N° 181

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 août 2022.

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022

PAR Mme Amélia lakrafi

Députée

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 4


 


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SOMMAIRE

Pages

introduction

I. Une relation d’amitiÉ et de confiance entre la France et le qatar

A. Un partenariat stratÉgique dans le domaine de la dÉfense et de la sÉcuritÉ

1. La coopération francoqatarienne en matière de défense

2. La coopération francoqatarienne en matière de sécurité

B. Un partenariat ciblé mais ambitieux au bÉnÉfice de la sÉcurisation de la coupe du monde de football 2022

1. L’organisation de la Coupe du monde de football, point culminant de la stratégie d’influence du Qatar dans le domaine du sport

2. Un partenariat ancien et de qualité entre la France et le Qatar pour l’organisation de grands événements sportifs

II. l’accord francoqatarien sur la sÉcurisation de la coupe du monde, une coopÉration de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sÉcuritÉ pour un grand ÉvÈnement sportif de cette ampleur

A. L’historique des nÉgociations et les procÉdures de ratification du texte

1. La genèse de l’accord

2. Les procédures de ratification

B. Les dispositions de l’accord du 5 mars 2021

1. Le préambule

2. Les dispositions générales

3. Les dispositions statutaires

a. Les dispositions relatives au déploiement, au séjour et à la circulation des agents d’une partie sur le territoire de l’autre

b. Les dispositions relatives à la protection juridique des agents

4. Les dispositions communes

Examen en commission

Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR LA RAPPORTEURe


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   introduction

L’Assemblée nationale est saisie du projet de loi n° 4, adopté par le Sénat le 15 février 2022, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022, signé à Doha le 5 mars 2021.

Cet accord intergouvernemental – qui est le premier instrument juridiquement contraignant en matière de sécurité intérieure conclu entre les deux États – vise à instituer un partenariat bilatéral franco‑qatarien pour assurer la sécurité de la prochaine Coupe du monde de football de la FIFA ([1]), qui se déroulera au Qatar du 21 novembre au 18 décembre prochains.

Cette compétition d’envergure internationale constituera le plus grand événement sportif jamais organisé dans le monde arabe. Elle attirera assurément tous les regards sur ce petit émirat du Golfe – dont la superficie équivaut à celle de la Corse –, pour qui la bonne tenue de l’événement constitue un impératif.

Ainsi, le Qatar devrait accueillir, à cette occasion, jusqu’à 1,5 million de supporteurs sur son territoire. Le tournoi pourrait, par ailleurs, mobiliser plus de 3 milliards de téléspectateurs. Quatre matchs par jour rythmeront les phases de poules, dans un espace géographique dont l’élongation la plus importante n’excède pas cinquante‑cinq kilomètres, ce qui provoquera une concentration des personnes et des flux tout à fait considérables. Dans ce contexte, trois lignes de métro et deux lignes de tramway ont été récemment créées afin de drainer l’afflux massif de supporteurs, dans un pays où la culture du transport collectif est nouvelle. En outre, le sous‑dimensionnement de la capacité hôtelière du pays – estimée actuellement à 70 000 lits – devrait être compensé par des paquebots de croisière et des structures modulaires soulevant de nouvelles problématiques en matière de sécurité.

Par cet accord, la France s’engage à soutenir et à accompagner le Qatar pour lui permettre de gérer dans les meilleures conditions possibles ce grand rendez‑vous sportif et populaire particulièrement complexe et sensible. Les forces de sécurité locales seront confrontées à de nombreux défis (gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques) ainsi qu’à certaines problématiques qu’elles n’ont pas pour habitude de gérer (contrefaçon, consommation d’alcool, actions d’organisations contestataires).

La coopération franco‑qatarienne prévue par cet accord s’articulera autour de dix grandes thématiques que sont la planification, le contre‑terrorisme, la gestion de l’ordre public, le renseignement, la sécurité des installations, la sécurité des mobilités, les moyens spéciaux terrestres, les moyens aériens, la cyber‑sécurité et enfin la sécurité civile. Ce partenariat ciblé, combinant appui technique et assistance opérationnelle, est circonscrit dans le temps puisqu’il prendra fin le 30 juin 2023.

Dans le cadre de ce partenariat, l’ambition française ne vise pas à déployer en grand nombre des unités constituées mais à apporter une expertise technique et un appui opérationnel sur le haut du spectre de la menace, auprès d’un partenaire peu préparé à la gestion de telles crises.

Pour la rapporteure, cet accord s’inscrit, par ailleurs, dans un contexte économique et commercial particulier, les retombées de la Coupe du monde de football étant estimées à environ 200 milliards de dollars, offrant ainsi des perspectives et des opportunités très importantes pour les entreprises françaises dans de nombreux secteurs d’activité (transports, infrastructures, sécurité, environnement, etc.).

 


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I.   Une relation d’amitiÉ et de confiance entre la France et le qatar

La France et le Qatar entretiennent des relations depuis la déclaration d’indépendance du pays le 3 septembre 1971 et l’ouverture croisée de représentations diplomatiques, dès l’année suivante.

La relation bilatérale s’est, par la suite, principalement développée, à partir des années 1990, dans le domaine de la sécurité et des hydrocarbures. Le souhait des autorités qatariennes de diversifier leur économie et de réduire leur dépendance vis‑à‑vis la rente gazière a permis d’élargir le spectre des coopérations entre la France et le Qatar à de nombreux secteurs, tels le sport, la culture, l’éducation ou encore la santé.

A.   Un partenariat stratÉgique dans le domaine de la dÉfense et de la sÉcuritÉ

1.   La coopération franco‑qatarienne en matière de défense

La relation bilatérale franco‑qatarienne en matière militaire s’est significativement développée et institutionnalisée depuis la signature d’un accord de défense en 1994. Elle constitue, depuis lors, un pilier majeur de la relation entre les deux États.

Le Qatar représente ainsi le deuxième partenaire opérationnel de la France dans la région du Golfe, après les Émirats arabes unis. L’État du Qatar est aussi le deuxième client de la France dans le domaine des équipements militaires, avec 11,1 milliards d’euros de commandes entre 2011 et 2020. La coopération bilatérale franco‑qatarienne en matière de défense a notamment été renforcée suite à la signature d’importants contrats d’armement – notamment une commande de vingt‑quatre avions Rafale en 2015 suivis de douze appareils supplémentaires en 2017 – qui se révèlent, par ailleurs, générateurs de besoins en formation.

Depuis 2019, le ministère des armées a mis en place un séminaire stratégique franco‑qatarien sur une base annuelle afin de développer et de diversifier la relation de défense et de favoriser l’échange de positions sur les sujets stratégiques et régionaux entre les deux pays.

2.   La coopération franco‑qatarienne en matière de sécurité

La coopération dans le domaine de la sécurité intérieure s’appuie essentiellement sur une relation privilégiée nouée entre la Force de sécurité intérieure qatarienne (FSI – Lekhwiya) ([2]) et la gendarmerie nationale française.

La FSI bénéficie depuis 2005 des conseils d’un coopérant de la gendarmerie nationale chargé d’organiser la coopération technique et, depuis l’été 2017, d’un coopérant issu du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN).

Le partenariat très fort qui lie la gendarmerie nationale française et la FSI ne cesse de se développer d’année en année. Ainsi, cinq cadets qatariens ont achevé à l’été 2019 leur scolarité à l’École des officiers de la gendarmerie nationale (EOGN), renforçant par là-même l’influence de la France chez les futurs décideurs du pays. Un nouveau cycle de formation est actuellement à l’étude.

Enfin, c’est avec le soutien de la France, que la FSI a rejoint en 2012 l’Organisation internationale des gendarmeries ou forces de sécurité à statut apparenté (FIEP ([3])).

B.   Un partenariat ciblé mais ambitieux au bÉnÉfice de la sÉcurisation de la coupe du monde de football 2022

1.   L’organisation de la Coupe du monde de football, point culminant de la stratégie d’influence du Qatar dans le domaine du sport

Depuis plusieurs années, le Qatar n’a eu de cesse de développer son influence sur la scène mondiale, à travers notamment une diplomatie sportive particulièrement dynamique.

La désignation en 2010 du Qatar comme pays hôte de la Coupe du monde de football de 2022 représente pour l’Émirat une étape importante dans sa stratégie globale de développement – désignée sous le nom de « vision 2030 » – qui a pour ambition d’impulser une diversification de l’économie qatarienne et une modernisation des infrastructures locales (routes, stades, métro…).

Par ailleurs, du point de vue de la stratégie d’influence, cette manifestation sportive d’envergure à l’échelle planétaire constitue pour le Qatar un instrument majeur de rayonnement régional et mondial. Enfin, la bonne tenue de la Coupe du monde de football de 2022 représentera pour Doha un test pour sa candidature à l’organisation des Jeux olympiques d’été de 2032.

2.   Un partenariat ancien et de qualité entre la France et le Qatar pour l’organisation de grands événements sportifs

Dans la perspective de l’accueil de ce tournoi de la FIFA, le Qatar a souhaité prioritairement rechercher l’appui des États avec lesquels il a noué de longue date des partenariats importants dans le domaine de la défense et de la sécurité, dont la France. Les questions liées à ces thématiques constituent, en effet, un axe fort et ancien de la relation bilatérale franco‑qatarienne. En outre, Paris a déjà apporté dans le passé son soutien à Doha concernant l’organisation et la sécurisation d’événements sportifs majeurs qu’il s’agisse des jeux asiatiques de 2006, des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d’athlétisme en 2019 ou encore la Coupe arabe des nations de football en 2021.

Dans la droite ligne de ces précédentes coopérations, l’Émir Cheikh Tamim bin Hamad Al Thani a officiellement demandé à la France son soutien pour l’accompagner dans la préparation et la conduite de la Coupe du monde de football de 2022.

Pour les précédents événements sportifs, l’appui français aux autorités qatariennes s’était traduit de deux manières :

-         par la mise en place d’une équipe d’appui stratégique et de planification, en amont de la compétition, afin de conseiller les autorités qatariennes dans la gestion de l’événement et de préparer l’engagement des experts français ;

-         par l’envoi, au cours de la compétition sportive, de militaires ou de fonctionnaires français assurant, au sein du centre de commandement des opérations qatariens, un rôle sur l’ensemble des aspects relatifs à la gestion d’un tel événement (menaces terroristes, gestion de l’ordre public, coordination des flux routiers, protection des hautes personnalités et des délégations, etc.).

Ces coopérations étaient réalisées sur une base ad hoc, sans donner lieu à une formalisation juridique spécifique, dans la mesure où elles revêtaient un caractère essentiellement technique (conseil, formation) et restaient d’une ampleur somme toute modeste. S’agissant de la Coupe du monde de football de 2022, événement revêtant une sensibilité et une complexité supérieures, compte tenu de son ampleur et de ses retombées médiatiques, il a semblé utile de rechercher une structuration juridique plus aboutie afin de prévoir un cadre sécurisant le déploiement d’un volume important d’experts français sur le terrain. Par ailleurs, il convenait de définir de manière précise les engagements financiers pris par chacune des parties et de garantir que l’assistance française offerte pendant la compétition se ferait à coût nul pour Paris.

Ainsi, l’accord entre la France et le Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 vise à organiser et formaliser ce soutien. À ce titre, la France prévoit un appui technique et une assistance opérationnelle comprenant notamment le déploiement de personnels et de matériels, ainsi qu’un soutien dans le domaine de la sûreté aérienne et de la lutte anti‑drones. L’accord prévoit également une protection juridique adéquate au bénéfice des agents français qui se rendraient sur le territoire qatarien pour les besoins de la mise en œuvre de ce partenariat.

Le Qatar a officiellement sollicité auprès de la France l’aide d’environ 220 experts dans les domaines suivants :

-         21 opérateurs spécialisés du GIGN ;

-         170 opérateurs en matière de lutte anti-drones ;

-         10 opérateurs en matière de déminage ;

-         10 équipes cynophiles de recherche d’explosifs ;

-         5 à 8 experts fournis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme (DNLH).

Le Qatar pourrait exprimer, dans les prochaines semaines, des besoins complémentaires (surveillance maritime et portuaire, cybersécurité, gestion des flux dans le métro, équipes équestres en service d’ordre…), notamment à l’issue d’un exercice final qui sera mené à Doha en octobre 2022.

Pour la rapporteure, cet accord constitue une occasion majeure pour la préparation de nos forces de sécurité à la veille de compétitions sportives qui se dérouleront prochainement sur notre territoire, qu’il s’agisse de la Coupe du monde de rugby en 2023 ou des Jeux olympiques de Paris en 2024. La Coupe du monde 2022 au Qatar se révélera, en effet, riche en enseignements puisqu’elle se déroulera dans le pays le plus connecté à l’échelle du globe et offrira aux forces françaises des opportunités en matière de renforcement de leurs capacités, notamment dans le cadre de la lutte anti-drones.

II.   l’accord franco‑qatarien sur la sÉcurisation de la coupe du monde, une coopÉration de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sÉcuritÉ pour un grand ÉvÈnement sportif de cette ampleur

A.   L’historique des nÉgociations et les procÉdures de ratification du texte

1.   La genèse de l’accord

S’inscrivant dans le cadre d’une relation de grande confiance et d’amitié, la négociation de cet accord intergouvernemental n’a pas posé de difficulté particulière, les deux parties étant convaincues de l’intérêt de bâtir un partenariat sur un socle solide.

Une déclaration d’intention ([4]), signée le 28 mars 2019, portant feuille de route en vue de la Coupe du monde de football de 2022, est venue fixer les principes généraux de la coopération. Elle a permis de poser les premiers jalons en vue de l’identification des domaines dans lesquels la France était susceptible d’apporter un soutien au Qatar à l’occasion de l’accueil de la compétition sportive.

Afin de sécuriser l’engagement opérationnel des agents et équipements français sur le territoire de l’État du Qatar, des discussions ont débuté en septembre 2020 entre le ministère de l’intérieur français et le comité de sécurité du comité suprême pour les projets et l’héritage du Qatar. Ces échanges avaient pour but de définir le cadre juridique pertinent au regard du niveau d’ambition souhaité par les deux États pour ce partenariat singulier. Paris avait initialement fait connaître sa préférence pour un accord qui aurait inscrit la coopération bilatérale en matière de gestion des grands événements sportifs dans un cadre temporel pérenne. Cependant à la demande de Doha, le choix s’est finalement porté sur la négociation d’un instrument répondant à un objet limité – la sécurisation de la Coupe du monde de football 2022 – pour une durée circonscrite – l’accord prenant fin en juin 2023.

La négociation de cet accord a été menée dans des délais courts, traduisant le souhait de la France et du Qatar d’élaborer rapidement le dispositif juridique permettant de concrétiser ce partenariat.

2.   Les procédures de ratification

S’agissant de la partie qatarienne, le présent accord est désormais ratifié depuis mai 2022. L’instrument de ratification a été sollicité par les autorités françaises auprès des autorités locales.

Pour ce qui concerne la partie française, le Sénat a déjà examiné et ratifié l’accord en février 2022. L’Assemblée nationale achève donc présentement la procédure d’autorisation de la ratification de cet accord.

B.   Les dispositions de l’accord du 5 mars 2021

L’accord établissant un partenariat entre la France et le Qatar pour la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 comporte un préambule et quinze articles.

1.   Le préambule

L’accord du 5 mars 2021 comprend un préambule qui rappelle que les questions de sécurité constituent un axe fort et ancien de la coopération franco‑qatarienne en renvoyant notamment aux nombreux textes bilatéraux conclus entre les deux États dans ce domaine.

Ce préambule souligne, par ailleurs, « le partenariat mutuellement bénéfique qui s’est établi entre leurs forces de sécurité intérieure depuis plus de deux décennies et sa contribution essentielle à la sécurité des deux États ».

Enfin, il insiste sur les défis qui « peuvent s’attacher à l’organisation et à la gestion des grands événements sportifs en matière de sécurité des populations et des infrastructures » et proclame le désir des deux États d’établir un partenariat qui aura pour effet de contribuer « à pérenniser leur coopération ancienne dans le domaine de la gestion des grands événements sportifs ».

2.   Les dispositions générales

Le titre Ier de l’accord regroupe les principales dispositions du partenariat franco‑qatarien.

L’article 1er énonce les finalités de l’accord, qui vise à établir un partenariat combinant appui technique et assistance opérationnelle entre les services compétents des deux États en matière de gestion de la sécurité des grands événements sportifs afin d’assurer un haut niveau de sécurité pour la Coupe du monde de football de 2022.

L’article 2 de l’accord présente les principaux domaines du partenariat franco‑qatarien relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football. Il porte notamment sur :

-         la planification de la gestion sécuritaire et de la gestion de sécurité civile ;

-         le commandement et la conduite des dispositifs de sécurité ;

-         la communication institutionnelle et la communication de crise ;

-         les méthodes et outils de collecte, d’analyse et de diffusion du renseignement d’ordre public ;

-         les tactiques et techniques de gestion de l’ordre public ainsi que la prévention de la commission d’actes illicites par des supporteurs violents ou à l’occasion de mouvements de foule ;

-         la gestion de crises de haute intensité, l’emploi d’unités de contre‑terrorisme ainsi que les tactiques et techniques d’intervention ;

-         la surveillance et la protection des sites et des enceintes sportives ;

-         la coordination de la sécurité des infrastructures et des moyens de transport et des flux de personnes ainsi que la prévention et la détection des actes illicites les visant et les mesures d’intervention permettant de faire face à ceux‑ci ;

-         la sécurité des systèmes d’information utilisés, la prévention des atteintes à leur sécurité ou à leur fonctionnement et la lutte contre les cyber‑menaces ;

-         l’emploi de moyens spécialisés, aux fins notamment de la recherche et de la neutralisation d’engins explosifs et de la lutte contre l’emploi malveillant de drones ;

-         le commandement et la gestion opérationnelle des opérations de secours ;

-         la prévention des risques nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques et l’intervention face à ces menaces ;

-         la coordination entre forces de sécurité et services de secours.

L’article 3 porte sur les instruments du partenariat. Il précise que les « services compétents mobilisent l’ensemble des instruments de coopération pertinents pour la mise en œuvre de ce partenariat » (alinéa 1). Il présente les principales modalités de ce partenariat qui combine coopérations techniques (échanges de bonnes pratiques, visites d’études, stages, missions d’expertise, tenue de séminaires et de réunions de travail thématiques) et assistance opérationnelle (exercices et entraînements, mise à disposition d’experts, de matériels, d’équipements, de véhicules et d’engins).

3.   Les dispositions statutaires

Le titre II de l’accord comprend les dispositions statutaires s’appliquant à cette coopération franco‑qatarienne en s’assurant que les agents français qui seront impliqués dans ce partenariat sur le territoire de l’État du Qatar disposeront d’une sécurité juridique appropriée. L’accord institue ainsi des garanties équivalentes à celles qu’un accord de statut des forces procure pour une coopération de défense.

a.   Les dispositions relatives au déploiement, au séjour et à la circulation des agents d’une partie sur le territoire de l’autre

Les premiers articles du titre II concernent les différentes questions relatives au déploiement, au séjour et à la circulation des agents d’une partie sur le territoire de l’autre.

L’article 4 de l’accord porte sur le déplacement et la circulation des agents impliqués dans ce partenariat. Il précise notamment que les agents de la partie d’envoi sont autorisés à entrer sur le territoire de la partie d’accueil, y compris ses eaux territoriales et son espace aérien, avec le consentement préalable des autorités compétentes de la partie d’accueil.

L’article 5 de l’accord traite des questions relatives à la conduite et à la circulation des véhicules et engins de service. Il précise notamment que les agents de la partie d’envoi autorisés à conduire des véhicules et engins de service sur leur territoire sont autorisés à conduire les véhicules et engins de même catégorie sur le territoire de la partie d’accueil.

L’article 6 de l’accord porte sur la question touchant à l’uniforme et à l’armement de service des agents. Il précise notamment que les agents de la partie d’envoi peuvent « revêtir l’uniforme et les insignes de leur service » (alinéa 1), conformément à la réglementation en vigueur dans leur État. Il indique, par ailleurs, que les agents de la partie d’envoi peuvent « détenir et porter leurs armes individuelles de dotation, munitions et équipements de service » (alinéa 2) sur le territoire de la partie d’accueil conformément à la législation en vigueur dans leur État et aux prescriptions des autorités compétentes de la partie d’accueil. Enfin, il énonce que les agents de la partie d’envoi peuvent utiliser « leurs armes individuelles de dotation conformément à la législation de la partie d’accueil » (alinéa 3), à moins que les autorités compétentes de cette dernière n’acceptent l’application des règles en vigueur dans la partie d’envoi.

L’article 7 de l’accord porte sur les systèmes de communication. Il précise notamment que toute installation d’un système de communication par les agents de la partie d’envoi est soumise à l’autorisation préalable des autorités compétentes de la partie d’accueil, « qui examinent avec bienveillance ces demandes » (alinéa 1). Il indique, en outre, que « la construction, l’entretien et l’utilisation de ces systèmes s’effectuent dans les conditions convenues entre les parties » (alinéa 1).

b.   Les dispositions relatives à la protection juridique des agents

Les autres articles du titre II portent sur les questions relatives à la protection juridique des agents.

L’article 8 de l’accord précise l’autorité hiérarchique et la compétence disciplinaire de la partie d’envoi. Il indique que « les agents de la partie d’envoi présents sur le territoire de la partie d’accueil relèvent de l’autorité de leur partie, selon les modalités qui lui sont propres » et que « les règles et modalités de leur emploi sont décidées par les autorités de la partie d’envoi, en liaison avec les autorités de la partie d’accueil » (alinéa 1). En outre, il énonce que « les autorités de la partie d’envoi exercent une compétence exclusive en matière de discipline sur leurs agents » (alinéa 2). Cet article stipule que « les agents de la partie d’envoi respectent, durant leur séjour sur le territoire de la partie d’accueil, l’ordre juridique interne de celleci et s’abstiennent sur son territoire de toute activité incompatible avec l’esprit du présent accord » (alinéa 3). Enfin, la France et le Qatar s’engagent à se consulter « en cas de manquement d’agents de la partie d’envoi au droit interne de la partie d’accueil » (alinéa 4) et, le cas échéant, à s’informer des mesures prises.

L’article 9 porte sur la priorité de juridiction et les garanties pénales. Il précise notamment que « les infractions commises sur le territoire de la partie d’accueil par un agent de la partie d’envoi relèvent de la compétence des juridictions de la partie d’accueil » (alinéa 1) tout en émettant une réserve puisque « les autorités compétentes de la partie d’envoi exercent par priorité leur juridiction en cas d’infractions résultant d’un acte, négligence ou omission d’un de ses agents dans l’exercice de ses fonctions officielles » ou « lorsque l’infraction porte uniquement atteinte à la sécurité de la partie d’envoi », « lorsque l’infraction porte uniquement atteinte à la personne ou aux biens d’un autre agent de la partie d’envoi » ou encore « lorsque l’infraction porte uniquement atteinte aux biens de la partie d’envoi » (alinéa 2). L’article précise, par ailleurs, que la partie d’envoi apporte son concours, « dans le respect des principes fondamentaux de son droit » (alinéa 4), afin de présenter tout agent devant les autorités compétentes de la partie d’accueil aux fins de l’instruction. L’article énonce que les autorités compétentes de la partie d’accueil sont tenues d’aviser au plus vite les autorités compétentes de la partie d’envoi de toute arrestation d’un agent, en précisant les motifs de l’arrestation. Enfin, l’accord stipule « qu’en cas de poursuite devant les juridictions de la partie d’accueil, les agents de la partie d’envoi bénéficient des garanties relatives à un procès équitable » (alinéa 7). Au travers de cet article, le Qatar s’est, par ailleurs, engagé à ce que la peine de mort, ainsi que les peines contraires aux engagements résultant des conventions internationales auxquelles la France est partie, ne soient ni requises, ni prononcées. Et dans l’hypothèse où de telles peines seraient prononcées, il s’est engagé à ce qu’elles ne soient pas appliquées (alinéa 10).

L’article 10 porte sur le règlement des dommages causés et subis. En vertu de cet article, la France et le Qatar renoncent « à toute demande d’indemnité à l’encontre de l’autre partie, ainsi qu’à l’encontre des agents de cette partie, pour les dommages causés à ses propres agents ou à ses propres biens dans le cadre de la mise en œuvre du présent accord » (alinéa 1). L’article précise que cette renonciation « vaut également en cas de blessure ou de décès d’un agent d’une partie » (alinéa 1) mais ne s’applique pas « en cas de faute lourde ou intentionnelle » (alinéa 2). S’agissant des dommages causés à un tiers, l’article précise que « la charge des indemnités versées pour la réparation des dommages causés à la personne ou aux biens d’un tiers est prise en compte en totalité par l’une des parties, si le dommage lui est exclusivement imputable » et qu’elle revient « à parts égales aux deux parties si le dommage leur est conjointement imputable, ou s’il n’est pas possible d’établir la responsabilité respective de chaque partie » (alinéa 3).

4.   Les dispositions communes

Le titre III traite des dispositions communes et finales usuelles pour un accord de ce type.

L’article 11 porte sur les questions relatives à la confidentialité des informations. Il précise que la France et le Qatar s’assurent notamment « du respect de la confidentialité des informations et documents reçus dans le cadre du présent accord si ceux-ci ont fait l’objet d’une protection particulière » (alinéa 1).

L’article 12 traite des questions relatives au financement du partenariat dont la mise en œuvre pratique sera définie dans un protocole financier complémentaire (alinéa 5). L’article indique que « les actions de conseil technique et d’assistance opérationnelle réalisées par la partie d’envoi au profit de la partie d’accueil, dans le cadre de la mise en œuvre du présent accord, sont prises en charge par la partie d’accueil » (alinéa 1). Il précise en outre que « la partie d’accueil prend en charge les frais de transport, d’alimentation et d’hébergement des agents de la partie d’envoi », ainsi que « les surcoûts de rémunération de ces agents » (alinéa 2). L’article stipule que « la partie d’envoi peut importer sur le territoire de la partie d’accueil, en franchise de droits de douane et de taxes, les matériels, équipements, véhicules et engins qui lui appartiennent, dans le cadre de la mise en œuvre du présent accord », divers éléments qui pourront, par la suite, « être réexportés (…) vers le territoire de la partie d’envoi, en franchise de droits de douane et de taxes » (alinéa 3). Enfin, l’article précise que « la partie d’accueil prend en charge les frais de mise à disposition, de transport et de maintien en condition opérationnelle des matériels collectifs, véhicules et engins mis à sa disposition ou engagés sur son territoire » (alinéa 4).

L’article 13, qui porte sur la coordination et le suivi du partenariat, identifie différents points de contacts. Pour la partie française, cette charge revient au service de sécurité intérieure de l’ambassade de France à Doha et pour la partie qatarienne au comité des opérations de sécurité et de sûreté de la coupe du monde FIFA 2022 du comité suprême pour les projets et l’héritage.

L’article 14 traite de la question du règlement des différends. Il précise que « tout différend relatif à l’interprétation ou à l’application du présent accord est réglé par voie de consultations ou de négociation entre les parties ».

Enfin, l’article 15 concerne les dispositions finales. Il prévoit que l’accord « prend effet le premier jour du deuxième mois » (alinéa 1) suivant la date de la dernière notification relative à l’accomplissement des procédures internes requises pour chacune des parties.

L’article prévoit également une possibilité de modification de l’accord, la France et le Qatar pouvant « à tout moment et d’un commun accord, amender par écrit » celui‑ci (alinéa 2).

L’article prévoit aussi une possibilité de suspension de mise en œuvre de l’accord « à tout moment, par voie de notification écrite adressée à l’autre partie par la voie diplomatique. Cette dénonciation prend effet dix jours après la date de réception de la notification par l’autre partie ». Dans un tel cas, il est prévu que la France et le Qatar « se concertent si des actions de conseil technique ou d’assistance opérationnelle sont en cours de réalisation au moment où une demande de suspension est formulée » (alinéa 3).

Enfin, l’article précise que l’accord de partenariat franco‑qatarien cesse d’être en vigueur le 30 juin 2023 (alinéa 4). Il indique, en outre, que « la suspension ou la fin de vigueur du présent accord n’affecte pas les droits ou obligations résultant de son exécution, préalablement à cette dénonciation » (alinéa 5).



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   Examen en commission

Le mercredi 3 août 2022, la commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a été adopté par le Sénat le 15 février 2022, juste avant la suspension de nos travaux en raison des échéances électorales. L’Assemblée nationale n’a donc pas pu l’examiner avant son renouvellement. Le Gouvernement avait dans un premier temps envisagé de l’inscrire à notre ordre du jour en septembre mais il a décidé – à la demande de nombre d’entre nous, d’ailleurs – de ne pas prévoir de session extraordinaire à l’automne prochain. Comme il fallait impérativement adopter le texte avant la manifestation sportive, qui se déroulera en novembre et décembre 2022, celui-ci a finalement été inscrit à l’ordre du jour de la séance publique de demain, ce qui a imposé à notre rapporteure de faire diligence alors même qu’elle était la semaine dernière en Afrique, dans sa circonscription, avec le Président de la République. Je l’en remercie.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Notre commission est saisie du projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre la France et le Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football, qui se déroulera au Qatar du 21 novembre au 18 décembre 2022. Il s’agit d’un texte avant tout technique rédigé dans une forme à laquelle nous sommes habitués, puisqu’il s’inspire des clauses classiques fondant les accords de sécurité conclus par la France avec ses partenaires, mais qui porte sur un objet précis. Aussi les termes de cet accord prendront-ils fin à l’issue de la compétition, plus précisément le 30 juin 2023.

Si l’organisation de la Coupe du monde de football concentre tous les regards, la coopération avec le Qatar dans le domaine de la sécurité des grands événements sportifs n’est pas nouvelle. Nous sommes ainsi intervenus en appui opérationnel et technique à l’occasion des Jeux asiatiques en 2006, des championnats du monde de handball, de cyclisme et d’athlétisme, respectivement en 2015, 2016 et 2019, et de la Coupe arabe des nations de football en 2021. Ce qui change, en l’espèce, c’est l’envergure de l’événement couvert par l’accord, qui constitue le premier cadre juridique contraignant signé avec le Qatar en matière de sécurité, les coopérations antérieures n’ayant jamais donné lieu à une formalisation spécifique : la Coupe du monde de football constituera la plus grande compétition sportive jamais organisée dans le monde arabe. Elle focalisera, à n’en pas douter, l’attention du monde entier sur ce petit émirat du Golfe, pour qui la bonne tenue de l’événement constitue un impératif.

Le Qatar devrait accueillir, à cette occasion, jusqu’à 1,5 million de supporteurs sur son territoire et mobiliser jusqu’à 3 milliards de téléspectateurs. Quatre matchs par jour rythmeront les phases de poules, dans un espace géographique restreint, puisque les distances n’excéderont pas cinquante-cinq kilomètres, ce qui provoquera une concentration des personnes et des flux considérables. Le sous-dimensionnement de la capacité hôtelière du pays – estimée à 70 000 lits – devrait être compensé par des paquebots de croisière et des structures modulaires. Les forces de sécurité locales seront ainsi confrontées à de nombreux défis – menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques… –, ainsi qu’à des problèmes qu’elles n’ont pas l’habitude de rencontrer : contrefaçon, consommation d’alcool, etc.

Dans la perspective de ce grand rendez-vous populaire, dont l’organisation lui a été confiée en 2010, le Qatar a souhaité obtenir l’appui d’États avec lesquels il a noué de longue date des partenariats dans le domaine de la sécurité. Avec les États-Unis et le Royaume-Uni, notre pays est l’un d’entre eux.

Par le présent accord, la France s’engage à soutenir et à accompagner le Qatar pour lui permettre de gérer cet événement dans les meilleures conditions possibles. La coopération s’articule autour de dix grandes thématiques : la planification, le contre-terrorisme, la gestion de l’ordre public, le renseignement, la sécurité des installations, la sécurité des mobilités, les moyens spéciaux terrestres, les moyens aériens, la cybersécurité, la sécurité civile. La France apportera un appui technique et une assistance opérationnelle comprenant notamment le déploiement de personnels et de matériels, ainsi qu’un soutien dans le domaine de la sûreté aérienne et de la lutte antidrones. L’accord prévoit également une protection juridique adéquate pour les agents qui se rendront sur le territoire qatarien dans le cadre du partenariat.

Le Qatar a sollicité l’aide d’environ 220 experts : 21 opérateurs spécialisés du groupe d’intervention de la gendarmerie nationale (GIGN), 170 opérateurs de lutte antidrones, 10 opérateurs de déminage, 10 équipes cynophiles de recherche d’explosifs et 5 à 8 experts fournis par la division nationale de lutte contre le hooliganisme. Il pourrait exprimer, dans les prochaines semaines, des besoins complémentaires, par exemple en matière de surveillance maritime et portuaire, de gestion des flux dans le métro ou d’équipes équestres assurant le service d’ordre, à l’issue d’un exercice final mené à Doha en octobre 2022.

Ce partenariat sera riche en enseignements pour nos forces de sécurité à la veille des compétitions sportives qui se dérouleront sur notre territoire, comme la Coupe du monde de rugby en 2023 ou les Jeux olympiques de Paris en 2024 ; elle se déroulera dans le pays le plus connecté du globe et permettra de renforcer nos capacités, notamment en matière de lutte antidrones.

Cet accord s’inscrit en outre dans un contexte économique et commercial particulier. Les retombées de la compétition sont estimées à quelque 200 milliards de dollars, offrant des perspectives importantes pour les entreprises françaises dans de nombreux secteurs d’activité : transports, infrastructures, sécurité, environnement, notamment.

La conclusion de tels partenariats formels et concertés nous permet de nourrir un dialogue régulier, de confiance mais exigeant, avec le Qatar. J’ai la conviction que c’est la bonne méthode pour accompagner les changements à l’œuvre dans l’émirat en matière de droits de l’homme, de droit des femmes ou de droit du travail. Si les avancées enregistrées ces dernières années sont sans doute trop timides aux yeux de beaucoup, rompre nos relations dans tous les domaines de coopération s’avérerait, selon moi, contre-productif et ne serait pas de nature à soutenir efficacement nos exigences.

Par cet accord, nous exposerons au monde entier notre savoir-faire. En retour, nous engrangerons de l’expérience et bénéficierons d’un entraînement pour les événements sportifs que nous allons prochainement organiser. Surtout, nous contribuerons à la sécurité de nos compatriotes et, plus globalement, de tous les amoureux du sport.

Pour l’ensemble de ces raisons, je vous invite à voter en faveur de l’approbation de l’accord.

M. Vincent Ledoux (RE). Au-delà du football, la coopération est une affaire importante. Les coopérations techniques que j’ai réussi à faire engager lors de la précédente législature montrent combien il importe d’échanger bonnes pratiques, expertises et savoir-faire.

Le présent accord est aussi l’occasion de souligner l’excellence de la police française, à l’heure où elle est violemment décriée par certains d’entre nous. Les Français aiment leur police et ils peuvent être fiers qu’elle rayonne à l’international et fasse profiter d’autres pays de son savoir-faire et de son expertise.

L’accord s’inscrit dans une longue tradition de coopération avec le Qatar, qui a permis d’approfondir nos relations au-delà des domaines traditionnels de la sécurité et de la défense, jusqu’aux secteurs de la culture et du sport. Nos experts étaient déjà à l’œuvre en 2021 lors de la Coupe arabe des nations, ce qui a permis de premières expérimentations.

Cet accord, technique, définit un cadre protecteur pour les experts français et constitue un instrument contraignant pour les deux pays ; il devient le socle institutionnel et juridique de la coopération franco-qatarienne. Il propose une offre intégrée de haut niveau alliant appui technique, assistance opérationnelle, planification, commandement des opérations, gestion de l’ordre public, cybersécurité, contre-terrorisme. Ce pack de protection permettra d’assurer une sécurité maximale aux spectateurs, qu’ils soient français ou étrangers, et d’anticiper les événements sportifs à venir.

Toutefois, s’il s’agit d’un accord avant tout technique, on ne peut pas éviter d’aborder les questions morales et éthiques. Coopérer ne signifie pas renoncer, en particulier à notre vocation historique de défense des droits de l’homme, des droits des femmes, de ceux de l’environnement et de la planète. Ces valeurs, que nous cultivons et promouvons à travers le monde entier, il convient que nous les rappelions avec force et que nous soulignions qu’elles ne valent que par leur caractère universel. Coopérer pour améliorer notre sécurité, c’est bien, mais coopérer en faisant progresser en même temps les droits humains et ceux de la planète, c’est mieux. Je fais confiance au Gouvernement et au Président de la République pour y contribuer à la faveur de cette communion planétaire.

Le groupe Renaissance apportera son soutien à ce texte.

M. Alexis Jolly (RN). Ce projet de loi suscite des interrogations. Le Qatar serait-il incapable d’organiser seul la Coupe du monde et d’assurer la sécurité des foules qui se déplaceront pour cet événement sportif international ? La France a-t-elle déjà apporté son concours à l’organisation de précédentes Coupes du monde ? La conclusion d’un tel partenariat de coopération apporte en tout cas de l’eau au moulin des détracteurs de l’organisation de cet événement par le Qatar.

L’article 9 de l’accord prévoit que les infractions commises par le personnel français relèveront des juridictions qatariennes. La France laissera-t-elle un agent qui aurait consommé de l’alcool recevoir, conformément au droit qatarien, une peine de prison de six mois ? Vous qui êtes toujours prompts à donner des leçons de droits de l’homme dès que quelqu’un qui n’est pas de votre bord politique remet en cause du bout des lèvres le moindre article de votre credo libéral-libertaire, vous assurerez-vous que seront garantis les droits fondamentaux de nos agents et que ceux-ci ne seront pas soumis à de mauvais traitements au nom de principes étrangers contraires aux valeurs dont vous vous faites habituellement et avec véhémence les chantres ?

M. Carlos Martens Bilongo (LFI-NUPES). Je serais moins enthousiaste que mon collègue du groupe Renaissance. Sans évoquer de mauvais souvenirs, après le fiasco du 28 mai au Stade de France, je ne m’attendais pas à ce que la sécurité des grands événements sportifs soit vantée comme un domaine d’expertise de la France. À cette occasion, le manque d’effectifs a été constaté unanimement, tout comme le manque d’anticipation et de coordination entre les différentes unités de police présentes.

Le rapport présenté par la rapporteure se félicite que la Coupe du monde soit pour le Qatar un instrument de rayonnement régional et mondial. Mais de quel rayonnement parlons-nous au regard des droits humains et de l’impact environnemental ?

Les conditions d’attribution du tournoi font, en France, l’objet d’une enquête pour corruption.

Par ailleurs, les préparatifs de cette Coupe du monde ont été à l’origine de violations des droits humains de centaines de milliers de travailleurs migrants. Selon le journal britannique The Guardian, plus de 6 500 travailleurs venus d’Inde, du Pakistan, du Népal, du Bangladesh et du Sri Lanka sont morts au Qatar depuis décembre 2010, soit en moyenne douze décès par semaine. Les réformes du système quasi esclavagiste de la kafala opérées ces dernières années sont purement cosmétiques.

Il faut aussi aborder les conséquences environnementales. Le rapport évoque le sous-dimensionnement hôtelier du pays, dont la capacité est estimée à 70 000 lits, mais ne s’émeut pas qu’il soit compensé par des paquebots de croisière. Leurs effets désastreux sur l’environnement sont très largement documentés mais le rapport ne s’en soucie pas.

Selon l’enquête de trois médias scandinaves, les couples homosexuels sont refusés par plusieurs hôtels recommandés par la FIFA, la Fédération internationale de football association. En outre, le responsable de la sécurité de la Coupe du monde a déclaré que si un supporter brandit un drapeau arc-en-ciel dans un stade et qu’on le lui enlève, ce ne sera pas pour l’offenser mais pour éviter qu’il soit agressé par un autre supporter. Pourtant, vous ne voulez pas aborder la situation des personnes LGBT au Qatar.

Enfin, cette Coupe du monde se déroulera dans l’un des endroits les plus chauds de la planète et un système de climatisation à ciel ouvert a été installé dans chaque stade, aberration qui aura nécessairement des conséquences sur l’effet de serre et le dérèglement climatique.

Nous aimerions pouvoir nous réjouir des perspectives ouvertes par cette Coupe du monde pour fédérer les peuples par le sport mais, selon un proverbe persan, « on ne cueille pas le fruit du bonheur sur l’arbre de l’injustice ».

M. Vincent Seitlinger (LR). Le choix du Qatar pour la Coupe du monde est controversé en raison d’allégations de corruption et d’une politique environnementale indigne. Mais le point le plus préoccupant demeure le bilan désastreux de ce pays en matière de droits de l’homme. Malgré les avertissements, rien n’a été fait pour empêcher les violations des droits humains, avec pour conséquence plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de morts et de blessés sur les chantiers.

L’attribution de l’organisation de la Coupe du monde aurait dû se faire en échange de garanties. À l’avenir, la FIFA ne doit plus attribuer son organisation à des pays qui présentent des risques d’atteintes aux droits des travailleurs, de discriminations, de restrictions à la liberté d’expression ou de corruption. La France doit peser en ce sens.

Il faut ajouter à cela les accusations récurrentes de financement du terrorisme ou du séparatisme, au travers de l’aide financière à certaines mosquées ou associations sur le sol français.

Il n’en demeure pas moins que le Qatar doit être traité comme un partenaire et que la coopération en matière de sécurité doit être approfondie, afin de combattre au mieux le terrorisme et son financement. Il en va de même pour la coopération dans le domaine de la défense ; n’oublions pas que le Qatar a été l’un des premiers États à faire confiance au Rafale.

Une coopération en matière environnementale aurait pu être organisée, étant donné le peu d’efforts du Qatar dans ce domaine, mis en évidence notamment par la climatisation des stades au moment même où l’on demande à nos concitoyens de faire preuve de sobriété énergétique.

Je suppose, madame la rapporteure, que nos forces de sécurité sont déjà présentes au Qatar. Nous souhaiterions savoir quelle est l’ampleur de ce dispositif et combien de personnes seront concernées lors de la pleine application de cet accord.

Tout en soulignant les nombreuses difficultés de ce dossier liées au choix fait par la FIFA, le groupe Les Républicains ne s’opposera pas à l’adoption de cet accord avec un pays allié, avec lequel la France doit approfondir de nombreuses relations.

M. Bruno Fuchs (DEM). J’évoquerai d’abord les conditions d’attribution de l’organisation de la Coupe du monde au Qatar. Des soupçons pèsent sur le processus, avec l’ouverture de plusieurs procédures judiciaires dans de nombreux pays.

Compte tenu de l’urgence climatique, on peut s’interroger fortement sur l’impact environnemental de la construction de huit stades et de leur climatisation à ciel ouvert. Si le Qatar a annoncé atteindre la neutralité carbone, aucun élément ne le démontre.

La dénonciation des conditions de travail des immigrés demeure légitime mais il faut reconnaître que le Qatar a amélioré son dispositif pour y répondre. On partait d’une situation très critiquable et les pressions internationales ont permis des évolutions – même si le Qatar est encore loin des standards que partagent les pays occidentaux. Tel n’est cependant pas l’objet du texte qui nous est soumis.

Les États, dont la France, n’ont pas été associés au choix du pays hôte de cette compétition. La FIFA en porte seule la responsabilité.

L’accord porte sur les moyens d’assurer la sécurité de la Coupe du monde en travaillant en bonne intelligence avec le Qatar, ainsi que nous le faisons depuis des années. On ne peut pas faire comme si des risques comme le terrorisme ou les mouvements de foule n’existaient pas. La coopération prévue est destinée à y faire face.

La France possède un savoir-faire mondialement reconnu dans le domaine de la sécurité des grands événements sportifs. L’initiative prise par le Qatar en faveur d’un accord bilatéral pour l’aider à sécuriser la Coupe du monde en est une démonstration. Pour ma part, je m’en réjouis. La France rayonne chaque année par son savoir-faire, avec l’organisation du tournoi de Roland-Garros et du Tour de France, dont la réussite est visible dans le monde entier.

Comme le souligne le rapport, participer à la sécurisation du mondial de football permettra d’étoffer notre propre stratégie d’organisation des grands événements sportifs et notre expertise. Cet évènement planétaire sera aussi l’occasion de faire connaître le savoir-faire français. Malgré les critiques formulées sur le choix du Qatar, il faut que cette Coupe du monde se déroule le mieux possible.

Dans un esprit constructif et de responsabilité, le groupe Démocrate (MODEM et indépendants) vous appelle à voter ce texte.

M. Alain David (SOC). Nous ne pouvons pas nous contenter d’examiner ce texte technique sans nous pencher sur le contexte.

Les choses sont simples en ce qui concerne le projet d’accord proprement dit et ses effets juridiques : partenaire ancienne du Qatar, la France est sollicitée pour partager son expertise en matière d’ordre public lors des grands événements sportifs et de gestion des supporteurs, expertise toute relative au vu du fiasco de la finale de la dernière Ligue des champions au Stade de France.

La seule évocation d’une Coupe du monde de football nous renvoie à des expériences heureuses, même si tout ne fut pas parfait dans l’organisation de celle de 1998.

La coopération avec le Qatar doit permettre de valoriser les compétences des services français et de faire rayonner nos pôles d’expertise. Une Coupe du monde représente un enjeu économique de l’ordre de 200 milliards de dollars, ce qui n’est pas sans offrir des perspectives à nos entreprises dans une cité-État avec laquelle la France enregistre son sixième excédent commercial. En outre, l’accord prévoit la prise en charge, par la partie bénéficiaire, de la coopération de l’intégralité des dépenses. La sécurité juridique des personnels déployés au Qatar sera assurée pour leurs interventions – c’est à voir.

Tout semble aller pour le mieux dans le meilleur des mondes. Toutefois il y a un contexte autour du texte. L’intérêt de la France n’est-il pas de rester crédible dans ses choix de coopération ? Disons le plus simplement : cette coopération s’inscrit dans le cadre d’une compétition que certains ont qualifié de Coupe du monde de la honte. Ses conditions d’attribution et de mise en œuvre ont bafoué le droit et ont heurté l’opinion.

Le processus d’attribution de l’événement fait l’objet de lourdes procédures judiciaires dans plusieurs pays, dont le nôtre. Le parquet national financier (PNF) a ouvert une information judiciaire pour corruption active et passive, recel et blanchiment. Des procédures similaires sont en cours aux États-Unis et en Suisse.

Il faut également s’interroger sur les conditions de travail épouvantables des milliers de travailleurs étrangers sur les chantiers de construction des stades et des différentes infrastructures. L’Organisation internationale du travail (OIT) et certaines organisations non gouvernementales (ONG) ont certes salué des avancées ces dernières années – notamment l’abolition de la kafala – mais nombreuses sont les organisations de défense des droits de l’homme qui continuent de les trouver profondément insuffisantes. Elles mettent aussi en doute le nombre officiel de morts au travail. Or les conditions de travail doivent toujours être défendues avec une vision internationaliste.

Et que dire de la débauche énergivore de l’événement ? Le Qatar est le champion mondial des émissions de CO2 par habitant. Pendant ce temps on exhorte les Français à tendre vers la sobriété, alors qu’ils comptent ce qu’il leur reste à la fin du mois.

Enfin alors que cet accord concerne la lutte contre le terrorisme et l’expertise en matière de cybersécurité, on ne peut que s’interroger sur le financement par des fonds qatariens de certaines filières impliquées dans la diffusion de l’islamisme politique.

Notre groupe votera contre la ratification de cet accord.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Ce n’est pas la première fois que nous travaillons avec le Qatar sur la sécurité des grands évènements sportifs. En effet, lors de la Coupe arabe des nations de football en 2021, plusieurs experts français avaient été missionnés à Doha, ce qui a permis d’affiner notre offre sécuritaire.

Grâce à cette nouvelle coopération, nous pourrons encore améliorer nos compétences dans la perspective des grands événements à venir en France, notamment la Coupe du monde de rugby en 2023 et les Jeux olympiques en 2024. Ce sera une occasion d’achever de se familiariser avec les nouvelles technologies dont nous disposons, d’observer et de comprendre les erreurs à ne pas reproduire mais aussi de perfectionner la formation des forces de l’ordre.

Le Qatar est un allié de la France dans le Golfe. C’est un partenaire économique mais également stratégique en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. L’émirat apporte un soutien logistique à la coalition internationale contre Daech, en mettant à sa disposition une base militaire.

Cet accord permet également d’assurer la sécurité juridique des agents qui seront déployés. C’est un aspect très important. En cas de poursuite judiciaire, nos ressortissants seront protégés par toutes les garanties relatives au droit au procès équitable. Ils devront être jugés dans des délais raisonnables et en aucun cas la peine de mort ne pourra être prononcée.

L’accord est bénéfique au niveau national : nous améliorerons nos compétences en matière de sécurité. Il l’est aussi d’un point de vue géopolitique car nous renforçons nos liens avec un pays clé du Golfe.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur de ce projet de loi.

M. Hubert Julien-Laferrière (ÉCOLO-NUPES). Nous pourrions être satisfaits du fait que le Qatar fait appel à l’expertise française en matière de sécurité. Nous devons néanmoins nous interroger : pourquoi le Qatar aurait-il tant besoin de la France pour assurer la sécurité de la Coupe du monde de football ? N’est-il pas en mesure de le faire lui-même, le cas échéant avec l’aide de ses voisins ?

Je reviens à mon tour sur le contexte. Les conditions d’attribution de l’organisation de la Coupe du monde de football demeurent peu claires et on dénonce un véritable désastre environnemental. Le Qatar avance qu’il ne sera pas nécessaire de climatiser les stades, puisqu’il y fait seulement 20 à 25 degrés en novembre – je peux le confirmer pour m’y être rendu à cette période, il y a quelques années. Toutefois, lesdits stades continueront à être utilisés après la Coupe du monde, y compris l’été, et seront donc climatisés. En outre, la climatisation n’est pas le seul problème montré du doigt en matière environnementale.

J’en viens à la question des droits. Ces derniers temps, la Qatar a fait l’objet de critiques concernant la situation des femmes, le traitement des minorités LGBT et les conditions imposées aux travailleurs. C’est pourquoi certains États envisagent un boycott diplomatique de la Coupe du monde. De même, plusieurs pays, au premier rang desquels les États-Unis, avaient organisé un boycott diplomatique des Jeux d’hiver de Pékin – la France avait alors refusé de s’y associer.

Amnesty International dénonce 6 500 morts sur les chantiers de la Coupe du monde, même si, d’après l’article précité du Guardian, on ignore si ces décès sont directement liés au travail sur les chantiers. Pardon de me livrer à un tel décompte macabre mais il importe d’en connaître les causes.

Pour faire le point sur la question, plusieurs collègues et moi avons organisé à l’Assemblée nationale, en février dernier, une audition de Lola Schulmann, chargée de plaidoyer à Amnesty International, de Max Tuñón, chef du bureau de l’OIT à Doha, et de Sharan Burrow, secrétaire générale de la Confédération syndicale internationale (CSI). Les deux derniers ont salué les progrès en matière de droits des travailleurs au Qatar, certes au regard non pas de nos propres standards mais de ceux des voisins de l’émirat dans le Golfe.

Face aux doutes que l’on peut nourrir, je propose que notre commission approfondisse son travail en auditionnant des ONG, l’OIT et la CSI. Elle a toute compétence pour se saisir du sujet. Quelques 6 500 morts, cela mérite que l’on s’y intéresse de près.

Compte tenu de tous ces éléments, le groupe Écologiste-NUPES s’opposera à la ratification de cet accord.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). C’est tout de même assez extraordinaire : notre justice enquête sur les soupçons de corruption dans l’attribution au Qatar de l’organisation de la Coupe du monde de football, manifestation qui sera protégée par notre propre police ! Si l’on replace les choses dans leur contexte politique et international, c’est étonnant, pour ne pas dire bizarre. Si jamais la justice affirme qu’il y a eu corruption, nous serons, avec cet accord, complices ; nous nous mettons dans une situation problématique.

Se posent en outre la question des morts au travail et celle du respect des droits de l’homme et de la personne. Au Qatar, comme dans plusieurs autres pays musulmans, on n’a pas le droit de boire de l’alcool. Et, jusqu’à preuve du contraire, on n’a pas le droit de faire l’amour en dehors du mariage. Comment ces règles seront-elles appliquées à l’occasion d’une manifestation internationale ? Y aura-t-il des caméras de surveillance dans les cabines des paquebots et dans les vestiaires ? La police française sera-t-elle chargée d’évaluer ces situations ?

D’une manière générale, il faut se poser la question de l’organisation des manifestations sportives dans des lieux adaptés. Les sujets environnementaux, notamment la climatisation, sont sérieux. Si j’étais humoriste, j’ironiserais : « Après la Coupe du monde de football au Qatar, bientôt la Coupe du monde de ski dans un pays du Golfe ! »

Marie-George Buffet, ancienne ministre des sports, a proposé que l’attribution des grands événements sportifs et culturels relève d’une commission internationale indépendante, et non des fédérations, dont les représentants sont soumis à la pression des sponsors et aux intérêts financiers. Cela garantirait que le gagnant est toujours le sport ou la culture, non la finance. Les parlementaires communistes continueront à défendre cette proposition.

Nous aimerions évidemment que tous les pays du monde soient à égalité : au nom de quoi certains d’entre eux auraient le droit d’organiser des manifestations sportives de haut niveau, et d’autres non ? Toutefois, la protection de la planète doit primer. Plutôt que de confier la tenue des Jeux olympiques à un État donné, on en viendra peut-être à les organiser à l’échelle mondiale, chaque pays accueillant telle ou telle épreuve en fonction de son environnement, de ses capacités et de ses compétences.

La dernière fois que notre commission a été sollicitée pour que notre police apporte son aide à un État étranger, c’était pour contribuer au maintien de l’ordre en Tunisie. Nous savons ce qu’il en est advenu. Cette coopération avait été proposée par Michèle Alliot-Marie, qui faisait là-bas des affaires. J’ose espérer que notre pays n’a pas, avec le Qatar, des relations de même nature.

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. En réponse à vos questions, je commencerai par préciser que nous ne sommes ni les avocats ou ambassadeurs du Qatar, ni des procureurs à charge. Je rappelle en outre qu’il est question d’un accord intergouvernemental très précis, limité dans le temps, portant sur la sécurité des supporteurs et de nos agents. Néanmoins, nous n’allons pas éluder les questions relatives au contexte et j’ai mené les auditions nécessaires pour vous apporter des réponses.

Monsieur Jolly, le Qatar n’a pas l’habitude de gérer autant de personnes. Pour mémoire, il a une superficie équivalente à celle de la Corse et compte 2,7 millions d’habitants, dont 330 000 Qatariens. À l’occasion de la Coupe du monde de football, il anticipe l’accueil d’environ 1,5 million de personnes supplémentaires, soit une augmentation de la population de l’ordre de 50 %. On comprend aisément que les forces de l’ordre qatariennes ne sont pas dimensionnées pour cela.

Il était donc nécessaire pour le Qatar de nouer des coopérations. Pour l’organisation de la Coupe du monde, il s’appuiera sur une quinzaine de partenaires, dont la France, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Allemagne.

L’accord est important précisément parce qu’il protégera nos agents. Son article 9, relatif à la priorité de juridiction et aux garanties pénales, stipule dans son premier paragraphe : « Les infractions commises sur le territoire de la partie d’accueil par un agent de la partie d’envoi relèvent de la compétence des juridictions de la partie d’accueil, sous réserve des dispositions du paragraphe 2 ». Ledit paragraphe 2 précise : « Les autorités compétentes de la partie d’envoi exercent par priorité leur juridiction en cas d’infractions résultant d’un acte, négligence ou omission d’un de ses agents dans l’exercice de ses fonctions officielles […] ».

J’en viens aux incidents survenus le 28 mai dernier au Stade de France à l’occasion de la finale de la Ligue des champions. Dans une logique d’échange de bonnes pratiques, une délégation de quatre officiers du comité qatarien étaient en mission à Saint-Denis ce soir-là. Placés au cœur de l’action, ils ont pu vivre en direct une situation anormale, très complexe, émaillée d’incidents d’une extrême célérité – ils n’avaient jamais été confrontés à une telle situation au Qatar –, tout en identifiant les modes d’action réactifs et professionnels des unités engagées sur le terrain : les appuis de filtrage, de palpation, d’interpellation des fraudeurs et de bascule de forces, entre autres.

Ces incidents ont suscité quelques questions légitimes sur certains sujets spécifiques tels que les modalités de remontée et d’exploitation du renseignement, la coordination aux abords du stade, la lutte antidrones et la régulation des flux. Ces points ont alimenté des discussions avec l’attaché de sécurité intérieure, au retour de la délégation à Doha. Conscients de la difficulté d’un tel exercice, qui met en jeu une multiplicité de contraintes, les Qatariens n’ont pas perçu cette séquence négativement et cet événement n’a pas remis en cause la nature de notre partenariat, ni la pertinence de notre offre sécuritaire. Pour preuve, les demandes officielles transmises à la France sont postérieures aux événements survenus au Stade de France.

Nos forces ont l’habitude de travailler avec les forces qatariennes. Comme je l’ai indiqué dans mon intervention liminaire, nous avons assisté le Qatar lors des Jeux asiatiques en 2006, lors de plusieurs championnats du monde – de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d’athlétisme en 2019 – et lors de la Coupe arabe des nations de football en 2021.

Plusieurs d’entre vous ont soulevé la question des conditions de travail. Dans la perspective de la Coupe du monde de football, qui a constitué un levier de changements importants en la matière, le Qatar s’est engagé en 2018 dans un partenariat de long terme avec l’OIT, qui dispose à Doha d’un bureau dont le mandat a été prolongé pour trois années supplémentaires.

Le Qatar a engagé plusieurs réformes : abolition du système de parrainage, autrement appelé « kafala » ; suppression du système d’autorisation pour quitter le territoire, dit « visa de sortie » ; suppression de l’obligation d’obtenir un certificat de non-objection pour changer d’emploi ; création d’une plateforme unifiée pour les plaintes et les litiges ; instauration d’un salaire minimum en mars 2021. Néanmoins, il y a des points de vigilance et il est nécessaire d’exercer un meilleur contrôle.

Selon les chiffres de l’OIT, plus de 300 000 travailleurs ont changé d’emploi entre septembre 2020 et mars 2022, mais un certain nombre de travailleurs sont encore confrontés à des difficultés, dues en partie au manque d’information sur les procédures et les réglementations relatives à la mobilité du travail. En outre, 80 000 travailleurs, soit 13 % de la population active, ont vu leur salaire de base augmenter, même si l’OIT signale qu’il y a encore des lacunes dans le versement des salaires. Enfin, le nombre de plaintes a atteint le chiffre de 25 000 en 2021, contre 11 000 l’année précédente, l’OIT relevant toutefois qu’il existe des délais importants pour qu’un travailleur reçoive une date d’audience.

Vous avez soulevé la question des accidents du travail et plus particulièrement des morts survenues sur les chantiers de construction des stades. Un rapport de l’Organisation internationale du travail a comptabilisé, en 2020, 50 décès et plus de 500 blessés liés à l’activité sur les lieux de construction. Émanant d’une agence spécialisée des Nations Unies, ce document infirme donc les chiffres avancés par le Guardian, qui faisait état de 6 500 morts depuis 2010. Il a par ailleurs permis de soumettre aux autorités qatariennes des pistes d’améliorations, notamment en matière de médecine du travail, de déclarations et d’indemnisations.

Plusieurs États européens – les Pays-Bas, la Suède, la Suisse et le Royaume-Uni – se sont engagés avec le Qatar dans une dynamique partenariale pour l’amélioration des conditions de travail et le renforcement du suivi des réformes, offrant leur expertise dans le cadre du bureau de l’OIT. Un accord tripartite a été signé entre l’OIT, la France et le Qatar en vue d’engager une coopération opérationnelle en matière de dialogue entre les employeurs et les employés au sein des entreprises, de transparence des offres d’emploi, d’inspection du travail et d’emploi féminin.

Plusieurs d’entre vous avez posé la question de la neutralité carbone. Il est vrai qu’en hiver, les stades n’auront pas besoin d’être climatisés. La Coupe du monde se déroulera de mi-novembre à mi-décembre, à une période où les températures sont bien plus clémentes – elles se situent entre 20 et 29 degrés en novembre et entre 15 et 24 degrés en décembre. Mais que se passera-t-il ensuite ?

Le Qatar et la FIFA se sont engagés en faveur du climat. La stratégie de développement durable de la Coupe du monde 2022, publiée dès janvier 2020, est la première initiative de ce type à être planifiée et mise en œuvre conjointement par la FIFA, le pays hôte et les organisateurs locaux. L’ensemble des infrastructures du projet, y compris les huit stades, doivent répondre à des critères de durabilité stricts. Le système de climatisation des stades permet une économie d’énergie de 40 % par rapport aux mécanismes traditionnels grâce à un système innovant de traitement de l’air et à l’architecture des stades conçus pour limiter la déperdition d’énergie.

S’agissant des transports urbains, la Coupe du monde du Qatar sera compacte, l’ensemble des matchs se déroulant dans la même ville – ils ne seront pas éloignés de plus de 75 kilomètres, contrairement à ce qui se passait lors des précédentes Coupes du monde. Le recours au métro et la circulation de bus 100 % électriques aideront à compenser les émissions de carbone.

Pour revenir à la conception des huit stades, ceux-ci seront économes en eau – 40 % de consommation de moins que dans des stades conventionnels – et en énergie, puisque des lampes électroluminescentes (LED) seront installées dans l’ensemble des sites et que l’énergie solaire sera massivement utilisée pour l’éclairage et la climatisation. Il s’agit d’un élément clé pour atteindre la neutralité carbone. Le Qatar est d’ailleurs en train de construire une centrale solaire à grande échelle de 800 mégawatts sur un terrain de 10 kilomètres carrés ; une fois le tournoi terminé, cette usine continuera à produire de l’énergie propre et renouvelable pendant des décennies. En outre, des stratégies efficaces ont été adoptées en matière de gestion des déchets.

J’en viens au recyclage des stades. L’un d’entre eux, d’une capacité de 40 000 places, a été construit avec des conteneurs et sera entièrement démantelé après la compétition – c’est une première historique – pour être offert un pays d’Afrique. Plusieurs autres, dont ceux d’Al-Thumama et d’Education City, seront amputés de la partie haute de leurs gradins à la fin du tournoi afin de réduire leur capacité de 20 000 places. J’ajoute que de nombreux espaces verts seront créés et que plus de 5 000 arbres seront plantés.

S’agissant de la tolérance et de l’ouverture, l’émir du Qatar, répondant à une question sur l’accueil des supporters LGBT+ lors d’une conférence de presse à Berlin, en juin dernier, s’est exprimé en ces termes : « Tout le monde est le bienvenu à Doha. Nous n’empêcherons personne de venir regarder des matchs de football. Nous accueillerons tout le monde mais nous attendons que notre culture soit respectée ». Ainsi, aucune restriction ne sera imposée aux couples non mariés et aux amis partageant la même chambre, quelle que soit leur orientation sexuelle. Il s’agira de concilier le respect de la vie privée, d’une part, et le respect de l’ordre public, d’autre part. Ainsi, les couples pourront réserver des chambres d’hôtel sans avoir à présenter de certificat de mariage, comme c’est d’ailleurs déjà le cas. Il faudra simplement veiller à ne pas troubler l’ordre public, en évitant par exemple de se trouver en état d’ébriété sur la voie publique. En temps normal, la vente et la consommation d’alcool au Qatar sont limitées aux seuls restaurants des hôtels ; elles seront élargies durant la compétition et autorisées dans des fan zones prévues à cet effet.

Concernant enfin le financement du culte musulman, la loi qatarienne de 2017 est très stricte : aucun financement ne peut sortir du pays sans autorisation du Gouvernement. La coordination et les communications entre la France et le Qatar sont très régulières. Le Qatar est d’ailleurs le pays du Golfe avec lequel nous échangeons le plus à ce sujet.

M. Karl Olive. Si l’attribution au Qatar de la prochaine Coupe du monde de football a pu faire l’objet de critiques légitimes, il faut toutefois rappeler que ce choix émane de la seule FIFA, laquelle n’est pas un pays mais une fédération de 211 associations.

Nos rapports avec le Qatar se sont toujours caractérisés par un dialogue franc et exigeant. Des partenariats relatifs à la sécurité d’événements sportifs de grande ampleur ont déjà été engagés depuis près de quinze ans. Celui prévu pour la Coupe du monde 2022 vient prolonger une coopération qui a montré son efficacité tant durant les championnats du monde de handball en 2015 et de cyclisme en 2016 que lors de la Coupe arabe des nations de football en 2021. J’ai moi-même participé à l’organisation des Jeux asiatiques de Doha en 2006. Le siège international de HBS, qui produit le signal pour la retransmission de toutes ces compétitions, est à Boulogne-Billancourt.

Au-delà de la question sécuritaire, la volonté qatarienne de diversifier l’économie du pays et de réduire sa dépendance à la rente gazière a permis d’élargir le spectre de nos coopérations à de nombreux secteurs tels que la culture, l’éducation, la santé et le sport.

Permettez-moi ainsi de saluer les investissements réalisés par le Qatar, à hauteur de 250 millions d’euros, dans le nouveau centre d’entraînement et de formation du Paris Saint-Germain, à Poissy, dans ma circonscription. Les collectivités et le club ont formulé un certain nombre d’exigences sociales et environnementales ; aussi ces fonds permettront-ils de développer des infrastructures écologiquement vertueuses – 92 % d’espaces naturels sensibles – et créatrices d’emplois – 1 000 emplois créés pendant la durée des travaux, avec un cercle vertueux pour l’économie locale. Si vous souhaitez visiter ce centre, vous êtes les bienvenus ! Il s’agit d’un exemple concret de ce que peut apporter un dialogue franc, honnête et exigeant avec les monarchies du Golfe persique, avec lesquelles nous pouvons travailler, dans certains domaines, tout en les appelant à de nécessaires avancées en faveur du respect des droits de l’homme, de la protection des travailleurs et de l’environnement.

Mme Laurence Robert-Dehault. Je souhaite vous interroger sur les modalités d’application et l’interprétation de deux articles de l’accord.

Nous connaissons la situation et la position du Qatar en matière de respect des droits de l’homme et de l’État de droit. S’agissant du comportement des forces de l’ordre, la législation locale est beaucoup plus permissive que celles des démocraties occidentales. Or, en vertu de l’article 8 de l’accord, les agents sur place n’auront pas d’autre obligation que de respecter l’ordre juridique interne du Qatar. Le Gouvernement a-t-il prévu une feuille de route ou tout autre document destiné à nos forces de l’ordre appelées en renfort au Qatar pour éviter au maximum les bavures dans un pays de tradition policière plus répressive ?

Par ailleurs, l’article 10 prévoit la possibilité, pour le Qatar, de demander des indemnités à la France en cas de dommages causés par l’un de ses agents. Comment faut-il interpréter les notions de faute lourde et de faute intentionnelle ?

Les membres du groupe Rassemblement national voteront contre ce projet de loi.

M. Jérôme Buisson. Nous savons tous que le Qatar dispose d’une manne financière quasiment sans limite, qu’il est un partenaire stratégique en matière énergétique – c’est le premier exportateur mondial de gaz liquide – et un acheteur de matériel militaire. Cependant, cet accord relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football n’a rien d’essentiel, ni de stratégique. Le Qatar représente souvent tout ce que nous combattons et ce n’est pas la plantation de 5 000 arbres qui peut faire oublier cela. Ce pays est un régime théocratique autoritaire, une monarchie des plus archaïques caractérisée par une inégalité systémique entre les hommes et les femmes, une homophobie d’État et un sunnisme prosélyte qui soutient les courants les plus islamistes. Il n’y a pas de liberté de la presse et pas de liberté tout court. Ne croyez-vous pas qu’à travers sa diplomatie du sport, le Qatar s’offre une vitrine présentable et une possibilité de normalisation ? Devons-nous nécessairement y participer ?

Mme Ersilia Soudais. L’accord débute sous les auspices de l’attachement « au développement des relations d’amitié et de coopération qui unissent la République française et l’État du Qatar ». Pour avoir qualifié d’amies deux organisations palestiniennes, aux mêmes fins diplomatiques, Jérémy Corbyn a abusivement été traité d’antisémite et traîné dans la boue, à tel point que le garde des sceaux semble désormais le confondre avec je ne sais quel dignitaire nazi.

Qui sont nos amis du jour ? Le Qatar a partie liée avec les Frères musulmans – c’est justement ce qu’on reproche à Hassan Iquioussen mais le gouvernement français fait des affaires avec le premier tout en préparant, contre l’avis de la Ligue des droits de l’homme (LDH), l’expulsion du second. Ne voyez-vous pas l’ironie de la chose ? Peut-on décemment être ami avec un État condamné à de multiples reprises pour atteinte aux droits humains, aux règles de l’OIT et aux normes environnementales, avec un État soupçonné de corruption, qui soutient des groupes djihadistes, est le premier consommateur d’armes par habitant, interdit l’accession à la nationalité qatarienne, emprisonne ses poètes, pratique la peine de mort et réprime les minorités sexuelles ?

Cet affichage d’amitié avec le Qatar, comme il y a quelques jours avec Mohammed ben Salmane ou avec l’autocrate Patrice Talon, reflète finalement l’attachement très inégal à la démocratie du gouvernement d’Emmanuel Macron : deux poids, deux mesures, aussi bien dans la conduite des affaires étrangères qu’au niveau national. Ainsi, on abandonne Salah Hamouri pour ne pas froisser l’État d’Israël et on flatte les pires régimes totalitaires dans le monde, tandis qu’en France, on éborgne les gilets jaunes, on envoie le GIGN aux Antilles et on célèbre Pétain, Maurras et Barrès. En même temps, on fait porter le poids de ses propres turpitudes à l’opposition démocratique, sous les applaudissements d’un parti d’extrême droite fondé par un Waffen SS. Ce double discours, qui consiste à flatter des amis au Qatar tout en dénonçant les élus de La France insoumise qui soutiennent Amnesty International, la LDH et d’autres organisations démocratiques, est dangereux. Cela risque de mal finir.

M. Louis Boyard. Madame la rapporteure, croyez-vous vraiment ce que vous dites ? En matière d’écologie, vous nous rassurez en précisant que des panneaux solaires seront installés, mais nous ne savons pas dans quelle proportion. Le Qatar n’a pas la réputation d’un pays particulièrement écologique dans sa production d’énergie ! Vous dites que des couples non mariés pourront réserver des chambres d’hôtel, sous réserve de ne pas troubler l’ordre public, mais quid des couples de même sexe ? Si deux hommes ou deux femmes de nationalité française s’embrassent dans la rue, que pourrons-nous faire pour leur venir en aide ? Il s’agit là d’une question très sérieuse. Vous dites que la Coupe du monde 2022 a été attribuée au Qatar en toute indépendance mais des enquêtes sont justement menées pour déterminer si cette décision n’a pas été prise sous l’effet de pressions politiques exercées au plus haut niveau de l’État.

Je ne dis pas que tout va mal mais je suis choqué du manque d’esprit critique dont font preuve certains députés de cette commission qui, après avoir relevé des problèmes et posé des questions, se contentent de dire qu’ils ont obtenu des réponses et qu’ils peuvent maintenant fermer les yeux et continuer comme si de rien n’était. Prenons un peu de recul ! Si nous, responsables politiques, envoyons notre équipe de foot gagner cette Coupe du monde sans aucun esprit critique quant à l’organisation de cette dernière, ce ne sera pas très glorieux ! Au vu de la passivité des élus qui viennent de prendre la parole pour répéter des éléments de langage rédigés par je ne sais quel McKinsey qatarien, je me demande si une équipe de France victorieuse pourrait vraiment être fière.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les parlementaires sont maîtres de leurs propos : ils disent ce qu’ils pensent, sans être manipulés par tel ou tel organisme. Nous devons respecter la parole parlementaire, quelle qu’elle soit.

Mme Sabrina Sebaihi. Je n’ai pas bien compris si nos forces de l’ordre interviendraient dans le cadre de la loi française ou qatarienne. Dans ce dernier cas, on risque d’avoir des problèmes avec certaines missions, comme la répression des LGBT.

Le nombre de morts qui a été évoqué m’étonne. Amnesty International parle de 6 500 morts et non de 50. Par ailleurs, dire qu’on va réduire le nombre de morts n’est pas sérieux : notre ambition devrait être qu’il n’y en ait plus sur les chantiers au Qatar.

Pour rafraîchir les huit stades et leurs 500 000 spectateurs, il faudrait 1 000 kilomètres carrés de panneaux solaires, soit à peu près un dixième de la surface du Qatar ou, en France, l’équivalent de Midi-Pyrénées. Je ne crois pas que les panneaux solaires soient à ce point étendus au Qatar.

Enfin, même si ce pays est le troisième client de notre industrie de défense, pourquoi fait-on autant de gestes à son égard ?

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. Il s’agit, je le rappelle, d’un accord circonscrit à la sécurité de la Coupe du monde de football.

S’agissant du contexte, nous ne sommes pas aveugles et nous n’éludons pas certains éléments ; j’ai moi-même mené des auditions. Il n’en reste pas moins que nous ne sommes ni des avocats du Qatar, ni des procureurs.

Une instruction est en cours. Il faut laisser la justice faire son travail au lieu de se livrer à des commentaires.

La conclusion d’accords fait partie de nos outils diplomatiques. Des partenariats formels permettent de nourrir des dialogues réguliers, menés en confiance, mais qui sont exigeants. C’est la bonne méthode, j’en suis convaincue, pour accompagner les changements à l’œuvre en matière de respect des droits de l’homme, des femmes et des travailleurs. Des avancées ont lieu, même si elles sont timides à nos yeux et très lentes. Rompre les relations dans tous les domaines serait contre-productif.

Les 220 personnels qui seront déployés au Qatar recevront une formation adéquate ; d’ailleurs, c’est déjà en partie fait.

La France apporte ce type de soutien depuis 2006, et la coopération entre notre gendarmerie et la force de sécurité intérieure qatarienne est très active depuis 2003. Il s’agira, je l’ai dit, de missions de conseil et d’assistance.

Un mort est toujours un mort de trop mais je n’ai pas inventé les chiffres que j’ai donnés. Ils proviennent d’un rapport de l’OIT, une institution a priori sérieuse, pour l’année 2020.

M. Olivier Faure. Ces chiffres portent sur la seule année 2020 et non sur toute la durée de construction des stades, ce qui fait une grande différence…

Mme Amélia Lakrafi, rapporteure. En matière de politique étrangère, les positions du Qatar sont plutôt proches des nôtres, ce qui n’est pas toujours vrai ailleurs dans la région, notamment en ce qui concerne le Yémen et la Syrie. Les Qatariens jouent souvent un rôle de médiateur ou de facilitateur. Ce sont des partenaires utiles, qui aident à trouver des solutions. Ils font le lien, par exemple, entre les États-Unis et les talibans, mais aussi au Tchad, avec les groupes armés, ou encore avec les Iraniens pour essayer de sauver l’accord sur le nucléaire et avec le Hamas, lorsque les tensions montent avec Israël.

En Afghanistan, le Qatar est le pays qui nous a le plus aidés à évacuer des personnes menacées. J’ai visité à Doha le compound servant à leur accueil : près de 1 000 personnes ont pu être évacuées du Qatar vers la France et près de 60 000 vers les États-Unis. Tout a été pris en charge par les autorités qatariennes, de Kaboul jusqu’à la sortie du compound.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. En définitive, il me semble qu’il faut se poser plusieurs questions.

Tout d’abord, vote-t-on sur ce projet d’accord ou se prononce-t-on sur le principe de l’organisation d’une manifestation sportive de haut niveau au Qatar ? Je crois que c’est à la première question qu’il faut répondre.

Par ailleurs, un pays comme la France doit-il coopérer uniquement avec des États ayant les mêmes standards en matière de droits de l’homme ? Si on est exigeant en la matière, on ne peut coopérer qu’avec un petit nombre de pays ; si on est plus ouvert, on prend des risques, qui ont été très bien décrits.

Enfin, la coopération avec le Qatar s’inscrit dans un cadre global que la rapporteure a précisément rappelé. Il y a un an, nous étions très demandeurs de l’assistance du Qatar pour assurer, dans les conditions les moins catastrophiques possible, l’évacuation d’Afghans et d’Européens qui vivaient à Kaboul au moment de l’effondrement du pays. Il faut garder cela à l’esprit.

M. Olivier Faure. Monsieur le président, vous venez d’expliquer ce que vous pensez devoir être la nature du vote. Or nous n’avons pas la même analyse que vous : je souhaite expliquer notre vote.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les représentants des groupes ont indiqué quel sens ils donneraient à leur vote. En tant que président de la commission, j’ai pour ma part rappelé les termes du scrutin auquel nous sommes appelés, ni plus, ni moins. Si je vous donne la parole pour une nouvelle explication de vote après M. Alain David, je devrai faire de même pour tous les autres groupes. Nous n’allons pas tout recommencer !

M. Olivier Faure. Nous avons débattu du Qatar pendant près d’une heure trente, mais vous considérez, s’agissant de démocratie et de droits humains, que c’est déjà trop. Il est assez insupportable de ne pas pouvoir s’exprimer !

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Cela vous est insupportable mais il faut respecter l’organisation de nos débats : le débat est clos et nous devons passer au vote.

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Article unique : Autorisation de l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

 


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   Annexe 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de l’État du Qatar établissant un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du Monde de football de 2022, signé à Doha le 5 mars 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 4)

 


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   ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES ENTENDUES PAR
LA RAPPORTEURe

Ambassade de France au Qatar

 

-          M. Jean-Baptiste Faivre, ambassadeur de France au Qatar ;

 

-          Colonel Stéphane Lacroix, attaché de sécurité intérieure à Doha à l’ambassade de France au Qatar, direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS).

 

Ambassade du Qatar en France

 

-          Sheikh Ali bin Jassim Al-Thani, ambassadeur du Qatar en France.

 

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères :

 

-          Mme Pauline Bonnet de Paillerets, rédactrice, sous-direction du Moyen-Orient, direction d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ;

 

-          Mme Charline Thiery, conseillère juridique, mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.

 

Ministère de l’intérieur :

 

-          Général JeanFrançois Morel, adjoint au chef du pôle stratégie générale, direction des opérations et de l’emploi, direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) ;

 

-          Colonel Franck Peinaud, chargé de mission affaires européennes et internationales, direction des opérations et de l’emploi, direction générale de la gendarmerie nationale (DGGN) ;

 

-          Colonel Christophe Perret, sous-directeur de l'action internationale, direction des affaires européennes et internationales (DAEI) ;

 

-          Mme Inès Zridette, conseillère pour la sécurité extérieure, sous-direction de l'action internationale, direction des affaires européennes et internationales (DAEI) ;

 

-          Mme Marine Corgie, adjointe au chef de la mission juridique, direction des affaires européennes et internationales (DAEI) ;

 

-          Commissaire de police, M. Guillaume Calas, chef de la division de la coopération bilatérale, sous-direction monde, direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS) ;

 

-          Commandant de Police, M. Christophe Gounine, adjoint du chef de bureau Afrique du Nord Moyen‑Orient, division de la coopération bilatérale, sous-direction monde, direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS).


([1])  Fédération Internationale de Football Association.

([2])  Cette force, qui compte actuellement quelques 6 000 hommes et femmes, vient de recruter 800 nouveaux personnels, dont 130 Qatariens, ce qui demeure toutefois insuffisant au regard de ses ambitions, notamment dans le cadre de l’organisation de grands événements internationaux.

([3])  Ce sigle dérive des initiales des quatre pays fondateurs de l’association, à savoir : la France, l’Italie, l’Espagne et le Portugal.

([4])  Déclaration d'intention entre le ministre de l’Intérieur de la République française et le comité de sécurité du comité suprême pour les projets et l’héritage de l’État du Qatar portant feuille de route en vue de l’établissement d'un partenariat relatif à la sécurité de la Coupe du monde de football de 2022 du 28 mars 2019.