. Elle aurait été bénéfique pour le climat et aurait renforcé la souveraineté énergétique. Il est vraiment regrettable que cet amendement n’ait pas été retenu.

M. le président Guillaume Kasbarian. Pour votre information, Monsieur Fournier, M. Coquerel, président de la commission des finances, avait été saisi de la recevabilité de votre amendement CE185. Ce dernier avait été en quelque sorte mis en réserve dans l’attente de sa réponse. Comme elle n’est pas venue, j’ai moi-même déclaré cet amendement irrecevable au titre de l’article 45 de la Constitution.

La commission rejette l’amendement.

Titre II
Protection du consommateur

Chapitre Ier
Résiliation de contrats

Article 7 (art. L. 221-14 et L. 242-10 du code de la consommation) : Modalités de résiliation des contrats conclus par voie électronique

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE250 et CE251 de Mme Sandra Marsaud.

Amendement CE55 de M. Jérôme Nury.

M. Jérôme Nury. L’article 7 vise à permettre aux consommateurs de résilier facilement un contrat conclu par voie électronique, afin de ne pas les maintenir captifs d’un opérateur.

L’amendement propose de faciliter la résiliation de tous les contrats, y compris ceux qui n’ont pas été conclus par voie électronique. Il s’agit d’aider l’ensemble des consommateurs, dont ceux qui s’engagent par écrit.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’article 7 ne porte que sur les contrats souscrits par voie électronique. Il établit un parallélisme des formes logique entre les modalités de souscription de ces contrats et leur rupture à l’initiative de l’une des parties.

En visant les contrats de manière générale, la modification proposée excède très largement le champ de la disposition. Cela présente un problème au regard de la multiplicité des conventions potentiellement affectées et qui font l’objet de régimes spécifiques dans le code de la consommation. Au reste, les parties à un contrat peuvent convenir librement d’une résiliation par voie électronique.

Si l’on peut comprendre la recherche de simplicité, l’amendement n’est pas proportionné. Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

M. Jérôme Nury. Je m’étonne de cette réponse. Lorsque l’on fait l’objet d’une contravention routière sous forme papier, on peut l’acquitter par voie électronique. C’est donc bien une facilité qui est offerte aux usagers.

L’amendement propose de faire de même pour les contrats privés, ce qui constituerait une avancée pour l’ensemble des consommateurs.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Dans cet exemple, il ne s’agit pas d’un contrat.

La commission rejette l’amendement.

Mme Sophia Chikirou. Il me semble que cet amendement a été adopté lors du vote.

M. le président Guillaume Kasbarian. De mon siège, je vois parfaitement l’ensemble des députés des différents groupes et je souhaite que vous ne remettiez pas en question toutes mes annonces sur les résultats des votes. Ou bien présentez votre candidature à la présidence de la commission et prenez ma place.

Pendant les cinq années précédentes, les débats ont été apaisés au sein de cette commission et le résultat des votes n’a pas été systématiquement discuté.

Amendement CE269 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement propose de réécrire l’alinéa 5 de l’article afin de préciser la finalité de l’obligation faite aux professionnels de mettre en place une fonctionnalité permettant aux consommateurs de résilier un contrat électronique suivant le même procédé que celui utilisé pour sa conclusion. Il précise également les mesures d’application qui relèvent du pouvoir réglementaire, pour s’assurer de la pleine efficacité du dispositif.

Il s’agit là de la mise en place du fameux bouton « Résiliation ».

Mme Bénédicte Taurine. Je reviens sur le vote précédent. Dans le doute, il est toujours possible de compter de nouveau ponctuellement.

M. le président Guillaume Kasbarian. C’est bien noté et je n’y suis pas opposé – nous l’avons d’ailleurs fait précédemment. Je vous assure que le résultat du vote était clair et je souhaite que la confiance s’installe.

M. Matthias Tavel. La confiance n’exclut pas le contrôle.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’amendement CE30 de M. Richard Ramos tombe.

Amendement CE67 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. La loi du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dite « loi Chatel », avait déjà facilité les démarches de résiliation d’abonnement téléphoniques ou internet. Néanmoins, rompre un contrat implique parfois de payer des frais de résiliation : pour un abonnement souscrit pour vingt-quatre mois, il faut s’acquitter du remboursement des mensualités restantes sur la première année, plus 25 % des frais restants sur la deuxième année.

Cet amendement vise à supprimer ces frais. Le projet de loi porte sur le pouvoir d’achat et vise à faciliter la résiliation des contrats. Allons jusqu’au bout de la logique.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cette mesure soulève plusieurs difficultés.

En premier lieu, elle ne relève pas de l’article 7, qui concerne une disposition de portée générale relative aux contrats souscrits par voie électronique. Les contrats de services de communications électroniques relèvent, quant à eux, de dispositions spécifiques – en l’occurrence les articles L. 224-26 à L. 224-42-4 du code de la consommation.

En second lieu et plus fondamentalement, l’objet de l’article 7 n’est pas de réduire de manière arbitraire les frais de résiliation qui peuvent être imputés aux consommateurs en cas de rupture anticipée de leurs engagements. Il s’agit de favoriser les démarches de résiliation dans le respect de l’équilibre des relations contractuelles nouées avec les professionnels.

En l’absence d’évaluation, votre proposition pourrait aboutir à des comportements opportunistes susceptibles de déstabiliser le marché concerné. Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Julien Dive. L’amendement porte sur l’article 7, sinon il n’aurait pas été jugé recevable au titre de l’article 45 de la Constitution – n’est-ce pas, monsieur le président ?

Si l’article 7 permet de faciliter la procédure de résiliation des contrats, il ne donnera pas mécaniquement du pouvoir d’achat supplémentaire aux Français. L’amendement le permet, en évitant de faire payer la deuxième année qui reste. Avec des contrats où les personnes s’engagent pour vingt-quatre mois, voire davantage, on ne peut pas parler de recherche d’effet d’aubaine – cela pourrait être le cas s’il s’agissait de contrats d’une durée inférieure à douze mois, mais ils ne sont pas concernés par l’amendement.

Je suggère à la rapporteure pour avis de reconsidérer son avis sur un amendement qui donne du pouvoir d’achat aux Français.

M. Matthias Tavel. L’amendement a été jugé recevable quand d’autres relatifs aux abonnements de gaz et d’électricité, sujets que le texte aborde pourtant, ont été considérés comme des cavaliers. Je peine à vous suivre, monsieur le président.

Nous soutenons l’amendement, en raison non pas de l’idéologie qui le sous-tend en vertu de laquelle le pouvoir d’achat est mieux garanti par une concurrence plus forte et la loi du marché en toutes circonstances – nous sommes partisans de la régulation économique – mais de la double peine infligée au consommateur. Les actes individuels de consommateurs ne risquent guère de déstabiliser des marchés qui relèvent plus de l’oligopole voire de l’entente entre opérateurs.

Il s’agit d’une mesure de bon sens. Dans un esprit constructif que vous revendiquez, nous voterons l’amendement même s’il est issu d’autres bancs que les nôtres.

M. le président Guillaume Kasbarian. L’amendement porte sur les résiliations de contrat, qui est précisément l’objet de l’article 7.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’amendement pourrait avoir pour effet de remettre en cause tous types de contrats. C’est une véritable révolution.

Je maintiens mon avis défavorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE68 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Il s’agit de dispenser les personnes engagées dans une procédure de surendettement de s’acquitter des mensualités restantes et des frais de résiliation de l’abonnement auquel il est mis fin.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Le surendettement constitue déjà un motif légitime de résiliation anticipée des contrats d’abonnement téléphonique. Le paiement d’indemnité n’est alors pas dû, seuls les frais de dossier peuvent rester à la charge du consommateur. Toutefois, cette faculté dépend des stipulations contractuelles. Elle est laissée à l’appréciation des professionnels. Le surendettement doit constituer un événement imprévisible lors de la souscription de l’abonnement et empêcher sa poursuite.

La mesure proposée paraît utile en ce qu’elle permet de prévenir l’aggravation de situations personnelles. Toutefois, elle aurait sans doute plus sa place dans le code de la consommation et exige peut-être de trouver les moyens de prévenir des comportements opportunistes. Votre préoccupation me semble ici légitime – nous devons absolument reparler du précédent amendement. J’émets donc un avis de sagesse.

M. Éric Bothorel. Nous sommes l’un des pays d’Europe dans lesquels les forfaits téléphoniques sont les moins chers. Tous les Français en bénéficient.

L’idée est généreuse mais il conviendrait de distinguer le service – la ligne téléphonique – et l’équipement, sinon les opérateurs seront moins enclins à proposer des offres avantageuses dont profitent aussi bien les plus modestes que les autres. Qui acceptera de subventionner un équipement téléphonique si l’abonnement risque d’être interrompu pour cause de surendettement ?

S’agissant du service, la loi « Le Maire » du 7 octobre 2016 protège déjà le consommateur en assurant la continuité de ce dernier.

Mme Sophia Chikirou. Mme la rapporteure pour avis a parlé d’opportunisme de la part des personnes déposant un dossier de surendettement.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. C’est scandaleux ! Ce n’est pas ce que j’ai dit.

Mme Sophia Chikirou. Vous avez mis en avant le risque de comportements opportunistes. Or les personnes concernées sont souvent dans une situation de détresse totale. Elles n’ont plus aucun moyen pour quoi que ce soit.

Nous voterons l’amendement car il constitue un progrès social. Il offre aussi une vraie protection aux consommateurs sans porter atteinte à l’équilibre financier des grands opérateurs de téléphonie.

Je suis étonnée des propos de M. Bothorel. Alors que nous discutons d’un projet de loi pour protéger le pouvoir d’achat des Français, sa première préoccupation concerne les entreprises. Intéressons-nous aux personnes en surendettement – elles sont quelques milliers – qui ont besoin de voir leur pouvoir d’achat réellement défendu. L’amendement y contribue donc j’espère qu’il sera adopté.

M. Frédéric Descrozaille. Délié de la discipline majoritaire par l’avis de sagesse émis par la rapporteure pour avis, chacun pourra se prononcer librement dans ce débat intéressant. Ne le caricaturez pas.

Ce qu’a dit M. Bothorel, c’est que les offres des entreprises françaises – cela peut vous gêner qu’elles appartiennent au secteur privé – sont particulièrement avantageuses pour les consommateurs en matière d’équipement et d’abonnement. Les profits des entreprises ne sont pas le sujet.

Le choix est le suivant : est-ce à l’État, à travers la contrainte réglementaire et l’argent public, de soutenir le pouvoir d’achat ou l’État doit-il conjuguer son action avec les opportunités du marché ?

Les deux amendements sont présentés par M. Julien Dive, ce qui ne les empêche pourtant pas de pouvoir être adoptés, mais ils pourraient avoir pour effet un renchérissement des offres.

Le débat ne se résume pas à une opposition entre capitalistes et défenseurs du consommateur. De grâce, élevons-le !

M. Hervé de Lépinau. Je ne saisis pas ce que l’amendement apporte au droit existant. Lorsqu’un dossier de surendettement est déposé, la commission interroge tous les créanciers et un tableau des créances exigibles est établi, permettant de déterminer l’échéancier du plan de remboursement. Ainsi, l’opérateur de téléphonie sera nécessairement interrogé.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements CE252, de coordination, et CE253, de précision, de Mme Sandra Marsaud.

Amendements CE95 de M. Philippe Naillet et CE80 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Philippe Naillet. Face à l’urgence sociale, il convient de fixer l’entrée en vigueur de la mesure à trois mois après la promulgation du texte, sans attendre le 1er février 2023.

M. Thibault Bazin. L’amendement a pour but d’appeler l’attention sur l’importance de sécuriser la résiliation. Il faut également s’assurer de l’efficacité du dispositif proposé.

Quel est donc le délai raisonnable pour adapter les systèmes d’information ? La date du 1er février 2023 inspire des doutes. Le délai est-il suffisant pour garantir aux clients un outil fiable et sûr dans lequel ils peuvent avoir confiance ?

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’amendement CE95 vise à raccourcir le délai, l’amendement CE80 à l’allonger.

Je comprends le souci d’une application rapide d’une mesure favorable au pouvoir d’achat. Cependant, une telle anticipation, outre qu’elle est peu réaliste, pourrait s’avérer contre-productive. Les professionnels seraient contraints d’instaurer le nouveau dispositif avant novembre 2022, ce qui ne laisse guère de place à la concertation nécessaire entre opérateurs et pouvoirs publics sur les questions juridiques et techniques. Faute de temps, celui-ci risque d’être mal conçu et de ne pas produire les effets recherchés.

Lors des auditions, des appréciations diverses ont été portées sur le délai d’application. La DGCCRF et le Trésor nous ont indiqué que les concertations avaient déjà commencé. Il faut fixer une date butoir exigeante pour inciter les acteurs à mettre en œuvre le dispositif rapidement. N’oublions pas que nous discutons de mesures d’urgence.

Je suis favorable à un délai médian, d’où mon opposition aux deux amendements.

M. Thibault Bazin. L’attente des clients s’agissant de la résiliation est forte. Il est un peu exagéré de qualifier de mesure d’urgence un dispositif qui n’entrera pas en application avant le mois de février.

Nous savons que l’adaptation des systèmes d’information demande du temps – nous l’avons vu pour la contemporanéisation de l’APL. Les délais de réaction des prestataires, qu’ils soient publics ou privés, sont souvent plus longs que ce que nous voudrions. N’inscrivons pas dans la loi un délai intenable. Ne prenons pas le risque de voir un consommateur privé de téléphone portable après avoir changé d’opérateur.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 7 modifié.

Article 8 (art. L. 113-14 du code des assurances, L. 221-10-3 du code de la mutualité et L. 932-12-2 et L. 932-21-3 du code de la sécurité sociale) : Résiliation en trois clics des contrats d’assurance, couvrant les consommateurs, souscrits par voie électronique

Amendement CE270 de Mme Sandra Marsaud.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Il s’agit de préciser la portée de l’obligation faite aux assureurs, aux mutuelles et aux institutions de prévoyance de mettre à la disposition des personnes titulaires d’un contrat d’assurance une fonctionnalité leur permettant d’accomplir la notification et les démarches nécessaires à la résiliation du contrat.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CE57 de M. Jérôme Nury, CE31 de M. Richard Ramos, CE182 de M. Sébastien Jumel et CE186 de M. Charles Fournier tombent.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Jumel, je vous conseille de déposer un nouvel amendement en adaptant celui qui vient de tomber à la nouvelle rédaction issue de nos travaux.

Amendements CE96 de M. Philippe Naillet et CE81 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme Marie-Noëlle Battistel. À l’instar de l’amendement sur l’article 7, il s’agit d’anticiper l’entrée en vigueur.

M. Thibault Bazin. J’ai retenu des auditions que nous devons veiller à fixer des délais compatibles avec les contraintes techniques, même s’il est souhaitable d’aller vite dans l’intérêt des consommateurs.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Les arguments que j’ai présentés à l’article 7 restent valables. En retenant la date du 1er février, le projet de loi choisit une solution médiane.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 8 modifié.

Chapitre II
Lutte contre les pratiques commerciales illicites

Article 9 (art. L. 132-2-1 et L. 132-2-2 [nouveaux], L. 132-11-1 et L. 132‑11-2 [nouveaux] et L. 454-1 du code de la consommation) : Sanctions contre les pratiques commerciales illicites et habilitation à légiférer par ordonnance

Amendements identiques CE56 de M. Jérôme Nury et CE82 de M. Thibault Bazin.

M. Vincent Rolland. L’amendement tend à priver le Gouvernement de la possibilité de prendre des ordonnances afin de renforcer les moyens d’action de la DGCCRF. Nous souhaitons rompre avec le mode de fonctionnement que nous avons connu sous la précédente législature. Si nous approuvons le fond, nous sommes en désaccord sur la forme.

M. Thibault Bazin. La refonte du droit de la consommation, engagée au niveau européen, aura certainement pour effet de renforcer les pouvoirs des agents de la DGCCRF.

Le champ de l’habilitation est trop large et insuffisamment justifié. Nous manquons de visibilité sur l’étendue des dispositions que pourrait prendre le Gouvernement ; le projet de loi cite le code de la consommation et le code de commerce ainsi que « s’il y a lieu, d’autres codes et lois ».

Nous ne pouvons pas nous dessaisir de notre pouvoir alors que nous venons de commencer notre travail de législateur. Vous risquez de décevoir les citoyens tant les attentes sont fortes.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Le recours à l’article 38 de la Constitution ne paraît pas incongru au regard de la technicité des dispositions à prendre et du travail approfondi qu’elles réclament.

Dans son avis, le Conseil d’État n’a émis aucune réserve sur le champ de l’habilitation demandée. Les ordonnances sont un des fondements de la législation sous la Ve République. Une fois prises, elles sont soumises au Parlement pour ratification.

Je comprends la volonté de voir l’Assemblée nationale délibérer sur les mesures envisagées par le Gouvernement. Il ne me semble toutefois pas opportun, à ce stade, de supprimer l’habilitation dont l’objet est de protéger le consommateur. En outre, on le sait, la délinquance économique devient de plus en plus sophistiquée du fait des nouvelles technologies.

Le vote de l’article, que je souhaite évidemment, n’interdit pas d’obtenir du Gouvernement, avant la séance publique, des précisions – je les ai demandées lors des auditions. Je m’engage en ce sens, sachant que l’étude d’impact comporte déjà quelques éléments.

M. Sébastien Jumel. Nous en avons fait l’expérience, l’abus d’ordonnances nuit gravement à la santé de nos concitoyens. Nous sommes partisans d’un retour en force du Parlement. Les parlementaires sont capables de faire preuve de discernement et de précision pour légiférer. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les amendements déposés par nos collègues de droite.

Si le Gouvernement est en mesure de préciser le champ de l’habilitation, il pourra déposer en séance un amendement pour rétablir cette dernière. En attendant, devant le flou artistique de la rédaction actuelle, nous refusons de nous dessaisir de nos prérogatives.

M. Thibault Bazin. Il y a un problème de méthode. Habituellement, le recours aux ordonnances est justifié par l’urgence et, lors de la dernière législature, la complexité – nous devions faire confiance à l’administration pour rédiger mieux que nous n’étions capables de le faire.

Cela nous prive d’un débat parlementaire sur le fond. Lors de la précédente législature, les textes discutés par l’Assemblée ont été moins nombreux que les ordonnances – 180 contre 210. Il faut rompre avec cette pratique.

Ensuite, en matière de consommation, nos retours du terrain sont précieux pour élaborer un texte en prise avec la réalité.

Enfin, contrairement à votre affirmation, madame la rapporteure pour avis, de trop nombreuses ordonnances ne sont pas ratifiées. Nous ne sommes donc pas en mesure de contrôler le respect de l’habilitation que nous avons accordée. Un changement de méthode s’impose dès le début de ce quinquennat.

M. Jérôme Nury. Sous la précédente législature, on nous faisait valoir qu’il fallait aller vite et être technique. Nous sommes capables de comprendre ce dont le pays a besoin et de rédiger le texte nous-mêmes. Arrêtons de mépriser le législateur !

La plupart des ordonnances ne sont, de surcroît, pas soumises au Parlement pour ratification. Travaillons ensemble pour aboutir à un texte écrit par les députés.

Mme Bénédicte Taurine. Nous ne pouvons pas accepter de poursuivre la pratique en matière d’ordonnances sous la précédente législature. Nous soutenons donc les amendements. Le dernier mot doit revenir aux parlementaires. La majorité a changé, le Gouvernement ne peut pas continuer à traiter le Parlement comme il l’a fait précédemment.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Le groupe Socialistes et apparentés partage le constat d’un recours excessif aux ordonnances et de l’absence de ratification sous la précédente législature. Trop de décisions échappent au Parlement. Nous voterons les amendements.

M. Hervé de Lépinau. Des ordonnances, le président Macron nous en a administrées de sévères. L’occasion nous est offerte de redonner leur place aux débats – ils sont de qualité, nos discussions en attestent – et de légiférer de nouveau. Cela contribuera à la respiration démocratique. C’est la raison pour laquelle nous soutenons les amendements

M. Thierry Benoit. Je comprends les députés qui sont opposés au recours aux ordonnances, quel que soit le Gouvernement. Ils ont raison.

Toutefois, si j’ai bien compris, l’article 9 prévoit d’aggraver les sanctions contre toutes les pratiques commerciales déloyales. En l’espèce, le Gouvernement a raison de vouloir agir immédiatement pour lutter contre la spéculation et la fraude qui se répandent actuellement dans de nombreux domaines.

M. Vincent Rolland. Rien ne nous interdit de légiférer rapidement. Pourquoi serions‑nous condamnés à agir à un rythme de tortue ?

Il reste une question : les administrations auront-elles les moyens d’agir et de contrôler les fraudeurs ?

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. L’article 9 comprend deux parties : la première porte sur le renforcement des peines ; la seconde est une demande d’habilitation visant à renforcer les moyens de la DGCCRF. Il me semble que son champ est assez précis : « faciliter les échanges d’information entre les officiers de police judiciaire et les agents habilités au titre du code de la consommation ; alléger la procédure prévue à l’article L. 521‑3‑1 du code de la consommation dans le domaine du numérique ; renforcer les mesures de publicité des injonctions prononcées par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ou par l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation ; déterminer les conditions dans lesquelles les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes peuvent communiquer, avec l’accord du procureur de la République et sous son contrôle, sur les procédures pénales auxquelles ils concourent ». On ne peut pas dire que l’on nous cache quelque chose.

Lequel d’entre vous n’a pas approuvé, lors de précédents mandats, le recours aux ordonnances au nom du service du peuple ? Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt. Les ordonnances sont un des outils majeurs de la Ve République, elles ont été utilisées à de très nombreuses reprises

La commission adopte les amendements.

En conséquence, les amendements CE97 et CE98 de M. Philippe Naillet tombent.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 9 modifié.

Après l’article 9

Amendement CE34 de M. Richard Ramos.

M. Richard Ramos. Des concitoyens se sont aperçus qu’ils n’étaient finalement pas assurés pour les dégâts subis par des panneaux solaires après une pluie de grêlons, leurs assureurs ayant fait valoir que c’était en option. Il convient donc d’obliger ces derniers, chaque année, à faire connaître aux assurés les options auxquelles ils n’ont pas souscrit, donc, les garanties supplémentaires dont ils peuvent bénéficier.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. En envisageant qu’à défaut d’avoir adressé des documents d’information sur les garanties supplémentaires et les tarifs correspondant l’assureur assume la couverture des dommages survenus en cas de sinistre, cet amendement risque de porter une atteinte disproportionnée au principe protégeant la liberté contractuelle ainsi qu’à l’économie des contrats.

Il reviendrait à mettre à la charge d’un opérateur la couverture de dommages non prévus par un contrat d’assurance. Or la couverture des risques implique un engagement librement consenti des deux parties et les obligations souscrites par un assuré conditionnent le paiement de primes. Si notre collègue souhaite sanctionner un défaut d’information, la mesure envisagée ne constitue pas un moyen approprié.

Demande de retrait ; sinon, avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou. Les compagnies d’assurances dont il est question sont particulièrement bénéficiaires et très loin de tout risque financier, à la différence de nos concitoyens qui peuvent se retrouver dans des situations dramatiques – et de plus en plus, compte tenu des effets du changement climatique. En faisant en sorte qu’elles informent mieux et proposent d’élargir les garanties auxquelles il est possible de souscrire, cet amendement relève du bon sens. Si l’assuré ne le fait pas, il en assumera les conséquences.

M. Sébastien Jumel. Selon le bon sens populaire, une assurance, c’est bien tant que l’on n’en a pas besoin, et il est préférable de savoir lire les petites lignes et les astérisques pour savoir à quelle sauce on sera mangé en cas de sinistre.

Faire peser la charge de la preuve et de la bonne information sur l’assureur me semble en effet relever du bon sens afin de protéger le consommateur et, d’une certaine manière, son pouvoir d’achat en cas de sinistre. J’espère que cet amendement, auquel nous souscrivons, sera adopté.

M. Hervé de Lépinau. Il suscite en tout cas une nouvelle interrogation juridique. En droit des assurances, l’obligation est déclarative : si l’assuré ne signale pas ce qui est assurable, l’assureur ne le devinera pas à sa place. Il me semblerait beaucoup plus intéressant d’obliger les assureurs à inscrire une clause de revoyure annuelle pour faire le point avec son client sur ce qui peut être assuré.

J’ajoute qu’autant il est possible d’avoir un service de qualité et de proximité avec son agent d’assurance local, autant les choses sont beaucoup plus compliquées avec la souscription en ligne.

Cet amendement me semble donc plein de bonnes intentions mais il conviendrait sans doute que notre collègue le retire et qu’il soit réécrit en vue de la séance publique afin qu’assureurs et assurés puissent réfléchir ensemble chaque année sur ce qui peut être assuré.

En tant qu’avocat, je sais que nombre d’assureurs ne dialoguent pas avec leurs assurés. Un couvreur qui, par exemple, n’a pas déclaré qu’il était également zingueur ne sera pas assuré pour un sinistre survenu dans ce domaine alors que les deux activités sont presque toujours liées.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Je ne remets pas du tout en cause la raison d’être de cet amendement mais la sanction prévue, qui pourrait avoir des conséquences importantes. Nous avons tout intérêt à le retravailler ensemble, en bonne intelligence, en vue de la séance publique.

M. Richard Ramos. Je le maintiens mais nous le retravaillerons ensemble, en effet.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques CE113 de M. Nicolas Meizonnet, CE181 de M. Sébastien Jumel et CE211 de Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes. Le code monétaire et financier prévoit que lorsqu’un consommateur subit une fraude sur son compte, la banque, après en avoir pris connaissance ou en avoir été informée, doit le rembourser immédiatement. Or, si tel n’est pas le cas, aucune sanction n’est prévue.

Pourtant, selon le dernier rapport de la Banque de France, les fraudes bancaires se multiplient ; elles représentent plus d’1,2 milliard d’euros et touchent un nombre croissant de victimes. Pas moins d’1,3 million de ménages en ont ainsi été victimes en 2020, soit une hausse de 161 % depuis 2010. De plus, une fraude sur six n’est pas remboursée par les banques, qui trouvent des subterfuges. Selon l’UFC-Que choisir, elles dupent leurs clients en leur faisant croire qu’ils sont fautifs.

Pour protéger le pouvoir d’achat des consommateurs, il convient donc de renforcer la législation en instaurant une sanction en cas de refus de remboursement afin de contraindre les banques à respecter leur obligation légale.

M. Sébastien Jumel. Il convient en effet de prévoir un renforcement des sanctions pour les établissements bancaires qui manquent à leur obligation légale de rembourser immédiatement les victimes de fraude. Cela me paraît d’autant plus nécessaire que ce phénomène prend de plus en plus d’ampleur, comme en atteste le dernier rapport de la Banque de France, qui établit à 1,2 milliard d’euros les sommes concernées, 1,3 million de ménages étant victimes de telles pratiques. L’UFC-Que choisir a reçu plus de 4 300 signalements faisant état de pratiques frauduleuses. Cet amendement de bon sens ne mettra pas les banques en péril !

M. Nicolas Meizonnet. Notre amendement a le même objectif.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Ces amendements visent à appliquer des intérêts légaux majorés à l’encontre d’un établissement bancaire ou d’un service de paiement en cas de non-remboursement des montants d’opérations de paiement non autorisées et signalées ainsi que dans l’hypothèse d’un non-rétablissement d’un compte bancaire dans son état antérieur à l’opération litigieuse.

Je m’en remets à la sagesse de la commission, étant entendu qu’il conviendrait peut-être de les retravailler pour la séance publique.

M. Bertrand Bouyx. Je suis assez surpris car je pensais que ces remboursements étaient automatiques. Il me paraîtrait de bon aloi que ces amendements soient adoptés – à titre personnel, je voterai en leur faveur – tant ce type de situation est fréquent.

M. Thibault Bazin. Nous soutiendrons également ces amendements, qui vont dans le bon sens. Nous connaissons tous, localement, la terrible situation que connaissent des gens ayant été abusés.

La commission adopte les amendements.

Amendement CE88 de M. Nicolas Meizonnet.

M. Nicolas Meizonnet. Il convient de sanctionner plus durement les ententes et abus de position dominante, pratiques qui ont évidemment une incidence sur le pouvoir d’achat des Français. De nombreux acteurs de la vie économique ont tiré la sonnette d’alarme, dont M. Michel-Édouard Leclerc, qui a appelé l’attention sur une hausse des prix due à la spéculation. Il estime même que « la moitié des hausses ne sont pas transparentes et sont suspectes ». L’économiste Philippe Askenazy considère, quant à lui, que ces hausses pourraient même être causées par des ententes sur les prix, voire par des abus de position dominante. La loi actuelle nous semble plus qu’insuffisante puisque la peine d’amende encourue est bien inférieure aux profits que peuvent générer ces pratiques.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Cet amendement tend à modifier le code de commerce afin de porter la peine encourue par les personnes physiques en cas de pratiques anti-concurrentielles de 75 000 à 300 000 euros.

Il est certes possible de partager la volonté que cessent ces agissements qui nourrissent l’inflation et amputent le pouvoir d’achat mais le durcissement des sanctions ne présente qu’un caractère symbolique et pas nécessairement dissuasif. Il importe davantage d’assurer la bonne application de la loi en permettant aux services chargés de veiller au respect du droit de la concurrence de mener les contrôles nécessaires et de détecter les pratiques anticoncurrentielles.

Tel était le sens de l’habilitation à légiférer par ordonnance demandé à l’article 9 du projet de loi afin de conforter les moyens d’action de la DGCCRF.

Avis défavorable.

Mme Sophia Chikirou. Il me semble qu’une mission a été constituée pour connaître toutes les causes de l’inflation, certaines d’entre elles étant sans doute anormales. Notre groupe attendra ses conclusions avant de se prononcer sur ce type d’amendement.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous remercie pour votre sagesse, notre commission ayant en effet décidé de créer un groupe de travail sur le suivi des causes de l’inflation, dont il me paraît utile d’attendre les conclusions.

M. Hervé de Lépinau. L’inflation que nous subissons est éminemment structurelle et absolument pas conjoncturelle. Elle s’explique par les milliards et les milliards d’euros créés pendant des années sans qu’ils correspondent à des richesses effectives. La planche à billets, mécaniquement, est inflationniste et nous sommes dans un cycle long. Il est inutile de s’interroger 107 ans sur les causes de l’inflation : l’euro qui, au départ, était censé nous protéger, craque de toute part et nous mènera à l’abîme tant il n’est plus adéquat dans un espace économique où les disparités sont très importantes.

M. Frédéric Descrozaille. L’aggravation des sanctions me semble de bonne politique et je ne suis pas du tout d’accord avec les propos qui viennent d’être tenus : depuis la réforme du système monétaire de 1976, la planche à billets ne fonctionne plus. Nous sommes dans un système entièrement privé, les banques centrales veillant à lutter contre l’inflation. Nous sommes confrontés à une hausse des prix qu’expliquent de nombreux éléments qu’il conviendra d’étudier dans un cadre transpartisan.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE20 de M. Pierre Cordier.

M. Pierre Cordier. Un texte a été adopté lors de la législature précédente pour lutter contre le démarchage téléphonique agressif mais il n’a quasiment servi à rien. Je propose donc de renforcer significativement les sanctions afin de protéger nos concitoyens face à une pratique que nous connaissons tous.

Mme Sandra Marsaud, rapporteure pour avis. Vous proposez de modifier l’article L. 242‑16 du code de la consommation en portant l’amende administrative pouvant être infligée contre une personne physique à 75 000 euros et à 375 000 euros celle qui est prévue contre une personne morale.

Ce sont précisément les montants prévus depuis l’entrée en vigueur de la loi n° 2020‑901 du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer ou à le retravailler en vue de la séance publique.

L’amendement est retiré.

TITRE III
SouverainetÉ ÉnergÉtique

Chapitre Ier
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en gaz

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le titre III traite de mesures de sécurisation stratégique ou juridique dans le domaine de l’énergie : nous savons combien les incertitudes sont grandes s’agissant des importations de gaz ; 31 tranches de notre parc nucléaire sont à l’arrêt et nos moyens hydrauliques sont très contraints compte tenu des sécheresses que nous avons connues. Le titre III traite également de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), lequel vise en premier lieu à sécuriser le bouclier tarifaire et, dès lors, à protéger le pouvoir d’achat des Français.

C’est en effet la gravité des risques – notamment pour la souveraineté énergétique de notre pays – et la proximité des menaces qui ont conduit le Gouvernement à introduire dans ce texte les dix articles que j’ai été chargée de rapporter pour notre commission. Il n’est pas question, pour autant, de ne pas limiter les effets négatifs pour l’environnement et, encore moins, de remettre en cause nos ambitions en matière climatique.

Malgré des délais très contraints, nous avons réussi à auditionner des représentants de presque tous les acteurs concernés. J’ai ainsi entendu onze organisations, sans parler des différents ministères concernés.

Les articles 10, 11, 12, 13 et 14 concernent la sécurité d’approvisionnement en gaz. Comme vous le savez, du fait de la guerre en Ukraine, nos importations de gaz russe ont considérablement baissé et pourraient être interrompues cet hiver.

Nous avons parfaitement conscience que le gaz est une énergie fossile. Sans doute est‑ce la moins mauvaise solution dès lors que 12 millions de ménages français se chauffent ainsi. Ces articles permettront d’assurer la production d’électricité à partir des centrales à gaz et d’assurer le chauffage urbain.

Les articles 15 et 16 concernent la réouverture d’une centrale à charbon. Certes, ce n’est pas une bonne nouvelle mais nous ne pouvons pas nous permettre de laisser les Français dans le noir et de prendre le risque qu’ils n’accèdent pas à une énergie suffisante cet hiver. La mise à l’arrêt de douze tranches nucléaires pour suspicion de corrosion n’a pas été non plus une bonne nouvelle. Nous proposons un dispositif d’urgence avec de réelles mesures de compensation environnementales.

Enfin, les articles 17, 18 et 19 concernent l’ARENH, l’objectif étant que le consommateur accède à un prix régulé et continue de bénéficier d’un bouclier tarifaire. Il sera notamment question des électro-intensifs, qui ont largement bénéficié l’année dernière de l’augmentation du volume de l’ARENH. Si tel n’avait pas été le cas, un certain nombre d’entreprises auraient été en faillite, le coût de l’énergie, pour les électro-intensifs – qui emploient 150 000 personnes dans notre pays –, pouvant représenter jusqu’à 50 % du coût de production total.

Mme Julie Laernoes. Je m’étonne de l’irrecevabilité d’un certain nombre d’amendements dès lors que nous sommes tous d’accord pour agir en faveur de la souveraineté énergétique, donc, de la sécurité énergétique. Il aurait été de bonne politique d’inclure dans le texte des dispositifs qui favorisent la sobriété. Nous savons tous que le premier levier de la sécurité énergétique consiste à réduire drastiquement la consommation. Nous en avons les moyens, nous avons fait des propositions dont je regrette qu’elles n’aient pas été retenues. Couper l’arrivée d’énergie dans des bâtiments vides ou rénover, sur le plan énergétique et thermique, des bâtiments ou des transports, relève du bon sens. Rouvrir une centrale à charbon et des ports méthaniers, en dépit de vos propos liminaires, ne me semble pas limiter les impacts climatiques.

Je regrette que les associations environnementales, notamment le Réseau Action Climat, n’aient pas été auditionnées à cette fin.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons déjà eu l’occasion de discuter de cette question, tout comme j’ai évoqué l’article 45 de notre Règlement et l’irrecevabilité de certains amendements.

Article 10 (art. L. 421-6, L. 421-7-2 [nouveau] et L. 452-1 du code de l’énergie) : Renforcement des obligations de stockage de gaz naturel

Amendement CE125 de Mme Delphine Batho.

M. Charles Fournier. Agir en faveur de notre souveraineté, c’est agir en économisant les énergies mais également prévoir sur le long terme : sobriété énergétique, énergies renouvelables, planification écologique.

Il convient de poser un embargo sur le gaz russe. La France est dépendante des énergies fossiles, 60 % de sa consommation finale d’énergie provenant du gaz ou du pétrole. Or les enjeux sont climatiques, sociaux mais aussi politiques – il y va de la souveraineté et de la paix – et un tel embargo permettrait de mettre fin à cette dépendance.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Une telle décision doit être prise à l’échelle européenne, de manière coordonnée. La France pousse en ce sens mais nous n’en sommes pas encore là. Dès lors que le gaz arrive dans les gazoducs, il n’est techniquement pas possible de faire une différence entre une molécule de gaz russe et d’un autre pays.

Enfin, la sortie des énergies fossiles suppose de pouvoir se passer du gaz et de développer l’ensemble des modes décarbonés. J’espère donc que vous soutiendrez nos propositions, que ce soit en matière d’énergies renouvelables ou de nucléaire.

Demande de retrait ou avis défavorable.

M. Hervé de Lépinau. La question du gaz est en effet problématique mais la balance commerciale russe a explosé grâce aux ventes d’hydrocarbures et de gaz, alors qu’il était question de mettre les Russes à genoux, voire « en slip », si l’on se fie à M. Le Maire. Nous ne sommes pas les seuls dans le monde : une majorité d’États-nations ne pratique aucun embargo. Les Russes, donc, rigoleront quand nous aurons froid et que nombre de nos concitoyens ne pourront pas se chauffer. Les postures, ça va deux minutes. L’important, c’est que les Français accèdent à l’énergie.

Des entreprises sont également prises à la gorge. Pour l’une d’entre elles, dans la Meuse, qui fabrique des panneaux de bois pour les aménagements intérieurs, le mégawatt équivalent gaz coûtait environ 14 euros il y a un an et il en coûte aujourd’hui 136. Cela représente 800 000 euros de coûts supplémentaires et les salariés sont à deux doigts du chômage technique.

Vous vous apprêtez à relancer une centrale à charbon parce que des centrales nucléaires ont été fermées pour faire plaisir aux écolos, avoir leurs voix et stabiliser des majorités. Nous arrivons au grand moment de vérité pour ceux qui ont fait non pas de l’écologie mais de l’idéologie.

Je voterai contre cet amendement qui, à mon sens, n’a rien à faire dans un texte consacré au pouvoir d’achat.

M. Éric Bothorel. Si l’on pouvait éviter que la réaction à l’agression, par la Russie, d’un pays européen, soit jugée comme une posture, nos débats y gagneraient en sérénité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE135 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Ma circonscription compte un site stratégique de stockage de gaz et je suis donc très sensible à cette question.

Le mécanisme de régulation de nos stockages repose sur un équilibre très subtil qui devrait nous inciter à éviter toute modification précipitée, de surcroît sans que les acteurs concernés aient été consultés.

Le filet de sécurité consiste à mobiliser conjointement les stockeurs et les fournisseurs, ces derniers souscrivant les capacités de stockage, assurant les remplissages et garantissant la couverture de l’approvisionnement de leurs clients avec tous les risques de marché que cela suppose. Je crains que les dispositifs envisagés ne mettent en péril la solidité financière de ces acteurs et, ensuite, des consommateurs. Nous devons nous montrer très prudents.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Les stocks complémentaires ont en effet très bien fonctionné, mais l’article 10 prévoit un stock de sécurité qui ne justifie pas le maintien des deux dispositifs.

En revanche, vous avez raison à propos du cadre financier : il n’est pas encore stabilisé pour les deux stockeurs français chargés d’assurer le passage de 85 % à 100 % de stockage et dont les trésoreries peuvent être affectées. Des discussions sont en cours sur la manière de procéder. Je vous propose que nous en parlions ensemble mais, en l’état, demande de retrait, sinon, avis défavorable.

M. Thibault Bazin. Je maintiens mon amendement, dans l’attente d’une discussion et d’une finalisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE134 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement apporte plusieurs clarifications, afin que la trajectoire annuelle que le ministre chargé de l’énergie devra fixer porte sur le remplissage des capacités de stockage et que la constitution des stocks de sécurité soit individualisée pour chaque opérateur de stockage de gaz naturel. Il conviendrait aussi d’ajouter une référence explicite à ce régime exceptionnel, comme cela est du reste prévu à l’article 12 du projet de loi.

Pour ce qui est du modèle financier, vous avez prévu une couverture des coûts associés à la constitution des stocks de sécurité complémentaires par les tarifs régulés, qui répondent donc à cette obligation de service public. Le mécanisme financier proposé n’est toutefois pas adapté pour certains opérateurs, en raison, tout d’abord, de l’ampleur des montants en jeu, compte tenu d’un effet volume et d’un effet prix. Un financement spécifique est donc nécessaire. En outre, un financement a posteriori reposant sur les tarifs régulés des opérateurs d’infrastructures posera à court terme la question du préfinancement de ces montants énormes. L’amendement vise donc à corriger le dispositif prévu en prévoyant plutôt une couverture budgétaire de l’État.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. La question est encore en discussion et je propose que nous en parlions dans la semaine à venir. Nous avons, en effet, pleinement conscience que l’effet volume supplémentaire que les stockeurs devront assumer se traduira par des coûts très importants – de mémoire, 2,5 milliards d’euros –, qu’ils ne pourront pas assumer seuls. Ces montants seront donc bien assurés par l’État, mais il faut encore stabiliser le montage financier correspondant et je ne peux pas, en l’état, donner un avis favorable à cet amendement. J’en demande donc le retrait, tout en vous disant que les décisions devraient aller dans votre sens dans les jours à venir.

M. Thibault Bazin. Je comprends donc que mon amendement va dans la bonne direction. M’inspirant de la méthode de M. Jumel, je propose que nous l’adoptions et que, d’ici à l’examen du texte en séance publique, vous puissiez travailler à des amendements permettant, le cas échéant, de le corriger. Nous préférerions, en effet, si toute la commission en était d’accord, une couverture par l’État plutôt que par des tarifs régulés a posteriori, afin de ne pas mettre en danger nos opérateurs, déjà bien malmenés par le passé.

M. Sébastien Jumel. Cet article 10 est technique et complexe. Vous avez en tête que la Commission européenne prévoit d’assigner la France au titre d’une obligation de remplissage, avec des dates et des taux très contraignants. Je m’interroge sur l’effet que cela pourra avoir sur les prix et sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens, voire sur la compétitivité de nos industries lorsqu’elles ont besoin de ces énergies. La compensation de la prise en charge de l’obligation de stockage, que ce soit par l’État ou par celui qui paye, n’est donc pas complètement neutre. L’amendement mérite d’être voté, quitte à être précisé, réécrit ou amélioré d’ici à son examen en séance publique, sans quoi cet article 10 aura sur les prix des répercussions qui ne seront pas du tout neutres.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Nous préférerions fixer des obligations générales, avec une trajectoire de remplissage globale, plutôt que de définir spécifiquement une trajectoire pour chacun des deux opérateurs de stockage que vous connaissez, même si c’est une question dont nous pouvons discuter.

M. Thibault Bazin. Mon amendement comporte plusieurs points et la rapporteure pour avis aurait pu le sous-amender à propos de l’individualisation. Les capacités de stockage, les mécanismes et les positionnements dans le territoire des opérateurs sont différents, et la question du point d’arrivée et du mode de traitement du gaz n’est pas anodine. Si vous gardez un principe général, nous aurons encore des discussions. La question peut se régler par voie réglementaire, mais il est très important que la mesure soit adaptée aux réalités de chaque opérateur. Je maintiens donc mon amendement, en espérant que tout le monde nous rejoindra.

M. Hervé de Lépinau. Moi qui suis un bleu, au début de mon premier mandat, je ne comprends pas pourquoi cette disposition s’inscrit dans le cadre de la loi relative au pouvoir d’achat. Merci de m’apporter une explication, qui intéressera certainement d’autres collègues.

Mme Sophia Chikirou. Mes deux amendements relatifs à l’abonnement au gaz et à l’électricité ont été déclarés irrecevables sous prétexte qu’ils ne correspondaient pas au texte, mais nous discutons ici de dispositions pour lesquelles le lien avec le pouvoir d’achat peut poser question. Comme M. Jumel, cependant, je considère que ces éléments peuvent avoir des effets sur les prix et je vois donc le lien entre la mesure proposée et le pouvoir d’achat. C’est du reste la raison pour laquelle nous voterons pour cet amendement. L’irrecevabilité de mes amendements me reste cependant en travers de la gorge, car ils auraient pu contribuer à préserver le pouvoir d’achat des Français.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous n’allons pas refaire à chaque amendement le débat de la recevabilité ! Sans répéter ce que j’ai déjà dit, je rappelle que le Gouvernement a le droit d’inscrire les dispositions qu’il veut dans un projet de loi lorsqu’il le dépose, après quoi il est soumis aux mêmes règles impartiales que vous en matière de recevabilité, dans le respect de la Constitution.

Vous pourrez présenter à nouveau ces amendements pour la séance publique, et la décision sera peut-être alors radicalement différente de la mienne quant à leur recevabilité. J’ai bien compris votre frustration et j’entends que cela vous soit resté en travers de la gorge, mais nous pouvons réussir à avancer et vous aurez, si vous souhaitez revenir à la charge, de nombreuses occasions de présenter à nouveau ces amendements en séance publique ou à propos d’autres textes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. D’une part, il s’agit de nous assurer que l’ensemble des Français auront bien cet hiver l’énergie nécessaire pour chauffer leurs maisons et recharger leurs appareils. C’est, d’autre part, une question d’offre et de demande : faire en sorte que le marché soit le moins tendu possible aura nécessairement une incidence sur les coûts.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE231 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 10 prévoit l’instauration d’une trajectoire annuelle de remplissage et un objectif minimal de remplissage des infrastructures de stockage, afin de mieux maîtriser la gestion des stocks de gaz. Cet amendement vise à préciser la définition de la trajectoire annuelle, que nous ne jugeons pas très claire dans la rédaction de l’article, en imposant aux opérateurs de stockage un objectif minimal de remplissage. Cette mesure s’appuie sur la réforme récemment actée du règlement européen relatif au stockage de gaz et permet de préciser que la trajectoire est composée d’objectifs intermédiaires, affinant ainsi ce qui est demandé aux opérateurs de stockage.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE230 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE229 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rappporteure pour avis. Il s’agit de simplifier les formalités applicables à la définition des modalités techniques de constitution des stocks par les opérateurs et de cession de ces stocks, en renvoyant à une délibération de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) plutôt qu’à un décret. Ces modalités sont particulièrement techniques : une délibération permettra de disposer d’un dispositif précisément ajusté aux besoins.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CE184 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Les opérations de stockage de gaz ne sont pas anodines sur le plan technique ni en termes de maîtrise, de sécurité ou de sûreté. L’amendement tend donc à préciser que les modalités de constitution des stocks ne dérogent pas au respect des dispositions du code du travail et des accords de branche, notamment quant au haut niveau d’exigence des interventions des électriciens et gaziers, qui sont une garantie de la sûreté et de la sécurité de la maintenance des installations.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Demande de retrait ; sinon avis défavorable. L’amendement est déjà satisfait : que les opérateurs de stockage constituent ou non des stocks de sécurité, leurs salariés relèvent de toute façon des dispositions du droit du travail qui leur sont applicables. Pourquoi ajouter dans la loi une mention qui y figure déjà ?

M. Matthias Tavel. Le code du travail est une chose, l’accord de branche et le statut des industries électriques et gazières en sont une autre. Puisque certains des articles que vous nous proposez démontrent la supériorité, en situation de crise ou de pénurie, des solutions collectives et de la régulation par rapport à la libre organisation du marché – il s’agit en effet de forcer au remplissage de cuves de gaz, et on n’est pas loin d’une économie planifiée, ou du moins administrée –, tout ce qui peut être précisé en ce sens, notamment en matière de régulation sociale, est bon à prendre. Nous voterons donc l’amendement de M. Jumel.

M. Sébastien Jumel. La réponse de la rapporteure pour avis renforce l’opportunité de l’amendement. Selon elle, il n’y aurait aucune raison pour que le droit du travail ne s’applique pas aux entreprises concernées. De fait, en France, c’est la moindre des choses, mais cet amendement prévoit que s’appliquent non seulement le droit du travail pour le secteur concerné, mais également les accords de branche des industries électrique et gazière, essentiels en termes de compétence, d’exigence d’agrément ou de niveau de sûreté. Les accidents industriels – on pense par exemple à AZF – se produisent lorsqu’on a fait des économies sur le niveau d’intervention des intervenants et sur le taux d’encadrement, avec notamment une sous-traitance en cascade. Pour un dispositif de gestion de crise exorbitant du droit commun, nous proposons de fixer un haut niveau d’exigence sociale pour garantir cette sécurité

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE223 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 10 modifié.

Après l’article 10

Amendement CE136 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin. Cet amendement est presque rédactionnel. Dans le règlement « stockage » adopté par le Conseil de l’Union européenne, le dispositif du stockage stratégique permet de renforcer la sécurité d’approvisionnement. Or ce dispositif manque parmi les mesures énumérées au titre III de ce projet de loi. Par cohérence, l’amendement propose donc d’harmoniser les mesures pouvant être mises en œuvre par notre pays avec celles du règlement européen. Il ne s’agit pas de définir si cette mesure est activée ou non, mais de permettre à l’État français de disposer de cet outil et de l’activer à terme, si le contexte l’exige.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le rehaussement des stocks prévu à l’article 10 est suffisant et il n’y a pas lieu de créer des conditions de stockage supplémentaires, qui induiraient du reste pour les stockeurs des problèmes nouveaux à gérer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Article 11 (art. L. 431-6-2 du code de l’énergie) : Renforcement des capacités d’interruptibilité sur les réseaux de gaz naturel

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 11 non modifié.

Article 12 (art. L. 143-6-1 [nouveau] du code de l’énergie) : Contrôle de la production des installations produisant de l’électricité à partir de gaz naturel

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE224 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE99 de Mme Marie-Noëlle Battistel et sous-amendement CE271 de Mme Maud Bregeon.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement vise à exclure du périmètre de la réquisition rendue possible en cas de menace grave sur l’approvisionnement en électricité les installations de cogénération au gaz naturel dès lors qu’elles sont reliées à un réseau de chaleur. Il serait paradoxal qu’en réquisitionnant de telles installations et en privant du bénéfice de la cogénération les clients du réseau de chaleur, on pousse ces derniers à se tourner vers des solutions alternatives transitoires qui seront majoritairement électriques, alors même que c’est la tension sur l’approvisionnement électrique qui déclencherait cette réquisition. Les réseaux de chaleur, qui ont fait la preuve de leur efficacité, en particulier en zone urbaine et pour les grands collectifs, doivent être préservés lorsqu’ils sont alimentés par des installations de cogénération fonctionnant au gaz naturel.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis tout à fait favorable à l’amendement et au raisonnement de Mme Battistel. Toutefois, celui-ci ne vise que la situation de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité. C’est pourquoi le sous‑amendement CE271 tend à étendre l’exclusion des installations de cogénération raccordées à un réseau de chaleur au cas où seule la sécurité d’approvisionnement en gaz serait menacée. Il n’y a pas d’intérêt à inscrire la cogénération dans l’article 12 et cette demande a été relevée à plusieurs reprises lors des auditions auxquelles nous avons procédé vendredi.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE225 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE119 de Mme Sandrine Rousseau.

M. Charles Fournier. L’article prévoit une indemnité en cas de restriction, de suspension ou de réquisition des stocks de gaz par l’État. L’amendement vise à sortir du calcul de cette indemnité la rémunération et l’amortissement du capital.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. En France, une expropriation donne lieu à compensation financière. Il semble donc normal qu’une réquisition de centrale à gaz donne lieu à une indemnisation en conséquence.

Mme Sophia Chikirou. Notre groupe soutiendra évidemment cet amendement. Le texte prévoit de faire payer par de l’argent public les pertes éventuelles des producteurs, qui sont donc, dans tous les cas, toujours gagnants. Dans un projet de loi destiné à préserver le pouvoir d’achat des Français, on s’apprête à rémunérer les entreprises avec leurs impôts ! Un effort collectif est nécessaire, mais il n’est pas fait par les gaziers et les producteurs d’électricité. Or cet effort doit être partagé. Il serait sain et normal que, tous ensemble – puisque c’est le mot qu’on entend prononcer en permanence dans l’hémicycle –, nous disions qu’il y a une limite à la mutualisation des pertes du capital et que ces entreprises peuvent mettre la main à la poche. Ce n’est pas le cas avec cet article ni, du reste, avec les suivants.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous n’avons peut-être pas tous la même vision de la propriété privée…

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Quant à la contribution des industries du gaz ou de l’électricité à l’effort collectif, parlez à M. Jumel de l’ARENH. Il vous expliquera que l’industrie de l’électricité a largement contribué à l’effort collectif.

M. Sébastien Jumel. Ce qui fait débat, ce n’est pas votre capacité à mettre à contribution les entreprises publiques, c’est votre incapacité à mettre à contribution les groupes privés – Total et d’autres – qui se sont gavés pendant la crise et qui contribuent à réduire le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Vous êtes capables de saigner la bête lorsqu’il s’agit d’entreprises publiques et de l’épargner lorsqu’il s’agit de capitaux privés – mais vous êtes Marcheuse, et nous non !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Dès lors qu’une entreprise qui détient une centrale à gaz contribue, du fait de la réquisition, à la sécurité d’approvisionnement, elle contribue indirectement au pouvoir d’achat.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE201 de Mme Sophia Chikirou

Mme Sophia Chikirou. L’industrie gazière se porte plutôt bien et il apparaît que, dans la période récente, les profits de cette activité se sont nourris d’une manière assez indécente des conséquences de la guerre en Ukraine. Le Président de la République, Emmanuel Macron lui‑même, a dénoncé les profiteurs de guerre. Le texte que nous examinons ne comporte aucune mesure tendant à limiter ces surprofits, qui se font au détriment du pouvoir d’achat des ménages. Pire, il prévoit de venir au secours d’entreprises énergétiques qui subiraient un manque à gagner du fait d’un possible arrêt de leurs centrales à gaz, quelle que soit leur situation économique. L’amendement vise donc à réserver cette aide aux seules entreprises qui verraient leur équilibre financier ou comptable se détériorer.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Même esprit que l’amendement précédent, même réponse : avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE226 et CE227 de Mme Maud Bregeon.

Amendements CE101 et CE102 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Si notre groupe Socialistes et apparentés souscrit à la nécessité de dispositifs souples et exceptionnels afin que l’État puisse faire face à l’effet ciseaux induit par l’indisponibilité importante du parc électronucléaire et les menaces sur les importations de gaz naturel, notamment en provenance de Russie, il considère qu’un tel outil doit faire l’objet d’un contrôle parlementaire effectif.

L’amendement CE101 vise donc, dans l’esprit des lois d’état d’urgence, à imposer que les décisions du ministre de l’énergie prises sur le fondement de cet article soient transmises sans délai aux commissions parlementaires permanentes compétentes de l’Assemblée nationale et du Sénat. Ces mesures étant exceptionnelles, voire de dernier ressort, le volume d’actes susceptibles d’être transmis sera limité, ce qui n’embolisera pas les services de l’État et ne noiera pas le Parlement.

L’amendement CE102, vise à ce que le Parlement reçoive du Gouvernement un rapport d’évaluation comportant une synthèse des mesures prises et un bilan de leurs effets. Bien que notre commission n’aime ordinairement guère les rapports, celui-ci semble particulièrement important compte tenu de la situation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le recours au dispositif proposé par l’amendement CE101 révélerait un état de crise d’urgence extrême et les demandes adressées au ministère à ce titre ne seraient pas nécessairement opportunes. Du reste, de telles décisions étant nécessairement publiques, le Parlement en serait par nature informé. En revanche, il est pleinement justifié de disposer de retours a posteriori. Je demande donc le retrait de l’amendement CE101 et émets un avis favorable sur l’amendement CE102.

L’amendement CE101 est retiré.

La commission adopte l’amendement CE102.

Amendement CE103 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de confier à la CRE le contrôle de l’adéquation entre les mesures prises par le Gouvernement et l’état de la menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement quant à leur proportionnalité et leur temporalité.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Selon moi, c’est plutôt à Réseau de transport d’électricité (RTE) qu’incombe cette expertise. Avis défavorable – mais peut-être nous sommes-nous mal comprises.

Mme Marie-Noëlle Battistel. RTE n’est pas une autorité d’expertise indépendante, alors que la CRE en fait office. Cette dernière est, du reste, souvent saisie à de nombreux autres titres que ses missions.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. RTE est cependant chargé de l’équilibre du réseau. D’autre part, il ne m’a pas semblé, au cours des auditions auxquelles nous avons procédé, que la commission était elle-même volontaire pour se voir adjoindre de telles compétences.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE100 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de fixer une échéance de caducité à l’issue d’un délai de deux ans, au 31 juillet 2024, pour le dispositif permettant au ministre de l’énergie d’assurer le pilotage de fait des installations de production d’électricité utilisant du gaz naturel en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement. Il nous semble important d’encadrer cette possibilité et une durée de deux ans nous paraît, à cet égard, déjà assez longue.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Nous ne partageons pas cette position. Il nous est apparu que de tels dispositifs pouvaient être maintenus dans la durée, car ils ne sont pas activés de façon constante. Ainsi, dans le cas du terminal méthanier, on comprend parfaitement que la mesure doit être limitée dans le temps, à savoir pour la durée de la présence du bateau. En l’occurrence, il s’agit au contraire de mesures ponctuelles, qui doivent pouvoir être activées si besoin.

En outre, nous n’avons que de peu de visibilité quant à la stabilité des importations de gaz dans les années à venir et il nous semble que le ministre de l’énergie devra pouvoir continuer à y recourir en cas de besoin, sachant que si l’on en vient à réquisitionner une centrale à gaz, c’est que nous serons, par définition, dans une situation d’urgence absolue.

Demande de retrait. À défaut, avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Nous ne sommes pas opposés à ce que le dispositif puisse perdurer s’il en était besoin, mais une durée de deux ans laisserait au ministre de l’énergie de multiples occasions de revenir devant le Parlement pour dresser éventuellement un état des lieux et demander la prolongation de l’autorisation qui lui est donnée. Entre la balance que doit exercer l’État face à une menace sur le système d’approvisionnement électrique et le respect de nos objectifs de décarbonation de l’économie, nous devons toujours trouver un équilibre. Il me semblait qu’au bout de deux ans, le Parlement pourrait à nouveau être interrogé sur la poursuite du dispositif.

Mme Julie Laernoes. Il est important de revenir devant le Parlement au bout de deux ans. Nous sommes dans une situation de crise et il importe de ne pas travestir l’esprit des mesures d’urgence en laissant penser que nous recourons de manière durable à un approvisionnement de sécurité électrique. Il faut donc adopter cet amendement et fixer une date de fin pour revenir devant le Parlement.

Mme Sophia Chikirou. Notre groupe est plutôt favorable à une planification écologique et à des moyens de réquisition et de contrôle de l’État sur les stocks de gaz, essentiels en cette période. Ce dispositif législatif peut être un bel instrument pour la planification écologique, à condition qu’il soit bien employé et bien utilisé. Il pourrait devenir très pérenne, au-delà même de l’urgence.

M. Sébastien Jumel. Si nous en sommes là, c’est parce que vous n’avez pas eu de stratégie globale, cohérente et publique de maîtrise d’un mix énergétique équilibré, intelligent et partagé. Vos errements à propos du niveau du mix, des investissements à réaliser et des éléments de souveraineté soumettent le pays à une forte dépendance. Chaque fois qu’on se dote d’outils qui permettent à l’État de reprendre la main, nous voudrions que ça dure encore un peu ! Je partage donc l’idée qu’en matière énergétique, nous n’avons pas besoin de moins d’État, mais de plus d’État.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je maintiens mon avis défavorable, mais je suis prête à rouvrir la discussion sur cette question pour voir ce que nous pouvons faire.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 12 modifié.

*

Réunion du mardi 12 juillet 2022 à 17 heures 15

Au cours de sa réunion du mardi 12 juillet 2022, la commission des affaires économiques a poursuivi l’examen pour avis (avec délégation au fond) des articles 6 à 19 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (Mmes Sandra Marsaud et Maud Bregeon, rapporteures pour avis) ([304]).

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous reprenons l’examen des articles du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

Article 13 : Possibilité de maintenir en exploitation un terminal méthanier flottant pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel

Amendements de suppression CE115 de Mme Delphine Batho et CE192 de Mme Clémence Guetté.

Mme Delphine Batho. Le sort réservé à cet amendement déterminera en grande partie la position du groupe écologiste sur l’ensemble du projet de loi. En effet, il est invraisemblable qu’un texte portant « mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat » augmente les capacités d’importation des énergies fossiles en France sans prévoir aucune mesure de régulation des prix de l’énergie ni de sobriété énergétique.

L’article 13 est une disposition climaticide, puisqu’elle autorise l’importation de gaz de schiste américain. Nous subissons la canicule, la sécheresse, une multiplication des incendies, tout un lot d’événements qui sont autant de conséquences du réchauffement climatique. Or, vous proposez d’en aggraver les causes.

Pour de très bonnes raisons, la France a interdit la fracturation hydraulique ainsi que la recherche et l’exploitation de gaz de schiste sur son sol. Nous ne pouvons donc pas nous faire les complices de l’exploitation des énergies fossiles les plus sales à l’international, notamment aux États-Unis. Pour se libérer du gaz russe de Poutine et soutenir la résistance ukrainienne, la solution n’est pas de remplacer des énergies fossiles par d’autres énergies de même nature mais d’organiser la sortie des énergies fossiles et la sobriété énergétique. Nous combattons donc absolument l’installation d’un terminal méthanier au Havre par le groupe Total que le Gouvernement entend autoriser.

M. Maxime Laisney. L’étude d’impact précise que nos difficultés d’approvisionnement en gaz – qui justifient, selon vous, cet article – remontent à la mi-2021, date à laquelle la guerre en Ukraine n’avait pas commencé. On sait par ailleurs qu’une entreprise comme Engie a signé des contrats pour quinze ans. Par ce projet de loi, vous n’entendez donc pas répondre à une urgence mais développer encore davantage ces énergies. La guerre paraît une sorte de prétexte pour importer du gaz naturel liquéfié (GNL), notamment du gaz de schiste américain. Par ailleurs, j’observe que les infrastructures d’importation de gaz en Europe sont en surcapacité.

On pourrait se passer des deux tiers des importations russes en développant les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique. L’étude d’impact nous apprend que ces terminaux méthaniers sont destinés à faire face à d’éventuelles difficultés au cours de l’hiver 2023-2024. Là encore, on aurait pu anticiper, en particulier au cours des cinq dernières années, en développant les énergies renouvelables. Comme l’a indiqué le Haut Conseil pour le climat (HCC), la France est le seul pays d’Europe qui n’a pas atteint ses objectifs, puisque la part des énergies renouvelables dans la consommation finale n’y était que de 19 % en 2020, pour un objectif de 23 %. La France a d’ailleurs été condamnée en octobre 2021 à réparer avant le 31 décembre 2022 le préjudice écologique causé, estimé à 15 millions de tonnes de CO2. Avec l’ouverture d’un nouveau terminal méthanier, l’État s’expose à une troisième condamnation.

Des solutions existent : je pense notamment au raccordement. Enedis chiffre à 13 gigawatts le volume de projets en attente de raccordement. Le blocage est donc politique. Il n’a rien à voir avec des questions énergétiques. C’est pourquoi nous souhaitons supprimer l’article 13.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 13 n’a rien d’une disposition politique. Il vise à répondre à une situation d’urgence liée à plusieurs facteurs. Le premier d’entre eux est la guerre en Ukraine qui, contrairement à ce que vous dites, a considérablement ralenti les importations de gaz fossile. Le second facteur tient aux contraintes pesant sur nos moyens de production pilotables. Le terminal méthanier flottant sera temporaire et réversible. Nous continuons à nous inscrire dans le cadre défini depuis plusieurs années, caractérisé par un développement conjoint des énergies renouvelables et de l’énergie nucléaire, lesquelles n’émettent pas de CO2 et doivent nous permettre de tendre vers la trajectoire zéro carbone en 2050.

L’urgence nous impose de nous doter de moyens d’importation pour diversifier nos approvisionnements. Je rappelle que 12 millions de foyers se chauffent au gaz. Que leur direz‑vous, l’hiver prochain, si les Russes coupent complètement l’approvisionnement en gaz ou si l’Europe institue un embargo total sur le gaz russe ? Allez-vous expliquer aux Françaises et aux Français qu’ils ne peuvent pas se chauffer parce que vous avez refusé de développer les importations ?

Nous sommes tous d’accord sur le fait que, pour sortir du fossile, il faut développer les énergies renouvelables, mais cela prend du temps. Un projet de loi de simplification devrait traiter de cette question.

Avis défavorable.

Mme Delphine Batho. L’argument tiré de la guerre en Ukraine est pour le moins surprenant dans la mesure où le gouvernement français refuse, depuis plusieurs mois, de prononcer un embargo sur les importations d’énergies fossiles russes, bien que la résistance ukrainienne l’estime urgent. L’achat d’énergies fossiles russes finance la guerre de Poutine et les massacres contre des populations civiles à hauteur de plusieurs millions d’euros par jour.

Par ailleurs, l’argument selon lequel la France serait dépendante du gaz de Poutine est irrecevable, dans la mesure où le gaz russe représente à peine 17 % de la consommation française. On pourrait largement s’en passer en effectuant des travaux d’économie d’énergie, en isolant les logements, en remplaçant les chaudières à gaz par des pompes à chaleur ou des chauffages modernes au bois, etc.

Depuis quatre mois, le Gouvernement ne prend aucune mesure pour permettre aux Français de se chauffer au cours de l’hiver prochain. Au demeurant, l’article 13 ne propose pas de remplacer le gaz russe par du gaz d’une autre provenance, mais d’augmenter les capacités d’importation d’énergies fossiles en France.

Enfin, nous savons d’expérience que lorsqu’on installe une infrastructure dans le secteur des énergies fossiles, ce n’est pas pour la fermer le lendemain matin. Il est dramatique, dans le contexte de la canicule, d’augmenter les importations d’énergies fossiles en France, alors même que, dans son discours de politique générale, la Première ministre a annoncé exactement l’inverse.

Mme Sophia Chikirou. L’alinéa 6 de cet article ne garantit en rien le pouvoir d’achat des Français, alors que c’est l’objet du projet de loi. Cet alinéa prévoit que les investissements doivent recevoir une « rémunération normale des capitaux investis » – on aimerait bien savoir ce qu’il faut entendre par là ! J’avais proposé, par un amendement, qui a été jugé irrecevable, l’application d’un prix fixe aux consommateurs de gaz. Vous vous préoccupez de la rémunération des capitaux, pas de garantir le pouvoir d’achat des consommateurs : c’est incohérent. Vous affirmez vouloir garantir l’approvisionnement en gaz, mais à quel prix ? Vous ne le dites pas. De plus, c’est un article écocide, car il augmentera la pollution. Vous ne nous garantissez absolument pas que vous prendrez les mesures écologiques nécessaires. Il est problématique d’inclure dans un projet de loi des dispositions qui vont radicalement à l’encontre de la volonté populaire.

M. Matthias Tavel. Nous examinons plusieurs articles qui traitent de la stratégie d’approvisionnement énergétique de la France. Par ailleurs, dans quelques semaines, sera présenté un projet de loi sur les énergies renouvelables. On ne peut pas déconnecter les deux. La question de la stratégie énergétique de la France est trop sérieuse pour être traitée à la découpe. Une révision de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) est prévue. On doit avoir une vision globale pour savoir où on en est, vers où on souhaite se diriger et quel chemin emprunter. Il serait de bon sens de supprimer ces articles, qui sont des cavaliers au regard du pouvoir d’achat et qui, surtout, embrouillent la discussion et empêchent d’avoir un débat serein sur la stratégie énergétique de la France. Enfin, vous nous dites que, si des coupures intervenaient, ce serait de notre faute. À cela je répondrai que nous n’étions pas au pouvoir au cours des cinq dernières années.

M. Sébastien Jumel. Peut-être le Conseil constitutionnel sera-t-il amené à apprécier si ces articles exorbitants du droit commun sur l’énergie sont ou non des cavaliers. Vous adoptez des mesures d’exception sur un certain nombre de sujets – tels que l’approvisionnement ou le terminal méthanier. Or, l’énergie n’est pas une marchandise mais un bien de première nécessité, un bien commun. Je pense que vous avez le trac face à la perspective de la dérégulation complète et de son incidence sur le coût d’accès à l’énergie. Pour l’instant, vous êtes dans un flou artistique complet. Ces mesures d’exception ne doivent pas nous exonérer de remettre à plat la PPE, le choix du curseur dans le mix énergétique, les outils stratégiques à privilégier pour mener une politique publique de l’énergie. La Première ministre clame à tout va que le Gouvernement va nationaliser mais, en réalité, vous allez recapitaliser, alors que l’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) a siphonné de manière colossale les moyens d’intervention d’EDF. Je demande aux parlementaires d’ouvrir les yeux sur cette question. Nous parviendrons, je crois, à établir un front commun pour s’opposer à ce que vous reveniez par la petite porte pour mener à bien votre projet de saucissonnage du fleuron industriel que constitue EDF.

M. le président Guillaume Kasbarian. Cette disposition ne peut être considérée comme un cavalier, puisqu’elle figure dans le projet de loi initial, mais il vous est en effet loisible de déférer le texte devant le Conseil constitutionnel. Je tiens à vous assurer que, quelle que soit l’origine des amendements – parlementaire ou gouvernementale –, j’apprécie leur recevabilité exactement de la même manière.

M. Pascal Lavergne. Nous n’avons pas attendu que les électeurs nous rappellent la nécessité de prendre en compte le changement climatique pour agir en ce domaine, comme l’a montré la politique conduite sous le précédent quinquennat. À présent, vous voulez nous faire prendre des décisions structurelles alors que nous devons trouver des solutions conjoncturelles. Nous ne souhaitons pas inscrire dans le marbre la mesure proposée à l’article 13, mais nous devons faire face à des urgences : à côté de l’urgence climatique, il est impératif de constituer des réserves pour permettre à nos concitoyens – en particulier à ceux que vous voulez, comme nous, protéger – de se chauffer durant l’hiver. Nous devons prendre nos responsabilités. Nous aurons d’autres occasions de débattre des mesures structurelles.

Mme Marie-Noëlle Battistel. On peut se demander si tout a été fait pour trouver d’autres solutions en matière de développement accéléré des énergies renouvelables (ENR) et pour appliquer toutes les dispositions que nous avons votées. Je pense en particulier à l’augmentation de la puissance des ouvrages hydroélectriques, que nous avons décidée dans la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 (« énergie-climat »), mais qui n’est toujours pas effective. Une très forte capacité pourrait être déployée, quasiment en claquant des doigts. Il faut le faire, plutôt que de proposer des solutions qui, certes répondent à l’urgence mais sont beaucoup plus néfastes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. La mesure proposée s’inscrit dans un contexte qu’aucun d’entre nous n’aurait pu imaginer il y a un an ou deux. On a besoin de cette mesure, qui ne va durer qu’un temps, car elle permettra à chacun d’accéder à autant d’énergie que nécessaire l’hiver prochain. Cela étant, je rejoins ce qui a été dit sur la nécessité d’avoir une discussion plus générale sur le mix énergétique, les efforts de sobriété… Madame Batho, vous ne voulez pas d’énergies fossiles, moi non plus. Il existe d’autres moyens de production pilotables décarbonés dont vous ne voulez pas non plus. Vous allez très loin dans votre souhait de sobriété. L’écologie, à mon sens, ne peut se faire en opposition aux gens. Si on pâtissait d’une insuffisance d’énergie cet hiver, cela amènerait à des oppositions extrêmement brutales de nos concitoyens. La mesure de court terme dont nous avons besoin ne fait plaisir à personne, pas plus que la situation en Ukraine et ses incidences. Contrairement à ce que vous suggérez, nous ne nous réjouissons pas d’installer une structure gazière en France, mais personne ne se satisfait non plus de l’arrêt d’un certain nombre de tranches nucléaires ou de la baisse des moyens de production pilotables décidée par nos amis européens, qui ont souhaité développer des énergies comme le gaz et le charbon.

La commission rejette les amendements CE115 et CE192.

Amendement CE232 de Mme Maud Bregeon.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Rédactionnel.

Mme Delphine Batho. Cet amendement rédactionnel évoque bien une augmentation des capacités d’importation d’énergies fossiles en France. Il ne s’agit donc pas, comme vous le dites, de remplacer du gaz russe par du gaz de schiste américain, mais d’augmenter les capacités d’importation de gaz en France.

Il est temps de prendre l’urgence climatique au sérieux. Pour avoir vécu l’alerte rouge canicule dans les Deux-Sèvres, pour y constater quasi quotidiennement des incendies dans les cultures et l’état critique de la ressource en eau, il me paraît invraisemblable d’entendre des phrases comme « il y a l’urgence climatique, mais… » : c’est désormais une question de sécurité nationale !

Les urgences climatique et sociale sont intimement liées, et sont à mettre en relation avec notre consommation d’énergies fossiles, dont les prix flambent et qui menacent le pouvoir d’achat, la cohésion sociale, l’activité des entreprises. Dans mon département, des entreprises risquent de mettre la clé sous la porte en raison des factures d’énergie, qui flambent de 200 ou 300 %. Le projet de loi n’apporte aucune solution à ces problèmes.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE247, CE233, CE234 et CE248 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE205 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à renforcer le cadre administratif des projets de terminaux méthaniers flottants, en renvoyant à un décret la définition des règles de sécurité et de limitation des rejets et émissions incombant tant à l’opérateur du terminal qu’à l’opérateur portuaire. Il s’agit d’assurer l’exploitation dans les meilleures conditions de sécurité. Sont en cause, notamment, les questions de déconnexion d’urgence, de sécurité incendie, de rejets d’émissions comme le méthane et de formation des personnels portuaires. L’urgence ne doit pas nous amener à faire preuve de légèreté dans l’installation et l’exploitation de telles structures.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Votre amendement est, selon nous, satisfait, dans la mesure où le navire est soumis à de nombreuses règles de contrôle et de sécurité émanant en particulier du droit international maritime et du règlement général de transport et de manutention des marchandises dangereuses. Le préfet peut également prendre des mesures complémentaires. Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement est issu d’une discussion avec la CGT mines énergies, qui sait de quoi elle parle. La réglementation actuelle n’est pas pleinement satisfaisante.

M. Jean-Paul Lecoq. Deux navires seront concernés par le terminal méthanier : celui qui apporte le gaz et celui qui reste à quai. Ce dernier ne relève pas seulement de la réglementation maritime, puisqu’il peut être assimilable à une structure fixe. On devrait considérer, dans le cadre des études annoncées à l’article suivant, qu’il s’agit d’une structure bâtie sur le quai – et non d’une barge – et lui appliquer les règles de protection correspondantes. Je rappelle qu’il se trouve à côté de cette installation une usine exactement identique à l’usine AZF qui avait explosé à Toulouse. Lors de la précédente législature, j’avais déposé une proposition de loi visant à ce que l’on assimile les barges de cette nature à des zones potentiellement à risque et à ce qu’on les inclue dans un périmètre Seveso, tout en les faisant bénéficier d’un plan de prévention des risques technologiques (PPRT).

Mme Sophia Chikirou. Nous sommes favorables à cet amendement de repli de Mme Battistel, et je remercie M. Lecoq de l’éclairage qu’il nous a fourni. On soulève ici un problème de sécurité des travailleurs et des riverains. Or je ne suis pas certaine que ce projet de loi fait à la va-vite et bourré d’erreurs rédactionnelles – M. Jumel l’a rappelé – apporte les garanties nécessaires quant à la sécurité des deux navires, en particulier de celui qui restera à quai. Pour la postérité – disons-le ainsi –, je vous alerte, madame la rapporteure pour avis, sur les risques encourus à l’endroit considéré et sur les conséquences qu’un accident pourrait entraîner. Le Gouvernement, auquel vous ne manquerez pas de transmettre ces éléments, en porterait alors l’entière responsabilité. Au Liban, pays méditerranéen qui n’est pas si éloigné de la France, s’est produit une catastrophe qui a provoqué un désastre absolu.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. J’imagine que vous faites référence aux installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Or, après vérification, il apparaît qu’un tel terminal ne relève pas du cadre applicable aux ICPE, précisément parce qu’il ne s’agit pas d’une installation fixe.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE104 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il vise à assigner à l’opérateur du terminal des obligations renforcées en matière de démantèlement – puisqu’il s’agit d’une opération provisoire – et de compensation de l’empreinte environnementale du projet par la renaturation des espaces artificialisés, notamment du fait des réseaux de canalisations. C’est un amendement de bon sens, susceptible de faire consensus.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Ces exigences sont en partie satisfaites, dans la mesure où le terminal méthanier flottant n’a pas vocation à devenir une installation pérenne. Lorsqu’il ne sera plus utilisé, il repartira. Par ailleurs, la réglementation en vigueur permettra de prendre en compte la fin de vie des canalisations installées quelques années auparavant. Il n’y a pas lieu d’ajouter une disposition qui obligerait l’opérateur à creuser pour les enlever. Je vous invite à retirer l’amendement, sans quoi j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je n’ai pas tout à fait compris votre explication. Voulez‑vous dire que les canalisations vont demeurer sur site ? Peut-être même pour anticiper une réinstallation du terminal ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Il n’est pas prévu de déterrer les canalisations. D’après les indications des directions compétentes, le fait de creuser à nouveau pour les enlever causerait davantage de dégâts, notamment sur la biodiversité, que de les laisser, étant entendu qu’elles ne seront plus utilisées.

M. Sébastien Jumel. Jean-Paul Lecoq a appelé votre attention sur certains risques. Votre volonté d’agir dans l’urgence, qui fait débat mais que vous assumez, ne vous autorise pas à considérer les zones portuaires comme des zones de non-droit, ni à vous asseoir sur toutes les études de sécurité et d’impact environnemental qui doivent être réalisées au préalable pour ce type de projet.

J’appelle à mon tour votre attention : le degré d’acceptabilité pour les Havrais dépend aussi de votre capacité à répondre clairement, sereinement et concrètement aux questions que nous posons. Un terminal méthanier, même flottant, ce n’est pas n’importe quoi ! Dans une telle zone portuaire travaillent des milliers de salariés ; autour de ce beau port du Havre vivent des habitants.

Aucune précaution n’est prise : vous entendez simplifier, avec l’article 14, toutes les procédures applicables à ce type d’implantation. Les mesures que nous proposons ne sont pas révolutionnaires : elles visent simplement, au moyen d’un décret en Conseil d’État, à sécuriser l’installation et à en prévoir le démantèlement – elle a vocation à être provisoire. En les rejetant en bloc, vous créez les conditions d’une très faible acceptation du projet, voire d’une opposition à celui-ci. Si vous vous y preniez autrement, il pourrait être intelligible. Je pense que vous avez tort.

Mme Sophia Chikirou. Le groupe LFI-NUPES votera cet amendement. Je souscris aux propos de mes collègues concernant les risques environnementaux, sociaux et sanitaires que vous faites courir et dont vous ne tenez pas compte.

Cet amendement, dites-vous, est satisfait. C’est faux : rien dans l’étude d’impact n’accrédite votre idée selon laquelle il y aurait davantage de risque à déterrer les canalisations qu’à les laisser sur place.

M. Jumel a évoqué l’acceptabilité du projet. Le projet sera très difficilement acceptable, et il le sera d’autant moins lorsque les habitants et les associations du Havre apprendront ce que vous concoctez. Le Gouvernement a décidé de faire passer, dans un texte relatif au pouvoir d’achat, un projet totalement climaticide, qui expose la population à des périls très graves, que vous n’êtes même pas capables d’encadrer ou de minimiser. Vous allez trop vite, et vous prenez de très grands risques. Quel est le bilan entre l’investissement, les risques encourus et le gain escompté – à savoir augmenter des capacités de production, comme l’a rappelé Mme Batho ? Tout cela n’a aucun sens.

Nous sommes saisis d’un texte censé garantir le pouvoir d’achat de nos concitoyens, et nous discutons là, depuis un bon moment, de tout autre chose ; à aucun moment, il n’est question du pouvoir d’achat. Qui plus est, ce Gouvernement et cette majorité sont en train de mettre nos concitoyens en danger. Tel n’est pas notre cas, puisque nous allons voter l’amendement.

M. Maxime Laisney. J’avais prévu d’évoquer la réversibilité du projet lorsque nous aborderions l’article 14, mais les propos de la rapporteure pour avis m’incitent à le faire dès à présent. C’est une mauvaise et vaste blague : si, comme on nous l’explique, l’enlèvement des tuyaux risque de causer des dégâts, on comprend mal que leur pose puisse ne pas en causer ! Dès lors, je ne vois pas comment on peut s’exonérer des études environnementales préalables.

Plusieurs articles du titre III, relatifs à l’énergie, sont censés « encadrer » une installation ou une exploitation. En réalité, chaque fois que nous lisons « encadrer », il faut comprendre que vous allez faire sauter tous les cadres existants, notamment ceux qui sont fixés par le code de l’environnement, et que l’on va s’exonérer de toutes ces normes pour pouvoir faire ce que l’on veut, en particulier développer les énergies fossiles. Vous avez invoqué l’urgence, mais ce terminal est prévu pour l’hiver 2023-2024. Avec ce projet, vous réalisez un double exploit : favoriser à la fois le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. Je ne vous félicite pas.

M. Éric Bothorel. Sans verser dans les exagérations de certains – nous ferions passer des projets dans l’urgence, au lieu de traiter des sujets beaucoup plus importants –, je comprends le sens de cet amendement. En tant que parlementaire breton, j’ai eu à vivre un projet de nature différente mais qui peut rappeler celui-ci sur certains points : l’extraction de sable en baie de Lannion – dont la page est désormais tournée. Cette majorité, avec un certain nombre de députés d’autres groupes, a réformé le code minier, car ses dispositions protectrices n’étaient pas suffisantes au regard des attentes, croissantes, de la population concernant les phases de mise en œuvre de ces projets, d’exploitation et de démantèlement.

Nous pourrions envisager avec bienveillance la proposition de Mme Battistel et de son groupe. Les dispositions du décret en Conseil d’État pourraient permettre d’accompagner au mieux le projet, de pacifier et de rassurer les acteurs locaux mentionnés par M. Jumel, à savoir les professionnels et les citoyens. Pour ma part, j’estime que cet amendement va dans le bon sens et le soutiendrai.

Mme Delphine Batho. Je soutiens totalement l’esprit de cet amendement, mais ne pourrai pas le voter. Nous sommes contre ce terminal et, si jamais l’on devait discuter de sa réalisation, c’est le code de l’environnement qui devrait s’appliquer, autrement dit les règles de droit commun relatives aux installations dangereuses. Or ces règles relèvent non pas d’un décret en Conseil d’État, mais de la loi.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE235, CE236 et CE237 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 13 modifié.

Article 14 : Régime procédural dérogatoire applicable à la construction des infrastructures nécessaires au raccordement d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre

Amendements de suppression CE116 de Mme Delphine Batho et CE193 de Mme Clémence Guetté.

Mme Delphine Batho. Non seulement la finalité du terminal méthanier flottant du Havre n’est pas compatible avec les objectifs de lutte contre le réchauffement climatique, puisqu’il s’agit d’importer une des énergies fossiles les plus sales, à savoir du gaz de schiste américain, mais encore l’article 14 tend à instituer pour les terminaux méthaniers, notamment celui-ci, une dérogation générale au droit de l’environnement. Une telle dérogation serait contraire à tous les principes de sécurité rappelés par nos collègues, notamment Mme Battistel, ainsi qu’à tous les principes de la Charte de l’environnement. Dans un contexte d’accélération du réchauffement climatique et d’effondrement de la biodiversité, elle serait un contresens historique.

M. Maxime Laisney. Cet article 14 est une nouvelle blague ! Certes, il ne vise pas à modifier les exigences environnementales, mais il est proposé de réaliser les travaux d’abord, et de regarder ensuite ce qu’on pourra faire, notamment en matière de mesures de compensation. Or nous n’avons aucun détail sur ces mesures. En lisant l’étude d’impact, on se rend compte que c’est aussi l’occasion de transposer, à la demande de la Commission européenne, une disposition permettant de contourner le droit de l’environnement.

J’en viens à quelques éléments de fond. Le gaz naturel liquéfié (GNL) qui arriverait au Havre en provenance des États-Unis est issu à 98 % de gaz de schiste, autrement dit de la fracturation hydraulique, procédé interdit en France. Le GNL dégage du méthane, lequel a, sur vingt ans, un pouvoir d’effet de serre 84 fois supérieur à celui du dioxyde de carbone. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) nous encourage à réduire de 34 % les émissions de méthane d’ici à 2030. Nous n’en prendrions donc pas le chemin. Pour obtenir du GNL, il faut liquéfier le gaz, c’est‑à‑dire l’amener à – 160 degrés Celsius, ce qui demande une débauche d’énergie. Rien de cela ne va dans le bon sens. L’Agence internationale de l’énergie (AIE) nous encourage à diminuer de 60 % notre consommation de GNL d’ici à 2050 pour respecter les objectifs fixés par la COP21.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons supprimer l’article 14.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 14 décrit la procédure spécifique qui s’appliquera à la construction des canalisations nécessaires pour le raccordement au terminal méthanier. La possibilité de déroger à l’évaluation environnementale est prévue par une directive européenne. L’article détaille toutes les mesures de garantie apportées au projet, même en l’absence d’évaluation environnementale : la mise à disposition d’informations auprès du public et une procédure de participation du public ; l’établissement d’un dossier par le porteur de projet sur les incidences de celui-ci en matière de santé et d’environnement ; la prescription de mesures de compensation en cas d’atteinte aux espèces protégées. Si nécessaire, le préfet pourra prescrire, à tout moment, des mesures supplémentaires relatives à la préservation de l’environnement, de la sécurité et de la salubrité publiques.

Il est question de construire 5 kilomètres de canalisations pour raccorder la barge au réseau de transport de gaz naturel. Contrairement à ce que certains d’entre vous laissent entendre, réaliser ces installations dans un délai contraint compte tenu de la situation que nous avons rappelée ne signifie pas que l’on fait n’importe quoi, ni que l’on met en danger les populations alentour ; ce n’est absolument pas le cas.

Comme précédemment, avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Je vous renvoie à l’intervention précédente de mon ami Jean‑Paul Lecoq, député du Havre, qui connaît bien le sujet. Le texte prévoit de dispenser le projet de presque toutes les procédures habituellement applicables : absence d’instruction du projet d’évaluation environnementale, autorisation de démarrer les travaux sans attendre la validation finale des mesures de compensation, etc. Les élus, les associations environnementales et les organisations syndicales des salariés concernés formulent des exigences simples : que l’on réalise, pour ce projet de terminal flottant, par nature mobile, des études de danger au niveau le plus élevé, selon les mêmes critères que ceux retenus pour les sites permanents classés Seveso ; que l’on conduise une large concertation et que l’on informe de manière totalement transparente les habitants les plus proches, les travailleurs portuaires, les élus et les associations.

Dans ce secteur où il y a de la pêche, les navires seront-ils dotés d’un système de déconnexion d’urgence ? De quels moyens supplémentaires le port sera-t-il doté pour l’évacuation du ou des navires en cas de problème grave – catastrophe naturelle ou autre ? Sachant que le port du Havre n’accueille plus de méthaniers depuis la fermeture du terminal de Gaz de France, quelle formation recevront les opérateurs portuaires ? Quels protocoles – il en existe en France pour les projets terrestres analogues – seront mis en service avec les autorités ? Voilà autant de questions que posent légitimement les habitants et les travailleurs qui vivent de l’activité du port. Il ne s’agit pas de contester l’opportunité du projet, ni de le bloquer – nous en avons débattu précédemment, et la question a été tranchée – mais d’offrir les garanties minimales de sécurité, de sûreté, de transparence et d’acceptabilité, que l’article 14 évacue tranquillement.

Mme Delphine Batho. À partir du moment où il n’y a pas d’évaluation environnementale, il n’y a pas de véritable participation du public, ni de possibilité pour les associations d’entrer dans la discussion technique du projet. C’est comme si l’on privait un château de cartes de sa base.

L’article 14 donnera le droit de réaliser les travaux en détruisant des espèces protégées, de les commencer sans attendre l’autorisation du projet et de se passer peu ou prou de l’avis des communes traversées, puisqu’elles devront se déterminer dans des délais raccourcis. Vous poursuivez votre œuvre de démantèlement du droit de l’environnement. Qui plus est, vous créez un précédent : désormais, une disposition législative pourra accorder à n’importe quel projet une dérogation complète à l’ensemble des règles de base du code de l’environnement. C’est pourquoi je maintiens mon amendement CE116, qui a la même importance que mon amendement de suppression de l’article 13.

M. Matthias Tavel. Nous avons effectivement débattu du principe de ce projet de terminal, et notre opposition est connue. Nous discutons désormais de ses modalités. Vous nous avez indiqué, madame la rapporteure pour avis, que les règles de protection relatives aux ICPE, notamment le classement Seveso, ne s’appliqueraient pas à ce terminal méthanier, au motif qu’il est flottant, alors même que tous les terminaux méthaniers existants sont classés Seveso – il y en a un dans ma circonscription.

Parce que ce terminal est flottant, il n’y aurait pas besoin d’étude environnementale ; on donnerait les autorisations à l’opérateur qui le réalisera avant qu’il ne fasse part des mesures de compensation qu’il prévoit pour l’environnement ; il pourrait commencer les travaux avant même d’avoir obtenu certaines autorisations. Attention ! Ce n’est pas parce que l’installation est flottante et en mer qu’il faut passer par-dessus bord les protections de l’environnement ! Bien au contraire : le milieu maritime est encore plus fragile que le milieu terrestre.

Avec les dispositions de l’article 14, vous vous asseyez sur les protections les plus élémentaires de l’écosystème. Si demain un accident se produisait – ce que nous ne souhaitons pas, mais ce que personne ne peut exclure s’agissant d’un terminal méthanier –, alors vous serez responsables politiquement et, je l’espère, pénalement des conséquences de ces dispositions et de celles de vos votes. Renvoyons cette discussion ; prenons le temps de travailler sérieusement aux sécurités environnementales, aux sécurités pour les salariés et pour les populations. Elles ne peuvent pas être une variable d’ajustement, parce que, depuis cinq ans, vous n’avez pas été capables d’organiser la production d’énergie et de faire face aux difficultés du nucléaire, qui vous amènent aujourd’hui à prendre de telles dispositions.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 14 concerne spécifiquement le projet de terminal méthanier flottant au Havre. Nous ne créons donc pas de cadre qui permettrait à d’autres projets similaires d’obtenir des dérogations.

Certains souhaiteraient que ce terminal méthanier soit considéré comme une ICPE. Or le Conseil d’État s’est prononcé : ce n’est pas une ICPE. En outre, cela impliquerait une certaine lourdeur : le classement ICPE prend au minimum deux ans, et prendrait probablement plus de temps encore dans le cas qui nous occupe. Au demeurant, la nature de l’installation ne justifie pas un tel classement.

Le Conseil d’État estime que les dérogations que vous fustigez sont justifiées par l’intérêt général. Il s’agit d’un cas très particulier, qui s’inscrit dans un contexte d’urgence lui‑même très particulier que nous aurions tous préféré ne pas connaître, et qui est multifactoriel : certains pointeront du doigt le gaz ou le nucléaire, selon ce qui les arrange. La réalité, c’est que l’on risque de manquer d’énergie pour l’hiver prochain. Tout l’objet du titre III est de nous doter d’outils dans cette perspective. Si nous pouvons nous en passer – si l’on parvient à reconnecter du nucléaire au réseau ; si les tensions sur le gaz sont finalement moins grandes qu’on ne l’imagine… –, nous préférerons ne pas les utiliser. Mais il faut que nous puissions y recourir en cas de besoin.

La commission rejette les amendements.

M. Matthias Tavel. Ça se compte !

M. le président Guillaume Kasbarian. Hier, j’ai recompté plusieurs fois quand on me l’a demandé ; chaque fois, le résultat était celui que j’avais annoncé. Le rapport de forces est clair : je tiens un compte précis des présents et des absents. Faites-moi confiance.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CE238 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE105 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je ne reviens pas sur les nombreuses interrogations soulevées par mes collègues. L’article 14 n’ayant pas été supprimé, nous proposons de mieux encadrer le recours aux dérogations aux obligations environnementales et d’urbanisme, en imposant au ministre chargé de l’énergie de fixer un calendrier de mise en service du projet et des installations annexes. Nous pensons que ce calendrier doit être préalablement défini par l’État plutôt que par le porteur de projet. En l’absence d’un tel calendrier, il ne paraît pas possible d’apprécier pleinement si le recours à l’une des dérogations permises par l’article est justifié. Une telle imprécision est en outre susceptible de donner lieu à des contentieux laissant une grande marge d’appréciation au juge administratif au détriment de la bonne marche du projet. Il s’agit à nouveau d’un amendement de bon sens.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’article 14 impose de justifier les dérogations à la procédure d’évaluation environnementale et, en vertu de l’article 13, un arrêté fixe la date de mise en service du terminal méthanier. Il n’appartient pas à l’État d’imposer un calendrier précis à un industriel. Ce qui importe, c’est la date à laquelle le terminal est prêt à l’emploi.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Compte tenu des incertitudes sur l’avancement du projet, il est nécessaire de connaître le calendrier des éventuelles dérogations.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE239, CE240 et CE241 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE202 de Mme Sophia Chikirou.

M. Matthias Tavel. Nous continuons à vous mettre en garde contre les risques que vous prenez à vouloir mener le projet de manière précipitée et sans les protections élémentaires.

Notre amendement vise très modestement à conserver l’évaluation environnementale. Prenons garde à ce que nous sommes en train de faire ; songeons au caractère irréversible d’un éventuel accident et de ses conséquences pour l’environnement ainsi que pour la population.

Si toute contrainte est un empêchement, un embarras, à quoi servent le Parlement, la loi ou le code de l’environnement ? Laissons les énergéticiens construire comme ils l’entendent des terminaux flottants pour lesquels ils viendront inévitablement solliciter des financements publics alors que les projets seront dépourvus de la protection élémentaire que constitue l’évaluation environnementale. Faites preuve de sagesse en adoptant l’amendement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je regrette votre présentation un peu caricaturale.

Le fait de devoir agir dans des délais plus contraints que le droit commun ne lève pas toute contrainte. En outre, des mesures de compensation sont prévues. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE242, CE249, CE243, CE244, CE245 et CE246 de Mme Maud Bregeon.

Amendement CE106 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il vise à limiter à cinq ans la durée d’exploitation du terminal méthanier flottant.

Selon vos dires, l’installation n’a pas vocation à être pérennisée, d’autant que la combustion de gaz naturel est incompatible avec les objectifs de la France en matière de réduction d’émissions de gaz à effet de serre.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je vous le confirme, le terminal est temporaire. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 14 modifié.

Chapitre II
Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité

Article 15 (art. 21 bis [nouveau] de l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020) : Permettre l’embauche et la réembauche de salariés pour faire face à la reprise temporaire d’activité de centrales à charbon

Amendements de suppression CE191 de Mme Clémence Guetté et CE212 de Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes. Le Président de la République s’était engagé dès 2017 à sortir des énergies fossiles, en particulier du charbon. Il n’en est rien et l’article 15 autorise même un recours accru au charbon grâce aux centrales de Saint‑Avold et Cordemais.

Cet article est en contradiction avec les objectifs de la France en matière de climat.

Entre 2020 et 2021, l’État a dû recourir au charbon afin de pallier les défaillances du parc nucléaire. Malgré les vertus d’énergie décarbonée que vous lui prêtez, le nucléaire ne permet pas aujourd’hui de produire l’électricité nécessaire en France. Le défaut de planification de la sortie des énergies fossiles et fissiles nous oblige donc à recourir aux centrales à charbon qui sont pourtant à bannir.

M. Matthias Tavel. L’article 15 pose un double problème. Le premier concerne la trajectoire énergétique. Vous n’avez pas tenu la promesse de mettre à l’arrêt les centrales à charbon, faute d’avoir planifié le développement des énergies renouvelables et d’avoir incité fortement à la sobriété énergétique. Vous n’avez proposé aucun projet de conversion desdites centrales. La Première ministre a confirmé hier la fermeture sèche de la centrale de Cordemais sans que nous sachions comment sera produite l’électricité dont a besoin le Grand Ouest après 2026. Peut-être nous demanderez-vous alors de prolonger encore son activité à titre exceptionnel au nom de l’urgence et du risque de pénurie.

Le raisonnement global n’est pas bon mais votre projet est de surcroît scandaleux du point de vue social. Vous proposez à des salariés qui ont été licenciés par votre faute, à cause de votre impréparation, d’être réembauchés dans les pires conditions sociales – des contrats de mission dérogatoires du droit commun. Les salariés échangent un bon statut et un bon salaire contre un contrat Kleenex. L’article 15 n’est bon ni pour eux, ni pour l’écologie, ni pour la sécurité des installations.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Il faut faire le bilan bénéfices-risques. Le rehaussement de la production des centrales à charbon n’est pas une bonne nouvelle pour le climat, j’en conviens, mais c’est moins grave que de prendre le risque d’un black-out électrique.

Je n’oppose pas les énergies entre elles, bien au contraire. Je ne nie pas les failles actuelles du parc nucléaire mais les énergies renouvelables ne peuvent pas produire de manière continue. Ce sont deux sources d’énergie décarbonée sur lesquelles le Gouvernement s’appuie pour construire le mix énergétique.

Nous sommes confrontés à une situation d’urgence. Nous avons besoin pendant quelques mois d’augmenter la production des centrales à charbon. Le rehaussement du seuil n’oblige pas à atteindre ce dernier.

S’agissant du volet social, je suis en désaccord avec vous, monsieur Tavel. Avez-vous discuté avec les salariés qui vont être réembauchés ? Ils n’y voient pas une mauvaise chose, loin de là.

M. Matthias Tavel. Entre ça et le chômage !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. 69 des 71 anciens salariés ont choisi de revenir travailler, les deux autres étant partis à la retraite.

Le plan de sauvegarde de l’emploi est maintenu et les salariés bénéficieront d’avantages complémentaires grâce à leur reprise du travail.

Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Il existe des nuances au sein de la NUPES sur l’énergie, je les assume, c’est aussi ce qui fait la force et la richesse de notre rassemblement.

À vous entendre, l’abîme dans lequel nous sommes serait une fatalité, le fruit du hasard. Or, dans l’arrêt des treize réacteurs, nous payons des renoncements industriels, des pertes de savoir-faire et l’absence de stratégie.

La fermeture de la centrale thermique du Havre a été très violente pour les agents, d’autant que M. Nicolas Hulot s’était engagé à la transformer en centrale plus écoresponsable. Les organisations syndicales avaient appelé l’attention du Gouvernement sur le fait que la fermeture abrupte et non concertée des centrales thermiques conduirait à les rouvrir. Nous y sommes.

Nous acceptons de nous inscrire dans une perspective de sortie des énergies fossiles et de décarbonation de notre production énergétique. Mais dès lors que l’énergie se stocke difficilement, il est préjudiciable de ne pas pouvoir compter sur des énergies pilotables en cas de pic de consommation ou de chute de l’approvisionnement.

J’aimerais que vous dressiez un bilan de trente ans de libéralisation qui ont abouti au bazar actuel et laminé la politique énergétique, empêchant de développer la sobriété des logements et de construire un mix énergétique intelligent et concerté. S’agissant des énergies renouvelables, l’absence de planification et d’anticipation des conflits d’usage a pour conséquence de ralentir les projets voire de les compromettre.

Nous ne voterons pas l’amendement de suppression pour de multiples raisons mais je dénonce l’incurie des libéraux dans la continuité desquels vous vous inscrivez.

Mme Julie Laernoes. Cet article est particulièrement préoccupant. Il s’agit d’un aveu d’échec et d’impréparation.

Ne me faites pas croire qu’avec de la planification et des investissements dans les économies d’énergie dans les régions dépourvues de centrales nucléaires, nous ne pourrions pas nous passer de la part d’électricité produite à partir du charbon – 1 % – et ainsi renoncer à la prolongation de l’ouverture des centrales à charbon. Vous faites le choix de ne pas préparer la transition écologique et de ne pas investir dans la planification en matière de réseaux de chaleur.

Vous avez même ouvert à Landivisiau une centrale à gaz pour aider à faire face aux pics d’électricité en hiver – je ne dis pas que cet outil est préférable au charbon.

Ce que vous faites avec les emplois dans les centrales à charbon est absolument abominable. Par votre gestion par à-coups, alternant fermeture et redémarrage, vous privez les salariés de toute prévisibilité et stabilité. Les salariés qui ont été licenciés sans plan de reconversion sont évidemment heureux de retrouver un emploi.

Le Gouvernement refuse de préparer la transition énergétique lorsqu’il ne prévoit pas de réutiliser les savoir-faire de salariés des centrales à charbon. Vous traitez ces derniers comme des jouets.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je me suis rendu à Saint‑Avold et j’y ai rencontré les salariés. Je peux vous assurer qu’une reconversion du site est prévue. Les salariés ne sont pas laissés-pour-compte ni livrés à eux-mêmes – je vous invite à discuter avec eux et à davantage de modération dans les propos. Nous ne partons pas de zéro.

M. Pascal Lavergne. Je suis exaspéré par le procès en impréparation qui est fait au Gouvernement. Comment pouvions-nous imaginer qu’une guerre nous obligerait à prendre des mesures aussi graves en matière énergétique ?

Gouverner, c’est prévoir : le projet a pour but de nous préparer à la situation tendue à laquelle nous serons confrontés cet hiver mais, certes, les mesures envisagées ne sont pas satisfaisantes au regard du cap fixé par la Première ministre.

Chacun doit prendre ses responsabilités. Nous ne prenons pas ces mesures de gaieté de cœur mais nous n’avons pas le choix. Épargnez-nous vos procès d’intention. Certains de ceux qui sont présents dans la salle auraient pu préparer notre pays lorsqu’ils étaient aux manettes il y a quelques années.

M. Paul Molac. Pour illustrer le débat sur l’impréparation des gouvernements successifs, la concertation sur le projet éolien offshore de Saint-Brieuc a eu lieu il y a dix ans. Il a fallu dix ans pour commencer à forer. Les élus bretons ont même craint que le projet ne soit abandonné. Nous avons perdu énormément de temps. Je ne sais pas quel gouvernement doit être incriminé mais l’impréparation est réelle.

M. le président Guillaume Kasbarian. Sur de nombreux sujets, nous avons perdu beaucoup de temps. Notre pays est l’un des plus en retard en matière d’éolien offshore. Nous avons adopté la loi du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (ASAP) afin d’accélérer les projets dans ce domaine. En matière nucléaire, nous avons aussi perdu du temps : le dernier réacteur a été mis en service en 2002.

Mme Delphine Batho. Les gouvernements successifs portent la responsabilité collective de l’impréparation et le dernier n’y échappe pas.

La situation critique de choc énergétique dans laquelle nous nous trouvons est décrite par les scientifiques depuis des années. La conjoncture – choc sur les énergies fossiles et défauts génériques sur les centrales entraînant la mise à l’arrêt de la moitié du parc nucléaire – fait partie des scénarios sur la table depuis de très nombreuses années.

Nous devons nous interroger sur les causes de l’aveuglement de gouvernants persuadés qu’ils pourront toujours repasser la patate chaude à leurs successeurs et que le ciel ne leur tombera pas sur la tête.

Mme Julie Laernoes. Je vous invite, monsieur le président, à visiter la centrale à charbon de Cordemais ainsi que le parc éolien offshore en construction au large de Saint‑Nazaire afin de vous rendre compte de la violence des mesures annoncées ainsi que des mensonges racontés aux salariés.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je me suis engagé à organiser des déplacements pendant les semaines de contrôle donc n’hésitez pas à proposer des visites dans vos circonscriptions.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Monsieur Jumel, je conteste vos propos sur l’absence d’investissement dans le parc nucléaire. Le projet Grand carénage coûte beaucoup d’argent.

Non, madame Batho, les défauts n’étaient pas prévisibles. Les suspicions de corrosion concernent douze réacteurs et non la moitié du parc. Personne n’aurait pu prévoir ce qui arrive.

Monsieur Tavel, la fermeture de Cordemais en 2026 ne risque pas d’être remise en cause puisqu’elle interviendra dès la mise en service de Flamanville 3.

La commission rejette les amendements.

Amendement rédactionnel CE260 de Mme Maud Bregeon.

Mme Delphine Batho. Madame la rapporteure, il n’est pas opportun de mettre en doute ma parole. Ayant été ministre en charge de l’énergie, et notamment de la sûreté nucléaire, lorsque j’affirme que le risque d’un défaut générique dans le parc nucléaire français était identifié dans les études, je pense savoir de quoi je parle.

M. Sébastien Jumel. Ayant deux centrales dans ma circonscription, je connais un peu le sujet du nucléaire. Je ne nie pas les investissements dans la maintenance et le Grand carénage. Je maintiens que les renoncements industriels successifs ont abouti à une perte de savoir-faire et de souveraineté qu’illustrent la catastrophe de Flamanville et la mise à l’arrêt de treize réacteurs. L’asphyxie par EDF de ses sous-traitants en est aussi responsable.

La construction de centrales de nouvelle génération aurait dû donner lieu à une expérimentation et à des retours d’expérience pour améliorer les suivantes.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je vous rejoins, il faut construire davantage de centrales pour apprendre plus vite.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels CE262 et CE263 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 modifié.

Article 16 : Permettre la reprise d’activité des centrales à charbon en cas de menace sur l’approvisionnement en électricité et imposer la compensation des émissions de gaz à effet de serre en résultant

Amendement de suppression CE203 de Mme Sophia Chikirou.

M. Matthias Tavel. L’argument de la guerre pour justifier la relance des centrales à charbon est irrecevable. Ces centrales produisent de l’électricité. Or nous ne manquons pas d’uranium ukrainien et le gaz russe dont nous sommes privés n’est pas utile pour faire fonctionner les centrales à charbon.

Ayons l’honnêteté de le reconnaître, les difficultés de production d’électricité ne sont pas liées à la guerre en Ukraine Elles tiennent au retard dans le développement des énergies renouvelables, aux problèmes du parc nucléaire, ainsi qu’aux insuffisances de la politique en matière d’efficacité énergétique.

Nous sommes opposés à cet article qui vise à vous absoudre de votre impréparation.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Il y a bien un lien entre la pénurie de gaz et l’électricité puisque le premier permet notamment de produire la seconde. Les importations de gaz ont considérablement diminué et les terminaux méthaniers ne suffisent pas à diversifier nos approvisionnements.

Vous voulez supprimer un article qui prévoit des compensations, notamment la création d’un fonds, alimenté selon les quantités de CO2 supplémentaires produites, et destiné à financer des projets écologiques, en particulier dans la région Grand Est.

Mme Julie Laernoes. Nouvellement élue, j’avais l’illusion que les rapporteurs étaient précis dans leurs explications et ne se livraient pas à des approximations telles que celle que nous venons d’entendre : ce n’est pas à cause de la guerre en Ukraine que nous avons un problème d’approvisionnement électrique en France ! La centrale de Landivisiau a été ouverte durant le quinquennat précédent : on a choisi de construire un équipement destiné à produire de l’électricité à partir d’énergies fossiles, ce qui est une ineptie lorsqu’on veut s’engager dans la transition énergétique et la planification écologique, puisque l’électricité peut et doit être produite à partir d’énergies renouvelables. La cause de nos problèmes d’approvisionnement n’est donc pas, comme vous le dites, la guerre en Ukraine, mais l’imprévision quant au parc nucléaire. Tenez-vous-en donc aux faits et expliquez pourquoi vous ouvrez ces dispositifs dans un texte relatif au pouvoir d’achat. C’est du moins ce que la nouvelle députée que je suis attend de la rapporteure sur les questions énergétiques.

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous avez raison de dire qu’on attend d’un rapporteur de la précision, et j’ai le sentiment que notre rapporteure est très précise. lorsqu’on n’est pas satisfait de ses réponses, on peut voter dans un sens différent de ce que préconise un rapporteur, mais la tradition de notre assemblée veut qu’on évite de l’attaquer personnellement. Notre rapporteure fait un beau travail.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je maintiens ce que j’ai dit : le gaz sert aussi à faire de l’électricité. Ni vous, ni moi ne pouvions prévoir le contexte d’ensemble que nous connaissons, qu’il s’agisse de la production d’électricité à partir de gaz, des tensions dans le domaine de l’électricité pilotable d’origine nucléaire ou de la capacité de production hydraulique, affectée par les conditions météorologiques.

Pour ce qui concerne les compensations, certaines s’inscrivent dans le cadre de l’UE ETS, ou SCEQE-UE, le système communautaire d’échange de quotas d’émission carbone, pour un montant d’environ 116 millions d’euros. À cela s’ajoutera – c’est le sens des dispositions que nous examinons – un montant de 27,50 euros par tonne de CO2 émise qui alimentera un fonds, à hauteur de 124 millions d’euros si l’activité atteint le nombre d’heures supplémentaires autorisées. Un partenariat a été conclu entre la centrale GazelEnergie et le conseil régional du Grand Est, qui a voté la création d’une agence de compensation en vue de développer des projets écologiques. Le fonds créé à cet article interviendra donc en partenariat avec la région, afin que ces projets se développent au plus près des personnes touchées dans le territoire concerné. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement CE203.

Amendements CE264 de Mme Maud Bregeon, CE108 de Mme Marie-Noëlle Battistel et CE131 de M. Paul Molac (discussion commune).

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. L’amendement CE264 vise, d’une part, à préciser la faculté de relever les plafonds d’émission de gaz à effet de serre des centrales à charbon et la nouvelle obligation de surcompenser les émissions supplémentaires, et, d’autre part, à rappeler les exigences de qualité de cette compensation.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CE108 vise lui aussi à préciser les obligations des opérateurs en matière de compensation carbone en limitant les compensations éligibles aux investissements finançant les énergies renouvelables, la sobriété énergétique ou la renaturation d’espaces artificialisés, afin que ces compensations participent pleinement à la transition écologique. Il tend par ailleurs à fixer un montant plancher de compensation à 50 euros par tonne de CO2 émise, montant comparable au prix des quotas carbone du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre de l’Union européenne.

M. Paul Molac. L’amendement CE131 a le même objet.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je demande le retrait des amendements CE108 et CE131, à défaut j’émettrai un avis défavorable. Le prix de 27,50 euros prévu par mon amendement est déjà élevé et viendra en outre s’additionner à ce que devra payer l’exploitant au titre du dispositif instauré par l’Union européenne. Notre objectif était de trouver un point d’équilibre permettant d’investir dans ce fonds pour assurer de réelles compensations et de garantir une soutenabilité économique du projet, dont l’objectif est précisément de maintenir les conditions que connaissent les salariés et l’équilibre global du projet.

Mme Delphine Batho. La compensation est une vue de l’esprit, sinon une fumisterie et une illusion. En effet, notre problème collectif, à l’échelle du destin de l’humanité, est de réduire notre empreinte carbone en valeur absolue, non pas d’en compenser la hausse qui se poursuit – la différence est importante. Nous pourrions discuter des puits de carbone, mais le subterfuge de la compensation qui nous est présenté est un mécanisme fallacieux qui sert à justifier des mesures telles que la poursuite de l’utilisation du charbon en France – laquelle ne sera, en réalité, pas compensée.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la rapporteure pour avis, vers quoi seront fléchées les compensations élevées que vous évoquiez ?

M. Matthias Tavel. La logique même de la compensation est déjà contraire à l’objectif que nous devons poursuivre, de réduire les émissions et non pas de compenser celles que nous produisons. Nous nous trouvons donc là nécessairement dans une position de repli, que je suis toutefois prêt à endosser, car je ne suis pas partisan du « tout ou rien ». Puisque nous ne parvenons pas à vous convaincre que ces dispositions devraient être discutées dans un projet plus global, ni à vous convaincre d’y renoncer, voyons quel est le mieux que nous puissions faire. Cependant, lorsque nous vous demandons de faire un effort supplémentaire en termes de compensation, vous nous répondez qu’il n’y a rien à discuter. Je croyais que vous vouliez faire des pas, or nous sommes prêts à en faire un avec cet amendement de repli de Mme Battistel, à condition que les contreparties soient vraiment substantielles, mais même de cela, vous ne voulez pas. C’est un peu lassant, voire décourageant – mais vous ne nous découragerez pas comme ça !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Je ne compte pas vous décourager, et réciproquement ! Sur la base de nos calculs, le montant de 27,50 euros nous paraît suffisant compte tenu de l’équilibre qu’il convient de garantir et au vu des projets concrets qui doivent être réalisés à partir de ce fonds. Ces projets doivent être discutés, car il est encore tôt, mais le premier a été le financement de bennes à ordures à hydrogène pour la communauté de communes de Saint-Avold.

La commission adopte l’amendement CE264.

En conséquence, les amendements CE108 et CE131 tombent.

La commission adopte successivement les amendements rédactionnels CE265 et CE266 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 modifié.

Article 17 (art. L. 333-3 du code de l’énergie) : Permettre le transfert des droits ARENH aux fournisseurs de secours

Amendement de suppression CE147 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Cet article propose de réattribuer les volumes d’ARENH des fournisseurs alternatifs qui ne parviendraient pas à répondre à leurs obligations ou verraient leur autorisation suspendue. Cette capacité de sécurité que s’octroie le ministre chargé de l’énergie peut paraître anodine, mais elle introduit une rupture du contrôle démocratique sur ce point car, jusqu’à présent, il revient à la CRE de procéder à la réattribution des volumes d’ARENH. La procédure envisagée, si elle répond à un besoin d’efficacité de l’approvisionnement, vient donc empêcher le débat nécessaire pour organiser la régulation.

Cette disposition est également critiquée pour sa rédaction, qui ne tient pas compte du mécanisme d’attribution des volumes d’ARENH. La fourniture des droits ARENH est annuelle et on peut supposer que la fourniture de secours ne dure que quelques semaines ; or les droits seront, dans ce cadre, récupérés sur l’année entière par le fournisseur de secours, alors qu’il ne sera certainement intervenu que pendant une durée limitée. La disposition apparaît ainsi disproportionnée et tous ces éléments militent pour une suppression de l’article.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. La mesure incriminée semble, au contraire, excellente. Aujourd’hui, quand votre fournisseur met la clé sous la porte, l’offre dont vous disposez est issue à 100 % du marché. Il s’agit donc de permettre à des gens dont le fournisseur a fait faillite d’avoir accès, dans leur offre, à du nucléaire régulé, ce qui est une vraie mesure de protection du pouvoir d’achat. Le cas s’est produit l’année dernière pour quatre ou cinq fournisseurs, et des consommateurs ont donc été concernés directement. Il revient en effet à la CRE de procéder à la répartition du volume de l’ARENH, ce qu’elle ne manquera pas de faire pour la prochaine période de livraison lorsqu’on arrivera au guichet d’hiver – puisque l’amendement suivant tendra à supprimer le guichet d’été –, redonnant à chaque fournisseur qui le demande les droits d’ARENH auxquels il peut prétendre, comme c’est le cas chaque année.

Vous objectez aussi que, selon que la faillite intervient en mars ou en novembre, le volume cédé au fournisseur de secours n’est pas le même. Il importe de trouver un bon équilibre, car d’autres nous disent que, si le client a accès à du nucléaire régulé dans son offre, il restera auprès de son fournisseur de secours. Ces derniers préfèreraient qu’il ne bénéficie pas de cet avantage de prix, car il risque de s’installer dans une offre de fourniture de secours, assez transparente pour lui en termes de service rendu et de prix. Je comprends cette limite que vous indiquez. En tout état de cause, le volume d’ARENH étant à nouveau réparti en novembre, cette solution me semble présenter plus de gains que de risques pour les consommateurs. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel. Nous en arrivons à trois articles relatifs à l’ARENH et aux modalités de de son attribution et de sa réattribution. C’est pour nous l’occasion de dire d’abord notre refus de ce principe et de cette organisation du marché de l’électricité. Nous contestons le fait que l’électricité soit une marchandise et qu’EDF soit obligée de vendre à ses concurrents, à prix cassé, une électricité qu’elle est la seule à produire, alors que même la Cour des comptes nous explique que, si l’ARENH a permis le développement de la concurrence des distributeurs, elle a été absolument incapable d’organiser la production d’électricité par les autres opérateurs. L’ensemble de la discussion doit donc reposer sur cette base.

Dans le contexte de crise où nous nous trouvons, vous prenez des dispositions exceptionnelles et dérogatoires, et êtes même prêts à évoquer des réquisitions et des obligations. Il est temps de décider, par exemple, la suspension de ce mécanisme et de faire en sorte que, lorsqu’un opérateur est défaillant, ce soit à EDF de reprendre la main, et non pas à un concurrent qui est, de toute façon, incapable de produire. En prévoyant la possibilité que d’autres opérateurs viennent au secours et récupèrent la part d’ARENH du fournisseur défaillant, vous accentuez encore les dégâts. Ce n’est pas sérieux. Si nous voulons éviter la pénurie, il faut commencer par remettre en cause ce mécanisme, sans l’étendre encore et toujours, de telle sorte que l’ARENH passe ensuite de fournisseur défaillant en fournisseur défaillant, alors que c’est tout le contraire qu’il faut faire.

Mme Delphine Batho. Nous ne prenons pas ce débat par le bon bout, car la solution à la crise actuelle est la renationalisation complète d’EDF, la suspension des directives européennes relatives au prix de l’électricité et le retour au tarif réglementé pour tout le monde, en particulier pour les collectivités et pour les consommateurs, les petites entreprises, les moyennes entreprises et les établissements de taille intermédiaire.

Les entrepreneurs des Deux-Sèvres me disent que, par rapport au tsunami que subissent actuellement les prix de l’énergie et les contrats de fourniture d’électricité, la crise du covid-19 était une blagounette. J’espère donc qu’à défaut d’avoir ce débat dans le cadre du texte consacré au pouvoir d’achat, nous l’aurons lors de l’examen du projet de loi de finances rectificative, car la situation devient critique. Ce n’est pas avec les dispositions prises, forçant EDF à vendre toujours plus à perte ou reposant sur l’ARENH, qu’on résout en quoi que ce soit la situation de terrain. Nous devrions pouvoir trouver une majorité d’idées pour agir, car la situation devient véritablement catastrophique à mesure des renouvellements de contrat.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous évoquons ici des mesures de court ou moyen terme. En effet l’ARENH n’a pas vocation à perdurer éternellement et je reconnais volontiers que ce dispositif n’est actuellement, à bien des égards, pas pleinement satisfaisant. En revanche, supprimer l’ARENH aurait une incidence directe sur le prix de l’énergie et provoquerait des faillites en cascade. Je suis donc parfaitement d’accord pour qu’il y ait une discussion globale sur le fonctionnement du marché de l’électricité au niveau français et européen, mais faire tomber l’ARENH ou revenir sur les 20 térawattheures supplémentaires attribués l’année dernière aurait de très importantes conséquences économiques et sociales.

La commission rejette l’amendement CE147.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement CE148 de M. Sébastien Jumel.

Elle adopte l’amendement rédactionnel CE267 de Mme Maud Bregeon.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 modifié.

Après l’article 17

Amendement CE151 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. L’ARENH a pour effet de siphonner financièrement EDF, dans une distorsion de concurrence avec des fournisseurs alternatifs qui abîment ce fleuron industriel et sont, d’une certaine manière, le cheval de Troie qui vous permet, non pas de le renationaliser, mais de le saucissonner et de le fragiliser. L’amendement vise à le rappeler en des termes plus précis.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Nous aurons ce débat lors de l’examen des articles suivants.

M. Matthias Tavel. Ce que vient de dire Mme la rapporteure pour avis est intéressant. Selon elle, l’ARENH n’est pas satisfaisant et nous devons avoir un débat sur l’organisation du marché de l’énergie et de l’électricité en France et en Europe. Nous sommes d’accord, mais vous nous obligez à nous prononcer sur de telles mesures avant que nous puissions avoir ce débat. Tel est bien le sens de ma première intervention, où j’indiquais que nous avions besoin d’un débat global sur la stratégie énergétique et sur l’organisation du marché de l’énergie. Vous ne pouvez pas nous dire au départ qu’il faut des décisions d’urgence, puis que les modalités retenues ne sont pas satisfaisantes mais qu’il faut absolument les appliquer. C’est bien la preuve, au contraire, qu’il nous faut prendre le temps d’avoir ce débat, de l’organiser et peut-être même de trouver des compromis sur ces questions, puisque vous n’êtes pas satisfaite non plus de cette situation et qu’un espace de dialogue est peut-être possible. En tout cas, ce ne sera pas en faisant voter des articles instaurant des dispositifs qui ne sont pas limités dans le temps. De fait, vous n’êtes pas en train de nous proposer des dispositions pour passer l’hiver, mais de voter des dispositions pérennes. Quels engagements avons-nous que nous pourrons avoir ce débat plus tard si nous ne l’avons pas à l’occasion de ce texte ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Il me semble de bon sens que les consommateurs puissent disposer, en cas de faillite de leur fournisseur, d’une offre qui ne soit pas à 100 % fondée sur les prix du marché, notamment au niveau du prix de l’électricité que l’on constate sur les marchés spot. Quant au débat de fond sur l’organisation du marché de l’électricité, il prendra du temps.

La commission rejette l’amendement CE151.

Article 18 (art. L. 336-3 du code de l’énergie) : Supprimer le guichet ARENH de miannée

Amendements de suppression CE146 de M. Sébastien Jumel, CE204 de Mme Sophia Chikirou et CE207 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

M. Sébastien Jumel. Vous renforcez les pouvoirs du ministre en limitant ceux de la CRE. L’amendement CE146 vise à rétablir cette dernière dans ses prérogatives.

M. Matthias Tavel. L’amendement CE204 est défendu.

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement CE207 tend à supprimer l’article 18, qui permet de revenir sur le guichet infra-annuel de l’ARENH. En effet, le dispositif prévu par l’article ne permettrait pas de correction en cours d’année. Or, bien qu’on n’utilise pas régulièrement cette possibilité, il se trouve que les mesures proposées sont temporaires, comme nous l’entendons répéter depuis le début de l’examen de ce texte, et ni vous, ni moi ne savons quel sera le coût de l’électricité dans un, deux ou trois mois. Dans cette incertitude, il semble donc plutôt pertinent de conserver ce guichet infra-annuel.

D’autre part, puisque nous entamerons à l’article 19 le débat sur l’ARENH, je peux l’anticiper. En effet, lors de l’audition de quatre ministres à laquelle nous avons procédé hier, l’une a répondu, par erreur me semble-t-il, qu’EDF ne vendait pas à perte lorsqu’elle vend dans le cadre de l’ARENH. Or, le président de la CRE lui-même a estimé à 48, 49, voire 50 euros le coût de production du volume correspondant à l’ARENH. Le prix de vente étant aujourd’hui de 42 euros, on voit aisément qu’il est inférieur au prix de production. On ne peut donc pas dire qu’EDF ne perd pas d’argent.

Enfin, lorsque le relèvement du plafond a été porté à 20 % supplémentaires, cela s’est fait dans une certaine précipitation et sans se préoccuper de savoir si EDF disposait de ce volume de productible ou si elle devait aller le chercher sur le marché, ce qui a été le cas et qui a aggravé sa situation financière de plusieurs milliards d’euros. Je poursuivrai mon propos en présentant mon prochain amendement.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Le guichet d’été n’est plus utilisé depuis longtemps et vous pourrez, du reste, encore instaurer, au besoin, un guichet par acte réglementaire. De fait, si nous nous trouvions dans une situation exigeant de disposer d’un guichet en cours d’année – et même si je ne vois guère comment cela se pourrait – ce serait ponctuellement possible. Pour le reste, le prix de 42 euros est assurément inférieur au coût économique, mais ce n’est pas le sujet de l’article que nous examinons.

La commission rejette les amendements.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18.

Après l’article 18

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE150 de M. Sébastien Jumel.

Article 19 : Validation législative du rehaussement du volume de l’ARENH cédé

Amendements de suppression CE110 de Mme Marie-Noëlle Battistel, CE149 de M. Sébastien Jumel, et CE200 de Mme Clémence Guetté.

M. Sébastien Jumel. Les dispositions prévues par le texte vont certainement aggraver la situation financière et sociale d’EDF. En effet, elles pourraient contribuer à faire exploser la dette de l’entreprise pour la porter à plus de 60 milliards d’euros, contre 43 milliards fin 2021. EDF évalue d’ailleurs l’impact commercial et social de cette mesure à un niveau supérieur à l’estimation retenue par le Gouvernement. C’est de la folie.

Il existe par ailleurs un risque de contentieux avec l’Union européenne, qui pourrait considérer cette augmentation de l’ARENH comme une véritable aide de l’État aux fournisseurs. Le contentieux est, du reste, quelque peu contourné avec la validation d’un décret qui fait l’objet de deux recours. C’est du jamais vu et c’est un vrai problème démocratique. Sur le fond, je le répète, cela revient à aggraver le siphonage induit par le caractère disproportionné de l’ARENH dans le marché de l’énergie. Toutes ces raisons militent pour la suppression de l’article 19.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je souscris pleinement aux propos de M. Jumel. Cet article est à peine caché et il est fort à craindre qu’il vise à soustraire le décret du 11 mars 2022 à la justice administrative, puisque deux recours ont été formulés, notamment celui des syndicats. Nous proposons donc évidemment sa suppression.

Je reprends la discussion engagée précédemment. De fait, puisqu’il est question de pouvoir d’achat, les bénéficiaires de l’ARENH – dont on pourrait faire la liste détaillée si nous avions le temps – ne sont pas tous à plaindre et certains d’entre eux, opérant dans le secteur du luxe ou dans la finance, n’ont absolument pas souffert de la crise et continuent à faire des bénéfices.

La Première ministre propose d’aller au secours d’EDF et le ministre Bruno Le Maire déclare que l’État sera toujours au chevet d’EDF mais, dans le même temps, on capte auprès de cette entreprise des milliards d’euros qui pourraient être fléchés vers les investissements massifs, nécessaires dans le domaine des énergies, renouvelables ou autres, pour servir des entreprises qui n’en ont pas forcément besoin. Tout cela a été dénoncé à de multiples reprises. Cet article, qui vise à se soustraire à la justice administrative, n’est pas acceptable. Ce ne sont pas des méthodes, et j’espère que notre proposition de suppression sera suivie.

M. Matthias Tavel. Nous contestons le principe même de l’ARENH, qui vise à spolier les Français du produit de leurs efforts et à brader l’électricité produite par EDF pour que des concurrents privés, qui n’ont pas été capables d’en produire eux-mêmes, puissent se présenter comme des fournisseurs d’électricité alors qu’ils n’en ont que la devanture. Ce mécanisme organise le pillage d’un bien public. Vous proposez de l’aggraver en lui attribuant un volume additionnel de 20 térawattheures, alors même que l’alliance CFE UNSA Énergies affirme qu’EDF ne sera pas en mesure de fournir un tel volume sans acheter l’électricité au prix fort, la production de l’année 2022 ayant déjà été vendue. Vous voulez de surcroît le faire à un prix qui n’est pas satisfaisant – n’est-ce pas un certain Jean-François Carenco, qui, le 1er juin, estimait que, dans le cadre de l’ARENH, le prix de l’électricité devait être fixé à 49,50 euros au moins ? Peut-être le nouveau ministre délégué chargé des outre-mer pourrait-il faire valoir auprès de ses collègues du Gouvernement la position qu’il défendait le mois dernier ?

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Avis défavorable.

En premier lieu, la validation ne concerne que les défauts de consultation obligatoire ; les autres motifs ayant fondé des recours sont toujours recevables.

Pour le reste, l’ARENH est-elle un dispositif parfaitement satisfaisant ? Bien sûr que non. Personne ne le prétend.

M. Sébastien Jumel. Si ! Tous ceux qui ont voté la loi NOME !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Elle remonte à 2010 ! Je vous renvoie au rapport remis à l’époque par la commission Champsaur : l’ARENH a été créée dans un contexte particulier, sous certaines hypothèses et avec certaines réserves – qui n’ont pas toutes été levées.

D’autre part, avec la hausse des prix de l’électricité l’année dernière, le rehaussement du plafond de l’ARENH était la moins mauvaise solution. À défaut, dans des entreprises comme Aluminium Dunkerque, 590 salariés se seraient retrouvés au chômage technique. Et des industries qui ont eu besoin d’accéder à plus de nucléaire régulé, il y en a eu un certain nombre ! Sincèrement, c’était une mesure nécessaire dans ce contexte, et qui a permis de préserver des emplois.

M. Paul Molac. J’appelle votre attention sur le fait que le passage de 100 à 120 térawhatteures aurait, selon mes informations, un impact d’environ 8 milliards d’euros sur les comptes d’EDF. L’opérateur historique étant criblé de dettes, cela pose un problème. Le Gouvernement dit vouloir renationaliser cette entreprise emblématique, l’enjeu étant de la recapitaliser ; peut-être le fait qu’elle soit dans le rouge permettra-t-il de l’acheter moins cher, mais on est en train de plomber EDF !

M. Bertrand Bouyx. Ne perdons pas non plus de vue que le prix de l’électricité est indexé sur celui du gaz. Tant que tout allait bien, ce n’était pas un problème, mais vu la situation, il est nécessaire de reconsidérer le prix d’électricité. C’est une question qui regarde désormais l’Europe, et plus simplement la France.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la rapporteure pour avis, je connais le rapport de la commission Champsaur et sais quels objectifs avaient été fixés à l’ARENH. Il était à cette époque important pour la Commission européenne, dans le cadre de la conservation du monopole du nucléaire, de permettre le développement de fournisseurs alternatifs. Mais aujourd’hui, on ne peut pas dire qu’ils ne sont pas suffisamment nombreux ! Or combien d’entre eux ont investi dans l’outil de production ? Aucun, ou presque.

Certes, le relèvement du plafond de l’ARENH a aidé un certain nombre d’entreprises en difficulté qui ont pu bénéficier de prix régulés, mais il a aussi servi à beaucoup d’autres qui n’en avaient absolument pas besoin. Il y a là un problème de ciblage et de fléchage.

Vous dites que tout le monde a des critiques à formuler envers l’ARENH, mais vous n’étiez pas là durant la précédente législature ! Il y a quelques mois encore, on nous vantait ses vertus matin, midi et soir ; ce fut notamment le cas durant l’examen du projet de loi relatif à l’énergie et au climat ou en février dernier, lorsque le Gouvernement a pris le décret de relèvement du plafond.

Par ailleurs quelle est la véritable portée de cet article ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Vous pourrez interroger en séance le Gouvernement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Certes, mais cela ne dispense pas Mme la rapporteure pour avis de répondre !

M. Maxime Laisney. La semaine dernière, Mme Élisabeth Borne nous a fait miroiter un rachat à 100 % des actions d’EDF par l’État. Or on propose par cet article qu’EDF rachète à 257 euros le mégawattheure l’électricité qu’il avait déjà vendue pour la revendre aux fournisseurs à 46,20 euros le mégawattheure. On va socialiser les pertes et privatiser les profits ! Vous utilisez les moyens de l’État pour créer un marché inutile et inefficace ; d’ailleurs, la Cour des comptes elle-même a dit que l’ARENH n’avait jamais permis de développer la production alternative d’électricité.

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. À quoi sert l’article 19 ? À sécuriser le bouclier tarifaire sur l’électricité.

On a beaucoup parlé – en bien – de M. Carenco, et je rappelle que c’est la CRE qui a demandé le rehaussement de 20 térawattheures du plafond.

M. Matthias Tavel. Oui, mais au prix de 49,50 euros !

Mme Maud Bregeon, rapporteure pour avis. Quant à affirmer que l’ARENH est le principal responsable de la situation financière d’EDF, ce serait beaucoup trop simple si c’était le cas ! Le rehaussement de l’ARENH coûte de 8 à 10 milliards d’euros ; les problèmes actuels de corrosion, entre 18 et 20 milliards…

La commission rejette les amendements de suppression.

Elle adopte l’amendement de clarification rédactionnelle CE268 de la rapporteure pour avis.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 modifié.


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   Travaux de la commission des finances, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

Avis de la commission

Compte tenu du fait que le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat est déposé et examiné en concomitance avec le premier projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, ainsi que de l’importance de ce texte pour la protection des Français dans un contexte de forte hausse des prix et de son incidence sur les comptes publics, la commission des finances a décidé de saisir pour avis des articles 1er à 6 et 15 à 19.

Les tensions sur les cours des matières premières et les chaînes d’approvisionnement survenues depuis la fin de la phase la plus aiguë de la crise liée à l’épidémie de covid-19 et les difficultés provoquées sur les marchés alimentaire et énergétique par l’invasion de l’Ukraine par la Russie ont rendu la vie quotidienne des particuliers et des entreprises plus difficile.

L’inflation atteindrait des taux que la France n’avait pas connus depuis de nombreuses années : en année pleine, l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) progresserait de 5,6 % pour la Banque de France ou 5,8 % pour la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT), tandis que l’indice des prix à la consommation (IPC), dont le calcul repose sur des conventions légèrement différentes établies par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), augmenterait de 5,5 %. Observé en retenant la moyenne de chaque mois par rapport au même mois de l’exercice précédent, ce taux de l’IPC ne s’élevait qu’à 0,5 % en 2020, puis 1,6 % en 2021. S’agissant de l’énergie, le choc serait de 33,1 % en juin 2022 en comparaison avec juin 2021.

Dans ces conditions, si le revenu disponible brut (RDB) des Français doit croître de 4,1 % cette année, leur pouvoir d’achat pourrait reculer de 0,6 % ou 0,8 %, selon respectivement l’INSEE et la Banque de France, alors que même 2020 et 2021 avaient été marqués par sa hausse de 2,3 %.

*

*     *

● Le chapitre Ier du titre Ier du projet de loi concerne la valorisation du travail et le partage de la valeur.

L’article 1er institue, à compter du 1er août 2022, une prime de partage de la valeur (PPV). Inspirée de la prime exceptionnelle pour le pouvoir d’achat (PEPA), créée au début de la précédente législature et plusieurs fois reconduite jusqu’au 31 mars dernier ([305]), elle s’en distingue par son caractère pérenne et par le triplement de ses plafonds ouvrant droit à plusieurs exonérations.

Sous ses différentes formes temporaires, prévoyant une exonération totale avec un plafond de 1 000 euros pour les salariés percevant moins de trois SMIC, auquel s’est ajouté celui de 2 000 euros dans les entreprises de moins de 50 salariés et en cas de signature d’un accord d’intéressement ou de valorisation des travailleurs dits de deuxième ligne face à la pandémie, la PEPA a bénéficié à 15,3 millions de salariés pour un total de 8,3 milliards d’euros.

La nouvelle PPV sera modulable en fonction de la rémunération, mais ne pourra se substituer à l’une de ses composantes régulières ou l’une des primes qu’aurait prévue par ailleurs un accord, le contrat de travail ou un usage de l’entreprise –, ainsi que de la durée de travail ou du temps de présence effective de son bénéficiaire. Elle pourra s’élever au maximum à 3 000 euros par salarié et par an, voire 6 000 euros si l’employeur met en place un dispositif d’intéressement ou, dans les entreprises de moins de 50 salariés, de participation, ou s’il est une association ou une fondation reconnue d’utilité publique ou d’intérêt général ou un établissement ou service d’aide par le travail (ESAT).

La PPV sera exonérée des parts patronale et salariale de toutes les cotisations sociales, mais assujettie, pour les salariés, à l’impôt sur le revenu (IR), à la contribution sociale généralisée (CSG) et à la contribution aux taux normaux de 9,2 % et 0,5 % et, pour les seuls employeurs de plus de 250 salariés, au forfait social au taux normal de 20 %.

De manière transitoire jusqu’au 31 décembre 2023, cette prime sera exonérée de l’ensemble des prélèvements fiscaux et sociaux lorsqu’elle sera versée à un salarié dont la rémunération est inférieure à trois fois le montant du salaire minimum de croissance (SMIC), soit 3 908 euros net par mois à sa valeur du 1er mai 2022.

La prime sera incluse dans le revenu fiscal de référence (RFR) du salarié, ainsi que dans les ressources prises en compte pour l’éligibilité et le calcul du revenu de solidarité active (RSA), de la prime d’activité et de l’allocation aux adultes handicapés (AAH).

Le rapporteur partage l’analyse du Conseil d’État, lequel souligne « l’intérêt général qui s’attache, en période de forte reprise de l’inflation, à la mise en place d’un dispositif de protection du pouvoir d’achat qui soit à la fois simple et rapide à mettre en œuvre par les entreprises ».

Suivant l’avis favorable du rapporteur, la commission a adopté un amendement de Mme Lebon visant à ce que le comité social et économique soit consulté préalablement au versement de la PPV par l’employeur, au lieu d’être simplement informé, lorsqu’il entend décider unilatéralement de son montant, de la rémunération maximale des salariés éligibles et de sa répartition entre eux.

La commission des affaires sociales, saisie au fond du projet de loi, a conservé cet apport issu d’une recommandation du Conseil d’État.

L’article 2 prévoit une baisse des cotisations des travailleurs indépendants – artisans et commerçants (AC), membres de professions libérales non-réglementées (PL) et chefs d’exploitation agricole (TNSA) – au profit de la branche maladie, maternité et invalidité-décès. Elles sont acquittées annuellement à titre provisionnel sur les revenus de l’avant-dernière ou dernière année puis régularisées une fois leur montant connu.

Hors part relative aux indemnités journalières (IJ) versées lors des arrêts de travail, la cotisation sera annulée jusqu’à 40 % du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS), soit 16 454 euros par an ou 1,05 fois le SMIC, puis rendue progressive vers un taux de 4,5 % jusqu’à 60 % du PASS, soit 24 682 euros net par an ou 1,58 fois le SMIC. La cotisation pour les IJ sera abaissée à 0,5 % pour les AC, mais inchangée pour les libéraux et les TNSA. Enfin, l’assiette minimale de 40 % du PASS sera maintenue pour les deux volets de la cotisation due par les AC, ainsi que pour celle des IJ des libéraux.

Cette mesure, qui bénéficiera aux 2,25 millions d’indépendants, ainsi qu’au million de micro-entrepreneurs actifs, est opportune pour trois raisons :

– un quart des non-salariés non-agricoles (AC et PL) et un tiers des non-salariés agricoles ont des revenus d’activité inférieurs à 50 % du SMIC annuel, soit 7 816 euros net par an, or la revalorisation du SMIC ou de l’indice dans les fonctions publiques ne leur est par construction pas applicable ;

– le Gouvernement entend renforcer la convergence entre l’effort contributif des indépendants et des salariés pour l’acquisition des mêmes droits, car les cotisations du secteur privé ont fortement diminué avec les allégements généraux et leur renforcement sur les bas salaires ([306]) ;

– les cotisations maladie sont le levier le plus efficace, tout d’abord car la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) sont tenues d’avoir de mêmes taux pour tous les revenus d’activité aux termes de la jurisprudence du Conseil constitutionnel ([307]), ensuite car les cotisations d’allocations familiales des indépendants sont déjà nulles jusqu’à 110 % du PASS et, enfin, car les cotisations vieillesse, contributives, sont déjà égales à celles des salariés pour les AC.

Cet allégement coûtera 320 millions d’euros en 2022, puis 400 millions d’euros en 2023, exercice qui verra une hausse de 7,5 % du PASS. Pour un revenu équivalent au SMIC, le gain sera de 551 euros pour un artisan ou commerçant et de 504 euros pour un libéral ou un chef d’exploitation agricole. Pour un revenu équivalent à environ 1,6 fois le SMIC, il sera encore de 423 euros pour un AC et de 365 euros pour un PL ou un TNSA : la différence tient au rapprochement avec le point de sortie des allégements généraux, fixé à 60 % du PASS.

L’étude d’impact du projet de loi précise que, conformément aux articles L. O. 111-3 et L. 131-7 du code de la sécurité sociale, « la mesure serait compensée aux régimes de sécurité sociale concernés par l’affectation d’une fraction de taxe sur la valeur ajoutée » (TVA) dans une prochaine loi de finances.

L’article 3 vise à permettre une plus grande diffusion de l’intéressement. Certes, la protection du pouvoir d’achat des salariés passe par l’effort que les entreprises peuvent faire pour augmenter les salaires mais, dans un contexte économique incertain, les marges dont elles disposent sont limitées. Faciliter la mise en place des outils de partage de valeur n’en est que plus pertinent. Ni un dialogue social insuffisamment développé ni l’échec de négociations ne doivent s’ériger en obstacles insurmontables à la mise en place de l’intéressement dans un plus grand nombre d’entreprises.

Au cours de la XVe législature, plusieurs assouplissements avaient déjà concouru au développement de l’intéressement, dispositif d’épargne salariale lié aux résultats ou aux performances, qui pouvait être instauré au sein de toute entreprise, par voie d’accord avec les salariés, pour une durée de trois ans. D’une part, la loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne avait ouvert la possibilité d’une mise en place par décision unilatérale pour les entreprises employant moins de 11 salariés dépourvues d’instance représentative du personnel lorsqu’elles mettent en place ce dispositif pour la première fois. D’autre part, alors que les accords d’intéressement ne pouvaient antérieurement être conclus que pour une durée de trois ans, une expérimentation menée du 1er janvier au 30 juin 2020 a permis la conclusion d’accords pour une durée comprise entre un et trois ans. L’expérimentation a été prorogée jusqu’au 31 août 2020, avant que cette plus grande souplesse ne soit pérennisée à compter du 9 décembre 2020 ([308]).

Malheureusement, la mise en œuvre de l’intéressement reste, dans les entreprises comptant 11 à 49 salariés – dont 31,9 % seulement sont dotées d’une instance de représentation du personnel –, freinée par la nécessité de négocier un accord. Ainsi, en 2020, seules 10,9 % des entreprises de 10 à 49 salariés étaient couvertes par un tel accord, alors que c’est le cas de 54,2 % des entreprises de plus de 500 salariés et de 60,1 % des entreprises de plus de 1 000 salariés.

Les dispositions prévues à l’article 3 permettront précisément de lever ce frein, tout en assouplissant plusieurs autres contraintes :

– l’employeur pourra instaurer unilatéralement un dispositif d’intéressement dans les entreprises de moins de 50 salariés en l’absence d’institutions représentatives du personnel – si cette absence ne résulte pas d’une carence de sa part – ou en cas d’échec des négociations, si l’entreprise n’est pas couverte par un accord de branche agréé, le dispositif pouvant ensuite être renouvelé par décision unilatérale ;

– la durée des dispositifs d’intéressement pourra être comprise entre un et cinq ans ;

– la mise en place d’un dispositif type via une procédure dématérialisée permettra de sécuriser pour la durée de l’accord les exonérations dont bénéficient les sommes versées au titre de l’intéressement dès le dépôt ;

– pour accélérer la procédure, le contrôle formel des directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités sera supprimé.

L’article 4 a pour objet de faciliter la revalorisation des grilles salariales des branches en renforçant l’outil de la procédure de restructuration de celles-ci à la disposition du ministre chargé du travail.

Dans un contexte de forte inflation et compte tenu des revalorisations automatiques du SMIC, de 2,2 % le 1er octobre 2021 et de 2,65 % le 1er mai 2022, il s’agit effectivement d’inciter les branches à négocier rapidement afin que le salaire minimum national des salariés sans qualification soit au moins égal au SMIC. Or, selon l’étude d’impact du projet de loi, au 17 juin 2022, sur 171 branches suivies couvrant plus de 5 000 salariés, 120, soit 70 % d’entre elles, présentent une grille salariale comportant au moins un coefficient inférieur au SMIC en vigueur revalorisé le 1er mai 2022.

Par ailleurs, le ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion relève une importante corrélation entre l’effectif des entreprises relevant des branches et la vitalité conventionnelle de celles-ci. L’article L. 2261-32 du code du travail dispose donc que le ministre chargé du travail peut engager une procédure de fusion du champ d’application des conventions collectives d’une branche avec celui d’une branche de rattachement présentant des conditions sociales et économiques analogues dans un certain nombre de cas. L’un des six critères alternatifs pouvant justifier l’engagement d’une telle procédure est « une activité conventionnelle caractérisée par la faiblesse du nombre des accords ou avenants signés et du nombre des thèmes de négociations couverts ».

Une modification législative paraît cependant nécessaire pour faire de l’impossibilité structurelle de conclure spécifiquement des accords de branche assurant le respect du SMIC par les minima un élément de caractérisation de ce critère de faiblesse de la vie conventionnelle. Tel est précisément l’objet de l’article 4, qui complète en ce sens l’article L. 2261-32, précité, du code du travail.

● Le chapitre II de ce même titre Ier concerne les prestations sociales.

L’article 5 propose d’anticiper la revalorisation des pensions de retraite et d’une trentaine d’autres dispositifs.

Les règles de revalorisation de droit commun des prestations et allocations sociales ne sont pas adaptées pour permettre à leurs bénéficiaires de faire face aux dépenses courantes lors d’épisodes inflationnistes brutaux. Afin d’accompagner immédiatement les Français, un ensemble large de prestations, allocations et aides sociales pourra être revalorisé à hauteur de 4 %.

Les règles de revalorisation de droit commun pénalisent les bénéficiaires de prestations, allocations et aides sociales dans un contexte de hausse brutale et significative des prix.

La grande majorité des prestations ([309]) est revalorisée selon les modalités définies à l’article L. 161-25 du code de la sécurité sociale, c’estàdire sur la base de l’évolution de la moyenne annuelle des prix à la consommation, hors tabac, calculée sur les douze derniers mois. Sont notamment concernées par ces modalités de revalorisation les prestations de sécurité sociale de nature contributive (dont les pensions de retraite de base du régime général et des régimes alignés, les allocations familiales et les rentes au titre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles), un grand nombre de minima sociaux dont le RSA, l’AAH ou encore l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), ainsi que des allocations relatives à l’emploi et à l’insertion professionnelle, dont la garantie jeune.

Si le principe de revalorisation suivant l’inflation s’applique de manière générale, le mois au cours duquel elle survient diffère selon les prestations. Elle peut intervenir :

– au 1er janvier, selon l’évolution de la valeur moyenne de l’IPC hors tabac sur la période allant de novembre de l’année N-2 à octobre de l’année N-1 par rapport à sa valeur moyenne sur la période allant de novembre de l’année N-3 à octobre de l’année N-2 ;

– au 1er avril, selon la progression de la valeur moyenne de l’IPC hors tabac sur la période allant de février de l’année N-1 à janvier de l’année N, par rapport à sa valeur moyenne sur la période allant de février de l’année N-2 à janvier de l’année N-1 ;

– ou, pour une minorité de prestations, au 1er octobre. C’est le cas de l’aide à la vie familiale des anciens travailleurs migrants (AVIS).

Dans ce dernier cas de figure, la revalorisation correspond à la progression de la valeur moyenne de l’indice des prix sur la période allant d’août de l’année N‑1 à juillet de l’année N par rapport à la valeur moyenne de l’indice sur la période allant d’août de l’année N-2 à juillet de l’année N-1.

Ces règles ont pour effet de créer un décalage temporel d’une année entre la variation des prix et l’ajustement du montant des prestations. Lorsque les prix et la conjoncture économique sont stables, ces modalités de revalorisation assurent la lisibilité et la prévisibilité du dispositif : en se fondant sur l’inflation constatée et non anticipée, aucun rattrapage n’est à effectuer en année N+1 en cas d’inflation inférieure à la prévision.

En revanche, lorsque l’inflation est forte, le décalage entre son évolution et celle du montant des prestations ne permet pas aux ménages de faire face à des hausses de prix brutales et importantes.

Cette inadaptation des règles de revalorisation aux épisodes inflationnistes est particulièrement visible en 2022. En application des règles de droit commun, des revalorisations sont déjà intervenues en 2022, à hauteur de 1,1 % sur les prestations revalorisées en janvier et de 1,8 % sur les prestations revalorisées en avril. Toutefois, leur niveau est indexé sur l’inflation observée en 2021, qui n’atteignait alors que 1,6 %, soit 3,6 points de pourcentage de moins que l’inflation constatée en mai 2022 (5,2 % d’après l’INSEE).

En réponse à ce déséquilibre entre les revalorisations de prestation et l’inflation constatée en 2022, l’article 5 du projet de loi propose d’anticiper la revalorisation des prestations indexées sur l’inflation au 1er juillet 2022 et de porter le niveau de cette revalorisation à 4 %.

Il convient tout d’abord de noter qu’il s’agit bien d’une anticipation des plus prochaines revalorisations, non d’une revalorisation supplémentaire en tant que telle. Ainsi, la revalorisation à 4 % du 1er juillet sera imputée sur la plus prochaine revalorisation postérieure au 1er juillet 2022 (1er octobre 2022, 1er janvier 2023 ou 1er avril 2023, selon les prestations).

La revalorisation proposée par le texte s’ajoute cependant à celles déjà intervenues au cours de l’année 2022, portant le total de l’actualisation sur l’année à 5,1 % pour les prestations revalorisées en janvier et 5,8 % pour les prestations revalorisées en avril. Par conséquent, cette revalorisation anticipée permet de couvrir la quasi-intégralité de l’inflation observée en 2022 (5,8 % en juin 2022 d’après l’INSEE). Elle aura des effets très significatifs pour les allocataires. À titre d’exemple, l’étude d’impact du projet de loi indique qu’un retraité percevant une pension de 1 200 euros net par mois en 2021 verra celle-ci portée à 1 262 euros net après la revalorisation de juillet. Un bénéficiaire de l’AAH à taux plein percevant 920 euros par mois percevra 957 euros après la revalorisation de juillet et un bénéficiaire du RSA percevant 576 euros percevra 599 euros après la revalorisation.

L’article 5 inclut également deux revalorisations de prestations spécifiques :

– la revalorisation anticipée sera appliquée au régime additionnel obligatoire des maîtres des établissements d’enseignement privé sous contrat, par dérogation au droit commun. En effet, l’article R. 914-41 du code de l’éducation prévoit que ce régime ne bénéficie de la revalorisation sur l’inflation que si le ratio technique d’équilibre des charges est supérieur à 1. Cette condition n’étant pas remplie en 2021, les pensions servies par ce régime n’ont pas été revalorisées au cours de l’année passée. Le coût afférent à la revalorisation de juillet 2022 soit 4 millions d’euros, sera pris en charge par l’État ;

 la valeur du SMIC retenue pour le calcul du montant du minimum de retraite du régime complémentaire des non-salariés agricoles (équivalent à 85 % du SMIC) est celle de juillet 2022, afin de tenir compte de la revalorisation automatique du SMIC intervenue le 1er mai dernier ([310]).

Le nombre de bénéficiaires, comme le coût pour les dépenses publiques, est à la hauteur du choc inflationniste que traverse la France.

Cette mesure de justice bénéficiera à un grand nombre d’assurés. Plus de 18 millions de retraités, 1,6 million de titulaires d’une rente pour accident du travail ou maladie professionnelle (AT-MP) et 0,8 million de bénéficiaires d’une pension d’invalidité seront concernés par la revalorisation, ainsi que 6 millions de familles bénéficiaires de prestations sociales, auxquels s’ajoutent 1,9 million de foyers bénéficiaires du RSA, 4,5 millions de foyers bénéficiaires de la prime d’activité, 1,2 million de bénéficiaires de l’AAH et environ un million de bénéficiaires d’allocations pour l’emploi et l’insertion professionnelle.

Le coût pour les finances publiques de cette revalorisation est à la hauteur du nombre de bénéficiaires : pour 2022, il atteindrait 6,57 milliards d’euros. La sécurité sociale en assumerait 4,62 milliards d’euros, tandis que l’État et les collectivités territoriales prendraient en charge 1,95 million d’euros, au titre des pensions de retraite et d’invalidité servies par les régimes équilibrés par l’État, ainsi que du coût de l’AAH, du RSA, du revenu de solidarité pour l’outre-mer (RSO), de la prime d’activité et des bourses nationales du second degré.

Un coût supplémentaire de 1,4 milliard d’euros est également attendu au titre des trois premiers mois de l’année 2023, dans l’attente de la revalorisation des prestations revalorisées en avril 2023, à savoir les pensions d’invalidité, rentes AT-MP, la complémentaire de santé solidaire (CSS), les prestations familiales, l’AAH, le RSO et la prime d’activité.

Incidences budgÉtaires de la mesure
de revalorisation anticipÉe pour 2022

(en milliards d’euros)

Prestations concernées
par la revalorisation anticipée

Sécurité sociale

État
et collectivités territoriales

Pensions de retraite servies par les régimes équilibrés par l’État

s. o.

1,2

Pensions de retraites servies
par les autres régimes (régime général et alignés)

3,7

s. o.

Pensions d’invalidité des régimes équilibrés par l’État

s. o.

0,1

Prestations maladie
(dont pensions d’invalidité
et rentes AT-MP, complémentaire santé solidaire)

0,4

s. o.

Prestations familiales

0,5

 

AAH et allocation pour l’éducation d’un enfant handicapé (AEEH)

0,02

0,2

RSA, RSO et prime d’activité

s. o.

0,4

Bourses nationales
du second degré

s. o.

0,05

TOTAUX

4,62

1,95

6,57

Source : commission des finances à partir de l’étude d’impact du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

L’article 6 comporte deux mesures principales : la revalorisation anticipée des aides personnelles au logement (APL) et le plafonnement de la réévaluation annuelle des loyers liée à l’inflation.

Premièrement, l’article 6 anticipe la revalorisation des paramètres du barème des APL relatifs aux dépenses des ménages au 1er juillet. Elle représente un coût supplémentaire de 114 millions d’euros en 2022 selon l’étude d’impact.

La formule de calcul des APL dépend de nombreux facteurs : la zone géographique, le type de logement, les revenus du foyer, la situation professionnelle de ses différents membres, la composition familiale et le montant des loyers ou des mensualités de remboursement. Conformément à l’article L. 823-4 du code de la construction et de l’habitation (CCH), les paramètres du barème des APL relatifs aux dépenses des ménages (terme constant de la participation personnelle, plafond de loyer, montant forfaitaire des charges, équivalence de loyer et charges locatives, plafond de charges de remboursement dans le cas du versement de l’APL aux titulaires de contrats de location-accession ou aux propriétaires d’un logement construit, acquis ou amélioré au moyen d’aides de l’État lorsqu’ils l’occupent) sont réévalués chaque année le 1er octobre suivant l’indice de référence des loyers (IRL) du deuxième trimestre de l’année en cours. L’IRL correspond à la moyenne, sur les douze derniers mois, de l’évolution de l’indice des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.

Dérogeant à l’article L. 823-4, précité, du CCH, l’article 6 fixe le niveau de revalorisation des paramètres du barème des APL à 3,5 %, ce qui correspond approximativement à l’augmentation de l’indice de référence des loyers du deuxième trimestre 2022 qui sera annoncé par l’INSEE en juillet et qui n’est pas encore connu au moment de la rédaction de cet avis. Cette hausse de 3,5 % est cohérente avec celle des prestations sociales prévue à l’article 5 du projet de loi. Alors que l’augmentation de l’IPC atteint 5,8 % en juin, la revalorisation des APL dès juillet permet aux ménages concernés de bénéficier, sans attendre le mois d’octobre, d’une augmentation de leur aide pouvant atteindre plusieurs dizaines d’euros. Cette revalorisation des paramètres du barème relatifs aux dépenses s’accompagne de la revalorisation anticipée au 1er juillet de ceux relatifs aux ressources (abattement forfaitaire de ressources R0 et, pour les étudiants, montant forfaitaire des ressources). Cette revalorisation a normalement lieu le 1er janvier ; elle est d’ordre réglementaire.

Deuxièmement, l’article 6 plafonne la hausse des loyers à 3,5 % entre le troisième trimestre 2022 et le deuxième trimestre 2023 la variation en glissement annuel de l’IRL, qui constitue le taux maximum autorisé pour la réévaluation annuelle des loyers par les bailleurs. Cette réévaluation liée à l’inflation est aujourd’hui prévue à l’article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 : chaque année, un bailleur peut décider de réévaluer le loyer au moment de la date anniversaire du bail ou à une autre date choisie conventionnellement dans le parc privé ou le 1er janvier dans le parc social.

La modulation du plafonnement de l’évolution des loyers est déjà prévue pour les locaux commerciaux par le décret n° 2022-357 du 14 mars 2022 modifiant le décret n° 2008-1139 du 4 novembre 2008 relatif à l’indice national trimestriel des loyers commerciaux. Par l’éviction du chiffre d’affaires du commerce de détail des paramètres, le pouvoir réglementaire a réduit de moitié la revalorisation maximale possible des loyers indexés sur l’indice des loyers commerciaux qui aurait été constatée spontanément. Si le mode de calcul de l’IRL sur douze mois glissants permet d’ores et déjà de limiter les hausses brutales de loyers liées à l’inflation, il était logique qu’une mesure analogue soit prise pour le logement.

Le rapporteur admet que la fixation du plafond d’évolution des loyers à 3,5 % puisse comporter une part d’arbitraire. Ce taux a néanmoins le mérite de protéger les locataires alors que la hausse de l’IRL pourrait atteindre 5 % au quatrième trimestre 2022. Il vise aussi à partager équitablement le poids de l’inflation entre propriétaires et locataires, tandis que la hausse de l’indice des prix à la consommation est susceptible de s’élever à 7 % d’ici à la fin de l’année selon les prévisions de l’INSEE. Il est enfin cohérent avec le niveau de revalorisation des APL et des autres prestations inscrit dans le projet de loi.

Les différents amendements examinés par la commission des finances, qui proposaient de geler le montant des loyers ou de fixer un plafond sensiblement inférieur à l’IRL du deuxième trimestre 2022, ne permettaient pas de respecter cet équilibre entre propriétaires et locataires. Fixer un plafond d’évolution des loyers à 1 % dans le parc privé (CF102) aurait ainsi conduit à limiter la revalorisation des loyers à un niveau inférieur à celui constaté en 2019, alors même que le niveau d’inflation était beaucoup plus faible à l’époque. Le rapporteur rappelle que 26 % du parc locatif privé appartient à des propriétaires n’ayant qu’un ou deux logements en location. Il est enfin à noter que le plafonnement de la hausse des loyers à 3,5 % entraînerait un transfert des bailleurs aux locataires de l’ordre de 705 millions d’euros en comparaison de l’évolution spontanée des loyers.

● Le chapitre II du titre III comprend des dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité.

L’article 15 modifie l’ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020 portant diverses mesures d’accompagnement des salariés dans le cadre de la fermeture des centrales à charbon. Il permet aux centrales à charbon qui ont repris leur activité afin de faire face à une menace pesant sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, dont la fermeture était prévue par la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et qui ont mis en œuvre un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), de réembaucher sur la base du volontariat en contrat à durée déterminée (CDD) ou en contrat de mission des salariés en congé de reclassement ou de recruter de nouveaux salariés. Plusieurs dérogations au code du travail sont ainsi prévues, dont la portée varie selon les salariés concernés.

Pour les anciens salariés des centrales en congé de reclassement renforcé ou en congé d’accompagnement spécifique au titre du PSE, l’article 15 :

– autorise la suspension du congé de reclassement ou d’accompagnement spécifique en cas de réembauche en CDD ou en contrat de mission des salariés volontaires (1° du I du nouvel article 21 bis de l’ordonnance précitée) ;

– crée une obligation du report du terme initial du congé de reclassement ou du congé d’accompagnement spécifique à due concurrence des périodes de travail effectuées par les salariés concernés (même 1°) ;

– autorise la conclusion du CDD ou du contrat de mission pour une durée maximale pouvant atteindre 36 mois (III dudit article 21 bis).

Pour tous les salariés recrutés, l’article 15 :

– autorise l’embauche en CDD ou en contrat de mission sur un poste précédemment occupé par un salarié licencié pour motif économique, pendant les six mois qui suivent le licenciement (2° du même I) ;

– autorise le renouvellement, sans délai de carence, des CDD ou des contrats de mission (III dudit article 21 bis).

Toutes ces dérogations sont applicables aux contrats conclus à compter du 1er juillet 2022 et jusqu’au 31 décembre 2023.

Au regard des tensions sur l’approvisionnement en gaz à la suite de la guerre en Ukraine et de la faible disponibilité des centrales nucléaires en raison de l’arrêt de réacteurs pour des phénomènes de corrosion sous contrainte, le rapporteur pour avis partage la nécessité de faire fonctionner temporairement les centrales afin de garantir l’indépendance énergétique de la France.

L’article 16 prévoit la possibilité de rehausser par décret, en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité de tout ou partie du territoire national, le plafond d’émissions de gaz à effet de serre des centrales électriques à charbon : ces dernières sont alors soumises à une obligation de compensation, dont le niveau et les modalités sont précisés par le même décret, de tout ou partie des émissions résultant du rehaussement. Cette compensation est appliquée sans préjudice des obligations de restitution qui incombent aux exploitations des installations au titre du marché européen d’échange de quotas d’émission de carbone.

Le titre III du projet de loi comporte également un chapitre III relatif à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH).

L’article 17 permet au ministre chargé de l’énergie, sur proposition de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), de réattribuer à un fournisseur de secours les potentiels volumes d’électricité réservés au titre de l’ARENH par un fournisseur défaillant ou dont l’autorisation a été suspendue ou retirée.

Le dispositif de fourniture de secours en électricité a pour objectif de protéger le consommateur en cas de défaillance de son fournisseur. Or, en l’état du droit, cette protection est insuffisante sur le plan financier. En effet, le fournisseur de secours ne peut récupérer tout ou partie des contrats d’approvisionnements ARENH du fournisseur défaillant et ne peut prévoir les caractéristiques des consommateurs lui revenant à la suite de la défaillance d’un autre fournisseur. Il se retrouve donc contraint de les approvisionner au prix du marché au moment où ils lui reviennent, soit à un prix généralement bien plus défavorable que ses offres de marché ordinaires.

Ainsi, l’article 17 améliore l’efficacité du dispositif de fourniture de secours en prévoyant le transfert, en dehors des guichets d’attribution annuels de l’ARENH, des droits contractuels à l’ARENH du fournisseur défaillant vers les fournisseurs de secours désignés.

Cette flexibilité introduite par l’article 17 prend également son sens à la lumière de l’article 18 qui supprime l’obligation de tenir un guichet infra-annuel d’attribution de l’ARENH.

Cette obligation a été créée à l’origine pour permettre aux fournisseurs d’ajuster leurs demandes d’ARENH en cas d’évolution de leur portefeuille de clients en cours d’année. La CRE a recommandé de la supprimer au regard de sa faible utilisation, voire de son caractère superflu depuis 2018 avec l’atteinte systématique du plafond d’attribution de l’ARENH fixé à 100 térawattheures, ainsi que des possibilités d’arbitrage de marché sur des périodes infra-annuelles qui contrevenaient aux objectifs de l’ARENH. La faculté de fixer la périodicité des guichets d’attribution par voie réglementaire a pour objectifs de simplifier le fonctionnement de l’ARENH, d’éliminer les arbitrages opportunistes au cours de l’année sur les marchés de gros et de donner à l’échelle d’une année de la visibilité sur les quantités d’ARENH effectivement mises à disposition.

Enfin, le décret n° 2022-342 du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution du volume additionnel d’électricité pouvant être alloué en 2022 à titre exceptionnel dans le cadre de l’ARENH fait l’objet d’une validation législative par l’article 19, en tant que sa régularité serait contestée pour le motif tiré du défaut d’accomplissement de consultations à caractère obligatoire. Ce décret organise les modalités d’attribution d’un volume supplémentaire de 20 térawattheures d’ARENH, limité au début de l’année 2022, afin d’éviter que les fournisseurs soient contraints d’acquérir sur les marchés une électricité à un prix beaucoup plus élevé que celui qui aurait résulté de l’accès au volume d’ARENH nécessaire pour répondre à la demande de leurs clients.

L’acte réglementaire a fait l’objet de contentieux jusqu’ici rejetés par le juge des référés du Conseil d’État ([311]). Des recours au fond sont néanmoins pendants devant la juridiction administrative. Or une annulation du fondement de ce dispositif conduirait à d’importantes perturbations, susceptibles d’entraîner des hausses sur l’ensemble des marchés ou de fragiliser les fournisseurs. La restitution à EDF des montants perçus par les fournisseurs, dont le calcul serait complexe et incertain, entraînerait un report de cette charge sur les factures de leurs clients et exposerait donc les consommateurs à de nouvelles hausses de prix. L’article 19 propose donc de mettre un terme aux litiges engagés à son encontre et de prévenir ceux susceptible d’être formés.

*

*     *

Les dispositions de ce projet de loi et du premier PLFR pour 2022 apporteront une réponse multidimensionnelle et massive aux difficultés qu’engendre le choc inflationniste pour les Français. Le rapporteur pour avis s’est prononcé favorablement quant à l’adoption des onze articles examinés par la commission des finances : tous ont été adoptés sans modification, à l’exception de l’article 1er, objet d’un amendement de précision rédactionnelle dont la commission des affaires sociales a confirmé l’adoption.

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 15 heures

Au cours de sa première réunion du lundi 11 juillet 2022, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire examine pour avis l’article 6 du projet de loi relatif à des mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis) ([312]).

M. le président Éric Coquerel. Mes chers collègues, en raison de l’examen d’une motion de censure dans l’hémicycle à 16 heures, l’ordre du jour de la présente réunion est limité à l’examen pour avis de l’article 6 du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. La discussion générale et l’examen pour avis des articles 1er à 5 et 15 à 19 de ce projet de loi auront lieu ce soir à 21 heures.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. L’article 6 prévoit deux mesures.

La première consiste à anticiper de trois mois la revalorisation des paramètres du barème des aides personnelles au logement (APL) relatifs aux dépenses des ménages, qui a normalement lieu au 1er octobre de chaque année, sur la base de l’indice de référence des loyers (IRL) du deuxième trimestre de l’année en cours. Cette année, exceptionnellement, elle aura lieu au 1er juillet. Le Gouvernement propose de la fixer à 3,5 %, soit un montant correspondant peu ou prou à l’IRL qui devrait être annoncé à la mi-juillet par l’INSEE, et qui se serait appliqué au 1er octobre.

Cette mesure est associée à une revalorisation des paramètres relatifs aux ressources des bénéficiaires, laquelle ne suppose aucune modification législative. Prise par arrêté, cette mesure permettra à ceux dont les ressources n’ont pas augmenté de bénéficier d’un montant d’APL plus important.

Par ailleurs, il est normal que le montant de l’IRL retenu soit inférieur à l’inflation constatée au mois de juillet et au mois de juin. En effet, il est obtenu en calculant une moyenne sur douze mois glissants. Une forme de rattrapage aura lieu, le cas échéant, au cours des mois à venir.

Concrètement, grâce à la revalorisation des paramètres du barème des APL, les ménages bénéficiaires profiteront d’une hausse de leur APL allant jusqu’à plusieurs dizaines d’euros par mois, sans attendre le mois d’octobre. Il en résultera, d’après les estimations dont nous disposons, un coût supplémentaire pour l’État d’environ 150 millions d’euros.

La seconde mesure consiste à plafonner à 3,5 % l’augmentation des loyers de juillet 2022 à juin 2023. À la date anniversaire d’un bail – dans le parc privé – ou au 1er janvier de chaque année – dans le parc social –,le bailleurpeut décider d’augmenter le loyer, en suivant l’IRL. Celui-ci continuera d’augmenter, pour atteindre sans doute 4,5 % ou 5 % au quatrième trimestre 2022 ainsi qu’au premier trimestre 2023. Le plafonnement à 3,5 % constitue une mesure de protection des locataires cohérente avec la revalorisation du barème des APL. Cela représente une économie pour les locataires d’environ 700 millions d’euros par rapport à l’absence de plafonnement. En outre, cette mesure complète les mesures relatives à l’indice des loyers commerciaux (ILC) prises par le Gouvernement il y a quelques mois.

Au bénéfice de ces deux mesures, et sans préjudice de celles que nous examinerons ce soir, j’émets un avis favorable à l’adoption de l’article 6.

M. Charles de Courson. En matière d’aide au logement, toute mesure de plafonnement est susceptible d’avoir l’effet pervers d’accentuer la crise du logement. Par ailleurs, il faudrait peut-être moduler le plafonnement en fonction de la situation du marché du logement, selon les zones géographiques.

Le taux de plafonnement de l’IRL prévu par le texte est inférieur d’un point au montant attendu à l’automne. M. le rapporteur pour avis pourrait-il préciser les conséquences de cette décision sur le parc locatif social ? Tous les organismes logeurs ne sont pas dans une situation très favorable.

Par ailleurs, qu’en est-il des collectivités d’outre-mer (COM) ? Les mesures proposées sont très générales, et ne semblent pas tenir compte de la diversité des situations.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Pour l’heure, nous n’avons identifié aucune difficulté insurmontable pour les bailleurs sociaux. La perte agrégée est estimée à 248 millions d’euros pour les bailleurs sociaux par rapport à l’évolution des loyers qui aurait eu lieu sans modification législative. La prise en compte de la diversité des situations est une véritable difficulté, que nous évoquerons lors de l’examen des amendements.

TITRE Ier : PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS

Chapitre II : Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 6 : Bouclier loyers et anticipation des APL

Amendement CF102 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. Il s’agit d’insérer un plafond de 1 % pour la hausse de l’IRL dans le parc résidentiel privé, en lieu et place du plafond de 3,5 % proposé par le Gouvernement. L’objectif est de placer le bouclier loyers à la hauteur des enjeux, notamment des tensions que subit le pouvoir d’achat des Français les plus précaires. Il est impératif de protéger les plus démunis en limitant la hausse de leur loyer.

Les propriétaires bailleurs du parc privé sont, pour une grande majorité d’entre eux, dans une situation financière qui leur permet d’accepter un tel plafonnement. La proportion de multipropriétaires, qui ont plus de cinq logements mis en location et détiennent ensemble plus de la moitié du parc locatif, est d’environ 3,5 %. Quant aux petits propriétaires bailleurs, leurs charges sont essentiellement composées de remboursements d’emprunts, indifférents à l’inflation s’il s’agit d’emprunts à taux fixe.

S’agissant des bailleurs sociaux, les auteurs de l’amendement sont conscients qu’ils sont confrontés à des difficultés financières. Ils conservent donc le compromis consistant à plafonner l’augmentation des loyers à 3,5 % pour les ménages les plus fragiles du parc social. Cette hausse sera contrebalancée par la hausse identique du montant des APL.

L’amendement a pour objet de soulever la question. Pourquoi 3,5 % et non 1 % ou 4 % ? M. le rapporteur pour avis a-t-il pu, dans les brefs délais qui lui ont été impartis, auditionner des propriétaires privés et des représentants du mouvement HLM pour savoir ce qu’ils pensent de cette mesure ?

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La question soulevée par les auteurs de l’amendement est importante.

Les délais qui nous ont été impartis ne nous ont pas permis de mener de nombreuses auditions. Nous avons surtout travaillé avec les ministères chargés de cette négociation. Une négociation similaire – certes, comparaison n’est pas raison – a été menée par le Gouvernement au sujet de l’ILC il y a quelques mois. Il en est résulté la révision du mode de calcul de cet indice, notamment au bénéfice des petits commerçants, ce qui a permis de diviser par deux l’augmentation de l’ILC, qui, à défaut, aurait été comprise entre 3,3 % et 4 %. En tout état de cause, bailleurs et locataires sont confrontés à des difficultés. Il s’agit d’un jeu à somme nulle consistant à répartir ou non une augmentation des coûts.

Le montant de 3,5 % est du même ordre de grandeur que l’indice des revenus locatifs en juillet. Par ailleurs, les APL augmentent dans la même proportion. Ces mesures nous semblent donc équilibrées. Outre les multipropriétaires et les grandes foncières, le marché comporte aussi des propriétaires disposant d’un ou deux biens, qui constituent pour eux un complément de revenu. D’après nos chiffres, ils représentent 25 % des propriétaires bailleurs. Le montant de l’augmentation peut toujours être discuté à la virgule près, mais il constitue, me semble-t-il, un point d’équilibre qui n’est pas déraisonnable.

Par ailleurs, en matière de message émis, il faut trouver le bon équilibre vis-à-vis des investisseurs, non les grands investisseurs financiers, qui sont parfois décriés, mais ceux dont nous aurons besoin pour la rénovation énergétique des bâtiments.

M. Charles de Courson. Cette réponse me laisse un peu sur ma faim, et je ne suis sans doute pas le seul dans ce cas. Il serait bon, d’ici à l’examen du texte en séance publique, de se renseigner et d’auditionner les propriétaires privés ainsi que des représentants du mouvement HLM, pour savoir à quelles incidences ils s’attendent dans cette affaire.

S’agissant d’une mesure temporaire, le problème est toujours le même : comment en sortir ? Si j’ai bien compris l’article 6, les mesures qu’il prévoit s’appliqueront une fois, avant un retour à la normale.

S’agissant de leur modulation, l’examen de l’amendement CF104 permettra d’ouvrir le débat. Les mesures générales peuvent être déstabilisatrices sur certains marchés.

La commission rejette l’amendement CF102.

Amendement CF83 de Mme Clémence Guetté.

M. Manuel Bompard. Nous proposons de geler l’IRL jusqu’à fin 2023. Son plafonnement à 3,5 % est pour nous une bombe sociale, qui induira une perte de 2,6 milliards d’euros pour les locataires, ce qui représente, pour un loyer mensuel moyen de 700 euros, une augmentation annuelle de 300 euros.

Rappelons que 3,5 % des ménages possèdent 50 % des logements mis en location. Ce sont eux qui bénéficient avant tout des hausses des loyers. Nous avons cru comprendre, lors de l’audition de Bruno Le Maire jeudi dernier, que le Gouvernement souhaitait cibler les mesures : les plus aisés doivent précisément faire un effort supplémentaire au cœur de la terrible crise que nous traversons.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Comme je l’ai indiqué à notre collègue Charles de Courson, tous les propriétaires ne sont pas des multipropriétaires très aisés. Pour beaucoup, la mise en location d’un logement est un complément de revenu. Tous n’ont pas un emprunt en face. Par ailleurs, ils doivent s’acquitter de charges d’entretien en tout genre, à l’échelle de l’appartement ou du foyer et de la copropriété.

Le taux de 3,5 % peut être débattu. Il constitue néanmoins un effort et un point d’équilibre raisonnable.

M. Manuel Bompard. Monsieur le rapporteur pour avis, vous faites un choix. Je me contenterai de dire que ce n’est pas parce que le taux d’augmentation des APL est identique à celui du plafonnement de l’IRL que celle-ci permet de compenser la hausse des loyers. Vous savez très bien que le taux d’augmentation des APL est calculé à partir d’un montant bien plus faible. Vous feriez mieux de ne plus utiliser cet argument.

La commission rejette l’amendement CF83.

Amendement CF104 de M. Michel Castellani.

M. Charles de Courson. La politique du logement fait l’objet, depuis plusieurs années, d’une critique de fond : elle est nationale, alors même qu’il existe 400 marchés, dont les situations diffèrent. Certains sont très tendus, d’autres absolument pas. En outre, l’augmentation des prix n’est pas la même partout.

L’amendement vise à permettre, pour le département de Mayotte et pour la collectivité de Corse, le ministre chargé de la transition écologique et de la cohésion des territoires à procéder à l’évaluation de la nécessité de faire évoluer la variation de l’indice de réfrence des loyers en fonction de critères objectifs comme le niveau d’inflation ou liés aux disparités de niveaux de vie, notamment le taux de pauvreté constaté sur le territoire de ces collectivités.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Dans le domaine du logement, des adaptations sont d’ores et déjà prévues. Ainsi, la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ÉLAN)permet d’encadrer les loyers dans les zones tendues. Les disparités régionales, ainsi qu’entre l’outre-mer et la métropole, sont peut-être importantes. Cette question mérite d’être étudiée.

Toutefois, l’amendement gagnerait à être retravaillé, notamment sur la question des critères. . Telle quelle, elle pourrait laisser démunis le préfet ou les services placés sous son autorité quant aux critères à prendre en compte pour modifier le plafonnement des loyers dans les territoires ultramarins

Cher collègue, je vous propose de retirer l’amendement en vue de le retravailler dans les jours à venir.

M. Charles de Courson. Je suis prêt à retirer l’amendement, mais il faut trouver une solution d’ici à l’examen du texte en séance publique.

Monsieur le rapporteur pour avis, le plafonnement de l’augmentation de l’IRL s’applique-t-il sur tout le territoire de la République ? S’appliquera-t-il, par exemple, en Polynésie française, dans les Antilles ? Traditionnellement, l’étude d’impact – je l’ai eue tardivement – comporte une rubrique précisant le champ d’application des mesures prévues. Êtes-vous ouvert à l’idée d’autoriser le Gouvernement à moduler ses mesures, selon la situation outre-mer mais aussi dans les 400 bassins de logement ?

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis.. Sont soumises de plein droit à ces dispositions la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, La Réunion, Mayotte, Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon. Je suis prêt à retravailler l’amendement pour préciser les critères de modulation.

M. Charles de Courson. Monsieur le rapporteur pour avis, je suis un garçon à l’esprit ouvert. Je suis donc prêt à collaborer avec vous et à réfléchir, outre le cas des territoires d’outre-mer, à l’exception de la Polynésie, de Wallis-et-Futuna et de la Nouvelle-Calédonie, aux moyens de moduler cette politique nationale qui aboutit à des catastrophes dans certains bassins de logement.

L’amendement CF104 est retiré.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 6 non modifié.

*

Réunion du lundi 11 juillet 2022 à 21 heures

Au cours de sa seconde réunion du lundi 11 juillet 2022, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire examine pour avis les articles 1er à 5 et 15 à 19, du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (n° 19) (M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis) ([313]).

M. le président Éric Coquerel. Chers collègues, nous reprenons l’examen pour avis des articles du projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Après avoir examiné cet après-midi l’article 6, nous examinons maintenant les articles 1er à 5 et 15 à 19 de ce projet.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Monsieur le président, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis quelques mois, notamment sous l’effet de la reprise de l’activité et de la guerre en Ukraine, les prix à la consommation enregistrent des hausses historiques, à hauteur de 5,2 % sur un an au mois de mai dernier. Le pouvoir d’achat est une source d’inquiétude pour nos concitoyens, qui attendent des réponses concrètes.

La France a la plus faible inflation de la zone euro, notamment grâce au bouclier tarifaire mis en œuvre par le précédent gouvernement, à la « remise carburant » et à la revalorisation du barème de l’indemnité kilométrique. Ces mesures ont permis d’estomper, fût-ce insuffisamment, les premiers effets de la crise.

Le projet de loi que nous examinons est l’un des deux vecteurs du paquet « pouvoir d’achat », qui répond à trois enjeux : protéger le niveau de vie des Français face à l’augmentation des prix, améliorer la protection des consommateurs et renforcer notre souveraineté stratégique. Notre commission est saisie pour avis des articles 1er à 6, qui prévoient des mesures de protection du pouvoir d’achat, et des articles 15 à 19, qui prévoient des mesures de réponse à la crise énergétique.

L’article 1er prévoit l’instauration d’une prime de partage de la valeur (PPV), dont le montant peut atteindre 3 000 euros par bénéficiaire et par année, et 6 000 euros si elle est versée par une entreprise mettant en œuvre un dispositif d’intéressement ou par un organisme d’intérêt général. Cette mesure s’inspire assez largement de la « prime Macron » instaurée en 2019 et applicable jusqu’au mois de mars 2022, qui a connu un assez large succès. Ce levier assez puissant permet de répondre, au moins partiellement, à la question de l’augmentation des salaires. Il permet aussi de préserver le pouvoir d’achat de nos concitoyens et d’améliorer l’attractivité des entreprises pour les compétences.

En complément du plan « indépendants » adopté à l’unanimité à la fin de l’année dernière – c’est donc possible –, l’article 2 vise à baisser les cotisations sociales des travailleurs indépendants, nombreux sur le territoire. Le texte prévoit de faire progresser de 550 euros le pouvoir d’achat annuel de ceux dont le revenu est équivalent au SMIC. Cette mesure concernera plus de 2,2 millions de travailleurs non salariés, employés ou patrons. Elle représente un pas assez important vers la convergence entre leur effort contributif et celui des salariés, les prélèvements fiscaux et sociaux applicables aux uns et aux autres étant un peu différentes.

La protection du pouvoir d’achat des salariés dépend de l’effort que consentiront les entreprises, dont les marges peuvent être limitées, pour augmenter les salaires, au delà de la PPV. Depuis cinq ans, des mesures importantes ont été prises pour faciliter le partage de la valeur, mais elles demeurent peu utilisées dans les petites entreprises. L’article 3 du projet de loi prévoit donc d’importantes mesures de simplification en matière d’intéressement, notamment la possibilité pour l’employeur, dans les entreprises de moins de 50 salariés, en l’absence d’accord ou d’institutions représentatives, d’adopter et reconduire, par décision unilatérale, un dispositif d’intéressement – je rappelle qu’il n’existe pas d’alternative et qu’il s’agirait donc d’une amélioration pour le salarié. La durée de ce dispositif pourrait être de cinq ans.

L’article 4 donne au Gouvernement la possibilité d’actionner le levier de la restructuration et de la fusion des branches. Cette prérogative du ministre chargé du travail permet d’inciter ces dernières à négocier plus rapidement et plus régulièrement des accords sur les salaires, dans un contexte de forte inflation. Il sera tenu compte de la faiblesse, au sein d’une branche donnée, du nombre d’accords assurant aux salariés sans qualification un salaire au moins égal au SMIC. Ce critère sera utilisé, avec d’autres, par le ministre pour apprécier la nécessité d’engager une procédure de fusion de cette branche avec une branche de rattachement.

Par ailleurs, le projet de loi apporte un soutien particulier aux publics dépendant des prestations sociales et percevant de faibles revenus, plus vulnérables à la situation de forte inflation que nous connaissons. L’article 5 prévoit notamment d’anticiper au mois de juillet la revalorisation à hauteur de 4 %, selon un mécanisme analogue à celui appliqué aux aides personnelles au logement (APL), des droits et des prestations sociales – dont les pensions de retraite et d’invalidité des régimes de base, les prestations familiales, les minima sociaux, notamment l’allocation aux adultes handicapés (AAH) et l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA).

Cette revalorisation anticipée aura des effets massifs : elle concerne plus de 18 millions de retraités, plus de 6 millions de familles bénéficiaires des prestations familiales, ainsi que 4,5 millions de foyers bénéficiaires de la prime d’activité et près de 2 millions de foyers bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA). L’effort budgétaire afférent est estimé à 6,6 milliards d’euros en 2022 et 1,4 milliard d’euros en 2023.

L’article 6 du projet de loi, précédemment examiné, vise à indexer par anticipation les APL sur l’inflation.

Ces mesures ne sont pas uniquement des mesures de protection. Ce sont des mesures de justice, ciblant les citoyens les plus vulnérables, qui attendent des réponses très concrètes à la situation que nous traversons.

Le chapitre II du titre III comprend des dispositions relatives à la sécurité de notre approvisionnement en énergie, dans le contexte de la crise ukrainienne, qui provoque notamment de fortes tensions sur le gaz. La faible disponibilité des centrales nucléaires de notre territoire, due à l’arrêt de plusieurs réacteurs en raison de phénomènes de corrosion sous contrainte, perturbe notre système d’approvisionnement.

Pour retrouver des marges de manœuvre sur notre système électrique pour l’hiver 2022-2023, le Gouvernement projette, pour garantir l’indépendance énergétique de la France, de faire fonctionner, si nécessaire, les centrales à charbon un peu au delà du plafond autorisé. Pour procéder aux opérations de maintenance nécessaires à leur réouverture à l’hiver prochain, la reprise temporaire de l’activité est nécessaire. Elle suppose, dès à présent, le recrutement de salariés et la réembauche, sur la base du volontariat, d’anciens salariés des centrales à charbon actuellement en congé de reclassement.

Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé la consultation sur le décret relatif à l’utilisation des centrales à charbon, dont l’incidence sur les personnes et sur l’environnement doit être la moindre possible. L’article 16 prévoit que les émissions de gaz à effet de serre (GES) dépassant le plafond autorisé fassent l’objet d’une compensation carbone sous la forme de projets de réduction des émissions de GES dans un autre secteur. Le Gouvernement sera chargé de la mise en œuvre de cette compensation, qui s’ajoute aux obligations de restitution de quotas au titre du marché carbone européen.

En outre, l’article 16 prévoit des mesures visant à réformer et à améliorer l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), créé il y a une dizaine d’années pour ouvrir le marché de l’électricité à la concurrence, dans l’intérêt du consommateur. Il vise à améliorer la concurrence sur le marché et à faire bénéficier les consommateurs des prix les plus bas possible et d’une meilleure disponibilité de l’énergie.

Le dispositif de fourniture de secours en électricité, conçu pour protéger le consommateur en cas de défaillance de son fournisseur, est jugé insatisfaisant par la Commission de régulation de l’énergie (CRE). L’article 17 prévoit donc un transfert des droits contractuels de l’ARENH vers les fournisseurs de secours désignés, afin d’améliorer la fluidité et la continuité du service.

L’article 18, sur recommandation de la CRE, supprime l’obligation d’avoir un guichet infra-annuel d’attribution d’électricité au titre de ce programme, qui pouvait provoquer des arbitrages à mi-année.

L’article 19 procède à la validation législative du décret du 11 mars 2022 définissant les modalités spécifiques d’attribution d’un volume additionnel d’électricité pouvant être alloué jusqu’en 2022, à titre exceptionnel, dans le cadre de l’ARENH. Il s’agit de mettre un terme aux éventuels litiges provoqués par l’attribution, au début de l’année, d’un volume supplémentaire de 20 térawattheures au titre de l’ARENH. L’annulation contentieuse de ces dispositions provoquerait d’importantes perturbations, susceptibles d’entraîner des hausses des marchés et de fragiliser les fournisseurs. Il s’agit de sécuriser le dispositif.

Le texte proposé par le Gouvernement est un volet du paquet « pouvoir d’achat ». Il prévoit des mesures fortes, générales et particulières, en faveur du pouvoir d’achat, pour protéger nos concitoyens dans la situation inédite que nous connaissons. Il est associé à un projet de loi de finances rectificative (PLFR) pour 2022, pour un montant global de 20 milliards d’euros, qui s’ajoutent aux 26 milliards d’euros engagés au premier semestre.

Ces mesures sont coûteuses mais nécessaires pour protéger nos concitoyens de la flambée des prix de l’énergie et garantir que le travail paie plus que l’inactivité, grâce au soutien au partage de la valeur, à la baisse des cotisations des travailleurs indépendants et, pour ceux qui en ont plus besoin, à la revalorisation des prestations sociales. Ces mesures sont nécessaires pour nous doter des leviers permettant de sécuriser, par anticipation, notre approvisionnement en électricité pour l’hiver prochain.

J’émets un avis favorable à l’adoption des articles 1er à 6 et 15 à 19 du projet de loi.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Le texte que nous examinons doit être appréhendé conjointement avec le premier PLFR pour 2022. Il constitue une réponse inédite à une situation inédite. Le Gouvernement déploie près de 20 milliards d’euros, après avoir engagé plus de 23 milliards à l’automne dernier, ce qui a permis de contenir l’inflation à 5 %, soit le niveau le plus bas de la zone euro.

Les propositions formulées dans ces deux textes, j’y insiste à mon tour, sont ponctuelles et ciblées mais suffisamment massives pour agir directement sur les foyers d’inflation et en contenir les effets. Ce ne sont ni des miettes ni des farces. Elles sont cohérentes avec la philosophie de la majorité présidentielle, qui consiste à revaloriser le travail tout en protégeant les plus modestes.

Leur financement est rendu possible par la stratégie de bonne gestion adoptée par le Gouvernement l’an passé, dont nous récoltons aujourd’hui les fruits. C’est parce que nous avons bien géré la crise sanitaire que les recettes fiscales sont au rendez-vous pour financer ces mesures, en évitant l’endettement. Cette gestion démontre qu’il n’est pas nécessaire d’augmenter les impôts pour augmenter les recettes fiscales.

Nous aurons également besoin des entreprises pour passer le pic inflationniste que nous connaissons, non en utilisant le levier fiscal pour créer des taxes ou alourdir celles qui existent, mais en faisant appel à leur bonne volonté et à leur capacité à négocier elles-mêmes avec leurs salariés. C’est ce que nous ferons au cours des prochains mois. À défaut, nous en tirerons toutes les conséquences à la rentrée.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). À lire ce projet de loi censé rendre du pouvoir d’achat aux habitants et aux habitantes de notre pays, aucune leçon n’a été tirée du mandat précédent. Après plusieurs années de politique néo-libérale aveugle aux besoins du quotidien, menée main dans la main avec les grands groupes, on se demande si le Gouvernement va récidiver, continuer à mener cette politique d’échec et en faire la règle, conduisant in fine à appauvrir l’État au détriment de la protection sociale, sans faire payer les profiteurs de crise, donc à plomber les finances publiques, sans prendre la moindre mesure systémique qui viendrait arrêter la crise à laquelle nous sommes tous confrontés.

On nous explique que ce paquet sera financé avec les 55 milliards d’euros de recettes fiscales supplémentaires, mais ces milliards n’existent que grâce au rebond relatif de notre croissance, qui, auparavant, s’est trop longuement effondrée. Ils résultent aussi de la hausse mécanique des recettes de la TVA, impôt injuste s’il en est, en raison de l’augmentation des prix.

En persistant à décalquer le même logiciel néolibéral, vous ne réglez aucun problème. Malheureusement, cela ne fera qu’empirer la situation. Vous nous parlez de l’absence d’augmentation des impôts, nous vous parlons de l’austérité qui s’annonce pour réaliser les 80 milliards d’économies promis à Bruxelles, qui aura de graves conséquences sur nos services publics et nos politiques publiques.

Dans le cadre de notre intergroupe, nous continuerons à proposer de rattraper l’occasion, que vous avez manquée, de prendre des mesures structurelles. Par le biais de nos amendements, nous mettrons tout en œuvre pour que des mesures telles que la hausse du SMIC et le blocage des prix des produits de première nécessité soient au centre des débats.

Mme Véronique Louwagie (LR). Avec ce texte, le Gouvernement tente d’atténuer les pertes de pouvoir d’achat que subissent les Français en raison d’une très forte inflation.

Sur la forme, nous regrettons l’erreur originelle commise par le Gouvernement, qui a minimisé l’inflation et surestimé la croissance, qui sera en réalité très faible.

Sur le fond, nous regrettons que le Gouvernement n’ait pas le courage, dans ce texte et dans le PLFR pour 2022, de baisser durablement les taxes, comme le demande le groupe Les Républicains, se contentant d’empiler les chèques, en oubliant systématiquement les classes moyennes.

Nos amendements visent des réductions de dépenses et d’impôts pérennes, notamment une baisse des taxes sur le carburant, afin d’en contenir le prix sous 1,50 euro par litre. D’autres visent à annuler l’augmentation de la CSG adoptée lors de la précédente législature, au détriment de certains retraités. Nous voulons également que le Gouvernement s’oriente vers une diminution des cotisations sociales, pour améliorer la rémunération du travail.

D’un point de vue plus technique, plusieurs de nos amendements ne figurent pas dans la liste de ceux que nous devons examiner ce soir. Monsieur le président, pouvez-vous nous en donner la raison ?

Mme Marina Ferrari (Dem). La XVIème législature débute dans un contexte économique très particulier et dégradé : notre pays fait face à une inflation galopante qui affecte le pouvoir d’achat et le quotidien de nos compatriotes. Après des décennies d’une hausse des prix quasi nulle, maîtrisée, la reprise économique post-pandémie a entraîné de fortes tensions d’approvisionnement sur de nombreux produits, et la guerre en Ukraine a fini de déstabiliser offre et demande sur les marché des matières premières et de l’énergie.

Si des mesures de protection efficaces ont immédiatement été prises dès la fin de l’année dernière, notamment au regard des prix du gaz et de l’électricité, le pic inflationniste est bien présent. Il faut à nouveau agir vite et fort pour en limiter les effets.

Le texte que nous examinons vise précisément à permettre aux Français de gagner plus chaque mois et d’améliorer leur reste à vivre, grâce à des mesures encourageant le travail sans oublier les plus précaires. La revalorisation des droits et des prestations sociales, allocations familiales comprises, ce que nous saluons, la simplification de l’adoption de plans d’intéressement, chère à notre groupe, et le triplement de la « prime Macron » sont des outils efficaces pour augmenter le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Les députés du groupe Démocrate soutiendront ce texte, tout en proposant des avancées, par des amendements déposés en vue de son examen par la commission des affaires sociales. La crise de l’énergie, d’une ampleur exceptionnelle, nous oblige à poursuivre et à intensifier nos politiques visant à la sobriété énergétique, notamment les mesures de soutien à la rénovation énergétique de l’habitat, et à développer une politique ambitieuse de souveraineté énergétique, seule capable d’assurer la sécurité de notre approvisionnement.

Mme Karine Lebon (GDR-NUPES). Ce projet de loi nous semble bien éloigné de ce qu’exige la situation économique et sociale particulièrement alarmante de notre pays. D’après le baromètre publié par l’institut CSA au mois de mai sur le pouvoir d’achat, il manque aux Français environ 490 euros par mois pour vivre convenablement. C’est le chiffre le plus élevé depuis huit ans.

Sans surprise, le texte se contente d’instaurer des dispositifs déjà éculés, qui ne sauraient répondre aux attentes de nos concitoyens : prime exceptionnelle, intéressement, fusions de branches professionnelles, allégements de cotisations ; ces mesures, outre qu’elles détricotent la négociation collective et affaiblissent financièrement la sécurité sociale, ne constituent que des aides d’appoint, qui ne résoudront pas durablement le problème du pouvoir d’achat.

Quant aux outre-mer, leur spécificité n’est pas prise en compte dans le texte, très centré sur l’Hexagone. Or les problèmes de pauvreté et de pouvoir d’achat y sont plus présents qu’ailleurs. À La Réunion, 40 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Ces territoires ont besoin de réponses spécifiques ; force est de constater qu’elles sont absentes du texte.

Il est temps de prendre le problème à la source, en mettant sur la table des mesures concrètes de hausse du SMIC, d’échelle mobile des salaires et de conditionnalité des aides à des hausses de salaires. Tel est l’angle sous lequel nous abordons l’examen du texte, à travers nos amendements.

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous n’avons déposé aucun amendement sur ce projet de loi car nous sommes ici pour donner un avis. Comme je l’ai dit à M. Gabriel Attal, ministre délégué chargé des comptes publics, la semaine dernière, le Gouvernement, que nous avions jeté à l’eau l’année dernière, a tapé du pied pour remonter à la surface. Hélas pour lui, il ne sait pas nager et nous coulons à nouveau. L’inflation est en hausse perpétuelle, le pouvoir d’achat, au contraire, est en baisse, et le produit intérieur brut (PIB) stagne.

Le Gouvernement propose un paquet « pouvoir d’achat » dont seuls les ménages très modestes bénéficieront. Les classes moyennes, en revanche, sont totalement oubliées.

En trois ans de crise, le Gouvernement n’a pas appris que la vie en province n’est pas la vie à Paris. Pour les personnes habitant en zone rurale, hors de Paris et des grandes villes, la seule solution passe par la diminution des taxes sur le carburant et l’énergie, pour sortir la tête de l’eau, mieux respirer, vivre.

On nous lance des mesurettes, qui ne serviront malheureusement pas à beaucoup de gens. Une fois de plus, on décourage le travail. Ceux, nombreux, qui paieront plus cher l’essence dont ils ont besoin pour aller travailler, sans avoir droit aux aides promises dans le paquet « pouvoir d’achat », sortiront du marché du travail parce que c’est malheureusement plus simple pour eux.

Nous regrettons que le paquet « pouvoir d’achat » soit une bouée trouée lancée aux mauvaises personnes.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Depuis 2019, notre pays connaît une succession de crises, qui ont durablement inscrit nos concitoyennes et nos concitoyens dans des difficultés de pouvoir d’achat. En 2019, 9,2 millions de personnes vivaient sous le seuil de pauvreté ; elles sont désormais 14 millions, soit près d’un Français sur cinq. Au lieu de proposer des réformes structurelles, le Gouvernement présente à nouveau des solutions conjoncturelles.

Pour les salariés, les articles 1er à 6 présentent quelques rustines, au bon vouloir des entreprises. Tout relèvement durable du SMIC à 1 500 euros est écarté, de même qu’une réflexion globale sur les salaires. La préférence est de laisser aux entreprises le choix de verser ou non à leurs salariés une prime défiscalisée, dans l’esprit de la « prime Macron ».

Concernant les artisans, les commerçants, les professions libérales et les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole dont le niveau de revenu est équivalent au SMIC, c’est une minoration des cotisations sociales qui est prévue. Véritable usine à gaz, ce mécanisme n’apportera aucune solution durable et aura des effets de seuil.

Le texte fait fi du dialogue social. La revalorisation de diverses prestations, allocations et aides sociales se hisse péniblement à 4 %, bien en dessous de l’inflation, prévue à au moins 6 %. De même, les baisses de cotisations représenteront des milliards durablement perdus pour les régimes sociaux, ce qui servira opportunément d’argument au Gouvernement pour réformer ceux-ci. Nous connaissons bien la manœuvre.

Concernant le coût de l’énergie, les articles 15 à 19 enterrent les efforts de préservation de l’environnement, avec notamment le redémarrage potentiel des centrales à charbon de Cordemais et de Saint-Avold. Certes, il faut déjouer la menace d’une rupture d’approvisionnement à l’hiver prochain, mais il importe de réfléchir dès à présent au développement des énergies alternatives et renouvelables. Par ailleurs, il est urgent d’engager une réflexion sur la renationalisation d’EDF, en actes et pas en mots.

Au sommet de l’État, urgence de la situation rime avec précipitation. Il importe que le Gouvernement se reprenne, pour protéger nos concitoyens de façon pérenne.

M. Charles de Courson (LIOT). Sous la précédente législature, l’ancienne majorité, absolue à l’époque, avait pris des mesures de soutien du pouvoir d’achat en partant du principe que tout irait mieux d’ici à septembre 2022. Hélas, la situation ne s’est pas améliorée. Restons humbles, nos prévisions ne sont pas toujours fiables.

Lorsque l’on ne sait pas et que l’on navigue à vue, il faut prendre des mesures ciblées que l’on peut adapter et moduler. Fait rare, j’ai félicité le Gouvernement pour avoir décidé de réduire progressivement la remise carburant de 18 centimes par litre d’essence au profit d’une mesure plus ciblée. C’était un dispositif mal pensé et intenable.

Ce matin encore, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a affiché sa volonté de faire évoluer de la même manière le bouclier tarifaire pour le gaz et l’électricité. C’est une sage décision qu’il faudrait traduire en acte dès maintenant, sans attendre la loi de finances initiale pour 2023, puisque cette mesure devrait s’appliquer au 1er janvier 2023.

La majorité prend la bonne direction mais elle s’arrête trop tôt : il faudrait adapter l’ensemble des mesures pour prendre en compte les fractures sociales et territoriales. Nous avons ainsi proposé un amendement pour moduler le bouclier loyer selon les bassins de logement. Nous y réfléchirons avec le rapporteur mais il faudrait généraliser cette démarche à l’ensemble du texte.

Par ailleurs, le projet de loi prévoit d’augmenter de 4 % certaines prestations sociales. Cette mesure aidera les plus modestes de nos concitoyens mais le paquet « pouvoir d’achat » manque de cohérence. Pourquoi limiter à 3,5 % l’augmentation du point d’indice pour les fonctionnaires alors que les prestations sociales sont revalorisées de 4 % ? Il faudrait aider les Français qui travaillent, d’autant plus que beaucoup d’entre eux sont découragés de se rendre sur leur lieu de travail en raison de la hausse du prix de l’énergie. Surtout, il conviendrait de porter la revalorisation au niveau réel de l’inflation, qui pourrait atteindre 6,8 % en glissement annuel en décembre 2022, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). L’écart reste significatif.

Enfin, quel soutien prévoyez-vous d’apporter aux collectivités territoriales ? Beaucoup des décisions prises par l’État pèseront sur des budgets locaux déjà sous contrainte. La revalorisation du point d’indice devrait coûter 2,3 milliards d’euros en année pleine pour la fonction publique territoriale et 1,15 milliard d’euros dès 2022. De même, la revalorisation du RSA devrait avoir pour effet d’augmenter de 400 millions d’euros la charge des finances publiques départementales. Notre groupe a toujours soutenu la libre administration des collectivités territoriale mais lorsque l’État jacobin décide seul en lieu et place des élus locaux, ne devrait-il pas assumer lui-même le coût de ses décisions ? Nous espérons que la majorité, ou plutôt l’ex-majorité, fera preuve d’ouverture d’esprit et prendra en compte des démarches de bon sens.

M. le président Éric Coquerel. Madame Louwagie, la grande majorité des amendements qui n’ont pas été jugés recevables tendaient à proposer des mesures de nature fiscale qui concernaient le PLFR et sont donc tombés sous le coup de l’article 45 de la Constitution. D’autres n’étaient pas gagés et je vous invite à les retravailler, d’ici à l’examen en séance publique, pour qu’ils puissent satisfaire aux exigences de l’article 40.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Personne, dans cette salle où notre commission se réunit, ne considère que tout va très bien ; sinon, nous ne serions pas occupés à discuter de ce projet de loi. Et, pour la bonne information de tous, je ne suis pas un élu d’une grande ville ni de Paris, je suis un élu de province.

Certains souhaitent que le SMIC augmente. Rappelons, madame Lebon, que la somme du SMIC et de la prime d’activité approche des 1 360 euros par mois ; ce n’est peut-être pas assez mais ce n’est pas très éloigné des 1 500 euros nets par mois proposés. Vous pouvez multiplier les critiques à notre endroit mais vous ne pouvez pas qualifier de néolibérale une politique dans laquelle les dépenses publiques représentent 57 % du PIB et ont même dépassé 60 % en période de crise. Ces dépenses étaient justifiées car seul l’État pouvait supporter un tel choc.

Les mesures décidées en Europe pour lutter contre la montée des prix du gaz et de l’électricité sont inédites. C’est vrai, le prix de l’électricité a tout de même augmenté au mois d’octobre 2021, sans que les finances publiques absorbent cette hausse, mais celle du mois de janvier a été limitée à 4 % alors qu’elle aurait pu atteindre 50 % comme cela a été observé dans des pays comme l’Italie, l’Espagne ou le Portugal. Une telle flambée des prix aurait été insoutenable pour nos concitoyens, notamment les plus modestes. La remise de 18 centimes est prolongée pour tout le monde. Certaines mesures sont générales, d’autres ciblées ; nous l’assumons. L’indemnité carburant travailleurs (ICT) pourrait prendre le relais de cette remise de 18 centimes à partir du mois de septembre, ce qui serait la meilleure solution pour privilégier les gros rouleurs, grands routiers comme infirmiers libéraux.

Pour ce qui est de la prime de partage de la valeur, le ministre a été très clair : toutes les entreprises qui en ont les moyens doivent augmenter les salaires de leurs salariés. Certaines, en revanche, ne le pourront pas, notamment les très petites entreprises (TPE) et les petites et moyennes entreprises (PME). Pas moins de 96 % de nos entreprises comptent moins de 20 salariés. Que répondrons-nous à l’artisan boulanger ou à l’entrepreneur du bâtiment qui ne peut pas augmenter ses employés si la hausse du SMIC est insoutenable pour lui ? La prime de partage de la valeur permettra à chaque entreprise de redistribuer les gains, sans s’engager pour l’avenir.

Ces mesures suffisent-elles à compenser les effets de l’inflation ? La hausse des prix s’élevait déjà, en glissement annuel, à 5,2 % au mois de mai puis à 5,8% au mois de juin. La revalorisation des prestations sociales de 4 % s’ajoute à celles de 1,1 % et de 1,8 % respectivement intervenues aux mois de janvier et avril. Si on les additionne, le résultat couvre quasiment l’inflation.

Enfin, personne ne souhaite la réouverture des centrales à charbon. Au contraire, le Président de la République a été clair, nous voulons sortir des énergies fossiles, mais il faut tout de même prévoir des solutions au cas où ne parviendrions pas, du fait du contexte actuel, à répondre aux besoins de consommation l’hiver prochain. Il faut savoir anticiper. Ce texte prévoit cependant, en cas de fonctionnement exceptionnel des centrales à charbon, que les émissions qui dépasseraient le plafond autorisé fassent l’objet d’une compensation carbone, en plus des obligations de restitution de quotas au titre du marché carbone européen.

La commission en vient à l’examen des articles 1er à 5 et 15 à 19 du projet de loi dont elle est saisie pour avis.

TITRE IER : PROTECTION DU NIVEAU DE VIE DES FRANÇAIS

Chapitre Ier : Valorisation du travail et partage de la valeur

Article 1er : Prime de partage de la valeur

Amendement CF97 de Mme Karine Lebon.

M. Jean-Marc Tellier. En raison du caractère de plus en plus structurant de la prime défiscalisée, nous proposons que, lorsque celle-ci est décidée de manière unilatérale par l’employeur, le comité social et économique ne soit pas simplement informé mais consulté préalablement. Outre le problème du financement de la sécurité sociale, cette prime n’ouvre pas de droits au chômage ni à la retraite. Cet amendement s’inspire d’une recommandation du Conseil d’État.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Cela commence bien car, pour les raisons que vous évoquez, je suis favorable à cet amendement qui sécurise le dispositif.

La commission adopte l’amendement CF97 (amendement AS422).

Amendements CF86 de M. Hadrien Clouet et CF103 de M. Michel Castellani (discussion commune).

M. David Guiraud. N’oublions pas les origines de la prime de partage de la valeur qui devrait remplacer la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, dite prime Macron, décidée en 2018 pour calmer les gilets jaunes. Cette façon de distribuer des chèques à chaque crise sociale nous donnait déjà une idée de la manière dont serait élaboré ce projet de loi.

Vous proposez de pérenniser le dispositif et de porter le montant maximal à 3 000 euros, voire 6 000 euros si l’employeur a prévu un dispositif d’intéressement.

Le nombre de bénéficiaires de cette prime est limité. L’an dernier, 4 millions de personnes l’ont perçue, ce qui ne représente que 16 % des salariés. Tripler le plafond pour bénéficier des avantages fiscaux et sociaux n’aura pas d’effet puisque les montants distribués, 572 euros en moyenne en 2021, sont bien loin du plafond initialement prévu de 1 000 euros.

Surtout, pourquoi exonérer de cotisations des primes versées à des gens qui gagnent déjà 3 900 euros net par mois ? Cette disposition illustre le rapport d’Emmanuel Macron au pouvoir d’achat : préférer des primes ponctuelles et incertaines, laissées au bon vouloir du patron, à une hausse des salaires.

Vous nous répondrez, comme d’habitude, que tous les employeurs n’ont pas les moyens d’augmenter les salaires. C’est vrai, c’est parfois compliqué, précisément à cause de dispositifs comme la prime Macron qui incitent les employeurs à ne pas augmenter les salaires. Qui plus est, les primes, exonérées de cotisations sociales, seront financées par les recettes de l’État et les régimes de sécurité sociale. C’est ainsi que vous justifierez la casse de notre service public.

Nous proposons, par conséquent, de supprimer l’exonération de cotisations sur la prime de partage de la valeur.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je suis en désaccord complet avec vous. Les entreprises qui en ont les moyens augmenteront les salaires – certains ont déjà commencé, d’ailleurs. C’est le cas, en particulier, dans le secteur de la restauration et de l’hôtellerie pour lequel les négociations annuelles obligatoires ont mis en évidence des hausses de salaire d’environ 3 % ou 4 %. Toutes les entreprises n’en ont pas les moyens, en particulier les TPE ou le PME. Nous voulons laisser les employeurs libres de verser ou non un complément de salaire. Les chiffres que vous citez sont exacts : le montant moyen est bien d’environ 500 euros, ce qui est mieux que rien. C’est pourquoi nous maintenons ce dispositif, qui devra rester souple, et je suis défavorable à votre amendement.

M. David Guiraud. Peut-être devriez-vous vous demander comment faire rejaillir sur les PME et TPE la richesse des grands groupes, qui pourraient, par exemple, adhérer à un fonds de cotisations interentreprises pour les aider ? Il faut rétablir l’équilibre entre les petites et les grandes entreprises, entre le salaire et le capital.

M. Charles de Courson. Notre amendement d’appel CF103 vise à vous faire réfléchir. Selon l’étude d’impact, le système se détériore. Le nombre de bénéficiaires est passé de 5,2 millions en 2020 à 3,4 millions en 2021 et 1,8 million en 2022.

Combien de personnes bénéficieront, finalement, de ce dispositif ? Il ne sert à rien de remonter les plafonds quand le montant moyen accordé ne cesse de diminuer : 660 euros par salarié en 2020, 572 euros en 2021 et 494 euros en 2022.

Quant à l’argument selon lequel l’incidence budgétaire de cette mesure serait nulle, il a vécu. Vous avez pris soin de préciser, dans cet article, que la prime ne pourrait se substituer à une négociation salariale mais ce principe reste théorique et vous permet d’en déduire qu’il n’y aura pas de perte de recettes fiscales et sociales pour l’État ou les organismes de sécurité sociale.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Vous citez les bons chiffres. En quatre ans, 15,3 millions de personnes ont bénéficié de ce dispositif et 8,3 milliards d’euros ont été versés. Il est difficile de prédire l’avenir mais nous voulons continuer à inciter les employeurs à verser cette prime, dont nous avons triplé le montant maximal. Le dispositif est suffisamment souple pour que chaque entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité, puisse en faire profiter ses salariés, sans s’engager pour l’avenir.

M. Charles de Courson. Je vous renvoie à la page 27 de votre propre rapport : cette prime, très rapidement, a perdu de son succès. Alors que 5,2 millions de salariés en avaient bénéficié en 2020, ils ne sont plus que 1,8 million, sur 20 millions, en 2022. À ce rythme, on tombera bien vite à 500 000.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je vous remercie de citer mon rapport : je ne l’ai pas encore écrit – vous citez en fait l’étude d’impact du Gouvernement.

Je le répète, il est difficile de lire dans une boule de cristal ! Tout dépend de la trésorerie disponible dans les entreprises, de la bonne santé du secteur, etc. Nous dresserons le bilan chaque mois, mais nous tenons à lancer un signal fort !

La commission rejette successivement les amendements CF86 et CF103.

Amendement CF42 de M. Charles de Courson.

M. Charles de Courson. Il s’agit de donner la possibilité aux entreprises de verser la prime de partage de la valeur sous la forme d’un supplément d’intéressement ou d’un supplément de participation dont l’activation est assouplie. Cette mesure permettrait d’éviter la cannibalisation de l’intéressement et de la participation et de poursuivre les efforts de développement de l’intéressement dans les entreprises, en particulier les PME.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je ne comprends pas le sens de votre amendement. L’amendement CF103 vise à supprimer l’alinéa 11 mais l’amendement CF42 tend à ce que la prime prenne la forme d’un supplément d’intéressement ou de participation. Êtes-vous donc pour ou contre ces types de dividende salarié ?

Cela étant, je perçois deux difficultés. Tout d’abord, il convient de distinguer, d’une part, la prime de partage de la valeur et, d’autre part, l’intéressement, facultatif, et la participation, obligatoire. Que la prime soit plus importante et plus favorablement traitée en cas de mise en place d’un accord ne brouille pas le message : c’est bien la preuve que nous souhaitons développer l’intéressement et la participation.

Par ailleurs, s’agissant uniquement d’un supplément d’intéressement, le versement découlerait directement de l’accord en vigueur dans l’entreprise et se substituerait donc à d’autres éléments de rémunération, ce qui serait contradictoire.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Vous voyez bien que votre dispositif est complexe, mêlant intéressement, participation et prime de partage de la valeur. On pourrait faire mieux pour simplifier la vie des entreprises.

Mme Véronique Louwagie. Le dispositif présente un intérêt pour les entreprises en ce qu’il ne revêt aucun caractère contraignant et pourrait promouvoir l’intéressement.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Ces mécanismes sont complémentaires. La prime de partage de la valeur peut être immédiatement versée tandis que l’intéressement dépend des résultats de l’entreprise et des accords. Je reste défavorable à l’amendement pour les mêmes raisons.

Mme Marina Ferrari. Je ne saisis pas l’intérêt de cet amendement puisque les entreprises peuvent abonder les primes d’intéressement versées par les salariés. L’apport volontaire par les salariés peut être prévu par les accords d’intéressement et les primes d’intéressement ne sont débloquées que sous certaines conditions prévues par les accords. De ce fait, elles n’ont pas d’effet immédiat sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens.

La commission rejette l’amendement CF42.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CF92 de M. François Ruffin.

M. David Guiraud. Plus de 800 000 personnes occupent un emploi intérimaire en France. De « toute journée entamée est payée intégralement », la législation est passée à « une heure travaillée, une heure payée ». Cet amendement tend à ce que le minimum de rémunération dans l’intérim pour une journée soit l’équivalent d’une journée de travail de sept heures.

Il paraît que le chômage baisse. Examinons les chiffres : beaucoup sont intérimaires et ne travaillent qu’une semaine par mois, en moyenne. Cette situation ne peut durer, les intérimaires doivent être payés décemment.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Les missions particulièrement courtes des travailleurs intérimaires peuvent, en effet, les maintenir dans la précarité. Votre proposition n’introduit-elle pas, toutefois, une trop grande rigidité qui modifierait le modèle même du travail intérimaire ? Par ailleurs, un contrat intérimaire est assorti d’une prime de précarité au moins égale à 10 % de la rémunération totale brute perçue pendant le contrat.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. David Guiraud. Les contrats d’intérim duraient en moyenne, en 2021, deux semaines. Cela donne une idée du degré de précarité que connaissent les travailleurs intérimaires.

La commission rejette l’amendement CF92.

Amendement CF91 de M. François Ruffin.

M. David Guiraud. Les hommes et les femmes qui font le ménage, ces travailleurs de « première ligne », sont de plus en plus invisibles parce qu’on les fait venir de plus en plus tôt dans les entreprises, parce qu’on ne veut pas les voir. Afin d’inciter leurs employeurs à leur confier des plein-temps en journées et non plus des mini missions, l’amendement vise à faire majorer de 50 % la rémunération des heures travaillées avant 9 heures le matin ou après 18 heures le soir.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je crois au dialogue social, d’autant plus qu’il existe une convention collective nationale des entreprises d’aides, de l’accompagnement, des soins et des services à domicile. Nous voulons, bien évidemment, protéger le pouvoir d’achat de ces salariés mais il ne me semble pas que nous devions, à l’occasion de la réunion de notre commission saisie pour avis, nous substituer aux partenaires sociaux, a fortiori en imposant une mesure salariale dont nous ne connaissons pas les conséquences pour l’équilibre économique de ces entreprises.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF91.

Article 2 : Baisse des cotisations sociales pour les travailleurs indépendants

Amendement CF108 de Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. Cet amendement tend à assurer le respect des dispositions de la loi Veil du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale selon lesquelles toute mesure de baisse, totale ou partielle, de cotisations de sécurité sociale, donne lieu à compensation intégrale aux régimes concernés par le budget de l’État pendant toute la durée de son application.

Depuis 2018, le Gouvernement s’est affranchi à plusieurs reprises de cette obligation, comme l’a montré la Cour des comptes. Les mesures d’allègement, toujours plus nombreuses, fragilisent la sécurité sociale. Pire, elles légitiment les mesures structurelles d’économie que vous souhaitez imposer. Je pense aux retraites ou à la réforme de l’assurance chômage.

Cette politique de la caisse vide n’est plus acceptable. Par-delà notre opposition à ces mesures d’allègement inefficaces, nous demandons qu’elles soient au moins compensées.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Sur le plan juridique, cet amendement est satisfait. L’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale prévoit que l’État attribue des recettes fiscales ou des crédits à la sécurité sociale afin de compenser toute mesure de réduction ou d’exonération instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi dite Veil de 1994.

Sur le plan financier, l’incidence est estimée à 320 millions d’euros en 2022 et 400 millions en 2023.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Charles de Courson. Le principe de la compensation intégrale remonte à une quinzaine d’années. Or, malgré l’article du code de la sécurité sociale, il a été battu en brèche ces deux dernières années. La question de la compensation peut donc se poser.

M. Mathieu Lefèvre. Le déficit budgétaire de l’État approche des 171 milliards d’euros : il est difficile de soutenir que l’État ne prend pas sa part d’effort.

La commission rejette l’amendement CF108.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 non modifié.

Article 3 : Favoriser la diffusion de l’intéressement

Amendement de suppression CF98 de Mme Karine Lebon.

M. Jean-Marc Tellier. Il s’agit de supprimer l’article 3 dont l’objectif affiché est de simplifier la distribution de primes d’intéressement, formes de rémunération hors salaire auxquelles il s’agirait finalement de donner un caractère structurel. Cet article va profondément déréglementer la négociation salariale, car un employeur pourra passer outre ses salariés s’il n’existe pas d’instance représentative – il pourrait pourtant organiser un référendum – ou, pire encore, passer outre les instances représentatives si un accord n’a pas été conclu. Que l’employeur puisse passer outre affaiblit les syndicats, et le rapport de forces en devient tel qu’il n’y a plus de négociation possible. Ce n’est pas acceptable.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La mise en place de l’intéressement serait freinée par la nécessité de négocier un accord. En 2020, seules 10,9 % des entreprises de 10 à 49 salariés étaient couvertes par un accord d’intéressement. Surtout, cette mesure ne priverait personne de quoi que ce soit. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Jean-Marc Tellier. Nous voulons simplement permettre qu’une concertation ait lieu.

La commission rejette l’amendement CF98.

Amendement CF85 de M. Hadrien Clouet.

M. David Guiraud. Nous nous opposons à la possibilité offerte aux employeurs d’imposer unilatéralement un accord d’intéressement en l’absence d’instances représentatives du personnel. Deux tiers des entreprises de moins de 50 salariés ne disposent pas de délégué syndical ou de comité social et économique. Les employeurs détiendront donc les pleins pouvoirs pour décider du mode de calcul et des règles de répartition de l’intéressement entre les salariés.

Par ailleurs, la plupart des employeurs ne sont pas formés aux ressources humaines et ne disposent pas des connaissances juridiques suffisantes pour concevoir des dispositifs satisfaisants en l’absence d’instances collectives de dialogue. L’amendement vise à encourager le Gouvernement à rappeler l’importance des institutions représentatives du personnel, en conditionnant le dispositif d’intéressement à des négociations préalables avec un délégué syndical ou au sein du comité social et économique.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Nous avons adopté votre amendement qui visait à donner plus de poids aux instances représentatives. L’argument sera le même que précédemment : c’est cela ou rien. Je suis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF85.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement CF78 de M. Hadrien Clouet.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 non modifié.

Article 4 : Inciter les branches professionnelles à négocier

Amendement de suppression CF109 de Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. L’article 4 prévoit qu’en cas de blocage des négociations au niveau d’une branche, le Gouvernement pourra décider, unilatéralement, de fusionner une branche avec une autre. Nous refusons que le Gouvernement décide seul de fusionner deux branches professionnelles, ces démarches devant émaner des organisations syndicales et patronales. En outre, nous ne comprenons pas quels effets sur les négociations de branche un tel dispositif pourrait avoir. En quoi fusionner trois branches incapables de parvenir à un accord permettrait-il à la branche nouvellement créée de parvenir à un accord ?

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Il serait dommage de se priver de cette possibilité qui augmente les chances d’aboutir à un accord, sachant qu’il n’y sera recouru qu’en ultime ressort. Je suis donc défavorable à votre amendement.

Mme Karine Lebon. Faisons confiance aux branches, pour reprendre une expression que vous affectionnez tout particulièrement.

M. Charles de Courson. En quoi cet article inciterait-il à revaloriser les grilles ? Si le bas des grilles, branche par branche, est inférieur au SMIC, on applique le SMIC.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Nous donnons un critère supplémentaire au ministre chargé du travail pour inciter les branches à négocier plus régulièrement et rapidement des accords sur les salaires.

M. Charles de Courson. Sur les 171 accords de branche, 120 comportent des minima de grille salariale inférieurs au SMIC. C’est considérable. Cet article est inutile et pourrait porter atteinte à la liberté de négociation entre les partenaires sociaux.

La commission rejette l’amendement CF109.

Amendement CF88 M. Hadrien Clouet.

Mme Marianne Maximi. Nous souhaitons rétablir la hiérarchie des normes et les branches comme le lieu où se négocie l’amélioration des conditions de travail, et non les régressions sociales. Il faut réaffirmer la primauté des accords de branche sur les accords d’entreprise en rétablissant le principe de faveur, afin que les conditions de travail dans chaque entreprise ne soient pas plus défavorables que dans la branche, l’accord de branche étant lui-même plus favorable que la loi.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La réforme de 2017 n’est pas l’objet du texte que nous examinons. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF88.

Amendement CF89 de M. Hadrien Clouet.

Mme Marianne Maximi. Nous proposons d’établir un moratoire sur toutes les subventions publiques dont bénéficient les entreprises d’une branche tant qu’il existe, dans leur accord, des salaires conventionnels inférieurs au niveau du SMIC, ce qui est encore le cas dans 120 des 171 branches du régime général.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Même si je souscris à l’idée qu’il faut rehausser les grilles salariales, une telle atteinte à la liberté contractuelle enverrait un mauvais message aux entreprises des branches concernées. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF89.

Amendement CF79 de Mme Clémence Guetté.

Mme Marianne Maximi. Nous proposons que des négociations de branches soient ouvertes à chaque fois que le SMIC est revalorisé. Cette méthode efficace permet de diffuser les hausses du SMIC dans l’échelle salariale, bénéficiant ainsi aux travailleurs les plus modestes.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Votre amendement est satisfait par l’article L. 2241-10 du code du travail : « Lorsque le salaire minimum national professionnel des salariés sans qualification [...] est inférieur au salaire minimum interprofessionnel de croissance, les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent pour négocier sur les salaires. »

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF79.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 4 non modifié.

Après l’article 4

Amendement CF99 de Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. Les branches doivent se réunir au moins tous les quatre ans pour négocier les grilles de salaires et les conditions de travail. Ce délai légal est trop long car, en cas d’inflation ou de coup de pouce au SMIC, les grilles salariales se tassent. Nous proposons donc que les négociations obligatoires de branche aient désormais lieu tous les deux ans.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Nous souhaitons également une revalorisation des grilles inférieures au SMIC mais la modification des rythmes du dialogue social n’est sans doute pas la bonne solution, d’autant que le délai de quatre ans est un maximum et non un minimum. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF99.

Amendement CF100 de Mme Karine Lebon.

M. Jean-Marc Tellier. Cet amendement vise à créer un dispositif réellement incitatif à la conclusion d’accords de branche qui conditionne les aides publiques des grandes entreprises d’une branche à la capacité de celles-ci de conclure un accord dans les six mois suivant l’ouverture des négociations.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Sur le plan juridique, cela semble disproportionné. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF100.

La réunion est suspendue de vingt-deux heures vingt à vingt-deux heures quarante.

Amendement CF81 de M. Hadrien Clouet.

Mme Alma Dufour. Par cet amendement, nous proposons l’ouverture de conférences de branche pour augmenter les salaires et les protéger de l’inflation, instaurer une échelle de 1 à 20 et concrétiser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Les prix s’envolent mais les salaires ne suivent pas ; nous l’avons dit à plusieurs reprises. Le Gouvernement préfère les primes, non prises en compte dans le calcul des pensions de retraite, à des mesures augmentant réellement les salaires. Nous proposons une autre logique.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Le projet de loi prévoit des mesures immédiates en faveur du pouvoir d’achat, tandis que vous proposez une négociation qui s’ouvrira au 1er septembre et durera six mois : ce n’est pas l’objectif du texte. Je vous invite à retirer votre amendement.

Mme Alma Dufour. À part la prime, qui reste optionnelle pour les entreprises, les mesures que vous proposez ne sont pas plus immédiates et efficaces que ce que nous proposons, notamment l’augmentation du SMIC. Nous maintenons l’amendement.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. J’y serai donc défavorable. Je précise qu’il n’y a pas que la prime, il y a aussi des revalorisations, comme celle des APL.

La commission rejette l’amendement CF81.

Amendement CF90 de M. François Ruffin.

M. Sébastien Rome. Cet amendement vise à éviter les horaires décalés pour les femmes et les hommes de ménage en majorant de 50 % la rémunération des heures travaillées avant 9 heures et après 18 heures.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Votre préoccupation est légitime mais nous traitons de pouvoir d’achat ; les conditions de travail méritent un autre texte.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Sébastien Rome. Inclure ces travailleurs dans les collectifs de travail de la journée est une manière de leur assurer une reconnaissance et, s’ils en sont exclus, de les reconnaître par le salaire.

La commission rejette l’amendement CF90.

Amendement CF93 de Mme Rachel Keke.

Mme Alma Dufour. Nous proposons de faire des administrations publiques des modèles du point de vue de la considération des métiers de première ligne, premiers de cordée, ou de corvée, comme M. Emmanuel Macron a appelé, pendant la crise, agents d’entretien et femmes de ménage. La maltraitance sociale frappe les femmes de ménages, obligées de travailler très tôt le matin ou tard le soir pour que leur travail reste invisible. En plus des nombreuses difficultés qui affectent leur vie quotidienne, ces rythmes de travail sont très nocifs pour leur santé. Cette indignité est due à l’inhumaine loi de la concurrence libre et non faussée entre des entreprises prestataires ; notre chère collègue et amie Rachel Keke nous en offre le témoignage le plus parfait. Il faut légiférer d’urgence contre la pénibilité de nombreux métiers. C’est pourquoi nous proposons d’imposer à toute administration publique de ne recourir qu’au travail d’entretien fait en journée, en particulier à l’Assemblée nationale, qui se doit de montrer l’exemple.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Même si nous devons être sensibles à la question des conditions de travail, cela n’a pas de rapport avec la protection du pouvoir d’achat. Je vous invite, chère collègue, à retirer cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF93.

Amendement CF96 de Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. Il s’agit d’accroître le pouvoir d’achat des salariés en portant le SMIC mensuel net à 1 500 euros net, soit un SMIC brut porté à 1 923 euros.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La France est l’un des rares pays, sinon le seul, à appliquer des revalorisations infra-annuelles. L’augmentation du salaire minimal dans les entreprises au-delà de ces revalorisations doit rester une faculté pour les chefs d’entreprise sous peine de causer de véritables problèmes aux TPE et aux PME.

Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

La commission rejette l’amendement CF93.

Amendement CF115 de Mme Karine Lebon.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. J’invite au retrait de cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable. Je ne suis pas sûr qu’une négociation annuelle réponde au problème que nous essayons de traiter avec la revalorisation immédiate du pouvoir d’achat.

La commission rejette l’amendement CF115.

Amendement CF110 de Mme Karine Lebon.

Mme Karine Lebon. Il s’agit d’encadrer les écarts de rémunération dans les entreprises dans un rapport de 1 à 20 afin de mieux répartir les richesses produites. Les femmes et les hommes qui produisent la richesse intellectuelle et matérielle de notre pays ne sont pas rémunérés à hauteur du travail fourni et nombreux sont nos concitoyens qui ne peuvent en vivre décemment. Les inégalités de revenus explosent : les dirigeants du CAC40 gagnent en moyenne 260 fois le SMIC et 120 fois le salaire moyen de leur entreprise. Leur rémunération a augmenté de 45 % depuis 2009, soit deux fois plus vite que la moyenne des salaires et quatre fois plus vite que le SMIC. Selon Oxfam, l’écart entre la rémunération du président-directeur général et celle de ses salariés s’est creusé de 27 % entre 2009 et 2018. Jusqu’où allons-nous tolérer des rémunérations indécentes ? Une toute petite minorité s’accapare l’ensemble de la valeur produite. Afin d’améliorer le pouvoir d’achat et de tirer les salaires vers le haut, nous proposons que toute augmentation de la rémunération des dirigeants se traduise par une augmentation des bas salaires. Il s’agit d’une mesure de justice sociale, vertueuse pour l’ensemble de l’économie. Notre système actuel est à bout de souffle, injuste, source d’inégalités intolérable ; je vous invite, chers collègues, à y remédier.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Un tel encadrement remettrait en cause la liberté contractuelle. Les exemples que vous citez comme inadmissibles sont caricaturaux, car ils ne concernent que de très grandes entreprises, non les TPE et les PME qui constituent l’immense majorité de nos entreprises. Les écarts de 1 à 20 n’existent que dans très peu de cas. De plus, si notre pays est le seul à les encadrer à ce point, cela posera un problème d’attractivité. Enfin, ce n’est pas l’écart entre les rémunérations que nous visons dans ce texte mais le pouvoir d’achat. Je vous invite à retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Karine Lebon. Monsieur le rapporteur, je vous propose d’arrêter de me demander de retirer les amendements avec lesquels vous n’êtes pas d’accord. Nous avons des désaccords de fond, que nous assumons sans aucun problème.

Les exemples que j’ai cités sont réels et absolument pas caricaturaux. Vous souhaitez accroître le pouvoir d’achat des ultrariches : je l’entends mais ce n’est pas ma position.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je n’aurai aucun problème, chère collègue, à dire plus clairement, le cas échéant, que je suis défavorable à un amendement.

Accroître le pouvoir d’achat des ultrariches n’est pas un objectif en soi. Le ministre Bruno Le Maire a clairement affirmé qu’il y avait une difficulté avec les salaires inférieurs au SMIC. Ce problème ne disparaîtra pas d’un coup de baguette magique : il faut agir en responsabilisant les partenaires sociaux.

Toutes les mesures que nous proposons ciblent les classes modestes et les classes moyennes. Ne caricaturez pas mon propos.

La commission rejette l’amendement CF110.

Amendement CF114 de Mme Karine Lebon.

M. Jean-Marc Tellier. Les hausses obligatoires du SMIC et l’absence de négociations de branche ont écrasé les grilles salariales, entraînant des progressions salariales particulièrement lentes, surtout lorsque les minima de branche sont inférieurs au SMIC.

Nous proposons de réintroduire l’échelle mobile des salaires, qui permettra de revaloriser l’ensemble des grilles salariales des branches en fonction de l’inflation. Seule une telle mesure, automatique, permettra de préserver le pouvoir d’achat des salariés et de garantir des progressions de carrière à tous les salariés.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Vous proposez un mécanisme trop généralisé, alors que nous cherchons une solution pragmatique branche par branche, à la main des partenaires sociaux. Je ne vois pas comment les TPE, qui constituent l’immense majorité de nos entreprises, pourraient appliquer une telle mesure. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement CF114.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement CF111 de Mme Karine Lebon.

Chapitre II : Revalorisation anticipée de prestations sociales

Article 5 : Anticipation de la revalorisation des retraites et des prestations sociales sur l’inflation

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 5 non modifié.

Après l’article 5

Amendement CF113 de Mme Karine Lebon, amendements identiques CF17 de M. Dino Cinieri, CF39 de Mme Émilie Bonnivard et CF46 de M. Yannick Neuder (discussion commune).

M. Jean-Marc Tellier. L’amendement CF113 tend à supprimer la prise en compte des revenus du conjoint dans le versement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ainsi que le plafonnement de l’AAH. Cette mesure de déconjugalisation permettrait aux 250 000 bénéficiaires de l’AAH vivant en couple de retrouver leur autonomie financière et de profiter pleinement de l’augmentation de 4 % des minima sociaux proposée par le Gouvernement, avec effet rétroactif à compter du 1er juillet dernier, en application de laquelle le montant de l’AAH atteindra 956 euros.

Mme Émilie Bonnivard. Les Républicains tiennent particulièrement à la mesure de déconjugalisation de l’AAH, qu’ils avaient proposée dans le cadre d’une niche parlementaire au cours de la précédente législature. Cette allocation de plus de 900 euros est versée à quelque 1,2 million de Français en situation de handicap ou souffrant d’une maladie invalidante, qui ne peuvent travailler. Les 270 000 bénéficiaires qui vivent en couple se sont vu supprimer en partie leur allocation en raison de la prise en compte des revenus de leur conjoint. C’est dramatique : à la dépendance physique et parfois morale, on ajoute ainsi une dépendance financière.

L’AAH est le moyen de l’autonomie de la personne, même au sein du couple. Nous sommes heureux que la Première ministre ait entendu notre proposition ; essayons de gagner du temps en adoptant dès maintenant cet amendement.

Mme Véronique Louwagie. Nous nous réjouissons que la Première ministre ait annoncé le principe d’une déconjugalisation de l’AAH, mesure que nous défendons depuis plusieurs années, qui avait effectivement été examinée dans le cadre d’une niche parlementaire au cours de la précédente législature, et que soutiennent tant les associations que l’opinion. Il est en effet anormal qu’une personne handicapée, sous prétexte que son conjoint dispose de revenus, ne bénéficie pas de l’AAH : en la privant de son autonomie financière, on l’oblige à quémander des ressources auprès de son conjoint. Il y a urgence à agir ; j’espère que la majorité ne fera pas durer sa réflexion jusqu’à l’examen du projet de loi de finances pour 2023, car cela ne serait pas compris.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. C’est, me semble-t-il, un sujet de consensus entre nous. La Première ministre a annoncé qu’elle souhaitait une réforme en profondeur de l’AAH fondée sur le principe de la déconjugalisation. Cette réforme doit être menée rapidement.

Nous partageons pleinement l’objectif de réparer une injustice sociale. Toutefois, la rédaction de vos amendements est incomplète, car il faut également prévoir une modification de l’article L. 821-1 du code de la sécurité sociale pour que la mesure soit pleinement opérante. Je vous propose de les retirer au profit des amendements déposés, notamment par la rapporteure, en commission des affaires sociales, plus opérants.

Par ailleurs, l’amendement CF113 vise à supprimer la référence au plafond fixé par décret, ce qui autoriserait à cumuler sans limite les revenus et l’AAH. Ce n’était sans doute pas votre objectif. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Mathieu Lefèvre. Le groupe Renaissance ne votera pas ces amendements car, en l’état, ils font plusieurs dizaines de milliers de perdants. Nous souhaitons trouver un compromis sur la réforme d’ampleur de l’AAH qui sera proposée à la commission des affaires sociales. Nous ne pouvons pas légiférer sur un coin de table avec un amendement qui fait 45 000 perdants.

M. Philippe Lottiaux. Notre groupe RN soutiendra ces amendements car la déconjugalisation faisait partie du programme de la candidate de notre parti à l’élection présidentielle.

M. David Guiraud. La formulation employée par la Première ministre – « nous partirons du principe de la déconjugalisation » – nous inquiète car elle n’acte pas la décision. Dans ce pays, quand on a le malheur de tomber amoureux et de le déclarer à l’État, on passe de 900 euros à 100 euros. Il faut donc légiférer au plus vite, sans attendre la fumée blanche.

Mme Marie-Christine Dalloz. L’AAH vise, comme la prestation de compensation du handicap (PCH), à compenser le handicap.

Nous avons tous le même objectif : trouver une solution durable pour assurer un revenu indépendant aux personnes handicapées. Nous allons faire des perdants, dites-vous. Travaillons donc ensemble pour élaborer un sous-amendement remédiant au problème, et actons dès maintenant le principe de la déconjugalisation. Qu’on ne nous accuse pas de légiférer sur un coin de table : cette question est débattue depuis deux ans et demi dans notre assemblée, il faut avancer !

Mme Perrine Goulet. Un amendement manifestement mieux rédigé a été déposé en commission des affaires sociales. La situation se débloquerait si les amendements soumis à notre examen étaient retirés au profit d’un travail en vue d’un amendement commun reprenant la rédaction de la commission saisie au fond.

M. Mickaël Bouloux. Il faut vraiment avancer sur ce sujet : arrêtons d’en parler et faisons-le !

Mme Lise Magnier. Nous sommes tous convaincus qu’il faut déconjugaliser l’AAH mais je partage également la crainte que ces amendements ne fassent potentiellement 45 000 perdants. La commission des affaires sociales propose que ces derniers puissent bénéficier d’un droit d’option, le temps que nous trouvions une solution. Il serait sage que la commission des finances n’adopte pas ces amendements et que nous fassions confiance à nos collègues de la commission des affaires sociales.

M. Charles de Courson. Le groupe LIOT se réjouit que les membres de l’ancienne majorité se soient ralliés à la déconjugalisation. Toutefois, les amendements que nous examinons ne sont pas très bien rédigés, contrairement aux amendements soumis à la commission des affaires sociales, qui reprennent la proposition de loi qui avait été rejetée par l’ancienne majorité.

La revalorisation de 4 % prévue à l’article 5 s’appliquera à l’AAH, mais s’appliquera-t-elle également à la prestation de compensation du handicap (PCH) ?

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Ne boudons pas notre plaisir : nous sommes tous d’accord sur l’objectif et sur la nécessité d’agir vite. La seule incertitude porte sur la rédaction, à laquelle nous n’avons pas eu le temps de travailler collectivement. Acceptons de prendre quelques jours de plus pour aboutir à la bonne rédaction de la commission des affaires sociales.

La PCH ne faisant pas partie des minima sociaux revalorisés en fonction de l’inflation, mais étant au contraire une prestation ponctuelle répondant aux besoins des personnes en situation de handicap, elle ne fait pas partie des aides revalorisées par l’article 5 du projet de loi.

La commission rejette successivement l’amendement CF113 et les amendements CF17, CF39 et CF46.

Amendements CF49 de M. Yannick Neuder et CF15 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

M. Dino Cinieri. Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport évaluant la possibilité de supprimer la modulation des allocations familiales selon le revenu, qui avait été décidée au cours du quinquennat de François Hollande. Les familles nombreuses de la classe moyenne ont été très affectées, avec des allocations divisées par deux, voire quatre.

Le coût budgétaire de la suppression de la modulation est estimé à 830 millions d’euros et il est soutenable pour la branche famille, qui devrait être excédentaire de plus de 1,7 milliard d’euros en 2022. Comme toutes les dépenses en faveur de la famille, il convient de la considérer avant tout comme un investissement pour l’avenir.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La modulation ou non des allocations familiales est un choix éminemment politique. Un rapport gouvernemental n’apporterait pas de solution puisque c’est une question d’arbitrage. De plus, cette demande de rapport ne serait sans doute pas à sa place dans ce texte qui vise à améliorer le pouvoir d’achat de façon urgente. Avis défavorable.

M. Fabien Di Filippo. C’est une proposition que nous faisons depuis des années afin de remédier à l’affaissement constant de la démographie française. Élever des enfants coûte de plus en plus cher, pour les plus pauvres mais aussi pour les classes moyennes, celles qui travaillent, payent toujours tout et ne reçoivent jamais rien.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. L’Assemblée comporte d’excellents services qui peuvent faire le rapport. De plus, le présent texte n’a pas pour objet d’étudier la question de l’universalité des allocations familiales. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements CF49 et CF15.

Amendements identiques CF16 de M. Dino Cinieri, CF40 de Mme Émilie Bonnivard et CF47 de M. Yannick Neuder.

M. Dino Cinieri. Il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement un rapport sur les modalités et le calendrier de mise en œuvre de la déconjugalisation de l’AAH, dans un délai de trois mois après la publication de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. Le mode de calcul de cette allocation maintient les personnes handicapées dans une dépendance financière vis-à-vis de leur conjoint. Une telle situation est injuste et en totale contradiction avec l’esprit de la loi du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. La mesure sera prise dans les prochains jours et donnera lieu à des analyses, dans trois, six ou douze mois. Alors que l’on veut produire des lois simples, il ne semble pas opportun d’inscrire dans la loi l’obligation d’un nouveau rapport . Avis défavorable.

La commission rejette les amendements CF16, CF40 et CF47.

TITRE III : SOUVERAINETÉ ÉNERGÉTIQUE

Chapitre II : Dispositions relatives à la sécurité d’approvisionnement en électricité

Article 15 : Reprise temporaire des centrales à charbon

Amendement de suppression CF80 de Mme Clémence Guetté.

Mme Alma Dufour. La réouverture annoncée, faute d’anticipation et de planification en matière de transition énergétique, de la centrale à charbon de Saint‑Avold et de l’augmentation de la production de celle de Cordemais est le symbole de l’échec de la politique énergétique de la France. Le charbon est un péril écologique : avant la fermeture de deux d’entre elles, les quatre dernières centrales à charbon représentaient 30 % des émissions de gaz à effet de serre du secteur électrique, pour seulement 1,2 % de la consommation nationale.

Le risque de pénurie d’énergie pour l’hiver est réel, mais, comme pour le terminal méthanier d’importation de gaz de schiste, l’urgence de la situation énergétique et du pouvoir d’achat ne justifie pas les décisions climaticides du Gouvernement. C’est bien sa responsabilité qui est en jeu dans le développement insuffisant des énergies renouvelables et dans le manque de sobriété énergétique.

Plutôt que de rouvrir la centrale à charbon de Saint-Avold, le Gouvernement devrait présenter un plan ambitieux d’économies d’énergie à déployer dans les entreprises et les ménages grâce à un investissement massif. Voilà ce que l’on attend d’un gouvernement responsable.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Ce n’est pas de gaîté de cœur que le Gouvernement propose de rouvrir une centrale à charbon. En outre, cette mesure n’en exclut pas d’autres, y compris d’économies d’énergie – limiter le chauffage ou la climatisation dans les bâtiments publics, par exemple.

Nous maintenons l’objectif fixé par le Président de la République d’être la première nation à sortir des énergies fossiles en 2050 : une trajectoire sera présentée. La décision de réouverture vise à anticiper une pénurie l’hiver prochain, compte tenu de l’arrêt de certains réacteurs nucléaires pour maintenance, qui aurait des conséquences très fortes pour les Français.

Je suis donc défavorable à cet amendement.

Mme Alma Dufour. Selon France énergie éolienne, 3 gigawattheures d’énergie éolienne et 4 gigawattheures d’énergie solaire attendent d’être raccordés au réseau électrique. Non, le Gouvernement n’a pas tout fait pour éviter la pénurie, au travers tant d’économies d’énergie que du déploiement des énergies renouvelables. Nous restons opposés à la réouverture, même temporaire, de la centrale de Saint-Avold.

M. Fabien Di Filippo. Emmanuel Macron et sa majorité ont soutenu pendant quatre ans la politique de Nicolas Hulot, consistant à fermer une douzaine de centrales nucléaires, dont celle de Fessenheim. Cette stratégie irréaliste et mortifère pour le pays a provoqué des pertes de compétences et la fin d’investissements, qui expliquent l’arrêt de certains réacteurs.

Le seul choix pour éviter la pénurie est de réactiver cette centrale à charbon. Si on ne le fait pas, on devra acheter, en Allemagne, de l’électricité produite dans des centrales à charbon encore plus polluantes.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Nous n’avons pas fermé douze centrales nucléaires, et c’est la majorité précédant celle de M. Macron qui a décidé de fermer la centrale de Fessenheim. Par ailleurs, un programme ambitieux pour le nucléaire a été annoncé il y a un an.

La commission rejette l’amendement CF80.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 15 non modifié.

Article 16 : Compensation carbone en cas de reprise des centrales à charbon

Amendement de suppression CF94 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Marianne Maximi. Nonobstant l’augmentation des exigences liées à la compensation des émissions, nous nous opposons à la relance de ces centrales, qui émettent davantage de gaz à effet de serre, en contradiction avec l’urgence climatique dans laquelle nous nous trouvons.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à cet amendement. L’article 16 vise précisément à compenser les effets climatiques de la réouverture temporaire de la centrale de Saint-Avold. Nous sommes favorables à l’application à celle-ci de mécanismes de compensation des émissions de gaz à effet de serre.

Mme Alma Dufour. De nombreux scientifiques, bureaux d’études et ONG s’accordent sur le fait que les mécanismes de compensation carbone ne fonctionnent pas pour réduire les émissions de gaz à effet de serre : ils arrivent trop tard après l’augmentation des émissions et ne sont pas définis précisément. On ne peut pas se cacher derrière la compensation pour justifier des décisions climaticides.

La commission rejette l’amendement CF94.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 16 non modifié.

Chapitre III : Dispositions relatives à l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique

Article 17 : Transfert des droits ARENH au fournisseur de secours

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 17 non modifié.

Article 18 : Suppression du guichet ARENH de mi-année

Amendement de suppression CF95 de Mme Sophia Chikirou.

M. David Guiraud. L’article 18 prévoit que la CRE fixe par voie réglementaire le volume d’électricité cédé à chaque fournisseur au titre de l’ARENH, en supprimant la mention de la périodicité de cette fixation. Le Gouvernement prétend appliquer ainsi une des recommandations de la CRE, issue de son évaluation du dispositif de l’ARENH entre 2011 et 2017. Certaines mentions de ce même rapport nous en font douter.

La CRE aurait ainsi une plus grande marge de manœuvre pour augmenter la quantité d’électricité produite par EDF qu’elle brade à ses concurrents. Nous nous opposons à ce qu’EDF doive vendre peu cher son électricité, produite par un outil payé par les contribuables français, à des concurrents qui n’en produisent pas et la revendent ensuite à prix d’or.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. L’article 18 vise précisément à plus de régulation, en ôtant la possibilité aux fournisseurs d’électricité privés d’arbitrer les volumes en cours d’année. La CRE, dont l’indépendance n’est pas remise en question, s’assure que les volumes d’électricité sont distribués aux bonnes personnes et aux bons endroits.

Quant au volume d’électricité cédé à chaque fournisseur au titre de l’ARENH, il n’augmente pas puisqu’il est fixé.

M. David Guiraud. C’est la quantité d’électricité qu’EDF devra brader à ses concurrents que nous contestons.

La commission rejette l’amendement CF95.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 18 non modifié.

Article 19 : Validation du rehaussement du volume de l’ARENH cédé (décret n° 2022-342 du 11 mars 2022)

Amendement de suppression CF84 de Mme Clémence Guetté.

Mme Marianne Maximi. Cet amendement vise à supprimer l’article 19, qui valide le décret du 11 mars 2022 obligeant EDF à vendre davantage d’énergie à bas prix à ses concurrents en 2022. Il affaiblit donc l’entreprise, qui a déjà vendu sa production pour 2022.

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Sans l’article 19, EDF serait surtout affaiblie par les litiges qui pourraient être engagés. L’article avalise aussi le bouclier énergétique, afin que tous les fournisseurs d’énergie distribuent de l’énergie à un coût plus bas, sans l’augmentation qui aurait pu intervenir. Je suis donc défavorable à cet amendement.

M. Charles de Courson. Personnellement, j’ai toujours voté contre toutes les dispositions législatives par lesquelles il s’agissait de contourner des décisions de justice. Or l’article 19 valide le décret du 11 mars 2022 « sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée ». Une demande de référé suspension n’a pas abouti ; la requête doit être examinée au fond – l’affaire porte sur 4,2 milliards. Laissons faire la justice !

Du point de vue de l’ordre juridique et du respect de la justice, porter au niveau législatif un décret paraît monstrueux, d’autant que celui-ci ne porte que sur les consultations. Il semblerait en outre, que si le décret était annulé au fond pour des motifs autres que de forme, l’article 19, sous réserve de l’interprétation que pourrait en donner la justice, n’aurait pas de conséquences pratiques. Pourriez-vous nous préciser cela, monsieur le rapporteur ?

M. Louis Margueritte, rapporteur pour avis. Dans son avis sur le projet de loi, le Conseil d’État indique que « l’atteinte portée par la mesure de validation à la garantie des droits est justifiée par un motif impérieux d’intérêt général ». Nous gravons donc cette validation dans le marbre de la loi.

La commission rejette l’amendement CF84.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 19 non modifié.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, modifiées.


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   Annexes

Annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure de la commission des affaires sociales

– Confédération française démocratique du travail (CFDT) – M. Luc Mathieu, secrétaire national, Mme Mylène Jacquot, secrétaire générale de l’UFFA CFDT, et M. Paul Busi, secrétaire confédéral

– Force ouvrière (FO) – M. Frédéric Souillot, secrétaire général, et M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites

– Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – Mmes Raphaëlle Bertholon, secrétaire nationale, et Anaïs Filsoofi, chargée d’études Économie et fiscalité

– Confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC) – M. Cyril Chabanier, président

– Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) – M. François Asselin, président, et M. Adrien Dufour, chargé de mission pour les affaires publiques et l’organisation

– Direction générale du travail (DGT) du ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion – Mme Aurore Vitou, adjointe de la sous-directrice des relations individuelles et collectives du travail

– Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI) – M. Grégoire Leclercq, président de la commission de la communication et qualité de service, M. Éric Le Bont, directeur, et M. Olivier Maillebuau, secrétaire général

– Direction de la sécurité sociale (DSS)M. Franck Von Lennep, directeur

Par ailleurs, la rapporteure a reçu une contribution écrite de la Confédération générale du travail (CGT).

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


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Annexe n° 2 :
Liste des personnes auditionnées par les rapporteures de la commission des affaires économiques

Liste des personnes auditionnées par Mme Sandra Marsaud

 France Assureurs (*) – M. Franck Le Vallois, directeur général, M. François Rosier, directeur juridique, et Mme Viviana Mitrache-Rimbaud, responsable du département affaires parlementaires

 La Mutualité française (*) – M. Jean-Philipe Diguet, directeur de l’assurance, et Mme Meriem Bouchefra, responsable des affaires publiques

 UFC-Que Choisir (*) – M. Matthieu Robin, responsable adjoint des études La Mutualité française, et M. Damien Barbosa, chargé de mission relations institutionnelles

 Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) (*) – M. Olivier Gayraud, juriste

 Consommation Logement Cadre de vie (CLCV) (*)  M. David Rodrigues, responsable juridique

 Confédération nationale du logement (CNL) (*)  M. Eddie Jacquemart, président, et Mme Jocelyne Herbinski, secrétaire confédérale

 Association Force ouvrières consommateurs (AFOC) (*) – M. Alain Misse, juriste, et M. David Rousset, secrétaire général

 Union nationale des propriétaires immobiliers (UNPI) (*)  M. Pierre Hautus, directeur général

 Fédération nationale des offices publics de l’habitat (FOPH) (*)  M. Laurent Goyard, directeur général, et M. Jean-Christophe Margelidon, directeur général adjoint

 Fédération nationale de l’immobilier (FNAIM) (*)  M. Jean-Marc Torollion, président

 Union des syndicats de l’immobilier (UNIS) (*)  M. Denis Géniteau, président-adjoint, en charge de la gestion locative, et M. Géraud Delvolvé, délégué général

 Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)  M. Pierre Chambu, administrateur général de l’État, chef du service de la protection des consommateurs et de la régulation des marchés

 Direction générale du Trésor  M. Quentin Guerineau, chef du bureau Assur 2, et M. Jérémy Hadjadj, adjoint au chef du bureau

Liste des personnes auditionnées par Mme Maud Bregeon

 Électricité de France (EDF) (*) – M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques, M. Patrice Bruel, directeur des régulations, et Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

 Commission de régulation de l’énergie (CRE)  M. Dominique Jamme, directeur général, M. Nicolas Deloge, directeur des réseaux, M. Aodren Munoz, chargé des relations institutionnelles, et Mme Olivia Fritzinger, directrice communication et relations institutionnelles

 GRT Gaz (*)  M. Thierry Trouvé, directeur général, Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles, et M. Philippe Madiec, directeur de la stratégie et de la régulation

 GRDF (*)  Mme Laurence Poirier-Dietz, directrice générale, M. Thierry Foix, directeur relations clientèle, et M. Jean-François Blain-Béligon, chef de projet Stratégie et relations parlementaires, direction Stratégie

 Téréga (*)  Mme Marie-Claire Aoun, directrice de la prospective et des relations institutionnelles, Mme Agnès Butterlin, directrice finance, achats et RSE, M. Olivier Béatrix, secrétaire général, et Mme Mathilde Woringer, responsable du pôle des relations institutionnelles nationales et européennes

 Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN) (*)  M. Nicolas de Warren, président, Mme Sophia Elasri, présidente de la commission pétrole et gaz, M. Gildas Barreyre, président de la commission électricité, et M. Fabrice Alexandre, président de Communication et Institutions

 Comité de liaison des entreprises consommatrices d’électricité (CLEEE) (*)  M. Frank Roubanovitch, président

 Ministère de la transition énergétique et ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires – Mme Sophie Mourlon, directrice de l’énergie

 Association française du gaz (AFG) (*)  M. Thierry Chapuis, délégué général, M. Max-Erwann Gastineau, responsable affaires publiques, et M. Sébastien Lacombe, Storengy

 Association française indépendante de l’électricité et du gaz (AFIEG) (*)  M. Géry Lecerf, président

 Union française de l’électricité (UFE) (*)  M. Rudy Cluzel, responsable des relations institutionnelles France

 Association nationale des opérateurs détaillants en énergie (ANODE) (*)  Mme Naima Idir, directrice des affaires réglementaires et du business development

Par ailleurs, Mme Maud Bregeon a reçu une contribution écrite de Réseau de transport d’électricité (RTE) (*).

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.


—  1  —

Annexe n° 3 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen dU Projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat

Projet de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

2

Code de la sécurité sociale

L. 613-7, L. 621-1 à L. 621-3, L. 622-2 et L. 662-1

2

Code rural et de la pêche maritime

L. 731-35

3

Code du travail

L. 3312-2, L. 3312-5, L. 3312-6, L. 3313-3 et L. 3345-2

4

Code du travail

L. 2241-10 et L. 2261-32

7

Code de la consommation

L. 221-14, L 242-2 et L. 242‑10

8

Code des assurances

L. 113-14

8

Code de la mutualité

L. 221-10-3

8

Code de la sécurité sociale

L. 932-21-3

9

Code de la consommation

L. 132-2-1, L. 132-2-2, L. 132-11-1 et L. 132-11-2 [nouveaux]

9

Code de la consommation

L. 454-1

9 bis

Code monétaire et financier

L. 133-18

10

Code de l’énergie

L. 421-6

10

Code de l’énergie

L. 421-7-2 [nouveau]

11

Code de l’énergie

L. 431-6-2

12

Code de l’énergie

L. 143-6-1 [nouveau]

15

Ordonnance n° 2020-921 du 29 juillet 2020

21 bis [nouveau]

17

Code de l’énergie

L. 333-3

18

Code de l’énergie

L. 336-3

20

Code des transports

L. 3222-1 et L. 3222-2

 


([1]) Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales (MUES).

([2]) Loi de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([3]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([4]) Cotisations (parts employeur et salariés) de sécurité sociale y compris, le cas échéant la cotisation complémentaire au régime local d’Alsace-Moselle ; cotisations (parts employeur et salariés) aux régimes de retraite complémentaire, y compris l’Association pour la gestion du fonds de financement (AGFF) et l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) ; cotisations (employeur et salariés) aux régimes d’assurance chômage y compris Assurance garantie des salaires (AGS).

([5]) Contribution solidarité autonomie ; contribution de versement transport ; contribution au dialogue social ; contributions dues au Fonds national d’aide au logement (FNAL) ; contribution sociale généralisée (CSG) et contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

([6]) Taxe sur les salaires ; taxe d’apprentissage et contribution supplémentaire à l’apprentissage, contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance ; participation des employeurs au développement de la formation professionnelle continue ; contribution dédiée au financement du compte personnel de formation ; contribution patronale au titre de la formation professionnelle en alternance ; participations des employeurs (agricoles et non agricoles) à l’effort de construction ; le cas échéant, contributions résultant d’accords conventionnels de branche.

([7]) L’exonération était applicable aux primes versées entre le 11 décembre 2018 et le 31 mars 2019 aux salariés présents le 31 décembre 2018 dans l’entreprise ou à la date du versement de la prime si elle était antérieure au 31 décembre 2018.

([8]) Le montant de la prime ne pouvait être modulé entre les bénéficiaires qu’en fonction de trois critères : le niveau de rémunération, la durée de présence effective au sein de l’entreprise en 2018 et la durée du travail prévue par le contrat de travail.

([9]) Étienne Frel-Cazenave, Fabien Guggemos, « Prime exceptionnelle de pouvoir d’achat en 2019 : entre hausse des salaires et aubaine pour les entreprises », Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2020 - Insee Références, 2 juillet 2020.

([10]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([11]) Au sens de l’article L. 1251-1 du code du travail.

([12]) Ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.

([13]) Article 3 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

([14]) Loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([15]) Christine Ehrel et Sophie Moreau-Follenfant, Rapport de la mission d’accompagnement des partenaires sociaux dans la démarche de la reconnaissance des travailleurs de la deuxième ligne, 19 décembre 2021 https://www.vie-publique.fr/sites/default/files/rapport/pdf/283080.pdf.

([16]) URSSAF Caisse nationale, « Stat’ur bilan » décembre 2021, n° 334 https://www.URSSAF.org/files/Publications/Stat_ur/Stat_Ur_334.pdf

([17]) Ordonnance n° 2020-385 du 1er avril 2020 modifiant la date limite et les conditions de versement de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat.

([18]) Assemblée nationale, rapport fait au nom de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur le projet de loi de finances rectificative pour 2021 (n° 4215), par M. Laurent Saint‑Martin, rapporteur général, 8 juin 2021.

([19]) Article 235 bis du code général des impôts.

([20]) Article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.

([21]) I de l’article 16 de la LFSS 2020.

([22]) 1° de l’article L. 1251-1 du code du travail.

([23]) Conseil d’État, avis public n° 396509 du 18 décembre 2018.

([24]) La classification professionnelle d’un salarié permet de définir le niveau du salarié dans l’entreprise en fonction de ses compétences et de son ancienneté dans l’emploi proposé, ainsi que des tâches demandées.

([25]) Reprenant ainsi un amendement adopté par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale à l’initiative du rapporteur général lors de l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence économiques et sociales.

([26]) Définis à l’article L. 242-1 du code de la sécurité sociale.

([27]) Conseil constitutionnel, décision n° 2007-555 DC du 16 août 2007.

([28]) Article L. 3312-5 du code du travail.

([29]) « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

([30]) Articles L. 3322-1 à L. 3322-5 du code du travail.

([31]) Sur ce point, il est possible de référer au commentaire de l’article 3 du présent projet de loi.

([32]) Articles 200 et 238 bis du code général des impôts.

([33]) Article L. 344-2 du code de l’action sociale et des familles.

([34]) Article L. 136-1 du code de la sécurité sociale (CSG) et article 14 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale (CRDS).

([35]) Article 1417 du code général des impôts.

([36]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4470794?sommaire=4470890#titre-bloc-29

([37])  Haut Conseil pour le financement de la protection sociale, « Rapport sur la protection sociale des travailleurs indépendants », septembre 2020.

https://www.securite-sociale.fr/files/live/sites/SSFR/files/medias/HCFIPS/2020/HCFiPS%20-%20Rapport%20TI%202020%20-%20Tome%20I.pdf

([38]) Depuis le 1er janvier 2016, il n’existe plus de différence entre les régimes de l’autoentrepreneur et du micro-entrepreneur. Ils sont tous deux désignés juridiquement sous l’appellation « micro-entrepreneur », même si l’appellation « autoentrepreneur » demeure employée.

([39]) Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, « Les travailleurs indépendants et leur protection sociale en chiffres », édition 2021/données 2020.

([40]) Les PAMC dépendent de leur régime propre pour ce qui concerne l’assurance maladie à la double condition d’exercer cette activité professionnelle depuis au moins un mois et dans le cadre d’une convention.

([41]) Les artistes-auteurs dépendent de la « sécurité sociale des artistes-auteurs », rattachée en pratique au régime général.

([42]) Les marins-pêcheurs dépendent d’un établissement public administratif dédié pour ce qui concerne leur sécurité sociale, l’Établissement national des invalides de la marine (ENIM).

([43]) HCFiPS, 2020, op. cit.

([44]) HCFiPS, 2020, op. cit.

([45]) https://www.URSSAF.org/home/observatoire-economique/publications/acoss-stat/2021/acoss-stat-n321.html#:~:text=Fin%20juin%202020%2C%20le%20r%C3%A9seau,%25%20un%20an%20plus%20t%C3%B4t).

([46]https://www.insee.fr/fr/statistiques/6041208#:~:text=Essor%20des%20cr%C3%A9ations%20de%20soci%C3%A9t%C3%A9s%20et%20de%20micro%2Dentrepreneurs%20en%202021,-Eric%20Hofstetter%20(Insee&text=En%202021%2C%20le%20nombre%20de,le%20premier%20confinement%20en%202020.

([47]) Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, op.cit.

([48]) https://www.insee.fr/fr/statistiques/4246305

([49]) HCFiPS, op. cit., 2020 (page 48).

([50]) https://www.URSSAF.org/home/observatoire-economique/publications/acoss-stat/2021/acoss-stat-n321.html#:~:text=Fin%20juin%202020%2C%20le%20r%C3%A9seau,%25%20un%20an%20plus%20t%C3%B4t).

([51]) Cour des comptes, « Certification des comptes du Régime général de la sécurité sociale », exercice 2016, mai 2017.

([52]) Artisans, commerçants et professions libérales à l’exclusion des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC).

([53]) Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants, op. cit.

([54]) Hors dispositifs dérogatoires mis en place pour faire face à la crise sanitaire.

([55]) HCFiPS, op. cit., 2020 (pages 69 et suivantes).

([56]) Article L. 311-3 du code de la sécurité sociale.

([57]) De faibles différences existent, comme précisé par l’article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

([58]) Il faut également ajouter la possibilité de choisir un versement libératoire au titre de l’impôt sur le revenu sur cette même assiette.

([59]) 71 % pour les activités de ventes et de services ; 50 % pour les activités artisanales ; 34 % pour les autres indépendants (profession libérale non règlementée).

([60]) Le taux de la cotisation d’allocations familiales est fixé à 5,25 %. Ce taux est réduit de 1,8 point pour les salariés dont l’employeur entre dans le champ d’application de la réduction générale et dont les rémunérations ou gains n’excèdent pas 3,5 fois le Smic annuel.

([61]) Cette cotisation n’existe pas pour les salariés, car ce risque est couvert par l’assurance maladie.

([62]) Il faut souligner que, contrairement aux artisans-commerçants, les professions libérales s’acquittent d’une cotisation d’indemnités journalières, qui n’est pas comprise dans la cotisation d’assurance maladie.

([63]) Ils ne bénéficient donc pas de l’abattement forfaitaire relatif aux frais professionnels.

([64]) Décret n° 2017-1894 du 30 décembre 2017 relatif aux modalités de calcul et aux dispositifs d’exonération des cotisations de sécurité sociale des travailleurs indépendants.

([65]) Loi n° 2003-660 du 21 juillet 2003 de programme pour l’outre-mer ; décret n° 2009-1571 du 16 décembre 2009 ; ordonnance n° 2012-789 du 31 mai 2012 portant extension et adaptation de certaines dispositions du code rural et de la pêche maritime et d’autres dispositions législatives à Mayotte.

([66]) Un dispositif proche existe pour les travailleurs indépendants établis à Mayotte. Cf. décret n° 2019-632 du 24 juin 2019 modifiant le décret n° 2011-2085 du 30 décembre 2011 relatif à l’exonération générale sur les bas salaires et au taux des cotisations et de la contribution sociales applicables à Mayotte et le décret n° 2020-158 du 24 février 2020 relatif aux modalités d’application à Mayotte du dispositif prévu à l’article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

([67]) En cas de revenu ne dépassant pas 390 euros.

([68]) 4,3 % pour les activités vente des commerçants et 7,4 %, pour les prestataires de service commerçants et artisans et pour les personnes exerçant une activité libérale relevant de la CIPAV.

([69]) Les données issues de l’annexe 5 au PLFSS pour 2022 ne couvrent pas les années 2019 et 2020 en ce qui concerne le nombre de personnes concernées par ce dispositif.

([70]) Cotisations d’assurance maladie pour la part relative aux indemnités journalières, d’assurance vieillesse de base, d’invalidité-décès et, le cas échéant, de retraite complémentaire dues par les travailleurs indépendants.

([71]) HCFiPS, op. cit., 2020 (page 79).

([72]) Contribution aux unions régionales des professionnels de santé.

([73]) Le HCFiPS procède en comparant des revenus nets disponibles avant impôts identiques entre les différentes catégories d’assurés, « car c’est ce qui se rapproche le plus et de l’assiette des cotisations des indépendants "classiques", et du salaire net des salariés, de calculer le niveau des prélèvements effectifs dus par les assurés [...] et de rapporter ces prélèvements au revenu "super brut", notion proche du coût du travail » (HCFiPS, op. cit., 2020, page 80).

([74]) Les professionnels libéraux, mentionnés à l’article L. 640‑1 du code de la sécurité sociale, relèvent, à l’exception des avocats, d’une section professionnelle de la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL). Ces sections professionnelles, qui sont au nombre de dix, constituent autant de caisses en charge de la gestion de la retraite complémentaire et l’assurance invalidité décès des professions libérales. La caisse des avocats (CBF) est indépendante de la CNAVPL. Les dix sections professionnelles et la CBF disposent chacune de leurs propres paramètres de gestion (assiette, taux de cotisation...) pour la retraite complémentaire et l’invalidité-décès.

([75]) Article L. 324-3 du code du tourisme.

([76]) Mentionnée au 4° de l’article L. 110-1 du code de commerce.

([77]) Article L. 131-6 du code de la sécurité sociale.

([78]) Article L. 131-6-1 du code de la sécurité sociale.

([79]) Article L. 131-6-1-1 du code de la sécurité sociale.

([80]) Article L. 131-6-2 du code de la sécurité sociale.

([81]) Article L. 613-7 du code de la sécurité sociale.

([82]) Leurs ayants droit y sont également rattachés dès lors que ceux-ci ne relèvent pas, à titre personnel, d’un autre régime.

([83]) Sur le montant pour la fraction de revenus inférieur à un seuil fixé par décret.

([84]) Conseil constitutionnel, décision n° 2014-698 DC, 6 août 2014.

([85]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-756 DC, 21 décembre 2017.

([86]) Celui-ci visait les professions libérales et les avocats, qui sont désormais visés dans le nouvel article L. 621‑1 tel que proposé par le 2° du I.

([87]) Le SMIC 2022 équivaut à environ 38 % du PASS.

([88]) Cela correspond à un niveau proche de 1,6 SMIC, c’est‑à‑dire le seuil de sortie de la réduction générale de cotisations patronales.

([89]) Conseil constitutionnel, décision n° 2017-756 DC du 21 décembre 2017.

([90]) Maintenue à 0,30 % pour les professions libérales et à un niveau forfaitaire pour les travailleurs non salariés agricoles.

([91]) Seules les entreprises mentionnées par le 1° de l’article 50-0 du code général des impôts seraient concernées, c’est‑à‑dire « les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes, ajusté s’il y a lieu au prorata du temps d’exploitation au cours de l’année de référence, n’excède pas, l’année civile précédente ou la pénultième année 176 200 euros s’il s’agit d’entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures et denrées à emporter ou à consommer sur place ou de fournir le logement, à l’exclusion de la location directe ou indirecte de locaux d’habitation meublés ou destinés à être loués meublés, autres que ceux mentionnés aux 2° et 3° du III de l’article 1407 ».

([92]) C’est‑à‑dire « les entreprises dont le chiffre d’affaires hors taxes, ajusté s’il y a lieu au prorata du temps d’exploitation au cours de l’année de référence, n’excède pas, l’année civile précédente ou la pénultième année ».

([93]) La référence est ici faite à l’article 102 ter du code général des impôts, afin de désigner les personnes « qui perçoivent des revenus non commerciaux dont le montant hors taxes de l’année civile précédente ou de la pénultième année, ajusté s’il y a lieu au prorata du temps d’activité au cours de l’année de référence, n’excède pas 72 600 euros est égal au montant brut des recettes annuelles diminué d’un abattement forfaitaire de 34 % ».

([94]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([95]) Le comité social et économique (CSE), qui doit être mis en place dès lors que l’entreprise compte au moins 11 salariés, est l’instance de représentation du personnel dans l’entreprise.

([96]) Lorsqu’il existe dans l’entreprise une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ou un comité social et économique, la ratification est demandée conjointement par l’employeur et une ou plusieurs de ces organisations ou ce comité.

([97]) Il s’agit de l’employeur et des salariés ou de leurs représentants.

([98]) L’accord de branche doit être agréé par le ministère du travail.

([99]) Loi n° 2020-734 du 17 juin 2020 relative à diverses dispositions liées à la crise sanitaire, à d’autres mesures urgentes ainsi qu’au retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne.

([100]) Articles L. 3313-3 et D. 3313-1 du code du travail.

([101]) Le contrôle est opéré par les directions départementales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS).

([102]) Articles L. 3345-2 et D. 3345-5 du code du travail.

([103]) Articles L. 3345-2 et D. 3345-5 du code du travail.

([104]) Article L. 3312-8 du code du travail.

([105]) Article L. 3345-4 du code du travail.

([106]) L’article L. 3342-1 du code du travail précise notamment que, « [p]our la détermination de l’ancienneté éventuellement requise, sont pris en compte tous les contrats de travail exécutés au cours de la période de calcul et des douze mois qui la précèdent ».

([107]) Article L. 3312-3 du code du travail.

([108]) Il s’agit de celles définies aux articles L. 131-6 et L. 242-1 du code de la sécurité sociale et aux articles L. 731‑14, L. 731-15 et L. 741-10 du code rural et de la pêche maritime

([109]) Ainsi, par exemple, de la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL), du versement mobilité ou des cotisations d’assurance chômage.

([110]) Article L. 137-15 du code de la sécurité sociale.

([111]) Article L. 137-16 du code de la sécurité sociale.

([112]) Article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale.

([113]) Article 231 du code général des impôts.

([114]) Article L. 3315-1 du code du travail.

([115]) Article L. 3315-2 du code du travail.

([116]) Étude d’impact du projet de loi, p. 6.

([117]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques.

([118]) Loi n° 2018-1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019.

([119]) Loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales.

([120]) Loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020.

([121]) Cette disposition a fait l’objet d’aménagements par la suite (voir le commentaire de l’article 1er).

([122]) DARES, Participation, intéressement et épargne salariale en 2020, n° 19, avril 2022, p. 1.

([123]) Idem.

([124]) Ibidem, p. 2.

([125]) Étude d’impact du projet de loi, p. 57.

([126]) Avis n° 405548 sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, 30 juin et 4 juillet 2022, point 22, p. 9.

([127]) Étude d’impact du projet de loi, p. 59.

([128]) À ce jour, ce régime peut être mis en place à la condition qu’aucun accord d’intéressement ne soit applicable ni n’ait été conclu dans l’entreprise (de moins de 11 salariés) depuis au moins cinq ans avant la date d’effet de la décision de l’employeur.

([129]) « Tout travailleur participe, par l’intermédiaire de ses délégués, à la détermination collective des conditions de travail ainsi qu’à la gestion des entreprises. »

([130]) Conseil d’État, avis précité sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, point 22, p. 9.

([131]) Voir notamment l’article D. 3313-1 et les articles D. 3345-1 à D. 3345-4 du code du travail.

([132]) Étude d’impact du projet de loi, p. 61.

([133]) Idem.

([134]) Articles L. 2253-1 et L. 2253-2 du code du travail.

([135]) Ordonnance n° 2017-1385 du 22 septembre 2017 relative au renforcement de la négociation collective.

([136]) https://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/negociation-collective/article/la-restructuration-des-branches-professionnelles

([137]) Loi n° 2014-288 du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, à l’emploi et à la démocratie sociale.

([138]) Loi n° 2015-994 du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi.

([139]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([140]) La loi du 8 août 2016 prévoyait une mise en œuvre du dispositif pour une branche « caractérisée par la faiblesse des effectifs salariés ». L’article 12 de l’ordonnance n° 2017‑1385 du 22 septembre 2017 précitée a retenu le seuil de 5 000 salariés.

([141]) Ce sixième critère a été ajouté par l’article 34 de la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([142]) https://travail-emploi.gouv.fr/dialogue-social/negociation-collective/article/la-restructuration-des-branches-professionnelles

([143]) L’article L. 3231‑2 du code du travail assure un salaire minimum de croissance aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles afin de « garantir leur pouvoir d’achat » et de « participer au développement économique de la nation ». Le montant du SMIC est fixé par voie réglementaire et revalorisé au moins une fois par an, au 1er janvier, en application de l’article L. 3231‑6. Il peut l’être à nouveau en cours d’année au regard de l’inflation ou par décision du Gouvernement.

([144]) Entre le 1er janvier 2017 et le 1er janvier 2021, le SMIC horaire brut est passé de 9,76 € à 10,48 €, soit un accroissement de 4 % en 4 ans, contre 3,1 % d’augmentation au cours de la seule année 2021 et 3,5 % entre le 1er janvier et le 1er mai 2022.

([145]) Rapport du groupe d’experts sur l’évolution du SMIC, 26 novembre 2021, p. 31.

([146]) Étude d’impact du projet de loi, p. 64.

([147]) Selon l’étude d’impact du projet de loi, les prix à la consommation se sont accrus de 5,2 % sur un an en mai 2022, soit le plus haut niveau de l’inflation depuis novembre 1985.

([148]) Alexandre Durain, « Comment en finir avec les ‘smicards à vie », 2022 la grande conversation, Terra Nova.

([149]) https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/comite-de-suivi-de-la-negociation-salariale-de-branches

([150]) Mme Élisabeth Borne, déclaration prononcée devant l’Assemblée nationale lors de la séance du mercredi 6 juillet 2022 en application de l’article 50-1 de la Constitution.

([151]) Chiffres INSEE.

([152]) Minima sociaux et prestations sociales, édition 2021, panoramas de la DREES.

([153]) Données DREES, 2018. Les ménages sont qualifiés de modestes lorsqu’ils appartiennent aux 40 % des personnes dont le niveau de vie est le plus bas. Les ménages pauvres au sens monétaire sont ceux dont le niveau de vie est inférieur à 60 % du niveau de vie médian soit, pour l’année 2018, inférieur à 1 063 euros par mois.

([154]) Enquête Budget de famille 2017, INSEE.

([155]) La liste complète des prestations concernées est détaillée dans l’étude d’impact annexée au présent projet de loi.

([156]) Article L. 161-23-1 du code de la sécurité sociale. Les régimes alignés sur le régime général sont le régime des salariés agricoles et la sécurité sociale des indépendants (professions artisanales, industrielles et commerciales).

([157]) Article L. 356-2 du code de la sécurité sociale.

([158]) Articles L. 342‑4 et L. 342‑6 dudit code.

([159]) Articles L. 815-4 et L. 816-2 du même code.

([160]) Article 3 de la loi n° 2005-5 du 5 janvier 2005 relative à la situation des maîtres des établissements d’enseignement privés sous contrat et aux bourses nationales d’enseignement du second degré.

([161]) Ce ratio est défini comme le rapport entre la somme de la réserve de financement du régime, de la valeur actualisée des ressources diverses qui lui sont affectées et de la valeur actuelle probable des cotisations qui lui seront versées (c’est‑à‑dire ses ressources) d’une part, et la valeur actuelle probable des prestations qui seront versées aux bénéficiaires du régime (ses charges) d’autre part (article 19 du décret n° 2005-1233 du 30 septembre 2005).

([162]) Article L. 341-5 du code de la sécurité sociale.

([163]) Articles L. 434-1 et L. 434-15 du même code.

([164]) Article L. 434-2 du même code.

([165]) Article L. 341-5 du même code.

([166]) Article L. 551‑1 du même code.

([167]) À l’exception du complément de sixième catégorie dont le calcul ne se fonde pas sur la base mensuelle des allocations familiales.

([168]) Article L. 842-3 du code de la sécurité sociale.

([169]) Article L. 861-1 du même code.

([170]) Article D. 5131-19 du code du travail.

([171]) Décision n° 2000-441 DC du 28 décembre 2000, Loi de finances rectificative pour 2000, cons. 11.

([172]) Le SMIC net agricole correspond au SMIC brut fixé chaque année par décret duquel on déduit les cotisations sociales applicables aux revenus des travailleurs de la production agricole. Il est donc légèrement inférieur au SMIC net de droit commun.

([173]) Il s’agit plus précisément de l’indice mensuel des prix à la consommation hors tabac des 20 % des ménages les plus modestes (article R. 3231-2 du code du travail).

([174]) L’indice des prix à la consommation de mars 2022 (publié en avril) était en hausse de 2,65 % par rapport à l’indice de référence de novembre 2021.

([175]) Article L. 841-1 du code de la construction et de l’habitation.

([176]) Pour des raisons historiques, elle est également versée aux jeunes ménages mariés depuis moins de 5 ans et aux femmes enceintes isolées.

([177]) Cf. PLF pour 2022, mission « Cohésion des territoires », programme 109, projet annuel de performances, page 18.

([178]) C’est ce que l’on a appelé le « bouclage » des APL.

([179]) L’APL n’est plus versée en secteur d’accession depuis 2020, en application de l’article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([180]) Article D. 823-16 du code de la construction et de l’habitation.

([181]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 7. Les montants diffèrent pour la location d’une chambre (article 8).

([182]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 11 et article D. 823-16 précité, alinéa 9, pris en application de l’article 126 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018.

([183]) Article D. 823-17 du code de la construction et de l’habitation.

([184]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 13.

([185]) Ils comprennent aussi les revenus taxés à un taux proportionnel ou soumis à un prélèvement libératoire de l’IR ainsi que les revenus perçus hors de France ou versés par une organisation internationale.

([186]) Pour les autres sommes retenues ou déduites, voir l’article R. 822-4 du même code.

([187]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 6.

([188]) Pour 2021, l’application de cette règle aurait débouché sur une « revalorisation » négative de – 0,2 %, du fait de la crise sanitaire. Il a donc été choisi de geler l’indexation du paramètre pour ne pas affecter négativement les prestations perçues en période de crise.

([189]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 15.

([190]) Arrêté du 27 septembre 2019, article 14.

([191]) Article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 février 2008 pour le pouvoir d’achat.

([192]) Article 17-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, modifié par l’article 6 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (ALUR).

([193]) Ministère de l’économie, des finances et de la relance, avis publié au Journal officiel du 14 juillet 2022.

([194]) L’article 87 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale consacre le droit des organismes d’habitations à loyer modéré et des autres bailleurs sociaux à déroger à une application stricte de l’IRL pour la révision de leurs loyers.

([195]) Ministère de la transition écologique, Rapport du compte du logement 2020, septembre 2021, page 18.

([196]) Article 159 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

([197]) Audition de Monsieur Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, de Mme Agnès Pannier Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, organisée par la commission des Affaires économiques et la commission des affaires sociales le 11 juillet (https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12033680_62cc719135976.commission-des-affaires-economiques-et-commission-des-affaires-sociales--monsieur-olivier-dussopt--11-juillet-2022).

([198]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, pp. 111‑114, juillet 2022.

([199]) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, considérant n° 52.

([200]) Voir également en ce sens le considérant n° 42 de la directive : « Les dispositions relatives au droit de rétractation devraient être sans préjudice des dispositions législatives et réglementaires des États membres qui régissent la résiliation ou le caractère non exécutoire d’un contrat ou la possibilité pour le consommateur de remplir ses obligations contractuelles avant le terme fixé dans le contrat ».

([201]) Cf. notamment le chapitre Ier du titre II du livre II du code de la consommation.

([202]) Les alinéas 3 et 4 de l’article 7 tirent les conséquences de la nouvelle organisation de l’article L. 221-14 du code de la consommation en prévoyant l’insertion d’un I formé des trois alinéas qui le constituent dans sa rédaction actuelle (alinéa 3) et un nouveau II constitué par les alinéas 5 et 6 du présent article.

([203]) Directive 2011/83/UE du parlement européen et du conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, considérant n° 13.

([204]) Audition de Monsieur Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, de Mme Agnès Pannier Runacher, ministre de la transition énergétique, et de Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, sur les mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, organisée par la commission des Affaires économiques et la commission des affaires sociales le 11 juillet (https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12033680_62cc719135976.commission-des-affaires-economiques-et-commission-des-affaires-sociales--monsieur-olivier-dussopt--11-juillet-2022).

([205]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 114, juillet 2022.

([206]) L’article L. 221-2 du code de la consommation fixe le champ d’application des dispositions relatives aux contrats conclus à distance et des contrats hors établissement en énumérant les contrats non soumis à ces règles.

([207]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 112., juillet 2022.

([208]) La loi allemande du 10 août 2021 (« Gesetz für faire Verbraucherverträge ») impose la mise en place d’un « bouton de résiliation » sur les sites internet qui permettent aux consommateurs de conclure des contrats de commerce électronique visant à établir une relation d’obligation permanente de prestation moyennant un prix. Il peut s’agir du site internet d’un professionnel comme de celui d’un tiers. En revanche, l’obligation ne vaut pas pour les contrats dont la résiliation exige des formalités plus contraignantes que la forme écrite (signature électronique qualifiée, acte notarié). N’entrent également pas dans le champ d’application de la loi les contrats et sites internet portant sur des services financiers.

([209]) Décision n°86-223 DC - 29 décembre 1986, Loi de finances rectificative pour 1986, considérant 14 : « Considérant que, dans les domaines de sa compétence, il est du pouvoir du législateur de fixer les conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte ; que s’il lui est loisible de laisser au Gouvernement la faculté de fixer la date à laquelle produira effet l’abrogation d’une loi fixant des obligations imposées aux contribuables, il ne peut, sans par là même méconnaître la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, lui conférer sur ce point un pouvoir qui n’est assorti d’aucune limite ; que, pour ce motif, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 41 de la loi déférée sont contraires à la Constitution ; qu’il ressort des débats qui ont conduit à l’adoption de cet article que les dispositions de son deuxième alinéa sont inséparables de celles de son premier alinéa ».

([210]) Voir en ce sens l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, considérant n° 24 : « Le Conseil d’État observe que l’application de ces mesures aux contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi ne porte pas, eu égard à leur objectif de protection des consommateurs, une atteinte disproportionnée ni à la liberté contractuelle, ni au droit au respect des biens garantis par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. ».

([211]) Loi n° 2005-67 du 28 janvier 2005 tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur.

([212]) Entrent dans le champ d’application de la loi Chatel : les contrats proposés aux personnes physiques disposant d’une clause de reconduction tacite ; les contrats d’assurance habitation ; les contrats d’assurance automobile et pour tout véhicule ; les contrats individuels de complémentaire santé ; les contrats individuels de garantie des accidents de la vie ; les contrats individuels d’assurance obsèques ; les contrats de services télécom. La loi ne régit pas les assurances professionnelles, les contrats d’assurance de groupe, les contrats d’assurance-vie, ainsi que les contrats de prévoyance décès et obsèques.

([213]) Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

([214]) Article L. 113-15-2 du code des assurances.

([215]) Cf. décret n° 2014-1685 du 29 décembre 2014 relatif à la résiliation à tout moment de contrats d’assurance et portant application de l’article L. 113-15-2 du code des assurances. Ce décret insère dans le code des assurances des articles R. 113-11 et R. 113-12 et inclut dans le champ d’application des dispositions autorisant la résiliation infra-annuelle les assurances pour les véhicules terrestres (autres que ferroviaires), les contrats de responsabilité civile pour les véhicules terrestres automoteurs, ainsi que les assurances de dommages aux biens et les contrats de responsabilité civile associée.

([216]) Loi n° 2022-270 du 28 février 2022 pour un accès plus juste, plus simple et plus transparent au marché de l’assurance emprunteur.

([217]) Cf. articles L. 313-8 du code de la consommation et L. 113-15-3.-I du code de la mutualité.

([218]) Ce faisant, le législateur a élargi le choix offert par l’article L. 113-14 du code des assurances. En effet, celui-ci disposait déjà que « dans tous les cas où l’assuré a la faculté de demander la résiliation, il peut le faire à son choix, soit par une déclaration faite contre récépissé au siège social ou chez le représentant de l’assureur dans la localité, soit par acte extrajudiciaire, soit par lettre recommandée ou par envoi recommandé électronique, soit par tout autre moyen indiqué dans la police. ».

([219]) Ordonnance n° 2017-1433 du 4 octobre 2017 relative à la dématérialisation des relations contractuelles dans le secteur financier.

([220]) Article L. 111-9 du code des assurances : « Constitue un support durable, au sens du présent code, tout instrument offrant la possibilité à l’assuré, à l’assureur, à l’intermédiaire ou au souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe de stocker des informations qui lui sont adressées personnellement, afin de pouvoir s’y reporter ultérieurement pendant un laps de temps adapté aux fins auxquelles les informations sont destinées, et qui permet la reproduction à l’identique des informations conservées ».

([221]) Article L. 111-11 du code de la consommation : « Lorsque l’assureur, l’intermédiaire ou le souscripteur d’un contrat d’assurance de groupe met à disposition de l’assuré un espace personnel sécurisé sur internet, il garantit l’accessibilité des informations et documents conservés dans cet espace pendant une durée adaptée à leur finalité. Pour les documents précontractuels et contractuels, cette durée ne peut être inférieure à cinq ans après la fin de la relation contractuelle. Lorsque l’assureur, l’intermédiaire ou le souscripteur envisage de ne plus rendre accessibles ces informations et documents, il doit en informer préalablement, dans un délai qui ne peut être inférieur à deux mois, l’assuré par tout moyen adapté à la situation de ce dernier. »

([222]) Article L. 111-12 du code des assurances : « Lorsqu’une signature est exigée, celle-ci peut être apposée par écrit ou par tout autre moyen prévu à l’article 1367 du code civil. L’envoi recommandé électronique est équivalent à l’envoi par lettre recommandée, dès lors qu’il satisfait aux exigences de l’article L. 100 du code des postes et communications électroniques ». Même dispositif à l’article L. 221-6-7 du code de la mutualité.

([223]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 119, juillet 2022.

([224]) Voir le commentaire de l’article 7 du projet de loi.

([225]) Les assurances affinitaires désignent toute garantie d’assurance ou d’assistance ou tout service accessoire en lien avec l’univers d’un produit ou service, présenté par un distributeur non-assureur et qui n’est pas le motif principal d’achat du client.

([226]) Voir le commentaire de l’article 7 du présent projet de loi.

([227]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 121, juillet 2022.

([228]) Pour les caractéristiques du « bouton de résiliation » développé en Allemagne, voir le commentaire de l’article 7 du projet de loi.

([229]) Cf. articles L. 112-2-1, L. 232-3 et L.232-4 du code des assurances, L. 181-1, L. 181-3 et L. 221-18 du code de la mutualité et L. 932-26 du code de la sécurité sociale.

([230]) Décision n°86-223 DC, 29 décembre 1986, Loi de finances rectificative pour 1986, considérant 14 : « Considérant que, dans les domaines de sa compétence, il est du pouvoir du législateur de fixer les conditions de mise en vigueur des règles qu’il édicte ; que s’il lui est loisible de laisser au Gouvernement la faculté de fixer la date à laquelle produira effet l’abrogation d’une loi fixant des obligations imposées aux contribuables, il ne peut, sans par là même méconnaître la compétence qu’il tient de l’article 34 de la Constitution, lui conférer sur ce point un pouvoir qui n’est assorti d’aucune limite ; que, pour ce motif, les dispositions du deuxième alinéa de l’article 41 de la loi déférée sont contraires à la Constitution ; qu’il ressort des débats qui ont conduit à l’adoption de cet article que les dispositions de son deuxième alinéa sont inséparables de celles de son premier alinéa ».

([231]) Voir en ce sens l’avis du Conseil d’État sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat , considérant n° 24 : « Le Conseil d’État observe que l’application de ces mesures aux contrats en cours à la date d’entrée en vigueur de la loi ne porte pas, eu égard à leur objectif de protection des consommateurs, une atteinte disproportionnée ni à la liberté contractuelle, ni au droit au respect des biens garantis par l’article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. ».

([232]) Cf. chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de la consommation. La catégorie des pratiques commerciales interdites présente un large champ d’application, dont relèvent notamment l’abus de faiblesse ainsi que le refus et la subordination de vente et de prestation de services.

([233]) Article L. 132-4 du code de la consommation. Sur le fondement de cette disposition, le tribunal peut également ordonner la diffusion, aux frais de la personne condamnée, d’une ou de plusieurs annonces rectificatives.

([234]) Décret n° 2001-1178 du 12 décembre 2001 relatif à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes.

([235]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 125, juillet 2022.

([236]) Article L. 214-4 du code de la sécurité intérieure.

([237]) Article L. 232-20 du code du sport.

([238]) Article 4 de la loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([239]) Sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la consommation.

([240]) Sous-section 2 de la section 1 du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la consommation.

([241]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 126, juillet 2022.

([242]) Cf. notamment la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (dite «directive sur les pratiques commerciales déloyales»).

([243]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 131, juillet 2022.

([244]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, pp. 126‑129, juillet 2022.

([245]) Assemblée générale du Conseil d’État, Avis sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat (NOR : ECOX2217989 L), considérant 25, p. 10, juillet 2022. 

([246]) Articles L. 511 à L. 541-3 du code de la consommation.

([247]) Articles L. 410-1 à L. 490-14 du code de commerce.

([248]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 130, juillet 2022.

([249]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, pp. 128 et 130, juillet 2022.

([250]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 130, juillet 2022.

([251]) Étude d’impact sur le projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 131, juillet 2022.

([252]) Loi n° 2021-1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire.

([253]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/6-bilan-energetique-de-la-france

([254]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/edition-numerique/chiffres-cles-energie-2021/14-gaz-naturel

([255]) Un manuel de droit de l’énergie donne la définition suivante de la sécurité d’approvisionnement en énergie à court terme : « dans une perspective de court terme, la sécurité de l’approvisionnement implique la capacité du système énergétique à répondre à des changements soudains de l’offre et/ou de la demande (susceptibles de résulter de divers événements, tels que les événements climatiques (…) – ou géopolitiques » (Marie Lamoureux, Droit de l’énergie, LGDJ, 2020).

([256]) Article L. 421‑3‑1 du code de l’énergie.

([257]) https://www.cre.fr/Actualites/le-stockage-de-gaz-en-france

([258]) Article L. 421‑5 du code de l’énergie

([259]) On rappelle, pour mémoire, qu’il existe aujourd’hui deux opérateurs de stockage en France (Storengy et Teréga).

([260]) Loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement.

([261]) Ordonnance n° 2018-1165 du 19 décembre 2018 modifiant les missions et les obligations incombant aux gestionnaires de réseaux de transport, aux fournisseurs, aux opérateurs d’infrastructures de stockage et aux opérateurs de terminaux méthaniers en matière de fonctionnement du système gazier et définissant les règles relatives au délestage de la consommation de gaz naturel.

([262]) Arrêté du 13 mai 2022 relatif aux stocks minimaux de gaz naturel pour garantir la sécurité d’approvisionnement en gaz naturel pendant la période comprise entre le 1er novembre 2022 et le 31 mars 2023.

([263]) Arrêté du 9 mai 2018 précisant certaines dispositions relatives au stockage souterrain de gaz naturel.

([264]) Article L. 421‑5‑1 du code de l’énergie.

([265]) https://www.cre.fr/Actualites/le-stockage-de-gaz-en-france

([266]) Règlement (UE) 2022/1032 du Parlement européen et du Conseil du 29 juin 2022 modifiant les règlements (UE) 2017/1938 et (CE) n° 715/2009 en ce qui concerne le stockage de gaz.

([267]) Un millier de sites très consommateurs sont ainsi directement raccordés à un réseau de transport, selon l’étude d’impact accompagnant le projet de loi.

([268]) Voir les articles R. 434‑1 à R. 434-4 du code de l’énergie.

([269]) Il existe cependant une réduction du tarif d’utilisation des réseaux de transport de gaz naturel pour les consommateurs de gaz naturel qui souscrivent de tels contrats d’interruptibilité.

([270]) Article L. 141‑8 du code de l’énergie.

([271]) Articles L. 143‑1 à L. 143‑8 du code de l’énergie.

([272]) Article L. 143‑4 du code de l’énergie.

([273]) https://www.grtgaz.com/medias/actualites/reduction-flux-gaz

([274]) Article L. 111‑97 du code de l’énergie

([275]) Article L. 452‑2 du code de l’énergie

([276]) Arrêté du 18 février 2010 autorisant la société Dunkerque LNG à bénéficier d’une exemption à l’accès régulé des tiers pour son projet de terminal méthanier à Dunkerque

([277]) Voir commentaire de l’article 10 du projet de loi

([278]) Selon GRTgaz, ce nouveau terminal méthanier permettrait d’augmenter les capacités d’importation de 45 TWh par an : https://www.grtgaz.com/medias/actualites/reduction-flux-gaz

([279]) Voir p. 153 de l’étude d’impact du projet de loi.

([280]) Articles R. 122‑2 et R. 122‑17 du code de l’environnement.

([281]) Directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, modifiée par la directive 2014/52/UE du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014.

([282])  Le décret n°2019-1467 du 26 décembre 2019 instaure un plafond d’émission de gaz à effet de serre pour les installations de production d’électricité à partir de combustibles fossiles à 0,7 kilotonne d’équivalents CO2 par mégawatt.

([283]) Étude d’impact du projet de loi, p. 161.

([284]) Avis n° 405548 sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([285]) Même source.

([286]) Cf. II de l’article L. 311-5-3 du code de l’énergie.

([287]) Cette durée est abaissée à 500 heures par an pour les centrales à fioul en application de la directive européenne sur les émissions industrielles (directive 2010/75/UE dite IED), en raison de leurs émissions d’oxydes d’azote (NOx).

([288]) Avis n° 405548 sur un projet de loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([289]) Pour rappel, une centrale à charbon émet 1 058 grammes d’équivalents en dioxyde de carbone par kilowattheure (geqCO2/kWh) contre 6 grammes pour l’électricité nucléaire, 418 pour une centrale au gaz et 730 pour une centrale au fioul.

([290]) Un guichet de mi-année est également organisé au cours de cette année civile pour permettre aux fournisseurs d’ajuster, le cas échéant, leurs réservations (cf. le commentaire de l’article 18).

([291]) Cf. délibération n° 2021-315 précitée.

([292]) Dans le cadre du consortium Exeltium

([293]) Proposée par W. Baumol, J.C. Panzar et R. Willig dans un ouvrage intitulé Contestable Markets and the Theory of Industry Structure (1982), la théorie des marchés contestables met l’accent sur l’importance de l’étude des conditions d’entrée et de sortie du marché considéré. Selon cette approche, un marché doit être considéré comme « contestable », c’est‑à‑dire soumis au jeu d’une concurrence suffisante, lorsqu’un nouvel offreur est en mesure d’y entrer et d’en sortir librement.

([294]) Cf. avis du Conseil d’État du 4 juillet 2022 : « Le Conseil d’État rappelle qu’en vertu de la jurisprudence du Conseil constitutionnel, si le législateur peut modifier rétroactivement une règle de droit ou valider un acte administratif ou de droit privé, c’est à la condition que cette modification ou cette validation respecte tant les décisions de justice ayant force de chose jugée que le principe de non-rétroactivité des peines et des sanctions et que l’atteinte aux droits des personnes résultant de cette modification ou de cette validation soit justifiée par un motif impérieux d’intérêt général. En outre, l’acte modifié ou validé ne doit méconnaître aucune règle, ni aucun principe de valeur constitutionnelle, sauf à ce que le motif impérieux d’intérêt général soit lui-même de valeur constitutionnelle. Enfin, la portée de la modification ou de la validation doit être strictement définie (CC, décision n° 2013-366 QPC du 14 février 2014, cons. 3). »

([295]) Task-Force « Transition énergétique du transport routier de marchandises », conclusions intermédiaires n° 2 établies par les organisations professionnelles représentatives du secteur, mai 2022.

([296]) Service des données et études statistiques (SDES), données du Répertoire statistique des véhicules routiers (RSVERO). Au 1er janvier 2020, le parc de poids lourds s’élève à 601 040 véhicules dont environs 300 000 camions.

([297]) Étude d’impact jointe au projet de loi.

([298]) Comité National Routier.

([299]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12033680_62cc719135976.commission-des-affaires-economiques-et-commission-des-affaires-sociales--m-olivier-dussopt-mme-ag-11-juillet-2022

([300]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12039389_62cd8dbbdd162.commission-des-affaires-sociales--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat--12-juillet-2022

([301]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12045186_62cdc960e6645.commission-des-affaires-sociales--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-12-juillet-2022

([302]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12048806_62ce71bbb886c.commission-des-affaires-sociales--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-suite-13-juillet-2022

([303]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12031097_62cc1bf893818.commission-des-affaires-economiques--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-11-juillet-2022

([304]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12039366_62cd8d7fee6ea.commission-des-affaires-economiques---mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-12-juillet-2022

([305]) Article 1er de la loi n° 2018-1213 du 24 décembre 2018 portant mesures d’urgence économiques et sociales ; article 7 de la loi n° 2019-1446 du 24 décembre 2019 de financement de la sécurité sociale pour 2020 ; article 3 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 ; article 4 de la loi n° 2021-953 du 19 juillet 2021 de finances rectificative pour 2021.

([306]) Articles 8 et 9 de la loi n° 2017-1836 du 30 décembre 2017 de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([307]) Décision n° 2015-725 DC du 29 décembre 2015 sur la loi de finances pour 2016 (cons. 77).

([308]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique.

([309]) La liste des prestations concernées, avec le mois de revalorisation pour chacune, figure en annexe.

([310])  En application de l’article L. 3231-5 du code du travail, lorsque l’inflation atteint au moins 2 % par rapport à l’indice des prix constaté lors de l’établissement du SMIC immédiatement antérieur, le SMIC est relevé dans les mêmes proportions.

([311]) Conseil d’État, ordonnance du 5 mai 2022, Fédération chimie énergie FCE-CFDT et autres, n° 462841 ; Conseil d’État, ordonnance du 17 mai 2022, CFE-CGC énergies Tricastin Provence et autres, n° 463531.

([312]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12031113_62cc1c3b65ac8.commission-des-finances--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-11-juillet-2022

([313]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12033666_62cc715761fd2.commission-des-finances--mesures-d-urgence-pour-la-protection-du-pouvoir-d-achat-examen-pour-avis--11-juillet-2022