N° 339
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
SEIZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2022
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES
SUR LE PROJET DE LOI de financement de la sécurité sociale pour 2023
(n° 274)
PAR Mme StÉphanie RIST
Rapporteure générale, rapporteure pour les recettes, l’équilibre général et la branche maladie, Députée
Mme Caroline JANVIER
Rapporteure pour la branche autonomie, Députée
M. Paul CHRISTOPHE
Rapporteur pour la branche famille, Député
M. Cyrille ISAAC-SIBILLE
Rapporteur pour la branche vieillesse, Député
M. Thibault BAZIN
Rapporteur pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles, Député
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TOME II
COMMENTAIRE DES ARTICLES
ET ANNEXES
Voir les numéros : 274, 336.
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
PREMIÈRE PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2021
Article 1er Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2021
DEUXIÈME PARTIE : DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2022
Article 3 Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2022
TITRE Ier DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Article 6 Modernisation du contrôle, du recouvrement social et du droit des cotisants
Article 8 Renforcement et harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac
TITRE II CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 11 Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
QuatriÈme partie : Dispositions relatives aux dÉpenses pour l’exercice 2023
TITRE IER DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES
Chapitre Ier Renforcer les actions de prévention en santé
Article 16 Protection des populations et des travailleurs face à la covid-19
Article 17 Mettre en place des rendez-vous « prévention » à certains âges clés
Article 20 Permettre aux pharmaciens, infirmiers et aux sages-femmes de prescrire des vaccins
Chapitre II Renforcer l’accès aux soins
Article 21 Exonération de ticket modérateur sur les transports sanitaires urgents pré-hospitaliers
Article 22 Rénover la vie conventionnelle pour renforcer l’accès aux soins
Article 23 Ajout d’une quatrième année au diplôme d’études spécialisées de médecine générale
Article 24 Augmenter l’impact des aides à installation
Article 25 Encadrer l’intérim médical et paramédical en établissement de santé
Chapitre III Accompagner les professionnels de santé et rénover le parcours de soins
Article 28 Régulation des sociétés de téléconsultation facturant à l’assurance maladie obligatoire
Chapitre IV Rénover la régulation des dépenses de produits de santé
Article 30 Garantir l’accès aux médicaments des patients et l’efficience de leur prise en charge
Chapitre V Renforcer la politique de soutien à l’autonomie
Article 33 Sécuriser la réforme du financement des services de soins à domicile
Chapitre VI Moderniser les prestations familiales
Chapitre VII Simplifier et moderniser le service public de la sécurité sociale
Article 38 Accélérer la convergence sociale à Mayotte
Article 39 Moderniser la législation de sécurité sociale applicable à Saint‑Pierre‑et‑Miquelon
Chapitre VIII Poursuivre les actions de lutte contre les abus et les fraudes
Article 41 Renforcement de la lutte contre la fraude fiscale
Article 46 Objectifs de dépenses de la branche maladie, maternité, invalidité et décès
Article 49 Objectifs de dépenses de la branche accidents du travail et maladies professionnelles
Article 50 Objectif de dépenses de la branche vieillesse pour 2023
Article 51 Objectifs de dépenses de la branche famille
Article 52 Objectifs de dépenses de la branche autonomie
ANNEXE N° 3 : liens vers LES ENREGISTREMENTS vidÉo DE l’examen du projet de loi par la COMMISSION
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Article liminaire
Prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale pour les années 2022 et 2023
Adopté par la commission sans modification
L’article liminaire constitue l’une des novations organiques qu’intègre le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, en application du nouveau cadre défini par la loi organique du 14 mars 2022 ([1]).
Il présente, pour l’exercice en cours et l’exercice à venir, les prévisions de dépenses, de recettes et de solde pour les administrations de sécurité sociale, ce qui représente un champ plus important que celui qui est traditionnellement applicable aux lois de financement.
Le présent article présente un solde excédentaire de 0,5 % du produit intérieur brut (PIB) pour 2022 et de 0,8 % du PIB pour 2023.
I. L’article liminaire, outil d’intégration des lois de financement dans le cadre général des finances publiques
Le cadre organique général de la programmation des finances publiques tel qu’établi en 2012 ([2]), prévoyait que les lois de finances de l’année, les lois de finances rectificatives ainsi que les lois de financement rectificatives de la sécurité sociale comprennent un article liminaire « présentant un tableau de synthèse retraçant, pour l’année sur laquelle elles portent, l’état des prévisions de solde structurel et de solde effectif de l’ensemble des administrations publiques, avec l’indication des calculs permettant d’établir le passage de l’un à l’autre ».
Cette disposition s’est trouvée à ne s’appliquer qu’une fois dans le champ des lois de financement, en 2014 ([3]), mais le champ établi présentait la situation pour l’ensemble des administrations publiques (« toutes APU »), mal adapté à l’objet de la loi de financement de la sécurité sociale.
Seule dépourvue d’article liminaire, la loi de financement de l’année en a été dotée par la récente loi organique relative aux lois de financement ([4]), l’intention étant de remédier à une situation atypique, le législateur organique estimant que l’« absence pour les lois de financement de l’année malgré leur importance dans le pilotage du champ "ROBSS", qui constitue l’essentiel du champ "ASSO", qui lui‑même représente 60 % des dépenses publiques globales, [semblait] aujourd’hui pour le moins surprenante » ([5]).
C’est pourquoi les dispositions suivantes prévoient désormais l’examen d’un article liminaire.
Dispositions relatives à l’intégration d’un article liminaire dans la loi de financement de l’année
Article L.O. 111-3-1 du code de la sécurité sociale
« La loi de financement de la sécurité sociale de l’année comprend un article liminaire et trois parties :
« 1° Une première partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours ;
« 2° Une deuxième partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir ;
« 3° Une troisième partie comprenant les dispositions relatives aux dépenses pour l’année à venir. »
Article L.O. 111-3-2 du code de la sécurité sociale
« Dans son article liminaire, la loi de financement de l’année présente, pour l’exercice en cours et pour l’année à venir, l’état des prévisions de dépenses, de recettes et de solde des administrations de sécurité sociale. »
Concomitante de l’intégration dans les annexes informatives à la loi de financement d’une analyse des comptes des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires et du régime d’assurance-chômage, cet article liminaire témoigne d’une certaine volonté d’étendre le champ d’information des parlementaires au-delà des seules limites que représentent les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS).
La distinction entre le champ des ROBSS et des ASSO
Périmètre traditionnel des lois de financement de la sécurité sociale, les ROBSS constituent une notion plus institutionnelle que comptable, puisqu’ils comprennent l’ensemble des régimes auxquels les assurés doivent obligatoirement être affiliés pour la couverture des risques sociaux auxquels ils peuvent être confrontés.
La nature de ces régimes exclut donc de leur champ :
– les régimes complémentaires légalement obligatoires, qui régissent principalement la couverture du risque vieillesse en plus des régimes de base ;
– les régimes qui ne sont pas considérés comme intégrés dans le champ de la sécurité sociale, comme le régime d’assurance chômage ;
– les régimes facultatifs de couverture des risques sociaux.
Les régimes obligatoires de base encadrent le champ d’action des lois de financement.
Le champ des « administrations de sécurité sociale » ou « ASSO » constitue, lui, un sous‑ensemble du secteur des administrations publiques en comptabilité nationale. Le système européen des comptes (SEC) de 2010 définit le secteur des ASSO comme « toutes les unités de sécurité sociale, indépendamment du niveau administratif qui gère ou administre les régimes. Si un régime de sécurité sociale ne répond pas aux critères requis pour être qualifié d’unité institutionnelle, il est classé avec son unité mère dans l’un des autres sous-secteurs du secteur des administrations publiques. Si les hôpitaux publics fournissent un service non marchand à la communauté dans son ensemble et s’ils sont contrôlés par des régimes de sécurité sociale, ils sont classés dans le sous-secteur des fonds de sécurité sociale. »
Ce secteur comprend donc l’ensemble des personnes institutionnelles qui ont pour fonction de verser des prestations sociales dans le cadre de régimes au sein desquels :
– l’ensemble ou une partie de la population sont tenus de participer au régime ou de verser des cotisations en vertu des dispositions légales ou réglementaires ;
– les administrations publiques sont responsables de la gestion de ces personnes pour ce qui concerne la fixation ou l’approbation des cotisations et des prestations.
Ce champ comptable est retenu par l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) au moment de l’établissement des comptes de la nation mais aussi par la loi de finances dans le cadre de son propre article liminaire.
Le champ des ASSO est naturellement plus large que celui des ROBSS, même s’il faut ôter de ce champ les systèmes en vertu desquels l’employeur verse lui-même les prestations aux personnes qu’il emploie. Les régimes de retraite obligatoires de l’État entrent bien dans le champ des ROBSS, mais pas dans celui des ASSO. Ce secteur comprend, par ailleurs :
– les régimes complémentaires d’assurance vieillesse et d’assistance maladie ;
– le régime d’assurance chômage ;
– les comptes des établissements de santé ;
– le solde de l’ensemble des « satellites » comme la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) ou le Fonds de réserve pour les retraites (FRR).
L’intérêt de la présentation de ce nouveau champ dans la loi de financement permet non seulement une intégration dans les catégories comptables utilisées dans les autres lois financières, mais éclaire aussi sous un autre jour la situation financière des régimes de la sécurité sociale et ceux qui lui sont proches.
II. la délimitation du champ retenu fait apparaître un excédent pour l’ensemble des administrations de sécurité sociale en 2022
A. Les excédents de la Cades contribuent majoritairement à la situation excédentaire des administrations de sécurité sociale
L’absence de communication des annexes relatives à la situation des régimes de retraite complémentaire et des régimes d’assurance chômage au moment de la rédaction du présent commentaire ne permet malheureusement pas une approche aussi approfondie du présent article liminaire qu’espéré. La documentation annexée au projet de loi de finances, qui présente également les dépenses, les recettes et le solde des ASSO permet toutefois de pallier en partie cette déficience.
Ainsi que le montre l’exposé des motifs du présent article, la prise en compte des comptes de la Cades dans le champ ASSO déforme quelque peu optiquement l’image qu’on peut avoir de la situation des administrations de la sécurité sociale. Les excédents de la caisse sont enregistrés comme les ressources, estimées à 19,9 milliards d’euros pour 2022, contre 1,3 milliard d’euros pour les charges financières nettes, soit un excédent de 18,6 milliards d’euros, qui correspond au montant de la dette amortie.
Cette déformation optique de la situation des comptes étant établie, le présent article fixe le montant du solde pour 2022 à 0,5 % du PIB, soit la différence entre des recettes à hauteur de 27 % du PIB et des dépenses à hauteur de 26,5 % du PIB. Cet excédent tient notamment au rétablissement spectaculaire de la situation économique en 2022, telle qu’elle apparaît dans l’annexe B du présent projet de loi.
Évolution des conditions macro-économiques (2019-2022)
(en pourcentages)
|
Année |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 (prévision) |
|
PIB en volume |
1,8 % |
– 7,8 % |
6,8 % |
2,7 % |
|
Masse salariale du secteur privé* |
3,1 % |
– 5,7 % |
8,9 % |
8,6 % |
|
Inflation hors tabac |
0,9 % |
0,2 % |
1,6 % |
5,4 % |
(*) Le calcul de la masse salariale comprend également les effets de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat et de la prime de partage de la valeur, sur la base des statistiques des Urssaf, à hauteur de 0,2 point pour 2022.
Source : Annexe B au PLFSS 2023.
Le maintien d’un taux de croissance supérieur aux prévisions moyennes pour 2022, qui évaluaient un effet supérieur de la dégradation de la situation internationale sur la trajectoire de la croissance française, à 2,7 % du PIB, permet à la masse salariale de croître à un rythme comparable à celui de 2021. Traduit en euros par le biais du rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances (PLF) pour 2023, le solde des ASSO pour 2022 est positif à hauteur de 12,7 milliards d’euros.
Solde, recettes et dépenses des asso pour 2022 et 2023
(en milliards d’euros)
|
|
2022 |
2023 |
|
Recettes |
713,2 |
742,6 |
|
Dépenses |
700,5 |
721,5 |
|
Solde |
12,7 |
21,1 |
Source : Rapport économique, social et financier annexé au PLF 2023.
Les recettes pour l’ensemble des ASSO poursuivent une trajectoire ascendante poussée notamment par l’augmentation de la masse salariale, à hauteur de 7,2 %, et ce notamment par le biais d’une augmentation des cotisations sociales (+ 6,7 %). Mais le solde positif tient surtout à la progression modérée des dépenses (+ 2,6 %), liée à une amélioration du solde de l’Unédic sous l’effet de la poursuite d’un rythme élevé de créations d’emploi. L’effet inverse de progression des dépenses, liées notamment à l’indexation des prestations de l’assurance vieillesse et des prestations familiales au 1er juillet 2022, ne compense pas entièrement cette diminution du déficit du régime d’assurance chômage.
B. La situation excédentaire des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires et du régime d’assurance-chômage
L’annexe 8, issue du nouveau cadre organique ([6]), permet d’embrasser rapidement la situation du régime de l’assurance-chômage et des retraites complémentaires légalement obligatoires. Si ceux-ci, n’étant pas intégrés dans le champ des ROBSS, ne font pas l’objet à proprement parler des lois de financement de la sécurité sociale, les informations financières à leur sujet sont des items dont il est parfaitement légitime qu’ils soient à la disposition des parlementaires, compte tenu des millions de Français qui sont allocataires de l’un ou de l’autre de ces régimes.
1. Les excédents de l’assurance-chômage permettent au régime d’initier une trajectoire de réduction de sa dette
Les mesures exceptionnelles mises en œuvre en 2020 et en 2021 pour garantir l’activité des Français face aux conséquences économiques de la crise sanitaire et des mesures de santé publique qui avaient dû être prises pour y faire face ont naturellement creusé fortement les déficits du régime d’assurance-chômage. Pour rappel, l’activité partielle, dont ont bénéficié près de 8 millions de salariés au plus fort de la crise en avril 2020, est financée pour un tiers d’entre elle, par l’Unédic. En 2021, ces dépenses ont représenté près de 4,3 milliards d’euros, soit près de 10 % de l’ensemble des dépenses de l’Unédic, mais elles ne représenteraient plus que 500 millions d’euros en 2022 ([7]). Il convient de compter également parmi ces dépenses exceptionnelles, en 2021 :
– la prolongation des droits à l’allocation chômage pour les demandeurs d’emploi en fin de droit pendant la crise sanitaire, pour un coût de 2 milliards d’euros ;
– la prolongation spécifique des droits des intermittents du spectacle pour un coût de 500 millions d’euros.
La disparition des dispositifs exceptionnels, comme la croissance de l’emploi salarié, à un niveau supérieur de 3,2 % par rapport à son niveau antérieur à la crise sanitaire, contribuent à améliorer sensiblement le solde du régime d’assurance chômage. L’« effet ciseau » positif provient ainsi, en 2022 :
– d’une augmentation des recettes de 3,1 milliards d’euros, soit une augmentation de 7,8 %, liée à la progression de la masse salariale (nombre d’emplois et montant des salaires) ;
– d’une diminution des dépenses, notamment des dépenses d’indemnisation en raison de la forte progression du nombre d’emplois (– 10 milliards d’euros, soit une baisse de 20,3 %), ainsi que sous l’effet de la réforme de l’assurance chômage.
Le régime d’assurance chômage connaîtrait en 2022 un excédent de trésorerie ([8]) de 4,1 milliards d’euros, en augmentation de 13,2 milliards d’euros par rapport à 2021.
Cet excédent serait encore amélioré en 2023, sous l’effet de la progression de la masse salariale sur les recettes de l’assurance-chômage et de la stabilité des dépenses d’indemnisation, à hauteur de 4,5 milliards d’euros.
Ces excédents sur deux exercices consécutifs devraient permettre au régime d’assurance-chômage d’initier une trajectoire de diminution de la dette accumulée au cours de la crise sanitaire, puisque celle-ci est passée de 36,8 milliards d’euros en 2019 à 63,6 milliards d’euros fin 2021. L’effet atténuateur des excédents sur la dette devrait se traduire par une réduction du montant de cette dernière à 59,5 milliards d’euros en 2022, puis 55 milliards d’euros en 2023.
2. La situation excédentaire des régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires devrait connaître un fléchissement en 2023
Assurant la couverture du risque « vieillesse » en complément des régimes de base, les régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires couvrent la majeure partie de la population, à l’exception des pensionnés auprès des « régimes spéciaux » ([9]) qui bénéficient déjà de taux de remplacement élevés au regard de leur régime de base.
Parmi ceux-ci, le régime de l’Agirc-Arrco ([10]), applicable aux salariés et aux cadres du secteur privé, représente plus de 87 % des prestations, et près de 20 millions de cotisants actifs pour plus de 15 millions de pensionnés de droit direct et de droit dérivé.
La situation de l’ensemble des régimes de retraite complémentaires légalement obligatoires est nettement excédentaire en 2022, à hauteur de 8,9 milliards d’euros, porté par l’augmentation des recettes (+ 7,1 % de cotisations), nettement supérieur à celles des dépenses (+ 1,5 %), en dépit, cependant d’une indexation anticipée sur l’inflation au 1er juillet 2022 pour certains régimes (Ircantec, régime complémentaire des travailleurs indépendants), à hauteur de 4 %, sur le modèle du régime général de base. Cette augmentation du montant des pensions prend également en compte la revalorisation des prestations versées par l’Agirc-Arrco à hauteur de 5,1 % à compter de novembre 2022.
En 2023, la situation excédentaire de ces régimes connaîtrait un fléchissement, puisque leur solde ne serait plus positif que de 5,1 milliards d’euros, en raison des effets de l’indexation des prestations sur l’inflation, dans un contexte de réduction de l’augmentation de la masse salariale, à hauteur de 5 %.
III. un ralentissement de la croissance des excédents en 2023
Bien que l’année 2023 se traduise par un excédent plus important encore qu’en 2022, à hauteur de 21,1 milliards d’euros, les recettes des ASSO ne progresseraient plus qu’à un rythme de 4,1 %, en ligne avec la croissance prévue de la masse salariale (+ 4,5 %), alors que les dépenses poursuivraient un rythme plus élevé qu’en 2022 (+ 3 %), sous l’effet notamment de l’inflation sur le rythme d’évolution du montant des prestations.
*
* *
PREMIÈRE PARTIE :
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2021
Article 1er
Approbation des tableaux d’équilibre relatifs à l’exercice 2021
Adopté par la commission avec modifications
L’article 1er du projet de loi de financement pour 2023 vise à approuver les comptes, pour l’année 2021, des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) ainsi que ceux des organismes qui concourent au financement de ces régimes, mais aussi le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Il vise également à approuver le montant définitif des dépenses constatées relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam).
Cet article obligatoire est inscrit dans la première partie des lois de financement qui prendra la forme, à compter de l’année 2023, d’une loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS), en application de la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale ([11]). Aussi cet article portant approbation des comptes de l’exercice passé intégré aux lois de financement de l’année est-il le dernier.
L’exercice 2021 lui-même est marqué du sceau de la reprise économique et de la diminution rapide du déficit des ROBSS, qui demeure à un niveau historiquement élevé.
I. L’approbation des comptes de l’exercice N-1 : une disposition traditionnelle sensiblement modifiÉe par la rÉvision du cadre organique des lois de financement
A. L’approbation des comptes de l’exercice antÉrieur à l’annÉe de présentation des lois de financement constitue une obligation organique
En 2005, le législateur organique a souhaité conférer aux lois de financement une organisation permettant d’examiner des dispositions financières sur trois exercices différents. À ce titre, l’article L.O. 111-3 dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur du nouveau cadre organique prévoit que, dans une première partie comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos, les lois de financement approuvent :
– les tableaux d’équilibre par branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, du régime général et des organismes concourant au financement de ces régimes, soit le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice clos ;
– les dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour ce même exercice ;
– les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette. Ces organismes sont respectivement le Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
Cette première partie permet de respecter, dans le cadre des lois de financement, le principe selon lequel « les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères. Ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière », en application de l’article 47-2 de la Constitution.
B. Le cadre organique prÉvoit dÉsormais un cycle budgÉtaire annuel
La loi organique du 14 mars 2022 précitée modifie, à compter de 2023, la structuration des lois de financement de la sécurité sociale, de telle sorte que la première partie est supprimée des lois de financement de l’année. Elle constituera désormais un texte autonome : les lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS).
Inspirée du modèle ancien du règlement du budget de l’État, la LACSS a vocation à être examinée au printemps sur le modèle du calendrier établi par la loi organique relative aux lois de finances ([12]). Instituée comme une loi de financement de la sécurité sociale au regard de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, la LACSS comprendra l’équivalent du présent article, soit une approbation :
– des « tableaux d’équilibre du dernier exercice clos des régimes obligatoires de base de sécurité sociale, par branche, et des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées lors de cet exercice » ;
– des « montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base et aux organismes concourant au financement de ces régimes et les montants correspondant à l’amortissement de leur dette ».
Seule est soustraite au champ de la clôture des comptes l’approbation des comptes du régime général. Bien que ce régime, qui embrasse désormais les salariés et les travailleurs indépendants, représente la majorité des cotisants et des assurés, le champ d’application des lois de financement demeure celui des ROBSS. La présentation des comptes d’un régime particulier, fût-il le plus important numériquement, ne conservait pas beaucoup de pertinence alors même que l’intégration des travailleurs indépendants en son sein par la loi de financement pour 2018 ([13]) a montré que les frontières de ces régimes étaient suffisamment mouvantes pour interdire un véritable suivi dans le temps, y compris au moment de l’examen des comptes.
Cette nouvelle loi, déposée par le Gouvernement sur le bureau de l’Assemblée nationale au plus tard le 1er juin de l’année qui suit l’exercice dont elle porte approbation des comptes, a vocation à encourager la représentation nationale à consacrer du temps à l’exécution des lois de financement. Bien que le contenu de la loi elle-même ne porte pas sur les précédentes mesures des lois de financement, les documents qui lui seront annexés permettront aux parlementaires, dans un temps moins restreint que celui de l’examen des lois de financement de l’année, d’examiner tant la situation des comptes que l’impact des précédentes lois de financement sur ceux-ci. Les annexes à la LACSS comprendront ainsi notamment :
– les rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale (REPSS), portant chacun sur une branche de la sécurité sociale et visant, dans une logique d’objectifs et de moyens, à faire part de la satisfaction des objectifs fixés à chacune des branches au cours des trois années précédentes. Les objectifs et les moyens décrits dans ces rapports découlent naturellement en grande partie des conventions d’objectif et de gestion (COG), établies pour une durée de cinq ans entre l’État et chacune des caisses de sécurité sociale. Ces rapports, déjà annexés aux lois de financement de l’année, présenteront en outre, s’agissant de la branche vieillesse, « l’évolution de la soutenabilité financière de l’ensemble des régimes de retraite de base et complémentaires légalement obligatoires » ([14]), ce qui fournira à la représentation nationale des informations utiles sur l’ensemble du système de retraite, en complément des rapports annuels du Conseil d’orientation des retraites (COR) ;
– des rapports relatifs à l’exécution des mesures adoptées en lois de financement du dernier exercice clos et aux mesures prises par le Gouvernement pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos ;
– des rapports relatifs aux comptes définitifs des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base, à l’amortissement de leur dette et à la mise en réserve de recettes à leur profit, ainsi que des organismes financés par des régimes obligatoires de base, en détaillant, le cas échéant, le montant de la dotation des régimes obligatoires d’assurance maladie affectée à ces organismes ;
– une présentation, proche de celle des tableaux d’équilibre actuels, de l’état des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires pour le dernier exercice clos. Bien que n’appartenant pas au champ des ROBSS qui constitue l’unité de délibération et de vote des lois de financement, ces régimes représentent des masses financières et ont un impact tel sur plusieurs millions d’assurés qu’il est apparu naturel au législateur organique que le Parlement soit informé de leur évolution.
La rapporteure générale souhaite, pour la législature qui s’ouvre, que l’examen de la prochaine LACSS se fasse à la suite d’un moment consacré, à son initiative ainsi qu’à celle de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), qui prenait la forme, au cours de la XVe législature d’un « printemps social de l’évaluation ». Le travail préalable des membres de la commission des affaires sociales permettrait ainsi de nourrir les débats dans l’hémicycle non pas seulement autour de l’approbation des comptes – exercice qui, aussi fondamental qu’il soit pour le respect des exigences constitutionnelles qui s’attachent aux lois de financement, n’a que rarement induit des débats parlementaires prolongés sur l’actuelle première partie des lois de financement – mais aussi sur la bonne application des mesures votées au cours des précédents exercices et l’évaluation de leurs effets budgétaires et sociaux.
II. Un Exercice 2021 qui tÉmoigne d’un redressement rapide, bien qu’incomplet, des comptes des rÉgimes obligatoires de base
A. Une apprÉciation de l’Évolution des dÉpenses, des recettes et du solde des rÉgimes obligatoires de base de la sÉcuritÉ sociale
Dans l’esprit de la réforme organique, l’appréciation de la situation des comptes de l’exercice 2021 par rapport aux prévisions des précédents exercices se fera à l’échelle de l’ensemble des régimes obligatoires. La rapporteure générale placera donc l’essentiel de son analyse à cette focale.
La loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement ([15]) prévoit toutefois que la présente loi, afin de clore les comptes de l’exercice 2021, comporte les mêmes éléments que les lois précédentes, et notamment les tableaux d’équilibre du régime général. Ce tableau ne figure pas dans le projet de loi déposé par le Gouvernement. Or, il peut s’attacher une fragilité constitutionnelle à l’absence d’un élément cité parmi les dispositions obligatoirement prévues dans une loi de financement par les dispositions organiques. C’est pourquoi la rapporteure générale s’attachera à intégrer par amendement, en commission, le tableau d’équilibre par branche du régime général pour l’exercice 2021 au présent article.
B. une Évolution diffÉrenTielle marquÉe entre les diffÉrentes branches des RÉgimes de base
L’évolution des comptes des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale en 2021 fait apparaître, au regard de l’exercice précédent qui s’était traduit par un déficit historique, un redressement certes rapide, mais qui n’empêche pas ces régimes de faire face à un déficit majeur.
Comparaison du solde des rÉgimes obligatoires de base
avec l’exercice prÉcÉdent
(en milliards d’euros)
|
|
Résultats 2020 (LFSS 2022) |
Résultats 2021 (PLFSS 2023) |
||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
209,8 |
240,2 |
– 30,5 |
209,4 |
235,4 |
– 26,1 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
13,5 |
13,6 |
– 0,1 |
15,1 |
13,9 |
1,3 |
|
Vieillesse |
241,2 |
246,1 |
– 4,9 |
249,4 |
250,5 |
– 1,1 |
|
Famille |
48,2 |
50 |
– 1,8 |
32,8 |
32,6 |
0,3 |
|
Autonomie* |
NA |
NA |
NA |
32,8 |
32,6 |
0,3 |
|
Total** |
499,3 |
536,6 |
– 37,3 |
544,2 |
567 |
– 22,7 |
|
Total incluant le FSV* |
497,2 |
537 |
– 39,7 |
543 |
567,3 |
– 24,3 |
(*) La création de la branche autonomie dans le cadre de la LFSS 2021 ne permet pas d’établir une comparaison avec l’exercice 2021, sauf à reproduire pro forma les comptes de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie.
(**) Hors transferts entre branches.
Sources : LFSS 2022 et PLFSS 2023.
Le redressement des comptes sociaux après l’année 2020 s’est traduit par une diminution du déficit de 39,7 milliards d’euros à 24,3 milliards d’euros, soit une amélioration inédite de 15,4 milliards d’euros en un an. Cette amélioration ne s’est toutefois pas traduite de la même manière pour toutes les branches, elle était plus spectaculaire pour les branches maladie et vieillesse qui avaient été les plus touchées en 2020 par l’effet ciseau entre baisse des recettes et maintien, voire augmentation des dépenses en ce qui concerne l’assurance maladie.
Cette disparité dans les comptes des différentes branches fait apparaître une nette distinction entre les branches dont le solde, pour 2021, demeure négatif, voire fortement négatif (vieillesse et maladie), et celles qui sont excédentaires (accidents du travail et maladies professionnelles, autonomie et famille).
Source : commission des affaires sociales, à partir des données issues de l’annexe B au présent projet de loi.
S’agissant de la branche maladie, tout d’abord, hors effet de périmètre lié à la création de la branche autonomie ([16]), le redressement des comptes entre 2020 et 2021 tient notamment à une augmentation des produits de 13,7 % entre 2020 et 2021 tandis que les charges n’ont augmenté que de 9,7 % sous l’effet des dépenses exceptionnelles relatives au covid‑19 (voir infra sur les écarts de projection) mais aussi des mesures pérennes du Ségur de la Santé (24,7 milliards pour ces deux ensembles).
Après un déficit fortement creusé en 2020 (– 3,7 milliards d’euros), la branche vieillesse a retrouvé en 2021 une situation financière plus favorable qu’en 2019 avec un déficit de 1,1 milliard d’euros. Le ralentissement de l’augmentation du montant des prestations, lié à la fin de la revalorisation exceptionnelle du minimum vieillesse, s’est conjugué avec une augmentation des recettes comparable à celle des autres branches pour retrouver une situation proche de l’équilibre.
La branche accidents du travail-maladies professionnelles dégage un excédent à hauteur de 1,3 milliard d’euros. Bien que les dépenses aient été tirées par l’augmentation du nombre d’accidents du travail et de dépenses dans le champ de l’Ondam, les produits de la branche ont augmenté de 12,8 %, en raison notamment d’une augmentation rapide du produit des cotisations sociales. La branche bénéficie également des plans d’apurement mis en place pendant la crise, diminuant les risques provisionnés pour non-recouvrement.
La branche famille retrouve une position excédentaire marquée à hauteur de 2,9 milliards d’euros en 2021, en raison d’une faible augmentation des prestations légales ([17]), malgré le retour à une situation normale des services de la petite enfance entraînant une augmentation du montant des prestations versées au titre de l’accueil du jeune enfant (PAJE). À l’inverse, les recettes ont crû de 10,5 % à périmètre constant.
La branche autonomie enfin, dont l’exercice 2021 est la première occasion de déterminer le tableau d’équilibre, est en excédent de 0,3 milliard d’euros pour 2021. L’appréciation de l’évolution des dépenses et des recettes de la branche est rendue complexe du fait de nombreux effets de périmètre. Les dépenses ont ainsi fortement augmenté du fait de l’intégration dans les compétences de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) de la prise en charge financière de l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH). Le transfert de cette prestation, auparavant financée par la branche famille, s’est accompagnée d’un transfert de recettes équivalent. L’exercice 2021 constituera néanmoins un point de référence utile pour une branche dont les comptes sont déjà excédentaires.
C. un redressement dont l’ampleur n’avait pas été anticipÉe
Le redressement rapide des comptes présenté ci-dessus a entraîné une révision progressive à la hausse des hypothèses sur lesquelles se fondaient les précédentes lois de financement.
Évolution des prÉvisions de recettes, de dÉpenses et de soldes, par branche, des rÉgimes obligatoires de base pour l’exercice 2021
Comparaison entre les lois de financement pour 2021, 2022 et 2023
(en milliards d’euros)
|
|
Catégorie |
LFSS 2021 |
LFSS 2022 |
LFSS 2023 |
|
Maladie |
Recettes |
195,5 |
203,9 |
209,4 |
|
Dépenses |
219,1 |
233,6 |
235,4 |
|
|
Solde |
-23,7 |
-29,7 |
-26,1 |
|
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
Recettes |
14,4 |
14,7 |
15,1 |
|
Dépenses |
14,1 |
13,9 |
13,9 |
|
|
Solde |
0,3 |
0,8 |
1,3 |
|
|
Vieillesse |
Recettes |
242,9 |
247,2 |
249,4 |
|
Dépenses |
251,9 |
250,4 |
250,5 |
|
|
Solde |
-9 |
-3,3 |
-1,1 |
|
|
Famille |
Recettes |
49,6 |
50,8 |
51,8 |
|
Dépenses |
49,3 |
49,4 |
48,9 |
|
|
Solde |
0,3 |
1,4 |
2,9 |
|
|
Autonomie |
Recettes |
31,2 |
32 |
32,8 |
|
Dépenses |
31,6 |
32,4 |
32,6 |
|
|
Solde |
-0,4 |
-0,5 |
0,3 |
|
|
L’ensemble des branches* |
Recettes |
519,5 |
534,2 |
544,2 |
|
Dépenses |
552 |
565,5 |
567 |
|
|
Solde |
-32,5 |
-31,2 |
-22,7 |
|
|
L’ensemble des branches ainsi que le FSV |
Recettes |
517,5 |
532,1 |
543 |
|
Dépenses |
552,4 |
565,8 |
567,3 |
|
|
Solde |
-34,9 |
-33,7 |
-24,3 |
(*) Indépendamment des transferts entre branches.
Source : commission des affaires sociales.
Le redressement spectaculaire des comptes qui se traduit, à l’échelle des ROBSS et du FSV, par une réduction du déficit de 15,4 milliards d’euros, tient principalement à une augmentation spectaculaire des recettes de la sécurité sociale dans un contexte d’augmentation contenue des dépenses.
1. La hausse des recettes constitue le principal facteur explicatif de redressement des comptes
L’augmentation du montant des recettes pour l’exercice 2021 au regard de ce qui avait été anticipé a conduit à une réévaluation sensible pour l’ensemble des branches à la fois entre la prévision inscrite en LFSS 2021 et la rectification en LFSS 2022, mais aussi entre cette même rectification et la clôture des comptes inscrite au 1° du présent article.
évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss
des recettes par branche des robss pour l’exercice 2021
(en milliards d’euros)
|
Recettes par branche |
Prévision en LFSS 2021 |
Rectification en LFSS 2022 |
Écart entre la prévision et la rectification |
Exécution en LFSS 2023 |
Écart entre la rectification et l’exécution |
Écart entre la prévision et l’exécution |
|
Maladie |
195,5 |
203,9 |
4% |
209,4 |
3% |
7% |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,4 |
14,7 |
2% |
15,1 |
3% |
5% |
|
Vieillesse |
242,9 |
247,2 |
2% |
249,4 |
1% |
3% |
|
Famille |
49,6 |
50,8 |
2% |
51,8 |
2% |
4% |
|
Autonomie |
31,2 |
32 |
3% |
32,8 |
2% |
5% |
|
Ensemble des branches* |
519,5 |
534,2 |
3% |
544,2 |
2% |
5% |
|
L’ensemble des branches ainsi que le FSV |
517,5 |
532,1 |
3% |
543 |
2% |
5% |
(*) Indépendamment des transferts entre branches.
Source : commission des affaires sociales.
Le tableau ci-dessus n’appelle que peu de remarques au regard de l’homogénéité de l’augmentation du montant des recettes finalement collectées par les ROBSS au titre de l’exercice 2021, puisque cette tendance est relativement homogène entre les différentes branches. Elle est néanmoins plus forte concernant la branche maladie, dont les produits ont finalement augmenté de 13,7 % entre 2020 et 2021, si on neutralise l’effet de la création de la branche autonomie. Cela s’explique notamment par la part majeure que représentent les ressources assises sur les revenus d’activité parmi les recettes de la Cnam (122,5 milliards d’euros pour 2021).
Cette hausse de l’ensemble des recettes tient naturellement des mesures prises au début de la crise sanitaire, à compter de mars 2020, pour maintenir l’activité. Les mesures d’activité partielle, le report du paiement des cotisations pour les travailleurs indépendants et les employeurs exerçant dans les secteurs particulièrement touchés par les mesures de restriction sanitaire, les exonérations de cotisation pour ces mêmes secteurs, notamment dans le cadre de la troisième loi de finances rectificative pour 2020 ([18]), ont été autant de facteurs atténuant le montant des recettes sociales pour cet exercice.
La diminution progressive du taux de l’indemnité d’activité partielle ([19]) comme la fin des régimes d’exonération de cotisations sociales ([20]) ont conduit mécaniquement à un rebond de la masse salariale du secteur privé à hauteur de 8,9 %. Les ressources des ROBSS étant issues, pour 65 % d’entre elles, de cotisations sociales et d’impositions pesant avant tout sur l’activité, elles ont progressé à un rythme de 8 %, légèrement inférieur à celui de la masse salariale.
Évolution des recettes des ROBSS entre 2019 et 2021
Source : commission des affaires sociales à partir des données du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022.
Mis à part l’effet des régularisations des cotisations dues par les travailleurs indépendants qui ont fait l’objet d’un report, dont l’appréciation est, selon la Cour des Comptes, entachée d’erreurs ne lui permettant pas de certifier les comptes du réseau de recouvrement pour 2021 (voir infra), les évolutions des principales recettes sont relativement similaires puisque :
– le produit de la CSG a augmenté de 10,1 % ;
– le produit des impôts et taxes affectés (TVA, forfait social, taxe sur les salaires…) a augmenté de 9 % ;
– le produit des cotisations sociales a augmenté de 8,4 %.
Le rétablissement rapide de l’activité économique a ainsi permis de retrouver le chemin de croissance des recettes attendu avant le début de la crise sanitaire.
2. Des prévisions de dépense globalement cohérentes avec l’exécution
L’impact de l’évolution des recettes sur le solde est d’autant plus notable que le niveau des dépenses, s’il était assez largement sous-estimé en LFSS 2021, était relativement proche entre la rectification adoptée en LFSS 2022 et l’exécution inscrite au présent article.
Évolution entre la prÉvision, la rectification et l’exÉcution en lfss
des dÉpenses par branche des robss pour l’exercice 2021
(en milliards d’euros)
|
Dépenses par branche |
Prévision en LFSS 2021 |
Rectification en LFSS 2022 |
Écart entre la prévision et la rectification |
Exécution en LFSS 2023 |
Écart entre la rectification et l’exécution |
Écart entre la prévision et l’exécution |
|
Maladie |
219,1 |
233,6 |
7% |
235,4 |
1% |
7% |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
14,1 |
13,9 |
– 1% |
13,9 |
0% |
– 1% |
|
Vieillesse |
251,9 |
250,4 |
– 1% |
250,5 |
0% |
– 1% |
|
Famille |
49,3 |
49,4 |
0% |
48,9 |
– 1% |
– 1% |
|
Autonomie |
31,6 |
32,4 |
3% |
32,6 |
1% |
3% |
|
Ensemble des branches* |
552 |
565,5 |
2% |
567 |
0% |
3% |
|
L’ensemble des branches ainsi que le FSV |
552,4 |
565,8 |
2% |
567,3 |
0% |
3% |
(*) Indépendamment des transferts entre branches.
Source : commission des affaires sociales.
Sans grande surprise, la principale évolution des dépenses au regard des prévisions pour 2021 concerne celles de la branche maladie. Hors effets de périmètre liés à la création de la branche autonomie, l’augmentation des dépenses de 7 % par rapport à la prévision en LFSS 2021 tient principalement des dépenses supplémentaires liées à l’évolution de la situation sanitaire, ces dépenses exceptionnelles ayant atteint un total de 17,4 milliards d’euros pour la branche indépendamment de l’effort porté par la branche autonomie.
S’agissant de la branche famille, en sous-exécution de 500 millions d’euros en 2023, l’effet tient notamment à une estimation trop importante de la reprise de modes de gardes formels ayant un impact sur le complément de libre choix de mode de garde (100 millions d’euros) et de dépenses administratives (100 millions d’euros).
3. Des soldes par branche meilleurs qu’attendus bien que le déficit de l’ensemble des régimes demeure massif
La progression du montant des recettes pour l’ensemble des branches aboutit à une amélioration des soldes de chacune des branches par rapport aux prévisions inscrites en LFSS 2021, à hauteur de :
– 2,4 milliards d’euros pour la branche maladie ;
– 1 milliard d’euros pour la branche accidents du travail – maladies professionnelles ;
– 7,9 milliards d’euros pour la branche vieillesse ;
– 2,1 milliards d’euros pour la branche famille ;
– 0,7 milliards d’euros pour la branche autonomie qui se trouve finalement en position excédentaire ;
– 10,6 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes obligatoires de base et le FSV.
Cette amélioration des comptes sociaux de l’ensemble des régimes au regard des prévisions antérieures est naturellement de nature à réjouir la rapporteure générale. Les difficultés prévisionnelles dans un contexte économique incertain rappellent toutefois la prudence avec laquelle les tendances financières de fond doivent être interprétées. Ainsi qu’il apparaît avec la présentation des comptes à venir, le rétablissement comptable rapide, qui s’appuyait principalement sur une évolution positive des recettes et une stabilité des dépenses, pourrait se heurter à un principe de réalité pour les prochains exercices, qui pourraient se traduire par un retour de déficits comparables aux points bas atteints au cours de l’année 2020.
III. La certification des comptes du rÉgime gÉnÉral au titre de l’exercice 2021 : des difficultÉs persistantes, une problÉmatique propre au recouvrement
A. Le nouveau calendrier relatif À l’avis de la cour des comptes sur les tableaux d’Équilibre par branche de l’exercice clos
L’examen de la première partie des lois de financement s’accompagne traditionnellement de la production par la Cour des comptes d’un rapport relatif à l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS). En application de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières dans sa rédaction antérieure à l’adoption de la loi organique du 14 mars 2022([21]), la Cour établissait un rapport comprenant un avis sur les tableaux d’équilibre par branche du dernier exercice clos ainsi que sur la cohérence du tableau patrimonial du dernier exercice clos, qui fait l’objet de l’article 2 du présent projet de loi.
Le nouveau cadre organique a déplacé le calendrier de production de ce rapport afin que ce dernier soit, en toute cohérence, remis au moment du dépôt du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale. L’avis de la Cour sur les comptes comme sur le tableau patrimonial qui composeront l’essentiel des mesures inscrites en LACSS ne peut qu’être remis au même moment.
Ce dépôt présente en outre, pour la rapporteure générale, un second intérêt. Le rapport présente en effet, toujours aux termes de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières « une analyse de l’ensemble des comptes des organismes de sécurité sociale soumis à son contrôle et fait une synthèse des rapports et avis émis par les organismes de contrôle placés sous sa surveillance. » Or, ces analyses poussées pourront non seulement être utilement reprises dans les débats portant sur l’application des précédentes lois de financement, mais également être confrontées aux conclusions auxquelles sont parvenus les parlementaires dans le cadre de leurs propres travaux de contrôle menés au printemps.
S’agissant de l’exercice 2021, là encore au titre de la clôture des comptes de l’année et en application de la période de transition inscrite à l’article 9 de la loi organique du 14 mars 2022 précitée, la Cour des comptes a remis un dernier RALFSS en annexe de la loi de financement de l’année, dans laquelle elle rend son avis sur les tableaux d’équilibres inscrits au présent article. Cet avis est très largement négatif pour des raisons de forme et de fond :
– en premier lieu, la Cour des comptes n’a pas été destinataire de l’ancienne annexe 4 au projet de loi de financement, détaillant les produits et les charges et en commentant l’évolution. Cette absence de transmission renoue avec une tradition dommageable avec laquelle avait pourtant rompu l’exercice précédent. La rapporteure générale regrette naturellement cette absence de nature non seulement à diminuer la pertinence de l’avis de la Cour, mais également, par ricochet, l’information du Parlement destinataire de l’avis de la Cour ;
– en deuxième lieu, la Cour émet trois observations quant à la capacité des tableaux d’équilibre à fournir « une représentation cohérente des recettes, des dépenses et du solde » des tableaux d’équilibre. Ces observations, qui s’apparentent à des réserves quant à la construction des tableaux d’équilibre, sont relativement classiques pour les deux dernières d’entre elles. La première, qui est plus nouvelle et qui a justifié le refus de certifier les comptes de l’activité de recouvrement, fait l’objet de développements infra.
Les observations de la Cour des Comptes sur la cohérence des tableaux d’équilibre pour 2021
La Cour formule les trois observations :
● sous l’effet des modalités de comptabilisation des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants, les montants intégrés en 2021 aux tableaux d’équilibre du régime général et de l’ensemble des régimes de base ne fournissent pas une image fidèle des montants de produits et de solde ;
● des faiblesses persistantes des dispositifs de contrôle interne et des difficultés comptables continuent à affecter la fiabilité des comptes intégrés aux tableaux d’équilibre pour l’exercice 2021, comme le soulignent le rapport de certification des comptes du régime général de sécurité sociale pour l’exercice 2021 et les rapports d’opinion des commissaires aux comptes de la Mutualité sociale agricole et du FSV pour ce même exercice ;
● les tableaux d’équilibre sont établis en procédant à des contractions de produits et de charges non conformes au cadre normatif fixé par la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale pour l’établissement des comptes annuels.
B. Des difficultÉs propres À la certification des comptes des branches du rÉgime gÉnÉral
Bien que le présent article ne comporte aucune mention du régime général au stade du dépôt, et en cohérence avec sa volonté d’y intégrer le tableau d’équilibre du régime général, la rapporteure générale estime qu’il convient, ainsi qu’il était fait régulièrement par ses prédécesseurs, de se pencher sur la certification des comptes du régime général par la Cour des comptes. Celle-ci tient cette mission de l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières. Dans ce cadre, elle établit chaque année « un rapport présentant le compte rendu des vérifications qu’elle a opérées en vue de certifier la régularité, la sincérité et la fidélité des comptes des organismes nationaux du régime général et des comptes de chaque branche et de l’activité de recouvrement du régime général, relatifs au dernier exercice clos ». La loi organique précitée du 14 mars 2022 a modifié à la marge cette disposition en supprimant la notion de « comptes combinés », notion susceptible d’empêcher la Cour de certifier les comptes de la branche autonomie, qui ne dispose pas d’organismes locaux avec lesquels il conviendrait de combiner les comptes de la CNSA.
Il est d’autant plus nécessaire de rappeler les modalités spécifiques de certification des comptes du régime général pour l’exercice 2021 que les auditions menées par la rapporteure générale ont souligné les incertitudes autour de l’activité de recouvrement du régime général, ainsi qu’il est rappelé infra.
Le rapport de certification des compte du régime général de sécurité sociale produit par la Cour en mai 2022, portant sur l’exercice 2021 ([22]) aboutit à une certification avec réserve des comptes des cinq branches du régime général. Alors que la Cour avait formulé 22 réserves concernant l’exercice 2020, naturellement particulier au regard des conditions dans lesquelles s’étaient opérés à la fois l’établissement des comptes, le contrôle interne et la certification, la Cour procède cette fois-ci à six remarques, résumées ci-dessous.
Les six principales remarques de la Cour des comptes
sur les comptes du régime général pour l’exercice 2021
La Cour des comptes a substitué à l’énumération habituelle de ses réserves des remarques portant sur les cinq branches du régime général et l’activité du recouvrement :
– s’agissant de la détermination même du solde du régime général, la Cour relève que les traitements retenus pour comptabiliser les produits de cotisations et de contributions sociales des travailleurs indépendants conduisent à ne pas donner une image fidèle du déficit en 2021 et de son évolution entre 2020 et 2021 ;
– la Cour estime par ailleurs que la création de la branche autonomie demeure inachevée au regard des difficultés que rencontre la CNSA, « tête de pont » de la nouvelle branche, à exerer ses missions de caisse nationale ;
– un retour inachevé à la normale en matière de contrôle interne, après les mesures de suspension engagées pendant la crise sanitaire. Cette lenteur accentue notamment les risques auxquels sont confrontées les Urssaf dans le recouvrement des dettes des cotisants ayant bénéficié de report de paiement ou les lacunes de l’assurance maladie dans le contrôle de l’activité des établissements de santé ;
– les dispositifs de maîtrise des risques de portée financière restent insuffisamment efficaces, entraînant des erreurs dans l’attribution des prestations ;
– des progrès significatifs sont attendus du déploiement de systèmes informatiques permattant d’améliorer la fiabilité des déclarations de bénéficiaires de prestations, comme le dispositif ressources mensuelles (DRM) pour la branche famille ou le système de régularisation des carrères (Syrca) pour la branche vieillesse ;
– des désaccords et des limitations imposées à l’audit affectent encore les comptes du réseau de recouvrement, commde des branches maladie et autonomie.
C. Le refus de certifier l’activitÉ de recouvrement pour 2021
Outre la certification des branches avec réserve, le constat de désaccords persistants entre l’Urssaf Caisse nationale et la Cour a conduit cette dernière, après une impossibilité de certifier en 2020, à refuser de certifier les comptes de l’activité de recouvrement pour l’exercice 2021.
Ce refus s’appuie, pour la Cour, sur une comptabilisation déficiente du montant des cotisations des travailleurs indépendants pour l’année 2020.
Les divergences d’appréciation dans l’enregistrement des cotisations et contributions sociales des travailleurs indépendants pour l’année 2020
La Cour a estimé dans son avis de 2020 ([23]) que, parmi les nombreux dispositifs dérogatoires mis en place au cours de la crise sanitaire pour maintenir l’activité économique ou garantir le bon fonctionnement des établissements de santé et médico-sociaux, les modalités d’enregistrement du report de paiement pour les travailleurs indépendants présentaient un risque particulier.
Sans nécessairement entrer dans le détail des subtilités qui opposent l’Urssaf Caisse Nationale et la Cour des comptes dans leur appréciation comptable, que le lecteur curieux – et assidu – pourra retrouver dans le rapport de certification, la rapporteure générale rappelle que les travailleurs indépendants avaient bénéficié, au titre de l’année 2020, d’une réduction de moitié des revenus pris en compte pour établir l’appel provisionnel de cotisations. Ce dispositif a été entaché, selon la Cour :
– d’un risque significatif de sous-évaluation des produits de l’exercice 2020, ayant potentiellement une incidence inverse sur l’exercice 2021 ;
– d’une méthode d’estimation des charges liées aux dépréciations de créances sur les cotisants appliquée « à une partie seulement des créances, avec des taux conventionnels », suscitant un risque de surestimation des dépréciations.
Or, au titre du rapport de certification des comptes pour 2021, la Cour relève que ces deux risques se sont matérialisés avec une majoration des produits de 5 milliards d’euros pour le premier risque et de 1 à 1,5 milliard d’euros pour le second. Les comptes corrigés en application de la méthode de la Cour auraient abouti, selon elle, à un déficit de 31,2 milliards d’euros au titre de 2020 et de 27,8 milliards d’euros au titre de 2021, réduisant l’écart de dix milliards d’euros entre les deux exercices par rapport à l’estimation retenue par le Gouvernement.
La Cour estime que « l’absence de neutralisation dans les comptes de l’exercice 2021 de l’effet en 2021 de la régularisation des acomptes provisionnels appelés en 2020 pour des montants minorés affecte ainsi dans une mesure très significative la lecture même des comptes de la sécurité sociale ».
Interrogé à ce sujet par la commission des affaires sociales du Sénat ([24]) en juillet 2022, le directeur de l’Urssaf Caisse nationale a estimé que les critiques de la Cour relevaient d’une divergence d’approche dans la norme comptable retenue : « Nous avons appliqué la norme comptable, définie notamment par le Conseil de normalisation des comptes publics (CNOCP) dans le recueil des normes comptables applicables aux établissements publics, qui prévoit que ces régularisations soient rattachées à l’exercice relatif aux déclarations de revenus, c’est-à-dire à l’exercice au cours duquel on connaît les montants régularisés. Ce sujet a donné lieu à de nombreux travaux, qui ont montré qu’il était impossible de prévoir avec suffisamment de robustesse l’ampleur de ces régularisations. Nous n’avons fait qu’appliquer les normes comptables en intégrant les régularisations l’année où leur montant est connu avec certitude. L’Unédic, qui reçoit les recettes correspondantes, a vu ses comptes certifiés sans réserve par ses commissaires aux comptes, alors que la question aurait pu se poser vu l’avis de la Cour des comptes… Nous avons eu une divergence avec la Cour, qui n’a pas voulu tenir compte de cette norme comptable, alors que celle-ci s’impose à nous. »
Sans trancher le débat sur la norme comptable la plus pertinente, la rapporteure générale estime que le refus de certifier jette naturellement le trouble non seulement sur l’approbation des comptes pour 2021, mais également sur les bases sur lesquelles les comptes des années 2022 et 2023 sont fixés ([25]). Elle sera donc particulièrement attentive aux modalités de certification des comptes du régime général de l’année 2022, dont les parlementaires pourront prendre connaissance au moment du dépôt de la prochaine – et première – LACSS, en espérant que les comptes de l’activité de recouvrement puissent faire enfin l’objet d’une certification, après deux exercices non certifiés.
Par ailleurs, la rapporteure générale prend note que cette absence de certification n’a pas eu pour conséquence la remise en cause de la cohérence des tableaux d’équilibre par la Cour.
IV. L’approbation des comptes des organismes qui concourent au financement et qui sont financÉs par les rÉgimes obligatoires, ainsi que de l’Ondam pour 2021
Outre les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du régime général, la loi organique prévoit que la première partie des lois de financement approuve le tableau d’équilibre des organismes concourant au financement de ces régimes, à savoir le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), les dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie constatées pour l’exercice à clore, et qu’elle approuve, « pour ce même exercice, les montants correspondant aux recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et ceux correspondant à l’amortissement de leur dette » ([26]).
Ces dispositions sont également transposées au sein de la LACSS par le nouveau cadre organique.
A. L’organisme concourant au financement des rÉgimes obligatoires de base : le FSV
Le 2° prévoit les recettes, les dépenses et le solde du FSV pour l’année 2021. Pour rappel, le FSV est un établissement public administratif créé par la loi du 22 juillet 1993 ([27]), dont les missions, qui relèvent du financement des prestations non contributives à l’assurance vieillesse, sont définies aux articles L. 135-1 à L. 135- 5 du code de la sécurité sociale. À ce titre, le fonds :
– assure le refinancement des régimes de retraite au titre de certains avantages vieillesse à caractère non contributif relevant de la solidarité nationale comme, sous certaines conditions, les validations de trimestres d’assurance vieillesse au titre du chômage, de l’activité partielle, des arrêts de travail, du volontariat du service civique, des périodes d’apprentissage et de stages de formation professionnelle ;
– finance l’intégralité du minimum vieillesse versé par les régimes de retraite.
Pour ce faire, il dispose de recettes dont la composition a varié au cours du temps, mais qui ont toujours porté majoritairement sur le capital, et qui se composent, pour 2021, de 6,67 points de CSG « patrimoine » et de CSG « placement » et de 2,94 points de CSG « remplacement » ([28]).
L’exercice 2021 témoigne que, en dépit du maintien d’un déficit de 1,5 milliard d’euros, qui correspond à 8,5 % des recettes du fonds, sa situation financière s’améliore notamment grâce aux recettes, supérieures d’un milliard d’euros par rapport à 2020.
évolution des recettes, des dépenses et du solde du fsv
2019-2021
(milliards d’euros)
|
|
2019 |
2020 |
2021 |
|
Recettes |
17,2 |
16,7 |
17,7 |
|
Dépenses |
18,8 |
19,1 |
19,3 |
|
Solde |
-1,6 |
-2,5 |
-1,5 |
Source : commission des affaires sociales.
Cette évolution positive est supérieure aux prévisions et rectifications antérieures (de 500 millions d’euros par rapport à la LFSS 2022) en raison, comme pour les branches de la sécurité sociale, d’une croissance de l’activité plus vigoureuse qu’anticipé et du dynamisme particulier des ressources du capital.
Évolution des prÉvisions des recettes, des dÉpenses et du solde du fsv
(2019-2021)
(en milliards d’euros)
|
|
Prévision en LFSS 2021 |
Rectification en LFSS 2022 |
Exécution en LFSS 2023 |
|
Recettes |
16,7 |
17,2 |
17,7 |
|
Dépenses |
19,2 |
19,7 |
19,3 |
|
Solde |
- 2,4 |
- 2,5 |
- 1,5 |
Source : commission des affaires sociales.
Informée par la documentation particulièrement riche qui lui a été transmise par le fonds, le rapporteure générale est en mesure d’estimer que cette modération des dépenses et ce surcroît de recettes proviennent :
– pour la première, de l’inflexion des dépenses au titre du chômage et de l’activité partielle ainsi que de la diminution de l’incidence de la crise sanitaire sur les arrêts de travail ;
– pour le second, d’un redressement rapide des produits de la CSG (+ 6,2 %, contre – 3,0 % en 2020).
L’amélioration du solde de 900 millions d’euros place le FSV sur une trajectoire positive qui semble se confirmer pour les exercices à venir.
B. L’ondam définitif pour 2021
Le 3° du présent article arrête un objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) à hauteur de 240,1 milliard d’euros, en augmentation de 8,7 % par rapport à l’exercice 2020.
Né avec les lois de financement, l’Ondam est inscrit dès 1996 dans la loi organique ([29]) comme un outil de régulation du montant des dépenses de santé remboursées par les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, et en particulier par l’assurance maladie.
La loi organique de 2005 ([30]), qui visait à affiner l’exercice des lois de financement, a créé le principe de sous-objectifs de l’Ondam. Cet objectif est ainsi décliné en six sous-objectifs, qui font l’objet d’un examen au titre des exercices de l’année N et de l’année N+1 dans les deuxième et quatrième parties des lois de financement.
La LFSS 2021 prévoyait un Ondam à 225,4 milliards d’euros, objectif rectifié de plus de 13 milliards d’euros par la LFSS 2022, qui avait établi l’Ondam pour 2021 à 238,8 milliards d’euros. Le présent article arrête finalement le montant de cet objectif à un niveau légèrement supérieur à l’objectif rectifié, à 240,1 milliards d’euros, soit 14,7 milliards d’euros de plus que l’Ondam prévu en LFSS 2021.
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, tome I, septembre 2022.
Ce dépassement de l’Ondam à la fois au regard des dispositions votées et des prévisions s’explique naturellement par l’ampleur de la crise sanitaire et des efforts engagés par l’assurance maladie. Ce surcoût a notamment eu un impact sur les sous-objectifs « soins de ville » et « établissements de santé ».
La provision intégrée initialement à l’Ondam pour 2021 dans la LFSS 2021, à hauteur de 4,3 milliards d’euros, s’est rapidement trouvée insuffisante au regard des dépenses engagées pour faire face aux vagues successives de covid‑19. C’est ce qui explique la correction du montant lié à la crise sanitaire à 15,9 milliards en LFSS 2022. Cette correction n’a pourtant pas suffi à couvrir les coûts de prise en charge des personnes touchées par le variant Omicron, ce qui conduit, dans le cadre du présent article, à évaluer les surcoûts à 18,3 milliards d’euros ([31]).
1. Les dépenses de soins de ville : un surcoût majeur lié à la crise sanitaire
Les dépenses de soins de ville, qui ont représenté 105,2 milliards d’euros, ont été largement portées par le déploiement de mesures exceptionnelles telles que :
– la réalisation de tests diagnostiques en ville à hauteur de 6,3 milliards d’euros ;
– la rémunération du personnel au titre de la campagne vaccinale à hauteur de 1,3 milliard d’euros ;
– les indemnités journalières pour les personnes malades de la covid‑19, qui étaient cas contact, ainsi que pour la garde d’enfants ou de personnes vulnérables, à hauteur de 900 millions d’euros.
Hors mesures exceptionnelles, les dépenses de soins de ville ont toutefois représenté 96,3 milliards d’euros, soit un montant en baisse de 840 millions d’euros par rapport au sous-objectif affiché en 2022, ce qui s’explique notamment par :
– des dépenses nettes de produit de santé d’un montant de 355 millions d’euros inférieur à celui qui était attendu, qui intègre notamment le montant de la clause de sauvegarde pour 2021 à hauteur de 500 millions d’euros ;
– des remboursements d’honoraires médicaux et dentaires inférieurs de 300 millions d’euros à ce qui était attendu.
Le sous-Ondam est enfin tiré par les dépenses de produits de santé en ville, qui ont augmenté de 2,1 % après prise en compte des remises et contributions.
2. Des dépenses des établissements de santé et des établissements médico-sociaux tirées par les mesures exceptionnelles comme par le Ségur
Les dépenses relatives à ce sous-objectif, qui devaient être de 92,9 milliards d’euros au titre de la LFSS 2021, se sont finalement établies à 96,8 milliards d’euros, soit une augmentation de 6,9 milliards d’euros par rapport à la base 2021.
Les dépenses exceptionnelles pour faire face à la crise sanitaire ont représenté un montant moindre que les dépenses de ville pour les établissements de santé et les établissements médico-sociaux. Mais elles accusent néanmoins un surcoût de 4,8 milliards d’euros par rapport aux prévisions, dont notamment :
– 2,9 milliards d’euros pour la dotation de l’assurance maladie aux établissements de santé ;
– 700 millions d’euros pour la réalisation de tests diagnostiques à l’hôpital.
S’ajoute à cela la mise en œuvre du Ségur de la santé qui se traduit par une augmentation de 7,9 milliards d’euros en raison des revalorisations salariales en établissements sanitaires et médico-sociaux, contre 1,4 milliard d’euros en 2020.
Hors crise et hors Ségur, les dépenses relatives aux établissements de santé ont augmenté de 200 millions d’euros par rapport aux prévisions établies en LFSS 2022, tandis que les dépenses relatives aux produits de santé inscrits sur la liste en sus ([32]) ont augmenté de 700 millions d’euros après prise en compte des remises et contributions.
3. Les autres sous-objectifs sont demeurés globalement conformes aux prévisions
En dehors des mesures exceptionnelles, les dépenses du sous-Ondam médico-social, qui ont représenté en tout 26,8 milliards d’euros, sont restées globalement stables, en sous-exécution de 100 millions d’euros par rapport à la rectification pour 2022.
Si la contribution de l’assurance maladie aux dépenses relatives au Fonds d’intervention régional (FIR), portée à 4,3 milliards d’euros, était conforme aux attentes en LFSS 2022, les dépenses au titre du sixième sous-objectif de l’Ondam, à hauteur de 7 milliards d’euros, demeurent inférieures de 300 millions d’euros par rapport à l’Ondam rectifié dans la LFSS 2022, en raison notamment d’une baisse des soins des Français à l’étranger, conséquence de la diminution des déplacements internationaux.
C. Les organismes chargÉs de la mise en rÉserve de recettes et de l’amortissement de la dette des rÉgimes obligatoires de base : le FRR et la Cades
1. Le Fonds de réserve pour les retraites
● Le 4° porte approbation du montant de la dotation au FRR, constamment nul depuis 2011. Il constitue une donnée obligatoire en application de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale, qui fait obligation au législateur de mentionner dans la première partie de la LFSS le montant des recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des régimes obligatoires, catégorie comprenant le seul FRR dans le droit positif.
En effet, en application de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Fonds a été mis en extinction : aucune recette ne lui est plus affectée tandis qu’il décaisse chaque année 2,1 milliards d’euros au profit de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) afin de participer au financement des déficits des organismes chargés d’assurer les prestations du régime de base de l’assurance vieillesse pour les exercices 2011 à 2024, en application de la LFSS 2011 ([33]).
Créé en 1999 ([34]), le Fonds de réserve pour les retraites était chargé de mettre en réserve et de faire fructifier des ressources qui lui étaient affectées afin de maintenir voire d’améliorer le niveau des pensions à l’horizon 2020, dans la perspective d’une dégradation prévisible des équilibres financiers. Compte tenu de la forte détérioration des régimes d’assurance vieillesse à la suite de la crise financière des années 2008-2009, il a été décidé de mettre à contribution le Fonds avant l’horizon initialement prévu, pour alimenter la Cades.
● Dans la même logique, le 5° prévoit que le FSV ne met aucune somme en réserve, comme chaque année depuis 2011 ([35]).
2. La dette amortie par la Caisse d’amortissement de la dette sociale
La Cades a été créée par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 portant mesures relatives au remboursement de la dette sociale pour amortir et éteindre la dette du régime général de la sécurité sociale. Elle est historiquement affectataire :
– depuis sa création d’une ressource exclusive, la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS) ;
– depuis la LFSS 2008, d’une fraction de contribution sociale généralisée (CSG)([36]) ;
– depuis 2011, du versement annuel précité du FRR ([37]).
Ces ressources lui permettent chaque année d’assurer l’amortissement d’une partie de la dette sociale reprise et financée par des opérations d’emprunt sur les marchés ([38]). L’amortissement est égal à la différence entre le produit des ressources affectées et le montant des charges financières nettes de la Caisse (déduction faite, donc, des produits financiers qu’elle peut percevoir).
Le 6° porte ainsi approbation du montant de la dette amortie par la Cades en 2020, à savoir 17,8 milliards d’euros.
Cet objectif d’amortissement est supérieur de 400 millions d’euros à celui qui avait été fixé en LFSS 2022 (17,4 milliards d’euros), lui-même supérieur de 400 millions d’euros à l’objectif fixé en LFSS 2021 (17 milliards d’euros).
*
* *
Article 2
Approbation du rapport annexé sur le tableau patrimonial et la couverture des déficits de l’exercice 2021 (annexe A)
Adopté par la commission sans modification
L’article 2 porte approbation du tableau patrimonial qui retrace la situation financière dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale au 31 décembre du dernier exercice clos (2021) ainsi que l’affectation des excédents et des déficits constatés au terme de cet exercice.
Ce tableau reflète la situation globalement détériorée de la situation patrimoniale de la sécurité sociale en 2021.
Cet article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), en application des dispositions organiques en définissant le contenu, dans leur version antérieure à la loi organique du 14 mars 2022 ([39]), qui s’appliquent encore au présent texte.
3° du A du I de l’article L.O. 111-3 et II de l’article L.O. 111-4 du code de la sécurité sociale.
La loi de financement « 3° Approuve le rapport mentionné au II de l’article LO 111-4 et, le cas échéant, détermine, dans le respect de l’équilibre financier de chaque branche de la sécurité sociale, les mesures législatives relatives aux modalités d’emploi des excédents ou de couverture des déficits du dernier exercice clos, tels que ces excédents ou ces déficits éventuels sont constatés dans les tableaux d’équilibre prévus au 1° ».
Le II de l’article L.O. 111-14 précise qu’il s’agit d’« un rapport décrivant les mesures prévues pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion de l’approbation des tableaux d’équilibre relatifs au dernier exercice clos [, qui] présente également un tableau, établi au 31 décembre du dernier exercice clos, retraçant la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement ([40]), à l’amortissement de leur dette ([41]) ou à la mise en réserve de recettes à leur profit ([42]) ».
Il s’agit d’assurer l’information du Parlement sur l’état de la situation patrimoniale d’une partie des régimes faisant partie du champ des lois de financement de la sécurité sociale ([43]). Celui-ci permet, au-delà du solde qui peut s’analyser comme un flux à un moment donné, d’apprécier la situation financière nette consolidée en y intégrant l’ensemble de l’actif et du passif du champ des lois de financement. Les stocks sont ainsi présentés (réserves, dettes) ainsi que la manière dont les déficits sont finalement pris en charge.
I. Le tableau prÉsentant la situation patrimoniale de la sÉcurité sociale reflÈte une dÉtÉrioration de la situation des comptes sociaux en 2020
L’annexe A reflète la poursuite, après un exercice 2020 très déficitaire, de la dégradation des comptes sociaux en 2021, qu’il s’agisse du passif net (dette) ou du passif financier net (endettement financier).
A. Un passif net en hausse
Le passif net en 2021, retracé dans la première partie du tableau du I de l’annexe A, s’est accru de 6,8 milliards d’euros par rapport à 2020, après une hausse de 25,3 milliards d’euros au cours de l’année précédente.
Cet agrégat, comme le rappelle la Cour des comptes chaque année dans son RALFSS, « pourrait être assimilé à la situation nette consolidée des entités entrant dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale ».
évolution du passif net de la sécurité sociale depuis 2009
|
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2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Passif net au 31/12 (capitaux propres négatifs) |
– 66,3 |
– 87,1 |
– 100,6 |
– 107,2 |
– 110,9 |
– 110,7 |
– 109,5 |
– 101,4 |
– 88,5 |
– 77,0 |
– 61,4 |
– 86,7 |
– 93,5 |
Source : annexe A du PLFSS 2023.
Cette évolution traduit le maintien de la situation déficitaire des régimes obligatoires de base et du FSV, à hauteur de 24,3 milliards d’euros, d’une part, que ne permet pas de compenser l’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) (17,8 milliards d’euros) et le résultat du Fonds de réserve pour les retraites (FRR), d’autre part. Le résultat net global des organismes dans le champ serait de – 4,9 milliards d’euros, en nette amélioration par rapport à 2020 (-22,9 milliards d’euros).
Ce redressement tient notamment à celui du régime général (en amélioration de 13,4 milliards d’euros par rapport à 2020) et du FSV (+ 1 milliard d’euros), mais aussi à la poursuite de la hausse des soldes excédentaires de la Cades (+ 1,7 milliard d’euros par rapport à 2020) et du FRR (+ 0,9 milliard d’euros par rapport à 2020).
A l’inverse, le « report à nouveau » connaît une nette dégradation (28,2 milliards d’euros), du fait des « effets-retours » par rapport à 2020, et notamment de l’affectation, au sein de cette catégorie, des soldes négatifs du régime général (-36,2 milliards d’euros)
B. Un endettement financier Également en forte hausse
La deuxième partie du tableau présente la différence entre l’actif et le passif financier de la sécurité sociale. Assez logiquement, son évolution suit largement celle du passif net, même s’il est davantage modifié par les variations liées aux opérations de trésorerie.
Cet endettement financier s’est lui stabilisé en 2021 (+ 4,7 milliards d’euros par rapport à 2020), après une augmentation massive en 2020.
Évolution de l’endettement financier depuis 2009
|
|
2009 |
2010 |
2011 |
2012 |
2013 |
2014 |
2015 |
2016 |
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
|
Endettement financier net au 31/12 |
– 76,3 |
– 96,0 |
– 111,2 |
– 116,2 |
– 118,0 |
– 121,3 |
– 120,8 |
– 118,0 |
– 102,9 |
– 86,8 |
– 74,6 |
– 110,6 |
– 115,3 |
Source : Annexe A du PLFSS 2023.
C. L’avis de la Cour des comptes sur le tableau patrimonial
Conformément à l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour des comptes produit un avis sur la cohérence du tableau patrimonial.
Dans son Rapport sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale d’octobre 2022, la Cour juge que le tableau patrimonial figurant à l’annexe A du présent projet « fournit une représentation cohérente de la situation patrimoniale de la sécurité sociale au 31 décembre 2021 » ([44]).
Elle formule toutefois une observation liée à son refus de certifier l’activité de recouvrement ([45]) et à la réserve lors de la certification des comptes de la mutualité sociale agricole (MSA) en raison de la « fiabilité insuffisante des données notifiées par l’État et par les organismes de sécurité sociale tiers à la MSA ».
II. La description des mesures prÉvues pour la couverture des dÉficits constatÉs et l’affectation des excÉdents illustrent l’hÉtÉrogÉnÉitÉ des situations financiÈres de chaque rÉgime
S’il est difficile de résumer en quelques lignes des opérations propres à la situation financière de chaque régime, certaines mesures méritent d’être soulignées :
– le régime général et le FSV étaient en déficit de 22,8 milliards d’euros en 2021, et celui-ci s’est ainsi s’ajouté à la dette gérée par l’Acoss, en attendant une reprise par la Cades achève sa trajectoire à l’horizon 2023 (les législateur organique ([46]) et ordinaire ([47]) ont en effet provisionné 92 milliards d’euros pour la reprise des déficits 2020-2023) ;
– en excédent de 500 millions d’euros en 2021, le régime de retraite des exploitants agricoles voyait jusqu’ici les déficits cumulés financés (3,6 milliards d’euros en 2020) par des avances rémunérées de l’Acoss, conformément aux nouvelles dispositions adoptées en loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 ; ces déficits ont été entièrement repris par la Cades en 2020 et 2021 ; les perspectives démographiques combinées à cet apurement de la situation financière devraient donc permettre au régime de ne plus solliciter que des ressources non permanentes pour couvrir sa trésorerie dans les années à venir ;
– la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a de nouveau enregistré un déficit en 2021 (– 1,2 milliard d’euros) en raison de la dégradation de ses recettes, dans un contexte de gel des rémunérations et de forte hausse de ses prestations, l’effet du report de l’âge légal ayant pris fin ; la Cades a accueilli ses déficits 2018 et 2019 dans le cadre d’une reprise intervenue au 1er janvier 2021. La caisse est désormais la seule, hors régime général, des régimes de base à être dans une telle situation déficitaire ;
– la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) retrouve un léger excédent en 2021 (+ 100 millions d’euros) ;
– la plupart des autres régimes de base sont à l’équilibre ou en excédent en 2018 grâce à l’intégration financière (maladie pour tous les régimes, salariés agricoles et régime social des indépendants), par des subventions d’équilibre de l’État comme garant de l’équilibre financier de ces régimes (SNCF, RATP, mines, marins) ou par des subventions de l’État en tant qu’employeur (fonction publique d’État, industries électriques et gazières) ;
– les excédents du régime de retraite des professions libérales (0,1 milliard d’euros) et du régime de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (0,3 milliard d’euros) sont affectés aux réserves de ces deux régimes.
Comme chaque année, l’annexe A rappelle par ailleurs que les déficits accumulés par le régime des mines avant qu’il ne bénéficie de la subvention d’équilibre ont été transférés à la CNAMTS à hauteur de 0,7 milliard d’euros en 2016.
*
* *
— 1 —
DEUXIÈME PARTIE :
DISPOSITIONS RELATIVES À L’EXERCICE 2022
Article 3
Rectification des prévisions et objectifs relatifs à 2022
Adopté par la commission sans modification
L’article 3 vise à rectifier les prévisions de recettes, les objectifs de dépense et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’exercice 2022.
Il rectifie également les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR), mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
I. Une modification À la marge dans le nouveau cadre organique
Le présent article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) en application des dispositions organiques qui en définissent le contenu dans leur rédaction antérieure à la loi organique du 14 mars 2022 ([48]).
B du I de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale
(rédaction antérieure à la loi organique du 14 mars 2022)
B. – Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, la loi de financement de la sécurité sociale :
1° Rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base et du régime général par branche, ainsi que des organismes concourant au financement de ces régimes ; [...]
3° Rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit.
Il s’agit d’assurer l’information du Parlement quant aux perspectives financières pour les différents régimes ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) pour l’année en cours, soit 2022, en utilisant notamment les données fournies par la direction de la sécurité sociale à la Commission des comptes de la sécurité sociale lors de sa réunion du 27 septembre 2022. La présentation de cet article se distingue des exercices précédents en ceci qu’aucune mesure d’ordre législatif ne vient justifier la rectification des comptes pour 2022.
Outre l’article liminaire, le présent article sera, au titre du nouveau cadre organique, la première disposition obligatoire des lois de financement de la sécurité sociale. Sa présentation obéit désormais aux prescriptions de l’article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale.
Article L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale
(rédaction issue de la loi organique du 14 mars 2022)
Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, la loi de financement de l’année :
1° Rectifie les prévisions de recettes et les tableaux d’équilibre des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que ceux des organismes concourant au financement de ces régimes ;
2° Rectifie les objectifs de dépenses, par branche, de ces régimes et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que leurs sous-objectifs approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale ;
3° Rectifie l’objectif assigné aux organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement et les prévisions de recettes affectées aux fins de mise en réserve à leur profit.
Ce nouveau cadre organique supprime la mention du régime général pour les raisons mentionnées dans le commentaire de l’article premier.
II. la rectification des prÉvisions de recettes, objectifs de dÉpenses et tableaux pour l’exercice 2021
Le présent article rectifie les prévisions inscrites dans la loi de financement pour 2022 ([49]) :
– au titre des tableaux d’équilibre et des prévisions de recettes :
– au titre des objectifs de dépenses :
Concernant l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), le présent article rectifie le montant prévu par l’article 33. De la même manière qu’en première partie, les dispositions relatives à l’affectation de recettes pour le FRR et le FSV sont identiques puisque l’affectation est nulle.
III. En dÉpit d’un dÉficit qui reste majeur, le rÉtablissement des comptes sociaux se confirme en 2022
Le 1° du I du présent article arrête, pour l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que le FSV, les nouvelles prévisions de recettes, les objectifs de dépenses afférents et le tableau d’équilibre, fixant ainsi provisoirement le déficit de ce périmètre à 17,8 milliards d’euros.
Comme pour les tableaux d’équilibre pour le dernier exercice clos, l’analyse du solde suppose de le comparer avec ce qui était attendu en LFSS 2022, d’une part, et avec l’exercice précédent, d’autre part.
A. La rectification des prévisions : d’importantes modifications en recettes et en dépenses qui se « neutralisent » quasiment
En vue de procéder à cette première comparaison, les données rectificatives sont mises en regard, dans le tableau ci‑après, des prévisions et objectifs initiaux de la LFSS 2022.
TABLEAU D’ÉQUILIBRE 2022 DE L’ENSEMBLE DES RÉGIMES OBLIGATOIRES
DE BASE et du fsv
(en milliards d’euros)
|
|
Prévisions 2022 |
Rectification 2022 |
Écart à la prévision |
||||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
211 |
230,1 |
-19,1 |
221,6 |
241,9 |
-20,3 |
5,0 % |
5,1 % |
- 6,3 % |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
15,6 |
14,1 |
1,5 |
16,2 |
14,2 |
2 |
3,8 % |
0,7 % |
33,3 % |
|
Vieillesse |
253,6 |
256,6 |
-3 |
258,9 |
261,9 |
-3 |
2,1 % |
2,1 % |
0,0 % |
|
Famille |
51,6 |
49,7 |
1,9 |
53,5 |
50,9 |
2,6 |
3,7 % |
2,4 % |
36,8 % |
|
Autonomie |
33,4 |
34,4 |
-1,1 |
34,9 |
35,4 |
-0,5 |
4,5 % |
2,9 % |
54,5 % |
|
Total |
550,5 |
570,2 |
-19,7 |
570,1 |
589,3 |
-19,2 |
3,6 % |
3,3 % |
2,5 % |
|
Total |
549,2 |
570,6 |
-21,4 |
571,7 |
589,6 |
-17,8 |
4,1 % |
3,3 % |
16,8 % |
Sources : LFSS 2022 et PLFSS 2023.
1. Une augmentation des dépenses plus que compensée par celle des recettes
a. Une croissance plus forte que prévue a abondé les recettes
La surprise que constituent ces résultats meilleurs qu’espérés pour 2022 s’apparente à la demi-surprise que fut déjà le rétablissement spectaculaire de la croissance et de l’activité en 2021. Cet « effet base » a conduit à une augmentation de la masse salariale de 8,9 %, contre 7,2 % initialement prévu pour 2021. S’est ajouté à cette base un « effet flux » par lequel la masse salariale a également augmenté de deux points par rapport aux prévisions de la LFSS 2022 (8,4 % contre 6,4 %). Avec un point de masse salariale équivalant à 2 150 millions d’euros pour tous les régimes, selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ([51]), cette augmentation de 3,7 points équivaut à près de 8 milliards d’euros pour 2022.
S’ajoutent à cela des recettes fiscales supérieures de 5,2 milliards d’euros à ce qui était prévu en LFSS 2022. Cette croissance s’explique à la fois par la forte reprise de la consommation, affectant directement le produit de la TVA qui avait été estimé dans son ensemble à 145 milliards d’euros en 2021 et qui devrait normalement s’élever à 163,8 milliards d’euros ([52]).
L’inflation, qui est estimée à 5,4 %, entraîne naturellement une hausse des recettes, qui bénéficie également de « l’effet retour » des dépenses supplémentaires engagées au cours de l’année 2022, et notamment de l’indexation anticipée des prestations familiales et des pensions de retraite sur l’inflation au 1er juillet 2022 ([53]).
b. Des dépenses plus élevées que prévu, principalement pour la branche maladie
Si les écarts en prévision concernant le solde, exposés ci-dessus, n’ont pas grand sens au regard de la sensibilité des évolutions pour des ordres de grandeur aussi petits, force est de constater que les écarts à la prévision concernant les dépenses sont importants pour la branche maladie (+ 5,1 %) et, d’une manière moins spectaculaire, par la branche autonomie.
S’agissant de la première, cette augmentation s’explique naturellement, dans le champ de l’Ondam, par des dépenses de crise plus élevées qu’anticipé en raison des contaminations liées au variant « omicron » au début de l’année 2022. Alors que la LFSS 2022 avait intégré une provision au titre des surcoûts liés au covid‑19 à hauteur de 4,9 milliards d’euros, la prise en charge de ces dépenses s’est finalement élevée à 11,5 milliards d’euros.
La sous-estimation des dépenses de la branche autonomie vient principalement des mesures de revalorisations adoptées au cours de l’année 2022 à l’issue de la conférence des métiers de l’accompagnement social et du médico-social. Cette conférence prévoit, à terme, le financement à hauteur de 1,3 milliard d’euros de la revalorisation salariale des professionnels de la filière socio-éducative, assuré conjointement par les départements, l’État et la sécurité sociale.
L’augmentation des dépenses de la branche vieillesse (+ 5,3 milliards d’euros) et de la branche famille (+ 1,2 milliard d’euros) tient notamment à la revalorisation anticipée des prestations susmentionnées. Les prestations versées par ces branches ont en effet connu une augmentation de 3,1 % pour la branche vieillesse en moyenne annuelle en 2022 et de 3,4 % pour la branche famille. S’agissant de la branche famille, celle-ci doit assumer en outre une augmentation de 150 % du montant de l’allocation de soutien familial (ASF) correspondant à 140 millions d’euros pour l’année 2022 ([54]).
Les dépenses de la branche AT‑MP demeurent, quant à elles, proches des prévisions, en simple sur-exécution de 100 millions d’euros.
2. Une poursuite de l’amélioration du solde des ROBSS
comparaison du tableau d’Équilibre 2021 des rÉgimes obligatoires de base avec l’Exercice 2020
(en milliards d’euros)
|
|
Comptes des régimes obligatoires de base et du FSV en 2021 (PLFSS 2023) |
Comptes des régimes obligatoires de base et du FSV en 2022 (PLFSS 2023) |
Écart entre les deux exercices |
||||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
209,4 |
235,4 |
- 26 |
221,6 |
241,9 |
- 20,3 |
5,8 % |
2,8 % |
21,9 % |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
15,1 |
13,9 |
1,2 |
16,2 |
14,2 |
2 |
7,3 % |
2,2 % |
66,7 % |
|
Vieillesse |
249,4 |
250,5 |
- 1,1 |
258,9 |
261,9 |
- 3 |
3,8 % |
4,6 % |
- 172,7 % |
|
Famille |
51,8 |
48,9 |
2,9 |
53,5 |
50,9 |
2,6 |
3,3 % |
4,1 % |
- 10,3 % |
|
Autonomie |
32,8 |
32,6 |
- 1,1 |
34,9 |
35,4 |
- 0,5 |
6,4 % |
8,6 % |
54,5 % |
|
Total |
544,2 |
567 |
- 22,8 |
570,1 |
589,3 |
- 19,2 |
4,8 % |
3,9 % |
15,8 % |
|
Total incluant le FSV |
543 |
567,3 |
- 24,3 |
571,7 |
589,6 |
- 17,8 |
5,3 % |
3,9 % |
26,7 % |
Source : PLFSS 2023.
● Après un exercice 2021 qui renouait avec une trajectoire de rétablissement des comptes sociaux, l’exercice 2022 poursuit cet effort vers l’équilibre avec une réduction du déficit de l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS).
● Ainsi qu’il est vu concernant la rectification des prévisions, il apparaît que le rythme de croissance des recettes, de l’ordre de 5 % en moyenne pour l’ensemble des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ait excédé le rythme de croissance des dépenses, qui atteint pourtant 8,6 % s’agissant de la branche autonomie.
Cette situation s’explique notamment par la révision à la hausse des hypothèses macroéconomiques qui entourent l’exercice 2022, comme il a été exposé dans le commentaire de l’article liminaire. La sensibilité des différentes branches à l’évolution des recettes dépend naturellement de leur structure pour chacune d’entre elles.
Ainsi, la branche AT‑MP, dont la structure des recettes dépend à 90 % de cotisations patronales, a-t-elle connu une augmentation de ses recettes proportionnellement plus importantes que celle des autres branches. Il en va de même pour la branche autonomie qui s’appuie à 88 % sur des recettes issues de la CSG, qui lui ont été affectées à sa création ([55]).
Les recettes de la branche maladie évolueraient à un taux moindre. Si elles bénéficient, à l’instar des autres branches, de l’augmentation de la masse salariale, le poids des allégements généraux et, surtout, de la réduction de six points du taux de la cotisation maladie, viennent diminuer le rythme de croissance des recettes ([56]). La dynamique des allégements généraux, portée par les revalorisations successives du montant du salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic), explique également l’évolution des recettes de la branche vieillesse, qui n’est « que » de 3,8 %.
S’agissant de la branche famille, le dynamisme des recettes est amoindri par la baisse ponctuelle de la quote-part de la taxe sur les salaires affectée à cette branche pour l’exercice 2022. Cette quote-part, passée de 18,5 % à 10,7 %, au profit des branches maladie et autonomie pour compenser le coût des indemnités journalières dérogatoires versées aux parents contraints d’interrompre leur activité en raison de la crise sanitaire, pèse sur les recettes de la branche à hauteur de 1 milliard d’euros.
● S’agissant du rythme d’augmentation des dépenses, celui-ci diffère notamment en raison des mesures prises au cours de l’année 2022.
La branche autonomie, qui connaît le rythme de progression des dépenses le plus élevé (+ 8,6 %), doit en effet assumer l’extension des mesures de revalorisation salariales « Ségur » aux personnels des établissements accueillant des personnes en situation de handicap, en application des accords dits « Laforcade » (500 millions d’euros). S’ajoutent à cet accord celui concernant l’accompagnement social et du médico-social susmentionné (400 millions d’euros), et l’augmentation de 3,5 % du point d’indice des fonctionnaires intervenant dans le champ de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
En outre, une partie des prestations versées par la CNSA connaissent une forte croissance. Il en va ainsi de :
– l’AEEH (allocation d’éducation de l’enfant handicapé), transférée depuis la branche famille, dont la dynamique tiendrait notamment à une meilleure reconnaissance de la situation de ses bénéficiaires ;
– l’AJPA (allocation journalière du proche aidant), dont la progressive montée en charge depuis sa création ([57]) porterait le coût à 77 millions d’euros en 2022 ([58]).
La branche vieillesse et la branche famille connaîtraient en 2022 une évolution respective du montant de leurs dépenses de 4,6 % et de 4,1 %, en lien direct avec l’indexation anticipée de leurs prestations sur l’inflation le 1er juillet 2022.
Les dépenses de la branche maladie seraient toujours soutenues, en 2022, par trois principaux moteurs :
– en dépit d’une baisse de 7,4 milliards d’euros par rapport à 2020, les dépenses exceptionnelles liées à la crise du covid‑19 se sont élevées à 11,5 milliards d’euros en intégrant notamment le dépistage, des achats de vaccins et la poursuite de la campagne vaccinale. Cette augmentation entraîne naturellement une progression de l’Ondam supérieure à celle qui était prévue ([59]) ;
– la poursuite des mesures issues du « Ségur de la santé » ;
– la revalorisation des prestations hors Ondam telles que les pensions d’invalidité, en raison de leur indexation anticipée sur l’inflation.
Les dépenses de la branche AT‑MP, enfin, augmenteraient de 2,2 % sous les effets contraires d’une augmentation des prestations indexées sur l’inflation et d’une diminution des prestations liées à la prise en charge des personnes touchées par l’amiante, du fait d’une diminution du nombre d’allocataires.
Il convient de noter en outre que deux mesures d’ordre rectificatif ont affecté le solde 2022 ([60]) :
– la revalorisation de l’allocation de soutien familial (ASF) au 1er novembre 2022, pour un impact financier sur l’année estimé à 140 millions d’euros ;
– des dispositions visant à développer l’habitat inclusif pour faire face à la perte d’autonomie, à hauteur de 45 millions d’euros. La rapporteure générale observe à cet égard que la mesure proposée dans le cadre du présent projet de loi ne contient pas, dans son analyse budgétaire, d’impact financier en 2022, ce qui signifierait qu’une initiative réglementaire viendrait corriger le droit existant avant l’entrée en vigueur dudit projet de loi. Faute de recueil des données issues des annexes au présent projet de loi susceptibles d’éclairer cette problématique, elle s’en remet donc aux données fournies – de manière diligente – par l’administration.
B. Une amélioration nette du solde
● Ces effets entraînent une amélioration du solde de l’ensemble des régimes de 15,8 % et même de 26,7 % en incluant le FSV. Cette amélioration du solde de 6,5 milliards d’euros en un an est naturellement à saluer.
Le retour à l’équilibre des comptes de la sécurité sociale supposerait toutefois le maintien d’un rythme identique de réduction des déficits sur la période 2022-2026. Or, au regard de la conjoncture économique comme des trajectoires financières inscrites à l’annexe B du présent projet de loi, la rapporteure générale estime qu’il convient de rester prudent quant aux effets de ce redressement spectaculaire sur les orientations financières des ROBSS à moyen et long terme.
IV. La situation des organismes « satellites » de la sÉcuritÉ sociale en 2022
A. Le Fonds de solidaritÉ vieillesse
Le 2° porte rectification, pour les organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base – c’est-à-dire le seul FSV – du tableau d’équilibre. Ces données sont mises en regard, dans le tableau ci-après, des corrections que le présent article propose d’apporter aux prévisions de recette, objectifs de dépense et perspectives de solde afférentes.
Le rétablissement de la situation du fonds, tant au regard des prévisions que de la situation finalement arrêtée pour 2021, est spectaculaire.
Au regard de la riche documentation fournie, comme chaque année, par le président du FSV, cette évolution tient à la fois à une dynamique en recettes comparable à celle des branches des ROBSS et à une modération des dépenses plus stricte qu’anticipé.
TABLEAUx D’ÉQUILIBRE 2021 DES ORGANISMES CONCOURANT AU FINANCEMENT DES RÉGIMES OBLIGATOIRES DE BASE
(en milliards d’euros)
|
|
Prévisions pour 2022 (LFSS 2022) |
Rectification pour 2022 (PLFSS 2023) |
||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
17,9 |
19,6 |
- 1,2 |
19,3 |
18,0 |
1,3 |
|
|
Comptes 2021 (PLFSS 2023) |
Comptes 2022 (PLFSS 2023) |
||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Fonds de solidarité vieillesse |
17,7 |
19,3 |
- 1,5 |
19,3 |
18,0 |
1,3 |
Sources : LFSS 2022 et PLFSS 2023.
Côté recettes (+ 1,4 milliard d’euros par rapport aux prévisions initiales, + 1,6 milliard d’euros par rapport à 2021), le FSV bénéficie :
– de la forte progression du rendement de la CSG assise sur les revenus du patrimoine (+ 11,2 %). Cette augmentation tient aux effets décalés de la reprise économique que la contribution enregistre, son assiette portant sur les revenus de l’année 2021 ;
– de la tout aussi forte progression du rendement de la CSG sur les revenus de remplacement (+ 4,8 %) en raison d’un « effet retour » sur l’augmentation du montant des prestations indexées sur l’inflation.
Côté dépenses (– 1,6 milliard d’euros par rapport aux prévisions initiales, – 1,3 milliard d’euros par rapport à l’exercice 2021), le FSV, dont près de deux tiers des charges correspondent aux cotisations d’assurance vieillesse au titre des périodes assimilées de chômage, bénéficie directement de la diminution du nombre de chômeurs sur l’exercice 2022, soit une baisse de 11,4 %, incluant un effet comptable de surestimation de ce nombre lors de l’arrêt des comptes en 2021.
Cet effet baissier serait en partie compensé par une augmentation de la prise en charge des cotisations maladie, invalidité et AT‑MP (+ 6,7 %) en raison de l’incidence de la revalorisation du Smic sur les modalités de calcul du coût unitaire des arrêts de travail. En outre, au titre de l’article 107 de la LFSS 2022 ([61]), le Fonds prend en charge, pour un montant estimé à 93 millions d’euros pour l’année en cours, la possibilité pour les travailleurs indépendants dont l’activité a été affectée par la crise sanitaire de bénéficier, de manière dérogatoire, d’un nombre de trimestres de retraite validés en 2020 et 2021 équivalent à la moyenne des trimestres validés lors des exercices 2017, 2018 et 2019.
Au total, le Fonds de solidarité vieillesse retrouve des excédents inattendus, ce dont la rapporteure générale se réjouit d’autant plus que peu de lois de financement ont pu constater une telle situation.
B. Le Fonds de rÉserve pour les retraites
Depuis que la loi du 9 novembre 2010 ([62]) a transformé le FRR en fonds fermé, aucune recette ne lui est affectée, ce que confirme le 4°.
La mission du FRR est désormais de verser à la Cades, en avril de chaque année, 2,1 milliards d’euros, de 2011 à 2024, soit un total de 29,4 milliards d’euros, comme l’ont encore confirmé les lois organique et ordinaire du 7 août 2020 relatives à la dette sociale et à l’autonomie ([63]).
Au 31 décembre 2021, soit après déduction du versement annuel de 2,1 milliards d’euros, la valeur de marché du portefeuille du FRR s’élevait à 26 milliards d’euros, en amélioration nette de 700 millions d’euros par rapport à l’exercice 2020.
C. La Caisse d’amortissement de la dette sociale
Le 5° prévoit un objectif d’amortissement de 18,6 milliards d’euros, supérieur à la fois à l’objectif fixé en LFSS 2022 (18,3 milliards d’euros) et à l’objectif retenu pour l’exercice 2021 (17,8 milliards d’euros) ([64]).
Cette amélioration continue de l’objectif d’amortissement tient au dynamisme des recettes, qui devraient augmenter de 19 milliards d’euros en 2021 à 19,9 milliards d’euros en 2022. Les ressources de la Cades – une fraction de CSG et l’intégralité du produit de la CRDS – pèsent en effet principalement sur la masse salariale, en forte croissance pour l’exercice 2022.
Fin 2022, la Cades devrait avoir amorti 223,9 milliards d’euros de dette soit 62,1 % des 360,5 milliards d’euros de dette sociale transférée à la même date.
Au 31 août 2022, la Cades se refinançait globalement au taux très favorable de 0,77 %, un taux globalement réorienté à la hausse après plusieurs années de baisse.
À la fin de l’année 2022, la Cades aura mené, selon son président auditionné par la rapporteure générale, sept opérations pour un montant total d’émission de 29 milliards d’euros. Dans l’état actuel des conditions de refinancement, en l’absence de nouvelle reprise de dettes, les prévisions de la Cades lui permettent d’estimer qu’elle sera en mesure d’amortir l’ensemble de sa dette en 2032 ([65]).
*
* *
— 1 —
Article 4
Rectification de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que de ses sous‑objectifs
Adopté par la commission sans modification
L’article 4 vise à rectifier l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (Ondam) pour l’année 2022, ainsi que les six sous-objectifs qui le composent.
I. Un article obligatoire en loi de financement
Le présent article fait partie des dispositions devant obligatoirement figurer en loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) en application des dispositions organiques définissant son contenu, y compris dans leur rédaction issue de la loi organique du 14 mars 2022 ([66]).
L.O. 111-3-3 du code de la sécurité sociale
« Dans sa partie comprenant les dispositions relatives à l’année en cours, la loi de financement de l’année :
[…]
« 2° Rectifie les objectifs de dépenses, par branche, de ces régimes et l’objectif national de dépenses d’assurance maladie de l’ensemble des régimes obligatoires de base ainsi que leurs sous-objectifs approuvés dans la précédente loi de financement de la sécurité sociale ;
Le présent article rectifie donc les prévisions inscrites à l’article 114 de la LFSS 2022 ([67]).
II. la rectification des prÉvisions de l’Ondam et des sous‑objectifs
A. Un dÉpassement tout au long de l’annÉe qui tient principalement aux dÉpenses de santÉ face À la covid-19
Les dépenses sous Ondam pour 2022 ont évolué plus rapidement qu’il était prévu dans la précédente loi de financement, en raison notamment d’une croissance plus vive qu’anticipé des sous-objectifs relatifs à l’investissement, aux soins de ville et aux établissements et services pour personnes handicapées. Il en résulte un dépassement global de 9,1 milliards d’euros par rapport à l’objectif voté en LFSS 2022.
Évolution comparée de l’Ondam pour 2022 entre les prévisions de la LFSS 2022 et la rectification en PLFSS 2023
(en milliards d’euros)
|
|
Ondam 2022 et sous-objectifs prévisionnels (LFSS 2022) |
Ondam et sous-objectifs rectifiés (PLFSS 2023) |
Écart à la prévision |
|
Dépenses de soins de ville |
102,5 |
107,3 |
5 % |
|
Dépenses relatives aux établissements de santé |
95,3 |
97,1 |
2 % |
|
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
14,3 |
14,6 |
2 % |
|
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
13,3 |
13,8 |
4 % |
|
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement |
5,9 |
6,3 |
7 % |
|
Autres prises en charge |
5,5 |
6,8 |
24 % |
|
Total |
236,8 |
245,9 |
4 % |
Source : LFSS 2022 et PLFSS 2023.
Ce dépassement, selon les analyses présentées à la Commission des comptes de la sécurité sociale, tiendrait essentiellement à une révision de la prise en charge des dépenses liées au contexte épidémique, et notamment de la cinquième vague de covid‑19 au début de l’année 2022.
Cette augmentation à hauteur de 6,6 milliards d’euros a été notamment documentée par le comité d’alerte sur l’évolution des dépenses d’assurance maladie ([68]). Dans son avis du 15 avril 2022 ([69]), ce comité estimait que la provision de la LFSS 2022 risquait « d’être significativement dépassée », au regard notamment d’un versement atteignant 1,2 milliard d’euros à Santé publique France pour honorer des commandes de vaccins et de médicaments passées fin 2021.
Dans son second avis ([70]), le comité a estimé qu’il existait « un risque sérieux que les dépenses d’assurance maladie dépassent l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2022 avec une ampleur supérieure au seuil de 0,5 % (soit 1 184 millions d’euros) » dont les causes lui apparaissaient liées pour l’essentiel aux surcoûts induits par l’épidémie de covid-19. Les prévisions du comité ont donc été largement dépassées sur l’année entière.
S’ajoutent à ces dépenses de crise :
– 2,3 milliards d’euros au titre de la revalorisation du point d’indice au sein de la fonction publique hospitalière et son extension dans le secteur privé, ainsi que l’augmentation de l’enveloppe allouée aux établissements de santé et médico-sociaux pour faire face aux conséquences de l’inflation (+ 800 millions d’euros) ;
– 200 millions d’euros pour mettre en œuvre à l’été les mesures issues de la mission « flash » sur les urgences et les soins non programmés ([71]).
B. un ondam en hausse de 2,2 % Au total
Écart entre l’Ondam constaté pour 2021 et l’Ondam rectifié pour 2022
(en milliards d’euros)
|
|
Ondam 2021 constaté* |
Ondam 2022 rectifié (PLFSS 2023) |
Écart entre les deux exercices |
|
Dépenses de soins de ville |
105,2 |
107,3 |
2,0 % |
|
Dépenses relatives aux établissements de santé |
96,8 |
97,1 |
0,3 % |
|
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes âgées |
14,4 |
14,6 |
1,4 % |
|
Dépenses relatives aux établissements et services pour personnes handicapées |
12,4 |
13,8 |
11,3 % |
|
Dépenses relatives au fonds d’intervention régional et au soutien national à l’investissement |
4,3 |
6,3 |
46,5 % |
|
Autres prises en charge |
7 |
6,8 |
-2,9 % |
|
Total |
240,1 |
245,9 |
2,4 % ([72]) |
(*) Les données relatives aux sous-objectifs constatés pour 2021 n’étant pas prévus en première partie, ces chiffres sont issus du rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale pour septembre 2022.
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022 et PLFSS 2023.
Les révisions de la prévision comme les mesures nouvelles adoptées en 2022 aboutissent à un Ondam estimé à 245,9 milliards d’euros, en hausse de 2,4 % sur l’ensemble du périmètre, y compris les mesures « Ségur » et les mesures de crise.
À l’exception des « autres prises en charge », l’ensemble des sous-objectifs est en hausse entre les exercices 2021 et 2022, hausse que le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale estime à 5,4 % hors dépenses liées à la crise sanitaire. Le graphique ci-dessous témoigne en effet d’un rattrapage progressif de la trajectoire de l’Ondam total par celle de l’Ondam hors-crise, témoignant notamment de la montée en charge des mesures du Ségur.
Source : Rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022
La rapporteure générale estime que, si ces graphiques ont naturellement une vertu pédagogique au regard de la variabilité que fait peser la crise sanitaire sur les prévisions de l’Ondam, ce rattrapage est bienvenu, non seulement parce qu’il signifie en creux que les dépenses de crise n’ont plus lieu d’être, mais également pour la lisibilité des comptes sociaux qui pâtit de la coexistence de plusieurs trajectoires du taux d’évolution de l’Ondam – selon que le périmètre retienne les mesures de crise, les mesures issues du « Ségur de la santé » ou aucune de ces deux catégories.
La décomposition de cette augmentation de l’Ondam global entre les différents sous-objectifs se présente de la façon suivante :
– le sous-objectif « soins de ville » s’accroît de 2,1 milliards d’euros en raison d’un surcoût global lié à la crise sanitaire de 6,5 milliards d’euros, comprenant notamment une augmentation de la réalisation de tests diagnostiques (+ 4,6 milliards d’euros) et des indemnités journalières versées aux personnes malades de la covid‑19, aux cas contact ou pour garde d’enfants (+ 1,7 milliard d’euros), ainsi qu’une augmentation tendancielle des dépenses liées aux produits de santé en ville ;
– le sous-objectif « établissements de santé » augmente de 500 millions d’euros sous les effets précédemment exposés relatifs au point d’indice et à la prise en compte de l’inflation ;
– le sous-objectif « établissements et services pour les personnes âgées » demeure globalement stable (+ 200 millions d’euros), mais il bénéficie notamment de l’augmentation des dotations aux établissements médico-sociaux au cours de la campagne 2022 ;
– le sous-objectif « établissements et services pour les personnes handicapées » augmente de 1,4 milliard d’euros, bénéficiant notamment de l’extension des revalorisations du Ségur de la santé aux professionnels de la filière socio-éducative en application de la conférence du 18 février 2022 (+ 348 millions d’euros) ;
– le sous-objectif « fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement » augmente fortement, de 2 milliards d’euros, notamment en raison des achats nécessités par la crise pour un montant de 3,8 milliards d’euros.
Les surcoûts bruts relatifs aux dépenses « covid » ont finalement représenté 11,5 milliards d’euros pour l’année 2022, répartis comme suit.
Source : Annexe 5 au présent projet de loi.
*
* *
— 1 —
TROISIÈME PARTIE :
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L’ÉQUILIBRE DE LA SÉCURITÉ SOCIAle POUR L’EXERCICE 2022
TITRE Ier
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES, AU RECOUVREMENT ET À LA TRÉSORERIE
Article 5
Poursuite de la modernisation des offres de services en faveur des particuliers en matière de services à la personne
Adopté par la commission sans modification
L’article 20 de la LFSS 2020 avait lancé une expérimentation dans les départements du Nord et de Paris visant à assurer le « versement contemporain » d’aides aux particuliers, âgés ou en situation de handicap, employant des aides à domicile. Ces publics, sur la base du volontariat, n’avaient plus besoin de procéder à une avance de trésorerie puisque le crédit d’impôt sur le revenu portant sur les dépenses à la charge des particuliers employeurs leur était versé pendant l’année en cours et qu’il était tenu compte des aides qui leur étaient versées par ailleurs – allocation personnalisée d’autonomie et prestation de compensation du handicap notamment.
L’article 13 de la LFSS 2022 avait procédé à la généralisation progressive de ce dispositif. Ainsi, depuis janvier 2022 pour les personnes utilisant le chèque emploi service universel, et depuis juin 2022 pour celles ayant recours à un prestataire extérieur, l’Urssaf calcule l’avantage tiré du crédit d’impôt et déduit cette somme des montants prélevés sur les particuliers employeurs pour le paiement du salarié ou de l’organisme. Ce même article avait également prévu d’inclure dans ce dispositif généralisé les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH) au 1er janvier 2023 ainsi que les particuliers employeurs bénéficiant d’une garde d’enfant au 1er janvier 2024.
Outre des modifications rédactionnelles visant à adapter le cadre législatif à tous les organismes de service à la personne, l’article 5 a pour objectif d’ajuster le calendrier de généralisation de cette expérimentation. Il s’agit ainsi d’anticiper l’ouverture du service d’avance immédiate à la garde d’enfants de plus de 6 ans à septembre 2022 et, compte tenu des enjeux techniques de cette réforme, de prolonger le cadre expérimental pour les bénéficiaires de l’allocation personnalisée d’autonomie et de la prestation de compensation du handicap, au plus tard jusqu’au 1er janvier 2024, tout en intégrant les activités de garde d’enfants dans cette expérimentation.
I. L’État du droit : de nombreux dispositifs sociaux et fiscaux visent À favoriser l’emploi À domicile sans pour autant Éradiquer le travail dissimulÉ et la sous-déclaration
A. CaractérisÉ par une grande diversitÉ, L’emploi À domicile bÉnÉficie d’un investissement public important
1. Une grande diversité de particuliers employeurs et d’employés à domicile
D’après les données de l’Urssaf ([73]), 3 255 993 employeurs ont effectué au moins une déclaration en 2020.
Énumérées dans le code du travail ([74]), les activités pouvant faire l’objet de services à la personne peuvent être réparties en trois catégories :
– l’emploi à domicile, hors garde d’enfant ;
– les assistantes maternelles ;
– la garde d’enfant à domicile.
Nombre annuel de particuliers employeurs
Source : Urssaf.
Toujours selon l’Urssaf, en 2020, environ 1,4 milliard d’heures de travail ont été rémunérées, soit environ 437 heures annuelles par employeur, pour une masse salariale totale d’environ 8,1 milliards d’euros et un salaire moyen annuel par employeur de 2 510 euros. Le secteur emploie ainsi 1 225 653 personnes, dont 67,7 % en emploi à domicile hors garde d’enfant. Les employés ont déclaré en 2020 une moyenne de 120 heures par mois.
Les particuliers employeurs par dispositif au quatrième trimestre 2020
Source : Urssaf.
2. Les différentes modalités d’emploi à domicile
Les particuliers employeurs ont majoritairement recours à deux types d’emplois : soit l’emploi direct concernant 657 000 salariés au quatrième trimestre 2020, soit le recours à un prestataire.
a. L’emploi direct
Les modalités de déclaration de la rémunération des salariés employés directement par les particuliers sont connues. Elles passent notamment par le chèque emploi service universel (Cesu), service des Urssaf en vigueur depuis 1994 ([75]), que ce soit pour un emploi à temps partiel ou complet. Le Cesu recouvre deux dispositifs :
– le Cesu déclaratif, qui permet à un particulier employeur de déclarer son salarié à domicile et de bénéficier de dispositifs de soutien (décrits plus bas) ;
– le Cesu préfinancé qui consiste en un titre spécial de paiement à montant prédéfini, pour lequel l’identité du bénéficiaire est établie, afin de procéder au paiement des salaires et prestations de services à la personne ou de garde d’enfants. Ce dispositif est pris en charge, en tout ou partie, par l’employeur, via par exemple les comités d’entreprise.
Le Cesu ne permet toutefois pas de déclarer l’activité des assistants maternels ou d’une garde d’enfant de moins de 6 ans à domicile, qui doit passer par un autre service des Urssaf, Pajemploi.
Récapitulatif des modes déclaratifs selon le type d’emploi à domicile
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Type d’emploi de particulier employeur |
Mode déclaratif |
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Aide-ménagère, soutien scolaire et tout emploi ne relevant pas des types ci-dessous. |
Cesu (Chèque emploi service universel)
Service de l’Urssaf pour déclarer la rémunération des salariés à domicile (hors assistants maternels). C’est également un moyen de paiement utilisé dans les emplois de service à la personne. Il est introduit en 1993. |
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Assistants maternels (activité hors domicile de l’employeur) ou garde d’enfant à domicile quand l’employeur bénéficie d’un complément de libre choix du mode de garde (CMG). |
Pajemploi (Centre National Pajemploi)
Service de l’Urssaf destiné aux formalités administratives des parents employeurs qui font garder leur enfant par un assistant maternel agréé ou une garde d’enfant à domicile (bénéficiant du CMG). Il a été introduit par un décret d’application de la LFSS de 2004. En pratique, le parent employeur communique à Pajemploi le montant du salaire de l’assistant maternel et Pajemploi se charge de prélever ce montant ainsi que de fournir la fiche de paie à l’employé. |
Source : commission des affaires sociales
Les aides à la garde d’enfant
La prestation d’accueil du jeune enfant (Paje) est introduite par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) pour 2004, mettant en œuvre les engagements pris par le Gouvernement lors de la Conférence de la famille de 2003. Elle comprend la prime à la naissance ou d’adoption, l’allocation de base, la prestation partagée d’éducation de l’enfant et le complément de libre choix du mode de garde (CMG). En 2021, 2 millions de familles ont bénéficié d’au moins une des aides financières de la Paje pour un coût de 10,8 milliards d’euros ([76]).
Quand l’enfant a plus de 6 ans, les parents ne bénéficient plus de droit au CMG ni d’aides au paiement des cotisations. Les parents employeurs continuent néanmoins de bénéficier du crédit d’impôt relatif à la garde à domicile. Ils ont dès lors deux options pour la déclaration de la garde d’enfant : soit continuer de la déclarer sur Pajemploi, soit la déclarer au Cesu.
Le complément de libre choix pour la garde d’enfant (CMG) est une aide aux parents pour financer la garde de leur enfant de moins de 6 ans par un assistant maternel agréé, une garde à domicile ou une micro-crèche. Le CMG comprend une prise en charge partielle de la rémunération du salarié. Le montant versé par Pajemploi varie selon les ressources, le nombre d’enfants et leur âge. Un minimum de 15 % de la dépense reste à la charge de l’employeur. Les employeurs d’assistants maternels agréés bénéficient d’un crédit d’impôt égal à 50 % des dépenses effectives. Ces dépenses effectives sont limitées à 2 300 euros par an et par enfant gardé ([77]). L’employeur d’assistant maternel peut donc au maximum déduire 1 150 euros par enfant et jusqu’à 575 euros en cas de garde partagée. En outre, si l’employeur particulier bénéficie du CMG de la Paje et que la rémunération de l’assistant maternel agréé ne dépasse pas le plafond journalier de référence, il n’y pas de cotisations à payer.
La Paje s’est substituée à cinq prestations ([78]) afin de simplifier et rendre plus lisibles les prestations liées à l’accueil du jeune enfant. La création de la Paje et de Pajemploi a pour objectif de faciliter les démarches administratives des particuliers employeurs, afin d’éviter le travail à domicile non déclaré et d’augmenter la protection sociale des employés à domicile.
Dans l’ensemble, selon la Cour des comptes ([79]), les prestations Paje n’ont pas d’impact redistributif significatif. En effet, les prestations soumises à conditions de ressources (primes à la naissance et à l’adoption et allocation de base) ne représentent qu’un tiers de la dépense totale, soit 3,7 milliards d’euros, contre 7,2 milliards d’euros pour le CMG et la Prépare en 2021. Depuis 2014, le nombre de bénéficiaires d’au moins une prestation de la Paje a diminué de 14,3 % pour s’établir à un peu moins de deux millions de personnes. Le nombre de bénéficiaires de la Paje a diminué à un rythme deux fois supérieur à celui des naissances depuis 2014.
Néanmoins, la plateforme Pajemploi semble avoir effectivement simplifié la déclaration d’assistants maternels et de garde d’enfants à domicile. Les études montrent que le bilan de Pajemploi est globalement positif. De plus, 88 % des personnes interrogées dans une étude datée de 2006 ([80]) jugeaient plus facile l’outil de déclaration Pajemploi que le système précédent, c’est-à-dire la déclaration nominative trimestrielle simplifiée (DNS).
Dans le cas de l’emploi direct ([81]), plusieurs données décrivant les tendances récentes sont à prendre en compte :
– le nombre de salariés en emploi direct tend à diminuer en proportion mais représentait encore 91,3 millions d’heures rémunérées en 2020, en hausse de 6,9 % sur un an ([82]) ;
– 81 300 salariés déclarés pour la garde d’enfant à domicile sont rémunérés via le dispositif Paje. Ce nombre est en diminution comme en 2019 ;
– on constate également un recul du nombre d’assistants maternels puisque 240 700 d’entre eux étaient déclarés à la Paje en 2020, nombre en recul depuis 2013, y compris en équivalent temps plein. Ils ont en moyenne déclaré 3,1 employeurs et ils effectuent un nombre moyen d’heures rémunérées plus élevé que les gardes d’enfant à domicile ou les salariés du Cesu, du fait de la garde simultanée de plusieurs enfants.
Les salariés par type déclaratif au quatrième trimestre 2020
Source : Urssaf, 2020.
Près de neuf salariés à domicile sur dix sont des femmes – en particulier dans le secteur des assistants maternels féminisé à 99 % ([83]). 50 % des salariés sont âgés de 50 ans ou plus. Une forte majorité d’entre eux travaille à temps partiel : 55 % des emplois à domicile hors garde d’enfant et 41 % des emplois de garde d’enfant à domicile ont moins de 20 % d’un temps plein.
Capacité thÉorique d’accueil des enfants de moins de 3 ans en 2019
Source : Observatoire de l’emploi à domicile, 2022.
L’impact de la crise sanitaire sur les particuliers employeurs ([84])
La crise sanitaire a eu un impact majeur sur l’emploi direct des particuliers employeurs. Alors que leur nombre était déjà en recul depuis 2013, il a chuté, en 2020, de 3,3 % (après – 0,6 % en 2019), ce qui est particulièrement frappant pour les gardes d’enfant à domicile (– 5,7 %) et pour l’emploi d’assistantes maternelles (– 4 %). Le nombre d’heures déclarées chute également (– 8,2 %) comme la masse salariale (– 6,6 %).
En outre, pour la première fois, la situation de crise sanitaire a conduit à étendre les mesures de chômage partiel aux salariés des particuliers employeurs, c’est-à-dire tous les salariés à domicile et les assistants maternels qui travaillent pour le compte d’un particulier employeur. Ils ont bénéficié d’une indemnisation à hauteur de 80 % du salaire net afférent aux heures non effectuées avec un montant plancher équivalent au salaire minumum. En 2020, ces indemnités se sont élevées à 445 millions d’euros. Entre mars et juin 2020, 49 % des employeurs de salariés à domicile hors garde d’enfant ont utilisé ce dispositif contre 0,4 % d’entre eux au quatrième trimestre.
b. Le recours à un prestataire
S’ils ne souhaitent pas employer directement leurs salariés, les particuliers employeurs peuvent faire appel à des prestataires qui emploient et rémunèrent des salariés mis à la disposition des particuliers ([85]).
Ce service est ensuite facturé aux particuliers, leur conférant la position de client. Si elles sont agrées ([86]), ces structures peuvent bénéficier d’exonérations de cotisations sociales ([87]).
Heures totales rémunérées selon le type d’employeur (2018) ([88])
Source : Dares, 2020.
Heures rémunérées en prestataire par type d’organismes
Source : Dares, 2020.
Ces prestataires se répartissent en trois catégories : les associations à but non lucratif, les entreprises privées et les organismes publics – notamment les centres communaux d’action sociale. D’après les dernières données de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) datant de 2018, le secteur associatif reste dominant mais les entreprises privées connaissent un fort dynamisme ([89]).
3. Un soutien à l’emploi à domicile par des avantages fiscaux et sociaux
a. Les avantages fiscaux
● L’article 199 sexdecies du code général des impôts prévoit une réduction d’impôt, créée en 1992. Le montant équivaut à 50 % des dépenses engagées au titre de la rémunération des aides à domicile. Ce crédit d’impôt est plafonné à 12 000 euros ([90]) portés à 20 000 euros si le particulier employeur :
– est dans une situation d’invalidité le contraignant à avoir recours à une tierce personne pour ses actes quotidiens ;
– héberge sous son toit une personne dans la condition décrite ci-dessus ;
– héberge sous son toit un enfant éligible à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH).
Ce crédit d’impôt constitue un investissement public considérable, d’un montant annuel d’environ 6 milliards d’euros, dont 1,1 milliard d’euros pour le crédit spécifique à la garde d’enfant et 4,8 milliards d’euros pour les autres services ([91]).
● Il faut également noter que les services d’aides à la personne bénéficient de taux réduits de TVA, en particulier pour les activités d’assistance dans les actes quotidiens des personnes âgées et handicapées (5,5 %), avec un taux intermédiaire pour les activités moins directement liées à une situation de dépendance (10 %).
b. Les avantages sociaux
● Depuis le début des années 1990, le soutien à l’emploi de salariés à domicile a conduit le législateur à accroitre les montants de cotisations exonérées dans le but de diminuer le coût du travail des emplois à domicile.
Dans certains cas, quel que soit le mode de déclaration (DSN, Cesu, Paje), l’emploi d’un salarié à domicile peut permettre au particulier employeur concerné de bénéficier d’une exonération totale de cotisations patronales selon des conditions liées à l’âge et à la nécessité d’une aide extérieure.
Ainsi, après une première mesure d’exonération votée en 2005 et supprimée en 2011 ([92]), une déduction forfaitaire a été créée en 2013 dans le but d’alléger les particuliers employeurs du paiement de cotisations sociales patronales. Depuis le 1er décembre 2015, elle s’élève à 2 euros par heure déclarée ([93]). Le montant de cette exonération représente 1,19 milliard d’euros en 2020 pour un taux d’exonération apparent de 20,7 %. 53 % des employeurs en avaient bénéficié au quatrième trimestre 2020.
RÉpartition des particuliers employeurs de salariÉs À domicile par catÉgorie d’exonÉration (hors Cesu Dom)
Source : Urssaf, janvier 2022.
● En outre, depuis 1948 ([94]), 850 000 employeurs dits « fragiles » disposent d’un dispositif spécifique, aujourd’hui codifié ([95]), d’exonération des cotisations patronales maladie, famille et vieillesse. Il s’agit en particulier de l’exonération dite « plus de 70 ans » ([96]) dont bénéficient 660 000 employeurs pour un montant de 443 millions d’euros ([97]). Par ailleurs, 112 000 particuliers employeurs perçoivent l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) et totalisent 211 millions d’euros de cotisations exonérées ([98]). Selon l’Observatoire de l’emploi à domicile, les employeurs dits « fragiles » représentent près d’un particulier employeur sur deux (hors garde d’enfant) mais leur activité s’est rétractée de 4,3 % du fait de la crise sanitaire ([99]). 549 300 assistants de vie œuvrent auprès de ces publics.
D’après l’Urssaf ([100]), la mise en place de la déduction forfaitaire en 2013 a permis à la quasi-totalité des employeurs à domicile de bénéficier d’un allégement de cotisations sociales patronales.
B. La rÉforme de l’avance immÉdiate doit permettre de rÉpondre À l’enjeu d’amÉlioration de la lisibilitÉ des dispositifs de soutien À l’emploi À domicile
1. Un enjeu central : faire connaître et rendre plus lisibles les dispositifs d’aides à l’emploi à domicile
Les dispositifs visant à favoriser l’emploi à domicile ont principalement pour objectif de limiter le recours au travail dissimulé, qui reste difficile à évaluer. En 2017, une enquête du Crédoc, de la délégation nationale à la lutte contre la fraude et de la direction générale des entreprises ([101]) avait permis d’établir que 20 % des employeurs avaient admis avoir fraudé en dissimulant soit une partie des heures travaillées, soit une partie des heures versées. Cette sous-déclaration, en diminution, semble trouver son origine moins dans des préoccupations financières (15 %) que dans des raisons de simplicité et de lisibilité des démarches (23 %).
Toutefois, une enquête de France stratégie ([102]) effectuée en 2021 auprès de 2 204 particuliers employeurs et de 1 222 employés met en exergue une « forte notoriété des aides fiscales et sociales liées à la déclaration des salariés à domicile » puisque 94 % des personnes interrogées déclaraient connaître ces dispositifs et 58 % s’estimaient bien informées. Ces mécanismes d’aide semblent d’ailleurs jouer un rôle important dans la décision de recourir à l’emploi à domicile pour 83 % des personnes interrogées. À l’inverse, il apparaît que seulement un peu plus d’un tiers des particuliers employeurs dit avoir bénéficié d’exonérations de cotisations sociales. Les avantages fiscaux semblent donc mieux connus que les dispositifs sociaux.
Enfin, un tiers des particuliers employeurs interrogés indique pratiquer la sous-déclaration ; un cinquième le fait régulièrement. Ce constat semble particulièrement valable pour les emplois de garde d’enfants et d’aide aux devoirs. La raison la plus fréquemment avancée est celle du faible nombre d’heures effectuées (47 %), juste avant l’objectif d’éviter les démarches administratives (35 %) et de payer moins cher (30 %). Accroître la lisibilité et la simplicité des démarches d’aides et de soutien à l’emploi à domicile reste donc un enjeu central pour continuer à réduire la sous-déclaration.
2. La réforme séquencée du versement d’aides aux particuliers
a. Une expérimentation lancée en septembre 2020 pour les particuliers employeurs en situation de dépendance
● L’État s’est fixé comme objectif, dans les années récentes, de continuer à moderniser et à simplifier le recours aux dispositifs favorables à l’emploi à domicile. Ainsi l’article 20 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 avait-il prévu l’expérimentation du versement contemporain d’aides aux particuliers employant des aides à domicile pour les personnes âgées et en situation de handicap.
Cette expérimentation était fondée sur l’idée que certains particuliers employeurs bénéficient d’aides au même moment qu’ils déclarent l’activité de leurs salariés, en distinguant ceux qui emploient directement un salarié et ceux qui ont recours à une structure intermédiaire. En effet, l’enquête de France stratégie susmentionnée conclut que le délai de versement des avantages fiscaux impacte le nombre d’heures demandées pour plus du quart des employeurs interrogés et que 89 % d’entre eux déclarent que la mise en place d’un crédit d’impôt en temps réel pourrait les inciter à déclarer leurs intervenants à domicile.
● Cette expérimentation s’inscrit également dans le cadre de la réforme du prélèvement à la source, qui a conduit l’administration fiscale à mettre en place un système complexe d’acompte par lequel les contribuables perçoivent en janvier une avance de 60 % – le solde intervenant en juillet après la déclaration de revenu. Ce système entraine aussi la nécessité, dans certains cas, de rembourser un trop-perçu.
En se fondant sur le volontariat, deux types de particuliers employeurs étaient visés :
– ceux qui sont éligibles à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) ([103]), versée par les conseils départementaux pour couvrir les dépenses nécessaires aux personnes de plus de 60 ans dans le but de les maintenir à domicile, ou à la prestation de compensation du handicap (PCH) ([104]), aide financière personnalisée et modulable également versée par les conseils départementaux ;
– ceux qui bénéficient du crédit d’impôt.
L’expérimentation visait ainsi avant tout les personnes dépendantes. Étaient donc exclus les particuliers employeurs recourant à des salariés pour les services à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales (hors dépendance) et pour la garde d’enfant (Pajemploi).
● Les particuliers employeurs qui le souhaitaient pouvaient, dans les départements du Nord et de Paris, à partir de septembre 2020, bénéficier de ce dispositif. Celui améliore leur situation en plusieurs points importants :
– ils n’ont pas à consentir une avance de trésorerie sur une partie des charges leur incombant du fait de l’emploi d’un salarié à domicile ;
– le taux de non-recours au crédit d’impôt et aux aides peut aussi être diminué ;
– la lutte contre le travail dissimulé s’en trouve renforcée.
● En outre, depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2017 ([105]), ont été instaurés des systèmes Cesu + et Pajemploi + dans le but d’accompagner la transition vers le prélèvement à la source. Ces dispositifs, en vigueur depuis juin 2019, permettent aux particuliers employeurs de confier l’intégralité de la rémunération du salarié à l’Urssaf. Une fois la déclaration faite, le service est informé du montant que le particulier doit recevoir au titre de l’APA ou de la PCH et il impute l’aide spécifique calquée sur le crédit d’impôt. Par cette voie, le particulier employeur ne paie que le reste à charge, sans avance de trésorerie donc.
Les particuliers qui ont recours à des prestataires pouvaient également bénéficier de cette expérimentation. Sauf cas de recours au dispositif Cesu +, les prestataires devaient informer l’Urssaf, selon l’article 20 de la LFSS 2020, des prestations réalisées, de leur nature, de l’identité de leur bénéficiaire et du montant total dû.
Chronologie de l’expÉrimentation de l’avance immÉdiate
entre septembre 2020 et juin 2021
Source : étude d’impact jointe au projet de loi.
● Même si elle a été réalisée dans le contexte de la crise sanitaire, ce qui a contraint à retenir un faible nombre de participants, l’expérimentation a permis de mettre en lumière certains enseignements, en particulier la nécessité d’une coordination étroite avec les conseils départementaux pour prendre en compte l’APA et la PCH. Or, leurs moyens techniques et leurs pratiques sont hétérogènes, ce qui rend le dispositif délicat à mettre en œuvre d’un point de vue technique.
b. Une généralisation partielle du versement contemporain en 2022
● L’article 13 de la LFSS 2022 a généralisé par étape le versement contemporain du crédit d’impôt, en le combinant avec les prestations potentiellement versées aux particuliers employeurs (APA, PCH, prestation accueil jeunes enfants).
Depuis janvier 2022 pour les personnes utilisant le Cesu ou depuis juin 2022 pour celles ayant recours à un organisme de service à la personne, l’Urssaf calcule l’avantage tiré du crédit d’impôt et déduit cette somme des montants prélevés sur les particuliers employeurs pour le paiement du salarié ou de l’organisme, dans des limites prévues par décret ([106]). Les Urssaf versent directement au salarié ou à l’organisme concerné les sommes dues, sans tenir compte de la déduction appliquée, et sont remboursées par l’État. Cette avance est déduite du crédit d’impôt déclaré l’année suivante.
Chronologie de la généralisation du dispositif de l’avance immédiate entre janvier 2022 et janvier 2024
Source : étude d’impact jointe au projet de loi.
● Au final, la généralisation ne bénéficie à ce stade qu’aux particuliers employeurs ne bénéficiant pas de prestations sociales par ailleurs. D’après les données transmises par le directeur général de l’Urssaf Caisse nationale lors de son audition par la rapporteure générale, 300 000 ménages bénéficient, à l’heure actuelle, de ce dispositif, sur les quelques 1,5 millions qui y sont éligibles.
La LFSS 2022 a prévu une entrée en vigueur également séquencée pour les particuliers employeurs bénéficiant de l’APA ou de la PCH (1er janvier 2023) et pour la garde d’enfants (1er janvier 2024).
II. Le dispositif proposÉ : une rÉvision du calendrier de gÉnÉralisation de la rÉforme en fonction du type d’emploi À domicile
A. Des modifications d’ordre rÉdactionnel et de mise en cohÉrence des procÉdures de contrÔle
1. L’adaptation de l’avance immédiate pour les « têtes de réseaux »
● Le I procède à des ajustements rédactionnels d’articles en lien avec le régime social appliqué aux particuliers employeurs. Les 1° et 2° du A du I visent à modifier l’article L. 133-8-4 du code de la sécurité sociale, qui liste les prestations pouvant faire l’objet d’un dispositif dématérialisé de déclaration et de paiement. Il propose ainsi de préciser que ces prestations ne doivent pas être uniquement réalisées mais bien « effectuées » et « facturées ».
Ces dispositions visent notamment à mieux encadrer juridiquement une pratique constatée dans le dispositif d’avance immédiate et consistant à centraliser l’ensemble de la gestion administrative (facturation) et financière (paiement) au sein d’une ou plusieurs entités spécifiques pour un seul et même groupe d’organisme (société mère, filiales, holding).
Les 3° et 4° du A du I proposent de préciser que l’article L. 133-8-4 concernent les entreprises qui facturent des prestations (et non pas seulement qui les réalisent). Les B et C du I procèdent à des modifications similaires aux articles L. 133-8-6 et L. 133-8-8 du code de la sécurité sociale qui définissent les particuliers exclus du dispositif dématérialisé ainsi que le processus par lequel les Urssaf doivent se mettre en capacité de procéder au recouvrement du reste à charge.
● D’après l’étude d’impact, ces dispositions visent à adapter le cadre législatif à la diversité des organismes de service à la personne, et en particulier aux plateformes ou « têtes de réseau » qui représentent un grand nombre d’utilisateurs. Celles-ci ont pour vocation de gérer la déclaration des prestations pour le compte de plusieurs structures juridiques qui les fournissent. Les modifications proposées font en sorte que la réforme de l’avance immédiate soit neutre du point de vue de l’organisation économique du secteur. En effet, la LFSS 2022 fait essentiellement mention de la notion de prestataire, qui doit être précisée.
2. Le renforcement des contrôles de l’avance immédiate du crédit d’impôt
● Le II propose de renforcer les outils de contrôle à disposition des agents en charge au sein des Urssaf dès lors que ces dernières, mettant en œuvre des mesures de soutien à l’activité économique ainsi que des aides sociales, sont désormais en charge du versement d’une aide pérenne – l’avance immédiate. Il est donc nécessaire d’étendre et d’adapter le champ de compétence des agents de contrôle.
● Le A du II intègre les personnes morales ou physiques qui déclarent des prestations mentionnées à l’article L. 133-8-4 du code de la sécurité sociale dans le champ du contrôle de la bonne application des règles dudit code tel que réalisé par les organismes chargés du recouvrement des cotisations. Le B du II assure la bonne coordination entre les procédures prévues, d’une part, à l’article L. 243-7-1 A du code de la sécurité sociale et, d’autre part, à l’article L. 133-8-7 du même code. L’article L. 243-7-1 A prévoit, de la part de l’agent chargé du contrôle, une lettre à la personne contrôlée engageant la période contradictoire préalable à l’envoi de la mise en demeure ou de l’avertissement. Le B du II prévoit que cette lettre permette également d’engager la procédure contradictoire préalable à la mise en œuvre de la procédure de l’article L. 133-8-7 par laquelle l’organisme chargé du recouvrement notifie au prestataire concerné les sommes qui lui ont été versées à tort, lui demandant de s’en acquitter ou de formuler des observations sous un délai de trente jours.
● Ces dispositions visent globalement à ajuster les modalités de contrôle des particuliers employeurs pour le dispositif mis en place pour les organismes de service à la personne, car celui-ci organise l’intermédiation du paiement de factures entre un prestataire et son client. Il est donc nécessaire d’adapter le cadre législatif à la nouvelle nature de cette créance. Ce sont ainsi les organismes du recouvrement qui assureraient le contrôle des déclarations de prestations de services à la personne transmises dans le dispositif d’avance immédiate du crédit d’impôt.
En particulier, les services de l’État ont pu constater que des stratégies de fraude pouvaient être mises en place par des prestataires seuls ou aidés de clients complices. Divers mécanismes permettraient aux prestataires de recueillir frauduleusement la part non financée du crédit d’impôt portant sur des prestations fictives ([107]). Or, le cadre juridique actuel, entièrement conçu pour les missions de recouvrement des Urssaf, ne prévoit pas ce cas de figure. Il importe donc d’établir une base légale pour ces contrôles par les organismes de recouvrement. En confiant cette mission aux Urssaf, la supervision de l’usage de ce dispositif offrira également l’occasion de détecter d’autres fraudes sociales, notamment la sous-déclaration de chiffres d’affaires (micro-entrepreneurs) ou même le travail non-déclaré (prestataires de services). Des contrôles croisés seront possibles.
B. Un ajustement du calendrier de mise en œuvre de la réforme de l’avance immÉdiate
Les conclusions partielles de l’expérimentation menée depuis 2020 et des premières phases de généralisation du dispositif depuis 2022 rendent nécessaire d’ajuster le calendrier de généralisation pour certains publics afin de garantir que toutes les dispositions techniques soient prises pour un bon déploiement de l’avance immédiate. Deux modifications de calendrier sont proposées en ce qui concerne la garde d’enfants de plus 6 ans ainsi que les bénéficiaires de l’APA et de la PCH.
1. L’anticipation du calendrier pour la garde d’enfants de plus de 6 ans
Le A du IV propose de modifier l’article 13 de la LFSS 2022 qui procède à la généralisation de l’expérimentation de l’avance immédiate. Il s’agit d’anticiper cette généralisation au 1er janvier 2023 – au lieu du 1er janvier 2024 – pour la garde d’enfants de plus de 6 ans, qui ne permet pas de recevoir d’aides sociales comme le complément de libre choix du mode de garde ou la Paje. Il s’avère donc possible d’anticiper le bénéfice de cette réforme pour tous les parents d’enfants de plus 6 ans ayant recours à une garde d’enfant.
Toutefois, le D du IV prévoit une dérogation à ces dispositions afin de faire profiter au plus tôt de ce nouveau dispositif et de faire coïncider ce calendrier avec celui de l’année scolaire, en prévoyant que les parents ayant recours à la garde d’enfants de moins 6 ans pourront bénéficier de l’avance immédiate dès le 1er septembre 2022.
Afin d’assurer la distinction, jusqu’ici inexistante, entre les gardes d’enfants de plus ou moins 6 ans, le A du IV l’introduit au IV de l’article 13 de la LFSS 2022, en mentionnant que cette entrée en vigueur anticipée s’applique, pour les particuliers employeurs recourant à l’emploi direct, à la garde d’enfant âgé de 6 ans et plus au 1er janvier de l’année des prestations à domicile. Le A du IV précise également que, pour les activités de garde d’enfant à domicile pour un enfant âgé de moins de 6 ans au 1er janvier de l’année des prestations, l’entrée en vigueur se fera à compter d’une date fixée par décret ou au plus tard le 1er janvier 2024, c’est‑à‑dire la date prévu initialement dans la LFSS 2022.
Le B du IV procède, en conséquence, à des modifications similaires pour les prestations de services réalisées par des personnes morales ou des entreprises individuelles, qui entreraient dans le cadre du dispositif de l’avance immédiate, au 14 juin 2022 ([108]) pour ce qui concerne les services aux personnes dépendantes, au 1er janvier 2023 pour les prestations de garde d’enfants âgés de plus de 6 ans et au 1er janvier 2024 pour les prestations de garde d’enfants âgés de moins 6 ans ainsi que pour l’accueil des enfants réalisé par des assistants maternels agréés.
Le C du IV adapte, en conséquence, la date d’application des dispositions prévues à l’article L. 133-8-3 du code de la sécurité sociale (3° du I de l’article 13 de la LFSS 2022), qui encadre le cas d’un employeur bénéficiant de la prise en charge des cotisations et contributions sociales en tant que bénéficiaire de l’APA ou de la PCH, lorsque ces allocations sont versées sous la forme d’un Cesu préfinancé. Le montant de cette prise en charge est alors déterminé par l’organisme de recouvrement au vue des éléments déclarés par l’employeur. Ces dispositions ne s’appliquent qu’à partir d’une date fixée par décret et au plus tard le 1er janvier 2024 (au lieu du 1er janvier 2023).
2. Le remodelage partiel et la révision du calendrier de l’expérimentation de l’avance immédiate
a. La prolongation de l’expérimentation pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH
Le III modifie l’article 20 de la LFSS 2020 qui engage l’expérimentation de l’avance immédiate pour les services relevant de l’assistance aux personnes âgées, handicapées ou autres personnes ayant besoin d’une aide personnelle à leur domicile ou d’une aide à la mobilité et du service aux personnes à leur domicile relatifs aux tâches ménagères ou familiales.
Le A du III reporte à une date fixée par décret, et au plus tard au 31 décembre 2023, la date d’échéance de cette expérimentation, pour l’instant fixée au 31 décembre 2022. En effet, comme l’indique l’étude d’impact, une généralisation du dispositif pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH en 2023 conduirait à adopter une « solution technique relativement simple ne répondant aux besoins de tous les départements ». L’expérimentation a permis, depuis 2020, d’identifier certaines difficultés, notamment :
– la forte disparité des systèmes et des besoins des départements, nécessitant une harmonisation des outils informatiques ;
– la demande, formulée par les départements, de mettre en place des flux de données et financiers avec l’Urssaf Caisse nationale ;
– les enjeux liés à la capacité des bénéficiaires de l’APA et de la PCH de s’approprier un système exclusivement dématérialisé, pouvant nécessiter des financements complémentaires et d’une assistance ;
– la capacité des prestataires à s’équiper de systèmes informatiques pouvant s’interfacer avec le dispositif mis en place.
Le report de la date de généralisation du dispositif pour les bénéficiaires de l’APA et de la PCH au 1er janvier 2024 apparaît donc une option permettant à la fois de s’assurer que les meilleures solutions techniques seront trouvées et d’expérimenter le crédit d’impôt pour ceux qui recourent à un organisme prestataire. Cela ne pouvait, en effet, pas se faire avant le déploiement du dispositif pour le crédit d’impôt seul.
Toujours selon l’étude d’impact, le temps supplémentaire octroyé à cette expérimentation permettrait de réaliser plusieurs chantiers, notamment :
– construire le parcours d’inscription des bénéficiaires de l’APA et de la PCH dans le dispositif d’avance immédiate, en coordination avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie et les départements ;
– développer une interface partagée pour que les départements puissent consulter les niveaux de consommation de l’APA et de la PCH mises en paiement dans le cadre du dispositif ;
– adapter le Cesu pour mieux y insérer les mandataires ;
– expérimenter l’avance immédiate pour les bénéficiaires de l’APA ou de la PCH recourant à un prestataire (service d’aide à domicile ou services polyvalents d’aide et de soins à domicile).
Les discussions entre l’État, les organismes de protection sociale et les départements s’organisent depuis 2020 autour d’une comitologie spécifique au projet, distinguant :
– un comité des partenaires chargé d’informer sur l’état d’avancement de l’expérimentation, les décisions rendues ou envisagées et de recueillir les avis sur les orientations prises et de préparer le déploiement du dispositif ([109]) ;
– un comité des expérimentateurs visant à informer un cercle plus restreint d’acteurs sur le fonctionnement du dispositif et ses prochaines étapes, mais également pour signaler les anomalies et proposer des améliorations au dispositif expérimental ([110]).
Les prochains comités se tiendront au cours du quatrième trimestre 2022. Ils fixeront le calendrier des travaux sur l’année 2023. Des ateliers de travail spécifiquement dédiés aux bénéficiaires de l’APA et de la PCH seront également mis en place.
b. L’élargissement de l’expérimentation aux activités de garde d’enfants
● Le A du III propose d’intégrer la possibilité de mettre en œuvre le cadre expérimental prévu par l’article 20 de la LFSS 2019 pour élargir le dispositif à la garde d’enfant. Cela passe par l’ajout, au 1 du I de l’article 20 de la LFSS 2019, de la mention du 1° de l’article L. 7231-1 du code du travail – la garde d’enfants ([111]). En parallèle, le B du III inclut dans ce champ expérimental de nouvelles aides, le crédit d’impôt service à la personne ([112]) et le crédit d’impôt garde d’enfant de moins de 6 ans hors du domicile ([113]).
Le Gouvernement indique, dans l’étude d’impact, que « cette faculté ne sera utilisée que si les travaux de conception en montrent la nécessité, le dispositif Pajemploi étant par construction mieux connu que l’APA-PCH par l’Acoss qui en assure la gestion au même titre que le Cesu ». En effet, compte tenu de la refonte du complément de mode de garde et de Pajemploi prévue pour 2024, il apparaît pertinent de se donner les moyens d’expérimenter l’avance immédiate pour ces activités.
● En conséquence, le C du III supprime le deuxième alinéa du II de l’article 20 de la LFSS 2020, qui mentionne le b du 2 du I qu’il est proposé de modifier. Le D du III procède également à des modifications de conséquence, dans la mesure où plusieurs aides supplémentaires sont désormais incluses dans l’expérimentation et où il importe de mentionner les deux articles 199 sexdecies et 200 quater B du code général des impôts.
● Le E du III tire également les conséquences des précédentes modifications en supprimant la mention de la durée de trois ans de l’expérimentation, et en précisant que celle-ci se déroule sans préjudice du versement des aides mentionnées aux b à d du 3 du I. Sur le même modèle que le D du III, le c du E du III tire les conséquences de la nécessité de mentionner non seulement l’article 199 sexdecies du code général des impôts mais également désormais l’article 200 quater B de ce même code.
● Enfin, le d du E du III ajoute la prestation mentionnée à l’article L. 531‑8‑1 du code de la sécurité sociale, c’est-à-dire le complément de libre choix du mode de garde, dans le périmètre du rapport que le Gouvernement rendra au Parlement. Il s’agit d’évaluer l’impact de l’avance remboursable sur la participation financière des bénéficiaires de cette prestation, en plus de celles déjà mentionnées dans l’article, à savoir l’APA et la PCH. L’objectif consiste à mettre en cohérence le périmètre du rapport du Gouvernement avec l’élargissement du champ de l’expérimentation.
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Article 6
Modernisation du contrôle, du recouvrement social et du droit des cotisants
Adopté par la commission sans modification
Le présent article vise quatre principaux objectifs :
– poursuivre la simplification des modalités déclaratives en harmonisant ces dernières autour de la déclaration sociale nominative (DSN), qui centralise déjà les déclarations des employeurs, en l’étendant notamment aux caisses de congés payés et en améliorant la fiabilité du processus de correction de la DSN entre administrations ;
– améliorer l’efficacité des moyens de contrôle en facilitant celui des groupes par plusieurs agents d’inspection, en renforçant les sanctions pour travail dissimulé tout en encourageant au versement de pénalités par les entreprises donneuses d’ordre et en pérennisant l’expérimentation de la loi dite « Essoc » ([114]) en faveur de contrôles courts pour les entreprises de moins de vingt salariés ;
– protéger les cotisants contrôlés par le biais notamment d’une meilleure mise en œuvre de la période du « contradictoire » dans le régime agricole ;
– une adaptation à la marge du processus d’unification du recouvrement.
I. L’État du droit : une protection des cotisants contrÔlÉs, une lutte contre le travail dissimulÉ dÉlicate
A. la protection du cotisant contrÔlÉ
Engagé dans un processus d’amélioration des modalités de contrôle du paiement à bon droit des cotisations et contributions sociales, le réseau des Urssaf, qui accomplit cette mission principalement pour le régime général, s’assure du respect du contradictoire dans le dialogue avec l’entreprise contrôlée, mais aussi de l’information de cette dernière par le biais de la charte du cotisant contrôlé ([115]). Celle‑ci, dans sa version 2022, offre un modèle d’information des entreprises afin de les accompagner dans une procédure naturellement source de fréquentes incompréhensions.
Cette amélioration de l’information, particulièrement utile pour les entreprises les plus petites, s’est doublée d’un engagement du réseau de recouvrement dans le sens d’une restriction des contrôles dans le temps pour les très petites entreprises. Le dispositif selon lequel les vérifications menées au sein des entreprises de moins dix salariés ou auprès des travailleurs indépendants ne peuvent, sauf exception, durer plus de trois mois entre leur début effectif et l’envoi de la lettre d’observation qui les clôt ([116]), a ainsi été étendu de manière expérimentale, pour une durée de trois ans, dans le cadre de la loi « Essoc » précitée, aux entreprises de moins de vingt salariés.
Il apparaît, au regard des réponses de la direction de la sécurité sociale aux questions de la rapporteure générale comme des données présentes dans l’étude d’impact du présent article, que cette expérimentation a porté ses fruits, même si près de la moitié des contrôles ont été étendus – en raison principalement du retard ou de l’absence de transmission des pièces demandées par les Urssaf auprès des cotisants contrôlés.
B. La lutte contre le travail dissimulÉ, un taux de recouvrement des sommes éludÉes encore trop bas
Dans le cadre de leurs attributions quant au contrôle des cotisants, les agents des réseaux de recouvrement de la sécurité sociale participent naturellement, au côté des inspecteurs du travail, à la lutte contre le travail dissimulé. Celle-ci, notamment par le biais d’un meilleur partage d’information entre les administrations concernées, se traduit par une amélioration progressive du taux de redressement. Pour autant, cette augmentation ne se traduit pas par une augmentation du recouvrement des montants éludés : l’étude d’impact relative au présent article fait état d’un taux de recouvrement de 6,8 % des sommes évaluées.
Cet état de fait, selon les analyses portées à l’attention de la rapporteure générale par le Gouvernement, tient :
– à la structure même des entreprises fraudeuses qui peuvent ne reposer sur aucune réalité matérielle ou financière. Une fois la fraude démontrée, l’entreprise « coquille vide » n’a plus d’existence et le paiement des sommes dues devient alors impossible ;
– à l’organisation par les fraudeurs de l’insolvabilité de leur entreprise pour échapper à toute sanction ;
– de l’alourdissement des sanctions prévues par le droit qui, quoique parfaitement judicieux et fondé, abaisse mécaniquement le taux de recouvrement au regard des sommes en jeu.
II. Le dispositif proposÉ : Une poursuite de la simplification des modalitÉs déclaratives au bÉnÉfice des cotisants et une amÉlioration des moyens de contrÔle au profit de l’Établissement des droits des assurÉs
A. La simplification dÉclarative
1. Harmoniser les modalités déclaratives des employeurs
La maturité à laquelle est parvenu le dispositif de déclaration des rémunérations et des caractéristiques du contrat de travail par le biais de la DSN permet d’étendre son champ d’application tout en apportant des améliorations.
a. L’amélioration de la fiabilité de la DSN
Outre une modification rédactionnelle renvoyant chaque employeur à l’organisme de recouvrement dont il dépend et non à un organisme désigné par décret, le a) du 2° du I du présent article précise l’obligation à laquelle sont tenus les employeurs de procéder à la correction des données incomplètes ou inexactes transmises aux organismes de recouvrement au cours des mois qui suivent l’envoi de la déclaration erronée.
L’amélioration des modalités de correction des DSN passe aussi par une organisation plus efficace de l’administration dans la collecte des données qui en sont issues. C’est pourquoi le 3° du présent article prévoit que la phase de correction des données déclarées comprendra des échanges d’information permettant à l’organisme de recouvrement territorialement compétent de traiter l’ensemble des demandes de correction des administrations récipiendaires des informations contenues dans la DSN. Dans une logique de « Dites-le nous une fois », les administrations compétentes éviteront ainsi des remarques ou des demandes superfétatoires d’information aux déclarants.
Ces dispositions doivent entrer en vigueur au 1er janvier 2024.
b. L’extension du recours à la DSN
Initialement concentrée sur la déclaration des rémunérations, la DSN a vocation à s’étendre à l’ensemble des sommes versées par des organismes autres que les employeurs mais qui sont néanmoins susceptibles d’être imposables ou soumises à cotisations ou contributions sociales. Ainsi, le b) du 2° du I du présent article étend-il, à compter du 1er janvier 2024, l’obligation déclarative par le biais de la DSN aux organismes versant ces sommes ou des prestations sociales inscrites sur une liste fixée par arrêté.
Cette extension s’applique particulièrement, en application du d) du 2° du I, aux caisses de congés payés inscrites dans la loi en 2016 ([117]). Ces caisses, qui interviennent principalement dans les secteurs du bâtiment et des travaux publics (BTP), du transport et des activités portuaires, constituent des tiers qui versent des rémunérations. Concrètement, ces caisses perçoivent des cotisations versées par les employeurs affiliés et versent les indemnités de congés payés ainsi que les cotisations et contributions afférentes. Seules font exception la contribution au fonds national d’aide au logement (FNAL), le « versement mobilité » et les contributions pour le financement de la formation professionnelle, à la charge directe des employeurs.
Le montant versé par ces caisses aux organismes de recouvrement se fonde sur une assiette correspondant aux cotisations versées par les employeurs pour financer les congés payés, assiette à laquelle sont appliqués les taux suivants ([118]) :
– 5,09 % pour les caisses de congés payés dans le secteur du BTP en métropole ;
– 3,55 % pour les caisses de congés payés dans le secteur du BTP situées dans les départements d’outre-mer ;
– 3,66 % pour les autres secteurs.
Ces caisses devront désormais, sur la base des informations issues des échanges avec les employeurs affiliés, procéder à une déclaration par DSN, garantissant une plus grande fiabilité des données.
B. L’amÉlioration des moyens de contrÔle
1. La lutte contre le travail dissimulé
a. Renforcer l’efficacité de la lutte contre le travail illégal dans le cadre de contrats de prêt de main-d’œuvre
Pour améliorer le taux de recouvrement des pénalités appliquées aux entreprises de travail temporaire qui ont recouru à du travail dissimulé, le présent article vise à la fois une plus grande proportionnalité des sanctions et un renforcement de la solidarité financière entre le donneur d’ordre et son co-contractant.
En ce qui concerne le renforcement de la solidarité financière, le c) et le d) du 1° du I suppriment le plafond auquel était soumise jusqu’ici l’annulation des réductions et exonérations de cotisations et de contributions sociales, à hauteur de 15 000 euros pour une personne physique et de 75 000 euros pour une personne morale, par mois, pour les donneurs d’ordre récidivistes. En pratique, lorsqu’un donneur d’ordre a déjà fait l’objet d’une annulation de réductions ou d’exonérations de cotisations dans les cinq ans qui précèdent le constat d’un manquement aux obligations de vigilance, cette même annulation peut porter sur l’ensemble des exonérations ou réductions appliquées aux salaires des travailleurs dont la déclaration est frauduleuse.
Le renforcement des sanctions est modulé par une plus grande proportionnalité dans leur application aux donneurs d’ordres, inscrite au 6° du présent article. Celui-ci étend en effet aux donneurs d’ordre le dispositif de réduction de dix points du taux de majoration du redressement en cas de travail dissimulé dès lors que la personne contrôlée :
– procède au règlement intégral des cotisations, pénalités et majorations de retard notifiées dans un délai de trente jours à compter de la mise en demeure ;
– présente un plan d’échelonnement du paiement au directeur de l’Urssaf concernée et que celui-ci l’a accepté, dans le même délai.
Cette diminution des taux n’est pas applicable en cas de constatation de travail dissimulé dans les cinq ans qui suivent la notification d’une situation similaire. Elle se traduit par une majoration maximale du montant du redressement à hauteur de :
– 15 % pour le constat de dissimulation d’activité ou de dissimulation d’emploi ;
– 30 % pour la dissimulation d’emploi d’un mineur ou d’une personne vulnérable ([119]).
b. Adapter le contrôle aux spécificités du secteur agricole
L’affiliation au régime général est, sauf dispositions expresses, la conséquence de toute relation de travail salarié entre une personne et un employeur, comme il est affirmé de manière récurrente par la jurisprudence ([120]). S’agissant des salariés ayant une activité agricole, ceux-ci sont affiliés au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles en application de l’article L. 722-20 du code rural et de la pêche maritime.
Or, certaines entreprises de travail temporaire qui mettent à disposition des salariés pour des activités agricoles étendent également leurs activités au régime général. En cas de fraude au travail détaché notamment, les salariés faussement déclarés relèvent dans ce cas du régime général, en dépit du fait qu’ils exercent des activités agricoles. Il s’ensuit une impossibilité pour les agents de contrôle de la MSA (caisse de mutualité sociale agricole) de poursuivre leurs vérifications au-delà du constat de fraude et notamment de procéder au redressement. Les temps d’échange entre les MSA et les Urssaf pour poursuivre l’activité de contrôle sont autant de temps perdu au détriment de l’effectivité de la procédure.
C’est pourquoi les 2° et 3° du II du présent article modifient les modalités d’assujettissement des travailleurs concernés de la façon suivante :
– le 2° étend l’assujettissement au régime de protection sociale des salariés des professions agricoles les salariés d’entreprises de travail temporaire mis à disposition d’entreprises utilisatrices. Cet assujettissement, actuellement réservé aux activités énumérées à l’article L. 722-1 du code rural et de la pêche maritime ([121]) comprendrait alors l’ensemble des activités couvertes par le régime de protection sociale des salariés des professions agricoles défini à l’article L. 722-20 du même code ;
– le 3° prévoit explicitement que les salariés employés par des entreprises de travail temporaire établies à l’étranger qui détachent des travailleurs en France dans le secteur agricole sont rattachés, dès lors qu’il apparaît que les conditions nécessaires au détachement ne sont pas remplies, au régime applicable aux salariés agricoles. Cet assujettissement se fait donc indépendamment des activités que peut mener par ailleurs l’entreprise de travail temporaire.
2. Un raccourcissement du délai de contrôle pour les entreprises de moins de vingt salariés
À la suite de l’expérimentation susmentionnée dans le cadre de la loi dite « Essoc » susmentionnée, le 7° du présent article prévoit d’étendre, des entreprises employant moins de dix salariés et des travailleurs indépendants aux entreprises employant moins de vingt salariés, le plafonnement du délai applicable au contrôle.
L’organisme de contrôle devra donc achever ses vérifications en moins de trois mois, délai qui sépare le début du contrôle de l’envoi de la lettre d’observations. Cette période pourra toutefois être prorogée une fois à la demande expresse de la personne contrôlée ou de l’organisme de recouvrement.
Les exceptions actuelles à ce délai (constat de travail dissimulé, obstacle à contrôle, abus de droit, documentation inexploitable), continueront de s’appliquer à l’ensemble des entreprises de moins de vingt salariés. Mais les d et e du 7° du I prévoient deux dérogations supplémentaires en cas :
– d’envoi de la documentation nécessaire au contrôle par la personne contrôlée plus de quinze jours après la réception de la demande de celle-ci ;
– de report d’une visite de l’agent de contrôle à la demande de la personne contrôlée.
S’il existe un certain nombre de garde-fous permettant d’approfondir au besoin les visites de contrôle – soit en raison de lenteurs indépendantes de la volonté de l’agent chargé du contrôle, soit à la suite de la découverte de faits justifiant un contrôle plus poussé –, l’extension de ce délai accéléré aux entreprises de moins de vingt salariés est à la fois de nature à encourager la diligence des personnes contrôlées et à donner de la visibilité à leur programme de contrôle.
3. Une plus grande efficacité dans le contrôle des entreprises appartenant au même groupe
Le 5° du I du présent article rétablit un article L. 273-7-4 au sein du code de la sécurité sociale dans le but de lever une difficulté propre au contrôle des entreprises appartenant à un groupe. Les entreprises sont réputées appartenir à un même groupe lorsque :
– soit l’une détient plus de la moitié du capital de l’autre ou de plusieurs autres, alors considérées comme des filiales ([122]) ;
– soit l’une contrôle l’autre ou plusieurs autres par le biais de la majorité des votes ou lorsqu’elle dispose d’un pouvoir de nomination ou de révocation de la majorité des membres des organes d’administration, de direction ou de surveillance des entreprises contrôlées ([123]).
Or, en dépit de ces liens structurants entre sociétés, les agents de contrôle des Urssaf ne peuvent exploiter les documents et informations récolés à l’occasion du contrôle de l’une des entreprises d’un groupe lors du contrôle d’une autre entreprise de ce même groupe. C’est une interprétation constante de la Cour de cassation, qui estime que les dispositions de l’article R. 243-59 du code de la sécurité sociale s’interprètent de manière stricte et que, partant, seuls les informations et documents émanant de la personne contrôlée peuvent être utilisés dans le cadre du contrôle ([124]).
Le 5° du I du présent article entend lever l’obstacle à l’efficience du contrôle que représente cette interprétation stricte en permettant aux agents chargés du contrôle d’utiliser l’ensemble des informations et documents issus du contrôle de toute autre personne morale appartenant au même groupe.
En contrepartie de cette extension, les personnes contrôlées pourront se voir communiquer la teneur et l’origine de ces documents ou informations, et le cas échéant en obtenir une copie. Ce faisant, l’article prévoit des garanties comparables à celles qui s’appliquent dans le cadre du contrôle classique d’une personne morale, comme la communication au représentant légal d’un ensemble de documents qui ont fondé les observations de l’agent de contrôle.
Le 6° du II du présent article étend ces dispositions aux agents chargés du contrôle de la MSA.
4. Diverses dispositions d’harmonisation de la situation de la personne contrôlée
Dans le mouvement de rapprochement des droits du contrôle des régimes agricole et général, le 1° du II modifie l’article L. 724-11 du code rural et de la pêche maritime afin d’ouvrir un nouveau droit aux personnes contrôlées par les agents de la MSA. Elles pourront ainsi, à l’instar des personnes affiliées depuis la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019 ([125]), bénéficier d’une reconduction de la période contradictoire qui sépare la réception de la lettre d’observation et l’envoi de la mise en demeure. Concrètement, le cotisant contrôlé pourra ainsi demander à prolonger de trente jours la période contradictoire, sous réserve de :
– le faire pendant la période contradictoire initiale de trente jours ;
– ne pas avoir commis d’abus de droit tel que défini à l’article L. 725-5 du code rural et de la pêche maritime ou d’une infraction constitutive de travail illégal (travail dissimulé, marchandage, prêt illicite de main-d’œuvre, emploi d’étranger qui n’est pas autorisé à travailler).
C. Diverses dispositions sur l’unification du recouvrement
1. Le maintien des modalités de recouvrement des cotisations du régime des mines
Le présent article adapte à la marge le mouvement d’unification du recouvrement des cotisations sociales au bénéfice du réseau des Urssaf, commencé notamment dans le cadre des précédentes lois de financement ([126]). Le 4° du I rationalise ainsi la partition entre les régimes dont les cotisations ont vocation à être recouvrées par le réseau des Urssaf et ceux dont les spécificités imposent des modalités particulières de recouvrement.
Au titre de l’article L. 213-1-1 du code de la sécurité sociale, les Urssaf devraient ainsi assurer le recouvrement de l’ensemble des cotisations de sécurité sociale des personnes affiliées au régime des mines, à l’exception des cotisations d’assurance vieillesse. Or, ce recouvrement, assuré pour le compte du régime par la Caisse des dépôts et consignations (CDC), est destiné à s’amenuiser puisque le régime spécial des mines a été « fermé » en 2010 à tout nouveau cotisant ([127]).
Ce transfert de recouvrement d’une partie des cotisations n’est source ni de simplification pour les employeurs, ni d’efficience pour les organismes de recouvrement. Il est donc proposé d’y renoncer en prévoyant que les Urssaf renoncent à collecter les cotisations dont elles n’assuraient pas le recouvrement au 1er janvier 2020, s’agissant de régimes comptant moins de 500 employeurs redevables et acquittant globalement moins de 500 millions d’euros de cotisations d’assurance vieillesse par an.
2. L’harmonisation de l’assiette des cotisations d’assurance vieillesse des clercs et employés de notaires
En application de l’article 3 de la loi du 12 juillet 1937 instituant la caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaires (CRPCEN) ([128]), l’assiette des cotisations payées par les notaires, les clercs et les employés des études notariales, des chambres de notaires et des caisses de garantie, pour couvrir leurs prestations de retraite et de prévoyance, se compose de l’ensemble « des salaires, gratifications et avantages de toute nature alloués par les employeurs aux clercs et employés, sans exception ni réserve ».
Cette assiette est plus large que celle du régime général, dont sont exemptés un certain nombre d’avantages en nature ([129]). Le III aligne donc l’assiette des cotisations susmentionnées sur celle des cotisations du régime général, ce qui correspond, selon le Gouvernement, à la pratique actuelle de la CRPCEN.
3. L’harmonisation des relations entre le réseau de recouvrement agricole et les régimes attributaires de cotisations et contributions recouvrées
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2020 ([130]) a engagé un mécanisme de rationalisation des relations entre le réseau des Urssaf, en charge du recouvrement des cotisations et des contributions d’un certain nombre de régimes, et les attributaires finaux de ces ressources. Il a ainsi été prévu, à l’article L. 225‑1‑1 du code de la sécurité sociale, parmi les missions de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, « la notification et le versement à chaque attributaire des sommes recouvrées qui lui reviennent », « à hauteur du montant des sommes dues par les redevables, après application d’un taux forfaitaire fixé au regard du risque de non-recouvrement d’une partie de ces sommes. » Ce taux forfaitaire a été fixé par arrêté à 2 % pour la période 2021-2026 ([131]).
Le 5° du II du présent article prévoit un dispositif similaire pour la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA), qui assure le recouvrement de cotisations et contributions dues au titre des régimes de protection sociale agricole, mais aussi :
– depuis le 1er janvier 2022, de l’ensemble des cotisations dues pour les risques maternité, maladie, vieillesse, invalidité, décès, accidents du travail et maladies professionnelles des industries électriques et gazières pour les salariés des sociétés d’intérêt collectif agricole en électricité (SICAE) ;
– depuis 2017, de l’ensemble des cotisations du régime de retraite complémentaire, dont l’attributaire est l’Agirc-Arrco.
Les contributions et cotisations concernées par le versement de la CCMSA aux attributaires relèvent du même champ que celles versées par l’Urssaf-Caisse nationale en application du 5° de l’article L. 225-1-1 du code de la sécurité sociale. Ce versement est minoré, comme pour le régime général, d’un taux forfaitaire fixé au regard du risque de non-recouvrement des cotisations et contributions dues. Ce taux devra également être fixé par arrêté interministériel à compter de l’entrée en vigueur du dispositif, fixée par le VI du présent article au 1er janvier 2025, voire au plus tard au 1er janvier 2026 si un décret est pris en ce sens.
4. Une mesure rédactionnelle relative au transfert de cotisations dues par les agents des collectivités locales
Le IV aligne la date d’entrée en vigueur du transfert de la collecte de la cotisation due au titre de l’allocation temporaire d’invalidité des agents des collectivités locales (ATIACL) sur celle des autres cotisations actuellement recouvrées par la CDC, à savoir les périodes d’activité courant à compter du 1er janvier 2023.
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Article 7
Prolonger le dispositif d’exonération lié à l’emploi de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi (TO‑DE)
Adopté par la commission avec modifications
Compte tenu des difficultés persistantes auxquelles font face les entreprises agricoles à la suite de la crise sanitaire, des événements d’Ukraine, du réchauffement climatique et des épisodes de gel et de sécheresse, cet article propose de prolonger le dispositif d’exonération de cotisations patronales pour les employeurs de travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi pour une année supplémentaire, soit jusqu’au 1er janvier 2024. Ce dispositif, déjà prolongé d’un an en LFSS 2022, permet, sous certaines réserves, d’exonérer totalement de cotisations patronales un employé dont la rémunération est inférieure à 1,2 Smic puis de façon dégressive jusqu’à 1,6 Smic.
I. L’État du droit : le dispositif « TO‑DE », devant s’Éteindre en 2023, constitue un soutien important face aux crises et À la concurrence internationale en faveur des exploitants agricoles employant des travailleurs saisonniers
A. Une exonÉration ciblÉe visant À soutenir les exploitations agricoles employant des travailleurs saisonniers
1. Un dispositif favorable aux employeurs de travailleurs saisonniers dans le domaine agricole
● Le dispositif « travailleurs occasionnels et demandeurs d’emploi » (TO‑DE) a été imaginé en faveur des employeurs de travailleurs occasionnels dans l’objectif de soutenir la compétitivité des entreprises concernées face à la concurrence internationale. Il s’agit principalement des employeurs de travailleurs saisonniers dans le domaine agricole.
Cette exonération visait plus précisément à satisfaire deux objectifs complémentaires : soutenir les filières agricoles, employant le plus massivement ce type d’employés, et limiter le recours au travail non déclaré. Elle est codifiée au sein du code rural et de la pêche maritime ([132]).
a. Les employeurs pouvant bénéficier de l’exonération de cotisations patronales
● Si la plupart des employeurs relevant de la mutualité sociale agricole (MSA) peuvent bénéficier de cette exonération, certains d’entre eux sont exclus du bénéfice de ce dispositif, notamment :
– les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) ;
– les coopératives de transformation, conditionnement et commercialisation ;
– les entreprises paysagistes ;
– les structures exerçant des activités de tourisme à la ferme ;
– les entreprises de services (caisses de MSA, groupements professionnels agricoles, chambres d’agriculture) ;
– les artisans ruraux ;
– les entreprises de travail temporaire (ETT) et les entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI) ;
– les entreprises de travaux agricoles, ruraux et forestiers (ETARF).
b. Les travailleurs concernés
● Les travailleurs concernés doivent remplir deux conditions relatives à leur contrat de travail et aux tâches qui leur sont demandées. Les contrats de travail concernés sont les suivants :
– CDD à caractère saisonnier ;
– CDD d’usage ;
– contrat vendanges ;
– CDD d’insertion (CDDI) conclu par une entreprise d’insertion ou par une association intermédiaire ;
– CDD CIE (contrat initiative emploi, conclu notamment dans le cadre du contrat unique d’insertion).
– CDI conclu avec un demandeur d’emploi (inscrit à Pôle emploi depuis au moins quatre mois ou depuis au moins un mois si cette inscription fait suite à un licenciement) par un groupement d’employeurs composé exclusivement de membres exerçant les activités éligibles à l’exonération.
Leurs tâches doivent concerner le cycle de la production animale et végétale ([133]), les travaux forestiers ou des activités constituant le prolongement direct de l’acte de production ([134]).
● D’après la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) ([135]), entre avril 2018 et mars 2019, la France comptait environ 1 050 000 personnes en contrat saisonnier, dont un quart dans le domaine de l’agriculture. Les saisonniers représentent plus d’un tiers de l’ensemble des salariés agricoles, avec une intensification des recrutements en juillet et août principalement pour la culture des légumes et des fruits, puis en septembre pour les vendanges. Il s’agit le plus fréquemment d’employés ou d’ouvriers non qualifiés, en moyenne plus jeunes quand ils exercent dans des filières agricoles.
Les contrats agricoles duraient en moyenne, sur cette même période, 73 jours ([136]), soit une durée supérieure à la moyenne des contrats saisonniers tous secteurs confondus (67 jours). Le travail saisonnier agricole concerne en particulier le sud de la France : 50 % du volume de travail saisonnier annuel est concentré dans les régions Nouvelle-Aquitaine, Occitanie et Provence-Alpes-Côte d’Azur.
c. Le fonctionnement et le coût de l’exonération
● Le dispositif est limité à une durée d’emploi de 119 jours ouvrés par année civile pour un même salarié. Il n’est pas cumulable avec une autre exonération de cotisations patronales, en particulier les allégements généraux dits « Fillon ». Dans la version en vigueur, l’exonération de cotisations patronales est totale pour les travailleurs occasionnels dont les revenus sont inférieurs à 1,2 Smic ; elle est ensuite dégressive jusqu’à 1,6 Smic.
Exonérations sur la rémunération des TO‑DE depuis 2019
Source : Assemblée nationale, rapport n° 3432 de M. Thomas Mesnier, Mmes Caroline Janvier et Monique Limon, et MM. Cyrille Isaac-Sibille et Paul Christophe fait au nom de la commission des affaires sociales sur le PLFSS 2021, 15 octobre 2020.
Les cotisations concernées sont celles prévues l’article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.
Cotisations intÉgrÉes dans le champ de l’exonÉration To-DE
|
Cotisation |
Taux (pour un salarié au Smic) |
|
Maladie, maternité, invalidité, décès |
7 % |
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Vieillesse (plafonnée et déplafonnée) |
10,45 % |
|
Allocations familiales |
3,45 % |
|
Accidents du travail |
Taux variable |
|
Assurance chômage |
4,05 % |
|
Retraite complémentaire agricole |
6,22 % |
|
Contribution solidarité autonomie |
0,3 % |
|
FNAL |
0,1 % ou 0,5 % |
|
Total |
31,21 % ou 31,71 % |
Source : Assemblée nationale, rapport n° 3432 de M. Thomas Mesnier, Mmes Caroline Janvier et Monique Limon, et MM. Cyrille Isaac-Sibille et Paul Christophe fait au nom de la commission des affaires sociales sur le PLFSS 2021, 15 octobre 2020.
● D’après le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale ([137]), « l’exonération TODE a reculé de façon drastique [entre 2020 et 2021] (– 21,6 %), suite au contrecoup de l’effet comptable 2020 et à l’épisode de gel du mois d’avril qui a fortement pesé sur certains secteurs d’activité agricole (vergers et vignes en particulier) ».
Montant de l’exonÉration « TO‑DE » entre 2019 et 2022
(en millions d’euros)
|
Année |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 (prévision) |
|
Coût de l’exonération TO‑DE (variation en %) |
352 (– 10,8 %) |
438 (+ 20,4 %) |
343 (– 21,6 %) |
362 (+ 5 %) |
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022.
2. Un dispositif ancien plusieurs fois prolongé
● L’exonération TO‑DE a pris initialement la forme d’un abattement d’assiette de cotisations sociales. D’après la loi du 1er février 1995 ([138]), il s’agissait d’une exonération de cotisations de base de la sécurité sociale.
Au cours des années 2000, le dispositif a été plusieurs fois modifié ([139]). Cependant, il permettait toujours l’application de taux réduits de cotisations « d’assurances sociales » jusqu’à 1,5 Smic. Dès lors, un dispositif dérogatoire était déjà prévu pour permettre une exonération totale de cotisations pour les travailleurs occasionnels de moins de 26 ans, dans la limite d’un mois par an et par salarié.
Cette exception a été supprimée en 2010 ([140]. L’exonération a été transformée pour prendre la forme d’une réduction linéaire de cotisations patronales, lissée en 2013. À ce moment, l’exonération était totale jusqu’à 1,25 Smic puis décroissante jusqu’à 1,5 Smic.
Historique des modifications de l’assiette de l’exonÉration TO‑DE
|
Période |
Textes juridiques |
Champ de l’exonération |
Types de contrats visés par le dispositif |
|
Avant 2010 |
LFSS 2002 (art. 8)
Loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole |
Exonération totale de prestations familiales pour les rémunérations ≤ 1,5 Smic
Taux réduit de moitié pour les rémunérations entre 1,5 et 1,6 Smic |
Tout CDD pour des travailleurs occasionnels
Tout CDD, CDI ou CTI pour les demandeurs d’emploi |
|
2010 à 2013 |
Loi n° 2010-237 de finances rectificatives pour 2010 du 9 mars 2010 (art. 13)
Loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 (art. 144) |
Exonération totale pour les rémunérations ≤ 2,5 Smic
Exonération dégressive pour les rémunérations mensuelles comprises entre 2,5 Smic et 3 Smic
Pas d’exonération pour les rémunérations mensuelles ≥ 3 Smic |
CDD saisonniers ou d’usage (L. 1242‑2 du code du travail)
Pour les demandeurs d’emploi, tout CDD, CDI ou CTI dans un groupement d’employeurs |
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2013 à 2019 |
Loi de finances pour 2013 ([141]) |
Exonération totale pour une rémunération ≤ 1,25 Smic mensuel
Exonération dégressive pour une rémunération comprise entre 1,25 et 1,5 Smic mensuel
Pas d’exonération pour une rémunération ≥ 1,5 Smic mensuel |
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Depuis 2019 |
LFSS 2019 (prolongation du dispositif par la LFSS 2021) |
Exonération totale pour une rémunération ≤ 1,2 Smic
L’exonération s’annule à 1,6 Smic à l’instar des allégements généraux |
Source : commission des affaires sociales.
● Dans le contexte de transition entre la suppression des dispositifs de crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et de crédit d’impôt de taxe sur les salaires (CITS) d’une part, et le renforcement des allégements généraux prévu par la LFSS 2018 d’autre part, la LFSS 2019 avait prévu l’extinction du dispositif TO‑DE au 1er janvier 2021 et le maintien d’un dispositif transitoire au titre des années 2019 et 2020 aux modalités de calcul rénovées prévoyant une nouvelle limite de 1,2 Smic pour l’exonération totale et de 1,6 Smic pour l’exonération dégressive ([142]).
Ce dispositif a été prolongé jusqu’au 1er janvier 2023 à l’occasion de la LFSS 2021 ([143]).
B. Le succÈs de ce dispositif a conduit À le prolonger jusqu’au 1er Janvier 2023
● D’après l’étude d’impact, 73 000 entreprises ont bénéficié du dispositif TO‑DE, soit environ la moitié des entreprises du secteur agricole employant des salariés. Il couvre plus de 900 000 contrats saisonniers pour un volume d’activité de 150 millions d’heures travaillées par an et 1,75 milliard d’euros de masse salariale en 2020.
La rémunération moyenne des travailleurs occasionnels s’élève à 1,14 Smic. À ce niveau de revenu, le mécanisme « TO‑DE » est plus intéressant pour les employeurs, du fait d’une exonération totale des cotisations patronales, que le dispositif des allégements généraux qui permettrait seulement une exonération à un niveau de 67 %.
● La prolongation du dispositif TO‑DE tient à plusieurs raisons, en particulier à sa souplesse. Quoique non cumulable avec une autre exonération de cotisations patronales et applicable uniquement en deçà d’un temps de travail de 119 jours dans l’année, le mécanisme laisse aux employeurs la possibilité de basculer vers le système des allégements généraux dès lors que l’employé aurait dépassé cette limite. En outre, les situations de crise se sont succédé pour les exploitants agricoles depuis la fin des années 2010, ce qui justifie pleinement l’effort financier de l’État pour soutenir un secteur qui subit fortement la concurrence internationale.
II. Le dispositif proposÉ : un report À 2024 de l’abrogation du dispositif « TO‑DE »
Les exploitations agricoles continuent à faire face à des difficultés considérables, en particulier la concurrence internationale et des défis majeurs en lien avec le changement climatique qui affectent directement les cultures – gel, grêle, sécheresse particulièrement violents. En outre, la guerre en Ukraine a remis en cause les filières d’approvisionnement et de vente, déstabilisant économiquement le secteur.
C’est pourquoi il est proposé de prolonger à nouveau le dispositif TO‑DE dans le but de continuer à soutenir les exploitants agricoles qui emploient des travailleurs saisonniers.
Pour cela, le présent article propose de modifier la date d’abrogation du dispositif, inscrite au 4° du III de l’article 8 de la loi n° 2018‑1203 du 22 décembre 2018 de financement de la sécurité sociale pour 2019, afin de substituer au « 1er janvier 2023 » la date du « 1er janvier 2024 ».
D’après l’étude d’impact, cette prolongation du dispositif TO‑DE réduirait les recettes attendues d’environ 551 millions d’euros en droits constatés, dont 377,6 millions d’euros dans le champ ROBSS et 173 millions d’euros hors ROBSS (FNAL, Unédic, Agric-Arrco). Ces sommes pèseront sur l’État puisque le mécanisme fait l’objet d’une compensation intégrale en application de l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale. Toutefois, en cas d’abrogation au 1er janvier 2023, les employeurs auraient eu recours aux allégements généraux pour un coût estimé à 380 millions d’euros.
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* *
Article 8
Renforcement et harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac
Adopté par la commission sans modification
Cet article vise à rehausser les droits d’accises applicables aux produits du tabac dans l’objectif d’en ajuster les prix au regard de la forte inflation que connaît la France. Alors que le droit en vigueur prévoit une augmentation des minima de perception et des tarifs, en se fondant sur l’inflation de l’année N-2 et en plafonnant cette hausse à 1,8 %, il est proposé que cette revalorisation se fonde sur l’inflation hors tabac de l’année N-1 et que cette hausse soit déplafonnée, en limitant uniquement l’augmentation du minimum de perception à 3 %.
Compte tenu de la reconfiguration de la consommation en faveur du tabac à rouler, moins onéreux, il est proposé de faire converger sa fiscalité vers celle des cigarettes avec un relèvement de l’accise de 83,50 euros en 2022 et 89 euros en 2023, portant le prix de la blague de tabac de 30 grammes à 15,03 euros.
En outre, il est proposé de créer une nouvelle catégorie fiscale pour le tabac à chauffer qui entre aujourd’hui dans la catégorie des autres tabacs à fumer dont les droits d’accise sont plus faibles. Il s’agirait donc d’augmenter les accises afférentes de sorte que leur prix soit le même que ceux des autres produits du tabac.
L’article 8 procède enfin à des ajustements de la trajectoire de convergence des tarifs et taux applicables en Corse prévue jusqu’en 2026.
I. L’État du droit : la fiscalitÉ constitue un outil central dans la lutte contre le tabagisme et a pu porter ses fruits, sans pour autant amener la France aux niveaux de prÉvalence de ses voisins europÉens
A. Une prÉvalence du tabagisme toujours ÉlevÉe en France malgrÉ une importante amÉlioration rÉcente
1. Le tabagisme, première cause de mortalité évitable en France
D’après les données de Santé publique France ([144]), la prévalence du tabagisme en France reste plus élevée que dans les principaux pays comparables. Un peu plus de trois personnes sur dix fument à des fréquences variables. Cela représente 11,5 millions de Français qui fument régulièrement.
En comparaison, cette prévalence est de 15 % au Royaume-Uni et 14 % en Australie ([145]). Au sein de l’Union européenne, la France avait, en 2017, la troisième prévalence la plus élevée (33 %) après la Bulgarie (36 %) et la Grèce (35 %), loin devant la Belgique (17 %), les Pays-Bas et le Danemark (16 %) ou la Suède (5 %) ([146]). La France se situe également très au-dessus de la moyenne européenne (24 %).
Statut tabagique des 18-75 ans en France (Évolution 2014-2019)
Source : Santé publique France.
PrÉvalence de l’usage quotidien de tabac parmi les 15 ans et plus dans les pays de l’Union europÉenne en 2017 (en %)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
Les Français tendent à fumer plus que les Françaises, la prévalence du tabagisme étant de 27,5 % pour les premiers contre 20,7 % pour les secondes. Pour autant, alors que la mortalité attribuable au tabac a diminué chez les hommes entre 1999 et 2015, elle a plus que doublé chez les femmes (3 % de la mortalité totale en 1999, 6,9 % en 2015), le cancer des poumons étant devenu une cause de mortalité plus importante que le cancer du sein chez les femmes entre 50 et 74 ans ([147]).
La prévalence du tabagisme quotidien reste également, en 2019, plus élevée lorsque le niveau de diplôme diminue, lorsque la rémunération est plus faible et chez les personnes au chômage – la différence est de 17 points avec les actifs occupés. Les principales causes de décès sont les cancers (62 % des décès attribuables au tabac), les maladies cardio-vasculaires (22,5 %) et les pathologies respiratoires (15,2 %) ([148]).
Le tabac est à l’origine de plus de 75 000 morts chaque année, c’est-à-dire 13 % des décès survenus en France métropolitaine ([149]).
2. Des plans nationaux de lutte contre le tabagisme qui ont fait la preuve de leur efficacité
● Les lois dites « Veil » ([150]) puis « Évin » ([151]) ont ouvert la voie à une politique ambitieuse de lutte contre le tabagisme en France. Ces textes ont été complétés par des « plans cancer » ([152]) puis par le programme national de réduction du tabagisme (2014-2017) ([153]). Un programme national de lutte contre le tabac couvre désormais la période 2018-2022 ([154]).
Dans ce cadre, outre les décisions structurantes prises au cours des années 2000 ([155]), plusieurs mesures centrales ont été décidées depuis 2014. Il s’agit en particulier du paquet neutre ([156]), du remboursement des substituts nicotiniques comme n’importe quel médicament ([157]), des campagnes de prévention renouvelées avec l’opération « Mois sans tabac » et de la hausse des prix pour atteindre un paquet à 10 euros en 2020 ([158]). Un fonds de lutte contre le tabac a été également créé en 2016, devenu fonds de lutte contre les addictions liées aux substances psychoactives ([159]).
Historique des principales mesures de lutte contre le tabagisme en France (1991-2021)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
● Ces mesures ont, d’après Santé publique France, porté leurs fruits ([160]). On constate une baisse de 3,9 points du tabagisme et de 4,5 points du tabagisme quotidien entre 2014 et 2019, une diminution d’ampleur inédite depuis le début des années 2000. Ce reflux du tabagisme est particulièrement important chez les 18‑54 ans tandis que la prévalence du tabagisme tend à stagner chez les 55-75 ans.
Usage quotidien de tabac parmi les adultes de 18-75 ans selon le sexe
entre 1992 et 2020 (en %)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
À la suite de ces mesures prises à partir de 2014, Santé publique France note également plusieurs constats encourageants entre 2014 et 2017 :
– une augmentation de la part des personnes n’ayant jamais fumé, passée de 33,7 % à 37,7 % ;
– un recul de l’âge de l’expérimentation, passé de 14 à 14,4 ans ;
– une baisse de la part des jeunes de 17 ans qui ont expérimenté la cigarette, passée de 68,4 % à 59 %.
ExpÉrimentation et usage quotidien de tabac parmi les jeunes de 17 ans entre 2000 et 2017 (en %)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
● Des études spécifiques ([161]) ont montré l’efficacité de la mesure du paquet neutre, recommandée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) depuis 2008 et introduite en France en 2017. Elle a divisé par trois la part de fumeurs indiquant que l’aspect du paquet de cigarette leur plaît, augmenté la part de ceux qui se disent gênés de le sortir et baissant sensiblement son attractivité auprès des 18-24 ans.
B. La fiscalitÉ comme outil central de lutte contre le tabagisme dans un cadre europÉen prochainement rÉvisÉ
1. Le monopole de l’État sur la vente au détail des produits du tabac
Depuis le XVIIe siècle ([162]), la vente au détail des produits du tabac constitue un monopole d’État en France, trouvant peu à peu, notamment à partir du XIXe siècle, une justification fondée sur la santé publique ([163]). Ce monopole est aujourd’hui codifié ([164]).
Le rôle des débitants de tabac est donc singulier. Ils sont des préposés de l’administration des douanes et des droits indirects, pouvant être soumis à des obligations de service public ([165]) et devant s’acquitter d’un droit de licence ([166]). Les fournisseurs, que ce soit pour l’importation ou la commercialisation de produits de tabac, doivent approvisionner exclusivement les débitants et déclarer l’ensemble de leurs établissements à l’administration des douanes ([167]).
2. Un levier fiscal fortement utilisé ces dernières années pour faire augmenter les prix des produits du tabac
Outre ce monopole, l’État peut également influer sur un facteur central dans la lutte contre le tabagisme : le prix du tabac. Les experts s’accordent sur le fait qu’il s’agit de l’un des leviers les plus efficaces dans cet objectif, comme l’a rappelé l’OMS dans sa convention-cadre pour la lutte anti-tabac ([168]). En ce sens, alors que le prix du tabac est librement fixé par les vendeurs, l’État se trouve dans l’obligation, pour faire varier le prix du paquet de cigarettes, d’user de l’outil fiscal et d’une fiscalité dite « comportementale » dont l’objectif est de faire évoluer la perception et l’action des fumeurs. En effet, le prix payé par le consommateur est le résultat de trois composantes : la part du fabricant, la marge du buraliste et les impôts et taxes.
En ce sens, les produits de tabac sont soumis à un droit de consommation, c’est-à-dire une accise due mensuellement par les fournisseurs et recouvrée par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI). Celle-ci est double ([169]) :
– un droit spécifique, exprimé en valeur absolue par milliers d’unités ([170]) ou de grammes ([171]), appelé « tarif » ;
– un droit proportionnel, exprimé en fonction du prix de vente, appelé « taux ».
Il existe en parallèle un minimum de perception ([172]), c’est-à-dire un montant plancher en dessous duquel le montant de cette accise ne peut aller. Par ailleurs, les produits de tabacs sont soumis à la taxe sur la valeur ajoutée au taux de 20 %.
Les taux et montants de ces droits varient en fonction des produits selon une typologie précisée par le code des impositions sur les biens et services ([173]).
Droits de consommation appliqués aux produits de tabac
à compter du 1er janvier 2021
|
Catégorie de produit |
Composante du droit de consommation |
Taux et montants |
|
Cigarettes |
Taux proportionnel (en %) |
55 |
|
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
63,5 |
|
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
336 |
|
|
Cigares et cigarillos |
Taux proportionnel (en %) |
36,3 |
|
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
48,6 |
|
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
268,4 |
|
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
Taux proportionnel (en %) |
49,1 |
|
Part spécifique pour mille unités (en euros) |
83,3 |
|
|
Minimum de perception pour mille unités (en euros) |
304,7 |
|
|
Tabac à priser |
Taux proportionnel (en %) |
58,1 |
|
Tabacs à mâcher |
Taux proportionnel (en %) |
40,7 |
Source : code des impositions des biens et services.
Le prix d’un paquet de vingt cigarettes à 10 euros se décompose donc de la manière suivante ([174]) :
– 8,44 euros de taxes, dont 5,5 euros d’accise proportionnelle mais aussi 1,27 euro d’accise fixe et 1,67 euro de TVA ;
– 0,99 euro revenant au buraliste ;
– 0,57 euro revenant au fabricant ([175]).
Grâce à ce levier, le prix du paquet de cigarettes a fortement varié ([176]). Il a diminué dans les années 1970, stagné dans les années 1980 avant d’augmenter régulièrement durant la décennie 1990. Les « plans cancer » des années 2000 ont conduit à amplifier cette hausse, prolongée ensuite à partir des années 2010. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 ([177]) a établi en parallèle une taxation harmonisée pour tous les produits du tabac – notamment le tabac à rouler.
Ainsi, le prix de la marque la plus vendue est passé de 3,2 euros en 2000 à 7 euros en 2014. L’article 17 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018 avait prévu une trajectoire d’augmentation progressive de ce prix jusqu’à 10 euros en 2020. En effet, à la fin de l’année 2020, le prix du paquet de cigarette s’élevait à 10,5 euros, soit une augmentation de 230 % en 20 ans ([178]).
Évolution du prix annuel moyen
de la marque de paquet le plus vendu (en euros)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives
En conséquence, d’après l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives (OFDT) ([179]), une forte diminution des ventes de tabacs, toutes formes confondues, est constatée. Les ventes ont reculé de 56,6 % en volume en vingt ans. Ce mouvement s’est toutefois accompagné d’une reconfiguration dans la répartition des ventes entre les différents produits, le tabac à rouler, dont le prix reste inférieur à celui du paquet de cigarettes manufacturées ([180]), représentant désormais 17 % des ventes en 2020 contre 11 % en 2005.
Ventes totales de tabac dans le rÉseau de buralistes (en tonnes)
et rÉpartition (en ¨ %) entre cigarettes manufacturÉes, tabac À rouler et autres produits du tabac
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
D’après l’étude d’impact, les droits de consommation sur les produits du tabac ont fortement augmenté entre 2017 et 2020, passant de 11,4 milliards d’euros à 14,4 milliards d’euros, même si un léger reflux s’est produit en 2021– pour 14,3 milliards d’euros tout de même. Toutefois, malgré ces importants droits d’accises ainsi que les « économies de pension de retraite non versées » du fait des décès, le coût des soins liés au tabac dépasse largement le montant de ces recettes, ce constat étant valable pour le tabac, l’alcool et, a fortiori, les stupéfiants. D’après l’Observatoire français des drogues et des tendances addictives ([181]), le coût social total du tabac s’élève à 120 milliards d’euros, dont 20 à 26 milliards d’euros pour la seule assurance maladie ([182]). La taxation sur le tabac ne représente ainsi que 40 % du coût des soins, soit moins encore que pour l’alcool (42 %) ([183]).
3. L’élasticité de la demande au prix des produits du tabac
Les études et les recommandations qui en découlent tendent à montrer l’efficacité du facteur prix dans le choix de consommation des produits du tabac. En 2022, l’OMS a rappelé que l’augmentation significative des taxes et prix de ces produits constitue la mesure présentant le meilleur rapport coût/efficacité dans la lutte contre le tabagisme ([184]). Il s’agit du principal résultat des études menées sur l’élasticité-prix de la demande de tabac en France et dans le monde.
D’après les études les plus récentes à l’échelle internationale ([185]), le rapport entre la variation des ventes et du prix a évolué sur la période allant des années 1950 aux années 2010. Pour les années 2000-2015, l’élasticité prix serait de – 0,5. Cela signifie qu’une augmentation du prix de 20 % ferait diminuer les ventes de 10 %.
Ventes de cigarettes (en millions d’unités) et prix annuel moyen du paquet de cigarettes de la marque la plus vendue en France
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
Les études menées spécifiquement sur la situation française tendent à montrer une élasticité proche de celle déterminée à l’échelle internationale. L’OFDT évalue l’élasticité prix de la demande en tabac en France à – 0,52 ([186]).
4. Un encadrement européen des prix du tabac qui pourrait être révisé prochainement pour continuer à lutter contre les marchés parallèles
● Les produits de tabac font l’objet d’un marché parallèle dont il est difficile de mesurer l’ampleur. Le rapport d’information de l’Assemblée nationale précédemment cité ([187]) avait calculé, à partir de la consommation durant le premier confinement en 2020, soit à une période durant laquelle la fermeture des frontières a fortement limité le marché illicite tout en maintenant les bureaux de tabacs ouverts ([188]), que celui-ci pourrait représenter entre 14 et 17 % de la consommation totale de tabac en France, dont 9 à 12 % pour les cigarettes manufacturées et 29 à 32 % pour le tabac à rouler.
Malgré une forte diminution en 2020 des seuils de présomption de détention à des fins commerciales pour chaque catégorie de tabac manufacturé par les particuliers en France ([189]), ce marché parallèle reste donc actif et alimenté par plusieurs facteurs, notamment les écarts de prix entre la France et ses voisins. Cette situation est particulièrement visible pour les personnes vivant en zone frontalière, où l’incitation à acheter du tabac à moindre coût est forte. La variation des ventes entre les deuxièmes trimestres de 2019 et 2020 est donc particulièrement marquée dans ces départements frontaliers avec une augmentation de 21,9 % à jours constants, contre 2,4 % dans les départements non-frontaliers ([190]).
Variation des ventes totales de tabac par département
au deuxième trimestre, comparaison 2019-2020
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives
● Afin de lutter contre ce phénomène, la directive européenne du 21 juin 2011 ([191]) vise, en lien avec une directive du 16 décembre 2008 ([192]), à harmoniser les régimes d’accises des États membres avec le double objectif d’assurer à la fois le bon fonctionnement du marché intérieur et une protection élevée de la santé. Cette directive définit des catégories de taxes communes pour les tabacs manufacturés soumis à des droits d’accises (cigarettes, cigares et cigarillos, tabac à fumer) ainsi que les dispositions visant à harmoniser les structures de ces accises. Plus précisément, les États membres sont tenus de mettre en place des droits d’accise composés de deux éléments :
– une accise ad valorem calculée sur le prix maximal de vente au détail ;
– une accise spécifique calculée par unité de produit.
Le texte établit également des taux d’accises minimaux appelés « minima de l’Union européenne ». La directive visait également à combler l’écart de fiscalité entre les cigarettes et le tabac à rouler afin de prévenir et d’atténuer la substitution induite par la fiscalité. Révisée en 2014 ([193]), la directive prévoit des mesures d’harmonisation en matière de présentation des paquets de cigarettes, d’interdiction des arômes et de réglementation relative aux cigarettes électroniques.
● Malgré ces avancées, les flux transfrontaliers de produits du tabac ne semblent pas avoir été endigués. En effet, selon la Commission européenne ([194]), entre 2010 et 2016, les entrées nettes moyennes de cigarettes provenant d’un autre pays de l’Union européenne en Allemagne, France, Autriche, Irlande et Pays-Bas ont dépassé les 10 % de la consommation intérieure totale estimée, quand les pays d’Europe de l’Est ou le Luxembourg voient les sorties nettes atteindre 15 % des cigarettes mises à la consommation. Le manque à gagner estimé des recettes fiscales des pays ayant une entrée nette de cigarettes s’élève à environ 6 milliards d’euros par an. La première explication de ce phénomène reste la différence des prix dans chaque État membre.
L’analyse des prix du paquet de cigarettes au sein de l’Union européenne montre non seulement leur grande hétérogénéité mais aussi « une césure très nette entre les États de l’Est […], pour lesquels les prix sont en dessous de 4 euros, et ceux de l’ouest de l’UE » ([195]).
La directive laisse en effet une grande latitude aux États membres pour déterminer les montants des accises sur les produits du tabac, ce qui fait varier fortement la pression fiscale sur le paquet de cigarettes, qui oscille de 84,8 % en France à 69,4 % au Luxembourg, par exemple ([196]).
Prix moyen pondÉrÉ courant et ajustÉ ([197]) du paquet de VINGT cigarettes
au 1er janvier 2018 dans les pays de l’Union européenne (en euros)
Source : Observatoire français des drogues et des tendances addictives.
Droits d’accise minimum sur les cigarettes au 1er juillet 2021
(pourcentage du prix de vente au détail)
Source : Commission européenne.
● Dans son étude de 2020 sur la directive de 2011, la Commission européenne a proposé plusieurs améliorations de l’encadrement européen :
– une augmentation des minimas actuels de l’Union européenne sur tous les produits de tabac. La Commission note que cette augmentation devrait être supérieure à l’inflation et à la croissance des revenus escomptées, sans quoi il n’y aurait aucun impact sur l’accessibilité économique, et que les augmentations des minimas devraient être régulières face à l’inflation et à la croissance des revenus ;
– une harmonisation des régimes fiscaux applicables en créant une nouvelle catégorie fiscale pour les produits du tabac chauffé. En juin 2022, la Commission européenne a proposé d’interdire la vente des versions aromatisées de tabac chauffé, vendu sous la forme de bâtonnets pour être ensuite inhalé.
D’après l’étude d’impact, des négociations sont en cours pour aboutir à une nouvelle directive d’application de la directive 2014/40/UE à l’horizon de la fin de l’année 2022. En décembre 2022, la Commission européenne devrait également proposer une révision de la directive 2011/64 sur la base de son rapport de 2020 afin de proposer notamment une nouvelle catégorie fiscale pour le tabac à chauffer.
II. Le droit proposÉ : Une fiscalitÉ des produits du tabac mieux adaptÉe aux nouvelles consommations et prenant en compte l’inflation
Le présent article vise à adapter, par plusieurs voies, la fiscalité du tabac non seulement au fort niveau d’inflation mais aussi à l’évolution de la consommation constatée notamment depuis 2020. D’après l’étude d’impact, ces évolutions devraient permettre de collecter 450 millions d’euros supplémentaires en année pleine et 375 millions d’euros en 2023 ([198]).
A. indexer les prix du tabac en fonction de l’inflation de l’annÉe précédente
● L’article L. 314-24 du code des impositions des biens et services prévoit, outre les droits d’accises et minima de perception applicables aux différents produits du tabac, que ces tarifs et minima sont « indexés sur l’inflation dans les conditions prévues au chapitre II du titre III du livre Ier », c’est-à-dire sur l’année N‑2. Cette indexation ne s’applique que sur la part de l’accise proportionnelle au volume de tabac (le tarif) et non sur le taux, représentant un pourcentage du prix de vente au détail. Le droit en vigueur prévoit également, dans ce même article, que cette augmentation ne peut être supérieure à 1,8 %.
En cas d’inflation faible ou nulle, cette situation ne pose pas de difficulté dans la mesure où les taux et minima de perception ne varient que très peu. Toutefois, la France connaît à l’heure actuelle une inflation importante, de l’ordre de 5 % en 2022 et, d’après les hypothèses mentionnées dans le programme de stabilité 2022-2027, de 3,2 % en 2023 ([199]). Or, en l’état actuel du droit et d’après l’étude d’impact, la revalorisation du prix du paquet de cigarettes devrait s’établir à 1,6 % dans un contexte où les prix du paquet de cigarettes et de la blague de tabac à rouler sont restés stables depuis la fin de l’année 2020. Le plafonnement légal de la hausse liée à l’inflation à 1,8 % conduirait sans doute à une évolution atteignant ce plafond en 2024, compte tenu de l’inflation en 2022. Cela signifie que, comparativement aux autres produits de consommation, les prix des produits du tabac seraient en diminution pour les deux années qui viennent, ce qui serait contradictoire avec l’objectif d’augmenter tarifaire voué à diminuer les volumes de vente et à protéger la santé des Français.
● Dès lors, le iii du d du 2° du I prévoit de supprimer les modalités actuelles d’indexation sur l’inflation pour se fonder, par dérogation à l’article L. 132-2 du code des impositions des biens et services, sur la prévision de l’indice mentionné à cet article retenue pour l’année précédant celle de la révision dans le rapport économique, social et financier joint au projet de loi de finances pour l’année de révision. Cet alinéa vise également à anticiper un éventuel écart entre la prévision du niveau d’inflation et celui qui sera effectivement réalisé, en prévoyant un mécanisme d’ajustement en cas d’évolution de l’estimation.
● Le iv du d du 2° du I ajoute deux précisions :
– cette évolution du prix ne peut être négative ;
– l’augmentation du minimum de perception ne peut excéder 3 %. En ce sens, il s’agirait de revoir le mécanisme actuel de plafonnement global de l’augmentation du prix de 1,8 % pour le réserver au seul minimum de perception et l’établir à un taux plus élevé que celui en vigueur. Ce plafonnement du seul minimum de perception doit empêcher que son augmentation trop rapide ne conduise à resserrer excessivement la palette des prix.
● L’étude d’impact indique que, dans l’objectif d’éviter une « année blanche » ignorant l’inflation de l’année 2021, la revalorisation en 2023 tiendra compte non seulement de l’inflation au titre de 2022 mais aussi de 2021, soit une augmentation des accises en 2023 de l’ordre de 7,09 %.
Au total, d’après l’étude d’impact, le prix moyen pondéré du paquet de cigarettes devrait atteindre 11,15 euros en 2025.
Évolution du prix moyen pondÉrÉ des cigarettes (20 unitÉs) en cas d’application des dispositions du prÉsent article ([200])
|
Année |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
Prix moyen pondéré |
10,16 € |
10,68 € |
11 € |
11,15 € |
Source : étude d’impact.
● Le v du d du 2° du I vise à ajouter une mention dans le droit en vigueur au troisième alinéa de l’article L. 132-2 du code des impositions des biens et services, précisant que les tarifs et minima révisés sont arrondis au dixième d’euro par unité de transaction et que la révision ultérieure se base sur le tarif non arrondi.
● Le 3° du I propose, enfin, de supprimer le second alinéa de l’article L. 314-29 du code des impositions des biens et services qui permet, dans le cadre de la déclaration de stocks, de déroger à la règle – édictée au premier alinéa du même article – selon laquelle, en cas de changement de taux, tarif ou minimum de perception, « l’accise devient exigible pour les produits en dehors d’un régime de suspension de l’accise par une personne qui ne les destine pas à sa consommation propre ». La dérogation à cette règle n’est possible que dès lors que ces changements résultent de l’inflation.
Le présent article vise donc à supprimer cette dérogation afin d’éviter les effets qui pourraient résulter de son application dans un contexte de forte inflation. Cela aurait pour conséquence de rendre obligatoire la déclaration de stock, quels que soient les cas de figure. L’étude d’impact précise, par exemple, qu’en mars 2019, la déclaration de stocks réalisée à la suite de hausse de la fiscalité avait permis de collecter 17,8 millions d’euros supplémentaires sur les tabacs.
B. Faire converger la fiscalitÉ du tabac À rouler vers celle des cigarettes
Le constat d’une reconfiguration de la consommation de tabac au profit du tabac à rouler, en raison de son coût inférieur à celui du paquet de cigarettes, conduit à proposer un nouveau régime fiscal pour le tabac à rouler dans un objectif de convergence entre ces deux produits. La trajectoire fiscale inscrite en LFSS 2018 avait déjà permis d’augmenter, non seulement le prix du paquet de cigarette, mais également celui de la blague de tabac à rouler passée de 10,60 euros en 2018 à 14,20 euros en 2020 ([201]). Toutefois, la comparaison des volumes mis à la consommation entre 2018 et 2021 montre que les volumes de cigarettes diminuent plus fortement que le tabac à rouler – avec une baisse de 17 % pour les premières et de seulement 4 % pour le second ([202]).
Le ii du d du 2° du I prévoit ainsi, dans le nouveau tableau déterminant les assiettes, taux et minima de perception pour les produits du tabac, des taux rehaussés pour la catégorie « tabacs fine coupe destinés à rouler des cigarettes ».
Comparaison des taux, tarifs et minima de perception applicables aux tabacs fine coupe destinÉs À rouler les cigarettes, avant et aprÈs réforme
|
|
2022 |
2023 (en cas d’adoption de la réforme) |
|
Taux (%) |
49,1 |
50,5 |
|
Tarif (€/1 000 grammes) |
85,3 |
90 |
|
Minimum de perception |
305,3 |
350 |
Source : commission des affaires sociales.
Ces évolutions permettraient de porter l’accise spécifique de 83,5 euros en 2022 à 89 euros en 2023, ce qui entraînerait une augmentation du prix d’une blague de tabac de 30 grammes à 15,03 euros, c’est-à-dire un prix proche de celui des cigarettes. Une revalorisation du même ordre est appliquée au minimum de perception.
Le cumul de l’indexation sur le niveau d’inflation de l’année précédente et de la nouvelle fiscalité du tabac à rouler devrait permettre un rendement de 200 millions d’euros en 2023 puis de 50 millions d’euros en 2024. Les dispositions seraient sans effet si les prévisions de stabilisation de l’inflation à partir de 2025 venaient à se confirmer.
C. crÉer une nouvelle catÉgorie fiscale pour le tabac À chauffer et en augmenter les accises
● La montée en puissance de nouvelles formes de produits du tabac nécessite une adaptation régulière de la fiscalité. C’est le cas en particulier des produits de tabac à chauffer (heated tobacco products ou HTP). Ceux-ci se distinguent d’autres produits, notamment produits combustibles du tabac ([203]), par leur absence de combustion et donc de fumée. Il s’agit en réalité de produits générant des aérosols contenant de la nicotine, contrairement aux cigarettes électroniques, et d’autres produits chimiques que le consommateur inhale par la bouche. Les produits chauffent à une température de 350°C à l’aide d’un appareil alimenté par une batterie, alors que les cigarettes classiques se situent plutôt aux alentours de 600°C.
L’étude d’impact fait état, sur la base des analyses de la Commission européenne ([204]), du « développement fort et rapide des produits du tabac à chauffer » dont les ventes ont été multipliées par vingt entre 2018 et 2020. Ils représenteraient aujourd’hui 2,5 % des ventes totales de tabac dans l’Union européenne.
● La seule étude indépendante sur le tabac à chauffer a été réalisée par l’Institut Pasteur de Lille ([205]) pour comparer les produits présents dans les cigarettes électroniques, la cigarette classique et le tabac à chauffer. Mais celle-ci n’a émis que des conclusions partielles à propos de l’impact sur les cellules épithéliales bronchiques. Toutefois, d’après le Comité national de lutte contre le tabagisme, « aucune étude indépendante n’est aujourd’hui en mesure de démontrer que la consommation de tabac chauffé entraîne une réduction des risques pour le fumeur » ([206]). Une étude de la Revue médicale suisse datée de 2018 montre également que « les principaux composés toxiques émis par la fumée de cigarette conventionnelle sont aussi présents » dans le tabac à chauffer ; elle remet fortement en cause les « efforts de communication des entreprises » visant à faire passer ces produits pour moins nocifs ([207]). L’OMS estime qu’il n’existe pas suffisamment de preuves et d’études pour démontrer une moindre nocivité du tabac à chauffer, en ce qu’ils comprennent notamment de nouveaux composants chimiques nocifs ([208]), et recommande donc de taxer sur les mêmes bases que les autres produits du tabac ([209]).
● Ces produits sont, en l’état actuel du droit français, classés dans la catégorie « autre tabacs à fumer » dont les taux, tarif et minimum de perception sont sensiblement plus faibles que ceux des cigarettes. Cette situation peut inciter à consommer ces produits qui deviennent relativement moins chers. Or, les données des douanes montrent que, depuis 2018, le volume de produits taxés dans la catégorie « autres tabacs à fumer » est en augmentation sans qu’il soit possible de déterminer s’il s’agit de produits de tabac à chauffer, même si on peut le supposer ([210]).
C’est pourquoi il est proposé, comme cela existe d’ores et déjà dans une majorité d’États membres de l’Union européenne ([211]), de créer une catégorie fiscale dédiée aux produits de tabacs à chauffer. Pour cela, les a et b du 1° du I procèdent à l’ajout de la mention de produits « inhalés après avoir été chauffés » dans l’article L. 314-2 du code des impositions des biens et services qui définit l’assiette des droits d’accise des produits du tabac et dans l’article L. 314-3 du même code qui définit le contenu des produits du tabac.
Le c du 1° du I crée un article L. 314-4-1 au sein de la section 1 du chapitre IV du code des impositions des biens et services, dédiée aux éléments taxables, pour définir le tabac à chauffer comme un produit susceptible d’être inhalé après avoir été chauffé lorsqu’il répond aux conditions cumulatives suivantes :
– il est présenté sous forme de rouleaux, coupés et fractionnés ;
– il est spécialement préparé pour être chauffé au moyen d’un dispositif dédié afin de produire une émission susceptible d’être inhalée par le consommateur final.
Cette définition perme d’englober non seulement les sticks, format sous lequel le tabac à chauffer est commercialisé, ainsi que toute autre forme de ce produit du tabac qui pourrait entrer sur le marché dans les années à venir.
Le a du 2° du I introduit dans le même code, au paragraphe 2 de la sous‑section 1 de la section 3, consacré aux catégories fiscales, un nouvel article L. 314‑16‑1 pour établir une nouvelle catégorie, celle des tabacs à chauffer, définie comme comprenant les produits du tabac susceptibles d’être inhalés après avoir été chauffés par le consommateur final. Les b et c du 2° du I procèdent aux ajustements rédactionnels nécessaires pour ajouter le tabac à chauffer dans les articles L. 314‑19 et L. 314-20 du même code qui définissent l’unité de taxation de l’accise.
● Le ii du d du 2° du I définit un nouveau tableau dans l’article L. 314‑24 du code des impositions des biens et services, établissant la nouvelle catégorie fiscale ainsi que ses taux, tarif et minimum de perception. Le i du d du 2° du I précise que ces nouveaux tarifs et minima seront valables du 1er mars au 31 décembre 2023.
Comparaison du tableau de l’article L. 314-24 avant et aprÈs la réforme
|
|
|
2022 (art. L. 314-24 du code des impositions des biens et services) |
Du 1er mars au 31 décembre 2023 |
|
Cigares et cigarillos
|
Taux (%) |
36,3 |
36,3 |
|
Tarif (€/1 000 unités) |
48,7 |
52,1 |
|
|
Minimum de perception (€/1 000 unités) |
268,9 |
287,9 |
|
|
Cigarettes |
Taux |
55 |
55 |
|
Tarif (€/1 000 unités) |
63,6 |
68,1 |
|
|
Minimum de perception (€/1 000 unités) |
336,7 |
360,5 |
|
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
Taux (%) |
49,1 |
50,5 |
|
Tarif (€/1 000 grammes) |
85,3 |
90 |
|
|
Minimum de perception |
305,3 |
350 |
|
|
Autre tabac à fumer |
Taux (%) |
51,4 |
51,4 |
|
Tarif (€/1 000 grammes) |
31,4 |
33,6 |
|
|
Minimum de perception |
135,5 |
145,1 |
|
|
Tabac à chauffer |
Taux (%) |
|
51,4 |
|
Tarif |
44,0 |
||
|
Minimum de perception |
315 |
||
|
Tabac à priser |
Taux (%) |
58,1 |
58,1 |
|
Tabac à mâcher |
Taux (%) |
40,7 |
40,7 |
Source : commission des affaires sociales.
Les droits d’accises ainsi définis pour ces produits devraient permettre que leur prix moyen pondéré soit, par unité de consommation, équivalent à celui des autres produits du tabac. Le prix moyen du tabac à chauffer se situe aujourd’hui aux alentours de 7,5 euros, soit 0,37 euro pour chaque stick, ce qui est largement inférieur au prix d’une cigarette – environ 0,51 euro par unité.
Cette nouvelle catégorie fiscale prévoit une assise spécifique par 1 000 unités et non par 1 000 grammes comme c’est le cas dans le droit en vigueur pour les autres produits de tabac à fumer. Par ailleurs, l’impact financier de la création d’une telle catégorie fiscale est estimé à environ 200 millions d’euros.
Cet article aurait donc un impact financier total positif concentré sur la branche maladie, de l’ordre de 460 millions d’euros en 2022 puis de 510 millions d’euros entre 2023 et 2025.
D. Ajustement de la fiscalitÉ du tabac applicable en corse
L’article L. 314-25 du code des impositions des biens et services déroge à l’article précédent L. 314-24 pour les produits du tabac fournis à la vente au détail en Corse, dont la collectivité reçoit le produit. Prévue par la directive du 21 juin 2011, cette exception a vocation à s’éteindre dans la mesure où l’article L. 314-25 prévoit une trajectoire de convergence entre 2022 et 2026.
Il importe cependant, au regard des évolutions fiscales proposées, d’ajuster cette trajectoire, sans quoi les prix applicables en Corse croîtraient à un rythme supérieur à celui du continent, sans pour autant que les accises s’ajustent à due proportion, donc au détriment de la collectivité de Corse. Le i du e du 2° du I propose ainsi une modification du tableau de l’article L. 314-25.
Comparaison des taux et tarifs en vigueur et proposÉs
des produits du tabac pour la Corse
|
Catégorie fiscale |
Paramètres de l’accise |
Montant en vigueur 2022 |
Montant en vigueur 2023 |
Montant proposé (du 1er mars au 31 décembre 2023) |
Montant en vigueur 2024 |
Montant proposé |
Montant en vigueur 2025 |
Montant proposé 2025 |
|
Cigares et cigarillos |
Taux (%) |
28,1 |
30,2 |
30,2 |
32,4 |
32,2 |
34,5 |
34,3 |
|
Tarif (€/1 000 unités) |
45,8 |
45,9 |
48,4 |
46,1 |
51,1 |
46,2 |
53,7 |
|
|
Cigarettes |
Taux (%) |
50,4 |
51,5 |
51,6 |
52,7 |
52,7 |
53,8 |
53,9 |
|
Tarif (€/1 000 unités) |
50,8 |
53,7 |
56,5 |
56,8 |
62,2 |
58,9 |
67,9 |
|
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
Taux (%) |
38,3 |
41 |
41,4 |
43,7 |
44,4 |
46,4 |
47,5 |
|
Tarif (€/1 000 grammes) |
63,3 |
68 |
71,6 |
72,8 |
80,0 |
77,5 |
88,3 |
|
|
Autres tabacs à fumer |
Taux (%) |
43,3 |
45,4 |
45,4 |
47,5 |
47,4 |
50 |
49,4 |
|
Tarif (€/1 000 grammes) |
20 |
22,3 |
24 |
24,7 |
28,2 |
27 |
32,2 |
|
|
Tabacs à chauffer |
Taux (%) |
Non valable |
Non valable |
45,3 |
Non valable |
47,4 |
Non valable |
49,4 |
|
Tarif (€/1 000 unités) |
Non valable |
Non valable |
44,0 |
Non valable |
45,5 |
Non valable |
46,4 |
|
|
Tabac à priser |
Taux (%) |
46,2 |
49,3 |
49,3 |
52,3 |
52,3 |
55,4 |
55,4 |
|
Tabac à mâcher |
Taux (%) |
32,8 |
34,9 |
34,9 |
36,9 |
36,9 |
39 |
39,0 |
Source : commission des affaires sociales.
Le ii du e du 2° du I vient préciser dans ce même article que, par dérogation à l’article L. 314-24 du code des impositions des biens et services, le minimum de perception est nul pour la fiscalité du tabac applicable en Corse.
En outre, le II vise à modifier en conséquence l’article 575 E bis du code général des impôts qui définit un prix minimum de vente au détail appliqué en Corse, en prenant pour référence un pourcentage des prix de ventes continentaux.
Prix minimum de vente des produits du tabac en Corse selon l’article 575 E du code gÉnÉral des impÔts (en % des prix continentaux)
|
Groupe de produits |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
Cigarettes |
80 % |
85 % |
90 % |
95 % |
|
Cigares et cigarillos |
85 % |
91 % |
94 % |
97 % |
|
Tabacs fine coupe destinés à rouler les cigarettes |
80 % |
85 % |
90 % |
95 % |
|
Autres tabacs à fumer |
80 % |
85 % |
90 % |
95 % |
|
Tabacs à priser |
80 % |
85 % |
90 % |
95 % |
|
Tabacs à mâcher |
80 % |
85 % |
90 % |
95 % |
Source : article 575 E bis du code général des impôts.
Le 1° du II procède d’abord à la suppression de la deuxième colonne du tableau reproduit ci-dessus, qui devient obsolète au 1er janvier 2023. Le 2° du II propose, à la première ligne de la troisième colonne, devenue la deuxième, de remplacer la date du 1er janvier 2023 par celle du 1er mars 2023, en lien avec les dispositions précédentes. Le 3° du II vise enfin à ajouter une ligne correspondant à nouvelle catégorie fiscale proposée, relative au tabac à chauffer.
Prix minimum de vente des produits de tabac À chauffer en Corse
tel que proposÉ par le présent article
|
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Du 1er mars 2023 au 31 décembre 2023 |
Du 1er janvier 2024 au 31 décembre 2024 |
Du 1er janvier 2025 au 31 décembre 2025 |
|
Tabac à chauffer |
85 % |
90 % |
95 % |
Source : commission des affaires sociales.
● Enfin, le III précise les dates d’entrée en vigueur. Le A du III propose que l’ensemble des dispositifs du présent article entre en vigueur au 1er mars 2023. L’étude d’impact précise en effet qu’un « délai de deux mois est requis afin de permettre la mise en œuvre des nouveaux tarifs par l’information des fabricants de tabacs par les services de la DGDDI des nouveaux taux et tarifs ainsi que la prise de l’arrêté correspondant à ces évolutions ».
Le B du III vise à faire en sorte que, sur la période allant du 1er janvier au 1er mars 2023, les tarifs et taux d’accises soient ceux en vigueur durant l’année 2022. Pendant cette même période, le pourcentage appliqué en Corse pour déterminer le prix minimum de vente au détail serait celui en vigueur au 31 décembre 2022.
Article 9
Extension du régime simplifié de déclaration des cotisations et contributions sociales aux médecins exerçant une activité de régulation dans le cadre du service d’accès aux soins
Adopté par la commission sans modification
Cet article vise à permettre aux médecins exerçant une activité de régulation dans le cadre du service d’accès aux soins de bénéficier du régime simplifié de déclaration des cotisations et contributions sociales, créé par la LFSS 2019, dans les mêmes conditions, notamment en termes de niveaux de rémunérations.
I. L’État du droit : un dispositif de paiement simplifiÉ des cotisations et contributions sociales pour les mÉdecins remplaçants
A. jusqu’en 2019, Un rÉgime de dÉclaration sociale trÈs complexe pour les mÉdecins remplaçants À titre accessoire
Introduit par la LFSS 2019 ([212]), l’article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale crée un régime social simplifié et optionnel à destination des médecins exerçant des remplacements à titre accessoire.
Jusqu’en 2019, leur régime était obligatoirement celui des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés (PAMC). Cette situation impliquait des formalités comparables à celles des autres travailleurs indépendants, notamment une comptabilité précise des charges et la création d’un compte auprès de l’Urssaf. Si cette configuration était pleinement justifiée pour des praticiens exerçant en libéral sous convention toute l’année, elle est apparue excessivement lourde pour des médecins qui ne souhaitent exercer en libéral qu’à titre accessoire car effectuant très ponctuellement des remplacements.
La LFSS 2018 ([213]) avait déjà permis de faciliter les conditions d’affiliation au régime PAMC pour les étudiants non-thésés, de supprimer le délai préalable d’exercice libéral de trente jours pour s’affilier au régime PAMC et la condition d’adhésion simultanée à l’un des régimes de base de l’assurance maladie.
B. La crÉation d’un régime simplifiÉ À partir de 2019
La LFSS 2019 a constitué une rupture en créant un dispositif simplifié de déclaration et de paiement des cotisations sociales dont les modalités sont fortement inspirées du mécanisme appliqué aux micro-entrepreneurs. Le nouvel article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale s’applique ainsi aux médecins exerçant leur activité à titre de remplacement et aux étudiants en médecine non‑thésés remplissant les conditions fixées à l’article L. 4131-2 du code de la santé publique ([214]). En outre, les médecins et étudiants entrant dans ces catégories doivent, pour bénéficier de ce dispositif, déclarer des recettes inférieures à un niveau fixé par décret.
L’article L. 642-4-2 a été modifié par la LFSS 2020 ([215]). Celle-ci a ajouté qu’en cas de dépassement du seuil, les bénéficiaires de cette déclaration simplifiée acquittent des cotisations complémentaires ; ils peuvent aussi perdre le bénéfice de ces dispositions dans des conditions prévues par décret ([216]).
Les médecins éligibles et choisissant ce dispositif sont donc assujettis à un taux unique de cotisation qui comprend les risques maladie et vieillesse ainsi que la contribution sociale généralisée et la contribution pour le remboursement de la dette sociale ([217]). Ce taux est de 13,5 % pour les médecins dont les recettes annuelles brutes sont inférieures à 19 000 euros – montant choisi car il correspond à 7 à 8 semaines de remplacement pour un médecin en secteur 1 ([218]). En cas de dépassement de ce seuil, deux options sont possibles :
– si les recettes annuelles brutes sont comprises entre 19 000 et 38 000 euros, alors le médecin peut rester dans le dispositif. Il est alors assujetti aux taux de 13,5 % pour les recettes inférieures à 19 000 euros et de 21,2 % pour celles comprises entre 19 000 et 38 000 euros. Ce second seuil, défini par la LFSS 2020, avait vocation à « adoucir les effets de seuil liés au dépassement de ce plafond et maintenir l’attractivité de ce dispositif pour les médecins ou étudiants disposés à effectuer des remplacements » ([219]). Le médecin concerné doit toutefois, dès lors que ses recettes sont comprises dans cette tranche deux années consécutives, sortir du dispositif au 1er janvier de l’année N+2 ([220]) ;
– si les recettes annuelles brutes dépassent 38 000 euros, le médecin sort du dispositif au 1er janvier de l’année suivante.
L’assiette est calculée sur la base des rémunérations, c’est-à-dire les honoraires rétrocédés aux remplaçants, auxquelles est appliqué le taux d’abattement prévu à l’article 102 ter du code général des impôts permettant de tenir compte des frais professionnels et de dispenser le médecin de tenir une comptabilité précise de ses charges. Les deux taux globaux définis par voie réglementaire sont appliqués par référence aux taux des contributions et cotisations sociales valables pour le régime PAMC après un abattement de 34 %. Enfin, les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ([221]) assurent un rôle de guichet unique pour l’entrée dans le dispositif, en faisant le lien entre les Urssaf et les médecins ou étudiants souhaitant entrer dans le régime.
D’après les données fournies par le directeur général de l’Urssaf Caisse nationale, ce dispositif est utilisé par cinq à six mille praticiens aujourd’hui. Il a notamment pu être utile pour orienter des professionnels vers les centres de vaccination contre la covid‑19.
Comparaison des rÉgimes PAMC et simplifiÉ
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Régime PAMC |
Dispositif simplifié |
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Praticiens concernés |
Médecins généralistes et spécialistes exerçant en libéral, titulaires ou remplaçants |
Médecins généralistes et spécialistes exerçant uniquement en tant que remplaçant et n’ayant aucune autre activité libérale (étudiants en médecine, médecins salariés, médecins retraités) |
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Périodes concernées |
Dès le début d’activité ou lors du premier remplacement en cas d’activité de remplaçant |
Dès le premier remplacement |
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Plafonds de rémunération |
76 200 euros pour le régime micro-fiscal Pas de plafond pour les autres régimes fiscaux |
Dispositif réservé aux honoraires bruts rétrocédés ne dépassant pas 19 000 euros |
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Montants de cotisations pour des honoraires bruts de 19 000 euros |
Les taux varient selon le montant des revenus tirés de l’activité conventionnée ou des dépassements d’honoraires et sont d’environ 23 %. Une régularisation est opérée l’année suivante en fonction des revenus définitifs déclarés. |
13,5 % jusqu’à 19 000 euros bruts et 21,2 % au-delà de 19 000 euros bruts. Il est possible de rester dans le dispositif simplifié en cas de dépassement du seuil de 19 000 euros dans la limite de 38 000 euros pendant deux années consécutives maximum. |
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Organisme collecteur |
Urssaf pour les cotisations sociales, CARMF pour les cotisations retraite |
Urssaf |
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Montant de cotisations pour le risque invalidité-décès |
Montant forfaitaire calculé en fonction du revenu (631, 738 ou 863 euros) |
Deux montants forfaitaires possibles à choisir lors de la première déclaration : – forfait 35 % à 158 euros (spécifique au régime simplifié), – forfait 100 % à 631 euros (identique au régime classique). |
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Démarches d’affiliation à l’Urssaf |
Affiliation automatique, une fois toutes les démarches effectuées auprès de la CPAM, du centre de formalité des entreprises et de la CARMF |
Demande d’adhésion en ligne ([222]), une fois l’inscription effectuée auprès de l’ordre des médecins et de la CPAM. |
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Calendrier de paiement des cotisations |
Mensuellement, le 5 ou le 20 du mois, avec possibilité de payer sur une base trimestrielle |
Chaque mois ou chaque trimestre en fonction de la périodicité choisie en cas de remplacement effectué ([223]) |
Source : Urssaf.
II. Le dispositif proposÉ : une extension du dispositif de dÉclaration simplifiÉe aux mÉdecins exerçant une activitÉ libÉrale de rÉgulation
A. Le service d’accÈs aux soins et les mÉdecins ayant des activitÉs de rÉgulation
1. Le service d’accès aux soins, une innovation majeure pour améliorer l’accès aux soins et désengorger les services d’urgence
Lancé dans le cadre du pacte de refondation des urgences (2019) et réaffirmé lors du Ségur de la santé (2020), le service d’accès aux soins (SAS) vise à répondre à la demande de soins vitaux, urgents et non programmés de la population, partout et à toute heure, grâce à une chaîne de soins lisible et coordonnée entre les acteurs de santé de l’hôpital et de la ville d’un même territoire. L’organisation du SAS est effectuée à l’échelle départementale, ce qui peut expliquer l’hétérogénéité du calendrier de son déploiement. Le SAS est aujourd’hui défini, dans le code de la santé publique, comme permettant d’assurer « une régulation médicale pour l’accès aux soins, qui associe le service d’aide médicale urgente (…) et une régulation de médecine ambulatoire » ([224]). Après une phase pilote menée par vingt‑deux SAS dans treize régions différentes, une généralisation progressive du dispositif à l’échelle nationale est prévue à l’horizon mi-2023.
La fonction de médecin régulateur, quant à elle, est née en 1976 avec la création du réseau des services d’aide médicale urgente (Samu) afin de coordonner les efforts médicaux entre les équipes pré hospitalières (Smur) et les services d’urgence hospitaliers. Aujourd’hui, la régulation constitue un acte médical téléphonique. Un médecin régulateur répond aux appels d’urgence des patients depuis son centre de régulation, 24 heures sur 24. D’après le code de la santé publique, « l’accès au médecin de la permanence des soins ambulatoires fait l’objet d’une régulation médicale téléphonique préalable, accessible sur l’ensemble du territoire national » ([225]). Le rapport du « Pacte de refondation des urgences » précise qu’il ne s’agit pas, avec le SAS, « de cibler le Samu exclusivement, mais aussi la régulation libérale, pour les soins non programmés, notamment dans la perspective d’une régulation ouverte en permanence » ([226]). Le SAS repose en effet sur un partenariat entre professionnels hospitaliers et libéraux.
Le SAS résulte du besoin majeur de désengorger les services d’urgences en permettant un aiguillage vers un médecin généraliste des patients dont les situations ne relèvent pas d’un plateau technique d’urgence. Le nombre de ces patients est évalué entre 20 et 40 % du flux général selon les études ; répartis entre les médecins de ville généralistes, ils représentent moins d’un acte par jour et par médecin ([227]).
Le SAS se matérialise notamment par la création d’une plateforme destinée à l’usage exclusif des professionnels y participant, et développée par l’Agence numérique en santé. Lorsqu’une prise en charge hospitalière n’est pas requise pour le patient appelant le Samu ou le SAS, le professionnel de santé peut orienter sans délai le patient via la plateforme numérique vers un médecin libéral ou une structure de soins, incluant à terme la possibilité de prise d’un rendez-vous. Les professionnels de santé participant à SAS doivent mettre en visibilité des créneaux disponibles sur la plateforme et accepter d’être contactés par le régulateur en sus de ces disponibilités. Ce sont des conditions pour la rémunération spécifique des médecins effecteurs de soins dans le cadre du SAS. La plateforme numérique n’est pas encore utilisée partout. L’une des recommandations de la mission flash portant sur les urgences de juin 2022 est d’étendre son utilisation à l’ensemble du territoire national (recommandation n° 7).
2. La participation des médecins libéraux à la régulation médicale
L’organisation de la régulation de la permanence des soins ambulatoires dépend exclusivement, dans la grande majorité des territoires, d’une organisation départementale ([228]). Ainsi, les réalités locales de la mise en œuvre du SAS sont hétérogènes. Les médecins libéraux ont participé à la régulation médicale en 2021 sur la quasi-totalité du territoire, à l’exception de huit collectivités ([229]).
D’après les conseils départementaux de l’ordre des médecins, 2 621 médecins libéraux installés en activité régulière participaient à la régulation libérale en 2021. En y ajoutant les médecins retraités, salariés ou remplaçants qui ont également été actifs, ce seraient au total 3 268 médecins généralistes qui ont assuré le rôle de médecins régulateur en 2021, soit une hausse de 4,1 % par rapport aux chiffres constatés l’année précédente.
Cette augmentation s’explique notamment par le besoin de renforcement du front de régulation engendré par l’épidémie de covid‑19. Selon l’étude d’impact, les besoins des SAS en régulation médicale représentent aujourd’hui 2 500 médecins régulateurs en journée.
Les médecins libéraux régulateurs au sein des Samu ou des SAS ont bénéficié, jusqu’au 30 septembre 2022 d’une rémunération de 100 euros par heure ([230]). À compter du 1er octobre, le dispositif a retrouvé son cadre habituel et ils perçoivent 90 euros par heure de régulation – avec prise en charge de leurs cotisations sociales par l’assurance maladie dans la même mesure que leurs autres revenus conventionnés. Ces montants sont valables pour les heures de régulation en dehors des horaires de permanence des soins ambulatoires (PDSA).
Effectifs de mÉdecins libÉraux installÉs, de mÉdecins retraitÉs, salariÉs ou remplaçants ayant participÉ À la rÉgulation mÉdicale de la permanence des soins ambulatoires en 2018, 2029, 2020 et 2021
Source : Conseil national de l’ordre des médecins.
Un modèle de financement spécifique a été prévu pour les médecins effecteurs de soins acceptant de recevoir des patients orientés par le SAS. La rémunération, s’ajoute au tarif classique de la consultation, se compose d’un forfait de 1 400 euros par an complété par un forfait trimestriel échelonné par paliers d’actes.
B. L’Élargissement du dispositif de dÉclaration simplifiÉe
Après la mise en place des services d’accès aux soins, la mission flash sur les urgences et les soins non programmés de juin 2022 a mis en exergue la nécessité de continuer à inciter les médecins à participer à des activités de régulation ([231]).
Pour cela, il apparaît pertinent que les médecins exerçant une activité libérale de régulation puissent bénéficier du dispositif simplifié de déclaration, dans la mesure où les rémunérations issues de cette activité de régulation ne dépassent pas les plafonds en vigueur pour les médecins remplaçants. L’objectif consiste à rendre cette activité attractive en simplifiant les démarches d’administration. Il s’agit à court terme, selon l’étude d’impact, d’encourager la reprise d’activité des médecins retraités pour les besoins de régulation dans le cadre du SAS et de la PDSA. À plus long terme, l’objectif est d’encourager l’activité des médecins en cumul emploi-retraite qui désirent participer à la régulation des soins.
En ce sens, le 1° du I propose de compléter l’article L. 642-4-2 du code de la sécurité sociale, qui définit le régime simplifié de déclaration, afin d’ajouter dans la liste des potentiels bénéficiaires d’un tel régime les médecins exerçant une activité de régulation, dans le cadre du service d’accès aux soins mentionné à l’article L. 6311-3 du code de la santé publique et de la permanence des soins mentionnée à l’article L. 6314-1 du même code, dès lors qu’ils n’exercent pas d’autre activité en médecine libérale.
Le 2° du I procède à un ajout similaire, dans le même article, afin de préciser que les rémunérations issues de l’activité de régulation ne doivent pas dépasser un seuil fixé par décret, sur le modèle qui existe pour les médecins remplaçants.
Le II procède, en outre, à l’extension du bénéfice du régime de responsabilité applicable à l’établissement de santé gestionnaire du Samu des médecins libéraux régulateurs (aux horaires de la permanence de soins ambulatoires) aux médecins libéraux régulateurs du SAS. Comme la mesure précédente, celle-ci entreprend de lever un frein à l’engagement des médecins dans les SAS. Actuellement, les médecins libéraux régulateurs en dehors des horaires de la permanence des soins ambulatoires s’assurent eux-mêmes pour cette activité ([232]). Par crainte d’un risque médico-légal, les médecins peuvent hésiter à exercer la régulation médicale, leur assurance étant pour certains majorée par cet exercice particulier. Il faut en effet être considéré comme collaborateur occasionnel du service public pour bénéficier de la couverture assurantielle de l’établissement de santé, ce qui implique de participer à une mission de service public. Or, le droit en vigueur relatif au SAS ne prévoit pas que l’activité des médecins généralistes régulateurs du SAS relève d’une telle mission.
Pour y remédier, il est proposé de modifier le code de la santé publique en introduisant un article L. 6311-4 précisant que les dispositions de l’article L. 6314‑2 sont applicables aux médecins libéraux assurant la régulation des appels du SAS. Pour rappel, l’article L. 6314‑2 applique, aux médecins libéraux assurant la régulation des appels au sein d’un service d’aide médicale urgente hébergé par un établissement public de santé, le régime de la responsabilité administrative des agents dudit établissement. Ce régime est étendu aux cas où un médecin assurerait la régulation depuis son cabinet ou son domicile.
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TITRE II
CONDITIONS GÉNÉRALES DE L’ÉQUILIBRE FINANCIER DE LA SÉCURITÉ SOCIALE
Article 10
Transfert du financement des indemnités journalières maternité post-natales à la branche famille
Adopté par la commission sans modification
Le présent article assure le transfert entre la branche maladie et la branche famille du financement d’une majeure partie des indemnités journalières actuellement prises en charge par la première, pour des raisons de cohérence avec les missions des branches et dans le but d’une présentation plus sincère de la situation budgétaire de l’ensemble des branches des régimes obligatoires de base.
I. L’État du droit : une rÉpartition peu lisible du financement des indemnitÉs journaliÈres
Les indemnités journalières se présentent aujourd’hui comme des prestations en espèce versées par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM), dans deux hypothèses principalement :
– la survenue d’une maladie ou d’un accident ayant pour conséquence d’empêcher l’assuré qui le subit de travailler, sous réserve d’une durée de carence qui varie de trois jours pour le secteur privé à une journée dans le secteur public. Ces indemnités journalières sont versées par les CPAM ou la Mutualité sociale agricole (MSA) sous deux conditions préalables alternatives : avoir travaillé au moins 150 heures au cours des trois mois civils ou des 90 jours précédant l’arrêt ou avoir cotisé, au cours des six mois civils précédant l’arrêt, sur la base d’une rémunération au moins égale à 1 015 fois le montant du salaire horaire minimal interprofessionnel de croissance (Smic) fixé au début de cette période ;
– la naissance, l’adoption ou l’accueil d’un enfant, sous les mêmes réserves, auxquelles s’ajoutent le fait d’avoir été assuré social pendant une durée d’au moins dix mois avant la demande de bénéficier de l’indemnité journalière.
La majorité de ces indemnités journalières est aujourd’hui prise en charge par l’assurance maladie comme des prestations financées en dehors de l’Ondam. Les relations financières avec la branche famille n’interviennent que concernant les indemnités journalières versées au cours du congé paternité, depuis sa création et sa prise en charge en 2002 ([233]).
Cette répartition est peu compréhensible au regard des objectifs poursuivis par chacune des branches. Si la prise en charge de la santé de la mère au regard des risques inhérents à la grossesse revient naturellement à l’assurance-maladie, l’existence d’un congé post-natal, s’il emporte naturellement des conséquences positives pour la santé de la mère comme de l’enfant, vise également à favoriser la cohésion familiale. Les indemnités journalières soutiennent les objectifs traditionnels de la politique familiale, à savoir alléger la charge qui pèse sur les ménages qui décident d’avoir un enfant et faciliter l’accueil de ce dernier.
Ainsi que le constate la Cour des Comptes dans son rapport d’application sur les lois de financement d’octobre 2022 ([234]), « le financement des indemnités pour maternité (3,2 milliards d’euros en 2021) et pour paternité (0,3 milliard d’euros en 2021, 0,6 milliard d’euros prévus en 2022) est respectivement assuré par les branches maladie et famille. Il aurait vocation à être regroupé dans une seule et même branche. Cette branche pourrait être la branche famille au motif que les indemnités journalières maternité et paternité ont une destination familiale et que, n’ayant pas vocation à être régulées, elles ne sont pas comprises dans l’Ondam, contrairement aux indemnités maladie et AT‑MP. »
Ces dépenses hors-Ondam, indépendantes de la situation sanitaire des bénéficiaires, ont donc vocation à être financées à meilleur escient par la branche famille dans un contexte budgétaire où, par ailleurs, la branche maladie cumule des déficits ne lui permettant pas de financer des prestations extérieures au champ naturel des risques qu’elle doit couvrir.
II. Le dispositif proposÉ : le transfert du financement des indemnitÉs journaliÈres post-natales de la branche maladie À la branche famille
A. Une mesure de lisibIlitÉ
Afin d’assurer un partage de la charge que représentent les indemnités journalières entre les branches maladie et famille, le présent article procède au transfert du financement des indemnités journalières de la première branche vers la seconde, en distinguant deux catégories de prestations.
Les premières correspondent à des prestations qui visent à la fois à prendre en charge la santé des bénéficiaires et les charges familiales. Le financement de ces prestations incombe à 60 % à la branche famille et à 40 % à la branche maladie. Cette répartition, qui peut sembler arbitraire, s’explique notamment par le fait que le congé maternité de seize semaines se distingue, dans les situations classiques, entre six semaines précédant la naissance de l’enfant et dix semaines qui suivent celle-ci. La période post-natale correspond à 62,5 % de l’ensemble de la durée du congé maternité.
Les secondes ne concernent que les charges familiales et doivent être prises en charge à 100 % par la branche famille.
Le a du 2° du I procède à la répartition figurant dans le tableau ci-dessous.
RÉpartition du financement des indemnitÉs journaliÈres et allocations de remplacement pour des prestations versÉes
dans le rÉgime gÉnÉral et le rÉgime agricole
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Typologie d’activités |
Financement à 40 % par la branche maladie et à 60 % par la branche famille |
Financement à 100 % par la branche famille |
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Salariés et assimilés |
Les indemnités journalières de congé maternité, y compris les modalités dérogatoires en cas d’hospitalisation de l’enfant Les indemnités journalières versées au père en cas de décès de la mère au cours de la période d’indemnisation Les indemnités journalières versées aux parents adoptifs ou accueillants Les allocations journalières versées aux femmes dispensées de travail en raison de leurs grossesses |
Les indemnités journalières relatives au congé de paternité et d’accueil de l’enfant Les indemnités journalières ou allocations de remplacement versées en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans ou d’une personne âgée de moins de vingt-cinq ans à la charge effective et permanente de l’assuré |
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Travailleurs indépendants |
Les indemnités journalières de congé maternité Les indemnités journalières versées aux parents adoptifs ou accueillants |
Les indemnités journalières relatives au congé de paternité ([235]) et d’accueil de l’enfant Les indemnités journalières ou allocations de remplacement versées en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans ou d’une personne âgée de moins de vingt-cinq ans à la charge effective et permanente de l’assuré Les modalités dérogatoires de prise en charge du congé maternité en cas de naissance prématurée et d’hospitalisation de l’enfant Les indemnités journalières versées au père en cas de décès de la mère au cours de la période d’indemnisation |
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Exploitants et salariés agricoles |
Les allocations de remplacement ou indemnités journalières pour la couverture du congé maternité Les allocations de remplacement ou indemnités journalières versées aux parents adoptifs ou accueillants Les allocations de remplacement ou indemnités journalières versées au père en cas de décès de la mère au cours de la période d’indemnisation |
Les allocations de remplacement ou indemnités journalières pour la couverture du congé de paternité Les indemnités journalières ou allocations de remplacement versées en cas de décès d’un enfant de moins de 25 ans ou d’une personne âgée de moins de vingt-cinq ans à la charge effective et permanente de l’assuré
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Source : commission des affaires sociales à partir du présent article.
Cette répartition du financement des prestations prend la forme d’un transfert qui inclut, selon les mêmes proportions de 60 % et 100 % selon les prestations, le montant des frais de gestion afférents au service de ces prestations.
Le 3° du I adapte en conséquence les ressources de la branche maladie du régime général, tandis que le 4° du même I précise au sein des charges revenant à l’assurance maternité que les indemnités journalières versées au titre de la grossesse ou du congé maternité sont en partie prises en charge par la branche famille.
Le remboursement de la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) est assuré par le biais d’une dotation de la branche famille pour la prise en charge totale ou partielle des prestations susmentionnées, au 1° du II pour les non-salariés agricoles et du 2° du II pour les salariés agricoles.
Cette modification du financement n’emporte aucune conséquence pour les assurés, ni pour leurs droits, ni pour les modalités de versement de ces indemnités qui continueront de relever des CPAM.
B. Une mesure de cohÉrence budgÉtaire
Si elle est nourrie d’une réelle ambition de clarification et de financement par la branche famille des prestations qui relèvent de sa vocation, cette mesure constitue naturellement un transfert de charges au bénéfice de la branche maladie et au détriment de la branche famille. Ce transfert, neutre du point de vue de l’ensemble des ROBSS, mérite explication.
Touchée de plein fouet par la crise sanitaire, la branche maladie supporte les charges liées aux mesures pérennes du « Ségur », geste fort de la précédente législature et du Gouvernement en faveur de l’amélioration des conditions de travail et d’une meilleure attractivité des postes au sein des établissements de santé et des établissements médico-sociaux. Cette ambition se poursuit à travers l’extension progressive des accords du Ségur, à travers aussi l’augmentation du point d’indice de 3,5 % pour la fonction publique hospitalière décidée au cours de l’été 2022. La conjonction de ces deux phénomènes aboutit à ce que la branche maladie subisse un déficit majeur qui serait appelé à se prolonger faute de mesures nouvelles.
À l’inverse, les conditions financières de la branche famille, qui reposent sur des recettes dynamiques, aboutissent à une situation excédentaire qui a vocation à se perpétuer au cours des années à venir. Cette situation ne signifie naturellement pas que la politique familiale n’ait pas fait l’objet de mesures structurantes au cours des précédents exercices, comme en témoignent notamment l’augmentation du montant de l’allocation de soutien familial (ASF) à destination des familles monoparentales et le doublement de la durée du congé paternité pour plus de 500 millions d’euros par an ([236]). Mais la coexistence de branches en excédent et d’autres en déficit ne constitue pas un équilibre souhaitable, compte tenu du fait que les déficits cumulés mettent en péril la trajectoire actuelle d’amortissement de la dette sociale.
Le graphique suivant présente l’impact de ce transfert sur les trajectoires respectives des branches famille et maladie.
Source : commission des affaires sociales à partir des données présentes à l’annexe B et à l’annexe 9 du présent projet de loi.
Le présent article contribue au rétablissement de l’équilibre de la branche maladie sans mettre en péril les excédents de la branche famille et sa capacité de financer, notamment, la mise en œuvre du service public de la petite enfance. En ceci, il permet de respecter les priorités de la majorité et du Gouvernement tout en évitant un cumul de déficits qui pourrait devenir insoutenable pour l’assurance maladie.
Le III prévoit l’application du présent article aux prestations dues à compter du 1er janvier 2023.
C. une mesure de modification des modalitÉs de compensation
Outre une mesure rédactionnelle prévue au b du 2° du I, le présent article prévoit, au 1° du I, la compensation de la nouvelle réduction de cotisations pour les travailleurs indépendants adoptés dans le cadre de la loi dite « pouvoir d’achat » ([237]) par le biais de l’affectation d’une ressource fiscale, en l’occurrence par le biais de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).
Pour rappel, la loi dite « pouvoir d’achat » a modifié la réduction de cotisations dont peuvent bénéficier les travailleurs indépendants artisans et commerçants, de sorte que cette réduction atteigne 550 euros par an pour une rémunération équivalente au Smic. Cette réduction, adaptée aux micro-entrepreneurs en fonction de leurs modalités de cotisation, modifie la réduction existante, qui faisait déjà l’objet d’une compensation par le biais de la TVA.
L’exception inscrite à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale vise donc à faire en sorte que les modifications des exonérations existantes ne soient pas portées par les crédits budgétaires d’un ministère en particulier, mais par les ressources affectées à l’État.
En application du IV, cette adaptation des modalités existantes de compensation s’appliquera comme la nouvelle exonération elle-même, soit :
– aux cotisations dues par les artisans et commerçants pour les périodes courant à compter du 1er janvier 2022 ;
– aux cotisations dues par les micro-entrepreneurs pour les périodes courant à compter du 1er octobre 2022.
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Article 11
Compensation par l’État des pertes de recettes pour la sécurité sociale
Adopté par la commission sans modification
Cet article constitue une disposition obligatoire des LFSS, proposant au Parlement d’approuver le montant des compensations par l’État des exonérations, réductions et abattements d’assiette de cotisations ou contributions de sécurité sociale. Cette compensation s’élève pour 2023 à 6,2 milliards d’euros.
I. L’État du droit : La multiplication des niches sociales a rendu indispensable une compensation intÉgrale par l’État de ces pertes de recettes et une information transparente À destination du Parlement
Conformément aux dispositions organiques du code de la sécurité sociale ([238]), le présent article constitue un article obligatoire dans le champ des dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir des LFSS. Il convient donc systématiquement, pour l’année à venir, d’approuver le montant de la compensation mentionnée à l’annexe dédiée aux exonérations de cotisations sociales recensant l’intégralité des niches sociales et évaluant leurs coûts ([239]).
A. La multiplication des niches sociales a entraÎnÉ une forte augmentation de leur coÛt sur les derniÈres annÉes
1. Les niches sociales peuvent prendre plusieurs formes
Les niches sociales désignent, selon la définition de la Cour des comptes ([240]), « les dispositifs dérogatoires d’assujettissement aux prélèvements sociaux qui en réduisent le rendement ». Cela peut concerner les cotisations et contributions sociales et les autres impôts et taxes affectées à la sécurité sociale, tout comme les cotisations des régimes obligatoires de la protection sociale de nature conventionnelle – assurance chômage et retraites complémentaires des salariés.
Deux catégories de niches sociales peuvent être distinguées :
– les exonérations portant réduction de taux ou de montants ;
– les exemptions d’assiette, c’est-à-dire l’exclusion totale ou partielle de certains éléments de rémunération de l’assiette soumise à prélèvement, ou l’application d’une assiette forfaitaire.
Alors que les secondes, plus anciennes, visent plutôt à favoriser un certain type de rémunération, les premières ont pour objectif de réduire le coût du travail.
2. Une augmentation du coût de ces dispositifs ces dernières années
Comme le rappelle la Cour des comptes dans son rapport de 2022 sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS), ces niches sociales ont eu trois objectifs : « alléger le coût du travail faiblement qualifié pour favoriser l’emploi, améliorer la compétitivité des entreprises et augmenter le salaire net des actifs pour améliorer leur pouvoir d’achat » ([241]).
Alors qu’elles peuvent être distinguées entre allégements généraux et dispositifs ciblés, ces mesures en faveur de l’emploi et de la compétitivité avaient pour l’ensemble des régimes de la sécurité sociale ([242]) un coût total de 73,8 milliards d’euros en 2021 ([243]), soit une hausse de 9,3 % par rapport à 2020. Ce sont les allégements généraux qui connaissent le plus fort dynamisme (+ 8,8 %), portés par le rebond de la masse salariale du secteur privé. Le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale prévoit que le coût de ces allégements continuera de croître sous l’effet de l’inflation, des revalorisations du Smic et de la hausse des salaires, mais à un rythme légèrement inférieur (+ 6,8 %).
a. Les allégements généraux
La politique d’allégement du coût du travail dans un objectif de compétitivité est d’abord passée, depuis 1993 ([244]) et surtout à partir de 2003 ([245]) avec les « allégements Fillon », par une politique dite d’allégements généraux de cotisations patronales.
Sur la période récente, le pacte de compétitivité et de solidarité (2015‑2017) a allégé les cotisations patronales de 9 milliards d’euros ; la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité des entreprises d’un allégement d’impôt sur les bénéfices en réduction pérenne de cotisations patronales a représenté 21,6 milliards d’euros en 2019. En outre, des taux réduits de cotisations s’appliquent jusqu’à 2,5 Smic pour les cotisations patronales maladie et jusqu’à 3,5 Smic pour les cotisations patronales famille. Les salaires au niveau du Smic sont donc exonérés de cotisations patronales et il existe un allégement dégressif jusqu’à 1,6 Smic.
Le coût total de ces allégements généraux est estimé, en 2021, à 60,3 milliards d’euros pour l’ensemble des régimes de la sécurité sociale, dont 51,2 milliards d’euros pour les seuls ROBSS.
Évolutions et prÉvisions des montants des diffÉrents dispositifs d’allÉgements À vocation gÉnÉrale (2019-2023 ([246]))
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022.
b. Les allégements ciblés
À ces allégements généraux s’ajoutent des allégements ciblés objet de la compensation que le présent article propose d’approuver. Il s’agit en particulier :
– des mesures destinées à des publics particuliers comme l’aide à la création d’entreprise, les exonérations en faveur des contrats d’apprentissage, les contrats aidés du secteur public ;
– les exonérations spécifiques à certains secteurs économiques comme les déductions sur les heures supplémentaires pour les entreprises de moins de 20 salariés, la déduction forfaitaire pour les services à la personne, l’exonération TO‑DE ([247]), les exonérations pour les jeunes entreprises innovantes ;
– les dispositifs ciblés sur certaines zones géographiques comme l’aide à la création d’emplois en zones de revitalisation rurale ou en zones franches urbaines, l’aide aux entreprises d’outre-mer (Lodeom) ou le soutien aux travailleurs indépendants outre-mer.
D’après le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale de septembre 2022 ([248]), le montant des exonérations ciblées compensées s’élevait en 2021 à 9,6 milliards d’euros, alors que près de 2,3 milliards d’euros n’étaient pas compensés. Par comparaison, ces montants étaient respectivement de 8,7 milliards d’euros et de 1,9 milliard d’euros en 2020.
Structure des exonÉrations ciblÉes (2021-2022)
Source : rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, septembre 2022
Une hausse totale de 11 % du coût des allégements ciblés apparaît donc entre 2020 et 2021. En effet, selon le rapport à la Commission des comptes de la sécurité sociale, « les exonérations préexistantes ont enregistré une baisse importante due à la chute inédite de l’activité, alors que de nouvelles exonérations spécifiques à la gestion de crise et aides au paiement de cotisations ont été mises en place. Ces nouveaux dispositifs disparaissent cependant à horizon 2022 (sauf pour les travailleurs indépendants), ce qui permettrait ainsi à la structure des exonérations d’être de nouveau tirée par la dynamique des allègements généraux, comme c’était le cas avant la crise ».
Entre 2016 et 2020, le montant des niches sociales a globalement augmenté de près de 50 %, du fait des montants alloués aux allégements généraux ([249]). Il n’est pas pour autant possible de considérer que la suppression de l’ensemble de ces niches engendrerait automatiquement une augmentation d’un montant similaire des recettes de sécurité sociale. Les personnes bénéficiant de ces dispositifs dérogatoires prendraient vraisemblablement d’autres décisions économiques que ce soit en termes de mode de rémunération, d’emploi ou d’investissement.
c. La difficulté d’encadrer l’augmentation du coût des niches sociales
La Cour des comptes considère que les diverses tentatives d’encadrement des niches sociales par l’intermédiaire des lois de programmation des finances publiques (LPFP) n’ont, sur la période récente, pas atteint leurs objectifs. En ce sens, alors que la LPFP 2014-2019 avait explicitement prévu une stabilisation des dispositifs dérogatoires d’une année sur l’autre, la LPFP 2018-2022 avait « desserré cette contrainte en prévoyant un plafonnement de la part des ‘niches’ dans le total des recettes de la sécurité sociale » ([250]) sans pour autant y parvenir. En outre, la Cour a rappelé que « les dispositifs dérogatoires à l’assujettissement aux prélèvements sociaux sont l’une des principales sources d’irrégularités déclaratives de ces derniers » ([251]). Les divers dispositifs d’exonération et d’exemption constituent donc un point d’alerte important dans la lutte contre la fraude aux cotisations sociales.
Dans le but de disposer d’une meilleure visibilité sur ces niches dont le coût est en augmentation, la loi organique du 14 mars 2022 ([252]) étend le domaine exclusif des LFSS aux mesures de diminution de recettes de la sécurité sociale non bornées dans le temps. Ainsi, la loi ordinaire ou la loi de finances peuvent toujours prévoir, depuis le 1er septembre 2022, des dispositions relatives à des exonérations, réductions ou abattements de cotisations ou de contributions sociales, mais leur durée d’application ne saurait excéder trois ans. La pérennisation de ces exonérations ne pourra procéder que d’une LFSS.
Enfin, l’article 20 du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027, déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale le 26 septembre 2022 ([253]), se donne pour objectif de « piloter et borner dans le temps les niches sociales en miroir de ce qui est prévu [...] pour les dépenses fiscales ». Outre l’objectif de plafonner les dépenses sociales dans le temps – pour une durée de trois ans –, l’article 20 crée un instrument de pilotage des dépenses sociales dans le but d’en limiter le montant total. Il s’agit ainsi de calculer, chaque année, la part des dépenses sociales par rapport aux recettes des ROBSS et du Fonds de solidarité vieillesse (FSV) non compensés par crédits budgétaires. Le rapport entre ces deux montants ne pourrait excéder 14 % chaque année durant la période 2023-2027.
B. Une double obligation pour l’État d’information du parlement et de compensation intÉgrale des pertes de recettes pour la sÉcuritÉ sociale
1. Une information du Parlement riche mais encore incomplète
Ce n’est que depuis la LFSS 2006 que l’objet et le coût des niches sociales entrant dans le champ des ROBSS et du FSV font l’objet d’une annexe transmise au Parlement. Depuis 2014, ce même document a été enrichi d’une précision de la notion de droit commun, également appelée « norme de référence », à laquelle les niches sociales permettent de déroger ([254]).
● Dans son rapport précité de 2019, la Cour des comptes formulait quatre critiques principales à l’encontre du mode de recensement des niches sociales effectué dans l’annexe du PLFSS :
– la norme de référence est variable et inégalement appliquée ;
– le périmètre de recensement exclut les niches relevant de politiques propres à la sécurité sociale, comme la prise en charge par l’assurance maladie d’une partie des cotisations sociales des praticiens et auxiliaires médicaux conventionnés ;
– le coût de certains dispositifs n’est pas chiffré (assiettes forfaitaires, assiettes non soumises à cotisations mais déclarées au réel au titre de la CSG) ;
– certaines exemptions d’assiettes voient leurs coûts minorés du fait de la prise en compte, non pas du taux de droit commun correspondant au barème des cotisations sociales, mais bien du taux moyen effectif calculé à partir de la distribution des rémunérations des salariés.
Finalement, la Cour des comptes considère que le coût affiché en LFSS 2019 devait être majoré de 25 milliards d’euros.
● Depuis ce rapport, la loi organique du 14 mars 2022 a modifié l’article L.O. 111-4-4 du code la sécurité sociale détaillant le contenu des annexes au PLFSS. Désormais, un document qui sera annexé au projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale ([255]) doit présenter l’évaluation de l’efficacité de ces mesures au regard des objectifs poursuivis, pour au moins le tiers d’entre elles. Chaque mesure doit faire l’objet d’une évaluation une fois tous les trois ans. Ces nouvelles dispositions organiques répondent aux enjeux soulevés par la Cour des comptes en ce qui concerne la nécessité de mieux évaluer l’efficacité des niches sociales, dans la mesure où les dernières évaluations d’ampleur avaient été menées en 2011([256]) et en 2015 ([257]).
● En outre, alors que la Cour des comptes préconisait que cette annexe soit enrichie d’informations relatives aux coûts des niches sociales pour les régimes de retraite complémentaire et d’assurance chômage des salariés, cette même loi organique a créé une nouvelle annexe présentant l’état des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires pour le dernier exercice clos ([258]). Sans faire entrer l’assurance chômage et les retraites complémentaires dans le champ des LFSS, cette innovation permet d’accroître l’information des parlementaires sur ces thématiques. En parallèle, il faut noter que cette information, par l’intermédiaire de cette annexe dédiée, s’est également élargie au champ de la contribution sociale généralisée, dont les principales exonérations prennent la forme d’un taux réduit.
2. Une obligation de compensation par l’État de ces pertes de recettes
Le principe de compensation a été créé en parallèle de la mise en place d’allégements généraux sur les bas salaires dans l’objectif d’un soutien massif à l’emploi. L’obligation de compensation des exonérations ou réductions de cotisations sociales par l’État a été d’abord instaurée par la loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, dite « loi Veil », qui pose le principe d’une compensation intégrale de ces exonérations dès lors que les mesures entrent dans le champ des seules cotisations de sécurité sociale et qu’elles ont été instituées après l’entrée en vigueur de la loi.
Aujourd’hui codifié à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, ce principe a été élargi à l’ensemble des contributions affectées aux régimes obligatoires de base ainsi qu’aux organismes chargés de l’amortissement de leur dette ou de concourir à leur financement, ainsi qu’aux réductions totales ou partielles des assiettes de ces contributions ([259]). Il consiste en une compensation à l’euro près, année par année, des pertes de recettes pour la sécurité sociale par le ministère en charge de la politique favorisée par l’exonération. À titre d’exemple, les exonérations en faveur du développement de l’activité économique en outre-mer (dites « Lodéom ») sont compensées par le ministère des outre-mer. Il s’agissait de responsabiliser les ministères plutôt que de pénaliser la sécurité sociale du fait de politiques qui ne sont pas en lien avec ses objectifs.
Toutefois, le législateur peut déroger au principe de compensation intégrale dès lors qu’il le prévoit en LFSS ([260]). Il a ainsi instauré à plusieurs reprises des compensations dites « pour solde de tout compte » dérogeant à l’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale, qui concerne en principe plutôt les allégements généraux, par le biais d’une fraction de TVA et par la totalité de la taxe sur les salaires.
Ainsi, le principe de compensation intégrale ne concerne aujourd’hui plus que les dispositifs d’exonération ciblée de cotisations sociales. L’application du principe selon lequel les exonérations ciblées sont l’apanage de la compensation quand les exonérations générales ne peuvent être inscrites au crédit d’aucun ministère connaît toutefois des exceptions ([261]).
Le rapport dit « Charpy-Dubertret » de 2018 ([262]) préconisait ainsi, dans un contexte de quasi-retour à l’équilibre, d’assouplir les règles de compensation en faisant en sorte que les baisses de prélèvements obligatoires soient supportées par l’État ou la sécurité sociale en fonction de l’affectation de ces derniers, « sans qu’il soit nécessaire ensuite de procéder à des transferts de compensation dans un sens ou dans l’autre ». La règle de compensation pourrait être maintenue pour les allégements ciblés.
II. Le dispositif proposÉ : APPROUVER LE MONTANT DE LA COMPENSATION DES EXONÉRATIONS À hauteur de 6,2 milliards d’euros
En application des dispositions organiques évoquée supra, le présent article propre d’approuver le montant des exonérations compensées aux organismes de base de la sécurité sociale. Ce montant s’élève à 6,2 milliards d’euros.
*
* *
Articles 12 et 13
Approbation, pour l’année 2023, des tableaux d’équilibre de l’ensemble des régimes obligatoires de base et fixation, pour l’année 2023, de l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale ainsi que des prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse
Adoptés par la commission sans modification
Les articles 12 et 13 portent approbation du tableau d’équilibre par branche de l’ensemble des régimes de base de sécurité sociale pour 2023.
Ils fixent en outre, pour 2023, les prévisions de recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) et mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse (FSV), ainsi que l’objectif d’amortissement de la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades).
I. Les modifications organiques des modalitÉs d’approbation des comptes pour l’annÉe À venir
Les modalités d’approbation des comptes pour l’année à venir, qui se faisaient sous l’empire de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale avant la modification du cadre organique ([263]), sont désormais établies à l’article L.O. 111-3-4 du même code.
Article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale ([264])
« Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année :
[...]
« 2° Détermine, pour l’année à venir, de manière sincère, les conditions générales de l’équilibre financier de la sécurité sociale, compte tenu notamment des conditions économiques générales et de leur évolution prévisible. Cet équilibre est défini au regard des données économiques, sociales et financières décrites dans le rapport prévu à l’article 50 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette fin, la loi de financement de l’année :
« a) Prévoit les recettes de l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que celles des organismes concourant au financement de ces régimes ;
[...]
« d) Retrace l’équilibre financier de la sécurité sociale dans des tableaux d’équilibre établis pour l’ensemble des régimes obligatoires de base, par branche, ainsi que pour les organismes concourant au financement de ces régimes. »
Les changements apportés par ce nouveau cadre organique sont les suivants :
– la suppression de la mention du régime général, en raison de la confusion que sa présentation pouvait introduire au regard du champ dont traite le législateur au sein des lois de financement ([265]) ;
– la suppression de l’état annexé au présent article, évaluant les recettes, par branche, du régime général, des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), ainsi que du FSV. Le législateur organique a supprimé cette annexe en raison de sa redondance presque parfaite avec l’annexe 4, désormais intégrée dans la nouvelle annexe 3.
II. L’exercice 2023 : un redressement accÉlÉrÉ des comptes sociaux, qui se rapprochent de l’Équilibre
A. Une prÉvision sensiblement amÉliorÉe par rapport aux exercices prÉcÉdents
1. Un écart massif avec des prévisions précédentes beaucoup plus pessimistes
Le tableau suivant compare les données du tableau d’équilibre pour 2023 avec les prévisions des LFSS 2021 et 2022, telles qu’elles figuraient dans leur annexe B :
Comparaison de la prÉvision pour 2023 avec les prÉvisions des deux exercices antÉrieurs
(en milliards d’euros)
|
|
Prévisions en LFSS 2021 (annexe B) |
Prévisions en LFSS 2022 (annexe B) |
Prévisions en PLFSS 2023 (article 12) |
||||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
208,3 |
225,9 |
– 17,6 |
216,8 |
229,8 |
– 13,0 |
231,8 |
238,3 |
– 6,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
15,8 |
14,3 |
1,5 |
15,6 |
14,1 |
1,5 |
17,0 |
14,8 |
2,2 |
|
Vieillesse |
254,7 |
263,6 |
– 8,9 |
259,7 |
264,6 |
– 5,0 |
269,8 |
273,3 |
– 3,5 |
|
Famille |
52,8 |
50,2 |
2,6 |
54,3 |
50,5 |
3,8 |
56,7 |
55,3 |
1,3 |
|
Autonomie |
33,2 |
33,6 |
– 0,3 |
34,3 |
35,5 |
– 1,2 |
36,1 |
37,3 |
– 1,2 |
|
Toutes branches* |
550,3 |
573,0 |
– 22,7 |
566,4 |
580,0 |
– 13,6 |
593,8 |
601,4 |
– 7,6 |
|
Toutes branches* incluant le FSV |
549,6 |
573,5 |
– 23,9 |
565,6 |
580,4 |
– 14,7 |
595,0 |
601,8 |
– 6,8 |
(*) Indépendamment des transferts entre branches.
Source : LFSS 2021, LFSS 2022 et PLFSS 2023.
Cette comparaison constitue un exercice toujours utile, notamment pour se rendre compte du caractère inattendu de l’augmentation des recettes comme des dépenses. Entre les prévisions arrêtées en décembre 2020 et celles qui sont examinées en septembre 2022, la vigueur de la reprise économique se traduit par une augmentation des recettes « toutes branches + FSV » de 45,4 milliards d’euros, et toujours de 29,4 milliards d’euros par rapport aux précisions arrêtées il y a un peu plus de six mois, en décembre 2021.
Côté dépenses, là aussi, l’écart est de taille, puisque, sur le même champ, les dépenses prévisionnelles inscrites au présent article sont supérieures de 28,3 milliards d’euros aux prévisions inscrites en LFSS 2021 et de 21,4 milliards d’euros par rapport à celles de la LFSS 2022.
Outre une certaine humilité quant à l’exercice de prévisions dans un contexte économique particulièrement mouvant et un contexte budgétaire de rattrapage de la trajectoire antérieure, ces mouvements s’expliquent par un « effet base » sur les dépenses comme sur les recettes, expliqué, pour les exercices précédents, dans les commentaires des articles 1er et 3 du présent projet de loi.
S’agissant des recettes proprement dites, leur évolution suit également un effet volume anticipé pour 2023 qui s’explique par la poursuite, pour l’année 2023, d’une trajectoire de croissance qui en soutient la progression, quoique plus contenue. Ainsi, à l’échelle de l’ensemble des ROBSS, la CSG ne progresserait plus que de 4 %, contre 6,2 % pour 2022, tandis que les cotisations n’évolueraient plus à la hausse que de 3,8 %, contre 5,9 %. Ces deux diminutions tiennent à la diminution de la progression de la masse salariale, de 8,4 % à 4,8 %, dans un contexte de diminution en 2023 de l’inflation et de la création nette d’emplois.
Cela se traduit finalement par un solde amélioré de 17,1 milliards d’euros par rapport aux prévisions en LFSS 2021 et de 7,9 milliards d’euros par rapport aux prévisions en LFSS 2022. Ce ressaut, particulièrement fort, s’ajuste également aux prévisions de modifications des recettes et des dépenses qui s’attachent à l’exercice 2023.
2. Les mesures nouvelles pour 2023
S’ajoutent en effet comme chaque année au nouveau contexte de nouvelles mesures, faisant pour une partie d’entre elles l’objet d’une mesure législative dans le présent projet de loi. Ces mesures sont naturellement commentées de manière approfondie dans les articles qui les concernent mais elles sont agrégées dans le tableau ci-dessous avec leur impact financier, afin de les mettre en perspective. Ce tableau contient également les mesures de transfert entre l’État et la sécurité sociale, dont les effets sur le solde sont significatifs, mais tendent à s’annuler.
impact financier des MESURES NOUVELLES en 2023 sur l’ensemble des rÉgimes obligatoires de base et le FSV
(en milliards d’euros)
|
Mesures en recettes |
|
|
Renforcement et harmonisation de la fiscalité sur les produits du tabac |
+ 0,4 |
|
Renforcement de la lutte contre la fraude sociale |
+ 0,004 |
|
Mesures en dépenses |
|
|
Vieillesse |
|
|
Maladie |
|
|
Mesures en économies dans le champ de l’Ondam |
+ 0,6 |
|
Famille |
|
|
Revalorisation du montant de l’allocation de soutien familial |
– 0,9 |
|
Autonomie |
|
|
Hausse du taux d’encadrement dans les Ehpad |
– 0,2 |
|
Simplification du financement de l’habitat inclusif |
– 0,1 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
|
|
Mesures en économies dans le champ de l’Ondam |
+ 0,002 |
|
Mesures de transfert |
|
|
Ajustement de la fraction de TVA |
+ 1,0 |
|
Modification de la compensation de l’exonération LODEOM |
– 0,3 |
|
Baisse de cotisations maladies des travailleurs non-salariés |
– 0,7 |
|
Prolongation de l’exonération TO‑DE |
+ 0,4 |
|
Effet total de ces mesures nouvelles |
– 0,5 |
Source : commission des affaires sociales, à partir de l’annexe 3 du projet de loi.
Ce tableau est délibérément simplifié par rapport au tableau d’équilibre financier, qui figure dans l’annexe 3 du projet de loi :
– les mesures en recettes et de transfert sont « globalisées » au niveau l’ensemble des ROBSS et du FSV ;
– toutes les mesures de « tuyauterie » ne sont pas retracées car il s’agit de mesures faussement nouvelles sur un plan financier à l’échelle de l’ensemble de la sécurité sociale (les dépenses ou recettes existaient déjà, et les transferts sont effectués à somme nulle) ; ces transferts sont ainsi commentés dans d’autres articles ([266]).
Ce tableau appelle deux types de commentaires.
Le premier porte sur les mesures de transfert. Leur effet améliore le solde, par deux mesures de baisse de recettes surcompensée par deux mesures de gain :
– le Gouvernement entend modifier les modalités de compensation de l’exonération de cotisations et de contributions sociales, dite « LODEOM », inscrite à l’article L. 752-3-2 du code de la sécurité sociale. Une part du champ auquel s’applique cette exonération spécifique est en fait couverte par la réduction de 6 points de cotisations sociales maladie ([267]). Or, celle-ci, par exception au principe de compensation par crédit budgétaire inscrit à l’article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, fait l’objet d’une « compensation » par affectation d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), pour solde de tout compte. Il est donc proposé, à l’instar d’autres exonérations ciblées qui empiétaient déjà sur le champ de cette réduction, de supprimer la part des crédits budgétaires versée par le ministère en charge des outre–mer à l’Acoss, au titre de cette compensation (– 300 millions d’euros) ;
– au titre de l’article 10 du présent projet de loi, il est également prévu de ne pas compenser la réduction de cotisations sociales maladie versées par les travailleurs indépendants, telle qu’instituée par la loi relative au pouvoir d’achat ([268]) par crédit budgétaire (– 700 millions d’euros), mais par l’affectation d’une ressource fiscale pour solde de tout compte ;
– la part de la TVA affectée à la sécurité sociale augmente à due concurrence de ces deux nouveaux modes de compensation (1 milliard d’euros) et annule les pertes de recettes pour les ROBSS issues des deux précédents mouvements ;
– la prolongation pour un an de l’exonération de cotisations patronales pour les travailleurs occasionnels-demandeurs d’emploi (TO‑DE), prévue par le présent projet de loi, se traduit par une perte de recettes pour l’ensemble des finances publiques mais, paradoxalement, par un gain pour les ROBSS. En effet, cette exonération est entièrement compensée par crédit budgétaire. Or, sa suppression aboutirait à « reverser » ses bénéficiaires dans la catégorie des bénéficiaires des allégements généraux, qui sont également des exonérations patronales pour le même champ de rémunérations. Les allégements généraux faisant l’objet d’une compensation « pour solde de tout compte », l’intégration de nouveaux bénéficiaires dans le champ de l’exonération ne se traduit pas par une augmentation à due concurrence du montant de TVA compensé à la sécurité sociale. Il en ressort que le maintien de cette modalité de compensation se traduit par un gain net de recettes pour les ROBSS (400 millions d’euros).
Le second commentaire vise à recenser les mesures qui ont un impact significatif sur le solde des ROBSS, parmi lesquelles on peut notamment relever :
– une augmentation des recettes liées aux droits d’accise sur les tabacs (400 millions d’euros) ;
– une moindre dépense au titre de l’Ondam (400 millions d’euros), en raison de mouvements contraires entre la branche maladie et la branche autonomie et dont les raisons sont détaillées dans le commentaire de l’article 47 du présent projet de loi ;
– une augmentation du coût de l’allocation de soutien familial (ASF), en raison de l’augmentation de son montant de 50 % (850 millions d’euros).
Au total, le solde spontané de la sécurité sociale serait amélioré par l’ensemble de ces mesures nouvelles de 400 millions d’euros.
B. Un dÉficit qui devrait se rÉtablir par rapport À l’exercice 2021
Le tableau suivant compare cette fois les prévisions pour 2023 aux prévisions pour 2022 rectifiées par l’article 3.
Comparaison de la prÉvision pour 2023 avec l’exercice prÉcÉdent
(en milliards d’euros)
|
|
Rectifications pour 2022 (article 3) |
Prévisions pour 2023 (article 12) |
||||
|
|
Recettes |
Dépenses |
Solde |
Recettes |
Dépenses |
Solde |
|
Maladie |
221,6 |
241,9 |
– 20,3 |
231,8 |
238,3 |
– 6,5 |
|
Accidents du travail et maladies professionnelles |
16,2 |
14,2 |
2,0 |
17,0 |
14,8 |
2,2 |
|
Vieillesse |
258,9 |
261,9 |
– 3,0 |
269,8 |
273,3 |
– 3,5 |
|
Famille |
53,5 |
50,9 |
2,6 |
56,7 |
55,3 |
1,3 |
|
Autonomie |
34,9 |
35,4 |
– 0,5 |
36,1 |
37,3 |
– 1,2 |
|
Toutes branches* |
570,1 |
589,3 |
– 19,2 |
593,8 |
601,4 |
– 7,6 |
|
Toutes branches* incluant le FSV |
571,7 |
589,6 |
– 17,8 |
595,0 |
601,8 |
– 6,8 |
(*) Indépendamment des transferts entre branches.
Sources : PLFSS 2023.
● Le solde de l’ensemble des ROBSS et du FSV s’améliore de manière spectaculaire, de 11 milliards d’euros, soit davantage que le montant du déficit lui‑même, qui s’établit à 6,8 milliards d’euros.
● Cette amélioration tient à une croissance solide des recettes, mais surtout d’une maîtrise des dépenses sur l’exercice 2023 qu’il convient d’affiner par branche.
Le « gros » de l’effort est en effet porté par l’assurance maladie, dont le solde s’améliore de 13,8 milliards d’euros, soit un niveau supérieur à celui de l’ensemble des ROBSS et du FSV et qui correspond à près des trois quarts du montant – pourtant massif – de son déficit rectifié pour 2022.
Cette maîtrise des dépenses tient notamment à une évolution contenue des dépenses sous Ondam pour 2023, puisque celui-ci diminue de 0,8 %. Sans rien sacrifier des ressources nécessaires à l’assurance maladie, cette diminution tient avant tout de l’extinction des mesures de provision pour faire face au covid, qui diminuent de 11,5 milliards d’euros à 1 milliard d’euros en 2023.
Le solde de l’assurance maladie s’apprécie également du transfert d’une dotation de 2 milliards d’euros par la branche famille au titre de la prise en charge d’une majeure partie des indemnités journalières dont le financement est aujourd’hui assumé par la branche maladie. Cet effet est minoré par le contrecoup de l’affectation exceptionnelle d’une quote-part de la taxe sur les salaires destinée à prendre en charge les indemnités journalières dérogatoires susmentionnées, à hauteur de 1 milliard d’euros.
La branche vieillesse cesserait, quant à elle, sa trajectoire ascendante vers une situation équilibrée, pour accuser un déficit supérieur de 500 millions d’euros à ce qu’il était en 2022. Cette inversion tient à un mini–« effet ciseau » entre une augmentation plus contenue des recettes, sous l’effet d’une diminution du taux de croissance, et de dépenses dynamiques du fait d’un taux d’inflation hors tabac qui se maintient en 2023 à hauteur de 4,3 % en moyenne. Le solde de la branche est en outre affecté par une évolution très défavorable du solde de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL), dont le déficit se creuserait à hauteur de 2,5 milliards d’euros en 2023 ([269]).
La branche famille, dont les dépenses sont tirées par les mêmes facteurs que la branche vieillesse, verrait son solde divisé par deux, à 1,3 milliard d’euros en 2023, sous l’effet notamment de la prise en charge des indemnités journalières dont le financement était jusqu’ici assuré par la branche maladie, à hauteur de 2 milliards d’euros. Elle doit assumer en outre l’augmentation du montant de l’ASF, à hauteur de 900 millions d’euros. Elle bénéficie à l’inverse d’un rehaussement du montant de la taxe sur les salaires qui lui est affecté, après un transfert exceptionnel en faveur de la branche autonomie, à hauteur de 1 milliard d’euros.
Le solde de la branche autonomie se dégraderait également, sous l’effet d’objectifs globaux de dépenses en hausse de 5,1 % pour les personnes âgées et de 5,2 % pour les personnes en situation de handicap. Les dépenses sont portées en outre par les revalorisations salariales dans le champ médico-social comme domiciliaire.
La branche AT‑MP, enfin, poursuit sa trajectoire excédentaire, en amélioration de 200 millions d’euros par rapport à 2022, sous l’effet notamment de la dynamique de ses recettes et de facteurs baissiers en dépense comme la diminution des personnes éligibles à une compensation pour exposition à l’amiante.
III. la fixation des prÉvisions de recettes mises en réserve par le FSV et affectÉes au FRR et de l’objectif d’amortissement de la CADEs
L’article 13 tient également d’une obligation organique, placée à l’article L. O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale.
Article L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale
« Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année :
[...]
« b) Détermine l’objectif d’amortissement au titre de l’année à venir des organismes chargés de l’amortissement de la dette des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement et prévoit, par catégorie, les recettes affectées aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes à leur profit ; »
A. L’objectif d’amortissement de la dette sociale en 2022
Le I fixe l’objectif d’amortissement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades) pour 2023 à 17,7 milliards d’euros, en baisse sensible par rapport à l’amortissement rectifié pour 2022 à hauteur de 18,6 milliards d’euros. Dans les conditions actuelles, et au regard des données fournies par le président du conseil d’administration de la Cades à la rapporteure générale, cette cible semble atteignable.
La satisfaction de cet objectif mènerait la Cades en 2023 :
– à un amortissement cumulé de 241 604 milliards d’euros ;
– mais à une situation nette négative de 154 milliards d’euros ([270]). La Cour des comptes, dans son rapport annuel relatif à l’application des lois de financement de la sécurité sociale (RALFSS), alerte sur cette situation, et ce d’autant plus que la dette sociale s’aggraverait du montant du déficit des ROBSS pour l’année 2022. Le cumul des déficits portés par la Cades et par l’Acoss pourrait atteindre près de 160 milliards d’euros.
Au regard de l’ensemble de la dette qui devait être reprise aux termes de la loi du 7 août 2020 d’ici à 2024 (136 milliards d’euros prévus ([271]) minorés des 20 milliards d’euros dont le transfert a déjà été organisé par le décret n° 2020-1074 du 19 août 2020 ([272]), des 40 milliards repris en application du décret n° 2021-40 du 19 janvier 2021 ([273]) et des 40 milliards repris en application du décret n° 2022-23 du 11 janvier 2022 ([274])), serait de 36 milliards d’euros ([275]). La Cades devrait donc parvenir au terme de la reprise engagée en 2020, sans que pour autant la soutenabilité de sa trajectoire d’amortissement jusqu’en 2033, fixée par le législateur organique ([276]), soit assurée. Ainsi que le rappelle la Cour des comptes, l’accumulation de déficits pour les années 2024 à 2027, prévisible au regard de la trajectoire financière des ROBSS inscrite dans l’annexe B du présent texte, appellera de nouvelles reprises de dette par la Cades et donc une vraisemblable prolongation de son existence au-delà de 2033.
Si une telle extension devait venir en débat devant le Parlement, la dimension organique de ce principe appellera une réflexion collective sur les moyens d’interrompre la mécanique pluri-décennale consistant à repousser tous les cinq à dix ans le point final de l’amortissement de la dette sociale. Initialement prévue pour s’éteindre au 31 janvier 2009, la prolongation de vingt‑quatre ans de la durée de vie de la Cades est synonyme de la prolongation pour la même durée d’impositions dont le seul objet est d’amortir la dette sociale, et qui ne peuvent satisfaire les besoins contemporains de la dette sociale. Aussi la rapporteure générale souhaite qu’une réflexion approfondie sur la manière d’envisager la dette sociale, le rôle de la Cades et de parvenir à un équilibre de comptes sociaux qui permette de rendre progressivement obsolète la question de la dette sociale précède l’éventuelle révision organique nécessitée par l’accumulation de déficits sociaux à venir.
B. Les recettes affectÉes au Fonds de rÉserve pour les retraites
Comme pour les exercices précédents depuis 2011, le II affecte un montant nul de recettes au FRR, dont la vocation n’est plus d’être alimenté mais de procéder à des décaissements, notamment en faveur de la Cades.
C. Les mises en rÉserve au Fonds de solidaritÉ vieillesse
Comme pour les exercices précédents depuis 2011, le III prévoit une mise en réserve nulle de recettes au sein du Fonds de solidarité vieillesse, qui n’a plus vocation à constituer des réserves, même s’il a pu exercer cette mission dans le passé.
Article 14
Habilitation des régimes de base et des organismes concourant à leur financement à recourir à l’emprunt
Adopté par la commission sans modification
Cet article habilite six organismes à recourir à l’emprunt pour financer leurs besoins de trésorerie en 2023 et fixe les plafonds de ces encours. Il réduit notamment le plafond pour l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) à 45 milliards d’euros, contre 65 milliards en 2022, pour tenir compte de l’amélioration significative du déficit en 2023 et des moindres risques financiers auxquels est soumise l’Agence.
Les organismes de sécurité sociale peuvent être confrontés à des besoins de trésorerie en cours d’année, qui ne s’expliquent pas nécessairement par un déséquilibre structurel des produits et des charges du régime. L’apparition d’un besoin de trésorerie peut en effet être ponctuelle et résulter d’un simple décalage calendaire entre les encaissements (cotisations et contributions, recettes affectées) et les décaissements (versements des prestations aux affiliés et frais de gestion).
Plusieurs organismes, dont le fonds de roulement ne permet pas de couvrir les besoins de trésorerie au cours de l’année, ont ainsi recours à des ressources non permanentes sous la forme d’avances de trésorerie ou d’emprunts de court terme.
Parmi ces organismes, plusieurs empruntent auprès de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss) : celle-ci porte donc d’autres besoins de financement que celui du régime général, dont elle assure la trésorerie. L’Acoss est en outre autorisée, compte tenu des montants associés à la gestion de la trésorerie des organismes du régime général, à émettre des titres de créances négociables.
Au-delà du strict besoin de trésorerie, l’Acoss ainsi que certains régimes font porter par ces emprunts de court terme le financement des déficits passés et de l’année en cours en attendant un transfert à la Caisse d’amortissement à la dette sociale ou à toute autre personne. Pour être conforme aux prescriptions de l’article L. 139‑3 du code de la sécurité sociale qui prévoient que les ressources non permanentes ne peuvent consister « qu’en des avances de trésorerie ou des emprunts contractés pour une durée inférieure ou égale à douze mois auprès de la Caisse des dépôts et consignations ou d’un ou plusieurs établissements de crédit agréés dans un État membre de l’Union européenne ou dans un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ou, dans les conditions fixées à l’article L. 225-1-4, de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale », ces ressources ne peuvent être contractées que pour douze mois au plus.
Le présent article arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les plafonds de ces ressources, conformément aux prescriptions organiques.
L.O. 111-3-4 du code de la sécurité sociale
Dans sa partie comprenant les dispositions relatives aux recettes et à l’équilibre général pour l’année à venir, la loi de financement de l’année « arrête la liste des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement habilités à recourir à des ressources non permanentes, ainsi que les limites dans lesquelles leurs besoins de trésorerie peuvent être couverts par de telles ressources ».
Ces plafonds d’emprunt sont fixés en fonction de l’estimation du « point bas » de trésorerie atteint par ces organismes, c’est-à-dire du solde négatif le plus important, pour l’exercice à venir, afin de couvrir les besoins maximaux estimés en projet de loi de financement. En outre, ils sont systématiquement ajustés à la hausse pour parer à une éventuelle dégradation de la trésorerie en cours d’exercice ainsi que l’a notamment connu, entre autres, le régime général en mars 2020 ([277]).
Cinq organismes bénéficient d’une telle habilitation en 2022 :
– l’Acoss pour le régime général mais aussi pour les concours et avances qu’elle peut apporter à d’autres régimes ou organismes ;
– la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (CCMSA) pour le régime des exploitants agricoles ;
– la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP‑SNCF) ;
– la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines (CANSSM) ;
– la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL).
Alors que la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG) avait profité au cours de l’exercice précédent d’une telle possibilité, l’amélioration du montant des recettes dont elle bénéficie a annulé ses besoins de trésorerie et rendu superfétatoire l’habilitation à recourir à des ressources non permanentes.
Cet article récurrent est l’occasion de présenter, sans prétendre à l’exhaustivité sur cette question touchant à la gestion financière infra‑annuelle, les besoins de trésorerie de ces six organismes. Son contenu s’appuie notamment sur l’annexe 3 du projet de loi ([278]).
I. L’Acoss et le rÉgime des exploitants agricoles doivent assurer les besoins de trÉsorerie de rÉgimes dÉficitaires
● Un profil de trésorerie est établi chaque année pour le régime général, reposant sur les prévisions liées aux grands agrégats économiques et aux mesures nouvelles. En prenant en compte les mesures inscrites dans le présent projet de loi de financement, le solde moyen net prévisionnel de l’Acoss serait de 1,6 milliard d’euros, en nette progression par rapport à 2022 dont le solde moyen net prévisionnel s’établissait à – 29,5 milliards d’euros. Le solde moyen brut, qui prend en compte les dispositifs de sécurité pour assurer en toutes circonstances le financement des régimes, serait en 2023 de – 18,4 milliards d’euros, avec un point bas programmé le 12 janvier 2023 de – 34,9 milliards d’euros, en raison notamment du calendrier des avances consenties aux partenaires.
profil de trésorerie de l’acoss en 2022 et 2023
Source : annexe 3 du PLFSS 2023.
Ce point bas permet de fixer un plafond d’emprunt dans le présent article à hauteur de 45 milliards d’euros, soit un niveau abaissé de 20 milliards d’euros par rapport au précédent plafond, et qui laisse un peu plus de 10 milliards d’euros de marge. Celle-ci correspond à une prise de risque désormais minimale au regard des conditions dans lesquelles l’Acoss se finance, et constituera, pendant la majeure partie de l’année, une marge supérieure à 25 milliards d’euros. Ce plafond renoue par ailleurs avec des niveaux comparables à ceux qui présidaient aux plafonds antérieurs à la crise ([279]).
Ce plafond permettra également à l’Acoss, dans le cadre de la politique de mutualisation des trésoreries sociales, de couvrir les besoins de financement d’autres régimes de base de la sécurité sociale.
● Depuis 2009, la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) gère les ressources du régime des exploitants agricoles, qui a renoué en 2018 avec les excédents. Comme les années précédentes, le régime agricole sera donc autorisé à recourir à des ressources non permanentes pour l’année 2023, à hauteur de 350 millions d’euros, soit un niveau plus élevé de 50 millions d’euros que dans la LFSS 2022. Au regard du profil de trésorerie figurant ci-dessous, ceci laisse une marge de sécurité bien plus importante que celle qui est retenue par l’Acoss.
profil de trÉsorerie de la ccmsa en 2022 et 2023
Source : PLFSS 2023, annexe 3.
II. Les autres organismes gÈrent des problÈmes de trÉsorerie significatifs liÉs À des rÈgles spÉcifiques
● Le profil de trésorerie de la Caisse de prévoyance et de retraite du personnel de la SNCF (CPRP-SNCF) était traditionnellement caractérisé par un décalage entre, d’une part, le rythme de versement trimestriel des pensions de retraite aux affiliés au premier jour ouvré du trimestre, et, d’autre part, le rythme des encaissements de cotisations, le 5 de chaque mois, et de la subvention de l’État, nécessitant ainsi un recours à l’emprunt auprès d’établissements bancaires.
Dans un contexte de crise financière et de tensions accrues en matière de trésorerie, le décret n° 2011-1925 du 21 décembre 2011 a fixé un calendrier de versement fractionné des pensions pour 2012, ce dispositif ayant été reconduit de 2013 à 2015.
Depuis le mois de janvier 2016, en application du décret n° 2016-539 du 15 mai 2015, les pensions sont payées mensuellement, ce qui a permis de réduire de près de 50 % le besoin en fonds de roulement moyen.
En 2023, le solde moyen de trésorerie sur l’année est prévu à – 106,3 millions d’euros avec un point bas programmé le 4 janvier à – 541,9 millions d’euros. En effet, comme chaque année, le paiement des pensions de retraite de janvier s’effectuera avant que la caisse ne reçoive le premier versement de subvention d’équilibre de l’État, lequel, pour des raisons techniques, ne peut avoir lieu plus tôt que le 6 janvier.
Le présent article propose donc de retenir un premier plafond d’emprunt de 550 millions d’euros pour la période du 1er au 31 janvier, contre 500 millions d’euros en 2022, puis un second plafond de 400 millions d’euros pour le reste de l’année, significativement plus élevé qu’en 2021, où il était de 200 millions d’euros. Ces plafonds laissent une marge significative, permettant de faire face à des aléas, comme en témoigne le graphique ci-dessous.
profil de trÉsorerie de la CPRP-SNCF en 2022 et 2023
Source : Annexe 3 du PLFSS 2023.
● La Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), chargée d’assurer la gestion commune de la trésorerie des différentes branches du régime minier, fait face à des difficultés de financement importantes.
Les recettes de la caisse sont constituées à plus de 90 % par des ressources externes : dotation d’équilibre versée par la branche maladie du régime général pour le risque maladie, compensation généralisée « vieillesse », et subvention de l’État pour le risque vieillesse. Celles-ci ne suffisaient néanmoins plus à couvrir les besoins de trésorerie issus des déficits passés cumulés, qui ont requis de majorer significativement, au cours des dernières années, les autorisations d’emprunt accordées à la Caisse en loi de financement de la sécurité sociale.
Pour l’exercice 2023, le solde moyen prévisionnel de trésorerie de la CANSSM est de – 347,3 millions d’euros, en baisse significative par rapport à 2022 (– 243,7 millions). Le « point bas » serait à – 432,6 millions d’euros, soit en deçà du niveau le plus bas de 2022 établi à – 405,9 millions d’euros. Par conséquent, le présent article propose d’habiliter la CANSSM à recourir à des ressources non permanentes dans la limite de 450 millions d’euros, logiquement en légère hausse par rapport à 2022 où le plafond d’emprunt était fixé à 410 millions d’euros.
Le besoin du régime en ressources non permanentes continuera à être assuré exclusivement par des avances de trésorerie de l’Acoss dans le cadre de l’intégration financière de la branche maladie.
profil de trÉsorerie de la CANSSM en 2022 et 2023
Source : Annexe 3 du PLFSS 2023.
● La Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) a renoué avec un besoin de recourir à des ressources non permanentes depuis 2019. Cette situation résulte d’une nouvelle dégradation de sa situation financière, les mesures de redressement mises en place entre 2013 et 2015 ayant achevé de produire leurs effets.
En 2023, le régime pourrait connaître un point bas de – 6,8 milliards d’euros dû au roulement des déficits 2020, 2021 et 2022, dont la tendance ne cesse de s’aggraver. Ce point bas constitue le double de celui qui a été atteint en 2022 (– 3,8 milliards d’euros), comme en témoigne le graphique ci-dessous.
profil de trÉsorerie de la CNRACL en 2021 et 2022