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N° 493

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 16 novembre 2022.

 

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours nonvacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé,

 

 

Par Mme Caroline FIAT,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 322.


 

 

 

 

 


 1

SOMMAIRE

___

Pages

Avant-propos

Introduction

I. La suspension des personnels résultant de l’obligation vaccinale se montre fortement pénalisante dans le contexte actuel de pénurie

A. L’obligation vaccinale a été mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre la covid-19

1. Champ de l’obligation vaccinale contre la covid-19

2. Modalités de mise en œuvre de l’obligation vaccinale contre la covid-19

3. Conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale

B. La suspension pour non-respect de l’obligation vaccinale touche des effectifs en apparence limités

C. Nous avons toutefois grandement besoin de ces personnels dans le contexte actuel de pénuries

II. La réintégration des personnels suspendus, au moyen d’un protocole sanitaire, permet de sortir de cette crise par le haut

A. Les autorités sanitaires estiment que la suspension de l’obligation vaccinale serait aujourd’hui trop précoce

1. La suspension de l’obligation vaccinale est déjà prévue par le législateur et repose sur l’avis de la Haute Autorité de santé

2. La Haute Autorité de santé reste défavorable à la suspension de l’obligation vaccinale dans le contexte épidémique actuel

B. La réintégration au moyen d’un protocole sanitaire spécifique permet de limiter les pénuries en préparant la sortie de crise

C. La robustesse du protocole proposé a été reconnue par les autorités sanitaires

Commentaire des articles

Article 1er Réintégration du personnel suspendu dans le cadre d’un protocole sanitaire spécifique

Article 2 Accès du personnel réintégré à des tests de dépistage et des équipements de protection individuelle gratuits

Article 3 Gage financier

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9 heures 30

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 15 heures

ANNEXE : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

 


 1

Avant-propos

La situation de nos établissements de santé et de nos secours est très préoccupante. Excessivement sollicités et insuffisamment nombreux, les personnels, malgré le dévouement et le grand professionnalisme que nous leur connaissons, sont de plus en plus démunis et éprouvés après deux ans de crise sanitaire.

Plus personne n’oserait nier aujourd’hui la pénurie de personnels dans les établissements de santé, à l’heure où des services entiers doivent fermer faute de soignants. Les personnels de ces établissements, dont l’engagement et les efforts sont si peu reconnus, portent à bout de bras notre système de santé. Combien de temps tiendront-ils encore ?

Les personnels de secours, parmi lesquels les pompiers, rencontrent les mêmes difficultés. Mobilisés sans relâche face aux « mégafeux » qui ont touché la France, ils ont connu un été épuisant. Trop peu nombreux, ils ont dû, dans leur lutte acharnée contre les flammes, recevoir l’assistance de leurs collègues européens.

La situation est particulièrement dramatique outre‑mer, où les appels à la réserve sanitaire se multiplient en même temps que les tensions sociales, et où les taux de vaccination restent sensiblement inférieurs à ceux que connaît la métropole.

Ces pénuries de personnels entraînent mécaniquement une dégradation du service public, notre bien si précieux, laquelle se traduit tôt ou tard par des drames auxquels nul ne saurait se résoudre.

Dans ce contexte, chaque individu compte. Les milliers de professionnels suspendus suite à la mise en place de l’obligation vaccinale manquent désormais cruellement. Il serait irresponsable de renoncer à la moindre personne pouvant contribuer au fonctionnement du service public, dès lors que celle-ci serait réintégrée sans risque. Nous avons besoin de tout le monde.

Malheureusement, la crise de confiance est profonde et l’incompréhension règne de part et d’autre. Les personnels suspendus, écartés depuis plus d’un an, sont mis au ban malgré leur souhait de porter secours – leur vocation. Ces professionnels peinent à comprendre le rejet persistant dont ils font l’objet, alors même que la plus grande partie des personnels vaccinés n’est plus à jour sur le plan vaccinal et que l’on fait appel à des renforts étrangers qui échappent à toute obligation vaccinale.

La présente proposition de loi, basée sur une approche scientifique, s’inscrit dans une démarche de responsabilité. Elle reconnaît l’importance de la vaccination, alors que l’épidémie persiste, en prenant acte du fait que la question de la réintégration des personnels suspendus se posera inévitablement.

Elle vise ainsi à réconcilier, à sortir de cette situation par le haut, et met en lumière la possibilité de retour de ces personnels sans risque épidémique, au moyen d’un protocole approuvé par les autorités sanitaires, combinant la présentation de tests négatifs et le port d’équipements de protection individuelle. Ce faisant, elle entend soulager les services publics en limitant les pénuries, sachant que seul un effort budgétaire massif permettra de garantir durablement le bon fonctionnement de ces services.


 1

Introduction

I.   La suspension des personnels résultant de l’obligation vaccinale se montre fortement pénalisante dans le contexte actuel de pénurie

La mise en place de l’obligation vaccinale a conduit à la suspension de plusieurs milliers de professionnels, à la fois parmi les personnels de santé et parmi les membres des services de secours. Le contexte actuel de pénurie de ressources humaines ne permet en aucun cas de penser le caractère non significatif de ces effectifs.

A.   L’obligation vaccinale a été mise en œuvre dans le cadre de la lutte contre la covid-19

Dans le cadre de la lutte contre la covid‑19, la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire a prévu une obligation vaccinale professionnelle contre cette maladie pour les personnes travaillant dans les secteurs sanitaire, médico-social et de secours ([1]).

1.   Champ de l’obligation vaccinale contre la covid-19

 Les personnes concernées par l’obligation vaccinale professionnelle contre la covid‑19 sont mentionnées au I de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée. Il s’agit principalement ([2]) :

– des professionnels des établissements ou services de santé et médico‑sociaux (médecins, infirmiers, laborantins, etc.) ;

– des professionnels de santé et à usage de titre, des personnes travaillant avec eux et des étudiants à ces professions (médecins et infirmiers libéraux, pharmaciens, ostéopathes, etc.) ;

– des personnels de la sécurité civile tels les sapeurs-pompiers ;

– des salariés à domicile auprès de personnes vulnérables ;

– des personnels de transport sanitaire et médical et des fournisseurs de certains matériels médicaux.

Des exceptions sont prévues concernant les personnes justifiant d’une contre‑indication médicale à la vaccination, celles qui n’interviennent que de façon ponctuelle dans les locaux où exercent des professionnels de santé et médico‑sociaux ainsi que, depuis la loi du 10 novembre 2021 ([3]), les personnels non médicaux des crèches et des autres établissements d’accueil du jeune enfant, de soutien à la parentalité et de protection de l’enfance.

● Le champ de cette obligation vaccinale repose donc sur une approche fondée :

– soit sur le lieu d’exercice de l’activité professionnelle (établissements ou services de santé et médico‑sociaux), incluant dès lors non seulement le personnel soignant, mais aussi le personnel technique et administratif en raison des interactions au sein d’une même communauté de travail ;

– soit sur la nature de l’activité professionnelle exercée pour les autres catégories incluses dans le champ.

 L’article 18 de la loi du 5 août 2021 précitée a étendu à l’obligation vaccinale contre la covid19 le régime d’indemnisation des préjudices directement imputables aux vaccinations obligatoires déjà prévues par le code de la santé publique ([4]). Ce régime repose sur la responsabilité sans faute de l’administration ; il prévoit une indemnisation assurée par l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (Oniam).

2.   Modalités de mise en œuvre de l’obligation vaccinale contre la covid-19

L’obligation vaccinale contre la covid‑19 a été mise en œuvre en plusieurs étapes, s’agissant des modalités de justification de son respect par les personnes concernées.

● Du lendemain de la publication de la loi du 5 août 2021 précitée jusqu’au 14 septembre 2021 inclus, la satisfaction de l’obligation vaccinale pouvait être justifiée par la présentation :

– d’un certificat de statut vaccinal, d’un certificat de rétablissement à la suite d’une contamination ou d’un certificat médical de contre-indication à la vaccination ;

– du justificatif de l’administration des doses de vaccin ;

– d’un test de dépistage virologique négatif.

● À compter du 15 septembre 2021, la présentation d’un test de dépistage virologique négatif était exclue du champ des justificatifs admis. La satisfaction de l’obligation vaccinale ne pouvait alors plus être justifiée que par la présentation des certificats précédemment mentionnés et, à défaut, du justificatif d’administration des doses vaccinales.

Cependant, pour la période courant du 15 septembre au 15 octobre 2021, une mesure de tolérance temporaire permettait la présentation du justificatif d’administration d’une dose de vaccin de façon à admettre les personnes engagées dans un parcours vaccinal sans que celui-ci soit encore abouti, sous réserve de présenter également un test de dépistage négatif.

● À compter du 30 janvier 2022, la dose de rappel était intégrée dans l’obligation vaccinale pour tous les professionnels des secteurs sanitaire et médico-social soumis à l’obligation vaccinale depuis le 15 septembre 2021.

● Pour continuer à exercer leur activité professionnelle, les personnels concernés par l’obligation vaccinale doivent désormais :

– soit avoir suivi un schéma vaccinal complet intégrant la dose de rappel qui, depuis le 15 février 2022, est effectuée quatre mois maximum après le schéma de vaccination initial ;

– soit présenter un certificat de rétablissement valide (de plus de onze jours et de moins de quatre mois après l’infection à la covid-19) ;

– soit présenter un certificat de contre-indication à la vaccination établi par un médecin.

Une obligation vaccinale contre la covid‑19
qui s’ajoute à d’autres obligations similaires

L’obligation vaccinale professionnelle contre la covid‑19 s’inscrit, dans son économie générale, dans la lignée des vaccinations obligatoires préexistantes des professionnels des secteurs de la santé et médico-social, telles que celles prévues à l’article L. 3111‑4 du code de la santé publique concernant la diphtérie, le tétanos, la poliomyélite et l’hépatite B ([5]) :

– leur champ d’application est très proche, sinon identique ;

– leur non-respect se traduit par une interdiction d’exercer l’activité professionnelle ;

– le non-respect de cette interdiction est passible d’une sanction pénale (amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe) ([6]).

3.   Conséquences du non-respect de l’obligation vaccinale

Le fait, pour une personne soumise à l’obligation vaccinale, de ne pas respecter cette dernière, emporte des conséquences d’ordre professionnel mais aussi, le cas échéant, d’ordre pénal.

En termes professionnels, ainsi que le prévoit l’article 14 de la loi du 5 août 2021 précitée, le manquement à cette obligation emporte interdiction d’exercer son activité et peut aboutir à la suspension du contrat de travail ou des fonctions. La période de suspension, durant laquelle le versement de la rémunération est interrompu, ne constitue pas une période de travail effectif – notamment pour la détermination des droits à congés. Si la personne est titulaire d’un contrat à durée déterminée (CDD) et que le terme de ce dernier intervient pendant qu’elle est suspendue, le contrat prend fin.

La suspension est levée dès que la personne respecte l’obligation vaccinale.

En termes pénaux, la méconnaissance de l’interdiction d’exercer – le fait de se rendre sur son lieu de travail sans respecter l’obligation vaccinale – est passible de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, et peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire ([7]).

B.   La suspension pour non-respect de l’obligation vaccinale touche des effectifs en apparence limités

La rapporteure souligne la difficulté d’accès à des données précises et couvrant l’ensemble des personnels suspendus pour ne pas s’être conformés à l’obligation vaccinale.

● Dans le secteur sanitaire, le ministre de la santé et de la prévention a indiqué le 5 juillet 2022 ([8]), devant la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République de l’Assemblée nationale, que la suspension concernait 0,53 % des personnels, soit 12 000 personnes, toutes professions confondues, y compris les personnels techniques et administratifs. En séance publique au Sénat, le 20 juillet 2022 ([9]), le même ministre faisait état de 2 605 suspensions de personnels soignants et non soignants dans le secteur sanitaire, parmi lesquels 75 médecins, 32 sages-femmes, 608 infirmières, 601 aides-soignantes et 52 kinésithérapeutes.

● Concernant les pompiers, M. Norbert Berginiat, vice-président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), a indiqué lors de son audition par la rapporteure que la suspension pour manquement à l’obligation vaccinale concernait aujourd’hui moins de 2 % des effectifs. Lors de la mise en place de cette suspension, en octobre 2021, la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, rattachée au ministère de l’intérieur, faisait pour sa part état de la suspension de 140 à 200 pompiers professionnels sur près de 42 000 personnels (0,3 %), ainsi que de 5 140 pompiers volontaires sur un effectif de 240 000 personnes (2,1 %).

Ces éléments statistiques donnent à voir des effectifs à première vue plutôt faibles en proportion du total des effectifs des établissements de santé et de secours, ces derniers étant très majoritairement vaccinés. Dans une étude publiée le 21 avril 2022, Santé publique France relevait ainsi que 88,9 % des professionnels exerçant dans les établissements de santé étaient à jour de leur vaccination contre la covid‑19 ([10]).

C.   Nous avons toutefois grandement besoin de ces personnels dans le contexte actuel de pénuries

● Le retour des personnels suspendus, qui se comptent en milliers, est crucial alors que nos systèmes de santé et de secours sont marqués par des pénuries. Leur réintégration apparaît comme une nécessité aujourd’hui.

● Les données précitées ne doivent occulter ni la forte pénurie de personnels qui affecte notre système de santé, ni de fortes disparités selon les personnels, les établissements et les services concernés.

Dans une enquête conduite en avril et mai 2022 sur la situation des ressources humaines dans les établissements qu’elle représente ([11]), la Fédération hospitalière de France (FHF) observe que, dans un contexte de besoins accrus, la « quasi-totalité (99 %) » des établissements hospitaliers et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) publics connaît des difficultés de recrutement, de manière permanente ou ponctuelle. Ces difficultés concernent particulièrement les infirmiers en soins généraux, les établissements de santé hors centres hospitaliers universitaires (CHU) et les services de nuit. La FHF relève que la « situation des établissements en matière de ressources humaines non médicales apparaît dégradée et très contrastée », alors même que 4 000 à 5 000 professionnels, tous métiers confondus, ont été suspendus.

En septembre dernier, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) faisait état de 18 % de lits fermés et d’un manque de 1 000 infirmières. Dans le même établissement, les taux de fermeture des blocs opératoires se situent actuellement entre 15 % et 20 %, et peuvent atteindre 40 % à 50 % sur certains sites ([12]).

● Les tensions pesant sur les effectifs de la sécurité civile ne sont pas moindres. Les personnels de secours sont exposés de manière croissante aux conséquences du dérèglement climatique et sont, eux aussi, toujours plus mobilisés, comme l’ont montré les incendies ayant marqué l’été 2022. Plus de 66 000 hectares ont été atteints cette année à travers la France, lors de plus de 290 feux ([13]), touchant souvent le sud-ouest mais désormais aussi la Bretagne, le Jura ou les Vosges. Cela représente près de sept fois la moyenne observée ces quinze dernières années, cette tendance étant par ailleurs marquée par la multiplication de « mégafeux » caractérisés par leur intensité et par leur durée.

Ce phénomène a conduit le Gouvernement à mettre en œuvre à l’été 2022, au plus fort des incendies et face à la pénurie de pompiers, le mécanisme européen de protection civile pour faire appel au renfort de pompiers de quatre pays européens ([14]). Ces derniers n’étaient pourtant pas tous soumis à une obligation vaccinale, tous les pompiers allemands ou autrichiens n’y étant par exemple pas assujettis. Cette situation interroge la cohérence épidémiologique des mesures prises.

● Dans son enquête précitée ([15]), Santé publique France relève également des disparités de couverture vaccinale en fonction des catégories de professionnels et des régions.

La rapporteure, qui observe la vulnérabilité des territoires ultramarins et les mouvements sociaux qui s’y déploient, déplore la grande difficulté à obtenir des données précises et actualisées sur la situation locale. En Guadeloupe, seuls 80 % des personnels soignants se seraient conformés à l’obligation vaccinale. Selon l’Agence régionale de santé, 221 personnes seraient suspendues aujourd’hui, dont 93 personnes au CHU, pesant largement sur les services et sur le système de santé guadeloupéen.

II.   La réintégration des personnels suspendus, au moyen d’un protocole sanitaire, permet de sortir de cette crise par le haut

Face à cette situation, la réintégration des personnels suspendus apparaît d’autant plus souhaitable et pertinente qu’elle peut, au moyen d’un protocole sanitaire spécifique, être effectuée dans le respect le plus strict des exigences sanitaires.

A.   Les autorités sanitaires estiment que la suspension de l’obligation vaccinale serait aujourd’hui trop précoce

1.   La suspension de l’obligation vaccinale est déjà prévue par le législateur et repose sur l’avis de la Haute Autorité de santé

● Le IV de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée prévoit la possibilité de suspendre, par décret, l’obligation vaccinale professionnelle contre la covid‑19.

Dans sa version d’origine, cette suspension pouvait être décidée par décret après avis de la Haute Autorité de santé (HAS), en fonction de l’évolution de la situation épidémiologique et des connaissances médicales et scientifiques ; il s’agissait d’une simple faculté, laissée à la discrétion du Gouvernement.

Désormais, en application de la loi du 30 juillet 2022 ([16]), si la HAS constate qu’au regard de la situation sanitaire, l’obligation vaccinale n’est plus justifiée, le Gouvernement est tenu de la suspendre par décret.

Afin d’évaluer ces éléments, la HAS peut être saisie par :

– le ministre chargé de la santé ;

– la commission permanente chargée des affaires sociales de l’Assemblée nationale ou du Sénat ;

– le Comité de contrôle et de liaison covid-19 (CCL-COVID) ([17]).

La suspension de l’obligation vaccinale peut ne concerner qu’une partie des catégories de personnes y étant soumises.

● La levée de l’obligation vaccinale apparaît aux autorités sanitaires une perspective inévitable à terme, dès lors que les données épidémiologiques seront plus favorables. La commission technique des vaccinations (CTV) de la HAS, qui s’est réunie le 7 novembre 2022, souligne que la levée de l’obligation vaccinale sera possible dans le contexte d’une épidémie mieux maîtrisée et d’un plus grand recul sur l’efficacité des nouveaux vaccins.

2.    La Haute Autorité de santé reste défavorable à la suspension de l’obligation vaccinale dans le contexte épidémique actuel

● Saisie par le ministre de la santé et de la prévention le 18 juillet 2022, la HAS a rendu, le 21 juillet 2022, un avis considérant que les données n’étaient « pas de nature à remettre en cause l’obligation vaccinale des personnels des secteurs sanitaire et médico-social qui concourt à une meilleure protection des personnes soignées ou accompagnées, au premier rang desquelles les plus vulnérables » ([18]).

Cet avis repose sur deux arguments principaux :

– le contexte épidémique, alors marqué par une septième vague épidémique due au sous-lignage BA.5 du variant Omicron ;

– la disponibilité de vaccins sûrs et efficaces face au variant Omicron après une première dose de rappel, en premier lieu contre les formes sévères, mais aussi contre les infections, participant ainsi à la limitation de la diffusion de l’épidémie.

● Les autorités sanitaires soulignent que l’épidémie n’est pas encore stabilisée. Le virus continue de circuler et, au 9 novembre 2022 ([19]), la France décomptait 28 000 nouveaux cas testés positifs à la covid-19 en vingt-quatre heures, malgré un taux de reproduction du virus (« R effectif ») de 0,73 indiquant que l’épidémie régressait. Le taux d’occupation des lits de réanimation par des patients atteints de la covid-19 est encore de 19 % aujourd’hui.

● Dans ce contexte, la HAS comme la FHF, auditionnées par la rapporteure, soulignent que la vaccination demeure un outil essentiel de lutte contre l’épidémie de covid-19, malgré l’efficacité modérée observée face au variant Omicron.

La HAS espère une efficacité vaccinale accrue par l’arrivée de vaccins bivalents, qu’elle a intégrés dans la stratégie de vaccination pour l’automne suite à leur validation en septembre par l’Agence européenne du médicament. La HAS recommande ainsi, sans préconiser de la rendre obligatoire, une dose de rappel additionnelle pour les personnes à risque, parmi lesquelles :

– les professionnels du secteur sanitaire et médico-social ;

– les personnes âgées de plus de soixante ans ;

– les personnes âgées de moins de soixante ans à risque de forme grave de la maladie ;

– l’entourage de ces personnes.

● La HAS se prononcera à nouveau prochainement sur l’obligation vaccinale. Saisie par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale le 6 octobre 2022 en vue d’une évaluation portant sur les pompiers professionnels et bénévoles, elle devrait rendre un avis le 1er décembre 2022. Également sollicitée début novembre 2022 par le ministre de la santé et de la prévention, elle devrait prendre position en janvier 2023 sur l’ensemble des obligations vaccinales des soignants, comprenant celles contre la grippe et contre la covid-19.

B.   La réintégration au moyen d’un protocole sanitaire spécifique permet de limiter les pénuries en préparant la sortie de crise

● La rapporteure, conformément à l’avis de la HAS, n’entend pas remettre en cause l’obligation vaccinale à travers cette proposition de loi, alors que l’épidémie n’est pas maîtrisée à ce stade.

Elle propose la réintégration des personnels suspendus, conditionnée au respect d’un protocole sanitaire strict. Cette proposition constitue une voie intermédiaire qui peut réunir un consensus scientifique et politique large et permet de préparer une sortie de crise par le haut en renouant le lien entre les personnels.

● Alors que plusieurs candidats à l’élection présidentielle s’étaient prononcés en faveur de la réintégration des personnels suspendus, le Président de la République a lui-même annoncé, le 29 avril 2022, que les soignants non vaccinés seraient réintégrés une fois « la phase aiguë » de l’épidémie terminée.

Les parlementaires, aussi bien à l’Assemblée nationale qu’au Sénat, se sont largement saisis de l’obligation vaccinale depuis sa mise en place, à travers des initiatives législatives visant la réintégration et en faisant usage de leurs prérogatives de contrôle.

● La réintégration des personnels suspendus fait aujourd’hui l’objet d’une orientation partagée en Europe et, plus globalement, dans le monde. Les suspensions ou sanctions ont été très peu appliquées en Allemagne, tandis que des pays comme le Royaume-Uni ou la Belgique renonçaient à toute sanction. Le Québec avait pour sa part préféré, en novembre 2021, renoncer à l’obligation vaccinale des soignants au profit de tests fréquents pour les personnels non vaccinés. Le 2 novembre 2022, l’Italie a mis fin à l’obligation vaccinale des soignants, ouvrant la voie à la réintégration de près de 4 000 d’entre eux, dans un contexte de pénurie de personnels médical et sanitaire. La Grèce reste, aux côtés de la France, l’un des derniers pays à maintenir la suspension de son personnel non vacciné.

● La réintégration au moyen d’un protocole sanitaire est d’autant plus précieuse qu’elle prépare le « travail de réintégration » annoncé par le Président dans un entretien avec le quotidien France-Antilles publié le 7 juin 2022 ([20]). Elle permet de renouer dès à présent le contact entre les personnels, après plus d’une année de mise à distance – et parfois d’isolement – des effectifs non vaccinés, et elle favorisera une compréhension et une confiance mutuelles nécessaires à la reprise future du travail en commun.

C.   La robustesse du protocole proposé a été reconnue par les autorités sanitaires

● Pour permettre la réintégration des personnels suspendus, la rapporteure propose un protocole sanitaire basé sur la réalisation de tests virologiques à chaque prise de poste et l’application stricte des gestes barrière, dont le port systématique de masques de protection respiratoire de niveau 2 (FFP2).

● Auditionnée dans le cadre des travaux de la rapporteure, la HAS a admis, d’un point de vue de santé publique, la robustesse du protocole proposé. Elle a estimé que le protocole proposé par la rapporteure était « de nature à protéger du risque épidémique ».

Cet avis favorable ouvre la voie à la réintégration des personnels suspendus annoncée par le Président de la République dès lors que l’absence de risque épidémique est garantie.

● Les doutes qui peuvent surgir quant à la mise en œuvre pratique de ce protocole, en apparence contraignant, peuvent être aisément dissipés : la FHF a reconnu elle-même, au cours de son audition, que « tout est faisable », rappelant à cette occasion la capacité des établissements à s’adapter pendant la crise sanitaire. Au vu des effectifs visés, le coût de cette mesure sera manifestement très modéré.

● Cette proposition de loi constitue en somme une voie intermédiaire entre la suppression totale de l’obligation vaccinale, souhaitée par de nombreux parlementaires mais que les autorités sanitaires accueillent encore défavorablement, et le maintien du dispositif actuel qui ne permet manifestement ni de répondre aux pénuries que nous connaissons, ni de préparer la sortie de crise.

En ce sens, cette proposition privilégie la stratégie « convaincre plutôt que contraindre », en conformité avec les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).


   Commentaire des articles

Article 1er
Réintégration du personnel suspendu dans le cadre d’un protocole sanitaire spécifique

Supprimé par la commission

L’article 1er prévoit une dérogation à l’obligation vaccinale, permettant de réintégrer les personnels suspendus qui se soumettent à un protocole sanitaire spécifique, contrôlé par l’employeur sous peine de sanction.

I.   Une obligation vaccinale maintenue dans son principe

● Le 1° de l’article 1er de la présente proposition de loi réécrit le I de l’article 14 de la loi du 5 août 2021, qui précise les modalités de justification du respect de l’obligation vaccinale contre la covid‑19 et les conséquences professionnelles de sa violation ([21]).

Le dispositif proposé ne supprime en aucun cas l’obligation vaccinale, dont le principe serait maintenu au premier alinéa du I de l’article 14 précité.

Il n’a pas non plus pour effet d’exiger, de la part des personnes présentant un justificatif vaccinal, titulaires d’un certificat de rétablissement ou d’un certificat médical de contre‑indication, la présentation supplémentaire d’un test négatif. La situation de ces personnes n’est pas modifiée : elles pourront continuer à exercer selon des modalités identiques à celles actuellement en vigueur.

Le dispositif proposé n’abroge ainsi ni l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée fixant le principe et le champ l’obligation vaccinale, ni son article 13 relatif aux modalités de justification du respect de l’obligation et du contrôle de cette dernière. Il ne modifie pas non plus les II à V de l’article 14 de cette loi, lesquels déterminent les conséquences du non-respect du I constaté par l’employeur.

● La levée de l’obligation vaccinale pourra, quant à elle, toujours être mise en œuvre par décret, dès lors que la HAS aura constaté une évolution favorable de la situation épidémiologique ou des connaissances médicales et scientifiques ([22]).

II.   Une dérogation permettant de sortir de la crise sanitaire par le haut à l’aide d’un protocole sanitaire spécifique

● L’article 1er modifie le dispositif en vigueur pour prévoir une forme de souplesse, offrant aux personnes qui ne satisfont pas à l’obligation vaccinale la possibilité d’exercer leur activité dans le cadre d’un protocole sanitaire spécifique.

Ce faisant, il ouvre la voie à la réintégration des personnels suspendus, sous des conditions permettant de prévenir efficacement tout risque épidémique, préparant ainsi la sortie de crise.

● Le protocole proposé par la rapporteure, laquelle s’inscrit dans une approche scientifique conforme aux préconisations des autorités sanitaires, vise à garantir la sécurité sanitaire, aussi bien pour le personnel que pour les patients.

La rapporteure préconise ainsi la réalisation de tests virologiques à chaque prise de poste et l’application stricte des gestes barrière, dont le port systématique de masques de protection respiratoire de niveau 2 (FFP2).

● Une dérogation au principe d’obligation vaccinale est ainsi prévue au second alinéa du I de l’article 14 précité, afin d’autoriser les personnes dérogeant à ce principe à exercer leur activité́ sous réserve de présenter, pour sa durée de validité́, un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid‑19.

Dès lors, une personne non vaccinée contre la covid‑19, ou qui ne serait pas titulaire d’un certificat de rétablissement en cours de validité ou d’un certificat médical de contre-indication à la vaccination contre la covid‑19, pourrait être réintégrée, et donc exercer son activité professionnelle, si elle présentait test négatif.

En mentionnant le caractère virologique de l’examen réalisé, le dispositif cible les tests RT-PCR, les tests antigéniques et les autotests, destinés à rechercher la présence du virus, à l’exclusion des tests sérologiques qui recherchent la présence d’anticorps.

● Cet article conditionne la réintégration des personnels suspendus au respect du protocole sanitaire défini. Il ne conduit pas à une réintégration automatique des personnes qui, sans être vaccinées, ne présenteraient pas le résultat d’un test de dépistage négatif.

● Cet article reprend les terminologies du dispositif actuel. Le test virologique prévu par le protocole proposé entre ainsi dans le champ du II de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée.

En conséquence, comme cela a été fait dans le cadre du passe sanitaire et de l’obligation vaccinale ([23]), un décret, pris après avis de la HAS, précise les éléments permettant d’établir le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par la covid-19.

De cette manière, les modalités et conditions d’application du présent protocole, aussi bien que les éléments permettant son contrôle, seront garantis par voie réglementaire.

III.   Un dispositif de sanction maintenu et étendu au non-respect du protocole sanitaire

Le 2° de l’article 1er conserve les dispositions relatives aux conséquences professionnelles du non-respect de l’obligation vaccinale, qu’il étend au non-respect du protocole prévu en intégrant la présentation d’un test de dépistage virologique négatif au II de l’article 16 de la loi du 5 août 2021 précitée.

En conséquence, la méconnaissance, par l’employeur, de l’obligation de contrôler ce test est punie de l’amende prévue pour les contraventions de la cinquième classe, au même titre que le défaut de contrôle du respect de l’obligation vaccinale.

Cette contravention peut faire l’objet de la procédure de l’amende forfaitaire prévue à l’article 529 du code de procédure pénale. La récidive est également sanctionnée, les faits étant punis d’un an d’emprisonnement et de 9 000 euros d’amende si une telle violation venait à être verbalisée à plus de trois reprises dans un délai de trente jours.

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Article 2
Accès du personnel réintégré à des tests de dépistage et des équipements de protection individuelle gratuits

Supprimé par la commission

L’article 2 garantit au personnel réintégré un accès gratuit à des tests de dépistage et des équipements de protection individuelle.

I.   Garantir la disponibilité et gratuité Des tests Virologiques et Des équipements de protection individuelle afin de rendre effective la réintégration des personnels suspendus

● Le I de l’article 2 prévoit, pour les personnes concernées par l’obligation vaccinale ([24]), la disponibilité et la gratuité des tests de dépistage virologique de la covid‑19.

Ce faisant, cet article tire les conséquences de la réintégration des professionnels sur présentation d’un test de dépistage négatif, en garantissant que le plus grand nombre puisse avoir accès à ces tests sans engager de frais, alors que leur prise en charge par l’assurance maladie ne s’applique actuellement pas aux personnes non vaccinées.

De cette manière, il prévient toute charge financière pesant sur les personnels visés, laquelle conduirait à limiter l’effectivité de leur réintégration ; il permet la pleine mise en œuvre du dispositif prévu à l’article 1er.

● Le I de l’article 2 consacre également la disponibilité et la gratuité des équipements de protection individuelle nécessaires à l’exercice, par les professionnels dans le champ de l’obligation vaccinale, de leur activité. Si cet aspect du dispositif n’est pas directement lié à l’article 1er de la proposition de loi, il est de nature à assurer aux personnes concernées l’exercice de leur activité dans les meilleures conditions possibles, pour leur sécurité et leur santé, ainsi que celles des personnes auprès desquelles elles interviennent.

● La disponibilité et la gratuité prévues à l’article 2 concernent uniquement les professionnels visés par l’obligation vaccinale, ne revenant donc pas sur la fin de la gratuité des tests de dépistage de la covid-19 pour toutes les personnes non vaccinées, en vigueur depuis le 15 octobre 2021 ([25]).

II.   Une mise en œuvre assurée par voie réglementaire

Le II de l’article 2 prévoit qu’un décret détermine les conditions d’application du I.

Complémentaire au décret prévu au II de l’article 12 de la loi du 5 août 2021 précitée, ce décret précise non seulement les éléments permettant d’établir le résultat d’un examen de dépistage virologique ne concluant pas à une contamination par le covid‑19, mais aussi la nature des équipements de protection individuelle pour chaque catégorie de personnes visées par l’obligation vaccinale.

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Article 3
Gage financier

Supprimé par la commission

Cet article prévoit de gager la charge pour l’État et les organismes de sécurité social liée à l’application de la proposition de loi par une majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.

La présente proposition de loi, qui prévoit l’accès du personnel réintégré à des tests et équipements gratuits, est de nature à accroître les charges pour l’État et les organismes de sécurité sociale.

Le présent article prévoit donc de gager ces charges par la majoration de l’impôt sur la fortune immobilière.

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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 9 heures 30

Au cours de sa première réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission examine la proposition de loi portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non-vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé (n° 322) (Mme Caroline Fiat, rapporteure) ([26]).

 

Mme la présidente Fadila Khattabi. J’ai, comme il est de coutume, saisi M. Éric Coquerel, président de la commission des finances, de la recevabilité de certains amendements. Or j’ai constaté qu’il donnait un avis favorable à cette recevabilité, en contradiction avec les décisions prises en juillet dernier à propos d’amendements similaires par Mme Braun-Pivet, présidente de notre assemblée. Si j’avais suivi les avis du président de la commission des finances, ces amendements auraient été déclarés recevables en commission, mais irrecevables en séance publique, ce qui n’aurait pas eu de sens.

Aux termes de l’article 89, alinéa 2, du Règlement de notre assemblée, l’irrecevabilité en commission est appréciée par le président de la commission. Il me revenait donc de prendre mes responsabilités, et je suis certaine que chacun comprendra qu’il m’ait paru cohérent de suivre la position adoptée par la présidente de l’Assemblée nationale.

M. Yannick Neuder (LR). Madame la présidente, vous êtes dans votre bon droit et il ne m’appartient aucunement de contester votre décision, mais cette dernière suscite tout de même une interrogation de fond. En effet, dans le débat que nous allons engager sur la proposition de loi de Mme Fiat, notre groupe Les Républicains proposait d’aller plus loin et avait déposé des amendements tendant à supprimer l’obligation des tests auxquels les soignants devraient se soumettre en vue de leur réintégration.

Je souhaiterais savoir ce qui se cache derrière votre explication. En effet, l’irrecevabilité d’un amendement se fonde sur le fait que celui-ci créerait une charge ; or le dispositif proposé, qui supprime les tests, ne donne précisément pas lieu à la création de charges. Positifs ou négatifs aux tests, les soignants concernés appartiennent bien à des structures dans lesquelles leur poste est budgété – hôpitaux, Ehpad ou centres pour handicapés. S’opposer à leur réintégration sans tests revient donc – ce qui est inquiétant en un temps où nous manquons fortement de soignants dans toutes ces structures – à faire de l’économie budgétaire en contribuant au remboursement des déficits.

Face à la crise de la covid-19, nous désirons tous accompagner les soignants, maintenir les gestes barrières et favoriser les nouveaux rappels de vaccination. Nous ignorons si l’épidémie de bronchiolite qui se développe actuellement et dont nous ne connaissons pas l’étiologie recouvre des cas de covid chez des bébés qui n’ont pas encore été confrontés à ce virus, ou s’il s’agit d’un virus respiratoire qui profite d’un trou immunologique. En tout état de cause, nous avons besoin de soignants et je ne comprends pas le motif sur lequel se fonde l’irrecevabilité des amendements.

Si votre refus de réintégrer des soignants dans les hôpitaux répond à des raisons économiques, il faut l’assumer clairement. Nous avons besoin d’expertise médicale ou paramédicale et ne devrions pas nous priver de personnels qui, bien qu’ils ne soient pas vaccinés, pourraient effectuer des travaux de décharge sous forme, par exemple, de coordination ou de prise de rendez-vous. Ces personnels représentent certes un pourcentage négligeable sur la masse des soignants, et nous n’allons pas contredire ni travestir les chiffres, mais s’ils comptent pour l’épaisseur du trait dans de gros centres hospitaliers, ce n’est pas le cas dans des Ehpad, où l’absence de la seule infirmière de coordination peut provoquer d’importants préjudices, qu’il conviendrait de mesurer.

Madame la présidente, votre décision m’étonne, car nous avons jusqu’à présent bien travaillé avec vous. Vous auriez pu nous aider et je ne voudrais pas qu’en déclarant cette irrecevabilité vous soyez complice des économies qui se font sur le dos des soignants.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je suis une présidente indépendante, je prends mes responsabilités et je ne cache rien. J’entends vos arguments, auxquels nous sommes toutes et tous sensibles, mais il m’a paru inutile de nous exprimer sur des amendements déjà déclarés irrecevables par Mme la présidente de l’Assemblée nationale, dont je ne fais qu’appliquer la décision. J’aurai toutefois à ce propos une discussion en tête-à-tête avec elle.

M. Yannick Neuder (LR). Merci pour cette déclaration, madame la présidente. Vous avez compris le sens de mes propos. Je vous prie de transmettre à la présidente de notre assemblée que cette mesure, qui pouvait s’expliquer en 2020, au plus fort de la contamination, doit sans doute être revue. La Haute Autorité de santé (HAS) a très clairement pris position sur la réintégration des personnels non soignants et il ne faut pas utiliser cette instance pour déguiser des décisions politiques. La présidente Braun-Pivet doit pouvoir accepter cette discussion sur laquelle, vous pouvez dès maintenant la prévenir, nous reviendrons lors de l’examen du texte dans l’hémicycle.

Mme la présidente Fadila Khattabi. C’est un vrai sujet et il y aura un débat.

Mme Monique Iborra (RE). Monsieur Neuder, pouvez-vous nous indiquer très précisément quelle est la décision de la HAS et pourquoi vous ne voulez pas l’aborder ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. La meilleure manière de lancer le débat est d’entendre Mme la rapporteure présenter la proposition de loi.

Mme Caroline Fiat, rapporteure. La situation de notre système de santé et de secours est très préoccupante. Nos personnels sont, plus que jamais, au bord de la rupture et tous nos concitoyens pâtissent d’une situation catastrophique. Je tiens du reste à préciser que la proposition de loi qui vous est soumise concerne tous les personnels, des établissements de santé et de secours, et non pas seulement les soignants – bien malin qui parviendrait à faire fonctionner un établissement de santé sans personnel administratif ou technique, ou sans cuisiniers, par exemple !

Excessivement sollicités et trop peu nombreux, malgré le dévouement et le grand professionnalisme que nous leur connaissons, ils sont de plus en plus démunis et éprouvés après deux ans de crise sanitaire. Plus personne n’oserait nier aujourd’hui la pénurie de personnels dans les établissements de santé, à l’heure où des services entiers doivent fermer. En septembre dernier, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris faisait état de 18 % de lits fermés et d’un manque de 1 000 infirmières. Dans le même établissement, les taux de fermeture des blocs opératoires peuvent atteindre 40 % à 50 % sur certains sites.

Les personnels de ces établissements, dont l’engagement et les efforts sont si peu reconnus, portent à bout de bras notre système de santé. Les cas de troubles physiques et psychiques et d’épuisement professionnel se multiplient, et les nombreux départs aggravent progressivement la pénurie. Combien de temps tiendront-ils encore ?

Les services de secours, notamment les pompiers, rencontrent les mêmes difficultés. Mobilisés sans relâche face aux « mégafeux » qui ont touché la France, ils ont connu un été épuisant. Dans un contexte de dérèglement climatique, ils sont amenés à être toujours plus mobilisés. Plus de 66 000 hectares sont partis en fumée cette année à travers la France, touchant souvent le Sud-Ouest, mais désormais aussi la Bretagne ou les Vosges.

La situation est particulièrement dramatique outre-mer, où les appels à la réserve sanitaire se multiplient en même temps que les tensions sociales.

Les situations d’urgence sont de plus en plus nombreuses. À l’hôpital public, déjà en manque de ressources, vient s’ajouter l’actuelle épidémie de bronchiolite, qui sature les services d’urgences pédiatriques. Face à cette situation, le Gouvernement a, une fois encore, mis en place un plan d’urgence, le plan Orsan. L’été dernier, le Gouvernement recourait au mécanisme européen de protection civile pour faire appel au renfort de pompiers de quatre pays européens.

Nous le voyons : les pénuries de personnels entraînent mécaniquement une dégradation du service public, notre bien si précieux. Cette dégradation se traduit tôt ou tard par des drames auxquels nul ne saurait se résoudre. Dans la période actuelle, la moindre personne manquante peut désorganiser une équipe, entraîner une fermeture de lits supplémentaire et augmenter encore la charge de travail des personnels en place.

Dans ce contexte, les milliers de suspensions qui résultent de l’obligation vaccinale prévue par la loi du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire se montrent très pénalisantes.

Le nombre de suspendus est difficile à estimer. Ils seraient, selon les derniers chiffres publics, plus de 12 000. En tant que rapporteure, j’ai, bien sûr, fait des recherches. Mais même les cabinets ministériels ont peiné à me répondre précisément. En réalité, il ne s’agit pas que de chiffres, car un seul lit fermé, un seul personnel en moins peuvent avoir des conséquences dramatiques. Je peux en témoigner en tant qu’aide-soignante : lors d’une garde de nuit une ou un collègue supplémentaire peut tout changer pour la prise en charge d’un résident en Ehpad. Ainsi, qu’ils soient un ou plusieurs milliers, ces professionnels manquent cruellement à notre système de santé et de secours. Il serait irresponsable de renoncer à la moindre personne pouvant contribuer au fonctionnement du service public, dès lors qu’elle peut être réintégrée sans risque. Nous avons besoin de chaque paire de bras.

Malheureusement, la crise de confiance est profonde et l’incompréhension règne de part et d’autre, après plus d’un an de mise au ban de ces personnels, malgré leur souhait de prendre soin, qui est leur vocation. Les personnels suspendus peinent à comprendre le rejet persistant dont ils font l’objet, alors même que la plus grande partie des personnels vaccinés, dont je fais partie, n’est plus à jour sur le plan vaccinal et que l’on fait appel à des renforts étrangers qui échappent à toute obligation vaccinale.

Ma proposition de loi vise à sortir de cette situation par le haut, sans aucun dogmatisme. Elle prévoit de réintégrer ces personnels dans le cadre d’un protocole sanitaire strict. Elle se fonde sur une approche scientifique et s’inscrit dans une démarche de responsabilité. Ce faisant, elle entend soulager les services publics en limitant les pénuries, sachant que seul un effort budgétaire massif permettra de garantir durablement le bon fonctionnement de ces services. En ce sens, je sais bien que ma proposition de loi n’est pas une solution miracle, mais elle tente de trouver une transition acceptable.

Elle ne remet pas en cause l’obligation vaccinale, en un temps où l’épidémie persiste, mais elle prend acte du fait que la question de la réintégration des personnels suspendus se posera inévitablement. Elle vise ainsi à réconcilier et met en lumière la possibilité de retour de ces personnels sans risque épidémique, au moyen d’un protocole approuvé par les autorités sanitaires.

Le protocole que je propose, prévu à l’article 1er de ma proposition de loi, combine la présentation de tests négatifs et le port d’équipements de protection individuelle. En résumé, des tests virologiques seront effectués à chaque prise de poste pour garantir que le professionnel n’est pas porteur du virus, et le port d’un masque FFP2 sera systématique pour protéger le professionnel en cas de contact avec un malade.

Lors de son audition, la HAS a reconnu, devant plusieurs témoins, que ces mesures étaient de nature à protéger du risque épidémique. Il est fort dommage que l’explication de cette audition ait donné lieu à une polémique qui n’a pas lieu d’être. Chacune des personnes présentes a entendu la même chose que moi. Vous me connaissez assez pour savoir que je n’aurais jamais pu prendre à la légère un sujet qui me tient autant à cœur ni l’utiliser pour faire de la politique politicienne. En revanche, je ne comprends pas pourquoi la HAS, dans sa communication, a choisi d’occulter une partie des réponses qu’elle a faites lors de notre audition.

Je souligne également que ce protocole est tout à fait réaliste et ne rencontrera pas de difficultés particulières de mise en œuvre. C’est ce que nous a dit la Fédération hospitalière de France (FHF) elle-même, durant son audition, soulignant que tout était faisable et que les services avaient bien su s’adapter pendant toute la crise sanitaire. Qui plus est, la solution est évidemment temporaire.

Ma proposition ne vise donc pas, je le répète, à lever l’obligation vaccinale. Même si nous entrevoyons cette possibilité dans le futur, les autorités sanitaires nous indiquent que l’épidémie n’est pas stabilisée et qu’il est encore trop tôt pour cela.

Le protocole que je propose offre une porte de sortie aux personnels suspendus. Il leur permettra de rompre avec l’isolement auquel ils peuvent être sujets et de retourner faire le métier qu’ils aiment et pour lequel ils sont qualifiés. Il ne s’agit toutefois pas de faire comme si de rien n’était, puisque ce protocole est contraignant et implique un retour au travail sous conditions.

Pour que cette réintégration soit effective, l’article 2 de ma proposition de loi prévoit la gratuité des tests effectués et la disponibilité d’équipements de protection. La charge budgétaire qui en résulte sera cependant minime, étant donné le nombre de personnes visées.

Cette proposition de loi vise donc à sortir de cette crise et d’une situation d’hypocrisie dans laquelle la mise à l’écart des personnels non vaccinés n’est plus fondée, puisque nous savons désormais qu’ils peuvent être réintégrés sans risques. Finalement, la réintégration des personnels suspendus permettra de renouer avec la stratégie du « convaincre plutôt que contraindre », préconisée par l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Je ne suis d’ailleurs pas la seule aujourd’hui à préconiser la réintégration, à en croire les nombreuses propositions déposées en ce sens à l’Assemblée nationale et au Sénat. Le Président de la République a lui-même annoncé la réintégration à venir.

Mes chers collègues, je vous appelle à soutenir cette sortie par le haut de la crise actuelle. Dans l’attente d’un soutien d’ampleur à nos services publics, nous avons besoin de ces personnels. Chacun d’entre eux compte.

Mme la présidente Fadila Khattabi (RE). Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

M. Éric Alauzet (RE). Le groupe Renaissance s’opposera vigoureusement à cette proposition de loi qui vise à réintégrer les soignants non vaccinés, contre l’avis de la HAS, de la FHF, de l’Académie de médecine, des patients et des soignants eux-mêmes – rien de moins !

Madame la rapporteure, votre proposition a été jugée complexe, risquée – contrairement à ce que vous venez d’affirmer – et incertaine. De plus, elle soulève des interrogations éthiques.

Elle est difficile à mettre en œuvre, car vous instaurez deux catégories de personnels, qui seront soumises à des règles différentes, ce qui générera des incompréhensions et des tensions internes. Vous n’avez pas pris en compte les risques de désorganisation du service.

Votre position est, par ailleurs, risquée, car les masques et les tests antigéniques quotidiens sont insuffisants pour protéger d’une contamination et rien ne nous assure que les personnes concernées – qui, par définition, ne sont pas les plus coopératives – auront un comportement irréprochable à chaque instant de la journée et se priveront des pauses cigarettes ou du repas avec les collègues, circonstances désormais bien identifiées comme à risque.

Enfin, votre proposition est contestable sur le plan éthique, car elle dédouane les personnels qui refusent de donner la priorité à la sécurité des patients et de leurs collègues. Aucune information n’est d’ailleurs prévue à l’intention des patients et résidents quant au statut du professionnel qui les prendrait en charge.

Finalement, votre proposition pourrait conduire au résultat inverse à celui qui en est attendu : des professionnels exclus qui ne répondent pas favorablement à ces nouvelles contraintes, limitant ainsi le nombre de personnes réintégrées, des soignants vaccinés susceptibles de quitter leur poste et d’exercer un droit de retrait et des usagers qui refusent d’être pris en charge par des personnes non vaccinées.

En déposant un amendement de suppression, nous souhaitons en rester à l’avis de la HAS, d’autant que les effectifs concernés sont trop faibles au regard des défis et des carences.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). La proposition de loi de Mme Fiat est excellente en son principe, et nous en approuvons sans réserve le but. En effet, nous considérons depuis le début que l’exclusion des soignants non vaccinés est, au regard de la morale, une injustice et, du point de vue politique, un scandale d’État. Je me réjouis donc de constater que nous sommes proches d’y mettre un terme.

Les non-vaccinés ont été les boucs émissaires d’une politique gouvernementale où le mensonge le disputait à l’arrogance et au cynisme. On sait désormais qu’être vacciné n’empêche pas la transmission : on peut donc être triplement vacciné et attraper trois fois le covid. Être vacciné n’empêche pas davantage de transmettre le virus. C’est si vrai que la vaccination n’est plus obligatoire pour les Français, mais seulement recommandée pour les plus de 65 ans et les sujets dits « à risque ». Nos compatriotes sont d’ailleurs si peu convaincus de l’efficacité de ce vaccin que la campagne pour la cinquième injection ne rencontre pas un vif succès, de sorte que les millions de Français dont la vaccination remonte à plus de six mois ne sont plus couverts par sa très relative efficacité. Il n’y a donc pas de débat scientifique à avoir, et il est trop facile de continuer à se cacher derrière la HAS pour décider la réintégration.

Le Gouvernement refuse d’admettre qu’il a joué avec les peurs afin de mettre en place des mesures de coercition injustifiées et que, ce faisant, il a brisé des milliers de vies.

Nous voterons donc cette proposition de loi. Toutefois, si nous la soutenons, nous voulons aussi l’améliorer. Dans ce but, nous avions déposé une quinzaine d’amendements, dont certains ont été écartés pour des motifs qui nous semblent plus politiques que techniques. Nous en reparlerons donc dans l’hémicycle, le moment venu.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). S’il est désormais admis que, dans toute la France, l’application de la loi du 5 août 2021 a causé un tort considérable, ce phénomène se mesure au centuple dans les territoires dits d’outre-mer. Cette loi, a en effet, brutalement jeté à la rue des milliers de professionnels du soin et du secours, aggravant sensiblement les phénomènes de chômage endémique et de paupérisation, dans un contexte de vie chère. Il vous faut comprendre que les spécificités du marché du travail dans nos territoires rendent impossible toute réorientation professionnelle des personnels suspendus, à moins de les condamner à l’exil vers la France, qui amplifie la saignée démographique qui fait déjà tant de mal à nos territoires. Aux Antilles, notamment, le traumatisme laissé par le scandale du chlordécone est réactivé par l’obligation vaccinale et contribue objectivement à la faiblesse des taux de vaccination.

Désormais, dans nos territoires, on compte les morts et les blessés du fait des effets indésirables graves de la piqûre – laquelle, comme nous l’avons appris de la bouche même de la représentante de Pfizer devant des instances européennes médusées, n’a jamais été testée du point de vue de la contamination, ce qui fait s’écrouler l’argument fort sur lequel repose l’obligation vaccinale.

Désormais, dans nos territoires, on compte les morts de tous ceux qui n’ont plus accès aux soins et aux secours, faute de moyens humains en quantité et en qualité suffisante dans nos hôpitaux, nos Ehpad, nos établissements de santé et nos casernes de pompiers. Aujourd’hui, dans les territoires dits d’outre-mer, nous avons arrêté de compter les morts de toutes ces personnes laissées sans soins dans des hôpitaux embolisés, abandonnés par l’État depuis des décennies. Faut-il rappeler qu’il a fallu à l’État cinq semaines pour nous envoyer de l’oxygène et trois jours pour nous envoyer le GIGN ?

Alors, au nom de nos pères, de nos fils et des sains d’esprit qui demeurent encore dans cette assemblée, je vous exhorte tous à sortir des postures orgueilleuses de dirigeants hors‑sol incapables de remettre en cause la pertinence de leurs décisions.

Mme Josiane Corneloup (LR). Notre pays fait face à une pénurie sans précédent de personnels de santé. Faute de personnels disponibles, nous sommes confrontés à des déprogrammations d’interventions chirurgicales et à des fermetures de lits. De telles situations se comptent par milliers et plongent des malades et des familles entières dans la détresse. La loi du 5 août 2021 a donné l’ordre aux soignants d’avoir un schéma vaccinal complet avant le 15 octobre 2021, sous peine d’être suspendus, sans statut et sans revenus.

Depuis cette date, de nombreux soignants et pompiers français ont été suspendus parce qu’ils ont choisi d’exercer, comme tous les autres Français, leur libre choix à l’égard du vaccin. Des dizaines de milliers de héros du quotidien font ainsi cruellement défaut à notre hôpital déjà exsangue, ainsi qu’à notre chaîne de secours, déjà éprouvée par deux années de crise sanitaire.

La proposition de loi qui nous est soumise vise à réintégrer les personnels des établissements de santé et de secours non-vaccinés. C’est tout à fait essentiel, et cette proposition doit être examinée avec beaucoup d’attention. La suspension des personnels de santé devait être, par définition, temporaire, et aucunement définitive. Il est donc indispensable de supprimer le plus vite possible cette obligation vaccinale pour les soignants et de réhabiliter très rapidement ces milliers d’hommes et de femmes.

M. Philippe Vigier (Dem). Madame la rapporteure, je connais votre engagement sans faille pour les personnels soignants, en particulier dans les Ehpad, mais également à l’hôpital et dans les structures privées. Vous connaissez également le mien pour l’ensemble de ces professions. Je sais bien qu’à la suite des décisions que nous avons prises en 2021, 12 000 personnels n’exercent plus leur profession parce qu’ils ont fait le choix délibéré de refuser un schéma vaccinal. On peut certes toujours s’interroger sur la pertinence de ce dernier, mais je fais partie de ceux qui considèrent qu’il était indispensable, ne fût-ce que pour protéger ces personnels eux-mêmes.

Je ne reviendrai pas sur des moments que j’ai vécus personnellement, charnellement – vous savez très bien à quoi je fais référence. J’ai également, comme vous, exercé durant ces périodes. Je pense que les bonnes décisions ont été prises, même si je considère, comme vous et comme je l’ai dit à plusieurs reprises, que nous manquons de personnel et que se posent des problèmes de revalorisation – mais la question n’est pas là.

La question, c’est que la HAS a donné son avis, qui n’est pas favorable à la réintégration, et qu’elle sera saisie à nouveau, comme l’a annoncé le ministre Braun. Cette nouvelle saisine est nécessaire, ne serait-ce que pour voir s’il faut changer de doctrine. Quel signal enverrions-nous a toutes ces femmes et tous ces hommes qui travaillent dans les hôpitaux et dans les autres structures de santé et qui sont vaccinés, par exemple, contre l’hépatite B, si nous venions demain à leur expliquer qu’on peut, au nom de la liberté, refuser une vaccination ?

Il est indispensable de se protéger et de protéger les professionnels de santé, surtout au moment où ils sont si peu nombreux. Nous ne soutenons donc pas votre proposition de loi, même si nous en comprenons la pertinence, et nous nous rangerons à l’avis que rendra la HAS au début de l’année 2023.

M. Elie Califer (SOC). La question de la réintégration des non-vaccinés peut passionner. Elle divise les groupes sociaux, et même les groupes politiques. À ce titre, le groupe Socialistes et apparentés a voulu donner une totale liberté de vote à tous ses membres. C’est donc sans préjuger de la position de mon groupe que je m’exprime.

La loi du 5 août 2021 a donné au Gouvernement la faculté de suspendre certaines catégories professionnelles non vaccinées dans le but d’endiguer la crise sanitaire liée à la pandémie de la covid-19. L’application de cette obligation vaccinale a fortement perturbé le système hospitalier et la permanence des soins, particulièrement dans les outre-mer. Un an après, toutefois, il faut bien admettre que le contexte a changé : la France n’est plus en situation pandémique, l’état d’urgence sanitaire a pris fin le 31 juillet 2022 et la médecine maîtrise mieux les conséquences de la covid-19. Cette nouvelle situation sanitaire impose de mettre fin à la suspension, qu’il faudrait autrement considérer comme un outil punitif.

À cet égard, de nombreux États ont su se remettre en question. En Italie, par exemple, les médecins et infirmiers suspendus ont été réintégrés depuis peu. En Grèce, la suspension des soignants non vaccinés prendra fin le 31 décembre 2022 et le Gouvernement s’est dit, entre-temps, prêt à réfléchir à la réintégration du personnel administratif. Au Canada, la politique de la vaccination contre la covid-19 applicable à l’administration publique centrale a été suspendue le 20 juin 2022, tandis qu’en Espagne, le Gouvernement n’a jamais eu à adopter de telles mesures coercitives.

La position de la HAS est un avis, mais la littérature et les recherches scientifiques invitent tout de même à bien réfléchir à la pertinence politique du maintien de la suspension des personnels non vaccinés. La perte de l’efficacité du vaccin d’un côté et, de l’autre, la baisse de la vaccination mettent a priori vaccinés et non-vaccinés dans une situation comparable.

M. Thomas Mesnier (HOR). La crise du covid a fait réémerger le débat suranné de la confiance dans la science. Suranné, il aurait mieux fait de le rester, car ceux qui, par électoralisme, ont tenté d’escamoter les connaissances fondées sur la méthode scientifique portent la responsabilité des vies et de la santé de nos concitoyens touchés par le covid. Nous examinons aujourd’hui une proposition de loi qui, contre l’avis scientifique actuel, apporte une non-solution à un problème pourtant sérieux. Je connais votre engagement, madame la rapporteure, mais en proposant de réintégrer les soignants non vaccinés contre le covid, vous commettez plusieurs erreurs.

D’abord, il semble que les réponses de la Fédération nationale des sapeurs‑pompiers, de la FHF et de la HAS, que vous avez auditionnées pour connaître les positions des parties prenantes et de l’autorité compétente sur la vaccination obligatoire des soignants contre le covid, ont été claires : la première s’est dite favorable au maintien de la vaccination obligatoire contre le covid au même titre que pour les autres vaccins obligatoires, la deuxième estime que revenir sur cette position reviendrait à accorder une prime à la désobéissance et la troisième a déclaré qu’elle n’entendait pas remettre en cause l’obligation vaccinale avec cette proposition de loi alors que l’épidémie n’est pas encore maîtrisée. Le ministre de la santé a donc indiqué qu’il avait saisi la HAS pour que celle-ci émette un avis. La sagesse, dont vous ne semblez pas dépositaire aujourd’hui, madame la rapporteure, nous commande d’attendre, avant d’agir, que cet avis soit rendu.

La proposition de loi prétexte un prétendu renforcement des effectifs de santé dans le contexte de tension que nous connaissons mais, en réalité, 1 % seulement des soignants suspendus le sont au motif de la non-vaccination contre le covid. Une telle mesure ne pallie en rien le manque de soignants et ne peut pas entrer en ligne de compte pour justifier la mise en place de cette proposition.

Enfin, vous évoquez un protocole sanitaire renforcé qui consiste, en fait, à réinstaurer le passe sanitaire que vous avez combattu voilà quelques mois. Cette mesure coûteuse serait un mauvais signal envoyé aux patients comme aux soignants.

Le groupe Horizons et apparentés se rangera toujours du côté de la science et votera contre cette proposition de loi.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La réintégration des personnels suspendus est aujourd’hui une orientation partagée en Europe et, plus globalement, dans le monde. De fait, les suspensions et sanctions ont été très peu appliquées en Allemagne, tandis que des pays comme le Royaume-Uni ou la Belgique renonçaient à toute sanction. Le Québec avait préféré, pour sa part, en novembre 2021, renoncer à l’obligation vaccinale des soignants, au profit de tests fréquents pour les personnels non vaccinés. Le 2 novembre 2022, l’Italie a mis fin à l’obligation vaccinale des soignants, ouvrant la voie à la réintégration de près de 4 000 d’entre eux, comme le note le rapport.

En France, nos hôpitaux débordent et le manque de personnel est criant, a fortiori dans les outre-mer, où une proportion plus importante de soignantes et de soignants est concernée. Durant la crise du covid, certains personnels ont été réquisitionnés bien que porteurs du covid. Nous comprenons que les personnels de santé, parce qu’ils sont exposés à des personnes particulièrement fragiles et vulnérables, ont un devoir d’exemplarité, mais ce devoir pourrait précisément se matérialiser par l’acceptation de protocoles et de mesures de protection particuliers. Nous comprenons aussi la volonté de trouver une solution alternative pour réintégrer ces professionnels de santé suspendus depuis plus de quinze mois sans rémunération et privés d’exercer leur métier.

Nous entendons donc également les arguments contraires de celles et ceux d’entre nous qui défendent la protection des équipes hospitalières et des patients par l’obligation vaccinale des soignants, et pour qui le vaccin contre le covid s’ajoute à la liste des obligations vaccinales auxquelles est déjà soumis le personnel soignant hospitalier.

À titre personnel, je voterai pour cette proposition de loi, mais le groupe Écologiste - NUPES laissera à ses membres la liberté de vote.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Cette proposition de loi a le mérite de poser la question des personnels soignants suspendus de leurs fonctions dans le cadre de la mise en œuvre du passe sanitaire, puis du passe vaccinal. Notre groupe GDR-NUPES s’était opposé à ces passes, qui constituent un chantage infantilisant alors qu’il faudrait plutôt prendre à bras‑le‑corps le véritable problème d’un meilleur accès à la vaccination contre la covid.

La proposition de loi ne remet pas en cause l’obligation vaccinale, tenant compte de l’avis de la HAS, laquelle a en effet considéré, le 21 juillet dernier, que l’obligation vaccinale ne pouvait être levée au vu des indicateurs relatifs à l’évolution de la pandémie. Néanmoins, prenant acte de la situation catastrophique que représente le manque de soignants, la proposition de loi propose une alternative pour réintégrer dans leurs fonctions les soignants suspendus en contrepartie d’un protocole strict : tests de dépistage quotidiens, maintien des gestes barrières et port du masque FFP2.

La suspension du contrat de travail dans le cadre du passe sanitaire ou du passe vaccinal est une aberration en termes de droit du travail. Suspendre un contrat de travail ou y mettre un terme anticipé au motif que le salarié n’est pas en mesure de présenter une preuve de sa vaccination ou de sa non-contamination par la covid introduit la dimension du corps et d’un état de santé présumé dans les termes du contrat de travail subordonnant le salarié à l’employeur. Or, le code du travail dispose bien que seul un médecin du travail est habilité à faire valoir l’inaptitude temporaire ou définitive d’un salarié. L’employeur a alors l’obligation de prendre toutes les mesures objectives nécessaires et appropriées pour garantir aux salariés concernés la possibilité d’accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l’exercer ou d’y progresser. Les personnels suspendus, en revanche, n’ont plus aucun droit : ils ne perçoivent plus leurs salaires et, n’étant pas licenciés, ils ne peuvent pas faire valoir un droit à l’assurance chômage.

Une zone de non‑droit a été créé. Le minimum serait d’ouvrir une discussion avec les organisations syndicales pour y remédier, mais cette situation inédite doit cesser.

M. Olivier Serva (LIOT). Imaginez que, dans vos professions respectives, du jour au lendemain, vous soyez suspendus, sans salaire, avec des enfants à charge et un coût de la vie qui devient insupportable, a fortiori en outre-mer. Ce scénario catastrophe est la réalité pour plusieurs milliers de soignants, de professionnels médico-sociaux et de pompiers, qui frappent aujourd’hui aux portes de nos permanences, ne sachant plus à quel saint se vouer. Allons-nous continuer à les blâmer alors même que, voilà peu, nous les applaudissons à vingt heures et qu’il est admis que la vaccination ne protège pas nécessairement de la transmission du virus ?

L’Espagne, le Royaume-Uni, l’Allemagne ou la Belgique n’ont jamais emprunté cette voie de rigorisme sanitaire. L’Italie, qui avait suspendu ses soignants non vaccinés, les réintègre aujourd’hui. Qu’attendons-nous pour le faire en France ?

Si le ministère de la santé affiche depuis plusieurs mois l’intention d’étudier l’hypothèse d’une réintégration, ce sont, en coulisse, des départs en retraite anticipée ou des reconversions professionnelles qui sont proposés. Or, en Guadeloupe, il est impossible de reconvertir des milliers de professionnels alors que 20 % de la population est au chômage. Et il ne suffit pas de traverser la rue, car nous sommes entourés d’eau...

Au moment même où ce mauvais plan est savamment orchestré en vue de jouer la montre, nos établissements de santé sont au bord du précipice, mais nous nous privons de ces professionnels. Nous éprouvons par ailleurs une grande reconnaissance envers les professionnels vaccinés, volontairement ou par dépit, qui tiennent les digues de notre système de santé.

Nous devons mettre immédiatement un terme à l’injustice que subissent plusieurs milliers de familles. C’est la raison pour laquelle le groupe LIOT soutiendra la proposition de loi de Mme Caroline Fiat et de son groupe, dont nous saluons le travail transpartisan.

Finissons-en avec les postures politiciennes, les orgueils et les egos. Pensons à l’intérêt général, à nos soignants, à notre personnel médico-social et à nos pompiers. Pensons à la santé des Français.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions des députés.

Mme Justine Gruet (LR). En tant que députée du Jura, département dont la plus grande ville est Dole, ville natale de Louis Pasteur, je souligne que la société doit faire confiance à la science.

La réintégration des soignants créerait certes une injustice envers les personnes qui ont été vaccinées alors qu’elles n’en avaient pas nécessairement envie, mais une amnistie est nécessaire. En l’état actuel de l’épidémie, il faut en effet permettre à chacun de travailler.

Les tests de dépistage que la proposition de loi tend à imposer n’ont actuellement que peu d’intérêt, compte tenu du peu de différence qui existe entre un soignant vacciné sans rappel et une personne non vaccinée, et ne feraient qu’augmenter les dépenses d’assurance maladie. Je crois, en revanche, à l’importance des gestes barrières pour les personnes vaccinées comme non vaccinées et, surtout, à la responsabilisation de chacun en vue d’une protection renforcée pour les personnes à risque.

Quant à l’irrecevabilité de certains de nos amendements, relevée par M. Neuder, elle ne me semble pas justifié. Si Mme la présidente Braun-Pivet n’était pas favorable à nos amendements, j’auras préféré qu’ils soient discutés en commission et en séance plutôt que rejetés pour cause d’irrecevabilité.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Le débat aura lieu, mais il faut aussi que la loi soit bien faite et bien écrite.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Madame la rapporteure, votre proposition de loi peut paraître généreuse. Vous croyez à la rédemption et j’entends même parler d’amnistie, mais je suis un peu surpris, car la question qui se pose est de savoir si l’on croit ou non à la science, et au rôle de la HAS. Je suis un peu surpris, mais pas vraiment étonné, que des députés de la NUPES et du Rassemblement National se retrouvent contre la science.

Il est bon que le ministre demande un nouvel avis à la HAS, mais au nom de quelle expertise vous placez-vous au-dessus de cette dernière, même si c’est par générosité ou dans un souci de rédemption et d’amnistie ?

Soit on croit à la science, soit on n’y croit pas. Or, je crains que notre commission puisse, ce matin, s’opposer à la science. C’est très grave, et j’y vois un très grand recul pour notre pays.

M. Sébastien Delogu (LFI - NUPES). Je viens d’entendre, comme d’habitude, une énormité. Nous croyons bien évidemment à la science. Nous croyons aussi aux ministres... mais pas trop, car le Premier ministre Castex avait affirmé sur TF1 que les personnes vaccinées n’avaient plus de chances d’attraper la maladie, alors que nous savons toutes et tous que c’est faux.

La liberté de disposer de son corps devrait normalement s’imposer, et c’est ce que prônent chaque jour les soignants. Il faut des années pour connaître les effets d’un vaccin sur le corps, et vous savez très bien que le vaccin n’est plus efficace face aux variants.

Dans une situation catastrophique où des blocs opératoires et des services entiers ferment, nous soutiendrons la proposition de réintégration des soignants avec un protocole sanitaire strict, qui permettrait de pallier le problème que rencontre notre pays et de soulager enfin ces hommes et ces femmes qui n’ont plus aucun droit – ni chômage ni rien du tout.

M. Yannick Neuder (LR). Ne tombons pas dans la caricature qui opposerait ceux qui croient à la science et ceux qui n’y croient pas. Soyons pragmatiques : alors que de nombreux intervenants ont invoqué la protection des soignants et des patients, il arrive que, dans la réalité, compte tenu des problèmes d’effectifs, on demande de venir travailler à une infirmière ou une aide-soignante porteuse du covid mais présentant peu de symptômes. Vous nous parlez de risques, mais par qui préférez-vous être soignés : par une infirmière non vaccinée qui n’a pas le covid ou par une infirmière vaccinée qui l’a ? Voilà la difficulté du quotidien, et la question n’est pas de savoir si l’on croit ou non à la science. Il ne faut pas utiliser la HAS pour cacher des questions qui sont d’ordre politique, et non pas scientifique.

Puisque vous me l’avez demandé, je vous rappelle, chers collègues, que l’avis de la HAS porte sur l’obligation vaccinale des soignants, mais pas sur leur réintégration, qui n’est pas une question scientifique. La question scientifique, c’est la vaccination, et ce n’est pas dans le pays de Pasteur que nous allons la remettre en cause. Je suis pro-vaccination : n’essayez pas de m’embarquer dans un autre discours et ne faites pas dire à la HAS ce qu’elle n’est pas mandatée pour dire.

Toutefois, si la HAS est pour la vaccination, la réintégration des personnels non vaccinés n’est pas un choix scientifique. La science varierait-elle d’un côté à l’autre de la frontière ? De fait, dans la partie de la région Auvergne-Rhône-Alpes dont je suis élu, frontalière de la Suisse, les personnes qui habitent Annecy vont travailler tous les jours à Genève, où les autorités ont permis aux personnes non vaccinées de revenir travailler. N’incriminons donc pas la science : il s’agit ici d’une responsabilité politique.

Mme Monique Iborra (RE). Nous sommes au pied du mur et nous devrons trancher. Qu’on le veuille ou non, la science intervient ici. Il est erroné de présenter les soignants ayant refusé d’être vaccinés comme des victimes. Ils ont délibérément décidé de ne pas être vaccinés et il faut assumer les décisions que l’on prend.

Par ailleurs, certains collègues, parmi lesquels je n’inclus pas Mme Fiat, me semblent être partis à la chasse aux voix. Ce qui est grave, c’est qu’ils reprennent à leur compte des arguments complotistes, en citant des pays où le complotisme s’est bien moins développé qu’en France. La liberté de vote n’excuse pas tout.

M. Jean-François Rousset (RE). Les générations qui ont connu, avant la mise au point d’un vaccin, des maladies telles que la poliomyélite, qui engendrait des déformations et de multiples opérations, rendait la vie impossible et interdisait de se baigner l’été dans les rivières par crainte du virus, ne comprendraient rien à ce débat.

Le problème n’est pas de croire ou non en la science : la plupart des vaccins ont été découverts de façon empirique. Il suffit de se souvenir de l’histoire de la variole... L’histoire de la vaccination est une histoire magnifique. Comment imaginer que nous en débattions pour stigmatiser les uns ou les autres en raison d’une décision prise sur la base d’arguments relevant du complotisme ? Ma génération, qui a connu la poliomyélite sans vaccin, vous le dit : ne commettons pas cette erreur !

Mme Caroline Janvier (RE). J’abonde dans le sens de mes collègues qui ont évoqué le rapport à la science. Il s’agit ici de l’importance des vaccins dans notre dispositif de lutte contre l’épidémie de covid et de la façon dont ils sont efficaces et non dangereux. Certes, ils ont des effets secondaires, mais leurs bénéfices leur sont supérieurs, et ils sont moindres que les effets du covid.

Chacun a été en contact avec des associations qui versent dans le complotisme, confondant et amalgamant les sources d’information. J’ai entendu des gens dire qu’ils préféraient se fier à une vidéo YouTube qui fait l’objet d’un nombre de likes important plutôt qu’aux recommandations d’autorités scientifiques nationales, telles que la HAS, ou internationales, telles que l’OMS. Nous devons, à l’Assemblée nationale, remettre les pendules à l’heure, en disant clairement que nous préférons nous fier à ce que disent la science et les autorités plutôt qu’à tel ou tel Youtubeur.

Les professionnels de santé qui travaillent dans les hôpitaux font partie du système de soins. Des enseignants contestant les règles de conjugaison ou de grammaire n’auraient pas leur place dans un système d’éducation. De même, une infirmière disant à un patient que le vaccin est dangereux – elle le pense dès lors qu’elle refuse d’être vaccinée – n’a pas sa place dans le système de soins du pays de Pasteur.

M. Louis Boyard (LFI - NUPES). Chers collègues du groupe Renaissance, je me réjouis de vous entendre louer la science. Je vous invite donc à écouter les experts du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), qui appellent à agir plus rapidement contre le réchauffement climatique. Si vous faites à ce point confiance à la science, suivez les recommandations du rapport du GIEC !

J’ajouterai aux citations qui précèdent celle-ci : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme ». La science, c’est les rapports des scientifiques ; la conscience, c’est nous, la représentation nationale. Dire que nous n’avons ni à réfléchir ni à interroger notre conscience, qu’en somme nous n’avons pas notre mot à dire, c’est entrer dans un processus dangereux.

Qui ici dit qu’il ne croit pas à la science ? Qui ici tient des propos complotistes ? Personne ! Le débat est autre : les personnes suspendues au motif qu’elles ont refusé d’être vaccinées le sont depuis si longtemps qu’il ne sera pas finalement possible de les convaincre. La situation est intenable ! En outre, le protocole proposé par la rapporteure respecte toutes les recommandations scientifiques. Vous ne suivez plus la science ?

Par ailleurs, ayez conscience qu’il y a des gens derrière tout cela. En prononçant leur suspension, vous les avez enfermés dans la précarité. Ils attendent de savoir si vous allez changer leur vie.

Le groupe Horizons explique qu’il ne s’agit que de 1 % des personnels soignants. Nous ne sommes pas les législateurs d’un tableur Excel, mais d’un pays, qui a des réalités ! À l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, que j’ai visité, la réintégration d’une seule personne changerait énormément de choses pour le service concerné. Même si dans votre philosophie excellienne, cela vous semble dérisoire, sachez que j’ai, dans ma circonscription, un hôpital qui est preneur d’un soignant en plus.

Enfin, notre proposition recueille l’adhésion populaire : 74 % des Français sont favorables à la réintégration des pompiers non vaccinés et 72 % à celle des soignants non vaccinés.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Les décisions dont nous débattons ont été prises au cœur de la crise, à un moment où notre visibilité sur ce qui nous arrivait était faible, dans une forme d’urgence et de contrainte. Elles n’ont pas été partagées par tous et partout. Nous faisions partie de ceux qui contestaient le choix du passe vaccinal.

Nous avons plus de recul aujourd’hui. Certes, la crise n’est pas finie. Le virus circule encore et j’appelle à prendre les mesures nécessaires, dont la vaccination fait partie, pour s’en protéger. Toutefois, il n’est pas incongru de nous interroger à la lumière des résultats obtenus par les décisions précitées. Il me semble que nous pouvons tomber d’accord sur ce point.

Par ailleurs, la décision d’exclure les soignants non vaccinés a créé pour eux une situation de non‑droit, à tout le moins de hors‑droit. Le Gouvernement et l’administration ne peuvent l’ignorer. Ou bien les personnes concernées ont commis une faute, ce qui appelle des décisions d’une autre nature, ou bien elles n’en ont pas commis, et il faut également appliquer des décisions différentes de celles qui ont été prises.

On ne peut pas s’affranchir ainsi du droit du travail, ou a minima d’une négociation avec les représentants du personnel. On ne peut pas laisser le problème sous le tapis, dans cette zone grise. La discussion sur ces enjeux mérite d’être poursuivie.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). Heureusement que les experts, dont ceux de la HAS, éclairent nos décisions lorsque nous faisons la loi !

Madame la rapporteure, vous proposez une réintégration sous conditions, avec un protocole sanitaire contraignant et coûteux. Ancienne professionnelle de santé, je sais que lorsque l’on devient soignant on a des obligations – dont celle de se faire vacciner, aussi bien lors du recrutement que durant la vie professionnelle. On a aussi une éthique professionnelle, qui consiste à se protéger et à protéger les autres. Il y a enfin une responsabilité juridique si l’on contamine quelqu’un. La situation des personnels non vaccinés est compliquée, mais ils ont fait un choix – difficile peut-être – dont ils doivent assumer la responsabilité.

Les fermetures de lits ont de multiples causes. Réintégrer les soignants non vaccinés, dont le nombre est limité, ne permettrait malheureusement pas d’améliorer la situation.

Enfin, il faut s’interroger sur le message qu’on enverrait aux professionnels de santé qui ont accepté de se faire vacciner, parfois avec beaucoup de crainte. Je salue leur dévouement, leur courage et leur respect des règles.

Mme Fanta Berete (RE). Les personnes qui vont à l’hôpital sont fragiles. En 2018, j’ai été dans un service de réanimation et hospitalisée pendant quatre mois et j’ai gardé des séquelles au niveau des alvéoles pulmonaires. Ceux qui venaient me rendre visite alors portaient un masque FFP2. À chaque fois que je retourne à l’hôpital pour suivre mon traitement, je suis rassurée de savoir que toute l’équipe qui s’occupe de moi est vaccinée. Je crois à la science.

En période de crise sanitaire ou en temps de guerre, les autorités prennent des décisions. Nous avons suivi celles de la HAS et nous devons continuer à le faire.

 

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Ce sujet est sensible et j’invite chacun à sortir de la caricature. J’ai été choquée par les propos de notre collègue Isaac-Sibille. Nous essayons tous de faire preuve de nuance et s’il y a des complotistes, il y a surtout beaucoup de gens qui ont peur. La santé relève de l’intime et soulève les questions de l’information et du consentement. Tout cela n’est pas si simple.

Nous discutons de la politique de santé publique et notre rôle est de faire des choix. Mais soyons exemplaires et respectueux des différences d’opinion, car ce sont celles de millions de Français. Il faut prendre garde de ne pas mépriser ceux qui ont peur.

 

 


Réunion du mercredi 16 novembre 2022 à 15 heures

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 16 novembre 2022, la commission poursuit l’examen de la proposition de loi portant réintégration du personnel des établissements de santé et de secours non-vacciné grâce à un protocole sanitaire renforcé (n° 322) (Mme Caroline Fiat, rapporteure) ([27]).

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Notre débat gagnerait à tenir compte du fait que la médecine, les thérapeutiques, les remèdes sont des questions à caractère social. Il y a eu plusieurs façons de traiter la prévention, en l’espèce les injections vaccinales : le Portugal, par exemple, a un taux de vaccination record sans avoir opté pour la contrainte.

L’argumentaire de la rapporteure soulève la question de la conception de la santé. Il n’y a pas deux camps, pour ou contre les vaccins, s’agissant de l’efficacité du produit, de son usage ou de son sens. La médecine est sociale. Nous devons faire avec les croyances et les convictions des patients. En l’occurrence, la confiance, vous n’avez pas su la gagner. Dont acte. Peut-être faut-il en chercher la raison dans l’absence de plan sanitaire pour le traitement du « covid long » ou dans les fortes difficultés financières des départements pour financer des vaccins qui ne sont pas remboursés, comme le Bexsero contre la méningite !

Au fond, notre débat porte sur l’efficacité de nos politiques de santé publique.

M. Emmanuel Fernandes (LFI - NUPES). Il convient de dépassionner le débat. Il n’oppose pas, comme nous l’avons entendu ce matin, ceux qui croient en la science et ceux qui n’y croient pas. Le texte que nous examinons ne conteste pas l’utilité du vaccin ; il ne supprime pas l’obligation vaccinale pour les personnels de santé. Il est pragmatique et raisonnable. Il permet de faire le lien entre deux états de fait.

D’un côté, les hôpitaux, pour ne parler que d’eux, sont confrontés à une criante pénurie de personnel. Certes, la réintégration des soignants non vaccinés ne réglera pas cette situation critique, ce pour quoi nous proposons d’autres mesures ambitieuses. Toutefois, il demeure préférable d’être soigné par quelqu’un qui est protégé par un protocole renforcé que ne pas être pris en charge du tout comme cela arrive de façon de plus en plus fréquente, récemment encore au Nouvel hôpital civil de Strasbourg. Nous avons entendu ce matin que le protocole renforcé prévu par le texte pourrait déstabiliser les services. Mais parfois, c’est l’absence d’une seule infirmière qui déstabilise un service et qui dégrade la prise en charge.

De l’autre côté, environ 12 000 personnels de santé sont empêchés d’exercer, ostracisés, mis au placard, non rémunérés, placés hors du droit du travail.

Ce texte raisonnable et pragmatique permet de sortir par le haut de cette situation. À défaut, allons-nous licencier les personnels non vaccinés ? J’en doute. Le Président de la République lui-même déclarait fin avril qu’ils seraient réintégrés une fois passée la phase aiguë de la crise. Les travaux de Frédéric Pierru, chercheur au CNRS, ont démontré que plusieurs centaines de soignants d’un hôpital de l’est du pays n’ont pas de schéma vaccinal complet. Le pragmatisme caractérise d’ores et déjà la prise en charge des patients.

Mme Annie Vidal (RE). Comme l’a rappelé la Haute Autorité de santé (HAS) dans son avis, l’obligation vaccinale s’impose aux soignants et conditionne leur recrutement. Par ailleurs, l’Académie nationale de médecine est fermement opposée à la réintégration des professionnels non vaccinés pour ne pas exposer davantage les personnes fragilisées et pour maintenir le lien de confiance entre soignants et soignés. Il importe de conserver cette approche raisonnable sans dévier vers le débat, distinct, sur la pénurie d’effectifs.

Mme la rapporteure. Dans mon propos liminaire, j’ai précisé à quatre reprises que la présente proposition de loi ne vise pas la levée de l’obligation vaccinale des soignants. Voilà la cinquième.

Monsieur Alauzet, je suis très embêtée. Vous dites que mon protocole ne protège pas. Mais je dois vous avouer que je ne l’ai pas inventé : je l’ai emprunté au gouvernement Castex, qui l’avait associé au passe vaccinal. Ou bien vous considérez que le gouvernement Castex a mis en danger la population, ou bien ce protocole protège correctement.

La HAS, qui a rendu officiellement son avis en juillet, était alors défavorable à la levée de l’obligation vaccinale. Elle a été saisie à nouveau et ne semble pas figée dans sa position. Le taux d’incidence demeure élevé. Mais l’obligation vaccinale finira par être levée et les personnels non vaccinés réintégrés. Lors de leur audition, les membres de la HAS ont dit ceci : « Le protocole proposé par la rapporteure est de nature à protéger du risque épidémique ». Et ils ont bien précisé que cet avis sur la réintégration était d’ordre sanitaire et non politique.

Monsieur Vigier, vous avez rappelé que les soignants doivent être vaccinés contre d’autres maladies que le covid‑19. J’ai été l’une des premières à être vaccinée contre le covid‑19, mais je tiens à rappeler que tous les vaccins ne se ressemblent pas. Le vaccin contre l’hépatite exige trois injections puis un rappel cinq ans plus tard ; en l’espèce, il s’agit plutôt d’une injection tous les quatre à six mois, qui se rapproche d’un vaccin contre un virus saisonnier. À ma connaissance, la vaccination des soignants contre la grippe n’est pas obligatoire.

Monsieur Mesnier, vous m’avez accusée de mettre en danger les patients par électoralisme. Non. Mon protocole est renforcé, voire strict. La Fédération hospitalière de France et la HAS recommandent le maintien de l’obligation vaccinale, dites-vous ? Je le répète : ma proposition de loi ne supprime pas l’obligation vaccinale. Elle offre une porte de sortie, qu’il faudra bien trouver, en protégeant autant le patient que le soignant. Quant à la chasse aux voix et aux arguments complotistes, mes positions passées suffisent à prouver que j’y suis étrangère.

Madame Dubré-Chirat, vous indiquez qu’un soignant qui contamine un patient peut voir sa responsabilité juridique engagée. Mais alors, quid des soignants auxquels on demande de travailler alors qu’ils sont positifs au covid ?

Mon texte n’a rien à voir avec une levée de l’obligation vaccinale. Il offre une porte de sortie à 12 000 personnes qui veulent travailler et qui ne mettront en danger ni leurs collègues ni les patients.

Article 1er : Réintégration du personnel suspendu dans le cadre d’un protocole sanitaire spécifique

Amendements de suppression AS12 de M. Philippe Juvin et AS20 de M. Éric Alauzet.

M. Philippe Juvin (LR). Pour que les choses soient claires, disons d’emblée que chacun ici cherche une solution raisonnable, avec bonne volonté, et que personne ne veut mettre quiconque en danger. Mon amendement vise à supprimer l’article 1er qui me semble dangereux, pour plusieurs raisons.

Premièrement, l’argument selon lequel la réintégration des personnels non vaccinés permettra aux hôpitaux de mieux fonctionner ne résiste pas à l’examen des chiffres. Au demeurant, nous ignorons le nombre exact de personnes concernées. D’après le Conseil de l’ordre national des infirmiers, il est de l’ordre du millier, soit une dizaine de personnes par département.

Deuxièmement, comment persuaderons-nous les gens de se faire vacciner en cas de nouvelle vague, si nous les autorisons aujourd’hui à ne pas l’être ?

Troisièmement, des médecins, infirmiers, aides-soignants sont morts du covid‑19. Nous sommes dans l’obligation de protéger les soignants, quand bien même l’efficacité du vaccin contre la transmission du virus est relative, voire nulle. Nous devons envoyer le signal, exiger des soignants vaccinés dans leur intérêt, comme nous le faisons pour d’autres maladies.

Quatrièmement, il y va du poids de la science. Accepterait-on qu’un Français engagé dans l’armée affirme haut et fort ne croire ni à la patrie ni à certaines valeurs ? Qu’un soignant ne croie pas en la science et considère les vaccins non fiables n’est pas acceptable.

Telle est ma position personnelle, qui n’engage pas mon groupe.

M. Éric Alauzet (RE). J’aimerais mettre en regard les périls que fait courir la proposition de loi et ses bénéfices très incertains. Elle induit un risque sanitaire face auquel la HAS, parmi d’autres, préconise le maintien de l’obligation vaccinale. Certes, mieux valent des masques et des tests que rien du tout, mais le vaccin est supérieur, et l’association des trois encore davantage. Le protocole proposé protège insuffisamment par rapport au vaccin.

Par ailleurs, la proposition de loi risque de désorganiser les services hospitaliers en introduisant deux régimes de gestion des personnels, ce qui peut provoquer des tensions. Du point de vue éthique, elle est injuste envers ceux qui ont fait l’effort de la vaccination.

Quant aux bénéfices, ils méritent examen. Parmi les 10 000 à 12 000 personnes concernées, certaines ont saisi l’occasion pour avancer un peu leur retraite. Ceux-là, on ne les reverra pas, obligation vaccinale ou non. Ceux qui envisageaient de changer de métier ne reviendront pas davantage. Votre protocole ne permettra donc de récupérer que peu de gens. Parmi les autres, une bonne partie, très opposés à la vaccination comme à beaucoup d’autres choses d’ailleurs, auront sans doute du mal à se plier aux contraintes que vous entendez imposer – le port du masque et le test quotidien. En revanche, vous ferez partir des soignants vaccinés, qui considéreront cette réintégration comme une injustice et un risque pour eux-mêmes. Quant aux patients, ils seront nombreux à refuser d’être soignés par des gens qui ne sont pas vaccinés.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Mon texte ne menace pas l’obligation vaccinale. Il permet une réintégration des soignants non vaccinés sans risque. L’argument selon lequel il risque de désorganiser les services m’amuse, dès lors que vous arguez aussi que très peu de personnes sont concernées. En réalité, mon texte permet simplement aux établissements de soins de récupérer une aide-soignante, une infirmière, un cuisinier, un agent technique ou administratif qui manque cruellement.

Par ailleurs, les soignants suspendus qui envisageaient de changer de métier ont déjà démissionné. Il y a bien 12 000 soignants suspendus qui attendent leur réintégration. Il faut sortir par le haut de cette situation.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous voterons les amendements de suppression. Dans l’organisation des soins, l’une des exigences absolues est de soigner les malades, mais protéger les soignants en est une autre. Or, la vaccination permet d’éviter les formes graves du covid‑19.

Par ailleurs, dire que la réintégration des soignants non vaccinés ne modifie en rien l’obligation vaccinale est contradictoire. Cela introduit une dichotomie avec les nouveaux entrants, nuisible à l’organisation des services.

Enfin, vous imaginez-vous devoir faire un test chaque jour ? N’importe qui en aurait assez au bout de quinze jours. J’en ai fait des milliers pour protéger mes patients, ce n’était pas une partie de plaisir.

Mme Caroline Janvier (RE). Madame la rapporteure, vos propos sur la HAS sont faux, comme l’a écrit Libération le 9 novembre. Vous venez de dire qu’elle avait validé votre protocole, après avoir dit en séance publique qu’elle avait changé d’avis sur la réintégration des soignants non vaccinés. C’est faux ! Je voudrais que vous cessiez d’induire en erreur ceux qui suivent nos débats. La HAS n’a jamais rien dit de tel. Elle a rappelé que l’obligation vaccinale fait partie de la stratégie de lutte contre la contamination. S’agissant de votre protocole, ses représentants ont déclaré, à la fin de leur audition, qu’il est cohérent mais ne satisfait pas à l’obligation de protection des personnels et des patients.

Vous dites que votre texte ne menace pas l’obligation vaccinale. Permettez-moi de vous rappeler que, lors de nos débats sur l’affaire Orpea, vous étiez la première à dire qu’une obligation dépourvue de sanction n’avait aucune valeur. Vous étiez même prête à nationaliser les Ehpad privés à la moindre erreur. Et voilà que vous prétendez maintenir l’obligation vaccinale en réintégrant ceux qui ne s’y soumettent pas et sans prévoir la moindre sanction ! Cessez de tenir des propos faux, de dire tout et son contraire. Votre proposition de loi remet en cause la vaccination comme l’obligation vaccinale. Assumez votre position démagogique, anti-vaccin et qui fait fi de la science.

M. Thibault Bazin (LR). Ce débat a traversé notre société il y a quelques mois. Il ne faut pas se tromper de sujet. La question n’est pas de savoir si l’on croit en la science ou si la vaccination protège des formes graves de la maladie, ce qui semble acquis. C’est de savoir si, compte tenu de l’évolution du virus, dont les variants se propagent de plus en plus vite mais perdent en agressivité, la réintégration des soignants non vaccinés est envisageable. Cette question légitime ne se pose pas uniquement pour les établissements de soins : les services à domicile et les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), qui font appel à des volontaires, ont été les plus affectés par les refus de l’obligation vaccinale.

Par ailleurs, les soignants non vaccinés qui ont été contaminés à chaque vague ou presque ont développé des anticorps. Leur situation, et celle des candidats au recrutement, pourrait être réexaminée à la lumière de sérologies. Il faut élargir le débat et ne pas caricaturer les positions des uns et des autres.

Mme Monique Iborra (RE). La question est en effet complexe ; évitons de la compliquer davantage ! Madame la rapporteure, ce que vous pensez et proposez n’est pas en cause. Le problème est que rien ne démontre que les soignants qui ont refusé d’être vaccinés accepteront de se plier aux contrôles que vous prévoyez. Moi-même, j’aurais du mal à accepter un test chaque jour. Cela pourrait donc provoquer des problèmes d’organisation.

Par ailleurs, nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que les parlementaires ayant soutenu l’obligation vaccinale ont été ciblés, voire insultés par des groupes de pression. Je ne dis pas que vous en êtes, mais un tel texte ne peut que les encourager. L’Assemblée nationale ne peut pas communiquer ce signal.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Le signal serait aussi d’instiller le doute sur l’utilité du vaccin – qu’il n’a pas servi à grand-chose, qu’il ne sert plus à rien, qu’au surplus les personnels de santé sont immunisés... Tout cela alimente le sentiment de défiance à l’égard de la vaccination, au demeurant antérieur à la crise, qui incite des parents à soustraire leurs enfants aux campagnes et qui a obligé à introduire l’obligation vaccinale. Insidieusement, on accrédite l’idée que les vaccins sont un danger. Souvenons-nous de la situation quand ils n’existaient pas !

Nous rejetterons donc ce texte, qui remet bel et bien en cause l’obligation vaccinale ainsi que l’intérêt même de la vaccination.

M. Thomas Mesnier (HOR). Lors de leur audition, les représentants de la HAS ont déclaré ne pas entendre remettre en cause l’obligation vaccinale. La proposition de loi tend à la contourner. Elle en signe la fin, en la doublant d’un passe sanitaire assez surprenant compte tenu des positions de La France insoumise depuis deux ans sur ce point.

Le groupe Horizons et apparentés votera les amendements de suppression. Madame la rapporteure, contrairement à ce que vous semblez croire sincèrement, votre texte implique la fin de l’obligation vaccinale, à rebours des données scientifiques dont nous disposons.

M. Yannick Neuder (LR). J’aimerais que l’on cesse de faire dire à la HAS ce qu’elle n’a pas dit et qu’on la laisse jouer son rôle de conseil scientifique. Elle maintient l’obligation vaccinale. En 2020, lorsque personne n’avait développé une immunité, une stratégie vaccinale était nécessaire. Elle a permis de sauver des millions de vies.

Du point de vue de l’offre de soins, mieux vaut, pour les patients, avoir une infirmière qui n’a pas le covid‑19, vaccinée ou non, que pas d’infirmière du tout. Or, la pénurie d’infirmières est telle que les personnels touchés par le covid‑19 mais exempts de symptômes sont au travail. L’argument du risque sanitaire ne tient pas.

J’ai l’impression que nous jouons le match retour du passe sanitaire. On se trompe. Les autres pays européens – Suisse, Allemagne ou Italie – y ont renoncé. Une infirmière non vaccinée a acquis une immunité. Une sérologie suffirait à démontrer qu’elle a sans doute plus d’anticorps qu’un individu vacciné n’ayant pas fait ses rappels. Ne rentrons pas dans tout cela. Je ne suis pas favorable à l’obligation de porter des masques FFP2 et de faire des tests ou des sérologies. Il faut laisser les services s’organiser. Le vrai problème, c’est le manque de soignants pour les patients.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Ce texte n’a pas pour objet la levée de l’obligation vaccinale – et je le regrette car je l’aurais votée ! Il ne faut pas se tromper de débat : il s’agit, en l’occurrence, de répondre à un problème d’offre de soins. Certains affirment que le nombre de soignants concernés est infinitésimal. C’est peut-être vrai en Europe mais, outre-mer, les carences en matière d’accès aux soins appellent à plus de gravité. L’absence de soignants dans les hôpitaux, dans le secteur de l’hospitalisation à domicile et chez les sapeurs-pompiers fait peser un péril sur les habitants de nos territoires, qui sont aussi la France. Vous devez le prendre en considération.

Madame Janvier, je vous rappelle que vous étiez aussi favorable au principe d’obligation sans sanction lors de nos débats sur l’affaire Orpea.

Mme Annie Vidal (RE). Supposons que l’on vote la proposition de loi et que l’on réintègre les soignants non vaccinés. Un hôpital serait alors tenu, sous peine de commettre une discrimination, de recruter un professionnel non vacciné si son profil correspond exactement à la fiche de poste. Mais, ce faisant, il violerait l’obligation vaccinale. Votre texte entraîne donc bien une remise en cause de cette obligation.

Mme Justine Gruet (LR). Le texte s’applique-t-il aux professions médicales et paramédicales libérales ? Son titre laisse penser que non.

Par ailleurs, le problème fondamental est que l’on interdit aux soignants non vaccinés de travailler. Si on ne peut pas les réintégrer dans leur poste, on pourrait leur permettre d’exercer un autre métier ou de travailler dans un secteur où il n’y a pas d’obligation vaccinale.

M. Philippe Juvin (LR). Ce n’est pas une question d’offre de soins car le nombre de personnes concernées est trop faible pour changer la donne dans les établissements.

D’une part, il nous faut protéger les soignants. Or, s’ils ne sont pas vaccinés, ils sont exposés. D’autre part, il faut prévenir les contaminations. La question de savoir si on transmet moins la maladie lorsqu’on est vacciné reste en débat. Le fait qu’une personne vaccinée ait dans la gorge une charge virale moins importante peut laisser penser qu’elle transmet moins le virus, mais il n’y a pas de preuve scientifique dans un sens ni dans l’autre, et cela ne peut donc servir d’argument. Enfin, pour répondre à Mme Gruet, j’ai déposé un amendement permettant la réintégration des personnes non vaccinées sous réserve qu’elles ne soient pas en contact avec les patients ou les usagers.

M. Éric Alauzet (RE). Madame la rapporteure, vous ne cessez de répéter que votre proposition de loi ne remet pas en cause l’obligation vaccinale. Mais vous savez que c’est un point faible. C’est comme si vous disiez maintenir les limitations de vitesse sur les routes sans obligation de les respecter ! La vaccination devient, par le fait, facultative, sans parler du signal envoyé sur son utilité. Cela étant, nous sommes bien sûr tous préoccupés par le manque de personnel dans les établissements.

Mme la rapporteure. Monsieur Vigier, madame Iborra, on travaille généralement douze heures d’affilée, trois jours par semaine : il ne s’agira pas d’effectuer un test quotidien.

Madame Janvier, vous étiez absente lors de l’audition des représentants de la HAS. Mais onze personnes étaient présentes, dont un collaborateur de votre groupe. Je répète ce qui a été dit clairement : « Le protocole proposé par la rapporteure est de nature à protéger du risque épidémique ». J’ai répondu : « Donc, pour vous, il n’y a pas de danger ? » Ils m’ont répondu par la négative, je les ai remerciés pour leur avis favorable et ils ont acquiescé. Si vous voulez vraiment mettre en doute ma parole, venez aux auditions !

La Haute Autorité a bien précisé qu’elle ne donnerait jamais d’avis sur la réintégration des soignants car c’est une question politique, mais qu’elle se prononçait sur les aspects sanitaires. Et ne me dites pas que je suis anti-vaccin alors que j’ai été parmi les premiers à me faire vacciner, parce que j’exerçais en réanimation, et ce malgré la restriction d’âge que vous aviez fixée.

Monsieur Bazin, madame Gruet, tout le monde est concerné par cette proposition de loi, y compris le personnel des services de soins infirmiers à domicile et des Sdis, les libéraux et les aides à domicile.

Madame Vidal, ce texte vise à « réintégrer » les personnels suspendus : il s’agit bien de ceux qui ont déjà un poste.

Enfin, madame Janvier, une suspension d’un an est déjà une sanction considérable et en plus de cela, nous proposons un protocole sanitaire renforcé.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS10 de M. Philippe Juvin, AS28 de Mme Caroline Fiat et AS8 de M. Frédéric Falcon tombent.

Article 2 : Accès du personnel réintégré à des tests de dépistage et des équipements de protection individuelle gratuits

Amendements de suppression AS11 de M. Philippe Juvin, AS19 de M. Victor Catteau et AS21 de M. Éric Alauzet.

M. Philippe Juvin (LR). L’article 2 est relatif aux tests de dépistage. Puisque nous avons supprimé l’article 1er, il est cohérent de faire connaître le même sort à l’article 2, qui en constitue la conséquence logique. De la même façon que les professionnels doivent être vaccinés contre le tétanos, il faut les vacciner contre le covid‑19. On vaccine les soignants avant tout pour eux-mêmes.

M. Victor Catteau (RN). L’article 2 définit les modalités d’application des dispositions de l’article 1er. Étant opposés à la conditionnalité de la réintégration du personnel soignant non vacciné, nous demandons sa suppression.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. C’est ce protocole qui permet une sortie par le haut.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement AS5 de M. Frédéric Falcon tombe.

Article 3 : Gage financier

Amendement de suppression AS22 de M. Éric Alauzet.

M. Éric Alauzet (RE). Dès lors que les deux premiers articles ont été supprimés, la question du gage ne se pose plus.

Mme la rapporteure. Une proposition de loi doit, en tout état de cause, être gagée.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements AS18 de M. Victor Catteau, AS14 de Mme Laure Lavalette, AS4 de Mme Bénédicte Auzanot et AS15 de Mme Laure Lavalette tombent.

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

*

*     *

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


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ANNEXE :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

  Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France (FNSPF) * –M. Norbert Berginiat, vice-président, chargé des secours et soins d’urgence et du service de santé et de secours médical

  Haute Autorité de santé (HAS)  Pr Dominique Le Guludec, présidente, Pr Elisabeth Bouvet, membre du collège et présidente de la commission technique des vaccinations, et Dr Lise Alter, directrice de l’évaluation et de l’accès à l’innovation

  Fédération hospitalière de France (FHF) *  Mme Sophie Marchandet, responsable du pôle ressources humaines hospitalières, et M. Vincent Roques, directeur de cabinet

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Loi n° 2021‑1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, articles 12, 13, 14, 16 et 18.

([2]) Une présentation détaillée du champ de l’obligation vaccinale professionnelle contre la covid‑19 figure dans le rapport n° 4389 de JeanPierre Pont (pages 41 à 47), déposé le 21 juillet 2021, sur le projet de loi relatif à la gestion de la crise sanitaire, examiné en première lecture à l’Assemblée nationale.

([3]) Loi n° 2021-1465 du 10 novembre 2021 portant diverses dispositions de vigilance sanitaire, article 5.

([4]) Article L. 3111 9 dudit code.

([5]) Existent également des vaccinations obligatoires contre la grippe et, pour les laborantins, contre la fièvre typhoïde, suspendues, respectivement, par le décret n° 2006‑1260 du 14 octobre 2006 pris en application de l’article L. 3111-1 du code de la santé publique et relatif à l’obligation vaccinale contre la grippe des professionnels mentionnés à l’article L. 3111‑4 du même code, et par le décret n° 2020‑28 du 14 janvier 2020 relatif à l’obligation vaccinale contre la fièvre typhoïde des personnes exerçant une activité professionnelle dans un laboratoire de biologie médicale.

([6]) Articles R. 3116‑1 et R. 3116‑2 du code de la santé publique.

([7]) Article 16 de la loi du 5 août 2021 précitée.

([8]https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/comptes-rendus/cion_lois/l16cion_lois2122002_compte-rendu

([9]https://www.senat.fr/seances/s202207/s20220720/s20220720016.html

([10]) Santé publique France, « Quelle est la couverture vaccinale contre la COVID-19 chez des professionnels exerçant dans le domaine de la santé et des résidents en ESMS. Point au 21 avril 2022 ».

([11]) Fédération hospitalière de France, enquête RH avril/mai 2022.

([12]) Assistance publique-Hôpitaux de Paris, « 30 pistes d’actions pour les 12 prochains mois. Cadre d’élaboration collective d’un plan de travail de l’AP-HP », septembre 2022.

([13]) Données du système d’information européen des feux de forêts (Effis) au 2 novembre 2022, https://effis.jrc.ec.europa.eu/apps/effis.statistics/estimates.

([14]) Ce mécanisme mis en place en 2001 permet aux pays participants de renforcer leur coopération en matière de protection civile, en vue d’améliorer la prévention, préparation et réaction aux catastrophes.

([15]) Santé publique France, « Quelle est la couverture vaccinale contre la COVID-19 chez des professionnels exerçant dans le domaine de la santé et des résidents en ESMS. Point au 21 avril 2022 ».

([16]) Loi n° 2022‑1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid‑19, article 4.

([17]) Prévu au VIII de l’article 11 de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l’état d’urgence sanitaire et complétant ses dispositions.

([18]Avis n° 2022.0044/AC/SESPEV du 21 juillet 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à l’obligation de vaccination contre la covid‑19 des professionnels des secteurs sanitaire et médico‑social.

([19]https://www.santepubliquefrance.fr/dossiers/coronavirus-covid-19/coronavirus-chiffres-cles-et-evolution-de-la-covid-19-en-france-et-dans-le-monde

([20]) « Nous réintégrerons les soignants suspendus quand les autorités scientifiques nous diront qu’on peut le faire sans faire repartir l’épidémie. », https://www.guadeloupe.franceantilles.fr/actualite/politique/emmanuel-macron-president-de-la-republique-nous-reintegrerons-les-soignants-suspendus-apres-le-feu-vert-des-autorites-scientifiques-394885.php.

([21]) Loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire.

([22]) Comme le prévoit désormais le IV de l’article 12 de la loi n° 2021-1040 du 5 août 2021 relative à la gestion de la crise sanitaire, modifié par l’article 4 de la loi n° 2022‑1089 du 30 juillet 2022 mettant fin aux régimes d’exception créés pour lutter contre l’épidémie liée à la covid‑19.

([23]) Décret n° 2021‑699 du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire, article 2‑2.

([24]) Visées au I de l’article 12 de la loi n° 2021‑1040 du 5 août 2021 précitée.

([25]) Arrêté du 14 octobre 2021 modifiant l’arrêté du 1er juin 2021 prescrivant les mesures générales nécessaires à la gestion de la sortie de crise sanitaire.

([26]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12474281_63749d7168c79.commission-des-affaires-sociales--augmentation-du-salaire-minimum-interprofessionnel-de-croissance--16-novembre-2022

([27])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12483189_6374eada41a8a.commission-des-affaires-sociales--reintegration-du-personnel-des-etablissements-de-sante-et-de-seco-16-novembre-2022