—  1  —

N° 292

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023
(n° 273),

 

TOME I

 

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Par M. Jean-RenÉ CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

——

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

FICHE  1 : Le contexte macroÉconomique s’obscurcit

I. La reprise de l’Économie française en sortie de crise sanitaire est affectÉe par le ralentissement Économique mondial en 2022 et 2023

A. Les effets de l’agression militaire russe sur l’Ukraine pèsent lourdement sur l’économie mondiale

B. l’Économie française ralentit

1. Les déterminants de la croissance en 2023

a. La consommation des ménages est soutenue par la politique budgétaire

b. Le marché de l’emploi reste dynamique et connaît des tensions réelles de recrutement

c. La situation des entreprises

d. Le commerce extérieur apporterait une contribution nulle à la croissance

2. L’impact des chocs négatifs sur la trajectoire de long terme du PIB français

II. L’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le plf 2023

A. Le scénario macroéconomique est légèrement optimiste

B. La trajectoire des finances publiques est crédible

FICHE  2 : UN CONTEXTE INFLATIONNISTE DE PLUS EN PLUS MARQUÉ QUI a conduit à une rÉponse publique massive

I. Un contexte mondial inflationniste

A. Les causes de la forte inflation

B. Les conséquences d’une inflation élevée sur les perspectives macroéconomiques

II. Les mesures budgétaires pour faire face à la crise

A. les Mesures générales de SOUTIEN aux REVENUS DES MÉNAGES

1. L’indemnité inflation

2. La revalorisation des pensions et des prestations sociales

3. L’indemnité exceptionnelle de rentrée

4. La revalorisation du point d’indice de la fonction publique

5. L’augmentation des dépenses pour l’ensemble des administrations publiques

B. l’effort budgétaire massif pour limiter la hausse des prix de l’énergie

1. Le chèque énergie

a. Un dispositif de lutte contre la précarité énergétique

b. Le coût pour le budget de l’État

c. Des versements exceptionnels pour prendre en compte la hausse du prix de l’énergie

2. Le blocage des tarifs réglementés de gaz et d’électricité

a. Le bouclier tarifaire sur le gaz

b. Le bouclier tarifaire sur l’électricité

c. La sollicitation de l’Arenh

d. Les effets massifs du bouclier tarifaire

e. La prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité en 2023

3. La remise carburant

4. L’aide aux entreprises énergo-intensives

III. Des efforts SOUTENUS PAR la politique BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE europÉenne

A. De nombreux pays européens ont pris des mesures de soutien au pouvoir d’achat en raison d’une inflation croissante

1. L’inflation n’épargne aucun pays européen

2. Un large éventail de mesures budgétaires et fiscales a été mis en œuvre dans les différents États membres

B. L’uNION EUROPÉENNE ENVISAGE DE pRENDRE DES MESURES contre l’inflation et ses conséquenceS

1. Dans le cadre du plan de relance européen, l’accent a été mis sur le développement des énergies renouvelables et la réduction de la consommation d’énergie

2. Les États membres de l’Union européenne sont à la recherche de solutions pour limiter la hausse des prix du gaz et de l’électricité et le coût pour les consommateurs

C. LA POLITIQUE MONÉTAIRE, un outil pour lutter contre l’inflation

1. Une politique monétaire extrêmement accommodante dans un contexte de crise sanitaire en 2020

2. La poursuite du soutien monétaire à l’activité économique en 2021 face à une inflation modérée et anticipée comme temporaire

3. La restriction des politiques monétaires en 2022

FICHE N° 3 : La situation des finances publiques

I. Les prélèvements obligatoires

A. Les prélèvements obligatoires jusqu’en 2022

1. L’évolution de long cours

2. La structure des prélèvements obligatoires

B. Les prélèvements obligatoires en 2022 et 2023

1. Les variations des prélèvements obligatoires dans un contexte de perturbations économiques

2. L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

II. UN NIVEAU DE DÉPENSES PUBLIQUES en 2023 DANS LA LIGNÉE DES DÉPENSES ENGAGÉES EN 2022 suite À la crise inflationniste

A. UnE BAISSE des dépenses publiques EN VOLUME portéE par la fin des dépenses exceptionnelles de crise

B. Une Stabilisation du ratio de dÉpenses publiques dans le PIB

C. La dépense publique en milliards d’euros courants

D. Une évolution de la dépense différenciée selon les sous-secteurs d’administration publique

III. Le Déficit public demeure stable en 2023

A. L’évolution du déficit public sur longue période

B. Le solde public resterait conforme à la prévision en 2022 et se stabiliserait en 2023

1. Malgré le rebond de l’activité en 2022, le solde public demeure conforme à la prévision

2. L’actualisation de la trajectoire pluriannuelle

C. L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

a. L’État porte l’essentiel du déficit public

i. L’exécution budgétaire de l’État en 2021

ii. La prévision actualisée du déficit de l’État en 2022

iii. Le déficit de l’État en 2023

iv. La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

b. Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture

D. La forte mobilisation des finances sociales dans la gestion de la crise sanitaire

E. Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

IV. La dette publique

A. Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, le ratio de dette publique a diminué en 2021 et 2022

1. Un choc haussier historique sur le niveau lendettement public en 2020

2. La diminution du niveau de l’endettement public en 2021 et en 2022 dans un contexte de fort rattrapage économique

B. SI le ratio de dette continue sa diminution en 2023, une attention particulière doit être portée à la soutenabilitÉ de la dette française

1. La baisse du ratio de dette publique en 2023

2. La nécessité de stabiliser la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité sur le long terme

a. Des points de vigilance

i. L’impact de l’inflation

ii. La remontée des taux d’intérêt

iii. La hausse de la charge de la dette

b. La fixation d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité sur le long terme

3. La poursuite du cantonnement de la « dette covid »

FICHE N° 4 : LE BUDGET DE L’ÉTAT

I. Les recettes

A. Les recettes fiscales de l’État

1. Identification des recettes fiscales nettes

a. La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre

b. Les recettes fiscales de l’État hors budget général

2. Présentation générale

a. Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

i. L’évolution spontanée

ii. Les mesures législatives

iii. Les mesures de périmètre et de transfert

b. Évolution générale de 2022 à 2023

3. Présentation par impôt

a. La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

b. L’impôt sur le revenu

c. L’impôt sur les sociétés

d. La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

e. Les autres recettes fiscales

B. Les recettes non fiscales du budget général

C. Les prélèvements sur recettes

D. les dépenses fiscales en 2023

II. Les dépenses de l’État

A. Les dépenses de l’ÉTAT en baisse en valeur en 2023 par rapport à 2022

B. L’évolution des dépenses prioritaires de l’État

1. L’évolution des dépenses du budget général depuis 2018

2. La forte hausse des dépenses liées aux mesures de modération des prix de l’énergie

3. La hausse des autres crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

4. Le renforcement du pôle régalien

5. La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’éducation et de la jeunesse

6. Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

7. Un renforcement des moyens de la mission Travail et emploi

III. L’Évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses oPÉrateurs

A. L’Évolution de la masse salariale de l’État

B. L’évolution des effEctifs des ministÈres

1. Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné

2. L’année 2023 est marquée par une hausse des plafonds et des schémas d’emplois

Audition DU ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et DU ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

audition du président du haut conseil des finances publiques


—  1  —

 

introduction

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 (PLPFP 2023-2027) et le projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) poursuivent plusieurs objectifs, qui définissent la politique mise en œuvre par le Gouvernement et sa majorité parlementaire.

Le premier objectif est le soutien apporté aux Français, confrontés à une inflation élevée. Depuis un an, la majorité a mis en place plusieurs dispositifs d’ampleur, qui se sont avérés efficaces.

En premier lieu, des aides directes en faveur des ménages ont été créées : l’indemnité inflation d’un montant de 100 euros versée à la fin de l’année 2021 et au début de l’année 2022 à 38 millions de personnes percevant moins de 2 000 euros par mois, la majoration de 100 euros du chèque énergie à la fin de l’année 2021 qui a bénéficié à plus de 5,8 millions de foyers modestes et l’aide ponctuelle de 100 euros, majorée de 50 euros par enfant, destinée aux ménages bénéficiant des minima sociaux ou des aides au logement et aux étudiants boursiers.

En deuxième lieu, une action directe et massive sur les prix de l’énergie a été entreprise. Ainsi, dès la fin du mois de mars 2022, les Français ont bénéficié d’une remise à la pompe d’un montant de 18 centimes d’euro par litre toutes taxes comprises, portée à 30 centimes en septembre et octobre, avant son extinction progressive. En outre, au début de l’année 2022, le barème kilométrique permettant de calculer les frais professionnels déductibles du revenu imposable a été revalorisé de 10 %. Enfin, un puissant bouclier tarifaire a été mis en place et prolongé jusqu’à la fin de l’année 2022, bloquant le prix réglementé des fournitures de gaz à leur niveau de fin octobre 2021 et modérant l’augmentation des tarifs réglementés des fournitures d’électricité à 4 % à compter de février 2022.

En troisième lieu, les lois du 16 août 2022 de finances rectificatives pour 2022 et portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ont revalorisé les pensions de retraite, les allocations familiales, la prime d’activité et l’ensemble des minima sociaux de 4 %. En outre, le point d’indice de la fonction publique a été rehaussé de 3,5 % à compter du mois de juillet 2022 ; cette mesure a bénéficié à 5,7 millions d’agents publics.

Le PLF pour 2023 propose de maintenir le bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité tout en aménageant ses modalités, de telle sorte que l’augmentation des prix supportée par ses bénéficiaires soit contenue au regard de leur évolution sur les marchés. Ainsi, les prix augmenteront de 15 %, d’une part, pour le gaz en janvier 2023 et, d’autre part, pour l’électricité en février 2023, alors qu’ils auraient dû connaître une progression de 120 % sans ce bouclier tarifaire. Les ménages les plus modestes bénéficieront au demeurant d’une majoration du chèque énergie, pour un montant de 100 à 200 euros, afin d’atténuer les effets de la révision des modalités du bouclier tarifaire.

Le PLF pour 2023 propose en outre le relèvement des tranches du barème de l’impôt sur le revenu à hauteur de l’inflation hors tabac prévu en 2022 en glissement annuel, soit 5,4 %. Il s’agit d’une mesure de protection des revenus des contribuables français, d’autant plus que les revenus pourraient augmenter en 2022 moins vite que l’inflation. Selon le Gouvernement, sans cette revalorisation du barème, les Français auraient payé 6,2 milliards d’euros d’impôt supplémentaires.

Il résulte de l’ensemble de ces mesures destinées à protéger le pouvoir d’achat que l’inflation est non seulement moins forte en France que chez nos principaux partenaires européens mais qu’elle est en outre en repli alors qu’elle continue à progresser au sein de la zone euro. Ainsi, elle s’établirait en France à 5,6 % en septembre 2022 contre 5,9 % au mois d’août, selon l’Insee, tandis qu’elle progresserait dans la zone euro de 9,1 % en août à 10 % en septembre.

Le deuxième objectif est la mise en place d’une nouvelle baisse des impôts de production en faveur de l’attractivité de notre pays et du pleinemploi.

La loi de finances pour 2021 avait conduit à la diminution de moitié de la contribution sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE – part régionale) ainsi que des bases foncières des locaux industriels imposables au titre de la taxe foncière et de la cotisation foncière des entreprises. Le PLF pour 2023 propose de supprimer totalement, d’ici à deux ans, la CVAE, pour un montant de 3,8 milliards d’euros en 2023 puis de 7,6 milliards d’euros en 2024. En abrogeant un impôt de production, qui touche le capital ou la valeur ajoutée des entreprises indépendamment de leur résultat effectif, y compris si ce dernier est déficitaire, il s’agit de soutenir l’investissement et la compétitivité des entreprises, notamment industrielles, et par conséquent la croissance et l’emploi.

Les collectivités territoriales qui perçoivent actuellement le produit de la CVAE – notamment les EPCI et les départements – verront leurs pertes de recettes compensées par l’affectation d’une fraction de TVA, ressource dynamique. Ainsi, avec l’étalement de la réforme sur deux ans et les modalités de compensation aux collectivités territoriales, l’État donne de la visibilité, d’une part, aux entreprises sur leurs coûts et, d’autre part, aux collectivités sur leurs ressources.

Il s’agit de poursuivre avec constance, après la baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % et la réforme de la fiscalité du patrimoine durant le quinquennat précédent, une politique qui a fait de la France le pays plus attractif en Europe depuis 2019, s’agissant des investissements directs étrangers. Cette politique a clairement contribué en outre à ramener le taux de chômage à un peu plus de 7 % de la population active, soit le meilleur résultat observé depuis presque 15 ans.

Le troisième objectif est l’effort budgétaire en faveur des politiques prioritaires : l’éducation et la formation, la transition énergétique et productive et le « réarmement régalien ».

L’éducation et la formation voient leurs moyens fortement progresser. Ainsi, les crédits de paiement inscrits sur la mission Enseignement scolaire augmentent de 3,7 milliards d’euros (+ 6,5 % en valeur) pour atteindre 60,2 milliards d’euros. Il s’agit notamment d’amplifier la revalorisation des rémunérations des enseignants avec pour objectif qu’aucun enseignant ne gagne moins de 2 000 euros nets à la rentrée 2023. La mission Travail et emploi bénéficie d’une augmentation de 6,2 milliards d’euros de ses crédits de paiement (+ 42,5 % par rapport aux crédits initiaux ouverts en 2022) pour atteindre 20,8 milliards d’euros, afin d’affermir le soutien à l’apprentissage, dans l’optique d’atteindre, à terme, le nombre d’un million d’apprentis en formation.

La préparation d’une France plus résiliente et attractive face au changement climatique constitue le deuxième axe de l’effort budgétaire proposé par le PLF pour 2023. Les crédits de paiement de la mission Écologie, développement et mobilité durables augmentent de plus de 6,1 milliards par rapport à la loi de finances pour 2022, afin de renforcer les politiques publiques efficaces que sont les aides à la rénovation énergétique des logements (MaPrimeRénov’) et à l’acquisition d’un véhicule propre. Une nouvelle tranche de crédits de paiement de 6 milliards d’euros est en outre ouverte au titre de la mission Investir pour la France de 2030 pour financer des projets innovants au stade de la recherche et de leur application dans les domaines notamment de la transition énergétique ou de la santé.

S’agissant des domaines régaliens, les moyens mis à la disposition de nos forces armées augmentent de 3,5 milliards d’euros au titre de la mission Défense, dans le respect de la loi de programmation en vigueur. La multiplication des incertitudes, sinon des menaces avérées, au niveau international, confirme la justesse de l’ambition qu’elle porte et impose à tout le moins son respect au service de la protection des Français. Par ailleurs, les crédits de paiement de la mission Sécurités progressent de 1,1 milliard d’euros, pour atteindre 15,8 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,5 %. Il s’agit ainsi de mettre en œuvre le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur et de recruter 8 500 agents entre 2023 et 2027. Enfin, les moyens de la mission Justice augmentent de 8 % pour financer le relèvement de 1 000 euros bruts par mois de la rémunération de 9 300 magistrats de l’ordre judiciaire et lancer un plan de recrutement d’environ 10 000 personnels de justice au total entre 2023 et 2027, dont 1 500 magistrats et 1 500 greffiers.

Le quatrième objectif est le respect d’une trajectoire soutenable pour nos finances publiques, et ce dans un environnement macro-économique différent de celui constaté et anticipé en juillet dernier. La prévision de croissance est relevée de 2,5 % à 2,7 % pour l’année 2022, elle est toutefois ramenée de 1,4 % à 1,0 % en 2023. La prévision d’inflation en glissement annuel est majorée en 2022 de 5,0 % à 5,3 % et en 2023 de 3,2 % à 4,2 %, ce qui signifierait néanmoins un reflux de l’inflation l’année prochaine. Il faut souligner que si ces prévisions étaient effectivement constatées, elles correspondraient à une situation économique bien meilleure que celle observée dans de nombreux pays européens. Ce constat illustre la capacité de résilience et de rebond acquise par notre économie depuis quelques années.

Cette dégradation relative du contexte macro-économique ne conduit pas le Gouvernement à anticiper une dégradation de la prévision de solde public en 2022 et 2023, qu’il fixe à – 5 % pour chacune de ces deux années. En 2023, l’estimation des recettes publiques recouvrées est revue à la hausse compte tenu d’un « effet base » favorable en 2022 lié à la croissance et du choix de supprimer la CVAE en deux ans. Cette évolution est compensée par le relèvement de l’estimation du niveau des dépenses publiques, subséquent à l’augmentation de l’inflation anticipée. Le coût des mesures publiques pour protéger les Français en serait renchéri, tout comme celui de certaines dépenses courantes des administrations publiques.

Les objectifs à plus long terme présentés en juillet dans le programme de stabilité et relatifs au rétablissement de nos finances publiques demeurent identiques : un solde public inférieur à 3 % en 2027 et l’amorce d’une décrue du ratio de dette publique au regard du PIB à compter de 2026. Le projet de loi de programmation des finances publiques décrit, pour l’ensemble et pour chacun des sous-secteurs d’administrations publiques, la trajectoire et certains des moyens qui doivent permettre de la respecter. Chacun peut considérer jusqu’à quel point cette trajectoire est réaliste et ambitieuse – par définition la programmation budgétaire est un engagement, l’expression raisonnée et étayée d’un volontarisme politique à traduire en actes.

En tout état de cause, il est indispensable que la France puisse s’appuyer sur une programmation en matière de finances publiques, au regard du respect de nos engagements européens en matière de stabilité et de croissance, de la nécessité d’une référence pour mesurer les écarts à la trajectoire et du message clair sur notre objectif de désendettement qu’il convient d’adresser aux prêteurs de la France. En outre, le projet de loi de programmation contient de nombreuses dispositions permettant une meilleure gestion des finances publiques, en encadrant par exemple la durée et la faculté de reconduire les niches fiscales et sociales ou encore en proposant un nouveau cadre d’évaluation des politiques publiques. Il s’agit enfin de mettre en œuvre la réforme de la LOLF ayant reçu l’assentiment à la fin de l’année 2021 de beaucoup des groupes parlementaires à l’Assemblée nationale et au Sénat, dans le souci d’une meilleure information du Parlement.

S’agissant des collectivités territoriales, le PLF pour 2023 et le projet de loi de programmation pour les années 2023 à 2027 les associent à l’effort de maîtrise des comptes publics, tout en préservant leur autonomie financière par des ressources dynamiques. En 2023, après avoir soutenu les finances des collectivités durant la crise sanitaire en 2020 et 2021, l’État leur garantit les moyens d’exercer pleinement leurs compétences alors que le contexte demeure marqué par la hausse des prix. La suppression de la CVAE en deux ans donnera lieu à une compensation intégrale pour le bloc communal et les départements via l’attribution d’une fraction de TVA dynamique qui pourra être territorialisée. Enfin, il conviendra de déterminer si la péréquation au profit des collectivités les plus fragiles peut être financée, en 2023, par une hausse de la DGF prélevée sur le budget de l’État et si le « bouclier énergétique » adopté en 2022 doit être reconduit en 2023, alors que les recettes de fiscalité foncière devraient connaître un rendement inédit du simple fait de l’indexation légale des valeurs locatives.


—  1  —

FICHE  1 : Le contexte macroÉconomique s’obscurcit

Résumé de la fiche

Alors que l’économie mondiale semblait retrouver le chemin de la croissance après la récession historique déclenchée par l’épidémie de covid-19, les perspectives ont brutalement été revues à la baisse à la suite de l’invasion de l’Ukraine par la Russie en février 2022. Les incertitudes sur les approvisionnements en matières premières et en énergie pèsent sur l’activité et s’accompagnent d’importantes tensions inflationnistes. 

Selon le Gouvernement, la croissance française passerait de 2,7 % en 2022 à 1,0 % en 2023. Elle serait essentiellement soutenue par la consommation des ménages. Les entreprises sont affectées par le climat d’incertitude et les contraintes sur l’offre, tandis que la demande extérieure adressée à la France ralentirait également du fait du ralentissement de l’activité mondiale. Le marché de l’emploi se redresse, en dépit des difficultés de recrutement.

La crise sanitaire, dont les effets conjoncturels semblent majoritairement dissipés, à la notable exception de la situation en Chine, devrait avoir un impact limité sur la croissance potentielle à moyen terme.

Les prévisions relatives aux finances publiques de l’année à venir sont directement liées au contexte macroéconomique. Les objectifs fixés en termes de solde, de recettes et de dépenses publics doivent découler d’hypothèses macroéconomiques crédibles en termes de croissance, d’inflation, de taux d’intérêt et d’emploi.

Ces hypothèses, qui sont considérées comme des données exogènes à la conception du budget à venir, reposent sur des prévisions gouvernementales qui peuvent être comparées aux estimations externes en provenance de divers organismes statistiques ou économiques. Le Haut Conseil des finances publiques, organisme indépendant, est chargé d’apprécier la cohérence et la sincérité de ces prévisions.

Les principaux indicateurs nécessaires à l’élaboration du budget

Le scénario macroéconomique sur lequel repose l’élaboration d’un projet de loi de finances fait intervenir de nombreuses hypothèses macroéconomiques. Quatre d’entre elles sont particulièrement importantes.

Le taux de croissance

La prévision de croissance correspond au taux de croissance en volume du produit intérieur brut (PIB), c’est-à-dire corrigée de la variation des prix. L’hypothèse de croissance permet de bâtir une prévision du montant des recettes fiscales de l’exercice à venir. Le taux de croissance de l’année précédant celle sur laquelle porte le budget doit également être pris en compte car l’exigibilité de certains impôts présente un décalage d’une année avec leur assiette.

Le taux de croissance en valeur du PIB, quant à lui, intègre la variation des prix et figure au dénominateur du ratio de calcul du déficit public.

L’inflation

La prévision d’inflation est prise en compte dans la prévision des recettes, car elle a un impact immédiat sur certaines bases taxables, comme celle de la taxe sur la valeur ajoutée. Elle a également un effet sur la prévision des dépenses, dans la mesure où certaines d’entre elles sont indexées à l’inflation. L’inflation a également pour effet de réduire le rendement mesuré de certaines mesures d’économies tendancielles (telles que les mesures de « gel » des crédits budgétaires en exécution).

Les taux d’intérêt

La prévision de taux d’intérêt permet d’anticiper la charge de la dette de l’État, c’est-à-dire le montant des intérêts à servir sur le capital de dette accumulé.

La Banque de France, dans le cadre de la mise en œuvre de la politique monétaire de la zone euro, communique plusieurs statistiques et études économiques relatives à l’évolution des taux appliqués dans le secteur bancaire et des taux appliqués à la dette publique.

La masse salariale privée

Une grande partie de l’évolution des prélèvements obligatoires (les cotisations sociales, la fraction principale de la contribution sociale généralisée – CSG – et l’impôt sur le revenu) est liée à l’évolution de la masse salariale dans le secteur privé. Cet indicateur est essentiel pour les prévisions de recettes et de déficit public toutes administrations publiques confondues.

L’enquête emploi de l’Insee concourt à fournir des données actualisées en continu sur la situation du marché de l’emploi en France.

I.   La reprise de l’Économie française en sortie de crise sanitaire est affectÉe par le ralentissement Économique mondial en 2022 et 2023

À la crise sanitaire apparue début 2020, qui a profondément affecté l’économie française, succède une nouvelle crise mondiale pour l’essentiel entretenue et aggravée par des évènements de nature politique et géostratégique.

Après la crise financière de 2008-2009, la croissance du PIB français avait alterné entre période de rattrapage, en 2010 et 2011, de stagnation (2012 et 2013), puis de dynamisme retrouvé à partir de 2014, avec un point haut enregistré en 2017 s’appuyant sur la progression de l’investissement des entreprises et des ménages. Le rythme de croissance avait ensuite ralenti en parallèle de la détérioration des perspectives internationales. La contraction de la production en 2020 a atteint, dans ce contexte, un niveau inédit.

La croissance en france depuis 1974

(en % du PIB en volume)

(en grisé, les années où la croissance a été inférieure à 1 %)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Croissance

4,3

– 1,0

4,4

3,5

4,0

3,6

1,6

1,1

2,5

1,2

1,5

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Croissance

1,6

2,3

2,6

4,7

4,3

2,9

1,0

1,6

– 0,6

2,4

2,1

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Croissance

1,4

2,3

3,6

3,4

3,9

2,0

1,1

0,8

2,8

1,7

2,4

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Croissance

2,4

0,3

– 2,9

1,9

2,2

0,3

0,6

1,0

1,1

1,1

2,3

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

 

 

 

 

 

 

 

Croissance

1,9

1,8

– 7,9

6,8

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, comptes nationaux.

Le rebond franc de l’année 2021 a montré la résilience de l’économie française en sortie de crise, malgré l’amorce des tensions sur les prix et les approvisionnements. Le PIB français a retrouvé son niveau d’avant-crise au dernier trimestre 2021.

A.   Les effets de l’agression militaire russe sur l’Ukraine pèsent lourdement sur l’économie mondiale

À l’automne 2022, les effets de la pandémie de covid-19 sur l’économie mondiale sont moins importants que les deux années précédentes. Les vagues de contaminations liées aux nouveaux variants ne justifient plus de mesures à fort impact sur l’activité, à l’exception notable de la Chine, dont la politique « zéro covid » continue d’entraîner des reconfinements.

La crise sanitaire avait entraîné des perturbations importantes des chaînes de production et, avec elles, des difficultés d’approvisionnement, ce qui explique que les prémisses de la forte inflation actuelle débutent avant février 2022. Désormais, la principale source de déstabilisation est l’invasion militaire de l’Ukraine par la Russie, qui a des répercussions sur les marchés de produits de base, les chaînes d’approvisionnement, le niveau des prix et les conditions financières.

Revue à la baisse par plusieurs institutions au cours de l’été dernier, la croissance mondiale atteindrait, selon le Fonds monétaire international (FMI), 3,2 % en 2022 et 2,9 % en 2023 ([1]). La Banque centrale européenne (BCE) retient quant à elle un scénario moins optimiste pour 2022 (2,9 %) mais à la hausse en 2023 (3,0 %) et 2024 (3,4 %).

Perspectives de la croissance mondiale

(croissance du PIB réel, en %)

 

2021

2022

2023

Monde

6,1

3,2

2,9

États-Unis

5,7

2,3

1,0

Chine

8,1

3,3

4,6

Japon

1,7

1,7

1,7

Brésil

4,6

1,7

1,1

Inde

8,7

7,4

6,1

Russie

4,7

– 6,0

– 3,5

Zone euro

5,4

2,5

1,4

Allemagne

2,9

1,2

0,8

Italie

6,6

3,0

0,7

Royaume-Uni

7,4

3,2

0,5

Source : FMI, Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2022.

Dans la zone euro, la progression de l’immunité collective, sous l’effet notamment de la bonne couverture vaccinale, a permis le fort rebond du secteur européen du tourisme, ce qui bénéficie notamment à l’économie italienne.

Cependant, l’Europe est particulièrement affectée par les retombées de la guerre en Ukraine. L’environnement géopolitique dégradé nuit à la confiance des entreprises et des consommateurs. La hausse des coûts des matières premières et de l’énergie ajoute aux tensions inflationnistes, pesant sur les revenus réels et les dépenses, ce qui freine sinon compromet la reprise. Les goulets d’étranglement au niveau de l’offre sont aggravés par les reconfinements successifs en Chine.

L’Allemagne, dont le PIB s’est trouvé proche de la stagnation (+ 0,1 %) au deuxième trimestre 2022, voit son secteur industriel particulièrement affecté par les difficultés d’approvisionnement énergétique, du fait de sa dépendance aux gaz, pétrole et charbon russes pour un tiers de ses approvisionnements en énergie primaire ([2]). Les risques de pénuries pourraient entraîner l’économie allemande vers une récession durant l’hiver. Les prévisions de croissance pour 2023 (+ 0,8 %) sont en deçà du niveau de la zone euro (+ 1,4 %).

Outre l’Allemagne, les pays frontaliers de l’Ukraine ont été les plus concernés par la dégradation du climat des affaires et les coûts de l’accueil des réfugiés, en particulier en Pologne.

Aux États-Unis, le fort déficit de la balance commerciale, quoiqu’en cours de rééquilibrage, pèse sur la croissance, qui serait limitée à 1,2 % en 2023. Les salaires poursuivent leur augmentation en raison des tensions sur le marché de l’emploi. La Réserve fédérale (Fed) a fortement augmenté ses taux d’intérêt, de 300 points de base, en réponse à l’inflation des salaires et des prix, et cette normalisation de la politique monétaire affecte négativement la croissance économique. Bien que les États-Unis soient de gros exportateurs de gaz naturel et de blé, ils dépendent de la Russie pour leurs besoins en uranium et ont dû puiser dans leurs réserves stratégiques de pétrole.

Le Royaume-Uni, qui entretient peu de liens commerciaux et financiers avec la Russie et l’Ukraine, est tout de même touché par la hausse des prix mondiaux de l’énergie ; les revenus des ménages reculent désormais en termes réels. La remontée des taux d’intérêts amorcée par la Banque d’Angleterre dès décembre 2021, ainsi que le durcissement de la politique budgétaire en sortie de crise sanitaire, devraient grever la demande et conduire l’économie britannique proche de la stagnation en 2023 (0,0 % de croissance selon les prévisions de l’OCDE datées de juin 2022).

Dans les pays émergents, la situation est contrastée. La croissance chinoise a été fortement révisée à la baisse. Selon le FMI, elle serait ramenée à 3,3 % en 2022, soit son niveau le plus faible en quarante ans à l’exception de 2020. Au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, les hausses de prix de l’énergie bénéficient à la croissance des pays exportateurs de pétrole.

La Russie, visée par des sanctions économiques occidentales, devrait voir son PIB se contracter de 6 % en 2022. Elle demeurerait en récession pour l’année 2023. Le fonctionnement normal du secteur bancaire est entravé et le financement de l’économie limité par le découplage presque complet de la Russie avec les marchés financiers internationaux ([3]).

À moyen terme, des incertitudes importantes pèsent sur les perspectives macroéconomiques. La durée du conflit en Ukraine aura des implications directes sur l’inflation et le commerce international. Les conséquences sur les marchés de matières premières, conjuguées aux perturbations des chaînes d’approvisionnement, pourraient entraîner une crise alimentaire, qui menace surtout les pays à faible revenus très dépendants de la Russie et de l’Ukraine. Ces pays sont exposés à des risques de troubles sociaux sinon de famines et, emportant un risque sous-jacent de déstabilisation politique.

Enfin, des événements climatiques extrêmes, à l’instar des sécheresses et inondations survenues au cours de l’année 2022, pourraient perturber à nouveau les prévisions de croissance.

B.   l’Économie française ralentit

L’économie française a retrouvé son niveau d’avant-crise au 4e trimestre 2021 (+ 0,9 % par rapport au dernier trimestre de 2019) ([4]). Le scénario sanitaire retenu par le Gouvernement implique une persistance de l’épidémie sans nécessité de nouvelles mesures coûteuses pour la croissance.

Après un fort rebond en 2021, la croissance française demeure soutenue en 2022. L’acquis de croissance au deuxième trimestre 2022 est de 2,5 %, égal à la prévision pour l’année en loi de finances rectificative. La prévision du Gouvernement pour l’année a ainsi été révisée à + 2,7 %, la résilience de l’économie française à la crise ukrainienne étant meilleure que prévu.

Ce dynamisme ne permettra pas d’effacer l’ensemble des stigmates de la crise sanitaire, qui aura des effets structurels sur la trajectoire de croissance, quoique limités (cf. infra).

PrÉvisions de croissance pour la France

(évolution en % du PIB en volume)

Institut

Date

2022

2023

FMI

Juillet 2022

2,3

1,0

Commission européenne

Juillet 2022

2,4

1,4

Consensus Forecast

Août 2022

2,5

1,2

Banque de France

Septembre 2022

2,6

{0,8 ; – 0,5}

Insee

Septembre 2022

2,6

OCDE

Septembre 2022

2,6

0,6

PLF 2022

Septembre 2022

2,7

1,0

Source : commission des finances.

Pour le dernier trimestre 2022 et en 2023, la croissance ralentirait fortement.

La Banque de France présente ses prévisions sous la forme d’un intervalle en raison des incertitudes importantes liées à l’évolution du conflit en Ukraine. Elle distingue trois phases pour l’économie française : une résilience meilleure que prévue pour la majeure partie de 2022, suivie d’un net ralentissement à l’hiver 2022-2023 d’une ampleur incertaine, avant la reprise de l’expansion économique en 2024 ([5]) .

1.   Les déterminants de la croissance en 2023

Alors que l’inflation décélérerait en 2023, la prévision de croissance est principalement soutenue par la consommation et pénalisée par la normalisation de la politique monétaire de la BCE.

a.   La consommation des ménages est soutenue par la politique budgétaire

La demande privée intérieure contribuerait pour une part essentielle à la croissance en 2023, à hauteur de 0,8 point de PIB, et serait complétée par la demande publique à hauteur de 0,2 point.

En cohérence avec l’inflation qui demeure élevée, le revenu nominal des ménages serait dynamique en 2023, à + 5,1 %, en raison :

–  de l’accélération des salaires ;

–  de la revalorisation des prestations dont les montants ou les paramètres d’accès sont indexés sur l’inflation ;

–  des revenus de la propriété, portés par la hausse des taux d’intérêt ;

– des mesures du Gouvernement qui soutiendraient le pouvoir d’achat à hauteur de 1 point en 2023, du fait de la reconduction de certaines aides directes, comme le chèque énergie exceptionnel, de l’effet sur une année pleine de la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique, et du maintien du bouclier tarifaire sur les prix du gaz et de l’électricité pour les consommateurs.

Selon la Banque de France, ces mesures amortissent l’impact de la hausse des prix à la consommation sur les revenus réels : après avoir été conforté en 2021 (+ 2,0 %), le pouvoir d’achat par habitant diminuerait en 2022 (– 1,0 %) avant de se redresser en 2023 (+ 0,5 %).

En parallèle, le taux d’épargne brut des ménages poursuivrait sa légère baisse, de 16,7 % en 2022 à 16,3 % en 2023. Les ménages désépargnent moins vite qu’en sortie de crise sanitaire, reflétant leurs comportements de précaution face à l’incertitude économique. Alors que le projet de loi de finances pour 2022 anticipait, dès cette année, un taux d’épargne revenu à son niveau moyen d’avant-crise (14,5 %), l’écart avec ce niveau moyen demeurerait de 1,8 point en 2023.

La baisse du taux d’épargne, la hausse passée des revenus et les gains de pouvoir d’achat soutiennent la consommation des ménages qui progresserait ainsi de 1,4 % en 2023. Cette hausse serait moins importante qu’en 2022, soit + 2,5 %.

b.   Le marché de l’emploi reste dynamique et connaît des tensions réelles de recrutement

Après un recul de 0,3 point en 2020, l’emploi total en France s’est très fortement redressé durant l’année 2021. Le taux d’emploi s’est établi à son plus haut niveau depuis 1975 : parmi les personnes de 15 à 64 ans vivant en France hors Mayotte, 67,3 % étaient en emploi au sens du Bureau international du travail (BIT).

Près de 200 000 emplois ont déjà été créés au 1er semestre 2022. L’emploi total devrait progresser de 320 000 emplois nets sur l’année, puis de 115 000 emplois nets en 2023.

Des mesures d’urgence ou de relance, ainsi que les particularités de la situation sanitaire, peuvent expliquer le dynamisme de l’emploi :

– la réforme de l’apprentissage et l’aide exceptionnelle à l’embauche des apprentis soutiennent l’emploi des jeunes, avec un effet statistique du fait de l’intégration des alternants dans l’emploi salarié (+240 000 emplois) ;

–  le dispositif d’activité partielle est moins sollicité en 2022 mais concerne toujours environ 125 000 salariés, contre 8,4 millions au plus fort de la crise en avril 2020 ;

– la crise sanitaire a créé des emplois liés aux besoins spécifiques (conduite des tests et de la vaccination) et au remplacement des personnes malades, évalué à 200 000 emplois privés équivalents temps plein (EQTP).

Ces deux derniers facteurs ayant vocation à se résorber, la dynamique d’emploi à production donnée devrait se résorber, limitant la perte de productivité apparente du travail observée depuis fin 2019.

Le Gouvernement prévoit que la productivité effective du travail progresserait de 0,3 % en 2022 comme en 2023, soit une baisse cumulée de 3,7 % sur la période 2020-2023. L’écart par rapport à l’évolution tendancielle de la productivité (qui aurait dû atteindre 0,8 % par an sur 2020-2023) s’établirait à – 7 %.

PrÉvisions d’emploi

(en glissement annuel et en milliers)

 

2021

2022

2023

Emploi salarié agricole

5

0

0

Emploi salarié marchand

785

210

70

Emploi salarié non marchand

70

50

30

Total salariés

860

260

105

Non-salariés

110

60

15

Emploi total

970

320

115

En raison d’effets d’arrondis, la somme des lignes d’une colonne peut ne pas coïncider avec le total indiqué.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Après avoir nettement baissé, le taux de chômage semble stabilisé à un niveau inférieur à celui d’avant la crise sanitaire.

Taux de chÔmage depuis 2012

(en % de la population active)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022*

Taux de chômage

9,8

10,3

10,3

10,4

10,0

9,4

9

8,4

8,0

7,4

7,4

* au second trimestre.

Source : Insee, enquête Emploi.

Les tensions sur le recrutement se maintiennent. Les difficultés de recrutement, déjà très présentes en 2021, sont en 2022 à des niveaux inégalés dans l’industrie manufacturière et dans les services. La tension dans le bâtiment est à son niveau le plus élevé depuis 2008.

Cette situation est favorable aux salariés déjà en poste et pourrait mener à une augmentation des salaires d’embauche. Elle s’accompagne d’un niveau de démissions historiquement haut début 2022, avec 520 000 démissions par trimestre, dont 470 000 au titre de contrats à durée indéterminée (CDI) ([6]).

c.   La situation des entreprises

La situation des entreprises est affectée par l’incertitude économique. Leurs investissements progresseraient moins vite que l’activité (+ 0,9 % en 2023), en raison de la dégradation du climat des affaires et de la hausse des taux d’intérêt.

Malgré la normalisation de la politique monétaire, les conditions financières demeurent, à ce stade, favorables. Les crédits aux entreprises ont augmenté de 7 % en juillet 2022 sur un an. L’investissement des entreprises est porté par les dépenses dans les technologies numériques.

Les contraintes sur l’offre, d’une ampleur inédite, affectent le secteur industriel et celui de la construction. Les tensions d’approvisionnement étaient apparues en 2021 du fait de la reprise, et la guerre en Ukraine a remis en cause la sécurité des approvisionnements à moyen terme, entraînant des hausses importantes des cours des matières premières. Ceux-ci se sont en partie corrigés à l’été 2022, mais le cours du gaz en Europe demeure très volatil.

Les entreprises sont aussi touchées par les difficultés de recrutement évoquées supra. La croissance annuelle de 5 % du salaire moyen par tête dans le secteur marchand prévue pour 2022 et 2023 participe du renchérissement des coûts de production supportés par les entreprises ([7]).

Les taux de marge demeurent élevés. Ils bénéficieraient de la suppression d’une partie de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) dès 2023, qui se poursuivra en 2024. La mise en œuvre du Plan de relance, qui compte la compétitivité des entreprises parmi ses trois priorités, est renforcée par le versement des crédits européens du Plan national de relance et de résilience (PNRR) depuis août 2021.

Compte des sociÉtÉs non financiÈres

Indicateur

2019

2020

2021

2022

2023

Taux de marge (EBE/VA)

33,2

31,8

34,3

31,9

32,1

Taux d’épargne (épargne/VA)

23,2

21,9

26,9

23,3

23,8

Taux d’autofinancement (épargne /FBCF)

94,6

89,1

105,3

91,7

94,5

Taux d’investissement (FBCF/VA)

24,5

24,6

25,6

25,4

25,1

* L’EBE est calculé comme l’excédent généré par les activités d’exploitation des entreprises après rémunération de la main-d’œuvre. Il s’agit du capital dont disposent les sociétés non financières pour rémunérer leurs créanciers, payer leurs impôts et financer leurs investissements. Source : Eurostat.

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Selon la Banque de France, le taux de marge des entreprises va se dégrader d’environ 2,5 points entre 2021 et 2024, soit une dégradation de moindre ampleur que celle de 4 points qui avait été observée lors des chocs pétroliers des années 1970. En 2024, le taux de marge se rapprocherait de son taux d’avant crise (autour de 32 %).

d.   Le commerce extérieur apporterait une contribution nulle à la croissance

En 2022, la demande mondiale en biens adressée à la France reste dynamique (+5,5 %, après +11,5 % en 2021). La conjoncture internationale pèse sur le commerce au niveau mondial, sans épargner la demande extérieure adressée à la France. Cependant, les exportations bénéficient de la normalisation progressive des secteurs traditionnellement moteurs des exportations françaises, qui avaient été très affectés par la crise sanitaire, à l’instar de l’aéronautique et du tourisme.

Commerce extÉrieur de la France

(en %)

 

2020

2021

2022

 

Importations

– 12,2

7,8

6,6

2,5

Exportations

– 16,1

8,6

6,8

2,7

Demande adressée à la France

– 6,8

11,5

5,5

1,6

Contribution du commerce extérieur à l’évolution du PIB en volume

– 1,1

– 0,3

0,0

0,0

Balance commerciale (en %)

– 2,8

– 3,4

– 5,9

– 5,6

Balance commerciale (en mds)

– 65

– 85

– 156

– 154

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

En 2023, la demande adressée à la France ralentirait nettement (+1,6 %). Elle pourrait toutefois bénéficier du gain de compétitivité lié à la baisse de l’euro face au dollar, et le cas échéant d’un avantage de compétitivité supplémentaire lié à une inflation en France plus faible que celle constatée chez ses partenaires de la zone euro. Cependant, elle est susceptible d’être affectée par le ralentissement économique de ses grands partenaires commerciaux.

Les difficultés de l’automobile et de l’aéronautique ne seraient pas encore résorbées à cet horizon, ce qui explique une progression lente des exportations. Le Gouvernement fait l’hypothèse que les exports comme les imports de tourisme reviendraient au niveau d’avant crise fin 2023. Au total, la contribution prévue des échanges commerciaux à la croissance est nulle.

2.   L’impact des chocs négatifs sur la trajectoire de long terme du PIB français

Le PIB français se situait, au premier trimestre 2022, 0,3 % au-dessus de son niveau d’avant-crise et devrait être, à la fin de l’année, 1 % au-dessus de celui‑ci.

L’OFCE a estimé que le retard du PIB sur son évolution tendancielle hors crises est constant entre début et fin 2022, d’environ 2,9 %. En 2023, le PIB ne convergerait que très modérément vers sa trajectoire de long terme. De plus, la moindre accumulation de capital productif conduit à réduire le PIB potentiel de moyen terme.

Le Gouvernement, quant à lui, reprend le scénario de croissance potentielle présenté dans le programme de stabilité 2022-2027, qui figure également dans le projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

Alors que le choc provoqué par la crise sur le PIB potentiel était estimé à – 2,25 % dans les prévisions associées au projet de loi de finances pour 2021, cette perte avait été révisée à – 1,75 % au sein du rapport économique, social et financier 2022 ; elle est désormais estimée à – 0,75 %. Selon l’analyse du Gouvernement, la crise n’a pas conduit à un effondrement de l’investissement, ni à des destructions massives d’emplois. Son principal effet aura été une perte temporaire de productivité globale des facteurs (PGF) travail et capital, en raison de l’arrêt de l’économie durant l’année 2020.

À partir de 2022, la croissance potentielle s’établirait à 1,75 %. Les capacités productives de l’économie française seraient notamment soutenues par la politique du Gouvernement en faveur de l’augmentation de l’offre de travail.

hypothÈses de croissance potentielle

(en %)

 

2019

2020

2021

2022

2023

PIB nominal (en volume)

1,8

– 8,0

6,8

2,7

1,0

PIB potentiel (en volume)

1,25

0,0

1,30

1,35

1,35

 

 

 

 

 

 

 

2024

2025

2026

2027

 

PIB nominal (en volume)

1,6

1,7

1,7

1,8

 

PIB potentiel (en volume)

1,35

1,35

1,35

1,35

 

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

II.   L’avis du Haut Conseil des finances publiques sur le plf 2023

Le HCFP valide, avec quelques réserves, l’essentiel des hypothèses présentées par le Gouvernement avec le projet de loi de finances pour 2023.

A.   Le scénario macroéconomique est légèrement optimiste

Le Haut Conseil des finances publiques a validé l’essentiel des hypothèses macroéconomiques associées au projet de loi de finances pour 2022.

L’hypothèse de croissance apparaît « crédible » en 2022 et « un peu élevée » en 2023 :

– en 2022, elle est cohérente quoique légèrement supérieure aux prévisions les plus récentes de la Banque de France et de l’Insee, qui prévoient 2,6 % de croissance ;

– en 2023, elle est supérieure aux prévisions les plus récentes, qui anticipent une croissance comprise entre 0 et 0,6 %, en tenant compte de la récession désormais anticipée chez le partenaire allemand. La prévision du Gouvernement repose sur le maintien de la consommation des ménages et des investissements, qui ne paraît pas acquis au vu de la dégradation de la confiance et du resserrement des politiques monétaires. Surtout, elle est entourée d’aléas baissiers liés à l’évolution du conflit en Ukraine et à un éventuel rebond épidémique.

Pour 2022 et 2023, la prévision d’inflation apparaît « réaliste » au HCFP. Elle s’établirait à 5,3 % en 2022 avec une inflation sous-jacente estimée à 0,5 % en rythme mensuel jusqu’à décembre, similaire au rythme de la hausse des prix au premier semestre 2022. L’inflation pour 2023, estimée à 4,2 % et révisée à la hausse (3,2 % dans le programme de stabilité), est marquée par d’importantes incertitudes.

Pour le HCFP, les prévisions d’emploi et de masse salariale apparaissent également « plausibles ». Le Gouvernement a revu les prévisions de créations d’emploi depuis le programme de stabilité, en phase avec la tendance baissière de la productivité.

B.   La trajectoire des finances publiques est crédible

Les prévisions de prélèvements obligatoires sont « cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu » selon le HCFP.

Pour 2022, le Haut Conseil estime que la prévision de recettes est légèrement sous-estimée, ce qui pourrait conduire à un déficit légèrement plus faible en exécution que dans les prévisions du Gouvernement.

S’agissant des prévisions de solde public pour 2023, le Haut Conseil formule trois remarques importantes :

– les dépenses de l’ensemble des APU, et en particulier de l’État, baissent de 1,5 % en volume en 2023 en utilisant l’indice des prix à la consommation hors tabac. Cependant, en utilisant l’indice de prix du PIB (dit aussi déflateur du PIB, qui corrige l’effet de l’inflation sur cet agrégat économique, plus large que la consommation), les dépenses publiques diminuent 0,8 % en 2023 ;

– en soustrayant aux dépenses des APU les dépenses encore liées à la crise sanitaire, à la relance et aux mesures pour lutter contre l’inflation, la dépense publique serait en 2023 stable en volume par rapport à 2022 sur le même périmètre en prenant en compte les prix à la consommation hors tabac, et progresserait de 0,7 % en volume avec l’indice de prix du PIB ;

–  les hypothèses de dépense publique pour 2023 restent affectées par les incertitudes fortes relatives à l’inflation et au coût des boucliers tarifaires sur l’électricité et le gaz, qui peuvent jouer à la hausse comme à la baisse.

Le Haut Conseil conclut qu’une fois neutralisé l’impact de la baisse des dépenses exceptionnelles engagées en réponse aux crises sanitaire et énergétique et rapportée au prix du PIB, plus pertinent pour juger de l’impact des dépenses sur la situation des finances publiques, la dépense publique est en hausse (+ 0,7% en volume). Cela tient notamment à l’augmentation de 24 milliards d’euros de crédits supplémentaires au profit des ministères (emploi, intérieur, justice, défense en particulier) et à une croissance de l’Ondam toujours supérieure à celle d’avant la crise sanitaire.

Il considère par ailleurs que certaines dépenses seraient sous estimées, indépendamment des hypothèses sur l’inflation, en particulier les dépenses du champ de l’Ondam, qui comprennent une provision faible pour les vaccins et tests covid et sont ainsi affectées d’un important risque de dépassement.

En dernier lieu, le HCFP note qu’en dépit de l’optimisme des prévisions macroéconomiques, le Gouvernement anticipe une stabilisation du déficit public en 2023, qui correspond à un redressement lent et faible du solde public. Il renouvelle ses inquiétudes sur la soutenabilité à moyen terme des finances publiques.

 

 


—  1  —

   FICHE N° 2 : UN CONTEXTE INFLATIONNISTE DE PLUS EN PLUS MARQUÉ QUI a conduit à une rÉponse publique massive

Résumé de la fiche

L’action des pouvoirs publics s’inscrit dans un contexte dominé par l’inflation, qui s’établirait, en France, à 5,3 % en 2022 et 4,2 % en 2023. Au niveau mondial, elle est portée par les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, qui se transmettent au reste de l’économie et pèsent sur les perspectives de croissance.

Cette situation a conduit le Gouvernement et le législateur à prendre et adopter de nombreuses mesures de soutien économiques et réglementaires pour limiter les effets de la hausse des prix sur le pouvoir d’achat des ménages et la situation financière des entreprises. Ces mesures ont un coût budgétaire important.

Le soutien aux revenus de remplacement a lieu grâce à une revalorisation des pensions de retraite et des prestations sociales à hauteur de 4 % dès le 1er juillet 2022. De même, la hausse de la valeur du point de la fonction publique participe du soutien aux revenus. Les ménages ont également été davantage aidés pour financer leurs dépenses énergétiques dans un contexte de forte hausse des prix de l’électricité et du gaz, notamment via Le bouclier tarifaire.

De nombreuses discussions se sont engagées entre la Commission européenne et les États membres pour l’adoption de mesures d’urgence afin de réduire la consommation d’énergie et afin de répartir les surplus de recettes issues du fonctionnement du marché de l’électricité et du gaz et générées par la hausse du prix des produits pétroliers.

Face à l’accélération de l’inflation, la BCE a mis fin à son programme de rachats d’actifs et a remonté ses taux d’intérêt. L’objectif étant de contracter la demande pour ralentir l’inflation, une attention particulière sera portée à l’effet de cette politique monétaire sur la croissance et sur les écarts de taux entre les pays de la zone euro.

L’environnement macroéconomique de l’automne 2022 est dominé par les conséquences des tensions inflationnistes. La hausse des prix, amorcée fin 2021, a connu une forte accélération sous l’effet du conflit en Ukraine, alors que la Russie belligérante est un fournisseur d’énergies de premier plan, notamment en Europe. La hausse des prix de l’énergie se transmet au reste de l’économie.

Les denrées alimentaires sont également concernées par cette hausse des prix, en raison des tensions d’approvisionnement, à commencer par le blé, pour lequel l’Ukraine détenait avant le conflit plus de 10 % des parts du marché mondial.

Le niveau d’inflation dans la zone euro a connu un record en août 2022, s’établissant à 9,1 % sur un an. La France connaît une inflation inférieure au reste de la zone et en légère décélération (6,4 % en août), tandis que les pays baltes connaissent des niveaux d’inflation supérieurs à 20 %.

L’inflation a des incidences sur les anticipations et les comportements des entreprises comme des ménages. À ce titre, malgré les incertitudes, elle entre dans les paramètres de calcul des prévisions de croissance. Par ce canal, mais aussi parce que des politiques publiques sont menées pour l’atténuer et en contrer les effets, l’inflation a un impact sur l’état des finances publiques.

I.   Un contexte mondial inflationniste

Selon l’OCDE, l’allègement progressif des tensions sur les chaînes d’approvisionnement et les prix des matières premières, ainsi que la hausse des taux d’intérêt, devraient commencer à faire sentir leurs effets courant 2023. L’inflation sous-jacente devrait néanmoins rester supérieure ou égale aux objectifs des banques centrales dans nombre de grandes économies avancées à la fin de l’année ([8]).

L’inflation sous-jacente

L’indice d’inflation sous-jacente est un indice désaisonnalisé qui permet de dégager une tendance de fond de l’évolution des prix.

Il traduit l’évolution profonde des coûts de production et la confrontation de l’offre et de la demande. Il exclut les prix soumis à l’intervention de l’État (électricité, gaz, tabac...) et les produits à prix volatils (produits pétroliers, produits frais...) qui subissent des mouvements très variables dus à des facteurs climatiques ou à des tensions sur les marchés mondiaux.

L’indice d’inflation sous-jacente est corrigé des mesures fiscales, de façon à neutraliser les effets sur l’indice des prix de la variation de la fiscalité indirecte ou des mesures gouvernementales affectant les prix à la consommation. Cette notion est ainsi plus adaptée à une analyse des tensions inflationnistes, car moins perturbée par des phénomènes exogènes.

Source : INSEE, Définitions.

A.   Les causes de la forte inflation

Pour l’année 2022, l’inflation mondiale a été revue à la hausse du fait de l’augmentation des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi que des déséquilibres persistants de l’offre et de la demande. Selon le Fonds monétaire international (FMI) qui parle d’un « horizon sombre et incertain », elle devrait atteindre 8,3 % (6,6 % dans les pays avancés et 9,5 % dans les pays émergents et les pays en développement) cette année ([9]).

S’agissant de 2023, les prévisions intègrent les conséquences politiques du durcissement des politiques monétaires par les banques centrales. L’inflation mondiale s’établirait à 5,7 % (3,3 % dans les pays avancés et 7,3 % dans les pays émergents et pays en développements).

Le contexte de sortie de pandémie a une incidence sur le niveau de l’inflation. D’abord, il existe un « effet de base » : l’inflation ayant été faible durant cette période, la base de calcul pour l’inflation est basse. De plus, la reprise économique importante observée en 2021 a été sous-tendue par une forte demande, portée par des politiques de relance budgétaire ambitieuses, avec un effet à la hausse sur les prix.

En 2022, l’inflation est portée par l’augmentation des prix de l’énergie, qui ont fortement augmenté depuis l’automne 2021 sous l’effet de plusieurs facteurs.

La demande en gaz naturel et électricité a, à nouveau, augmenté suite à une période de baisse due à l’épidémie de covid-19. L’approvisionnement en gaz auprès d’importateurs étrangers, au premier rang desquels la Russie, n’a pas atteint un volume aussi important que prévu notamment en raison de problèmes de livraison. Enfin, à partir de février 2022, la guerre en Ukraine a considérablement perturbé le marché du gaz, réduisant les livraisons de la Russie vers l’ensemble des pays de l’Union européenne et conduisant à une hausse du prix sur les marchés.

Parmi les pays de l’Union européenne, la France n’est pas le pays le plus dépendant au gaz naturel russe. Celui-ci constitue seulement 17 à 19 % de ses importations de gaz, mais la dépendance globale des pays de l’Union européenne au gaz russe entraîne une forte variation des cours sur le marché européen qui touche l’ensemble des pays.

D’après l’INSEE, entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, le prix du gaz était passé de 25 euros par mégawattheure à 97 euros par mégawattheure (+ 290 %, avec un pic à 130 euros en mars 2022). En juillet 2022, le prix de gros du gaz sur les marchés a atteint plus de 160 euros par mégawattheure. Au début du mois de septembre, sur le marché néerlandais, dit TTF, qui constitue la référence pour le gaz naturel en Europe, un mégawattheure coûtait environ 300 euros, avant de redescendre sous la barre des 200 euros à la fin du mois.

La hausse du prix du gaz a mécaniquement conduit à une hausse du prix de l’électricité, dont l’offre est également affectée en France par la réduction des capacités de production du parc nucléaire. 32 des 56 réacteurs nucléaires sont à l’arrêt, en raison d’opérations prévues de maintenance comme de problèmes de corrosion. Le corollaire de cette réduction de la production d’électricité d’origine nucléaire est le recours ailleurs qu’en France à de l’électricité produite à partir d’autres sources d’énergie, comme le charbon ou le gaz, dont les coûts de production sont nettement plus élevés.

En conséquence, le prix de l’électricité sur les marchés a considérablement augmenté depuis 2021. Si un mégawattheure coûtait 50 euros en début d’année 2021, le prix de gros est passé à 222 euros par mégawatheure en décembre 2021. À ce jour il est d’environ 460 euros par mégawattheure. En ce qui concerne les prix à terme, le mégawattheure d’électricité pouvant être livré début 2023 coûtait à l’achat en septembre 2022 1 000 euros.

Le prix des denrées alimentaires a également augmenté. Pour les économies émergentes fortement dépendantes des exportations agricoles russes et ukrainiennes, dont les pays d’Asie centrale et d’Afrique subsaharienne, les risques de rupture d’approvisionnement ont augmenté, ce qui s’est répercuté sur les marchés. Certains pays ont mis en place des restrictions aux exportations, ce qui a accentué la tendance haussière. Entre l’invasion de l’Ukraine en février 2022 et le mois de juin 2022, le prix du blé a augmenté de 60 % et celui du maïs de 24 % ([10]).

En France, la hausse des prix de l’énergie constitue la principale contribution à l’inflation d’ensemble jusqu’en septembre 2022. En tendance, ce sont néanmoins les prix de l’alimentation qui progressent désormais le plus rapidement et devraient peser jusqu’à 1,9 point dans l’inflation d’ensemble (estimée à + 6,6 % sur un an) en décembre 2022 ([11]).

B.   Les conséquences d’une inflation élevée sur les perspectives macroéconomiques

Ces augmentations se répercutent sur les prix des produits manufacturés, de l’alimentation et des services. Conjuguées aux tensions de recrutement, elles alimentent la hausse des salaires, qui participent du renchérissement des coûts de production des entreprises, pouvant alors conduire à une boucle prix-salaires auto-entretenue.

Pour les ménages, la conséquence de l’inflation est le risque d’une perte de revenu réel. En effet, hormis les hypothèses d’indexation, la temporalité de l’ajustement des revenus du travail ne se fait pas sans perte frictionnelle. Au surplus, en l’absence d’adaptation des barèmes fiscaux, l’augmentation des revenus nominaux peut conduire à une augmentation du taux d’imposition, ce qui correspond à une perte de pouvoir d’achat. 

Cette baisse de revenus pèse sur la demande intérieure. Elle grève également la demande adressée à la France, et donc les exportations.

Pour les entreprises, la hausse des prix des intrants implique un choix entre l’augmentation des prix et une perte subséquente de compétitivité, ou un maintien des prix et une baisse subséquente du taux de marge. L’inflation s’accompagne de « coûts de menu », c’est-à-dire de dépenses d’adaptation de leur offre au niveau des prix.

Les ménages comme les entreprises sont également affectés par les décisions politiques (développées infra) de réponse à la hausse de l’inflation. La normalisation de la politique monétaire après une décennie d’expansionnisme implique une augmentation des taux d’intérêt, soit un accès plus restreint au crédit et à l’investissement.

Cette hausse des taux a un effet sur le coût de la dette publique et peut entraîner des effets de surendettement, particulièrement dans les pays émergents à faibles revenus qui cumulent les facteurs de vulnérabilité.

Enfin, la persistance de l’inflation se mue en crise du coût de la vie. Les difficultés concrètes d’approvisionnement en énergie et en denrées alimentaires peuvent créer des risques vitaux, avec de graves conséquences économiques et sociales

Cette situation fait craindre un scénario de stagflation, qui est une combinaison d’inflation forte et de croissance faible telle qu’elle est apparue dans les années 1970 à la suite des chocs pétroliers. À ce stade, les prix de l’énergie et des denrées alimentaires, corrigés de l’inflation, demeurent inférieurs à ceux qui avaient alors été observés.

Toutefois, en cas de désancrage des anticipations d’inflation, une remontée des taux d’intérêts plus forte que celle qui est actuellement envisagée pourrait être nécessaire. Ce scénario avait conduit à une série de crises financières dans les économies de marché émergentes et à une récession mondiale en 1982 ([12]).

II.   Les mesures budgétaires pour faire face à la crise

Comme détaillé supra, dès l’automne 2021 les prix des carburants augmentent en raison de la reprise économique mondiale. La hausse des prix a ensuite concerné le secteur de l’énergie de manière globale et celui des denrées alimentaires. Au total, à l’été 2022, d’après l’INSEE, l’indice général des prix à la consommation avait augmenté d’environ 6,1 % par rapport à l’année précédente. Cette inflation pèse de plus en plus sur le budget des ménages, ainsi que sur les coûts de production des entreprises.

Dès l’automne 2021, un certain nombre de mesures exceptionnelles ou pérennes ont été mises en œuvre pour aider les ménages et les entreprises dans ce contexte inflationniste. Ces mesures constituent des dépenses pour le budget des administrations publiques en général et en particulier pour le budget de l’État. Un certain nombre d’entre elles doivent être prolongées en 2023.

A.   les Mesures générales de SOUTIEN aux REVENUS DES MÉNAGES

Les lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2022 et les lois de finances rectificatives pour 2021 et 2022 ont prévu la mise en place de plusieurs mesures pour lutter contre l’inflation et ses effets.

1.   L’indemnité inflation

La seconde loi de finances rectificatives pour 2021 a prévu le versement d’une prime dite « indemnité inflation » pour un montant de 100 euros ([13]). Ce dispositif a été conçu comme une aide exceptionnelle devant être perçue fin 2021 ou au début de l’année 2022 avec l’objectif de constituer une compensation au titre de la hausse du prix des carburants sur l’année 2021.

L’indemnité inflation a été versée aux personnes résidant en France, âgées de plus de 16 ans, dont les revenus ne dépassent pas 2 000 euros nets par mois. Le versement de cette indemnité a été assuré par l’employeur, et par les organismes de sécurité sociale pour les travailleurs indépendants, les bénéficiaires de prestations et minima sociaux et pour les personnes retraitées. Cette prime devrait avoir concerné 38 millions de personnes.

Son coût a entièrement reposé sur le budget de l’État, pour un montant de 3,6 milliards d’euros, inscrit au sein d’un nouveau programme ad hoc de la mission Solidarité, insertions et égalité des chances.

2.   La revalorisation des pensions et des prestations sociales

La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et la loi de finances rectificatives pour 2022 ont prévu une revalorisation générale anticipée de 4 % des pensions de retraite et des prestations sociales pour faire face à la reprise de l’inflation ([14]). Les principales prestations sociales concernées prises en charge par le budget de l’État sont l’allocation adulte handicapée (AAH) et le revenu de solidarité active (RSA) lorsque la gestion de ce revenu a été recentralisée([15]). La prime d’activité voit également son montant revalorisé de 4 %.

Cette revalorisation concerne également l’ensemble des prestations qui sont revalorisées dans les conditions prévues à l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale. Il s’agit aussi bien de prestations prises en charge par l’État que par la sécurité sociale comme l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA), les prestations du régime AT‑MP ou encore les allocations familiales prises en charge par les organismes de sécurité sociale.

Ces prestations n’auraient dû être revalorisées qu’en avril 2023 et l’ont donc été, de manière rétroactive, dès le 1er juillet 2022 ([16]).

En conséquence, au 1er avril 2023, s’il s’avère qu’en appliquant le coefficient de revalorisation annuelle prévue par le code de la sécurité sociale et indexé sur l’inflation des douze mois précédents, celui-ci dépasse 4 %, la revalorisation anticipée au titre de la loi de finances rectificative pour 2022 sera imputée à ce coefficient ([17]).

Pour le budget de l’État, les surcoûts liés à ces revalorisations concernent principalement en volume l’AHH, la prime d’activité et le RSA. La hausse de l’AAH aura entraîné une augmentation des crédits alloués au programme Handicap et dépendance de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances de 192 millions d’euros pour l’année 2022.

La revalorisation des pensions de retraite devrait entraîner un surcoût de 4,6 milliards d’euros en 2022 pour les administrations de sécurité sociale. Cette revalorisation concerne également l’ASPA et l’allocation veuvage.  

Ont également été revalorisées les bourses étudiantes versées à compter de la rentrée 2022 de 4 %. La revalorisation a concerné tous les échelons (de 1 à 7) pour un coût en 2022 prévu de 50 millions d’euros ([18]).

En 2023, la revalorisation de la prime d’activité, du RSA et le versement de la prime exceptionnelle de rentrée (voir infra) nécessite un abondement de 1,6 milliard d’euros de la mission Solidarité, insertions et égalité des chances ([19]).

Le compte d’affectation spéciale Pensions pour les retraites des agents de l’État se verrait doté de 62,5 milliards d’euros de crédits dont 1,5 milliard d’euros correspondrait au coût de la revalorisation des pensions.

3.   L’indemnité exceptionnelle de rentrée

La loi de finances rectificatives pour 2022 a également introduit une nouvelle indemnité exceptionnelle dite de rentrée versée aux bénéficiaires d’un certain nombre de minima sociaux ([20]). Cette prime, distincte de l’allocation de rentrée scolaire et cumulable avec elle, a bénéficié à 8 millions de foyers représentants 15 millions de personnes pour un montant de 100 euros par personne auquel s’ajoutent 50 euros par enfant à charge. Elle aura représenté une dépense supplémentaire d’un milliard d’euros.

4.   La revalorisation du point d’indice de la fonction publique

La revalorisation du point d’indice de la fonction publique de 3,5 % pour 5,7 millions d’agents publics à compter du 1er juillet représente un surcoût de deux milliards d’euros en 2022 pour le seul budget de l’État. La valeur du point d’indice n’avait pas été relevée depuis 2017.

Pour la fonction publique d’État et ses opérateurs, en 2023, le coût de cette revalorisation devrait s’élever à 3,39 milliards d’euros (auquel s’ajoute un abondement au CAS Pensions de 1,83 milliard).

Au total, pour l’ensemble des administrations publiques, la mesure est estimée en année pleine à 7,76 milliards d’euros ([21]).

5.   L’augmentation des dépenses pour l’ensemble des administrations publiques

Les mesures de lutte contre l’inflation ne constituent pas une dépense seulement pour le budget général de l’État mais pour l’ensemble des administrations publiques.

Les administrations publiques locales ont vu et vont voir leurs dépenses augmenter en raison des différentes mesures exposées ci-dessus. La hausse du point d’indice de la fonction publique a renchéri les dépenses de personnel. Néanmoins, toutes les dépenses nouvelles ne sont pas à la charge des collectivités territoriales. La loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat a prévu une compensation de 120 millions d’euros aux départements pour la revalorisation du RSA, compensation qui couvre intégralement le surplus de dépenses. 18 millions d’euros ont également été prévus en compensation pour les régions de la revalorisation de la rémunération des stagiaires de la formation professionnelle. Le surcoût des mesures pour le bloc communal, notamment la hausse du point d’indice de la fonction publique, pourra être compensé en 2023 en fonction de la santé financière des communes et établissement de coopération intercommunale ([22]).

La revalorisation du RSA encore majoritairement financé et versé par les départements est compensée par le budget de l’État, une partie du bénéfice du complément de traitement indiciaire pour les personnels dépendant des départements est prise en charge par la sécurité sociale et par l’État.

La revalorisation de 4 % des pensions de retraite constitue un surplus de dépenses pour les administrations de sécurité sociale. La revalorisation des pensions de retraite constitue également une dépense pour le budget de l’État en ce qui concerne les régimes spéciaux et le compte d’affectation spéciale Pensions. Ainsi, le coût a été estimé à 1,5 milliard d’euros en année pleine sur le CAS Pensions pour couvrir les conséquences de la revalorisation anticipée des pensions de retraite des régimes de base des fonctionnaires civils et militaires de l’État.

B.   l’effort budgétaire massif pour limiter la hausse des prix de l’énergie

Les mesures prises pour limiter les effets de l’inflation ont également porté sur les prix de l’énergie. Comme exposé ci-dessus, les prix du gaz et de l’électricité sur les marchés européens et plus particulièrement les marchés à terme ont fortement augmenté depuis le début de l’année 2022.

Entre le deuxième trimestre 2021 et le deuxième trimestre 2022, la hausse des prix de l’énergie (gaz, électricité et produits pétroliers) a contribué à 3,1 points d’inflation sur un total de 5,3 % ([23]). Les deux tiers de cet effet reflètent le renchérissement de l’énergie consommée par les ménages eux-mêmes pour se déplacer et se chauffer. Le tiers restant provient des répercussions, dans les prix des autres produits, des hausses de coût de l’énergie pour les entreprises.

Or, les dépenses énergétiques représentent une part importante des dépenses des ménages français et leur poids est croissant avec la hausse des prix de l’énergie et des carburants. Ces dépenses pèsent plus que proportionnellement sur le budget des ménages les plus modestes. Ainsi, les dépenses d’énergie représentent 12,7 % des dépenses de consommation des ménages du premier décile, contre 9,5 % pour les ménages du dernier décile ([24]).

C’est pourquoi de nombreuses mesures ont été prises de l’année 2021 afin de parvenir à modérer les prix effectifs des énergies.

1.    Le chèque énergie

a.   Un dispositif de lutte contre la précarité énergétique

Le chèque énergie, qui a commencé à être versé de manière expérimentale en 2016 et a été généralisé en 2018, est un dispositif visant à réduire la précarité énergétique. Il a été introduit au sein du code de l’énergie par l’article 201 de la loi du 17 août 2015 pour la transition écologique pour la croissance verte. Ce chèque a été conçu comme devant se substituer aux tarifs sociaux de l’électricité et du gaz.

Il permet depuis lors aux ménages de contribuer à s’acquitter des factures d’énergie, mais aussi aux dépenses que ces derniers engagent pour améliorer l’efficacité énergétique de leur logement.

Le critère ouvrant droit au chèque énergie est un seuil de revenus du ménage, qui tient compte de sa composition. Le chèque est versé entre mars et avril de l’année suivant celle pour laquelle sont évalués les revenus du ménage.

Ce chèque est versé aux ménages par l’Agence de services et de paiements. Cette agence reçoit de l’administration fiscale un fichier établissant la liste des ménages remplissant les conditions d’attribution. Les ménages n’ont donc aucune démarche à entreprendre pour en bénéficier.

Pour les personnes résidant en logement-foyer ou en résidence sociale, l’aide est directement versée au gestionnaire de la résidence, qui la répercute sur le montant de la redevance. Depuis 2021, les résidents de certains établissements, dont les EHPAD, peuvent également bénéficier du chèque énergie ([25]).

Le chèque énergie permet de régler partiellement les factures d’électricité et de gaz naturel mais aussi celles relatives à d’autres types de combustible comme le pétrole liquéfié, le fioul domestique, le bois, les pellés de bois, la biomasse ou d’autres combustibles pour l’alimentation du chauffage ou la production d’eau chaude. Il peut être utilisé par les ménages bénéficiaires auprès de leurs fournisseurs d’énergie. Un système dit de pré-affectation est désormais proposé de telle manière que le montant du chèque soit directement déduit de la facture d’électricité ou de gaz.

Pour la campagne 2022, le seuil d’éligibilité au chèque énergie est de 10 800 € de revenu fiscal de référence divisé par le nombre d’unités de consommation du ménage (UC). Pour une personne vivant seule, le revenu fiscal de référence maximum doit donc être de 10 800 € (le nombre d’UC étant égal à 1). Il est de 22 680 euros pour un couple avec deux enfants (le nombre d’UC étant égal à 2,1).

En 2020, il a été versé à 5,5 millions de ménages (dont environ 55 000 dans le cadre de l’aide spécifique aux résidences sociales), pour un montant moyen de 148 euros par ménage ([26]). En 2021, le nombre de ménages bénéficiaires est estimé à 5,8 millions.

b.   Le coût pour le budget de l’État

Les crédits nécessaires à la prise en charge par le budget de l’État du chèque énergie sont inscrits au programme 174 Énergie, climat et après mine de la mission Écologie, développement et mobilités durables à l’action 2 Accompagnement de la transition énergétique.

L’exécution de l’exercice budgétaire 2021 montre qu’un montant de 831,1 millions d’euros a été dépensé pour régler le chèque énergie à destination des particuliers et 6,3 millions d’euros ont été dépensés au titre du financement de l’aide spécifique aux résidences sociales (55 000 logements accompagnés), soit un total de 837,4 millions d’euros. Le montant du chèque émis a varié en 2021 de 48 à 277 euros.

Dans le projet de loi de finances pour 2022, les dépenses liées au chèque énergie retracées à l’action 2 étaient estimées à 958,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 837,5 millions d’euros en crédits de paiement (crédits demandés). Cette estimation se fonde sur une hypothèse faite par le Gouvernement d’augmentation du nombre de ménages bénéficiaires à 6,2 millions (auxquels s’ajoutent 70 000 bénéficiaires en résidences sociales).

Le chèque énergie est un dispositif pérenne budgété tous les ans au programme 174 de la mission Écologie.

c.   Des versements exceptionnels pour prendre en compte la hausse du prix de l’énergie

La loi de finances rectificatives pour 2021 a également prévu un complément fixe de 100 euros au montant du chèque énergie pour les foyers les plus modestes. Il s’agit d’un premier chèque exceptionnel qui a été versé en décembre 2021 aux 5,8 millions de ménages bénéficiaires du chèque énergie cette même année.

Cette campagne exceptionnelle a conduit à engager 560 millions d’euros d’autorisations d’engagement supplémentaires en fin d’année 2021 aux autorisations d’engagement du programme 174 ([27]).

Ainsi, au total, en 2021, 1 425 millions d’euros d’AE et 1 123 millions d’euros de CP ont été exécutés pour financer le dispositif dans son ensemble.

Ce dispositif va être reconduit en 2022 comme annoncé par le Gouvernement. Le montant du nouveau chèque exceptionnel s’élèvera à 200 € pour les deux premiers déciles de revenus (20 % des foyers les plus modestes dont les revenus sont inférieurs à 13 310 euros) et à 100 euros pour les déciles 3 et 4 (ménages dont les revenus sont compris entre 13 310 euros et 18 610 euros).

Le coût pour le budget de l’État de cette nouvelle mesure n’est pas encore évalué.

2.   Le blocage des tarifs réglementés de gaz et d’électricité

Une politique inédite de blocage temporaire des prix de l’électricité et du gaz acquittés par les utilisateurs finaux a été instaurée dès fin 2021 afin de limiter les effets de la hausse des prix de marché et la hausse des tarifs réglementés de vente de gaz (TRVg) en résultant pour les personnes qui en bénéficient encore et des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe)([28]).

a.   Le bouclier tarifaire sur le gaz

Au 31 août 2021, la Commission de régulation de l’énergie (CRE) dénombrait 10,5 millions de consommateurs résidentiels de gaz naturel en France. 53 % de ces consommateurs détiennent des contrats en offre de marché à prix fixe et n’étaient donc pas concernés, au moins à court terme, par les hausses tarifaires. En revanche, 47 % des consommateurs résidentiels détiennent un contrat s’appuyant sur le TRVg ou indexé sur ce dernier et étaient donc sensibles à toutes variations de prix.

Type de contrats souscrits par les consommateurs résidentiels de gaz naturel au 31 août 2021

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : Commission de régulation de l’énergie

Les TRVg sont révisés mensuellement en application du code de l’énergie, selon des formules de calcul prenant en compte les coûts d’approvisionnement et les coûts hors approvisionnement ([29]).

Les consommateurs concernés ont ainsi été directement exposés aux très fortes hausses survenues sur les marchés au 3ème trimestre 2021 : entre juin et octobre 2021, le TRVg moyen a augmenté de près de 44 %.

En réponse à cette hausse importante et à une hausse encore nettement plus importante à venir de ces tarifs fin 2021 et en 2022, un arrêté du 23 octobre 2021 a gelé les tarifs réglementés de gaz naturel d’Engie à compter du 1er novembre 2021. ([30])

L’article 181 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a confirmé ce blocage des tarifs réglementés, compris ceux des entreprises locales de distribution, en disposant que ces derniers « sont fixés à leur niveau, toutes taxes comprises, en vigueur au 31 octobre 2021 » jusqu’au 30 juin 2022.

La loi de finances pour 2022 a précisé qu’après la période de gel, les TRVg seront à nouveau fixés selon la méthode prévue à l’article L. 445-3 du code de l’énergie, tout en intégrant, jusqu’au 30 juin 2023, une composante de rattrapage imputée sur les factures de consommateurs.

Sans ce gel des TRVg, La CRE a estimé que le niveau moyen des tarifs réglementés de vente au 1er avril 2022 aurait été supérieur de 39,10 % HT par rapport au niveau en vigueur fixé au 1er octobre 2021.

Initialement réservé aux clients résidentiels individuels bénéficiant des TRVg, le bénéfice du bouclier a été étendu, par décret du 9 avril 2022, aux personnes physiques habitant des logements d’habitation en copropriété chauffés au gaz ou par un réseau de chaleur.

Conformément à une disposition de l’article 181 de la loi de finances pour 2022, le Gouvernement a annoncé le 23 juin 2022 la prolongation jusqu’au 31 décembre 2022 du bouclier tarifaire sur le gaz ; l’arrêté correspondant a été pris le 25 juin 2022.

L’article 37 de la loi de finances rectificatives pour 2022 confirme la prolongation du gel jusqu’au 31 décembre 2022 et modifie les modalités de rattrapage du manque à gagner pour Engie et les entreprises locales de distribution (voir infra). Ce même article 37 précise que la date du 31 décembre 2022 peut être reportée par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie et de l’énergie et fixée à une date comprise entre le 1er janvier 2023 et le 30 juin 2023. Il a étendu le bénéfice du bouclier tarifaire aux fournisseurs alternatifs à Engie qui proposent des offres à prix fixe pour leurs clients dès lors que ces prix ne dépassent pas le TRVg.

La question de la compensation du manque à gagner pour les fournisseurs de gaz

L’article 37 de la loi de finances rectificative pour 2022 a modifié l’article 181 de la loi de finances pour 2022. La composante dite de rattrapage qui aurait pu être appliquée par les fournisseurs sur les tarifs a été ainsi supprimée.

Les pertes de recettes supportées à compter du 1er septembre 2022 et jusqu’au terme de la période de gel par les fournisseurs de gaz naturel pour leurs offres aux TRVg, et pour leurs offres de marché, constituent des charges imputables aux obligations de service public de l’énergie, au sens de l’article L. 121-35 du code de l’énergie. Elles sont ainsi compensées par l’État, dans la limite des coûts d’approvisionnement supportés par les fournisseurs concernés sur la période de gel.

Ces mêmes pertes supportées par les fournisseurs entre le 1er novembre 2021 et le 31 août 2022 constituent également des charges de service public compensées par l’État.

Les charges imputables aux obligations de service public, au sens de l’article L. 121‑35 du code de l’énergie, désignent le coût pour les fournisseurs des obligations qui sont mises à leur charge, coût qui doit être in fine pris en charge par l’État via une compensation. Ces charges de service public de l’énergie (classiquement péréquation tarifaire géographique, tarifs sociaux, cogénération mais aussi soutien aux énergies renouvelables...) sont financées via le programme Service public de l’énergie.

b.   Le bouclier tarifaire sur l’électricité

Un bouclier tarifaire a également été mis en place pour limiter le prix payé par les consommateurs finaux d’électricité suite aux annonces faites à l’automne 2021 par le Gouvernement et conformément à l’article 181 à de la loi de finances pour 2022. 

En France, le prix de détail de l’électricité relève encore majoritairement des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe), dits tarifs « bleus » pour les consommateurs résidentiels, proposés par EDF et les entreprises locales de distribution (ELD).

Au 31 mars 2021, d’après la Commission de régulation de l’énergie, 22,5 millions des ménages en France (67 % d’entre eux) bénéficiaient du TRVe ou de contrats indexés sur celui-ci, tout comme 1,5 million de petites entreprises. Parallèlement, environ 10 millions de ménages détiennent des abonnements auprès de fournisseurs alternatifs d’électricité.

À l’initiative du Gouvernement, l’article 181 de la loi de finances pour 2022 a prévu qu’à partir du 1er février 2022 l’augmentation des TRVe ne pourrait pas dépasser 4 % par rapport au niveau des tarifs applicables au 1er août 2021.

L’article 29 de la loi de finances pour 2022 a quant à lui acté de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), ancienne contribution au service public de l’électricité (CSPE), à partir du 1er février 2022. Cet article a d’emblée fixé comme limite à la minoration de la TICFE la date du 31 janvier 2023. Cette minoration de la TICFE s’applique dès lors que le « tarif bleu » connaît une augmentation de plus de 4 %. Le lien a donc été fait par la loi de finances pour 2022 entre la limitation de l’augmentation à 4 % des TRVe et le montant de la taxe ([31]).

Dans les faits, deux processus distincts concourent au même objectif. Par décret les TRVe sont fixés de telle sorte que l’augmentation ne soit pas supérieure à 4 %. Pour que les fournisseurs d’électricité puissent percevoir la quasi intégralité du tarif appliqué à leurs clients, ils n’intègrent plus dans leur tarif la TICFE à son taux normal, mais à son taux minimal.

Le Gouvernement a donc fixé le niveau de la TICFE à son minimum déterminé par le droit européen, soit :

– 0,5 €/MWh pour les entreprises (qui demandent une puissance inférieure à 36 kilovoltampère) ;

– 1 €/MWh pour particuliers ([32]).

Cette politique a un coût budgétaire élevé. Le manque à gagner lié à ce plafonnement de la TICFE s’est élevé à 7,4 milliards d’euros en 2022, il serait d’environ 8 milliards d’euros en 2023.

Afin de garantir la prolongation du bouclier tarifaire passé le 31 janvier 2023, le projet de loi de finances pour 2023 propose en son article 6 une prolongation du dispositif de maintien au taux minimal de la TICFE jusqu’au 31 janvier 2024.

La hausse des tarifs limitée par décret à 4 % entraîne également une perte de recettes pour les fournisseurs d’énergie. Afin que le prix de l’énergie fournie soit moins élevé qu’attendu sous l’effet des seuls prix de marché, l’augmentation de l’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh) à 120 térawattheure participe également du bouclier tarifaire en alimentant les fournisseurs autres que le fournisseur historique avec de l’électricité à un coût moindre (cf. supra)

Contrairement à ce qui était prévu par la loi de finances pour 2022, le droit pour les fournisseurs d’électricité d’opérer un rattrapage sur les factures des consommateurs, passé la période de gel, a été supprimé comme il l’avait été pour les fournisseurs de gaz. Le manque à gagner pour les fournisseurs d’électricité sera considéré comme une charge imputable aux obligations de service public et donc compensée par l’État.

c.   La sollicitation de l’Arenh

Un autre dispositif a été renforcé dans le cadre de la régulation des prix de l’électricité. Depuis la loi du 7 décembre 2010 portant nouvelle organisation du marché de l’électricité, EDF est tenu de vendre un quart de sa production d’électricité aux fournisseurs qui n’en produisent pas, notamment aux fournisseurs d’énergie renouvelable via un dispositif dit d’accès régulé à l’énergie nucléaire historique (Arenh)

Auparavant, les fournisseurs dits alternatifs se fournissaient aux prix du marché, la production d’origine nucléaire française étant réservée à EDF. Créé en 2010 et jusqu’en 2025 dans le cadre de l’ouverture du marché à la concurrence, l’Arenh permet aux concurrents d’EDF de proposer des tarifs compétitifs à leurs clients.

Jusqu’à début 2022, le prix de l’électricité dans le cadre de l’Arenh était de 42 euros par mégawattheure pour une limite maximale de 100 térawattheure par an pouvant être demandée par l’ensemble des fournisseurs. Au‑delà de ce plafond, les fournisseurs alternatifs doivent se fournir sur le marché.

Le Gouvernement a imposé en mars 2022 à EDF d’augmenter la quantité d’électricité vendue au titre de l’Arenh aux autres fournisseurs. Le plafond de l’ARENH, a été rehaussé, à titre exceptionnel pour l’année 2022, de 100 à 120 térawattheure, avec une tarification marginale fixée à 46,2 euros par mégawattheure pour les 20 derniers térawattheure ([33]).

La loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat contient une nouvelle disposition sur l’Arenh : le plafond est relevé à 120 térawatt heure jusqu’à l’extinction du dispositif en 2025 et la tarification du mégawattheure doit être d’au moins 49,5 euros dès le premier mégawattheure ([34]).

Ces mesures ont un coût pour EDF dans la mesure où l’électricité fournie au tarif dit Arenh constitue un manque à gagner pour l’entreprise qui ne vend pas ces quantités au prix de marché. En août 2022, EDF estimait ce manque à gagner à 8,3 milliards d’euros pour l’année 2022.

d.   Les effets massifs du bouclier tarifaire

Comme la montre la Commission de régulation de l’énergie (CRE), les tarifs réglementés appliqués tant au gaz qu’à électricité ont été bien inférieurs à ce qu’ils auraient été en l’absence de bouclier tarifaire.

Pour l’électricité, la hausse maximale autorisée des TRVe de 4 % par rapport à leurs niveaux en août 2021 doit être comparée à une hausse de 35,4 % TTC qui aurait été proposé en février 2022 en application du droit commun.

Concernant le gaz, le gel a évité une hausse de 47 % des tarifs réglementés entre octobre 2021 et juin 2022. Pour une estimation plus récente, la CRE a évalué ce qu’aurait été le niveau moyen des tarifs réglementés de vente de gaz au 1er septembre 2022 sans bouclier tarifaire : le tarif aurait été supérieur de 116,50 % HT, soit 105,10 % TTC par rapport au niveau en vigueur fixé au 1er octobre 2021.

De plus, dans le cadre des mesures visant à limiter les effets de la hausse des prix et la précarité énergétique, la loi de finances rectificatives pour 2022 a permis l’inscription de 230 millions d’euros au budget de l’État pour les foyers aux revenus modestes se chauffant au fioul.

À un niveau plus général, ces mesures sur les prix pour les consommateurs finaux ont permis de nettement limiter l’inflation. D’après l’INSEE, entre les deuxièmes trimestres 2021 et 2022, l’effet total, direct et indirect, de la hausse des prix de l’énergie sur l’inflation correspond à une augmentation de celle-ci de 3,1 points. L’effet aurait de 6,2 points sans la mise en place du bouclier tarifaire.

En intégrant les autres facteurs à la source de l’inflation constatée en France, l’INSEE estime que, sans les mesures prises par le Gouvernement et le législateur, l’inflation se serait élevée à 8,4 % au 2ème trimestre 2022 au lieu de 6,2 %.

La direction générale du Trésor estime, elle, que l’effet d’ensemble du bouclier tarifaire sur l’année 2022 et de la remise carburant ont permis de de limiter l’inflation de plus de deux points en moyenne annuelle en 2022.

Par ailleurs, la hausse des prix de l’électricité sur les marchés conduit à un renversement dans la politique de soutien aux énergies renouvelables. Les fournisseurs d’énergie renouvelables bénéficient auprès d’EDF d’un tarif d’achat garanti de l’électricité indépendant du prix du marché et jusqu’en 2022 plus élevé, l’État compensant à EDF la différence entre le prix de marché et le prix d’achat réglementairement fixé dans le cadre de la compensation des charges de service public de l’énergie. La forte hausse du prix de l’électricité depuis 2022 conduit à un surplus de recettes dans la mesure où les recettes perçues du fait de la vente d’électricité sur les marchés sont bien supérieures au coût d’achat au tarif réglementé. Ce surplus de recettes se traduit par une moindre dépense en termes de charges de service public de l’énergie et même par un reversement au budget de l’État (cf. encadré supra et infra).

e.   La prolongation du bouclier tarifaire sur le gaz et l’électricité en 2023

Le Gouvernement a annoncé une prolongation du bouclier tarifaire du gaz et de l’électricité pour l’année 2023. Les tarifs réglementés de vente de l’électricité et du gaz devraient augmenter en 2023 mais de manière beaucoup plus limitée qu’en application des formules de calcul de droit commun. L’augmentation devrait être limitée autant pour le gaz que l’électricité à 15 %. D’après la CRE, cette hausse de 15 % maximum devrait conduire à une augmentation moyenne des factures de l’ordre de 25 € par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz. L’augmentation serait d’environ 200 € par mois sans bouclier tarifaire. Pour les ménages qui se chauffent à l’électricité augmentation moyenne de l’ordre de 20 € par mois au lieu de 180 € sans bouclier tarifaire.

À nouveau ces mesures devraient aider les particuliers, l’habitat collectif et les petites entreprises pour limiter la hausse de la facture d’énergie.

De plus pour l’électricité, en 2023, la baisse de la TICFE sera complétée par une baisse de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE).

3.   La remise carburant

Parmi les mesures spécifiques à l’énergie mises en place par le Gouvernement, on peut également relever la remise sur le prix des carburants introduite à compter de fin mars 2022. Elle permet d’alléger le surcoût lié à la hausse du prix du pétrole pour les consommateurs.

Le principe de cette remise a été établi par le décret du n° 2022-423 du 25 mars 2022 relatif à l’aide exceptionnelle à l’acquisition de carburants.

Aux termes des débats parlementaires financiers du mois de juillet 2022, la remise TTC sur les prix pour les consommateurs s’établit ainsi selon la période considérée :

MONTANT DE LA REMISE SUR LE CARBURANT EN 2022

En centimes par litre de carburant (prix TTC)

 

Du 27 mars
au 31 août 2022

Du 1er septembre
au 31 octobre 2022

Du 1er novembre
au 31 décembre 2022

France continentale

18

30

10

Martinique, Guadeloupe, Guyane, La Réunion, Mayotte

15

25

8,33

Corse

17

28,25

9,42

Source : décret n° 2022‑423 du 25 mars 2022, décret n° 2022‑1042 du 23 juillet 2022, décret n° 2022-1168 du 22 août 2022.

Cette remise représente une dépense budgétaire supplémentaire importante pour le budget de l’État.

Le décret d’avance du 7 avril 2022 a procédé à une première ouverture des crédits nécessaires pour prendre en charge la remise. Ainsi, 2,99 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) sur le programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables, pour financer la remise sur le prix des carburants entre le 27 mars et le 31 juillet 2022.

Le projet de la loi de finances rectificatives pour 2022 avait prévu l’ouverture de 4,6 milliards d’euros sur un autre programme de la mission Écologie, développement et mobilité durables : le programme 174 Énergie, climat et après-mines. Ce montant devait permettre la prise en charge de la remise de 15 centimes HT jusqu’au 31 juillet 2022 et la transformation du dispositif en une aide plus ciblée jusqu’à fin 2022.

Comme indiqué ci-dessus, cette option ayant été abandonnée, une estimation a été faite du coût du dispositif existant à visée générale. Les 4,6 milliards d’euros ont donc été considérés comme permettant de prendre en charge le dispositif tel qu’existant en juillet et cela jusqu’en décembre 2022.

À ce montant de 4,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement, ont été ajoutés en première lecture à l’Assemblée nationale 15 millions d’euros, toujours au programme 174, pour aider les petites et moyennes stations-services indépendantes, essentiellement situées dans les zones rurales et péri-rurales. Cette aide s’ajoute à une avance forfaitaire de 3 000 euros décidée en avril 2022 pour aider ces mêmes stations à appliquer la remise carburant ([35]).

4.    L’aide aux entreprises énergo-intensives

La définition et les modalités d’attribution de cette aide ont été initialement déterminées par décret dans le cadre du plan de résilience économique et sociale présenté par le Gouvernement en mars 2022 ([36]).

Elle visait les entreprises dont les achats de gaz et d’électricité atteignaient au moins 3 % de leur chiffre d’affaires en 2021 et qui constataient un doublement de leur coût unitaire d’achat d’électricité ou de gaz (en euro par mégawattheure) par rapport au coût moyen en 2021.

Le dispositif initial prévoyait une aide limitée dans le temps entre le 1er mars et le 31 août 2022, cette période se scindant en deux trimestres d’éligibilité. Le dispositif a depuis été prolongé jusqu’au 31 décembre 2022 ([37]).

Cette prolongation du dispositif jusqu’en décembre 2022 s’accompagne de plusieurs assouplissements à un dispositif initial complexe, qui n’a donné lieu à ce jour qu’à très peu de décaissements.

Le programme 134 Développement des entreprises et régulations de la mission Économie avait bénéficié de 1,5 milliard d’euros supplémentaires, ouverts par le décret d’avance du 7 avril 2022 pour financer cette aide exceptionnelle aux entreprises grandes consommatrices d’énergie sur la période du 1er mars au 31 juillet 2022. La loi de finances rectificatives a abondé ce programme pour financer cette aide à hauteur de 1,5 milliard d’euros à compter du 1er août et jusqu’à la fin de l’année 2022.

D’après le Gouvernement, le dispositif devrait être simplifié et reposait sur des conditions plus souples. L’aide maximum serait rehaussée à 100 millions d’euros au lieu de 50 millions aujourd’hui. La part des coûts énergétiques dans le chiffre d’affaires prise comme référence sera celle constatée en 2022.

III.   Des efforts SOUTENUS PAR la politique BUDGÉTAIRE ET MONÉTAIRE europÉenne

A.   De nombreux pays européens ont pris des mesures de soutien au pouvoir d’achat en raison d’une inflation croissante

1.   L’inflation n’épargne aucun pays européen

Tous les États membres de l’Union européenne subissent une forte hausse des prix à la consommation depuis 2021. D’après Eurostat, en avril 2022, l’inflation constatée sur un an était de 6,3 % en Italie, 7,4 % au Portugal, 7,8 % en Allemagne ou encore de 9,3 % en Belgique. Onze États membres avaient un taux d’inflation annuelle de plus 10 % à cette même date, dont 16 % et 19 % pour la Lituanie et l’Estonie.

Les causes de l’inflation sont sensiblement les mêmes dans l’ensemble de la zone euro. La hausse des prix du gaz et de l’électricité et la hausse du prix des denrées alimentaires entraînent progressivement une hausse générale des prix à la consommation. Pour rappel, l’Union européenne a importé en 2021 environ 155 milliards de mètres cubes de gaz russe, soit 45 % de ses importations gazières et près de 40 % de sa consommation totale.

Les différences d’inflation encore constatées entre États membres à l’automne 2022 sont partiellement dues à une dépendance plus ou moins grande au gaz naturel russe et aux prix variables de l’électricité, certains pays ayant opté pour des systèmes de régulation ou de blocage des prix.

En effet, chaque État membre a mis en place ses propres mesures budgétaires pour limiter les effets de l’inflation et aider les ménages et les entreprises, notamment pour atténuer les prix de l’énergie.

Néanmoins, on peut distinguer les mesures en les classant par catégorie :

– une première catégorie de mesures a visé à augmenter certains revenus ou aides versés aux ménages, notamment aux ménages plus précaires ;

– une deuxième catégorie de mesures repose sur des baisses de la fiscalité, permettant également d’améliorer les revenus disponibles ;

– une dernière catégorie de mesures a consisté à agir sur les prix.

2.   Un large éventail de mesures budgétaires et fiscales a été mis en œuvre dans les différents États membres

Concernant la première catégorie de mesures citées ci-dessus, les ménages belges percevant annuellement moins de 19 800 euros (augmenté de 3 600 euros par personne supplémentaire composant le ménage) ont reçu un chèque énergie de 80 euros. En Grèce, une allocation de 200 euros a été versée aux retraités disposant d’une petite pension.

En Espagne, en avril 2022, une remise de vingt centimes par litre de carburant a été mise en œuvre et perdure. Le gouvernement a annoncé fin juin 2022 vouloir renforcer son effort contre l’inflation en proposant une hausse de 15 % du minimum retraite et du revenu minimum vital. À cette augmentation générale s’ajouterait une aide complémentaire de 100 euros par mois versée aux boursiers de plus de 16 ans. Surtout, un chèque de 200 euros serait versé aux travailleurs indépendants et aux chômeurs ayant de faibles revenus (inférieurs à 14 000 euros par an).

Les baisses de taxe dans plusieurs États membres ont essentiellement porté sur les produits énergétiques. Au Portugal, les ménages les plus précaires ont été exonérés de deux taxes pour faire diminuer leur facture d’électricité. À Chypre, la même logique a été adoptée dès novembre 2021 en réduisant le taux de TVA de 19 % à 5 % sur la facture d’électricité des plus modestes pendant six mois. En Espagne le Gouvernement a proposé en juin une réduction supplémentaire de la TVA sur l’électricité qui passera de 10 % à 5 % pour les consommateurs (contre 21 % en temps normal).

En matière de régulation des prix, plusieurs pays ont procédé comme la France via un blocage des tarifs. C’est le cas de l’Estonie et de la Roumanie qui ont choisi de bloquer les prix de l’électricité et du gaz respectivement en janvier et en mars 2022.

En raison de leur faible interconnexion électrique avec le reste du continent européen, l’Espagne et le Portugal ont obtenu, fin avril 2022, l’autorisation des institutions européennes de sortir du mécanisme européen de tarification de l’électricité. La dérogation leur permet de limiter le prix du gaz qui entre dans la production électrique. La contrepartie pour ces deux pays est la perte de l’interconnexion avec le reste du réseau européen.

Une majorité de ces mesures représente des dépenses supplémentaires pour le budget des États membres, parfois à hauteur de plusieurs dizaines de milliards d’euros. Ainsi en Italie, début septembre, un nouveau plan de 14 milliards d’euros a été présenté par le gouvernement. Parmi les nouvelles mesures est proposé le versement de 150 euros pour 22 millions de travailleurs et de retraités dont le revenu annuel est inférieur à 20 000 euros, mais aussi une garantie sur les prêts sollicités par les entreprises en difficulté du fait de la hausse des prix de l’énergie.

L’Allemagne est un des pays qui a le plus sollicité ses finances publiques pour limiter les effets de l’inflation. Après avoir engagé des mesures pour 35 milliards d’euros avant l’été notamment pour alléger le coût des transports et soutenir les faibles revenus, les nouvelles mesures envisagées début septembre par le Gouvernement coûteraient 65 milliards d’euros. Plusieurs mesures de long terme ont été annoncées en septembre, comme l’augmentation des allocations familiales à partir de 2023. L’Allemagne continue à solliciter ses finances publiques pour peser sur le prix du gaz comme elle l’a indiqué fin septembre 2022 annonçant que 200 milliards d’euros seraient engagés pour mettre en place un frein sur le gaz en plus d’une baisse de la TVA ([38]).

B.   L’uNION EUROPÉENNE ENVISAGE DE pRENDRE DES MESURES contre l’inflation et ses conséquenceS

1.   Dans le cadre du plan de relance européen, l’accent a été mis sur le développement des énergies renouvelables et la réduction de la consommation d’énergie

Le plan de relance européen, dit Next Generation EU, dotés au total de 750 milliards d’euros continuera à produire ses effets en 2023. Ce plan repose principalement sur un outil, appelé la facilité pour la reprise et la résilience (FRR) qui a commencé à être accessible aux États membres en 2021. Cette facilité permet de financer des réformes et des investissements dans les États membres depuis le début de la pandémie de covid‑19, en février 2020, et jusqu’au 31 décembre 2026.

L’objectif de la Commission européenne était de rendre disponibles 70 % des 312,5 milliards d’euros prévus au titre des subventions de la FRR d’ici au 31 décembre 2022. Les 30 % restants doivent être mis à disposition en 2023.

L’objectif principal de cet outil est de soutenir les investissements et in fine la croissance économique. Dans ce cadre, les États membres sont incités à proposer des mesures de relance susceptibles d’accélérer la transition énergétique et la transition numérique.

Les institutions européennes encouragent dans le contexte de l’accélération des prix de l’énergie les politiques des États membres qui pourraient renforcer leur indépendance énergétique. C’est l’objectif du plan dit Repower EU qui a été présenté en mai 2022.

Un lien a été fait entre ce plan et le plan de relance Next Generation EU via la facilité pour la relance et la résilience. En effet, celle-ci va rester l’instrument financier privilégié pour aider les États membres dans leurs efforts pour renforcer leur indépendance en matière de production et d’approvisionnement d’énergie, et pour en réduire sa consommation ou encore améliorer l’efficience énergétique (dans le domaine des transports ou du logement par exemple. 

Parmi les nombreux objectifs du plan Repower EU, le développement des énergies renouvelables qui contribue à la baisse des prix de l’énergie est particulièrement soutenu.

2.   Les États membres de l’Union européenne sont à la recherche de solutions pour limiter la hausse des prix du gaz et de l’électricité et le coût pour les consommateurs

Le principal enjeu actuel au niveau de l’Union européenne pour freiner l’inflation consiste à agir sur les prix de l’énergie via notamment l’organisation du marché de l’énergie, les institutions européennes constatant comme les États membres la hausse croissante du prix du gaz et de l’électricité.

Plusieurs pays de l’Union européenne – notamment la France – insistent depuis plusieurs mois sur les difficultés entraînées par le lien entre le prix du gaz et le prix de l’électricité et sur la difficulté à prévoir le prix de l’électricité sur le marché à terme ([39]).

Comme l’illustre le schéma ci-dessous, ce lien est inhérent à la tarification de l’électricité sur les marchés. Actuellement, le prix de gros de l’électricité dans l’UE est fixé par les coûts de production propres à la dernière centrale électrique nécessaire pour répondre à la demande, les moyens de production les moins coûteux étant appelés en premier. Plus la demande d’électricité est élevée, plus le prix de production de l’électricité de la dernière centrale électrique appelée est élevé.

Dans ce contexte, plusieurs mesures ont été proposées par la Commission européenne sous la forme d’un règlement présenté en urgence début septembre 2022.

La proposition de la Commission a fait l’objet de discussions entre les États membres au niveau du Conseil de l’Union européenne. Le vendredi 30 septembre 2022 les chefs d’État de l’Union européenne se sont accordés sur le règlement d’urgence de la Commission européenne dont les mesures entreront en vigueur à partir de décembre 2022.

Les principales propositions de la Commission ont été conservées. Deux catégories de proposition se dégagent.

Les États membres souhaitent en premier lieu faire baisser le prix du gaz dont le niveau est déterminant pour les prix de l’électricité en s’engageant à réduire leur consommation d’électricité globale entre décembre 2022 et mars 2023 de 5 % en période de pointe. Cette réduction si elle était effective pourrait faire diminuer la pression sur la demande d’électricité et donc limiter la hausse des prix.

En second lieu, des mesures temporaires entreront en vigueur pour soutenir les finances publiques des États membres.

Ainsi devrait être introduit un plafond temporaire de recettes pour les producteurs d’électricité « inframarginaux », à savoir pour ceux recourant à des technologies à moindre coût (production renouvelable, nucléaire, lignite, etc.). Cette proposition repose sur le constat d’une hausse exceptionnelle des recettes perçues par les producteurs inframarginaux en raison de la hausse globale des prix de l’électricité alors que leurs coûts d’exploitation sont restés relativement stables

Le plafond des recettes inframarginales souhaité par la Commission serait de 180 euros par mégawattheure, les États membres plaidant pour des plafonds plus élevés selon le mix énergétique. Les recettes supérieures au plafond seront perçues par les États membres ([40]). Ces recettes pourraient être utilisées pour aider les consommateurs d’énergie à faire baisser le montant de leurs factures.

Il est également proposé d’introduire une contribution de solidarité exceptionnelle et temporaire sur les bénéfices excédentaires générés par les entreprises des secteurs du pétrole, du gaz, du charbon et du raffinage qui ne sont pas couverts par le plafond des recettes inframarginales. La contribution serait perçue par les États membres sur les bénéfices de 2022 excédant de plus de 20 % les bénéfices moyens des trois années précédentes.

Ces deux dernières propositions n’auraient pas comme effet de faire baisser les prix mais de mutualiser des recettes supplémentaires qui pourraient financer des mesures de soutien aux ménages et aux entreprises pour la fourniture d’énergie. Elles pourraient entraient en application à partir de décembre 2022.

Début octobre 2022, de nouvelles discussions se sont engagées entre la Commission et les États membres qui plaident pour un accord pour limiter le prix du gaz quelle que soit sa provenance.

L’ensemble de ces mesures seraient de nature temporaire afin de freiner la hausse des prix de l’électricité en 2023 sur les marchés européens. Une réflexion de plus long terme est également engagée pour réformer le marché de l’électricité en Europe.

C.   LA POLITIQUE MONÉTAIRE, un outil pour lutter contre l’inflation

1.   Une politique monétaire extrêmement accommodante dans un contexte de crise sanitaire en 2020

● Face à la dégradation des perspectives macroéconomiques en 2020, la politique monétaire a été assouplie partout dans le monde, par le biais d’une baisse des taux directeurs, la mise en place de programmes d’achat d’actifs et des interventions ciblées dans certains segments des marchés financiers.

Dans la zone euro, les taux directeurs étant déjà proches de zéro depuis 2014, le lancement du programme d’achat d’urgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP), par la BCE a permis d’atténuer les risques pesant sur les canaux de transmission de la politique monétaire et la dégradation des perspectives d’activité dans la zone euro en assurant la liquidité de certains marchés d’actifs sous tension. D’un montant de 750 milliards d’euros à l’origine, l’enveloppe du PEPP a été progressivement augmentée pour atteindre 1 850 milliards d’euros à la fin de l’année 2020.

● Signe du succès de l’action de la BCE, les écarts de taux entre les pays membres de la zone euro sont restés contenus et, après un début de dissociation courant mars 2020, se sont rapprochés depuis la fin avril des niveaux constatés en 2019. Un rétrécissement équivalent des écarts de taux a également été observé sur les actifs privés. Les mesures décidées par la BCE ont donc effectivement permis de stabiliser le secteur financier, en évitant notamment les mouvements de panique entraînant la fermeture de certains marchés d’actifs.

Ainsi, la politique monétaire très accommodante mise en œuvre dès le début de la crise sanitaire, avec des taux d’intérêts maintenus très bas et l’augmentation du portefeuille d’obligations d’État et de titres du secteur privé détenus par les banques centrales, a réduit les coûts de service de la dette publique des économies avancées, ce qui a permis d’accroître leurs marges de manœuvre budgétaires à court terme et réduit les risques d’instabilité sur les marchés financiers.

2.   La poursuite du soutien monétaire à l’activité économique en 2021 face à une inflation modérée et anticipée comme temporaire

La reprise mondiale en 2021 s’est accompagnée de tensions sur les approvisionnements et d’une remontée des cours des matières premières. En France et dans la zone euro, la poussée inflationniste a été essentiellement portée par celle des prix de l’énergie. L’inflation s’est établie en 2021 à 1,6 % en moyenne annuelle en France et à 2,6 % dans la zone euro.

La poursuite des effets de la crise sanitaire et les incertitudes pesant sur la reprise mondiale ont conduit la BCE à maintenir un soutien monétaire important à l’économie, malgré une inflation légèrement supérieure à la cible de 2 %. Ce retour de l’inflation était jugé comme étant strictement temporaire par le consensus des économistes car résultant des frictions liées à la reprise de l’activité dans les chaînes d’approvisionnement et de la répercussion par les entreprises du coût des mesures sanitaires sur leurs prix.

Ainsi, si la BCE a commencé à diminuer le rythme d’achat d’actifs dans le cadre du PEPP en septembre 2021, elle a annoncé à la même date qu’elle continuerait d’effectuer des achats nets d’actifs au moins jusqu’au mois de mars 2022.

Parallèlement, la BCE a procédé en juillet 2021 à plusieurs ajustements de l’appréciation qu’elle entend porter sur le mandat qui lui est confié par les traités européens. Elle a ainsi notamment annoncé que l’objectif des 2 % d’inflation serait désormais apprécié sur le moyen terme, une accélération de l’inflation de court terme étant acceptable pour compenser un ralentissement antérieur des prix.

3.   La restriction des politiques monétaires en 2022

Face au caractère plus durable qu’anticipé et à la vigueur de l’inflation observée en 2022, qui s’explique notamment par l’invasion de l’Ukraine par la Russie, les banques centrales ont progressivement mis fin à leurs programmes d’achats d’actifs et ont remonté leurs taux directeurs.

La Fed a mis fin à son programme de rachat d’actifs début mars 2022 et a procédé à la réduction de la taille de son bilan, dite quantitative tightening : elle a ainsi laissé les obligations acquises arriver à échéance sans réinvestir les montants issus de leur remboursement (destruction de la monnaie correspondante), annonçant un objectif de réduction de son bilan de 1 100 milliards de dollars par an. Elle a également fortement relevé ses taux directeurs au premier semestre 2022 (+ 225 points de base entre mars et juillet 2022) avant de les augmenter de nouveau de 75 points de base en septembre 2022. Les taux directeurs de la Fed se situent donc désormais entre 3 % et 3,25 %.

De son côté, le Conseil des gouverneurs de la BCE a décidé d’augmenter les trois taux d’intérêt directeurs de la BCE de 50 points de base en juillet puis de 75 points de base en septembre. Les taux d’intérêt des opérations principales de refinancement, de la facilité de prêt marginal et de la facilité de dépôt ont donc été relevés à, respectivement, 1,25 %, 1,50 % et 0,75 % à compter du 14 septembre 2022 – soit des taux d’intérêt réels qui demeurent négatifs au regard de l’inflation. Il a par ailleurs annoncé qu’il continuerait à relever les taux directeurs dans le contexte inflationniste actuel. Il a également mis fin au programme d’achat d’actifs de la BCE à compter du 1er juillet 2022. La question de la réduction du bilan de la BCE, qui représente plus de 8 000 milliards d’euros, devrait être discutée au mois d’octobre.

La réaction moins vigoureuse de la BCE s’explique par la nature de l’inflation en zone euro, qui reste majoritairement « importée », ce qui signifie que la politique monétaire a moins d’effet sur celle-ci, et par une hausse des salaires globalement contenue. Le relèvement des taux directeurs devrait cependant éviter un affaiblissement plus marqué encore de l’euro face à dollar, qui a perdu plus de 20 % de sa valeur en un an, ce qui renchérit le coût des importations notamment d’énergies. En effet, l’attractivité d’une monnaie dépend en grande partie de sa rémunération, un différentiel trop important de taux entre les monnaies ayant tendance à entraîner la dépréciation de la monnaie dont la rémunération est plus faible.

De plus, le dernier bulletin économique de la BCE fait état d’anticipations d’inflation à long terme qui restent ancrées à environ 2 %, même si les tendances à la hausse observées récemment justifient un suivi continu.

La remontée des taux d’intérêt a pour objectif de contracter la demande pour ralentir l’inflation. Elle agit ainsi aussi sur la croissance en ralentissant l’activité économique.

La politique monétaire de la BCE a également un effet sur les spreads de taux d’intérêt dans la zone euro : alors que l’écart entre les taux souverains des États membres de l’UE était particulièrement faible ces deux dernières années, la remontée des taux d’intérêt a rendu plus difficiles les conditions de refinancement pour les États les plus endettés. L’écart de taux entre l’Italie et l’Allemagne évoluait le 22 septembre 2022 à 230 points de base contre 130 points de base en début d’année. La mise en place du nouvel instrument de protection de la transmission par la BCE en juillet 2022, destiné à assurer que les spreads ne soient pas trop importants, doit permettre à la BCE de surveiller que l’objectif de stabilité des prix ne conduise pas à la fragmentation de la zone euro. Cet outil permet à la BCE de procéder, sous conditions, à des achats d’actifs publics et privés, sur le marché secondaire, émis dans les pays qui connaissent une détérioration de leurs conditions de financement. Contrairement au programme d’achats d’actifs, qui a pris fin en juillet dernier, ces achats de titres ne seront pas effectués en fonction d’une clé de réparation du capital de l’Eurosystème, la BCE pouvant ainsi venir en soutien particulier d’un pays en difficulté. Les pays bénéficiaires devront cependant satisfaire plusieurs critères : ne pas faire l’objet d’une procédure pour déficit excessif ou pour déséquilibre excessif, avoir une dette soutenable et mener des politiques macroéconomiques saines et soutenables.

 


—  1  —

   FICHE N° 3 :
La situation des finances publiques

Résumé de la fiche

Portés par la progression des recettes plus rapide que celle de l’activité en 2022, les prélèvements obligatoires continuent de progresser en 2023 (+ 40 milliards d’euros) mais voient leur poids dans la richesse nationale baisser après un point haut en 2022.

L’évolution de la dépense publique est différenciée selon les secteurs d’administration publique. Les dépenses de l’ensemble des administrations publiques vont diminuer en volume de – 1,5 % en 2023 par rapport à 2022. La dépense publique en valeur pour les administrations publiques centrales augmente modérément du fait notamment d’un double mouvement, à savoir une baisse des dépenses liées à la crise sanitaire et au plan de relance et une hausse de celles liées à diverses mesures pour limiter les effets de l’inflation. Les dépenses des administrations de sécurité sociale et des administrations publiques locales sont en légère augmentation en valeur.

Le déficit public resterait stable en 2022 et 2023, à – 5,0 % du PIB. Ce déficit public est concentré sur l’État, alors que les administrations publiques locales et de sécurité sociale contribuent positivement au solde public pour ces deux années.

La France a connu un choc de dette historique (+17,2 points) en 2020. Si la fin progressive de la crise sanitaire et le rebond de l’activité économique ont permis la diminution du ratio de dette publique en 2022 et 2023, il sera nécessaire de suivre une trajectoire avérée de désendettement à moyen terme pour assurer la soutenabilité de la dette française, dans un contexte de relèvement des taux d’intérêt.

I.   Les prélèvements obligatoires

Les prélèvements obligatoires (PO) comprennent les impôts et cotisations sociales recouvrées par les administrations publiques et les institutions européennes. En comptabilité nationale, le taux de PO est calculé net des crédits d’impôt, afin de rester proche de la charge fiscale réelle supportée par les agents économiques

Les prélèvements obligatoires ont connu, en tendance longue, une progression presque continue, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années.

A.   Les prélèvements obligatoires jusqu’en 2022

La part des prélèvements obligatoires dans le PIB connaît une hausse régulière, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années (A) afin de financer les différents sous-secteurs d’administration publique (B).

1.   L’évolution de long cours

Les prélèvements obligatoires (PO) ont fortement augmenté entre 1974 et 1982, essentiellement en raison du développement de la protection sociale : les cotisations sociales ont augmenté de 6,6 points de produit intérieur brut (PIB) sur cette période, passant de 33,7 à 40,3 % du PIB. Le taux de PO a dépassé 40 % du PIB en 1982.

Ce taux a ensuite progressé par pallier, selon trois périodes que l’on peut ainsi définir :

– tout d’abord, entre 1982 et 1995, les PO ont évolué dans une fourchette comprise entre 40 et 42,1 % du PIB, avec une moyenne de 41,3 % du PIB ;

– ensuite, de 1996 à 2012, ils ont oscillé entre 41,2 et 44 % du PIB, avec une moyenne de 42,7 % du PIB ;

– enfin, depuis 2013, ils ont franchi la barre des 44 % du PIB, avec une moyenne de 44,6 % du PIB.

Les prélèvements obligatoires depuis 1974

(en % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Taux

33,7

35,1

37,1

37,0

37,2

38,9

39,6

39,8

40,3

41,1

41,8

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Taux

41,9

41,3

42,1

41,2

40,9

40,9

41,2

40,7

41,3

41,9

42,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Taux

43,2

43,4

43,3

44,0

43,2

42,9

42,2

42,0

42,2

42,6

43,0

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Taux

42,3

42,1

41,2

41,5

42,7

43,9

44,9

44,8

44,5

44,6

45,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

 

 

 

 

 

 

 

Taux

44,7

43,8

44,5

44,3

 

 

 

 

 

 

 

Source : INSEE, base 2014.

La progression des PO dans la richesse nationale a donc été une tendance lourde. Le point le plus haut a été atteint en 2017 avec 45,1 % du PIB ; il pourrait être dépassé en 2022 (cf infra).

Au cours des deux précédentes législatures, les oscillations à la baisse et à la hausse ne sont pas corrélées à la couleur de la majorité politique. La hausse a été d’une ampleur comparable durant la période 2007-2012 (+ 1,6 point) et durant la période 2012-2017 (+ 1,3 point).

De 2017 à 2019, le taux de prélèvements obligatoires avait commencé à baisser de façon sensible (– 1,3 point) avant de repasser au-dessus de 44 %.

PrÉlÈvements obligatoires

Année

En milliards d’euros

En % du PIB

2002

669,5

42,2

 

2007

820,8

42,3

 

2012

916,3

43,9

2013

950,5

44,9

2014

962,2

44,8

2015

978,4

44,5

2016

995,3

44,6

2017

1 036,8

45,1

2018

1 057,5

44,7

2019

1 069,6

43,8

2020

1 024,5

44,5

2021

1 108,0

44,3

2022*

1 194,1

45,2

2023*

1 234,2

44,7

* Prévisions associées au présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, base 2014

La crise économique et sanitaire de 2020 a mis fin à cet effort de réduction du taux de prélèvements obligatoires, qui est remonté de 0,7 point. Cependant, dans le même temps, les prélèvements obligatoires ont diminué en valeur absolue de 45,1 milliards d’euros. Ce phénomène s’explique par un « effet dénominateur » : la contraction du PIB sur l’année 2020 a entraîné, mécaniquement, une remontée du taux de PO en diminuant le dénominateur de ce ratio.

Le taux de prélèvements obligatoires est resté proche en 2021 de son niveau en 2020, avant de remonter, au cours de l’année 2022, sous l’effet de l’élasticité supra unitaire des PO à l’activité.

Il est prévu que la tendance s’inverse en 2023, faisant baisser le taux de PO de 0,5 point de PIB, en raison d’une élasticité redevenue inférieure à l’unité.

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un prélèvement obligatoire est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un prélèvement obligatoire évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée du prélèvement est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de
0,5, l’évolution spontanée a la même proportion, bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %. Enfin, le rendement d’un prélèvement obligatoire dont l’élasticité est supérieure à l’unité croîtra plus que proportionnellement au PIB.

2.   La structure des prélèvements obligatoires

La répartition des prélèvements obligatoires entre sous-secteurs d’administrations révèle une part prépondérante des administrations de sécurité sociale, qui représentent plus de la moitié du poids des PO dans le PIB. Au sein des APUL, l’État est destinataire de la grande majorité des recettes issues des prélèvements obligatoires.

DÉcomposition des prÉlÈvements obligatoires
par sous-secteur d’administration en 2022 et 2023

En % du PIB, champ courant

 

2021

2022

2023

État

12,3

12,9

12,5

ODAC

0,7

0,7

0,7

APUL

6,5

6,5

6,4

ASSO

24,5

24,9

24,8

UE

0,2

0,2

0,2

Taux de prélèvements obligatoires

44,3

45,2

44,7

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi.

B.   Les prélèvements obligatoires en 2022 et 2023

Les prélèvements obligatoires devraient atteindre 1 194,1 milliards d’euros en 2022, soit 45,2 % du PIB.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2017-2023

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

PIB

2 297,2

2 363,3

2 437,6

2 302,9

2 500,9

2 642,0

2 762,8

2,3 %

1,9 %

1,8 %

- 7,9 %

6,8 %

2,7 %

1,0 %

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

 

 

Recettes publiques

1 230

1 261

1 275

1 213

1 313

1 407

1 443

53,5 %

53,4 %

52,3 %

52,5 %

52,5 %

53,3 %

52,2 %

 dont prélèvements obligatoires*

1 037

1 057

1 069

1 026

1 108

1 194

1 234

45,1 %

44,7 %

43,8 %

44,4 %

44,3 %

45,2 %

44,7 %

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

36

36

26

22

22

17

1,3 %

1,5 %

1,5 %

1,1 %

0,9 %

0,9 %

0,6 %

 dont autres recettes

168

172

175

166

189

197

198

7,3 %

7,3 %

7,2 %

7,2 %

7,6 %

7,4 %

7,2 %

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales.

Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

Les « autres recettes » correspondent à des cotisations sociales imputées que l’État se verse à lui-même, à la production de ses branches marchandes et aux ventes résiduelles, à la production pour emploi final propre (c’est-à-dire les biens et services développés en interne) ou encore aux revenus de la propriété publique.

1.   Les variations des prélèvements obligatoires dans un contexte de perturbations économiques

Après une baisse de 0,2 point en 2021, le taux de prélèvements obligatoires sur le PIB augmenterait ponctuellement de 0,9 point en 2022, avant de baisser de 0,5 point en 2023. Les prélèvements obligatoires en valeur absolue augmenteraient de 40,1 milliards d’euros entre 2022 et 2023.

 

 

2022

2023

Prélèvements obligatoires
(en milliards d’euros)

1 194,1

1 234,2

Mesures nouvelles en milliards d’euros

– 4,7

+ 4,8

Croissance effective

7,8 %

3,3 %

Croissance spontanée

8,2 %

3,0 %

Élasticité

1,5

0,6

Source : commission des finances.

La forte croissance spontanée des prélèvements obligatoires en 2022 repose principalement sur :

– la croissance de la masse salariale, qui soutient le rendement des recettes sociales et de l’impôt sur le revenu ;

– la prévision de rendement de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), soutenue par l’inflation ;

– les recettes d’impôt sur les sociétés (IS), soutenues par la très forte hausse du bénéfice fiscale en 2021, et par la dégradation moindre qu’anticipé du bénéfice fiscal en 2022.

En 2023, la croissance spontanée des PO serait inférieure à celle de l’activité, puisqu’elle est évaluée à 3,0 % contre 4,6 % pour la croissance en valeur. Cette élasticité plus faible s’explique notamment par :

– le repli des recettes de l’IS liées à la baisse du bénéfice fiscal en 2022 ;

– la baisse des recettes des droits de mutation à titre onéreux (DMTO) du fait du ralentissement anticipé du marché immobilier.

2.   L’incidence des mesures nouvelles sur les prélèvements obligatoires

En 2022, le dynamisme des prélèvements obligatoires n’est que très partiellement compensé par les mesures nouvelles, qui contribuent à hauteur de – 4,7 milliards d’euros. Cette baisse imputable aux mesures nouvelles est liée à :

– la diminution de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICPE) à son niveau plancher, pour un impact de – 7,4 milliards d’euros ;

– la suppression de la redevance audiovisuelle (– 3,2 milliards d’euros) ;

– la poursuite de la suppression de la taxe d’habitation (– 2,8 milliards d’euros)

– la poursuite de la suppression de la part régionale de la CVAE (– 1,1 milliard d’euros) ;

Ces effets sont cependant atténués par le traitement comptable en recette des gains sur les charges de service public de l’énergie (+ 9,6 milliards d’euros), qui relèvent, dans la comptabilité nationale, de la catégorie des taxes lorsque les prix de marché de l’électricité sont supérieurs aux prix de référence.

En 2023, les mesures nouvelles auraient un impact de + 4,8 milliards d’euros sur les prélèvements obligatoires. Leur effet est réparti de la façon suivante :

– une hausse de 3,6 milliards pour l’État ;

– une hausse de 1,0 milliard pour les organismes divers d’administration centrale ;

– une hausse de 0,9 milliard pour les administrations de sécurité sociale ;

– une baisse de 0,7 milliard pour les administrations publiques locales.

Comme en en 2022, la principale variation correspond au traitement en recettes des gains sur charge de SPE (+ 9,6 milliard d’euros), qui dépasse les mesures baissières sur la CVAE (– 4,0 milliards d’euros), la prolongation du bouclier tarifaire sur la TICFE (– 2,0 milliards d’euros) et la baisse de cotisations pour les travailleurs indépendants (– 0,6 milliard d’euros).

Principales mesures législatives sur les prÉlÈvements obligatoires en 2023 (toutes APU)

(en milliards d’euros)

Mesures

Rendement

Mesures de baisse

 

Suppression de la CVAE

- 4,1

TICFE – bouclier tarifaire électricité (mesure votée en LFI 2022)

- 0,7

Prolongation du bouclier tarifaire TICFE (mesure proposée en PLF 2023)

- 1,4

Mesure SAP : Contemporanéisation du CI-SAP pour les services à destination des personnes handicapées (généralisation)

- 1,6

Suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales

- 2,8

Baisse du taux d’IS de 33 à 25 %

- 0,4

Réforme des crédits de paiement sur les droits de succession par la réduction des durées maximales de crédits accordés par l’État

- 0,3

Baisse de cotisations des travailleurs indépendants

- 0,6

Mesures de hausse

 

Bascule CICE-cotisations

5,6

Simplification du PTZ et élargissement de son éligibilité dans l’ancien

0,2

Baisse des cotisations des bailleurs sociaux (FNAP)

0,3

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

II.   UN NIVEAU DE DÉPENSES PUBLIQUES en 2023 DANS LA LIGNÉE DES DÉPENSES ENGAGÉES EN 2022 suite À la crise inflationniste

L’évolution de l’ensemble des dépenses des administrations publiques apparaît contrastée pour l’année 2023. En 2023, les dépenses directement liées à la crise sanitaire et au plan de relance auront disparu ou n’apparaîtront plus que comme des reliquats de dépenses déjà engagées précédemment, plus encore qu’en 2022. À l’inverse, les dépenses publiques prévues en 2023 prolongent une partie des dépenses déjà engagées en 2022 pour lutter contre l’inflation.

La dépense de l’ensemble des administrations publiques hors crédit d’impôt, est estimée à 1 565 milliards d’euros pour 2023, alors qu’elle serait de 1 522 milliards en 2022 ([41]). Cette évolution est à mettre en regard de l’inflation qui pour un montant égal de dépenses publiques en euros courants d’une année sur l’autre le réduit en réalité en volume ([42]).

Le Haut Conseil des finances publiques, dans son avis relatif au projet de loi de finances pour 2023, juge que les prévisions du Gouvernement en termes de dépenses publiques pour l’année 2023 se fondent sur des éléments encore incertains. Les incertitudes sont liées pour le Haut Conseil au coût réel du bouclier tarifaire, à une évolution difficile à prévoir de l’ONDAM mais qui pourrait être plus importante que prévu et à une potentielle sous-estimation de certaines dépenses ([43]).

A.   UnE BAISSE des dépenses publiques EN VOLUME portéE par la fin des dépenses exceptionnelles de crise

Il est possible d’évaluer la dépense de l’ensemble des administrations publiques en 2022 à 1 522 milliards d’euros hors crédits d’impôt, soit 57,6 % du PIB.

D’après les hypothèses présentées par le présent projet de loi de finances, la dépense publique reculerait en 2023 de - 1,5 % en volume, après une baisse de -1,1 % en 2022, qui suivait une hausse de 2,6 % en 2021. En 2023, le recul de la dépense en volume résulte principalement d’une inflation estimée à 4,2 %.

Évolution des dépenses publiques (toutes APU)

 

2019

2020

2021

2022

2023

Niveau de la dépense publique hors crédits d’impôts (Md€)

1 311

1 402

1 461

1 522

1 564

Croissance en valeur

-

+ 6,9 %

+ 4,2%

+ 4,2%

+ 2,8%

Croissance en volume (basée sur l’IPC)

-

+ 6,3%

+ 2,6%

- 1,1 %

- 1,5 %

Ratio de dépenses

publiques sur PIB

53,8 %

60,8 %

58,4 %

57,6 %

56,6 %

Source : présent projet de loi de finances et données communiquées au rapporteur général par le Gouvernement

Plusieurs facteurs expliquent en 2023 l’évolution de la dépense des administrations publiques :

– le retrait des mesures d’urgence et la fin du déploiement du plan de relance qui pesaient pour plus de 15 milliards d’euros en 2022 ;

– la poursuite de certaines politiques mises en place en 2022 pour contenir les effets de la hausse des prix, notamment des prix de l’énergie, notamment le bouclier tarifaire ;

– la progression du reste des dépenses publiques à hauteur de 0,1 % en volume (pour toutes les administrations publiques) ([44]).

Dans un contexte de progression de l’inflation, le calcul de l’évolution des dépenses en volume doit attirer l’attention de la représentation nationale.

Il s’agit de déflater le montant des dépenses publiques, exprimé en euro courant, de l’inflation en utilisant l’indice des prix à la consommation hors tabac (IPCHT) déterminé par l’INSEE. Ce calcul donne une mesure fiable de l’évolution de la dépense publique en volume, classiquement utilisée dans la documentation budgétaire.

Il est possible d’utiliser le déflateur du PIB pour passer de l’expression de la dépense publique en euros courant à une expression en volume. Ce déflateur permet de déterminer la part de la croissance d’une économie induite par l’évolution des prix de tous les biens et services (y compris les services publics). Compte tenu du déflateur du PIB, la dépense publique reculerait dans de moindre proportion en 2023, à - 0,8 % d’après le Haut Conseil des finances publiques.

Déflateur du PIB et indice des prix à la consommation.

Il existe plusieurs manières de calculer une variation en volume d’un agrégat économique à partir de son expression en valeur, c’est-à-dire en prix courant.

Il est d’usage que le Gouvernement dans ses hypothèses sur la situation des finances publiques utilise l’indice des prix à la consommation hors tabac pour évaluer la part de la variation qui est uniquement due à une hausse des prix et ainsi isoler la variation dite « réelle » de l’agrégat qui l’intéresse (variation dite en volume).

Il serait aussi possible de mesurer l’évolution d’un agrégat tel que les dépenses des APU en utlisant le déflateur du PIB.

Déflateur du PIB : PIB nominal

                               PIB réel (prix constant à l’année de référence)

Le déflateur du PIB reflète les prix de tous les biens et services produits dans une économie (notamment les biens et services publics), tandis que l’IPC traduit l’évolution des prix d’un panier représentatif de biens et services achetés par les consommateurs. L’IPC utilise un panier pour suivre la progression de l’inflation d’une économie. Le déflateur du PIB utilise la comparaison des prix des biens et services actuellement produits par rapport aux prix des biens et services de l’année de base. Le déflateur est un outil qui prend imparfaitement en compte l’inflation importée.

Évolution du DÉFLATEUR DU PIB ET SES PRINCIPALES COMPOSANTES
(base 100 au PREMIER TRIMESTRE 2019)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Avec le déflateur du PIB, le Haut Conseil des finances publiques

 

 

 

 

 

Source : INSEE, Comptes nationaux, IPC.

 

 

Évolution des deux indicateurs sur la période 2023-2027

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Déflateur du PIB

2,8

3,6

2,4

1,8

1,6

1,6

IPC (hors tabac)

5,4

4,3

3

2,1

1,75

1,75

 Source : annexe au projet de loi de programmation pour les années 2023 à 2027

Le tableau ci-dessous expose la trajectoire d’évolution en volume de la dépense de toutes les administrations publiques.

Évolution de la dépense publique en % du PIB et en volume
au titre de la programmation 2023-2027

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dépense publique

(en Md€)

1 522

1 564

1 600

1 637

1 669

1 709

Dépense publique hors crédit d’impôt

(en % du PIB)

57,6

56,6

55,6

55

54,3

53,8

Évolution de la dépense publique

en volume (%) avec l’IPCHT

-1,1

-1,5

-0,6

0,3

0,2

0,6

Évolution de la dépense publique

en volume (%) avec le déflateur du PIB

+ 1,8

- 0,85

0

+ 0,5%

+ 0,4

+ 0,8

Source : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

L’évolution de la dépense publique en volume sur plusieurs années est tributaire des prévisions d’inflation faites par le. Ces prévisions sont d’autant plus difficiles à établir lorsque l’inflation atteint des niveaux élevés ou plus importants que par le passé (cf. supra pour l’évolution de l’IPC).

Selon le Haut Conseil des finances publiques, une fois neutralisé l’impact de des dépenses exceptionnelles engagées en réponse aux crises sanitaire et énergétique par les administrations publiques en 2022 et de celles prévues en 2023, la dépense publique serait stable en volume entre 2022 et 2023 si le déflateur utilisé est l’IPC hors tabac et augmenterait de 0,7 % en volume si le déflateur est celui des prix du PIB.

Le graphique suivant distingue selon le Gouvernement l’évolution des dépenses totales et l’évolution des dépenses hors mesures de relance et de lutte contre l’inflation.

Évolution annuelle des dépenses publiques en volume,
hors crédits d’impôts, hors soutien d’urgence et relance

 

Source : rapport économique, social et financier 2023.

B.   Une Stabilisation du ratio de dÉpenses publiques
dans le PIB

Depuis 1974, il n’y a eu que trois périodes de plusieurs années successives de baisses du ratio de dépenses publiques. Jamais la part de dépense publique dans la richesse nationale (ou ratio de dépense publique) n’avait atteint un niveau similaire à celui de 2020.

Le ratio de dépenses publiques a fortement progressé à la suite de la crise économique et financière en 2008-2009. Il avait atteint un maximum en 2013 à 56,5 %. Cette part a été réduite six années durant, à compter de 2014. En 2019, la dépense publique représentait 53,8 % de la richesse nationale produite en une année.

La crise de la Covid-19 a interrompu cette dynamique baissière. En 2020, le ratio de dépenses publiques a atteint 60,8 %, en hausse de sept points par rapport à 2019.

Le recul des dépenses de crise en 2022, couplé à l’augmentation du PIB, ont permis une baisse de la part des dépenses publiques dans le PIB (56,6 %) par rapport à 2021(57,6 %).

Ce ratio aurait dû être plus faible mais l’année 2022 a été marquée par une hausse plus importante que prévu des dépenses de l’État et des administrations de sécurité sociale essentiellement. La hausse des dépenses pour les organisations de sécurité sociale induite par les mesures nouvelles est retracée dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. En ce qui concerne l’État, le décret d’avance d’avril 2022, la loi de finances rectificatives pour 2022 et les reports de crédits de l’année 2021 ont augmenté les crédits disponibles pour le budget général d’environ 58 milliards d’euros, augmentant ainsi le montant des dépenses des administrations publiques centrales ([45]). C’est donc environ 490 milliards d’euros qui peuvent être consommés en 2022 sur le périmètre des dépenses de l’État (hors charge de la dette et avec la mission Remboursements et dégrèvements)([46]).

Évolution de la part de la dÉpense publique hors crÉdits d’impôt
dans le PIB depuis 1974

(en % du PIB)

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

39,8

44,5

45

44,2

45,2

45,5

46,4

49,0

50,2

50,7

51,6

+ 4,7

+ 0,5

 – 0,8

+ 1,0

+ 0,3

+ 0,9

+ 2,6

+ 1,2

+ 0,5

+ 0,9

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

52,3

51,9

51,3

50,6

49,4

50,1

51,2

52,6

55,2

54,6

54,8

+ 0,6

 – 0,4

 – 0,6

 – 0,7

 – 1,2

+ 0,7

+ 1,1

+ 1,4

+ 2,6

 – 0,6

+ 0,2 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

54,8

54,5

52,9

52,6

51,6

51,7

52,6

53,1

52,8

53,0

52,5

+ 0,1

 – 0,3

 – 1,6

 – 0,3

 – 1,0

+ 0,1

+ 0,9

+ 0,5

 – 0,3

+ 0,2

– 0,5

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

52,0

52,5

56,3

56

55,5

56,3

56,5

56

55,3

55,2

55,1

 – 0,5

+ 0,5

+ 3,8

 – 0,3

 – 0,5

+ 0,8

+ 0,2

 – 0,5

 – 0,7

 – 0,1

– 0,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2018

2019

2020

2021

2022

(p)

2023

(p)

 

 

 

 

 

54,0

53,8

60,8

59

57,6

56,6

 

 

 

 

 

 – 1,1

 – 0,2

+ 7,0

 – 1,8

 – 0,8

–1,0

 

 

 

 

 

En grisé, les baisses de la part de dépense publique.

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE, base 2014, Rapport économique social et financier pour 2023.

D’après la trajectoire pluriannuelle présentée par le Gouvernement, le retour au niveau de 2019 est envisagé pour 2027. En 2019, le ratio de dépenses publiques, qui s’élevait à 53,8 % du PIB, demeurait toujours supérieur de 1,3 point à celui de 2008.

L’évolution de la dépense publique en volume et en pourcentage du PIB par sous-secteur d’administration est exposée dans le tableau ci-dessous. Celui-ci illustre la concentration de la baisse en volume sur les dépenses des administrations publiques centrales en 2023.

Évolution de la dÉpense publique
hors crÉdits d’impÔt, par sous-secteur

Dépense finale
(= hors transferts) hors crédits d’impôt
(% PIB)

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Administrations

publiques centrales

Poids à champ courant dans le PIB : 18,8 %

Évolution en volume à champ constant : +2,9 %

18,0 %

-3,0 %

18,0 %

0,0 %

22,0 %

+11,4 %

20,9 %

4,1 %

20,9 %

0,0 %

20,3 %

-2,6 %

Administrations de sécurité sociale

25,4 %

+0,7 %

25,2%

+ 0,2 %

25,0 %

+ 1,1 %

28,9 %

+ 5,4 %

26,5 %

+ 1,3 %

25,8 %

-2,6 %

25,5 %

-1,0 %

Administrations publiques locales

10,9 %

+1,2 %

10,8 %

+ 0,2 %

11,0 %

+ 3,8 %

11,9 %

- 0,3 %

11,0 %

+ 2,8 %

11,0 %

+ 0,1 %

10,9 %

-0,6 %

Administrations publiques locales (hors investissement)

9,0 %

0,5 %

8,8 %

- 1,0 %

8,8 %

+ 1,5 %

9,7 %

+ 1,7 %

8,9 %

+ 1,6 %

8,8 %

-0,4 %

8,7 %

-1,0 %

Total

55,1 %

+1,5 %

54,0 %

- 0,9 %

54,0 %

+ 1,3 %

62,8 %

+ 6,3 %

58,4 %

+ 2,6 %

57,6 %

-1,1 %

56,6 %

-1,5 %

Source : Données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement

C.   La dépense publique en milliards d’euros courants

D’après les données fournies au Rapporteur général par le Gouvernement, la dépense publique hors crédits d’impôts augmenterait de 42 milliards d’euros en 2023 après une hausse de 61 milliards d’euros au total en 2022.t 67,8 milliards d’euros en

L’évolution de la dépense publique peut ainsi être présentée en milliards d’euros courants. Il s’agit de la présentation la plus lisible, mais elle n’est pas toujours la plus pertinente. Comme évoqué supra, le montant en euros courants de la dépense publique est extrêmement sensible aux hypothèses macroéconomiques et en particulier aux hypothèses d’inflation et de croissance. Cette analyse est donc complémentaire de celle de l’évolution en volume et de celle de l’évolution du poids de la dépense publique dans le PIB.

Évolution annuelle de la dÉpense publiqUE

(en milliards d’euros, hors crédits d’impôt)

Année

Dépense publique,

y compris crédits d’impôt

Augmentation

annuelle

Dépense publique,

hors crédits d’impôt

Augmentation

annuelle

2002

838,3

835,7

2003

868,7

30,4

865,6

29,9

2004

902,9

34,2

899,6

33,9

2005

941,1

38,2

936,8

37,2

2006

977,2

36,1

970,5

33,7

2007

1 020,5

43,3

1 010,3

39,8

2008

1 061,9

41,4

1 046,7

36,4

2009

1 106,7

44,8

1 089,6

42,9

2010

1 135,0

28,3

1 117,3

27,7

2011

1 158,7

23,7

1 141,6

24,3

2012

1 192,2

34,2

1 176,3

34,7

2013

1 211,6

18,8

1 195,7

19,4

2014

1 230,0

18,3

1 204,6

8,9

2015

1 248,7

18,7

1 216,3

11,7

2016

1 264,3

15,6

1 232,6

16,3

2017

1 294,0

29,7

1 262,2

29,6

2018

1 318,6

24,7

1 279,4

17,2

2019

1 347,9

29,3

1 309,9

30,5

2020

1 414,0

66,1

1 395,0

85,1

2021

1 477

56

1 461

59

2022 (p)

1 538

61

1 522

61

2023 (p°)

1 580

42

1 564

42

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE base 2014, comptes de la nation publiés pour les années 2002 à 2021 et les données fournies par le Gouvernement pour les années 2022 et 2023.

D.   Une évolution de la dépense différenciée selon les sous-secteurs d’administration publique

L’évolution de la dépense publique suit une dynamique particulière liée à la réaction des différents secteurs d’administration publique sollicités depuis plusieurs années d’abord par la crise sanitaire puis par les politiques de relance.

Le tableau ci-dessous retrace l’évolution en valeur de la dépense publique entre 2022 et 2027, selon la trajectoire proposée par le Gouvernement, décomposée par sous-secteur d’administration.

ÉVOLUTION DE LA DÉPENSE PUBLIQUE EN VALEUR SUR LA PÉRIODE 2022 - 2027

Toutes administrations publiques

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dépense publique (hors CI, en Md€)

1522

1564

1 600

1 637

1 669

1 709

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

-

+ 2,7

+ 2,3

+ 2,3

+ 1,9

+ 2,4

Administrations publiques centrales (APUC)

 

 

 

Dépense publique (hors CI, en Md€)

629

636

637

643

655

675

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

-

+ 1,1

+ 0,1

+ 0,9

+ 1,8

+ 3%

Administrations publiques locales (APUL)

 

 

 

Dépense publique (hors CI, en Md€)

295

305

314

322

323

326

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

-

+ 3,4

+ 2,9

+ 2,5

+ 0,3

+ 0,9

Administrations de sécurité sociale (ASSO)

 

 

 

Dépense publique (hors CI, en Md€)

700

721

747

772

792

811

Évolution de la dépense publique hors CI en valeur (%)

-

+ 3

+ 3,6

+ 3,4

+ 2,6

+ 2,3

Source : article liminaire du projet de loi de finances pour 2023 et commission des finances.

En ce qui concerne les administrations publiques centrales, le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 propose une nouvelle définition du champ des dépenses de l’État ([47]). La nouvelle norme dite « Périmètre de dépenses de l’État » permet d’avoir une vision d’ensemble des dépenses engagées par l’État qu’elles soient exceptionnelles ou courantes et sur un champ large qui n’exclut que la charge de la dette, les dépenses de l’État pour servir les pensions de ses agents et les participations financières de l’État. Selon ce nouveau périmètre, les dépenses s’établiraient à 490 milliards d’euros pour l’ensemble de l’année 2022 et à 480 milliards d’euros prévus pour 2023 ([48]).

Comme le relève le Haut Conseil des finances publiques, à partir de ce nouveau périmètre, et en retraitant les données pour l’année 2022, la différence sur ce nouveau champ des dépenses de l’État entre la loi de finances pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2023 s’établirait à + 24 milliards d’euros.

À périmètre constant, l’évolution de la dépense publique en valeur de l’ensemble des APU, hors crédits d’impôt, s’établirait à + 2,8% en 2023 par rapport aux dépenses autorisées et prévues initialement pour 2022. La croissance des dépenses de l’ensemble des APU en 2022 par rapport à 2021 s’élevait à + 4,2 %.

● Les dépenses de l’État augmenteraient en 2023 de 4,3 % en valeur sur le seul périmètre du budget général (hors charge de la dette et dépenses liées à l’amortissement de la dette liée au covid) par rapport à la loi de finances pour 2022 ([49]). Cela correspond à une hausse de 20,8 milliards d’euros.

Le résultat de la comparaison entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2023 est à considérer avec prudence. Le total des crédits ouverts sur le budget général en 2022 (même hors charge de la dette) a sensiblement augmenté notamment suite à l’adoption de la loi de finances rectificative pour 2022.

Crédits de paiement ouverts pour les missions du budget général en LFI pour 2022,crédits disponibles au total en 2022 et plafonds prévisionnels pour 2023 hors contributions au CAS Pensions

(en milliards d’euros)

Crédits budgétaires par mission du budget général hors contributions au CAS Pensions

LFI 2022

Décret d’avance mars 2022

Report de l’année 2021 sur 2022

LFR 2022

Total disponible pour 2022

Ouvertures proposées pour 2023

% de variation par rapport à la LFI 2022

% de variation par rapport au total disponible pour 2022

Action extérieure de l’État

2,90

-0,05

0,05

0,05

2,95

3,1

7

5

Administration générale et territoriale de l’État

3,60

-0,04

0,13

0,04

3,73

3,7

3

-1

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,76

0,58

0,38

0,49

4,21

3,6

30

-14

Aide publique au développement

5,09

0,00

0,02

0,00

5,11

5,9

16

15

Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation

2,08

-0,05

0,01

0,05

2,09

1,9

-9

-9

Cohésion des territoires

17,18

0,03

0,11

0,21

17,53

17,8

4

2

Conseil et contrôle de l’État

0,60

0,00

0,01

0,02

0,63

0,7

17

11

Crédits non répartis

0,55

0,00

0

3,00

3,55

1,9

245

-46

Culture

3,27

-0,05

0,01

0,05

3,28

3,5

7

7

Défense

40,91

-0,30

0,02

0,30

40,93

43,9

7

7

Direction de l’action du Gouvernement

0,92

-0,01

0,07

0,01

0,99

0,9

-2

-9

Écologie, développement et mobilité durables

20,38

3,20

0,44

6,11

30,13

26,5

30

-12

Économie

3,80

1,52

2,33

15,09

22,74

3,7

-3

-84

Engagements financiers de l’État

44,34

-0,01

0,00

11,89

56,22

60,2

36

7

 Dont charge de la dette de l’État et amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19

40,54

0,00

0

11,89

52,43

57,4

42

9

Enseignement scolaire

56,54

-0,10

0,03

0,10

56,57

60,2

6

6

Gestion des finances publiques

7,44

-0,03

0,10

0,03

7,54

8,0

8

6

Immigration, asile et intégration

1,90

0,29

0,01

0,04

2,24

2,0

5

-11

Investir pour la France de 2030

7,00

0,00

0

0,00

7,00

6,1

-13

-13

Justice

8,86

-0,12

0,01

0,12

8,87

9,6

8

8

Médias, livre et industries culturelles

0,68

-0,01

0,03

0,01

0,71

0,7

3

-1

Outre-mer

2,42

-0,05

0,01

0,07

2,45

2,4

-1

-2

Plan de relance

13,00

0,00

6,25

0,00

19,25

4,4

-66

-77

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0,20

-3,47

6,58

0,00

3,31

0

-100

-100

Pouvoirs publics

1,05

0,00

0

0,00

1,05

1,1

5

5

Recherche et enseignement supérieur

29,04

-0,23

0,10

0,23

29,14

30,6

5

5

Régimes sociaux et de retraite

6,10

-0,14

0,00

0,18

6,14

6,1

0

-1

Relations avec les collectivités territoriales

4,35

-0,01

0,05

0,13

4,52

4,4

1

-3

Remboursements et dégrèvements

130,61

0,00

0

3,37

133,98

128,3

-2

-4

Santé

1,30

-0,03

0,08

0,05

1,40

3,4

+162

+143

Sécurités

14,73

-0,07

0,02

0,08

14,76

15,8

7

7

Solidarité, insertion et égalité des chances

27,56

-0,09

0,32

1,76

29,55

29,8

8

1

Sport, jeunesse et vie associative

1,69

-0,05

0,16

0,05

1,85

1,8

7

-3

Transformation et fonction publiques

0,79

-0,02

0,02

0,02

0,81

1,1

39

36

Travail et emploi

14,48

-0,17

0,64

2,74

17,69

20,7

43

17

Total des crédits budgétaires, hors charge de la dette de l’État et amortissement de la dette de l’État liée à la covid-19

437,58

0,52

17,99

34,4

490,09

456,35

4,3
(7,5
avec la charge de la dette)

- 6,9
(- 5,3
avec la charge de la dette)

En 2023, les dépenses de certains ministères continuent de progresser pour le financement des priorités gouvernementales (solidarité, défense, sécurité, justice, éducation et recherche, aide publique au développement et écologie) et conformément aux différentes lois de programmation spécifiques en vigueur.

La prise en charge du bouclier tarifaire a un coût pour l’État qui est au moins estimé à 44,9 milliards d’euros si l’on prend en compte la compensation aux fournisseurs d’énergie et donc également le manque à gagner en raison d’une moindre perception de la TICFE en 2023. Cette dépense serait compensée pour un peu plus de la moitié par un reversement à l’État de 28 milliards d’euros de la part des fournisseurs d’énergie renouvelables en raison des remboursements anticipés au titre des charges de service public de l’énergie (cf. supra).

Les dépenses des administrations publiques locales devraient augmenter de 3,6 % en valeur entre 2022 et 2023, soit une hausse plus modérée qu’entre 2021 et 2022 (+5,2 %). L’investissement local resterait dynamique (+ 4,9 %), quoiqu’en ralentissement par rapport à 2022, compte tenu d’une inflation toujours élevée ([50]). Les dépenses de fonctionnement augmenteraient par rapport à 2022 sous l’effet de la revalorisation du point d’indice en année pleine et également de l’inflation.

● La hausse des dépenses des organismes de sécurité sociale en 2023 (+3 %) s’explique principalement par l’impact de la revalorisation du point d’indice et de la revalorisation des prestations sociales indexées suite à la forte inflation en 2022. Ces hausses de dépenses seraient partiellement compensées par la poursuite des économies sur les prestations d’assurance chômage en lien avec le niveau peu élevé du chômage, la réforme à venir de l’assurance chômage et la baisse des dépenses liées à la crise sanitaire. Sur le champ de l’ONDAM, l’augmentation en valeur serait de 3,7 % par rapport à 2022. Cette hausse importante tient compte de la revalorisation du point d’indice (effet en année pleine) et de l’augmentation des dépenses des établissements sanitaires et médicaux sociaux.

Dans l’ensemble de la dépense publique, ce sont toujours les administrations de sécurité sociale qui concentreraient en 2023 la part la plus importante d’entre elles (43,4 %). Les dépenses des administrations centrales représentent elles 38,2 % de la dépense publique et les administrations publiques locales 18,3 %.

III.   Le Déficit public demeure stable en 2023

L’article liminaire du présent projet de loi de finances comprend un tableau de synthèse mentionnant les objectifs de déficit public et de déficit structurel pour 2023.

Soldes DES ADMINISTRATIONS PUBLIQUES pour les annÉes 2021 À 2023

(en % du PIB)

Soldes

Exécution

2021

Prévision

2022

Prévision

2023

Solde structurel (1)

– 5,1

– 4,2

– 4,0

Solde conjoncturel (2)

– 1,4

– 0,6

– 0,8

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,1

– 0,1

– 0,2

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

– 6,5

– 5,0

 5,0

Solde effectif hors mesures exceptionnelles (5 = 4 – 3)

 6,4

 4,9

 4,8

NB : les chiffres étant arrondis au dixième, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : article liminaire du présent projet de loi de finances.

Article 1er E de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2021
relative aux lois de finances

« La loi de finances de l’année, les lois de finances rectificatives, les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale et les lois de finances de fin de gestion comprennent un article liminaire présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent et en rappelant les prévisions de la loi de programmation des finances publiques en vigueur pour l’année en question :

1° L’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre, et des prévisions de solde par sous-secteur ;

2° L’état de la prévision, déclinée par sous-secteur d’administration publique, de l’objectif d’évolution en volume et de la prévision en milliards d’euros courants des dépenses des administrations publiques ;

3° L’état des prévisions de prélèvements obligatoires, de dépenses et d’endettement de l’ensemble des administrations publiques, exprimées en pourcentage du produit intérieur brut.

Le tableau de synthèse de la loi de finances de l’année indique également les agrégats mentionnés aux 1°, 2° et 3°, résultant de la dernière année écoulée et des prévisions d’exécution de l’année en cours.

L’article liminaire présente également, pour l’année en question, l’état des prévisions portant sur les principales dépenses des administrations publiques considérées comme des dépenses d’investissement au sens du dernier alinéa de l’article 1er A et du 2° de l’article 1er E.

Il est indiqué, dans l’exposé des motifs du projet de loi de finances de l’année, du projet de loi de finances rectificative ou du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, si les hypothèses ayant permis le calcul du solde structurel sont les mêmes que celles ayant permis de le calculer pour cette même année dans le cadre de la loi de programmation des finances publiques. »

La mesure du solde public, exprimé en pourcentage de PIB, permet d’adopter une vision intégrée de l’ensemble des finances publiques et donc de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des administrations publiques locales (APUL), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des divers organismes d’administration centrale (ODAC).

Cette mesure est également la référence à partir de laquelle la France évalue le respect de ses engagements européens.

La comptabilité nationale

La comptabilité nationale est établie par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) et s’inscrit dans un champ d’analyse macroéconomique. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du Système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne.

Les résultats de la comptabilité nationale sont abondamment commentés, en particulier le niveau de déficit exprimé en pourcentage du produit intérieur brut (PIB) qui joue un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen. Ce sont ainsi les résultats de la comptabilité nationale qui permettent de savoir si la France respecte au non la règle selon laquelle le déficit ne peut en principe excéder 3 % du PIB prévue par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.

La crise économique et sanitaire déclenchée en 2020 a été suivie du déclenchement du conflit en Ukraine, affectant durablement la trajectoire de réduction des déficits engagée depuis une décennie (A). Les effets de ces crises sur les finances publiques se poursuivent en 2023 (B).

Au sein des administrations publiques, l’État continue de supporter l’essentiel du déficit public (C). Enfin, le déficit de l’État en comptabilité nationale fait l’objet d’une analyse spécifique (D).

A.   L’évolution du déficit public sur longue période

Le dernier excédent public constaté date de 1974. Cette année-là, alors que les effets du premier choc pétrolier commencent à se faire sentir, les comptes publics affichent un solde légèrement positif de 0,1 % du PIB. Depuis 1975, les comptes publics de la France sont en déficit, dans des proportions toutefois très variables.

Le dÉficit public depuis 1974

(en % du PIB)

(en grisé, les déficits supérieurs à 3 % du PIB)

Année

1974

1975

1976

1977

1978

1979

1980

1981

1982

1983

1984

Solde

+ 0,1

– 2,9

– 1,6

– 1,1

– 1,8

– 0,5

– 0,4

– 2,4

– 2,8

– 2,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

Solde

– 3,0

– 3,2

– 2,0

– 2,6

– 1,8

– 2,4

– 2,9

– 4,6

– 6,4

– 5,4

– 5,1

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

1996

1997

1998

1999

2000

2001

2002

2003

2004

2005

2006

Solde

– 3,9

– 3,7

– 2,4

– 1,6

– 1,3

– 1,4

– 3,2

– 4,0

– 3,6

– 3,4

– 2,4

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Année

2007

2008

2009

2010

2011

2012

2013

2014

2015

2016

2017

Solde

– 2,6

– 3,3

– 7,2

– 6,9

– 5,2

– 5,0

– 4,1

– 3,9

– 3,6

– 3,5

– 2,7

 

 

 

 

 

 

Année

2018

2019

2020

2021

2022*

 

 

 

 

 

 

Solde

– 2,5

– 3,0

– 8,9

– 6,5

– 5,0

 

 

* prévision du présent projet de loi de finances.

Source : INSEE, base 2014.

Avant 2020, le point le plus bas de solde effectif avait été atteint en 2009, année qui a suivi la crise financière de 2008, avec un déficit de 7,2 % du PIB. En 2020, le déficit a été encore plus élevé.

L’évolution des principales données relatives aux finances publiques est retracée dans le tableau ci-dessous.

Évolution des finances publiques sur la pÉriode 2017-2023

En milliards d’euros (en % du PIB)

Agrégat

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

 

 

PIB

2 297,2

2 363,3

2 437,6

2 302,9

2 500,9

2 642,0

2 762,8

2,3 %

1,9 %

1,8 %

-7,9 %

6,8 %

2,7 %

1,0 %

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

en volume

 

 

Recettes publiques

1 230

1 261

1 275

1 213

1 313

1 407

1 443

53,5 %

53,4 %

52,3 %

52,5 %

52,5 %

53,3 %

52,2 %

 dont prélèvements obligatoires*

1 037

1 057

1 069

1 026

1 108

1 194

1 234

45,1 %

44,7%

43,8%

44,4%

44,3%

45,2%

44,7%

 dont crédits d’impôt enregistrés en recettes

29

36

36

26

22

22

17

1,3 %

1,5 %

1,5  %

1,1%

0,9%

0,9%

0,6%

 dont autres recettes

168

172

175

166

189

197

198

7,3 %

7,3%

7,2%

7,2%

7,6%

7,4%

7,2%

 

 

Dépenses publiques

1 298

1 315

1 349

1 421

1 477

1 538

1 580

56,5 %

55,6 %

55,4 %

61,5 %

59,0 %

58,2 %

57,2 %

 dont crédits d’impôt enregistrés en dépenses

32

40

38

19

16

16

16

1,4 %

1,7 %

1,6  %

0,8%

0,6%

0,6%

0,6%

 dont dépenses hors crédits d’impôt

1 266

1 275

1 311

1 402

1 461

1 522

1 564

55,1 %

54,0%

53,8%

60,7%

58,4%

57,6%

56,6%

 

 

Déficit public

-68

-54

-75

-208

-163

-131

-138

- 3,0 %

- 2,3 %

- 3,1 %

- 9,0 %

- 6,5 %

- 5,0 %

- 5,0 %

 

 

Dette publique

2 254

2 311

2 375

2 656

2 822

2 945

3 071

98,1 %

97,8%

97,4%

115,0%

112,8%

111,5%

111,2%

* Les prélèvements obligatoires comprennent les ressources propres traditionnelles de l’Union européenne, lesquelles ne sont pas comptabilisées dans les recettes totales

Source : questionnaire du rapporteur général.

La barre des 3 % de déficit public a été franchie à cinq périodes :

– une première fois, très brièvement, en 1986 ;

– une deuxième fois, pour une période de six années entre 1992 et 1997 ;

– une troisième fois, pour une période de quatre années entre 2002 et 2005 ;

– une quatrième fois entre 2008 et 2016 soit au total neuf années consécutives :

– une cinquième fois depuis 2020.

L’année 2017 avait marqué le retour du déficit sous la barre des 3 % du PIB, ce qui a permis à la France de sortir de la procédure de déficit excessif dont elle faisait l’objet depuis 2009. Ainsi, la réduction du déficit public, hors mesures exceptionnelles, avait été tendancielle, jusqu’à la crise déclenchée en 2020. Le niveau de déficit enregistré en 2020 (– 8,9 % du PIB) fut, ainsi, le plus élevé enregistré depuis la création des comptes nationaux en 1948, avant d’atteindre – 6,5 % en 2021.

B.   Le solde public resterait conforme à la prévision en 2022 et se stabiliserait en 2023

Le présent projet de loi de finances prévoit une amélioration limitée de la prévision de solde public en 2022.

1.   Malgré le rebond de l’activité en 2022, le solde public demeure conforme à la prévision

Le déficit s’améliorerait de 1,5 point entre 2021 et 2022 pour s’établir à – 5,0 % du produit intérieur brut. Cette prévision est conforme à celle de la loi de finances initiale pour 2022.

Évolution des prévisions de solde pour 2022

Soldes

LFI 2022

Pstab

LFR 1

PLF 2023

Solde structurel (1)

– 4,0

– 4,0

– 3,6

– 4,2

Solde conjoncturel (2)

– 0,8

– 0,8

– 1,3

– 0,6

Mesures exceptionnelles et temporaires (3)

– 0,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Solde effectif (4 = 1 + 2 + 3)

 5,0

 5,0

 5,0

 5,0

En raison d’effets d’arrondis, la somme des arrondis peut ne pas correspondre à l’arrondi de la somme.

Source : LFI pour 2022, Programme de stabilité 2022-2027, LFR 1 pour 2022 et présent PLF pour 2023.

Malgré la forte dégradation de la conjoncture internationale au cours de l’année, qui a conduit à réviser à la baisse en cours d’année les perspectives de croissance (+ 4% en loi de finances pour 2022, + 2,7 % désormais), la prévision de solde est demeurée stable.

Le solde public ne connaîtrait pas d’amélioration en 2023, ce qui correspond également à la prévision du programme de stabilité (– 5,0 %). En valeur absolue, le déficit public serait de 138 milliards d’euros.

Évolution du déficit public en valeur entre 2020 et 2023

(en milliards d’euros)

 

2021

2022

2023

Évolution 2021-2022

Évolution 2022-2023

Évolution 2021-2023

Recettes

1 313

1 407

1 443

94

7,2 %

36

2,6 %

130

10,0 %

Dépenses

1 477

1 538

1 580

61

4,1 %

42

2,7 %

103

7,0 %

Déficit

163

131

138

 32

 19,6 %

7

5,3 %

 25

 15,3 %

En raison d’effets d’arrondis, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis.

Source : Source : commission des finances, à partir des réponses au questionnaire du Rapporteur général.

La forte réduction du déficit, en milliards d’euros, entre 2021 et 2022 est portée par un rebond des recettes publiques de 94 milliards d’euros. Entre 2022 et 2023, les recettes sont légèrement moins dynamiques que les dépenses, ce qui creuse le déficit public de 7 milliards d’euros en valeur.

2.   L’actualisation de la trajectoire pluriannuelle

Le Gouvernement programme une amélioration progressive de ce déficit selon une trajectoire détaillée dans le rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Évolution du solde public jusqu’en 2027

(en % du PIB)

Année

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

RESF 2023

– 6,5

– 5,0

– 5,0

– 4,5

– 4,0

– 3,4

– 2,9

Pstab 2022

– 6,4

– 5,0

– 5,0

– 4,6

– 4,0

– 3,4

– 2,9

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

Le rapport économique, social et financier (RESF) annexé au présent projet de loi actualise à la marge la trajectoire du solde public par rapport à celle du programme de stabilité 2021-2027, avec une dégradation de 0,1 point du solde pour 2021 et une amélioration de 0,1 point en 2024.

La trajectoire déclinée dans le RESF est identique aux données contenues dans le projet de loi de programmation des finances publiques pour 2023 à 2027.

La programmation pluriannuelle des finances publiques

Deux types de documents juridiques fixent un cadre pluriannuel pour les finances publiques et déterminent une trajectoire de réduction des déficits public et structurel.

En droit interne, les lois de programmation des finances publiques sont prévues par l’article 34 de la Constitution et « s’inscrivent dans l’objectif d’équilibre des comptes des administrations publiques ». À ce titre, elles déterminent les trajectoires des soldes structurels et effectifs annuels. Leur contenu est précisé par la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, modifiée par la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques.

En droit européen, les programmes de stabilité ont été institués par le pacte de stabilité et de croissance du 7 juillet 1997 comme outil de la surveillance multilatérale des politiques économiques. Ils sont transmis chaque année au mois d’avril à la Commission européenne.

C.   L’État continue de supporter l’essentiel du déficit public

Parmi les quatre sous-secteurs d’administration publique, l’État est celui qui supporte la part la plus importante du déficit public.

Solde public par sous-secteur

(en points de produit intérieur brut)

Sous-secteur

2021

2022

2023

État

– 5,7

– 5,5

– 5,4

Organismes divers d’administration centrale

– 0,2

0,1

– 0,2

Administrations publiques locales

– 0,0

0,0

– 0,1

Administrations de sécurité sociale

– 0,7

0,5

0,8

Solde public

 6,5

 5,0

 5,0

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis

Source : rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances pour 2023.

a.   L’État porte l’essentiel du déficit public

Le solde budgétaire de l’État est constitué par la somme du solde du budget général, des budgets annexes et des comptes spéciaux.

i.   L’exécution budgétaire de l’État en 2021

En 2021, le solde budgétaire de l’État était de – 170,7 milliards d’euros, soit une amélioration de 7,4 milliards d’euros par rapport à l’exécution 2020. Cette diminution du déficit était due notamment à l’amélioration du solde des comptes spéciaux, passé de – 5,4 milliards d’euros en 2020 à + 0,8 milliard en 2021.

ExÉcution budgétaire en 2021

(en milliards d’euros)

Composantes du solde

Exécution

Recettes fiscales nettes

295,7

Recettes non fiscales

21,3

Fonds de concours et attribution de produits

8,0

PSR-UE (à déduire)

– 26,4

PSR-CT (à déduire)

– 43,6

Recettes nettes

255,2

Dépenses nettes

426,7

Solde du budget général

– 171,5

Solde des budgets annexes

0,0

Solde des comptes spéciaux

0,8

Solde budgétaire de l’État

– 170,7

Source : projet de loi de règlement pour 2021.

ii.   La prévision actualisée du déficit de l’État en 2022

La loi de finances pour 2022 prévoyait un déficit du budget de l’État de 153,8 milliards d’euros. La première loi de finances rectificative pour 2022 a porté ce déficit à 178,4 milliards d’euros.

Le présent projet de loi de finances pour 2023 actualise les prévisions pour 2022, en abaissant le déficit de l’État à 172,6 milliards d’euros.

prÉvision actualisÉe pour 2022

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

444,6

Recettes fiscales nettes

315,1

PSR au profit de l’Union européenne

24,9

Recettes non fiscales

25,0

PSR au profit des collectivités territoriales

43,8

Soldes des budgets annexes et comptes spéciaux (III)

0,7

Déficit à financer

(I  II  III)

172,6

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

iii.   Le déficit de l’État en 2023

Le déficit de l’État diminuerait de 14,1 milliards d’euros entre 2022 et 2023, pour s’établir à 158,5 milliards d’euros.

prÉvision d’équilibre 2023

(en milliards d’euros)

Dépenses (I)

Recettes (II)

Dépenses nettes du budget général

hors prélèvements sur recettes (PSR)

436,5

Recettes fiscales nettes

318,9

PSR au profit de l’Union européenne

24,6

Recettes non fiscales

30,8

PSR au profit des collectivités territoriales

43,7

Soldes des comptes spéciaux et des Budgets Annexes (III)

-3,4

Déficit à financer

(I  II  III)

158,5

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Par rapport à 2022, le niveau des dépenses du budget général refluerait, alors que les recettes de l’État bénéficieraient d’un léger rebond.

passage du solde 2022 actualisÉ au solde du plf 2023

(en milliards d’euros)

 

2022

Prévision actualisée

Variation

2023

PLF

 

2022

Prévision actualisée

Variation

2023

PLF

Dépenses (I)

513,4

 13,2

500,2

Recettes (II)

340,1

5,0

345,1

Dépenses nettes du budget général (hors PSR)

444,6

– 12,7

431,9

Recettes fiscales nettes

315,1

– 0,8

314,3

Prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne

24,9

– 0,4

24,6

Recettes non fiscales

25,0

5,8

30,8

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

43,8

– 0,1

43,7

Soldes des comptes spéciaux  et des budgets annexes (III)

0,8

– 4,1

– 3,4

Solde

(I  II  III)

 172,6

14,1

 158,5

Source : commission des finances.

iv.   La concentration du déficit public sur l’État s’était accentuée avant la crise et perdure

On observe une tendance nette à la concentration du déficit public sur le déficit de l’État. En comptabilité nationale, la part de l’État dans le déficit public est ainsi passée de 82 % en 2012 à près de 94 % en 2016. Cette part est devenue supérieure au déficit public de 2017 à 2019, le déficit de l’État allant jusqu’à représenter 117 % du déficit public en 2019.

Cette tendance a été interrompue par la crise sanitaire, qui a pesé lourdement sur les finances sociales : en 2020 et 2021, le déficit de l’État représentait une part inférieure à 90 % du déficit public. En 2022 et 2023, le déficit de l’État deviendrait à nouveau supérieur au déficit public.

DÉcomposition du solde public par sous-secteur d’administration
depuis 2010 (comptabilitÉ nationale)

(en milliards d’euros)

Année

Solde public

État

ODAC

APUL

ASSO

2010

– 137,4

– 122,9

11,3

– 2,0

– 23,9

2011

– 106,1

– 92,4

– 0,2

– 0,8

– 12,7

2012

– 104,0

– 85,1

– 2,6

– 3,7

– 12,7

2013

– 86,5

– 70,2

1,3

– 8,5

– 9,1

2014

– 83,9

– 74,3

2,6

– 4,8

– 7,4

2015

– 79,7

– 73,3

– 2,5

– 0,1

– 3,8

2016

– 81,3

– 75,9

– 6,2

3,0

– 2,2

2017

– 68,0

– 70,1

– 4,4

1,6

4,9

2018

– 54,1

– 66,0

– 2,6

2,7

11,7

2019

– 74,7

– 85,7

– 2,4

– 1,1

14,5

2020

– 205,5

– 180,2

24,1

– 3,5

– 46,0

2021

– 160,7

– 143,7

0,3

– 0,6

– 16,7

En raison d’arrondis au dixième, la somme des soldes État, ODAC, APUL et ASSO peut ne pas correspondre au solde public.

Source : Insee, comptes nationaux.

b.   Le solde des administrations publiques locales serait marginalement affecté par la conjoncture

Le solde des administrations publiques locales est resté limité depuis le début de la crise. Il s’établirait à – 0,1% du PIB en 2023. Les ODAL contribuent à la baisse (– 5,2 milliards d’euros) tandis que les collectivités locales demeurent excédentaires (+ 1,5 milliard d’euros).

Solde des APUL

 

2021

2022

2023

Solde des APUL (en % de PIB)

0,0

0,0

– 0,1

Solde des APUL (en mds)

– 0,6

– 1,1

– 3,6

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

D.   La forte mobilisation des finances sociales dans la gestion de la crise sanitaire

Les comptes de la sécurité sociale se sont améliorés de manière continue entre 2010 et 2018. Ces régimes constituent l’essentiel de la catégorie des administrations de sécurité sociale (ASSO).

Ainsi, les déficits sociaux, composés du solde du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV), périmètre que retient la Cour des comptes ([51]) pour estimer le déficit de la sécurité sociale, se sont établis à 1,9 milliard d’euros en 2019 au lieu de 20,9 milliards d’euros en 2011, soit une baisse de 19 milliards d’euros. Après un point haut en 2018 (– 1,2 milliard), le solde était de nouveau à la baisse en 2019, traduisant une aggravation des déficits avant même le déclenchement de la crise sanitaire.

Évolution des dÉficits sociaux de 2012 À 2021

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

Maladie

– 5,9

– 6,8

– 6,5

– 5,8

– 4,8

– 4,9

– 0,7

– 1,5

– 30,4

– 26,1

ATMP*

– 0,2

+ 0,6

+ 0,7

+ 0,7

+ 0,8

+ 1,1

0,7

1,0

– 0,2

1,3

Famille

– 2,5

– 3,2

– 2,7

– 1,5

– 1,0

– 0,2

0,5

1,5

– 1,8

2,9

Vieillesse

– 4,8

– 3,1

– 1,2

– 0,3

+ 0,9

+ 1,8

0,2

– 1,4

– 3,7

– 1,1

FSV**

– 4,1

– 2,9

– 3,5

– 3,9

– 3,6

– 2,9

– 1,8

– 1,6

– 2,5

0,3

Sous-total Régime général + FSV**

 17,5

 15,4

 13,2

 10,8

 7,8

 5,1

– 1,2

 1,9

 38,7

– 24,4

Régimes obligatoires de base + FSV**

 19,1

 16,0

 12,8

 10,3

 7,0

 4,8

– 1,5

 1,7

 39,7

 24,3

* accident du travail et maladie professionnelle.

** FSV : Fonds de solidarité vieillesse.

Source : Cour des comptes.

Alors qu’il s’était amélioré pour atteindre + 14,5 milliards d’euros en 2019, le solde du périmètre des administrations de sécurité sociale s’est fortement dégradé à – 46,0 milliards en 2020 en raison des mesures d’urgence décidées en réponse à la crise sanitaire. Les dépenses de santé et d’activité partielle ont fortement progressé tandis que le repli de l’activité a entraîné une baisse des recettes.

Évolution des dépenses et recettes des ASSO

(en %)

 

2021

2022

2023

Solde

 0,7

0,5

0,8

Solde (en mds)

– 17,4

12,7

21,1

Évolution des dépenses

3,5

2,6

3,0

 dont évolution des prestations

3,2

2,0

3,2

Évolution des recettes

8,2

7,2

4,1

 dont évolution des cotisations sociales

7,7

6,7

4,2

Source : rapport économique, social et financier annexé au présent PLF.

Le déficit des administrations de sécurité sociale s’est résorbé à 17,4 milliards d’euros en 2021. L’amélioration est encore plus significative en 2022, puisque les ASSO redeviennent excédentaires à hauteur de 12,7 milliards d’euros.

La nette amélioration des déficits sociaux en 2022 s’explique pour l’essentiel par la reprise économique, qui a permis une amélioration des recettes et de moindres dépenses de l’Unedic. En parallèle, les dépenses progressent également suite à la crise sanitaire, aux revalorisations liées au Ségur de la santé et à l’inflation s’agissant des pensions.

En 2023, le ralentissement de l’activité devrait peser sur le rythme d’évolution des recettes sociales, tandis que les dépenses demeureraient dynamiques, en particulier les prestations sociales. Les soldes des ASSO s’améliorent de 8,4 milliards pour atteindre 21,1 milliards d’euros, essentiellement grâce à la résorption du déficit du régime général et du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

DÉcomposition du solde des administrations de sÉCURITÉ sociale

(en milliards d’euros)

Année

2022

2023

Total Administrations de sécurité sociale (ASSO)

12,7

21,1

Recettes

713,2

742,6

Dépenses

700,5

721,5

 

 

 

Régime général + Fonds de solidarité vieillesse

-16,5

-7,3

Recettes

479,0

501,2

Dépenses

495,5

508,4

 

 

 

Unédic

4,6

4,8

Recettes

43,8

45,7

Dépenses

39,1

40,9

 

 

 

Régimes complémentaires

7,4

6,1

Recettes

102,3

107,2

Dépenses

94,9

101,1

 

 

 

Cades

16,8

16,4

Recettes

20,1

20,8

Dépenses

3,2

4,5

 

 

 

Fonds de réserve pour les retraites (FRR)

-1,7

-1,4

Recettes

0,6

0,9

Dépenses

2,3

2,3

 

 

 

Organismes divers de sécurité sociale

0,1

0,4

Recettes

116,7

120,2

Dépenses

116,6

119,8

Source : réponses au questionnaire du rapporteur général.

E.   Le dÉficit de l’État en comptabilitÉ nationale

Le déficit budgétaire de l’État est prévu pour 2023 à 158,5 milliards d’euros par l’article 26 du présent projet de loi de finances. Le déficit de l’État, en comptabilité nationale, serait toutefois inférieur de 8,4 milliards d’euros, puisqu’il est évalué à 150,1 milliards d’euros par le Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

La distinction entre comptabilité nationale et comptabilité budgétaire

La comptabilité budgétaire est destinée à enregistrer et suivre l’exécution des opérations du budget de l’État. La tenue d’une comptabilité budgétaire est prévue par l’article 27 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF). Il s’agit d’une comptabilité de trésorerie. L’article 28 de la LOLF précise ainsi que « les recettes sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont encaissées » et que « les dépenses sont prises en compte au titre du budget de l’année au cours de laquelle elles sont payées ». La LOLF prévoit une nomenclature des comptes du budget de l’État (budget général, budgets annexes et comptes spéciaux), une nomenclature par destination (mission, programme, action, sous-action) et une nomenclature par nature (titres, catégories).

La comptabilité nationale s’inscrit dans un champ d’analyse sensiblement plus vaste. Elle s’appréhende comme une représentation quantifiée du fonctionnement et des résultats d’une économie nationale. Il s’agit d’une comptabilité d’engagements établie selon les règles du système européen de comptes nationaux et régionaux (SEC 2010) résultant du règlement (UE) n° 549/2013 du 21 mai 2013 relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans l’Union européenne. Les agrégats relatifs aux administrations publiques jouent un rôle essentiel dans le cadre de la surveillance des finances publiques au niveau européen.

Traditionnellement, l’examen du projet de loi de finances avait pour but de débattre uniquement du budget de l’État selon les principes d’une comptabilité budgétaire, c’est-à-dire d’une comptabilité de trésorerie au sein de laquelle les recettes et les dépenses sont enregistrées lors des encaissements et des décaissements. Il s’agit encore aujourd’hui de la comptabilité la plus observée et la plus commentée car elle permet de mesurer le déficit budgétaire et de vérifier le respect des autorisations parlementaires de dépenses.

Depuis 2013, l’examen du projet de loi de finances permet, grâce à l’examen de son article liminaire et grâce au RESF, de porter une appréciation sur le résultat en comptabilité nationale de l’ensemble des administrations publiques, c’est-à-dire non seulement de l’État mais également des divers organismes d’administration centrale (ODAC), des administrations de sécurité sociale (ASSO) et des administrations publiques locales (APUL).

Les résultats de la comptabilité nationale sont désormais au cœur du débat public : c’est à partir d’eux qu’il est possible de savoir si la France respecte ou non les règles européennes relatives à son déficit public ou à son solde structurel. Plusieurs retraitements – exposés dans le RESF annexé au présent projet de loi de finances – sont nécessaires pour passer du solde budgétaire au solde en comptabilité nationale.

L’écart entre le solde 2023 en comptabilité budgétaire et en comptabilité nationale s’explique par six principaux effets, retracés dans le tableau ci-dessous.

Principales ClÉs de passage du solde en comptabilitÉ budgÉtaire
au solde en comptabilitÉ nationale

(en milliards d’euros)

Les retraitements qui améliorent le solde en comptabilité nationale

Les retraitements qui dégradent le solde en comptabilité nationale

Effet en trésorerie lié aux primes et décotes à l’émission et l’enregistrement des intérêts courus non échus (ICNE)

 + 14,2

Décalage comptable relatif à la comptabilisation des recettes de subvention de l’Union européenne au titre du Plan de relance, nette du transfert aux ASSO

– 7,2

Prises de participations et cessions de titres effectuées sur le CAS Participations financières de l’État (y compris remboursement de la dette Covid)

+ 8,8

Dépenses du bouclier tarifaire, nettes des moindres charges de service public de l’énergie

– 4,4

Prises de participations et cessions de titres effectués sur le compte d’affectation spéciale Participations financières de l’État

– 3,4

Recettes issues de la vente de quota carbone

– 1,8

Total

+ 23

Total

 16,8

Source : Rapport économique, social et financier annexé au présent projet de loi de finances.

IV.   La dette publique

Si notre niveau d’endettement public a connu un choc haussier historique en 2020 (+ 17,2 points entre 2019 et 2020) dans le contexte de la crise sanitaire, le rebond de l’activité économique a permis une diminution du ratio de dette publique par rapport au PIB en 2021 et 2022. Le PLF 2023 s’inscrit dans cette trajectoire de baisse de l’endettement public, conformément aux engagements pris dans le programme de stabilité 2023-2027. Après une hausse du ratio anticipée sur la période 2024-2025, le niveau d’endettement public devrait diminuer à partir de 2026 puis plus fortement en 2027, une condition nécessaire pour assurer la soutenabilité de la dette publique française à moyen terme.

A.   Après l’augmentation historique de l’endettement public en 2020, le ratio de dette publique a diminué en 2021 et 2022

1.   Un choc haussier historique sur le niveau lendettement public en 2020

Dans le contexte de la crise sanitaire, la dégradation du déficit public en 2020 (– 8,9 % du PIB), la croissance de la dépense (+ 6,8 % en volume par rapport à 2019) et la chute du PIB (– 7,8 %) ont eu pour effet d’accroître très fortement le ratio de dette publique, en agissant à la fois sur le numérateur et sur le dénominateur de ce ratio. Ce ratio est ainsi passé de 97,5 % du PIB en 2019 à 114,6 % du PIB en 2020, soit une hausse de 17,2 points. En euros courants, la hausse a représenté 272,4 milliards d’euros et la dette s’établissait à 2 648 milliards d’euros au 31 décembre 2020 (+ 11,5 %).

Cette augmentation exceptionnelle du ratio de dette publique ne fut pas propre à la France, bien que nettement supérieure à celle observée en moyenne dans la zone euro. Le ratio de dette publique dans l’ensemble des pays de la zone euro est passé en effet de 83,8 % fin 2019 à 97,2 % fin 2020 (soit une hausse de 13,4 points)([52]).

De façon générale, les ratios de dette publique constatés à la fin de l’année 2020 ont été légèrement moins dégradés qu’anticipé grâce à une résistance des économies de la zone euro plus forte qu’initialement prévue. En septembre 2020, le niveau de l’endettement public à la fin de l’année 2020 était en effet attendu à 117,5 % du PIB pour la France et à 100,7 % du PIB pour la zone euro.

COMPARAISON DE l’évolution des RATIOS DE DETTE
DE LA FRANCE, DE LA ZONE EURO ET DE L’Allemagne

(en points de PIB)


Sources : Eurostat.

2.   La diminution du niveau de l’endettement public en 2021 et en 2022 dans un contexte de fort rattrapage économique

Après ce choc de dette historique en 2020, le ratio de dette publique a diminué de 1,8 point en 2021, s’établissant à 112,8 % du PIB ([53]). Cette baisse s’explique, d’une part, par la réduction du déficit en 2021 (– 6,5 % du PIB) et, d’autre part, par le très net rebond de l’activité en sortie de crise (+ 6,8 %) qui a permis de ralentir la croissance de l’endettement public.

Ce ratio diminuerait encore de 1,3 point en 2022 et s’établirait à 111,5 % du PIB, malgré le choc d’inflation observé et la mise en place de mesures importantes visant à soutenir le pouvoir d’achat des Français. Le ratio bénéficierait d’une croissance économique encore forte (+ 2,7 %) permettant d’observer un solde stabilisant le ratio de dette publique (– 6 %) inférieur d’un point au solde public (– 5 %), et du fait que le coût des boucliers sur l’énergie, pris en compte dans le calcul du déficit public au sens de la comptabilité nationale, ne donne pas lieu à un décaissement équivalent en 2022. En outre, la consommation progressive de la trésorerie accumulée en 2020 contribuerait à la baisse du ratio d’endettement à hauteur de – 0,3 point.

Le solde public stabilisant

Pour que le ratio dette publique / PIB soit stabilisé, il faut que le déficit public soit suffisamment faible pour que la croissance du PIB permette, par un effet dénominateur, de neutraliser l’effet numérateur. Le niveau de déficit pour lequel le ratio est stable est appelé déficit public stabilisant.

Le déficit public exprimé en pourcentage du PIB stabilisant le ratio de dette publique, hors flux financiers, est égal au produit du taux de croissance du PIB en valeur entre l’année N – 1 et l’année N et du rapport entre le stock de dette de l’année N – 1 et le PIB de l’année N.

Au 30 juin 2022, la dette était portée à plus de 79 % par l’État, à 2 % par les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ([54]), à près de 9 % par les administrations publiques locales (APUL) ([55]) et à environ 10 % par les administrations de sécurité sociale (ASSO).

B.   SI le ratio de dette continue sa diminution en 2023, une attention particulière doit être portée à la soutenabilitÉ de la dette française

1.   La baisse du ratio de dette publique en 2023

D’après les chiffres du présent PLF, le ratio de dette publique diminuerait de nouveau en 2023 pour s’établir à 111,2 % du PIB. Cette diminution s’expliquerait par la croissance de l’activité, qui, bien que ralentie, s’établirait à 1 %, tandis que le déficit public, stable à – 5 % mais supérieur de 0,1 point au déficit stabilisant, aurait un impact négatif sur le ratio d’endettement. La poursuite de la consommation de la trésorerie contribuerait de nouveau à réduire le ratio d’endettement (– 0,4 point).

évolution du ratio de dette publique française (en % du PIB)

 


Source : commission des finances.

2.   La nécessité de stabiliser la trajectoire du ratio de dette publique afin d’assurer sa soutenabilité sur le long terme

a.   Des points de vigilance

La soutenabilité de la dette publique désigne la capacité pour un État à honorer ses engagements financiers dans le futur.

Dans le contexte inflationniste actuel, plusieurs points de vigilance plaident pour une action résolue dans la consolidation de nos finances publiques et le respect d’une trajectoire de baisse du ratio d’endettement public ambitieuse.

i.   L’impact de l’inflation

L’inflation a un impact « mécanique » positif à court terme sur le ratio de dette publique en augmentant le taux de croissance du PIB en valeur (la hausse des prix entraîne une hausse des prélèvements obligatoires) et facilitant ainsi le remboursement de la dette héritée du passé (le ratio dette/PIB diminue puisque le dénominateur augmente). Une récente note d’étude ([56]) pointe cependant l’impact très limité de cet effet favorable en 2022, compte tenu du caractère importé de l’inflation observée, de la hausse des dépenses de soutien aux ménages face à l’inflation et de l’alourdissement de la charge d’intérêts de la dette.

En effet, si l’inflation a un effet ambigu sur le ratio d’endettement public, elle accroît de façon certaine la charge de la dette, de façon directe et immédiate par le biais des obligations indexées sur l’inflation et, de façon indirecte et à plus long terme, via la modification de la politique monétaire qu’elle engendre.

L’encours de dette de l’État est constitué pour environ 11 % en 2022 de titres indexés sur l’inflation à travers les titres indexés sur l’indice des prix à la consommation en France (OATi) (30 % du total) et ceux indexés sur l’indice des prix de la zone euro (OAT€i) (70 % des titres indexés). Cela signifie que l’intérêt annuel versé (le coupon annuel) varie en fonction de l’indice des prix à la consommation hors tabac, depuis la date de jouissance du titre. Ces titres répondent à une demande des investisseurs qui souhaitent se protéger du risque inflationniste et sont prêts à verser en conséquence un taux d’intérêt (ou taux de coupon) pour ces titres bien plus faibles que le taux sur les titres de dette à taux fixes. Ces produits permettent de diversifier la base d’investisseurs ce qui est d’autant plus nécessaire dans un contexte de forte hausse des volumes d’émissions de dette.

L’accélération de l’inflation a donc un impact direct sur la charge de la dette puisque les fluctuations de l’inflation se répercutent sur la totalité de l’encours des titres indexés, à la différence des variations de taux d’intérêt qui affectent uniquement les émissions de titre. Au 31 décembre 2021, l’encours des titres indexés était de 237 milliards d’euros, une variation positive de 0,1 point du taux d’inflation ayant ainsi un impact de l’ordre de 237 millions d’euros supplémentaires sur la charge de la dette.

Suite à la révision à la hausse des prévisions d’inflation en cours d’année 2022, la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a ouvert 11,9 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour financer l’augmentation de la charge de la dette, dont 10,8 milliards d’euros en raison de la révision à la hausse de la charge d’indexation des OATi et OAT€i.

La charge de la dette indexée se comporte donc de façon contra‑cyclique : elle augmente lorsque l’inflation et les rentrées fiscales augmentent et elle diminue en période de ralentissement ou de récession.

ii.   La remontée des taux d’intérêt

Dans un contexte d’inflation basse et de crise économique, la Banque centrale européenne a mené depuis l’après-crise de 2009, et singulièrement depuis 2014, une politique monétaire accommodante qui a eu un effet baissier sur les taux d’intérêt de la dette française, comme sur celle de l’ensemble des États de la zone euro. Cette politique monétaire expansionniste a été accentuée en 2020 lors de la crise sanitaire, avec la mise en place d’un programme d’achat d’urgence pandémique, ou « Pandemic Emergency Purchase Programme » (PEPP). Cette action a été décisive pour maintenir les taux à des niveaux faibles et contenir les écarts de taux entre les pays membres.

Cette politique monétaire accommodante s’est poursuivie en 2021, malgré l’accélération de l’inflation, inférieure à 2 % et anticipée comme temporaire, deux conditions justifiant le maintien de taux d’intérêt bas pour la Banque centrale européenne ([57]) pour soutenir la croissance dans la zone euro.

Face à la persistance de l’inflation, la BCE a mis un terme à son programme d’achats d’actifs à compter du 1er juillet 2022 et a procédé au relèvement de ses taux directeurs de 50 points de base en juillet, puis de 75 points de base en septembre. De son côté, confrontée à une inflation plus rapide, la Fed a mis fin à ses rachats d’actifs en mars 2022 et annoncé une réduction de son bilan en juillet 2022. Elle a aussi fortement relevé ses taux directeurs au premier semestre 2022 (+ 225 points de base entre mars et juillet 2022) puis en septembre 2022 (+ 75 points de base).

Ce resserrement des politiques monétaires et la progression des anticipations d’inflation ont conduit à une remontée des taux d’intérêt demandés par les marchés sur les obligations souveraines aux États-Unis et en zone euro. Ainsi, alors que le taux moyen annuel des obligations françaises à 10 ans s’est établi à – 0,05 % en 2021, il atteindrait 1,53 % en 2022 et 2,55 % en 2023.

HISTORIQUE DES TAUX DE L’OAT À 10 ANS FRANÇAISE (moyenne annuelle)


Source : commission des finances, d’après les rapports annuels de l’AFT et les prévisions du présent PLF.

iii.   La hausse de la charge de la dette

Malgré le très fort choc de dette de 2020, la charge de la dette est restée très contenue en 2020 et 2021, dans un contexte d’inflation faible et de taux d’intérêt bas. L’année 2022 est cependant marquée par une hausse très forte de la charge de dette anticipée, qui s’établirait à 51,2 milliards d’euros ([58]), en hausse de 30 % par rapport à 2021. Les prévisions actuelles font état d’une légère hausse de la charge de la dette en 2023 à 51,7 milliards d’euros, un niveau exceptionnellement élevé.

CHARGE DE LA DETTE ET DE LA TRÉSORERIE DE L’ÉTAT (1)

(en milliards d’euros)

(1) En charge budgétaire, retracée par les programmes 117 « Charge et trésorerie de l’État » et 355 « Charge de la dette de SNCF Réseau reprise par l’État »

Source : AFT, projet annuel de performance « Engagements financiers de l’État » et réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

D’après les prévisions du Gouvernement, cette charge de la dette diminuerait en 2024 (– 3,1 milliards d’euros) avant d’augmenter à nouveau en 2025 (+ 3,3 milliards d’euros) et dépasser son niveau de 2023.

La France conserve aujourd’hui son attractivité pour les investisseurs : le taux d’intérêt à 10 ans reste contenu étant donné le contexte actuel et une stabilisation de ces taux est anticipée en 2023. Le spread de taux entre l’Allemagne et la France reste relativement limité, aux environs de 60 points de base, loin des niveaux observés lors de la crise des dettes souveraines (quasiment 200 points de base au plus fort de la crise). Le plan de relance européen Next Generation d’un montant de 750 milliards d’euros, émis sous la forme d’une dette commune, doit également participer à la réduction des risques d’insoutenabilité des États européens.

taux d’intérêt de l’obligation souveraine
à 10 ans au 6 octobre 2022*

Pays

Taux d’intérêt de l’obligation souveraine à 10 ans

France

2,7

Allemagne

2,1

États-Unis

3,8

Royaume-Uni

4,2

Italie

4,5

Espagne

3,3

Pays-Bas

2,4

*Les taux d’intérêt ont connu une hausse significative depuis la fin du mois de septembre et l’annonce, par le gouvernement britannique, de plusieurs mesures aggravant le déficit public et le niveau d’endettement du pays. Les taux d’intérêt au Royaume-Uni ont augmenté de plus de 40 points de base tandis que le taux allemand a augmenté de 20 points de base.

Il est cependant important de rappeler que la hausse des taux d’intérêt a un impact sur la charge de la dette et ce, d’autant plus fort que le stock de dette est important. La maturité moyenne étant de 8 ans et 221 jours, la hausse des taux consécutive à la hausse de l’inflation met du temps à se transmettre dans la charge de la dette. D’après les chiffres fournis par le Gouvernement, une augmentation de 1 % des taux d’intérêt sur toutes les maturités aurait un impact de 2,4 milliards d’euros la première année, de 6 milliards d’euros la deuxième année et de 16 milliards d’euros la cinquième année.

IMPACT D’UN CHOC DE TAUX DE 1 % SUR LA CHARGE
DE LA DETTE NÉGOCIABLE DE L’ÉTAT

(en milliards d’euros)

Source : documents budgétaires

Note : le graphique présente l’impact sur la charge de la dette de l’État en comptabilité nationale.

 

b.   La fixation d’une trajectoire de diminution de la dette publique pour assurer sa soutenabilité sur le long terme

Dans un contexte de croissance normalisée autour de son potentiel (hors effets de rattrapage pour les années 2021-2022), le maintien de taux d’intérêt faibles ou contenus est indispensable pour assurer la soutenabilité de la dette publique ([59]), ce qui implique de conserver la confiance des marchés. La remontée actuelle des taux d’intérêt, face à un stock de dette qui a fortement augmenté ces dernières années, pose avec une acuité renouvelée la nécessité de fixer dès à présent une trajectoire de dette claire et crédible pour les prochaines années, qui permette de stabiliser puis diminuer à moyen terme le niveau de l’endettement public.

Cette trajectoire de désendettement repose sur la nécessaire réduction du déficit public, sans dégrader la croissance potentielle. Le déficit public passerait, d’après le programme de stabilité 2022-2027, sous la barre des 3 % à compter de 2027.

Après un recul du ratio de dette publique en 2021, 2022 et 2023, la trajectoire de long terme présentée par le Gouvernement dans le présent PLF et le PLPFP fait état d’une légère hausse de l’endettement public en 2024 (+0,1 point), plus prononcée en 2025 (+ 0,4 point) notamment en raison d’un solde public inférieur au solde stabilisant la dette. Le ratio de dette connaîtrait un reflux léger en 2026 (– 0,1 point) et une diminution plus marquée en 2027 (– 0,7 point) pour s’établir alors à 110,9 % du PIB, grâce à un solde public supérieur au solde stabilisant.

trajectoire d’endettement public

(en % du PIB)

 

2021

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Dette publique

112,8

111,5

111,2

111,3

111,7

111,6

110,9

Solde stabilisant le niveau d’endettement

– 8,0

– 6,0

– 4,9

– 4,4

– 3,8

– 3,6

– 3,7

Solde effectif

– 6,5

– 5,0

– 5,0

– 4,5

– 4,0

– 3,4

– 2,9

Variation du ratio d’endettement

– 2,1

– 1,4

– 0,3

0,1

0,4

– 0,1

– 0,7

Source : projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027.

 

trajectoire du ratio de la dette publique française


Source : commission des finances.

De plus, la confiance des marchés ne peut être conservée que si la trajectoire d’endettement public française est cohérente avec celle de nos principaux partenaires européens. Ainsi, il apparaît nécessaire d’éviter à tout prix la situation observée sur la période 2013-2017 d’une hausse du ratio de dette publique française dans un contexte où nos voisins se désendetteraient.

La réaction des marchés en Grande-Bretagne suite à l’annonce fin septembre par le gouvernement britannique de mesures prévoyant plusieurs baisses d’impôts et des subventions importantes pour lutter contre la hausse du prix de l’énergie, financées par une hausse de l’endettement public, appelle à la plus grande prudence concernant le respect de la trajectoire fixée.

Enfin, il est important de rappeler que même en l’absence de matérialisation du risque d’insolvabilité, l’endettement constitue une perte de souveraineté. La dette constitue en effet une dépense qui réduit la possibilité pour l’État de disposer de marges de manœuvre financière pour mener sa politique budgétaire de façon autonome. En 2021, les dépenses de charge de la dette de l’État (y compris la charge de la dette de la SNCF) se sont ainsi élevées à 38,5 milliards d’euros, soit 9 % de l’ensemble des dépenses du budget général de l’État (426,7 milliards d’euros) et 1,8 % de l’encours de la dette négociable (2 145 milliards d’euros). La charge de la dette en 2023 (51,7 milliards d’euros) aura le même impact sur le solde public que les crédits budgétaires alloués à la mission Défense (53,1 milliards d’euros).

3.   La poursuite du cantonnement de la « dette covid »

La loi de finances pour 2022 a créé un nouveau programme « Amortissement de la dette de l’État liée à la Covid-19 » au sein de la mission Engagements financiers de l’État, afin d’isoler les 165 milliards d’euros de dette liée directement à la crise sanitaire de 2020 de la dette issue des déficits successifs antérieurs. Ce montant de 165 milliards d’euros retenu correspond aux écarts de déficits constatés sur la période 2020-2021 par rapport à ceux qui étaient anticipés à la fin 2019, retraités du plan de relance.

Le cantonnement de cette « dette covid » doit contribuer au renforcement de la lisibilité de l’information sur la trajectoire de la dette publique et constitue un engagement politique de la France à rembourser cette dette. Le Gouvernement prévoit ainsi un amortissement de la « dette covid » en vingt ans, d’ici 2042.

Ce programme a été doté dès 2022 des 165 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) ; il ne fera donc l’objet d’aucune ouverture d’AE à compter de 2023.

Les crédits de paiement sont quant à eux fixés chaque année en fonction de la dynamique de croissance : 5,9 % du surcroît de recettes fiscales nettes dégagées chaque année au-delà de leur niveau de 2020 sont consacrés au désendettement, cette fraction permettant, dans la trajectoire prévisionnelle de croissance actuelle, de rembourser la « dette covid » d’ici 2042. Cette fraction est ajustée au fur et à mesure de l’amortissement, à la hausse ou à la baisse, selon que la croissance du PIB est plus ou moins élevée par rapport à la trajectoire prévisionnelle de croissance, afin de respecter l’horizon de remboursement.

1,9 milliard d’euros en crédits de paiement ont été inscrits sur le programme en 2022 et 6,6 milliards d’euros sont prévus en 2023 par le présent PLF pour financer ce remboursement. Le Gouvernement prévoit de consacrer 5,7 milliards d’euros en 2024 et 6,1 milliards d’euros en 2025 à ce désendettement. Fin 2025, plus de 20 milliards d’euros seraient donc amortis. Cette trajectoire apparaît cependant légèrement en deçà des montants nécessaires pour rembourser l’ensemble des 165 milliards d’euros en vingt ans, sauf à ce que les ouvertures annuelles dédiées à ce remboursement après 2025 soient supérieures à 8 milliards d’euros.

 


—  1  —

   FICHE N° 4 :
LE BUDGET DE L’ÉTAT

Résumé de la fiche

Les recettes fiscales de l’État sont stables en 2023 par rapport à 2022, pour atteindre 314,3 milliards d’euros. Les recettes non fiscales, en nette augmentation par rapport à 2022, seraient soutenues par les versements européens finançant le plan de relance français. Les prélèvements sur recettes, quant à eux, sont quasi stables. Les dépenses fiscales, avec 89,1 milliards d’euros au total, poursuivent la tendance à la baisse (– 5,2 milliards d’euros) après un rebond en 2022. Au total, les recettes nettes du budget général s’élèveraient en 2023 à 276,8 milliards d’euros contre 271,4 milliards d’euros en prévision actualisée.

Les dépenses de l’État s’établiraient au sens du nouveau périmètre de dépenses à 480,3 milliards d’euros en 2023, soit une augmentation de 24 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Le retrait des mesures d’urgence et la fin du déploiement du plan de relance sont compensés par la prise en charge d’autres mesures de soutien aux ménages et aux entreprises pour limiter les effets de l’inflation. Les dépenses du buget général progresseraient de 20,8 milliards d’euros en 2023 pour le financement des priorités gouvernementales (solidarité, défense, sécurité, justice, éducation et recherche, aide publique au développement, etc.).

Les dépenses liées à la charge de la dette augmentent également en 2023 en raison à la fois d’un stock de dettes en augmentation mais également en raison de la remontée des taux d’intérêt.

I.   Les recettes

Les recettes nettes du budget général de l’État sont prévues à 345,1 milliards d’euros en 2023, après 340,1 milliards d’euros en 2022 et 317,0 milliards d’euros en 2021.

Recettes nettes du budget gÉNÉral de l’État 2022-2023

(en milliards d’euros)

Recettes nettes du budget général de l’État & PSR

Prévision actualisée

2022

Prévision 2023

 impôt sur le revenu (IR)

86,8

86,9

impôt sur les sociétés (IS)

59,0

55,2

taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

102,1

97,4

taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

18,0

16,8

autres recettes fiscales

49,3

58,0

sous-total recettes fiscales nettes

315,1

314,3

recettes non fiscales

25,0

30,8

Recettes nettes du budget général de l’État (1)

340,1

345,1

Prélèvements sur recettes UE (2a)

24,9

24,6

Prélèvements sur recettes CT (2b)

43,8

43,7

Recettes nettes de l’État hors fonds de concours (1  2)

271,4

276,8

Source : réponse au questionnaire du rapporteur général.

Après prise en compte des prélèvements sur recettes – qui sont en réalité des dépenses au sens de la comptabilité nationale – il est prévu que les recettes nettes hors fonds de concours du budget général s’établissent à 276,8 milliards d’euros en 2023 au lieu de 271,4 milliards d’euros en 2022 et 247,3 milliards d’euros en 2021.

Cette approche, retenue au sein du tome I de l’annexe Voies et moyens annexée au présent projet de loi de finances, présente néanmoins un risque de confusion entre les ressources du budget général de l’État et celles de l’État.

En particulier, le tableau précédent élude les recettes fiscales des budgets annexes et des comptes spéciaux et minore la catégorie « autres recettes fiscales » des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux.

Les développements qui suivent sur les recettes fiscales retiendront donc, parallèlement à la présentation habituelle, une autre présentation plus conforme à la réalité économique et budgétaire des impositions affectées à l’État (A).

Les principales données budgétaires relatives aux recettes non fiscales (B), aux prélèvements sur recettes (C) et aux dépenses fiscales (D) seront ensuite présentées successivement.

A.   Les recettes fiscales de l’État

L’analyse des recettes fiscales de l’État suppose au préalable d’identifier le périmètre des recettes fiscales nettes (1). Les recettes fiscales nettes sont ensuite présentées de façon générale (2) puis par principaux impôts (3).

1.   Identification des recettes fiscales nettes

Dans le tableau précédent, les recettes « nettes » sont présentées sans prendre en compte les remboursements et dégrèvements afférents aux différents impôts affectés au budget de l’État. Ces remboursements et dégrèvements font l’objet d’une mission spécifique du budget général.

Remboursements et dégrèvements

En 2023, le montant des recettes fiscales brutes du budget général est prévu à 442,6 milliards d’euros. Les remboursements et dégrèvements devraient s’élever à 123,8 milliards d’euros, si bien que les recettes fiscales nettes du budget général s’établiraient à 318,9 milliards d’euros.

L’État procède à des remboursements et dégrèvements d’impôts pour diverses raisons : les régularisations de trop versés lorsqu’un contribuable a payé plus d’acomptes que l’impôt réellement dû ; le droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) qui place certaines entreprises en situation créditrice vis-à-vis de l’État lorsque le montant de la TVA collectée est inférieur au montant de la TVA déductible ; les crédits d’impôt lorsque ceux-ci dépassent le montant de l’impôt dû ; ou encore les corrections d’erreurs à la suite d’une réclamation ou d’un contentieux.

Les remboursements et dégrèvements d’impôts d’État (123,8 milliards d’euros, en très légère baisse de 0,18 % par rapport à 2022) se décomposeraient ainsi en 2023 :

– 92,5 milliards d’euros au titre de la mécanique de certains impôts, dont 67,2 milliards d’euros au titre des crédits de TVA et 14,2 milliards d’euros de remboursements d’excédents d’impôt sur les sociétés ;

– 18,7 milliards d’euros au titre de soutien à des politiques publiques via des remboursements ou des crédits d’impôt qui excédent l’impôt dû ;

– 12,6 milliards d’euros au titre de la gestion des impôts (corrections d’erreurs, décisions de justice, remboursements par application des conventions fiscales internationales) ;

Enfin, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux atteindraient 4,6 milliards.

Source : Projet annuel de performance Remboursements et dégrèvements annexé au présent projet de loi.

Le montant des recettes fiscales nettes présenté à l’article 26 du présent projet de loi (article d’équilibre) s’établit à 318,9 milliards d’euros. Du fait d’une évolution de la présentation budgétaire, il se rapproche désormais de la réalité budgétaire.

a.   La prise en compte des dégrèvements d’impôts locaux dans l’article d’équilibre

En modifiant l’article 34 de la LOLF, la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a fait évoluer la présentation budgétaire habituelle, qui déduisait du montant brut des recettes fiscales de l’État les dégrèvements et remboursements des impôts locaux. Cette présentation était critiquée par Cour des comptes, qui recommandait de manière constante que les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux ne soient plus déduits des recettes fiscales brutes de l’État ([60]). En effet, ceux-ci n’ont rien à voir avec la mécanique des impôts d’État et il n’est donc pas pertinent de les en soustraire.

En 2023, les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux pris en charge par l’État, retracés dans le programme 201, sont estimés à 4,6 milliards d’euros au lieu de 6,6 milliards d’euros en 2022. Aussi, à l’article d’équilibre du projet de loi de finances pour 2023, les recettes fiscales sont de 318,9 milliards d’euros. Ce chiffre correspond aux recettes fiscales brutes minorées des remboursements et dégrèvements d’impôts d’État, mais intégrant les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

b.   Les recettes fiscales de l’État hors budget général

Cependant, cette présentation budgétaire ne tient pas compte des recettes fiscales affectées en tout ou partie à différents budgets annexes et comptes spéciaux de l’État. Cette fraction de la fiscalité est donc souvent omise dans l’analyse politique et économique des comptes de l’État, alors qu’elle n’est pas négligeable.

Pour 2023, le rendement de la fiscalité affectée aux budgets annexes et comptes spéciaux de la comptabilité budgétaire de l’État est prévu à 0,9 milliard d’euros, en hausse de 0,1 milliard d’euros par rapport à 2022.

Impôts affectés à des budgets annexes et comptes spéciaux de l’état

(en millions d’euros)

Budget annexe (BA)

Compte d’affectation spéciale (CAS)

Impôt affecté

Rendement 2023

BA

Contrôle et exploitation aériens

Tarif de l’aviation civile

444,3

Taxe de solidarité

0

CAS

Développement agricole et rural

Taxe sur le chiffre d’affaires des exploitations agricoles

126

CAS

Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale

Contribution des gestionnaires de réseaux publics de distribution

377

Total

947,3

Source : Présent PLF, état A.

Au total, si l’on réintégrait les recettes affectées aux budgets annexes et comptes spéciaux (947,3 millions d’euros) en sus des dégrèvements et remboursements d’impôts locaux (4,6 milliards d’euros), le montant effectif des recettes fiscales nettes de l’État ne serait pas de 318,9 milliards d’euros mais de 319,8 milliards d’euros.

Recettes nettes de l’État en 2023

(en milliards d’euros)

Recettes nettes de l’État

Prévision

2023

Impôt sur le revenu (IR)

86,9

Impôt sur les sociétés (IS)

55,2

Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

16,8,0

Taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

97,4

Autres recettes fiscales

58,0

 Dont dégrèvements d’impôts locaux

4,6

 Dont fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

0,9

Sous-total recettes fiscales nettes

319,8

Recettes non fiscales

30,8

Total

350,7

Total hors fiscalité affectée aux budgets annexes et aux comptes spéciaux

349,8

En raison d’effets d’arrondis, le total ou sous-total peut ne pas correspondre à la somme des rendements intermédiaires.

Source : commission des finances.

La présentation budgétaire traditionnelle est retenue dans l’analyse qui suit pour plus de clarté et surtout pour garantir un lien avec les documents budgétaires du Gouvernement.

2.   Présentation générale

Les recettes fiscales nettes du budget général de l’État sont estimées :

– à 315,1 milliards d’euros en 2022 en prévisions actualisées, soit 3,6 milliards d’euros de plus par rapport à la loi de finances pour 2022 ;

– et à 314,3 milliards d’euros en 2023.

Recettes fiscales nettes du budget général
de l’État depuis 2009

(en milliards d’euros)

Année

Montant

2009

214,3

2010

237,0

2011

255,0

2012

268,4

2013

284,0

2014

274,3

2015

280,1

2016

284,1

2017

295,6

2018

295,4

2019

281,3

2020

256,0

2021

295,7

2022 (révisé)

315,1

2023 (prévision)

314,3

Source : réponses du Gouvernement au questionnaire du Rapporteur général.

a.   Méthodologie de l’évolution des recettes fiscales d’un exercice au suivant

Les recettes fiscales sont évaluées à législation constante en fonction de la croissance du PIB, ce qui permet de déterminer leur « évolution spontanée ». Par la suite, cette évaluation est corrigée des mesures fiscales (nouvelles et antérieures) et des mesures de périmètre devant produire des effets durant l’année faisant l’objet du projet de loi de finances.

i.   L’évolution spontanée

L’évolution spontanée du rendement d’un impôt correspond à l’évolution de son rendement à législation constante. Elle est liée aux variations démographiques et économiques. Il s’agit donc de l’évolution du rendement de l’impôt qui aurait été constatée si aucune mesure législative l’affectant n’était intervenue au cours de l’année considérée.

Par exemple, si du fait de l’augmentation de la population et des revenus d’une année sur l’autre l’évolution spontanée d’un impôt est de 5 %, le rendement de celui-ci passera de 100 à 105 sans qu’un changement de législation ait été nécessaire.

Pour calculer cette évaluation, une hypothèse d’élasticité de chaque impôt à la croissance est déterminée.

La croissance spontanée des recettes est comparée à l’évolution du PIB en valeur plutôt qu’en volume. Selon les hypothèses du projet de loi finances, en 2022, la croissance en valeur est de 5,6 % (contre 2,7 % en volume) ; en 2023, elle est de 4,6 % (1,0 % en volume).

La notion d’élasticité

L’élasticité du rendement d’un impôt est égale au rapport entre le taux d’évolution spontanée et le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) en valeur. Lorsque le rendement d’un impôt évolue dans les mêmes proportions que le PIB en valeur, son élasticité est égale à l’unité.

Par exemple, si la croissance du PIB en valeur est de 1 % et que l’élasticité est de 1, alors l’évolution spontanée de l’impôt est de 1 %. En revanche, si l’élasticité est de 0,5, l’évolution spontanée est de + 0,5 % bien que le PIB ait crû en valeur de 1 %.

Si le rendement de la TVA est nécessairement lié à l’activité tant celle-ci s’appuie en partie sur la consommation, l’impôt sur le revenu est progressif et l’impôt sur les sociétés a pour assiette le bénéfice fiscal. Il s’ensuit que le rendement de ces impôts diminue ou progresse, en principe, proportionnellement davantage que l’évolution des revenus et de l’activité économique. La crise économique commencée en 2020 a cependant modifié ce type d’analyse : le produit de l’IR s’est maintenu entre 2020 et 2022, notamment du fait du choix des pouvoirs publics de garantir une très grande partie des revenus salariaux, ainsi que sous l’effet de l’inflation.

ii.   Les mesures législatives

Les mesures législatives sont des changements de législation qui entraînent des baisses ou des hausses du rendement des impôts. Il peut s’agir de mesures dites « antérieures » si elles ont été adoptées avant la loi de finances initiale mais qui produisent néanmoins des effets au cours de l’année afférente à cette loi de finances.

Il peut encore s’agir de mesures dites « nouvelles » si elles ont été adoptées lors de l’examen ou après l’examen de la loi de finances de l’année. Les mesures législatives ont pour effet de modifier la charge fiscale des contribuables.

L’examen du rendement des mesures législatives permet de mesurer l’impact des réformes fiscales décidées par le Parlement.

iii.   Les mesures de périmètre et de transfert

Les mesures dites de « périmètre » ou de « transfert » peuvent modifier la fraction du produit d’un impôt affecté à l’État lorsque la répartition de ce produit entre plusieurs administrations publiques est modifiée en cours d’année. Les mesures de périmètre ou de transfert ne modifient pas la charge fiscale des contribuables.

Par exemple, pour un impôt dont le rendement est de 100, si la fraction revenant à l’État passe de 90 % à 95 % (le solde revenant à une autre administration), ce dernier bénéficie d’un produit de 95 au lieu de 90, soit une hausse de 5. Inversement, l’autre administration subit une baisse de 5.

b.   Évolution générale de 2022 à 2023

Les recettes fiscales nettes s’établiraient en 2023 à 314,3 milliards d’euros, en baisse de 0,8 milliard d’euros par rapport à la prévision actualisée pour 2022.

L’évolution spontanée des recettes fiscales nettes serait très faible en 2023, de 0,1 % après 10,7 % en 2022. Les mesures nouvelles du présent projet de loi conduisent à minorer les recettes fiscales nettes en 2023 de 2 milliards d’euros, hors mesures de périmètre et de transferts. Il s’agit notamment de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

3.   Présentation par impôt

Les impôts les plus importants sur le plan budgétaire sont étudiés ci-après.

a.   La taxe sur la valeur ajoutée (TVA)

La TVA est un impôt d’État partagé avec la sécurité sociale. Elle joue à ce titre un rôle de variable d’ajustement dans les transferts financiers entre l’État et la sécurité sociale. Depuis 2018, les régions bénéficient également d’une fraction de la TVA ([61]).

Le partage des recettes de TVA entre les sous-secteurs d’administration publique s’est amplifié en 2021 avec l’affectation d’une fraction de TVA aux départements et aux établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), dans le cadre de la réforme de la fiscalité locale, et d’une nouvelle fraction de TVA aux régions dans le cadre de la baisse des impôts de production. Ce partage se poursuit sous l’effet de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), compensée par l’affectation d’une nouvelle fraction de TVA.

répartition du produit de la TVA depuis 2013

(en milliards d’euros)

Année

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Part État

136,3

138,3

141,8

144,4

152,4

156,7

129,0

113,8

95,5

102,1

97,4

Part Sécurité sociale

9,2

12,7

11,8

11,7

11,5

10,2

41,5

45,4

53,8

57,9

61,2

Part APUL

4,2

4,3

4,0

37,4

41,0

52,7

Total

145,5

151,0

153,6

156,1

163,9

171,1

174,8

163,2

186,7

204,6

215,0

En raison d’effets d’arrondis au dixième, l’arrondi de la somme peut ne pas correspondre à la somme des arrondis. Pour 2022 et 2023, le total intègre la compensation de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) pour des montants de 3,6 et 3,8 milliards d’euros.

Source : Conseil des prélèvements obligatoires, présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1 et réponses au questionnaire du Rapporteur général.

La TVA affectée à l’État a baissé de façon importante en 2020, en raison de la baisse de la consommation et de l’investissement du fait de la crise. Son produit a diminué une nouvelle fois de façon marquée en 2021, du fait d’importantes mesures de transfert aux collectivités territoriales dans le cadre de la réforme de la taxe d’habitation et de la baisse des impôts de production, avant de rebondir en 2022, porté par son évolution spontanée (+ 5,9 %).

En 2023, la part de TVA affectée à l’État est en baisse de 4,7 milliards d’euros. La dynamique des recettes (+ 5,0 % de croissance spontanée) est compensée par des transferts accrus aux ASSO et aux APUL, notamment du fait de la prise en compte de la suppression de la CVAE et de la contribution à l’audiovisuel public (CAP).

b.   L’impôt sur le revenu

L’impôt sur le revenu (IR) est affecté intégralement au budget général de l’État. Il a progressé de 27,3 milliards d’euros entre 2012 et 2022.

Rendement net de l’IR depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Rendement net

59,5

67,0

69,2

69,3

71,8

73,0

73,0

71,8

74,0

78,7

86,8

86,9

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

Les recettes d’IR nettes se sont maintenues en 2020 et 2021 malgré la forte contraction de l’activité en 2020. En 2022, les recettes d’IR progresseraient sous l’effet d’une forte évolution spontanée de l’impôt (+ 11,4 %). Par rapport à la loi de finances rectificative pour 2022, la révision à la hausse de la prévision (+ 1,5 milliard d’euros) s’explique par la moindre exécution observée sur les réductions d’impôts et le crédit d’impôt Services à la personne.

En 2023, le prélèvement à la source sera dynamique (+ 4,2 milliards d’euros) en raison de la croissance des traitements et salaires de l’année (+ 4,4 %). Cependant, le produit de l’IR sera réduit par les remboursements de prélèvement à la source 2022 (– 4,1 milliards d’euros), du fait de la revalorisation importante du barème dans le présent projet de loi.

c.   L’impôt sur les sociétés

L’IS est affecté intégralement au budget général de l’État.

Rendement net de l’IS depuis 2012

(en milliards d’euros)

Année

2012

2013

2014

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Rendement net

41,3

47,2

35,3

33,5

30,0

35,7

27,4

33,4

36,3

46,3

59,0

55,2

Source : lois de règlement et présent projet de loi de finances.

La prévision de rendement d’IS pour 2022 est en hausse de 19 milliards d’euros par rapport à la prévision en loi de finances initiale et de 2,2 milliards d’euros par rapport à la loi de finances rectificative promulguée en août. Les hypothèses d’évolution des bénéfices fiscaux 2021 et 2022 ont en effet été revus à la hausse.

En 2023, la baisse de 3,7 milliards d’euros par rapport à 2022 serait liée à la fin de l’effet de la forte hausse du bénéfice fiscal en 2021, laquelle avait contribué à dynamiser tant les acomptes que le solde d’IS versé en 2022. Le bénéfice fiscal est par ailleurs en baisse sur 2022 (– 3 %).

d.   La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE)

La TICPE est partagée entre l’État et divers affectataires, dont les collectivités territoriales. Ces affectations permettent essentiellement de compenser des transferts de compétence.

Décomposition des recettes de TICPE

(en milliards d’euros)

Année

2022

2023

TICPE brute totale

32,0

31,9

Transfert aux collectivités territoriales

– 11,2

– 11,3

Transfert à l’AFITF

– 1,2

– 1,9

Transfert à Ile-de-France Mobilités

– 0,1

– 0,1

Autres

0,5

0,2

TICPE État brute

20,2

18,8

Remboursements et dégrèvements

– 2,0

– 2,0

TICPE État nette

18,0

16,8

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome 1.

Les recettes de TICPE revenant au budget général de l’État ont beaucoup progressé avec la rebudgétisation du compte d’affectation spéciale Transition énergétique à partir de 2021. Le total des recettes de TICPE revenant à l’État est en légère baisse en 2023, du fait d’une évolution spontanée négative (– 1,4 %) et d’une augmentation des transferts à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF).

e.   Les autres recettes fiscales

Les autres recettes fiscales nettes sont calculées comme la somme de recettes brutes qui comprennent les droits de mutation à titre gratuit, l’impôt sur la fortune immobilière ou les taxes intérieures de consommation hors TICPE, nettes des remboursements et dégrèvements, qui regroupent les contentieux fiscaux, les admissions en non-valeur ou les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux.

En 2022, les autres recettes fiscales nettes atteignent, selon la prévision révisée, 49,3 milliards d’euros, en forte baisse par rapport à l’année précédente (56,9 milliards d’euros en exécution 2021).

En 2023, ces autres recettes fiscales nettes seraient en nette augmentation et s’établiraient à 58 milliards d’euros, principalement en raison de la réforme de la fiscalité locale : l’accroissement de recettes est dû à la rebudgétisation de la suppression progressive de la CVAE, en partie compensée par la prolongation du bouclier tarifaire sur l’électricité.

B.   Les recettes non fiscales du budget général

Les recettes non fiscales de l’État comprennent cinq grandes catégories : les dividendes et recettes assimilées, les produits du domaine de l’État, les produits de la vente de biens et de services, les remboursements et intérêts des prêts, avances et autres immobilisations financières, les amendes, sanctions, pénalités et frais de poursuite.

Les recettes non fiscales de l’État devraient atteindre 24,8 milliards d’euros en 2022. Il s’agit d’un montant en augmentation de 3,5 milliards d’euros par rapport à 2021. Hors financements européens du plan de relance, cette augmentation serait de 1,2 milliard d’euros.

En 2023, les recettes non fiscales augmenteraient de 6,1 milliards d’euros pour atteindre 30,8 milliards au total. Hors financements européens (+ 5,2 milliards d’euros) du plan de relance, cette augmentation serait de 1,1 milliard d’euros. Les autres évolutions tiennent en particulier à :

– un dynamisme des dividendes versés par les entreprises financières (+ 2,1 milliards d’euros) ;

– le contrecoup lié au versement de la Banque de France au titre du financement des retraites de ses agents (– 1,1 milliard d’euros, en miroir de + 1,1 milliard d’euros en 2022)

– la redevance sur l’énergie hydraulique (+ 0,7 milliard).

Des recettes non fiscales 2022 aux recettes non fiscales 2023

(en millions d’euros)

Recettes prévues pour 2022

25 007

Divers versements européens

+ 5 223

Hausse des dividendes versés par les entreprises financières

+ 2 140

Redevance sur l’énergie hydraulique

+ 700

Enchères carbone

+ 296

Contrecoup du versement de la Banque de France lié au fonds de retraite de ses agents

– 1 118

Contrecoup des recettes issues du dispositif des prêts garantis par l’État

– 509

Contrecoup de la CJIP signée en 2022

– 508

Contrecoup des amendes prononcées par la CNIL

– 178

Autres

– 220

Recettes prévues pour 2023

30 833

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I.

C.   Les prélèvements sur recettes

Les prélèvements sur recettes ont connu une forte augmentation depuis 2019, portée par la hausse du PSR au profit de l’Union européenne entre 2019 et 2022, en particulier en loi de finances pour 2021 (+ 27 % par rapport à la loi de finances pour 2020), du fait de l’entrée en vigueur du nouveau cadre financier pluriannuel (CFP) 2027-2027.

Évolution des prÉLÈvements sur recettes depuis 2019

(en milliards d’euros)

Bénéficiaire du prélèvement sur recettes

2019

2020

2021

2022 (actualisée)

2023

Union européenne

21,0

23,7

26,4

24,9

24,6

Collectivités territoriales

40,9

42,0

43,4

43,8

43,7

Total

61,9

65,7

69,7

68,8

68,3

Source : présent projet de loi de finances.

Le PSR en faveur de l’Union européenne a cependant connu une baisse importante en exécution 2022 par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. En 2023, il diminuerait encore de 0,3 milliard d’euros. Cette variation est due à une baisse conjoncturelle des besoins de paiement dans le cadre de la programmation budgétaire pluriannuelle de l’Union.

Évolution du PSR UE entre 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

2022

2023

Ressource TVA

3 619

3 794

Ressource plastique

1 306

1 295

Ressource RNB

20 017

19 494

Dont rabais forfaitaires

1 348

1 433

Total

24 942

24 586

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome I

Le PSR en faveur des collectivités diminuerait de façon limitée (– 0,1 milliard d’euros).

D.   les dépenses fiscales en 2023

Le tome II de l’annexe relative aux Évaluations des voies et moyens définit les dépenses fiscales comme « des dispositions législatives ou réglementaires dont la mise en œuvre entraîne pour l’État une perte de recettes et donc, pour les contribuables, un allégement de leur charge fiscale par rapport à ce qui serait résulté de l’application de la norme, c’est-à-dire des principes généraux du droit fiscal français ».

La notion de dépenses fiscales repose donc sur l’écart à la norme fiscale et englobe l’ensemble des réductions d’impôt (qui diminuent le montant de l’impôt dû) et des crédits d’impôt (qui entraînent, si le montant du crédit est supérieur à celui de l’impôt dû, une restitution en faveur du contribuable concerné).

Le présent projet de loi de finances prévoit des dépenses fiscales de 89,1 milliards d’euros.

Dépenses fiscales 2019-2022

(en milliards d’euros)

Année

2019

exécution

2020

exécution

2021

exécution

2022

prévision

2023

prévision

Montant des dépenses fiscales

99,9

92,7

89,6

94,2

89,1

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

Le coût total des dépenses fiscales baisserait ainsi de 5,2 milliards d’euros par rapport à 2021. Ce montant est calculé hors évolution du coût du régime de la taxation au tonnage, aucune prévision du coût de ce régime au titre de 2022 n’ayant pu être effectuée en projet de loi de finances pour 2022.

La loi de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022 dispose que « le rapport entre, d’une part, le montant annuel des dépenses fiscales et, d’autre part, la somme des recettes fiscales du budget général, nettes des remboursements et dégrèvements, et des dépenses fiscales ne peut excéder 28 % pour les années 2018 et 2019, 27 % pour l’année 2020, 26 % pour l’année 2021 et 25 % pour l’année 2022 ».

Les données annexées au présent projet de loi de finances permettent de confirmer que les plafonds de la LPFP sont respectés depuis 2018 et continueraient à l’être en 2022.

Le projet de loi de programmation pour les années 2023 à 2027 ne prévoit pas de dispositif similaire de plafonnement du taux de dépenses dans les recettes. Il introduit un plancher pour l’incidence budgétaire des nouvelles dépenses fiscales (article 6) ainsi qu’un bornage dans le temps (article 7).

Taux de dÉpenses fiscales dans les recettes nettes de l’État

(en % et en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

Montant des recettes fiscales nettes (en milliards d’euros)

256,0

295,7

315,1

314,3

Montant des dépenses fiscales (en milliards d’euros)

92,7

89,6

94,2

89,1

Total

348,7

385,3

409,3

403,4

Taux de dépenses fiscales plafond prévu par la LPFP (en %)

27

26

25

-

Taux de dépenses fiscales exécuté ou prévisionnel (en %)

26,6

23

23

22

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluation des voies et moyens, tome II.

Bien qu’il en soit dénombré 465 (dont 72 sont en cours d’extinction) dans le tome II de l’annexe Évaluations des voies et moyens annexé au présent projet de loi de finances, le coût des dépenses fiscales est en réalité concentré sur un faible nombre d’entre elles.

Les douze dépenses fiscales les plus coûteuses représentent à elles seules près de 50 % du montant total des dépenses fiscales. Le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), malgré sa suppression, continue d’avoir des effets du fait de créances passées, mais la disparition progressive des créances qu’il a engendrées tend à diminuer de façon significative le montant total des dépenses fiscales.

Les 14 dÉpenses fiscales les plus coÛteuses en 2023

(en millions d’euros)

Dépenses fiscales

Montant

Crédit d’impôt au titre de l’emploi d’un salarié à domicile

7 950

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

7 061

Taux de 10 % pour les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, autres que les travaux de rénovation énergétiques soumis au taux de 5,5 % en application de l’article 278-0 bis A, portant sur les logements achevés depuis plus de deux ans

4 540

Abattement de 10 % sur le montant des pensions (y compris les pensions alimentaires) et des retraites

4 420

Taux de 10 % pour la restauration commerciale (consommation sur place et vente à emporter en vue d’une consommation immédiate)

4 180

Détermination du résultat imposable des entreprises de transport maritime en fonction du tonnage de leurs navires

3 810

Niveau des taux en Guadeloupe, en Martinique et à La Réunion (8,5 % pour le taux normal et 2,1 % pour le taux réduit)

3 500

Exonération des sommes versées au titre de la participation, de l’intéressement, de l’abondement ou d’un partage de plus-value, aux plans d’épargne salariale et aux plans d’épargne retraite d’entreprise collectifs ou obligatoires

2 060

Taux de 5,5 % pour les travaux d’amélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation achevés depuis plus de deux ans ainsi que sur les travaux induits qui leur sont indissociablement liés

2 000

Exonération de l’impôt sur le revenu, sous certaines conditions et limites, des rémunérations versées à raison des heures supplémentaires et complémentaires réalisées à compter du 1er janvier 2019

1 867

Exonération des prestations familiales, de l’allocation aux adultes handicapés ou des pensions d’orphelin, de l’aide à la famille pour l’emploi d’une assistante maternelle agréée, de l’allocation de garde d’enfant à domicile, et, depuis le 1er janvier 2004, de la prestation d’accueil du jeune enfant

1 820

Réduction d’impôt au titre des dons

1 745

Total

44 959

Source : présent projet de loi de finances, annexe Évaluations des voies et moyens, tome II.

II.   Les dépenses de l’État

A.   Les dépenses de l’ÉTAT en baisse en valeur en 2023 par rapport à 2022

Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 propose une nouvelle mesure des dépenses de l’État, appelé périmètre des dépenses de l’État. Cette norme regroupe les crédits du budget général hors la charge de la dette et l’amortissement de la dette liée au covid‑19, les crédits des budgets annexes, les taxes affectées plafonnées, les crédits des comptes d’affectation spéciale à l’exclusion des CAS liés au désendettement et aux participations financières de l’État, les dépenses du compte de concours financiers Avance à l’audiovisuel public, les prélèvements sur recettes au profit des collectivités territoriales et de l’Union européenne ([62]).

Selon cette nouvelle norme, les dépenses de l’État s’élèveraient à 480 milliards d’euros en 2023. Une évaluation ex-post des dépenses de l’État sur la base de ce nouveau périmètre est proposé par le présent projet de loi, ainsi qu’un objectif de l’évolution de ce périmètre d’ici trois ans.

Évolution du périmètre des dépenses de l’État 2021-2027
(CP, en milliards d’euros)

Source : présent projet de loi

L’année 2023 est marquée par une disparition quasi-totale dans le budget des moyens mobilisés pour faire face à la crise sanitaire. La mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire ne dispose plus de crédits dans le projet de loi de finances pour 2023. Les moyens de la mission Plan de relance, dont le déploiement était prévu sur deux ans, ont été consommés en majorité en 2021. Aussi, les crédits ouverts étaient de 13 milliards d’euros en 2022, après 26,7 milliards d’euros pour 2021. En 2023, les crédits de paiement s’élèvent à 4,4 milliards d’euros.

Normes de dépenses de l’État entre 2022 et 2023

(en milliards d’euros)

 

LFR 2022

PLF 2023

Écart PLF 2023/LFR 2022

Crédits budgétaires

308,1

316,6

8,5

Taxes et recettes affectées

18,7

20,2

1,5

Budgets annexes et comptes spéciaux

68,3

70,7

1,5

Retraitement des flux internes à l’État

- 5,9

- 6

- 0,1

Prélèvement sur recettes au profit de l’UE

26,4

24,6

- 1,8

Prélèvement sur recettes au profit des collectivités territoriales

44,1

43;7

- 0,4

Investissements d’avenir/ France 2030

7

6,1

- 0,9

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

-3,3

0

-

Plan de relance

13

4 ,4

- 8,6

Abondement des participations financières de l’État (nouveau)

13,5

-

- 13,5

Évolution des dépenses de l’État

489,9

480,3

 8,6

Dépenses du CAS Pensions

62,9

64,4

1,5

Charge de la dette - y compris reprise de dette SNCF Réseau par l’État

52,43

50,8

4,9

Amortissement du surcroît de dette lié à la covid-19 (nouveau)

6,5

Source : présent projet de loi de finances, loi de finances rectificative pour 2022 et Rapport économique social et financier pour 2023.

B.   L’évolution des dépenses prioritaires de l’État

L’essentiel des dépenses de l’État reposant sur des crédits budgétaires, répartis par mission, le tableau suivant permet d’apprécier les évolutions dans le financement des politiques publiques depuis 2018.

Évolution des Crédits de paiement du budget général (hors contributionS directes de l’État au CAS Pensions et hors charge de la dette)

(en milliards d’euros)

 

 

2018

2019

2020

LFI
2021

LFI
2022

PLF 2023

Écart PLF 2023 / LFI 2022

Écart PLF 2023 / 2018

Action extérieure de l’État

2,7

2,6

2,8

2,8

2,9

3,1

0,2

0,4

Administration générale et territoriale de l’État

3,1

3,2

3,1

3,5

3,6

3,7

0,1

0,6

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

2,9

2,7

2,6

2,8

2,8

3,6

0,8

0,7

Aide publique au développement

2,9

3

3,4

3,9

5

5,9

0,9

3

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

2,4

2,3

2,2

2,1

2

1,9

-0,1

-0,5

Cohésion des territoires

17,6

17,3

17,3

15,9

17,1

17,8

0,7

0,2

Conseil et contrôle de l’État

0,5

0,5

0,5

0,6

0,6

0,7

0,1

0,2

Crédits non répartis

0

0

0

0,3

0,5

1,9

1,4

1,9

Culture

2,8

2,8

3

3

3,3

3,5

0,2

0,7

Défense

34,2

35,7

37,5

39,2

40,9

43,9

3

9,7

Direction de l’action du Gouvernement

0,6

0,6

0,7

0,8

0,9

0,9

0

0,3

Écologie, développement et mobilité durables

17,4

17,7

19,2

19,2

20,4

26,5

6,1

9,1

Économie

1,6

1,6

2,7

2,5

3,8

3,7

-0,1

2,1

Engagements financiers de l’État

0,6

0,3

0,4

2,8

3,8

2,8

-1

2,2

Enseignement scolaire

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

60,2

3,7

8,4

Gestion des finances publiques

7,5

7,4

7,4

7,5

7,4

8

0,6

0,5

Immigration, asile et intégration

1,5

1,8

1,8

1,8

1,9

2

0,1

0,5

Investissements d’avenir

1,1

1,1

2,1

4

7

6,1

-0,9

5

Justice

7

7,3

7,4

8,2

8,9

9,6

0,7

2,6

Médias, livre et industries culturelles

0,6

0,6

1,1

0,6

0,7

0,7

0

0,1

Outre-mer

2,3

2,2

2,2

2,4

2,4

2,4

0

0,1

Pouvoirs publics

1

1

1

1

1

1,1

0,1

0,1

Recherche et enseignement supérieur

27,1

27,3

28,2

28,2

29

30,6

1,6

3,5

Régimes sociaux et de retraite

6,4

6,2

6,2

6,2

6,1

6,1

0

-0,3

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

0

0

36,9

6

0,2

0

-0,2

0

Plan de relance

0

0

0

21,8

13

4,4

-8,6

4,4

 

2018

2019

2020

LFI
2021

LFI
2022

PLF 2023

Écart PLF 2023 / LFI 2022

Écart PLF 2023 / 2018

Relations avec les collectivités territoriales

3,6

3,5

3,6

3,9

4,3

4,4

0,1

0,8

Santé

1,2

1,2

1,1

1,3

1,3

3,4

2,1

2,2

Sécurités

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

15,8

1,1

3

Solidarité, insertion et égalité des chances

19,9

24,7

28,5

26,1

27,5

29 ,8

2,3

9,9

Sport, jeunesse et vie associative

1

1,1

1,2

1,3

1,6

1,8

0,2

0,8

Transformation et fonction publiques

0,2

0,3

0,3

0,7

0,8

1,1

0,3

0,9

Travail et emploi

13,9

12,7

12,9

13,4

14,4

20,7

6,3

6,8

Total

248,2

254,5

304,5

302,6

306,3

328,1

21,8

79,9

Évolution

+5,5

+ 6,3

+ 50,0

– 1,9

+ 3,7

+ 21,8

-

-

Total (hors missions Plan d’urgence face à la crise sanitaire et Plan de relance)

248,2

254,5

267,6

274,8

293,1

323,7

30,6

75,5

Source : Commission des finances d’après le dossier de presse du projet de loi de finances

1.   L’évolution des dépenses du budget général depuis 2018

Les dépenses du budget général continuent de progresser en 2023 pour financer les priorités du Gouvernement dans un mouvement cohérent avec le quinquennat précédent mais également pour mettre en œuvre de nouvelles priorités liées à la transition écologique, au renforcement des moyens du ministère de l’intérieur et pour soutenir le pouvoir d’achat. Entre la loi de finances initiale pour 2022 et le projet de loi de finances pour 2023, l’augmentation totale des crédits seraient de 37,7 milliards d’euros et de 20,8 milliards d’euros si l’on exclut les dépenses liées à la charge de la dette et à l’amortissement de la dette liée au covid‑19 ([63]).

La hausse des dépenses du budget général entre 2018 et 2023 s’élève à 75,5 milliards d’euros hors plan d’urgence face à la crise sanitaire et plan de relance ([64]).

L’augmentation des crédits budgétaires est néanmoins concentrée sur certaines missions.

Les 9 missions budgétaires dont les crÉdits ont le plus augmenté depuis 2018 (hors contribution au CAS pensions et hors charge de la dette)

(en milliards d’euros)

 

2018

2019

2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

Écart PLF 2023 / LFI 2022

Écart PLF 2023 / 2018

Solidarité, insertion et égalité des chances

19,9

24,7

28,5

26,1

26,1

29,8

3,7

9,9

Défense

34,2

35,7

37,5

39,2

40,9

43,9

3

9,7

Enseignement scolaire

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

60,2

3,7

8,4

Investissements d’avenir/ France 2030*

1,1

1,1

2,1

4

7

6,1

-0,9

5

Écologie, développement et mobilité durables

17,4

17,7

19,2

19,2

20,8

26,5

5,7

9,1

Recherche et enseignement supérieur

27,1

27,3

28,2

28,2

29

30,6

1,6

3,5

Justice

7

7,3

7,4

8,2

8,8

9,6

0,8

2,6

Aide publique au développement

2,9

3

3,4

3,9

5,1

5,9

0,8

3

Sécurités

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

15,8

1,1

3

Total

174,2

182,6

193,5

197,6

208,9

228,4

19,5

54,2

Source : commission des finances d’après dossier de presse du présent projet de loi de finances.

2.   La forte hausse des dépenses liées aux mesures de modération des prix de l’énergie

Le coût des boucliers sur le gaz et l’électricité est estimé à 44,9 milliards d’euros en 2023. Ce coût se décompose en 9,4 milliards d’euros correspondant au manque à gagner du fait de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, en 11,1 milliards d’euros devant être compensés aux fournisseurs de gaz et 24,4 milliards aux fournisseurs d’électricité. Ces boucliers tarifaires sur le gaz et l’électricité sont prolongés en 2023. La hausse des prix du gaz sera limitée à 15 % à partir de janvier 2023. En ce qui concerne la hausse des prix de l’électricité, elle sera limitée à 15 % à partir du mois de février. Le contexte de hausse des prix de marché entraîne, par ailleurs, des reversements au budget de l’État au titre des contrats avec les producteurs d’énergies renouvelables pour les exercices 2021, 2022 et 2023. (cf. supra).

Ces reversements apparaissent dans le projet de loi de finances pour 2023 au programme 345 Service public de l’énergie de la mission Écologie, développement et mobilité durables. Ce programme porte le financement des boucliers tarifaires et du soutien aux énergies renouvelables via la compensation par l’État des charges de service public de l’énergie (CSPE). Y sont inscrits pour 2023 12 milliards d’euros de crédits. La prévision reste toutefois soumise à une incertitude importante au regard de la très forte volatilité des prix de marché.

Suivi des charges de service public de l’énergie en comptabilité budgétaire et nationale (programme 345)

(en milliards d’euros)

 

 

2021

2022

2023

Comptabilité nationale

Dépenses pour charges de service public de l’énergie *

6,1

- 9,6

- 19,2

Bouclier gaz

0,4

8,1

11,1

Bouclier électricité (hors ARENH et hors TICFE)

0,0

2,8

24,4

Stockage gaz

 

1,4

-1,3

Total en comptabilité nationale

6,5

2,7

15,1

Comptabilité budgétaire

Total programme 345

9,1

9,1**

12,0

* un signe négatif signifie une recette pour l’État.

** Le vote en loi de finances pour 2022 avait porté les crédits de la mission à 8,9 milliards d’euros.

Source : Données communiquées par le Gouvernement au rapporteur général.

Les charges prévisionnelles pour le service public de l’énergie estimées par la Commission de régulation de l’énergie dans sa délibération du 13 juillet 2022 et ajustées notamment pour tenir compte de l’évolution des prix intervenues jusqu’en août 2022 deviennent négatives pour l’ensemble de l’action 9 Soutien aux énergies renouvelables du programme 345 que ce soit au titre des charges prévisionnelles 2023 ou au titre de la régularisation prévisionnelle des charges au titre de 2022. Ce reversement explique la minoration du coût budgétaire du bouclier tarifaire en 2022 et 2023.

3.   La hausse des autres crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables

La mission Écologie, développement et mobilité durables voit ses crédits augmenter de 6,1 milliards d’euros en 2023 pour atteindre 26,5 milliards d’euros.

La hausse sur les cinq dernières années serait de 9 milliards d’euros sur le budget de la mission. Cette mission porte de nombreuses politiques publiques en faveur du développement durable, de la biodiversité, de la prévention des risques, des transports et de la transition énergétique.

Le programme 174 de la mission est le support de plusieurs dispositifs importants pour aider les ménages dans le cadre de la transition énergétique. Il finance plus particulièrement les dispositifs d’aides aux ménages que sont :

– la prime à la conversion, le bonus écologique et le nouveau dispositif de leasing social qui ont pour but d’accélérer l’évolution vers un parc automobile moins émetteur de gaz à effet de serre et de polluants. Les crédits de paiement prévus dans le présent projet de loi s’élèvent à 1,295 milliard d’euros ;

– la prime de transition énergétique, dite « MaPrimeRenov’ », distribuée par l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). En 2023, les crédits consacrés au financement de cette prime sur le programme 174 s’élèveront à 2,45 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 2,30 milliards d’euros en crédits de paiement ;

– Le chèque énergie pour financer les dépenses d’énergie des logements. Les crédits prévus en 2023 comprennent 862 millions d’euros en autorisations d’engagement et 758,6 millions d’euros en crédits de paiement.

Le budget pour 2023 fait apparaître le nouveau « Fonds vert », appelé fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, doté de 1,5 milliard d’euros d’autorisations d’engagements en 2023. Ces nouveaux moyens viendront financer des projets des collectivités territoriales. Ce fonds pourra financer différents aspects de la transition écologique, comme la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, le traitement des friches ou l’accompagnement en ingénierie des collectivités.

La mission finance le renouvellement des transports publics, et en particulier dans le secteur ferroviaire, afin de poursuivre la transition vers une mobilité propre. Cet engagement passe notamment par un relèvement à 2,7 milliards d’euros du montant des taxes affectées au financement de l’Agence de financement des infrastructures (AFIT France).

4.   Le renforcement du pôle régalien

● En 2023, la mission Défense bénéficie d’un accroissement de ses crédits de 3,5 milliards d’euros (+ 7 %) en intégrant la contribution au CAS Pensions, en cohérence avec les prévisions de la loi de programmation militaire pour les années 2019 à 2025 (LPM 2019-2025) ([65]).

Les crédits supplémentaires contribuent en priorité au maintien en condition opérationnelle, à la poursuite du renouvellement des équipements, aux opérations de cyber sécurité, au soutien des soldats et de leurs familles et à la modernisation des composantes de la dissuasion nucléaire.

Les effectifs du ministère des armées seront renforcés de 1 547 équivalents temps plein (ETP) par rapport à 2022, dont 1 500 dans le cadre de la loi de programmation. Par ailleurs, la mise en œuvre de l’amélioration de la politique de rémunération des militaires se poursuit.

● Sur la période 2018-2022, les crédits de la mission Justice auront augmenté au‑delà de la programmation de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice (LPJ) ([66]).

En 2022, le schéma d’emplois serait de 720 équivalents temps plein supplémentaires permettant de dépasser sur 2018-2022 les objectifs de recrutements fixés par la LPJ. En cinq ans, 6 861 emplois auront été créés contre 6 500 prévus par la loi de programmation.

Les crédits de la mission Justice augmentent à nouveau en 2023 de 710 millions d’euros (hors contribution au CAS Pensions) en crédits de paiement. Les crédits croîtraient de 2,6 milliards d’euros entre 2018 et 2023.

Cette augmentation permet notamment d’augmenter les moyens de fonctionnement des juridictions, de poursuivre l’effort de création de nouvelles places de prison et de financer le plan de transformation numérique du ministère dans la lignée du budget 2022, mais également de mettre en œuvre l’objectif de renforcement des effectifs.

Les dépenses de personnel progressent en 2023 de 10 %, soit une augmentation de 0,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2022, du fait notamment d’un schéma d’emplois de 2 253 ETP supplémentaires et de la revalorisation des rémunérations des magistrats judiciaires.

Sur la période 2023 – 2025 qui n’est pas couverte par une loi de programmation, le Gouvernement établit les ressources ainsi :

Crédits budgétaires et taxes affectées à la mission Justice d’ici à 2025

(en milliards d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

2024

2025

Crédits du budget général (hors contributions au CAS Pensions)

8,86

9,57

10,08

10,68

Taxes affectées

0,03

0,03

0,03

0,03

Source : dossier de presse du projet de loi de finances pour 2023

Cet objectif d’évolution des crédits inclut une augmentation des schémas d’emploi de 10 000 ETP au total, dont 605 par anticipation en 2022. Parmi ces 10 000 ETP supplémentaires, 1 220 devraient être créés dans les services judiciaires permettant le recrutement de magistrats et greffiers en particulier, et 809 créés pour le service pénitentiaire.

● Les crédits demandés pour la mission Sécurités sont accrus de 1,1 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2022, pour atteindre 15,1 milliards d’euros pour l’année 2023. Suite au « Beauvau » de la sécurité mis en œuvre en 2022, l’année 2023 devrait être marquée par la création de onze unités de forces mobiles et de nouvelles brigades de gendarmerie et par le renforcement des effectifs pour la sécurisation des grands évènements sportifs. L’augmentation du budget permettra aussi de poursuivre les efforts d’investissement dans l’immobilier et pour améliorer la sécurité numérique.

Le dynamisme du schéma d’emplois de la mission permet la création de 2 874 emplois supplémentaires en 2023.

Les crédits de la mission sont consolidés grâce à 3 milliards d’euros supplémentaires entre 2018 et 2023.

Évolution des crédits de la mission SÉcuritÉs
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2018

2019

2020

LFI 2021

LFI 20222

PLF 2023

2018-2023

Crédits de paiement

12,8

13,3

13,8

13,9

14,7

15,8

+ 3

Schéma d’emploi (ETP)

+ 1 750

+ 2 362

+ 1 914

+ 1 470

+ 946

+ 2 874

+ 11 136

ETP : équivalent temps plein travaillé

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; lois de finances initiale pour 2021 et 2022, présent projet de loi de finances.

Sur la période de programmation budgétaire à venir, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur prévoit une augmentation des crédits jusqu’à 16,8 milliards d’euros et un total de 8 500 ETP supplémentaires.

● Enfin, les crédits de la mission Aide publique au développement atteindraient 5,9 milliards d’euros en 2023, en hausse de 900 millions d’euros par rapport à 2022 et de 3 milliards d’euros par rapport à 2018 ([67]).

Ces crédits, complétés des taxes dont le produit est affecté en partie à l’aide publique au développement (taxe sur les transactions financières et taxe de solidarité sur les billets d’avion), représentent environ un tiers de l’effort de la France comptabilisé en aide publique au développement, selon la définition de l’OCDE

La hausse des crédits de la mission depuis 2017 permet de tenir l’engagement du Président de la République de consacrer 0,55 % du revenu national brut à l’APD. La nouvelle hausse prévue en 2023 s’inscrit dans le cadre de la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021 ([68]).

Crédits budgétaires et taxes affectées à la mission
Aide publique au dÉveloppement d’ici à 2025

(en milliards d’euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

2024

2025

Crédits du budget général (hors contributions au CAS Pensions)

5,09

5,91

6,25

6,99

Taxes affectées

0,74

0,74

0,74

0,74

Source : dossier de presse du projet de loi de finances pour 2023

5.   La poursuite de l’augmentation des crédits en faveur de l’éducation et de la jeunesse

● Les crédits de la mission Enseignement scolaire croîtraient de 3,7 milliards d’euros (hors CAS pensions) en 2023 pour s’établir à 60,3 milliards d’euros. Il s’agit de la mission dont le montant des crédits est la plus élevée, notamment grâce une augmentation de 8,4 milliards depuis 2018.

Évolution des crédits de la mission Enseignement scolaire
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2018

2019

2020

LFI 2021

LFI 2022

PLF 2023

2018-2023

Crédits de paiement

51,8

52,5

53,4

54,9

56,5

60,2

+ 8,4

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; loi de finances initiale pour 2021 et 2022, présent projet de loi de finances.

L’accroissement du budget prévu pour 2023 résulte en particulier de l’intégration de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique dans les dépenses de personnel du ministère (pour 1,7 milliard d’euros). 935 millions d’euros supplémentaires sont prévus pour financer une augmentation du salaire des enseignants afin d’aboutir à une augmentation de 10 % en moyenne de la rémunération des professeurs débutants.

Le ministère devrait pouvoir créer 4 000 postes d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Le schéma d’emploi concernant le personnel enseignant et administratif va lui diminuer de 1 985 ETP en 2023 après une stabilisation en 2022. Cette diminution s’explique par une diminution tendancielle du nombre d’élèves d’ici à 2027 qui se perçoit d’abord dans le premier degré. À la rentrée 2022, les effectifs des écoles publiques et privées (France métropolitaine et DROM) diminueraient de 76 600 élèves. En 2023, cette baisse devrait être plus marquée, avec 91 200 élèves en moins. Les effectifs d’élèves continueraient à diminuer au-delà de la rentrée 2024 mais moins fortement ([69]).

Une enveloppe de 300 millions est consacrée au Fonds d’innovation pédagogique (FIP) d’ici 2025.

● Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur augmentent de 1,6 milliard d’euros en 2023 pour atteindre un budget total de 30,6 milliards d’euros.

L’exercice 2023 est le troisième de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 (LPR) ([70]). L’augmentation des crédits en 2023 permettra un renforcement des moyens consacrés aux formations supérieures et aux laboratoires de recherche, le financement des mesures sociales en faveur des étudiants et la prise en compte de l’effet de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique pour les opérateurs.

Les moyens en faveur de l’amélioration des conditions de vie étudiante progressent également (+ 50 millions d’euros) avec le maintien du ticket universitaire à 1 euro pour les étudiants boursiers et la revalorisation de 4 % des bourses sur critères sociaux entrée en vigueur le 1er juillet 2022.

Les effectifs sont également en augmentation, particulièrement chez les opérateurs rattachés à la mission.

Depuis 2018, la mission aura connu une hausse de ses crédits de près de 3,5 milliards d’euros.

Évolution des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur
(hors contributions au CAS Pensions)

(en milliards d’euros courants)

 

2018

2019

2020

LFI 2021

PLF 2022

PLF 2023

2018-2023

Crédits de paiement

27,1

27,3

28,2

28,2

29,0

30,6

+ 3,5

Source : Lois de règlement pour les années 2017 à 2020 ; lois de finances initiale pour 2021 et pour 2022, présent projet de loi de finances.

● Les crédits de paiement de la mission Investissements pour la France de 2030 devraient atteindre 6,1 milliards d’euros en 2023 après un total de 7 milliards d’euros en 2022.

Dotée initialement de 11 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 3,5 milliards d’euros en crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2022, la mission appelée initialement « Investissements d’avenir » a vu son nom, son architecture et ses moyens modifiés par amendement.

Le Gouvernement a en effet porté par amendement le budget total de la mission à 34 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 7 milliards d’euros en crédits de paiement pour mettre en œuvre le plan « France 2030 » à partir de 2022.

La poursuite du 4ème plan des investissements d’avenir (PIA4) et le déploiement de France 2030 permettent à la France de poursuivre son investissement dans la recherche fondamentale et les technologies d’avenir mais également dans la l’application de ses résultats.

6.   Le dynamisme de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances

Cette mission voit à nouveau ses moyens augmenter, dans la continuité des années précédentes avec un budget en hausse de 2,3 milliards d’euros en 2023 par rapport à 2022 pour atteindre un total de 29,8 milliards d’euros.

La mission Solidarité, insertion et égalité des chances avait connu une augmentation de 7,8 milliards d’euros des crédits alloués entre 2017 et 2022.

En 2023, l’augmentation s’explique par les mesures de revalorisation de 4 % du montant de certaines prestations sociales supportées par les crédits de la mission : l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la prime d’activité et le RSA lorsque son financement n’est plus décentralisé. Ces trois prestations mobilisent 80 % des moyens de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ([71]). Ces revalorisations correspondent en 2023 à un coût de 1,6 milliard d’euros.

D’autres mesures sont prévues en 2023, notamment la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), au plus tard au 1er octobre 2023 (+ 93 millions d’euros en 2023, puis + 560 millions d’euros les années suivantes) ([72]).

7.   Un renforcement des moyens de la mission Travail et emploi

Le présent projet de loi prolonge l’effort financier en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle, avec un budget en hausse de 6,7 milliards d’euros par rapport à la loi de finances pour 2022.

Sur ces 6,7 milliards d’euros supplémentaires, 3,5 milliards seront dédiés au financement de l’apprentissage. Ce soutien prend également la forme de compensations d’exonération de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage (+ 0,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finances pour 2022) et d’un soutien de 2 milliards d’euros à France compétences, via une nouvelle subvention et la rebudgétisation de la moitié du financement des pactes régionaux du Plan d’investissements dans les compétences (PIC) en 2023 ([73]).

Enfin, il est créé, au sein de la mission Santé, un nouveau programme visant notamment à porter, à compter de 2023, les dépenses liées au reversement à la sécurité sociale des recettes perçues par la France au titre de l’instrument européen dit de Facilité pour la Reprise et la Résilience (FRR), pour ce qui concerne le volet « Ségur Investissement » du Plan National de Relance et de Résilience (PNRR). La création de ce programme contribue à rehausser les crédits de la mission « Santé » de 1,9 milliard d’euros en 2023.

III.   L’Évolution des effectifs et de la masse salariale de l’État et de ses oPÉrateurs

A.   L’Évolution de la masse salariale de l’État

En 2022, les dépenses de personnel du budget général de l’État, incluant les opérateurs, s’élèveraient à 137,6 milliards d’euros.

La masse salariale augmenterait ainsi de 2,3 milliards d’euros (+ 1,7 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

En 2023, les dépenses de personnel, dites de titre 2, prévues sur l’ensemble des missions du budget de l’État s’élèvent à 145,9 milliards d’euros incluant la contribution au CAS Pensions de chacune des missions afférentes aux rémunérations.

L’évolution des rémunérations est marquée en 2023 par la revalorisation du point d’indice décidée en juin 2022.

Pour les années 2018 à 2022, le Gouvernement a gelé la valeur du point d’indice de la fonction publique. Selon la Cour des comptes, une augmentation de 1 % de la valeur du point d’indice correspond à un surcoût annuel de 2,1 milliards d’euros pour l’ensemble des administrations publiques, dont 880 millions pour l’État et ses opérateurs([74]). Ces gels successifs sont intervenus après deux augmentations réalisées le 1er juillet 2016 (+ 0,6 %) et le 1er février 2017 (+ 0,6 %) ([75]), qui rompaient avec une période prolongée de gel du point d’indice depuis 2010.

Face à l’accélération de l’inflation, la politique de gel du point d’indice a pris fin avec la hausse de 3,5 % de la valeur du point d’indice qui a pris effet à partir du 1er juillet 2022.

La hausse de la valeur du point pour l’ensemble de la fonction publique entraîne une hausse importante des dépenses de personnel en 2022 sur une demi année et sur toute l’année en 2023. Pour les seuls emplois rémunérés sur le budget général, cela représente un coût en année plein de 4,4 milliards d’euros (en incluant la hausse des cotisations pour les pensions des agents).

Coût en budgétaire d’une revalorisation du point d’indice de 3,5 %
au 1er juillet 2022

(en milliards d’euros)

Coût

2022

2023

FP État

2,2*

4,4*

FP Territoriale

1,05

2,1

FP Hospitalière

1,1

2,3

Total

4,4

8,8

* Y compris 0,7Md€ de transfert au CAS Pensions en 2022 et 1,4 Md€ en 2023, sans impact sur le solde public.

Source : Direction du budget

Coût de la revalorisation du point d’indice en année pleine
par mission du budget général

(en millions d’euros)

Mission

Impact hors CAS Pensions

Dépenses vers le CAS Pensions

Action extérieure de l’État

13,5

8,0

Administration générale et territoriale de l’État

47,7

24,7

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

16,1

8,0

Aide publique au développement

1,1

0,5

Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation

0,0

0,0

Cohésion des territoires

0,4

0,2

Conseil et contrôle de l’État

11,2

5,4

Culture

13,3

6,6

Défense

364,0

320,1

Direction de l’action du Gouvernement

7,4

1,7

Écologie, développement et mobilité durables

60,3

33,5

Économie

16,1

7,7

Enseignement scolaire

1 602,0

741,9

Gestion des finances publiques

165,2

88,3

Justice

115,5

64,1

Outre-mer

7,4

6,9

Recherche et enseignement supérieur

13,0

6,7

Sécurités

321,6

238,8

Solidarité, insertion et égalité des chances

7,5

3,3

Sport, jeunesse et vie associative

2,3

1,3

Transformation et fonction publiques

0,7

0,3

Travail et emploi

10,8

5,5

Total général hors opérateurs

2 797,1

1 573,5

Opérateurs (estimation)

587,9

258,6

Total champ entier

3 385,0

1 832,1

Source : informations transmises par le Gouvernement au rapporteur général

B.   L’évolution des effEctifs des ministÈres

1.   Un objectif de réduction des emplois sur la période 2017-2022 progressivement abandonné

Le Gouvernement avait fixé au début du quinquennat précédent un objectif de réduction nette de 50 000 emplois sur le champ de l’État et de ses opérateurs sur le quinquennat. Cette prévision avait été traduite législativement à l’article 10 de la LPFP 2018‑2022 qui disposait que le nombre d’emplois en 2022 exprimé en équivalents temps plein travaillé (ETPT) devait être au moins inférieur de 50 000 au nombre d’ETPT ([76]) en 2018. Le Gouvernement a ensuite prévu à partir de 2020 une diminution nette de 10 500 ETP sur la même période 2018-2022.

Depuis la présentation du projet de loi de finances pour 2021, le Gouvernement ne présente plus d’objectif chiffré d’évolution des plafonds d’emploi de l’État.

Pour 2022, la poursuite de la transformation et de la modernisation a conduit à une baisse maîtrisée des effectifs de l’État en termes d’équivalent temps plein. Le solde global des créations et des suppressions d’emplois s’élève en effet à – 509 ETP. Ce solde se décompose en + 767 ETP au sein de l’État et – 1 276 ETP au sein des opérateurs.

En termes d’effectif, c’est-à-dire d’équivalent temps plein, sur le quinquennat précédent, le nombre d’emplois de l’État et des opérateurs est maintenu à un niveau quasi stable (- 4 916 ETP, soit – 0,2 % des effectifs présents en 2017) ([77]).

En termes d’équivalents temps plein travaillés, les effectifs de l’État ont augmenté de 27 287 ETPT de 2017 à 2022, en premier lieu pour les ministères (+26 437 ETPT) et dans une moindre mesure par les opérateurs (+ 850 ETPT). Cette augmentation masque des disparités importantes entre ministères et traduit le choix de renforcer l’action de l’État dans le champ régalien (armée, intérieur, justice) ainsi que dans l’enseignement primaire.

2.   L’année 2023 est marquée par une hausse des plafonds et des schémas d’emplois

Le plafond des autorisations d’emploi sur les missions du budget général de l’État, proposé dans le projet de loi de finances pour 2023, s’élève à 1 946 886 équivalents temps plein travaillés. Pour les opérateurs de l’État le plafond s’élève à 406 mille 932 ETPT.

Pour 2023, les créations nettes d’emplois au sein de l’État et de ses opérateurs s’élèvent à 10 764 ETP.

En ce qui concerne les services de l’État (+ 8 960 ETP), elles portent principalement sur le renforcement des moyens humains des fonctions régaliennes (+3 069 ETP pour le ministère de l’intérieur, +2 253 ETP pour la justice et +1 547 ETP pour les armées) et de l’éducation nationale et de la jeunesse (+2 000 ETP).

S’agissant des opérateurs de l’État, les effectifs augmentent de 1 804 ETP en 2023, principalement + 979 ETP au profit des opérateurs rattachés au ministère du travail et notamment de Pôle emploi, et + 755 ETP au profit des opérateurs rattachés au ministère de l’enseignement supérieur dans le cadre du déploiement de la loi de programmation pour la recherche.

Le plafond d’autorisation d’emplois 2023 est également ajusté pour tenir compte des effectifs du service national universel et des volontaires du service militaire adapté.

PLafond des AUTORISATIONS POUR LES ANNÉES 2018 à 2023

Ministère

Consommation des emplois 2018

Consommation des emplois 2019

Consommation des emplois 2020

Plafond prévu en LFI 2021

Plafond prévu en PLF 2022

Plafond prévu en PLF 2023

Agriculture et alimentation

30 327

30 150

29 883

29 565

29 805

29 893

Armées

268 195

268 996

269 758

272 224

273 572

272 570

Cohésion des territoires

300

271

17

291

291

(Intégrés à Transition écologique)

Culture

10 922

10 633

9 388

9 578

9 528

9 109

Économie et finances

136 235

133 923

131 139

130 539

129 199

126 295

Éducation nationale

1 004 436

1 012 500

1 010 178

1 024 350

1 025 248

1 038 536

Enseignement supérieur, recherche et innovation

7 317

7 040

6 754

6 794

5 332

5 179

Europe et affaires étrangères

13 437

13 598

13 525

13 563

13 606

13 634

Intérieur

281 824

284 523

285 776

293 170

296 610

302 138

Justice

83 552

85 341

86 917

89 882

90 970

92 061

Outre-mer

5 474

5 437

5 191

5 618

5 719

(Intégrés à Intérieur)

Services du Premier ministre

11 135

9 380

9 235

9 612

9 831

9 947

Solidarités et santé

9 858

9 467

7 646

4 819

4 986

4 930

Sport et jeux Olympiques et paralympiques

-

-

-

-

-

1 442

Transformation et fonction publique

-

-

-

-

-

470

Transition écologique et solidaire

40 250

39 287

38 351

36 212

35 865

35 910

Travail

8 977

8 769

8 643

7 804

8 058

7 773

Total budget général

1 912 239

1 919 315

1 912 401

1 934 021

1 938 620

1 949 887

Publications officielles et informations administratives

579

527

495

564

564

523

Soutien aux prestations de l’aviation civile

10 431

10 440

10 421

10544

10502

10 421

Total budgets annexes

11 010

10 967

10 916

11 108

11 066

10 944

Total général

1 923 249

1 930 282

1 923 317

1 945 129

1 949 686

1 960 831

Source :  projets de loi de règlement de 2018 à 2020, LFI 2021 et 2022 et présent projet de loi de finances.

L’objectif d’exécution des schémas d’emplois de 2023 à 2027 pour l’État et ses opérateurs, tel que prévu par l’article 10 du PLPFP 2023-2027, est la stabilité globale des emplois exprimés en équivalents temps plein.

 


—  1  —

Audition DU ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique
et DU ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics

Lors de sa réunion du 26 septembre 2022, la commission a entendu M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics.

M. le président Éric Coquerel. Nous auditionnons Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et Gabriel Attal, ministre délégué, chargé des comptes publics, au sujet du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027, adoptés ce matin en Conseil des ministres. Même si nous avons déjà examiné un projet de loi de finances rectificative (PLFR), il s’agit du premier budget initial de ce quinquennat.

Nous entamons ainsi l’examen des textes budgétaires de l’automne, selon une séquence un peu exceptionnelle, puisque c’est la première fois depuis 2017 que le Gouvernement se livre à un exercice de programmation pluriannuelle. C’est aussi cet automne que nous inaugurons la plupart des innovations introduites par la réforme de la loi relative aux lois de finances (LOLF), promulguée le 28 décembre 2021.

Parmi ces innovations, on peut citer : dans l’article liminaire, la présentation des prévisions de dépenses en volume et en valeur, pour l’ensemble des administrations publiques et par sous-secteurs ; en première partie, l’introduction d’un article recensant la liste exhaustive des taxes affectées et leur éventuel plafond d’affectation, la présence de l’ensemble des mesures fiscales, quelle que soit l’année de leur effet sur le budget de l’État ainsi que la présentation des ressources et des dépenses en distinguant fonctionnement et investissement, dans l’article d’équilibre ; en seconde partie, deux nouveaux états annexés, l’un récapitulant l’ensemble des moyens par mission du budget général, l’autre énumérant l’intégralité des objectifs et indicateurs de performance des missions. Enfin, même si cela peut sembler plus anecdotique, les documents budgétaires sont désormais intégralement dématérialisés.

S’agissant du calendrier d’examen des textes que les ministres vont nous présenter, nous débuterons en commission par l’examen du projet de loi de programmation et de la première partie du PLF, dès mardi prochain, 4 octobre, puis le mercredi et le jeudi. Le délai de dépôt des amendements est fixé au vendredi qui précède, à 17 heures, ce qui laissera un peu plus de quatre jours.

En séance publique, après une discussion générale commune au projet de loi de programmation des finances publiques et au projet de loi de finances, nous commencerons par l’examen des articles du projet de loi de programmation, dès le lundi 10 octobre, puis nous poursuivrons avec l’examen de la première partie du PLF. Cette dernière discussion devrait s’achever le mercredi 19 octobre, avec le débat sur le prélèvement au profit de l’Union européenne, le vote solennel sur l’ensemble de la première partie devant avoir lieu le mardi suivant, après les questions au Gouvernement, en même temps que le vote solennel sur le projet de loi de programmation des finances publiques.

J’utilise le conditionnel pour le calendrier de la séance publique, à l’inverse du calendrier de la commission, car cela dépendra du tour que prendront les discussions et de ce que le Gouvernement pourrait décider de faire. La seule certitude que nous pouvons avoir, d’un point de vue procédural, c’est qu’il faut que la première partie du PLF soit adoptée avant que nous passions à l’examen de la seconde partie.

En commission, l’examen de cette seconde partie commencera le mercredi 19 octobre. Jusqu’au mercredi suivant, la commission se saisira successivement de toutes les missions, qui seront inscrites à l’ordre du jour de la séance publique à compter du jeudi 27 octobre et jusqu’au jeudi 10 novembre.

Il faudra également examiner en commission les articles non rattachés, le mercredi 2 novembre, en vue d’un passage en séance publique le lundi 14 novembre.

Le vote solennel sur l’ensemble du projet de loi de finances pour 2023 interviendrait, sous réserve de la tournure des débats, le mardi 15 novembre.

M. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Je suis très heureux de vous retrouver, avec Gabriel Attal, pour vous présenter le premier budget de ce nouveau quinquennat et le sixième consécutif pour notre majorité et votre serviteur. Ce n’est pas un budget de rigueur, ni de facilité, mais un budget responsable et protecteur, dans des temps de grande incertitude, et un budget qui veut atteindre un juste équilibre entre la protection nécessaire de nos compatriotes et le rétablissement indispensable des finances publiques. Par ailleurs, c’est un budget qui tient la ligne économique qui a toujours été la nôtre depuis 2017 : le travail, sa juste rémunération, la croissance et l’investissement.

Ce budget, je l’ai dit, a été défini dans une période de très fortes incertitudes économiques. Je n’en citerai que quelques-unes : la poursuite de la guerre en Ukraine, dont l’issue est incertaine et qui a un impact majeur sur les prix de l’énergie, les difficultés économiques de beaucoup de partenaires, comme les États-Unis, la Chine, du fait de sa stratégie contre le covid, et l’Allemagne, mais je pense aussi aux mouvements politiques en Europe et à leur incidence éventuelle sur la zone euro.

Dans ce contexte, je tiens à rappeler la résistance de l’économie française. Il a été dit que l’objectif de 2,3 % de croissance en 2022 ne pourrait pas être atteint, mais notre perspective de croissance est actuellement de 2,7 % pour cette année. La consommation des ménages a rebondi et l’emploi tient, de même que les investissements. Pour toutes ces raisons, malgré les incertitudes que j’ai rappelées, nous maintenons une prévision de croissance positive, de 1 %, en 2023.

Notre priorité absolue, dont vous parlent nos compatriotes dans vos circonscriptions et dont ils me parlent aussi lors de mes déplacements, c’est l’inflation. Elle est une menace directe pour les ménages les plus fragiles, pour les classes moyennes, pour les retraités qui ne peuvent pas augmenter leurs revenus, et c’est un facteur de désorganisation des chaînes de valeur, qui peut obliger certaines entreprises industrielles à réduire leur production, tout simplement parce que leur facture d’énergie est trop élevée, voire à délocaliser. Nous avons eu l’occasion vendredi dernier, en Haute-Savoie, avec certains d’entre vous, de vérifier à quel point l’augmentation des prix de l’énergie a un impact significatif sur les PME et notre tissu industriel.

Notre priorité absolue est de faire reculer l’inflation, qui restera à un niveau élevé dans les mois qui viennent, de l’ordre de 6 %, avant de revenir autour de 4 % dans le courant de l’année 2023. Nous comptons nous y employer, d’abord, en maintenant un bouclier énergétique qui constitue la singularité de la politique économique française. Nous sommes le seul pays de la zone euro à avoir adopté dès l’automne 2021, sur la proposition du Président de la République, un bouclier énergétique qui a maintenu les prix de l’électricité et du gaz à des niveaux raisonnables. En conséquence, nous avons le taux d’inflation le plus faible de la zone euro : nous n’atteignons pas les 8 % à 12 % que connaissent certains États membres. Nous avons pris la décision de maintenir ce bouclier énergétique. Les prix du gaz et de l’électricité augmenteront, c’est vrai, mais de seulement 15 % au début de l’année 2023, alors qu’ils auraient dû augmenter de plus de 100 %.

Nous maintenons cette protection, à la fois juste pour les ménages et efficace pour notre économie. Le coût net est de 16 milliards d’euros, 11 milliards pour le gaz et 5 milliards pour l’électricité. Ce coût serait plus de trois fois plus élevé si nous n’avions pas déjà un mécanisme de redistribution des rentes des énergéticiens. Nous ne voulons pas de nouveaux impôts, mais nous refusons catégoriquement les rentes. Des énergéticiens qui touchent des revenus exceptionnels, non parce qu’ils ont investi mais uniquement parce que les prix flambent, doivent reverser de tels bénéfices à la collectivité, et ils le font déjà. C’est ce qui nous permet de financer le bouclier énergétique. Je ne veux laisser aucun doute : nous ne sommes pas pour le laisser-faire ou le laisser-aller, ni pour des impôts supplémentaires, mais nous sommes contre les rentes et nous récupérons leur produit, notamment en ce qui concerne les énergéticiens, pour financer le bouclier énergétique. Je me réjouis que la Commission européenne ait repris à son compte ce mécanisme. C’est la preuve de sa justice et de son efficacité.

Protéger nos compatriotes contre l’inflation, c’est également protéger tous ceux qui travaillent et tous ceux qui paient des impôts. Nous avons pris la décision d’indexer le barème de l’impôt sur le revenu sur le niveau de l’inflation, hors tabac, c’est-à-dire 5,4 %. Nous aurions pu indexer le barème sur les salaires, mais nous avons fait un autre choix et nous le revendiquons : nous évitons ainsi à tous ceux qui sont soumis à l’impôt sur le revenu de payer davantage. C’est le sens de ce choix stratégique. Très concrètement, le revenu disponible après impôt restera le même pour tous les ménages, même si les salaires augmentent. Ceux qui travaillent en seront donc récompensés, au lieu de subir une privation à cause de l’inflation.

Nous voulons également protéger les entreprises, conformément à la stratégie que nous avons toujours suivie. Nous avons refusé que la crise du covid et la récession brutale qui a suivi emportent des pans entiers de l’économie française et conduisent à des dizaines de milliers de faillites. Nous ne voulons pas que ce qui n’est pas arrivé pendant cette crise se produise en raison de l’inflation. Il faut protéger notre tissu industriel contre les ravages de la flambée des prix de l’électricité et du gaz. Les plus petites entreprises, qui ont un chiffre d’affaires inférieur à 2 millions d’euros et emploient moins de 10 salariés, sont protégées par les tarifs régulés de vente, dont la hausse sera limitée à 15 %. Pour toutes les autres entreprises, nous mettrons en place un guichet simplifié, pour des aides allant jusqu’à 2 millions d’euros, qui sera opérationnel le 3 octobre. Le précédent dispositif n’ayant pas fonctionné, nous l’avons corrigé et simplifié. Nous avons notamment retenu comme critère le fait d’avoir des bénéfices en baisse sur un mois, au lieu de trois précédemment, et nous avons aussi simplifié le critère portant sur le chiffre d’affaires.

Reste la question des entreprises exposées à la concurrence internationale et dont les factures d’énergie sont particulièrement élevées. Je reprends l’exemple des décolleteurs de la vallée de l’Arve, qui produisent notamment des pièces de moteurs automobiles : s’ils cherchent à faire passer des hausses de prix de 5, 10, 15 ou 20 % à cause de l’évolution du coût de l’électricité, les marchés chinois ou américains ne verront pas pourquoi ils devraient payer plus cher puisqu’ils ne connaissent pas d’augmentation du prix de l’énergie. Il faut protéger – c’est une priorité absolue – ces entreprises qui consomment beaucoup d’énergie et qui ne peuvent répercuter la hausse de son coût sur les prix, parce qu’elles sont exposées à la concurrence internationale. J’ai fait des propositions à la Commission européenne pour modifier le dispositif existant, car il est insuffisant et trop complexe.

J’ai ainsi demandé que le critère de la part de l’énergie dans le chiffre d’affaires, qui est actuellement de 3 %, soit revu à la baisse et que le calcul porte non pas sur l’année précédente mais sur l’année en cours. En effet, des entreprises pour lesquelles la part de l’énergie dans le chiffre d’affaires était de 1 % ou 2 % en 2021 ne seront pas concernées par le dispositif alors que cette part représentera 5 % ou 6 % en 2022. J’ai également demandé que le critère de baisse de l’EBITDA – le bénéfice avant intérêts, impôts, dépréciation et amortissement – sur trois mois soit supprimé. Cela n’a aucun sens, dans une entreprise industrielle, d’attendre que l’EBITDA soit négatif sur trois mois. Au bout d’un mois, en général, une entreprise industrielle est déjà en très grande difficulté. Enfin, j’ai demandé que le plafond des aides soit doublé, jusqu’à 100 millions d’euros, de façon à apporter les sommes nécessaires aux entreprises qui en ont le plus besoin et dont les factures d’énergie sont les plus importantes.

Nous connaîtrons les réponses de la Commission dans les prochains jours, mais je peux déjà vous dire que les modifications de ces règles relatives aux aides d’État, qui devaient intervenir le 1er janvier 2023, auront lieu en octobre de cette année, grâce à l’intervention de la France. C’est pourquoi nous avons recommandé à toutes les entreprises concernées, avec le Président de la République, de ne pas signer leurs contrats énergétiques pour l’année 2023, mais d’attendre que les nouvelles règles soient établies.

S’agissant des collectivités locales, je rappelle qu’un fonds de 430 millions d’euros a été mis en place grâce à la loi de finances rectificative pour 2022 (LFR 2022) et que 30 000 communes bénéficient du tarif réglementé et sont donc protégées par le bouclier tarifaire.

Dans ce budget, nous poursuivons aussi la transformation de notre économie pour atteindre les objectifs stratégiques que nous nous sommes fixés, avec le Président de la République et la Première ministre : le plein emploi en 2027 et le passage sous le seuil de 3 % du déficit public. Pour cela, notre stratégie reste la même : le soutien à la croissance, la réduction des dépenses et les réformes de structure.

Le soutien à la croissance se voit dans la baisse des impôts de production que nous poursuivons. C’est la traduction d’une politique de l’offre qui vise tout simplement à permettre à notre tissu économique, notamment industriel, de se développer. Nous sommes la seule majorité depuis vingt-cinq ans à avoir engagé une baisse des impôts de production. Je considère que c’est indispensable pour accélérer la reconquête industrielle de la nation française. On ne peut pas y arriver quand les industries sont lestées d’un tel boulet. Nous avons réduit ces impôts de 10 milliards d’euros et nous les réduirons encore de 8 milliards, en deux fois, d’abord en 2023 puis en 2024, pour tenir compte de la situation des finances publiques. Nous vous proposons, pour garantir que la parole est tenue, d’inscrire cette trajectoire sur deux ans dans le PLF pour 2023.

Afin de soutenir la croissance, nous nous appuierons aussi sur l’innovation, notamment dans le cadre de France 2030. Nous avons ainsi inscrit 6 milliards d’euros d’engagements dans le budget pour 2023. Nous veillons à ce que cet environnement plus favorable et le financement de l’innovation se traduisent bien, concrètement, par des décisions de relocalisation de productions industrielles, de sites industriels et de chaînes de valeur dans notre pays. C’est ce que nous avons fait avec GlobalFoundries pour les semi-conducteurs à Crolles, avec STMicroelectronics, et c’est aussi ce que nous voulons obtenir de l’industrie automobile et d’autres secteurs industriels.

Le deuxième volet de notre stratégie de rétablissement des finances publiques est la réduction des dépenses. Le « quoi qu’il en coûte » était la bonne réponse face à l’effondrement de notre économie. Cela nous a évité des dizaines de milliers de faillites et une explosion du chômage, et a été, au bout du compte, moins coûteux que les dépenses qui auraient été nécessaires pour réparer les dégâts d’une crise économique majeure. Mais le « quoi qu’il en coûte » serait une faute économique en période d’inflation. Nous y avons donc mis fin, et nous ne le rétablirons pas, je ne veux laisser aucune ambiguïté sur ce point. Rétablir le « quoi qu’il en coûte » reviendrait tout simplement à alimenter l’incendie inflationniste. Il faut, au contraire, mettre en place des aides ciblées sur les secteurs, les personnes, les industries, les entreprises qui en ont le plus besoin. Nous avons donc mis fin aux crédits de relance et aux dispositifs d’urgence. Même si certains demandent parfois de rétablir des dispositifs globaux de ce type, nous ne le ferons pas : ce serait une faute économique. Par ailleurs, et Gabriel Attal aura l’occasion d’y revenir, la progression des dépenses publiques restera inférieure au rythme de l’inflation, preuve de notre détermination à contenir l’augmentation de la dépense publique.

Enfin, je veux là aussi être très clair, nous ne pourrons pas rétablir nos finances publiques, baisser la dette et réduire les déficits si, en plus de la croissance et de la réduction des dépenses, nous n’engageons pas des transformations structurelles, qui sont au cœur de ce que notre majorité a promis au peuple français. Nous poursuivrons donc la réforme de l’assurance chômage, à un moment où près de 400 000 emplois ne sont pas pourvus, et nous engagerons une réforme des retraites. Nous ne le ferons pas pour le plaisir de réformer les retraites, mais d’abord parce que cette réforme a été promise par le Président de la République lors de sa campagne présidentielle et qu’elle fait donc partie du mandat confié, à lui et à cette majorité, par le peuple français.

J’ai toujours été convaincu qu’il valait mieux, en matière de politique, tenir ses promesses. Nous ne pouvons pas dire, six mois après les élections, que nous pourrions abandonner une promesse de campagne centrale, sur laquelle un débat a eu lieu. Malgré des controverses ou des critiques, parfois, ce débat a été tranché par le peuple souverain, qui s’est prononcé en faveur d’un candidat proposant une réforme des retraites, laquelle comportait une modification de l’âge légal de départ à la retraite et des critères de calcul. J’ai la conviction qu’il vaut mieux tenir parole.

Deux voies s’ouvrent à nous si nous voulons financer notre modèle de solidarité. Ce modèle, auquel nous sommes tous attachés, est généreux et efficace, mais il est coûteux et il faut bien le payer. Il y a deux manières de le faire : soit on augmente les impôts, ce qui n’a jamais été la voie choisie par la majorité, soit on s’appuie sur plus de recettes, plus de prospérité et plus de travail. C’est notre voie, et c’est ce qui nous amène à la réforme des retraites. Par ailleurs, je suis convaincu que l’on peut faire une réforme juste, responsable, dans des délais raisonnables, tout en arrivant à obtenir l’adhésion de nos compatriotes.


Enfin, ce budget reste fidèle à notre détermination à accélérer la transition écologique et énergétique. Je serai, comme toujours, honnête avec vous : nous pourrions certainement faire mieux, et il est évident que le budget est un peu déporté, dans un sens qui n’est pas celui que nous aurions souhaité, par les aides et les subventions destinées à nos compatriotes s’agissant du gaz et, en 2022, des carburants – c’était une nécessité face à la crise de l’inflation. Je voudrais souligner certaines décisions qui figurent dans ce budget et qui sont importantes pour accélérer le verdissement, même si je pense que nous devrons faire plus et mieux dans les mois qui viennent.

Le budget de MaPrimeRénov’ passera de 2 milliards d’euros à 2,5 milliards en 2023, ce qui constitue une augmentation très significative. Comme l’ont montré les dialogues de Bercy, lancés par le ministre des comptes publics, nous devrons travailler ensemble à une amélioration de l’efficacité de ce dispositif en passant de rénovations par gestes individuels à des rénovations globales. C’est un des débats intéressants que nous pouvons avoir dans le cadre de ce PLF. Nous prévoyons aussi 1,3 milliard d’euros pour le verdissement du parc automobile, dont la transformation sera ainsi accélérée, et nous déploierons un fonds vert pour les collectivités territoriales, créé à la demande de la Première ministre et doté de 1,5 milliard d’euros. Enfin, nous amorçons un virage radical en matière de garanties à l’export. Pour la première fois de son histoire, la France n’accordera plus aucune garantie en matière d’export à aucune énergie fossile, depuis l’exploration jusqu’au raffinage et en passant par le transport.

S’agissant des finances publiques, je rappelle que nous voulons tenir l’objectif de 5 % de déficit public et ramener la dette à un peu plus de 111 % du PIB à la fin de l’année 2023. Tout cela demandera de la fermeté, de la constance, mais aussi de l’imagination. Je remercie Daniel Labaronne et les parlementaires qui ont travaillé avec lui sur des propositions pour réduire la dépense publique. Toutes les propositions qui nous permettront de respecter nos engagements nationaux et européens seront les bienvenues.

M. Gabriel Attal, ministre délégué auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargé des comptes publics. Bruno Le Maire a rappelé les aléas auxquels nous faisons face, en matière géopolitique et économique. Si l’on ne fait pas de politique avec une boule de cristal, on peut en faire avec une boussole. La nôtre, depuis le début de ces crises, est la protection des Français. Le budget que nous vous présentons est ainsi un budget de protection.

Le premier axe de protection est d’aider les Français à faire face à l’urgence des fins de mois. Le bouclier tarifaire, détaillé par Bruno Le Maire, représente une des dépenses importantes du budget pour 2023. L’indexation du barème de l’impôt sur le revenu est aussi une mesure forte pour la protection du pouvoir d’achat des Français. J’ai parfois entendu dire que c’était une mesure automatique, appliquée chaque année. Or ce n’est pas le cas : certaines années, le barème n’a pas été indexé sur l’inflation, notamment pour les revenus de 2011 et de 2012. Ensuite, face à un tel niveau d’inflation et compte tenu des implications pour les finances publiques, convenez que la question peut se poser. Très concrètement, plus de 6 milliards d’euros – j’avais annoncé 6,2 milliards, mais ce sera en réalité 6,4 milliards – ne seront pas prélevés sur les Français au titre de l’impôt sur le revenu.

Le deuxième axe de protection est la poursuite du réarmement des services régaliens. Nous prévoyons ainsi 3 milliards supplémentaires pour la défense, conformément à la loi de programmation militaire, et 1,4 milliard de plus pour le ministère de l’intérieur, suivant la trajectoire inscrite dans la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI), ce qui signifie plus de moyens pour les équipements et les technologies numériques, pour renforcer la présence des policiers et des gendarmes sur la voie publique, mais aussi plus de moyens pour les douanes, auxquelles je suis très attaché, en tant que ministre de tutelle – les douaniers bénéficieront de 144 millions supplémentaires entre 2022 et 2025, pour renforcer les équipements mobiles et améliorer notre flotte aérienne et navale. Enfin, nous poursuivrons le renforcement des moyens du ministère de la justice : ils augmenteront de 8 % pour la troisième année consécutive.

Troisième axe de protection, nous préparons l’avenir, en faisant le pari de l’éducation, en gagnant la bataille du plein emploi et en accélérant la transition écologique. Nous prévoyons une augmentation de 3,7 milliards d’euros pour l’éducation. Comme nous nous y étions engagés dans le cadre de la campagne présidentielle, aucun enseignant ne gagnera moins de 2 000 euros net par mois à compter de la rentrée prochaine. Pour ce qui est de la bataille du plein emploi, nous nous sommes fixé pour objectif de la gagner à l’horizon 2027 : 6,7 milliards d’euros de crédits supplémentaires seront investis pour l’emploi et pour l’apprentissage, notamment en vue d’arriver à un million d’apprentis d’ici à 2027. Cette bataille, je le redis, nous ne la gagnerons pas par davantage de pression fiscale. C’est la raison pour laquelle nous avons d’ores et déjà rendu 54 milliards aux ménages et aux entreprises au cours des cinq dernières années. Nous allons continuer à baisser les impôts lorsqu’ils sont néfastes au développement économique de notre pays, en supprimant la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Et puis, préparer l’avenir, c’est protéger la planète. Nous agissons, vous le savez, d’une manière résolue en ce sens. Outre le fonds de 1,5 milliard d’euros qui a été annoncé par la Première ministre, il y aura 500 millions d’euros de plus pour MaPrimeRénov’ et 250 millions supplémentaires pour le plan Vélo.

Le quatrième axe de protection consiste à protéger les comptes publics. Nous sommes sortis du « quoi qu’il en coûte » pour entrer dans le « combien ça coûte ». Un euro dépensé est un euro raisonné, évalué et utile à la protection des Français. Nous avons une trajectoire, fixée dans le cadre du programme de stabilité. Nous tiendrons l’objectif de 5 % de déficit l’an prochain, après avoir tenu l’objectif pour cette année. Je rappelle que le déficit était de près de 9 % en 2020 : nous l’avons ramené à 6,4 % en 2021, et il est de 5 % en 2022. Il sera, de même, de 5 % en 2023, et nous serons revenus sous les 3 % en 2027. Nous le ferons, comme Bruno Le Maire l’a dit, en suscitant de l’activité économique par des réformes ambitieuses qui permettent d’améliorer l’emploi dans notre pays – plus il y a de Français qui travaillent, plus les recettes sont élevées et moins il faut de dépenses de réparation pour accompagner des Français qui ne travaillent pas –, mais aussi en maîtrisant la dépense publique. Elle diminuera de 2,6 % en volume en 2023, et la part des dépenses publiques rapportée au PIB se réduira, puisqu’elle passera de 57,6 % à 56,6 % du PIB l’an prochain, puis à 53,8 % en 2027. Nous poursuivrons, par ailleurs, le travail d’évaluation de la qualité de la dépense publique. Le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit des outils supplémentaires : son article 7 vise à systématiser les évaluations des dépenses fiscales avant leur éventuelle reconduction. C’est un outil dont le Parlement devra pleinement se saisir : nous sommes tous responsables de nos finances publiques.

Répondre à l’urgence, financer l’essentiel, préparer l’avenir et tenir les comptes, voilà les quatre axes qui structurent notre action et la stratégie que nous vous proposons pour protéger les Français dans cette période exceptionnelle.

Nous avons parfaitement conscience que les défis sont immenses, et c’est précisément pour cela que nous devons inventer ensemble une nouvelle méthode : c’est ce que nous avons voulu en lançant les dialogues de Bercy. Nous verrons dans les prochaines semaines si les pistes que nous avons dessinées ensemble permettent d’enrichir le texte. Je ne minimise en rien nos désaccords sur le fond : il y aura toujours ceux qui veulent augmenter les impôts et ceux qui veulent les baisser. Mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas d’accord sur tout qu’on ne peut discuter de rien. Et ces réunions, qui ont duré plus de dix heures et auxquelles une grande partie d’entre vous étaient présents, ont montré que nous étions capables de nous parler, de travailler ensemble et d’identifier des propositions et des solutions au service des Français.

De fait, le texte qui vous est présenté n’est pas celui qui avait été prévu avant le lancement des dialogues de Bercy, et il sera encore enrichi par nos travaux. Toute une série de mesures ont été imaginées à la suite de nos échanges. Ainsi, nous avons décidé de suspendre l’application de l’actualisation des bases locatives, qui était critiquée de toutes parts ; accepté de revaloriser plus encore que prévu les crédits de MaPrimeRénov’ et engagé un travail de révision de son barème pour soutenir davantage les rénovations globales ; enrichi le paquet « collectivités locales », notamment en échelonnant sur deux ans la suppression de la CVAE et en décidant de la compenser par une fraction de TVA.

Caroline Cayeux et moi-même venons d’annoncer devant le Comité des finances locales que nous allons renforcer les dotations de péréquation au sein de la dotation globale de fonctionnement (DGF) l’an prochain, à hauteur de 210 millions d’euros ; c’est encore une proposition qui avait été émise dans le cadre des dialogues de Bercy – j’en remercie Christine Pires Beaune. Autrement dit, nous garantissons la stabilité de la DGF au niveau non seulement national, comme nous le faisions depuis cinq ans, mais aussi individuel – pour chaque collectivité –, comme le souhaitait également Jean-René Cazeneuve, grâce à un abondement des dotations de péréquation : la péréquation ne se fera plus « sur le dos » de la dotation forfaitaire, donc de certaines collectivités.

Nous souhaitons poursuivre un travail aussi partenarial que possible, au service de la protection de nos concitoyens.

M. le président Éric Coquerel. Lors de la discussion sur le programme de stabilité, nous avions été quelques-uns à évoquer le caractère optimiste de certaines prévisions du Gouvernement ; Bruno Le Maire avait alors déclaré que nous étions dans le pic inflationniste et que celui-ci allait encore durer quelques semaines, voire quelques mois. Force est de constater, et le Gouvernement l’admet, que ses prévisions, de croissance comme d’inflation, étaient bel et bien optimistes.

Vous avez eu l’honnêteté de dire que la situation économique est très instable et incertaine. Mais votre prévision de croissance de 1 % pour 2023, au lieu de 1,4 % précédemment, est optimiste par rapport à celle de la Banque de France, qui varie entre 0,8 % et une croissance négative de 0,5 %, c’est-à-dire une récession. De même, votre prévision d’inflation pour 2023 est réévaluée à 4,2 % – au lieu de 3,2 % dans le programme de stabilité –, alors que, selon la Banque de France, elle sera de 4,7 % au minimum et pourra monter jusqu’à 6,9 %. Au total, et au regard de l’objectif des 5 % de déficit, vos prévisions sont tout aussi optimistes que celles de juillet dernier. Je ne dis pas cela pour le plaisir, mais au vu de la conjoncture internationale et de ses conséquences possibles.

Vous aviez annoncé une augmentation des dépenses publiques de 0,6 %, alors que la croissance tendancielle des dépenses publiques, c’est-à-dire le niveau de dépenses publiques correspondant aux besoins de la population compte tenu de son augmentation, est estimée par Bercy à 1,35 %. Nous avions alors dit que cela équivalait à une cure d’austérité inédite sous la Ve République. Vous parlez ce matin de 21,7 milliards d’euros de hausse ; j’aimerais d’ailleurs en connaître le détail, car, d’après le tableau retraçant les dépenses de l’État, j’aboutis à 14,5. Avec une inflation à 5,2 %, cela porterait la croissance de la dépense publique à 1 %, c’est-à-dire moins que la croissance tendancielle, mais plus que 0,6 %. En revanche, si on tient compte de la prévision d’inflation de la Banque de France, la hausse tombe à 0,5 %, ce qui complique encore plus la situation.

Si vous ne réduisez pas autant les dépenses publiques que vous l’annonciez cet été – mais c’est à confirmer –, vous continuez de revendiquer la maîtrise de ces dépenses. Or je ne suis pas d’accord – je l’ai dit à plusieurs reprises à Bruno Le Maire – pour considérer que le « quoi qu’il en coûte » est derrière nous. Tout dépend peut-être de la définition que l’on en donne : à mes yeux, il change de nature, pour nous permettre de faire face non plus au covid, mais aux détériorations dues au réchauffement climatique et que nous avons vues cet été – incendies, sécheresse, changements météorologiques – ou aux conséquences de la guerre en Ukraine. Autrement dit, votre budget ne tient pas assez compte des besoins de la population ni de l’intérêt général, du point de vue écologique et social. Parce que vous avez d’autres visées – la maîtrise des dépenses, la baisse des impôts –, vous laissez des urgences de côté.

Ainsi, vos mesures ne sont pas suffisantes pour maintenir, surtout au profit des plus défavorisés, un pouvoir d’achat qui, l’an prochain, diminuera de 1 % selon Rexecode et stagnera d’après la Banque de France. Pourtant, ce serait une façon de préserver la consommation populaire, qui est profitable pour l’économie. De même, en matière d’écologie, ce n’est pas avec MaPrimeRénov’, qui permet une rénovation partielle, que l’on sera à la hauteur du nombre annuel de rénovations complètes requis par la nécessaire bifurcation. Lors des dialogues de Bercy, vous en avez convenu, Bruno Le Maire, face à Eva Sas.

S’il y a urgence, il faut des recettes supplémentaires. Or vous avez dit en substance qu’il n’y aurait pas de dépenses en plus sans recettes correspondantes, à l’euro près. Cela ouvre le débat sur les baisses de recettes prévues dans le PLF.

D’abord, la suppression de 4 milliards d’euros de CVAE. Vous voyez dans celle-ci un boulet pour les entreprises. En fait, la CVAE aggrave les inégalités affectant la fiscalité des entreprises, puisque, aux deux tiers, elle bénéficie aux 10 000 plus grosses entreprises françaises. Ainsi, une entreprise qui a 2 millions de chiffre d’affaires et 550 000 euros de valeur ajoutée ne paie que 825 euros de CVAE chaque année. Mais, pour les collectivités, elle est remplacée par des impôts plus injustes : la TVA, impôt non proportionnel, mais aussi les taxes foncières, à taux unique.

Ensuite, la suppression de la taxe d’habitation pour les 20 % de ménages les plus favorisés : était-elle urgente alors que nous avons besoin de recettes ?

En revanche, j’avais cru comprendre des dialogues de Bercy qu’il s’agissait de toucher à des niches fiscales dépourvues de rentabilité. Pourtant, au vu des quelques-unes qu’il tend à supprimer, le PLF n’est pas à la hauteur des enjeux. On aurait pu, par exemple, réviser le crédit d’impôt recherche (CIR).

Vous avez évoqué le débat qui s’engagera sur la taxation des superprofits ; je l’ai noté. Vous critiquez la rente, comme – je m’en réjouis – lors des dialogues de Bercy. Mais pourquoi n’appliquer ce raisonnement qu’aux énergéticiens ? D’autres entreprises constituent une rente, reversée en dividendes ; nous le soulignons, avec d’autres groupes, dans notre proposition de référendum d’initiative partagée. Voilà qui devrait nous fournir une piste de travail, d’autant qu’il sera difficile de s’attaquer à un seul secteur : cela pourrait être jugé anticonstitutionnel.

En ce qui concerne les retraites, nous verrons cette semaine ce qu’il en est. J’espère que le Gouvernement n’aura pas l’idée d’introduire la réforme des retraites dans un amendement au PLFSS ; je lui conseillerais d’y surseoir, que ce soit pour des questions de majorité à l’Assemblée ou en raison du risque de mouvement social. Mais c’est sous un autre angle que j’aborderai le sujet. Gabriel Attal a expliqué dans Le Journal du dimanche que la réforme était une manière de réduire les déficits et de pouvoir envisager des dépenses, par exemple au profit des enseignants. Je m’étonne que l’on puise pour cela dans le budget de la sécurité sociale, en l’occurrence celui des retraites, dans lequel les cotisations devraient permettre de s’assurer que les Français bénéficient d’une retraite. Il est de plus en plus fréquent que l’on fasse ainsi jouer aux comptes sociaux un autre rôle que le leur. Or, si on peut débattre de la manière de trouver l’argent permettant aux gens de partir à la retraite à un âge décent, je ne vois pas en quoi c’est aux retraites de compenser les déficits de l’État.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. En 2020, nous avions un budget du « quoi qu’il en coûte », pour faire face à une crise inédite ; en 2021, nous avions un budget de relance ; aujourd’hui, vous nous présentez un budget protecteur et volontariste.

Quatre axes définissent la politique budgétaire et économique de la majorité.

Premièrement, la protection et le soutien constant aux Français dans la crise, dès la fin 2021, et plus fortement encore en 2022, comme en témoignent aides directes, bouclier tarifaire et revalorisation des prestations sociales et du point d’indice. Vous proposez notamment de maintenir le bouclier tarifaire en 2023, en le complétant par un chèque énergie ciblant les ménages les plus fragiles, et de rendre 6,4 milliards aux ménages en revalorisant le barème de l’impôt sur le revenu.

Deuxièmement, poursuivre la politique de l’offre par une nouvelle baisse des impôts de production, en faveur de l’attractivité de notre pays et du plein emploi. En deux ans, nous rendrons plus de 6 milliards à nos entreprises, notamment industrielles, dans la continuité d’une politique efficace depuis 2017 : enfin, la France est redevenue attractive pour les investissements et les emplois industriels et a fait refluer le chômage, rompant avec le chômage endémique dont ma génération entendait parler depuis sa jeunesse – désormais, c’est à une pénurie de main-d’œuvre que nous devons faire face. Oui, nous devons travailler plus pour sauvegarder notre système de retraite par répartition et créer des marges de manœuvre afin de financer de nouvelles politiques publiques. Ceux qui stigmatisent les entreprises, dénigrent la valeur travail, voire font l’apologie de la paresse portent une lourde responsabilité !

Troisièmement, poursuivre l’effort de financement de nos politiques prioritaires. En premier lieu, le Gouvernement propose de majorer les dépenses publiques relatives à l’éducation et à la formation : rémunération des enseignants, financement de l’apprentissage et de la formation continue. Ensuite, il s’agit de ne rien lâcher en matière de transition écologique et énergétique – je suis d’accord pour dire que nous n’en ferons jamais assez dans ce domaine. C’est le sens de l’ouverture de crédits relatifs à MaPrimeRénov’ et au plan d’investissement pour la France de 2030. Enfin, un réarmement régalien s’opère en faveur de nos armées et de nos forces de l’ordre.

Quatrièmement, l’engagement d’une trajectoire soutenable pour nos finances publiques. C’est l’objectif du PLF, mais aussi et surtout du projet de loi de programmation des finances publiques. Il faut, à moyen terme, entreprendre notre désendettement, ce qui passe par une trajectoire crédible et raisonnable en dépenses et par un déficit maîtrisé, inférieur à 3 % de notre richesse nationale en 2027. Il y faudra du courage et de la pédagogie, car des réformes seront nécessaires. Un coup d’œil chez nos voisins le montre aisément : la trajectoire proposée est très loin de l’austérité, comme d’une politique budgétaire sans cap ni maîtrise. Il nous faut absolument suivre cette ligne de crête ; soyons-en collectivement responsables.

J’en viens à mes questions.

L’avis du Haut Conseil des finances publiques nous interroge sur les moyens dont nous disposons pour mettre en œuvre le budget. Il juge notamment optimistes les hypothèses de croissance économique et de maîtrise de la dépense publique inhérentes à ce budget. J’y vois surtout une incitation à engager plus vite les réformes structurelles que nous défendons : la réforme des retraites, l’accompagnement des allocataires du RSA, la réforme de l’assurance chômage. Pouvez-vous préciser la manière dont ces réformes sont traduites dans les hypothèses du Gouvernement ?

Nous sommes tous soucieux du poids de la dette que nous transmettons aux générations futures. En 2023, la dette coûtera 51,7 milliards d’euros. Nous nous sommes engagés à maintenir le déficit sous la barre de 5 % du PIB cette même année. Dans le budget qui nous est présenté, le poids de la dette en pourcentage du PIB baisse ; c’est encourageant, mais quel engagement à la réduire, et à atteindre les 3 % d’ici à 2027, pouvons-nous donner aux générations qui nous suivent ?

L’année 2022 a été marquée par une très forte instabilité. Le contexte de crise a nécessité des dépenses imprévues, comme le bouclier énergétique, qui a protégé les Français de la hausse colossale des prix de l’énergie. Ces mesures d’urgence ont entraîné une augmentation de la dépense de près de 21 milliards par rapport à la loi de finances initiale. Nous maintenons cependant résolument notre engagement à ramener la dépense publique à 53,2 % du PIB au cours du quinquennat. Le budget pour 2023 prévoit une baisse des dépenses de l’État et de ses opérateurs de 2,6 % en volume. Pouvez-vous préciser l’ampleur de la maîtrise de la dépense par sous-secteur d’administration publique ?

Entre 2012 et 2017, les dotations générales de fonctionnement aux collectivités territoriales ont drastiquement baissé. Depuis 2017, notre majorité soutient les collectivités et a augmenté leur niveau de dotation. Pendant la crise sanitaire, nous avons pris de nombreuses mesures afin de les aider et, dès cette année, nous leur avons apporté notre soutien dans le cadre du PLFR. La Banque postale vient d’annoncer que la capacité d’autofinancement des collectivités territoriales ne devrait baisser que de 4 % en 2022, mais ce résultat encourageant peut cacher de très grandes disparités. Seriez-vous ouverts à un dispositif d’aide ciblée pour les collectivités les plus touchées ?

Vous proposez de reconduire le bouclier tarifaire, dispositif massif et efficace, en contenant à 15 % l’augmentation des prix de l’énergie. Pour les ménages les plus modestes, une revalorisation du montant du chèque énergie est envisagée. Pouvez-vous nous préciser par le biais de quel texte financier et à quelle hauteur ?

Enfin, monsieur le ministre de l’économie et des finances, pouvez-vous préciser le montant des reports de crédits de 2022 à 2023 ? Est-il possible qu’y figurent ceux destinés à protéger les entreprises dans le cadre du dispositif d’aide aux énergo-intensifs, qui, comme vous l’avez dit, n’a pas vraiment fonctionné jusqu’à présent ? Quelles sont les perspectives d’une prolongation du mécanisme en 2023, au-delà des crédits votés en 2022 ?

M. Bruno Le Maire, ministre. En ce qui concerne nos prévisions, monsieur le président, personne n’a la prétention de détenir la vérité révélée dans cette période de grande incertitude, et certainement pas moi. Je ne mésestime pas le risque que la situation en Ukraine et le contexte géopolitique se dégradent encore et que l’effet sur les prix de l’énergie en soit encore plus fort. Mais notre scénario central est une situation géopolitique stable et où le stockage à près de 100 % de nos réserves de gaz, la diversification des approvisionnements à laquelle nous travaillons depuis plusieurs mois, le début de la sobriété énergétique et la réduction de la consommation devraient améliorer les choses sur le front de l’énergie.

Dans les prévisions de la Banque de France, le scénario central est une croissance à 0,5 % et il existe un autre scénario, à 0,8 %, se rapprochant du nôtre. Quant au scénario très négatif, il correspond à des conditions géopolitiques très dégradées, qui ne sont pas totalement improbables mais dont nous ne faisons pas, je le répète, notre scénario central. Voilà pourquoi je maintiens notre chiffre de croissance positif pour 2023.

Même chose pour l’inflation. J’avais dit qu’elle durerait quelques mois : oui, elle dure quelques mois à un niveau élevé. Pour la Banque de France, le référentiel est l’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH) européen ; si on retraduit ses chiffres selon l’indice des prix à la consommation (IPC) de l’INSEE, qui fait référence pour le PLF pour 2023, on retombe bien sur les 4,2 % retenus par le Gouvernement.

En ce qui concerne le « quoi qu’il en coûte », j’assume nos divergences sur le fond. Nous ciblons de plus en plus les dispositifs. La remise sur le carburant, qui concernait tous nos compatriotes, se termine à la fin de 2022 : les 30 centimes d’euro de réduction à la pompe dont nous bénéficions tous dans les stations-service françaises ont vocation à disparaître. Nous nous réservons la possibilité, si jamais les prix du pétrole devaient flamber à nouveau, de recourir à des dispositifs – ils sont prêts – qui cibleront uniquement les personnes qui travaillent.

De même, les prix du gaz et de l’électricité avaient été respectivement gelés et plafonnés à une augmentation de 4 % ; cette fois, nous laissons passer une hausse, afin d’anticiper leur évolution. Car si l’inflation reflue progressivement en 2023, nous voulons éviter un effet de second tour qui ferait que la France serait rattrapée par la patrouille parce qu’elle n’aurait pas ajusté ses dispositifs. C’est très important, même si c’est compliqué à expliquer.

En revanche, oui, il faut plus d’investissement dans la transition écologique, et je suis tout à fait prêt à ce que l’on réfléchisse à des rénovations globales dans le cadre de MaPrimeRénov’. Mais c’est justement en réduisant la voilure des dispositifs de protection, pour cibler ceux qui en ont le plus besoin, que nous contribuerons à dégager des marges de manœuvre.

S’agissant des baisses de recettes, je veux être très précis à propos de nos choix, qui sont responsables. Nous avons décidé, en écoutant les avis du Haut Conseil, de procéder en deux fois pour mettre fin à la CVAE ; je l’ai moi-même proposé au Président de la République et à la Première ministre, pour tenir compte de la situation des finances publiques. C’est plus responsable. La suppression de la CVAE sera utile à l’industrie, bénéficiera à 75 % à des PME et soulagera tout le tissu productif français. En revanche, nous avons accepté de décaler d’un an les mesures relatives à la fiscalité des transmissions, car cet engagement présidentiel, qui sera tenu, n’est pas la priorité absolue en une période où nous voulons d’abord relancer l’activité économique et défendre notre tissu industriel.

Concernant enfin les niches fiscales, nous sommes d’accord, et je suis prêt à en reparler. Nous pouvons faire plus et mieux. Voilà près de six ans que nous essayons, et cela vaut le coup de continuer à tenter, car il existe des marges de manœuvre en la matière – même si je ne citerais pas en premier le CIR, bien que ce soit la plus grosse niche, car il est important pour l’innovation – pour faire des économies sans affecter notre croissance ni pénaliser les entreprises.

À propos de la taxation, nous ne voulons pas demander des impôts supplémentaires à des entreprises qui créent des emplois, redistribuent des salaires et paient des impôts à l’étranger – l’audition du dirigeant de Total était éclairante de ce point de vue. Nous voulons simplement prélever des rentes que nous trouvons indues afin de financer le bouclier énergétique.

Enfin, concernant les retraites, vous abordez un débat politique majeur. C’est un autre point d’accord que j’ai avec vous et avec Philippe Martinez – une fois n’est pas coutume : les personnes de plus de 55 ans, que je n’appellerai pas des seniors car je ne vois pas très bien ce qu’elles ont de senior, qui ont de l’expérience, des qualifications, un savoir-faire à transmettre, doivent pouvoir travailler plus longtemps. Or, quand on décale l’âge légal de départ, cela amène mécaniquement ces personnes à continuer de travailler. Le taux d’emploi des « seniors » est de plus de 70 % en Allemagne et dans d’autres pays européens, contre un peu moins de 54 % en France : il y a quelque chose qui cloche. Nous nous privons de compétences et de savoir-faire utiles au pays. C’est un débat de société qui mérite d’être ouvert.

Enfin, j’indiquerai simplement à M. Cazeneuve que la réforme des retraites, dont le corollaire serait l’augmentation du taux d’activité et des richesses supplémentaires, pourrait se traduire par un gain de 0,2 point de croissance.

Notre stratégie pour maîtriser les finances publiques repose sur la croissance, les réformes structurelles et la réduction des dépenses publiques. Enfin, 1,5 milliard d’euros de crédits seront reportés de 2022 à 2023 pour financer les dépenses des entreprises les plus exposées à la concurrence et dont les factures énergétiques sont les plus élevées.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Il est important de maintenir la dernière étape de la suppression de la taxe d’habitation. Un impôt dont l’essentiel de la population serait exonéré ne peut perdurer. Surtout, nous ne mettons pas fin à cet impôt pour avantager les 20 % de Français les plus riches, comme je l’entends très souvent, mais les 20 % les moins modestes, ceux dont le revenu fiscal de référence est supérieur à 29 000 euros par an.

Vous trouvez anormal que les bénéfices qui pourraient être retirés de la réforme des retraites financent l’éducation ou la transition écologique. Pourtant, c’est le contraire qui se produit aujourd’hui : l’argent que nous dépensons pour compenser des systèmes de retraite déficitaires manque à l’éducation ou à la transition écologique. Surtout, les moyens supplémentaires que dégagerait la réforme des retraites ne tiennent pas seulement aux économies réalisées mais aussi aux gains qui découleraient de la hausse du taux d’emploi – la hausse des cotisations mais aussi de la consommation améliorera les recettes fiscales.

Monsieur le rapporteur général, les dépenses de l’État baisseront de 2,6 % en volume. La dépense globale en volume diminuera de 1,5 % en 2023, dépenses d’urgence et de relance comprises. La baisse des dépenses de relance et d’urgence représente 8,8 milliards d’euros. Chaque ministère est invité à maîtriser ses dépenses, ce qui n’empêche pas d’augmenter les crédits lorsqu’il convient de financer des mesures prioritaires.

Concernant le budget de la sécurité sociale, les dépenses liées à la crise sanitaire devraient diminuer – ce qui améliorera le déficit de la sécurité sociale en 2023 par rapport à 2022. Le déficit de la branche maladie s’amoindrit grâce à la sortie de la phase aiguë de l’épidémie.

Quant aux collectivités locales, le projet de loi de programmation des finances publiques prévoit de réduire leurs dépenses de fonctionnement de 0,5 % en volume par an.

J’en viens aux reports de crédits. La prévision d’exécution permettra d’affiner les chiffres, en janvier et février. Nous souhaitons limiter le volume des reports par rapport aux dernières années. Ils avaient été très importants en plein cœur de la crise épidémique pour, « quoi qu’il en coûte », soutenir au mieux notre économie et nos concitoyens. Bien évidemment, les crédits destinés à financer les aides aux entreprises énergo-intensives qui n’auraient pas été utilisés en 2022 pourront être reportés en 2023. L’article 36 du projet de loi de finances prévoit une liste de programmes autorisés à dépasser la limite de report de 3 % prévue par l’article 15 de la loi organique relative aux lois de finances.

Pour ce qui est des collectivités locales, fin 2021, leur situation financière était très bonne. Ainsi, leur capacité d’autofinancement était supérieure à celle d’avant la pandémie et leur trésorerie comptait 15 milliards d’euros en plus, grâce à l’État qui a apporté un soutien direct à hauteur de 10 milliards d’euros aux collectivités ainsi qu’un soutien indirect tout aussi massif. Leur situation est plus floue en 2022. Les dépenses augmentent pour l’énergie, l’alimentation mais aussi les ressources humaines du fait de la hausse du point d’indice. En revanche, les recettes grossissent, elles aussi, grâce aux impôts fonciers et à la TVA. Nous avions annoncé aux collectivités locales – régions, départements, EPCI – une hausse de leurs recettes de 2,89 % pour l’année 2022. Les recettes de TVA étant plus importantes que prévu, la hausse des recettes est revalorisée à 9,6 %, plus du triple. Le 20 octobre, les régions, les départements et les EPCI recevront 2,5 milliards de plus qu’annoncé – un milliard pour les régions, un milliard pour les départements, 500 millions pour les EPCI. La fiscalité locale progresse aussi, en raison de l’inflation et de la décision de certaines collectivités de revaloriser leurs taux. Même si la capacité d’autofinancement s’est dégradée par rapport à 2021, elle reste supérieure à celle de fin 2019.

Cela ne veut pas dire que tout va bien pour tout le monde et nous devons poursuivre notre action. Bruno Le Maire agit au niveau européen pour « refroidir » les prix de l’énergie. Nous devrons également accompagner les collectivités les plus fragiles : c’est pour cette raison que vous avez voté cet été, à l’initiative de Christine Pires Beaune, une enveloppe de 430 millions destinée aux communes fragilisées par l’inflation. Le décret sortira dans les prochains jours et les premiers acomptes seront versés aux collectivités en novembre – 25 % des communes pourront en bénéficier. Ainsi, jusqu’à 70 % de la hausse des dépenses d’énergie et d’alimentation et jusqu’à 50 % de la hausse des dépenses salariales seront compensées par l’État. Cela ne signifie pas que l’État pourra compenser, en toutes circonstances, les hausses de dépenses contraintes des collectivités locales. Nous n’en avons pas les moyens, aussi devons-nous accompagner celles qui sont le plus en difficulté.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Ce budget s’inscrit dans un contexte politique et économique inédit. Pour répondre à la singularité de la situation, vous avez convié les responsables parlementaires de tous les groupes aux dialogues de Bercy et nous vous en remercions. D’autre part, l’environnement international nous impose de relever des défis gigantesques – la crise énergétique nous le rappelle chaque jour.

Plusieurs solutions existent. Vous auriez pu aggraver l’endettement, augmenter les impôts ou diminuer les prestations. Vous avez préféré accroître le temps de travail en le rémunérant mieux tout en maîtrisant nos finances publiques, comme en témoigne votre projet de loi de finances. Vous avez également prévu de baisser massivement les impôts puisque plus de 6 milliards d’euros ne seront pas prélevés au titre de l’impôt sur le revenu.

Vous accordez la priorité au réarmement régalien de l’État et au financement des dépenses d’avenir – les professeurs de l’éducation nationale pourront ainsi gagner 2 000 euros dès le début de leur carrière.

Reconnaissons cependant que nos finances publiques sont dans un mauvais état. Si nous prévoyons de revenir sous la barre des 3 % de déficit en 2027, nous serons le dernier grand pays de la zone euro à y parvenir. Notre endettement approche les 3 000 milliards. C’est pour cette raison que vous avez décidé d’augmenter la quantité de travail, de réduire les impôts, de libérer l’activité tout en maîtrisant les finances publiques.

Concernant le budget vert, comment serait-il possible d’augmenter le volume des dépenses analysées dans le rapport relatif aux effets du budget général sur l’environnement ? Pourrait-il être étendu aux collectivités territoriales ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). À force d’écrire des romans ou d’être vous-même un personnage houellebecquien, je me demande, monsieur le ministre, si votre perception de la réalité et des fantasmes n’est pas gravement entamée. Vous vivez dans un monde qui semble contrôlé et vous donnez à l’irrationalité de votre politique un semblant de rationalité qui ne trompe personne. En vérité, quand on voit les hypothèses à partir desquelles votre politique se forme et les réponses que vous apportez, vous apparaissez comme le capitaine d’un navire pris dans la tempête, qui aurait perdu ses voiles et son gouvernail. L’horizon ne se dégagera pas de lui-même ! Il appartient aux hommes politiques et aux dirigeants de prendre leurs responsabilités et d’assumer des décisions qui cassent la fatalité.

Vous présentez un budget de soumission à la mondialisation, à l’inflation, à la guerre. Vous êtes victime d’un incendie que vous avez vous-même allumé mais que vous ne savez plus éteindre. Vous ne vous attaquez pas aux causes de l’inflation, en particulier de l’inflation énergétique. Votre bouclier tarifaire n’est rien de plus que la subvention de la spéculation par les contribuables. Vous financez par l’impôt des Français les marges ahurissantes, infondées, injustes, spéculatives des énergéticiens et vous présentez la récupération d’un surprofit qui n’aurait pas lieu d’être comme une action politique. Mais vous ne faites rien, à part rattraper un argent qui n’a jamais appartenu à ceux à qui vous le reprenez !

Vous prétendez chercher de l’argent mais il n’y a jamais eu autant de bénéfices qui devraient être taxés à leur juste proportion. Il faut rétablir la justice fiscale. Vous ne prenez aucune mesure pour soutenir les consommateurs de fioul comme si un drame social ne se jouait pas, en ce moment, en France ! Vous restez tout aussi passif face à la flambée du prix du bois alors que c’est votre gouvernement qui a incité les gens à se chauffer au bois. Ils ne s’en sortent plus ! Et je ne parle pas des sujets tabous ! Il ne faut pas toucher aux 26 milliards de l’Union européenne, ni au déficit public et encore moins à l’immigration ! Il est certain que, dès lors que vous sortez 100 milliards de dépenses publiques de l’action politique, vous ne pouvez que subir ! Les Français se demandent quand vous reprendrez le contrôle de la situation. Arrêtez de faire payer vos erreurs aux contribuables !

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Voilà un budget inquiétant : la hausse des prix est plus forte et la croissance plus faible que vous ne l’aviez prévu. Le Haut Conseil des finances publiques a confirmé la fragilité de vos chiffres. Vos discours ne sont guère plus rassurants : le 8 juin vous affirmiez que le pic de l’inflation avait été atteint avant de reconnaître, fin août, que la situation ne s’améliorerait pas avant 2023 ; M. Véran a même découvert que le pic s’était transformé en un « plateau haut de l’inflation ». Bref, vous vous êtes lourdement trompés !

La crise est-elle derrière ou devant nous ? Vous vouliez nous faire croire, cet été, qu’elle se terminerait bien vite et qu’il était inutile d’augmenter les salaires ou les minima sociaux parce qu’une prime suffirait largement. Il n’était pas davantage nécessaire, bien évidemment, de bloquer les prix ou de taxer les superprofits puisque cet enrichissement indécent n’était pas censé perdurer.

Or, à présent que la crise semble devant nous, qu’allez-vous faire ? Il faut soulager les classes populaires et moyennes, qui se saignent à la pompe et au supermarché. Les plus fortunés doivent contribuer au budget de la nation en s’acquittant de l’impôt sur la fortune, qu’il convient de rétablir. Sinon, expliquez-nous comment fonctionne ce ruissellement dont vous nous parlez tant ?

Si la crise est devant nous, nous avons impérativement besoin d’une taxe sur les superprofits, ne serait-ce que pour équilibrer les comptes de la nation, auxquels vous semblez attacher une certaine importance.

Si la crise est devant nous, mettrez-vous enfin entre parenthèses l’absurde objectif de réduire les déficits publics ? J’y vois, non pas une réforme structurelle mais la destruction de nos biens communs qui seuls nous permettent d’affronter les crises économique, écologique, sociale, sanitaire.

D’autres situations sont très préoccupantes. Je pense en particulier aux bailleurs sociaux. L’explosion des charges conduira à des situations dramatiques.

Quant à la réforme des retraites, je sais qu’il ne faut pas revenir sur une parole mais encore faut-il savoir de laquelle il s’agit. Le Président de la République ne nous expliquait-il pas en 2017 qu’il n’était pas nécessaire de reculer l’âge de départ à la retraire ? Il vaut mieux abandonner sa parole que les Français qui ont droit au respect et au repos.

Mme Véronique Louwagie (LR). Monsieur Le Maire, vous êtes bien le seul à croire à votre scénario. Tous les instituts, le Haut Conseil des finances publiques en tête, considèrent que ces hypothèses sont improbables. Cela étant, en dépit de ces chiffres très optimistes, vous ne parvenez pas à réduire notre déficit puisque vous l’évaluez à 5 %, ce qui reste très élevé. Les taux augmentent et nous devrons emprunter 270 milliards pour financer le remboursement de la dette, probablement à 2,5 % – ce qui est bien supérieur au taux de la dette.

Vous faites de la maîtrise des dépenses publiques un totem. Or les dépenses courantes augmenteront de 62 milliards d’euros l’année prochaine. Pierre Moscovici considère que le redressement des comptes publics n’est pas assuré entre 2022 et 2023. Votre trajectoire suit celles des dépenses publiques du quinquennat précédent : 140 milliards en plus. Vous auriez pu fixer un nouveau cap, donner une nouvelle impulsion. Le « quoi qu’il en coûte » est loin d’être derrière nous. Votre présentation est décevante, inquiétante même.

Concernant le bouclier énergétique, son maintien serait ramené à 16 milliards d’euros grâce à la récupération par l’État d’une partie de la rente des énergéticiens. Pourriez-vous préciser ces chiffres ?

Mme Marina Ferrari (Dem). Ces deux textes ne sont pas placés sous le signe de la soumission ou de la victimisation mais de la responsabilité, de la stabilité et de la protection. Ils nous invitent à poursuivre la politique engagée depuis quelques années pour protéger les Français, accélérer la transition énergétique, valoriser les entreprises et favoriser le plein emploi. Les perspectives pour la croissance fin 2022 sont d’ailleurs encourageantes. Certaines pourraient la trouver insuffisante pour 2023 mais elle reste positive, ce qui est une prouesse dans le contexte actuel. J’y vois les fruits des mesures prises au cours du précédent quinquennat.

Ce PLF prévoit de renforcer les missions régaliennes de l’État. Des budgets importants sont alloués à la justice, la santé, la sécurité et l’éducation. Au-delà des mesures de protection des Français, de nombreux dispositifs permettront de lutter contre la grande pauvreté. Ainsi, la solidarité à la source est un chantier très attendu par les Français.

L’engagement de l’État envers les collectivités territoriales reste fort, comme en témoigne le maintien des dotations. L’évolution des dépenses de fonctionnement est limitée à un rythme inférieur de 0,5 point par rapport à l’inflation nationale.

Nous approuvons la suppression de la CVAE pour soutenir notre économie. Le fonds vert de 1,5 milliard d’euros permettra d’accompagner les collectivités locales dans la transition écologique mais nous nous demandons comment il s’articulera avec la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL). Espérons enfin que les collectivités locales retrouveront leur autonomie fiscale dans certains secteurs.

L’article 21 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit un dispositif pérenne d’évaluation de la qualité de l’action publique. Comment s’articulera-t-il avec le travail parlementaire ?

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Concernant les retraites, le débat n’a pas été tranché. J’ai voté pour Emmanuel Macron au deuxième tour, comme des millions de personnes, mais pas pour qu’il mène cette réforme des retraites. J’aurai d’ailleurs la bonté de ne pas vous rappeler le score du Président de la République au premier tour. Qu’est-ce qu’un délai raisonnable, monsieur le ministre ? Réformer les retraites en déposant un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale remplit-il ce critère ? Je suppose que vous avez chiffré cette réforme : vous fera-t-elle économiser plus ou moins de 8 milliards d’euros, qui correspondent à la suppression de la CVAE ?

S’agissant des entreprises électro-intensives et exportatrices, vous annoncez un rehaussement du plafond des aides jusqu’à 100 millions d’euros : vous engagez-vous à publier la liste des entreprises bénéficiaires ?

Le 30 juin 2023, le tarif réglementé prendra fin : que deviendra le bouclier tarifaire à partir du 1er juillet 2023 ?

L’article 7 du projet de loi de programmation des finances publiques prévoit que les dépenses fiscales nouvellement créées devront être évaluées avant leur éventuelle reconduction. Pourriez-vous nous fournir les résultats précis de l’évaluation, en termes d’emplois, d’investissement, de relocalisation, de la suppression des 10 milliards de CVAE avant d’aller plus loin ?

Enfin, les collectivités territoriales sont des acteurs à part entière et protègent nos concitoyens au même titre que l’État. Nous n’approuvons pas la politique d’affaiblissement du budget de l’État que vous menez depuis cinq ans, après avoir supprimé 50 milliards de ressources, mais nous pourrions au moins nous entendre pour instaurer des dispositifs en faveur des collectivités. J’ai lu dans la presse qu’enfin, la dotation forfaitaire des communes ne serait plus écrêtée pour financer la progression des dotations de péréquation – dotation de solidarité urbaine ou dotation de solidarité rurale. Je suis prête à y travailler avec vous.

M. François Jolivet (HOR). Saluons tout d’abord les dialogues de Bercy qui sont une excellente initiative.

Ce PLF semble réussir à protéger le pouvoir d’achat des Français face à l’inflation tout en contenant la dette publique afin de ne pas compromettre les ressources des générations futures.

Les intervenants des dialogues de Bercy ont ciblé les critiques dont fait l’objet MaPrimRénov’, les bénéficiaires souhaitant des rénovations plus complètes. Que deviendra la démarche monogeste du changement de pompe à chaleur, destiné le plus souvent à changer les chaudières au fioul qui ne sont plus réparables ?

Vous prévoyez d’installer un fonds vert doté d’1,5 milliard pour accélérer la transition écologique dans les territoires. Quelles en seront les conditions d’accès ?

Le nouveau dispositif de l’assurance récolte prévoit de doubler le plafond de la taxe affectée au fonds national de gestion des risques agricoles. Quels en seront les montants et les conditions d’utilisation ?

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Le cadre budgétaire que vous proposez n’est pas adapté à la situation. Vous prévoyez un déficit budgétaire à 5 % du PIB. Vous supprimez en deux étapes la CVAE, nous privant ainsi de 4 milliards de recettes fiscales. Vous refusez de taxer les surprofits alors que nous avons besoin de ressources pour financer les besoins sociaux non couverts, en particulier dans l’éducation nationale ou les hôpitaux. Ainsi, 150 lits sont encore fermés à l’hôpital Saint-Antoine en raison du manque d’infirmiers.

Vous dites ponctionner la rente des énergéticiens mais, pour le moment, seuls les producteurs d’énergies renouvelables reversent une partie de leur manne. Quelles mesures prendrez-vous pour que les producteurs d’énergie fossile contribuent à l’effort ?

L’enveloppe allouée à la transition écologique, notamment la rénovation thermique, est très insuffisante. Un homme politique doit tenir ses promesses, avez-vous dit. Où sont les 10 milliards par an annoncés à Aubervilliers, le 17 mars dernier, par le candidat Emmanuel Macron pour accompagner la transition écologique. En dehors de ceux du programme 145, les crédits affectés à l’écologie stagnent. Ils augmentent en apparence de 2,3 milliards mais ceux dédiés à l’écologie dans le plan de relance baissent de 2,1 milliards. Le budget de MaPrimRénov’ n’augmente que de 500 millions d’euros pour atteindre la modique somme de 2,5 milliards alors que la mission que vous avez confiée à Olivier Sichel, relative à la réhabilitation des logements privés, évalue les besoins entre 8,8 et 10 milliards par an. Vous annoncez le renforcement du dispositif de rénovation globale MaPrimRénov’Sérénité mais quel montant prévoyez-vous d’y affecter ?

M. Nicolas Sansu (GDR). Dans un contexte de crises majeures – guerre en Ukraine, crise sociale, crise climatique, crise démocratique –, vous faites une faute politique en restant dans le cadre des règles libérales européennes avec la réforme des retraites ou le massacre de l’assurance chômage. Les conséquences sont terribles pour les peuples qui se tournent, en désespoir de cause, vers les partis d’extrême droite, comme cela s’est produit chez nos voisins.

Le PLF pour 2023 confirme le désarmement fiscal en préférant l’impôt indirect à l’impôt direct, pourtant plus juste, ou l’impôt proportionnel à l’impôt progressif, en profitant de la richesse nationale pour rémunérer encore davantage le capital plutôt que le travail.

Vous ne tenez pas compte des crises qui nous assaillent. Où est le grand plan de transition écologique qui aurait dû échapper aux calculs de Maastricht ? Où est la grande réforme du marché de l’énergie qui verrait enfin naître un véritable service public de l’énergie, seul capable de mettre fin aux rentes insupportables ? Les 45 milliards déboursés pour financer le bouclier tarifaire se retrouveront dans les profits de Total demain. L’objectif doit être de casser la rente, pas seulement de la compenser. Les producteurs d’énergies renouvelables paient 19 milliards, la contribution au service public d’électricité (CSPE) 9 milliards et la compagnie nationale du Rhône un milliard, sur ces 45 milliards. La taxation des superprofits ne serait pas seulement une mesure de justice fiscale mais une nécessité. Vous avez tort de ne pas répondre à une situation exceptionnelle par des mesures exceptionnelles.

Enfin, où est le soutien aux collectivités territoriales ? Vos annonces sont indigentes. Les 430 millions issus de la LFR pour 2022 ne régleront rien pour 2022 ni pour 2023. Les tarifs réglementés de vente (TRV) ne s’appliquent plus qu’aux très petites communes. C’est une faute politique que d’abandonner les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui sont le creuset de notre République et de ses valeurs.

M. Charles de Courson (LIOT). Malgré un cadrage macroéconomique trop optimiste, le déficit effectif est stable à 5 %, niveau parmi les plus élevés de nos partenaires européens. Le poids de la dette publique est quasiment stable en 2023, et ce jusqu’en 2027, et le taux de prélèvements obligatoires, à 44,7 % du PIB, se situe à un niveau encore plus élevé qu’en 2021, où il était de 44,3 %. Cette situation s’explique par le fait qu’il n’y a pratiquement pas d’économies réelles. L’évolution des dépenses publiques n’est pas une baisse de 1,5 % en volume, comme M. le ministre Attal vient de l’indiquer, mais, d’après le Haut Conseil des finances publiques, une hausse de 0,7 %. Vous vous référez en effet à l’indice de la consommation plutôt qu’à l’indice des prix implicites du PIB, et avez baissé massivement les recettes – de 13,7 milliards, selon le Haut Conseil. Quel est le montant des économies prévues par le Gouvernement dans ce projet de loi de finances ? Êtes-vous ouverts, comme vous l’avez indiqué dans le cadre des dialogues de Bercy, à d’éventuels amendements d’économies ?

S’agissant des mesures pour les ménages en matière d’énergie, vous persistez à prévoir des mesures générales et uniformes, mais M. Le Maire s’est déclaré tout à l’heure ouvert à une évolution. Êtes-vous favorables à des amendements qui permettraient de concentrer les aides sur ceux de nos concitoyens qui en ont le plus besoin ?

Vous cassez le lien entre entreprises et collectivités territoriales en supprimant la CVAE en deux ans. Une solution pour la maintenir serait un dégrèvement, plutôt que le dispositif que vous nous proposez. Êtes-vous ouverts à un tel dégrèvement ?

Quel est le coût du nouveau décret pour les entreprises électro-intensives ?

Où en êtes-vous de l’éventuel prélèvement exceptionnel sur les bénéfices générés par les entreprises, notamment dans les domaines de l’énergie et des transports ?

M. Bruno Le Maire, ministre. Monsieur Lefèvre, oui nous travaillons à l’extension du budget vert, et tout ce qui permettra de l’étendre, de le développer ou de lui donner plus d’ampleur recevra un accueil favorable. Nous l’avons déjà étendu, pour 2023, à France 2030 et ses 30 milliards d’euros de crédits, aux transferts à l’Union européenne et aux dotations de soutien à l’investissement local. Certaines communes, y compris de très grandes, comme Paris, se sont déjà inscrites dans cette perspective du budget vert. C’est une dynamique qu’il faut encourager et développer.

Monsieur Tanguy, vous avez un rapport compliqué à la vérité. Vous parlez de soumission matin, midi et soir ; or, en la matière, vous en connaissez un rayon ! Soumission à Vladimir Poutine, à la Russie, à la violence de l’armée russe, refus des sanctions contre la Russie : en matière de soumission, vous parlez en expert.

Pour ce qui est de la justice fiscale, je rappelle que le seul État qui s’oppose à la mise en place d’un impôt minimum de 15 % pour éviter l’évasion et l’optimisation fiscales est la Hongrie de M. Orban, que Mme Le Pen soutient matin, midi et soir.

Quant au fioul, vous avez sans doute oublié que vous avez voté 230 millions de crédits de soutien aux ménages qui se chauffent avec ce combustible.

Avoir un rapport aussi compliqué à la vérité, c’est dommage pour un membre de la commission des finances !

Monsieur Guiraud, le plus difficile est devant nous, je l’ai dit au mois de juin ; je ne crois donc pas avoir trompé les Français sur la réalité de la situation économique ni sur la réponse que nous avons apportée. Nous sommes le seul pays de la zone euro qui a indexé sur l’inflation le salaire minimum, l’intégralité des prestations sociales et l’intégralité des retraites : protection. Le seul pays qui a mis en place un bouclier sur le gaz et sur l’énergie : protection. Le seul qui a instauré une remise sur le carburant : protection, encore, de nos compatriotes, notamment des plus modestes. Avec la remise supplémentaire de 20 centimes d’euro que nous avons obtenue de Total, le prix à la pompe affiche 50 centimes en moins ; nos compatriotes préfèrent que cette réduction aille dans leur poche plutôt que dans celle du Trésor public. Nous avons également obtenu des banques un plafonnement à 2 % des frais bancaires. Pour les plus modestes, nous avons obtenu que le niveau maximal de frais bancaires mensuels passe de 3 euros à 1 euro. Nous avons obtenu également un plafonnement de la part des assureurs et des remises de 750 euros par container pour les transporteurs maritimes.

Oui, nous nous sommes battus depuis des mois pour que la facture soit la moins lourde possible pour les classes moyennes et pour les ménages les plus modestes.

Pour ce qui est, enfin, des retraites, vous évoquez 2017, mais permettez-moi de vous rappeler que nous sommes en 2022, et que le Président de la République a gagné l’élection présidentielle. Lorsqu’il était candidat, il a présenté son projet, dans lequel se trouvait une réforme des retraites qui comportait une mesure d’âge à 65 ans et une accélération du nombre de trimestres à cotiser. Ayant gagné cette élection, le Président de la République est donc fondé à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été choisi par nos compatriotes.

Madame Louwagie, nous ne sommes pas les seuls à défendre cette prévision de croissance pour 2023, que le Haut Conseil lui-même dit ambitieuse, mais crédible. Depuis à peu près cinq ans qu’on me répète que toutes nos prévisions de croissance sont trop ambitieuses, je constate que la croissance française se tient, qu’elle est solide. Je crois dans les forces de la France et dans la capacité de l’économie française à dégager des marges de croissance, parce que nos entreprises continuent à investir, parce que nous voulons les protéger contre le risque énergétique, parce que nous avons préservé la demande et parce qu’un taux d’épargne qui reste élevé doit permettre, le cas échéant, de soutenir la demande.

Pour ce qui est, enfin, du gain que nous faisons sur les énergies renouvelables, si le bouclier énergétique représente bien 16 milliards d’euros, le gain lié aux ENR, les énergies renouvelables, est de 19 milliards d’euros pour 2023. À tous ceux qui diront que nous ne taxons pas assez, je ferai observer que 19 milliards d’euros, ce ne sont pas des clopinettes : c’est beaucoup d’argent pour financer notre modèle de protection, notre bouclier énergétique, qui résulte précisément du prélèvement sur les énergéticiens.

Madame Pires Beaune, vous n’avez pas eu la cruauté de rappeler le score d’Emmanuel Macron au premier tour de l’élection présidentielle, je l’aurai moi-même : il a obtenu 28 % – Anne Hidalgo, 1,7 % – et il a remporté le second tour de cette élection. Il me semble donc que l’un est mieux fondé que l’autre, en droit comme politiquement, à mettre en œuvre le projet pour lequel il a été élu.

Quant aux entreprises bénéficiaires de la CVAE, il s’agit à 75 % de PME et à 25 % d’entreprises du secteur de l’industrie, c’est-à-dire beaucoup plus que les 11 % que représente l’industrie dans la richesse nationale. Il me semble donc qu’il s’agit d’une bonne mesure, puisqu’elle bénéficiera principalement aux entreprises industrielles.

Pour ce qui est, enfin, de la suppression des 10 milliards d’euros d’impôt de production, je constate que, pour la première fois depuis vingt ans, le solde net d’emplois industriels sur cinq ans est positif. Ce n’est pas un miracle – il ne s’agit que de 17 000 emplois, une fois prises en compte les destructions d’emplois liées à la crise du covid –, mais nous sommes dans la bonne direction. Pour la première fois depuis de nombreuses années, nous mettons fin à l’hémorragie de l’emploi industriel – plus d’un million d’emplois industriels détruits – et recréons enfin des emplois dans ce secteur. L’année dernière, on a ouvert plus de sites industriels qu’on n’en a fermés ; des investissements majeurs ont été faits, tel celui de Global Foundries à Crolles, près de Grenoble, avec STMicroelectronics, qui permet à notre pays d’être leader dans le domaine des semi-conducteurs. Quand on tient le bon bout, il ne faut pas le lâcher.

Je suis prêt à ce que nous rendions des comptes sur ces choix. S’il y avait eu des destructions d’emplois industriels par dizaines de milliers au cours des années passées, j’aurais bien été obligé de constater que ce n’était pas la bonne politique, mais dès lors que le solde est positif, je considère que nous sommes dans la bonne direction.

Par ailleurs, et je pense que vous partagez cette ambition, la reconquête industrielle n’est pas seulement un sujet économique. Certes, elle crée des emplois qualifiés et bien rémunérés, et permet de répondre aux attentes de nombreux jeunes, mais elle est aussi un enjeu politique, car l’industrie est une part de la culture économique française. De fait, l’hémorragie industrielle se traduit aussi par des désastres politiques. Reconquérir l’emploi industriel est donc pour moi une priorité vitale. Par respect pour la culture industrielle qui a toujours fait la force de notre nation, je ne ménagerai pas mes efforts : outre la baisse des impôts de production, nous ferons tout ce qui est nécessaire pour réussir cette reconquête, que ce soit en matière de formation, de qualification, de CFA, d’installation des usines ou d’accompagnement de ces dernières face à la transition énergétique et à l’augmentation des prix.

Madame Sas, je vous confirme que les recettes fiscales représentent 19 milliards d’euros et qu’elles s’appliquent principalement aux énergies renouvelables. C’est une question de justice. Durant des années, nous avons garanti aux énergéticiens – Total, Engie, EDF – un certain prix en échange de leurs investissements dans le solaire ou dans les éoliennes, parce qu’ils étaient coûteux et risqués. Des milliards d’euros ont ainsi financé le manque à gagner de ces énergéticiens, il est donc normal que, lorsque le prix de l’électricité explose bien au-dessus de ce prix garanti, ceux-ci nous reversent la différence. Elle représente près de 20 milliards d’euros de recettes, ce qui est considérable. Cette mesure est donc efficace et juste, car les énergéticiens n’ont fait aucun investissement de plus l’année où ils ont touché ces milliards de bénéfices ; ils ont bénéficié d’une rente et nous la récupérons.

Il y a là un vrai débat politique, tout à fait noble et intéressant, entre ceux qui veulent taxer toutes les entreprises qui font des bénéfices, sous couvert d’une « taxe sur les superprofits », et ceux qui veulent récupérer une rente. J’ai vu la proposition qui vise à taxer toutes les entreprises réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et des bénéfices : cela s’appelle une taxe universelle sur toutes les entreprises et ce n’est pas ce que nous voulons. Nous voulons récupérer les rentes. Nous sommes contre les rentes, les bénéfices indus et les profits que des entreprises peuvent faire alors qu’elles n’ont pas investi et ne font que bénéficier d’une explosion conjoncturelle des prix de l’électricité. Nous les taxons donc à hauteur de près de 20 milliards d’euros

Nous ne taxons pas la production d’énergie fossile tout simplement parce que la France ne produit plus ni gaz ni pétrole : il n’y a donc rien à taxer. On peut, en revanche, taxer le raffinage – il y a là une vraie question, sur la base de la proposition européenne, et nous aurons l’occasion d’en parler. Quant à la production de pétrole de Total, elle est taxée dans les pays de résidence : c’est le principe de l’établissement stable en matière fiscale, qu’il est bon de respecter.

Quant à la rénovation globale, ses coûts vertigineux en font un débat compliqué. Faut-il concentrer les aides sur un nombre plus restreint de personnes pour favoriser des rénovations globales, ou maintenir un dispositif très large qui donne lieu à plus de gestes individuels, ce qui soutient aussi les activités du bâtiment et l’emploi ? Nous sommes prêts à avoir ce débat car il est utile pour notre pays.

Monsieur Sansu, vous évoquez un désarmement fiscal, mais avec un taux de prélèvements obligatoires qui reste le deuxième de tous les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), on ne peut pas véritablement dire que ce soit le cas et je ne pense pas que ce soit la perception de nos contribuables.

Quant à la part de rémunération du capital et du travail, c’est une fierté française que nous soyons le pays développé qui a le mieux maintenu la part de rémunération du travail par rapport au capital, et nous avons tout intérêt à rester dans cette direction.

À propos de la réforme du marché européen de l’énergie, je vous confirme notre détermination, qui est celle du Président de la République, de la Première ministre et de toute la majorité, à porter ce débat. Voilà un an que nous demandons le découplage des prix du gaz et de l’électricité, car ce couplage est une aberration économique et environnementale. Je me suis entretenu au téléphone à plusieurs reprises à ce sujet avec mon homologue allemand, Robert Habeck, et nous continuerons à nous battre en ce sens. Cela me paraît absolument indispensable.

Enfin, monsieur de Courson, les amendements proposant des économies recevront, bien entendu, un accueil favorable de notre part.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Lefèvre, le budget vert sera présenté dans les prochains jours. Christophe Béchu, Caroline Cayeux et moi-même travaillons avec les associations d’élus à l’adoption d’un référentiel national de budget vert, ce qui nous permettra de faire la vérité quant au prix de ce budget pour l’État comme pour les collectivités locales. Bercy a connaissance de l’existence d’un tel budget dans une dizaine de collectivités, mais elles sont probablement beaucoup plus nombreuses à l’avoir adopté. C’est le cas, par exemple, d’Issy-les-Moulineaux – chez moi –, qui l’a fait très tôt. Il serait bon de systématiser cette pratique, avec un cadre global afin de parler de la même chose.

Madame Louwagie, le rythme de réduction de la dépense publique prévu par le programme de stabilité, qui s’inscrit très concrètement dans la loi de programmation des finances publique, est l’effort le plus soutenu depuis vingt ans – le rythme de réduction est deux fois supérieur à ce qu’il était durant le quinquennat précédent.

Vous critiquez la marche prévue pour l’année 2023, mais le total s’élève, pour tous les ministères, à 22 milliards d’euros – et non pas 62 milliards, comme je l’ai entendu dire. On peut critiquer ce projet, mais il faut alors nous dire quoi retirer. Les 3 milliards d’euros supplémentaires pour la défense, alors qu’il faut évidemment continuer à la réarmer ? Le 1,4 milliard destiné à nos forces de sécurité, nos forces de police ? Les 3,7 milliards pour l’éducation, qui nous permettent de revaloriser la rémunération des enseignants ? Les 6 milliards en plus pour le travail, qui nous permettent d’atteindre le chiffre d’un million d’apprentis ? Les budgets pour l’écologie, qui nous permettent d’accélérer la transition ? Il y a des choix à faire, mais je suis sûr que vous pourrez, dans le cadre du débat, porter des propositions d’économies structurelles et que nous travaillerons ensemble à cet objectif.

Madame Ferrari, l’article 21 de la loi de programmation des finances publiques fait suite immédiatement aux dialogues de Bercy. Durant la deuxième séance de ces dialogues, nous avons eu un débat assez vigoureux sur la question de la qualité de la dépense publique, dans lequel est intervenu M. Tanguy. A notamment été cité l’exemple des dépenses de logement – on dépense beaucoup plus en France pour le logement que chez nos voisins européens, pour une qualité qui n’est pas vraiment au rendez-vous. Je me suis déclaré très ouvert à l’idée d’inscrire, dans la partie consacrée à la gouvernance de la programmation des finances publiques, un dispositif permettant d’évaluer la qualité de la dépense publique. Nous avons donc intégré dans la LPFP une accroche permettant d’avoir ce débat au Parlement, afin d’enrichir le dispositif. Contrairement donc à ce qu’a pu dire M. Tanguy, les dialogues de Bercy n’étaient pas seulement de la « com’ ».

Nous proposons donc un cadre et, dans les débats parlementaires que nous aurons, d’établir ensemble une liste de politiques publiques nécessitant une évaluation qualitative de la dépense publique. Ces évaluations auront lieu durant l’hiver et les rapports seront remis concomitamment au dépôt du projet de loi de règlement pour alimenter les travaux du Printemps de l’évaluation, eux-mêmes pouvant ensuite alimenter le prochain PLF. Cet exercice, qui sera répété chaque année, pose une nouvelle brique de notre gouvernance des finances publiques.

Madame Pires Beaune, je suis très ouvert à ce que nous travaillions ensemble au dispositif que nous avons annoncé pour abonder les dotations de solidarité urbaine et de solidarité rurale. Le rapporteur général voulait, lui aussi, proposer un mécanisme permettant de cibler cela le mieux possible.

Monsieur Jolivet, le fonds vert visera notamment à soutenir la performance environnementale des collectivités, en matière notamment de rénovation des bâtiments publics ou de modernisation de l’éclairage public, l’adaptation des territoires au changement climatique du point de vue des risques naturels et de la renaturation, et l’amélioration du cadre de vie. Il portera également à 150 millions d’euros le financement de la stratégie nationale pour la biodiversité.

L’organisation de ce fonds vert relève des prérogatives de Christophe Béchu et de Caroline Cayeux – nous nous contentons, quant à nous, de le financer –, mais je puis au moins vous dire que le Gouvernement veut un dispositif simple et accessible aux petites collectivités. Nous avons retenu l’expérience des appels à projets qui sont multipliés, avec parfois un coût d’entrée très lourd pour de petites collectivités, et nous voulons déconcentrer au maximum les fonds et faire des préfets les interlocuteurs des collectivités. Tout cela est en train d’être défini par mes collègues Béchu et Cayeux.

Pour ce qui est de l’assurance récolte, le montant des crédits bruts budgétaires introduits sur le programme 149 de la mission Agriculture est de 256 millions d’euros au titre du PLF pour 2023. Le plafond de la taxe affectée au Fonds national de gestion des risques en agriculture, assise sur les cotisations d’assurance, est doublé, ce qui la porte à 120 millions. Avec les crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural, d’un montant de 184,5 millions d’euros, on atteint un chiffre total de 560 millions d’euros de soutien public pour la gestion des risques en 2023, destinés au subventionnement de l’assurance récolte et aux tâches de solidarité nationale. Ce soutien public doit ensuite passer à 600 millions d’euros en 2025. On voit que l’engagement du Président la République de soutenir nos agriculteurs soumis à des aléas climatiques majeurs est tenu.

Concernant MaPrimeRénov’, nous convenons tous qu’il faut recalibrer le soutien pour qu’il aille davantage aux rénovations globales. Alors que l’objectif initial était de rénover 80 000 passoires thermiques en 2021, 2 500 l’ont été : nous n’y sommes pas, et il faut avancer. Nous avons commencé à en parler dans le cadre des dialogues de Bercy et nous allons continuer à travailler ensemble pour mieux calibrer les aides.

Madame Sas, pour ce qui est du niveau de soutien de l’État pour le climat et la rénovation énergétique, je rappellerai l’analyse transmise par l’Institut de l’économie pour le climat, think tank indépendant régulièrement cité, notamment par les Verts : si on additionne les financements pour le climat, les dépenses budgétaires et fiscales et l’action des opérateurs publics et privés, on atteint un chiffre de près de 15 milliards d’euros, ce qui représente, pour la France, un étiage de dépenses acceptable et soutenable, mais il faut mieux centrer certaines aides, dont MaPrimeRénov’.

Monsieur Sansu, vous avez qualifié d’indigent notre soutien aux collectivités locales. Comme vous l’imaginez bien, je ne reprendrai pas ce terme à mon compte alors que 2,5 milliards d’euros de recettes de TVA supplémentaires vont arriver d’ici à la fin de l’année et que nous avons instauré un filet de sécurité de 430 millions d’euros sur 2022 – système que nous sommes disposés, si nécessaire, à rééditer pour 2023. En outre, je ne l’ai pas dit dans mon intervention liminaire mais les concours financiers de l’État aux collectivités locales en 2023 augmenteront de 1,1 milliard d’euros, tout comme le Fonds de compensation pour la TVA (FCTVA), le prélèvement sur recettes de compensation à la suppression des impôts de production et plusieurs concours. Ajoutons à cela le fonds vert et l’abondement des dotations proposé par Mme Pires Beaune, que nous retenons pour un montant de 210 millions d’euros. Cela ne me semble pas du tout indigent, surtout dans le contexte de finances publiques que nous connaissons aujourd’hui.

Monsieur de Courson, nous sommes évidemment ouverts à des amendements et à des propositions d’économies. Quant à savoir pourquoi ne pas remplacer la suppression de la CVAE par un dégrèvement, c’est tout simplement parce que nous ne voulons pas continuer à faire vivre un impôt fantôme, qui mobilise des agents publics chargés de son calcul et impose des obligations déclaratives assez lourdes aux entreprises. Supprimer la CVAE, c’est supprimer de la pression fiscale pour les entreprises et supprimer des modalités et des charges administratives et déclaratives assez lourdes, pour leur simplifier la vie.

M. le président Éric Coquerel. Je précise, pour la qualité des arguments échangés dans notre débat, que la taxe sur les superprofits ou sur les bénéfices telle qu’elle a été proposée en vue d’un référendum d’initiative partagée porterait sur un seuil de bénéfices supérieur de 25 % à la moyenne de 2017-2019, ce qui correspond à peu près, sauf erreur de ma part, à la proposition de la Commission européenne pour les énergéticiens.

Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Dominique Da Silva. Nous soutenons, évidemment, le merveilleux cap du plein emploi fixé par le Président la République.

Avec l’ambition de dépasser le million de contrats d’alternance, comment appréhendez-vous le bon financement du coût des contrats avec les régions et avec France compétences, qui, après ce doublement du nombre d’apprentis – dont on ne peut du reste que se féliciter – accuse un déficit de près de 6 milliards d’euros ?

Les besoins en logements locatifs pour les salariés les plus modestes sont grands, et la mobilité dans le parc social fort nécessaire. Quelles orientations budgétaires ou pistes permettraient d’y répondre ?

M. Louis Margueritte. Ces textes sont résolument tournés vers l’avenir et allient protection du pouvoir d’achat des Français et réhabilitation de la valeur travail. Ils traduisent clairement l’engagement de l’État et de la majorité en termes de créations de postes : 1 547 équivalents temps plein (ETP) dans l’armée, 200 brigades de gendarmerie renforcées dans nos territoires, une augmentation inédite dans la justice. C’est essentiel pour renforcer la présence de l’État dans nos territoires.

Le maintien de la trajectoire des dépenses publiques n’étant assurément pas un objectif absurde, pouvez-vous nous dire où se portent les efforts de la puissance publique en matière de réduction ou de moindre augmentation des effectifs de la fonction publique ?

M. David Amiel. Le bouclier tarifaire, dispositif unique en Europe, permet d’éviter des hausses qui, sans lui, seraient huit fois supérieures. Comme d’autres mesures, ce dispositif peut être financé, car la stratégie économique du Gouvernement est solide – ce qui se passe au Royaume-Uni suffit à rappeler que, quand on ne maîtrise pas son déficit public, l’impact sur le pouvoir d’achat de la hausse des taux d’intérêt et de l’inflation est délétère.

Les fortes incertitudes qui pèsent sur l’évolution du prix de gros et la fin, prévue en juillet, des tarifs réglementés de vente du gaz, auront-elles des conséquences sur le bouclier tarifaire en 2023 et sur son coût pour le budget ?

M. Charles Sitzenstuhl. Ce quinquennat coïncidera avec une remise à plat des règles budgétaires européennes, chantier très important demandé par la France depuis plusieurs années et confirmé par la présidente de la Commission européenne à Strasbourg, dans son discours sur l’état de l’Union.

Où en sont vos discussions à ce propos avec vos homologues au sein de l’Eurogroupe et du Conseil des affaires économiques et financières (ECOFIN) ? Quelles incidences sur les travaux de l’Assemblée nationale, en particulier de notre commission des finances, l’évolution des règles pourrait-elle avoir pour le quinquennat actuel ?

M. Michel Castellani. Monsieur le ministre j’appelle votre attention et celle du Gouvernement sur la nécessité d’adapter les mesures de soutien aux situations particulières des îles, des outre-mer et de certains territoires vulnérables. Je vous sais sensible à la question corse et à son caractère particulier. Nous discutons actuellement avec le Gouvernement et il ne faudrait surtout pas rater cette occasion.

J’ai défendu et je défendrai encore une série d’amendements qui vont dans le sens d’un soutien adapté aux territoires fragiles, ainsi qu’à l’économie et à la vie sociale de l’île. Je ne peux qu’espérer que cette demande ne reste pas lettre morte et, en particulier, que vous renonciez aux suppressions de certaines exonérations prévues à l’article 9, qui vont visiblement dans le mauvais sens.

Pour ce qui est de la question du carburant, il faut aller au bout de la mission de l’Autorité de la concurrence, réguler les prix finaux et empêcher la disparition du groupe Ferrandi, qui susciterait des problèmes sociaux et transformerait la structure, déjà cartellisée, en situation monopolistique, avec tous les aspects négatifs que cela comporterait.

Nous avons conscience de vos difficultés, mais nous attendons que vos services et vous-même interveniez pour plus de justice en direction des territoires les plus défavorisés et pour la Corse.

Mme Marie-Christine Dalloz. Le Haut Conseil des finances publiques considère votre prévision de croissance de 1 % comme un peu ambitieuse, du moins peu réalisable. De fait, de nombreuses entreprises pratiquent aujourd’hui des arrêts de travail sur les chaînes de production en raison de la hausse du prix de l’énergie. Si ce phénomène se poursuit en 2023, la croissance en sera nécessairement affectée.

Je souhaiterais voir des simulations avec des progressions de taux d’intérêt au-delà des 2,5 % pratiqués actuellement par la banque centrale. Je ne pense pas que nous puissions avoir des garanties sur une stabilisation de ce taux : comment, alors, estimer l’éventuelle dérive ?

Mme Stella Dupont. Nous sommes tous très attachés à notre modèle social, qui vise à soutenir les plus fragiles. Je note, dans les crédits vous nous présentez, plus de 2 milliards d’euros supplémentaires pour la mission Solidarité en crédits de paiement, et un peu moins en autorisations d’engagement. La cohésion des territoires bénéficie d’une hausse de l’ordre de 700 millions d’euros, mais je m’étonne du recul de 30 millions d’euros en autorisations d’engagement. Quelles sont les priorités qui guident l’action du Gouvernement en matière de lutte contre la pauvreté, et particulièrement en matière d’hébergement d’urgence ?

M. Franck Allisio. S’il y a un domaine qui se porte bien ces derniers mois, ce sont les recettes fiscales sur les ménages : plus 6 milliards d’euros de TVA par rapport à 2022, plus 4,5 milliards d’impôt sur le revenu. Cela fait du Gouvernement, à tout le moins, un profiteur de l’inflation, et de la France, l’éternel vice-champion du monde des impôts. Vous invoquerez votre effort en matière d’impôt sur le revenu, mais cet effort n’en est pas un, car c’est la non-indexation du barème de cet impôt qui eût été une véritable augmentation d’impôts déguisée. Parlant d’efforts, où en est le chèque alimentation que vous avez annoncé au mois de juin ?

S’agissant de la taxe foncière, le risque de flambée des valeurs locatives nécessite d’en prévoir le plafonnement, en le compensant toutefois, car il ne s’agit pas de le faire peser sur nos communes.

M. Philippe Lottiaux. On nous dit que la baisse de la CVAE sera compensée intégralement par la TVA et que la moyenne retenue sera celle de 2021-2022. Dans la mesure où le rendement de la CVAE a été moindre sur cette période, du fait d’un décalage des effets de la crise sanitaire, ne serait-il pas plus juste d’inclure le résultat de 2023 ? J’espère aussi que les EPCI, qui sont fortement impliqués dans le développement économique, profiteront de la nouvelle répartition du produit de la TVA et qu’on ne se retrouvera pas avec une énième dotation de compensation.

L’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques fixe une norme pour l’évolution des dépenses des collectivités territoriales. Il est bon qu’une perspective soit donnée, mais il est délicat, au regard de l’autonomie financière des collectivités, que tout écart soit assorti d’une punition. Il est aussi irréaliste de donner le même cadre à toutes les collectivités de France et de Navarre.

M. Fabrice Brun. La France connaît un déficit record, que vous avez encore creusé ces cinq dernières années en décidant de 140 milliards de dépenses ordinaires supplémentaires. La dette excessive, l’envolée de l’inflation et celle des taux à long terme forment une spirale infernale. Ce budget comporte-t-il des mesures de nature à l’enrayer ?

Vous venez d’évoquer, monsieur Le Maire, la suppression de niches fiscales. Pour la clarté de nos débats, pourriez-vous préciser quels dispositifs vous ciblez ?

M. Karim Ben Cheikh. Rapporteur spécial de la mission Action extérieure de l’État, je constate une légère augmentation des moyens budgétaires et humains du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Pouvez-vous confirmer devant la représentation nationale que celle-ci s’inscrit dans une vision pluriannuelle de réarmement de la diplomatie française ? Au vu des premiers éléments disponibles, il me semble que cette hausse n’est pas à la hauteur de l’urgence et des défis auxquels la France est confrontée.

La loi de finances rectificative du 16 août 2022 ne contient pas de mesure en faveur des Français installés à l’étranger, lesquels subissent depuis plusieurs mois la hausse du coût de la vie. Vous avez affirmé devant notre commission qu’une augmentation pérenne des moyens de l’État à destination de nos compatriotes établis hors de France était prévue. Est-ce toujours le cas ? Cette hausse s’intègre-t-elle dans une vision pluriannuelle ?

M. Michel Sala. Vous prônez un dialogue entre le Parlement et le Gouvernement avec de nouvelles méthodes, dont participent les dialogues de Bercy. Pourriez-vous indiquer les effets sur le budget que cette démarche a pu avoir – je n’en vois pas trace dans les réponses que vous avez apportées ?

La BCE a accordé 2 300 milliards de prêts aux banques pour relancer l’activité économique lors de la crise sanitaire, avec des taux allant jusqu’à moins 1 %. Le relèvement récent des taux à 0,75 % a entraîné des superprofits, estimés entre 24 et 31 milliards, pour les banques – lesquelles ne se hâtent pas de rembourser leurs emprunts. Le Gouvernement entend-il intervenir auprès des autorités européennes pour que cette situation indécente cesse immédiatement ?

M. le président Éric Coquerel. M. Tanguy souhaite faire un rappel au règlement ; je vais le lui accorder, non sans indiquer que cette procédure n’est pas d’usage en commission. La courtoisie de nos échanges, à laquelle je suis attaché, doit permettre de l’éviter.

M. Jean-Philippe Tanguy. Je n’ai d’autre choix que de faire ce rappel au règlement car M. Le Maire a gravement mis en cause, et même injurié, les élus du Rassemblement national en osant dire que nous étions soumis à la violence de l’armée russe.

Monsieur le ministre, vous avez le droit d’être ivre des mensonges et de la propagande d’État mais, en tant que ministre de la République, vous devez respecter les élus qui siègent ici, à quelque parti qu’ils appartiennent. Dans la mesure où vous n’avez aucun début de preuve de ce dont vous nous accusez, l’éthique républicaine vous impose de vous taire. Proférer de telles accusations est un poison pour la démocratie !

Nous ouvrirons sans hésiter nos cœurs et notre réalité. Ferez-vous de même dans le cadre de la commission d’enquête, dont nous demanderons prochainement la création, sur les ingérences étrangères et leur influence sur les décisions d’État ?

M. Le Maire, ministre. Je suis au regret de décevoir M. Tanguy, mais je ne me tairai pas. Je prends donc la parole.

Le sujet de la taxation, parfaitement légitime, nécessite de bien poser le débat. La NUPES propose de taxer toute entreprise dont le résultat fiscal de 2023 serait supérieur de 25 % à la moyenne des résultats 2017-2019. À mes yeux, cela ne revient pas à taxer les superprofits mais à taxer tous les profits de toutes les entreprises qui réussissent. La NUPES propose aussi que cette taxe soit imposée jusqu’en 2025, ce qui lui ôte tout caractère exceptionnel. Il s’agira d’une taxe permanente et je souhaite bien du courage à ceux qui voudront la supprimer après cette date. Derrière les mots de « taxation exceptionnelle des superprofits », qui sonnent bien, il y a donc une réalité, celle d’une taxation permanente des profits des entreprises.

La proposition de l’UE est très différente : il s’agit de taxer les entreprises d’un seul secteur, celui de l’énergie, dont le résultat d’une seule année, 2022, serait supérieur de 20 % à la moyenne des résultats 2019-2021, une période plus proche de la crise inflationniste.

M. Da Silva m’a interrogé sur le financement de l’apprentissage. Il est vrai que France compétences accuse un déficit de 6 milliards d’euros ; nous ferons des propositions dans le budget pour que la machine ralentisse et que l’argent soit destiné aux apprentis qui en ont le plus besoin. Olivier Dussopt s’exprimera sur le sujet.

Monsieur Amiel, je veux rassurer nos compatriotes qui s’inquiètent de la fin des TRV du gaz. Afin d’éviter tout risque de flambée des prix, le bouclier s’appuiera sur un indice de référence que la Commission de régulation de l’énergie (CRE) sera chargée de calculer.

J’ai présenté à nos partenaires des propositions concernant les règles budgétaires européennes, monsieur Sitzenstuhl. Ces règles communes, que l’évolution des situations politiques dans la zone euro rend plus nécessaires encore, doivent reposer sur trois principes. La différenciation, d’abord, puisqu’on ne saurait demander à un État dont la dette est de 158 % du PIB de la réduire à 60 % au même rythme qu’un autre dont la dette atteint 70 %. L’appropriation, ensuite : les États doivent faire eux-mêmes des propositions de réformes structurelles et de réduction des dépenses qui garantissent le retour du déficit sous les 3 %. Ainsi, lorsque nous proposons de réformer les retraites ou l’assurance chômage, nous traçons une trajectoire crédible de réduction des dépenses publiques. La responsabilisation, enfin : chaque État est comptable devant les autres membres car la zone euro, comme nous l’avons vu lors de la crise sanitaire, nous protège.

Mme Dalloz a parlé de ces entreprises à qui il revient moins cher, compte tenu du coût de l’énergie, de ralentir de 20 % à 30 % leur production. Si nous nous battons autant pour faire baisser les prix de l’électricité et aider les entreprises énergo-intensives, c’est pour éviter qu’une crise économique ne vienne s’ajouter à la crise énergétique. Nous devons intervenir pour soutenir les entreprises et faire en sorte que les usines continuent de tourner à un rythme normal. J’attends des énergéticiens, que je recevrai avec Agnès Pannier-Runacher dans les prochains jours, un comportement exemplaire et solidaire vis-à-vis de leurs clients. Quand je les entends dire qu’ils anticipent un prix du mégawattheure de 250 euros et que, parallèlement, ils proposent aux entreprises des contrats à 400 ou 500 euros le mégawattheure, je me dis qu’il y a un problème.

Monsieur Allisio, l’État va mettre sur la table 50 milliards d’euros pour protéger nos compatriotes. Il ne me semble pas qu’il profite de l’inflation, mais qu’il protège de l’inflation !

M. Brun m’a demandé de préciser quels dispositifs seront concernés par la suppression des niches. Je n’ai pas d’a priori sur la question. M. Labaronne a fait des propositions ; si nous nous y mettons tous ensemble, nous parviendrons à supprimer un certain nombre de ces dépenses fiscales, que je considère effectivement comme inappropriées. Il est d’usage de dire que derrière chaque niche fiscale, il y a un chien qui aboie ; eh bien, cela ne doit pas empêcher la caravane du rétablissement des finances publiques de passer !

Je conclurai, monsieur Sala, en disant à quel point la concertation lancée par mon excellent collègue ministre délégué aux comptes publics est une initiative bonne et utile pour notre pays.

M. Gabriel Attal, ministre délégué. Monsieur Margueritte, les créations d’emplois correspondent aux engagements pris pendant la campagne présidentielle. Le réarmement en matière de sécurité se poursuivra avec le doublement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique d’ici à 2030. Cela passera à la fois par la création de 8 500 postes au cours du quinquennat, dont 3 000 dès l’année prochaine, par une réforme des horaires et rythmes de travail ainsi que par le transfert de certaines missions exercées par les forces de sécurité intérieure – transfert de malades, garde de bâtiments publics.

La Première ministre nous a fixé pour objectif la stabilité de l’emploi public sur la durée du quinquennat. Les ministères qui connaîtront une hausse de l’emploi public seront en nombre limité – je les ai déjà cités : la sécurité, les armées, la justice. Des efforts sont demandés à d’autres ministères. À Bercy, nous sommes bien placés pour le savoir puisque ce ministère supporte l’essentiel des efforts depuis vingt ans – 2 000 suppressions de postes par an en moyenne sous le précédent quinquennat. Notre ministère demeurera exemplaire mais les efforts seront poursuivis à un rythme moins soutenu afin de garantir le bon exercice de ses missions.

Dans certains ministères, notamment l’éducation nationale, les créations de postes seront moins importantes que par le passé – après le bond démographique, on attend 500 000 élèves de moins dans les cinq prochaines années. Pour continuer à améliorer le taux d’encadrement, il n’est pas nécessaire de créer autant de postes qu’auparavant.

La hausse que vous constatez dans le schéma d’emplois est aussi le résultat d’un effort de sincérité budgétaire : désormais, celui-ci comptabilise les accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH). Dès lors que nous voulons remédier à la précarité qui caractérisait ces emplois, le fait de les intégrer au plafond d’emplois de l’État relève de la bonne gestion.

Monsieur Castellani, s’agissant de la Corse, des discussions importantes sont menées en ce moment par Gérald Darmanin. Nous apportons tout le soutien nécessaire sur les volets économique et fiscal. Une réunion doit se tenir fin octobre ou début novembre sur le sujet. Vous avez mentionné l’article 9, qui prévoit d’abroger l’exonération temporaire de l’impôt sur les sociétés en faveur des entreprises créées en Corse dans les secteurs de l’artisanat, de l’industrie, de l’hôtellerie, du bâtiment et des travaux publics. Je vous rassure, il ne s’agit que de nettoyer la législation fiscale en supprimant des dispositions devenues obsolètes. Nous tenons à votre disposition tous les documents permettant d’apaiser les éventuelles craintes des acteurs locaux sur ce point

Madame Dupont, notre stratégie pour lutter contre la pauvreté repose sur le retour à l’emploi. Le taux de chômage est au plus bas depuis quinze ans ; des millions de Français ont retrouvé un emploi sous le précédent quinquennat, ce qui leur a permis de sortir de la pauvreté.

En ce qui concerne l’hébergement d’urgence, les crédits du programme 177 Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables progressent de 100 millions d’euros, afin de financer la revalorisation salariale des métiers de l’accompagnement social mais aussi le deuxième plan Logement d’abord qui favorise l’accès à un logement plutôt que le recours aux nuitées hôtelières. Les crédits de la mission Solidarité, insertion et égalité des chances sont en hausse de 2,1 milliards d’euros, sous le double effet de la revalorisation des prestations sociales liée à l’inflation et de la déconjugalisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) – important progrès auquel vous avez contribué et qui doit être appliqué au plus tard le 1er octobre 2023.

Monsieur Allisio, s’agissant d’un éventuel plafonnement de la taxe foncière, les impôts fonciers ont toujours varié au gré de l’inflation. Les associations d’élus locaux nous ont implorés de ne pas modifier la règle légale. Ce sujet suscite un débat au sein de la majorité et de l’opposition – lors des dialogues de Bercy, j’ai entendu Jean-René Cazeneuve et Charles de Courson. Celui-ci se poursuivra dans l’hémicycle. Je le répète, j’appelle les collectivités à modérer la hausse des taux de fiscalité locale afin de ne pas ruiner tous les efforts consentis en faveur du pouvoir d’achat des Français.

Certaines collectivités pourraient baisser leur taux pour compenser la revalorisation du coefficient des valeurs locatives cadastrales liée à l’inflation. Certains maires l’ont déjà annoncé.

Monsieur Lottiaux, s’agissant de la compensation de la CVAE, nous avons retenu une période de référence de trois ans car les résultats sur une année ne sont pas homogènes : alors que les recettes de CVAE au niveau national peuvent être très bonnes, celles de certaines collectivités peuvent connaître au même moment un point bas, et inversement. C’est une ressource très volatile. Je prends l’exemple d’une commune sur le territoire de laquelle se trouve une centrale nucléaire à l’arrêt pour cause de maintenance : à Civaux, les recettes passent de 3,8 millions d’euros cette année à 53 000 euros l’an prochain. La compensation telle que le prévoit le PLF apporte aux collectivités de la visibilité et leur assure que les recettes de CVAE ne baisseront pas. C’est une belle garantie que nous leur donnons.

Nous souhaitons que le lien avec le territoire et la dynamique des ressources soit maintenu. Un maire qui accueille des activités économiques sur son territoire doit pouvoir continuer à dire à ses administrés que c’est bon pour les recettes de la ville. Afin de conserver la territorialisation, nous avons donc proposé de nous appuyer sur la cotisation foncière des entreprises (CFE) qui est déjà l’un des critères d’affectation de la CVAE. Lors des dialogues de Bercy, plusieurs interlocuteurs nous ont incités à ajouter d’autres critères. Nous sommes très ouverts aux propositions en la matière.

Non, la norme de dépenses qui est fixée aux collectivités locales ne remet pas en cause leur autonomie. Le Conseil constitutionnel a estimé que les contrats de Cahors, pourtant bien plus contraignants que les nouveaux pactes de confiance, ne portaient pas atteinte à cette dernière. En revanche, un mécanisme est prévu pour infléchir la trajectoire des dépenses en cas de dérapage afin d’en garantir la maîtrise. C’est normal. Contrairement à ce que vous prétendez, la norme ne sera pas la même pour tous. En cas de dérapage, le mécanisme de correction ne s’appliquera qu’aux communes dont le budget est supérieur à 40 millions d’euros, ce qui vise les 500 plus grosses collectivités.

Monsieur Sala, s’agissant des évolutions consécutives aux dialogues de Bercy, je pense en avoir mentionné plusieurs depuis le début de l’audition. Je pense à la suspension de l’actualisation des bases locatives à la demande unanime des groupes. À rebours de notre objectif de redynamisation des centres-villes, à travers le plan Action cœur de ville notamment, elle avait pour effet d’accroître la fiscalité pour les commerces de centre-ville et de la diminuer pour les hypermarchés de la périphérie.

Nous accédons aux demandes qui ont été formulées en abondant de 210 millions d’euros les dotations de péréquation.

Des propositions ont été faites pour mieux protéger la forêt ; nous reprenons l’idée de sanctuariser les effectifs de l’Office national des forêts (ONF) alors que des suppressions de postes étaient prévues, celle d’une incitation fiscale à replanter pour les propriétaires de forêts ainsi que celle d’un fonds pour accompagner les communes forestières victimes de scolytes.

L’article 21 de la loi de programmation pour les finances publiques permettra d’organiser le débat sur la qualité de la dépense publique qui a été réclamé. Les dialogues de Bercy auront été utiles.

Monsieur Ben Cheikh, la mission Action extérieure de l’État bénéficie d’une hausse de crédits de 187 millions d’euros dont 63 millions concernent la masse salariale. Ils visent à financer les priorités définies en 2022, notamment l’immobilier, la sécurité ainsi que le renforcement de la diplomatie culturelle et d’influence – à hauteur de 47 millions d’euros. Les aides à la scolarité dans le réseau de l’enseignement français à l’étranger sont maintenues. Après un renforcement des effectifs de l’administration centrale en 2022, le schéma d’emplois de la mission prévoit 100 ETP supplémentaires en 2023 afin d’accroître notre présence dans l’Indo-Pacifique – plusieurs nominations importantes ont été entérinées ce matin en Conseil des ministres – et notre capacité d’analyse politique dans les postes diplomatiques les plus exposés. La sécurisation des emprises diplomatiques, la cybersécurité et la lutte contre la manipulation de l’information bénéficient également de crédits supplémentaires.

 


—  1  —

audition du président du haut conseil
des finances publiques

Lors de sa réunion du 28 septembre 2022, la commission a entendu M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques.

M. le président Éric Coquerel. Nous recevons aujourd’hui en sa qualité de président du Haut Conseil des finances publiques M. Pierre Moscovici, afin qu’il nous présente deux avis qu’a rendus le Haut Conseil, l’un sur les projets de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, l’autre sur le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027.

En ce qui concerne le projet de loi de programmation des finances publiques (PLPFP), le Haut Conseil est chargé d’émettre un avis sur les prévisions macroéconomiques et l’estimation de PIB potentiel, et d’apprécier la cohérence de la programmation envisagée au regard de l’objectif de moyen terme retenu et des engagements européens de la France.

Pour ce qui est du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, l’avis du Haut Conseil porte sur les prévisions macroéconomiques qui les fondent, ainsi que sur la cohérence entre leur article liminaire et les orientations pluriannuelles de solde structurel fixées par la loi de programmation. Par ailleurs, et c’est une innovation de la loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques qu’il est important de mentionner, le Haut Conseil doit donner son avis sur le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses du PLF et du PLFSS.

M. Pierre Moscovici, président du Haut Conseil des finances publiques. Je vous remercie de m’avoir invité devant votre commission, en tant que président du Haut Conseil des finances publiques, et non comme Premier président de la Cour des comptes, afin de vous présenter les principales conclusions de ces deux avis.

Mes propos seront sans doute assez proches de ceux qu’a tenus hier le gouverneur de la Banque de France, ce qui n’est guère surprenant de la part de deux représentants d’institutions dont les fonctions sont certes différentes mais les analyses souvent convergentes.

Nous sommes à un moment charnière pour nos finances publiques. Avec la crise sanitaire, celles-ci ont subi une détérioration inédite, en raison à la fois du repli de l’activité économique et des mesures de soutien d’urgence adoptées pour y faire face. Ces mesures dites du « quoi qu’il en coûte », la Cour ne les a jamais jugées négativement : elle les a soutenues, parce qu’elles étaient nécessaires. Elles ont préservé la situation des ménages et des entreprises et permis de maintenir la cohésion sociale. Elles ont rendu possible un rebond économique rapide et puissant en 2021. Cependant, revers de la médaille, nos niveaux de déficit et de dette sont très élevés et constituent, à nos yeux, des freins pour l’avenir.

Je dis souvent que je ne suis pas un ayatollah de la dette ou une Cassandre de l’austérité. Je suis toutefois convaincu qu’un pays endetté se prive des capacités d’investissement et des marges de manœuvre nécessaires pour préparer l’avenir. Or, notre environnement économique et géopolitique est incertain et la réponse aux défis de demain – transition énergétique, santé, éducation – mettra nécessairement les finances publiques à contribution. Autrement dit, nous avons besoin de ressources publiques importantes pour investir, et la dette réduit notre capacité à les déployer.

Dans ce contexte, vous avez à examiner le projet de loi de programmation des finances publiques, dont la vocation est de constituer une ancre pour notre trajectoire budgétaire au cours des prochaines années. Elle est l’occasion de se projeter sur le long terme en fixant des objectifs étayés par des réformes documentées et de préserver notre crédibilité, notamment vis-à-vis de nos partenaires européens. Vous avez souligné que c’était une des missions du Haut Conseil des finances publiques.

Certes, la crise sanitaire a conduit la Commission européenne à déclencher la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance, qui autorise les membres de l’Union européenne à s’écarter, en raison de circonstances exceptionnelles, des exigences budgétaires normalement applicables – autrement dit, les règles sont suspendues. Mais n’oublions pas que cette clause devrait être désactivée en 2024 : nous ne sommes donc pas exonérés de bâtir une trajectoire de finances publiques soutenable et nous ne devons pas considérer que ces règles n’existent plus. Elles devront être réformées, et ce sera une excellente chose, mais nous avons besoin de règles ; ces traités continueront à s’appliquer.

Les deux avis du Haut Conseil s’inscrivent, pour la première fois, dans le cadre du nouveau mandat que le législateur a bien voulu lui confier lors de l’adoption de la loi organique du 28 décembre 2021, laquelle doit énormément aux travaux de votre commission. Désormais, non seulement le Haut Conseil est saisi des prévisions macroéconomiques, mais il doit apprécier le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses des projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Je m’en réjouis car je suis convaincu que le Haut Conseil peut ainsi mieux jouer son rôle, au service du Parlement et des citoyens. Nous travaillons avec vous, pour vous et pour les citoyens. Un Haut Conseil dont le mandat est étendu contribue davantage à votre information.

Permettez-moi de vous présenter d’abord notre avis sur les PLF et PLFSS pour l’année 2023, en commençant par un rapide retour sur la situation économique internationale, qui se rapprochera sans doute des analyses de la Banque de France.

L’environnement économique international s’assombrit. L’économie mondiale subit de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine, qui se sont notamment traduites par de très fortes tensions sur les marchés des matières premières. Alors que le prix de certaines d’entre elles recule à mesure que les craintes de récession augmentent – le baril de Brent a ainsi retrouvé son prix de février, proche de 90 dollars – ceux du gaz et de l’électricité se sont envolés, poussés à la hausse par le risque d’une rupture complète d’approvisionnement en gaz russe. Les chaînes d’approvisionnement restent perturbées, notamment en raison des mesures de confinement régulièrement imposées en Chine, même si, progressivement, ces difficultés sont en voie d’atténuation.

L’ensemble des contraintes sur l’offre alimentent la hausse des coûts de production et, dans son sillage, celle des prix à la consommation. L’inflation atteint des niveaux très élevés : 8,3 % sur un an aux États-Unis, 9,1 % en zone euro, en août, ce qui conduit les banques centrales à relever à marche forcée leurs taux d’intérêt. Aux États-Unis, la réserve fédérale (Fed) a ainsi relevé de 300 points de base la fourchette de ses taux directeurs. De manière plus tardive et plus graduelle, la Banque centrale européenne (BCE) a tout de même augmenté ses taux de base de 125 points depuis le mois de juillet et a procédé le mois dernier à une hausse importante de 75 points de base. La BCE tout comme la Fed ont clairement annoncé leur volonté de poursuivre le cycle de resserrement monétaire au cours des prochains mois, dans le but de lutter contre l’inflation, conformément à leur mandat.

Le cumul de chocs extérieurs, le maintien de l’inflation à des niveaux élevés sous l’effet de la diffusion progressive des hausses des coûts de production, le durcissement des politiques monétaires engagées par les banques centrales, tout cela devrait peser sur l’activité mondiale au cours des prochains trimestres.

Au-delà des risques sanitaires qui n’ont pas totalement disparu, des incertitudes entourent les approvisionnements énergétiques des pays de la zone euro et les risques financiers se sont accrus. Les réglages de politique monétaire face à un choc inflationniste sont un art délicat. D’expérience, le soft landing, l’atterrissage en douceur des économies visé par les banques centrales, retenu dans les organisations internationales comme dans les prévisions du Gouvernement, est assez difficile à réussir.

Ne nous le cachons pas, le resserrement monétaire en cours comporte un risque de récession économique. Pour ma part, je pense plutôt que nous allons vers une croissance faible, mais ce risque est évoqué par plusieurs organisations internationales et hier encore par la directrice générale de l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Le président de la Fed a été clair sur ce sujet, même si la situation américaine n’est pas tout à fait comparable à la situation européenne.

Dans ce contexte, notre avis contient deux grands messages.

En premier lieu, concernant le scénario macroéconomique du Gouvernement, le Haut Conseil considère que le taux de croissance retenu pour 2023 est un peu élevé. En revanche, il estime que les prévisions d’inflation – 4,2 % – et de masse salariale dans les branches marchandes – 5 % – sont plausibles.

En second lieu, le Haut Conseil estime que, bien que fondé sur des hypothèses un peu optimistes, le redressement des finances publiques prévu par le Gouvernement pour 2023 s’annonce lent et incertain. Selon une hypothèse optimiste du Gouvernement, le déficit budgétaire serait stable, l’amélioration du solde structurel très limitée et le ratio de dette quasi stable.

Entrons dans les détails.

Selon le scénario du Gouvernement, la croissance du PIB s’établirait à 2,7 % en 2022 et 1 % en 2023. Le Haut Conseil considère que l’hypothèse de croissance du Gouvernement pour 2022 est plausible, d’autant que les résultats sont plus favorables que prévu initialement. En revanche, pour 2023, elle s’écarte assez sensiblement de celle du consensus des prévisionnistes. Les instituts auditionnés par le Haut Conseil prévoient une croissance pour 2023 comprise entre 0 et 0,6 %, ce qui traduirait un net ralentissement, voire une baisse de l’activité au cours de l’hiver prochain, suivie d’un rebond très modéré. La prévision des économistes publiée dans le traditionnel Consensus Forecast de septembre affiche une forte baisse, à 0,6 %. Les dernières prévisions relatives à l’économie allemande, comme celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) parues ce lundi, anticipent désormais une récession pour 2023 alors que le scénario international du Gouvernement prévoit une croissance de 0,8 % – or l’Allemagne est, de loin, notre principal partenaire.

Disons-le, la dégradation du contexte international risque de peser davantage sur les exportations françaises que ce qu’a prévu par le Gouvernement.

De plus, les hypothèses sur lesquelles sont construites les prévisions de consommation et d’investissement sont, à notre sens, fragiles, dans un contexte marqué par une inflation qui se maintiendrait à des niveaux élevés et des taux d’intérêt en forte hausse.

La prévision est aussi entourée d’aléas baissiers importants puisque le scénario du Gouvernement n’intègre pas de difficultés majeures en matière d’approvisionnement en gaz et en électricité, ni la perspective d’une récession qui pourrait résulter de tensions énergétiques ou d’un durcissement brutal des conditions financières.

Enfin, on ne peut pas totalement exclure des conditions sanitaires un peu moins favorables que prévu.

Par conséquent, le Haut Conseil considère que la prévision du Gouvernement à 1 % est pour le moins volontariste, voire un peu optimiste. Selon le Gouvernement, la moyenne annuelle de progression de l’indice des prix à la consommation serait de 5,3 % en 2022. Cette prévision proche du consensus des économistes est jugée crédible par le Haut Conseil. L’inflation attendue en 2023 est révisée en forte hausse, à 4,2 % de moyenne annuelle, contre 3,2 % dans le programme de stabilité que vous avez examiné il y a quelques mois.

Plusieurs facteurs continuent de jouer en sens contraire l’année prochaine. La hausse des prix devrait être soutenue par l’accélération des salaires, notamment dans les services, ainsi que par les hausses déjà décidées des prix du gaz et de l’électricité. À l’inverse, l’affaiblissement de la croissance mondiale pourrait conduire à un reflux rapide du cours des matières premières, et le tassement de la demande en France pourrait limiter la capacité des entreprises à répercuter des hausses de coûts dans les prix pratiqués.

Au total, en présence de facteurs à la hausse et à la baisse assez conséquents, nous estimons que cette prévision d’inflation est crédible. Le Haut Conseil considère également que la prévision de masse salariale et d’emploi pour 2022 et 2023 est plausible.

En résumé, nous considérons la prévision de croissance un peu élevée, la prévision d’inflation crédible, les prévisions d’emploi et de masse salariale plausibles.

J’en viens aux prévisions sur les finances publiques.

Le scénario du Gouvernement prévoit un solde public effectif de -5 points de PIB en 2022 et 2023, après -6,5 points en 2021.

En 2022, la prévision de recettes nous paraît un peu basse compte tenu des rentrées fiscales très positives observées et de l’évolution de la masse salariale. Autrement dit, la prévision de solde public à -5 points de PIB est un peu prudente et l’on pourrait avoir un déficit public légèrement inférieur.

Pour 2023, les prévisions sont très incertaines, comme l’est toujours la prévision du cadre macroéconomique. Les recettes pour 2023 pourraient pâtir de l’effet négatif d’une croissance moins forte que prévu mais bénéficier d’un effet de base des recettes pour 2022. Le niveau des dépenses publiques paraît très incertain, les risques étant plus orientés à la hausse qu’à la baisse, au regard de l’évolution de la crise énergétique mais aussi des potentialités de la situation sanitaire.

S’agissant des recettes, pour entrer dans le détail, le Gouvernement prévoit pour 2022 une très forte hausse des prélèvements obligatoires, de 7,8 %, qui les porterait à 1 194 milliards d’euros, montant qui pourrait même être dépassé au vu des rentrées fiscales disponibles jusqu’en juillet. En 2023, la prévision est de 1 234 milliards d’euros, soit 3,3 % de plus qu’en 2022. Cette prévision est inférieure de 4,6 % à la croissance du PIB en valeur, soit une élasticité inférieure à l’unité, due au net ralentissement de quelques grands impôts qu’attend le Gouvernement, ce qui nous paraît justifié. C’est le cas de l’impôt sur le revenu. La baisse du bénéfice fiscal des entreprises, prévue en 2022, se traduirait aussi en 2023 par une diminution significative des recettes de l’impôt sur les sociétés.

Bref, pour 2022 comme pour 2023, le Haut Conseil estime que les prévisions de prélèvements obligatoires sont cohérentes avec le scénario macroéconomique retenu. Les données sur les rentrées fiscales peuvent toutefois permettre d’envisager des recettes un peu plus élevées en 2022, tandis que pour 2023 les aléas sont plus équilibrés.

Pour ce qui est des dépenses, en 2022, les dépenses publiques hors crédits d’impôt devraient progresser de 4,2 % pour atteindre 57,6 points de PIB. Corrigées du déflateur du PIB, indice des prix pertinent pour l’analyse des finances publiques, elles progresseraient de 1,4 % en volume.

Cette croissance est très soutenue, en dépit du fort repli des dépenses de soutien face à la crise sanitaire – 15,9 milliards d’euros en 2022, après 61,6 milliards d’euros en 2021. Une fois neutralisées les dépenses liées à la crise sanitaire, les dépenses de relance et les mesures prises pour faire face à la hausse des prix de l’énergie, les dépenses publiques progresseraient de 3,5 %, déflatées par les prix du PIB.

En 2023, selon le Gouvernement, la dépense publique devrait progresser de 2,8 %, ce qui, avec une inflation élevée, devrait conduire à une baisse de la dépense publique en volume, de 0,8 % avec le déflateur du PIB. Ce recul s’explique toutefois essentiellement par le reflux des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et à la relance. Une fois ces dépenses neutralisées, la dépense publique progresserait de 0,7 % en volume.

Les dépenses dans le champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM) – 3,7% hors dépenses de la crise sanitaire – progresseraient plus rapidement qu’avant la crise sanitaire, tandis que, tirées par la hausse des crédits de plusieurs ministères – l’emploi, l’intérieur, la justice, la défense – les dépenses de l’État, sur le champ très large de la nouvelle norme qui en regroupe la très grande majorité, sont inscrites en hausse de 24 milliards d’euros. Les hypothèses de dépenses pour 2023 restent affectées par les incertitudes fortes relatives au coût des boucliers tarifaires pour l’électricité et le gaz, qui peuvent jouer à la hausse comme à la baisse.

Des risques de dépassement existent. En particulier, les dépenses dans le champ de l’ONDAM comprennent une provision de seulement un milliard d’euros pour les achats de vaccins et la campagne de tests au titre du covid-19. Cela suppose que les dépenses de tests soient divisées par vingt par rapport à 2021. D’après nous, cette provision risque de se révéler insuffisante. Espérons que le Gouvernement a raison, mais restons prudents.

Par ailleurs, le maintien d’une inflation élevée en 2023, pour la deuxième année consécutive, pourrait entraîner une hausse plus forte que prévu de certaines dépenses de fonctionnement, difficilement compressibles, ou d’investissement. La prévision suppose l’absence de revalorisation du point d’indice de la fonction publique.

Aussi le Haut Conseil considère-t-il, au final, que certaines dépenses sont peut-être sous-estimées. La prévision de déficit pour 2023, à 5 points de PIB, semble par conséquent l’être un peu aussi, même si elle reste marquée par une grande incertitude. On pourrait donc avoir un déficit un peu inférieur en 2022 et un peu supérieur en 2023.

Le Gouvernement prévoit une baisse du ratio de l’aide publique en 2022 et plus marginalement en 2023. Toutefois, grâce à des facteurs temporaires, il serait assez stable et s’élèverait à 111,2 points de PIB en 2023.

L’analyse de la situation des finances publiques résultant de l’examen du Haut Conseil est sans ambiguïté. Les hypothèses sont un peu optimistes. Le Gouvernement prévoit pour 2023 une stabilité du déficit public effectif, une amélioration limitée du solde structurel, une quasi-stabilité du ratio de dette. Le redressement des finances publiques s’annonce lent et incertain en 2023.

Le Haut Conseil a également examiné le projet de loi de programmation des finances publiques. En ce domaine, trois missions nous incombent : apprécier l’estimation du PIB potentiel proposée par le Gouvernement ; les prévisions macroéconomiques associées à ce projet ; la cohérence de la programmation au regard de l’objectif d’équilibre structurel à moyen terme retenu par les engagements européens.

Le Haut Conseil considère que les hypothèses d’écart de production et les croissances potentielles retenues dans le projet de loi de programmation sont toutes deux optimistes. La croissance potentielle de l’économie serait ainsi, selon le Gouvernement, de 1,35 % par an pour la période 2022-2027. Cette hypothèse est proche de celles du Fonds monétaire international (FMI) et de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), qui sont légèrement inférieures, mais elle est nettement supérieure à celles de la Commission européenne et de l’OCDE, qui se situent plutôt autour de 1 %, comme d’ailleurs les travaux menés en interne par le Haut Conseil. Bref, 1,35 % est vraiment le taux le plus haut de toutes les estimations.

Sa réalisation suppose notamment que le net ralentissement de la population active prévu par l’INSEE sera plus que compensé par l’effet des réformes annoncées : réforme du revenu de solidarité active, réforme de l’assurance chômage, réforme de l’apprentissage, réforme des retraites, sur lesquelles le Gouvernement a fourni peu d’informations au Haut Conseil – ni les modalités ni le calendrier. Pour parvenir à 1,35 % de croissance potentielle avec le ralentissement démographique, il faudrait que ces réformes, qui ne produiront leurs effets que progressivement, soient toutes mises en œuvre très rapidement.

Par ailleurs, le Gouvernement estime que l’écart de production s’établirait en 2022 à -1,1 point de PIB, supposant que l’économie se situe dans un creux conjoncturel et qu’il existe un fort potentiel de rebond, résultat d’importantes capacités de production inutilisées qui permettraient à la croissance d’excéder fortement la croissance potentielle.

Là encore, nous pensons que cette estimation est optimiste. Elle se situe dans le bas de la fourchette des organisations internationales – notamment -0,4 point pour la Commission européenne ou -0,7 point pour le FMI. Elle n’est pas confirmée par les données d’enquêtes de conjoncture auprès des entreprises. Elle semble notamment incompatible avec les difficultés de recrutement déclarées par les entreprises dans de nombreux secteurs de l’économie.

Avec ces estimations de croissance potentielle et d’écart de production, le scénario macroéconomique pour la période 2023-2027 est à nos yeux optimiste. J’ai déjà évoqué les prévisions pour 2023. Pour la période qui suit, de 2024 à 2027, le Gouvernement retient une croissance du PIB d’en moyenne 1,7 point par an. C’est possible. Cela suppose que plusieurs facteurs favorables soient réunis, dont une baisse rapide du taux d’épargne des ménages, qui n’est pas tout à fait garantie : les ménages peuvent puiser dans leur épargne pour maintenir leur consommation en dépit de l’inflation, mais ils peuvent aussi décider de maintenir durablement une épargne accrue – comportement malheureusement observé dans la période récente – dans un contexte géopolitique et sanitaire tendu.

La prévision du Gouvernement suppose également que, durant toute cette période, l’investissement des entreprises se maintienne à son niveau de 2020 à 2021, supérieur à celui atteint les vingt dernières années, alors même que les conditions de financement se durcissent du fait de la hausse des taux. C’est également possible.

En outre, dans le scénario du Gouvernement, le commerce extérieur contribuerait à la croissance grâce à des gains de parts de marché à l’exportation. C’est possible, mais cela suppose tout de même une rupture très forte avec la tendance des deux dernières décennies ; les derniers chiffres connus ne vont pas dans ce sens.

Enfin, le Gouvernement suppose que l’inflation se résorberait grâce à une remontée modérée des taux d’intérêt, alors même qu’il existe des incertitudes fortes sur ce point.

Au total, aucune des hypothèses prises isolément n’est totalement irréaliste. Toutes sont possibles, mais leur combinaison est le fait d’un cadrage d’ensemble optimiste. Disons qu’il n’est pas impossible que toutes les hypothèses favorables se réalisent en même temps.

Enfin, le Haut Conseil doit se prononcer sur la cohérence de la programmation au regard de l’objectif à moyen terme, d’une part, et vis-à-vis des engagements européens de la France d’autre part. Je rappelle que ces engagements résultent principalement du pacte de stabilité et de croissance et du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance (TSCG) au sein de l’Union économique et monétaire signé en 2012.

Comme je l’ai dit, la clause dérogatoire générale du pacte de stabilité et de croissance a été déclenchée par la Commission européenne en mars 2020. Elle est applicable jusqu’à la fin de l’année 2023. Au-delà, le pacte de stabilité devrait retrouver son rôle. Or la trajectoire présentée s’écarte des engagements qui en découlent, à plusieurs égards.

Premièrement, le retour effectif du déficit sous les 3 % ne s’opère pas avant 2027.

Deuxièmement, la convergence vers l’objectif de moyen terme fixé à -0,4 point de PIB est lente et reportée après la période de programmation. En effet, le PLPFP estime le déficit structurel pour 2027 à 2,8 points, soit un écart de plus de 2 points.

Troisièmement, l’ajustement structurel prévu, c’est-à-dire l’amélioration du déficit structurel d’une année sur l’autre, est sensiblement inférieur à 0,5 point de PIB par an, ce qui n’est pas conforme aux règles actuellement applicables à la France.

Enfin, le ratio de dette publique s’infléchit seulement en fin de programmation, légèrement – à 110,9 points de PIB en 2027 – alors même que les hypothèses de croissance ne sont pas pessimistes et que l’évolution des taux d’intérêt est incertaine.

Cette trajectoire nous paraît peu ambitieuse : la plupart de nos partenaires vont plus vite s’agissant du retour sous les 3 % de déficit et de l’évolution du taux d’endettement, à en croire en tout cas les prévisions qu’ils affichent. Et pourtant, elle soulève des interrogations. Bien que l’ajustement structurel prévu soit très graduel, la trajectoire repose sur une quasi-stabilité en volume des dépenses publiques pour la période 2024-2027, soit une maîtrise nettement plus forte que pendant les deux dernières décennies et qui n’est pas, à ce stade, documentée. Les dépenses de l’État devraient reculer de 0,7 % en volume par an, en moyenne, ce qui suppose une forte baisse des crédits des ministères autres que ceux relevant de lois de programmation sectorielles – défense, sécurité intérieure, recherche – qui sont inscrits en forte hausse.

Les dépenses locales de fonctionnement devraient reculer de 0,5 point en volume par an, objectif plus ambitieux que celui retenu par la précédente loi de programmation. Le PLPFP suppose que les collectivités ne choisiront pas de tirer parti des marges financières qui en résulteront pour améliorer leurs dépenses d’investissement.

De plus, dans les prévisions du Gouvernement, la croissance de l’ONDAM serait moins rapide que celle du PIB, ce qui s’est très rarement produit par le passé et qui supposerait une action résolue pour freiner la dépense, dans le contexte haussier du vieillissement de la population et de progrès technique – action qui n’est pas non plus documentée dans les éléments transmis au Haut Conseil.

Enfin, du côté des recettes, la trajectoire suppose, entre autres, une réduction des niches fiscales et sociales, à laquelle la Cour des comptes appelle d’ailleurs très fortement, et une lutte efficace contre la fraude. Le total, qui doit dépasser 9 milliards d’euros, est crédible mais élevé au vu des résultats passés, et nécessitera une action très volontaire.

En définitive, le PLPFP encourt les mêmes réflexions que le Haut Conseil a formulées sur le programme de stabilité : c’est fragile, trop peu ambitieux et d’une crédibilité qui pourrait être plus forte.

Ni les projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023 ni le projet de loi de programmation des finances publiques ne nous engagent donc dans la voie d’un redressement suffisant de nos finances publiques. Si nous avons à faire face à d’autres crises, il faut que nous nous y préparions. Avec une dette publique qui devrait dépasser 3 000 milliards d’euros d’ici à la fin de cette année, un contexte de taux d’intérêt différent, une charge pour le remboursement du service de la dette qui s’accroît fortement, nos marges de manœuvre et nos capacités d’action se réduisent déjà. Pourtant, nous avons besoin qu’elles s’accroissent face aux besoins considérables en investissements dont le pays peut légitimement réclamer la survenue.

De plus, ces résultats restent éloignés de nos engagements européens. La soutenabilité de nos finances publiques, mais aussi notre crédibilité et notre influence au sein de la zone euro, en sont affectées.

C’est pourquoi nous estimons qu’un programme d’économies plus solide et plus documenté, couplé à la recherche d’une plus grande qualité des dépenses, est tout à fait nécessaire.

M. le président Éric Coquerel. Commentant les éléments macroéconomiques que vous portez à notre connaissance, comme vous l’aviez déjà fait à l’occasion du débat sur le projet de loi de finances rectificative, vous dites, non sans un certain sens de la litote, que les prévisions du Gouvernement vous paraissent optimistes, avec les conséquences qu’on peut imaginer sur l’élaboration du budget. Je vous remercie pour ces observations. Vos prévisions de cet été, à l’instar de celles du FMI, étaient plus réalistes que celles du Gouvernement dans son programme de stabilité. Depuis, ce dernier a d’ailleurs revu, à la baisse, ses estimations de croissance et, à la hausse, ses prévisions d’inflation.

Cela dit, j’aimerais engager avec vous un débat politique. Vous êtes dans votre rôle en relevant que le PLF et le PLFSS ne conduisent pas au redressement des comptes publics, avec un déficit autour de 3 % en 2027, mais vous avez aussi évoqué la nécessité de dégager des moyens pour la transition écologique, la santé, l’éducation. J’ai tendance à penser que plus on retarde les investissements nécessaires dans ces domaines, plus les différentes crises et situations d’urgence coûteront cher à l’État et à la collectivité. Pourtant, le Gouvernement assume et revendique le maintien d’une politique d’offre et de compétitivité. Hors inflation, la croissance des dépenses publiques proposée par le Gouvernement sera de 0,7 %, soit un niveau bien inférieur à la croissance tendancielle des dépenses, qui est de 1,35 % d’après Bercy même, et surtout inférieur à ce qui se faisait depuis une dizaine d’années – cette augmentation était en moyenne de 2 % sous François Hollande, et de 1 %, hors crise sanitaire, sous le premier mandat d’Emmanuel Macron. Et malgré cette baisse, eu égard à la situation économique, on sera loin du compte.

Dès lors, ne doit-on pas changer de paradigme ? La Banque de France et d’autres organismes évoquent un risque de récession aux niveaux national et international. Je rappelle que s’il n’y a pas eu de récession en France entre 2008 et 2012, ce n’est pas grâce au marché privé, qui était en décroissance, mais aux dépenses publiques, lesquelles sont aussi des recettes. Ne doit-on pas considérer les dépenses publiques, qui sont un investissement, qui font fonctionner la machine économique, qui rapportent des cotisations, comme un apport à l’économie qui est de nature à contrarier la récession ?

Dans une interview donnée au Point, vous dites fort justement que nous ne pouvons pas compter sur une croissance forte pour rétablir les finances publiques. Je suis d’accord avec vous. On peut d’ailleurs se demander si la croissance pour la croissance est nécessaire. Quoi qu’il en soit, il y a des gens qui voient croître leur richesse : chaque année, les dividendes et les profits explosent. Cela ne pose-t-il pas la question du partage des richesses en faveur des revenus du travail, qui produisent des cotisations – vous avez vous-même remarqué que le déficit de la sécurité sociale a été moins important que prévu grâce à l’augmentation de la masse salariale – et qui génèrent des ressources pour l’État ?

Vous dites aussi que tout euro de plus affecté à la charge de la dette est un euro en moins pour la transition écologique, la transition énergétique, la transition numérique et l’éducation. J’observe pour ma part que la charge de la dette est à peu près équivalente à la baisse annuelle des impôts des cinq dernières années. Ne pourrait-on donc pas dire la même chose de tout euro de plus affecté à la baisse de la fiscalité, d’autant plus si elle profite aux entreprises, sans conditions, par exemple avec la réduction de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ou aux plus riches de notre pays ? Cela n’entre pas en compte dans votre analyse. Que pensez-vous du fait que, en 2023, on continue à réduire le montant de la CVAE, à hauteur de 4 milliards d’euros, ce qui automatiquement pèsera sur le déficit ? Hier, le gouverneur de la Banque de France, s’il n’a certes pas acquiescé à toutes mes propositions économiques, s’est du moins clairement interrogé sur cette question des dépenses fiscales.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Monsieur le président du Haut Conseil, vous nous présentez deux avis aux tonalités assez différentes. À court terme, le projet de budget pour 2023 vous semble construit sur des bases réalistes, même si vous soulignez un aléa sur le volume de certaines dépenses et sur la croissance. À long terme, s’agissant du projet de loi de programmation des finances publiques, vous considérez la trajectoire proposée par le Gouvernement à la fois optimiste et peu ambitieuse.

Vous considérez que la croissance potentielle pour la période 2023-2027 est surestimée par le Gouvernement, parce que les efforts de réforme sont peu documentés. Je constate quand même que, s’agissant des retraites, le Gouvernement proposera prochainement des éléments, devant aboutir dès l’été 2023 ; pour ce qui est de l’assurance chômage, nous en discuterons la semaine prochaine en séance publique ; la réforme de l’apprentissage est prévue dès l’année 2023 ; les moyens sont mis pour l’accompagnement des allocataires du RSA vers leur retour à l’emploi. Toutes ces réformes sont lancées et, je suis d’accord avec vous, doivent être mises en œuvre rapidement.

Quand on établit une programmation, toutes les pièces du Meccano ne sont pas fournies. Mais le mandat précédent parle pour nous. Nous avons été capables de faire baisser le chômage de manière significative. Nous sommes donc crédibles dans notre projection de plein emploi à la fin du quinquennat. C’est un engagement, l’expression raisonnée et étayée d’un volontarisme politique.

Monsieur le président Coquerel, si les cotisations sont mieux rentrées en 2022, ce n’est pas l’effet du hasard : c’est probablement parce que notre politique de l’offre s’est traduite par une croissance des investissements des entreprises.

De ce point de vue, chacun, dans le débat public, peut considérer la trajectoire proposée comme peu ou trop ambitieuse. Chacun a ses référentiels pour en juger. Les observations du Haut Conseil des finances publiques enrichissent le débat public de façon argumentée. Je constate que, jusqu’à 2019-2020 et la crise sanitaire, cette majorité a suivi le chemin qu’elle avait fixé. Et, depuis 2020, dans les tempêtes successives qui ont frappé nos finances publiques, les résultats finaux ont été régulièrement meilleurs qu’attendu.

Je suis d’avis qu’il vaut mieux suivre une boussole montrant un chemin praticable que fixer une trajectoire clinquante mais inatteignable. Pour assurer la maîtrise de nos finances publiques, il faut fixer un chemin, avoir une boussole, dès lors qu’il est proposé de désendetter le pays et de revenir à un déficit inférieur à 3 % du PIB.

Les prévisions de croissance pour 2023 sont en baisse. Le Gouvernement a même dû procéder à un ajustement de la prévision à 1 %. Cette tendance baissière n’a-t-elle pas en partie pour origine une certaine sobriété de nos entreprises, voire des ménages, face à la hausse des prix de l’énergie, ce qui pourrait être bienvenu à certains égards mais plomberait l’activité économique ?

Les incertitudes pour 2023 résident dans le volume de dépenses rattachées au bouclier tarifaire. En la matière, tout ne dépend pas de la volatilité des prix : avec le jeu des compensations aux fournisseurs, estimées pour 2023 entre 19 et 20 milliards d’euros, des décaissements significatifs seront dus au titre des années 2021 et 2022, tandis que nous recevrons des versements de la part des producteurs d’électricité d’origine renouvelable. Avez-vous retracé l’ensemble de ces éléments par année de décaissement et de rattachement pour fonder votre avis sur les estimations du Gouvernement en dépenses ?

Quelles seraient les conséquences du rejet du projet de loi de programmation qui nous est soumis, s’agissant de nos engagements européens, de nos prêteurs et aussi des instances que vous présidez ? En matière de pilotage, de transparence et de visibilité vis-à-vis de nos partenaires, n’est-il pas risqué de ne pas approuver cette trajectoire, même si on peut la contester sur un certain nombre de points ?

La loi organique du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques a étendu les missions du Haut Conseil des finances publiques. Quelles observations pouvez-vous formuler au terme d’un premier exercice de ce nouveau mandat ?

Enfin, pour 2023, vous faites état de 0,2 % d’augmentation des prélèvements obligatoires liés aux mesures nouvelles. Pourtant, les baisses de l’impôt sur le revenu et de la CVAE me paraissent plutôt être de nature à faire baisser les prélèvements obligatoires.

M. le président Éric Coquerel. On peut se demander si, depuis deux ans, sous l’effet du covid, la politique conduite était vraiment celle de l’offre…

M. Pierre Moscovici. Monsieur le président, je n’irai pas sur le terrain politique où vous voulez m’entraîner. Non que je ne l’aie pas pratiqué, y compris dans cette salle, puisque j’y suis venu en tant que membre de cette commission, ministre des finances et Commissaire européen. Mais, et je le dis sans plaisanter, si je suis toujours le même homme, ma fonction est toute différente. Premier président de la Cour des comptes, je préside ès qualités le Haut Conseil des finances publiques. Or le Haut Conseil, ce n’est pas moi : c’est un collectif d’économistes, nommés par les autorités publiques compétentes de façon pluraliste, qui travaillent de manière objective. L’avis que je viens présenter ici retrace les réflexions de ce collectif. Comme tout travail humain, il est réfutable, discutable, questionnable, mais il faut le prendre ainsi, non comme un jugement de valeur. C’est ainsi que l’on peut travailler bien les uns avec les autres.

Monsieur le président Coquerel, les engagements européens sont ce qu’ils sont. Faisant partie de traités que la France a signés et ratifiés, qu’ils soient parfaits ou non, nous devons les appliquer – je considère moi-même qu’ils sont imparfaits. Le Haut Conseil comme la Cour des comptes estiment qu’il sera nécessaire de modifier nos règles, et la Commission européenne fera prochainement des propositions à ce sujet, mais que personne ne s’illusionne : il restera des règles. Il est plus que vraisemblable que la règle de 3 % demeurera, même si l’appréciation devra être nécessairement plus flexible. Par ailleurs, même une règle de dette modifiée impliquera des efforts plus importants pour ceux qui sont plus endettés que pour ceux qui le sont moins. Or dans la zone euro, nous faisons clairement partie des pays les plus endettés. Onze pays sont en dessous de 80 %, sept au-dessus de 100 %.

Attendez-vous donc à ce que ces règles réapparaissent, et à ce que la question de nos engagements européens revienne sur le tapis. C’est ce que fait déjà le Gouvernement, à raison, parce qu’il faut être crédibles vis-à-vis de nos partenaires au sein de la zone euro.

Je l’ai dit, je ne suis pas une Cassandre de la dette : toute dette n’est pas mauvaise. En revanche, j’insiste sur le fait que l’accroissement de la charge de la dette, qui est déjà en train de se produire en raison de l’indexation d’une partie de notre dette sur l’inflation et de la hausse des taux, est mauvais pour notre économie. C’est une situation que j’ai vécue comme ministre des finances et que je ne souhaite à aucun autre. Quand la charge de la dette atteint 50, puis 70 milliards d’euros, voire plus, elle devient le deuxième ou troisième poste de dépense de l’État. Ce sont autant d’euros immobilisés pour une dépense inutile, alors que nous avons besoin d’investissements pour l’avenir, nous avons besoin de dépenses publiques. Plus nous sommes endettés, moins nous avons de marge de manœuvre.

Monsieur le président, vous avez dit, dans un raccourci, que toute dépense publique est un investissement qui concourt à la croissance. Je ne peux pas vous suivre. Les dépenses publiques sont souvent des dépenses de fonctionnement et toutes ne concourent pas à la croissance. On n’observe nullement de lien direct entre la dépense publique et la croissance. Si c’était le cas, cela se saurait, dans notre histoire économique… Le Haut Conseil, comme la Cour des comptes dans un autre registre, souhaite qu’une analyse très rigoureuse de la qualité de la dépense publique soit effectuée. Il y a de bonnes dépenses publiques, il y a une bonne dette publique, et il y en a une mauvaise ; la distinction recoupe, en gros, celle entre investissement et fonctionnement. Soyons très attentifs à la sélection des dépenses.

Parmi les dépenses, il y a des niches sociales et fiscales qui représentent des montants considérables – respectivement 93 et 83 milliards d’euros. Il me semble que le gouverneur de la Banque de France a sur ce point la même position que la Cour des comptes : supprimer celles qui sont inutiles permet de retrouver des marges de manœuvre. Nous ne pouvons qu’encourager l’exécutif et le Parlement à aller dans ce sens.

Monsieur le rapporteur général, mon mandat m’interdit de vouloir faire preuve de volontarisme. Le Haut Conseil doit examiner le réalisme des prévisions de recettes et de dépenses, en se fondant sur une analyse économique. Le rôle du politique est d’être volontariste. Le rôle du Haut Conseil est d’étayer cette volonté par des données qu’il croit objectives, qu’il soumet à votre réflexion. C’est pourquoi notre jugement est fondé sur le réalisme et non sur le volontarisme.

Il est quelque chose dont je peux donner crédit au Gouvernement, y compris au regard de ce que nous avons dit cet été. Nous pensons que les prévisions de croissance du PLPFP sont un peu optimistes, mais nous sommes obligés de constater que la croissance pour 2022 est plus forte que nous ne l’avions anticipé. C’est peut-être un fruit du volontarisme, mais on ne peut pas toujours fonctionner sur ce mode. En essayant de nous montrer réalistes, nous avons relevé une série d’hypothèses dont nous ne disons pas qu’elles sont impossibles mais qu’elles sont un peu optimistes par rapport au consensus, et que leur réunion devient, pour le coup, une anticipation très favorable.

Concernant le dernier quinquennat, et sans me prononcer sur l’économie, car le « quoi qu’il en coûte » a été totalement validé par la Cour des comptes qui, en l’occurrence, n’a pas du tout tenu un langage d’austérité, la période 2017-2022 ne s’est pas caractérisée par un redressement des finances publiques. Le redressement a été interrompu dès la fin 2018 et le volontarisme, pour le coup, a causé une augmentation de notre dépense publique et de notre dette qui nous place dans le groupe des pays moins favorisés.

Concernant la documentation des réformes, j’entends ce que vous dites et j’en prends note sans aucune forme de jugement. Pour notre part, nous auditionnons des instituts de prévision, les administrations, la Banque de France, puis nous travaillons sur les bases qu’ils fournissent. Et dans les documents que nous avons reçus d’eux, nous n’avons pas appris, par exemple, quand, comment et pour quel âge se ferait la réforme des retraites. Pour ce qui nous concerne, nous ne pouvons pas dire que les réformes sont documentées : il faudrait que nous connaissions leur calendrier précis et leurs modalités pour pouvoir dire si elles tiennent la route et à quel montant elles se chiffrent. Pour que le scénario prévu fonctionne, il faudrait que ces réformes interviennent très vite et aient l’effet le plus rapide concrètement possible. Nous verrons si c’est le cas.

Pour ce qui est de la croissance potentielle, nous la jugeons surestimée non pas uniquement parce que les réformes ne sont pas documentées, mais aussi parce que le Gouvernement a revu à la hausse à la fois la contribution du facteur travail et celle du facteur capital. Or, sur ce dernier point, n’oublions pas que les conditions de financement se durcissent.

La hausse des prélèvements obligatoires en 2023 est due à l’augmentation des charges de service public de l’électricité, laquelle résulte elle-même des mesures prises par les producteurs d’énergie renouvelable, comptées en prélèvements obligatoires.

Sur les conséquences d’un rejet du projet de loi de programmation des finances publiques, les appréciations juridiques peuvent diverger. Le secrétariat général du Gouvernement a la sienne, nous avons la nôtre, vous pouvez avoir la vôtre… cela mérite une expertise approfondie. Je vais donc exprimer un sentiment global.

Pour le fonctionnement du Haut Conseil, un rejet serait assurément un handicap très lourd, parce que nous avons besoin de nous arrimer à des ancres. Sans loi de programmation, nous travaillons dans le vide. Dès lors, le Conseil constitutionnel et les institutions européennes pourraient estimer que, dès lors que le Haut Conseil ne dispose pas des informations nécessaires à la production de ses avis, une partie substantielle des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale fait défaut. Avec la loi organique de 2012, que j’ai eu l’honneur de présenter à l’Assemblée comme ministre des finances, nous sommes une partie intégrante du processus d’adoption des lois de finances – ce tiers de confiance objectif qui rend des avis dont le Gouvernement et le Parlement peuvent se saisir.

Nous portons un regard positif sur les modifications du mandat du Haut Conseil, en particulier grâce au travail remarquable d’Éric Woerth et de Laurent Saint-Martin, puisque cela nous permet d’aller plus loin dans l’appréciation réaliste des prévisions de recettes et de dépenses – quitte à provoquer le débat entre nous ! J’estime qu’il y a un chaînon manquant dans l’analyse de la soutenabilité de la dette : j’aurais aimé pouvoir y travailler de façon encore plus approfondie. Je ne renonce pas à espérer, durant ce mandat, une nouvelle extension du mandat du Haut Conseil. Je ne le dis pas par narcissisme bureaucratique, mais parce que je constate que, même si notre mandat et même nos moyens ont été étendus, nous pourrions faire encore mieux à votre service.

Dernière question : la baisse des impôts. Nous avons dit, dans un autre cadre, que les marges de manœuvre pour y parvenir étaient étroites. Quand la croissance est faible – même 1,7 % entre 2024 et 2027, ce n’est pas de nature à susciter des recettes aussi massives que celles de ces dernières années – quand les taux d’intérêt augmentent et quand les dépenses restent soutenues – même si les prévisions montrent une volonté de maîtrise de la dépense – une baisse des impôts se traduit nécessairement par un accroissement du déficit. Elle ne pourrait se faire, à notre sens, qu’avec des hausses concomitantes ou une maîtrise de la dépense accrue.

Voilà une réponse qui n’est pas politique à votre question, monsieur le président. À vous d’apprécier.

M. le président Éric Coquerel. J’ai entendu un appel à augmenter les moyens du Haut Conseil. C’est un appel à plus de dépense publique ! Combien avez-vous d’emplois à temps plein ?

M. Pierre Moscovici. Nous ne demandons pas grand-chose. Nous avons six emplois à temps plein. Au regard de la population, malgré les efforts qui ont été faits ces deux dernières années – nous en étions à trois ! – nous sommes encore les moins dotés de toute la zone euro. Nous travaillons toujours dans des conditions tendues, parce que nous sommes saisis très tard. Nous devons réaliser des études approfondies avec des équipes réduites et un mandat encore plus réduit.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Merci, monsieur le président, d’avoir rappelé la nécessité de la loi de programmation. Même si ses orientations ne sont pas partagées, elle sert de cadre de référence, nonobstant les discussions politiques que nous aurons sur le projet de budget.

Le Gouvernement a retenu la même croissance potentielle que dans la précédente loi de programmation mais avec des facteurs un peu différents. Il dit que la productivité globale est moins importante, et la contribution du facteur travail davantage. Vous jugez la prévision à 1,35 % optimiste, alors qu’elle est proche de celle du FMI et de l’OCDE. Pensez-vous que la crise sanitaire a accéléré la destruction des facteurs de production ? Faut-il accélérer les réformes favorisant le facteur travail, notamment la réforme des retraites ?

S’agissant de l’endettement, le Gouvernement a retenu un scénario de taux prudent, à 2,5 % à dix ans fin 2022, et 2,6 % fin 2023. Jugez-vous ce scénario crédible, dans un contexte où toute hausse des taux d’intérêt pérenne produirait un choc important pour notre endettement ?

M. Kévin Mauvieux (RN). Nous partageons votre analyse sur la fragilité et le manque d’ambition du projet de loi de finances, notamment en matière de redressement de la dette publique.

Ma question concerne les obligations assimilables du Trésor indexées sur l’inflation (OATi), qui constituent 12 % de la dette française. Le taux d’inflation étant supérieur à 9 % au niveau européen, ces OATi ne risquent-elles pas de faire obstacle au rétablissement des finances publiques ? Jusqu’à présent, la situation était à peu près maîtrisée mais, face au risque de récession, les prévisions d’inflation pour l’année prochaine restent très incertaines.

Comme vous, nous considérons qu’une prévision de croissance potentielle à 1,35 % est optimiste. La situation financière est volatile, instable, l’inflation menace. On mise sur un taux d’inflation de 2,5 %. Une agence de notation donnera son avis en fin de semaine sur la dette française. Une convergence de risques ne pourrait-elle remettre en question l’ensemble des variables du projet de loi de programmation des finances publiques ? Et si toutes les variables doivent bouger, cette loi de programmation vous paraît-elle utile et fiable ?

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). En début de semaine, le Gouvernement nous a présenté ses prévisions budgétaires en contestant l’idée qu’il s’agirait d’un budget d’austérité. Or si l’on en croit le graphique que vous avez produit, il devrait s’agir du pire quinquennat d’austérité jamais observé depuis 2007. Cela pose le problème de la crédibilité économique des prédictions du Gouvernement et de leur acceptabilité sociale. Notre pays a-t-il déjà connu une telle cure d’austérité ?

Par ailleurs, vous avez relevé une contradiction dans les annonces du Gouvernement. Alors que l’inflation devrait s’établir autour de 4,2 %, un certain nombre de dépenses ne sont pas prévues dans le projet de budget, notamment la revalorisation du point d’indice de la fonction publique. Pouvez-vous nous confirmer que cette revalorisation n’apparaît pas dans les documents qui vous ont été transmis ?

En outre, dans votre avis rendu public au mois de juillet, vous avez relevé que les prélèvements assis sur les salaires pourraient être amoindris du fait d’un recours plus important que prévu de la part des entreprises à des instruments de rémunération exonérés de prélèvements, tels que la prime Macron. Pouvez-vous nous donner une estimation du manque à gagner pour 2022 ?

Enfin, sans vouloir vous entraîner sur le terrain politique, avez-vous un avis sur la taxation des superprofits en 2022 et 2023 ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Monsieur le président du Haut Conseil, j’ai beaucoup apprécié votre rappel de la nécessité de respecter les traités signés au niveau européen : c’est fondamental. Le retour du déficit public sous la barre des 3 %, au sens maastrichtien, me semble être de nature à garantir la crédibilité d’une nation.

Le solde public effectif est estimé à -5 points en 2022 et en 2023. Vous semblez considérer qu’il pourrait être un peu meilleur en 2022. Cela revient-il à dire que les choses se dégraderaient en 2023, puisque la prévision reste à -5 points ?

Peut-on parler de maîtrise de la dépense publique quand celle-ci augmente de 24 milliards d’euros ? Certes, elle progresse moins que l’inflation mais, au vu des prévisions de croissance du PIB et de l’inflation, la hausse demeure trop importante.

Dans les documents qui vous ont été transmis, les recettes tirées de la lutte contre la fraude sont évaluées à 9 milliards d’euros. S’agit-il d’une somme globale ou bien y a-t-il un distinguo entre la fraude sociale et la fraude fiscale ?

Enfin, la prévision de croissance du PIB a été fixée à 1 % en 2023. Celle du gouverneur de la Banque de France, que nous avons auditionné hier, est dans une fourchette entre -0,5 % et +0,8 %, ce qui est très large. La croissance ne risque-t-elle pas d’être affectée par l’arrêt partiel d’activité des entreprises électro-intensives ?

M. Jean-Paul Mattei (Dem). Un train de mesures de soutien au pouvoir d’achat ainsi qu’un bouclier tarifaire ont été élaborés pour soutenir les ménages et l’économie. Je me réjouis que vous considériez que les prévisions pour 2022, à 2,7 % pour la croissance, 5,3 % pour l’inflation et 8 % pour la croissance de la masse salariale marchande, sont crédibles : cela atteste de l’utilité de ces mesures. Mais avez-vous pris en compte l’effet de levier qu’elles peuvent avoir dans vos analyses ?

Le projet de loi de finances pour 2023 est fondé sur des bases économiques plus stables. Le retour sous les 3 % du déficit public est projeté à l’horizon 2027. Quelles sont vos suggestions, dans le cadre des négociations européennes que la France devra mener avec ses partenaires, concernant les règles d’encadrement du déficit des États membres postérieures à la période de crise sanitaire ? Quels bons exemples avez-vous pu noter chez nos voisins européens ?

Enfin, en sortie de crise, il faut assurer sa capacité à faire face à une nouvelle période de difficultés. Alors que vous considérez que nous devrions être plus volontaristes dans la réduction de la dette publique et du déficit, existe-t-il ailleurs en Europe un mécanisme qui ait cet effet sans obérer la croissance et qu’il vous semblerait pertinent de transposer en droit français ?

M. Philippe Brun (SOC). Monsieur le président du Haut Conseil, merci pour votre présentation, que l’on pourrait qualifier de réquisitoire courtois contre le manque de sincérité du budget présenté par le Gouvernement. Selon vous, la prévision de croissance du PIB s’appuie sur des hypothèses très avantageuses et les effets attendus des réformes sont surestimés. Plus grave encore, ni les modalités, ni les conséquences, ni les calendriers de ces réformes ne sont documentés. Diriez-vous que ce projet de loi de finances est insincère ?

Vous avez dit qu’il n’y a pas de lien entre dépense publique et croissance. On constate quand même que les politiques d’austérité budgétaire aggravent le déficit et font chuter la croissance. Alors que 50 milliards d’euros de baisses d’impôts ont été concédés aux entreprises ces dernières années, ne pensez-vous pas que la croissance très faible des dépenses publiques fait courir un risque récessif ?

Enfin, alors que le Gouvernement indique attendre un rendement de 9,2 milliards d’euros de la réduction des niches fiscales et sociales, il ne prévoit de supprimer que six dépenses fiscales, dont cinq n’ont plus d’incidence budgétaire depuis plusieurs années. Ce manque de volonté politique est aberrant quand on sait que les dépenses fiscales ont coûté plus de 80 milliards d’euros à l’État en 2022. Quel regard porte le Haut Conseil sur le manque d’ambition de ce projet de budget en la matière ?

Mme Lise Magnier (HOR). Vous jugez la prévision de croissance du Gouvernement pour 2023 un peu élevée mais les prévisions d’inflation et de progression de la masse salariale dans les branches marchandes plausibles. Toutefois, vous relevez une sous-estimation de certaines dépenses, notamment celles de l’ONDAM ainsi que celles liées à la crise sanitaire. Selon vous, d’autres dépenses sont-elles sous-estimées ? Quel serait le volume prudentiel de ces dépenses à inscrire dans le PLF et le PLFSS pour 2023 ?

Concernant le projet de loi de programmation, vous indiquez que la trajectoire des dépenses publiques s’inscrira dans un contexte de hausse attendue des taux d’intérêt, qui pèsera de fait sur les charges financières dans le budget de l’État. Quelles sont vos prévisions en la matière d’ici à 2027 ?

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Vous estimez que le solde public pourrait être plus dégradé que ne le prévoit le Gouvernement, notamment du fait de la grande incertitude qui entoure les prix de l’énergie, ce qui participe à l’incertitude autour du redressement des finances publiques en 2023. La soutenabilité à moyen terme des finances publiques ne nécessite-t-elle pas de grands investissements visant à réduire notre forte dépendance aux énergies fossiles ? Quelles articulations vous semblent envisageables pour concilier la nécessité d’investir massivement en faveur de la transition écologique et la maîtrise des dépenses publiques, nécessaire au redressement de nos finances publiques ?

Au vu de votre grande expérience européenne, que pensez-vous d’un mécanisme européen permettant d’exclure du calcul des déficits publics les sommes empruntées par les États membres pour financer la transition écologique ?

Enfin, ne pensez-vous pas qu’il serait temps de renoncer définitivement aux indicateurs du PIB pour mesurer la croissance et de leur préférer des indicateurs sociaux et environnementaux tels que ceux adoptés par la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques et qui ne sont pas appliqués, ni dans la loi de règlement, ni dans le PLFR, ni dans vos rapports, ni dans le PLF pour 2023 ?

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Concernant la transition écologique, ne pensez-vous pas que les règles européennes sont caduques et qu’il faudrait sortir des critères de Maastricht les investissements qui lui sont nécessaires ?

S’agissant de la politique monétaire restrictive de la BCE, l’inflation en Europe ne semble pas être de source monétaire. La hausse des taux d’intérêt ne fait-elle pas courir le risque de freiner la croissance économique de notre pays ?

Vous avez jugé que les prévisions de croissance de l’ONDAM et des dépenses des collectivités territoriales étaient un peu faibles. Pouvez-vous nous apporter des précisions ? Je pense que vous avez raison : je ne vois pas comment nous pourrions tenir avec une croissance aussi faible, alors que de grands besoins sociaux s’exprimeront dans les territoires.

Enfin, ne pensez-vous pas qu’en cette période extrêmement difficile, il serait nécessaire de prévoir une taxation exceptionnelle des superprofits, comme vous avez su le faire vous-même à une autre époque ?

M. Michel Castellani (LIOT). Il n’y a pas trente-six solutions pour piloter un budget dans une conjoncture aussi difficile, marquée par l’endettement, l’augmentation des taux, la dégradation de la parité euro-dollar, le déficit commercial et les incertitudes sur la croissance : il faut soit baisser les dépenses, soit augmenter les recettes. C’est plus facile à dire qu’à faire : quel domaine choisir ? Faut-il se tourner, et comment, vers l’évitement fiscal et les paradis fiscaux, y compris au sein de l’Union européenne ?

Quant au projet de loi de programmation des finances publiques, il semble pour le moins paradoxal d’établir une trajectoire pour 2027 quand nous ne sommes même pas certains des prévisions pour l’an prochain. Nous allons discuter d’un texte qui est déjà dépassé avant même d’avoir été voté. Je voudrais connaître votre sentiment sur ce sujet.

M. Pierre Moscovici. Monsieur le député Philippe Brun, je ne suis pas un procureur : je ne fais pas de réquisitoire. Les jugements sur la sincérité sont toujours dangereux. Porter une accusation sur la sincérité, c’est vraiment caractériser des manquements très graves. En l’occurrence, il ne s’agit absolument pas de cela : nous soulignons que le contexte est incertain et que la trajectoire peut être plus ambitieuse, mais nous ne nous prononçons en rien sur la sincérité du budget. Qu’on ne s’y méprenne pas. Le Haut Conseil n’est ni un juge, ni un acteur politique.

S’agissant de la croissance potentielle, nous estimons qu’elle demeure au-dessus du consensus : la prévision nous semble donc plutôt optimiste. Il demeure que la croissance potentielle doit être musclée. Nous devons tout faire pour l’augmenter. C’est une raison essentielle de mon plaidoyer pour le désendettement : plus nous aurons de ressources à affecter à de l’investissement, donc à de la bonne dépense publique, plus nous pourrons renforcer la croissance potentielle et la cohésion sociale, les deux allant de pair. Il y a des efforts à faire dans ce pays en faveur de la transition écologique, de la transition numérique, de l’innovation, de la recherche, de la santé – et je ne suis pas exhaustif. Mais, pour pouvoir investir, nous devons nous libérer du carcan de la dette, qui peut nous étrangler.

Nous ne sommes pas non plus une agence de notation, et nous ne sommes pas en train de pousser je ne sais quel cri d’alarme : ce n’est pas notre rôle. Le jugement que nous portons sur la dette française est qu’elle est tout à fait soutenable, mais qu’elle n’en est pas moins trop élevée au regard des marges de manœuvre dont nous avons besoin pour investir. Plus la charge augmente, moins nous aurons de marges de manœuvre.

La hausse des taux d’intérêt de la BCE ainsi que l’inflation conduisent à une hausse de la charge de la dette de 12 milliards d’euros en 2022, qui passe ainsi de 35 à 47 milliards. L’essentiel des emprunts étant contractés à long terme, ce sont les taux à long terme qui constituent le principal risque ; or ils ont déjà augmenté et cela commence à se voir dans la charge de la dette. En 2023, l’impact sera limité mais, à long terme, sur dix ans, cela représentera une hausse de 70 milliards d’euros si les taux se maintiennent à leur niveau actuel, sans monter davantage. On voit là encore toutes les conséquences d’un niveau de dette élevé et la nécessité de le faire baisser.

Les prévisions sur les taux d’intérêt sont très incertaines. Le Gouvernement prévoit une remontée limitée, avec une inflation qui retrouverait la cible de la BCE dès 2026, soit une combinaison d’hypothèses quelque peu surprenante. Le service de la dette va probablement augmenter, et peut-être plus que ce que prévoit le Gouvernement, mais nous n’en sommes absolument pas aux 100 milliards d’euros dont parlent certains. Il faudrait pour cela que la dépense explose et que les taux atteignent des niveaux invraisemblables ; le contexte serait tout autre. Mais il convient tout de même de maîtriser la dette : tel est mon message.

J’en viens aux OATi. La part des recettes indexées est supérieure au poids des OATi. Par un mécanisme stabilisant, les dépenses d’OATi baissent lorsque les recettes diminuent également. La Cour a remis, en février dernier, un rapport sur la gestion de la dette publique et l’efficience du financement de l’État par l’Agence France Trésor qui portait une appréciation plutôt positive. Les obligations indexées sur l’inflation pèsent inévitablement sur la charge de la dette ; néanmoins nous avons mesuré ce poids et il est moins élevé que dans d’autres pays. Globalement, la dette publique est plutôt bien gérée dans notre pays par l’Agence France Trésor, même si des améliorations peuvent toujours être apportées.

Monsieur Mauvieux, les députés ne sont pas obligés de s’accorder sur le projet de loi de programmation des finances publiques. En revanche, l’absence d’une telle loi poserait problème. Elle est nécessaire au bon déroulement du processus d’adoption des lois de finances, à l’information des autorités européennes, à la crédibilité de notre pays. C’est une ancre dont nous avons besoin. Qu’il y ait débat, je le conçois mais je le répète avec force, l’absence de LPFP ne serait pas anodine – jusqu’à quel point, je ne peux pas le dire et ce n’est pas à moi de le faire.

Monsieur Bompard, vous avez évoqué un quinquennat d’austérité. Je vous rappelle tout de même que les dépenses publiques initiales représentent 57,6 % du PIB, soit le niveau le plus élevé de toute l’OCDE.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). C’est le CICE !

M. Pierre Moscovici. Le CICE n’en est pas la cause principale.

L’extinction des mesures d’urgence et de relance, et probablement du bouclier tarifaire, fera baisser les dépenses publiques en milieu de quinquennat. Ensuite, de 2025 à 2027, une fois les effets de la baisse corrigés, la dépense publique déflatée par les prix du PIB – soit l’indicateur le plus pertinent en matière de finances publiques – augmenterait en moyenne de 0,6 point par an. Parler de quinquennat d’austérité ne me paraît donc pas justifié, si ces chiffres sont respectés. Ils sont au demeurant assez ambitieux en termes de maîtrise des dépenses : vous aurez à examiner dans les années qui viennent des budgets sans doute moins généreux que celui prévu pour 2023.

Pour aller plus loin, la dépense publique en elle-même n’est pas un facteur d’investissement ou de désinvestissement, ni de croissance ou de décroissance. Ce qui est essentiel, ce que nous devons tous garder à l’esprit, c’est la qualité de la dépense publique. La bonne dépense publique sert l’avenir, l’investissement, la croissance. Par exemple, il y a des besoins très importants en matière de transition écologique. En ce moment à Bruxelles, on débat de la possibilité d’exclure les dépenses qui y sont liées du calcul de la dette publique. Cette hypothèse me paraît plus plausible que celle de revenir sur la règle des 3 % de déficit. En tout état de cause, ce sont les dépenses de cette nature qu’il faudra privilégier. Mais pour ce faire, il faut maîtriser la dette, ce qui, à son tour, suppose de maîtriser d’autres dépenses.

Madame Dalloz, d’après le Haut Conseil, les déficits pour 2022 pourraient être légèrement inférieurs à 5 %, du fait de l’augmentation des recettes ; en revanche, ils pourraient être légèrement supérieurs en 2023 – dans les deux cas, de l’épaisseur du trait. En résumé, disons que nous prévoyons une stabilité, au mieux. La trajectoire de réduction pour ces deux années est donc modérée, ce qui reporte l’effort, plus accentué, sur les années suivantes.

Monsieur Mattei, les comparaisons sont utiles. L’objectif d’un déficit à 2,8 % en fin de période est peu ambitieux, sachant que la plupart de nos partenaires européens seront au-dessous de 3 % dès 2025. Il y a vraiment quelques efforts à faire.

S’agissant des dépenses fiscales, le projet de LPFP les établit à 9 milliards d’euros. Pourquoi pas ? Mais c’est optimiste et, si j’en crois les expériences passées, il faudra faire preuve de volontarisme. Les moyens envisagés pour y parvenir ne sont pas documentés.

Pour les collectivités locales, il est affiché une baisse en volume des dépenses de fonctionnement de 0,5 point. C’est possible, mais un peu ambitieux également. En outre, si l’objectif est atteint, à quoi seront affectées les marges de manœuvre dégagées ?

Pour l’ONDAM, il est prévu une croissance faible en volume – moins de 1 %. Des marges d’efficience existent, mais les mesures à prendre ne sont pas documentées. Par ailleurs, personne n’ignore les besoins à l’hôpital ou dans les EHPAD. Une fois encore, il faut raisonner à partir de la qualité de la dépense : la numérisation, l’organisation des soins de ville et des soins hospitaliers peuvent être source d’économies qui permettront de stabiliser les dépenses.

Quant à la taxe sur les superprofits, ce n’est pas le rôle du Haut Conseil que de porter un regard sur des décisions politiques qui appartiennent au Parlement et au Gouvernement. Notre mission consiste à apprécier le réalisme des recettes et des dépenses. En tout état de cause, les prélèvements doivent être évalués à l’aune de l’équilibre des finances publiques.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux autres questions.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Si j’étais un peu taquin avec Mme Dalloz, je lui rappellerais, s’agissant de l’importance de respecter les engagements budgétaires pris auprès de la Commission européenne, qu’une procédure de déficit excessif avait été engagée contre la France en 2009, époque à laquelle son parti était aux manettes.

On dit souvent que les fortes divergences entre États membres en matière de dette et de déficits publics ne sont pas soutenables à long terme pour la zone euro ; pourtant, la dernière crise a démontré sa robustesse. Qu’en pensez-vous ?

Mme Véronique Louwagie (LR). S’agissant de la réforme des retraites, vous avez souligné le manque d’informations sur les pistes envisagées par le Gouvernement.

À vous entendre, si la réforme ne modifie pas l’âge de départ à la retraite, il faudra baisser les pensions ou augmenter les cotisations. Est-ce à dire qu’à vos yeux, le seul levier est l’âge de départ et non le nombre de trimestres ?

M. Fabien Di Filippo (LR). On ne peut pas se voiler la face sur l’évolution actuelle des taux d’intérêt : ils sont passés de 0 à 2,5 %.

Vous avez souligné les incertitudes de la conjoncture de l’année dernière, en particulier pour les entreprises. La charge des intérêts deviendra quoi qu’il arrive le premier poste du budget de l’État. Avez-vous évalué les conséquences de cette évolution sur l’action publique ? À quelle échéance interviendra-t-elle si rien n’est fait pour l’enrayer ?

Le Haut Conseil a-t-il déjà essayé de chiffrer le coût des structures bureaucratiques et technocratiques que sont les agences, autorités, médiateurs et autres organismes parapublics ? A-t-il étudié des pistes d’économies ?

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Monsieur le président du Haut Conseil, M. Mauvieux n’a pas mis en doute l’utilité des lois de programmation en général, il a estimé que les incertitudes pesant sur les hypothèses rendaient caduque celle qui nous est soumise. Vous n’avez pas répondu non plus à sa question sur les bons du Trésor indexés sur l’inflation.

Comment expliquez-vous que l’énorme masse d’argent public qui est dépensée ait un effet de levier aussi faible sur la croissance du PIB ? N’est-ce pas le signe d’une fuite en avant dans des dépenses de fonctionnement stériles et non d’investissement ?

M. Emeric Salmon (RN). Vous avez fait de la guerre en Ukraine la principale cause de l’inflation. Or les graphiques montrent que le phénomène est antérieur – probablement lié au covid. Si l’on en croit les derniers projets de lois de finances, le Gouvernement ne subit-il pas les crises plus qu’il n’imprime sa marque à l’économie de notre pays ?

M. Fabrice Brun (LR). Nous avons compris en filigrane de vos propos que, comme nous, vous êtes inquiet, tant du niveau stratosphérique de la dette publique et de l’inflation que de la remontée des taux d’intérêt et des obligations d’État.

Devant le mur de la dette, la France accélère encore, en empruntant la somme colossale de 270 milliards d’euros sur les marchés à des taux proches de 2,5 %. On sait qu’une hausse de 1 point des taux d’intérêt se traduit par un surcoût de 39 milliards d’euros sur dix ans. Quelles sont les projections du Haut Conseil en matière d’évolution de la charge de la dette entre 2023 et 2027 ? Le point de départ en 2023 devrait être a minima de 17 milliards d’euros, soit déjà deux fois le budget du ministère de la justice.

Mme Marianne Maximi (LFI-NUPES). Vous avez fait part de votre avis sur l’austérité mais vous n’avez pas répondu complètement à la question posée par Manuel Bompard, qui s’appuyait sur le graphique montrant le taux de croissance en volume de la dépense publique pour les cinq années à venir : avez-vous connaissance d’une situation similaire par le passé ?

M. Pierre Moscovici. Le service de la dette va probablement augmenter. Le Gouvernement prévoit dans le projet de loi de programmation une hausse de près de 20 milliards d’euros entre 2022 et 2027, pour atteindre environ 60 milliards, et peut-être même un peu plus si l’augmentation des taux d’intérêt s’avérait plus importante. La Cour des comptes a déjà alerté sur ce risque sans être totalement écoutée, je le crains. Cela rend d’autant plus important de faire baisser notre ratio de dette, je ne cesse de le répéter.

S’agissant du graphique, je ne dispose pas d’historique mais je vais faire appel à ma mémoire politique. Un taux de croissance de 0,6 point en volume s’est déjà vu mais cela reste ambitieux en effet. Il faut toujours faire des comparaisons, et considérer aussi le point de départ : nous sortons d’une situation exceptionnelle où, covid aidant, nous avons crevé tous les plafonds, ce qui justifie aujourd’hui un rattrapage. Oui, des efforts importants sont demandés mais la situation n’est pas inédite.

En ce qui concerne les divergences au sein de la zone euro, il n’y a pas, selon moi, de problème de soutenabilité de notre dette aujourd’hui. La zone euro a connu ces dernières années une situation très particulière – une crise mondiale, une pandémie et une réponse collective. Nous revenons progressivement, et c’est tant mieux, à une situation normale, dans laquelle la convergence est très importante et ne doit pas être négligée. La Commission et les marchés reprennent leurs réflexes : ce qu’ils observent, ce n’est pas le niveau, mais la pente de la dette. Dès lors, nous devons leur envoyer des signaux. Nous ne pouvons pas être soumis à un règlement de copropriété et agir chacun dans notre coin. Dans un régime normal, il faut s’efforcer de limiter les divergences. La France peut et doit faire un peu plus en la matière.

Madame Louwagie, je ne me prononce pas sur le choix entre trimestres de cotisations et âge : in fine, c’est tout de même l’âge de départ à la retraite qui recule. Il me semble que, objectivement, toutes les études s’accordent sur l’existence d’un problème de financement des retraites. Pour le résoudre, les leviers sont connus : la hausse des cotisations, la baisse des pensions ou la variation de l’âge. À mes yeux, la réforme est plus sociale qu’antisociale. En effet, ne rien faire tout de suite imposerait d’agir sur les autres paramètres : la hausse des cotisations, qui sont déjà très élevées, ou la baisse des pensions, qui serait dramatique alors que les injustices sont déjà criantes. Voilà mon raisonnement, mais c’est aux responsables politiques qu’il appartient de se prononcer.

L’évaluation des dépenses des agences n’est pas de la compétence du Haut Conseil ; la Cour des comptes le fait à l’occasion. Contrairement à votre impression, les dépenses diminuent depuis quelques années. En tout cas, ce n’est certainement pas la source des économies massives dont nous avons besoin, pas davantage que ne le serait la baisse des salaires de la haute fonction publique.

Monsieur Tanguy, je crois avoir répondu très sérieusement à la question de M. Mauvieux relative aux OATi. Votre collègue n’a d’ailleurs pas dit que la loi de programmation actuelle était caduque, pour une raison simple : elle n’a pas encore été votée ! Pour ma part, je répète qu’une loi de programmation des finances publiques est nécessaire pour la crédibilité de notre pays.

Monsieur Brun, vous avez évoqué mon « inquiétude ». Je ne veux pas tenir de propos exagérément émotionnels : je suis là pour parler d’un certain nombre de réalités, et c’est ensuite à vous, mesdames et messieurs les députés, dans votre diversité, de vous prononcer sur les projets que vous soumet le Gouvernement. Je réitère mon sentiment : nous avons besoin d’une loi de programmation, même si le projet qui vous est présenté pourrait être plus ambitieux, car c’est une ancre, un repère de travail indispensable à tous. Quant aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2023, nous avons également formulé nos avis : à vous de vous en saisir. J’ai noté la différence entre le volontarisme et le réalisme, mais on peut être d’autant plus volontaire qu’on se base sur des hypothèses réalistes.

 


([1])  FMI, Mise à jour des Perspectives de l’économie mondiale, juillet 2022.

([2]) Perspectives économiques de l’OCDE, 2022/1, juin 2022.

([3])  Direction générale du Trésor, « Perspectives mondiales à l’automne 2022 : l’économie plie mais ne rompt pas », septembre 2022.

([4])  Direction générale du Trésor, Flash conjoncture, 2 février 2022.

([5]) Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2022.

([6]) Dares, « La France vit-elle une grande démission ? », 18 août 2022.

([7])  Banque de France, Projections macroéconomiques, juin 2022.

([8]) OCDE, Perspectives économiques, juin 2022.

([9]) FMI, Perspectives de l’économie mondiale mises à jour, juillet 2022.  

([10])  Perspectives économiques de l’OCDE, 2022/1, juillet 2022.

([11])  Insee, Point de conjoncture du 7 septembre 2022.

([12]) Banque mondiale, Perspectives économiques mondiales, juin 2022.

([13]) Article 13 de la loi n° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour 2021.

([14])  Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat et loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022

([15]) À noter que l’ensemble des prestations et revenus de solidarité sont concernés par l’augmentation. Le budget de l’État a pris en charge la compensation de l’augmentation du RSA aux départements qui en ont la charge pour un montant de 120 millions d’euros.

([16]) Conformément aux règles prévues par l’article L. 161‑25 du code de la sécurité sociale, les prestations concernées avaient été revalorisées de 1,8 % au 1er avril 2022.

([17]) Conformément à l’article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat. Si ce coefficient est inférieur à 4 %, les pensions et l’ensemble des autres prestations revalorisées au 1er juillet 2022 ne diminueraient pas.

([18]) Arrêté du 27 juillet 2021 relatif aux taux des bourses d'enseignement supérieur du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation pour l'année universitaire 2021-2022.

([19]) Rapport économique, social et financier pour 2023.

([20]) Sont concernés les bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), de l’allocation aux adultes handicapés (AAH) ou de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), ainsi que les allocataires des aides au logement (APL, ALF, ALS).

([21]) Le détail du coût par mission du budget de l’État est donné dans la fiche 4.

([22]) La somme totale budgétée pour cette aide serait de 430 millions d’euros.

([23])  Données de l’INSEE, « La flambée des prix de l’énergie : un effet sur l’inflation réduit de moitié par le « bouclier tarifaire » », septembre 2022.

([24]) idem.

 

([25]) Cf. Article 64 de la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d'accélération et de simplification de l'action publique.

([26]) Cf. Edition 2021 Études sur les minima sociaux et prestations sociales, DREES.

([27]) Projet de loi de règlement des comptes de l’année 2021. La loi ° 2021-1549 du 1er décembre 2021 de finances rectificative pour l’année 2021 prévoyaient l’ouverture sur le programme 174 de 533,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 436,1 millions d’euros en crédits de paiement.

 

([28]) Les TRVg ont vocation à disparaitre : les consommateurs professionnels ne peuvent plus bénéficier des TRVg depuis le 1er décembre 2020 ; les consommateurs résidentiels ainsi que les syndicats de copropriétés et les propriétaires uniques d’immeuble à usage unique d’habitation dont la consommation annuelle est inférieure à 150 megawattheure doivent, eux, opter pour une offre de marché avant le 1er juillet 2023.

([29]) Depuis une dizaine d’années, le prix du pétrole n’est plus pris en compte dans le calcul des coûts d’approvisionnement. Sont considérés l’évolution des contrats de vente à terme mensuels, trimestriels et annuels de gaz sur le marché néerlandais de référence.

([30]) Décret n° 2021-1380 du 23 octobre 2021 relatif aux tarifs réglementés de vente de gaz naturel fournis par Engie en faisant application du dernier alinéa de l’article R. 445-5 du code de l’énergie.

([31]) Voir les dispositions du I de l’article 29 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([32]) Décret n° 2022-84 du 28 janvier 2022.

([33]) Décret n° 2022-342 du 11 mars 2022

([34]) Articles 39 à 41 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d'urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

 

([35]) Décret n° 2022-447 du 30 mars 2022 relatif à l'avance de trésorerie au bénéfice des stations-service pour faciliter la mise en œuvre de l'aide exceptionnelle à l'acquisition de carburants.

([36]) Décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 instituant une aide visant à compenser la hausse des coûts d'approvisionnement de gaz naturel et d'électricité des entreprises particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

([37]) Décret n° 2022-1279 du 30 septembre 2022 modifiant le décret n° 2022-967 du 1er juillet 2022 précité.

 

([38]) L’instrument proposé est appelé « frein au prix du gaz ». Il doit faire baisser le prix de cette énergie, mais pas de manière illimitée. Un système de « contingent » sera créé, afin de subventionner une consommation de base pour tous les consommateurs et les entreprises, au-delà de laquelle le prix du marché sera de nouveau pleinement appliqué.

([39])  L’achat à terme d’électricité permet aux fournisseurs de disposer des quantités nécessaires d’électricité pour couvrir les besoins à venir de leurs clients à  j+1, , à un an….

([40]) La Commission estime avec un plafond à 180 euros par megawattheure les recettes pour les États membres à potentiellement 117 milliards d'euros.

([41])  Le périmètre est celui de l’ensemble des administrations publiques au sens des comptes nationaux, périmètre qui sert à calculer la dette publique au sens du traité du Maastricht.

([42]) Exprimé autrement, la quantité de services publics offerts ou financés diminue pour un même montant de dépenses.

([43]) Avis n° HCFP - 2022 – 4 relatif aux projets de lois de finances et de financement de la sécurité sociale pour l’année 2023, 21 septembre 2022.

([44]) Rapport économique, social et financier 2023.

([45]) Loi de finances n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022. Le chiffre est donné hors charge de la dette et amortissement de la dette de l’État liée au covid‑19. Sans les reports de crédits, ce chiffre s’élève à 34 milliards d’euros. Décret n° 2022-512 du 7 avril 2022 portant ouverture et annulation de crédits à titre d'avance.

([46]) Ce chiffre de 490 milliards d’euros ne reflète pas les mouvements de crédits  qui vont intervenir en début d’exercice 2023 avec le report de crédits de 2022 sur 2023 ce qui minorera les crédits ayant été réellement disponibles et consommés en 2022.

([47])  La nouvelle norme de dépenses de l’État se substitue aux deux normes définies dans la loi de programmation des finances publiques pour les années 2018 à 2022 qui a distingué la norme de dépenses et l’objectif de dépenses totales de l’État.

 

([49]) Le chiffre de 4,3% est donné comprise la mission Remboursements et dégrèvements qui regroupe 128 milliards d’euros de crédits dans le présent projet de loi pour 2023 et 130 milliards d’euros dans la loi de finances pour 2022. L’augmentation est de 7,2% charge de la dette comprise.

([50]) Le chiffre de 4,9 % est donné hors les investissements de la société du grand Paris.  

([51]) Cour des comptes, Les résultats de la sécurité sociale, juin2020.

([52]) Données Eurostat.

([53]) Ce ratio de dette publique est légèrement supérieur à celui retenu dans le dernier programme de stabilité (112,5 %) en raison du reclassement par l’Insee d’Action Logement Services au sein des administrations publiques.

([54])  Les organismes divers d’administration centrale (ODAC) définis par la comptabilité nationale recoupent largement les opérateurs de l’État, notion de comptabilité budgétaire.

([55])  Les administrations locales regroupent les collectivités territoriales et des organismes divers d’administration locale, notamment les établissements publics locaux.

([56])  Haut conseil des finances publiques, Axelle Lacan, note n° 2022-4, « En 2022, la hausse de l’inflation augmente le poids de la dette publique. », septembre 2022.

([57])  La BCE a révisé sa forward guidance en juillet 2021 en indiquant que « les taux directeurs de la BCE resteront à leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus bas jusqu’il [le Conseil des gouverneurs] constate que l’inflation atteint 2 % bien avant la fin de son horizon de projection et durablement sur le reste de son horizon de projection ».

([58])  La loi de finances pour 2022 a ouvert 38,5 milliards d’euros de crédits pour financer la charge de la dette de l’Etat et 800 millions d’euros au titre de la charge d’intérêts de la dette reprise à la SNCF. La loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a ouvert 11,9 milliards d’euros supplémentaires pour financer l’augmentation de la charge de la dette de l’Etat pour tenir compte de la révision à la hausse de la provision pour inflation. Une légère baisse de la charge de la dette (– 100 millions d’euros) est anticipée par rapport aux prévisions de cette loi de finances rectificative en raison d’une diminution très ponctuelle des taux d’intérêt au mois d’août.

([59]) Le ratio de dette publique augmente lorsque la somme du déficit primaire et de la charge d’intérêts sur la dette augmente plus vite que la croissance du PIB. Dans un contexte où la croissance du PIB est limitée, il est important d’avoir une charge d’intérêts contenue pour que l’excédent primaire (hors charge d’intérêts) stabilisant la dette ne soit pas trop difficile à atteindre.

([60]) Cour des comptes, Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2021, mission Remboursements et dégrèvements, juillet 2022. La recommandation n° 3 (reconduite) préconise de « comptabiliser les remboursements et dégrèvements d’impôts locaux en dépenses budgétaires de l’État ».

([61]) Article 149 de la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 de finances pour 2017.

([62]) Ne sont pas pris en compte dans les crédits du budget général la contribution de chaque mission au CAS Pensions.

([63]) Avec la contribution de chaque mission au CAS Pensions

([64]) Hors la contribution au CAS Pensions.  

([65]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, article 3.

([66])  Loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.

([67]) Ces chiffres sont donnés hors crédits du programme 365 « Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement ».

([68]) Loi n° 2021-1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

([69]) Croguennec Y., 2022, "Prévisions d’effectifs d’élèves du premier degré : la baisse des effectifs devrait se poursuivre jusqu’en 2026", Note d'Information, n° 22.11, DEPP.

([70]) Loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche pour les années 2021 à 2030 et portant diverses dispositions relatives à la recherche et à l'enseignement supérieur. Cette loi prévoit une augmentation progressive des crédits dédiés à la recherche, avec une hausse de 0,5 milliard d’euros en 2022 après une première augmentation de 0,4 milliard d’euros en 2021 et de 1,2 milliard d’euros en 2023.

([71]) Le financement du RSA a été recentralisé pour la Seine-Saint-Denis, les Pyrénées Orientales, Mayotte, la Réunion et la Guyane.

([72]) Cette mesure a été adoptée par le vote de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d'achat.

([73]) Le relèvement de la contribution unique à la formation professionnelle et à l’apprentissage (CUFPA) doit aussi permettre d’augmenter les ressources de France Compétences à qui cette contribution est affectée.

([74]) Cour des comptes, La situation et les perspectives des finances publiques, juin 2017, page 152.

([75]) Décret n° 2016-670 du 25 mai 2016 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l’État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d’hospitalisation.

([76]) Par dérogation au principe selon lequel les variations d’emplois sont exprimées en ETP, l’article 10 de la LPFP a fixé un objectif exprimé en ETPT.

([77]) Exposé général des motifs du projet de loi de finances pour 2022.