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N° 296

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
 

visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires
dans les tribunaux de commerce,

 

PAR Mme Clara CHASSANIOL

Députée

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Voir les numéros :

Sénat : 768, 901, 902 (2021-2022) et T.A. 1 (2022‑2023).

Assemblée nationale : 288.


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SOMMAIRE

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Pages

Avant-propos................................................. 5

Examen des articles

Article 1er (art. 713-1 du code de commerce) Inscription des cadres dirigeants dans le corps électoral des chambres de commerce et d’industrie aux fins de les rendre éligibles aux fonctions de juge consulaire

Article 2 (art. L. 722-8 du code de commerce)  Sanction du refus de siéger sans motif légitime par la cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce

Article 3 (art. 723-4 du code de commerce) Conditions d’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce

COMPTE RENDU DES DEBATS

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

La présente proposition de loi propose d’intervenir de manière urgente pour assurer la sécurité juridique des élections des juges des tribunaux de commerce à venir. Elle vise aussi à faire en sorte que ces élections se déroulent sur la base d’un vivier de recrutement plus large, afin de doter les juridictions commerciales de profils aux compétences variées.

Depuis plusieurs années, le recrutement des juges consulaires connait des difficultés que le législateur a tenté d’enrayer à plusieurs reprises.

Depuis 1961, les juges consulaires étaient élus par un collège électoral comprenant les juges consulaires en exercice et les anciens juges, ainsi que des délégués consulaires élus par les commerçants. Le taux d’abstention record des délégués consulaires, couplé à la décrue du nombre de candidats aux élections, conduisait à remettre en cause la légitimité de ce système électoral. La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a donc réformé ce système en instaurant une élection directe par les membres des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

Cette réforme, nécessaire, a occasionné d’autres difficultés. En raison d’une rédaction sans doute trop hâtive des dispositions concernées, la loi PACTE n’a pas retranscrit le principe de l’éligibilité, dans le même tribunal ou dans un tribunal de commerce limitrophe, des juges consulaires en exercice. La conséquence en termes de perte de compétences pour les tribunaux de commerce rendait indispensable une intervention rapide du législateur.

La loi n° 2021-1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce a cherché à remédier à ces malfaçons en ouvrant le vivier électoral aux juges consulaires en exercice et aux anciens membres des tribunaux de commerce. Ces mesures, bien que nécessaires, se sont révélées insuffisantes pour remédier aux difficultés de recrutement des juges consulaires.

C’est la raison pour laquelle la proposition de loi qui nous est soumise, et qui résulte d’une initiative de Madame la sénatrice Nathalie Goulet, nous propose de parachever l’œuvre de définition du vivier de recrutement des juges consulaires.

D’abord, la proposition de loi doit permettre de corriger plusieurs erreurs formelles, mais aussi une incohérence de rédaction qui figure à l’article L. 723‑4 du code de commerce. Le 1° de cet article déclare éligibles les personnes inscrites à la fois sur les listes électorales des CCI et sur celles des CMA alors que le 5° n’exige l’inscription qu’à l’un des deux registres. Il n’était pas dans l’intention du législateur d’exiger une condition de double inscription qui, si elle était appliquée strictement par les préfectures lors de l’examen de la recevabilité des candidatures aux élections, conduirait à une importante réduction du vivier électoral. Il apparaît donc nécessaire d’éviter toute équivoque en rétablissant au 1° de l’article L. 723‑4 du code de commerce le caractère alternatif de l’inscription à l’un ou l’autre des deux registres.

Ensuite, la proposition de loi propose d’étendre le vivier de recrutement des juges consulaires par deux mesures.

La première consiste à favoriser la mobilité des juges consulaires, en levant l’obligation de résidence ou de domiciliation pour les juges en exercice et les anciens juges ayant exercé pendant six années qui sont candidats aux élections dans le même tribunal, ou dans le ressort d’un tribunal limitrophe. Ces juges pourront également être candidats dans un tout autre ressort, sous réserve de remplir la condition de domiciliation ou de résidence afin de garantir l’immersion du juge consulaire dans le bassin économique de son tribunal.

La deuxième consiste à rétablir l’éligibilité des cadres dirigeants des entreprises aux fonctions de juge consulaire, qui avait été supprimée de manière fortuite par la loi PACTE. Ces cadres apportent aux tribunaux de commerce des compétences précieuses, en particulier sur les contentieux les plus techniques. Il apparaît dès lors indispensable d’adopter cette mesure avant l’organisation des prochaines élections consulaires.

Ces élections ont justement été reportées par décret ([1]) afin que cette loi puisse entrer en vigueur avant leur tenue. Elles débuteront en effet le 21 novembre 2022.

Les délais extrêmement contraints que cela impose ont conduit la commission des Lois du Sénat à recentrer la proposition de loi sur la seule question de l’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce. L’article 2 de la proposition de loi initiale, qui visait à sanctionner le refus de siéger dans un tribunal de commerce par la cessation des fonctions du juge concerné, a donc été supprimé. Il n’apparaît pas opportun de légiférer en urgence sur cette question, alors que la procédure disciplinaire, qui présente des garanties pour le juge concerné, est déjà à la disposition des premiers présidents de cour d’appel pour y faire face. La commission des Lois de l’Assemblée nationale a partagé cette analyse, et propose que cette question soit considérée, avec le temps de réflexion qu’elle mérite, lors de la prochaine réforme de la justice commerciale, annoncée à la suite des États généraux de la justice.

La commission des Lois a adopté sans modification cette proposition de loi, comptant sur son entrée en vigueur rapide pour assurer le déroulement optimal des prochaines élections consulaires.

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   Examen des articles

Article 1er
(art. 713-1 du code de commerce)
Inscription des cadres dirigeants dans le corps électoral des chambres de commerce et d’industrie aux fins de les rendre éligibles aux fonctions de juge consulaire

Suppression maintenue par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 1er de la proposition de loi visait à rendre électeurs aux élections des membres des chambres de commerce et d’industrie les cadres qui exercent au sein de leur entreprise des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative, afin de les rendre éligibles aux fonctions de juge consulaire.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2021‑1189 du 15 septembre 2021 portant création du registre national des entreprises tire les conséquences de l’entrée en vigueur de ce registre dématérialisé à compter du 1er janvier 2023 en prévoyant qu’à compter de cette date sont électeurs aux élections des membres des chambres de commerce et d’industrie les chefs d’entreprise inscrits à la fois au registre national des entreprises en tant qu'entreprise du secteur des métiers et de l'artisanat et au registre du commerce et des sociétés dans la circonscription.

La loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a modifié la limitation dans le temps de la fonction de président de chambre de commerce et d’industrie. Auparavant fixée à trois mandats quelle qu’en soit la durée, la limitation est désormais fixée à quinze ans, quel que soit le nombre de mandats accomplis, étant précisé qu’un élu qui atteint sa quinzième année de mandat de président continue d’exercer jusqu’au terme de la mandature.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

Les cadres dirigeants ont perdu leur éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce à la suite de l’adoption de la loi PACTE, qui a réformé les modalités d’élection des juges consulaires (a). L’adoption de la loi PACTE n’a en revanche pas modifié les conditions d’appartenance au collège électoral des chambres de commerce et d’industrie, dont les cadres ne faisaient pas partie (b).

a.   La suppression de l’éligibilité des cadres dirigeants aux fonctions de juge consulaire par la loi PACTE

Entre 1961 et 2019, les juges des tribunaux de commerce étaient élus par un collège électoral comprenant des délégués consulaires élus par les juges consulaires en exercice, les anciens juges du tribunal concerné, mais aussi les personnes inscrites sur une liste électorale dressée en application de l’article L. 713‑7 du code de commerce.

L’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce était fondée sur cette même liste électorale des délégués consulaires[2], sur laquelle figuraient des électeurs à titre personnel, des électeurs par l’intermédiaire d’un représentant, et une troisième catégorie comprenant les cadres des entreprises exerçant des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique, ou administrative.

L’éligibilité des cadres dirigeants aux fonctions de juge consulaire était donc fondée sur leur appartenance au collège électoral des délégués consulaires.

Or, la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019, dite loi PACTE, a modifié le mode de désignation des juges du tribunal de commerce en instaurant une élection directe, et en supprimant les délégués consulaires.

En conséquence, l’article L. 713-7 du code de commerce relatif au collège électoral des délégués consulaires a été supprimé. La liste des personnes éligibles aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce inscrite à l’article L. 723-4 du même code a été modifiée. Ont été substituées aux personnes figurant sur la liste électorale des délégués consulaires les « personnes inscrites sur les listes électorales des chambres de commerce et d'industrie et des chambres de métiers et de l'artisanat dressées dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes ».

Or, les cadres dirigeants ne font pas partie des personnes inscrites sur les listes électorales des CCI et CMA. La réorganisation des élections consulaires prévue par la loi PACTE a donc eu pour conséquence d’exclure les cadres dirigeants des personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire.

b.   Des cadres dirigeants non intégrés à la liste des électeurs des membres des CCI

L’article L. 713‑1 du code de commerce, qui fixe les modalités d’élection des chambres de commerce d’industrie territoriales et de région, ne retient que deux catégories d’électeurs :

– les électeurs à titre personnel, qui sont principalement les commerçants immatriculés au registre du commerce et des sociétés, les chefs d’entreprises, les conjoints de ces personnes et les capitaines de la marine marchande ;

–  les électeurs par l’intermédiaire d’un représentant, que sont les sociétés commerciales sous certaines conditions d’établissement de leur siège.

Les cadres dirigeants des entreprises ne sont donc pas, en cette seule qualité, électeurs des membres des CCI. Ils ne peuvent l’être que dans la mesure où ils sont désignés par une personne morale pour être électeurs.

2.   Le dispositif proposé

L’article 1er de la proposition de loi visait à rendre les cadres dirigeants des entreprises éligibles aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce. Il procède de manière indirecte, en conférant à ces cadres la qualité d’électeur des membres des chambres de commerce et d’industrie (CCI).

L’objectif poursuivi est d’étendre le vivier de recrutement des juges consulaires. Il y a un an, le Parlement adoptait une proposition de loi[3] dont l’article 1er visait déjà à élargir ce vivier électoral en l’ouvrant aux juges consulaires en exercice et aux anciens membres des tribunaux de commerce. Ces mesures, bien que nécessaires, se sont révélées insuffisantes pour remédier aux difficultés de recrutement des juges consulaires.

La Conférence générale des juges consulaires de France a indiqué à votre Rapporteure que dans certains tribunaux de commerce où le nombre de candidats était, avant l’adoption de la loi PACTE, équivalent au double du nombre de postes à pourvoir, ces candidatures étaient désormais équivalentes au nombre de vacances, ce qui privait le collège électoral de toute possibilité de recruter les meilleurs profils possibles. Elle a ajouté qu’au sein du vivier électoral, les cadres des entreprises présentaient des compétences spécialisées en droit, en gestion ou en comptabilité, particulièrement utiles pour les contentieux commerciaux les plus techniques.

Le retour des cadres parmi les personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire permettrait à la fois de diversifier les profils et d’élargir le vivier de recrutement. S’il n’est pas possible de connaître précisément le nombre de personnes qui deviendraient éligibles[4], la Conférence générale des juges consulaires de France estime que les cadres représentent plus de 40 % des juges consulaires actuellement en exercice. La direction des services judiciaires a confirmé que le rétablissement de l’éligibilité des cadres permettrait le recrutement de juges ayant des compétences techniques particulières, notamment en droit bancaire.

3.   Les modifications apportées par le Sénat

La Commission des lois du Sénat a souligné partager l’objectif de réintégration des cadres dirigeants au vivier de recrutement des juges consulaires.

Toutefois, il lui a semblé que la rédaction de l’article 1er allait au-delà de l’objectif poursuivi par la proposition de loi, qui n’était pas de rendre les cadres électeurs des CCI, mais uniquement de les rendre éligibles aux fonctions de juge des tribunaux de commerce.

La Conférence générale des juges consulaires de France et la direction des services judiciaires ont partagé cette analyse.

La commission des Lois du Sénat a donc adopté un amendement de son rapporteur M. Thani Mohamed Soilihi de suppression de l’article 1er, et décidé d’intégrer l’éligibilité des cadres aux fonctions de juge des tribunaux de commerce à l’article 3 de la proposition de loi, qui modifie l’article L. 723‑4 du code de commerce.

En séance, le Sénat a maintenu la suppression de cet article.

4.   La position de la Commission

La Commission a maintenu la suppression du présent article.

 

 

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Article 2
(art. L. 722-8 du code de commerce)
Sanction du refus de siéger sans motif légitime par la cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce

Suppression maintenue par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 2 de la proposition de loi fait du refus de siéger sans motif légitime une nouvelle cause de cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’ordonnance n° 2006-673 du 8 juin 2006 portant refonte du code de l’organisation judiciaire et modifiant le code de commerce a intégré l’article L. 722-8 au livre VII du code de commerce.

Sans modifier l’article sur le fond, la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle l’a intégré dans une sous-section 1 intitulée « Du mandat ».

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a supprimé cet article.

1.   L’état du droit

L’article L. 722‑8 du code de commerce énumère quatre motifs provoquant la cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce :

– l’expiration du mandat électoral ;

– la suppression du tribunal ;

– la démission du juge consulaire ;

– la déchéance de ce dernier.

Le refus de siéger n’est donc pas un motif de cessation des fonctions de juge consulaire. En revanche, ce comportement est constitutif d’un « manquement aux devoirs de son état » qui, en application de l’article L. 724‑1 du code de commerce, constitue une faute disciplinaire.

Le refus de siéger peut dès lors donner lieu à plusieurs formes d’intervention.

D’une part, les premiers présidents de cour d’appel peuvent user du pouvoir qu’ils tiennent de l’article L. 724‑1 du code de commerce de donner un avertissement aux juges des tribunaux de commerce situés dans le ressort de leur cour, après avoir recueilli l’avis du président du tribunal de commerce dans lequel exerce le juge concerné.

D’autre part, ils peuvent engager des poursuites disciplinaires, suivant une procédure, simplifiée en 2016, décrite aux articles L. 724‑1 à L. 724‑7 du code de commerce.

 

La procédure disciplinaire des juges des tribunaux de commerce

Le pouvoir disciplinaire est exercé par une commission nationale de discipline présidée par un président de chambre à la Cour de cassation et qui comprend un membre du Conseil d'État, deux magistrats du siège des cours d'appel et quatre juges des tribunaux de commerce.

La commission nationale de discipline peut être saisie par le ministre de la justice ou par le premier président, mais elle ne peut l’être qu’après audition de l'intéressé par le premier président de la cour d'appel dans le ressort de laquelle le tribunal de commerce a son siège.

La commission peut encore être saisie par tout justiciable qui estime qu’à l’occasion d’une procédure judiciaire le concernant, le comportement adopté par un juge d'un tribunal de commerce dans l'exercice de ses fonctions est susceptible de recevoir une qualification disciplinaire.

La Commission peut prononcer des sanctions allant du blâme à la déchéance assortie de l’inéligibilité définitive. Ses décisions sont motivées, et susceptibles de recours devant la Cour de cassation.

Bien que la procédure disciplinaire soit mobilisable pour faire face au refus de siéger, les personnes auditionnées ont constaté qu’il n’en était pas fait usage dans de tels cas de figure. Cela peut tenir au fait que les juges consulaires sont des juges bénévoles, ce qui peut expliquer une certaine réticence des Premiers présidents de Cour d’appel à engager des poursuites sur le plan de la faute disciplinaire.

2.   Le dispositif proposé

L’article 2 de la proposition de loi est motivé par le souhait de l’auteure de la proposition de loi d’opposer au refus de siéger dans les tribunaux de commerce une procédure rapide et aisément mobilisable afin d’éviter toute altération du fonctionnement du tribunal.

Le phénomène du refus de siéger apparaît difficile à quantifier. La direction des services judiciaires n’a pas été en mesure de communiquer un chiffre précis sur le nombre de cas actuellement en cours. La conférence générale des juges consulaires de France estime que cela concerne un peu plus d’une dizaine de juges consulaires, mais que cela suffit à occasionner de sérieuses difficultés de fonctionnement dans les juridictions concernées.

La direction des services judiciaires a souligné que le nombre de juges élus dans chaque tribunal étant limité par décret, il n’est pas possible de remédier à ce problème en faisant élire un juge supplémentaire. En pratique, les présidents des tribunaux répartissent donc la charge de travail du juge absent sur les autres juges.

Face à ce constat, l’article 2 fait du refus de siéger sans motif légitime une nouvelle cause de cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce, en s’inspirant du système applicable au refus de siéger des conseillers prud’homaux, qui a été utilisée pour six conseillers prud’hommes depuis le 14 décembre 2017.

 Le traitement du refus de siéger au sein des Conseils des prud’hommes

L’article L. 1442‑12 du code du travail dispose que « tout conseiller prud'homme qui, sans motif légitime et après mise en demeure, refuse de remplir le service auquel il est appelé peut-être déclaré démissionnaire ».

La procédure se déroule de la façon suivante :

Le président du Conseil de prud’hommes entend ou appelle dûment le conseiller concerné, en vue d’établir le procès-verbal constatant le refus de service du conseiller.

La section ou la chambre dont le conseiller relève doit donner son avis motivé dans un délai d’un mois.

Si, à l’expiration de ce délai, l’avis de la section ou de la chambre n’est pas rendu, le président du Conseil de prud’homme mentionne cette absention dans le procès-verbal, qu’il transmet au procureur général près la cour d’appel, qui saisit la cour.

Le conseiller concerné est appelé devant la cour d’appel qui statue sur sa démission au vue du procès-verbal.

S’il est donné suite à la saisine, le conseiller prud’homme est réputé démissionnaire à titre disciplinaire.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit que la procédure conduisant au prononcé de la démission du juge consulaire refusant de siéger interviendrait après sa mise en demeure, et dans des conditions qui seraient précisées par décret. L’appréciation de la légitimité du motif sous-tendant le refus de siéger relèverait du chef de cour.

La mise en demeure et l’appréciation de la légitimité du motif seraient effectuées par les chefs de cour.

3.   Les dispositions adoptées par le Sénat

En commission, le Sénat a supprimé l’article 2 de la proposition de loi.

Le rapporteur de la commission des Lois, M. Thani Mohamed Soilihi, a rappelé que dans un rapport d’information publié en 2021 ([5]) dont il était le co-rapporteur, il avait déjà encouragé les premiers présidents de cour d’appel à se saisir pleinement de leurs prérogatives en matière disciplinaire pour faire face au refus de siéger.

La commission a estimé qu’aucun élément nouveau ne justifiait de déroger à la procédure disciplinaire. En l’absence d’urgence sur le sujet, elle a jugé préférable de réexaminer cette question ultérieurement, dans le contexte plus général de la réforme de la justice commerciale annoncée à la suite des États généraux de la justice.

En séance, le Sénat n’est pas revenu sur la suppression de cet article.

4.   La position de la Commission

La Commission a maintenu la suppression du présent article.

 

 

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Article 3
(art. 723-4 du code de commerce)
Conditions d’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce
 

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 3 de la proposition de loi corrige deux malfaçons issues de la loi PACTE et précise les conditions d’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

Il supprime la condition de résidence pour les juges et les anciens juges consulaires ayant exercé ces fonctions pendant au moins six années qui souhaitent se présenter aux élections dans le même tribunal ou dans le ressort d’un tribunal de commerce limitrophe. Il autorise, sous condition de domiciliation ou de résidence, ces mêmes juges à se porter candidats dans un tribunal de commerce non limitrophe de celui dans lequel ils ont été élus.

Il rétablit l’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce des cadres dirigeants des entreprises.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a inclus les artisans au corps électoral des tribunaux de commerce, les rendant également éligibles.

La loi n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a modifié les modalités d’élection des membres des tribunaux de commerce, en substituant aux délégués consulaires qui faisaient partie du collège électoral des juges consulaires les membres des chambres consulaires (CCI et CMA) élus dans le ressort du tribunal concerné. Elle a également modifié la liste des personnes éligibles aux fonctions de juge de tribunal de commerce, et les conditions de cette éligibilité.

La loi n° 2021‑1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce a étendu l’éligibilité aux fonctions de juge de tribunal de commerce aux juges consulaires en exercice ainsi qu’aux anciens membres des tribunaux de commerce, qu’ils exercent dans le même tribunal, dans un tribunal limitrophe, ou non. Elle a par ailleurs précisé les conditions d’éligibilité, notamment quant à l’obligation de domiciliation ou de résidence des juges consulaires dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes. Elle a enfin rétabli certaines inéligibilités, notamment liées aux condamnations pénales pour agissements contraires à l’honneur, à la probité et aux bonnes mœurs.

       Modifications adoptées par le Sénat

Outre des précisions de nature rédactionnelle ou de cohérence juridique, le Sénat a précisé les conditions d’éligibilité des juges consulaires. Il a :

– inscrit dans la loi la condition de résidence lorsque les juges et anciens juges consulaires se portent candidats à l’élection dans le ressort d’un tribunal non limitrophe de celui où ils ont exercé leurs fonctions ;

– prévu que l’ancienneté de six années conditionne l’éligibilité des anciens juges quel que soit le ressort dans lequel ils se portent candidats ;

– rétabli l’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce des cadres dirigeants des entreprises employées dans le ressort du tribunal de commerce ou du tribunal de commerce limitrophe, en cohérence avec la suppression de l’article 1er de la proposition de loi.

1.   La rectification de malfaçons issues de la loi PACTE

L’article 3 de la proposition de loi opère plusieurs modifications formelles à l’article L. 723-4 du code de commerce. Outre l’alinéa 3 qui corrige une erreur rédactionnelle (la double occurrence du mot « fait » au 4° bis), l’alinéa 2 remédie à une incohérence de rédaction relative à l’exigence d’inscription sur les listes électorales des CCI et des CMA. 

a.   L’état du droit : l’exigence d’une double inscription sur les listes électorales des CCI et des CMA comme condition d’éligibilité

Depuis l’adoption de l’article 69 de la loi PACTE, le 1° de l’article L. 723‑4 du code de commerce, relatif aux conditions d’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce, déclare éligibles les personnes inscrites à la fois sur les listes électorales des CCI et sur celles des CMA.

Or, le 5° du même article n’impose aux candidats de justifier d’une immatriculation qu’à l’un ou à l’autre des registres de ces chambres.

L’utilisation, au 1° de l’article L. 723‑4 du code de commerce, du mot « et » résulte d’une erreur rédactionnelle de la part du législateur et ne traduit pas son intention, qui était de maintenir le caractère alternatif de l’inscription à l’un ou à l’autre des registres.

b.   Le dispositif proposé : le rétablissement du caractère alternatif de l’inscription à l’un ou l’autre des registres

Le deuxième alinéa de l’article 3 de la proposition de loi vise à corriger l’incohérence rédactionnelle qui résulte de l’exigence de double inscription des candidats aux fonctions de juge consulaire sur les listes électorales des CCI et des CMA au 1° de l’article L. 723‑4 du code de commerce alors que le 5° du même article n’exige qu’une seule de ces inscriptions.

L’exposé des motifs de la proposition de loi fait valoir qu’à défaut d’intervention rapide du législateur sur ce point, les mandats en cours risquent l’invalidation, et que peut être crainte « la disparition, à bref délai, des tribunaux de commerce ».

Si les élections passées, au cours desquelles les préfectures ont fait prévaloir le caractère alternatif de l’inscription en se fondant sur le 5° de l’article L. 723‑4 du code de commerce, n’ont pas donné lieu à contentieux sur ce point, il apparait préférable, du point de vue de la sécurité juridique, de remédier à cette incohérence avant les prochaines élections consulaires.

L’intervention rapide du législateur sur ce point est donc nécessaire, dans la mesure où les prochaines élections auront lieu entre le 21 novembre et le 4 décembre 2022 ([6]).

c.   Les modifications apportées par le Sénat

Bien qu’aucune élection n’ait été invalidée sur le fondement de l’incohérence de rédaction introduite par la loi PACTE, la commission des lois du Sénat a jugé opportun de rétablir le caractère alternatif du critère d’inscription sur les listes électorales des CCI et des CMA en vue de l’éligibilité aux fonctions de juge consulaires.  Elle a donc adopté sans modification cette clarification, ainsi que la correction de l’erreur rédactionnelle figurant au 3° de l’article L. 723‑4 du code de commerce.

La commission des Lois du Sénat a par ailleurs, à l’initiative de son Rapporteur, introduit un alinéa afin de mettre un terme à une incohérence entre les articles L. 722-9 et L. 723-4 du code de commerce.

En l’état du droit, l'article L. 722-9 prévoit qu’un juge d’un tribunal de commerce qui fait l’objet d’une procédure de sauvegarde est réputé démissionnaire. Il pourrait en revanche se présenter aux élections, car l'article L. 723-4 ne rend inéligibles que les personnes faisant l’objet d’une procédure de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire, en cours au jour du scrutin. En cas de procédure de sauvegarde, un candidat pourrait donc être élu juge consulaire, mais ne pourrait exercer. Le 1° bis introduit à l’article 3 par la commission des Lois du Sénat ajoute en conséquence la procédure de sauvegarde aux motifs d’inéligibilité.

Enfin, la commission des Lois du Sénat a également anticipé l’entrée en vigueur, le 1er janvier 2023, du registre national des entreprises, en prévoyant qu’à compter de cette date, la référence au répertoire des métiers serait remplacée par la référence au nouveau registre.

2.   Favoriser la mobilité des juges consulaires en levant l’obligation de résidence dans certains cas

a.   L’état du droit

L’instauration d’une élection directe des juges consulaires par la loi PACTE a conduit à redéfinir le vivier de recrutement de ces juges. Dans sa version issue de la loi PACTE, l’article L. 723‑4 du code de commerce identifiant deux catégories de personnes éligibles :

– les personnes inscrites sur les listes électorales des chambres de commerce et d’industrie et des chambres de métiers et de l’artisanat ;

– les juges des tribunaux de commerce qui souhaitent être candidats dans un autre tribunal de commerce non limitrophe du tribunal dans lequel ils ont été élus.

Ce nouveau vivier de recrutement des juges consulaires s’est avéré beaucoup plus restreint qu’auparavant. En effet, sans que cela ne soit souhaité par le législateur, la nouvelle rédaction de l’article L. 723-4 du code de commerce a conduit à exclure de l’éligibilité les membres en exercice des tribunaux de commerce lorsqu’ils postulent dans le même ressort ou dans un ressort limitrophe, ainsi que les anciens membres de ces tribunaux.

Pour remédier aux difficultés de recrutement occasionnées par cette réforme, la loi n° 2021‑1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce a élargi le vivier de recrutement, en consacrant l’éligibilité des juges en exercice comme des anciens juges, quel que soit le tribunal dans lequel ces personnes souhaitent se porter candidates.

Elle a soumis cette éligibilité à deux conditions :

– une condition de résidence ou de domiciliation dans le ressort du tribunal ou des tribunaux limitrophes, pour les juges en exercice comme pour les anciens juges, afin de garantir la connaissance du bassin économique local ;

– la condition, pour les anciens juges, d’avoir exercé les fonctions de juge consulaire pendant au moins six années et de ne pas avoir été réputé démissionnaire.

b.   Le dispositif proposé : favoriser la mobilité en levant l’obligation de résidence

L’article 3 de la proposition de loi réintroduit une distinction, quant à la condition de résidence, selon le ressort dans lequel les juges ou anciens juges souhaitent se présenter aux élections.

D’abord, l’article 3 lève la condition de résidence pour les juges en exercice et les anciens juges, mais uniquement lorsqu’ils se portent candidats dans le ressort du tribunal dans lequel ils exercent ou ont exercé, ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes.

Dans ce cas de figure, la connaissance du bassin économique, fondée sur l’expérience de ces juges consulaires, est considérée comme étant suffisante pour lever la condition de résidence.

La Conférence générale des juges consulaires de France et la direction des services judiciaires ont souligné l’importance de cette mesure pour éviter l’inéligibilité de juges ayant une très bonne connaissance du secteur économique, mais devenant inéligibles en raison d’un déménagement qui, bien que géographiquement proche, soit effectué dans le ressort d’un tribunal de commerce non limitrophe. A ainsi été cité l’exemple d’un juge consulaire ayant plusieurs années d’expérience au Tribunal d’Evry, mais privé de son éligibilité à la suite de l’établissement de sa résidence à Paris, ou le cas d’un juge ayant pris sa retraite professionnelle et ne disposant pas d’une résidence dans le ressort de son tribunal d’exercice ou du tribunal limitrophe.

Ensuite, dans le cas d’une candidature effectuée dans un tribunal de commerce non limitrophe, l’article 3 renvoie au décret le soin de définir les conditions de l’éligibilité. Il en résulte que l’obligation de résidence et de domiciliation n’est pas inscrite dans la loi, mais prévue par décret.

L’alinéa 7 de l’article 3 se réfère aux « juges d’un tribunal de commerce ayant prêté serment, à jour de leurs obligations déontologiques et de formation ». Cette formulation, qui s’inspire de l’ancienne rédaction du dernier alinéa de l’article L. 723‑4 du code de commerce adoptée par la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXI e siècle, exclut les anciens juges de ce dispositif. Ils sont pourtant particulièrement concernés, dans la mesure où c’est à l’occasion du passage à la retraite que ces anciens juges peuvent décider de changer de région, tout en souhaitant continuer à exercer les fonctions de juge consulaire dans le tribunal de commerce de leur nouveau lieu de résidence.

c.   Les modifications apportées par le Sénat

La commission des Lois du Sénat, après avoir noté que la condition actuelle de domiciliation ou de résidence risquait de rendre inéligibles 307 juges consulaires, a accepté de lever la condition de résidence pour les juges qui se portent candidats dans le même tribunal de commerce ou un tribunal limitrophe.

La commission des Lois a en revanche décidé de maintenir la condition de résidence ou de domiciliation pour les candidatures dans les tribunaux non limitrophes, afin d’assurer une certaine connaissance du bassin économique local nécessaire à l’exercice des fonctions de juge d’un tribunal de commerce.

Les anciens juges sont éligibles dans les deux cas, qu’il s’agisse d’une candidature dans le même ressort, dans un ressort limitrophe, ou dans un autre ressort. La Commission des lois a précisé que dans tous les cas, sont éligibles les anciens membres des tribunaux ayant exercé les fonctions de juge de tribunal de commerce pendant au moins six années et n’ayant pas été réputés démissionnaires.

3.   La consécration de l’éligibilité des cadres dirigeants aux fonctions de juge des tribunaux de commerce

En cohérence avec la suppression de l’article 1er de la proposition de loi, la commission des Lois du Sénat a réintroduit, à l’article L. 723‑4 du code de commerce, l’éligibilité des cadres dirigeants des entreprises exerçant des fonctions impliquant des responsabilités de direction commerciale, technique ou administrative.

Leur éligibilité est soumise à la condition que ces personnes soient effectivement employées dans le ressort du tribunal de commerce ou des tribunaux de commerce limitrophes. La commission des lois a en effet souhaité garantir qu’un rattachement géographique minimal existe entre le candidat et son tribunal.

Ces personnes devront satisfaire aux conditions applicables aux autres personnes éligibles aux fonctions de juge consulaire et énumérées aux 2° à 5° du même article : être âgées de trente ans, remplir les conditions de nationalité, ne pas avoir fait l’objet de certaines condamnations pénales ou de sanctions commerciales. Elles devront également justifier d’une expérience de cinq années dans leurs fonctions de cadre dirigeant.

En séance publique, le Sénat a confirmé l’ensemble de ces modifications.

4.   La position de la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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   COMPTE RENDU DES DEBATS

Lors de sa réunion du lundi 10 octobre 2022, la Commission procède à l’examen de la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce (n° 288) (Mme Clara Chassaniol, rapporteure).

Lien vidéo :

https://assnat.fr/62zGg0

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce. Cette proposition de loi a été adoptée par le Sénat le 5 octobre et sera examinée en séance publique jeudi 13 octobre. La procédure d’examen simplifiée a été demandée.

Mme Clara Chassaniol, rapporteure. Après l’adoption de la loi du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires, le Parlement est de nouveau appelé à examiner, en urgence, une proposition de loi nécessaire au bon déroulement des prochaines élections consulaires. Il s’agit d’assurer la continuité de l’activité des tribunaux de commerce dans une conjoncture économique que l’on sait particulièrement difficile.

La proposition de loi qui nous est soumise, déposée par la sénatrice Nathalie Goulet, vise d’abord à corriger une malfaçon législative. En réformant les élections consulaires, la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, dite loi PACTE, a en effet introduit une incohérence à l’article L. 723-4 du code de commerce. Sont ainsi éligibles les personnes inscrites à la fois sur les listes électorales des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et sur celles des chambres des métiers et de l’artisanat (CMA), alors que seule l’inscription à l’un des deux registres devrait être requise, comme le précise d’ailleurs un autre alinéa du même article.

À défaut de correction, l’auteure de la proposition de loi pointe un risque d’invalidation des mandats en cours et la crainte de « la disparition, à bref délai, des tribunaux de commerce ». Pour vous rassurer sur ce point, le risque paraît faible et aucun contentieux n’a été noté lors des dernières élections. Il est néanmoins préférable de réparer cette erreur, ainsi que d’autres plus formelles, avant la tenue des prochaines élections, pour assurer leur sécurité juridique.

La proposition de loi vise en outre à faciliter le recrutement des juges consulaires. L’article 3 propose ainsi de favoriser la mobilité des juges et des anciens juges consulaires désireux de se présenter de nouveau aux élections, en distinguant deux cas de figure : lorsque ces juges et anciens juges sont candidats dans le même tribunal ou dans le ressort d’un tribunal limitrophe, l’obligation de résidence et de domiciliation est levée ; lorsque ces mêmes juges sont candidats en dehors de ces deux ressorts, l’obligation de résidence et de domiciliation est maintenue.

L’objectif est double : d’une part, conserver un vivier de recrutement de qualité en profitant des compétences des juges et anciens juges ; d’autre part, préserver la légitimité des juges consulaires qui est fondée sur leur connaissance du bassin économique local. Ce sujet a donné lieu à de nombreuses discussions avec la Conférence générale des juges consulaires de France et la direction des services judiciaires, ainsi qu’avec mon homologue du Sénat, le rapporteur Thani Mohammed Soilihi, que je remercie pour nos échanges constructifs.

Le texte adopté par la commission des lois du Sénat parvient à une solution équilibrée. Le régime actuel, qui impose la condition de résidence à tous, empêche un juge expérimenté exerçant au tribunal de commerce d’Évry par exemple de renouveler sa candidature dans le même tribunal si sa résidence est établie à Paris. Plus de 300 juges sont confrontés à cet obstacle. Il est donc souhaitable de le lever pour ne pas se priver de juges dont l’expérience est précieuse pour nos juridictions commerciales. Le Sénat a également tenu à préciser l’obligation de résidence lorsque les juges changent totalement de ressort, par exemple au moment de leur retraite, et ce afin de s’assurer de leur rattachement au bassin économique dans lequel ils vont exercer leurs fonctions.

Enfin, l’article 3 élargit le vivier de recrutement des juges consulaires en l’ouvrant aux cadres dirigeants des entreprises. Aux termes de la loi PACTE, ces derniers, qui possèdent des compétences très utiles pour les tribunaux de commerce, sont devenus inéligibles sans que le législateur l’ait souhaité. Il convient donc, pour le bon fonctionnement de la justice commerciale, de rétablir leur éligibilité, dans la mesure où ils représentent environ 40 % des juges en exercice.

L’article 2, relatif à la sanction du refus de siéger par la démission d’office, a été supprimé par la commission des lois du Sénat. Sans nier les difficultés que le refus de siéger pose dans certains tribunaux de commerce, il est souhaitable de limiter la proposition de loi aux corrections qui doivent être apportées impérativement et de manière urgente. En outre, la procédure disciplinaire permet déjà aux chefs de cours de sanctionner le refus de siéger. Je partage donc l’avis du rapporteur du Sénat : il n’est pas opportun d’aborder dans ce texte une question qui mérite d’être approfondie. Je suggère que nous nous y intéressions dans le cadre du projet de loi sur la justice qui devrait être présenté à l’issue des États généraux de la justice.

Les prochaines élections consulaires se tiendront à compter du 21 novembre prochain. Afin de faciliter le recrutement des meilleurs profils et de garantir le fonctionnement optimal de nos juridictions commerciales, il importe donc que cette proposition de loi entre en vigueur très rapidement, d’autant qu’elle recueille la pleine approbation de la Conférence générale des juges consulaires de France et du ministère de la justice. C’est la raison pour laquelle je vous propose d’émettre un vote conforme sur le texte adopté par le Sénat.

M. Philippe Latombe (Dem). L’intervention du législateur vise à réparer des malfaçons législatives issues de la loi PACTE. Deux difficultés ont été identifiées : la suppression des cadres dirigeants parmi les personnes éligibles aux fonctions de juge et l’exigence d'une double inscription pour le candidat sur les listes électorales des CCI et des CMA.

Eu égard à l’urgence de ce texte, dont l’objectif est d’assurer le bon fonctionnement des tribunaux de commerce, le groupe Démocrate propose son adoption conforme par l’Assemblée nationale afin qu’il entre en vigueur immédiatement.

La loi du 11 octobre 2021 est venue s'ajouter à des textes dont l’accumulation et l’examen quasi systématique selon la procédure accélérée produisent parfois des incohérences. En l’occurrence, depuis le 22 mai 2019, date d’entrée en vigueur de l’article 69 de la loi PACTE, seuls les artisans qui sont inscrits à la fois sur la liste des électeurs de la CMA et sur celle de la CCI peuvent être candidats pour un premier mandat de juge d’un tribunal de commerce. Par conséquent, le mandat des nouveaux juges élus depuis octobre 2019 encourt théoriquement une invalidation, même si la rapporteure nous a éclairés sur ce point, dès lors que la condition de double inscription n’était pas remplie au jour de leur élection. On pouvait ainsi craindre la disparition à bref délai des tribunaux de commerce si cette exigence était maintenue.

Les élections ayant été reportées, pour avoir entre le 21 novembre et le 4 décembre 2022, par décret du 1er septembre 2022, les nouvelles dispositions pourraient s’y appliquer si le texte est adopté rapidement.

Les députés du groupe Démocrate approuvent la portée limitée du texte et ne souhaitent pas qu’il donne lieu à un débat sur l’existence même des juridictions commerciales. En revanche, nous reconnaissons avec d’autres – à titre personnel, je l'appelle de mes vœux depuis la dernière législature – la nécessité d’une réforme des tribunaux de commerce fondée sur la professionnalisation des juges et la définition de périmètres plus cohérents, ce qui passe par la création d’un tribunal des affaires économiques pratiquant l’échevinage. Le groupe Démocrate s’impliquera dans ce chantier qui a été identifié dans le cadre des États généraux de la justice. Le texte n’a pas une telle ambition ; il doit néanmoins être adopté conforme compte tenu de l’urgence.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Que chacun le garde en mémoire, voter un trop grand nombre de lois, dans la précipitation de surcroît, aboutit à des « malfaçons législatives » – c’est joliment dit pour cacher un mépris du Parlement sur lequel on fait peser la responsabilité des erreurs alors qu’aucun de ceux, pourtant nombreux, qui se sont penchés sur le texte, ne les a repérées. C’est une leçon à méditer pour le futur projet de loi sur la justice.

Le texte a pour but d’éviter que les malfaçons n’entraînent des nullités ou, jouons à nous faire peur, la disparition des tribunaux de commerce. Je fais néanmoins confiance au reste du monde judiciaire pour s’en accommoder et laisser les tribunaux de commerce fonctionner.

Le groupe La France insoumise est lui aussi favorable à une réforme des tribunaux de commerce, notamment à la présence de magistrats professionnels aux côtés des juges élus afin d’améliorer la qualité de la justice commerciale.

Nous attendons la loi de programmation sur la justice. Nous savons qu’elle ne s’accompagnera pas d’autant de milliards que celle consacrée à la sécurité. Pour le reste, nous ignorons tout des dispositions qu’elle contiendra. Rien ne dit que la justice commerciale en fera partie. Si d’aventure elle devait y figurer, nous plaiderions pour une plus forte professionnalisation.

M. le président Sacha Houlié. Le budget de la justice ayant progressé de 30 % depuis trois ans, les crédits qui lui sont consacrés ne doivent pas être très éloignés de ceux qui sont consacrés à la sécurité, même si ces budgets sont différents par nature. La justice a été bien servie et nous veillerons à ce que cela continue dans le prochain projet de loi de finances.

M. Guillaume Gouffier-Cha (RE). Avec ce texte, nous réitérons l’exercice de correction des malfaçons introduites par la loi PACTE dans le régime d’élection des juges consulaires.

Son caractère technique et la fonction de rustine que revêt ce texte ne doivent pas nous amener à en minorer l’importance ou à en négliger la portée. Il s’agit en effet d’assurer le bon déroulement des élections de l’automne et, partant, le bon fonctionnement de nos tribunaux de commerce qui sont, faut-il le rappeler, essentiels dans la présente conjoncture économique.

En rétablissant l’éligibilité des cadres dirigeants, le texte conforte un vivier compétent qui représente aujourd’hui plus de 40 % des juges consulaires dans les grandes juridictions. En assouplissant la condition de résidence pour l’éligibilité des membres en exercice et des anciens membres des tribunaux de commerce, le texte permettra la réélection de 307 juges consulaires, souvent à la retraite, dont l'expérience est précieuse pour leur juridiction.

Pour le groupe Renaissance, les modifications apportées par le Sénat sont bienvenues, en ce qu’elles circonscrivent le texte à son objet et à des dispositions solides juridiquement. Je pense à la suppression de l'article 2 sur le refus de siéger, ainsi qu’à l’assouplissement du critère de résidence réservé, au nom de la légitimité, aux candidatures intervenant dans le tribunal d’origine ou dans un tribunal limitrophe.

Nous pouvons nous accorder assez aisément sur un point : la tenue très prochaine des élections, déjà reportées par le Gouvernement, ainsi que le contexte économique, nous obligent à légiférer avec vitesse, mais sans précipitation. À ce titre, nous soutiendrons la position de notre rapporteure en faveur d’un vote conforme. Suivant son invitation à renvoyer les sujets de fond à l’examen approfondi qu’il mérite, nous nous opposerons à l’amendement visant à rétablir l'article 2 : la cessation des fonctions en cas de refus de siéger des juges consulaires implique en effet de l’assortir de toutes les garanties utiles en matière disciplinaire pour ne pas fragiliser le dispositif. Par ailleurs, à ce stade, rien ne dit que la sanction d’un refus réitéré soit de nature à apporter une solution aux difficultés rencontrées par les juridictions commerciales.

La déclinaison législative des États généraux de la justice permettra de travailler sur ce sujet et sur d’autres points, tels que l’extension de la compétence des tribunaux de commerce, dont je veux saluer l’action, au nom du groupe Renaissance, et que nous conforterons par l’adoption conforme de la proposition de loi.

Mme Béatrice Roullaud (RN). La proposition de loi qui nous est soumise ne comporte plus qu’un article, l’article 3, le Sénat ayant supprimé les deux premiers.

L’audition de Mme Sonia Arrouas, présidente du tribunal de commerce d’Évry, et de M. Jean‑Luc Adda, président du tribunal de commerce d’Alençon, a été riche d’enseignements. Elle a montré qu’il est absolument nécessaire de modifier les conditions d’éligibilité des candidats aux fonctions de juge consulaire. En effet, l’absentéisme de certains juges met les tribunaux de commerce en difficulté. Les juges consulaires sont bénévoles, et on en manque. Élargir le vivier des candidats permettrait d’avoir davantage de juges et de remplacer ceux qui ne viennent pas siéger.

C’est ce que fait l’article 3, qui permet à des cadres d’être élus juges consulaires, et qui favorise la mobilité des juges et des anciens juges consulaires, sous certaines conditions de résidence. L’ouverture aux cadres répond aussi à un souci de qualité, comme l’a souligné Mme Catherine Védrenne, cheffe du bureau des magistrats. L’article 3 corrige également une rédaction défectueuse : il fallait inscrire dans la loi la conjonction « ou », et non la conjonction « et », qui restreignait encore la possibilité d’être élu juge consulaire. L’article 3 va dans le bon sens et nous le voterons.

En revanche, nous regrettons la suppression de l’article 2, qui était la clé de voûte de ce texte et l’une des revendications essentielles de la profession. Il aurait permis de lutter efficacement contre l’absentéisme des juges consulaires, en instaurant une sanction. L’article supprimé, qui modifiait le 5° de l’article 722‑8 du code de commerce, permettait en effet de considérer comme démissionnaire d’office un juge refusant de siéger sans motif légitime. Cette disposition est on ne peut plus logique. Le législateur a d’ailleurs déjà prévu une sanction similaire pour les conseillers prud’homaux, qui sont eux aussi bénévoles et qui connaissent également des problèmes d’absentéisme.

Le législateur ne doit pas se montrer frileux : son rôle est de trouver des solutions efficaces et pérennes aux dysfonctionnements dont il est saisi. Les solutions amiables n’ont pas permis de résoudre cet épineux problème, pas plus que les recours hiérarchiques ou disciplinaires auprès du premier président de la cour d’appel. Les justiciables devraient supporter qu’un dossier prenne plusieurs mois, voire plusieurs années de retard, au seul motif que le législateur s’est montré frileux ? Je ne le crois pas !

Parce qu’il est à l’écoute des professionnels de terrain, le Rassemblement national défendra un amendement visant à réintroduire l’article 2. Nous proposerons toutefois de le modifier à la marge, afin de ne pas heurter la sensibilité des juges consulaires, qui sont volontaires et bénévoles. Ne serait ainsi sanctionné que le second refus de siéger non motivé. Dans la mesure où je suis la seule députée à avoir assisté à l’audition de Mme Arrouas et de M. Adda, je suis le témoin de ce qui a été dit, et je peux vous assurer qu’ils ont plaidé pour l’instauration d’une telle sanction.

J’espère, chers collègues, que vous ne resterez pas dans une posture politicienne et partisane.

Article 1er (supprimé) (art. 713-1 du code de commerce) : Inscription des cadres dirigeants dans le corps électoral des chambres de commerce et d’industrie aux fins de les rendre éligibles aux fonctions de juge consulaire

La commission maintient la suppression de l’article 1er.

Article 2 (supprimé) (art. L. 722-8 du code de commerce) : Sanction du refus de siéger sans motif légitime par la cessation des fonctions de juge d’un tribunal de commerce

Amendement CL1 de Mme Béatrice Roullaud.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Les fonctions de juge consulaire sont bénévoles, comme celles de conseiller prud’homal. Peut-être cela explique-t-il en partie la défaillance de certains juges, qui ne viennent pas siéger. Toujours est-il que cette situation entraîne un dysfonctionnement des tribunaux et retarde l’avancement des dossiers, alors que, dans le même temps, les justiciables se plaignent de la longueur des procédures. Il faut mettre un terme à ce dysfonctionnement.

Si le législateur a eu le courage de résoudre le problème pour les conseils prud’hommes en instaurant une sanction, la démission d’office, à l’article L. 1442-12 du code du travail, il n’en est pas de même pour les tribunaux de commerce, ce qui n’est pas logique.

Les auditions des professionnels – présidents de tribunaux de commerce, magistrats, directrices et directeurs des ressources humaines – ont pourtant conclu unanimement à la nécessité d’instaurer une sanction dans la loi. En effet, chacun a constaté que les rapports faits au premier président – ou à la première présidente – de la cour d’appel n’ont jamais permis de résoudre le problème, pas plus que les solutions amiables, les rappels disciplinaires ou les médiations.

Il convient d’être pragmatique et de ne pas laisser le problème perdurer. Le législateur ne doit pas être frileux, d’autant qu’une sanction est déjà prévue par le code du travail pour les conseillers prud’homaux ne venant pas siéger. Le justiciable ne doit pas pâtir d’un manque de courage du législateur.

Toutefois, pour éviter d’être trop sévère à l’encontre de personnes qui sont bénévoles, il est proposé de ne sanctionner les juges consulaires qu’au second refus. Le décret d’application définirait les motifs légitimes justifiant un tel refus – maladie, décès, cas de force majeure, empêchement familial grave, par exemple. Nous proposons donc de rétablir l’article 2, en y introduisant les modifications que j’ai exposées.

Mme Clara Chassaniol, rapporteure. J’ai moi aussi assisté à l’audition de Mme Arrouas. Elle a dit qu’elle ne tenait pas absolument à ce que nous légiférions, dans cette proposition de loi, sur le refus de siéger. Toutes les personnes que nous avons auditionnées nous ont dit que la priorité était de voter l’article 3, pour le bon déroulement des prochaines élections consulaires.

Sans nier le problème que peut poser le refus de siéger de certains juges consulaires, il faut faire preuve de la plus grande prudence, car nous ne disposons pas de chiffres précis permettant d’apprécier l’ampleur du phénomène. Il ne semble pas massif, puisque la Conférence générale des juges consulaires a estimé qu’il représentait une dizaine de cas par an.

Le refus de siéger constitue, pour un juge, un manquement au devoir de son état, qui peut faire l’objet d’une procédure disciplinaire : il existe donc déjà une solution. Le fait que les chefs de cour d’appel ne se saisissent pas de cette prérogative n’est pas une raison suffisante pour légiférer dans l’urgence.

Cette proposition de loi fait l’objet d’une procédure d’examen simplifiée parce qu’il y a urgence à élargir le vivier de recrutement des juges consulaires. Mon homologue au Sénat, qui a d’ailleurs été corapporteur l’année dernière d’un rapport d’information sur le sujet, avait écarté cette mesure et invité, en premier lieu, les chefs de cour à se saisir de la procédure disciplinaire. Or, force est de constater que le problème persiste.

Parce que cette question n’est pas anodine, il importe que nous prenions le temps de réfléchir à toutes ses implications. Il ne paraît pas souhaitable d’adopter dans l’urgence un dispositif que nous n’avons pas eu le temps d’examiner en profondeur et qui pourrait fragiliser les juges. C'est d’ailleurs pour cette raison que la représentante de la Direction des services judiciaires du ministère de la justice a affirmé, lors de son audition, que l’article 3 était la priorité absolue et que la mesure proposée à l’article 2 pourrait être envisagée ultérieurement. Des textes nous seront soumis l’année prochaine, qui feront suite aux États généraux de la justice : nous pourrons revenir sur cette question lors de leur examen.

Je vous invite à faire primer l’urgence qui porte sur le vivier électoral de recrutement des juges consulaires, en retirant votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Philippe Latombe (Dem). Il importe vraiment que ce texte soit voté conforme, compte tenu de l’urgence : cela garantira sa promulgation rapide et son application aux prochaines élections.

Cela ne veut pas dire que le problème que vous soulevez n’est pas réel. Le garde des sceaux a indiqué, à l’occasion des États généraux de la justice, qu’il faudrait réfléchir à une évolution de la justice commerciale. Il a évoqué la création d’un tribunal des affaires économiques, où des juges professionnels siégeraient aux côtés des juges consulaires.

Vous dites qu’il faut être à l’écoute du terrain : pour ma part, j’ai pu constater combien la situation diffère d’un tribunal de commerce à l’autre, et combien cela dépend du chef de juridiction.

Je répète qu’il importe de voter ce texte conforme, afin qu’il puisse entrer en application dans les quarante-huit ou soixante-douze heures. Nous ne voterons pas cet amendement et je vous invite à le retirer pour que nous puissions avoir un vote unanime sur ce texte. Ce sera une façon de montrer aux juges consulaires que nous sommes à leurs côtés.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Madame la rapporteure, je me sens mise en cause, lorsque vous dites que Mme Arrouas n’a pas tenu les propos que je rapporte, ou n’a pas donné les chiffres que j’ai notés.

Vous m’opposez l’urgence, mais je doute que nous ayons davantage de temps à consacrer à cette question à l’avenir. Voter mon amendement n’empêcherait nullement d’entreprendre, par la suite, une réforme des tribunaux consulaires. La disposition que je propose aurait au moins le mérite de débloquer la situation. Madame la rapporteure, je suis désolée de vous contredire, mais les deux personnes que nous avons auditionnées ont réclamé des sanctions. Et je sentais bien que cela vous gênait aux entournures.

M. le président Sacha Houlié. Si votre amendement était adopté, le texte ne serait pas voté dans les mêmes termes qu’au Sénat et il faudrait poursuivre la navette, ce qui retarderait l’entrée en vigueur du texte. Or les élections consulaires approchent.

La commission rejette l’amendement.

Elle maintient la suppression de l’article 2.

 

Article 3 (art. 723-4 du code de commerce) : Conditions d’éligibilité aux fonctions de juge d’un tribunal de commerce

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi non modifiée.

 

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi visant à actualiser le régime de réélection des juges consulaires

dans les tribunaux de commerce (n° 288 ) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.


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   Personnes entendues

 

   Mme Soizic Guillaume, sous-directrice des ressources humaines de la magistrature

   Mme Catherine Vedrenne, cheffe du bureau des magistrats exerçant à titre temporaire et des juges élus ou désignés

   Mme Lucia Alem, adjointe à la cheffe de bureau

   M. Emmanuel Lejeune, chef du pôle « statut »

   Mme Sonia Arrouas, présidente

   M. Jean-Luc Adda, conseiller de la présidente, président du Tribunal de commerce d’Alençon

 


([1])  Décret n° 2022-1211 du 1er septembre 2022 relatif à l'élection des juges des tribunaux de commerce et au report exceptionnel des élections

[2] Jusqu’au 24 mai 2019, les deux premiers alinéas de l’article L. 723‑4 du code de commerce disposaient que « Sont éligibles aux fonctions de juge d'un tribunal de commerce les personnes âgées de trente ans au moins : 1° Inscrites sur la liste électorale dressée en application de l'article L. 713-7 dans le ressort du tribunal de commerce ou dans le ressort des tribunaux de commerce limitrophes ; ».

[3] Loi n° 2021-1317 du 11 octobre 2021 permettant la réélection des juges consulaires dans les tribunaux de commerce.

[4] La Direction des services judiciaires a indiqué que le ministère de la justice et le ministère de l’économie, des finances, de la souveraineté industrielle et numérique n’étaient pas en mesure de communiquer une estimation nationale précise du nombre de personnes relevant de cette catégorie. Lors des précédentes élections des juges des tribunaux de commerce, les cadres dirigeants étaient intégrés dans le corps électoral des délégués consulaires, sans autre précision que celle distinguant les juges et anciens juges et toutes les autres catégories confondues (chefs d’entreprises, représentants des sociétés, conjoints).

([5])  « Les outils juridiques de prévention et de traitement des difficultés des entreprises à l’aune de la
crise de la covid-19 », rapport d’information n° 615 (2020-2021) de François Bonhomme et
Thani Mohamed Soilihi au nom de la commission des Lois du Sénat

([6])  En raison de leur report, prévu à l’article 3 du décret n° 2022-1211 du 1er septembre 2022 relatif à l'élection des juges des tribunaux de commerce et au report exceptionnel des élections.