N° 153

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 juillet 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI,
autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de
la République française et la Banque des règlements internationaux relatif
au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, et de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux,

PAR M. Arnaud LE GALL,

Député

——

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro :

 Assemblée nationale : 20


 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. Une opportunitÉ qui ne doit pas faire oublier la nÉcessitÉ de rÉformer le systÈme bancaire international

A. deux accords qui contribuent À l’influence de la France en matiÈre financiÈre

1. Une nouvelle démonstration de l’attractivité de la France

2. Missions et fonctionnement de la Banque des règlements internationaux

3. Missions et fonctionnement du pôle d’innovation de la BRI

4. La création d’un centre d’innovation franco-allemand

B. une absence de refonte du systÈme bancaire international

II. DEUX accords aux impacts directs limitÉs pour la france

A. les dispositions de l’accord de siÈge

1. Le statut de la BRI et l’organisation du Centre Eurosystème du BISIH à Paris

2. Inviolabilités et immunités de la BRI

3. Dispositions fiscales et libre disposition des fonds

4. Privilèges et immunités accordés aux membres du personnel

5. Dispositions générales et finales

B. les dispositions de l’accord de sÉcuritÉ sociale

1. La protection sociale des personnels de la BRI

2. La protection sociale des personnels des autres banques centrales

3. Dispositions finales

C. des consÉquences limitÉes pour la france

1. Un impact économique et financier relativement faible

2. Une articulation avec le droit existant

EXAMEN en commission

ANNEXE :  TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

 

 


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   introduction

La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 20 autorisant l’approbation de deux accords conclus entre la France et la Banque des règlements internationaux (BRI) : un accord de siège relatif au statut et aux activités de la BRI sur le territoire français et un accord de sécurité sociale. Tous deux ont été signés à Bâle le 13 septembre 2021 par M. Frédéric Journès, ambassadeur de France en Suisse et au Liechtenstein, ainsi que par MM. Agustin Carstens et Benoît Coeuré, respectivement directeur général et chef du pôle d’innovation de la BRI.

La Banque des règlements internationaux, qui n’exerçait pas d’activité en France jusqu’ici, est la plus ancienne organisation financière internationale. Elle a pour missions de contribuer à la coopération monétaire et financière internationale et d’agir comme « banque des banques centrales » en aidant ces dernières dans la gestion des réserves de devises.

En 2019, elle a lancé un pôle d’innovation (BIS Innovation Hub ou BISIH en anglais), qui comprend six centres répartis dans plusieurs pays et dirigés depuis son siège situé à Bâle, en Suisse. En juin 2020, la BRI a accepté l’offre proposée par la Banque de France, la Bundesbank et la Banque centrale européenne (BCE), au nom de l’Eurosystème, de créer un nouveau centre situé à Paris et à Francfort (Centre Eurosystème).

La signature des deux accords dont l’approbation est soumise à l’autorisation du Parlement était un préalable nécessaire à la mise en place de ce centre.

L’accord de siège définit tout d’abord le statut, les privilèges et les immunités dont jouira la BRI en France – et en particulier le site parisien du Centre Eurosystème – ainsi que son personnel et les personnes affiliées. L’accord de sécurité sociale permet, ensuite, de s’assurer que toutes les personnes qui travailleront pour ce centre seront couvertes par un système de protection sociale et d’éviter une double affiliation.

Ces deux textes représentent un enjeu limité pour la France. Seule une quinzaine de personnes seront affectées au site parisien, dont environ quatre agents permanents.

Leur examen par le Parlement offre néanmoins l’occasion de rappeler l’importance de promouvoir une nouvelle finance, compatible avec les urgences climatiques et sociales.

 

 


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I.   Une opportunitÉ qui ne doit pas faire oublier la nÉcessitÉ de rÉformer le systÈme bancaire international

A.   deux accords qui contribuent À l’influence de la France en matiÈre financiÈre

1.   Une nouvelle démonstration de l’attractivité de la France

Les accords du 13 septembre 2021 s’inscrivent dans un contexte favorable à la place de Paris, marqué par le Brexit. La France a signé récemment deux autres accords de siège dans le domaine financier : en 2016, avec l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) et, en 2019, avec l’Autorité bancaire européenne (ABE), soit deux agences décentralisées de l’Union européenne. Le projet de loi portant sur l’AEMF a été ratifié par la France en 2019 ([1]) et celui-ci sur l’ABE sera prochainement examiné par le Sénat, après une adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, le 17 février 2022 ([2]).

Plus généralement, la France signe régulièrement des accords de siège avec des organisations internationales diverses, ce qui démontre son attractivité. Au mois de janvier 2022, la loi autorisant l’approbation de l’accord de siège passé avec l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer (AUECF) a par exemple été promulguée ([3]). De nouveaux accords de siège sont en cours de rédaction, notamment avec l’Organisation internationale pour les aides à la navigation maritime.

2.   Missions et fonctionnement de la Banque des règlements internationaux

La Banque des règlements internationaux est une organisation internationale dont le siège est situé à Bâle, en Suisse. Créée par un accord international signé le 20 janvier 1930 à La Haye entre le gouvernement de la Confédération Suisse, d’une part, et ceux de l’Allemagne, de la Belgique, de la France, du Royaume-Uni, de la Grande-Bretagne et de l’Irlande du Nord, de l’Italie et du Japon, d’autre part, elle dispose du statut de société anonyme. Soixante-trois banques centrales en sont actuellement actionnaires.

Sa principale fonction est de favoriser la coopération entre les autorités monétaires et les autorités de surveillance du secteur financier. Elle organise des réunions pour les responsables de ces instances. Elle participe notamment au processus de Bâle en hébergeant des comités internationaux chargés d’élaborer des normes et d’œuvrer à la stabilité financière.

La BRI est également qualifiée de « banque des banques centrales » car elle aide ces dernières dans la gestion de leurs réserves et favorise la coopération internationale dans ce domaine.

Pour remplir ces missions, la banque dispose de moyens propres. Elle emploie environ six cents personnes, originaires de plus de soixante pays. Son directeur général, le gouverneur de la Banque du Mexique M. Agustin Carsten, a été nommé par un conseil d’administration. Ce dernier est actuellement présidé par M. François Villeroy de Galhau, gouverneur de la Banque de France.

3.   Missions et fonctionnement du pôle d’innovation de la BRI

Les banques centrales sont très attentives aux conséquences des nouvelles technologies sur les acteurs et les services financiers. Elles peuvent impacter la stabilité financière.

Dans ce contexte, la BRI a créé en 2019 un pôle (ou « hub ») d’innovation – le BISIH –, composé de plusieurs centres dirigés depuis le siège à Bâle. Ce réseau regroupait jusqu’ici six centres d’innovation situés à Londres, Hong Kong, Singapour, Stockholm, Toronto et Zürich, et hébergés par les banques centrales des pays concernés.

Selon les documents transmis par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), le BISIH exerce trois missions envers la communauté des banques centrales membres de la BRI :

-          « identifier les évolutions technologiques qui peuvent affecter les missions des banques centrales et approfondir la connaissance de ces technologies, des risques et des avantages qu'elles portent pour le secteur financier et les utilisateurs de services financiers, dans l'objectif d'améliorer la prise en compte de ces effets dans les missions des banques centrales ;

-          conduire des projets techniques, soit pour expérimenter dans le champ de ces nouvelles technologies, soit, si un intérêt est identifié, pour développer des outils utiles pour les banques centrales, qui seront mis gratuitement à la disposition des banques centrales par la BRI, dans une logique de biens communs ;

-          mettre en relation et en réseau les responsables des sujets d'innovation et d'exploration technologique dans les différentes banques centrales ».

De plus, le BISIH doit « porter à la connaissance du secteur financier et du public les actions des banques centrales dans le domaine de l'innovation au travers de l'organisation de conférences, mais aussi de hackathons ou d'appels à projets. Le BISIH a ainsi lancé en 2020 un concours sur le thème des technologies digitales appliquées aux missions de régulation et de supervision (RegTech/SupTech), ainsi qu’un appel à projets dans le domaine de la finance verte dans le cadre des travaux du G20. »

Mi-juillet 2022, le programme de travail du BISIH comprenait six thématiques : les applications technologiques pour la régulation et la supervision, la monnaie numérique de banque centrale (MNBC), les nouvelles infrastructures de marché, la finance ouverte, la finance verte et la cybersécurité. Des actions ont déjà été entreprises par les centres sur les cinq premiers axes. Par exemple, pour la finance verte, le centre de Hong Kong conduit une expérimentation portant sur la construction d'une plateforme digitale utilisant la technologie du registre distribué (Digital Ledger Technology, DLT) pour gérer l'émission et les transferts d'obligations vertes, avec pour objectif de faciliter l'accès des investisseurs individuels à ce type d'obligations.

4.   La création d’un centre d’innovation franco-allemand

Trois banques centrales – la Banque de France, la Bundesbank et la Banque centrale européenne – ont proposé à la BRI, au nom de l’Eurosystème, d’accueillir un centre dans la zone Euro (le Centre Eurosystème). Cette proposition, qui comprend deux sites, l’un à Paris et l’autre à Francfort, a été acceptée par la BRI en juin 2020.

Chaque site ne devrait recevoir qu’une quinzaine de personnes, dont environ quatre agents permanents.

Les locaux parisiens seront situés rue Réaumur, dans le IIème arrondissement, dans un immeuble loué par Banque de France qui héberge également le Lab, sa structure « Open Innovation ». Les contacts entre les deux institutions seront ainsi facilités, tout en respectant la demande de la BRI de disposer de bureaux fermés et inaccessibles au personnel de la Banque de France.

Pour réaliser ce projet, les deux accords du 13 septembre 2021 sont indispensables.

B.   une absence de refonte du systÈme bancaire international

Les accords de siège et de sécurité sociale dont l’approbation est soumise à l’autorisation du Parlement sont une nouvelle occasion pour le groupe LFI-NUPES d’appeler à la mise en place d’un système bancaire et financier international plus régulé et plus juste. Les failles du système actuel ont été révélées lors des dernières crises économiques, avec des conséquences sociales et environnementales majeures, à très long terme.

Au niveau européen, la NUPES propose une réforme du statut de la Banque centrale européenne et des règles d’austérité du semestre européen. Le système actuel rend les États dépendants des marchés financiers et réduit les investissements dans la bifurcation écologique et l’État social.

Les textes de ces deux accords ne peuvent toutefois pas traiter ces questions directement. Ils portent uniquement sur la création d’un centre de la BRI de petite taille, dédié à un domaine très spécifique.

Surtout, le groupe LFI-NUPES, qui défend le droit des travailleurs, ne souhaite pas priver les personnels travaillant pour la BRI et leurs ayants droit d’une protection sociale garantie par le deuxième accord.

II.   DEUX accords aux impacts directs limitÉs pour la france

Les deux accords du 13 septembre 2021 ont été signés à Bâle, un peu plus d’un an après la décision de la BRI d’établir un bureau à Paris.

A.   les dispositions de l’accord de siÈge

L’accord de siège a pour objectif de définir le statut, les privilèges et les immunités dont jouira en France la BRI, et plus précisément le Centre Eurosystème du BISIH à Paris, ainsi que son personnel et les personnes affiliées. Comme l’indique l’étude d’impact, la BRI est « en charge d’une mission d’intérêt public vis-à-vis de la communauté des banques centrales et des autorités monétaires, il est [donc] nécessaire qu’elle puisse exercer ses missions en toute indépendance sans que ses biens situés en France puissent faire l’objet d’une quelconque mesure administrative ou judiciaire. Par ailleurs, la BRI abrite de nombreux forums de réglementation internationaux et d’autres centres d’innovation où s’échangent des données et des informations d’une particulière sensibilité qu’il est nécessaire de protéger. »

Outre un court préambule, l’accord de siège comprend vingt-quatre articles.

1.   Le statut de la BRI et l’organisation du Centre Eurosystème du BISIH à Paris

L’article 1er de l’accord reconnaît à la BRI la personnalité juridique internationale et la capacité juridique en France.

Elle bénéficie d’une « liberté d’action » dont l’étendue est précisée à l’article 2. Elle peut notamment organiser des réunions en lien avec ses prérogatives et est exemptée de toute forme de supervision financière ou bancaire.

L’article 3 lui permet de « louer ou acquérir des biens meubles et immeubles pour le Centre Eurosystème (Paris) du BISIH, ainsi que d’autres installations (prestations et services publics compris) nécessaires [à ses] missions officielles, [son] personnel et [ses] experts » et d’arborer son drapeau et son emblème.

Cet article décrit également l’organisation du centre. Celui-ci est « dirigé par un chef de centre, et son personnel est composé des membres du personnel nommés ou affectés par la BRI, ainsi que des experts détachés auprès du centre (…) par les banques centrales membres de la BRI ».

2.   Inviolabilités et immunités de la BRI

L’article 4 pose le principe de l’inviolabilité des locaux et de tous les documents, données et supports de données qui appartiennent à la BRI. De plus, la France doit apporter « une protection contre les intrusions, les dommages et les atteintes à l’ordre public dans [les locaux du Centre Eurosystème (Paris) du BISIH] ou à proximité au moins aussi favorable que celle accordé par la France à toute autre organisation internationale sur son territoire. »

L’article 5 consacre l’immunité de juridiction de la BRI et de toute autre procédure en France et les exceptions à celles-ci. Le tribunal administratif de la BRI est déclaré seul compétent pour les litiges qui opposeraient la BRI à ses agents et qui seraient relatifs aux conditions d’emploi et de protection sociale.

L’article 6 garantit l’inviolabilité des communications officielles de la BRI et la possibilité d’avoir recours à des codes et au chiffrement. Le régime est identique à celui accordé aux autres organisations internationales présentes sur le territoire français.

L’article 7 garantit que l’importation et l’exportation de publications et de toutes sortes de données et de supports de données à destination ou en provenance de la BRI ne sont soumises à aucune restriction.

3.   Dispositions fiscales et libre disposition des fonds

La BRI bénéficie d’exonérations de droits de douane et d’impôts directs et indirects précisées aux articles 8 et 9.

L’article 10 assure à la BRI la libre disposition de ses fonds. Celle-ci « peut réaliser sans restriction toutes les opérations autorisées par ses statuts, en France et dans ses relations avec d’autres marchés financiers. »

4.   Privilèges et immunités accordés aux membres du personnel

L’article 12 définit les privilèges, immunités et exemptions accordés aux membres du conseil d’administration, au directeur général et au directeur général adjoint de la BRI, ainsi qu’aux représentants des banques centrales et autorités monétaires membres de la BRI, lorsqu’ils mènent une activité officielle pour le compte de cette banque ou voyagent pour participer à une réunion organisée par celle-ci.

L’article 13 garantit une immunité de juridiction et de toute autre procédure en France à tous les membres du personnel, dans le cadre de leur activité.

L’article 14 définit les autres privilèges, immunités et exemptions qui sont accordés aux membres du personnel de la BRI, ainsi qu’aux membres de leur famille (conjoints et enfants de moins de 21 ans), à la condition qu’ils ne soient ni ressortissants français, ni résidents permanents en France. Le gouvernement français s’engage notamment à faciliter l’accès et le séjour sur son territoire pour ces personnes.

L’article 15 garantit les protections énoncées aux articles 13 et 14 aux experts qui effectuent des missions temporaires pour le compte de la BRI ([4]) et qui ne sont ni ressortissants français, ni résidents permanents en France.

L’article 16 rappelle un point essentiel : les privilèges et immunités « ne sont pas accordés pour l’avantage personnel de ces personnes ». L’article définit ensuite l’objectif et la procédure de levée de l’immunité, ainsi que les exceptions à celle-ci.

5.   Dispositions générales et finales

L’article 17 établit l’absence de responsabilité de la France pour les actes et omissions de la BRI, ainsi que pour ceux des membres de son personnel et de ses experts.

L’article 18 établit « le droit de la France de prendre toutes les mesures de sûreté adéquates dans l’intérêt de la sécurité de la France » et prévoit une coopération avec la BRI afin de « prévenir toute atteinte à la sécurité de la France résultant d’une activité de la BRI ».

L’article 19 étend les engagements et droits prévus par l’accord aux succursales et aux filiales de la BRI ainsi qu’aux fonds d’investissements intégralement contrôlés par elle ([5]). Cet article permet ainsi d’éviter un traitement différencié d’entités qui ne sont que des subdivisions de la BRI. De plus, il les étend aux « filiales de la BRI qui ne sont pas sa propriété exclusive mais qui réalisent des activités au service de ses objectifs et qui sont approuvées par la France aux fins du présent article ».

L’article 20 porte sur le règlement des différends. Après une première étape de consultations entre les parties, les différends pourront être portés devant le tribunal arbitral créé par la convention de La Haye du 20 janvier 1930.

L’article 21 garantit le respect des privilèges et immunités accordés à la BRI avant la conclusion de l’accord.

Les articles 22 et 23 sont des articles classiques définissant les possibilités de modification et de dénonciation de l’accord de siège. Toute modification doit être approuvée conjointement. Une partie peut dénoncer l’accord par un préavis écrit d’un an.

Enfin, en application de l’article 24, l’accord entrera en vigueur le premier jour suivant la réception de la notification de l’accomplissement des procédures internes requises par la dernière partie.

L’accord de siège – comme celui de sécurité sociale – a fait l’objet d’une présentation et d’une approbation par le Conseil des gouverneurs de BRI de septembre 2021.

Un accord similaire, comportant les mêmes exemptions et immunités, est en cours de discussion entre la BRI et le gouvernement allemand. Selon les informations transmises par le MEAE, il pourrait être signé très prochainement et s’inscrit dans le cadre d’une délégation accordée au gouvernement allemand pour la signature de ce type d’accords. Le Bundestag allemand ne l’examinera pas.

B.   les dispositions de l’accord de sÉcuritÉ sociale

L’accord de sécurité sociale permet d’assurer que toutes les personnes qui travailleront pour le Centre Eurosystème (Paris) du BISIH seront couvertes par un système de protection sociale et d’éviter une double affiliation. Il est composé de 7 articles.

1.   La protection sociale des personnels de la BRI

L’article 1er consacre une « exemption d’affiliation au régime obligatoire de sécurité sociale français pour la couverture des risques vieillesse, prestations familiales, maladie, maternité, paternité et invalidité, et accidents du travail et maladies professionnelles » pour la BRI, en tant qu’employeur, les membres de son personnel et les membres de leur famille à leur charge, « sous réserve qu’ils soient couverts pour ces risques par une couverture assurée par la Banque ». Ils ne bénéficient pas des prestations prévues par la législation et la réglementation françaises. La BRI et son personnel sont exemptés des cotisations sociales afférentes.

Selon l’étude d’impact, « la BRI dispose d’une couverture complète en matière d’assurance maladie et d’accident du travail et de maladie professionnelle. Cette couverture est mondiale et couvre non seulement les agents de la BRI, quel que soit leur statut juridique, mais aussi les membres de leur famille. La BRI dispose en outre de son propre régime de retraite. Elle offre également un certain nombre d’allocations familiales. Cela comprend le remboursement partiel des frais de garde d’enfants d’âge scolaire. »

L’article 2 précise que les membres du personnel de la BRI qui ne bénéficient pas du régime particulier obligatoire de la banque, sont soumis à l’ensemble de la législation française de sécurité sociale. La BRI doit les affilier au régime général.

2.   La protection sociale des personnels des autres banques centrales

L’article 3 stipule que « le personnel de la Banque de France mis à disposition auprès de la BRI en France reste soumis à la législation de la sécurité sociale française et à son régime spécial de retraite. »

L’article 4 prévoit que « les personnels des banques centrales membres de la BRI, détachés auprès de la BRI en France, restent soumis au régime de sécurité sociale auquel ils sont affiliés dans leur pays d’envoi. » S’ils résident hors de l’Espace économique européen ou de la Suisse et dans un pays qui n’a pas signé d’accord bilatéral de sécurité sociale avec la France, la BRI devra les affilier au régime général de sécurité sociale français, sauf si elle propose elle-même une couverture des risques mentionnés à l’article 1er.

3.   Dispositions finales

L’article 5 stipule que « les difficultés relatives à l’application du présent accord seront réglées directement entre les autorités françaises compétentes et le directeur général de la Banque. »

L’article 6 prévoit l’entrée en vigueur de l’accord le premier jour du premier mois qui suit la notification par chacune des parties de l’accomplissement des formalités requises.

L’article 7 établit que l’accord est « conclu pour une période d’une année à partir de la date de son entrée en vigueur [et qu’] il sera renouvelé tacitement d’année en année sauf dénonciation notifiée, par une des parties, trois mois avant l’expiration du terme. »

C.   des consÉquences limitÉes pour la france

1.   Un impact économique et financier relativement faible

L’impact économique de la création du Centre Eurosystème du BISIH sera positif, puisqu’il renforcera l’attractivité de la France en matière financière, mais il doit être relativisé au regard des effectifs qui lui seront alloués.

Au total, le Centre Eurosystème ne devrait comprendre que huit agents permanents, répartis entre les deux sites : trois agents de la BRI (répartis entre Paris et Francfort), deux agents de la Banque de France (à Paris), deux agents de la Deutsche Bundesbank (à Francfort) et une personne représentant l’Eurosystème, qui sera mise à disposition par une banque centrale nationale. En outre, d’autres banques centrales de l’Eurozone pourront mettre des agents à disposition du centre. Enfin, une équipe sera constituée spécifiquement pour chaque projet. Elle sera constituée de personnes mises à disposition par des banques centrales de l’Eurosystème ou travaillant pour des entreprises associées au projet (startups). Sur chaque site, les bureaux pourront accueillir dix personnes travaillant pour ces équipes projets.

L’impact financier est lui aussi limité. L’étude d’impact indique en effet que la charge financière principale consistera en la mise à disposition par la Banque de France de locaux et deux membres de son personnel. Les coûts de fonctionnement du centre seront répartis entre la BRI et l’Eurosystème, dont la France est membre ([6]).

2.   Une articulation avec le droit existant

Les deux accords du 13 septembre 2021 n’appellent aucune modification du droit interne, ni l’adoption de dispositions législatives ou réglementaires nouvelles. De plus, ils sont conformes au droit européen applicable, notamment s’agissant des exonérations fiscales.

Enfin, ils respectent les actes constitutifs de la BRI, en particulier les statuts du 20 janvier 1930 et le protocole relatif aux immunités du 30 juillet 1936.

 

 


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   EXAMEN en commission

 

Le mercredi 20 juillet 2022, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, et de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ces deux accords tendent à établir le cadre juridique indispensable à la création du centre Eurosystème au sein du pôle d’innovation de la Banque des règlements internationaux (BRI). Ce centre franco-allemand sera basé à Paris et à Francfort.

Ces accords concernent un nombre restreint de personnels : quatre agents permanents sur le site parisien de la BRI, auxquels s’ajouteront une dizaine de personnes pour des projets spécifiques. Ils revêtent cependant une importance symbolique en ce qu’ils témoignent de l’attractivité retrouvée de la place de Paris.

Sous la précédente législature, nous avions adopté, dans cette commission, deux accords de siège importants, l’un relatif à l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), en 2019, l’autre à l’Autorité bancaire européenne (ABE), en début d’année.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur. La BRI, créée dans les années 1930 pour répondre à l’absence de réglementation bancaire qui fut l’une des causes de la crise, demeure méconnue même si elle est la plus ancienne organisation financière internationale. Ses missions sont essentielles : elle est l’un des maillons de la coopération monétaire et financière internationale et elle aide les banques centrales à gérer leurs réserves de devises, ce qui lui vaut le surnom de « banque des banques centrales » – en tout cas de celles de soixante-trois pays qui représentent 95 % du PIB mondial.

En 2019, la BRI a créé un pôle d’innovation, le BISIH, composé de six centres – Londres, Hong Kong, Singapour, Stockholm, Toronto et Zürich – dirigés depuis le siège de la BRI, à Bâle, en Suisse. En 2020, elle a souhaité créer un septième centre, franco-allemand, pour représenter l’Eurosystème. Il sera divisé en deux sites, l’un à Paris, l’autre à Francfort.

La signature des deux accords était un préalable nécessaire à la naissance de ce site. Leur contenu est classique.

L’accord de siège définit les statuts, les privilèges et les immunités dont bénéficiera la BRI en France ainsi que son personnel et les personnes affiliées : inviolabilité des locaux, des documents et des données de la BRI ainsi que de ses communications officielles, exonération de droits de douane et d’impôts, privilèges, immunités et exemptions. Ce ne sont pas des avantages personnels, ils sont attachés au statut du travailleur international.

Le second accord définit le régime de protection sociale de quatre types de personnels : les membres de la BRI couverts par le régime de la banque, les membres de la BRI qui travaillent en France mais ne sont pas couverts par ce régime, les agents de la Banque de France mis à disposition de la BRI, les personnels des autres banques centrales membres de la BRI mis à disposition de celle-ci.

Ainsi, toutes les personnes qui travailleront pour le centre et leurs ayants droit seront couverts par un système de protection sociale, sans double affiliation. Cet accord est indispensable pour assurer les droits de ces travailleurs et de leurs familles.

Les conséquences de ces accords seront limitées aussi ne nous y opposerons-nous pas, même si nous ne partageons pas les principales préconisations de la BRI. Le nouveau centre ne devrait accueillir qu’une quinzaine de personnes à Paris, dont seulement quatre agents permanents, parmi lesquels deux viendront de la Banque de France et au moins un de la BRI.

Ces accords représentent une opportunité pour ceux qui considèrent que l’attractivité financière de la France aurait un effet mécaniquement positif pour notre économie. Nous le contestons puisqu’une grande part des actifs financiers ne sont pas investis dans l’économie productive mais dans des activités purement financières.

Ces accords s’inscrivent dans un système économique et financier injuste, insuffisamment régulé et destructeur des économies.

La mondialisation est un fait historique qui remonte à l’Antiquité et qui ne cesse de s’accélérer depuis cinq siècles. En nier la réalité serait aussi absurde que refuser d’admettre que la Terre tourne autour du soleil.

En revanche, la mondialisation néolibérale est un choix politique récent qui peut et doit être défait. Le système monétaire qui prévaut depuis les années 1970, après la liquidation du système de Bretton Woods, est profondément déstabilisateur. Il se caractérise par des taux de change flottants et la financiarisation des économies : déréglementation financière, liberté totale de circulation des capitaux, privatisation de l’émission monétaire, obligation des États d’emprunter sur les marchés etc.

Les crises financières suivies d’une crise économique n’ont cessé de se multiplier. Les conséquences sociales en furent dramatiques, sans parler de l’augmentation massive des dettes publiques et privées, sans renforcer pour autant les investissements nécessaires pour répondre aux nouveaux défis, comme la crise climatique.

Après la crise de 2008, qui n’est pas vraiment achevée, la déconnexion entre la sphère financière et la sphère productive s’est aggravée. En 2020, les actifs financiers mondiaux atteignaient les 200 trillions d’euros, soit 200 000 milliards. Pour la première fois, ils ont dépassé 300 % du PIB mondial. Il n’est pas anodin que la finance internationale se soit aussi bien portée alors que l’économie mondiale était à l’arrêt en raison de la pandémie. L’écart entre la richesse et la croissance économique n’a jamais été aussi élevé.

Or la BRI contribue à ce cadre néolibéral global. Certes, elle doit veiller à l’application des accords de Bâle III, qui ont timidement encadré certaines activités bancaires mais c’était un minimum et nous aurions souhaité qu’elle aille beaucoup plus loin. Plus récemment, la BRI a rappelé avec raison que les cryptomonnaies non adossées à une banque centrale étaient une impasse. Nous sommes d’accord : nous ne voulons pas que Facebook créé sa monnaie. On peut imaginer que l’antenne de Paris se saisira de ces sujets cruciaux.

Malheureusement, les solutions qu’elle préconise pour lutter contre l’inflation, qu’il s’agisse de la hausse des taux d’intérêt ou du refus d’augmenter les salaires, dont on nous dit que cela aggraverait l’inflation, sont marquées du sceau du néolibéralisme. Même l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) ou le Fonds monétaire international (FMI) ont proposé des mesures plus sociales, comme la revalorisation des salaires ou le blocage des prix. Le cycle actuel de l’inflation n’est pas le résultat d’une boucle prix-salaire mais d’une boucle pénurie-profits, les pénuries étant aggravées par des mécanismes spéculatifs.

Une autre mondialisation est possible. La charte de La Havane, issue d’une conférence générale de l’ONU mais rejetée par le Sénat des États-Unis, proposait d’organiser les échanges économiques internationaux à l’ONU autour d’objectifs politiques, économiques et sociaux qui tiendraient compte des intérêts du plus grand nombre : créer des emplois, limiter les déséquilibres commerciaux et monétaires en bannissant les guerres commerciales et monétaires. De même, une autre finance, plus régulée, était alors envisagée.

Le processus de Bâle ne suffit plus. Notre groupe propose de modifier les missions et les statuts de la Banque centrale européenne (BCE), de lui permettre de prêter directement aux États, de la placer sous contrôle démocratique pour en faire un outil au service de l’intérêt général ainsi que des objectifs écologiques et sociaux que nous nous fixerions. Elle ne doit plus être cet organisme focalisé sur la seule stabilité monétaire, dont les méthodes de lutte contre l’inflation font fi des conséquences dévastatrices pour le plus grand nombre.

Ces propositions, loin d’être utopiques, répondent aux dynamiques de démondialisation et de fragmentation du système monétaire international apparues dès 2008 et qui se sont accentuées à la suite de la pandémie et de la guerre en Ukraine. De 2008 à 2020, l’activité internationale des banques a reculé d’un quart, voire de 40 % pour ce qui concerne les banques de la zone euro. Nous sommes loin, désormais, des fables sur la mondialisation heureuse. La mondialisation néolibérale est en sursis. Tant mieux mais cette crise appelle des solutions collectives, sinon elle s’achèvera dans une guerre commerciale de tous contre tous, dont les tensions qui en découleraient pourraient conduire à des guerres au sens strict. N’oublions pas les leçons de l’échec de la première mondialisation libérale, entre 1870 et 1914.

Notre groupe ne s’opposera pas à ce texte qui concerne un centre de petite taille très spécifique et qui permet de garantir une protection sociale aux travailleurs concernés.

Néanmoins, ne cédons pas à la tentation de voir dans ces accords des choix neutres et techniques. Nous souhaitons que se tiennent de nouveaux débats, plus larges, sur le modèle de l’organisation économique et financière internationale. Il n’y aura pas de progrès social, écologique et économique sans une transformation profonde des règles financières et commerciales internationales.

Mme Amélia Lakrafi (RE). La BRI est une institution peu connue mais elle joue un rôle important dans le domaine de la coopération monétaire et financière internationale. Elle est surnommée la banque des banques, car elle aide les banques centrales à gérer leurs réserves de devises et contribue à maintenir la stabilité financière internationale.

Elle s’est d’ailleurs donné pour mission de veiller aux conséquences des nouvelles technologies sur la finance internationale et l’action des banques centrales, par l’intermédiaire du pôle innovation, le BISIH. Cet organisme compte différentes implantations et l’accord permettra d’en ouvrir une dans la zone euro, à Paris et Francfort.

Cette implantation en France est le fruit de la politique d’attractivité menée par notre pays, en particulier notre majorité, depuis quelques années. Selon les derniers résultats du baromètre EY, la France est, en 2021, le pays le plus attractif d’Europe pour la troisième année consécutive. Pas moins de 1 222 projets d’investissement ont été recensés. Les sommets Choose France, voulus par le Président de la République, donnent d’excellents résultats, qui dépassent les seules entreprises. Plusieurs accords de sièges ont, en effet, été récemment signés avec des organisations internationales.

L’installation d’une antenne de la BRI à Paris renforce la place financière de notre pays en Europe. Jusqu’à présent, la BRI n’avait aucune activité en France. Notre pays a récemment signé des accords de siège avec l’AEMF et l’ABE. Le contexte est favorable à la place de Paris depuis le Brexit.

Enfin, je me réjouis que ces deux accords permettent d’ouvrir un centre d’innovation consacré aux nouvelles technologies et à leurs conséquences. L’influence de la France en sera renforcée. Son installation dans les locaux qui hébergent également le Lab Banque de France permettra de nouer des collaborations fructueuses. Il est important qu’en pleine compétition internationale, la France demeure un acteur de pointe dans le domaine des nouvelles technologies.

Je vous invite donc à adopter ce projet de loi.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Je souligne l’exploit du rapporteur : il est passé d’un petit texte – qui concerne l’accès à la sécurité sociale française pour une poignée d’agents de la BRI – à un exposé digne des cours de sciences économiques et sociales qui m’ont été prodigués au lycée, où l’on m’imposait d’acheter Alternatives économiques. Je n’en étais pas un lecteur assidu.

Le groupe Les Républicains soutiendra ce texte technique, qui obtiendra sinon l’unanimité du moins une large majorité.

Il s’agit de renforcer l’attractivité de la France. La place financière de Paris devient de plus en plus importante, grâce à un ensemble de facteurs dont le Brexit. On ne peut que s’en réjouir.

Mme Sabine Thillaye (DEM). La BRI est l’une des plus anciennes institutions financières, puisqu’elle a été créée il y a plus de cent ans pour faciliter le règlement de réparations dues par l’Allemagne en application du traité de Versailles.

Depuis lors, la volonté d’accentuer la coopération monétaire et financière internationale s’est manifestée. Les missions de la BRI ont de ce fait évolué et elles portent désormais également sur la manière de faire face aux défis posés par l’accélération des évolutions technologiques et par les transformations des services bancaires et financiers. La BRI occupe une position centrale grâce aux différents centres d’innovation répartis dans le monde entier, afin d’analyser les grandes tendances technologiques et de proposer des solutions nouvelles.

Trois banques centrales étaient candidates pour l’implantation de tels centres dans l’Union européenne – la Banque de France, la Bundesbank et la BCE. Deux sites ont été retenus : Paris et Francfort. Il s’agit d’une avancée pour les relations franco-allemandes et pour l’Eurosystème.

Le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) votera en faveur de l’adoption de ce projet car la localisation à Paris d’un centre d’innovation constitue un atout majeur pour le rayonnement de la France, même si le nombre des personnes concernées est limité.

M. Alain David (SOC). Nous pouvons nous réjouir que la BRI ait choisi la France pour installer l’un de ses centres d’innovation.

Le texte qui nous est soumis comporte un accord de siège classique avec une institution internationale et ses articles n’appellent pas de commentaire particulier – ils visent à garantir le bon accomplissement des missions de l’institution et la sérénité de ses personnels.

Je m’étonne que la discussion de ce projet de loi en séance publique ne fasse pas l’objet de la procédure d’adoption simplifiée.

Cette discussion permet d’aborder plus largement la question de la coopération financière, notamment à l’échelle européenne. La crise sanitaire avait conduit en 2021 à faire évoluer significativement les dogmes financiers européens, avec la création des euro-obligations – longtemps refusée –, la mise entre parenthèses des contraintes du pacte de stabilité, l’activation du mécanisme européen de stabilité, le vaste plan de rachat des dettes souveraines ou le pacte vert pour l’Europe. On peut craindre que la forte inflation que connaissent la quasi-totalité des États membres de l’UE ne conduise les institutions financières à revoir cette approche.

Il serait utile que notre commission procède à des auditions au sujet de ces questions financières européennes et internationales, afin d’éclairer notre réflexion et nos prochains travaux.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le bureau de la commission pourra être appelé à examiner cette demande légitime.

S’agissant des modalités de débat, le groupe LFI-NUPES a fait opposition à la procédure d’examen simplifiée, ce qui explique pourquoi nous examinerons ce texte en séance publique selon la procédure normale.

M. Jean-François Portarrieu (HOR). Notre groupe approuve les deux accords dont la ratification est prévue par le projet de loi et il se félicite de l’installation d’un centre de la BRI à Paris.

Mme Sabrina Sebaihi (Écolo-NUPES). L’implantation de la BRI à Paris doit constituer une nouvelle étape pour l’innovation dans le domaine de la finance verte. Il faut impérativement et urgemment transformer notre modèle global, en le dirigeant vers des opérations financières qui favorisent la transition énergétique et la lutte contre le réchauffement climatique, à court comme à long terme. Il y va de l’avenir de nos enfants et de la planète.

Le 4 juillet dernier, la BCE a annoncé le début d’un tournant environnemental avec l’introduction de critères verts pour une partie de ses opérations. Nous pouvons saluer cet acte politique fort, qui intervient dans le monde très conservateur des banques centrales. Il rompt avec une tradition d’inaction climatique puisque, jusqu’en 2019, 63 % des obligations d’entreprise achetées par la BCE venaient des secteurs économiques qui émettent le plus de gaz à effet de serre. Il existe un lien direct entre le climat et la stabilité des prix, laquelle est au cœur du mandat de l’Eurosystème. Les événements climatiques ont des effets très concrets sur les prix de l’énergie et de l’alimentation. Le cours du blé atteint actuellement des sommets historiques, en partie pour des raisons climatiques. Cette crise alimentaire est largement amplifiée par la stratégie de la Russie, qui consiste à prendre le monde entier en otage en affamant des États.

La question de la souveraineté énergétique et de notre dépendance aux énergies fossiles importées hors de l’Union européenne mêle les enjeux écologiques, sociaux et géopolitiques. Les banques centrales disposent de leviers d’action importants en la matière.

Jusqu’en mars dernier, la Banque centrale de la Fédération de Russie était membre de la BRI. Elle en a été suspendue dans le cadre des sanctions internationales. C’était absolument nécessaire. Grâce à ses exportations de gaz et de pétrole, Vladimir Poutine finance à hauteur de 700 millions de dollars par jour la guerre qu’il mène en Ukraine. L’économie et la finance sont le nerf de la guerre. Il faut saluer la décision du G7 d’interdire l’achat d’or russe. Tout ce qui peut contribuer à la fin du conflit doit être encouragé. Les banques centrales ont un rôle à jouer.

Le groupe Écologiste-NUPES encourage la transition écologique des banques centrales et les incite à accélérer ce processus autant que possible. Le temps est compté pour assurer un avenir aux générations futures.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Je tiens à remercier notre collègue Arnaud Le Gall pour ce rapport très enrichissant. La mise en perspective intéressante qu’il a effectuée pourra être prolongée lors de l’examen du texte en séance publique. Ce débat permettra d’éclairer nos concitoyens sur le fonctionnement du système monétaire mondial et sur ses conséquences.

Mon groupe votera en faveur de la ratification de ces deux accords, qui permettront aux salariés de la BRI installés en France de disposer d’une couverture sociale.

Banque des banques centrales, la BRI a pour mission de fluidifier les paiements. Pour remplir sa mission, elle utilise les droits de tirage spéciaux (DTS) du FMI. Ces DTS forment l’unité de compte du FMI. Leur valeur est constituée par un panier de devises – euro, dollar, yen, yuan et livre sterling – qui permet d’acheter d’autres devises en limitant les variations des taux de change.

Il faudra que nous nous penchions un jour de près sur ces DTS, car ils pourraient constituer un outil utile pour réduire les inégalités mondiales. Les DTS sont actuellement répartis en fonction de la participation de chaque État au FMI, ce qui avantage massivement les grandes puissances économiques. En 2021, sur les 650 milliards de dollars de DTS émis par le FMI, seulement 3 %, soit 21 milliards de dollars, étaient destinés aux pays à faible revenu – alors qu’ils sont presque tous situés en Afrique et qu’ils représentent 9 % de la population mondiale. Pourtant les pays riches ne se servent presque jamais des DTS dans la mesure où leur banque centrale leur offre les mêmes services. Justin Koné Katinan, ancien ministre du budget de la Côte d’Ivoire, a déclaré : « Une réforme des conditions d’émission des DTS qui favoriserait les critères de lutte contre la pauvreté pourrait aider l’Afrique à moins recourir à des emprunts à taux exorbitants, dont les remboursements condamnent définitivement le continent noir ». Avec le sénateur Pierre Laurent, nous avions sonné l’alarme et demandé une réforme en profondeur de ce système.

Les députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine-NUPES espèrent que le pôle d’innovation de la BRI, dont les centres devront notamment identifier et expérimenter de nouvelles technologies financières, sera capable d’émettre des avis défavorables sur l’émergence de certaines de ces technologies financières. En tant qu’institution hébergeant le comité de Bâle – à l’origine des accords qui visent à limiter les dérives de la finance –, la BRI pourrait lutter contre les évolutions du trading à haute fréquence ou contre la mise en place d’algorithmes agressifs sur les marchés financiers. Certains d’entre eux sont d’ailleurs pour partie responsable de crises, à commencer par celle des prix des matières premières qui condamne des milliards d’humains à la faim ou à la pauvreté. La dérégulation du marché mondial des matières premières est l’une des pires calamités pour le climat et le droit du travail.

Pour terminer, il apparaît très important de manœuvrer collectivement – peut-être, en donnant davantage de pouvoirs de régulation à la BRI, afin de limiter cette folie.

Je fais mienne la demande d’Arnaud Le Gall et celle d’Alain David pour que notre commission s’intéresse de très près à la finance mondiale et à ses conséquences sur l’environnement, le climat, la pauvreté et la paix.

M. Arnaud Le Gall, rapporteur. Je prends avec humour les propos de M. Dumont, même s’il s’agit de choses très sérieuses. Je n’ai pas eu l’intention de faire un cours ; j’ai souhaité tenir un discours politique. Trop souvent, on insiste sur le caractère technique de dispositions pour occulter le fait qu’il s’agit en réalité de choix politiques. À force de saucissonner les sujets en mesures techniques supposées dépourvues d’importance, on en arrive à avaler des choses énormes.

Comment ne pas saisir les conséquences potentielles de flux financiers internationaux tellement déséquilibrés qu’ils représentent 300 % du PIB mondial ? Il est important de débattre de la réglementation de la finance internationale et du rôle que doit jouer la BRI. Il ne s’agit pas de remettre en question l’existence d’une institution centrale pour la réglementation interbancaire, et notamment pour la coordination des banques centrales. Il s’agit de dire qu’il y a de nombreuses manières d’assumer son rôle.

C’est une chose de lutter contre les cryptomonnaies non adossées à des banques centrales – ce à quoi nous sommes favorables – ou de se pencher sur les transactions à haute fréquence – qui constituent un énorme problème et qui n’ont pas été limitées, contrairement à ce que l’on entend souvent. C’en est une autre de considérer que, pour lutter contre l’inflation, il faut seulement augmenter les taux d’intérêt. Ce n’est pas un choix technique ; c’est un choix politique qui signifie des dizaines de millions de pauvres en plus en Europe.

Qu’il me soit donc permis de poser de telles questions, tout en ayant précisé au préalable qu’il n’y a pas lieu de s’opposer à ces accords, et particulièrement au second, qui permettra aux travailleurs concernés de bénéficier de la sécurité sociale.

La question de la dette n’est pas technique, elle non plus. On peut s’endetter pour investir face aux défis qui nous concernent tous, notamment dans la transition écologique – je partage les très bons objectifs que vous avez mentionnés, Madame Sebaihi –, mais ne nous mentons pas, les financements correspondants ne sont pas prévus. On peut, en sens inverse, faire de la dette un argument pour revenir à des politiques d’austérité. Certains dogmes ont en effet été suspendus durant la pandémie, parce qu’il n’y avait pas le choix. Mais ces modifications n’ont pas été inscrites dans le droit européen, ni dans les règles de fonctionnement de la BCE, et il est évident que l’on va en revenir à une politique d’austérité dans les années qui viennent, tant à l’échelle nationale qu’à l’échelle européenne. Comment va-t-on répondre à l’explosion des prix et aux pénuries ?

En ce qui concerne l’indépendance énergétique, Mme Sebaihi a bien souligné le problème qui consiste à alimenter la machine de guerre de la Russie en lui achetant du gaz. L’effet des sanctions est tel sur son prix qu’à la fin de cette année la Russie aura une balance commerciale qui n’aura jamais été aussi bénéficiaire depuis des décennies. Les Russes importent en outre très peu, ce qui peut leur poser un problème. Je ne dis pas que les sanctions sont totalement inefficaces.

Il faut pouvoir ne plus être dépendant des importations de gaz russe, mais il ne faut pas remplacer une dépendance par une autre – par exemple vis-à-vis du gaz naturel liquéfié (GNL) des États-Unis ou en étant obligé d’aller faire des génuflexions au Proche-Orient. Pour cela, il faut investir dans l’autonomie énergétique. C’est aussi simple que cela.

Derrière bien des accords que d’aucuns peuvent considérer comme purement techniques, on trouve en fait des enjeux très politiques.

*

La commission adopte les articles 1er et 2 non modifiés.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 


—  1  —

    

   ANNEXE :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

 

Article 1er

(Non modifié)

Approbation de l’accord de siège entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux relatif au statut et aux activités de la Banque des règlements internationaux en France, signé à Bâle le 13 septembre 2021.

Article 2

(Non modifié)

Approbation de l’accord de sécurité sociale entre le Gouvernement de la République française et la Banque des règlements internationaux, signé à Bâle le 13 septembre 2021.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de l’accord figure en annexe au projet de loi (n° 20)

 


([1]) Loi n° 2019-550 du 3 juin 2019 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité européenne des marchés financiers relatif au siège de l’Autorité et à ses privilèges et immunités sur le territoire français.

([2]) Projet de loi n° 4868 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Autorité bancaire européenne relatif au siège de l’Autorité bancaire européenne et à ses privilèges sur le territoire français.

([3])  Loi n° 2022-91 du 31 janvier 2022 autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer relatif au siège de l’Agence de l’Union européenne pour les chemins de fer et à ses privilèges et immunités sur le territoire français, cet accord ayant été signé en 2019.

([4]) Ces experts conduiront des travaux d’étude ou participeront à un projet. Ils seront choisis par le chef du centre en fonction de ses objectifs.

([5]) La BRI peut être amenée à créer des fonds d’investissement pour le compte de banques centrales, ou à gérer des biens appartenant à d’autres banques centrales. Elle a par exemple créé le fonds d’obligations vertes pour les banques centrales (EUR BISIP G2) auquel participe notamment la BCE. Ni les bureaux de la BRI, comme le centre de Paris du hub d’innovation, ni ces fonds n’ont de personnalité juridique distincte de celle de la BRI.

([6]) L’étude impact précise ce point : « La part des coûts à la charge de l’Eurosystème sera ensuite répartie entre ses membres selon une clé qui sera déterminée par le Conseil des gouverneurs. Cette clé devrait correspondre à leur part du capital de la Banque centrale européenne (la Banque de France détient actuellement 16,6108 % du capital de la BCE). »