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N° 482

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à accélérer la rénovation thermique des logements,
en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages
les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement
les logements les plus énergivores (n° 324)

PAR Mme AurÉlie TROUVÉ

Députée

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 Voir le numéro : 324.


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SOMMAIRE

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Pages

introductioN

I. L’urgence d’agir de manière plus volontariste pour la rénovation des passoires thermiques

A. La situation critique d’une part importante du parc de logements

B. Des difficultés cumulatives pour les ménages modestes

II. des réponses publiques insuffisantes au regard des besoins et de l’urgence

A. Un système d’aide complexe et faiblement lisible

B. Des aides à l’efficacité incertaine

C. Un cadre législatif insuffisamment protecteur

Commentaire des articles

Article 1er  Garantie d’un reste à charge « zéro » aux ménages les plus modestes

Article 2  Interdiction de location des logements fortement énergivores

Article 3  Gage

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes


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   introductioN

La présente proposition de loi vise à accélérer la rénovation thermique des logements, en garantissant un reste à charge « zéro » pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores.

Plus de douze millions de personnes sont aujourd’hui en « précarité énergétique » dans le pays et ont froid dans leur logement, soit près de 20 % de la population. La plupart de ces personnes vivent dans les sept millions de passoires thermiques que compte notre pays. Leur situation risque fort de s’aggraver face à l’inflation, notamment face à la hausse prévue des prix de l’électricité et du gaz (+ 15 % en 2023, avec la fin du bouclier tarifaire sur le gaz prévue mi-2023).

La rénovation thermique globale des logements, permettant qu’ils ne soient plus des passoires thermiques, est donc un enjeu social majeur. Mais c’est aussi, alors que se déroule la COP 27 et que grandissent les difficultés d’approvisionnements en énergie, un des leviers de la bifurcation écologique et de la souveraineté énergétique : le bâtiment représente un quart des émissions de gaz à effet de serre et 45 % de l’énergie consommée dans le pays, aux deux-tiers brûlés par le chauffage. C’est enfin un formidable gisement d’emplois qualifiés et non délocalisables  ainsi que d’innovation, dans nos TPE et PME ([1]).

Pour soutenir la rénovation thermique des logements, différents dispositifs sont en place, dont « MaPrimRénov ». Mais force est de constater leurs limites. À peine 2 500 logements sont sortis du statut de passoires thermiques l’année dernière avec « MaPrimRénov », soit moins de 0,4 % des passoires existantes. Beaucoup de critiques sont soulevées par de nombreux travaux : des dispositifs trop peu financés et pas assez incitatifs, notamment pour les ménages les plus modestes, une complexité très importante des dispositifs d’aides, un déficit d’information et d’accompagnement des propriétaires, etc.

Il ressort des auditions menées notamment avec les acteurs du bâtiment que cette rénovation n’est pas entravée par un défaut d’offre de leur part, mais par la défaillance de demande de la part des propriétaires. En cause, notamment, l’existence d’un reste à charge trop lourd.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité de plusieurs travaux parlementaires de grande qualité publiés sous la précédente législature – par exemple, la proposition de loi (n° 2352) portant création d’une prime pour le climat et de lutte contre la précarité énergétique de nos collègues Boris Vallaud et Jean‑Louis Bricout (22 octobre 2019) ou le rapport d’une mission d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la rénovation thermique des bâtiments – ainsi que dans les récents débats budgétaires. Elle s’appuie aussi sur la mobilisation et l’expertise considérables des associations et acteurs de la solidarité. Leurs résultats convergent : le rythme des rénovations globales des logements doit être très vite accéléré et ce sont notamment les propriétaires les plus modestes qui doivent être davantage soutenus.

C’est pourquoi cette proposition de loi garantit un reste à charge « zéro » pour les ménages les plus modestes entreprenant une rénovation thermique globale de leur logement. Cette proposition de loi prévoit également d’interdire réellement la location des passoires thermiques, comme le préconise la convention citoyenne pour le climat.


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I.   L’urgence d’agir de manière plus volontariste pour la rénovation des passoires thermiques

A.   La situation critique d’une part importante du parc de logements

Le rapport publié en juillet 2022 par l’Observatoire national de la rénovation énergétique et intitulé « Le parc de logement par classe de performance énergétique au 1er janvier 2022 » permet de dresser une cartographie à jour de l’état de ce parc.

Ce document actualise les chiffrages disponibles sur le parc de logements par classe de diagnostic de performance énergétique (DPE) ([2]).

 

 

Le diagnostic de performance énergétique

 

Depuis 2006, le diagnostic de performance énergétique (DPE) renseigne sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment, en évaluant sa consommation d’énergie primaire.

Les modalités de calcul du DPE ont été modifiées en juillet et en octobre 2021. L’étiquette énergétique (A, B, C, D, E, F et G) est désormais calculée en fonction de deux facteurs : l’énergie primaire (CEP) et les émissions de gaz à effet de serre (EGES). Les seuils de chaque classe énergétique sont donc des « doubles seuils », un logement étant classé selon sa plus mauvaise performance, en énergie primaire ou en gaz à effet de serre.

 

Un DPE doit être établi à l’occasion de la vente de tout logement, ainsi que de sa mise en location et lors de sa construction. Sauf cas particuliers, un DPE est valable 10 ans. Le diagnostic de performance énergétique doit être établi par un professionnel indépendant satisfaisant à des critères de compétence. Depuis la réforme de 2021, seules trois méthodes différentes sont utilisées pour établir un DPE :

–  Pour les logements neufs, le calcul résultant de l’application de la réglementation thermique (RT2012) ou environnementale (RE2020) et des normes de construction qui leur sont associées est directement utilisé ;

–  Pour les autres logements, la méthode utilisée est dénommée 3CL, pour « calcul de la consommation conventionnelle des logements ». Ces consommations conventionnelles (ou théoriques) et les émissions de gaz à effet de serre associées sont calculées à partir de l’observation des caractéristiques physiques du logement comme le bâti, la qualité de l’isolation, le type de fenêtres ou le système de chauffage, et en tenant compte de la zone climatique et donc des conditions météorologiques ;

–  Pour les logements situés dans des immeubles d’habitation collective, il est aussi possible de générer le DPE à partir de celui de l’immeuble entier, qui peut être établi à partir de l’étude d’un échantillon d’appartements rigoureusement choisis.

On nomme conventionnellement « passoires énergétiques » – ou, de manière abrégée, « passoires » – les logements classés F et G. On qualifie de « très énergivores » les logements dont la consommation (conventionnelle) d’énergie finale est supérieure à 450 kWh/m²/an (logements qualifiés d’indécents dans la législation).

Sur les 30 millions de résidences principales que comptait la France au 1er janvier 2022, environ 5,2 millions de logements, soit 17 % du parc seraient des passoires énergétiques (étiquettes F et G du DPE). La part des passoires énergétiques apparaît encore plus élevée dans les résidences secondaires (32 %, soit 1,2 million de logements) et dans les logements vacants (27 %, soit 0,8 million de logements).

Il faut cependant noter que la majorité des DPE considérés dans les statistiques nationales résulte de diagnostics réalisés avant la réforme de la nomenclature de juillet 2021. L’analyse des données de l’Agence de la transition écologique concernant les DPE conduits depuis juillet 2021 montre des chiffres encore plus élevés (20 % de logements F et G et 40 % en incluant l’étiquette E).

La date de construction du logement, sa taille, sa localisation, le caractère individuel ou collectif de l’habitat et le statut d’occupation figurent parmi les caractéristiques influant sur les performances énergétiques :

– Les passoires énergétiques sont plus fréquentes parmi les maisons individuelles que dans les logements situés dans un habitat collectif (19,6 % contre 14,5 %). La compacité, c’est-à-dire le rapport de la surface déperditive par rapport à la surface habitable, des maisons individuelles est en effet plus élevée que dans le collectif et le fioul, dont les performances en termes d’émissions de gaz à effet de serre sont mauvaises, n’est présent, en pratique, comme énergie de chauffage que dans les maisons individuelles ;

– Les logements les plus petits sont les plus énergivores : près de 34 % des logements de moins de 30 m² ont une étiquette F ou G, contre seulement 13 % des logements de plus de 100 m² ([3]) : ce sont les ménages les plus modestes, aux logements les plus petits, qui subissent en premier lieu les passoires thermiques ;

– Si l’on s’intéresse à la distribution des DPE par période de construction des logements, on constate une évolution générale vers les étiquettes les moins énergivores au fur et à mesure de l’instauration de nouvelles réglementations thermiques de construction des bâtiments ;

– Le parc social est sensiblement moins énergivore que le parc privé (460 000 logements et 9,5 % d’étiquettes F et G, contre 4,7 millions et 18,8 %). On estime qu’il y aurait 140 000 logements très énergivores (consommation supérieure à 450 kWh/m².an) dans le parc locatif privé, 50 000 dans le parc locatif social (de l’ordre de 7 à 8% du parc, selon l’Union sociale pour l’habitat, qui regroupe 600 organismes HLM) et 320 000 parmi les logements occupés par leurs propriétaires.

Les opérateurs du logement social se sont engagés pour l’éradication des passoires thermiques, à un rythme de 130 000 rénovations globales annuelles (selon l’USH) et pour un coût unitaire estimé à 50 000 € dans le cas d’une opération permettant au logement de monter au minimum en catégorie C. Les bailleurs ont aussi la responsabilité de diffuser l’information sur les aides disponibles aux propriétaires occupants.

Le secteur du logement social relève de dispositifs de financement propres, qui articulent des prêts accordés par la Caisse des dépôts et consignations via la Banque des territoires, des prêts bancaires classiques, les certificats d’efficacité énergétique et, dans un certain nombre de cas, la « troisième ligne » de quittance (c’est-à-dire une contribution du locataire occupant, figurant sur son relevé mensuel de charges). À cet égard, les associations de solidarité auditionnées ont exprimé leur réticence à voir des locataires relevant, dans leur grande majorité, des déciles inférieurs de revenu contribuer au financement d’investissements de long terme valorisant, en réalité, le patrimoine du bailleur ;

– La part des passoires parmi les résidences principales varie selon les départements : elle est la plus faible dans les départements proches de l’arc méditerranéen et du sud de la façade atlantique, pour lesquels le climat est plus doux et réduit les besoins de chauffage, et la plus élevée dans certains départements ruraux et/ou montagneux et à Paris. L’analyse de la distribution des étiquettes énergétiques par zone de tension immobilière ([4]) montre un taux de passoires élevé (29 %) en zone A bis (Paris et petite couronne) et également une part des logements très énergivores (plus de 450 kWh/m².an) plus forte qu’ailleurs.

– Selon les données disponibles, 45 % des ménages habitant un logement énergivore sont des locataires du parc privé, 39 % des propriétaires-occupants et 16 % des locataires du parc social. Parmi les locataires du parc privé habitant un logement énergivore, 65 % vivent en appartement et 35 % en maison individuelle. Locataires ou propriétaires occupants en copropriété doivent souvent composer avec la difficulté de la décision collective de rénovation, alors que les préoccupations comme les capacités financières peuvent diverger : l’Union nationale des propriétaires immobiliers estimait, en 2021, que les trois quarts des logements G et 70 % des logements E du parc locatif privé sont des appartements, donc vraisemblablement situés en copropriété. De ce point de vue, si le droit en vigueur crée un certain nombre d’obligations quant à la rénovation des parties communes (dès lors que la rentabilité financière de l’opération est démontrée et moyennant des procédures qui peuvent être assez longues et difficiles pour des cohabitants), l’engagement dans une rénovation globale, qui peut impliquer des travaux lourds, n’est pas pris en charge de manière satisfaisante aujourd’hui. S’il existe bien, aujourd’hui, un dispositif spécifiquement destiné aux copropriétés composées d’au moins 75 % de résidences principales (MaPrimRénov’ Copropriétés), la question de la distribution des éco-prêts à taux zéro par les banques commerciales a été soulignée par plusieurs acteurs auditionnés.

Au total et toutes catégories confondues, l’estimation du nombre de passoires énergétiques en 2022 s’établit à 7,2 millions de logements sur l’ensemble du parc.

Parc de logements par classe de consommation énergétique (2022)

(en milliers de logements)

Source : ONRE (2022)

B.   Des difficultés cumulatives pour les ménages modestes

 Ce sont les ménages les plus précaires – travailleurs intermittents contraints, chômeurs en fin de droit, retraités ayant faiblement cotisé, bénéficiaires de l’allocation de parent isolé ou du revenu de solidarité active, etc. – qui tendent à occuper les logements énergivores : dans le rapport qu’il a publié en juillet 2022, l’Observatoire national de la rénovation énergétique observe que « les ménages du premier quintile [de revenu] résidant dans le parc privé occupent (…) plus souvent des passoires énergétiques : plus de 22 % de logements F-G dans le parc locatif privé et pour les ménages propriétaires contre 18 % et 15 % respectivement pour le 5e quintile. ». Cette population économiquement fragile, qui a particulièrement vocation à bénéficier de la solidarité nationale, se trouve de facto frappée d’une double peine : disposant de revenus faibles, parfois décroissants ou intermittents, elle est néanmoins contrainte de consentir un effort supplémentaire pour assurer son confort thermique, lequel demeure en toute hypothèse très relatif.

Dans son tableau de bord de la précarité énergétique (septembre 2022), le même Observatoire donne quatre chiffres qui donnent la mesure des difficultés auxquelles certains de nos concitoyens sont aujourd’hui confrontés :

– 20 % des Français déclarent avoir souffert du froid, pendant au moins vingt-quatre heures, au cours de l’hiver 2020-2021 (contre 15 % en 2019 et 14 % en 2020) ;

– 40 % d’entre eux déclarent que la raison tient à une mauvaise isolation et 36 % à une autolimitation pour des raisons financières ;

– 60 % des Français déclarent avoir restreint le chauffage chez eux pour ne pas avoir de factures trop élevées ;

– 10,5 % des Français les plus modestes (soit 3 millions de ménages) étaient en situation de précarité énergétique en 2020 en France métropolitaine, c’est-à-dire qu’ils ont dépensé plus de 8 % de leurs revenus pour payer les factures énergétiques de leur logement à cette date ([5]).

Dans ce contexte, certaines associations rencontrées par votre Rapporteure comme Droit au logement, la Fondation Abbé Pierre ou Consommation‑Logement‑Cadre de vie lui ont fait part de leur inquiétude devant le risque d’un nouvel accroissement de la population confrontée à la précarité économique et énergétique, la hausse des prix de l’énergie et de certains biens alimentaires étant de nature à déstabiliser des ménages qui réussissaient jusqu’à présent à équilibrer, fût-ce avec difficulté et au prix de nombreux sacrifices, leurs revenus et leurs dépenses.

 La vie dans une passoire thermique est source d’arbitrages constants et difficiles entre des besoins essentiels. Elle expose également ses occupants à de graves problèmes de santé. Le groupe de travail présidé par Benoît Dervaux et Lise Rochaix sur l’évaluation socioéconomique des effets de santé des projets d’investissement public consacre d’ailleurs une section du rapport publié en mars 2022 à l’inefficacité énergétique des logements.

Selon ce document, les personnes exposées à la précarité énergétique sont davantage susceptibles de développer des problèmes de santé chroniques respiratoires, ostéo-articulaires, neurologiques et de dépression que ceux qui ne sont pas en précarité énergétique (indépendamment du tabagisme et de l’âge). Tels sont les constats résultant d’une enquête de terrain réalisée dans le Douaisis et l’Hérault en 2011-2012, qui affirme plus généralement que « la précarité énergétique, par elle-même, indépendamment d’autres facteurs comme la pauvreté, a un effet néfaste sur la santé » ([6]). Ces pathologies sont liées aux températures basses, aux moisissures, mais aussi à des choix contraints en raison de revenus insuffisants : pour se chauffer correctement, ces ménages peuvent être contraints de renoncer à une alimentation favorable à la santé ou à des soins et de subir un isolement social.

Par ailleurs, les personnes qui occupent leur habitation une grande partie de la journée (soit les personnes âgées, les enfants en bas âge, les indépendants exerçant à domicile, etc.) sont d’autant plus vulnérables qu’elles sont exposées aux risques de températures intérieures basses et de moisissures pendant une longue durée.

Le collectif d’initiative Rénovons ! ([7])  évalue à 758 millions € les coûts collectifs de santé pour 2,6 millions de ménages en situation de précarité énergétique (soit 292 €/an par ménage concerné), sur la base de la fraction attribuable à la précarité énergétique de chacune des pathologies et des coûts annuels pour le système de soin estimés à partir de plusieurs sources ([8]). Il s’agit du coût marchand supporté par la sécurité sociale et la couverture maladie universelle complémentaire, les coûts non marchands n’étant pas pris en compte. À la différence de l’étude d’objet analogue réalisée par le service des études médicales d’EDF, qui aboutit à un montant de 639 millions € par an pour 3,5 millions de ménages (soit 182 € par an et par ménage concerné), l’étude de Rénovons ! intègre la morbidité psychologique (dépression) et ne se focalise pas uniquement sur la morbidité physique.

II.   des réponses publiques insuffisantes au regard des besoins et de l’urgence

A.   Un système d’aide complexe et faiblement lisible

Le dispositif d’aide publique à la rénovation énergétique s’appuie sur une gamme de dispositifs touffue et faiblement lisible, qui comprend des aides directes et ciblées aux ménages, des prêts bonifiés, des aides non ciblées, des aides aux entreprises et des incitations fiscales. La liste ci-dessous donne un aperçu de ces instruments, dont chacun est doté de ses propres conditions d’éligibilité et qui sont parfois exclusifs les uns des autres :

 MaPrimeRénov’, qui remplace le crédit d’impôt « Transition énergétique » et les aides de l’Agence nationale de l’habitat « Habiter mieux agilité », s’adresse à tous les ménages, ainsi qu’aux copropriétés et aux propriétaires bailleurs. Le montant de la prime est calculé en fonction des revenus et du gain écologique des travaux. Le logement doit être construit depuis au moins quinze ans (ou depuis au moins deux ans lors du remplacement d’une chaudière au fioul) ;

 MaPrimeRénov’ Sérénité prend la forme d’un conseil et d’une aide financière pour assister les ménages aux ressources modestes et très modestes, propriétaires occupant un logement individuel. Les propriétaires bailleurs et syndicats de copropriétaires sont également éligibles. Les travaux doivent être réalisés obligatoirement par une entreprise ou un artisan qualifié RGE (reconnu garant de l’environnement) et les aides MaPrimeRénov’ et MaPrimeRénov’ Sérénité ne sont pas cumulables ;

– L’éco-prêt à taux zéro (éco-PTZ) permet de financer la rénovation énergétique d’un logement sans faire d’avance de trésorerie et sans payer d’intérêts. Le prêt, accordé sans condition de ressources, peut aller jusqu’à 50 000 €. Il peut bénéficier aux personnes physiques, propriétaires occupants ou bailleurs (y compris en copropriété) et aux sociétés civiles non soumises à l’impôt sur les sociétés, dont au moins un des associés est une personne physique. Tous les logements situés en France sont éligibles, dès lors qu’ils ont été achevés depuis plus de deux ans à la date de début des travaux ;

– Le dispositif « Coup de pouce économies d’énergie » est un dispositif qui permet de bénéficier de primes pour financer certains travaux de rénovation énergétique. Bénéficiant à tous les ménages, il se décline en plusieurs aides : « Coup de pouce chauffage », « Coup de pouce isolation », « Coup de pouce thermostat avec régulation performante » et « Coup de pouce rénovation globale ». Les primes, dont le montant dépend du niveau de ressources des ménages, sont versées par les entreprises signataires de la Charte « Coup de pouce économies d’énergie ». ([9]) Ce dispositif est cumulable avec MaPrimeRénov’ et l’éco-PTZ, mais pas avec les offres des acteurs éligibles au dispositif CEE ;

– Le chèque-énergie est une aide nominative, destinée à aider les ménages modestes à faire face à la hausse exceptionnelle des prix de l’énergie. C’est l’administration fiscale qui établit chaque année la liste des bénéficiaires en fonction du revenu fiscal de référence du ménage et de la composition du foyer déterminé en unités de consommation. Le chèque énergie peut être utilisé pour payer des factures d’énergie (électricité, gaz, chaleur, fioul, bois, etc.), auprès des fournisseurs, mais également régler certains travaux visant à limiter la consommation d’énergie du logement (rénovation des fenêtres, isolation, etc.) auprès d’un artisan reconnu garant de l’environnement et en complément des aides à la rénovation existantes ;

– Dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (CEE), les entreprises de fourniture d’énergie proposent des aides pour la réalisation de travaux d’économies d’énergie sous réserve qu’ils soient effectués par un professionnel reconnu garant de l’environnement. Ces aides, qui peuvent bénéficier aux propriétaires et aux locataires dans le cadre d’une habitation principale ou secondaire, peuvent prendre plusieurs formes : diagnostics et conseils, mise en relation avec un réseau qualifié d’artisans, prêt à taux bonifié, prime, etc. ([10]);

– Dans le cadre d’une opération de rénovation d’un logement (logement achevé depuis plus de deux ans, maison ou appartement occupé à titre de résidence principale ou secondaire), les travaux d’amélioration de la qualité énergétique peuvent bénéficier d’une TVA à taux réduit à 5,5 % ;

– La « réduction d’impôt Denormandie » permet aux particuliers achetant un logement à rénover dans certains quartiers de bénéficier d’une réduction d’impôt sur le revenu : les propriétaires bailleurs doivent effectuer des travaux représentant au moins 25 % du prix du logement acquis et le logement acheté et rénové doit se trouver dans l’une des 222 villes bénéficiaires du programme « Action cœur de ville » ;

– Certaines collectivités (communes, départements, etc.) accordent temporairement une exonération de taxe foncière, à titre partiel ou total, aux foyers qui réalisent des travaux d’économie d’énergie. Cette exonération peut être demandée par les propriétaires de logements, occupants ou bailleurs, réalisant des travaux dans des logements achevés avant le 1er janvier 1989 (article 1383-0 B du code général des impôts) ou achevés avant le 1er janvier 2009 et atteignant un certain niveau de performance énergétique ;

Au-delà des aides nationales, il existe aussi de nombreuses aides locales pour améliorer la performance énergétique du logement.

Nos collègues Vincent Descoeur et Marjolaine Meynier-Millefert, respectivement président et rapporteure d’une récente mission d’information de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la rénovation thermique des bâtiments, ont ainsi dressé une longue liste d’embûches dressées sur le chemin des demandeurs et susceptibles de décourager les plus entreprenants : « Un ménage souhaitant financer son projet grâce à différentes aides (...) devra (...) effectuer des démarches auprès de chaque opérateur, en ayant pris soin de vérifier qu’il remplit les différentes conditions d’éligibilité propres à chaque dispositif (revenus, localisation géographique du logement, statut socio-professionnel, etc.). Il devra disposer de devis correctement établis afin de permettre le contrôle des critères de performance des équipements. Il devra aussi vérifier si les aides demandées sont bien cumulables entre elles. Dans le cas des CEE, il devra aussi choisir les modalités de versement de la prime. En l’absence de fonds propres pour financer le reste à charge, il pourra enfin compléter son plan de financement avec l’obtention d’un prêt, en espérant que sa banque lui proposera bien un éco-prêt à taux zéro plus avantageux qu’un crédit à la consommation. » ([11]).

Le système des aides à la rénovation énergétique apparaît aujourd’hui excessivement complexe, cette complexité conduisant probablement une partie des ménages à renoncer à leur bénéfice – soit qu’ils ignorent jusqu’à l’existence de certaines aides, pourtant adaptées à leur situation particulière, soit qu’ils renoncent à solliciter un dispositif dont les coûts d’activation leur paraissent excessifs (délais, volume des pièces et justificatifs à fournir, etc.).

Les professionnels du bâtiment ont, en outre, alerté votre Rapporteure sur les conséquences de l’inflation observée depuis 2021 dans leur secteur. La Fédération française du bâtiment évalue ainsi à environ + 25 % l’augmentation des coûts des matériaux au cours du 3e trimestre 2022, sans compter l’accroissement des dépenses de carburant, par exemple – elle l’évaluait déjà autour de 10 % sur l’année 2021 et le premier semestre 2022.

Cette tendance doit être prise en compte dans la définition des barèmes, seuils et plafonds applicables dans le cadre de la politique publique de soutien à la rénovation thermique du parc résidentiel français. A défaut, le reste à charge va non seulement s’accroître pour les ménages engageant des travaux, mais le recul de la demande qui en découlera fragilisera l’équilibre économique du secteur.

B.   Des aides à l’efficacité incertaine

Excessivement complexe, le système des aides publiques à la rénovation énergétique des logements apparaît également d’une efficacité incertaine. Tel est le constat qui ressort de deux études récentes, l’une de Guillaume Dolques, Maxime Ledez et Hadrien Hainaut pour l’Institute for Climate Economics (I4CE) et intitulée « Quelles aides pour la rénovation énergétique des logements » (février 2022), l’autre de Andreas Rüdinger et Albane Gaspard pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri) et intitulée « Réussir le pari de la rénovation énergétique. Rapport de la plateforme d’experts pour la rénovation énergétique des logements en France » (mai 2022).

Les auteurs de l’étude de l’I4CE ont adopté une approche résolument micro‑économique, fondée sur le développement d’un outil de simulation (PanelRenov’) permettant de représenter les principaux outils d’aides à la rénovation énergétique, d’en modifier les conditions d’attribution (montant, plafond, taux, durée, etc.) en fonction du revenu des ménages et d’introduire des paramètres complémentaires (recours à des prêts commerciaux, prix des énergies, etc.). Les seuils conventionnels retenus pour décrire une rénovation économiquement viable (et donc attractive) sont un taux de retour sur investissement brut inférieur à dix ans, une valeur actuelle nette positive à quinze ans, un reste à charge inférieur à 10 000 €, des économies d’énergie la première année aux moins égales aux mensualités du prêt et un taux d’endettement inférieur à 5 %. Aujourd’hui, la Fondation Abbé Pierre estime le reste à charge pour les ménages modestes (déciles 3 et 4) à 56 % du coût de l’opération, et à 39 % pour les ménages très modestes (déciles 1 et 2).

Les résultats obtenus conduisent les auteurs à conclure que les aides publiques actuelles ne permettent pas d’atteindre les objectifs nationaux définis par la stratégie nationale bas-carbone (SNBC), c’est-à-dire, d’ici 2050, un parc de logements faiblement consommateurs d’énergie et dont les émissions de gaz à effet de serre sont ramenées à zéro.

 Il apparaît que les conditions d’éligibilité aux aides actuelles ne sont pas alignées avec l’objectif de rénovation globale. S’il existe de nombreuses aides publiques en faveur de la rénovation énergétique des logements, celles-ci financent en majorité des rénovations simples ([12]).

Par ailleurs, même si ces dispositifs se déclinent parfois selon des modalités particulières lorsqu’il s’agit de prendre en charge une rénovation globale, ceux-ci sont majoritairement attribués à des projets trop peu performants au regard des objectifs nationaux. Les aides sont attribuées en fonction de la baisse de consommation annuelle d’énergie primaire, calculée de manière conventionnelle avant et après les travaux. En fonction des aides, le seuil d’éligibilité est fixé entre 35 et 55 % d’économies d’énergie, sans dépasser une consommation après travaux de 331 kWh/m².an, soit l’étiquette E du diagnostic de performance énergétique (DPE). Or pour qu’une rénovation globale soit performante du point de vue des objectifs nationaux, il faut viser une réduction de la consommation d’énergie primaire de l’ordre de 75 %.

Le montant des aides s’établit à un niveau excessivement bas au regard du coût des rénovations globales.

Les rénovations globales coûtent généralement bien plus cher que des rénovations simples ou intermédiaires. Une étude d’Effinergie (2021) estime qu’une rénovation « BBC » coûte en moyenne 360 € HT/m², soit près de 42 000 € TTC pour une maison de 110 m² ([13]). Dans l’outil PanelRénov’, les rénovations BBC coûtent entre 45 000 et 91 000 €, c’est-à-dire un montant hors de portée de la plupart des ménages.

Or pour ces rénovations, les montants des aides sont faibles et plafonnés et il apparaît paradoxalement souvent plus intéressant pour un ménage de réaliser une demande d’aide pour chaque geste de travaux séparé, que de réaliser une demande d’aide à la rénovation globale. Mais même lorsque ces aides par geste sont additionnées, elles ne couvrent généralement qu’entre 20 à 40 % des coûts d’une rénovation globale.

En définitive, les simulations montrent qu’avec les aides actuelles, les rénovations globales ne sont pas viables pour les ménages.

Pour les auteurs de l’I4CE, le constat est dépourvu d’ambiguïté : « le reste à charge est décourageant avant même de considérer un emprunt. Pour les ménages qui envisagent de réaliser des rénovations globales, les aides publiques ne couvrent ainsi qu’une faible part du coût total des travaux (20 à 40 % du coût total sur les simulations réalisées), pour financer le reste à charge, un apport personnel important est nécessaire par le ménage. Ce dernier renonce la plupart du temps aux travaux, avant même de considérer un emprunt » (p. 15). Le temps de retour sur investissement des opérations globales est systématiquement supérieur à 10 ans : la perspective de réaliser des économies intervient donc très tard pour un ménage, qui se projette difficilement au-delà de cette échéance.

Même à quinze ans, les bénéfices du projet ne justifient pas systématiquement les coûts, au regard des risques pris et des placements alternatifs. Le schéma ci-dessous montre que la valeur actuelle nette à cette échéance n’est positive que dans deux des six cas-types étudiés ([14]).

Tous les acteurs auditionnés par votre Rapporteure ont souligné, à cet égard, l’importance d’une meilleure information des ménages quant aux multiples dispositifs existants et de leur accompagnement dans des projets de rénovation rendus complexes par leur caractère multidimensionnel (faisabilité technique, éligibilité aux dispositifs d’aide, financements complémentaires à mobiliser, aspects opérationnels et humains, etc.).

Le constat dressé par l’I4CE recoupe sur plusieurs points un ensemble de critiques plus larges adressées par la Cour des comptes à la politique actuelle de rénovation énergétique des bâtiments.

La politique de rénovation énergétique des bâtiments :
le constat critique de la Cour des comptes

 

En application des dispositions de l’article L. 111-3 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a examiné, avec le concours de deux chambres régionales des comptes, les conditions de mise en œuvre de la politique de rénovation énergétique des bâtiments (référé n° S2022-1527 du 28 juillet 2022).

Rappelant que le secteur du bâtiment, résidentiel et tertiaire, constitue en France la première source de consommation d’énergie et que l’objectif est désormais de disposer d’un parc bâti neutre en carbone et aux normes basse consommation en 2050, la Cour :

 observe que la politique publique de rénovation énergétique des bâtiments s’articule autour de quatre axes d’action distincts et complémentaires – à savoir, créer et déployer des référentiels de performance énergétique opposables, favoriser l’émergence d’une filière professionnelle de la rénovation, créer un service public de la rénovation énergétique et, au moyen d’instruments d’incitation financiers et d’outils normatifs, déclencher la décision de rénovation chez les propriétaires du bâti – et souligne une cohérence insuffisante dans l’articulation de ces différents axes et entre les différents objectifs opérationnels poursuivis ;

 regrette que les dispositifs portés par la politique publique aient fait l’objet de réformes fréquentes qui ont nui à leur lisibilité : d’une part, les dispositifs ne couvrent pas toujours les mêmes gestes, s’agissant notamment du taux réduit de TVA pour les travaux de rénovation relativement aux subventions directes ; d’autre part, les règles de cumul ont évolué et ne sont ni stabilisées, ni aisément compréhensibles pour les usagers ;

 regrette qu’au regard d’autres enjeux publics, la politique de rénovation énergétique soit mal définie : absence de prise en compte des effets des gestes d’isolation sur la santé des habitants ou le confort, notamment acoustique, du logement ; non-utilisation par les pouvoirs publics du critère de l’empreinte environnementale d’une rénovation, alors qu’il pourrait sembler logique de conditionner des travaux visant la réduction de consommation d’énergie et de gaz à effet de serre à l’utilisation de matériaux biosourcés et à l’usage de techniques respectueuses de l’environnement ;

 appelle à la mise en cohérence de cette politique avec d’autres politiques publiques, telles que la rénovation urbaine et la prévention des risques naturels. À défaut, ces incohérences peuvent être constitutives de freins (règles d’urbanisme) ;

 invite à doter la politique de rénovation énergétique des bâtiments d’un pilotage fort et efficace et d’un service public de l’accompagnement efficient sur l’ensemble du territoire national ;

 observe que les aides financières à la rénovation énergétique des bâtiments sont conçues à partir d’un objectif de massification plutôt que de performance des rénovations et regrette que le suivi de l’efficacité de la politique publique soit limité, alors même que les engagements financiers publics sont élevés (plus de 7 milliards d’euros en 2021). En particulier, l’accompagnement des bénéficiaires dans leur projet de rénovation étant rarement assuré et la contrepartie des aides consistant majoritairement en la réalisation de gestes de travaux, soit uniques (« rénovation mono-geste »), soit par bouquet, mais sans étude d’impact, les objectifs ambitieux de la politique de rénovation énergétique des bâtiments se traduisent par des résultats limités en termes de performance énergétique, dont on peut craindre qu’ils entraînent de nouvelles dépenses à l’avenir, et par voie de conséquence des appels à de nouvelles aides publiques pour atteindre les objectifs climatiques et énergétiques de la France.

 

C.   Un cadre législatif insuffisamment protecteur

 La prise de conscience qu’une fraction significative de la population vit dans une situation de précarité énergétique – c’est-à-dire éprouve dans son logement « des difficultés particulières à disposer de la fourniture d’énergie nécessaire à la satisfaction de ses besoins élémentaires en raison de l’inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d’habitat » – a conduit les pouvoirs publics à introduire la performance énergétique parmi les critères de la décence d’un logement.

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a ainsi imposé que soit fixé un seuil maximal de consommation énergétique, exprimé en énergie finale, au-delà duquel le logement doit être considéré comme « indécent ». Le décret n° 2021-19 du 11 janvier 2021 relatif au critère de performance énergétique dans la définition du logement décent en France métropolitaine, pris pour l’application de l’article 17 de la loi, prévoit que, pour rester décent, un logement doit afficher une consommation inférieure à 450 kWh d’énergie finale par mètre carré de surface habitable et par an. En conséquence de ces dispositions, qui entreront en vigueur le 1er janvier 2023 et ne s’appliquent qu’aux nouveaux contrats de location conclus à compter de cette date, les logements affichant un diagnostic de performance G ont vocation à sortir de l’offre de logements proposés à la location.

 Le locataire d’un logement indécent dispose de recours, dans des conditions prévues à l’article 20-1 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989. Il peut ainsi demander au propriétaire la mise en conformité du logement. À défaut d’accord amiable ou à défaut de réponse du propriétaire dans les deux mois, les parties peuvent saisir la commission départementale de conciliation, cette saisine ne constituant pas un préalable obligatoire à la saisine du juge.

En cas de recours devant le juge et si ce dernier constate que le logement ne satisfait pas aux normes de décence, il peut contraindre le propriétaire à faire les travaux nécessaires, imposer la réduction de loyer à accorder au locataire ou imposer des dommages et intérêts à payer au locataire. Le juge transmet, par ailleurs, au préfet l’ordonnance ou le jugement constatant que le logement loué ne satisfait pas aux critères de décence.

Cet article 20-1 a été complété dans le cadre de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, afin de tirer les conséquences des nouvelles obligations prévues concernant l’indécence des passoires énergétiques. Ainsi, le dernier alinéa de l’article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989 précitée, tel qu’il doit entrer en vigueur au 1er janvier 2023, prévoit que « le juge ne peut ordonner de mesure visant à permettre le respect du seuil maximal de consommation d’énergie finale par mètre carré et par an (…) lorsque le logement fait partie d’un immeuble soumis au statut de la copropriété et que le copropriétaire concerné démontre que, malgré ses diligences en vue de l’examen de résolutions tendant à la réalisation de travaux relevant des parties communes ou d’équipements communs et la réalisation de travaux dans les parties privatives de son lot adaptés aux caractéristiques du bâtiment, il n’a pu parvenir à un niveau de consommation énergétique inférieur au seuil maximal ».

De surcroît, le code de la construction et de l’habitation prévoit une procédure spécifique de conservation et de versement des allocations de logement en cas de non-décence constatée des logements.

L’article L. 843-1 de ce code prévoit que lorsque l’organisme payeur ou un organisme dûment habilité par ce dernier a constaté que le logement ne satisfaisait pas aux caractéristiques de décence, l’allocation de logement, si elle existe, est conservée par l’organisme payeur pendant un délai maximal fixé par voie réglementaire (deux ans). L’organisme payeur notifie au propriétaire le constat établissant que le logement ne remplit pas les conditions requises pour être qualifié de logement décent et l’informe qu’il doit le mettre en conformité dans le délai maximal mentionné au premier alinéa pour que l’allocation de logement conservée lui soit versée. Durant ce délai, le locataire s’acquitte du montant du loyer et des charges récupérables diminué du montant des allocations de logement, dont il a été informé par l’organisme payeur, sans que cette diminution puisse fonder une action du propriétaire à son encontre pour obtenir la résiliation du bail.

En vertu de l’article L. 843-2 du même code et si, à l’issue de ce délai de 18 mois, le logement ne répond toujours pas aux caractéristiques de décence, le montant de l’allocation de logement, conservé jusqu’à cette date par l’organisme payeur, n’est pas récupéré par le propriétaire. Ce dernier ne peut demander au locataire le paiement de la part de loyer non perçue correspondant au montant de l’allocation conservé.

 Les auditions réalisées par votre Rapporteure ont néanmoins montré que ce cadre législatif et réglementaire présentait un certain nombre de faiblesses, qui en compromettent l’efficacité.

Les associations actives dans le domaine de la lutte contre le mal-logement constatent que les locataires de logements indécents du fait de leurs caractéristiques thermiques ne font pas usage de leur droit de demander au propriétaire de faire réaliser les travaux nécessaires, a fortiori de celui de saisir la commission départementale de conciliation ou la justice. En pratique, la relation entre le locataire, souvent une personne fragile sur le plan économique, et le propriétaire, parfois gestionnaire de plusieurs appartements exploités dans les mêmes conditions, apparaît très fortement déséquilibrée au détriment des premiers, qui ne veulent pas s’exposer à perdre leur logement, si inconfortable soit-il, en formulant une demande considérée comme malvenue par un bailleur peu regardant. Cette réalité conduit certains acteurs à plaider pour un rattachement de la police de l’indécence à celle de l’insalubrité, qui fait intervenir des acteurs disposant de moyens de pression plus étendus (maire et représentant de l’État).

Par ailleurs, les dispositions relatives à l’indécence au titre des caractéristiques énergétiques n’ont vocation à s’appliquer, à compter du 1er janvier prochain, qu’aux baux nouvellement signés et non à ceux en cours d’exécution, qui ont vocation à s’exécuter jusqu’à leur terme.

La plupart des associations ont alerté votre Rapporteure, lors des auditions, sur les risques de telles règles d’interdiction, à moins de renforcer la protection des locataires.

Il est ainsi fréquent que les propriétaires bailleurs entreprenant une opération de rénovation globale s’appuient sur les dispositions de la loi de 1989 pour réviser le loyer en cours de bail, au motif de l’amélioration du confort du logement. Votre Rapporteure considère qu’il serait opportun de conditionner l’octroi des aides publiques à la rénovation globale à l’interdiction de telles augmentations, en cours de bail ou lors de son renouvellement.

Un autre risque souligné par les organisations d’habitants et les associations de défense des locataires concerne la tentation de procéder à la vente anticipée d’un bien dont la valeur s’est accrue à la faveur de l’opération de rénovation.

La Fondation Abbé Pierre et Droit au Logement redoutent également l’organisation d’un « marché gris » des locations non-conformes après 2025, tant la demande de logements – en particulier, dans les zones urbaines – peine à trouver des réponses : la Fondation estime à 1,2 million le nombre de personnes sans logement personnel, vivant en foyer, en résidence temporaire ou hébergées gracieusement – sans parler de celles qui n’ont d’autre domicile que la rue.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre Rapporteure propose que l’interdiction de location d’un logement étiqueté F ou G à partir de 2025 soit complétée d’une astreinte à effectuer les travaux et assortie d’une obligation de relogement aux frais du propriétaire bailleur (si les travaux l’exigent).

 Il convient enfin de rappeler que les règles relatives à l’indécence ne sont pas applicables aux locations saisonnières : en réponse à une question écrite n° 43689 de notre collègue Bertrand Sorre (18 janvier 2022), la ministre déléguée auprès de la ministre de la transition écologique, chargée du logement, a confirmé que « le niveau de performance minimal pour caractériser la décence d’un logement, introduit par la loi Climat Résilience à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, ne s’applique effectivement que pour les logements constituant la résidence principale du locataire. Les meublés touristiques ne sont donc pas soumis à cette obligation. Ces logements sont loués de manière ponctuelle et ne mettent pas leurs locataires en situation de précarité énergétique. Le Gouvernement n’envisage donc pas de revoir les obligations de performance minimale fixées pour le parc locatif. » (19 avril 2022).

 

 

Questions ouvertes et Thèmes à approfondir
à l’issue des auditions réalisées

 

Lors des auditions conduites par votre Rapporteure, les acteurs ont fait émerger de nombreuses questions cruciales pour atteindre les objectifs de rénovation globale fixés par les pouvoirs publics, mais qui échappent au champ du texte présenté.

Il nous apparaît néanmoins opportun de les évoquer, espérant qu’elles donneront lieu à une réflexion spécifique dans les mois à venir au sein de la commission des Affaires économiques :

 l’engagement de l’industrie du bâtiment et de la construction est absolument crucial pour relever le défi et les acteurs auditionnés l’ont tous confirmé. La rénovation du bâti existant constitue d’ailleurs, pour les professionnels concernés, un segment de développement identifié depuis plusieurs années, alors que la construction neuve connaît des difficultés croissantes. C’est une chance pour notre économie, alors que le tissu des TPE-PME du bâtiment est extrêmement dense, inséré dans les territoires et pourvoyeur d’emplois locaux qualifiés.

 Ces acteurs mettent toutefois en évidence un besoin majeur : la planification. Ils s’estiment en capacité d’absorber la demande nouvelle, y compris dans un scénario d’intensification à l’échelle du pays, à condition de pouvoir anticiper à la fois approvisionnement, formation, embauches, etc.

 Ils soulignent également qu’une rénovation globale peut être elle-même planifiée et échelonnée, comme certains dispositifs de soutien le reconnaissent également : ainsi, les réformes proposées par la présente proposition de loi, qui cible les rénovations globales, pourraient parfaitement concerner des rénovations séquencées, dès lors qu’un plan global assorti d’un suivi serait présenté ;

 l’intérêt porté à la rénovation thermique du parc résidentiel se concentre sur la réduction de la consommation d’énergie finale et des émissions de gaz à effet de serre du secteur. Mais il importe de considérer, à terme, la décarbonation de l’ensemble de la chaîne de valeur du bâtiment, en incluant l’amont (matières premières, industrie des matériaux, transport, consommation lors de la construction elle-même, etc.). De ce point de vue, les professionnels de l’industrie, de la conception et de la construction portent de nombreuses propositions prometteuses pour développer de nouvelles filières, penser le recyclage et le réemploi et optimiser la coordination des travaux, auxquelles le législateur devrait consacrer toute son attention ;

 le rôle du secteur bancaire dans le développement et la mise en œuvre d’instruments financiers adaptés : les banques qui acceptent de mettre en œuvre les éco-prêts à taux zéro sont minoritaires, par exemple. De façon plus générale, les banques commerciales hésitent trop souvent à octroyer des prêts appropriés, tant il est vrai que les situations de surendettement se multiplient chez les ménages modestes et très modestes ;

 si les locataires disposent de voies de recours face à un bailleur qui refuse d’engager les travaux de rénovation, il convient de soutenir, faciliter et accompagner l’exercice de ces recours, de sorte qu’il s’agisse d’un droit effectif. En effet, les associations observent une réticence des locataires à faire valoir leurs droits, de crainte de mesures de rétorsion prises par leur propriétaire – et c’est d’autant plus le cas que leurs revenus sont modestes ou faibles ;

 le droit à l’œuvre applicable dans le cadre des copropriétés apparaît insatisfaisant pour la plupart des acteurs rencontrés, sans que des pistes d’évolution très concrètes apparaissent pour l’instant. La contrainte ne suffit pas, il importe de construire des règles adaptées à la diversité des situations et des possibilités, ainsi que l’accompagnement adéquat ;

 l’isolation thermique d’hiver est-elle toujours parfaitement compatible avec la recherche du confort d’été ? Alors que les températures augmentent structurellement et que les épisodes caniculaires se multiplient, c’est une préoccupation qui doit prendre toute sa place dans le dispositif des politiques publiques et des accompagnements qu’elles incluent.


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   Commentaire des articles

Article 1er
Garantie d’un reste à charge « zéro » aux ménages les plus modestes

L’article 1er vise à garantir un reste à charge « zéro » aux ménages les plus modestes réalisant une rénovation thermique globale.

I.   L’État du droit

Issu de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat, le I de l’article 100-1 A du code de l’énergie prévoyait, dans sa rédaction d’origine, qu’il appartiendrait à la loi, avant le 1er juillet 2023 puis tous les cinq ans, de déterminer les objectifs et fixer les priorités d’action de la politique énergétique nationale pour répondre à l’urgence écologique et climatique.

Il reviendra notamment à cette future loi de programmation de préciser :

– les objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour trois périodes successives de cinq ans ;

– les objectifs de réduction de la consommation énergétique finale – et notamment les objectifs de réduction de la consommation énergétique primaire fossile – par énergie fossile, pour deux périodes successives de cinq ans, ainsi que les niveaux minimal et maximal des obligations d’économies d’énergie prévues à l’article L. 221-1 du présent code, pour une période de cinq ans ;

– les objectifs de développement des énergies renouvelables pour l’électricité, la chaleur, le carburant et le gaz pour deux périodes successives de cinq ans ;

– les objectifs de diversification du mix de production d’électricité, pour deux périodes successives de cinq ans ;

– les objectifs de rénovation énergétique dans le secteur du bâtiment, pour deux périodes successives de cinq ans ;

– les objectifs permettant d’atteindre ou de maintenir l’autonomie énergétique dans les départements d’outre-mer.

La rédaction de cet article L. 100-1 A a été assez profondément modifiée et enrichie à l’occasion de l’examen de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi « Climat et résilience ».

S’agissant des objectifs en matière de rénovation énergétique des bâtiments relevant la loi de programmation pluriannuelle, la loi « Climat et résilience » a précisé, en premier lieu, que ces objectifs devront s’inscrire en cohérence avec l’objectif de disposer à l’horizon 2050 d’un parc de bâtiments sobres en énergie et faiblement émetteurs de gaz à effet de serre.

Rappelant que l’atteinte de ces objectifs repose sur une incitation financière accrue aux rénovations énergétiques performantes et globales, au sens du 17°bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation ([15]), la loi prévoit, en second lieu, la mise en œuvre d’un système stable d’aides budgétaires, d’aides fiscales de l’État ou d’aides résultant du dispositif défini aux articles L. 221-1 à L. 221-13 du code de l’énergie, accessibles à l’ensemble des ménages et modulées selon leurs ressources. Ce système vise notamment à créer les conditions d’un reste à charge « minimal » pour les bénéficiaires les plus modestes, en particulier lorsque les travaux sont accompagnés par un opérateur de l’État ou agréé par lui.

Il reviendra par ailleurs à chaque loi de programmation prévue au I de l’article L. 100-1 A de déterminer le rythme des rénovations nécessaires à l’atteinte de la trajectoire de rénovation énergétique du parc de logements, en tenant compte des spécificités territoriales liées notamment aux typologies d’habitation et aux conditions climatiques. Ces rénovations portent notamment sur les gestes de travaux, les bouquets de travaux ainsi que les rénovations énergétiques performantes et globales, au sens du 17°bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation.

L’article L. 232-2 du code de l’énergie est inséré dans le chapitre II du titre III du livre II du même code, consacré au service public de la performance énergétique de l’habitat.

Après que l’article L. 232-1 a défini les objectifs et missions de ce service public (notamment, accroître le nombre de projets de rénovation énergétique, encourager les rénovations performantes et les rénovations globales et assurer l’information, le conseil et l’accompagnement des consommateurs souhaitant diminuer leur consommation énergétique), l’article L. 232-2 en décrit les modalités d’organisation.

Ce service public comporte un réseau de guichets d’information, de conseil et d’accompagnement, coordonnés par l’État et l’Agence nationale de l’habitat au plan national et prioritairement mis en œuvre à l’échelle de chaque établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre (paragraphe I de l’article L. 232-1).

Les guichets proposent un service indépendant d’information, de conseil et d’accompagnement des maîtres d’ouvrage privés, qu’ils soient propriétaires, locataires ou syndicats de copropriétaires, et de leurs représentants.

Il leur appartient de présenter les aides nationales et locales existantes, d’aider les ménages à élaborer leur projet de rénovation énergétique, à mobiliser les aides financières publiques ou privées ainsi qu’à les orienter vers des professionnels compétents tout au long du projet de rénovation. Ces guichets doivent notamment informer et orienter les propriétaires de logements qui ne respectent pas le niveau de performance minimal caractérisant un logement décent, prévu au premier alinéa de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs (paragraphe II).

II.   les dispositions de l’article

 Le paragraphe I de l’article 1er modifie les articles L. 100-1 A et L. 232‑2 du code de l’énergie afin d’y faire figurer le principe d’un reste à charge « zéro » pour les ménages les plus modestes réalisant une rénovation thermique globale.

Le système d’aides budgétaires mentionné à l’article L. 100-1 A doit donc avoir pour objectif de créer les conditions permettant aux bénéficiaires les plus modestes d’engager des opérations de rénovation performantes et globales sans apport personnel.

Quant aux guichets d’information, de conseil et d’accompagnement mentionnés au paragraphe II de l’article L. 232-2, il est proposé que l’assistance qu’ils apportent aux ménages couvre désormais, de manière spécifique, la mobilisation des aides publiques et privées atteignant un reste à charge « zéro » pour les ménages les plus modestes qui réalisent une rénovation énergétique performante définie au 17° bis de l’article L. 111-1 du code de la construction et de l’habitation.

Quant au paragraphe II de l’article 1er, il renvoie à un décret en Conseil d’État le soin de fixer, chaque année, les revenus fiscaux de référence par ménage applicables pour la définition des ménages les plus modestes mentionnés au présent article.

Le dispositif proposé vise à faire en sorte que le coût des travaux ne constitue l’obstacle dirimant à la réalisation d’opérations de rénovation énergétique de nature à faire accéder les logements concernés à un niveau satisfaisant de confort thermique.

 

Il est d’ailleurs intéressant de noter que cette solution d’un reste à charge « zéro » constitue précisément l’une des hypothèses testées par Guillaume Dolques, Maxime Ledez et Hadrien Hainaut dans leur étude précitée pour l’Institute for Climate Economics (I4CE), comme voie d’une possible réforme destinée à améliorer la viabilité économique des rénovations globales.

Plus précisément, les auteurs envisagent un dispositif où les rénovations globales seraient subventionnées à 100 % pour les ménages les plus modestes et, pour les autres ménages, bénéficieraient d’un taux de subvention modulé en fonction des revenus. En complément et afin de financer le montant des travaux restant après décompte des subventions, les ménages pourraient recourir à un prêt à la rénovation globale dont le plafond serait de l’ordre de 60 000 euros, assorti d’une durée de remboursement suffisamment longue (jusqu’à 30 ans) et d’une charge d’intérêt faible (moins de 1,5 %).

 

 

Dans ces conditions de subventions plus généreuses et d’emprunts facilités, les rénovations globales apparaissent viables pour les ménages modestes et très modestes. Le reste à charge est ramené à zéro et le temps de retour sur investissement brut est court. De plus, les économies d’énergie suffisent à couvrir les mensualités des prêts. Ainsi financées, ces rénovations préservent la trésorerie des ménages.

III.   position de votre commission

La commission des Affaires économiques a adopté un amendement CE 2 de M. Bastien Marchive de suppression de cet article.

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Article 2
Interdiction de location des logements fortement énergivores

L’article 2 vise à interdire effectivement la location des logements fortement énergivores.

I.   L’État du droit

Dans sa rédaction aujourd’hui applicable, l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée prévoit que le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement « décent », c’est-à-dire ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l’usage d’habitation.

Cet article renvoie à des décrets en Conseil d’État le soin de définir, d’une part, le critère de performance énergétique minimale à respecter et un calendrier de mise en œuvre échelonnée et, d’autre part, les caractéristiques permettant de considérer que le logement est conforme à l’usage d’habitation (locaux à usage de résidence principale ou à usage mixte, à l’exception des logements-foyers et des logements destinés aux travailleurs agricoles et qui sont soumis à des règlements spécifiques).

L’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée modifie les articles 6 et 20-1 du titre Ier de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée (paragraphe I), l’entrée en vigueur de l’ensemble des modifications apportées étant différée à la date du 1er janvier 2025 (paragraphe II).

Au 3° du paragraphe I de l’article 160, il est prévu d’insérer huit alinéas nouveaux après le deuxième alinéa de l’article 6 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.

Ces dispositions définissent le niveau de performance d’un logement décent par référence aux catégories du diagnostic de performance énergétique et selon un calendrier évolutif. Ce niveau de performance est donc compris, au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation, entre la classe A et la classe F à compter du 1er janvier 2025, entre la classe A et la classe E à compter du 1er janvier 2028 et entre la classe A et la classe D à compter du 1er janvier 2034.

Compte tenu de la situation existant en Guadeloupe, en Martinique, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte, le calendrier s’y déploie de manière moins contraignante. Le niveau de performance d’un logement décent y sera compris, au sens du même article L. 173-1-1, entre la classe A et la classe F à compter du 1er janvier 2028 et entre la classe A et la classe E à compter du 1er janvier 2031.

A contrario, les logements qui ne répondent pas aux critères précités aux échéances fixées sont considérés comme non décents.

II.   les dispositions de l’article

L’article 2 de la proposition de la loi complète la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée (paragraphe I) et dit les conséquences des modifications ainsi opérées sur l’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 précitée (paragraphe II).

 Le paragraphe I de l’article 2 insère un article 6 bis dans la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée afin de prohiber la location, selon un calendrier échelonné, des logements présentant les performances énergétiques les plus mauvaises, c’est-à-dire les plus énergivores. Il est ainsi prévu d’interdire :

– à compter du 1er janvier 2025, les logements relevant de la classe énergétique G (consommation d’énergie primaire supérieure ou égale à 420 kWh/m².an) ;

– à compter du 1er janvier 2028, les logements relevant de la classe énergétique F (consommation d’énergie primaire supérieure ou égale à 330 kWh/m².an) ;

– à compter du 1er janvier 2032, les logements relevant d’une classe énergétique inférieure ou égale à E (consommation d’énergie primaire supérieure ou égale à 250 kWh/m².an).

 Le paragraphe II de l’article 2 abroge, en conséquence, le 3° du I de l’article 160 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021.

III.   La position de votre commission

La commission des Affaires économiques a adopté un amendement CE 3 de M. Bastien Marchive de suppression de cet article.

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Article 3
Gage

L’article 3 vise à gager les dépenses supplémentaires induites par les dispositions des articles 1 et 2 par la création d’une taxe additionnelle.

I.   les dispositions de l’article

Le présent article répond à une exigence constitutionnelle.

II.   La position de votre commission

La commission a rejeté cet article.

 

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

La commission a procédé à l’examen de la proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements, en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores (n° 324) (Mme Aurélie Trouvé, rapporteure).

M. le président Guillaume Kasbarian. L’ordre du jour appelle l’examen d’une proposition de loi visant à accélérer la rénovation thermique des logements en garantissant un reste à charge zéro pour les ménages les plus modestes réalisant des travaux et en interdisant réellement les logements les plus énergivores. Déposée par Mme Aurélie Trouvé et les membres du groupe LFI-NUPES, elle est inscrite à l’ordre du jour de la niche parlementaire de ce groupe, prévue jeudi 24 novembre.

Douze propositions de loi ou propositions de résolution sont inscrites à cet ordre du jour. Le présent texte figure en dixième position. Je laisse à chacun le soin de calculer la probabilité qu’il soit examiné en séance publique à cette date. Au demeurant, la conférence des présidents du 8 novembre dernier s’est interrogée sur l’opportunité de plafonner le nombre de textes inscrits à l’ordre du jour d’une niche parlementaire et s’est donné la faculté d’examiner ultérieurement cette question.

Quinze amendements sont en discussion. En cas de rejet de la proposition de loi par la commission, le texte examiné en séance publique sera celui tel qu’il a été déposé, en application de l’article 90 de notre règlement.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Les chiffres sont connus : plus de 12 millions de personnes sont en précarité énergétique aujourd’hui en France. Elles ont froid dans leur logement, faute de pouvoir se payer un chauffage décent. Près de 20 % de la population peine à boucler les fins de mois et peinera encore davantage demain, car l’inflation grimpe, ainsi que les prix de l’électricité et du gaz, qui devraient augmenter de 15 % en 2023. La plupart de ces personnes, assommées par leurs factures, vivent précisément dans les 7 millions de passoires thermiques que compte notre pays.

Ces passoires thermiques nous empêchent également de tenir nos engagements climatiques. Alors que se déroule la COP27, où sont discutées notre responsabilité dans les dérèglements planétaires du climat et leurs conséquences sur des dizaines de millions de personnes, rappelons que le chauffage des logements représente près de 10 % de nos émissions de gaz à effet de serre (GES).

Ces passoires sont des gouffres en matière de consommation d’énergie, alors même que l’Europe et la France ont des difficultés croissantes de production et d’approvisionnement en électricité et en gaz. La rénovation globale des logements permet donc de relever le défi climatique et d’assurer la souveraineté énergétique. Elle est aussi un formidable gisement d’emplois qualifiés et non délocalisables – jusqu’à 250 000 emplois d’ici à 2030 – et un gisement d’innovation pour nos TPE et nos PME.

Le Président de la République a pris un engagement censé relever le défi : 700 000 logements rénovés chaque année grâce au renforcement de MaPrimeRénov’, l’aide financière accordée aux propriétaires engageant des travaux de rénovation de leur logement. En réalité, à peine 2 500 logements ont été sortis du statut de passoire thermique grâce à MaPrimeRénov’. Qui le dit ? La Cour des comptes. À ce rythme, il faudra deux millénaires pour faire disparaître les 7 millions de passoires thermiques que compte notre pays !

Le Gouvernement évoquera les 700 000 primes versées pour rénover les 700 000 logements. Mais il ne s’agit, la plupart du temps, que de monogestes, tels qu’un changement de porte ou de chaudière, n’offrant pas ou trop peu de gains énergétiques. M. Antoine Armand, membre du groupe Renaissance, le démontre dans un excellent rapport d’information : MaPrimeRénov’ incite au monogeste, ce qui, d’après l’association négaWatt comme d’après la Cour des comptes, n’est ni efficace ni rentable.

C’est une politique du chiffre au détriment d’une politique qualitative et efficace. Complexité considérable des aides et des offres, déficit d’information et d’accompagnement des propriétaires, absence d’incitation financière suffisante des ménages, notamment des ménages modestes : MaPrimeRénov’n’incite pas à entreprendre des travaux de rénovation globale. Le dispositif est trop peu financé et trop mal ficelé.

D’après nos auditions, les travaux de rénovation globale coûtent de 30 000 à 80 000 euros pour les logements dont le diagnostic de performance énergétique (DPE) est F ou G et qui sont qualifiés de passoires thermiques. D’après le rapport de M. Antoine Armand, qui confirme les chiffres de la Fondation Abbé Pierre, MaPrimeRénov’ laisse aux ménages modestes et très modestes un reste à charge allant de 40 % à 60 % du coût de la rénovation globale, soit plusieurs dizaines de milliers d’euros. Dans ces conditions, il n’y a aucune chance que les ménages modestes se lancent dans un tel chantier.

Pour élaborer cette proposition de loi, je me suis appuyée sur plusieurs travaux parlementaires de grande qualité, ainsi que sur la mobilisation et l’expertise considérables des associations et des acteurs de la solidarité. Tous s’accordent à dire que le rythme de la rénovation globale des logements doit être accéléré. Surtout, il faut réduire le reste à charge des propriétaires les plus modestes. Il faut même, d’après une étude publiée par l’Institut de l’économie pour le climat (I4CE), le ramener à zéro, si l’on veut réellement que les rénovations globales soient viables, avec un temps de retour sur investissement brut inférieur à dix ans. La présente proposition de loi vise donc à garantir un reste à charge zéro pour les ménages modestes et très modestes qui entreprennent une rénovation thermique globale de leur logement.

Le Gouvernement répondra que la filière n’est pas prête à assumer une telle croissance de la demande. Or les acteurs du bâtiment que nous avons auditionnés contredisent clairement cet argument. Ils affirment précisément qu’ils peuvent assumer une telle croissance d’offre en employant bien davantage, sous réserve d’une visibilité sur la demande à venir et d’un soutien stratégique de cette dernière par les pouvoirs publics, sur plusieurs années.

Le Gouvernement répondra encore que cela va coûter trop cher à l’État, oubliant tout ce que cette mesure rapportera. La croissance de la production et des emplois augmentera en effet les rentrées fiscales issues des entreprises et la TVA. L’État versera moins d’allocations-chômage et la sécurité sociale dépensera moins, car une bonne rénovation thermique, c’est une amélioration de la santé des habitants.

Par ailleurs, des milliards seront économisés grâce à la diminution des importations de gaz et à celle des émissions de GES, qui est bonne pour la santé publique et pour notre bilan carbone. À cet égard, les 12 milliards d’euros supplémentaires pour la rénovation thermique des logements, que nous avions votés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, étaient parfaitement rentables à long terme.

La proposition de loi vise également à interdire réellement la location de passoires thermiques, comme le préconise la Convention citoyenne pour le climat. La loi « Climat et résilience » se borne en effet à classer successivement, à terme, les logements dont le DPE est G, F et E en logements indécents, ce qui permet au locataire de déposer un recours de mise en conformité. Mais nombre d’entre eux y renoncent tant la peur de l’éviction est dissuasive et la procédure longue.

Les associations et les groupements de locataires craignent d’autres effets du droit en vigueur, notamment la constitution d’un « marché gris » de la location de passoires thermiques et le retrait de milliers de logements du marché formel, alors même que plus d’un million de personnes sont déjà privées d’un logement personnel, d’après la Fondation Abbé Pierre. Nous proposons donc d’assurer le maintien des contrats de location et, le cas échéant, le relogement des locataires.

Par ailleurs, nous proposerons par voie d’amendement que les mêmes règles s’appliquent aux locations saisonnières et temporaires, pour éviter que les logements frappés d’interdiction ne soient exploités par des plateformes comme Airbnb, ce qui est le cas à l’heure actuelle.

Bien entendu, la perspective d’un chantier national de cette envergure soulève de nombreux défis, qui excèdent largement le cadre de la présente proposition de loi. La création et le financement de formations adéquates, le développement de matériaux sains abordables, l’amélioration des systèmes de certification et de contrôle : tout cela exige une forte volonté politique, qui nous semble absolument nécessaire face aux urgences écologiques et sociales.

Pour conclure, je rends hommage aux acteurs de la solidarité et aux associations qui se mobilisent de plus en plus pour la rénovation énergétique des logements. Qu’ils sachent que la NUPES continuera à mener ce combat !

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Bastien Marchive (RE). À l’heure de la transition écologique et de la hausse des coûts de l’énergie, la rénovation énergétique des logements doit être une priorité. Si le principe d’une mobilisation de l’État en faveur d’un habitat durable fait consensus depuis le déploiement de MaPrimeRénov’, les modalités de sa mise en œuvre font débat.

Ce dispositif n’en a pas moins permis de multiplier par dix le nombre d’actes de rénovation en deux ans, pour atteindre 750 000 en 2021. Cette montée en puissance rapide a été permise par un doublement du budget y afférent en 2022. En 2023, il augmentera encore de plus de 15 %. Il s’agit d’un effort sans précédent en faveur de l’amélioration de l’habitat, notamment celui des ménages modestes, qui représentent 70 % des bénéficiaires du dispositif.

Gage de son sérieux et de sa réussite, cette mobilisation inédite est aussi largement partenariale. Grâce aux aides complémentaires versées par l’Agence nationale de l’habitat (Anah) et les collectivités locales, le taux d’accompagnement des plus modestes peut atteindre 80 %, voire davantage grâce aux certificats d’économie d’énergie (C2E). En outre, le reste à charge bénéficie d’un financement préférentiel grâce à l’éco-prêt à taux zéro (PTZ).

Certes, ce dispositif est complexe. Pour en garantir l’accès au plus grand nombre, nous continuons d’améliorer l’information et l’accompagnement des ménages, grâce au déploiement du programme Mon Accompagnateur Rénov’ et des espaces France Rénov’.

À rebours de la posture et des excès de l’article 1er de la présente proposition de loi, tous les acteurs sont déjà pleinement mobilisés en faveur de la rénovation énergétique des logements des Français les plus modestes. L’article 2 vise à interdire la location des passoires thermiques : bonne nouvelle, nous l’avons fait… et sans vous, chers collègues du groupe La France insoumise, qui s’est abstenu de la voter ! À une différence près, je vous le concède : nous avons prévu les moyens de la rendre effective grâce à des recours en justice ; votre proposition de loi ne prévoit, quant à elle, ni sanction ni solution de relogement pour les locataires.

Par ailleurs, je me permets de rappeler – un amendement de « récupération » étant tombé à la dernière minute… – que le ministre délégué chargé de la ville et du logement, Olivier Klein, a pris l’engagement, que notre rapport pour avis dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 appelait de ses vœux, d’étendre les objectifs de rénovation énergétique des logements aux meublés de tourisme, ce qui supprime toute possibilité de contournement des obligations en vigueur.

À une proposition de loi idéologique, nous préférons une action pragmatique et ambitieuse, qui est même la plus ambitieuse à ce jour en matière de rénovation énergétique des logements, devenue une réalité lors du précédent quinquennat pour tous nos concitoyens, sans en accabler le plus grand nombre ni même jeter quiconque à la rue.

Nous disons non au dogmatisme et au simplisme. Notre groupe votera donc contre la présente proposition de loi, dont nous aimerions d’ailleurs savoir comment le coût en a été estimé et comment elle serait financée.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. La montée en puissance du dispositif MaPrimeRénov’ n’en résorbera pas les défauts. Ainsi, 86 % des travaux menés grâce à cette prime sont des monogestes et non des rénovations globales.

Par ailleurs, les travaux sont pris en charge dans une proportion comprise entre 40 % et 60 %, et non 80 %, soit un reste à charge de plusieurs dizaines de milliers d’euros pour les ménages modestes. Ces chiffres sont ceux de M. Antoine Armand et de tous les acteurs du bâtiment. Cela explique que 2 500 logements seulement soient sortis du statut de passoire thermique en un an, ce qui est une catastrophe.

M. Lionel Tivoli (RN). L’enjeu est triple avec la rénovation énergétique des logements : il s’agit de lutter contre le changement climatique, de soutenir le pouvoir d’achat et d’améliorer la qualité de vie des Français. Clairement, la présente proposition de loi ne satisfait aucunement ces besoins.

Offrir la gratuité des travaux de rénovation aux personnes à revenus modestes est un effet de communication et non une mesure applicable. La proposition de loi laisse le soin au Conseil d’État de définir ce qu’est un revenu modeste. Cette absence de cadre n’est pas sérieuse.

Par ailleurs, quid du contrôle des entreprises bénéficiaires des subventions prévues ? Dans le domaine de la rénovation énergétique, les entreprises fleurissent. Si certaines ont démontré leur sérieux, d’autres captent les aides de l’État en offrant des prestations au mieux incomplètes, au pire inexistantes. Avant de prévoir des aides de l’État, il faut construire les fondations du projet pour lequel elles sont attribuées.

Les résultats de MaPrimeRénov’ suffisent à démontrer la nécessité de fondations solides. Le constat est édifiant : 2,8 milliards d’euros par an ont servi à la rénovation de 700 000 logements, dont 60 000 seulement ont fait l’objet d’une rénovation globale. Pour 640 000 logements, il s’agit donc d’un saupoudrage d’argent public et d’un outil de communication de l’État. Les rénovations aidées ont provoqué, pour la plupart, un geste technique isolé et non une rénovation globale, qui est la plus efficace pour réduire la consommation de GES et la facture d’électricité des Français.

Pour résoudre ce problème, il faut agir sur deux axes, que la présente proposition de loi ne suit pas : accompagner la filière pour former une main-d’œuvre qualifiée, ce qui suppose d’investir dans la formation continue et l’apprentissage, pour avoir sur le marché davantage de spécialistes capables de mener à bien des travaux de rénovation de qualité ; contrôler l’utilisation de MaPrimeRénov’ grâce à une certification.

Madame la rapporteure, votre proposition de loi est utopique. Offrir la gratuité des travaux aux ménages modestes, pourquoi pas ? Dépenser 2,8 milliards d’euros par an pour la rénovation thermique des logements, pourquoi pas ? Mais attribuer une aide sans contrôler les entreprises réalisant les travaux ni bâtir les fondations de la filière, au premier rang desquelles des ressources humaines qualifiées, est-ce bien sérieux ? Vous dites que la filière peut déployer sans problème les moyens humains nécessaires à l’application de votre proposition de loi ? J’en doute ! Amplifier une aide qui n’obtient que le faible résultat de 10 % de rénovations thermiques complètes, est-ce bien sérieux ?

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Sont classiquement considérés comme très modestes et modestes les ménages des quatre premiers déciles de revenus. Pour augmenter le faible nombre de rénovations globales, nous proposons de réduire le reste à charge si les logements rénovés entrent dans les catégories A, B ou C.

S’agissant du nécessaire accompagnement de la filière, nous avons déposé un amendement prévoyant la remise d’un rapport à ce sujet, en vue de l’améliorer. D’après les acteurs du bâtiment, le principal problème dont souffrent les dispositifs d’aide est l’absence de planification et de visibilité sur plusieurs années. Tous
– TPE, PME, Fédération française du bâtiment – se sont dit prêts à suivre le rythme que nous proposons.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). L’hiver vient et le vent qu’il porte s’engouffre déjà dans les millions de logements mal isolés que compte notre pays – le vent de l’hiver, pour les familles de Katem et de Nathalie, qui vivent au Mirail, et pour 12 millions de personnes en France.

Ce vent, ce sont leurs maux de tête, leur anxiété, leurs angines, leurs rhumes. Ce sont les crises d’asthme et les bronchites de leurs enfants. Ce sont l’arthrose, les grippes, les sifflements respiratoires de nos anciens. Savez-vous combien coûtent les frais de santé induits par la précarité énergétique ? 700 millions d’euros, soit plus du tiers des crédits de la rénovation énergétique dans le plan de relance du Gouvernement.

L’hiver vient et le mur qui devrait protéger est toujours aussi fragile. Rien n’avance, ou si peu. Au rythme où l’on rénove, il faudrait deux mille ans pour faire disparaître les passoires thermiques. Drôle de pragmatisme ! À l’heure de la COP27, nous avons l’occasion de faire un pas significatif pour les habitants de notre pays.

L’hiver vient et, avec lui, dans les boîtes aux lettres, des factures dont les chiffres correspondent parfois au tiers, voire à la moitié d’un SMIC.

L’hiver vient et il faut choisir entre se chauffer, payer le loyer, remplir le frigo, faire le plein ou payer des cadeaux aux pitchouns pour Noël.

L’hiver vient et, après lui, viendra le vent de l’été, réchauffé au dérèglement climatique. On aura eu froid, on suffoquera. Vous pourrez allumer toutes les clims’ du monde, vous n’empêcherez pas la mer de monter.

Il faut inverser la tendance, ce qui suppose de mener la bataille écologique partout. Notre proposition de loi, présentée par Aurélie Trouvé, est gagnante-gagnante pour la planète, pour notre système de santé et pour la création d’emplois, à hauteur de 250 000 emplois dès 2030 et de 300 000 emplois en 2040.

L’hiver vient et la politique du « chacun son col roulé, chacun sa doudoune » ne peut fonctionner. Le sens public appelle des mesures collectives permettant à chacun, propriétaire ou locataire, de vivre correctement dans son logement. Les locataires doivent pouvoir bénéficier de logements dignes, ce qui suppose d’aider les petits propriétaires à rénover les leurs.

Tel est le sens de notre proposition de loi, qui tire les conséquences des défaillances de MaPrimeRénov’. Les aides publiques ne couvrent qu’une faible part du coût total des travaux, ce qui oblige les ménages à payer des sommes plus importantes, des dizaines de milliers d’euros souvent, pour les boucler. Nous privilégions les rénovations complètes et ciblons les aides à la rénovation en fonction des revenus, quitte à tout prendre en charge pour les plus modestes.

L’hiver vient et le vent qui va avec n’est apprécié que de ceux qui peuvent s’en protéger. Face à l’urgence, notre responsabilité à tous est de voter la proposition de loi.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Chacun connaît le slogan : « Fin du monde, fin du mois : même combat ! ». Ce chantier d’ampleur, qui associe dans une même réponse l’urgence sociale et l’urgence écologique, est essentiel pour notre pays. Alors que le secteur du bâtiment représente 45 % de l’énergie consommée en France, d’énormes économies sont possibles, au bénéfice de notre souveraineté énergétique. L’énergie est, en outre, le premier poste d’importation dans la balance commerciale. La souveraineté énergétique et économique de la France mérite une politique ambitieuse de rénovation des logements. J’en appelle à la responsabilité de chacun pour faire avancer ce combat, en adoptant la présente proposition de loi, pragmatique et surtout pas idéologique.

La réunion est suspendue de dix-sept heures quarante à dix-huit heures.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Ce texte s’inscrit dans un contexte de précarité énergétique pour 12 millions de Français et de crise des prix de l’énergie. Il vise à s’attaquer au chantier des quelque 5,2 millions de passoires thermiques recensées par l’Observatoire national de la rénovation énergétique (ONRE). Les aides à la rénovation énergétique sont nombreuses, mais peu fonctionnelles : réduction d’impôt, éco-PTZ, TVA réduite, prime C2E, MaPrimeRénov’.

Ce dernier dispositif est un échec total. Mal calibré, il bénéficie presque exclusivement aux ménages modestes, qui n’ont pas les moyens de payer le reste à charge des travaux. Il manque donc son objectif, contribuant à financer surtout des petits travaux, alors même que seules les rénovations globales induisent de réelles économies d’énergie. D’après la Cour des comptes, 2 500 logements seulement ont changé de DPE en 2021 alors que l’objectif était de rénover 80 000 passoires thermiques.

La proposition de loi prévoit deux mesures, modifiant respectivement le code de l’énergie et la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86‑1290 du 23 décembre 1986.

Nous considérons qu’elle engage un niveau de dépenses insuffisamment défini pour ne pas paraître déraisonnable. Elle ne comporte ni chiffrage de la modification de la loi dite « Climat et résilience », ni barème permettant de cibler précisément les ménages les plus modestes, qui sont d’ailleurs les seuls visés. L’architecture budgétaire nous semble floue – ce qui confirme le caractère politique du texte, qui sert moins l’amélioration de la performance énergétique des logements que la communication du groupe La France insoumise.

S’agissant du reste à charge, la proposition de loi cible les foyers les plus modestes, alors même qu’une approche systémique du problème s’avère nécessaire pour engager une vraie réforme de la rénovation thermique des logements – ce qui prouve que son ambition est faible. Le rapport de l’Agence de la transition écologique (Ademe) préconise d’ailleurs une refonte du système d’incitation, arguant que les aides actuellement proposées incitent à des rénovations de court terme qui « tuent le gisement d’économies d’énergie ».

L’article 2 de la proposition de loi, visant à interdire purement et simplement la location des logements les plus énergivores, dès 2025 s’agissant des logements de classe G, présente un risque compte tenu de la tension du marché locatif et du manque de structuration du secteur de la rénovation technique.

Le groupe Les Républicains votera contre le texte.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je partage vos préoccupations, auxquelles notre texte apporte une réponse. Nous avons travaillé sur son chiffrage, que nous estimons à 17 milliards d’euros supplémentaires par an. Je rappelle que nous avions rassemblé une majorité dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 pour allouer 12 milliards d’euros par an supplémentaires à la rénovation thermique des logements.

L’ajout de 17 milliards d’euros permettrait de s’attaquer à toutes les passoires thermiques dans lesquelles vivent de nombreux ménages modestes et très modestes. Ce chiffrage a été réalisé par des économistes de plusieurs institutions. Certes, nos mesures ont un coût, mais il doit être rapporté aux recettes fiscales qu’elles permettent.

Mme Louise Morel (Dem). Le secteur du bâtiment représente 20 % des émissions de gaz à effet de serre françaises, pour l’essentiel dues au chauffage. Le développement d’une véritable politique publique de rénovation énergétique des logements répond à de multiples enjeux : lutte contre le changement climatique, soutien du pouvoir d’achat, amélioration de la qualité de vie, diminution de notre dépendance énergétique. Notre groupe s’est largement investi sur ce sujet depuis cinq ans, notamment lors de l’élaboration de la loi « Climat et résilience », adoptée il y a tout juste un an.

Madame la rapporteure, votre travail vise à accélérer la rénovation énergétique des logements pour le bien-être de notre planète et de nos concitoyens. Je tiens à le saluer. Toutefois, nous considérons que les mesures proposées ne s’inscrivent pas dans la démarche suivie depuis plusieurs années.

Premièrement, le texte revient sur les équilibres de la loi « Climat et résilience », dont les effets ne peuvent pas encore être pleinement appréciés.

Deuxièmement, les nombreuses mesures d’aide existantes permettent d’atteindre un taux de prise en charge supérieur à 80 %. Bien entendu, il y a un reste à charge. L’enjeu est surtout de les faire connaître et de les articuler.

Troisièmement, l’impact financier de la mesure proposée n’est pas chiffré, s’agissant notamment de ses conséquences inflationnistes sur le marché de la rénovation.

Quatrièmement, enfin, l’article 2, qui porte atteinte au droit de propriété, soulève une question de constitutionnalité.

Vous proposez l’interdiction pure et simple de la location des logements dont le DPE est E, F ou G. Ne pensez-vous pas que cette disposition aggravera les difficultés des personnes modestes pour se loger et incitera les propriétaires à vendre leur logement ou à le laisser vacant ? Votre proposition semble contre-productive. Les propriétaires ayant effectué des travaux de rénovation grâce aux aides disponibles pourraient être tentés d’augmenter le prix du loyer en proportion.

Ce risque peut d’autant moins être pris qu’aucune solution de relogement n’est prévue dans votre texte. Permettez-moi de rappeler que la loi « Climat et résilience » prévoit le retrait progressif du marché des passoires thermiques et l’obligation, pour les propriétaires condamnés, de reloger leurs locataires.

Le groupe Démocrate votera contre la proposition de loi.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Selon la Cour des comptes, les dispositifs existants constituent un millefeuille indigeste ; chacun a ses conditions d’éligibilité et ils sont parfois exclusifs les uns des autres. Il est très difficile pour un ménage de comprendre l’ensemble des mécanismes, quelle que soit l’information donnée. La plupart des rapports préconisent un dispositif d’aide unique ou quasi unique. La Cour des comptes souligne, de surcroît, l’efficacité limitée de mesures comme l’écoprêt à taux zéro ou les certificats d’économie d’énergie.

Pour réduire l’effet inflationniste, nous vous soumettrons un amendement visant à plafonner le montant de l’aide de façon différenciée selon les cas de figure et les territoires.

Nous entendions interdire, par voie d’amendement, le congé pour vente – on ne devrait pas pouvoir vendre une passoire thermique – mais le droit de la propriété s’y oppose. Cela étant, nous avons déposé des amendements visant à imposer le relogement et à interdire l’augmentation du loyer après la rénovation d’une passoire thermique.

M. Henri Alfandari (HOR). Nous sommes tous d’accord sur le fait qu’il faut développer la rénovation thermique, qui est un outil essentiel de la transition énergétique. Nous sommes nombreux, le ministre compris, à souhaiter des modifications de MaPrimeRénov’.

Cela étant, votre proposition revient sur les équilibres de la loi « Climat et résilience », dont les effets ne peuvent être pleinement appréciés au bout d’un an. Par ailleurs, l’impact financier de vos mesures n’est pas chiffré et leurs conséquences sur l’organisation des filières, notamment, ne sont pas précisées. À l’heure actuelle, les aides à la rénovation énergétique s’adressent déjà, à hauteur de près de 80 %, aux ménages modestes. Il nous faut fortement accélérer la rénovation des biens ; à cet égard, il n’est pas certain que le bon public soit visé à travers l’échéancier d’interdiction de la location des biens. Une somme de 2,5 milliards d’euros est actuellement affectée à la rénovation de 700 000 logements par an. Il ne s’agit pas d’engager plus de moyens mais d’avoir un dispositif lisible – il faut savoir à qui on doit s’adresser – et un déploiement opérationnel – une réflexion doit être menée sur les monogestes.

Nous sommes prêts à trouver des solutions pour améliorer MaPrimeRénov’, mais nous voterons contre votre proposition.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. La lecture des rapports du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec) nous montre que nous n’avons pas le temps d’attendre les premiers effets de la loi « Climat et résilience ». En revanche, nous savons que seuls 2 500 logements, sur un total de 7 millions, sont sortis du statut de passoire thermique grâce à MaPrimeRénov’. Il faut d’urgence revoir ce dispositif et faire en sorte qu’un nombre bien supérieur de ménages effectue des rénovations globales.

Pour ce faire et comme le concluent tous les rapports, la seule solution est que les ménages modestes et très modestes aient un reste à charge nul. Une dépense de 17 milliards d’euros par an ne serait guère supérieure au coût des mesures qu’une majorité avait votées dans le projet de loi de finances pour 2023, lesquelles n’ont pas été retenues par le Gouvernement dans le cadre du 49.3. Je pourrais préciser, une fois encores tous les bénéfices que l’on obtiendrait en contrepartie de cette aide.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Notre groupe a érigé la rénovation thermique en priorité depuis 2018. Cette proposition de loi tombe à point nommé, quelques jours après le débat tronqué sur la mission Écologie, développement et mobilité durables du projet de loi de finances pour 2023, où la volonté d’une majorité de notre assemblée a été balayée d’un revers de main par le Gouvernement.

L’essentiel de la politique de rénovation énergétique repose sur MaPrimeRénov’. Dès sa création, nous avions pointé du doigt ses défauts structurels : l’absence de condition de gain énergétique, ce qui favorise le saupoudrage et les travaux inutiles, et un taux de prise en charge insuffisant, qui ne permet pas la réalisation de travaux performants par les ménages les plus modestes. L’audit de la Cour des comptes de 2021, comme le rapport d’activité de l’Agence nationale de l’habitat pour 2021, ont pleinement confirmé cette analyse. L’isolation n’a représenté que 21 % des travaux subventionnés et le changement de mode de chauffage, près de 70 %. Selon l’Agence de la transition écologique (Ademe), une isolation et une ventilation performantes contribuent, à elles seules, à réduire de 60 % la consommation énergétique moyenne.

Si MaPrimeRénov’ a subventionné 750 000 projets, 70 % d’entre eux sont inefficaces sous le rapport de la transition énergétique. Seuls 3 % des projets comportent plus de trois gestes de rénovation et 2 500 passoires thermiques ont perdu ce statut en 2021, pour un objectif gouvernemental de 80 000 logements. Enfin, pour les ménages très modestes, modestes et intermédiaires, l’isolation des murs et des toitures ne fait pas partie des principaux gestes de rénovation réalisés, alors que c’est le cas pour les ménages aisés.

Afin de favoriser une rénovation énergétiquement efficace, complète et accessible à tous les ménages, il faut supprimer le principal frein, à savoir le reste à charge, comme l’avait proposé notre groupe en 2019. Le « zéro reste à charge » n’est pas la gratuité, puisqu’il repose sur la conjugaison d’une subvention, de l’octroi d’un prêt à taux zéro et de son remboursement lors de la mutation du logement. Nous soutenons pleinement la volonté de notre collègue d’instaurer un « zéro reste à charge » pour les ménages les plus modestes. Le coût annuel d’une telle mesure serait très inférieur à celui de la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), ce qui rappelle que nos désaccords ne sont pas le fruit de l’adhésion ou non à une forme de responsabilité budgétaire mais traduisent une divergence quant aux priorités politiques. Pour nous, transition écologique et justice sociale vont de pair. Nous voterons donc résolument cette proposition de loi.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. De fait, nous nous sommes inspirés de la proposition de loi n° 2352 présentée par nos collègues Jean-Louis Bricout et Boris Vallaud (22 octobre 2019). Je rappelle que la loi « Climat et résilience » interdit la mise en location des biens classés G par le diagnostic de performance énergétique à compter de 2025, des biens classés F à partir de 2028 et de ceux catégorisés E en 2034. Cela implique de faire sortir de 700 000 à 800 000 logements du statut de passoire thermique chaque année et, à cette fin, comme le préconisent tous les rapports – y compris celui de notre collègue Antoine Armand (n° 286 rect.) – de réduire drastiquement le reste à la charge des ménages modestes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Notre groupe votera évidemment cette proposition de loi qui permettra d’accélérer le rythme de la rénovation thermique du parc de logements et, ainsi, de joindre le geste à la parole. Le premier levier de la transition énergétique, chacun en convient, est la diminution de notre consommation. Il faut préserver le pouvoir d’achat au même titre que notre climat. Or le dispositif actuel ne permettra ni de résorber le phénomène des passoires énergétiques, ni de rénover réellement les logements.

Comme le montrent tous les rapports, les difficultés viennent du fait que l’on effectue majoritairement des monogestes. La proposition de loi a pour objet de favoriser la rénovation globale, à partir d’une vision pragmatique de ce qui marche et ne marche pas. Nous proposerons, par voie d’amendement, de favoriser l’utilisation de matériaux biosourcés.

Il nous paraît également essentiel d’établir des garde-fous aux dérives du marché, en étendant l’interdiction de la location des passoires thermiques aux contrats saisonniers.

Enfin, pour lutter contre la précarité énergétique, nous proposons d’établir une expérimentation triennale, au sens de l’article 72 de la Constitution, visant à permettre aux collectivités territoriales de collecter les données énergétiques et socio-économiques des ménages. En effet, les collectivités peinent parfois à atteindre les foyers concernés.

Faute de moyens financiers prévus dans le projet de loi de finances, nous souhaitons à tout le moins définir des moyens juridiques pour atteindre nos objectifs. Cela étant, la transition écologique et énergétique ne pourra être juste que par un soutien massif de l’État.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. De fait, l’emploi de matériaux biosourcés est essentiel, selon l’Ordre national des architectes. Le développement du chanvre, par exemple, offrirait un soutien à nos agriculteurs et favoriserait l’agroécologie, grâce à des rotations diversifiées dans les grandes cultures.

Par ailleurs, les freins à la rénovation énergétique des logements résident plus dans la demande que dans l’offre.

M. André Chassaigne (GDR-NUPES). J’approuve cette initiative parlementaire. À l’heure actuelle, nous n’atteignons pas nos objectifs de rénovation thermique. Il y a très peu de rénovations globales, car le coût de la rénovation énergétique complète d’un appartement ou d’une maison est estimé entre 25 000 et 50 000 euros. Faute de crédits à la hauteur, le reste à la charge de la plupart des ménages, après déduction de l’ensemble des aides, est bien trop élevé et ne permet pas de mener les projets à terme. Par ailleurs, les dispositifs sont excessivement complexes et se superposent. Enfin, l’accompagnement des ménages dans la conduite de leurs projets est nettement insuffisant. La Défenseure des droits et la Cour des comptes relèvent que la multiplication des réformes et des dispositifs, l’incompréhension des règles de cumul et l’absence de suivi réel freinent considérablement l’efficacité de l’action publique.

Nous avons besoin non seulement d’un surcroît de financement, mais également d’un vrai service public de la rénovation énergétique, qui ne soit ni un slogan, ni un service d’information dématérialisé. L’absence de pilotage national laisse perdurer la juxtaposition de plateformes et de guichets, de conseils de différentes agences de l’État et de collectivités, qui n’ont pas la capacité de suivre, du début à la fin, les dossiers des ménages. Il nous faut un service public identifiable partout sur nos territoires, doté de moyens d’information mais aussi d’accompagnement des ménages tout au long des projets. Nous avons besoin de fonctionnaires d’État qui prennent en charge la maîtrise d’ouvrage des chantiers de rénovation et s’assurent de leur conduite et de leurs résultats avec les professionnels qualifiés locaux, qui doivent être privilégiés systématiquement.

Les plus modestes et les plus fragiles, comme les personnes âgées, sont les plus concernés par les passoires thermiques. Ils sont perdus devant les procédures, harcelés et victimes d’arnaques par des démarcheurs privés.

Il ne suffit pas de décréter l’interdiction de la location : il faut identifier les propriétaires occupants de passoires thermiques et leur proposer de les accompagner. À défaut, l’article 2 viderait nos villages et centres-villes, ce qui n’est pas l’intention de ce texte, que le groupe GDR votera.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je souscris à vos propos sur le montant des aides, ce qui renvoie aux 12 milliards d’euros qu’une majorité avait votés dans le projet de loi de finances. Je partage également votre point de vue quant à l’effort à mener en matière d’accompagnement des ménages, qui se résume à dix heures pour un opérateur de l’Agence nationale de l’habitat (Anah), alors qu’une rénovation thermique exige une centaine d’heures. Nous proposons, par voie d’amendement, la remise d’un rapport sur le fonctionnement de l’Anah et le service public de la rénovation thermique des logements afin de renforcer leurs moyens et leur efficacité.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Pensez-vous que les 12 milliards que nous avions votés dans le projet de loi de finances auraient permis de financer au moins en partie votre proposition de loi, qui répond aux attentes écologiques et sociales des Français ? Le secteur du bâtiment vous paraît-il en mesure de répondre à la forte demande qui se manifesterait si nous l’adoptions ?

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Alors que la rénovation thermique est une préoccupation largement partagée, qui plus est dans le contexte actuel de la flambée des prix de l’énergie, les dispositifs d’aide sont souvent trop peu effectifs et fonctionnels. Il convient de construire un arsenal juridique suffisamment ambitieux. Cela étant, l’interdiction de la location que vous proposez d’instituer risque d’aggraver la tension sur le marché locatif. En quoi cette proposition de loi répondrait-elle au besoin de structuration du secteur de la rénovation thermique ?

M. Hervé de Lépinau (RN). Chacun reconnaît que la rénovation thermique est un élément essentiel de la lutte contre le dérèglement climatique, mais l’amélioration de l’habitat et la lutte des classes ne font jamais bon ménage. Les critères d’octroi de MaPrimeRénov’ excluent principalement les classes moyennes, qui constituent le gros de la troupe des propriétaires.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Quelles économies budgétaires obtiendrait-on grâce à une politique de rénovation énergétique performante, telle celle que propose la proposition de loi ? Un rapport du ministère de la transition écologique montre que vivre dans une passoire thermique expose davantage à des pathologies telles que le syndrome coronaire aigu ou une infection de l’appareil respiratoire, qui, chaque année, font dix mille morts et représentent un coût évalué à 10 milliards d’euros.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Le service public de la rénovation énergétique n’en est pas vraiment un, puisque les plateformes territoriales de la rénovation énergétique sont financées par des certificats d’économie d’énergie – donc de l’argent privé. Quelle est votre vision de l’organisation territoriale des services à rendre à nos concitoyens ? Le système actuel est peu lisible.

M. Vincent Rolland (LR). Nous sommes tous d’accord pour lutter contre la précarité énergétique et favoriser la rénovation thermique, pour des raisons environnementales et économiques… mais faut-il une loi de plus ? Puisque les dispositifs existent, ne suffirait-il pas de simplifier les dossiers de demande d’aide, voire de les regrouper au sein d’un guichet unique ?

M. François Ruffin (LFI-NUPES). Voilà cinq ans que l’on se bat pour que le paquet soit mis sur la rénovation thermique, car ce serait gagnant pour l’emploi, la planète, la santé des habitants et l’indépendance du pays. L’an dernier, 2 500 passoires thermiques ont été rénovées, mais il en reste 5 millions. Il faudrait donc deux mille ans pour en venir à bout ! Le Gouvernement a considéré que nous ne pourrions pas dépenser les 12 milliards de crédits que nous avions votés majoritairement, faute de bras. Or la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (Capeb) indique, quant à elle, qu’elle dispose d’un vivier de 560 000 entreprises, mais que, pour l’heure, il n’est fait appel qu’à 59 000 d’entre elles pour la rénovation énergétique. Elle affirme donc pouvoir répondre à la demande.

M. Stéphane Vojetta (RE). Vous revenez sans cesse aux 12 milliards que vous avez votés dans le projet de loi de finances. Or, vous n’avez pas mesuré les conséquences de cette décision puisque, ce faisant, vous avez réduit d’un montant équivalent le financement du bouclier tarifaire. Votre vote aurait coûté 500 euros à chaque foyer, sans garantir une rénovation énergétique accrue, si le 49.3 n’avait permis de réparer cette erreur.

Vous nous proposez à nouveau de voter des dispositions dont vous n’avez pas mesuré les effets de bord. Non seulement celles-ci ne sont pas financées – nous avons l’habitude ! – mais elles feraient la joie des spéculateurs immobiliers et des marchands de sommeil. Pouvez-vous en effet nous assurer que des propriétaires ne vont pas en tirer profit pour s’enrichir sur le dos des contribuables, en revendant des biens rénovés sans reste à charge ? Des bailleurs ne vont-ils pas en tirer avantage pour se débarrasser de locataires précaires, même durant la trêve hivernale ?

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Le déficit de notre balance commerciale s’est creusé de 7 milliards d’euros sous l’effet de la hausse du coût de l’électricité et du gaz. L’accélération de la rénovation énergétique des logements permettrait-elle à la France de réduire ses importations d’énergie ? La crise énergétique nous obligera à nous passer du gaz plus rapidement que prévu, notamment pour le chauffage. MaPrimeRénov’ conduit à remplacer les chaudières par des pompes à chaleur, ce qui augmente la demande d’électricité, alors que l’offre ne suit pas. À cet égard, ne serait-il pas plus pertinent de réaliser des rénovations globales, plutôt que des changements de chaudière ?

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Comme des centaines de milliers de Français, j’ai été harcelé par des entreprises qui m’ont proposé de faire des travaux d’isolation chez moi, alors que je n’en avais pas besoin et que je ne me situe pas dans les premiers déciles de revenus. J’ai fini par accepter, de guerre lasse ; à l’issue des travaux, des ouvriers moldaves m’ont fait signer un document attestant que j’avais reçu MaPrimeRénov’ moyennant 1 euro symbolique. Comment s’assurer que l’on évitera à l’avenir ce genre d’abus et de dysfonctionnements, qui caractérisent, jusqu’à présent, MaPrimeRénov’ ?

La réunion est suspendue de dix-huit heures quarante à dix-neuf heures.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Les 12 milliards d’euros que nous avions votés dans le projet de loi de finances auraient financé en grande partie les mesures que nous proposons. Si le coût de notre proposition de loi s’élève à 17 milliards d’euros, elle assurerait aussi plusieurs milliards d’euros de rentrées fiscales par an, du fait de la hausse de la production et des emplois, ainsi qu’une baisse des allocations-chômage représentant également plusieurs milliards d’euros, une diminution des dépenses de sécurité sociale que le collectif « Rénovons ! » estime à 700 millions d’euros, une économie de 2 à 6 milliards d’euros due aux importations de gaz évitées, à quoi s’ajoute tout ce qui n’est pas estimable financièrement, à savoir la santé des êtres humains.

La Capeb et la Fédération française du bâtiment (FFB) affirment qu’elles seront capables de suivre le rythme de 700 000 rénovations globales par an, à condition de disposer d’une visibilité sur plusieurs années, ce qui suppose une planification en matière énergétique et en ce qui concerne les dispositifs d’aide. Le premier problème auquel font face les entreprises est celui du carnet de commandes à moyen terme. Elles ont été capables de créer 100 000 emplois en très peu de temps et pourront faire plus.

La Convention citoyenne sur le climat a préconisé d’interdire la location des passoires thermiques, et vous avez légiféré en ce sens. Toutefois, la loi prévoit qu’un locataire occupant un logement indécent saisisse lui-même la commission départementale de conciliation, puis éventuellement la justice. Or le locataire est souvent économiquement fragile et fait face à un propriétaire qui loue parfois plusieurs appartements dans les mêmes conditions. Il s’ensuit que de nombreux locataires n’accomplissent pas de démarches, comme nous l’ont confié beaucoup d’acteurs de la solidarité.

Il y a certes des risques de tension, mais ils existent déjà. On observe, actuellement, que des propriétaires qui n’ont pas effectué la rénovation de leurs logements se hâtent de les vendre, à des prix minorés, à des ménages modestes. L’article 1er permettrait précisément à ceux-ci d’entreprendre la rénovation thermique. Par ailleurs, nous vous soumettrons un amendement qui vise à conditionner l’aide publique à la non-augmentation du loyer.

S’agissant des classes moyennes, nous avions déposé un amendement qui concernait les déciles 5 et 6 de revenus, mais qui a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40 de la Constitution. C’est un aspect de la question qu’il faudra continuer à étudier.

Il est indispensable d’augmenter les moyens de l’Agence nationale de l’habitat pour accompagner les ménages et assurer l’information de tous, à commencer par les plus modestes – à cet égard, je suis évidemment favorable à un guichet unique. Cela étant, la différenciation territoriale est essentielle. Comme nous le disaient les représentants de l’Ordre national des architectes, la politique énergétique du quartier ou de la commune doit s’articuler avec la rénovation thermique des logements.

J’en viens à la question de la maîtrise d’œuvre, même si elle dépasse le cadre de la proposition de loi. La rénovation globale des logements nécessite une maîtrise d’œuvre relativement lourde, qui peut être assurée par un architecte ou un bureau d’études agréé pour bien articuler les différentes interventions – celle du chauffagiste et celle du plaquiste, par exemple –, pour respecter les règles de l’art, pour éviter des abus de la part de certaines entreprises, mais aussi pour s’adapter aux ressources disponibles localement, notamment en ce qui concerne les matériaux biosourcés : on n’utilise pas partout les mêmes. Il faut développer davantage la maîtrise d’œuvre, qui n’est absolument pas pris en charge, à l’heure actuelle, dans le cadre des dispositifs d’aide. Si la maîtrise d’œuvre est réfléchie, pensée à l’avance, une rénovation globale peut se faire sur plusieurs mois ou même des années. Une planification est nécessaire à l’échelle des logements mais aussi sur le plan national, pour notre politique d’aide. Les entreprises ont besoin de savoir quelle demande elles auront à long terme, afin de pouvoir se projeter en matière de formation et de création d’emplois, et quels seront les dispositifs d’aide. Cette proposition de loi vise à les rendre plus ambitieux.

Article 1er : Garantie d’un reste à charge « zéro » aux ménages les plus modestes

Amendement de suppression CE2 de M. Bastien Marchive.

M. Bastien Marchive (RE). Cet article de la proposition de loi tend à supprimer le reste à charge pour les ménages modestes qui sont propriétaires en envoyant encore et toujours la facture à l’État, ce qui pose deux problèmes fondamentaux.

Tout d’abord, vous déresponsabilisez les propriétaires, alors que, je l’ai dit, la prise en charge est déjà très élevée pour les ménages modestes. Il est agréable de vous voir défendre les petits propriétaires – cela change ! – mais est-il bien raisonnable de faire supporter par la totalité des Français l’intégralité des frais inhérents au patrimoine de quelques-uns ? Ensuite, vous ouvrez la voie à de graves dérives : comment, si vous n’imposez pas des conditions, cela pourrait-il ne pas être une incitation à acheter des biens dégradés pour les rénover au frais de tous et réaliser immédiatement une plus-value immobilière ? L’amendement que vous avez déposé ne règle absolument pas le problème.

Le second problème est le coût de cette mesure. Vous sortez encore la planche à billets ! Vous évoquez 17 milliards d’euros, après les 12 milliards que vous demandiez il y a trois semaines pour renforcer un dispositif que, pourtant, vous n’arrêtez pas de critiquer. Chacune de vos propositions dégraderait nos finances publiques. Et je ne parle même pas du risque inflationniste, qui aggraverait encore la note.

C’est pourquoi, dans un esprit de responsabilité, nous vous proposons la suppression de cet article.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Il ne s’agit pas de soutenir les uns contre les autres, les propriétaires ou les locataires, mais d’atteindre les objectifs que vous avez vous-mêmes adoptés dans la loi « Climat et résilience ». Il est prévu de mettre un terme aux passoires thermiques d’ici à quelques années, mais nous restons très éloignés de la trajectoire à suivre. Les propositions que nous faisons ne sont que pragmatiques.

Vous dites qu’il faut responsabiliser les ménages, mais ils n’entreprennent pas les travaux ! Que proposez-vous donc ? Nous souhaitons, pour notre part, une prise en charge complète des travaux entrepris par les ménages les plus modestes. Une rénovation globale coûte en moyenne 50 000 euros, dont 50 %, toujours en moyenne et selon notre collègue Antoine Armand, sont pris en charge. Laisser 25 000 euros à la charge des ménages modestes, appelez-vous cela faire preuve de responsabilité ? Ces ménages ne peuvent pas faire face, surtout compte tenu de l’inflation actuelle, pour les produits alimentaires, dont le prix est en hausse de 12 %, comme pour l’énergie. C’est pour cela que vous ne pouvez pas respecter les objectifs de la loi « Climat et résilience ». Nous voulons qu’ils puissent enfin être tenus.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). L’intervention de M. Marchive m’a fait sourire : nous ferions payer, selon lui, l’ensemble des Français pour quelques propriétaires. Je rappelle que vous avez augmenté de 3,5 % les loyers, qui profitent d’abord à une petite poignée de gens, dans le cadre de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, et que vous refusez à côté de cela toutes les propositions d’augmentations d’impôt pour les plus riches, si bien que c’est finalement la TVA qui rapporte le plus au budget de l’État.

Votre crainte – l’exposé sommaire de l’amendement en témoigne – est la déresponsabilisation des ménages modestes : j’y vois une forme de mépris social. Les ménages, même modestes, ont très bien compris que la rénovation thermique fait baisser leurs factures d’énergie, leur apporte davantage de confort, est bénéfique pour leur santé et permet une modernisation des logements. Ces ménages n’ont pas besoin d’être responsabilisés : ce qu’il leur faut, ce sont des moyens, un accompagnement pour se lancer. Le reste à charge est actuellement de 56 % pour les plus modestes et de 38 % pour les très modestes, et le retour sur investissement n’a lieu qu’au bout de vingt à trente ans. Nous devons favoriser l’accès financier des ménages modestes et très modestes – les quatre premiers déciles de revenus, précisément – à la rénovation thermique. Par conséquent, je suis contre cet amendement de suppression.

M. Bastien Marchive (RE). Nous n’avons pas voté une augmentation des loyers, mais un encadrement de leur augmentation. Si on ne l’avait pas fait, la hausse aurait été supérieure.

Par ailleurs, vous me prêtez des propos qui ne figurent pas du tout dans l’exposé sommaire : celui-ci ne traite absolument pas les ménages de façon différente selon qu’ils sont modestes ou non.

L’éco-PTZ permet déjà de soutenir les capacités d’investissement grâce à un taux d’intérêt nul. En outre, il est quand même question de propriétaires : ces personnes ont réussi à investir à un moment, et on doit avoir, quand on est propriétaire, la capacité d’entretenir son bien. Il y a donc bien un enjeu de responsabilisation, pour l’ensemble des propriétaires.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et l’amendement CE17 tombe.

Après l’article 1er

Amendement CE6 de M. Charles Fournier.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à inclure la question des matériaux biosourcés dans nos ambitions pour la rénovation thermique. Ces matériaux sont utiles économiquement, écologiquement et socialement, mais la marche à franchir reste élevée. On se heurte à de nombreuses difficultés pour structurer les filières – on en parle beaucoup, mais cela avance difficilement –, alors que cela permettrait de remédier aux problèmes de production, de transformation et de distribution des matériaux biosourcés qui peuvent se poser. Compte tenu du coût des matériaux et de la rareté de certains d’entre eux, les réponses locales sont très pertinentes. Dans ma région, rien que 5 % de la paille permettraient d’assurer l’essentiel de la rénovation, et on peut aussi utiliser le chanvre.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je suis favorable à cet amendement, qui s’inscrit dans la droite ligne de ce que nous a dit, par exemple, le Conseil national de l’Ordre des architectes. Il faut aussi, dans un objectif de transition énergétique et écologique, considérer la décarbonation de l’ensemble de la chaîne de valeur du bâtiment en incluant notamment l’amont et les matériaux. À cet égard, les professionnels de l’industrie, de la conception à la construction, ont fait de nombreuses propositions, prometteuses, pour développer de nouvelles filières, penser le recyclage et le réemploi ou encore optimiser la coordination des travaux.

Pour avoir travaillé sur la filière du chanvre, je peux vous dire qu’elle est extrêmement prometteuse. C’est un levier de développement agricole énorme pour des zones intermédiaires, céréalières, qui en ont bien besoin et qui manquent de structuration. Les cultivateurs voudraient souvent introduire le chanvre dans leur rotation, mais ils ne le font pas, car la filière n’est pas développée au niveau territorial. Il faut soutenir tous les acteurs économiques liés aux filières des matériaux.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Cet amendement permettrait d’offrir de nouveaux débouchés à nos agriculteurs, en leur donnant de la visibilité. S’ils savent que la filière va se développer et que l’on promeut prioritairement ces matériaux dans le cadre de la rénovation thermique, grâce à une politique ambitieuse, on peut penser que de nouveaux débouchés s’ouvriront.

C’est aussi un instrument de souveraineté. Si nous faisons pousser du chanvre et de la paille chez nous, nous serons moins soumis à la fragilité et au renchérissement des chaînes de valeur qu’on a pu constater lors de la crise de la covid-19 et maintenant avec celle de l’énergie.

M. Bastien Marchive (RE). On ne peut que partager la volonté d’accroître la part des matériaux biosourcés dans les rénovations énergétiques, mais il n’est pas nécessairement judicieux que cela figure dans la loi. D’abord, l’inflation est forte pour l’ensemble des matériaux dans le contexte actuel. Ensuite, quand on instaure des mécanismes incitatifs, encore faut-il pouvoir les réviser, de manière réactive et même rétroactive. Ce marché bouge beaucoup, particulièrement en ce moment. Prévoir dans la loi un mécanisme incitatif conduirait à créer des pénuries et de l’inflation, à terme, sur ces matériaux. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE14 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Cet amendement vise à répondre à des critiques justes en empêchant la révision et la majoration des loyers dès lors que le bailleur a bénéficié d’un soutien financier public pour engager une rénovation thermique globale et performante. Je crois que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de cibler l’usage des deniers publics et de se montrer responsables.

La part du logement dans les dépenses des ménages s’accroît très fortement depuis les années 2000 : pour les locataires, elle s’élève à environ 25 % et, selon l’Insee, un ménage sur cinq y consacre plus de 40 % de ses revenus. L’accroissement des aides publiques à la rénovation thermique des logements ne doit surtout pas renforcer cette tendance. Par ailleurs, le soutien public à la rénovation énergétique est un effort de redistribution de la collectivité qui ne saurait donner lieu à une rente supplémentaire pour les bailleurs.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Cet amendement tombe à pic, puisque nous venons d’être accusés, de façon assez paradoxale, de contribuer à un accroissement du patrimoine immobilier de quelques-uns par des subventions publiques en faveur de la rénovation thermique. Avec cet amendement, nous proposons aux propriétaires bailleurs de choisir : on ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre, c’est-à-dire à la fois augmenter le loyer au motif qu’on finance la rénovation thermique du logement et bénéficier en même temps d’une subvention publique à cette fin. Notre préférence va, bien entendu, à la seconde option. Nous avons eu l’occasion d’en débattre en commission et dans l’hémicycle : si on pense que c’est en augmentant les loyers, en mettant à contribution les locataires qu’on arrivera à atteindre les objectifs d’éradication des passoires thermique qui ont été fixés, on va dans le mur : en réalité, on créera non seulement de la précarité, mais aussi des résistances, dans la société, à ces mesures écologiques. Il faut absolument que le financement soit pris en charge par la puissance publique, comme nous le proposons.

M. Bastien Marchive (RE). On avait du mal à comprendre pour l’article 1er… mais là, on vous retrouve ! Cet amendement, privatif de liberté, découragera les bailleurs d’investir pour rénover leur logement. D’un côté, vous voulez encourager les propriétaires à réaliser des rénovations globales et, de l’autre, vous leur dites que s’ils le font, en engageant leurs propres deniers puisqu’ils auront un reste à charge, ils ne pourront pas revaloriser les loyers en conséquence. J’ai entendu dire que je connaissais mal le sujet, mais il faut vraiment n’avoir aucune connaissance du marché immobilier pour faire une telle proposition.

Nous ne sommes pas dans une économie administrée. Permettez-moi de vous rappeler qu’il est question de propriété privée et que le droit de propriété est inviolable et sacré, aux termes de l’article 17 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. Vous le bafouez et vous sanctionnez les propriétaires vertueux qui contribuent à la transition écologique.

Cette proposition de loi s’adresse aussi aux propriétaires modestes, dont certains sont également des bailleurs modestes. Il est dommage que vous ne leur permettiez pas de continuer à investir et à récupérer une partie de leur investissement grâce aux loyers. Nous avons trouvé une solution pragmatique en la matière : c’est l’encadrement de la hausse des loyers pendant un an, à 3,5 %.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Interdiction de location des logements fortement énergivores

Amendement de suppression CE3 de M. Bastien Marchive.

M. Bastien Marchive (RE). Cet article vise à interdire purement et simplement la location des biens classés G, F ou E, suivant une position franchement dogmatique. La loi « Climat et résilience » permet, pour sa part, d’avancer : le locataire peut intenter une action en justice pour exiger du propriétaire qu’il réalise les travaux de rénovation, en respectant une obligation de relogement. Ce que vous proposez est un recul : les locataires auront le choix entre se taire et continuer à avoir un toit sur la tête ou se retourner contre le propriétaire qui n’aurait pas respecté l’interdiction de louer et être mis à la rue.

Je vous laisse imaginer quelle solution les locataires choisiront, d’autant que surviendra, à chaque échéance prévue par le texte – à savoir 2025, 2028 et 2032 –, une réduction nette et brutale du nombre de logements destinés à la location. La pénurie de logements qui sera donc organisée accentuera l’inflation des loyers, alors que nous œuvrons pour la protection du pouvoir d’achat des locataires, par l’augmentation des aides personnelles au logement, de 300 millions d’euros dans le projet de loi de finances, et grâce au bouclier tarifaire.

En voulant mieux protéger les locataires avec cet article de la proposition de loi, vous les précariserez en les contraignant, de fait, soit à rester dans des passoires thermiques, soit à se retrouver sans logement, soit à devoir payer des loyers plus élevés.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Cet article s’articule avec celui qui visait à faire en sorte que le reste à charge soit nul pour les propriétaires modestes.

Ne nous faisons pas de procès en méconnaissance du marché immobilier. Nous connaissons nos dossiers et nous travaillons dessus : simplement, nous n’avons pas les mêmes idées. C’est bien pour cette raison que nous siégeons dans des groupes parlementaires différents et que nous nous battons contre ce que vous faites, avec le Gouvernement.

Vous avez un problème : vous êtes enfermés dans l’idée de l’austérité budgétaire, qui vous empêche de déployer des moyens suffisants dans le cadre de l’article 1er, mais aussi dans l’idée libérale qui consiste à toujours laisser faire les marchés, notamment celui du logement, alors qu’il présente des défaillances énormes. Les objectifs que vous avez fixés dans la loi « Climat et résilience » ne sont pas respectés : nous ne sommes pas sur une trajectoire permettant de sortir des passoires thermiques dans quelques années.

Que proposez-vous en réponse ? Rien. Nous proposons, quant à nous, un reste à charge nul pour les ménages modestes, parce qu’ils ne réalisent pas de rénovations globales – il faut les inciter à le faire si on est pragmatique – et nous proposons d’aller dans le sens de ce que vous avez voulu faire après la Convention citoyenne pour le climat, mais en étant moins hypocrites, c’est-à-dire en interdisant réellement la location des passoires thermiques.

Il existe bien sûr des problèmes, que vous n’avez pas résolus, concernant les droits des locataires, mais nous proposons de les régler par nos amendements. Comme des locataires risquent effectivement de se retrouver sans solution, nous proposons d’une part une obligation de relogement en cas de travaux de rénovation énergétique et, d’autre part, qu’il n’y ait pas d’augmentation des loyers dès lors qu’une aide publique a été perçue par le propriétaire pour les travaux, ce qui correspond aux préconisations de tous les acteurs défendant les droits des locataires que nous avons auditionnés.

J’ajoute que nous ne changeons pas les délais que vous avez fixés, à savoir 2025, 2028 et 2034 selon les catégories de logement. En revanche, la charge ne pèsera plus sur le locataire, aujourd’hui censé saisir un juge : l’administration fera son travail. Si le logement est indécent, ce sera à elle de faire en sorte qu’il ne soit plus loué. C’est, je le répète, tout à fait pragmatique.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Quelle est la situation actuelle ? Un calendrier a été fixé par la loi pour le basculement des logements, catégorie après catégorie, dans la non-décence s’ils ont une mauvaise performance énergétique. Le problème auquel nous essayons d’apporter une solution est que la loi fait reposer sur les épaules du locataire l’action en justice pour obtenir du propriétaire bailleur qu’il réalise les travaux.

J’ai très modestement été militant contre le mal-logement pendant quelques années, et j’ai ainsi accueilli beaucoup de personnes confrontées à des situations où le propriétaire bailleur ne respectait pas les critères de décence, mais où les locataires n’osaient pas se tourner vers la justice parce qu’ils avaient peur que tombe d’un coup, comme par hasard, un congé pour vente ou pour reprise. Si, en plus, la proposition de loi déposée par notre président était adoptée dans les semaines qui viennent, la situation serait encore plus grave pour ces locataires. Dans le cas où un congé pour vente ou pour reprise mettrait fin au bail et où, sans autre solution, ils essaieraient de se maintenir dans leur logement, ils s’exposeraient à des amendes et à des peines de prison.

L’idée à l’origine de cet article est qu’il ne faut pas qu’il s’agisse simplement d’un litige entre le locataire et le bailleur, mais que ce soit une question d’ordre public, qu’il revienne à la puissance publique de faire respecter l’obligation. Si vous avez décelé une faiblesse dans la proposition de loi, vous pouvez bien sûr déposer des amendements pour préciser son application. Vous pourrez l’enrichir en séance, par exemple en indiquant quelles seraient les sanctions et quels services de l’État seraient chargés de faire respecter la nouvelle obligation d’ordre public.

M. le président Guillaume Kasbarian. Puisque vous m’avez cité, je vais intervenir, en étant moi aussi concret et pragmatique.

Imaginons ce qui arriverait au 1er janvier 2025, dans la rédaction de l’article 2, à un locataire d’un logement classé G : celui-ci serait clairement interdit à la location, mais vous ne précisez pas en quoi consiste cette interdiction. Se traduira-t-elle par une rupture de bail et par l’expulsion d’un locataire pourtant bon payeur ? Ce qu’avait imaginé la majorité était que le classement d’un logement comme indécent permettrait au locataire de saisir la justice si le propriétaire ne faisait pas les travaux.

Vous ajoutez dans un amendement qu’une police de l’habitat passera, que le propriétaire aura ensuite trois mois pour faire les travaux, le locataire devant être relogé en attendant – or que se passera-t-il si une copropriété a besoin de temps pour décider des travaux, car cela ne se fait pas du jour au lendemain ? – et qu’en cas de retard du propriétaire, des intérêts de 100 euros par jour seront dus.

Je m’interroge sur une telle procédure : on mettrait dehors des locataires qui n’auraient pas engagé de démarche judiciaire, n’auraient rien demandé et ne souhaiteraient pas une rupture de bail, et en outre on pénaliserait des petits propriétaires en les frappant de 100 euros de pénalité par jour s’ils ne font pas les travaux, alors que cela peut prendre du temps dans les copropriétés.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. L’amendement que vous évoquez précise que « le relogement des locataires rendu nécessaire par l’exécution des travaux est à la charge du bailleur qui peut déduire de cette charge le montant du loyer habituellement acquitté par le locataire présent dans les lieux au jour du constat ».

Nous avons étudié tous les problèmes posés par une réelle interdiction des passoires thermiques car, vous l’avez avoué, il n’y a pas aujourd’hui de réelle interdiction : la législation permet d’y échapper. Nous proposons de faire ce qu’avait demandé la Convention citoyenne pour le climat, dont les préconisations devaient être reprises sans filtrage, et nous avons déposé des amendements qui permettent de ne pas s’attaquer aux droits des locataires et de ne pas mettre certains d’entre eux à la rue. Les associations qui défendent les droits des locataires sont tout à fait favorables à nos propositions.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les amendements CE12 de Mme Aurélie Trouvé, CE9 de Mme Julie Laernoes et CE18 de Mme Aurélie Trouvé tombent.

Après l’article 2

Amendements identiques CE11 de Mme Aurélie Trouvé et CE8 de Mme Julie Laernoes.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Les certificats d’économie d’énergie font partie du millefeuille, de l’énorme écheveau, très compliqué à appréhender, des dispositifs d’aide. Cette forme de monétisation des économies d’énergie fait l’objet d’un marché. La seule justification tolérable de ce mécanisme serait qu’il contribue réellement et durablement à la réduction des émissions de gaz à effet de serre en France, grâce à un fléchage vers des rénovations globales et non des aménagements marginaux inefficaces, les fameux monogestes thermiques, à propos desquels la Cour des comptes parle de dépenses potentiellement inutiles. J’imagine, puisque vous êtes si regardants sur les dépenses budgétaires, que vous voterez pour ces amendements.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous devons faire en sorte que les dispositifs d’aide favorisent les rénovations globales, pour des raisons évidentes mais qui ne sont manifestement pas entendues. Nous n’arriverons pas à résoudre la crise énergétique ni à atteindre les objectifs que nous avons adoptés dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone et des différentes lois relatives au climat si nous n’allons pas vers des rénovations globales et performantes. Le constat dressé par différents rapports est que les ménages les plus modestes n’ont pas les moyens financiers de procéder à des rénovations globales.

La question des copropriétés, évoquée tout à l’heure, est effectivement importante, notamment dans les grandes métropoles. Des copropriétés ont vu le jour à des époques d’ébriété énergétique, où il n’existait pas de réglementation thermique. Il faut désormais obtenir le vote de chacun des copropriétaires, ce qui freine le passage à l’acte pour les ménages les plus modestes qui aimeraient avoir un logement ayant une meilleure performance thermique globale. Nous devrions travailler de façon consensuelle sur ce sujet avec les filières professionnelles, les locataires et les collectivités territoriales.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Nous avons l’occasion d’accélérer les rénovations globales, dont le nombre doit être porté à 370 000 par an à partir de 2023. Vous vous êtes opposés jusqu’à présent à toutes nos propositions mais je ne vois rien, dans le projet de loi de finances, la loi de programmation des finances publiques et les textes annoncés, qui puisse laisser penser que nous réussirons à atteindre nos objectifs.

Par ailleurs, je tiens à relayer les inquiétudes exprimées par la filière de l’isolation : on estime que 13 000 emplois ont été supprimés depuis que l’isolation des combles est sortie du mécanisme des certificats d’économie d’énergie. C’est une question qui nous tient aussi à cœur : la rénovation énergétique des bâtiments pourrait créer jusqu’à 250 000 emplois d’ici à 2030, ce qui est bien plus – et bien mieux chiffré – que tous les dispositifs de crédits d’impôt et d’allégements de charges, comme le crédit d’impôt recherche (CIR), le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), désormais transformé en allégement de cotisations, et la suppression de la CVAE. Faisons un petit geste pour la rénovation des logements et pour l’emploi en votant ces amendements.

Mme Anne-Laure Blin (LR). Ce dispositif, qui illustre bien la philosophie de la proposition de loi, me laisse un peu perplexe. Vous dites que, selon des rapports, les aides publiques sont mieux utilisées lorsque les rénovations sont globales au lieu de consister en des gestes uniques, mais avez-vous conscience de ce qui se passe sur le terrain ? Les Français sont étranglés. Je veux bien qu’on souhaite des rénovations globales, mais si cette proposition de loi, et plus particulièrement ce dispositif, étaient adoptés, nos concitoyens devraient rénover la totalité des logements alors qu’ils n’en ont pas les moyens financiers. Vous allez donc beaucoup trop loin. Les Français veulent bien faire des efforts, mais vous êtes toujours pour des sanctions. Mieux vaut additionner les bonnes volontés et les gestes uniques plutôt que d’imposer des rénovations globales qui ne sont financièrement pas tenables.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je trouve dommage que vous n’ayez pas voté l’article 1er. Il permettait une prise en charge intégrale des travaux de rénovation globale pour les ménages modestes. Il y a une cohérence entre les dispositions que nous proposons.

La commission rejette les amendements.

Amendement CE7 de Mme Julie Laernoes.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Nous proposons une expérimentation visant à mieux repérer les ménages en situation de précarité énergétique.

Selon l’Observatoire national de la précarité énergétique (ONPE), 14 % des Français souffrent du froid durant l’hiver. Pour quatre ménages sur dix, cela s’explique par la mauvaise isolation thermique de leur logement. Or, avec la hausse des prix de l’énergie, de plus en plus de ménages vont avoir du mal à payer leurs factures.

Accélérer la lutte contre la précarité énergétique nécessite de compléter le déploiement d’un réseau harmonisé de guichets uniques par une stratégie territoriale de repérage des ménages en situation de précarité énergétique. Certaines collectivités le font déjà, sans toujours bénéficier d’aides de l’État. Pour les ménages concernés, cela représentera à la fois un gain de pouvoir d’achat et davantage de confort.

Un vide juridique empêche les collectivités territoriales d’accéder aux données énergétiques et socio-économiques des particuliers. L’expérimentation que nous proposons permettra d’aller chercher celles et ceux qui en ont le plus besoin et qui ont souvent tendance à fuir les pouvoirs publics. Il importe de travailler avec les collectivités territoriales pour atteindre les objectifs que nous nous sommes fixés.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Avis favorable. Il importe en effet de travailler davantage avec les collectivités territoriales.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Vous avez à peu près vidé cette proposition de loi de sa substance, mais nous ne désespérons pas de vous voir adopter cet amendement, qui est très raisonnable.

Je le rappelle, lors de l’examen du projet de loi de finances dans l’hémicycle, nous avons voté une augmentation de 12 milliards d’euros des crédits dédiés à la rénovation thermique des bâtiments, mais le Gouvernement ayant utilisé le 49.3, cette mesure n’a pas été retenue.

Je rappelle encore que, lors de l’examen pour avis du projet de loi de finances en commission du développement durable, un consensus était apparu, y compris au sein de la majorité macroniste : tout le monde avait admis qu’il importait d’accompagner les ménages les plus précaires, qui sont éloignés des dispositifs d’aides, alors qu’ils devraient être les premiers à en bénéficier. L’expérimentation que nous proposons doit précisément nous permettre d’identifier ces ménages. Notre collègue propose de confier cette tâche aux collectivités territoriales, afin d’être au plus près des gens. Ce qui est en jeu, ce sont des vies humaines, c’est la santé des plus précaires.

M. Bastien Marchive (RE). Il existe déjà des dispositifs visant à informer les ménages : c’est le rôle de l’Agence nationale de l’habitat et surtout des guichets France Rénov’ et du programme Mon accompagnateur France Rénov’. Vous vous plaignez du millefeuille, et vous voulez lui ajouter une feuille ! Ce n’est pas de cette façon que l’on va clarifier les choses et aider les particuliers à identifier les interlocuteurs auxquels ils doivent s’adresser.

Par ailleurs, l’expérimentation que vous proposez ne concernera que certains territoires et elle prendra fin en 2027, c’est-à-dire en plein milieu de la mise en œuvre de la loi « Climat et résilience ». Ce ne sont pas des gages d’efficacité. Les dispositifs visant à renforcer le déploiement des guichets et des accompagnateurs France Rénov’ vont plus loin que ce que vous proposez. Mieux vaut renforcer les dispositifs existants que créer un nouvel interlocuteur.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Vous dites qu’il faut renforcer les moyens du dispositif MaPrimeRénov’ et de l’Agence nationale de l’habitat, mais vous avez refusé de leur accorder 12 milliards d’euros supplémentaires dans le projet de loi de finances. Et, soit dit en passant, c’est la première fois que je vous entends dire que vous êtes contre les expérimentations territoriales !

Cet amendement me paraît excellent et j’espère que celui-ci, au moins, sera adopté.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE15 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement, avant le 31 juillet 2023, un rapport sur l’opportunité de créer un nouvel opérateur public ou de renforcer les missions de France Rénov’, afin de parvenir à une meilleure structuration de la filière professionnelle liée aux travaux financés par l’État en faveur de la rénovation thermique des logements.

Vous nous dites que la filière ne sera pas capable de suivre, alors que ses représentants se disent prêts. Nous proposons de prendre cette question à bras-le-corps, afin de savoir ce qu’il en est.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Que l’on choisisse de créer un nouvel opérateur ou de renforcer les missions de France Rénov’, l’idée serait de couvrir les champs suivants : établir ou faire établir un diagnostic et proposer des solutions ; développer une réelle labellisation des artisans et une formation associée pour garantir une qualité de prestation, et proposer une liste d’artisans agréés aux usagers ; prendre en charge les démarches de financement ; enfin, réceptionner les travaux en effectuant une épreuve d’étanchéité. Il faut, pour toutes ces démarches, un accompagnement systématique.

Cet amendement est très raisonnable et j’espère que nous pourrons nous entendre dessus.

M. Bastien Marchive (RE). Madame la rapporteure, vous reconnaissez qu’il existe déjà un point d’entrée unique pour tous les parcours de travaux et vous demandez un rapport pour savoir s’il faut en créer un nouveau. Cette démarche est pour le moins surprenante, à l’heure de la simplification – surtout quand on critique la complexité du système actuel.

Quant à l’idée de redéfinir les missions des agents déjà en place, ce n’est pas à la loi de définir les fiches de poste de chacun des agents de l’Agence nationale de l’habitat.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Nous n’avons jamais proposé de définir les fiches de poste de chacun des agents de l’Agence nationale de l’habitat : vous caricaturez mon amendement. Vous dites vous-mêmes qu’il faut prêter attention au développement de la filière. La moindre des choses serait de disposer d’un rapport sur le sujet pour éclairer la décision publique.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE16 de Mme Aurélie Trouvé.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport prospectif sur l’organisation et le développement de l’Agence nationale de l’habitat, ainsi que sur le dispositif France Rénov’, qu’il est nécessaire de faire évoluer comme l’ont montré de nombreux rapports parlementaires et scientifiques.

Afin d’accompagner les ménages tout au long de leur projet, il faut d’abord garantir un égal accès à l’information, ce qui suppose de toucher aussi les ménages les plus modestes. Or les opérateurs de l’Agence nationale de l’habitat ne peuvent pas, à l’heure actuelle, consacrer assez de temps à chaque ménage, faute de moyens. Nous avons besoin d’un rapport sur cette agence pour éclairer la décision publique.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Quand on s’intéresse à une politique publique, il est essentiel de se pencher sur l’opérateur chargé de sa mise en œuvre – en l’occurrence, l’Agence nationale de l’habitat.

Pour en finir avec les passoires thermiques, il faut une planification, fondée sur plusieurs piliers : la production de normes, d’abord – c’est pourquoi nous proposons d’interdire la location de passoires thermiques ; un investissement budgétaire, ensuite – c’est pourquoi l’article 1er propose, grâce à un investissement public, de réduire à zéro le reste à charge pour les publics modestes ; des opérateurs, enfin, pour mettre en œuvre cette politique.

Quels opérateurs faut-il privilégier ? Quels moyens faut-il leur donner ? Faut-il rester dans le cadre actuel de France Rénov’, où différents acteurs privés, à but lucratif ou non, travaillent ensemble dans les territoires ? Si cela fonctionne, pourquoi pas ? Mais peut-être serait-il préférable de créer un opérateur public, afin de corriger certains défauts du système actuel ? Toutes ces questions me paraissent légitimes.

M. Bastien Marchive (RE). Les moyens de l’Agence nationale de l’habitat doivent effectivement être renforcés – et ils le sont, depuis plusieurs années. La directrice générale de l’Agence nationale de l’habitat a elle-même indiqué que, lors de la précédente législature, le budget de l’agence a été multiplié par cinq, ses effectifs par deux et son action par dix. Je n’ai rien à ajouter à cela : votre amendement est largement satisfait.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Je constate que tous nos amendements, même les plus raisonnables, sont retoqués. Vous êtes très loin de respecter les objectifs fixés dans la loi « Climat et résilience », alors qu’ils sont essentiels pour le devenir de la planète et de l’humanité.

Nous faisons des propositions qui doivent nous permettre de respecter ces objectifs. Nous demandons l’interdiction de la location des passoires thermiques et la disparition de celles-ci d’ici à quelques années. Nous soutenons les ménages les plus modestes qui sont propriétaires de leur logement, tout en améliorant les droits des locataires.

Tout ce que nous proposons est systématiquement retoqué par la droite et l’extrême droite. C’est fort dommage, parce que je crois qu’il y avait matière à avancer ensemble sur ce chantier, qui devrait tous nous réunir. Je constate que vous n’avez aucune proposition à faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE1 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri (LR). Depuis leur mise en place au 1er juillet 2021, de nombreuses anomalies ont été constatées sur les nouveaux diagnostics de performance énergétique (DPE). Des milliers de logements anciens ont été catégorisés, parfois à tort, comme des passoires thermiques. Après de premières difficultés à l’automne 2021, le nouveau diagnostic de performance énergétique semble toujours poser des problèmes de fiabilité puisqu’on note, d’une évaluation à l’autre, des différences importantes, aussi bien en matière de notation que de recommandations sur les travaux à effectuer.

Par conséquent, nous demandons au Gouvernement de présenter au Parlement un rapport sur ces dysfonctionnements et de proposer des pistes pour que les DPE soient un réel état des lieux du logement concerné. Ce rapport envisagera également une révision du processus de certification des professionnels du diagnostic : il importe en effet que le recours à un professionnel certifié soit, pour les consommateurs, un gage de qualité. Il conviendra, enfin, de rendre opposables aux diagnostiqueurs les allégations du DPE sur les travaux recommandés.

Mme Aurélie Trouvé, rapporteure. Notre collègue a raison d’appeler notre attention sur le diagnostic de performance énergétique, qui joue un rôle clé sur le marché immobilier et sur celui de la rénovation énergétique des logements.

La mise en place du nouveau DPE a été relativement chaotique, puisque ses modalités de calcul ont été revues deux fois en 2021. Un test grandeur nature réalisé par l’Institut national de la consommation a montré des écarts de notation substantiels sur des biens identiques, ce qui a des conséquences lourdes sur la vente et la location de ces logements : une même maison, dans la région de Bordeaux, se trouve ainsi classée B par un diagnostiqueur, C par deux autres et D par les deux derniers, l’expert de référence adjugeant, in fine, la note D.

La remise d’un rapport d’analyse et de proposition sur ces dysfonctionnements me paraît donc utile et justifiée. Avis favorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il est effectivement très difficile de s’assurer de la façon dont un logement a été isolé et d’évaluer son niveau de performance thermique. Je signale que la thermographie pourrait être une technologie utile pour s’assurer de la bonne réalisation des travaux d’isolation.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Gage

La commission rejette l’article 3.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

En conséquence, la discussion en séance publique se déroulera sur la base du texte dont l’Assemblée a été saisie.

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

Confédération nationale du logement (CNL)

M. Eddie Jacquemart, président

Mme Margot Aldebert, conseillère technique

Confédération syndicale des familles (CSF)

M. Benoît Ménard, secrétaire général

Mme Elodie Fumet, conseillère chargée du logement privé et de la lutte contre l’habitat indigne

Droit au logement (DAL)

M. Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole du DAL

Mme Micheline Unger, porte-parole du DAL

Union sociale pour l’habitat (USH)

M. Antoine Galewski, directeur des relations institutionnelles et parlementaires

M. Alban Charrier, responsable du département « Politiques techniques »

Fondation Abbé Pierre*

M. Manuel Domergue, directeur des études

Mme Hélène Denise, chargée de plaidoyer et mobilisation

Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB)

M. Dominique Proux, directeur des relations institutionnelles et européennes

Mme Alain Chouguiat, directeur des affaires économiques

Mme Florence Cannesson, chargée de mission au Pôle économique

Fédération française du bâtiment (FFB)

M. Loïc Chapeaux, directeur des affaires économiques, financières et internationales

Mme Léa Lignères, chargée d’études « Relations parlementaires et institutionnelles »

Comité de liaison Énergies renouvelables (CLER)

M. Danyel Dubreuil, coordinateur de l’initiative « Rénovons ! »

Negawatt

Mme Léana Msika, chargée de projets pour Dorémi rénovation

Confédération de la consommation, du logement et du cadre de vie (CLCV)*

M. David Rodrigues, directeur des études

Conseil national de l’Ordre des architectes (CNOA)

Mme Valérie Flicoteaux, vice-présidente du Conseil national

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 


([1]) D’après le scénario 2022 de NégaWatt, de l’ordre de 250 000 emplois supplémentaires pourraient être créés dans le secteur de la rénovation dès 2030 et 300 000 en 2040.

([2]) En pratique, les étiquettes DPE sont estimées sur l’ensemble du parc de logements à partir de 310 000 observations des DPE collectées par l’Agence de la transition écologique (Ademe), sur la période de décembre 2021 à mars 2022, et des données fiscales.

([3]) Deux raisons au moins expliquent que les petits logements consomment plus d’énergie que les autres : étant plus densément occupés, la consommation d’eau chaude sanitaire ramenée au mètre carré de surface du logement sera plus importante pour les logements de petite taille ; disposant très souvent de surfaces de parois déperditives importantes par rapport à leur surface habitable, les pertes de chaleur et donc les consommations de chauffage seront plus importantes ramenées au mètre carré de surface du logement.

([4]) Défini à l’article D.304-1 du code de la construction et de l’habitation, le zonage conventionnellement appelé « ABC » effectue un classement des communes du territoire national en zones géographiques en fonction du déséquilibre entre l’offre et de la demande de logements. Par ordre décroissant de tension, les zones géographiques sont A bis, A, B1, B2 et C.

([5]) Le taux d’effort énergétique (TEE_3D) est estimé annuellement par le ministère de la transition énergétique (CGDD) à l’aide du modèle de microsimulation Prometheus. L’indicateur considère un ménage en situation de précarité énergétique lorsque les dépenses énergétiques de son logement sont supérieures à 8 % de son revenu et son revenu par unité de consommation (UC) est inférieur au 3e décile de revenu par UC.

([6]) Cf. B. Ledésert, Liens entre précarité énergétique et santé : analyse conjointe des enquêtes réalisées dans l’Hérault et le Douaisis, Montpellier, CREAI-ORS Languedoc-Roussillon, 2013.

([7]) L’initiative « Rénovons ! » vise à rassembler un grand nombre d’organisations autour d’un objectif commun, celui de la rénovation des passoires énergétiques. Selon les informations disponibles sur son site Internet (http://renovons.org/ ), près de quarante organisations sont d’ores et déjà membres de l’initiative, dont la Fondation Abbé Pierre, le Secours catholique, SoliHa, le CLER – Réseau pour la transition énergétique, le Réseau Action Climat, le groupe Effy, la Fondation européenne pour le climat, la Fondation Nicolas Hulot, Enercoop, France nature environnement, Transitions, etc.. 

 Le projet vise à mieux faire connaître aux décideurs actuels et futurs et au grand public les conditions nécessaires et les solutions existantes qui conduiront à massifier les rénovations énergétiques de qualité et à promouvoir l’intérêt économique, social, environnemental et sanitaire de l’approche par l’efficacité énergétique.

([8]) Cf. D. Dubreuil, Coûts et bénéfices d’un plan de rénovation des passoires énergétiques à horizon 2025. Étude économique, février 2017.

([9]) L’opération « Coup de pouce économies d’énergie », qui s’inscrit dans le cadre du dispositif des certificats d’économies d’énergie, a pour objectif d’inciter financièrement les consommateurs finals en situation de précarité énergétique à remplacer leur chaudière fioul existante par une solution de chauffage utilisant des énergies renouvelables – aide de 3 000 € au moins pour un ménage en situation de grande précarité énergétique engageant le remplacement d’une chaudière fioul par une chaudière biomasse, une pompe à chaleur de type air/eau ou eau/eau, un système solaire combiné ou une pompe à chaleur hybride – et/ou à réaliser l’isolation de leurs combles ou toitures.

([10]) Ce sont les fournisseurs qui choisissent, parmi les travaux et équipements éligibles, ceux qu’ils soutiennent et la nature des aides susceptibles d’être débloquées. En contrepartie des aides versées, les entreprises CEE obtiennent des certificats leur permettant d’attester auprès de l’État qu’elles ont bien rempli leur obligation d’inciter les consommateurs à réaliser des économies d’énergie.

([11]) V. Descoeur et M. Meynier-Millefert, Rapport d’information (n° 3871) de la mission d’information sur la rénovation thermique des bâtiments au nom de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, Assemblée nationale, 10 février 2021, p. 57.

([12]) Pour ce qui concerne MaPrimeRénov’, sur les 300 000 primes distribuées à fin juillet 2021, seulement un peu plus d’un millier concernent des rénovations globales. Il en va de même pour l’éco-PTZ : 67 % des travaux financés par ce prêt en 2020 sont des opérations simples, les opérations de 3 actions ou plus ne représentant que 10,4 % des prêts distribués, et 0,6 % pour des opérations de performance énergétique globale.

([13]) Pour qu’une construction soit éligible à la norme « Bâtiment basse consommation » (BBC), désormais obligatoire pour tous les logements neufs, elle doit répondre à différents critères. Les fuites d’air doivent être limitées à 0,6 m3 pour les maisons et à 1 m3 pour les immeubles. La consommation énergétique doit, quant à elle, être réduite à 50 kWh/m², chiffre modulable en fonction de l’altitude et des régions. Cette limitation porte sur cinq postes principaux : l’eau chaude, le refroidissement, la ventilation, le chauffage et l’éclairage.

([14]) L’outil PanelRenov’ développé par l’I4CE simule quatre projets de rénovation – à savoir une rénovation globale (atteinte du niveau BBC-rénovation), une rénovation simple (par exemple, l’isolation des combles ou des fenêtres), une rénovation intermédiaire (combinaison d’un bouquet de quelques gestes, permettant d’atteindre une réduction de la consommation énergétique conventionnelle de l’ordre de 40 %) et une rénovation centrée sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre (remplacement du système de chauffage par un système électrique très performant) – dans six maisons individuelles issues du projet Perf In Mind porté par l’Ademe et Effinergie.

([15]) La rénovation énergétique d’un bâtiment ou d’une partie de bâtiment à usage d’habitation est dite « performante » lorsque des travaux, qui veillent à assurer des conditions satisfaisantes de renouvellement de l’air, permettent le classement du bâtiment ou de la partie de bâtiment en classe A ou B au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation et l’étude de six postes-clés (isolation des murs, isolation des planchers bas, isolation de la toiture, remplacement des menuiseries extérieures, ventilation et la production de chauffage et d’eau chaude sanitaire, ainsi que les interfaces associées).

 Des dispositions dérogatoires sont prévues pour les bâtiments qui présentent des contraintes techniques, architecturales ou patrimoniales particulières et pour les bâtiments de classe F ou G avant travaux