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N° 514

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé,

 

 

Par Mme Fadila KHATTABI,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 361.

 

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

Commentaire des articles

Article 1er Rétablissement d’un agrément préalable pour les centres de santé ayant des activités dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques

Article 1er bis (nouveau) Interdiction d’exercer une fonction dirigeante dans une structure gestionnaire de centre de santé en cas de liens d’intérêts avec des entreprises privées lui délivrant des prestations

Article 1er ter (nouveau) Obligation pour le gestionnaire d’informer l’agence régionale de santé, l’assurance maladie et l’ordre en cas de fermeture d’un centre de santé

Article 1er quater (nouveau) Procédure d’agrément pour les centres de santé dentaires et ophtalmologiques déjà autorisés à dispenser des soins

Article 2 Mise en place d’un comité médical ou d’un comité dentaire dans les centres de santé ayant une activité ophtalmologique ou dentaire

Article 2 bis (nouveau) Identification des professionnels de santé salariés des centres de santé par un numéro personnel distinct de celui du centre

Article 3 Systématiser la transmission des diplômes et contrats de travail des praticiens exerçant dans les centres aux agences régionales de santé et aux ordres

Article 4 Empêcher un organisme gestionnaire ou un représentant légal dont un centre a été suspendu ou fermé d’en ouvrir d’autres pendant une durée déterminée

Article 5 (nouveau) Transmission annuelle obligatoire à l’agence régionale de santé des comptes certifiés du centre de santé

Article 6 (nouveau) Sanctions en cas de non-transmission à l’agence régionale de santé du rapport d’activité et des documents de gestion du centre de santé

Article 7 (nouveau) Interdiction pour les centres de santé de demander le paiement intégral anticipé des soins

Article 8 (nouveau) Augmentation des sanctions applicables en cas de manquement des centres de santé à leur engagement de conformité et détermination d’un barème

Article 9 (nouveau) Demande de rapport au Gouvernement sur les moyens nécessaires aux agences régionales de santé pour exercer les compétences dévolues au titre de la présente loi

Travaux de la commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

Annexe  2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi


  1  —

introduction

 

Les centres de santé sont des acteurs importants de l’offre de soins de proximité pour de nombreux Français, notamment pour les plus vulnérables d’entre eux. Présents de longue date dans le paysage sanitaire, ils constituent, selon les termes de l’article L. 6323-1 du code de la santé publique, « des structures sanitaires de proximité, dispensant des soins de premier recours et, le cas échéant, de second recours et pratiquant à la fois des activités de prévention, de diagnostic et de soins, au sein du centre, sans hébergement, ou au domicile du patient ».

La réglementation de ces centres de santé a été conçue dans une logique résolument favorable à l’accès aux soins, en se fondant sur le constat de l’important service rendu par les acteurs historiques, en particulier les centres de santé mutualistes et les centres de santé communaux, lesquels assument traditionnellement un rôle social important.

L’article L. 6323-1 prévoit ainsi que les centres de santé sont tenus de réaliser, « à titre principal, des prestations remboursables par l’assurance maladie » et « qu’ils sont ouverts à toutes les personnes sollicitant une prise en charge médicale ou paramédicale ». Ils sont également tenus, au titre de l’article L. 6323-1-7, de pratiquer le tiers payant et de ne pas appliquer de dépassements d’honoraires.

Afin de favoriser le développement de ces centres, le législateur a consenti un cadre juridique souple, en réalité considérablement assoupli par la loi du 21 juillet 2009 dite « HPST » ([1]). On est alors passé d’un régime d’agrément à un régime d’ouverture de ces centres sur simple déclaration de conformité. En quelque sorte, la conformité du centre avec la législation et la réglementation en vigueur était présumée, dans un contexte où une certaine confiance existait vis-à-vis des opérateurs historiques – confiance étendue au modèle des centres de santé dans son ensemble.

La même souplesse a caractérisé la définition de la forme juridique des centres de santé. Selon les termes de l’article L. 6323-1-3, ils peuvent être créés et gérés « soit par des organismes à but non lucratif, soit par les départements, soit par les communes ou leurs groupements, soit par des établissements publics de santé, soit par des personnes morales gestionnaires d’établissements privés de santé, à but non lucratif ou à but lucratif », ou encore « par une société coopérative d’intérêt collectif ». Trois grandes catégories se distinguent aujourd’hui : les centres de santé mutualistes, les centres associatifs, et ceux qui sont gérés par une collectivité territoriale.

La souplesse caractérise également les activités pouvant être conduites par le centre de santé. En l’état, la législation ne distingue pas les centres de santé selon le contenu des soins qu’ils dispensent, et n’est pas prescriptive en la matière, se bornant à énumérer un champ assez vaste d’interventions possibles. L’assurance maladie distingue, quant à elle, dans le cadre de l’accord national du 8 juillet 2015 ([2]) conclu avec les représentants des centres de santé, quatre grandes catégories : les centres médicaux, les centres polyvalents, les centres dentaires et les centres infirmiers. Cet accord prévoit des dispositifs de rémunération forfaitaire venant en complément de la tarification des actes et examens effectués par les centres de santé – dispositifs qui actent les services rendus aux patients par ces centres.

*

*     *

Treize ans après le vote de la loi HPST, force est de constater que le cadre juridique et institutionnel des centres de santé a été en partie dévoyé.

Plusieurs scandales sanitaires, en particulier le scandale Dentexia, en 2015, puis le scandale Proxidentaire, en 2021, ont mis à jour des pratiques complètement à rebours de l’esprit de la législation sur les centres de santé. À l’origine, l’on trouve des dérives lucratives, souvent associées à la forme associative des centres de santé. Ces dérives ont pu avoir des conséquences d’une gravité extrême en termes de qualité, de sécurité et de pertinence des soins dispensés, mais aussi d’escroquerie des patients et de fraude à l’assurance maladie.

Dans sa circonscription, votre rapporteure a eu l’occasion de rencontrer des patients mutilés, ruinés, désocialisés par l’action de ces centres véreux ; des patients qui avaient eu confiance dans le système de soins, confiance dans la formule du centre de santé, confiance dans les pouvoirs publics.

Contre l’esprit du législateur, des acteurs peu scrupuleux se sont engouffrés dans la brèche ouverte par la suppression de l’agrément préalable en 2009 ; ils ont profité de la souplesse permise par la forme associative pour détourner le modèle des centres de santé et en faire des instruments lucratifs. Dans ces centres, la logique financière s’est substituée à la notion de service aux patients.

Ces centres déviants ont aussi pu profiter d’une forme d’inaction des pouvoirs publics, une inaction qui n’a pas été volontaire, mais qui a résulté d’une baisse continue des moyens humains dédiés à l’inspection-contrôle au sein des agences régionales de santé et de l’assurance maladie – baisse pourtant associée à une extension continue de leurs missions. La suppression de l’agrément supposait cependant un investissement renforcé pour assurer le contrôle a posteriori du respect par les centres des règles législatives et réglementaires qui s’imposent à eux. Mais le contrôle des centres de santé est longtemps resté en dehors des radars des administrations, tandis que les informations et moyens de contrôles restaient éclatés entre différents ministères et institutions.

À compter du scandale Dentexia, une prise de conscience s’est amorcée. Dans la foulée des rapports rédigés par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur Dentexia et les centres dentaires ([3]), l’ordonnance du 22 janvier 2018 ([4]) a prévu plusieurs mesures visant notamment à prévenir les dérives lucratives.

Le principe d’une interdiction de la distribution des bénéfices issus de l’exploitation du centre a été posé dans le cadre d’un nouvel article L. 6323-1-3, qui prévoit que ces bénéfices doivent être mis en réserve ou réinvestis au profit d’un centre ou d’une autre structure elle-même soumise à l’interdiction de distribution des bénéfices. La publicité sur ces centres a été interdite, et les principes d’une ouverture à tous et de la dispensation, à titre principal, de prestations remboursables, ont été explicitement posés (article L. 6323-1). Ces mesures devaient apporter une réponse aux dérives constatées, de centres qui avaient une activité prothétique et d’implantologie anormalement développée et restaient fermés le mercredi, dans l’objectif manifeste de ne pas accueillir d’enfants, aux soins moins lucratifs...

Un engagement de conformité a été instauré à l’ouverture d’un centre de santé (article L. 6323-1-11), assorti d’une procédure de suspension voire de fermeture des centres à la main du directeur général de l’agence régionale de santé, en cas de manquements graves et persistants mettant en danger la sécurité des patients (articles L. 6323-1-12 et L. 6323-1-13). Les règles applicables aux centres ont été étendues aux antennes ouvertes par ces derniers (article L. 6323-1-15), qui échappaient jusqu’alors à la réglementation.

*

*     *

Tout appréciable qu’il soit, ce renforcement de la législation n’a pas pu empêcher la survenue du scandale Proxidentaire. Les manquements observés dans cette affaire – fonctionnement des centres guidé par une quête de rentabilité, surfacturations, sur-traitements, problèmes majeurs d’hygiène et de sécurité des soins, non-pertinence des actes réalisés, opacité sur les professionnels exerçant dans les centres, dilution des responsabilités... – évoquent à s’y méprendre les dérives observées lors du scandale Dentexia.

Ces scandales, qui ont, par leur ampleur, eu une certaine visibilité médiatique, ne sont que la face émergée de déviances observées partout en France, avec une intensité plus ou moins importante selon les régions – les régions Provence-Alpes-Côte d’Azur et Île-de-France semblent à cet égard particulièrement touchées.

Elles accompagnent l’accélération des créations de centres de santé, en particulier dentaires et, dans une moindre mesure, ophtalmologiques. D’après les données de l’assurance maladie, il y avait 2 544 centres de santé en 2021, contre 1 640 en 2017, dont 1 085 centres de santé dentaires, contre 677 en 2017 (cf. tableau ci‑dessous). L’on observe également un accroissement important du nombre de centres de santé médicaux, principalement porté par les créations de centres ophtalmologiques, comme le montre l’augmentation du nombre d’orthoptistes et d’ophtalmologues exerçant en centre de santé (+ 124 % pour les ophtalmologues entre 2016 et 2021, augmentation de 35 % des remboursements liés à des consultations d’orthoptistes au premier semestre 2022).

évolution du nombre de centres de santé ayant validé la plateforme ATIH

 

2017

2018

2019

2020

2021

Évolution 20172021

Nombre de centres de santé (CDS)

1 640

1 923

2 040

2 237

2 544

+ 55 %

Nombre de CDS médicaux

101

169

177

215

249

+ 147 %

Nombre de CDS polyvalents

400

471

514

581

708

+ 77 %

Nombre de CDS dentaires

677

779

857

932

1 085

+ 60 %

Nombre de CDS infirmiers

462

504

492

509

502

+ 9 %

Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

 

 

 

 

 

répartition des centres de santé conventionnés au 1er mars 2022

Capture d’écran

 Source : Caisse nationale de l’assurance maladie.

*

*     *

Votre rapporteure ne souhaite pas faire d’amalgame et jeter l’opprobre sur l’ensemble des centres de santé. Elle estime que la grande majorité d’entre eux rendent un service très appréciable à la population. Elle souligne le rôle social important joué par nombre de ces acteurs, en particulier les acteurs historiques, notamment mutualistes.

Elle ne peut cependant que constater que l’image de ces structures est actuellement ternie par les scandales qui se multiplient. Une conclusion s’impose : l’État ne joue pas suffisamment, vis-à-vis de ces centres, le rôle de régulateur qui lui incombe, en vue de protéger la santé de nos concitoyens, lesquels considèrent pourtant que ces structures autorisées par lui ont été, en quelque sorte, homologuées.

Votre rapporteure estime que deux axes d’action principaux se dégagent de ce constat, tous deux d’une réelle urgence :

– premièrement, l’État doit se donner les moyens de contrôler les structures qu’il autorise, afin de vérifier qu’elles respectent bien les obligations législatives et réglementaires qui leur incombent. Cela nous ramène au constat effectué, s’agissant des Ehpad, lors du scandale Orpea. Il faut réintroduire, vis-à-vis des gestionnaires peu scrupuleux, la « peur du gendarme ». Or, comme cela a été souligné lors des auditions de votre rapporteure, « pour que la peur du gendarme fonctionne, il faut en voir un de temps en temps » ([5]). Votre rapporteure estime qu’il conviendra ainsi de veiller, au cours des mois et années qui viennent, à renforcer substantiellement les moyens de contrôle des agences régionales de santé, dans le sillage des mesures adoptées après le scandale Orpea ;

– deuxièmement, il faut en finir avec la réglementation permissive qui a permis à ces centres déviants de prospérer.

À cette fin, un amendement adopté à l’initiative de votre rapporteure dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022 a mis un terme au conventionnement automatique des centres de santé ([6]). Cette mesure a été mise en œuvre via un avenant 4 à l’accord national précité de 2015, conclu en mars 2022. S’il ne respecte pas les engagements conventionnels convenus avec l’assurance maladie, un centre pourra ainsi être déconventionné, auquel cas il se verra appliquer les tarifs d’autorité – ce qui conduira de facto à stopper ses activités.

Ce même amendement a donné aux directeurs généraux des agences régionales de santé une capacité de sanction financière en cas de manquements répétés d’un centre de santé à son engagement de conformité, sous forme d’amendes administratives et d’astreintes journalières aussi longtemps que dure le manquement. Il est à présent impératif que ces sanctions soient appliquées, ce qui suppose probablement un travail réglementaire, notamment pour définir un barème proportionné à la gravité des manquements constatés.

D’autres mesures avaient été adoptées, dans le cadre de l’article 70 de la même loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. Cependant, elles ont été censurées par le Conseil constitutionnel, au motif que cet article constituait un « cavalier social », qui n’avait pas sa place en loi de financement de la sécurité sociale.

*

*     *

L’objectif de la présente proposition de loi est de parfaire l’encadrement législatif amorcé l’an dernier, en reprenant les mesures censurées par le Conseil constitutionnel, complétées et précisées grâce aux retours dont votre rapporteure a pu bénéficier entre‑temps grâce, notamment, aux auditions conduites au cours des dernières semaines.

Ces travaux ont mené votre rapporteure à développer plusieurs convictions :

– le retour à l’agrément préalable est une nécessité pour décourager les acteurs déviants, mais il doit être ciblé, pour concentrer les moyens des agences régionales de santé et ne pas compliquer inutilement les démarches des acteurs connus comme étant de confiance. C’est l’objet de l’article 1er de la présente proposition de loi ;

– il faut mettre un terme à l’irresponsabilité dont se prévalent certains gestionnaires de centres déviants, qui font mine de ne pas voir les dérives médicales qui affectent leurs centres au motif qu’ils ne sont pas médecins ou dentistes. C’est le but de l’article 2, qui prévoit la nomination dans certains centres de médecins et/ou dentistes référents et responsables de la qualité des soins ;

– il faut renforcer la transparence sur ces centres, et notamment sur les professionnels de santé qui y exercent. C’est l’objet de l’article 3, qui systématise la transmission des diplômes et contrats de travail de ces professionnels de santé aux agences régionales de santé et aux ordres ;

– il faut mettre hors d’état de nuire les gestionnaires dont nous savons qu’ils sont déviants, de façon à les empêcher de continuer à ouvrir des centres ailleurs. Cela suppose une interdiction de principe et un partage de l’information entre régions et services de l’État. L’article 4 s’y applique.

Les auditions conduites par votre rapporteure ayant permis de préciser les difficultés concrètes que peut susciter l’application de telle interdiction ou obligation, elle sera conduite à proposer des évolutions significatives du dispositif initial. Ces évolutions ne remettent nullement en cause l’esprit, les objectifs ou le champ de la présente proposition de loi ; elles permettent en revanche de la rendre plus opérationnelle et, ainsi, d’en améliorer l’impact pour prévenir les déviances des centres de santé.

 

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Rétablissement d’un agrément préalable pour les centres de santé ayant des activités dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques

Adopté par la commission avec modifications

Tenant compte de la concentration des dérives observées dans les centres de santé sur les activités dentaires et ophtalmologiques, l’article 1er propose de rétablir un agrément préalable sur ces seules activités, ainsi que sur la gynécologie, votre rapporteure ayant été alertée de risques potentiels.

Délivré par le directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), cet agrément sera indispensable pour pouvoir dispenser des soins dans ces spécialités. Cela permettra donc à l’ARS de refuser l’agrément à des centres qui ne présenteraient pas toutes les garanties nécessaires ou pour lesquels un risque de déviance lucrative serait identifié. Cela constituera donc un progrès important par rapport au régime actuel de l’engagement de conformité, que l’ARS ne peut en réalité qu’acter.

Le présent article revient de manière ciblée sur la suppression de l’agrément préalable qui avait été décidée en 2009, en ciblant les activités des centres de santé les plus « à risques » : le dentaire, l’ophtalmologie et, à titre davantage préventif, la gynécologie.

Les travaux conduits par votre rapporteure l’incitent à proposer une nouvelle rédaction de l’article 1er permettant de donner un contenu à l’agrément ainsi qu’au refus d’agrément, qui soit de nature à prévenir des dérives ultérieures. Il sera également finalement proposé d’extraire la gynécologie du périmètre de cet agrément préalable, faute d’avoir pu préciser, de manière tangible, l’intérêt de l’inclure.

I.   le droit existant : des formalités très réduites à l’ouverture d’un centre de santé

A.   La suppression de l’agrément préalable en 2009

Avant 2009, l’ouverture des centres de santé était soumise à un agrément, délivré par l’autorité administrative, sous réserve du résultat d’une visite de conformité. Le rapport précité de l’Igas paru en janvier 2017 fait état des motifs qui ont conduit, dans le cadre de la loi dite « Hôpital, patients, santé et territoire » (HPST), à supprimer cet agrément.

Il s’agissait, d’une part, d’encourager le développement des centres de santé, qui étaient alors un modèle de structures de soins coordonnés dans lequel les pouvoirs publics avaient toute confiance, et sur lequel ils espéraient pouvoir compter pour développer l’offre de soins de secteur 1 de proximité. Le but était ainsi de faciliter les démarches des gestionnaires qui auraient l’intention de se lancer dans l’ouverture d’un centre, alors que l’agrément comportait une certaine lourdeur administrative, qui ne paraissait pas justifiée par son utilité.

L’autre motif de cette suppression tient à la charge de travail importante qu’elle représentait pour l’autorité administrative, à l’époque les directions régionales et départementales des affaires sanitaires et sociales (Drass et Ddass), avant la création des agences régionales de santé. Le rapport de l’Igas explique aussi que cela correspondait à une évolution générale de l’action de l’État, dans un contexte où « les autorisations préalables [étaient] de plus en plus fréquemment remplacées par des formes d’intervention de la puissance publique plus souples et moins contraignantes pour les promoteurs ».

Avec la suppression de l’agrément préalable, les démarches nécessaires pour ouvrir un centre de santé se trouvent largement allégées. Le gestionnaire doit simplement transmettre au directeur général de l’ARS un projet de santé accompagné d’un règlement intérieur. Théoriquement, ce projet de santé doit avoir une certaine substance, puisqu’il est censé être élaboré à partir des besoins du territoire, et préciser les actions qui seront mises en œuvre pour favoriser l’accessibilité sociale, la coordination des soins ou encore pour développer des actions de santé publique.

Cependant, le rapport précité de l’Igas souligne que l’une des limites principales « tient au caractère formel de ces documents », « rédigés avant l’ouverture même des centres ». Votre rapporteure a eu confirmation de ce point lors de ses auditions. Des projets de santé « clé en main », avec des clauses irréprochables, seraient à la disposition de tous sur Internet, et de nombreux gestionnaires recourraient aux services de sociétés de conseil pour rédiger ces documents.

La réception du projet de santé et du règlement intérieur, s’ils comportent les éléments réglementaires attendus, ne donne pas de pouvoir d’appréciation au directeur général de l’ARS, qui se contente d’enregistrer la déclaration d’ouverture du centre et de lui attribuer un numéro FINESS ([7]). L’Igas conclut ainsi que « le caractère très formel de la déclaration à l’ARS reporte de facto la possibilité d’intervention [de cette dernière] sur ses compétences de contrôle de police sanitaire, exercées ex-post ».

Or, votre rapporteure a souligné en introduction que cette logique n’avait pas été observée par les pouvoirs publics, qui ont au contraire accompagné cette suppression de l’agrément par une baisse générale des moyens d’inspection contrôle dans les ARS et auprès des caisses d’assurance maladie. L’Igas note, de la même manière, que « les moyens d’inspection-contrôle de l’État ainsi que des organismes d’assurance maladie se sont raréfiés au fil des années sans que ces organismes de tutelle ne se coordonnent pour potentialiser leurs effectifs ».

B.   la mise en place d’un engagement de conformité en 2018

Dans la foulée du scandale Dentexia et de la publication des rapports de l’Igas qui s’en est suivie, l’ordonnance du 12 janvier 2018 ([8]) a instauré un engagement de conformité obligatoire pour tous les centres de santé, prévu à l’article L. 6323-1-11 du code de la santé publique.

Selon les termes de cet article, le représentant légal de l’organisme gestionnaire du centre de santé doit, préalablement à l’ouverture du centre, remettre au directeur général de l’ARS un engagement de conformité portant à la fois sur la conformité du centre aux obligations législatives et réglementaires en vigueur et sur sa conformité au projet de santé déposé par le centre. Le récépissé de cet engagement, établi par le directeur général de l’ARS, vaut autorisation de dispenser des soins.

En réalité, cette nouvelle procédure ne rompt pas avec le formalisme qui caractérisait la procédure de déclaration préexistante. Cette formalité, peu contraignante pour l’ARS, l’est aussi pour les gestionnaires peu scrupuleux, qui ne sont pas freinés par un engagement de principe. Par ailleurs, la délivrance du récépissé ne constitue en rien une forme d’agrément déguisé de la part de l’ARS, dans la mesure où rien ne fonde le directeur général à refuser cette délivrance, à partir du moment où tous les documents attendus lui ont été fournis. Les directeurs généraux d’ARS auditionnés par votre rapporteure estimaient que l’on pouvait, au mieux, dans cette situation, chercher à retarder la remise du récépissé, mais guère davantage.

II.   le droit proposé : le rétablissement d’un agrément ciblé sur les activités « à risques »

A.   l’agrément, seul moyen pour permettre à l’ARS de réguler les installations

Votre rapporteure a acquis la conviction que le retour à l’agrément préalable est une solution incontournable pour effectuer un premier « tri » des centres de santé à l’entrée et décourager ou éliminer d’emblée ceux qui présentent des risques manifestes de dérive lucrative, ne serait-ce que par leurs liens externes, leur structuration interne, ou encore leur lieu d’implantation.

Cette solution avait pourtant été exclue par le rapport précité de l’IGAS, daté de 2017, qui avait estimé que cela induirait une charge disproportionnée pour les ARS, pour un résultat incertain.

Votre rapporteure estime que, depuis le rapport de l’Igas, d’autres scandales sont survenus, à commencer par Proxidentaire, qui montrent que le cadre législatif issu de l’ordonnance de 2018 n’est pas suffisant. Par ailleurs, elle a conscience que rétablir l’agrément dans l’absolu, sans une réflexion approfondie sur le cahier des charges devant conditionner cet agrément, serait en effet probablement inutile. Elle cherchera à proposer des améliorations du dispositif de l’article 1er pour faire en sorte que cet agrément soit de nature à écarter d’emblée les mauvais élèves, et à contraindre ceux qui auront été sélectionnés.

Elle estime que cette formule de l’agrément est indispensable pour empêcher certains acteurs d’entrer « sur le marché », alors que leur projet est manifestement incompatible avec les objectifs des centres de santé. Votre rapporteure a été frappée, lors des auditions, par le contraste saisissant entre la philosophie de certains centres, clairement gérés comme des « business » très lucratifs, et le caractère résolument social des nombreux autres. Un tri à l’entrée semble indispensable pour ne pas laisser les dérives s’installer et ainsi prévenir de potentielles victimes parmi les patients.

B.   le choix de la cible de cette mesure

Consciente de la charge de travail que représente cet agrément pour les ARS, et aussi du caractère formel et inutile qu’il peut revêtir lorsqu’il s’agit de permettre à un acteur historique, de confiance, d’ouvrir un nouveau centre répondant à un besoin manifeste du territoire, votre rapporteure a pris le parti de cibler cet agrément sur les activités considérées comme les plus « à risques ». Par « à risques », on entend surtout à risques de dérives lucratifs, notamment en raison du caractère très rentable de certains actes. On entend aussi à risques pour la sécurité et la santé des patients, en raison de la pratique d’actes invasifs, revêtant une sensibilité particulière.

Les activités dentaires entrent, à l’évidence, dans cette catégorie. Comme cela a été évoqué en introduction, la croissance exponentielle des centres de santé a été en grande partie portée par les centres dentaires, qui représentent 43 % du total des centres de santé. L’ensemble des directeurs généraux d’ARS auditionnés par votre rapporteure ont fait remonter que les dérives étaient majoritairement le fait de centres de santé dentaires. Sur 144 signalements reçus par l’ARS Île-de-France en deux ans, 125 concernent des centres de santé dentaires, et 19 des centres de santé ophtalmologiques.

L’assurance maladie conduit actuellement 125 contrôles de centres de santé dentaires, pour un préjudice estimé à 5 millions d’euros. M. Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l’assurance maladie, a estimé, lors de son audition, qu’il ne s’agissait là que d’une petite partie des contrôles qu’il faudrait accomplir au regard du nombre et du dynamisme de ces centres, et a souligné que toute extension du périmètre des contrôles se traduisait par la découverte de nouvelles irrégularités.

Votre rapporteure insiste à nouveau sur le fait qu’elle ne considère pas que tous les centres dentaires sont déviants. Elle se borne à constater que les centres déviants ont souvent une activité dentaire, parce que la dérive lucrative est probablement plus facile dans cette spécialité.

Il en va de même pour les centres ophtalmologiques, dont la création est souvent plus récente, et qui représentent encore une masse nettement moins importante, mais dont le dynamisme a été, au cours des dernières années, particulièrement notable. L’assurance maladie a d’ailleurs inclus ces centres dans ses priorités de contrôle. Les dérives dans ces centres impliqueraient davantage de fraudes, ce que traduit le montant important d’indu que l’assurance maladie estime pouvoir récupérer sur les trente centres contrôlés : de l’ordre de 7 millions d’euros. Au‑delà des fraudes, les dérives porteraient également sur la qualité des professionnels qui exercent dans certains de ces centres : des orthoptistes seraient présentés comme des ophtalmologues, tandis que des assistants médicaux feraient fonction d’orthoptistes, etc.

Si l’inclusion des centres dentaires et ophtalmologiques dans le rétablissement de l’agrément préalable ne fait donc pas réellement débat, votre rapporteure s’est davantage questionnée sur l’opportunité d’inclure les centres gynécologiques, dont certaines dérives lui avaient été remontées.

Cependant, face à l’absence de donnée sur l’existence de centres de santé gynécologiques au sens strict – c’est-à-dire ayant le statut de centre de santé au sens de l’article L. 6323-1 – et alors qu’il apparaît que les dérives pouvant caractériser la prise en charge de la santé de la femme sont probablement d’une nature un peu différente, votre rapporteure s’est finalement rangée à l’avis qu’il était préférable de les exclure, au moins temporairement, du périmètre de l’article 1er.

III.   la position de la rapporteure : préciser le contenu de l’agrément pour qu’il soit de nature à prévenir les déviances

Votre rapporteure propose une nouvelle rédaction globale de l’article 1er qui reprend le principe de l’agrément préalable pour les activités dentaires et ophtalmologiques des centres de santé, tout en le précisant. Cette rédaction englobe également le contenu de l’article 3, sur la question de la transmission des diplômes et contrats de travail des professionnels de santé exerçant dans un centre. Votre rapporteure a en effet jugé bon de lier explicitement l’agrément à une obligation de transparence sur la qualité des professionnels dispensant les soins.

A.   extraire les centres gynécologiques

Comme votre rapporteure s’en est expliquée ci-dessus, la nouvelle version proposée de l’article 1er ne vise plus les centres gynécologiques, faute d’éléments tangibles permettant d’objectiver l’intérêt de les inclure. Il sera toujours possible de revenir sur ce périmètre s’il apparaît qu’il faut finalement l’élargir.

B.   exiger des pièces permettant de déceler de potentielles dérives lucratives

Le contenu du dossier de demande d’agrément déposé par le gestionnaire pour l’ouverture d’un centre dentaire ou ophtalmologique a vocation à être précisé par décret. Cependant, les auditions conduites par votre rapporteure lui ont permis de déterminer que certaines informations, dont les ARS ne disposent pas actuellement, pourraient permettre de mieux identifier les dérives possibles de certains centres.

C’est le cas, en particulier, des déclarations de liens et conflits d’intérêts des membres de l’équipe dirigeante du centre de santé. La forme associative des centres de santé – normalement non lucrative – est parfois dévoyée par le moyen de sociétés auxquelles les dirigeants des associations sont liés d’une manière ou d’une autre. Il serait utile de pouvoir identifier ces liens.

Dans le même esprit, il peut y avoir, derrière les associations gestionnaires des centres de santé, des montages juridiques complexes englobant des structures ouvertement lucratives, comme des fonds de pension ou des assurances. Les ARS sont aveugles sur ces montages, qui n’entrent d’ailleurs pas dans le cœur de leur compétence. Cependant, comme les scandales sanitaires observés ont souvent une origine financière, il importe qu’elles soient en mesure d’établir le lien, avec le secours, s’il le faut, des autres services compétents de l’État.

L’amendement présenté par votre rapporteure prévoit ainsi que le dossier de demande d’agrément comportera obligatoirement, outre le projet de santé, les déclarations des liens et conflits d’intérêts des dirigeants et les contrats liant l’organisme gestionnaire à des sociétés tierces.

C.   conditionner l’agrément définitif à une visite de conformité dans des cas ciblés

Votre rapporteure s’est posé la question de la nécessité d’une visite de contrôle systématique dans le cadre de la demande d’agrément. Elle a conclu au caractère globalement inutile d’une visite de conformité qui conditionnerait le début de l’activité du centre : par définition, les centres sont généralement conformes lorsqu’ils n’ont pas démarré leur activité, y compris les plus déviants.

Votre rapporteure a estimé qu’il serait plus utile de prévoir un agrément provisoire, qui permettrait au centre de démarrer son activité, l’obtention de l’agrément définitif n’intervenant qu’à l’expiration d’un délai de douze mois suivant l’ouverture du centre, et pouvant être conditionné aux résultats d’une visite de conformité qui se tiendrait, le cas échéant, pendant cette période. L’assurance maladie estime que les six premiers mois sont déterminants dans l’activité d’un centre, et concentre ses contrôles sur cette période, qui fait très vite apparaître des anomalies dans la nature et le nombre des actes pratiqués, par exemple. Cette période des douze premiers mois permettrait ainsi à l’ARS de se faire une idée plus précise de l’activité d’un centre.

Il est apparu, lors des auditions, qu’il n’était probablement pas utile de systématiser cette visite de conformité, au risque de diluer les moyens de contrôle des ARS. La logique est ici la même que celle qui a guidé le périmètre du rétablissement de l’agrément. Si l’ARS reçoit une demande d’agrément de la part d’un gestionnaire qu’elle connaît bien et en qui elle a confiance, elle n’aura pas nécessairement besoin d’effectuer la visite de conformité. Dans cette situation, l’agrément provisoire deviendra automatiquement définitif à l’expiration du délai de douze mois.

Il va de soi que cet agrément définitif pourra être remis en cause si, lors de contrôles ultérieurs, il apparaît que les centres ne sont plus en conformité. L’arsenal juridique pour ce faire existe déjà ; il s’agit des mesures de sanction financière, de suspension et de fermeture prévues à l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique.

D.   permettre à l’ARS de refuser l’agrément à un centre qui ne répondrait pas à un besoin de santé du territoire

Votre rapporteure s’est interrogée sur les motifs qui pourraient conduire le directeur général de l’ARS à refuser l’agrément. Elle a jugé bon d’expliciter ces motifs afin de donner au directeur général toute la légitimité nécessaire pour refuser l’ouverture d’un centre, ce qui peut ne pas être évident dans des zones – nombreuses en France – caractérisées par un manque de dentistes ou d’ophtalmologistes.

Trois grandes catégories de motifs ont été identifiées :

– la qualité ou le contenu des pièces fournies dans le cadre du dossier de demande d’agrément est insuffisant ; il s’agit notamment d’obliger les gestionnaires à transmettre les nouveaux éléments demandés dans le cadre de l’article 1er (déclarations de liens et de conflits d’intérêts, etc.) ;

 le projet de santé du centre ne remplit pas les objectifs de conformité aux dispositions législatives et réglementaires qui régissent les centres de santé, ou la visite de conformité révèle des manquements à ces dispositions ;

 le projet de santé n’est pas compatible avec les objectifs et besoins définis dans le cadre du projet régional de santé mentionné à l’article L. 1434-2.

Ce dernier point est essentiel aux yeux de votre rapporteure. À l’heure actuelle, les ARS n’ont aucun droit de regard sur la pertinence des installations des centres de santé. Le directeur général de l’ARS Provence-Alpes-Côte d’Azur soulignait ainsi la remarquable concentration de centres dentaires sur le littoral de sa région, absolument pas sous-doté. De manière générale, il est observé que les centres de santé qui ouvrent en nombre impressionnant depuis quelques années ont tendance à se concentrer dans les grandes agglomérations.

Votre rapporteure ne nie pas qu’il puisse y avoir des enjeux d’accès aux soins, notamment de secteur 1, dans ces zones. Elle estime cependant qu’on ne peut pas évacuer complètement la question de la pertinence du lieu d’installation pour donner les agréments. Il ne s’agit pas de n’autoriser les ouvertures de centres de santé qu’en zones sous-denses ; mais il s’agit de bloquer les projets manifestement en contradiction avec le projet du territoire.

Votre rapporteure entend les objections de ceux qui mettent en avant une inégalité de traitement avec le secteur libéral, dont les installations ne sont, pour le moment, pas régulées. Elle estime cependant que les attentes particulières qui pèsent sur les centres – et pour lesquelles ils sont rémunérés par la voie de forfaits – justifient que l’on ait cette exigence, qu’il reviendra au directeur général de l’ARS d’apprécier selon les circonstances du moment et du lieu.

E.   conditionner le maintien de l’agrément à la transmission au fil de l’eau des diplômes et contrats de travail

À l’heure actuelle, les centres de santé sont tenus de fournir les diplômes et contrats de travail de leurs personnels dans le cadre du projet de santé annexé à leur engagement de conformité. Cette obligation est cependant largement théorique, dans la mesure où au moment du dépôt du projet de santé, le centre n’a pas démarré ses activités et les professionnels ne sont, la plupart du temps, pas recrutés. Le règlement ne prévoit pas clairement de quelle manière le projet de santé est actualisé lorsque le centre recrute de nouveaux salariés.

Or, c’est là un angle mort très préjudiciable dans la régulation des centres de santé. Il règne actuellement une opacité très importante sur l’identité et les qualifications des professionnels exerçant dans certains centres de santé. Les scandales Dentexia et Proxidentaire ont largement mis en évidence cette carence. La plupart des patients lésés ne savaient pas par qui ils avaient été traités, n’étaient pas en mesure de donner le moindre nom. Cette opacité est encore renforcée par le fait que la facturation des actes à l’assurance maladie se fait au nom du centre de santé, et non du professionnel à l’origine de l’acte.

Votre rapporteure a donc estimé nécessaire de soumettre le maintien de l’agrément dans la durée à la transmission, au fil de l’eau, à chaque nouvelle embauche, des contrats de travail et diplômes des chirurgiens-dentistes, assistants dentaires, ophtalmologistes et orthoptistes. Les avenants aux contrats de travail sont également concernés. Enfin, il est prévu qu’un organigramme actualisé du centre sera transmis pour toute nouvelle embauche ou pour toute rupture de contrat de travail.

Cette transmission se fera à destination des ARS, mais aussi des conseils départementaux des ordres des médecins ou des chirurgiens-dentistes, selon la profession concernée. En effet, ces derniers sont les plus à même de contrôler les qualifications des professionnels et de vérifier s’ils n’ont pas fait l’objet de sanctions préalables, par exemple dans le cadre d’un exercice libéral. Ils peuvent aussi s’assurer que les clauses des contrats de travail ne sont pas contraires aux règles déontologiques – ce qui permettrait par exemple de rejeter un contrat qui indexerait la rémunération d’un praticien sur le chiffre d’affaires du centre de santé.

Sur le plan pratique, le ministère a indiqué que l’on pourrait prévoir une transmission dématérialisée de ces documents, via une plateforme dédiée, ce qui permettrait de faciliter les démarches des centres et des ARS.

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Article 1er bis (nouveau)
Interdiction d’exercer une fonction dirigeante dans une structure gestionnaire de centre de santé en cas de liens d’intérêts avec des entreprises privées lui délivrant des prestations

Introduit par la commission

Le présent article vise à renforcer l’encadrement juridique des centres de santé afin de prévenir tout conflit d’intérêt.

Il se fonde sur le constat, effectué par l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) dans le cadre de son rapport de 2017 sur les centres de santé dentaires, que de nombreux responsables d’associations gestionnaires de centres de santé dentaire associatifs assurent en même temps, directement ou indirectement, des fonctions dirigeantes dans des sociétés en lien direct ou indirect avec l’association.

En s’appuyant sur les conclusions de l’Igas, le présent article prévoit ainsi d’interdire la poursuite des fonctions au sein de la structure gestionnaire pour les responsables d’association qui ont un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire.

Le présent article a été ajouté à l’initiative de M. Sébastien Peytavie et ses collègues du groupe Écologiste - NUPES. Il vise à prévenir les conflits d’intérêts dans les centres de santé associatifs, en se fondant sur les conclusions du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les centres de santé dentaires ([9]).

Ce rapport mettait en lumière des montages juridiques opaques dans le cadre de plusieurs centres de santé dentaires visités par la mission, qui aboutissaient à remettre en cause le principe de non-lucrativité des associations gestionnaires des centres de santé :

« Par exemple, le président d’une association peut exercer cette fonction à titre bénévole, ou avec une rémunération et des avantages limités conformes à la réglementation. En même temps, il peut être rémunéré par ailleurs, au-delà de ces limites, par une société dont l’association est la seule cliente, donc de fait par l’argent provenant de l’association dont il est président. »

Pour contrer ces pratiques, l’Igas recommandait de systématiser la déclaration des liens et conflits d’intérêts des dirigeants des associations gestionnaires, « en excluant une poursuite des fonctions au sein de la structure gestionnaire lorsqu’ils ont un intérêt, direct ou indirect, avec des entreprises privées délivrant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire ».

La première partie de cette recommandation a été prise en compte dans le cadre de la réécriture de l’article 1er de la présente proposition de loi. L’adoption de l’article 1er bis permet ainsi de parachever l’encadrement prévu à l’article 1er, en posant le principe de l’interdiction de la poursuite des fonctions dirigeantes au sein de l’association gestionnaire lorsque des liens d’intérêts ont été identifiés.

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Article 1er ter (nouveau)
Obligation pour le gestionnaire d’informer l’agence régionale de santé, l’assurance maladie et l’ordre en cas de fermeture d’un centre de santé

Introduit par la commission

L’article 1er ter vise à traiter une problématique ponctuelle, distincte de celle abordée à l’article 4 de la présente proposition de loi, laquelle concerne la suspension ou la fermeture d’un centre de santé par l’agence régionale de santé (ARS) lorsque des manquements répétés ont été constatés.

L’article 1er ter se rapporte à la situation où le centre de santé est fermé de la propre initiative du gestionnaire, par exemple lors d’un dépôt de bilan. Il arrive que les autorités administratives et ordinales ne soient pas informées de cette fermeture. Le présent article vise ainsi à garantir l’information par le gestionnaire du directeur général de l’agence régionale de santé et du conseil départemental de l’ordre. Un sous-amendement adopté par la commission a ajouté à cette liste la caisse locale d’assurance maladie.

Le présent article a été adopté à l’initiative de M. Thibault Bazin et de plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains. Il vise à régler spécifiquement la question de l’information des autorités administratives et ordinales lors de la fermeture d’un centre de santé à l’initiative du gestionnaire, par exemple lorsque celui-ci dépose le bilan.

Les auteurs de l’amendement mettaient en avant la problématique des cartes des professionnels de santé (CPS) exerçant dans le centre, lesquelles sont délivrées par le conseil départemental de l’ordre, et pourraient continuer à être utilisées de manière irrégulière à défaut d’information du conseil départemental de l’ordre lors de la fermeture du centre.

Votre rapporteure estime en effet qu’il est souhaitable que les autorités soient dûment informées de la fermeture d’un centre. Elle a ainsi donné un avis favorable à l’information de l’agence régionale de santé et du conseil départemental de l’ordre. Elle a cependant estimé qu’il paraissait indispensable de viser également l’assurance maladie, puisque c’est à elle que sont facturés les actes effectués au sein du centre. Elle a donc proposé de sous-amender l’amendement de M. Bazin pour ajouter la caisse locale d’assurance maladie parmi les destinataires de l’information prévue par l’article. L’article 1er ter a ainsi été adopté en ces termes.

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Article 1er quater (nouveau)
Procédure d’agrément pour les centres de santé dentaires et ophtalmologiques déjà autorisés à dispenser des soins

Introduit par la commission

L’article 1er quater vise à prévoir une procédure d’agrément pour le « stock » des centres de santé dentaire et ophtalmologique déjà autorisés à dispenser des soins au moment de la promulgation de la présente loi – lesquels ne seront donc pas concernés par le dispositif de l’article 1er.

L’article 1er quater dispose ainsi que l’ensemble des centres ayant des activités dentaires et/ou ophtalmologiques devra effectuer une demande d’agrément selon les modalités prévues à l’article 1er dans un délai de six mois suivant l’entrée en vigueur de la présente loi. Les agences régionales de santé (ARS) disposeront d’un délai de deux ans pour traiter l’ensemble de ces demandes d’agrément.

L’article 1er quater résulte d’un amendement de M. Thomas Mesnier et ses collègues du groupe Horizons et apparentés.

Il vise à faire en sorte que l’agrément prévu à l’article 1er de la présente proposition de loi ne concerne pas uniquement le « flux » entrant des nouveaux centres de santé dentaires et ophtalmologiques, mais également le « stock » des centres ayant ces activités et déjà autorisés à exercer au moment de l’entrée en vigueur de la présente loi.

Cette disposition paraît indispensable pour plusieurs raisons. Premièrement, pour un motif d’égalité : il ne serait pas acceptable que certains centres doivent obtenir un agrément quand d’autres ont pu ouvrir dans des conditions particulièrement souples, pour le même type d’activités. Deuxièmement, pour un motif d’efficacité du dispositif : au cours des dernières années, plusieurs centres ont été identifiés avec des pratiques visiblement éloignées de leurs obligations législatives et réglementaires : il importe de pouvoir les toucher également avec cette demande d’agrément, et d’avoir une vision claire sur les différents acteurs en présence dans ce secteur. De ce point de vue, une procédure d’agrément touchant l’ensemble des centres ayant des activités dentaires et ophtalmologiques sera de nature à permettre un état des lieux précis de la situation.

Enfin, au cours des dernières années, on a assisté à une augmentation exponentielle des créations de centres, laquelle n’était probablement pas sans lien avec la perception qu’avaient certains acteurs d’un resserrement à venir de la réglementation dans ce domaine. Il ne faudrait surtout pas que certains acteurs peu vertueux passent ainsi entre les mailles du filet.

L’amendement de M. Thomas Mesnier donnait initialement aux ARS un délai de trois ans pour traiter le stock des demandes d’agrément. Votre rapporteure a cependant estimé que cette période était trop longue au regard des enjeux en termes de santé et de sécurité des patients. Un sous-amendement a ainsi été adopté à son initiative pour ramener ce délai à deux ans.

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Article 2
Mise en place d’un comité médical ou d’un comité dentaire dans les centres de santé ayant une activité ophtalmologique ou dentaire

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 part du constat d’une dilution des responsabilités au sein des centres de santé déviants, entre les organismes gestionnaires, les responsables légaux – qui ne sont souvent pas des professionnels de santé – et les praticiens, lorsque des dérives sont observées sur la qualité, la pertinence et la sécurité des soins.

Pour remédier à cette difficulté, l’article 2 crée une fonction de dentiste ou médecin référent dans les centres ayant des activités dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques. Ce référent est responsable de la qualité et de la sécurité des soins au sein du centre et a vocation à faire contrepoids au gestionnaire qui voudrait imposer des objectifs de rentabilité au détriment des soins. Il a également pour mission d’alerter l’agence régionale de santé lorsque des dérives sont identifiées, ce que doivent lui permettre les règles d’indépendance professionnelle prévues dans les codes de déontologie des médecins et chirurgiens-dentistes.

Prenant acte des difficultés pratiques s’attachant à l’exercice d’une telle fonction dans un contexte où les médecins et dentistes sont salariés du centre, votre rapporteure propose de substituer au référent la constitution d’un comité médical, chargé de répondre collectivement de la qualité, de la sécurité et de la pertinence des soins au sein du centre.

I.   Le droit existant : une dilution des responsabilités portant sur la qualité et la sécurité des soins dispensés

Dans la grande majorité des cas, les gestionnaires des centres de santé ne sont pas issus du milieu médical ou dentaire. Il existe une diversité de profils très importante en la matière, et la souplesse permise par le modèle associatif fait que pratiquement tout le monde peut devenir gestionnaire d’un centre de santé.

Cette situation devient problématique lorsque les objectifs fixés par le gestionnaire pour la conduite de son centre de santé entrent en contradiction avec les impératifs de qualité et de sécurité des soins, et avec les obligations déontologiques qui incombent aux professionnels de santé. Le gestionnaire n’est, en effet, pas soumis à ces obligations déontologiques.

Or, dans les centres, les professionnels de santé sont tous salariés. Cette règle est posée de manière explicite à l’article L. 6323-1-5 du code de la santé publique. Si le gestionnaire fixe des objectifs dans la gestion du centre qui entrent en contradiction avec l’impératif de qualité et de sécurité des soins, le praticien a, en théorie, le devoir déontologique de s’y opposer. Cependant, il peut être compliqué pour les professionnels de santé, en raison de cette position de salariat, de faire prévaloir leurs obligations déontologiques, en raison d’un rapport de force avec le gestionnaire qui peut être défavorable.

Et lorsque les agences régionales de santé sont alertées de manquements, les gestionnaires ont beau jeu de se défausser de leurs responsabilités concernant la qualité et la sécurité des soins au motif qu’ils ne sont pas des professionnels de santé, et donc ne sont pas à même d’évaluer cette qualité et cette sécurité.

II.   le droit proposé : la nomination de référents responsables pour les soins dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques

Votre rapporteure souhaite mettre un terme à cette dilution des responsabilités concernant la qualité et la sécurité des soins en centre de santé. Il faut que cette responsabilité soit explicitement assumée par une personne ou une entité bien identifiée, qui soit en mesure de connaître et de répondre de ces questions, par exemple devant les agences régionales de santé. Il faut que cette responsabilité ainsi attribuée et assumée puisse, le cas échéant, contrebalancer les objectifs de rentabilité du gestionnaire.

Votre rapporteure a jugé que la désignation d’un référent pour la qualité et la sécurité des soins au sein des centres de santé dentaires, ophtalmologiques et, initialement, gynécologiques, pourrait répondre à cet enjeu. Concrètement, ce rôle serait assumé par un chirurgien-dentiste dans les centres dentaires, un ophtalmologue dans les centres ophtalmologiques, et un gynécologue dans les centres gynécologiques, nommé par le gestionnaire, et qui serait responsable de la qualité et de la sécurité des soins dans le centre.

L’article 2 prévoit qu’il aurait la responsabilité d’avertir le directeur général de l’ARS en cas de décisions du gestionnaire qui seraient de nature à porter atteinte à la santé des patients et à la santé publique. Le dispositif rappelle qu’il bénéficierait, à ce titre, des règles d’indépendance professionnelle reconnues aux chirurgiens-dentistes et aux médecins dans leur code de déontologie respectif.

En effet, l’article R. 4127-209 du code de la santé publique, dispose, dans la partie relative à la déontologie des chirurgiens-dentistes, que « le chirurgiendentiste ne peut aliéner son indépendance professionnelle de quelque façon et sous quelque forme que ce soit ». Cette disposition figure pratiquement à l’identique dans le code de déontologie médicale, à l’article R. 4127‑4, qui prévoit que « le médecin ne peut aliéner son indépendance professionnelle sous quelque forme que ce soit ». L’article ne fait ainsi que rappeler et donner force de loi à un principe qui, normalement, lie déjà l’ensemble des chirurgiens-dentistes et médecins.

III.   la position de votre rapporteure : substituer un comité médical/dentaire aux référents, afin de permettre l’applicabilité de cette mesure

A.   Substituer un comité médical au référent

Si les personnes auditionnées par votre rapporteure ont toutes jugé indispensable d’attribuer explicitement la responsabilité de la qualité et de la sécurité des soins au sein des centres de santé, et salué en ce sens la mesure prévue à l’article 2, bon nombre d’entre elles ont estimé que cette disposition serait particulièrement difficile à appliquer en pratique.

La plupart des personnes auditionnées ont estimé qu’il serait difficile de trouver un volontaire pour assumer une telle responsabilité, et jouer, de manière institutionnalisée, le rôle de lanceur d’alerte prévu par cet article, s’il le faut en dénonçant son gestionnaire et employeur.

La Fédération nationale des centres de santé et la Mutualité française se sont en outre interrogées sur la rémunération spécifique qui devrait nécessairement s’attacher à cette fonction pour qu’elle soit attractive, et les difficultés que cela pourrait poser, en particulier pour des petits centres de santé, à l’équilibre financier fragile.

Tenant compte de ces objections, votre rapporteure est ainsi conduite à proposer une nouvelle formule pour atteindre l’objectif fixé par l’article 2. Il s’agirait d’organiser une responsabilité collective des professionnels de santé d’un centre dentaire ou ophtalmologique sur la politique de qualité, de sécurité et de pertinence. Concrètement, dans tous les centres employant deux professionnels médicaux pour la discipline concernée, un comité médical ou comité dentaire devrait être créé.

Tous les praticiens exerçant dans le centre en seraient membres. Ce comité se réunirait au minimum une fois par trimestre pour aborder les problématiques relatives à la qualité, la sécurité et la pertinence des soins au sein du centre. Des représentants des usagers pourraient être conviés. Ces réunions feraient l’objet d’un compte rendu envoyé simultanément au gestionnaire et au directeur général de l’ARS. Ainsi, le gestionnaire ne pourrait pas invoquer sa méconnaissance des problématiques relatives à ces questions. Par ailleurs, en cas de demande portant sur les soins, l’ARS pourrait avoir un interlocuteur identifié en la personne du président du comité, qui serait désigné pour une durée minimale d’un an, afin de garantir un minimum de stabilité au sein de cette instance.

Il est à noter qu’en cohérence avec la position adoptée sur l’article 1er, où votre rapporteure a appelé à extraire les centres gynécologiques de l’agrément préalable, la nouvelle formulation de l’article 2 ne vise plus que les centres dentaires et ophtalmologiques.

B.   améliorer la transparence sur les professionnels de santé exerçant dans les centres

La nouvelle version de l’article 2 proposée par votre rapporteure porte une autre mesure qui rejoint celle figurant dans la nouvelle rédaction de l’article 1er, sur la transmission des contrats de travail et diplômes des professionnels de santé exerçant dans les centres.

Il s’agit, de la même manière, de lever le voile sur les professionnels de santé qui dispensent les soins. Il n’est pas acceptable que les patients ne connaissent pas le nom de la personne qui les soigne, et soient pris en charge par un orthoptiste quand ils pensent voir un ophtalmologue, ou par un assistant médical quand ils croient avoir affaire à un orthoptiste.

La transmission au fil de l’eau des diplômes et contrats de travail à l’ARS et aux ordres a été prévue dans le cadre de l’article 1er, car votre rapporteure a souhaité en faire une condition pour l’obtention de l’agrément des centres de santé. Cette mesure indispensable doit être complétée par d’autres dispositions qui garantissent, au quotidien, un bon niveau de transparence sur les personnes qui effectuent les soins.

À cette fin, la nouvelle écriture proposée pour l’article 2 impose à tous les centres de santé de garantir la publicité des noms et titres des professionnels de santé exerçant dans leurs centres, que ce soit à temps plein ou à temps partiel, y compris dans le cadre de remplacements. Cette publicité devra être assurée de manière visible dans les locaux du centre et de ses antennes, mais aussi sur son site Internet et sur les plateformes de communication utilisées pour ce centre, le cas échéant.

Ces mesures devraient être de nature à garantir plus de transparence vis‑à‑vis des patients. Elles faciliteront en outre les actions de contrôle conduites par les ARS.

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Article 2 bis (nouveau)
Identification des professionnels de santé salariés des centres de santé par un numéro personnel distinct de celui du centre

Introduit par la commission

L’article 2 bis impose l’identification individuelle des professionnels de santé salariés des centres au moyen d’un numéro personnel distinct de celui de la structure dans laquelle ils exercent, dans le cadre des interactions du centre de santé avec la sécurité sociale.

L’objectif est de mettre un terme à l’absence de traçabilité des actes accomplis et facturés au sein des centres de santé, dont les centres déviants ont su tirer parti à des fins d’enrichissement.

Un décret doit préciser les situations dans lesquelles ce numéro d’identification personnel devra figurer à côté de celui de la structure. L’article 2 bis précise qu’il pourra s’agir d’actes, de consultations ou de prescriptions, en vue de leur remboursement par la sécurité sociale.

L’article 2 bis a été adopté à l’initiative de M. Thibault Bazin et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, avec l’avis favorable de votre rapporteure. Il vise à remédier à un problème systématiquement mentionné s’agissant du contrôle des centres de santé, en particulier de ceux dans lesquels des dérives ont été identifiées. Il s’agit de la traçabilité des actes accomplis par les professionnels de santé de ces centres. En l’état, l’ensemble des actes et consultations sont facturés à la sécurité sociale par le centre de santé, et non par le professionnel à l’origine de l’acte ou de la consultation. La feuille de soins porte ainsi uniquement le numéro de la structure, sans mention du professionnel de santé qui a effectué l’acte ou la consultation.

Ce fonctionnement pose problème lorsqu’interviennent des dérives dans la qualité et la sécurité des soins dispensés, ou lorsque la sécurité sociale cherche à évaluer la réalité des actes effectués, en vue d’identifier des fraudes ou des surfacturations. La facturation par le centre de santé induit en effet une totale opacité et une dilution des responsabilités au sein du centre.

Tous les interlocuteurs rencontrés par votre rapporteure ont estimé que l’identification individuelle des professionnels de santé exerçant dans les centres était souhaitable et nécessaire pour mettre un terme à ces situations d’opacité dont les centres déviants savent profiter. La Caisse nationale de l’assurance maladie a indiqué travailler à ce chantier qui présente une certaine technicité.

Votre rapporteure est donc favorable à la formulation du principe législatif de l’identification individuelle des professionnels au sein des centres, dont la mise en œuvre devra être précisée au niveau réglementaire. Cette insertion dans la présente proposition de loi devrait être de nature à stimuler les travaux entrepris au niveau technique.

Combinée à d’autres mesures de la présente proposition de loi, cette disposition devrait permettre de remédier à certaines situations inadmissibles évoquées lors des auditions : patients mutilés et incapables de connaître le nom du praticien à l’origine des mauvais traitements ; ou encore, surfacturations dont la nature apparaîtrait immédiatement si les actes devaient être attribués à un praticien, ce dernier n’ayant pas le don d’ubiquité.

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Article 3
Systématiser la transmission des diplômes et contrats de travail des praticiens exerçant dans les centres aux agences régionales de santé et aux ordres

Supprimé par la commission

Afin de remédier à l’opacité persistante sur l’identité et la qualité des professionnels de santé exerçant au sein de certains centres déviants, l’article 3 impose de faire obligatoirement figurer la copie de leurs diplômes et contrats de travail au sein du projet de santé du centre. Il systématise par ailleurs la transmission de ces documents aux conseils départementaux de l’ordre des médecins ou des chirurgiens-dentistes, selon la situation, ces derniers étant en effet les plus à même de vérifier les qualifications de ces professionnels et le caractère déontologique des clauses des contrats de travail.

Votre rapporteure propose de supprimer cet article pour transposer son dispositif dans le cadre de l’agrément, à l’article 1er. Ainsi, la transparence sur les professionnels de santé à l’origine des soins deviendra une condition pour le maintien de l’agrément.

L’article 3 dispose que les projets de santé des centres de santé comportent obligatoirement les diplômes et contrats de travail des chirurgiens-dentistes, ophtalmologistes et gynécologues qui y exercent. Il prévoit par ailleurs que les ARS assurent la transmission de ces documents à l’ordre concerné.

Au fil des auditions, votre rapporteure s’est rendu compte que cette obligation des transmissions des diplômes et contrats de travail devrait évoluer pour produire l’effet recherché. Il fallait en particulier :

– élargir le périmètre de cette obligation, pour inclure aussi les assistants médicaux et les orthoptistes, et d’autres documents dont le pouvoir informatif s’avère tout aussi important (les avenants aux contrats, l’organigramme du centre) ;

 ne pas se limiter à une transmission au stade du projet de santé, qui risquait fortement de se réduire à peu de choses, les praticiens étant rarement recrutés en amont de l’ouverture du centre. La notion de transmission « au fil de l’eau » a ainsi été introduite ;

– inclure cette obligation de transmission dans le cadre de l’agrément institué pour les centres dentaires et ophtalmologiques, de façon à lui donner toute la force nécessaire ;

– limiter la charge administrative des ARS, en prévoyant une transmission simultanée à l’ordre et aux ARS, et non une transmission à l’ordre par les ARS.

Toutes ces évolutions ont conduit votre rapporteure à intégrer le dispositif de l’article 3, largement complété et précisé, au sein de l’article 1er relatif à l’agrément.

L’article 3 étant devenu sans objet, votre rapporteure préconise de le supprimer.

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Article 4
Empêcher un organisme gestionnaire ou un représentant légal dont un centre a été suspendu ou fermé d’en ouvrir d’autres pendant une durée déterminée

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 vise à outiller le directeur général de l’agence régionale de santé pour refuser l’ouverture d’un centre qui est demandée par le gestionnaire ou le responsable légal d’un centre dans lequel des dérives ont été identifiées, conduisant à la suspension des activités de ce centre, voire à sa fermeture.

Il s’agit, d’une part, de « sortir du circuit », au moins pendant un certain temps, les personnes morales ou physiques qui se sont compromises dans ces déviances. D’autre part, il s’agit de faire en sorte que l’ensemble des services de l’État et les ordres partagent l’information à leur sujet, afin d’être à même d’identifier et de prévenir des risques de déviances futures.

I.   Le droit existant : les ARS sont mal outillées pour refuser l’ouverture d’un centre à des gestionnaires ou dirigeants compromis

Lorsque des manquements sont constatés dans un centre de santé, et qu’ils sont répétés ou de nature à mettre en danger la sécurité des patients, le directeur général de l’ARS a, au titre de l’article L. 6323-1-12 introduit par l’ordonnance de 2018, le pouvoir de suspendre les activités de ce centre, voire d’en décider la fermeture.

En parallèle, des procédures pénales sont généralement ouvertes contre les dirigeants de ces centres compromis. Cependant, ces procédures s’étalent sur plusieurs années – ainsi le procès des dirigeants de Dentexia n’a toujours pas eu lieu, alors que le scandale date de 2016. Dans l’intervalle, ces dirigeants sont présumés innocents, et peuvent tout à fait poursuivre leur activité ailleurs, parfois selon des modalités identiques.

Deux problèmes se posent face à cette situation :

– premièrement, les directeurs généraux d’ARS ne sont pas outillés, sur le plan juridique, pour refuser l’ouverture d’un centre à un dirigeant compromis mais présumé innocent ;

– deuxièmement, si ces personnes ont commis leurs méfaits dans une autre région, ils n’ont souvent pas l’information, faute de centralisation des données sur ce sujet entre régions et entre services de l’État.

Quelques mois après le scandale Proxidentaire, le trésorier de l’association gestionnaire de Proxidentaire s’attelait ainsi à rouvrir un centre de santé dans une autre région. Il a fallu un signalement des services du ministère de l’économie pour que le lien soit effectué entre ce nouveau centre et les centres Proxidentaire à l’origine du scandale.

II.   le droit proposé : Permettre aux ARS de refuser l’ouverture de centres pendant une durée déterminéE

Votre rapporteure estime que des situations comme celles-ci ne peuvent plus se produire. C’est la raison d’être de l’article 4 de la présente proposition de loi, qui vise à fournir une base juridique permettant aux directeurs généraux d’ARS de refuser l’ouverture d’un centre à des dirigeants compromis.

Selon les termes de l’article 4, qui complète l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique, le directeur général pourra ainsi refuser de délivrer le récépissé valant autorisation de dispenser des soins en réponse à l’engagement de conformité d’un gestionnaire s’il apparaît que l’organisme gestionnaire ou le représentant légal de cet organisme a vu les activités de l’un de ses centres ou de l’une de leurs antennes totalement ou partiellement suspendues. Cette interdiction a vocation à durer aussi longtemps que dure la suspension, et à se prolonger pendant une durée maximale de cinq ans en cas de fermeture définitive.

Il est à noter qu’à la différence des articles 1er et 2, l’article 4 ne concerne pas spécifiquement les centres dentaires et ophtalmologiques. Ces dispositions sont ainsi applicables quelle que soit la nature des activités exercées par le centre. Il semble en effet pertinent, dès lors qu’il s’agit de sanctionner les gestionnaires déviants, de ne pas restreindre le champ.

III.   la position de votre rapporteure : systématiser le partage d’informations sur les gestionnaires et dirigeants déviants

Votre rapporteure propose une réécriture de l’article 4 de la présente proposition de loi dans le but de le compléter et d’en améliorer l’écriture juridique.

Outre les aspects légistiques, il s’agit essentiellement :

– d’améliorer l’applicabilité des sanctions financières votées dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, afin de permettre au directeur général de l’ARS de sanctionner des manquements à la réglementation des centres de santé ; votre rapporteure estime qu’il est impératif de prévoir un barème pour faciliter la mise en œuvre de ces sanctions par les ARS ;

– de tenir compte des évolutions portées par l’article 1er de la présente proposition de loi, en prévoyant que le directeur général de l’ARS pourra, dans la situation visée par l’article 4, refuser de délivrer le récépissé mais aussi l’agrément. Cela permet d’intégrer le fait que l’ouverture des centres dentaires et ophtalmologiques ne sera plus régie, à compter de l’entrée en vigueur de la présente loi, par la délivrance du récépissé, mais par celle de l’agrément ;

– de viser plus largement les personnes susceptibles de faire l’objet de l’interdiction portée par l’article 4 : il s’agit, au-delà du représentant légal de l’organisme gestionnaire, de l’ensemble de l’équipe dirigeante du centre de santé, qui assume une responsabilité collective sur la conduite du centre ;

– d’améliorer l’applicabilité de l’interdiction portée par l’article 4 en systématisant le partage d’informations sur les centres déviants.

Ce dernier point est une difficulté majeure actuellement. L’information circule difficilement entre régions et entre services de l’État. Certains services captent des signaux qu’ils ne sont pas en mesure d’analyser, ou alors seulement des fragments de signaux qui sont trop faibles pour susciter une action. Mis en commun, l’ensemble de ces informations et signaux peut transformer des signaux faibles en signal fort, et permettre une action rapide et préventive des services de l’État, avant que des dommages ne soient à déplorer.

Votre rapporteure constate ainsi qu’il est impératif que l’information circule de manière beaucoup plus fluide entre les ARS et les ordres. Actuellement, la communication entre les deux varie d’une région à l’autre, selon les circonstances et les personnes. Cette situation est dommageable : les ordres disposent d’informations importantes pour les ARS, en particulier sur les praticiens qui exercent dans les centres ; ils peuvent s’assurer que des professionnels de santé qui ont eu des comportements non déontologiques dans le cadre d’un centre dont les activités ont été suspendues ou interrompues ne vont pas continuer leurs mauvaises pratiques ailleurs, dans un autre centre ou même en libéral, notamment en bloquant leur carte CPS.

Pour cette raison, la nouvelle version de l’article 4 proposée par votre rapporteure impose aux ARS d’informer sans délai l’ordre compétent de toute décision de suspension ou de fermeture.

Il est aussi impératif de trouver les modalités d’une mise en commun de l’information sur les centres déviants entre les services de l’État, afin que les informations parcellaires dont disposent l’assurance maladie, le ministère de la santé ou le ministère de l’économie puissent être recoupées et agrégées.

L’obstacle dans cette perspective est souvent matériel, au-delà des différences de cultures et d’organisation entre ministères : ces derniers n’ont souvent pas techniquement la possibilité de partager de manière simple l’information dont ils disposent.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteure propose la mise en place d’un répertoire national qui aura vocation à agréger les données collectées sur les centres de santé par l’ensemble des services de l’État, quel que soit l’angle de leur contrôle : lutte contre la fraude, menaces à la santé et à la sécurité sanitaire ou remboursements indus de l’assurance maladie.

Il va de soi que ce répertoire devra faire l’objet d’un travail technique non négligeable au niveau réglementaire, notamment pour respecter les règles relatives à la protection des données personnelles.

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Article 5 (nouveau)
Transmission annuelle obligatoire à l’agence régionale de santé des comptes certifiés du centre de santé

Introduit par la commission

L’article 5 vise à formuler sans ambiguïté l’obligation pour tous les gestionnaires de centres de santé de transmettre chaque année au directeur général de l’agence régionale de santé leurs comptes certifiés par un commissaire aux comptes. Si tous les gestionnaires sont visés quel que soit leur statut, il s’agit essentiellement de renforcer la transparence des gestionnaires associatifs, dans le but de prévenir et d’identifier des dérives lucratives.

L’article 5 résulte de l’adoption d’un amendement déposé par M. Thibault Bazin (groupe Les Républicains), qui énonce l’obligation pour tout gestionnaire de centre de santé de transmettre chaque année ses comptes au directeur général de l’ARS. Il modifie à cette fin l’article L. 6323-1-4 du code de la santé publique, lequel prévoit que les comptes du gestionnaire doivent permettre d’établir que ce dernier respecte l’obligation de non-distribution des bénéfices d’exploitation posée au même article.

Si l’ensemble des gestionnaires sont visés, indépendamment de leur statut, il s’agit essentiellement de renforcer la transparence des gestionnaires associatifs, dans la même logique que celle poursuivie à travers les différents articles de la présente proposition de loi.

En l’état actuel du droit, les associations dites « loi de 1901 » sont déjà soumises à l’obligation légale de publier leurs comptes dès lors qu’elles reçoivent des subventions publiques, en vertu de l’article L. 612-4 du code du commerce, lequel dispose :

« Toute association ayant reçu annuellement des autorités administratives, au sens de l’article 1er de la loi du 12 avril 2000, ou des établissements publics à caractère industriel et commercial une ou plusieurs subventions en numéraire dont le montant global dépasse un seuil fixé par décret, doit établir des comptes annuels comprenant un bilan, un compte de résultat et une annexe dont les modalités d’établissement sont fixées par décret. Ces associations doivent assurer, dans des conditions déterminées par décret en Conseil d’État, la publicité de leurs comptes annuels et du rapport du commissaire aux comptes. »

En cohérence avec cette disposition, et parce qu’elle estime que c’est la seule manière de garantir une transparence réelle, votre rapporteure a jugé que la disposition portée par l’amendement de M. Thibault Bazin devrait également prévoir que les comptes transmis ont été certifiés par un commissaire aux comptes. Ce dernier étant tenu de signaler toute irrégularité dans son rapport, cet ajout permettrait de donner sa pleine portée au présent article. La commission a ainsi adopté un sous-amendement en ce sens.

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Article 6 (nouveau)
Sanctions en cas de non-transmission à l’agence régionale de santé du rapport d’activité et des documents de gestion du centre de santé

Introduit par la commission

L’article 6 vise à prévoir l’application de sanctions en cas de non-transmission, par le gestionnaire du centre de santé, des documents qu’il est légalement tenu de communiquer au directeur général de l’agence régionale de santé (ARS).

L’article L. 6323-1-13 du code de la santé publique prévoit en effet que le gestionnaire transmet chaque année à l’ARS « les informations relatives aux activités et aux caractéristiques de fonctionnement et de gestion des centres de santé et de leurs antennes dont il est le représentant légal », le contenu de ces documents étant fixé par décret.

Or, de l’avis général, ces documents ne sont pas transmis, ou alors de manière aléatoire. Il importe que les obligations légales visant à renforcer la transparence sur les activités et la gestion des centres de santé soient appliquées. L’article 6 prévoit ainsi que des sanctions seront appliquées en cas de non-respect de cette obligation.

L’article 6 a été adopté à l’initiative de votre rapporteure. Il résulte d’un constat qui est souvent remonté lors des travaux conduits dans le cadre de la présente proposition de loi : il existe déjà un arsenal juridique non négligeable pour réguler les pratiques des centres de santé et améliorer la transparence pour prévenir et détecter les dérives lucratives, mais ces règles ne sont pas ou mal appliquées.

Votre rapporteure estime que tout manquement dans l’application de la réglementation et de la législation relative aux centres de santé doit donner lieu à des sanctions proportionnées. À cette fin, l’article 8 de la présente proposition de loi prévoit la mise en place d’un barème permettant aux directeurs généraux des ARS de déterminer plus facilement le montant de la sanction à appliquer face à tel ou tel manquement.

Le présent article prévoit ainsi explicitement que le non-respect des obligations de transparence des centres de santé prévues à l’article L. 6323-1-13 du code de la santé publique est passible des sanctions prévues à l’article L. 6323‑1‑12, en cas de manquement d’un centre de santé à son engagement de conformité. L’article L. 6323-1-13 impose en effet à tout gestionnaire de centre de santé de transmettre « annuellement au directeur général de l’agence régionale de santé les informations relatives aux activités et aux caractéristiques de fonctionnement et de gestion des centres de santé et de leurs antennes dont il est le représentant légal ».

Votre rapporteure estime ainsi que cette modification de l’article L. 6323‑1‑13, associée à la modification de l’article L. 6323-1-12 portée par l’article 8 de la présente proposition de loi, sera de nature à permettre une sanction systématique et proportionnée de tout manquement d’un gestionnaire de centre de santé à ses obligations législatives et réglementaires.

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Article 7 (nouveau)
Interdiction pour les centres de santé de demander le paiement intégral anticipé des soins

Introduit par la commission

L’article 7 pose le principe de l’interdiction du paiement intégral des soins lorsque ceux‑ci n’ont pas encore été dispensés, afin de réguler une pratique fréquemment observée dans des centres de santé dentaires.

Cette pratique a pu conduire à des situations très préjudiciables pour les patients, notamment lorsque les soins dentaires dispensés par la suite ont été de mauvaise qualité ou non conformes, voire lorsqu’ils n’ont pas été exécutés, en cas de fermeture du centre.

L’article 7 a été adopté à l’initiative de votre rapporteure. Il vise à contrer une pratique fréquemment observée dans les centres de santé dentaire, notamment ceux qui ont été à l’origine de scandales. Dans ces centres, les patients avaient souvent été contraints de payer l’intégralité des soins programmés par anticipation, alors même qu’aucun soin n’avait encore été dispensé. Cette pratique s’accompagnait même d’offres de crédits, proposées dans l’enceinte même des centres de santé – en toute illégalité – afin de permettre à des patients souvent modestes de financer les soins dentaires onéreux qui leur étaient prescrits.

Ce mode de fonctionnement, très problématique en soi, a eu des conséquences dramatiques lorsque les soins effectués par la suite ont été de mauvaise qualité ou inadaptés, voire lorsqu’ils n’ont pas eu lieu du tout. De nombreux patients se sont retrouvés lourdement endettés alors même que leurs problèmes dentaires n’étaient nullement réglés, et étaient même souvent bien pires qu’auparavant : multiples dents arrachées sans raison, infections dues à un manque d’hygiène, etc. Ils se retrouvaient ainsi à devoir financer de nouveaux soins dentaires alors même qu’ils étaient étranglés par le remboursement des soins facturés par le centre, lequel, souvent, avait fermé.

La commission des affaires sociales a ainsi estimé que la pratique consistant à faire payer l’intégralité des soins par anticipation doit être interdite dans les centres de santé. Il demeurera possible de demander un paiement anticipé, mais seulement pour une fraction du montant total, appelée à être précisée par voie réglementaire.

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Article 8 (nouveau)
Augmentation des sanctions applicables en cas de manquement des centres de santé à leur engagement de conformité et détermination d’un barème

Introduit par la commission

L’article 8 vise à renforcer la mise en œuvre de sanctions par les agences régionales de santé (ARS) lorsqu’elles détectent des manquements des centres de santé à leurs obligations législatives et réglementaires.

Il s’agit, d’une part, de rehausser le plafond des sanctions applicables ; et d’autre part, de prévoir la détermination d’un barème pour la mise en œuvre de ces sanctions, par voie réglementaire. La première mesure vise à dissuader davantage les gestionnaires puissants, tandis que la seconde vise à faciliter la tâche des directeurs généraux des ARS, en les aidant à déterminer un niveau de sanction pour chaque type de manquement.

L’article 71 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022, adopté à l’initiative de votre rapporteure, a donné la possibilité aux directeurs généraux des ARS de décider de sanctions en cas de manquements des centres de santé à leurs obligations législatives et réglementaires.

À cette fin, il a modifié le I de l’article L. 6323-1-12 du code de la santé publique, pour prévoir « lorsqu’un manquement à l’engagement de conformité est constaté et en l’absence de réponse dans le délai fixé par l’injonction ou si cette réponse est insuffisante », le directeur général de l’agence régionale de santé peut prononcer une amende administrative ne pouvant excéder 150 000 euros, et pouvant être assortie d’une astreinte journalière de 1 000 euros par jour au maximum, aussi longtemps que dure le manquement.

Les informations qui sont remontées à votre rapporteure au sujet de la mise en œuvre de cette mesure de sanction font apparaître deux points :

– premièrement, elles n’ont pas encore été appliquées, en raison d’un certain embarras des directeurs généraux d’ARS pour déterminer le montant précis de la sanction à appliquer face à tel ou tel manquement ;

– deuxièmement, les plafonds prévus ne sont pas forcément très dissuasifs pour des « grands délinquants », lesquels sont pourtant les premiers visés par cette mesure.

La commission des affaires sociales a ainsi estimé qu’il était souhaitable de rehausser les plafonds prévus dans le cadre de l’article L. 6323-1-12, et qu’il était possible de le faire sans faire entorse à la nécessaire proportionnalité des sanctions. À l’initiative de M. Sébastien Peytavie et ses collègues du groupe Écologiste - NUPES, elle a ainsi adopté, sur l’avis favorable de la rapporteure, un amendement visant à doubler les montants de l’amende administrative et de l’astreinte journalière, ainsi portés respectivement à 300 000 et 2 000 euros.

Par ailleurs, à l’initiative de la rapporteure, un amendement a été adopté pour prévoir la détermination, par décret, d’un barème pour l’application des sanctions dans le cadre de l’article L. 6323-1-12.

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Article 9 (nouveau)
Demande de rapport au Gouvernement sur les moyens nécessaires aux agences régionales de santé pour exercer les compétences dévolues au titre de la présente loi

Introduit par la commission

L’article 9 constitue la conséquence logique de l’ensemble des mesures portées par la présente proportion de loi, lesquelles visent essentiellement à renforcer la régulation des centres de santé – surtout dentaires et ophtalmologiques – par les agences régionales de santé (ARS).

Il apparaît indispensable de faire le point sur les moyens supplémentaires nécessaires aux ARS pour s’acquitter de leurs nouvelles missions au titre de la présente proposition de loi.

Comme votre rapporteure l’a souligné en introduction, la baisse des moyens d’inspection-contrôle dans les agences régionales de santé (ARS) a été l’un des facteurs majeurs de la multiplication des dérives dans les centres de santé, avec la suppression de l’agrément préalable. La « peur du gendarme » a disparu chez les gestionnaires peu scrupuleux, parce qu’il est devenu de notoriété publique que le gendarme n’était pas à redouter.

Cette tendance s’est infléchie avec la multiplication des scandales sanitaires, dans les centres dentaires en particulier. Les centres de santé comptent à présent parmi les priorités nationales de contrôle des services de l’État, et plusieurs agences régionales de santé, confrontées à ce phénomène, ont largement augmenté leur vigilance.

Cependant, au long des auditions conduites par votre rapporteure, la problématique des moyens de contrôle contraints des ARS a sans cesse été rappelée. D’ores et déjà, les agences peinent à mettre en œuvre les compétences qui leur sont reconnues dans le cadre de la législation actuelle. Or, la présente proposition de loi aura pour effet de leur transférer des compétences et missions plus nombreuses encore, à commencer par la procédure d’agrément, qui sera d’autant plus lourde à assumer pour certaines ARS qu’elle devra également concerner le stock des centres déjà ouverts dans la région.

Votre rapporteure alerte sur le fait qu’il faudra veiller à ne pas « déshabiller Paul pour habiller Pierre » : il ne s’agirait pas d’arrêter de contrôler les Ehpad sous prétexte que l’on contrôle les centres de santé...

C’est dans cet esprit que votre rapporteure a donné un avis favorable à un amendement de M. Thibault Bazin visant à demander un rapport au Gouvernement sur les moyens nécessaires aux ARS pour mettre en œuvre la présente proposition de loi ; cet effort de sincérité a semblé indispensable à l’ensemble des membres de la commission, qui a ainsi adopté le présent article 9.

 


  1  —

   Travaux de la commission

Au cours de sa première réunion du mercredi 23 novembre 2022, la commission examine la proposition de loi visant à améliorer l’encadrement des centres de santé (n° 361) ([10]).

Mme Michèle Peyron, présidente. Je rappelle que cette proposition de loi est inscrite à l’ordre du jour de la séance publique la semaine prochaine et qu’elle sera examinée selon la procédure de législation en commission.

Mme la présidente Fadila Khattabi, rapporteure. Les dérives graves de ces dernières années imposent de renforcer l’encadrement des centres de santé.

Il ne s’agit pas de lancer l’anathème sur l’ensemble de ces centres, car nombre d’entre eux offrent des soins de qualité. Leur installation, notamment dans les zones sous‑dotées, avait à l’origine un objectif tout à fait louable, celui de favoriser l’accès aux soins. La suppression de l’agrément préalable, une procédure jugée lourde et formaliste, par la loi de 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires (« HPST »), visait à développer encore l’accès aux soins et l’exercice coordonné, mais force est de constater que cet objectif n’a pas été pleinement atteint, voire a été dévoyé.

En effet, la « loi Bachelot » a entraîné l’ouverture d’une pléthore de centres, principalement dans des zones urbaines où l’accès aux soins n’était pas problématique. Le directeur de l’agence régionale de santé (ARS) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur l’a confirmé lors de son audition : on trouve sur le littoral méditerranéen pas moins de 158 centres de santé. En région parisienne, leur nombre a augmenté de 127 % en cinq ans : on compte désormais 748 centres !

Par ailleurs, certains centres ont mis en place des pratiques déviantes, douteuses, qui ont causé des dommages parfois irréversibles aux patients. À cela s’ajoutent des surfacturations de soins injustifiés, parfois non effectués. Il s’agit ni plus ni moins d’une fraude à la sécurité sociale, que la Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) estime à plusieurs millions d’euros.

L’affaire Dentexia, encore dans tous les esprits, a provoqué un premier électrochoc. L’ordonnance de 2018, prise à la suite de ce scandale sanitaire, comportait plusieurs mesures pour mieux encadrer l’activité des centres. Mais les dispositions se sont révélées inefficaces, compte tenu de l’ampleur des dérives et, il faut le reconnaître, de l’insuffisance des contrôles.

En septembre 2021, j’ai découvert avec stupeur un nouveau scandale, celui des centres Proxidentaire installés à Chevigny-Saint-Sauveur – dans ma circonscription – et à Belfort. Certes, l’ordonnance de 2018 a permis au directeur de l’ARS Bourgogne-Franche-Comté de prononcer la fermeture définitive des centres mais les victimes, que j’ai rencontrées, étaient, et demeurent, dans une détresse indescriptible, tant sur le plan physique, psychologique, que social – bouche mutilée, surtraitements, surendettement.

J’ai alerté immédiatement le ministre de la santé, Olivier Véran, que je remercie pour son écoute et sa réactivité. Sur son instruction, la Cnam s’est mobilisée pour assurer la continuité des soins et a créé un fonds d’indemnisation des victimes. Je remercie aussi Thibault Bazin et Thomas Mesnier, avec qui j’ai mené le combat pour trouver une réponse législative efficace. L’amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2022, visant à mettre fin au conventionnement d’office et à instaurer une sanction financière, a été adopté à l’unanimité.

Pour la sécurité des patients, pour les victimes qui suivent nos travaux et attendent beaucoup de nous, nous devons aller plus loin. L’article 1er de cette proposition de loi vise à rétablir l’agrément supprimé par la loi de 2009. Seul cet agrément peut garantir que le centre remplit toutes les conditions et son caractère obligatoire éliminera d’emblée les centres qui présentent des risques de dérive lucrative. Par ailleurs, sa délivrance redonnera du pouvoir aux ARS. L’article 2 visait initialement à mettre en place un médecin référent au sein du centre pour garantir la qualité et la sécurité des soins ; les auditions m’ont conduite à proposer un amendement pour remplacer le médecin par un comité, médical ou dentaire, qui sera chargé de veiller au bon fonctionnement. L’article 3 instaure l’obligation, pour le centre, de transmettre les contrats des salariés à l’ARS, laquelle devra à son tour les transmettre aux ordres professionnels, qui vérifieront les diplômes et la conformité des contrats. Enfin, l’article 4 interdit à tout gestionnaire ayant fait l’objet d’une sanction de rouvrir un autre centre tant que les manquements n’ont pas été sanctionnés, éventuellement au pénal.

Plusieurs de mes amendements proposent une réécriture des articles. J’ai craint que les mesures proposées soient difficilement applicables et restent lettre morte. En lien avec les ARS, les ordres, les centres de santé, la direction générale de l’offre de soins (DGOS), les collectifs de victimes, j’ai travaillé pour faire évoluer le texte ; je remarque que ces nouvelles propositions ne sont pas éloignées des vôtres et qu’elles pourront converger.

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Guichard (RE). Ce texte était très attendu. En 2009, la « loi Bachelot » a assoupli la procédure préalable à l’ouverture de centres de santé afin d’améliorer l’accès aux soins, mais l’enfer est pavé de bonnes intentions et des escrocs n’ont eu aucun scrupule à en abuser. Il est intolérable et révoltant que des gestionnaires puissent profiter de la confiance de patients, saigner leurs économies mais surtout les blesser dans leurs chairs. Pour que jamais ne se reproduisent les scandales Dentexia et Proxidentaire, nous devons renforcer les règles et les procédures de contrôle.

Cette proposition de loi rétablit l’agrément préalable de l’ARS. En outre, elle améliore les échanges informationnels, avec la création d’un organe référent et le concours des ordres professionnels aux vérifications effectuées par les autorités sanitaires. Enfin, parce qu’il serait irresponsable de laisser des charlatans poursuivre librement leurs affaires, elle accorde aux ARS la possibilité de refuser de délivrer un agrément pour un nouveau centre. Le groupe Renaissance votera en faveur de ce texte.

M. Thierry Frappé (RN). Le constat de la dégradation globale et nationale de l’offre de santé est irréfutable. Après les scandales Dentexia et Proxidentaire, il était devenu nécessaire de légiférer pour renforcer l’encadrement, améliorer la qualité et la sécurité des soins et éviter de nouvelles dérives. Le groupe Rassemblement National soutiendra ce texte mais proposera des amendements. Nous considérons comme insuffisant l’encadrement des centres par les ARS, dont les défaillances durant la crise sanitaire ont montré la nécessité de restaurer les directions régionales des affaires sanitaires et sociales. Nous estimons aussi que les ordres professionnels doivent être l’acteur initial et permanent dans l’ouverture, l’encadrement et le contrôle des centres de santé.

Il importe de se poser de bonnes questions sur la santé de notre pays. Pourquoi la France subit-elle une désaffection des professionnels de santé ? En partie à cause de l’augmentation de la bureaucratie. Cette proposition de loi, et l’omniprésence des ARS, ne résoudront pas ces difficultés.

M. Damien Maudet (LFI - NUPES). Si nous sommes d’accord pour dire qu’il est urgent d’encadrer davantage les centres de santé, notre soutien à ce texte dépendra des moyens qui seront consacrés à l’application des mesures.

Lundi, la Première ministre nous a privés de débat sur une grande partie du PLFSS et nous ne discuterons sans doute pas des déserts médicaux. Or ce texte aurait pu être un outil pour lutter contre ceux-ci, à l’heure où UFC-Que Choisir publie une énième étude montrant que 6 millions de personnes, dont 600 000 souffrant d’une maladie chronique, n’ont pas accès à un médecin traitant, que 27,5 % des enfants vivent dans un désert pédiatrique et que les dépassements d’honoraires sont subis par 30 % de la population. Ce texte aurait pu être un outil pour favoriser l’installation des jeunes médecins, dont beaucoup privilégient le mode d’exercice des centres médicaux et ne sont pas hostiles au salariat. Ce texte, enfin, aurait pu aider les communes désarmées, forcées de bricoler pour attirer les généralistes sur leur territoire, en leur apportant des financements destinés à implanter des centres de santé.

M. Thibault Bazin (LR). Il est urgent d’adopter cette proposition de loi, tous les acteurs auditionnés ces dernières semaines le confirment. Il y a trois ans et demi, j’ai rédigé une proposition de loi similaire, puis j’ai déposé des questions écrites et des amendements, en vain, jusqu’à ce que des abus soient révélés, dans votre circonscription, madame la rapporteure. Vous m’avez alors rejoint dans la conviction qu’il faut réguler l’installation des centres de santé, qui s’accompagne parfois d’entorses aux règles déontologiques, de fraudes à la sécurité sociale, de soins non pertinents et de mauvaise qualité.

Ce texte contient des avancées, comme le rétablissement de l’agrément, délivré par le directeur de l’ARS, l’obligation pour le gestionnaire de transmettre à l’ARS les contrats de travail des praticiens et, pour l’ARS, de les communiquer aux ordres. Cependant, le champ d’application du texte pose question – les centres d’imagerie médicale ou d’orthoptie pourraient être concernés –, ainsi que les moyens alloués aux ARS – auront-elles la possibilité d’exercer ce contrôle ? Nous vous proposerons d’autres dispositions pour renforcer l’efficacité de la proposition de loi : les ordres pourraient être mieux associés aux inspections organisées par l’ARS, les professionnels pourraient porter un badge indiquant leur nom, une note de facturation des actes pourrait être remise au patient.

Mme Sandrine Josso (Dem). En quinze ans, la France a vu fleurir les centres de santé, rassemblant des dentistes, des généralistes, des gynécologues, des ophtalmologues. Les considérant comme un atout pour le maillage territorial et l’accès aux soins, le législateur de 2009 a voulu assouplir les règles d’installation, en remplaçant le régime d’agrément par un régime déclaratif. Des opérateurs cupides ont profité de cette confiance et les dérives ont suivi : moindre qualité, moindre sécurité des soins, mutilations de patients, surfacturation d’actes, fraude à l’assurance maladie. Il s’agit bien sûr de cas isolés, mais ils ont ému la population et la communauté médicale.

Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur ces structures dont l’utilité n’est plus à démontrer mais de renforcer le contrôle a priori et a posteriori de leur installation. Les articles, qui visent à réintroduire l’agrément préalable, à renforcer les contrôles ainsi qu’à éviter que les gestionnaires de centres déjà condamnés n’en rouvrent un nouveau sont justifiés. Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) soutient cette proposition de loi, dont il est cosignataire.

M. Joël Aviragnet (SOC). Les mauvais traitements et la fraude constatés dans plusieurs centres de santé dentaire en 2016 et en 2021 nous ont conduits à renforcer le contrôle des centres de santé par un amendement au PLFSS 2022. Nous sommes tous conscients du manque de médecins et nous savons que les centres de santé sont nécessaires à l’organisation du système de soins. Leur activité doit cependant être mieux encadrée ; c’est l’objet de cette proposition de loi.

Si le texte va dans le bon sens, certaines dispositions nous posent question et d’autres sont perfectibles. La restauration d’un agrément semble nécessaire, le directeur de l’ARS devenant le garant de la qualité des soins : quand cette mesure entrera-t-elle en vigueur ? La désignation d’un médecin référent n’est pas une mauvaise idée mais la rédaction de l’article est insuffisante car elle pourrait permettre aux autres professionnels de se décharger de leur responsabilité. Enfin, il faudrait étendre les signalements aux actes et soins dérivés plutôt que de les limiter aux décisions. L’article 3 nous laisse perplexes : s’il faut mieux contrôler les diplômes et les contrats, il serait plus adéquat de greffer ce contrôle sur l’engagement de conformité. Enfin, l’article 4 devrait aller plus loin en inversant le mécanisme prévu. Le groupe Socialistes et apparentés votera en faveur du texte, même s’il est perfectible.

M. Thomas Mesnier (HOR). Les affaires, pour ne pas dire les scandales, qui impliquent des centres de santé rassemblent tout ce qu’on peut trouver de pire dans une prise en charge médicale : tromperie aggravée, blanchiment et escroquerie en bande organisée, fraude fiscale et sociale, actes de mutilation volontaire sur les patients, travail dissimulé, exercice illégal de la médecine. La majorité a pourtant agi avec volontarisme : en 2018, le Gouvernement a pris des ordonnances ; en 2021, plusieurs dispositions, que j’ai soutenues en tant que rapporteur général, ont été adoptées avec le PLFSS – certaines ont été censurées par le Conseil constitutionnel.

Le groupe Horizons et apparentés souscrit à cette proposition de loi. Pour l’enrichir, il proposera plusieurs amendements visant à créer une commission pour examiner les demandes d’agrément, au sein de laquelle siégeraient des représentants des ordres, à instaurer une procédure d’agrément pour les centres de santé déjà existants, et à rendre annuelle la transmission des documents à l’ARS.

Nous devons aux victimes cette évolution de la loi. Un meilleur accès aux soins ne doit jamais se faire au sacrifice de la qualité des soins délivrés. Je ne doute pas que cette proposition fera consensus, au-delà des bancs de la majorité.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Des professionnels de santé peu scrupuleux ont failli à leur serment d’Hippocrate et ont arnaqué des patients, souvent dans le besoin : une femme, venue pour qu’on lui soigne une carie s’est vu arracher quatorze dents. Plus de cent cinquante personnes ont été mutilées, dans le seul but de facturer des soins à l’assurance maladie et d’enrichir le groupe Proxidentaire. Ce scandale sanitaire découle de l’entreprise de libéralisation de la santé, qui a ajouté à la mission première, soigner, l’objectif de faire des bénéfices. Derrière les fraudes à l’assurance maladie – près de 22 millions d’euros en 2020 –, on découvre parfois le caractère lucratif des gestionnaires de centres, pourtant à but non lucratif. L’affaire Orpea nous a montré ce qui se passe lorsque c’est la recherche du profit qui mène la danse ; pour le groupe Écologiste - NUPES, c’est clair : pas de lucrativité dans la santé.

Cette proposition de loi va dans le bon sens, mais on ne saurait aborder la question des centres de santé sous le seul angle de l’encadrement. S’ils sont essentiels dans la lutte contre les déserts médicaux, il convient d’en interroger le modèle économique. Cela passe par la mise en place d’un dispositif de financement à la qualité. Nous avons les moyens de travailler en bonne intelligence, pour rendre justice aux centaines de victimes de ces gangsters de la santé. Nous voterons en faveur de cette proposition de loi, en espérant que les moyens seront suffisamment ambitieux pour qu’elle soit plus qu’un simple rafistolage.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). S’il revient à la justice d’indemniser les victimes pour le préjudice subi, il est de notre responsabilité de faire en sorte que la loi empêche de nouveaux scandales.

Nous doutons de l’efficacité des mesures proposées et voyons, dans ce texte, une occasion manquée. Le risque est de réduire les centres de santé à des lieux où la logique du profit l’emporte toujours sur le soin. Ce sont pourtant des centres à but non lucratif, et ils manquent dans notre pays. Nous croyons dans l’exercice coordonné de la médecine, dans la médecine d’équipe et dans la médecine salariée ; nous pensons qu’ils constituent une réponse forte aux difficultés d’accès aux soins et qu’ils peuvent prendre leur part dans la politique de prévention. Les dernières mesures ont pu entraver leur développement, par les municipalités ou par leur mutualité. Nous aurions besoin d’un grand plan de déploiement des centres de santé. Cette dimension manque au texte.

M. Laurent Panifous (LIOT). Les scandales ont fait prendre conscience de la nécessité de lutter contre les dérives. Mieux encadrer les centres de santé, leur ouverture et leur contrôle est crucial. Mais quels sont les moyens dévolus aux ARS ? C’est le cœur du sujet, comme pour les Ehpad. Malgré le caractère non lucratif des centres, des gestionnaires mal intentionnés ont abandonné le volet social et se sont orientés vers des actes plus rémunérateurs. Il n’est pas question de jeter l’opprobre sur tout un secteur essentiel pour l’accès aux soins et la lutte contre la désertification médicale. Interrogeons-nous aussi sur ce que cela dit de notre système de santé, quand un grand nombre de personnes renoncent à se soigner en raison du coût des soins.

Vos amendements, madame la rapporteure, ont levé plusieurs de nos questions, mais nous nous demandons encore pourquoi vous ciblez seulement les centres dentaires et ophtalmologiques ; nous nous interrogeons aussi sur le régime de responsabilité des médecins référents et sur le fait que la visite de conformité ne soit pas obligatoire. Enfin, qu’en est-il des centres de santé déjà ouverts ?

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Caroline Janvier (RE). Cette proposition de loi aborde une question qui revient régulièrement dans cette commission : comment simplifier les démarches, diversifier les modes de soins, sans altérer la qualité de la prise en charge ? Des affaires comme Dentexia montrent combien les ARS sont utiles, qu’il faut les doter de moyens supplémentaires plutôt que les supprimer, comme le propose avec démagogie l’orateur du groupe RN. Je me souviens d’une époque où les délégations territoriales avaient plus d’importance et plus d’effectifs qu’elles n’en ont aujourd’hui, ce qui leur permettait d’entretenir un lien de proximité avec les établissements médico-sociaux.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Il me semble que l’agrément a été supprimé parce que les ARS n’avaient pas les moyens de traiter toutes les demandes. Qu’en sera-t-il demain, d’autant qu’elles devront aussi vérifier la conformité des diplômes ?

Mme Josiane Corneloup (LR). Les centres de santé sont des acteurs importants de l’offre de soins de proximité, notamment pour les personnes les plus vulnérables. Cependant, la suppression de l’agrément a conduit à de nombreuses dérives, incluant des traitements inutiles, des surfacturations et la mutilation de patients. Cette proposition de loi est nécessaire car nos concitoyens doivent pouvoir fréquenter en toute confiance et sécurité leur centre de santé. J’ai toutefois des réserves sur les moyens dont les ARS disposeront, dans la mesure où c’est déjà un manque d’effectifs qui avait allongé les délais, retardé l’ouverture de centres et donc justifié la suppression de l’agrément. Les agences auront-elles la capacité d’étudier les demandes dans des délais raisonnables et de contrôler efficacement le fonctionnement des centres ? Qu’en est-il des centres déjà ouverts ?

M. Didier Martin (RE). Nous sommes invités à jouer pleinement notre rôle de législateur, établir des normes pour l’ouverture et le fonctionnement des centres de santé. Après les scandales, il nous faut aussi rétablir la confiance des patients dans la qualité des soins qui leur seront délivrés, en établissant des critères, en instaurant des procédures de contrôle, par l’ARS et les ordres. Il faut par ailleurs éviter que la lourdeur administrative, en entraînant des retards, ne freine le déploiement de ces centres, fort utiles pour les publics vulnérables ou éloignés géographiquement des soins.

Mme la rapporteure. Je constate que personne n’a remis en cause l’absolue nécessité de ces centres. Je suis d’accord avec vous pour dire que la lutte contre les dérives et le renforcement des contrôles dépendent des moyens, notamment humains, octroyés aux ARS – c’était un élément récurrent des auditions et nous en avons largement parlé dans le cadre du scandale d’Orpea. Nous devrons y travailler, notamment dans le cadre du prochain PLFSS.

Il faudrait aussi que l’administration réforme sa façon de travailler et abandonne un fonctionnement en silo, pour travailler avec les caisses, les ordres et partager les informations. C’est ainsi que les brebis galeuses seront repérées et sanctionnées, sans que soit freiné le développement des centres de santé.

Article 1er : Rétablissement d’un agrément préalable pour les centres de santé ayant des activités dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques

Amendement AS76 de Mme Fadila Khattabi et sous-amendements AS91 de M. Thierry Frappé, AS83, AS84 et AS85 de M. Thibault Bazin, sous-amendements identiques AS86 de M. Thibault Bazin et AS96 de M. Thierry Frappé, sousamendements AS92 et AS93 de M. Thierry Frappé, AS90, AS106 et AS110 de M. Sébastien Peytavie, amendement AS9 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

Mme la rapporteure. Je propose une nouvelle rédaction plus efficace de l’article 1er, en reprenant un certain nombre de propositions qui figurent dans les amendements déposés par différents groupes. Il s’agit toujours de rétablir l’agrément préalable obligatoire pour les centres dentaires et ophtalmologiques, où des dérives ont pu être observées. Lors des auditions, il nous a été confirmé par la Cnam et par la DGOS qu’aucun fait ne nécessitait d’étendre cette procédure aux centres gynécologiques.

L’article précise la liste des documents qui doivent figurer dans le dossier de demande d’agrément, car ces éléments sont susceptibles de mettre en évidence une dérive lucrative potentielle. Il faudra fournir les déclarations de liens d’intérêts ainsi que les contrats de l’organisme gestionnaire avec des sociétés tierces.

Il est prévu que la délivrance de l’agrément intervienne en deux temps : l’agrément provisoire serait suivi d’un agrément définitif au bout de douze mois. Afin de ne pas alourdir le travail des ARS, elles pourront réaliser une visite de conformité si elles le jugent nécessaire. Les dérives en matière de facturation se manifestent parfois quelques semaines seulement après le début de l’activité d’un centre de santé. Savoir que l’agrément ne devient définitif qu’au bout de douze mois et qu’il peut être retiré à tout moment par l’ARS est dissuasif.

L’article comprend une liste de motifs de refus d’agrément, afin de donner une base juridique solide aux décisions des directeurs généraux d’ARS.

Alors que certaines zones sont surdotées, ce texte permet aussi de donner davantage de pouvoir de régulation aux ARS en leur permettant d’apprécier la pertinence de l’installation d’un centre de santé au vu du projet régional de santé (PRS). Cela permettra d’éviter les installations qui poursuivent uniquement un but lucratif.

Le turnover du personnel est très important dans ces centres. Il est donc nécessaire que ces derniers actualisent de manière systématique les contrats de travail et les diplômes transmis tant aux ARS qu’aux conseils départementaux des ordres concernés.

M. Thierry Frappé (RN). Le sous-amendement AS91 prévoit un avis du conseil départemental de l’ordre des chirurgiens-dentistes ou des médecins avant la délivrance de l’agrément par le directeur général de l’ARS.

Mme la rapporteure. Il me semble compliqué de prévoir un avis préalable systématique de l’ordre concerné. Les ordres sont un peu juge et partie, car ils sont plutôt favorables à l’activité libérale et ne le sont donc pas au développement des centres de santé. Les ordres ont vocation à être consultés sur la qualité des personnels médicaux qui exercent dans ces centres. Ils doivent être informés de ceux qui font l’objet de sanctions, pour vérifier l’absence de dérive en matière de diplômes et de contrats de travail. On a vu que dans certains centres les salariés étaient rémunérés en proportion de l’activité, ce qui n’est pas acceptable dans des structures associatives qui relèvent de la loi de 1901.

M. Yannick Neuder (LR). Dans le cadre des discussions sur les déserts médicaux au sein du Conseil national de la refondation, on nous propose que les ordres proposent les lieux des stages de quatrième année et d’installation des professionnels de santé. Il est étonnant qu’on nous explique dans le cadre de cette proposition de loi que les ordres sont trop en faveur du secteur libéral et qu’il ne faut pas demander leur avis lors de la procédure d’agrément des centres de santé. Je dénonce le fait qu’on utilise les ordres lorsque cela arrange.

Mme la rapporteure. J’ai discuté avec les présidents des ordres nationaux. Lorsque les centres de santé ont commencé à s’installer, les ordres étaient réticents. C’est un fait. Je ne remets pas en question leur expertise sur les besoins de santé, mais il ne faut pas rendre les procédures plus complexes. Je fais confiance aux ARS pour évaluer la pertinence des demandes en fonction des PRS et des documents fournis. Elles pourront interroger l’ordre, qui pourra faire part de difficultés dont il sera tenu compte pour la décision finale.

M. Thierry Frappé (RN). La consultation préalable de l’ordre est une mesure de simplification administrative. L’ARS ne dispose pas de l’agrément donné par l’ordre au médecin ou chirurgien-dentiste postulant. En cas de problème, cela risque d’imposer un aller‑retour inutile de dossiers.

Pour revenir sur l’avis sur l’opportunité de la création d’un centre, il relève des missions de l’union régionale des professions de santé (URPS) d’établir une programmation non contraignante des installations.

Mme la rapporteure. M. Dharréville a souligné combien il était nécessaire de développer ces centres en facilitant leur installation. Ne rendons pas les choses plus complexes en imposant un avis supplémentaire, qu’il faudra attendre. Faisons confiance aux ARS. Les ordres sont consultés au sujet de certains documents absolument nécessaires pour s’assurer du bon fonctionnement du centre et de la qualité des soins dispensés.

M. Didier Martin (RE). Il faut respecter les rôles différents et nécessaires de chacun.

L’ARS veille à l’équilibre de l’offre régionale de soins et elle est responsable de la délivrance de l’agrément.

Les ordres ont pour fonction de vérifier la conformité des diplômes des professionnels, de délivrer les autorisations d’exercice, de veiller à la légalité des contrats d’exercice et, le cas échéant, d’enregistrer les plaintes de certains patients.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, vous avez déposé cet amendement après l’expiration du délai de dépôt – ce qui est votre droit. Sans le reconnaître dans l’exposé des motifs, il reprend un certain nombre d’idées qui figurent dans des amendements qui avaient été déposés auparavant par d’autres députés. Je suis profondément déçu par cette méthode, qui montre que vous n’avez pas changés. Pour la coconstruction, il faudra repasser ! Vous auriez pu adopter nos amendements.

On voit se multiplier les centres d’imagerie médicale, avec de la publicité extérieure – alors que c’est interdit. On peut s’interroger sur la pertinence et le nombre des actes qui y sont pratiqués, tandis que la situation des personnels de santé qui y travaillent n’est pas claire. Les syndicats et les fédérations concernées que nous avons auditionnés souhaitent que l’agrément soit aussi exigé pour ces centres afin d’éviter les abus ; et ils ne voyaient pas d’inconvénient à ce qu’il en soit de même par précaution pour ceux qui ont une activité gynécologique – comme cela était le cas dans la proposition de loi initiale.

Le sous-amendement AS83 a pour objet de soumettre également à agrément préalable les centres de santé ayant une activité gynécologique ou d’imagerie médicale.

Le sous-amendement de repli AS84 ne vise que les centres qui ont une activité gynécologique, tandis que le sous-amendement de repli AS85 porte seulement sur ceux qui ont une activité d’imagerie médicale.

Mme la rapporteure. Vous mettez en doute mon honnêteté intellectuelle. Cela n’est pas très élégant, d’autant que j’ai salué le travail que nous avions mené ensemble. Mais ça n’est pas grave.

Selon la Cnam et la DGOS, il n’y a pas de dérive qui justifie de prévoir un agrément préalable pour les centres qui ont une activité gynécologique. Les moyens des ARS étant comptés, il convient de les concentrer sur les centres qui ont des activités de dentisterie ou d’ophtalmologie. Lors des auditions, la Cnam a présenté l’exemple de centres à l’origine, en seulement quelques mois, de préjudices s’élevant à 5 millions d’euros en dentisterie et à 7 millions d’euros en ophtalmologie.

Avis défavorable aux sous-amendements AS83 et AS85, demande de retrait pour le sous-amendement AS84.

M. Thibault Bazin (LR). Vous avez choisi de déposer un amendement de rédaction globale dont l’adoption fera tomber nos amendements. Dont acte. J’aurais préféré une autre méthode consistant à sous-amender nos amendements.

Les préjudices financiers mentionnés par la Cnam s’agissant de deux centres dentaires et ophtalmologiques sont énormes. Compte tenu des doutes sur la pertinence et le nombre des actes pratiqués dans les centres d’imagerie, le montant du préjudice lié à des dérives pourrait être également très important. J’ai mené des auditions sur ce sujet il y a quatre ans. Dans certaines sociétés, l’interprétation des actes est réalisée à bas prix à l’étranger, avec une transmission des images qui ne respecte pas les règles et sans qu’on sache qui procède à l’interprétation – ni même si les actes sont pertinents. Il est nécessaire de réguler la télé‑imagerie pour éviter de tels abus.

Mme la rapporteure. Vos remarques sont judicieuses, mais selon la DGOS, il y a très peu de cas d’abus en matière d’imagerie – du moins à ce stade. De plus, les sociétés qui proposent l’interprétation d’images à distance ne correspondent pas à la définition des centres de santé associatifs telle qu’elle figure à l’article L. 6323-1 du code de la santé publique. Ce secteur de l’imagerie mérite d’être étudié de manière approfondie.

Les auditions ont montré qu’il fallait améliorer la précision et la pertinence de la proposition de loi. Vous auriez pu reconnaître que j’ai eu l’élégance de prévenir que je déposais un amendement de rédaction globale et de vous inviter à transformer vos amendements en sous‑amendements.

M. Didier Martin (RE). Cette proposition de loi n’a pas pour objet de traiter de l’imagerie médicale, même s’il s’agit d’un sujet important et mérite d’être étudié dans son ensemble dans le cadre d’une mission d’information.

Si l’on s’en tient aux centres de santé dentaire, il faut souligner que l’installation et l’utilisation d’appareils de radiologie y sont soumises à des normes et préconisations très strictes, pour protéger aussi bien les patients que les personnels.

La télé-interprétation par un radiologue rend beaucoup de services et permet à des centres hospitaliers installés en milieu rural de fonctionner.

M. Thomas Mesnier (HOR). Le groupe Horizons et apparentés soutient l’amendement de la rapporteure. La nouvelle rédaction de l’article 1er reprend un certain nombre de nos propositions d’amendements, notamment à l’article 3. Nous sommes satisfaits que soit reprise l’idée d’une mise à jour régulière des informations envoyées aux ARS, afin d’avoir un véritable contrôle.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). La rapporteure a parlé de zones surdotées. La régulation que vous souhaitez instaurer pour les centres de santé mérite d’être organisée à une plus grande échelle si l’on veut que la loi soit cohérente. Par parenthèse, les escroqueries et les actes non nécessaires à l’origine de dommages peuvent aussi être le fait de professionnels qui n’exercent pas dans les centres de santé – je connais des exemples dans ma région.

Notre groupe ne voit pas d’inconvénient à la mise en place d’un agrément pour les centres de santé, mais il n’est pas certain que cela règle tous les problèmes et que l’examen administratif des demandes suffise. La rapporteure elle-même l’admet implicitement, puisqu’elle propose d’autres mesures dans sa proposition de loi. Nous doutons un peu de l’efficacité du dispositif.

Comme l’a dit Thibault Bazin, on assiste au déploiement de structures virtuelles de santé. Cela peut conduire à une marchandisation poussée de la santé. Ce n’est pas de ce sujet dont nous discutons aujourd’hui, mais il faut que notre commission s’en préoccupe.

M. Yannick Neuder (LR). Nous avons le sentiment d’avoir proposé beaucoup d’amendements, notamment dans le cadre du PLFSS 2023. Certains ont été jugés irrecevables, puis ont été repris sous la forme d’un amendement du Gouvernement – ce qui coupait court à toute discussion et nous fait parfois penser que vous manquez d’idée, ce qui vous conduit à vous inspirer des nôtres en en revendiquant la paternité. C’est le jeu de rôle classique entre la majorité et l’opposition.

S’agissant de la radiologie, le problème dépasse la question des centres de santé. Sans l’interprétation à distance par des radiologues qui exercent dans des hôpitaux importants, beaucoup de petits hôpitaux rencontreraient des difficultés. Mais on assiste dans le même temps à une dérive totale. Les internes qui ont achevé leur formation sont captés par des entreprises de téléradiologie, dont une grande partie est installée en Australie. On est en train de tuer la profession de radiologue libéral.

Mme Claire Guichard (RE). Les auditions organisées pour cette proposition de loi ont duré plus de vingt heures et on fait ressortir toutes les bonnes idées. Il fallait en tenir compte et faire évoluer le texte initial.

Il appartient aux ordres professionnels d’intervenir lorsque des praticiens libéraux sont malhonnêtes ou incompétents, monsieur Dharréville. Lors des auditions, le responsable d’un ordre nous a indiqué que quatre centres de santé s’étaient installés autour d’une grande ville près de Paris sans qu’il en ait été informé. Il faut une meilleure régulation.

Tous nos interlocuteurs ont été surpris que les centres qui ont une activité gynécologique aient été inclus dans la procédure d’agrément préalable par la proposition de loi initiale. Ils ont indiqué qu’ils n’avaient pas observé de dérives dans leur cas, ni dans celui des centres d’imagerie médicale.

M. Thibault Bazin (LR). Madame la rapporteure, ce qui compte ce n’est pas l’auteur de l’amendement, c’est d’aller dans le bon sens. Et c’est ce que fait votre amendement. Il propose une meilleure rédaction que celle de la proposition de loi initiale.

La télé-expertise rend en effet de très bons services. Une mission « flash » serait utile pour mieux connaître les pratiques de certaines structures s’agissant de la pertinence et de la qualité des actes, mais aussi pour s’assurer du respect des règles déontologiques lors de l’envoi d’images pour procéder à leur interprétation dans des pays qui ne respectent pas nos normes.

J’ai entendu vos arguments sur les centres de santé qui ont une activité gynécologique. En revanche, je maintiens mon sous-amendement AS85 qui porte sur les centres de santé qui ont une activité d’imagerie médicale.

Les sous-amendements AS83 et AS84 sont retirés.

Mme la rapporteure. Les professionnels de santé peu scrupuleux n’exercent pas seulement dans les centres de santé. D’où la nécessité d’améliorer les échanges d’informations entre les ordres et les ARS, qui ne sont pas toujours au courant des mêmes faits.

La mission « flash » demandée par M. Bazin serait opportune. Il n’en demeure pas moins que je maintiens l’avis défavorable à l’amendement AS85.

M. Thibault Bazin (LR). Le sous-amendement AS86 propose de fixer à six mois la durée de validité de l’agrément provisoire, durée que je prévoyais initialement dans mon amendement AS15, afin d’éviter que des centres de santé potentiellement frauduleux puissent perdurer pendant trop longtemps.

M. Thierry Frappé (RN). Le sous-amendement AS96 propose également que l’agrément définitif soit délivré au bout de six mois. Il est important de permettre aux centres de santé d’accéder au crédit en cas de besoin de financement. La diminution du délai ne nuit en aucun cas à la santé et la sécurité.

Mme la rapporteure. Demande de retrait.

Le délai de six mois que vous proposez est vraiment trop court. Les services des ARS ont besoin de plus de temps pour mener à bien le travail d’instruction du dossier. C’est la raison pour laquelle mon amendement propose de passer à un délai de douze mois. Cela fera en outre peser plus longtemps une épée de Damoclès sur les centres dont le dossier est à l’instruction et qui pendant ce temps-là peuvent faire l’objet d’une visite de conformité ou de questions complémentaires.

M. Thibault Bazin (LR). Lors des auditions, le délai de six mois initialement prévu par la proposition de loi n’avait pas fait l’objet d’observations de la Cnam ou des ordres. Il serait intéressant de les entendre de nouveau sur ce point.

La question des moyens des ARS est revenue lors de toutes les auditions. L’examen en séance publique du PLFSS 2023 est prévu dans la soirée du vendredi 25 novembre et il faut souhaiter qu’une utilisation précipitée de l’article 49, alinéa 3, ne nous privera pas d’un débat sur ce sujet.

M. Thierry Frappé (RN). Vous avez indiqué que les fraudes apparaissent parfois dès les premières semaines d’activité d’un centre de santé. Je comprends que les ARS manquent de moyens, mais pourquoi laisser traîner les choses pendant un an ? On pourrait faire tomber l’épée de Damoclès plus vite.

Mme la rapporteure. Rien n’empêche l’ARS d’intervenir si elle constate des dérives dès les premiers mois. Laissons aux ARS plus de souplesse.

Mme Claire Guichard (RE). Avec cette proposition de loi – qui je l’espère sera votée par une large majorité – les demandeurs d’agrément auront intérêt à se mettre d’équerre dès le début, parce que des pénalités sont prévues. Ceux qui ont de mauvaises intentions et espèrent faire beaucoup d’argent risquent d’être déçus. Vous pouvez nous faire confiance : Cette proposition de loi est complète – jambon et fromage !

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La confiance n’exclut pas le contrôle. Ces sous-amendements qui raccourcissent les délais sont de bon sens. Je me réjouis qu’ils aient été déposés par des députés Les Républicains, car ce sont eux qui ont supprimé l’agrément en 2009. Ils se rendent compte désormais combien cela fait du bien d’être de gauche...

M. Thibault Bazin (LR). Il faut savoir corriger des dispositifs qui ont été mis en place avec de bonnes intentions lorsque l’on constate des abus. Nous avons fait des propositions en ce sens depuis plusieurs années. Je maintiens le sousamendement car les discussions avec les parties prenantes ont eu lieu sur la base d’un délai de six mois. En tout état de cause, je suis partisan d’un contrôle permanent sur l’ensemble des centres. Mme Corneloup vous a interrogé sur ce point.

Mme la rapporteure. Je n’ai pas répondu à son intervention car j’aurai l’occasion de le faire à l’occasion de la discussion d’un amendement de Thomas Mesnier.

Il ne faut pas imposer des contraintes de délai trop lourdes et contre‑productives aux ARS. Le délai de douze mois proposé est raisonnable.

M. Thierry Frappé (RN). Le sous-amendement AS92 vise à faire du conseil départemental de l’ordre des médecins le premier interlocuteur des centres de santé déposant une demande d’agrément. Son avis, contrairement à celui de l’ARS, est d’ordre déontologique. Le dossier complet remis par le gestionnaire fera ainsi l’objet d’une analyse ordinale d’abord, administrative ensuite.

Le sous-amendement AS93 a le même objet s’agissant de la délivrance et du maintien de l’agrément. Il prévoit la remise, par le gestionnaire du centre de santé, d’une copie des diplômes et des contrats de travail des chirurgiens-dentistes, des assistants dentaires, des ophtalmologistes et des orthoptistes à chaque nouvelle embauche, ainsi que de tout avenant au contrat de travail de l’un de ces professionnels et d’une mise à jour de l’organigramme du centre de santé en cas d’embauche ou de rupture d’un contrat de travail.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement AS76 vise à renforcer le contrôle des professionnels de santé opérant dans les centres de santé dentaires, ophtalmologiques et gynécologiques. Il ne précise pas le rôle du conseil départemental de l’ordre des médecins dans la transmission des données les concernant. Le sous-amendement AS90 vise à lui offrir la possibilité de donner un avis contraignant.

Le sous-amendement AS106 est inspiré du rapport très détaillé de l’inspection générale interministérielle du secteur social sur les centres de santé, publié en 2017. Il vise à renforcer la prévention des conflits d’intérêts dans la gestion des centres de santé, en interdisant aux personnes qui en assurent la direction l’exercice d’une fonction directrice dans des entreprises privées fournissant des prestations rémunérées à la structure gestionnaire. Par ailleurs, il impose aux personnes assurant la direction d’un centre de santé, dans un souci de renforcement de la transparence et du contrôle, l’obligation de remettre à la direction de l’ARS une déclaration de liens d’intérêts.

Le sous-amendement AS110 vise à renforcer l’encadrement juridique des centres de santé pour prévenir les conflits d’intérêts pouvant résulter de la gestion à but lucratif de certains centres de santé. Il est aussi inspiré du rapport précité.

L’Inspection générale des affaires sociales a constaté que certains dirigeants exercent directement ou indirectement des fonctions dans des entreprises en lien direct ou indirect avec l’association qu’ils gèrent. Ces entreprises ne relèvent pas du principe législatif de non lucrativité d’une association. Il convient de lutter contre ces pratiques, dont peuvent naître des conflits d’intérêts nuisant directement à la mission première des centres de santé, qui est de pratiquer des soins sans but lucratif.

Mme la rapporteure. J’émets un avis défavorable au sous‑amendement AS92. J’ai eu l’occasion de dire pourquoi je ne souhaite pas faire jouer un rôle au conseil départemental de l’ordre des médecins dans la délivrance de l’agrément. Lorsqu’un centre de santé constitue un dossier en vue d’en obtenir un, il n’a pas toujours recruté tous ses salariés.

Avis défavorable aussi au sous-amendement AS93, dont la rédaction est à peu près similaire à celle de mon amendement.

S’agissant de l’avis contraignant proposé par Mme Garin, je considère qu’un avis motivé est largement suffisant.

M. Thierry Frappé (RN). Mme la rapporteure objecte que la consultation du conseil départemental de l’ordre des médecins ferait prendre du retard au travail des médecins effecteurs du centre de santé concerné. Que leurs contrats de travail soient conclus ou non, ils ne peuvent pas exercer sans avis ordinal ni inscription au tableau de l’ordre.

Mme la rapporteure. Certes, mais le centre de santé n’en est pas moins constitué, ce qui lui permet d’obtenir un agrément, et les médecins effecteurs n’en doivent pas moins remettre à l’ARS et au conseil départemental de l’ordre des médecins les documents leur permettant d’exercer. Si ce dernier détecte un problème, le centre de santé doit le résoudre, sous peine de voir son agrément remis en cause.

Mme Claire Guichard (RE). Les représentants des centres mutualistes nous ont indiqué que, même si la constitution d’un dossier d’agrément prend un peu de temps, la liste des dentistes et des médecins qui y travailleront n’est pas nécessairement arrêtée lors de sa transmission. Bien entendu, les documents nécessaires sont transmis dès que possible au conseil départemental de l’ordre des médecins.

M. Thibault Bazin (LR). Lors des auditions que nous avons menées, certains représentants de centres de santé ont suggéré l’extension de la lutte contre les fraudes, limitée dans le texte aux soins ophtalmologiques et dentaires, après exclusion des soins gynécologiques, à tous les centres de santé. À défaut, de nouveaux centres de santé pourraient être ouverts et frauder. Tel est l’objet de l’amendement d’appel AS9.

On m’objectera que la charge de travail des ARS s’en trouvera excessivement alourdie au regard de leurs moyens. Tout à l’heure, notre collègue Guichard disait qu’elles ont à la fois le jambon et le fromage, et qu’elles disposeraient de moyens pour que la loi soit appliquée. Peut-être a-t-elle, en sa qualité de suppléante du ministre Attal, chargé des comptes publics, la possibilité d’augmenter les moyens des ARS...

Mme la rapporteure. Généraliser l’agrément à tous les centres est très complexe. C’est l’assurance de ne rien faire. Nous avons tous constaté des dérives spécifiques, attachons‑nous à les corriger ! Si nous élargissons le champ d’application du texte, l’efficacité de l’action publique ne sera pas au rendez-vous, quels que soient les moyens alloués.

Il faut favoriser le développement des centres de santé, ce sur quoi nous sommes tous d’accord, et exclure les brebis galeuses. Concentrons-nous sur le flux dans le domaine des soins dentaires et ophtalmologiques, nous traiterons le stock ensuite ! J’émets un avis défavorable à l’amendement AS9.

Les sous-amendements AS83, AS84, AS106 et AS110 sont retirés.

La commission rejette successivement les sous-amendements AS91, AS85, AS86, AS96, AS92, AS93 et AS90.

Puis elle adopte l’amendement AS76 et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS9 de M. Thibault Bazin, AS74 de M. Christophe Bentz, AS36, AS13, AS15 et AS1 de M. Thibault Bazin, AS38 de Mme Joëlle Mélin, AS23 de M. Thibault Bazin, AS42 de Mme Karen Erodi, AS43 de M. Damien Maudet et AS25 de M. Thibault Bazin tombent.

Après l’article 1er

Amendements identiques AS41 de Mme Karen Erodi, AS44 de M. Damien Maudet et AS49 de M. Sébastien Peytavie.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il s’agit de soumettre les activités de soins à une forme de conditionnalité.

Les établissements de santé sont soumis à deux ordres d’exigences. Les premières sont réglementaires. Elles les obligent à remplir des documents standards pour obtenir une habilitation ou un agrément, qui leur donne le droit de pratiquer certains soins et de recevoir des patients.

Les secondes portent sur la façon dont leur activité est politiquement organisée. Sur ce point, il nous semble que le principe de lucrativité constitue un obstacle majeur à la réception, à l’examen, au traitement et au suivi des patientes et des patients. L’amendement AS41 vise à interdire aux groupes de santé à but lucratif la gestion des centres de santé.

M Damien Maudet (LFI - NUPES). Madame la rapporteure, vous avez admis que la lucrativité fait partie des problèmes des centres de santé. En les incitant à gagner de l’argent, on les pousse au vice. Nous pensons qu’il ne faut pas faire de l’argent sur la santé de nos concitoyens, et qu’il faut remédier à la désertification médicale autrement qu’en incitant à la recherche du profit. Nous voulons interdire aux groupes de santé à but lucratif la gestion des centres de santé.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Les centres de santé constituent des piliers de l’accès aux soins de proximité pour tous et toutes sur tout le territoire. La multiplication, au cours des dernières années, des scandales sanitaires, tels que ceux impliquant les groupes Dentexia et Proxidentaire, ont mis en lumière les pratiques peu scrupuleuses de certains professionnels de santé, qui ont failli au serment d’Hippocrate et mutilé des patients par dizaines pour surprescrire des soins remboursés par la sécurité sociale. D’après l’assurance maladie, les fraudes commises en 2020 ont eu un coût de près de 22 millions d’euros.

Prévenir de nouvelles mutilations et de nouveaux mois de douleur sans fin pour des patients arnaqués, ainsi que de nouveaux trous dans les caisses de la sécurité sociale, exige de revenir à un système de soins publics. La maximisation du profit ne peut guider la gestion des centres de santé. L’amendement AS49 vise à supprimer la possibilité d’ouvrir des centres de santé administrés par des organismes à but lucratif.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Il ne faut pas faire l’amalgame entre les dérives lucratives des centres de santé, contre lesquelles le texte vise à lutter, et les centres de santé gérés par les cliniques privées à but lucratif, ce que les amendements tendent à interdire. Celles-ci exercent sous le contrôle de la puissance publique. Les dérives que nous combattons sont le fait de centres de santé associatifs.

Tous, nous considérons qu’il faut, compte tenu des besoins, contribuer au développement des centres de santé. Je ne vois pas pourquoi nous interdirions des centres de santé au motif qu’ils sont gérés par une clinique privée si aucune dérive n’est constatée.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Nous soutenons les amendements. Nous sommes défavorables à la lucrativité en matière de santé. Il faut donner un gros coup de frein à la marchandisation de la santé. S’agissant d’actes médicaux, cette considération doit primer. Il arrive que des structures privées créent des associations ou en suscitent la création dans leur environnement proche, professionnel ou géographique, pour s’adonner à des activités lucratives sans passer directement par les centres de santé. Nous devrions nous pencher sur cette question.

Madame la rapporteure, vous indiquez que les dérives ne sont pas le fait des centres de santé à but lucratif gérés par des cliniques privées. Elles ne sont pas non plus le fait des centres de santé relevant du livre III du code la mutualité. Les évolutions de la loi tendant à scinder les activités mutualistes entre complémentaires de santé et œuvres sociales empêchent de financer correctement ces dernières, ce qui crée des problèmes majeurs de financement pour ces centres de santé depuis plusieurs années. Nous pourrions aussi aborder la question du coût des centres de santé à caractère mutualiste, qui ne se livrent pas aux dérives que vous décrivez. Votre argument appelle des distinctions supplémentaires.

M. Yannick Neuder (LR). Madame Rousseau, votre vision binaire de la société a quelque chose de fatiguant, comme l’a suggéré Mme la rapporteure. Après les agriculteurs, qui sont de méchants pollueurs maltraitant et exploitant leur main-d’œuvre, après les dangereux automobilistes qui, même s’ils habitent des territoires où il faut une voiture pour se déplacer, sont de dangereux pollueurs, voici que vous stigmatisez la médecine privée !

Ce faisant, vous empruntez un dangereux raccourci. Ce qui importe au patient qui doit subir un examen médical ou de radiologie, ce n’est pas que la structure où il a lieu soit publique ou privée, mais que les soins prodigués soient de qualité, qu’ils le soient dans un cabinet médical, dans un centre de santé ou dans un hôpital.

Tel est l’objectif de la présente proposition de loi. Il ne faut pas se tromper de sujet ni de cible. La proposition de loi que nous examinons vise à éviter les dérives financières, pas à interdire la gestion des centres de santé aux structures privées. Les mesures proposées par Mme Rousseau aggraveraient le problème des déserts médicaux.

Il faut cesser d’opposer en permanence médecine publique et médecine privée. Il faut une médecine de qualité, quel que soit son mode d’exercice. Le travail mené ce matin en commission vise à instaurer des contrôles applicables, pas à créer une usine à gaz. Madame Rousseau, cessez d’avoir de la société une vision binaire opposant les gentils et les méchants !

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Dès lors que soigner permet de réaliser du profit, dès lors que la santé des gens s’inscrit dans des logiques lucratives, il y a des dérives, au détriment de la santé des gens. Il y en a eu dans les Ehpad, dans les centres dentaires et ailleurs. La sécurité sociale est difficilement financée – nos débats l’ont souvent démontré – par les cotisations des salariés. Elle ne peut pas être source de profits pour certains au détriment de leur santé.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). La loi distingue un secteur lucratif et un secteur non lucratif, ce qui est bel et bien une perspective binaire. Certains établissements de santé accumulent les profits et font un chiffre d’affaires, d’autres non. Il n’y a pas de gentils et de méchants.

Nous sommes hostiles par principe à l’ouverture de centres de santé lucratifs. Même en l’absence de scandale ou de polémique retentissant, les crises y sont quotidiennes. Le temps accordé aux patientes et aux patients représente autant d’argent perdu. L’intérêt d’un centre de santé lucratif est de minimiser le temps consacré à chaque personne. Leur traitement lui-même, qu’il s’agisse des thérapeutiques mises en œuvre, des matériaux utilisés ou des médicaments administrés, sont rabotés pour augmenter le taux de profit.

Le salaire des professionnels y est gelé. Les établissements de santé rachetés par le mastodonte Ramsay Santé ont un taux de renouvellement du personnel record et des difficultés à le fidéliser. Quant à l’alimentation des patients, l’entretien de leur literie et le nettoyage des surfaces et des espaces, ils constituent autant d’obstacles à la réalisation de profits.

Se demander ce qui est efficace pour le plus grand nombre et ressortit à l’intérêt général, ce n’est pas adopter une logique binaire ni distinguer des gentils et des méchants. Le taux de profit est toujours contraire à l’intérêt général.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Dans l’appréciation d’un système de santé, il faut regarder d’abord ce qui permet la qualité des soins et l’accessibilité au plus grand nombre, dans tous les territoires. La distinction entre médecine privée et médecine publique est simplement un moyen, qu’il incombe aux acteurs publics de réguler, par le biais des formes d’accréditation, s’agissant de la qualité des soins et des tarifs.

Les propos de nos collègues de la NUPES sont une remise en cause non seulement des centres de santé, mais du fonctionnement même de la médecine libérale dans notre pays, qui est un pilier essentiel de notre système de santé. Pour vous, chers collègues, si c’est privé, c’est lucratif ! Vous préférez sans doute des médecins salariés, à l’anglaise, oubliant que le National Health System (NHS) présente de fortes disparités d’accès et de longues files d’attente.

Revenons à l’essentiel : la finalité d’un système de santé, c’est d’assurer des soins de qualités accessibles à tous. La question des moyens pour y parvenir est secondaire. Il incombe au législateur et à l’exécutif de les réguler à bon escient.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mme Panosyan-Bouvet nous fait dire des choses que nous n’avons pas dites. Je prends note, non sans satisfaction, de la volonté de réguler les choses, fût-elle à géométrie variable.

À ma connaissance, la disposition autorisant la création de centres de santé à but lucratif est récente. Elle date de quelques années. Nous pensons qu’il faut lutter contre la marchandisation galopante de la santé, que cette mesure est mauvaise et qu’il faut l’abroger. Je ne suis pas certain qu’un bilan en ait été dressé, ce qui permettrait de savoir combien de centres ont été ainsi créés. Quoi qu’il en soit, il s’agit à nos yeux d’un dévoiement de l’esprit des centres de santé, qui doivent demeurer non lucratifs.

Notre proposition n’a rien – hélas ! – de révolutionnaire. Elle vise à revenir à l’esprit initial des centres de santé pour favoriser leur développement, en évitant les dérives évoquées par Mme la rapporteure. Je conviens qu’elles ne sont pas le fait des cliniques privées, comme cela a été publiquement établi. Elles peuvent l’être, en revanche, de structures associatives créées ou suscitées par des grands groupes privés.

M. Alexandre Vincendet (LR). Je réponds à nos collègues d’extrême gauche qu’il faut cesser, à un moment donné, de donner dans la caricature et de faire passer les professionnels de santé exerçant dans le secteur privé pour des gens exclusivement mus par la volonté de faire du fric. Dans les territoires où l’offre publique de soins est inexistante, les populations et les élus locaux sont bien contents de disposer de structures privées. Sans sa clinique privée, la commune où j’ai été maire, comme tant d’autres, serait un désert médical.

Les praticiens, les médecins et les infirmières font des actes, qui sont facturés. Nous avons besoin de ces professionnels de santé pour soigner les gens. Nous sommes bien contents de les avoir là où le secteur public n’est pas capable de répondre à la demande. Ils sont là pour faire leur métier, pas pour mutiler les gens. Ils sont là pour faire leur travail au service de la population, en faisant en sorte que les gens soient soignés correctement. Si nous ne nous étions reposés que sur le public pendant la pandémie de covid, nous n’en serions pas sortis, d’autant que le privé a d’abord été laissé de côté.

Mme la rapporteure. Chers collègues, je vous remercie de ce riche débat.

L’ouverture de centres de santé à but lucratif a été autorisée par ordonnance en 2018. Il serait opportun que nous disposions de données chiffrées sur leur développement.

Quant aux centres de santé mutualistes et à ceux qui sont gérés par les collectivités locales, ils ne sont pas visés par la présente proposition de loi. Si nous n’avons pas rendu la visite de conformité obligatoire, c’est pour concentrer les moyens sur les centres concernés. Le travail mené par les centres de santé mutualistes est de qualité. Il répond aux attentes de la patientèle. Il faut encourager leur développement.

La commission rejette les amendements.

Article 1er bis (nouveau) : Interdiction d’exercer une fonction dirigeante dans une structure gestionnaire de centre de santé en cas de liens d’intérêts avec des entreprises privées lui délivrant des prestations

Amendement AS65 de M. Sébastien Peytavie et sous-amendement AS105 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement AS65 vise à prévenir les conflits d’intérêts pouvant survenir au sein des associations gestionnaires.

Mme la rapporteure. Avis favorable sous réserve de l’adoption du sous-amendement AS105, lequel vise à en supprimer les deux derniers alinéas, qui sont satisfaits par l’adoption de l’article 1er.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Après l’article 1er

Amendements AS30 et AS31 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement AS30 vise à améliorer l’encadrement de l’ouverture des centres de santé, en permettant la délivrance d’un agrément provisoire d’ouverture par l’ARS, après avis conforme du conseil départemental de l’ordre des médecins, garantissant que les professionnels de santé y sont inscrits. Un tel agrément n’entrave ni l’ouverture ni le bon fonctionnement des centres de santé, et en améliore le contrôle ordinal et administratif. Pour renforcer encore le contrôle des centres de santé, l’amendement prévoit un contrôle conjoint de l’ARS et du conseil départemental de l’ordre des médecins dans les six mois suivant la délivrance de l’agrément provisoire d’ouverture.

L’amendement AS31 vise à améliorer l’efficacité du recrutement des professionnels de santé au sein des centres de santé, en vérifiant que les postulants sont inscrits au tableau de l’ordre et en établissant un premier contact entre le futur centre de santé et le conseil départemental de l’ordre des médecins. Par ailleurs, il permet de simplifier et d’accélérer la communication des informations au conseil départemental de l’ordre des médecins, ainsi que leur analyse.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je me suis longuement exprimée sur le rôle du conseil départemental de l’ordre des médecins.

Par ailleurs, l’amendement AS31 n’est pas opérationnel. Aucun centre de santé n’est en mesure de transmettre une copie des diplômes et des contrats de travail de ses salariés avant l’obtention de la demande d’agrément, pour la simple et bonne raison qu’il ne prendra pas le risque de procéder à des recrutements avant de savoir s’il est autorisé à ouvrir. La transmission de ces documents est effectuée au fil de l’eau, tant que le centre de santé est en activité.

M. Philippe Vigier (Dem). Je suis parfaitement d’accord avec Mme la rapporteure. Des professionnels de santé travaillant dans un centre de santé ouvert à titre provisoire, dont nul ne sait s’il durera, seraient dans une situation de précarité.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS51 et AS64 de M. Sébastien Peytavie.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement AS51 est un amendement de repli visant à ouvrir le dispositif d’incitation financière à la qualité (Ifaq) exclusivement aux centres de santé à but lucratif.

L’amendement plus ambitieux visant à l’ouvrir à tous les acteurs a été déclaré irrecevable. Il visait à dynamiser le modèle économique des centres de santé en offrant des marges de manœuvre à ceux qui remplissent leurs obligations de façon vertueuse, tout en établissant des modalités de contrôle fondées sur la qualité et la sécurité des soins.

S’en tenir aux centres de santé administrés par des organismes à but lucratif et aux mécanismes de pénalités financières applicables en cas de manquement aux objectifs fixés permet de s’inscrire dans l’enveloppe de l’Ifaq, dont le montant a été arrêté. L’amendement n’appelle pas de dotation supplémentaire par le fonds d’intervention régional.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Il n’y a pas lieu de distinguer secteur public et secteur privé en matière de qualité des soins, qui doit être garantie partout. Par ailleurs, les dérives que nous visons ne sont pas le fait des cliniques privées, qui sont soumises à un contrôle serré des pouvoirs publics.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS7 et AS8 de M. Thibault Bazin (discussion commune).

M. Thibault Bazin (LR). L’article 1er de la proposition de loi prévoit un agrément des centres de santé par le directeur général de l’ARS. Toutefois, ce contrôle porte sur le projet de santé, non sur les obligations déontologiques propres aux professionnels de santé, lesquelles font l’objet d’un chapitre dédié dans la partie réglementaire du code de la santé. Bien qu’elles ne relèvent pas de l’ARS, elles sont essentielles à une pratique éthique.

L’objet de l’amendement AS7 est de conditionner l’ouverture d’un centre de santé à un contrôle par le président du conseil départemental de l’ordre du respect des obligations déontologiques. L’amendement AS8 est de repli : il ne prévoit qu’un avis consultatif.

J’insiste sur le fait qu’en l’état de la proposition de loi, le périmètre retenu pour le contrôle – le projet de santé – ne couvre pas tous les abus qu’on a pu observer.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les deux amendements.

Amendement AS69 de M. Thomas Mesnier.

M. Thomas Mesnier (HOR). Nous proposons de créer au sein de l’ARS une commission pour étudier les demandes d’agrément. Les ordres de santé y auraient un avis consultatif, afin qu’ils puissent éclairer l’ARS sur le projet de santé et partager les informations dont ils disposent sur les praticiens souhaitant exercer dans le centre.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : n’alourdissons pas la procédure en créant une commission.

M. Philippe Vigier (Dem). D’expérience, je sais qu’il faut parfois attendre des semaines, voire des mois les décisions de l’ARS. Une commission permettrait de cadrer les choses. Vous qui êtes si attachée à l’effectivité des mesures que nous adoptons, madame la rapporteure, vous devriez accueillir favorablement cet amendement judicieux.

Mme la rapporteure. Tout le monde a des contraintes ! En créant une commission, on risque de les cumuler.

Mme Claire Guichard (RE). De surcroît, nous avons consulté les ordres et ils n’ont pas demandé à faire partie d’une commission.

M. Philippe Vigier (Dem). Évidemment : ils se trouveraient pris dans une seringue de décision et ils ne supportent pas cela !

La commission rejette l’amendement.

Article 1er ter (nouveau) : Obligation pour le gestionnaire d’informer l’agence régionale de santé, l’assurance maladie et l’ordre en cas de fermeture d’un centre de santé

Amendement AS18 de M. Thibault Bazin et sous-amendement AS107 de Mme Fadila Khattabi.

M. Thibault Bazin (LR). La désactivation d’une carte de professionnel de santé (CPS), carte d’identité professionnelle électronique qui permet à un professionnel de santé d’exercer, est de la responsabilité du conseil départemental de l’ordre. Or, en l’état du droit, lorsqu’un centre de santé ferme, le représentant légal de l’organisme gestionnaire n’est pas tenu d’en informer le conseil. Dès lors, des cartes peuvent continuer à circuler sans contrôle. Le présent amendement vise à évacuer ce risque en obligeant le représentant légal de l’organisme gestionnaire à informer dans les sept jours le président du conseil départemental de l’ordre compétent et le directeur général de l’ARS de la fermeture du centre.

Mme la rapporteure. Je suis d’accord, mais il serait bon que la caisse primaire d’assurance maladie soit elle aussi informée.

Avis favorable sur l’amendement sous réserve de l’adoption du sous‑amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Je suis favorable au sous-amendement.

M. Didier Martin (RE). C’est la sécurité sociale qui délivre la carte professionnelle, non l’ordre ni l’ARS. Il est normal qu’un professionnel de santé garde sa carte lorsque le centre ferme. Je ne comprends pas cet amendement.

Mme la rapporteure. L’objectif est de transmettre l’information. Durant les auditions, nous nous sommes aperçus que certains centres fermaient sans que les institutions concernées en soient informées.

M. Thierry Frappé (RN). C’est en effet la sécurité sociale qui délivre la CPS, et c’est elle aussi qui la désactive. C’est pourquoi il faut qu’elle soit informée. Pourquoi ne pas suivre la suggestion de Mme la rapporteure ?

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Article 1er quater (nouveau) : Procédure d’agrément pour les centres de santé dentaires et ophtalmologiques déjà autorisés à dispenser des soins

Amendement AS73 de M. Thomas Mesnier et sous-amendement AS89 de Mme Fadila Khattabi.

M. Thomas Mesnier (HOR). La proposition de loi instaure une procédure d’agrément pour les centres de santé qui viendraient à ouvrir. C’est une très bonne chose. Néanmoins, il serait nécessaire d’étendre cette procédure aux centres déjà ouverts. Pour qu’ils puissent continuer à dispenser des soins, l’agrément devrait avoir été obtenu dans les trois années suivant l’entrée en vigueur de la loi.

Mme la rapporteure. Nous sommes en train de légiférer sur le flux mais il serait également nécessaire de traiter le stock si l’on veut garantir la qualité des soins partout et pour toutes et tous. En revanche, je trouve le délai de trois ans est un peu long ; je propose de le réduire à deux ans. Sous réserve de l’adoption de ce sous‑amendement, je suis favorable à l’amendement.

M. Thibault Bazin (LR). Je trouve excellente l’idée de traiter le stock. Le seul problème, c’est que nous n’avons pas procédé à des concertations sur le sujet. Quel que soit le délai retenu, il serait bon d’y revenir ultérieurement, peut-être dans le cadre de l’examen du PLFSS, en fonction des retours d’expérience que nous aurons eus.

Mme la rapporteure. Les personnes que nous avons auditionnées se sont déclarées favorables à une telle disposition.

M. Thibault Bazin (LR). C’est ce qu’elles ont dit, mais quid de la capacité des ARS à traiter le stock ? Elles n’ont déjà pas les moyens d’assurer la totalité des contrôles dont elles ont la responsabilité !

M. Thomas Mesnier (HOR). Le groupe Horizons et apparentés a préparé cet amendement avec un certain nombre d’acteurs. Le directeur général de l’ARS de Nouvelle-Aquitaine m’a dit que c’était réalisable. Il y a en revanche un doute concernant d’autres régions. C’est pourquoi je proposais un délai de trois ans. Néanmoins, je salue votre volontarisme, madame la rapporteure, et me rallie à votre proposition.

Mme la rapporteure. Nous nous battrons pour obtenir les moyens nécessaires !

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

La réunion est suspendue de onze heures quarante-cinq à midi.

Article 2 : Nomination de praticiens référents responsables de la qualité et de la sécurité des soins pour certaines activités des centres de santé

Amendement AS77 de Mme Fadila Khattabi et sous-amendements AS87 de M. Thibault Bazin et AS95, AS97 et AS104 de M. Thierry Frappé.

Mme la rapporteure. Au vu des auditions que nous avons menées, je propose une nouvelle rédaction de l’article 2.

Dans sa version initiale, l’article proposait de désigner des praticiens référents pour la qualité et la sécurité des soins dans les centres ophtalmologiques et dentaires, dont la fonction se serait apparentée à celle d’un lanceur d’alerte face à de potentielles dérives, notamment celles émanant du gestionnaire.

Il s’agissait de mettre fin à la dilution des responsabilités qui prévaut dans certains centres de santé déviants, où le gestionnaire explique que, n’étant pas un professionnel de santé, il n’est pas responsable pénalement. Par exemple, le gestionnaire des centres de santé Proxidentaire de Chevigny-Saint-Sauveur et de Belfort a déclaré qu’il était couvreur, non un professionnel de santé.

Cependant, je me suis aperçue au cours des auditions que c’était une fausse bonne idée, parce qu’on aurait probablement beaucoup de mal à trouver un volontaire pour exercer cette fonction et endosser, d’une certaine façon, la responsabilité des actes effectués dans le centre.

J’ai donc opté pour la création d’un comité médical ou dentaire qui rassemblerait l’ensemble des professionnels de santé salariés du centre et qui assumerait une responsabilité collective en matière de qualité des soins. Les comptes rendus des réunions de ce comité seraient systématiquement adressés à l’ARS et au gestionnaire. Cela permettrait d’accroître la transparence et de renforcer la qualité des soins dans les centres.

M. Thibault Bazin (LR). Par le sous‑amendement AS87, je propose de reprendre l’expression « plateformes de communication numériques » utilisée dans l’amendement AS10, dont s’est manifestement inspirée la rapporteure.

Il faudra évaluer dans un second temps l’efficacité de ce dispositif, surtout si les professionnels de santé concernés sont salariés des centres. De quelle liberté jouiront-ils ? S’ils deviennent lanceurs d’alerte, ne risqueront-ils pas de perdre leur gagne-pain ? Les URPS et les ordres se posent quelques questions.

En outre, on observe parfois une certaine déconnexion entre la facturation et la présence effective des professionnels, qui peut semer le doute sur la réalité des projets de santé. Il ne faudrait pas que ces équipes soient purement théoriques...

Mme la rapporteure. Je suis favorable à ce sous-amendement, qui permettra de gagner en transparence et en efficacité. J’ai omis de préciser que mon amendement vise aussi à accroître la transparence s’agissant des professionnels de santé qui exercent dans un centre, puisque leur nom devra être affiché dans les locaux et sur le site internet. J’ai échangé pendant trois heures avec les victimes de Proxidentaire, et nombre d’entre elles ignoraient le nom des professionnels de santé qui avaient effectué les soins et mis leur santé en danger. Les patients ont le droit de savoir qui effectue les soins lorsqu’ils se rendent dans un centre. De même, les facturations sont libellées à l’ordre du centre de gestion sans qu’on sache quel professionnel a effectué les soins. Ce n’est pas acceptable. Qui dit soins dit professionnels de santé, donc responsabilité et transparence.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). J’étais gêné par la rédaction initiale de l’article, mais la proposition que vous faites me laisse sceptique, madame la rapporteure. D’abord, les obligations déontologiques personnelles demeurent : il ne faudrait pas les affaiblir. Ensuite, des responsabilités pénales, notamment hiérarchiques, pèsent au sein de toutes les structures juridiques, y compris les centres de santé. Le comité médical ne risque-t-il pas d’interférer avec ces différents degrés de responsabilité ? Je ne suis pas sûr qu’il apporte une plus-value.

Mme la rapporteure. Nombre des personnes que nous avons auditionnées ont salué l’idée du médecin référent. Néanmoins, cela posait le problème de sa rémunération. On pouvait aussi se demander quelle était sa responsabilité envers les soins prodigués, ainsi que par rapport à son supérieur hiérarchique, le président gestionnaire du centre : un professionnel de santé ne peut avoir un droit de regard sur le travail de son confrère. Cela soulevait une question déontologique. Divers échanges m’ont conduite à privilégier l’option de ce comité, qui pourrait avoir un président. Cela permettrait aux salariés de se retrouver entre eux et d’échanger, en l’absence bien entendu du président de l’organisme gestionnaire, sur le fonctionnement du centre, la qualité des soins et les bonnes pratiques. Un compte rendu serait adressé tous les trois mois à l’ARS, qui ferait notamment le bilan de l’activité du centre. Il faut trouver une solution. Nous ne pouvons pas nous contenter de déclarer que le président du centre gestionnaire est pénalement responsable. Il serait appréciable que les membres de la communauté médicale puissent se retrouver tous ensemble, sans le président de l’organisme.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Le comité réunirait‑il l’ensemble des professionnels de santé ?

Mme la rapporteure. Oui : ce serait comme une task force professionnelle. Cela permettrait de souder les salariés. Il ne s’agit certainement pas de porter un jugement sur les confrères.

M. Thierry Frappé (RN). Le sous-amendement AS97 tend à nommer un médecin référent au sein du cabinet médical ou dentaire. Il lui serait adjoint un comité médical ou dentaire, qu’il pourrait saisir pour avis ou pour soutien pour la gestion des soins et l’organisation du centre. Le comité se réunirait obligatoirement au moins une fois par an afin d’établir un rapport sur l’activité du centre. Un décret préciserait le contenu de ce rapport, qui serait remis au directeur de l’ARS et au conseil départemental de l’ordre intéressé.

Le sous-amendement AS95 vise à garantir une parfaite information, sur toutes les plateformes de communication, y compris numériques, sur l’identité des médecins et des chirurgiens-dentistes qui exercent au sein de l’établissement.

Par le sous-amendement AS104, je souhaite garantir la bonne identification du professionnel de santé au moment de la consultation grâce au port d’un badge nominatif indiquant sa fonction au sein de l’établissement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable au sous-amendement AS97 : je viens d’expliquer pourquoi je ne souhaitais pas instituer un médecin référent.

Avis favorable au sous-amendement AS104, qui vient utilement compléter l’article.

Demande de retrait du sous-amendement AS95 au profit du sous-amendement AS87 de M. Bazin.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Au vu des explications que vous nous avez fournies, madame la rapporteure, je veux saluer l’évolution positive de la rédaction de cet article. Tout l’intérêt d’un centre de santé réside dans l’exercice coordonné de la médecine, et je pense que pour ce qui concerne la garantie de la qualité des soins, on est dans la bonne voie.

M. Thibault Bazin (LR). Comme l’adoption probable de cet amendement fera tomber les autres, je voudrais appeler votre attention sur quelques points. D’abord, le professionnel de santé qui signalerait des pratiques frauduleuses devrait bénéficier du statut de lanceur d’alerte. Ensuite, il faudrait associer certains professionnels paramédicaux, en particulier les orthoptistes dans les centres ophtalmologiques, du fait de la délégation des tâches. Enfin, il serait bon de rendre obligatoire l’affichage de l’identité des médecins exerçant dans un centre de santé.

Mme la rapporteure. Je pense qu’il serait préférable de s’en tenir à la communauté médicale. C’est au médecin qui fait le geste professionnel d’en endosser la responsabilité. Pour le reste, laissons la loi vivre, et évaluons-la ensuite.

Mme Nicole Dubré-Chirat (RE). L’existence d’une instance de coordination et de collaboration, comprenant éventuellement un représentant des professions paramédicales, me semble indispensable. Elle leur permettra non seulement de travailler ensemble, mais aussi de fixer un seuil de vigilance en cas de dérive.

Le sous-amendement AS95 est retiré.

La commission adopte le sous-amendement AS87, puis rejette le sousamendement AS97 et adopte le sous-amendement AS104.

Elle adopte ensuite l’amendement AS77 sous-amendé et l’article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, les amendements AS66 de M. Philippe Vigier, AS47 de M. Christophe Bentz, AS17, AS19 et AS10 de M. Thibault Bazin ainsi qu’AS34 et AS35 de M. Thierry Frappé tombent.

Après l’article 2

Amendement AS21 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de préciser qu’un médecin qui fixe des rendez‑vous médicaux en ligne doit s’assurer que le site internet du centre de santé dans lequel il exerce indique aux patients son nom et son titre lors de la prise de rendez-vous.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : si la précision est appréciable, évitons la redondance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS72 de Mme Stéphanie Rist et sous-amendement AS109 de Mme Fadila Khattabi.

Mme Claire Guichard (RE). Si les assistants médicaux permettent de dégager du temps médical, il convient de réguler leur nombre. Dans certains centres ophtalmologiques, on compte cinq assistants pour un ophtalmologiste : autant dire que certains patients ne voient jamais le médecin ! Par l’amendement AS72, nous proposons de limiter le ratio à un assistant pour un médecin.

Mme la rapporteure. Pour éviter toute rigidité, je propose que le nombre de médecins soit « au moins » identique à celui des assistants médicaux. Sous réserve de l’adoption de ce sous-amendement, avis favorable sur l’amendement.

M. Thomas Mesnier (HOR). S’il y a souvent plus d’assistants que de médecins, c’est aussi parce que cela permet de faire fonctionner les centres et de maintenir une certaine production de soins. Je crains que dans le contexte de pénurie médicale actuel, une telle disposition ne porte un coup d’arrêt à l’activité de ces centres, qui rendent de réels services. Ne faisons pas l’amalgame avec d’autres professionnels de santé, comme les orthoptistes, qui peuvent participer à la prise en charge ophtalmologique des patients.

M. Philippe Vigier (Dem). Attention en effet à ne pas mettre de verrou qui empêcherait les centres de fonctionner et rendrait inopérante la proposition de loi !

M. Thibault Bazin (LR). Je suis d’accord : le problème, ce n’est pas la quantité, c’est la qualité. En outre, la situation est parfois inverse, avec un assistant pour plusieurs médecins. L’amendement devrait être retiré.

M. Paul Christophe (HOR). Cet amendement me semble en effet aller à l’encontre de la politique menée en matière d’accompagnement du patient et de restitution de temps médical aux praticiens. Je voterai contre.

Mme la rapporteure. Au vu de vos arguments, je préférerais moi aussi que l’amendement soit retiré.

L’amendement est retiré ; en conséquence, le sous-amendement tombe.

Amendement AS20 de M. Thibault Bazin.

M. Thibault Bazin (LR). Ayant fait le même constat que la rapporteure lors des auditions, notamment des victimes, je propose que les professionnels de santé portent un insigne indiquant leur qualité, de manière à faciliter l’identification des intervenants par le patient.

Mme la rapporteure. Demande de retrait : l’amendement est satisfait par l’adoption du sous-amendement AS104 de M. Frappé.

L’amendement est retiré.

Amendement AS29 de M. Thierry Frappé

M. Thierry Frappé (RN). Afin d’améliorer l’information des patients, l’amendement tend à imposer aux centres de santé de dresser une liste répertoriant les noms des médecins spécialistes autorisés à exercer au sein du centre de santé et de la rendre accessible aux patients. De trop nombreux centres de santé ne remplissent pas leur devoir d’informer le patient au sujet des praticiens qui s’occuperont de lui.

Mme la rapporteure. Votre amendement est satisfait par l’adoption des articles 1er et 2 de la proposition de loi. Je vous invite à le retirer sinon avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Article 2 bis (nouveau) : Systématiser la transmission des diplômes et contrats de travail des praticiens exerçant dans les centres aux agences régionales de santé et aux ordres

Amendement AS2 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Afin de mieux lutter contre la fraude à l’assurance maladie, nous proposons que le numéro personnel du professionnel de santé ainsi que le numéro identifiant la structure au sein de laquelle l’acte, la consultation ou la prescription a été réalisé, figurent sur les documents transmis aux caisses d’assurance maladie.

Mme la rapporteure. Je suis favorable à cet amendement qui vise à identifier par un numéro spécifique les professionnels de santé exerçant dans un centre. La traçabilité renforcera la transparence.

La commission adopte l’amendement.

Article 3 : Systématiser la transmission des diplômes et contrats de travail des praticiens exerçant dans les centres aux agences régionales de santé et aux ordres

Amendement de suppression AS78 de Mme Fadila Khattabi

Mme la rapporteure. Suite à l’adoption de mon amendement à l’article 1er, je vous propose de supprimer l’article 3, devenu sans objet.

M. Thomas Mesnier (HOR). Je salue le travail réalisé car les amendements que nous avions déposés à l’article 3 se retrouvent dans la réécriture de l’article 1er.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements AS68 et AS71 de M. Thomas Mesnier, AS48 de M. Cyrille IsaacSibille, AS26 de M. Thierry Frappé, AS46 de M. Christophe Bentz, AS67 de M. Philippe Vigier ainsi qu’AS27 et AS28 de M. Thierry Frappé tombent.

Article 4 : Empêcher un organisme gestionnaire ou un représentant légal dont un centre a été suspendu ou fermé d’en ouvrir d’autres pendant une durée déterminée

Amendement AS79 de Mme Fadila Khattabi, sous-amendements AS88 de M. Thibault Bazin et AS94 de M. Thierry Frappé (discussion commune), sousamendements AS98 de M. Thierry Frappé, AS103 et AS113 de M. Sébastien Peytavie, AS99 de M. Thierry Frappé et AS120 de M. Thibault Bazin

Mme la rapporteure. Dans sa rédaction actuelle, l’article prévoit qu’un gestionnaire dont l’un des centres a fait l’objet de mesures de suspension voire de fermeture peut se voir refuser l’ouverture d’un autre centre pendant une durée qui ne peut excéder cinq ans.

La limitation de la durée s’explique par la vocation de cette mesure : empêcher le gestionnaire de continuer à nuire immédiatement après la fermeture de son centre alors qu’il est toujours présumé innocent au regard de la loi et respecter le principe de la proportionnalité des sanctions. Elle ne peut donc qu’être transitoire, en attendant que justice soit rendue.

Malheureusement, cette disposition ne pourra pas s’appliquer tant que l’information ne sera pas partagée entre les services de l’État, ceux des régions, les ARS et les ordres.

Je vous propose par conséquent que l’ARS informe systématiquement les ordres quand elle décide de suspendre ou de fermer un centre et de créer un répertoire national qui recenseraient les mesures prononcées contre les centres afin d’en informer les services de l’État.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je comprends votre intention mais, en attendant, que deviendront les salariés de ces centres ?

Mme la rapporteure. Nous ne pouvons pas vous apporter de réponse dans ce texte. Dès lors qu’un manquement est constaté dans un centre, celui-ci doit être fermé. Les salariés sont protégés par le droit du travail.

M. Philippe Vigier (Dem). Tous les professionnels de santé ne sont pas forcément impliqués. Dès lors, le centre pourrait rouvrir et les salariés poursuivre leur activité.

M. Thibault Bazin (LR). Je me demande s’il ne faudrait pas prévoir, au III, que les décisions de suspension et de fermeture sont aussi communiquées sans délai à la caisse nationale de l’assurance maladie.

Mme la rapporteure. J’y suis favorable. Sous-amendons puisque nous sommes tous d’accord !

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous vous proposons un sous‑amendement AS120 dont les signataires seraient M. Thibault Bazin, M. Arthur Delaporte, Mme Marie‑Charlotte Garin, M. Thierry Frappé, M. Thomas Mesnier, Mme Claire Guichard, M. Jean‑Philippe Nilor et M. Philippe Vigier.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cette précision devra aussi être apportée au V.

M. Thierry Frappé (RN). Afin de simplifier la communication de l’information, le sous-amendement AS94 tend à ce que le gestionnaire ou le représentant légal du centre de santé informe dans un délai de sept jours le directeur général de l’ARS et le conseil départemental de l’ordre des médecins concerné de la fermeture du centre de santé, quelle qu’en soit la raison.

Mme la rapporteure. Le sous-amendement est satisfait par l’adoption de l’amendement AS18 après l’article 1er.

M. Thierry Frappé (RN). Le sous-amendement AS98 tend à durcir la sanction encourue par les centres de santé frappés d’une mesure de suspension totale ou partielle, suite à une faute d’ordre médical, déontologique ou financier. Il semblerait impensable, en effet, qu’un agrément soit délivré à un nouveau centre de santé si le représentant légal ou les membres de l’instance dirigeante sont les mêmes.

Le sous-amendement AS99 vise à autoriser les conseils départementaux des ordres des médecins à accéder au fichier des mesures de suspension et de fermeture de centres de santé afin qu’ils soient informés d’éventuels manquements déontologiques.

Mme la rapporteure. Avis défavorable au sous-amendement AS99 : l’ordre a un rôle important à jouer mais il n’a pas à connaître l’ensemble des informations concernant les centres de santé.

Quant au sous-amendement AS98, je partage votre intention d’empêcher un gestionnaire véreux de rouvrir ailleurs un centre de santé mais les sanctions doivent être proportionnées. Cela étant, sans aller jusqu’à la suspension définitive, je présenterai un amendement qui tend à porter la durée de suspension de cinq à huit ans.

M. Philippe Vigier (Dem). Selon le principe constitutionnel de proportionnalité de la peine, il ne pourrait être prononcé une interdiction à vie – sauf dans des cas précis.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). La puissance publique ne saurait accorder sa confiance au bout de seulement cinq ans à des organismes gestionnaires qui ont volé des millions d’euros à la sécurité sociale en sur‑prescrivant des soins médicalement inutiles. Aussi le sous-amendement AS103 tend-il à porter de cinq à huit ans le délai au bout duquel un gestionnaire lourdement sanctionné pourrait rouvrir un nouveau centre de santé.

Quant au sous-amendement AS113, il tend à ce qu’un récépissé d’engagement de conformité ne soit à nouveau délivré à un organisme gestionnaire dont l’un des centres aurait écopé d’une sanction de fermeture définitive qu’au bout d’une durée minimale de cinq ans.

Mme la rapporteure. Avis favorable au sous-amendement AS103 mais défavorable au sous-amendement AS113.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Je voterai ces sous-amendements mais je ferai remarquer à M. Vigier que les suspensions de soignants qui s’éternisent s’apparentent à une interdiction à vie.

M. Thierry Frappé (RN). Le code de la santé publique prévoit quatre niveaux de peine disciplinaire contre les médecins, la plus grave étant la radiation de l’ordre. C’est une peine à vie mais je reconnais que nous sommes bien au-delà d’une banale suspension.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je comprends bien la remarque de M. Nilor mais la durée de la suspension prévue par le sous-amendement de M. Peytavie me semble raisonnable.

Les sous-amendements AS88, AS94 et AS113 sont retirés.

La commission rejette les sous-amendements AS98 et AS99.

Puis elle adopte successivement les sous-amendements AS103 et AS120 puis l’amendement AS79 sous-amendé et l’article 4 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement AS75 de M. Christophe Bentz tombe.

Après l’article 4

Amendements AS6 de M. Thibault Bazin et AS33 de M. Thierry Frappé (discussion commune)

M. Thibault Bazin (LR). Cet amendement d’appel tend à associer de façon préférentielle les conseils départementaux de l’ordre aux contrôles menés par les ARS.

M. Thierry Frappé (RN). Afin de mieux connaître les pratiques des médecins, nous vous proposons d’intégrer le conseil départemental de l’ordre des médecins dans les visites de contrôle des centres de santé.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Cette proposition n’est pas pertinente.

La commission rejette successivement les amendements.

Article 5 (nouveau) : Transmission annuelle obligatoire à l’ARS des comptes certifiés du centre de santé

Amendement AS24 de M. Thibault Bazin et sous-amendement AS101 de Mme Fadila Khattabi

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit d’imposer au gestionnaire d’un centre de santé de transmettre chaque année ses comptes au directeur général de l’ARS afin de contrôler les éventuels flux financiers vers des maisons mères.

Mme la rapporteure. Nous proposons que les comptes soient certifiés par un commissaire aux comptes.

M. Philippe Vigier (Dem). Le compte rendu d’activité me semble plus intéressant que le bilan financier.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sousamendé.

Article 6 (nouveau) : Sanctions en cas de non-transmission à l’agence régionale de santé du rapport d’activité et des documents de gestion du centre de santé

Article 7 (nouveau) : Interdiction pour les centres de santé de demander le paiement intégral anticipé des soins

Amendements AS82 et AS81 de Mme Fadila Khattabi

Mme la rapporteure. Le code de la santé publique impose au gestionnaire de transmettre chaque année à l’ARS des informations relatives aux activités et aux caractéristiques de fonctionnement et de gestion des centres de santé dont il a la charge. Cette obligation n’étant pas respectée, il convient de sanctionner les manquements.

D’autre part, il convient d’empêcher la facturation intégrale anticipée des soins, en particulier dentaires. Des victimes ont dû emprunter afin de s’acquitter de l’intégralité des 11 000 euros qui leur était facturés avant même que les soins n’aient commencé.

La commission adopte successivement les amendements.

Après l’article 4

Amendement AS16 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Il s’agit de créer une obligation réciproque d’information dans un délai de sept jours entre le directeur général de l’ARS et le président du conseil départemental de l’ordre lorsqu’une fraude est détectée ou suspectée.

Mme la rapporteure. Avis défavorable car il ne faudrait pas alourdir encore davantage le travail de ces deux institutions, d’autant plus que la proposition de loi prévoit de nombreuses dispositions pour améliorer la communication entre elles.

La commission rejette l’amendement.

Article 8 (nouveau) : Augmentation des sanctions applicables en cas de manquement des centres de santé à leur engagement de conformité et détermination d’un barème

Amendement AS80 de Mme Fadila Khattabi

Mme la rapporteure. Il s’agit de renforcer le pouvoir donné au directeur général de l’ARS de sanctionner financièrement un centre de santé qui ne respecte pas ses obligations issues de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2022. À cette fin, il prévoit de clarifier le périmètre des manquements susceptibles de faire l’objet d’une sanction financière et de définir un barème pour que la sévérité des sanctions dépende de la gravité des faits.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS54, AS55 et AS56 de M. Sébastien Peytavie

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). La gravité des abus commis par des centres de santé gérés par des groupes peu scrupuleux implique que la puissance publique donne une réponse à la hauteur des enjeux en renforçant l’encadrement des centres de santé et en aggravant la sévérité des sanctions pour les rendre plus dissuasives. Afin de placer la qualité des soins, plutôt que la recherche du profit, au cœur de la prise en charge des patients, l’amendement AS54 tend à supprimer le plafonnement du montant de l’amende et de l’astreinte journalière et à laisser à l’appréciation du directeur général de l’ARS la détermination de ce montant. En cas d’urgence tenant à la sécurité des patients, il ne pourra être inférieur à 150 000 euros par jour tandis que le montant de l’astreinte ne pourra être inférieur à 1 000 euros par jour.

L’amendement AS55 est un amendement de repli qui tend à supprimer les plafonds de 150 000 euros et de 1 000 euros afin de permettre au directeur général de tenir compte des circonstances avant de fixer le montant de l’amende.

Quant à l’amendement AS56, il prévoit de porter le seuil maximal de l’amende de 150 000 à 300 000 euros et celui de l’astreinte de 1 000 à 2 000 euros par jour.

Mme la rapporteure. Vous proposez de modifier les dispositions du code relatives aux sanctions pour transformer les plafonds de 150 000 euros et de 1 000 euros en planchers. C’est vrai, les montants de ces plafonds ne sont pas suffisants mais s’ils étaient des planchers, ils seraient excessifs. Aussi serai-je défavorable à l’amendement AS54 mais favorable à l’amendement AS56.

Quant à l’amendement AS55, je ne suis pas favorable à la suppression des montants de l’amende et de l’astreinte qui résulterait de l’adoption de votre amendement.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI - NUPES). Ces montants sont-ils des planchers ou des plafonds ?

Mme la rapporteure. Ce sont des plafonds et je souhaite les relever. En revanche, s’il s’agissait de planchers, les montants en seraient excessifs et la sanction ne serait plus proportionnée.

La commission rejette successivement les amendements AS54 et AS55.

Puis elle adopte l’amendement AS56.

Après l’article 4

Amendements AS57 et AS62 de M. Sébastien Peytavie

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Dans un souci de transparence et afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions financières prononcées à l’encontre d’un centre de santé frauduleux par le directeur général de l’ARS, nous proposons par l’amendement AS57 de rendre obligatoire leur publication sur le site de l’ARS.

D’autre part, nous souhaitons par l’amendement AS62 maintenir, selon l’avis du directeur général de l’ARS, des visites de contrôle afin de s’assurer que les centres de santé sanctionnés pour manquement grave à leurs engagements de conformité ne commettent pas de nouveaux abus.

Suite aux multiples dysfonctionnements rapportés par l’inspection générale interministérielle du secteur social et par les victimes de mutilations réalisées à des fins lucratives par des centres peu scrupuleux, nous devons renforcer les contrôles des centres de santé, notamment ceux administrés par des organismes à but lucratif.

Mme la rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements.

Il me semble préférable de ne pas alourdir la charge de travail des ARS en leur imposant de publier la sanction. Cette décision leur appartient, selon la gravité et les circonstances du manquement. L’argument vaut aussi pour les visites de conformité de l’ARS que vous voulez rendre obligatoires en cas de suspension. Leur charge de travail est telle que, compte tenu des moyens limités dont elles disposent, nous devons les laisser décider des contrôles à réaliser en priorité.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens l’amendement AS57, dont l’adoption permettrait de mieux prévenir la récidive.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements AS12 de M. Thibault Bazin et AS32 de M. Thierry Frappé (discussion commune)

Mme la rapporteure. Je vous invite à retirer les amendements car ils sont satisfaits.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS11 de M. Thibault Bazin

Mme la rapporteure. Avis défavorable car l’adoption de l’amendement, au demeurant hors sujet, poserait un problème de constitutionnalité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS22 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). Afin de renforcer la transparence de la facturation des actes bénéficiant du tiers payant, l’amendement tend à imposer la remise aux patients de la facturation des actes réalisés.

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour ne pas alourdir la charge administrative des centres de santé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS3 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement tend à ce que le Gouvernement remette au Parlement avant le 31 décembre 2024 un rapport pour évaluer les effets de cette loi et estimer l’opportunité de soumettre les centres de santé ou leurs antennes ayant une activité dentaire ou ophtalmologique, à des mesures complémentaires.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 9 (nouveau) : Demande de rapport au Gouvernement sur les moyens nécessaires aux agences régionales de santé pour exercer les compétences dévolues au titre de la présente loi

Amendement AS5 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement vise à ce que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les moyens à allouer aux ARS afin de leur permettre de réaliser les opérations prévues.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Après l’article 4

Amendement AS14 de M. Thibault Bazin

M. Thibault Bazin (LR). L’amendement tend à ce que, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport dressant d’une part la liste détaillée des acteurs garants de la qualité des soins dans les centres de santé et évaluant d’autre part la qualité des échanges d’informations entre ces acteurs.

Mme la rapporteure. N’abusons pas des rapports, surtout lorsque leur objet n’est pas clair.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS63 de M. Sébastien Peytavie

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement tend à ce que, dans les six mois à compter de la publication de la loi, le Gouvernement remette au Parlement un rapport qui évalue l’efficacité des mesures prises pour renforcer la qualité et la sécurité des soins dispensés dans les centres de santé et améliorer le modèle économique de ces derniers. Ce rapport évaluerait également la possibilité de renforcer le contrôle de la qualité des soins par l’instauration d’un modèle de financement à la qualité Ifaq.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Nous votons les lois mais nous les évaluons aussi. Je préfère que nos demandes au Gouvernement portent plutôt sur les moyens de contrôle des ARS.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0514_texte-adopte-commission

 

 


  1  —

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

(Par ordre chronologique)

  Collectif des usagers de Proxidentaire – Mme Laëtitia Beaudeau, présidente

  Agence régionale de santé Île-de-France – Mme Amélie Verdier, directrice générale

  Caisse nationale de l’assurance maladie (Cnam) – M. Thomas Fatôme, directeur général, Mme Julie Pougheon, directrice de l’offre de soins à la direction déléguée à la gestion et à l’organisation des soins (DDGOS), M. Fabien Badinier, directeur adjoint de la direction déléguée de l’audit, des finances et de la lutte contre la fraude (DDAFF) en charge du contrôle et de la lutte contre la fraude, et Mme Veronika Levendof, directrice adjointe à la direction de la médiation (DIR/DM)

  Conseil national de l’ordre des médecins (Cnom)  Dr François Arnault, président, Dr Jean-Marcel Mourgues, vice-président, et M. Francisco Jornet, directeur des services juridiques

  Conseil national de l’ordre des chirurgiens-dentistes (CNOCD) Dr Philippe Pommarède, président, et Mme Sylvie Germany, directrice des affaires juridiques et institutionnelles

  Table ronde avec des syndicats dentaires

– Fédération des syndicats dentaires libéraux (FSDL)  Dr Patrick Solera, président, et Dr Matthieu Hutasse, president de la FSDL Champagne-Ardenne et cadre FSDL

– Les chirurgiens-dentistes de France (CDF) (*)  Dr Pierre-Olivier Donnat, président, Dr Alain Vallory, secrétaire général, et Dr Catherine Mojaisky, conseillère spéciale du président

– Union fédérale des assistants dentaires (UFAD)  Mme Dominique Munoz, présidente

– Syndicat des femmes chirurgiens-dentistes (SFCD)  Dr Nathalie Delphin, présidente, et Dr Marie-Christine Barbotin, vice-présidente

  Agence régionale de santé Bourgogne-Franche-Comté M. Mohamed Si Abdallah, directeur général par intérim

  Union des centres de santé dentaire (UCSD)  M. Patrice de Poncins, vice‑président, et M. James Cohen, vice-président

  Fédération nationale des centres de santé (FNCS)  Dr Hélène Colombani, secrétaire générale, Dr Dominique Dupont, conseiller technique, et Mme Sabrina Tanqueray, directrice

  Fédération nationale de la mutualité française (FNMF) (*)  Mme Séverine Salgado, directrice générale, Mme Céline Giordano, responsable de l’offre de soins de premier recours à la direction de l’offre de soins, de l’autonomie et des parcours (DOSAP), M. Yannick Lucas, directeur des affaires publiques, et M. Nicolas Souveton, président d’Oxance

  Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS)  M. Pierre Pribile, secrétaire général

  Table ronde avec des collectifs de patients :

– La Dent Bleue  M. Abdel Aouacheria, vice-président

– Collectif centre Dentexia – M. Rosario Matina

  Ministère la santé et de la prévention – Direction générale de l’offre de soins (DGOS) – Mme Sandrine Billet, sous directrice du pilotage de la performance des acteurs de l’offre de soins (SD/PF), M. Samuel Delafuys, chef du bureau de coopérations et contractualisations (SD/PF) et Mme Juliette Parnot, chargée de mission au bureau coopérations et contractualisations

  Agence régionale de santé Provence-Alpes-Côte d’Azur – M. Denis Robin, directeur général

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


  1  —

   Annexe n° 2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 6323-1-11

1er bis

Code de la santé publique

L. 6323-1-3-1 [nouveau]

1er ter

Code de la santé publique

L. 6323-1-11

2

Code de la santé publique

L. 6323-1-5

2 bis

Code de la sécurité sociale

L. 162-34-1C

4

Code de la santé publique

L. 6323-1-12

5

Code de la santé publique

L. 6323-1-4

6

Code de la santé publique

L. 6323-1-13

7

Code de la santé publique

L. 6323-1-7

8

Code de la santé publique

L. 6323-1-12

 

 

 


([1]) Loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires.

([2]) Accord national destiné à organiser les relations entre les centres de santé et les caisses d’assurance maladie, conclu le 8 juillet 2015, entre, d’une part, l’Union nationale des caisses d’assurance maladie et, d’autre part, Adessadomicile Fédération nationale, la Croix-Rouge française, la Fédération des mutuelles de France, la Fédération nationale de la mutualité française, la Fédération nationale des centres de santé, la Fédération nationale des institutions de santé d’action sociale d’inspiration chrétienne, l’Union nationale ADMR, l’Union nationale de l’aide, des soins et services aux domiciles, la Confédération des centres de santé et services de soins infirmiers et la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines.

([3]) « L’association Dentexia, des centres de santé dentaires en liquidation judiciaire depuis mars 2016 », Igas, juillet 2016 ; « Les centres de santé dentaires : proposition pour un encadrement améliorant la sécurité des soins », Igas, janvier 2017.

([4]) Ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé.

([5]) Audition de M. Pierre Pribile, secrétaire général des ministères chargés des affaires sociales.

([6]) Article 71 de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022.

([7]) Fichier national des établissements sanitaires et sociaux.

([8]) Ordonnance n° 2018-17 du 12 janvier 2018 relative aux conditions de création et de fonctionnement des centres de santé.

([9]) Op. cit.

([10])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12518916_637dd7c04f998.commission-des-affaires-sociales--ameliorer-l-encadrement-des-centres-de-sante--23-novembre-2022