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N° 515

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 23 novembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus,

 

 

 

 

Par M. Julien DIVE,

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 353.

 

 

 

 

 


SOMMAIRE

___

 

introduction

I. Le rÉgime de retraite des nonsalariÉs agricoles s’est historiquement construit en marge des rÉgimes alignÉs

A. La retraite de base des nonsalariÉs agricoles est fondÉe sur une architecture distincte des rÉgimes alignÉs Bien qu’elle partage plusieurs caractéristiques avec eux

1. Le régime de retraite de base des agriculteurs est fondé sur une architecture à deux étages

2. La retraite de base des nonsalariés agricoles partage pourtant certaines caractéristiques qui le rapprochent des régimes alignés

B. Les agriculteurs continuent de bÉnÉficier de retraites significativement plus faibles que le reste de la population

II. AprÈs les Indispensables revalorisations des petites pensions agricoles, le passage aux vingtcinq meilleures annÉes permettrait de rÉgler certains des problÈmes structurels liÉs au fonctionnement du rÉgime

A. ArrachÉes de haute lutte, les rÉcentes revalorisations des petites pensions agricoles ont permis d’amÉliorer la situation des retraitÉs les plus modestes

1. La mise en place d’une garantie de retraite à 85 % du Smic pour les exploitants : la loi « Chassaigne 1 »

2. L’amélioration de la retraite des conjoints collaborateurs et des aides familiaux : la loi « Chassaigne 2 »

B. RéclamÉ de longue date par la profession, le passage au calcul sur les vingt-cinq meilleures annÉes répond À des enjeux d’ÉquitÉ et d’attractivitÉ

1. Une plus grande équité entre les nonsalariés agricoles et les assurés des régimes alignés

2. Le renforcement de l’attractivité de la profession

3. L’atténuation de l’impact des variations de revenus sur les pensions de retraite

4. Une réflexion sur une plus grande contributivité du régime

III. Dix ans aprÈs le dernier rapport sur le sujet, les obstacles À la mise en œuvre de cette rÉforme semblent levÉs

A. Le rapport publiÉ par l’Inspection Générale des affaires sociales en 2012 identifiait plusieurs obstacles au passage À un calcul sur les vingtcinq meilleures annÉes

1. Le rapport étudiait des scenarii qui excédaient la seule question de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années

2. Le rapport s’appuyait sur des hypothèses qui mériteraient d’être reconsidérées

B. Les conclusions du rapport doivent Être rÉÉxaminÉes À l’aune des changements de lÉgislation intervenus depuis 2012

1. La transposition au régime des nonsalariés agricoles des règles de validation de trimestres en vigueur dans les régimes alignés n’est plus aussi défavorable qu’à l’époque

2. Les récentes réformes des minima de pensions agricoles protègent les retraités modestes d’éventuels effets de bords indésirables d’un passage aux vingtcinq meilleures années

Commentaire dES articles

Article 1er Fixation d’un objectif de passage du calcul de la retraite de base des nonsalariés agricoles sur la base des vingtcinq meilleures années

Article 2 Gage de recevabilité

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXES

ANNEXE n° 1 : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

ANNEXE n° 2 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi


— 1 —

   introduction

La présente proposition de loi déposée par les députés Les Républicains porte l’ambition de réformer les modalités de calcul de la retraite de base des non‑salariés agricoles afin que ne soient prises en compte que leurs vingt‑cinq meilleures années de revenus. L’extension de cette mesure, dont bénéficient les assurés des régimes alignés ([1]), avait déjà fait l’objet de débats à l’occasion de la réforme des retraites de 2010. Issu d’un amendement déposé en première lecture à l’Assemblée nationale, l’article 91 de la loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites prévoyait la remise d’un rapport sur le sujet afin d’en identifier les conséquences et les préalables ([2]).

Suite à la remise dudit rapport en mars 2012 ([3]) et malgré l’engagement réitéré de la profession, le sujet a toutefois été laissé en friche et sa mise en œuvre n’a cessé d’être repoussée de réforme des retraites en réforme des retraites. Dix ans après la publication de ce rapport, les députés Les Républicains souhaitent remettre l’ouvrage sur le métier afin que cette réforme, qui répond à des enjeux d’équité entre retraités et d’attractivité des métiers agricoles puisse enfin être menée. C’est l’objectif de la présente proposition de loi.

I.   Le rÉgime de retraite des non‑salariÉs agricoles s’est historiquement construit en marge des rÉgimes alignÉs

A.   La retraite de base des non‑salariÉs agricoles est fondÉe sur une architecture distincte des rÉgimes alignÉs Bien qu’elle partage plusieurs caractéristiques avec eux

1.   Le régime de retraite de base des agriculteurs est fondé sur une architecture à deux étages

● Créé en 1952 ([4]), le régime de retraite des non‑salariés agricoles s’est historiquement construit en marge du régime général de la sécurité sociale. Il a progressivement été étendu dans son champ d’application – grâce à la création d’un statut de conjoint collaborateur par la loi du 9 juillet 1999 ([5]) – et dans son niveau de protection via la mise en place d’un régime de retraite complémentaire obligatoire (RCO) par la loi du 4 mars 2002 dite « loi Peiro » ([6]).

Au 31 décembre 2021, 1 200 000 retraités relevaient du régime des non‑salariés agricoles, soit une baisse de 3,7 % par rapport à 2020. Compte tenu des évolutions démographiques, le nombre de retraités agricoles ne cesse en effet de baisser et le régime enregistre aujourd’hui deux décès pour une attribution de pension ([7]).

Le régime de base est construit sur deux étages ([8]) : l’un forfaitaire – l’assurance vieillesse individuelle (AVI) – et l’autre proportionnel – l’assurance vieillesse agricole (AVA).

Seule la retraite proportionnelle fait intervenir le revenu des agriculteurs dans son calcul, la retraite forfaitaire étant uniquement modulée en fonction de la durée d’assurance dans le régime des non‑salariés agricoles.

L’assurance vieillesse individuelle – l’étage forfaitaire

L’AVI est calculée à partir d’un montant forfaitaire multiplié par le nombre de trimestres d’activité, rapporté à la durée d’assurance fixée pour chaque génération. En application du 1° de l’article L. 732‑24 du code rural et de la pêche maritime, le montant maximal de la retraite forfaitaire est égal à celui de l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS – 309,09 euros par mois au 1er juillet 2022). Pour bénéficier du montant maximal de la pension de retraite forfaitaire, un assuré doit ([9]) :

– justifier d’une durée d’assurance tous régimes au moins égale à la durée minimale d’assurance applicable aux personnes de sa génération ;

– et avoir exercé une activité agricole non salariée d’une durée au moins égale à la durée minimale mentionnée au 1° de l’article L. 732‑24 ([10]) :

Cette durée minimale d’activité agricole non salariée est fixée à l’article R. 732-61 du code rural et de la pêche maritime. Pour les assurés nés après le 31 décembre 1948, cette durée est alignée sur la durée d’assurance minimale des régimes alignés ([11]). Lorsque l’assuré n’a pas exercé une activité agricole pendant une durée équivalente à la durée minimale d’assurance applicable à sa génération, le montant de sa retraite forfaitaire est égal au calcul suivant :

Nombre d’années d’activité agricole x (AVTS/durée minimale d’assurance mentionnée au 1° de l’article L. 73224 du code rural et de la pêche maritime)

Son financement est assuré par une cotisation de 3,32 % sur le revenu dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale (PASS) et sur une assiette minimale de 800 Smic horaires.

● Contrairement au système existant dans les régimes alignés, la pension de retraite proportionnelle fonctionne sur un principe d’acquisition de points cotisés dont le mécanisme diffère selon le statut de l’assuré ([12]) :

– les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole valident un nombre de points corrélé à leur revenu ;

– les collaborateurs et aides familiaux cotisent sur une assiette forfaitaire, peu important leur revenu, et acquièrent à ce titre un nombre de points fixe chaque année.

Pour les exploitants agricoles, le nombre de points acquis chaque année varie donc en fonction des revenus et selon des modalités définies à l’article R. 732‑71 du code rural et de la pêche maritime. Il ne peut excéder un maximum, fixé chaque année selon les modalités prévues à l’article R. 732‑70 du même code.

Lors de la liquidation de la retraite, le montant de la pension proportionnelle est calculé de la façon suivante ([13]) :

(Nombre de points acquis x valeur du point) x 37,5/durée d’assurance minimale requise en années (DAR) ([14])

● Le financement de l’AVA est assuré par une cotisation dont le taux varie entre 11,55 % – pour les revenus dans la limite du plafond annuel de la sécurité sociale – et 2,24 % – applicable sur la totalité du revenu. L’assiette minimale de cotisation est fixée à 600 Smic horaires pour les exploitants et à 400 Smic horaires pour les conjoints collaborateurs ([15]). Cette situation implique deux conséquences :

– d’une part, que les exploitants agricoles acquièrent un minimum de 23 points par an tandis que les aides familiaux et conjoints collaborateurs acquièrent 16 points chaque année, peu important leur revenu ;

– d’autre part, que les agriculteurs cotisent pour leur retraite même lorsque leurs revenus sont très faibles, voire négatifs sur certaines années.

La retraite agricole est donc un système mêlant régime forfaitaire et régime à points, ce qui le différencie des principaux autres régimes de base fondés sur l’application d’un taux de remplacement à un revenu annuel moyen (RAM).

2.   La retraite de base des non‑salariés agricoles partage pourtant certaines caractéristiques qui le rapprochent des régimes alignés

● À la différence d’autres régimes à points, le régime agricole comporte des paramètres directement ancrés sur ceux applicables aux régimes alignés :

– les conditions d’âge légal, de durée d’assurance et les mécanismes qui y sont liés – décote et surcote – s’appliquent dans le régime agricole, tant en ce qui concerne la pension forfaitaire que la pension proportionnelle ;

– la valeur du point de service est indexée sur l’inflation comme le montant des pensions des régimes alignés ([16]) et n’est pas fixée de façon à assurer l’équilibre du régime à l’inverse du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco ;

– le montant maximal de la pension de base est fixé de telle sorte qu’il est égal à la retraite à taux plein – hors surcote – du régime général, c’est-à-dire 50 % du PASS – soit 1 714 euros par mois en 2022.

● Ces différents éléments traduisent la volonté de faire converger partiellement certaines règles en vigueur dans les régimes alignés avec celles applicables au régime des non‑salariés agricoles.

Pourtant, force est de constater que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de repousser la demande pourtant légitime des exploitants agricoles de voir le calcul de leur retraite fondée sur les seules meilleures années de leur carrière. Cette situation est regrettable quand on connaît les difficultés auxquelles sont soumis les agriculteurs.

B.   Les agriculteurs continuent de bÉnÉficier de retraites significativement plus faibles que le reste de la population

● Les agriculteurs restent encore aujourd’hui les parents pauvres de notre système d’assurance vieillesse. Parmi les principaux régimes, le régime des non‑salariés agricoles est celui qui verse les retraites les plus faibles. Alors que la pension moyenne de droit direct – hors réversion – des Français s’élevait à 1 510 euros fin 2020, elle n’était que de 800 euros pour les personnes qui ont effectué la majorité de leur carrière en tant qu’agriculteur. C’est un écart de 710 euros par mois, soit 8 520 euros chaque année ([17]).

Cet écart se creuse encore davantage si on ne prend en compte que les retraités à carrières complètes. Un agriculteur qui avait travaillé toute sa vie et validé l’ensemble de ses droits à la retraite ne touchait, fin 2020, qu’une retraite de 880 euros par mois quand un retraité du régime général dans la même situation bénéficiait d’une retraite de 1 810 euros, soit un écart de 930 euros en défaveur des agriculteurs.

● Ces inégalités reflètent certes les différences de revenus d’activité et de taux de cotisations entre les personnes affiliées aux différents régimes. Elles s’expliquent néanmoins également par les règles de calcul du montant de la retraite. Le régime des professions libérales mis à part, l’ensemble des autres régimes détaillés dans le tableau ci‑après sont fondés sur un système permettant de ne prendre en compte que les meilleures années dans le calcul des droits à la retraite.

Montant mensuel brut moyen de la pension de droit direct, selon le régime principal d’affiliation au cours de la carrière (fin 2020)

 

Régime principal d’affiliation

Tous retraités de droit direct

Retraités de droit direct à carrières complètes

Ensemble des retraités de droit direct

1 510 euros

n.a.

Régime général

1 380 euros

1 810 euros

Fonctionnaires civils de l’État

2 270 euros

2 440 euros

Fonctionnaires militaires de l’État

2 030 euros

2 620 euros

MSA salariés

1 520 euros

1 820 euros

Professions libérales

2 340 euros

2 770 euros

MSA non‑salariés

800 euros

880 euros

Source : commission des affaires sociales sur données de la Drees.

Note de lecture : Les données correspondent aux assurés qui ont fait au moins 50 % de leur carrière dans le régime. Par exemple, parmi les assurés ayant effectué plus de la moitié de leur carrière dans le régime des non‑salariés agricoles, le montant de pension pour une carrière complète est de 880 euros.

II.   AprÈs les Indispensables revalorisations des petites pensions agricoles, le passage aux vingt‑cinq meilleures annÉes permettrait de rÉgler certains des problÈmes structurels liÉs au fonctionnement du rÉgime

A.   ArrachÉes de haute lutte, les rÉcentes revalorisations des petites pensions agricoles ont permis d’amÉliorer la situation des retraitÉs les plus modestes

Grâce à l’action résolue de notre collègue André Chassaigne, soutenu par l’ensemble des groupes parlementaires, le Parlement a adopté deux lois majeures permettant de revaloriser les petites pensions agricoles.

1.   La mise en place d’une garantie de retraite à 85 % du Smic pour les exploitants : la loi « Chassaigne 1 »

● Adoptée conforme par le Sénat, la loi n° 2020-839 du 3 juillet 2020 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer dite « Chassaigne 1 » porte le minimum de pension des retraites des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ayant eu une carrière complète en cette qualité de 75 % à 85 % du Smic net. Cette revalorisation s’applique aux retraités actuels depuis le 1er novembre 2021. Son bénéfice, adossé au dispositif de complément différentiel de points de retraite complémentaire obligatoire (CDRCO), est néanmoins soumis à plusieurs conditions :

– un exploitant agricole doit avoir effectué une durée d’assurance minimale de 17,5 années dans le régime des non‑salariés agricoles. En outre, le dispositif est proratisé en fonction de cette durée. En pratique, un chef d’exploitation qui a réalisé l’ensemble de sa carrière en cette qualité bénéficiera bien d’une revalorisation à hauteur de 85 % du Smic net mais, s’il a validé une durée de 20 années en tant que chef d’exploitation, la revalorisation sera proratisée à cette durée de 20 années ;

– ne peuvent y prétendre que les agriculteurs qui ont liquidé l’ensemble de leurs droits à la retraite dans tous les régimes auxquels ils ont été affiliés.

● Selon les données fournies à votre rapporteur par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, cette mesure a bénéficié à près de 208 000 personnes pour un gain moyen de 100 euros bruts par mois.

2.   L’amélioration de la retraite des conjoints collaborateurs et des aides familiaux : la loi « Chassaigne 2 »

● Dans le prolongement de la loi du 3 juillet 2020, la loi n° 2021‑1679 du 17 décembre 2021 visant à assurer la revalorisation des pensions de retraite agricoles les plus faibles, dite loi « Chassaigne 2 », également adoptée conforme au Sénat, a permis de relever le montant du minimum de retraite de base ([18]) des conjoints collaborateurs et des aides familiaux à hauteur de celui des chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole.

L’article 1er supprime ainsi la modulation du montant de la pension majorée de référence (PMR) en fonction du statut des non‑salariés agricoles : dorénavant, le montant de la PMR est identique pour les chefs d’exploitation et les autres non‑salariés agricoles. En outre, le même article relève le seuil d’écrêtement du montant de la PMR au niveau de celui de l’allocation de solidarité aux personnes âgées ([19]).

La pension majorée de référence (PMR)

Créée par l’article 77 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 ([20]), la pension majorée de référence est un dispositif différentiel permettant de compléter la retraite de base des non‑salariés agricoles. Concrètement, une personne éligible à ce dispositif et dont la somme des pensions de retraite versées par l’ensemble des régimes auxquels elle est affiliée n’atteint pas un seuil fixé par décret – égal à 738 euros par mois en 2022 ([21]) – obtient une majoration de sa retraite agricole de base pour atteindre ledit seuil.

Inspiré du minimum contributif (MiCo), dont les salariés du régime général et les salariés agricoles bénéficient depuis 1983, et de son équivalent dans la fonction publique – le minimum garanti (MiGa) –, la PMR s’en distinguait défavorablement par certains aspects.

Outre le fait que le montant minimal de retraite qu’il permettait d’atteindre était très largement inférieur à son équivalent dans le régime général, les règles d’éligibilité de la PMR différaient sensiblement de celles permettant le bénéfice du MiCo.

Auparavant, le montant maximal de la PMR était différencié en fonction du statut de l’assuré. En 2021, il était fixé à 699,07 euros pour les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole (PMR 1) et à 555,50 euros pour les aides familiaux et les conjoints collaborateurs (PMR 2) ([22]). Il est aujourd’hui fixé à 713 euros quel que soit le statut de l’assuré.

Entrée en vigueur pour les pensions dues à compter du 1er janvier 2022, cette mesure a permis une hausse d’un montant moyen de 50 euros bruts par mois pour plus de 200 000 personnes, majoritairement des femmes.

En outre, l’article 3 de la loi « Chassaigne 2 » limite l’affiliation au statut de conjoint collaborateur à une durée maximale de cinq ans ([23]), applicable aux personnes ayant opté pour le statut de conjoint collaborateur à compter du 1er janvier 2022. À l’issue de cette période, le conjoint collaborateur bascule dans un autre statut – salarié agricole ou associé d’exploitation –, plus protecteur.

● Lors de la première lecture en séance publique à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a néanmoins fortement réduit l’ambition du texte initialement déposé par notre collègue André Chassaigne en supprimant les dispositions qui prévoyaient l’alignement des règles de cumul et de majoration de la PMR sur celles existantes pour le MiCo.

On ne peut que regretter ce choix puisque le dispositif proposé initialement aurait permis d’accroître davantage le niveau des petites pensions agricoles.

B.   RéclamÉ de longue date par la profession, le passage au calcul sur les vingt-cinq meilleures annÉes répond À des enjeux d’ÉquitÉ et d’attractivitÉ

Si les lois « Chassaigne » étaient indispensables pour revaloriser les petites retraites agricoles, de nombreux problèmes structurels du régime persistent. Le passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt‑cinq meilleures années entend répondre à plusieurs de ces problèmes.

1.   Une plus grande équité entre les non‑salariés agricoles et les assurés des régimes alignés

● L’alignement des règles de calcul des pensions de retraite des non‑salariés agricoles est avant tout une question d’équité entre assurés sociaux. En effet, seules les vingt-cinq années les plus favorables sont prises en compte dans le revenu annuel moyen des retraités du régime général, des salariés agricoles et des indépendants ([24]). S’agissant des fonctionnaires, le montant de la pension est calculé en fonction du traitement indiciaire des six mois précédant la liquidation de la pension ([25]).

Il est certes difficile de comparer les non‑salariés agricoles aux salariés du régime général, qui se trouvent dans des situations assez peu comparables. Un tel argument ne saurait toutefois être opposé à la différence qui persiste entre les non‑salariés agricoles et les artisans et commerçants, pourtant soumis à des problématiques similaires ([26]).

 En 2022, l’assiette minimale de cotisations est de 6 342 euros pour les exploitants agricoles, lesquels cotisent donc au moins à hauteur de 1 155 euros par an lorsqu’ils exercent une activité agricole à titre principale. Si l’on compare cet effort contributif minimal avec celui des artisans et commerçants ([27]) – 840 euros en 2022 –, on observe un écart significatif de plus de 300 euros par an.

Cotisations vieillesse des non‑salariÉs agricoles en 2022

Source : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Pourtant, les artisans et commerçants bénéficient de la prise en compte de leurs seules vingt‑cinq meilleures années de revenus pour le calcul de leur pension de retraite. Aussi, lorsque l’on compare le montant de la retraite globale mensuelle – de base et complémentaire – servie à un exploitant agricole et à un artisan en fonction de leur revenu annuel moyen, on observe que, malgré les avantages procurés par les minima de pensions agricoles pour les bas revenus, l’écart se creuse entre les artisans et les chefs d’exploitation dès que le revenu annuel dépasse 20 000 euros.

Montant de retraite globale mensuelle (base et complÉmentaire)
en fonction du revenu annuel moyen

Source : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

2.   Le renforcement de l’attractivité de la profession

● Comme l’ont rappelé les représentants de la profession ainsi que le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire lors de leurs auditions respectives, l’enjeu du passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt‑cinq meilleures années n’est pas sans lien avec celui du renforcement de l’attractivité du métier d’agriculteur.

Les métiers agricoles se caractérisent en effet par des conditions de travail particulièrement difficiles. Les agriculteurs sont davantage soumis à des contraintes horaires, des contraintes d’organisation du travail et des contraintes physiques que les autres indépendants et l’ensemble des actifs ([28]).

Selon l’enquête « emploi en continu » de l’Insee, la durée moyenne de travail des agriculteurs est la plus élevée parmi les actifs, avec 54 heures par semaine contre 45 heures pour les artisans, commerçants et chefs d’entreprise, 41 heures pour les cadres et 37 heures pour l’ensemble des actifs ([29]). Les éleveurs ont une charge de travail particulièrement lourde puisqu’ils déclarent travailler 61 heures par semaine. De plus, 90 % des agriculteurs travaillent le week-end et les deux tiers d’entre eux ne partent pas plus de trois jours consécutifs par an ([30]).

Le lieu de vie de l’agriculteur étant bien souvent le même que celui où il exerce son activité professionnelle, la frontière entre vie privée et vie publique est particulièrement ténue et le temps de travail est étalé sur de très fortes amplitudes horaires. Cette importance du temps d’astreinte est particulièrement caractéristique de l’élevage. En effet, le temps d’astreinte par exploitation d’élevage – 2 800 heures par an – est presque deux fois supérieure à la durée légale du travail, du fait de tâches qui ne peuvent être différées ([31]).

● S’ajoutent à ces conditions de travail particulièrement contraignantes une situation financière souvent peu enviable par rapport aux autres non‑salariés. Selon l’Insee, le revenu mensuel moyen des producteurs agricoles était de 1 640 euros par mois en 2020, soit une diminution de 6 % par rapport à 2019 ([32]). Cette chute fait suite à une baisse de 2,4 % déjà constatée entre 2018 et 2019. Sur la même période, les autres non‑salariés – hors micro‑entrepreneurs –déclaraient un revenu mensuel moyen de 3 620 euros.

Les non‑salariés agricoles sont également plus nombreux à déclarer des revenus nuls ou déficitaires, en particulier ceux travaillant dans la production agricole. Parmi les 295 000 producteurs agricoles, 17,7 % déclaraient en 2020 un revenu nul ou déficitaire. Ils étaient plus de 29 % parmi les éleveurs – hors éleveurs de bovins. La même année, seuls 7,6 % de l’ensemble des autres indépendants étaient dans cette situation ([33]).

● Malgré tout, de plus en plus d’actifs – qu’ils soient salariés ou autres – font le choix courageux d’entamer une reconversion professionnelle pour devenir agriculteur. Ce phénomène est une chance quand on sait qu’environ un agriculteur sur deux partira à la retraite d’ici à 2030. Or, à l’heure actuelle, ces personnes passent d’un régime d’assurance vieillesse qui leur garantit la seule prise en compte de leurs meilleures années à un régime dont le montant des pensions est calculé sur l’ensemble de la carrière. Dans cette perspective, le passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt‑cinq meilleures années est un levier permettant d’encourager ces reconversions.

Une réflexion doit notamment être menée s’agissant de la manière dont sont prises en compte les vingt‑cinq meilleures années dans le cas des polypensionnés, c’est-à-dire des personnes qui perçoivent une pension de la part de plusieurs régimes d’assurance vieillesse auxquels elles ont été affiliées au cours de leur carrière.

Dans les régimes alignés, les vingt‑cinq meilleures années s’apprécient sur l’ensemble de la carrière et sont proratisées en fonction de la durée effectuée dans chaque régime ([34]). Concrètement, le revenu annuel moyen d’un assuré né en 1955 dont la durée d’assurance tous régimes correspond à la durée d’assurance de référence de sa génération – 41,5 ans – et qui a effectué 22 années au régime général et 19,5 années au régime des artisans sera pris en compte de la façon suivante :

– dans le régime général : le revenu annuel moyen sera calculé sur la base des 13,25 meilleures années (25 x 22 / 41,5 = 13,25) ;

– dans le régime des artisans, le revenu annuel moyen sera calculé sur la base des 11,75 meilleures années (25 x 19,5 / 41,5 = 11,75).

Cette proratisation n’existe pas pour les personnes ayant été successivement affiliées à l’un des régimes alignés et au régime des non‑salariés agricoles, ce qui a pour effet de les pénaliser. Une telle réflexion sur l’articulation de la prise en compte des meilleures années sur l’ensemble des régimes d’affiliation, dont la mise en œuvre relève de la compétence du pouvoir réglementaire, apparaît d’autant plus nécessaire à votre rapporteur que le régime des non‑salariés agricoles se caractérise par une proportion très forte de polypensionnés (76 %).

RÉpartition des retraitÉs du rÉgime des non‑salariÉs agricoles (30 juin 2022)

 

Hommes

Femmes

Ensemble

Polypensionnés

385 000

450 000

835 000

Carrière majoritaire nonsalarié agricole

167 000

244 000

411 000

Carrière majoritaire autre

218 000

206 000

424 000

Monopensionnés

157 000

101 000

258 000

Ensemble

542 000

551 000

1 093 000

Source : commission des affaires sociales sur la base des données transmises par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

3.   L’atténuation de l’impact des variations de revenus sur les pensions de retraite

● Les revenus agricoles varient fortement d’une année sur l’autre, en raison des fluctuations de prix, des aléas climatiques qui pèsent sur les récoltes et des aléas épizootiques qui pèsent sur les cheptels. À titre d’exemple, les revenus ont drastiquement chuté entre 2019 et 2020 (– 6,0 %, après – 2,3 % en 2019), alors qu’ils avaient connu une forte hausse les deux années précédentes (+ 10 % en 2017 et + 27,9 % en 2018) ([35]).

Cette volatilité des revenus connaît d’importantes variations en fonction du secteur d’activité agricole. En 2020, la baisse est très marquée dans la culture des vignes (– 22,6 %) ainsi que pour la culture des céréales (– 13,7 %), deux secteurs touchés par des conditions climatiques particulièrement défavorables.

● Le passage à un calcul sur les vingt-cinq meilleures années poursuit donc l’objectif d’améliorer le niveau des pensions en atténuant les effets pénalisants des mauvaises années liées aux aléas climatiques, aux variations des cours des produits ou autres crises sectorielles.

4.   Une réflexion sur une plus grande contributivité du régime

● Cette réforme s’insère par ailleurs dans une réflexion sur une contributivité accrue du régime permettant d’introduire une plus grande proportionnalité entre les droits à pension et les cotisations. En effet, comme le montre le graphique ci‑après, le barème d’acquisition des points répond à un calcul complexe qui présente l’inconvénient de diminuer fortement le lien entre cotisations et prestations.

En effet, le nombre de points acquis chaque année varie très peu entre un agriculteur cotisant sur la base de l’assiette minimale de 600 Smic horaires (6 342 euros en 2022) et un agriculteur cotisant jusqu’à une assiette de deux fois le minimum contributif des régimes alignés (15 662 euros) alors même que le niveau de cotisations est drastiquement différent. Le nombre de points acquis est identique (30) pour un agriculteur qui gagne 800 Smic (8 456 euros) et pour un agriculteur dont le revenu est égal à deux MiCo (15 662 euros).

L’existence de ce « palier à 30 points » atténue sensiblement la contributivité du régime. Comme l’ont rappelé les exploitants agricoles et le président de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole lors de leurs auditions respectives, les agriculteurs dont le niveau de revenu se situe entre ces deux seuils cotisent « pour la solidarité ».

BarÈme d’acquisition des points de retraite proportionnelle (2022)

Source : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

● Il résulte de la courbe de ce barème que le montant de la pension de base servie aux agriculteurs ne varie pas – hors PMR – lorsque le revenu professionnel annuel est compris entre 8 456 euros et 15 662 euros. Avec la prise en compte de la PMR, un agriculteur qui cotise toute sa carrière sur la base d’un revenu équivalent à 17 000 euros par mois touche donc la même retraite de base qu’un agriculteur ayant cotisé sur l’assiette minimale.

Retraite de base d’un chef d’exploitation pour une carriÈre complÈte
en cette qualitÉ (2022)

Source : ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Aussi, le taux de rendement du régime diminue drastiquement entre 800 Smic horaires et deux MiCo.

Taux de rendement des cotisations À l’assurance vieillesse agricole (AVA) gÉnÉratrices de retraite proportionnelle (2022)

Niveau de revenu

Niveau de revenu

(en euros, valeur 2022)

Rendement instantané des cotisations à la retraite proportionnelle pour les chefs d’exploitation (en %)

600 Smic horaires

6 342

11,1

700 Smic horaires

7 399

11,2

800 Smic horaires

8 456

10,9

2 MiCo

15 662

5,9

1 820 Smic horaires

19 237

6,5

30 000 euros

30 000

7,8

PASS

41 136

8,3

2 PASS

82 272

7,1

3 PASS

123 408

6,2

4 PASS

164 544

5,6

Source : Mutualité sociale agricole.

Votre rapporteur partage l’avis formulé par les organisations représentatives des exploitants agricoles et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole que la réforme des vingt-cinq meilleures années doit s’accompagner d’une modification des règles liées au barème d’acquisition des points pour créer un lien plus direct entre cotisations et prestations.

Il apparaît plus particulièrement nécessaire à votre rapporteur de faire évoluer le palier à 30 points. En effet, les auditions ont permis de mettre en lumière le fait que de nombreux agriculteurs préféraient recourir à des pratiques de défiscalisation plutôt que de cotiser « à perte ». La mise en œuvre d’une plus forte progressivité dans le barème des points acquis permettrait donc d’accroître les incitations à verser des cotisations, ce qui conduirait les agriculteurs dont le revenu est plus élevé à contribuer davantage à la solidarité du système.

Au risque d’énoncer des évidences, votre rapporteur rappelle qu’une telle évolution, qui relève de la compétence du pouvoir réglementaire et non de celle du législateur ([36]), devrait nécessairement conserver des dispositifs de solidarité pour les plus petits cotisants.

III.   Dix ans aprÈs le dernier rapport sur le sujet, les obstacles À la mise en œuvre de cette rÉforme semblent levÉs

A.   Le rapport publiÉ par l’Inspection Générale des affaires sociales en 2012 identifiait plusieurs obstacles au passage À un calcul sur les vingt‑cinq meilleures annÉes

En application de l’article 91 de la loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, le Gouvernement a confié à l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) la responsabilité de rendre un rapport étudiant les conditions de passage du mode de calcul de la pension de base des non‑salariés agricoles à un calcul sur les vingt-cinq meilleures années ([37]).

Publié en mars 2012, le rapport formulait plusieurs hypothèses préalables à la mise en œuvre de cette réforme et proposait des simulations permettant d’évaluer les gains et les pertes qui pouvaient en résulter selon plusieurs scenarii selon que la réforme s’effectuait en maintenant l’architecture actuelle du régime ou en l’alignant sur celle du régime général.

1.   Le rapport étudiait des scenarii qui excédaient la seule question de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années

● Le rapport étudiait trois scenarii différents ([38]) :

– scénario 1 : la transposition des règles de prise en compte des vingt‑cinq meilleures années dans le cadre d’un régime à points, avec application immédiate et complète à tous les futurs retraités ;

– scénario 2 : un alignement immédiat de l’architecture du régime des non‑salariés agricoles sur les régimes alignés, à savoir le passage à un calcul fondé sur un revenu annuel moyen et un taux de liquidation maximal de 50 % ;

– scénario 3 : la même hypothèse que le scénario 2 avec une entrée en vigueur progressive.

● Le scénario le plus favorable aux assurés consistait en l’application immédiate de la prise en compte des vingt‑cinq meilleures années, sans période de transition ([39]), dans le cadre du maintien d’un régime à points. Le passage à un régime fondé sur l’application d’un taux à un revenu annuel moyen faisait beaucoup moins de gagnants – entre 5 % à 15 % avant intervention des minima de pensions – car les gains attendus étaient compensés par les pertes associées à la suppression du barème d’acquisition des points, favorable aux « petits cotisants ».

En outre le passage à un système aligné sur celui du régime général – sur la base d’un revenu annuel moyen et d’un taux de liquidation – entraînait de très nombreux perdants contrairement au maintien d’un calcul par points qui limitait leur nombre (1 à 6 %) et pour des montants minimes.

● Votre rapporteur aurait souhaité pouvoir bénéficier d’une actualisation des simulations contenues dans le rapport publié par l’Igas. Compte tenu du caractère hautement technique d’un tel exercice et des délais très contraints imposés par l’examen des textes inscrits lors des niches parlementaires, une telle actualisation était malheureusement incompatible avec le délai de publication du présent rapport.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteur formule le vœu que le Gouvernement puisse remettre au Parlement un rapport permettant d’actualiser les conclusions du rapport de l’Igas.

2.   Le rapport s’appuyait sur des hypothèses qui mériteraient d’être reconsidérées

● L’une des hypothèses centrales du rapport de 2012 était qu’un passage au calcul sur les vingt‑cinq meilleures années impliquait également une transposition au régime des non‑salariés agricoles des règles de validation des trimestres applicables dans les régimes alignés.

L’article L. 351‑2 du code de la sécurité sociale prévoit que « les périodes d’assurance ne peuvent être retenues, pour la détermination du droit à pension ou rente [dans le régime général] que si elles ont donné lieu au versement d’un minimum de cotisations au titre de l’année civile au cours de laquelle ces périodes d’assurance ont été acquises ». Une telle condition n’existe pas pour les non‑salariés agricoles, lesquels valident l’intégralité de leur durée d’assurance dans le régime quel que soit leur niveau de cotisation.

● Selon le rapport, ne pas procéder à cette transposition aurait conduit les non‑salariés agricoles à cumuler de façon excessive :

– les avantages liés à un mode de calcul qui permet d’écarter les mauvaises années – le calcul sur les vingt-cinq meilleures années ;

– avec les avantages liés à un système qui permet de valider une année complète sur une très faible assiette – l’absence de règle de validation des trimestres.

Outre le fait que l’opportunité d’un alignement des règles de validation des trimestres doit être appréciée au regard de la situation relative des agriculteurs – lesquels sont déjà beaucoup moins favorisés que les autres actifs durant leur vie professionnelle –, elle conditionne fortement les résultats attendus d’un passage aux vingt‑cinq meilleures années (cfinfra). Votre rapporteur note par ailleurs que les effets résultant d’un tel alignement semblent devoir être entièrement réévalués aujourd’hui à l’aune des évolutions intervenues tant dans les régimes alignés que dans le régime des non‑salariés agricoles.

B.   Les conclusions du rapport doivent Être rÉÉxaminÉes À l’aune des changements de lÉgislation intervenus depuis 2012

1.   La transposition au régime des non‑salariés agricoles des règles de validation de trimestres en vigueur dans les régimes alignés n’est plus aussi défavorable qu’à l’époque

● À la date de rédaction du rapport de l’Igas, la validation d’une année complète dans les régimes alignés était subordonnée à la condition de cotiser sur une assiette au moins égale à 800 Smic horaires. Compte tenu de l’existence d’une assiette forfaitaire pour les aides familiaux et conjoints collaborateurs et de l’assiette minimale pour les exploitants agricoles, cette transposition était susceptible de contrebalancer très largement les effets positifs d’un passage aux vingt-cinq meilleures années.

En effet, le maintien de l’assiette forfaitaire à 400 Smic pour les aides familiaux et conjoints collaborateurs et de l’assiette minimale à 600 Smic pour les exploitants agricoles à faibles revenus combiné à la transposition de la règle subordonnant la validation d’un trimestre à 200 Smic les conduisait à ne pouvoir valider respectivement que deux ou trois trimestres par année d’activité, ce qui emportait un double effet négatif :

– sur leur durée d’assurance tous régimes d’une part, avec les conséquences que cet effet emportait sur le montant des retraites servies par tous les régimes d’affiliation de la personne via les systèmes de décote. Pour annuler cette décote, le non‑salarié agricole était donc contraint de travailler plus longtemps pour atteindre la durée minimale d’assurance ;

– et sur la durée d’assurance au régime des non‑salariés agricoles d’autre part, ce qui minorait le montant de la retraite forfaitaire qui dépend directement de la durée d’assurance au régime (cfsupra) ainsi que le montant de la retraite proportionnelle.

Pour ces raisons, le rapport prenait en considération la nécessité de relever les assiettes forfaitaire et minimale au niveau de 800 Smic horaires, ce qui avait pour effet d’augmenter de manière significative le niveau des cotisations dues par les personnes concernées. S’agissant de l’assiette forfaitaire, le montant des cotisations faisait ainsi plus que doubler passant de 517,32 euros annuels à 1198,8 euros ([40]).

 Dans le prolongement de la loi n° 2014‑40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice de notre système de retraites, l’assiette permettant la validation d’un trimestre dans les régimes alignés a été diminuée par voie réglementaire à 150 Smic horaires ([41]).

Il faut donc dorénavant justifier d’une assiette de 600 Smic horaires pour valider une année complète, ce qui correspond à l’assiette minimale des exploitants agricoles. Cette évolution des modalités de validation des trimestres dans les régimes alignés limite donc considérablement l’impact négatif de la transposition de ces règles aux « petits cotisants » du régime agricole. En effet, il n’est plus nécessaire d’augmenter l’assiette minimale des exploitants agricoles pour qu’ils puissent valider l’intégralité de leurs trimestres. Seul persiste l’écart avec l’assiette forfaitaire des aides familiaux et conjoints collaborateurs fixée à 400 Smic horaires.

2.   Les récentes réformes des minima de pensions agricoles protègent les retraités modestes d’éventuels effets de bords indésirables d’un passage aux vingt‑cinq meilleures années

 En outre, le rapport mettait en avant les risques que représentait un passage au calcul sur la base des vingt‑cinq meilleures années pour les petites pensions des agriculteurs, compte tenu des règles spécifiques applicables en matière de minima de pensions agricoles.

Dès l’origine, le bénéfice de la PMR avait été conditionné à la validation d’une durée minimale d’assurance dans le régime des non‑salariés agricoles :

– 22,5 années pour les personnes dont la pension a pris effet avant le 1er janvier 2002 ;

– et 17,5 années pour les personnes dont la pension prenait effet à compter de cette même date ([42]).

Cette règle, inexistante pour le bénéfice du MiCo et du MiGa, s’ajoutait à l’obligation de devoir justifier des règles ouvrant droit à la retraite à taux plein.

Par l’effet qu’il pouvait avoir sur la diminution de la durée d’assurance validée par les petits cotisants agricoles, l’alignement des règles de validation de trimestres avec le régime général était susceptible d’entraîner une large partie d’entre eux à perdre le bénéfice de la PMR. L’application de cette mesure créait donc des perdants parmi les retraités les plus modestes ce qui, compte tenu de la faiblesse de leur pension (cfsupra), était inenvisageable.

● Plusieurs évolutions récentes doivent conduire à nuancer fortement ce constat.

D’une part, la condition de durée d’assurance minimale dans le régime des non‑salariés agricoles pour le bénéfice de la PMR n’est plus applicable aux retraites liquidées depuis le 1er février 2014 ([43]).

D’autre part, la réforme de la retraite des conjoints collaborateurs votée dans la loi « Chassaigne 2 » renforce considérablement le caractère protecteur de la PMR pour les éventuels perdants d’un passage aux vingt‑cinq meilleures années (cfsupra).

Il en va de même de la limitation dans le temps de l’affiliation au statut de conjoint collaborateur. Cette limitation réduit l’impact qu’aurait une transposition des règles de validation des trimestres applicables dans les régimes alignés sur la durée d’assurance des conjoints collaborateurs.

En effet, en l’absence du relèvement de l’assiette forfaitaire de leurs cotisations, les personnes optant pour le statut de conjoint collaborateur à compter du 1er janvier 2022 subiraient une « perte » maximale de 2,5 années de durée d’assurance sur leur cinq années d’activité sous ce statut.

S’il devait s’avérer nécessaire de transposer la règle de validation de trimestres dans le régime agricole, votre rapporteur serait néanmoins favorable à ce que l’assiette forfaitaire soit relevée au niveau de 600 Smic horaires. C’est une mesure de justice qui permettrait aux aides familiaux et aux conjoints collaborateurs de valider l’intégralité des trimestres travaillés sous ce statut. Le niveau de l’assiette forfaitaire étant fixée par décret ([44]), son relèvement incombe au pouvoir réglementaire.

*

*       *

Lors des auditions, les acteurs de la filière ont exprimé un large consensus sur la nécessité de mettre en place la réforme de la prise en compte des vingt‑cinq meilleures années. Bien que paramétrique en apparence, elle requiert des évolutions juridiques et techniques redoutables que la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole s’est dite prête à mener. Ne manque aujourd’hui que la volonté politique. C’est cette volonté que votre rapporteur et le groupe Les Républicains entendent affirmer à travers la présente proposition de loi. Pour toutes les raisons évoquées précédemment, il apparaît donc particulièrement nécessaire et impérieux de l’adopter pour pouvoir entamer sa mise en application aussi vite que possible.


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Commentaire dES articles

Article 1er
Fixation d’un objectif de passage du calcul de la retraite de base des nonsalariés agricoles sur la base des vingtcinq meilleures années

 

Rejeté par la commission

L’article 1er fixe pour objectif de modifier le régime de base de retraite des non‑salariés agricoles afin que le calcul du montant des pensions soit fondé sur les seules vingt‑cinq meilleures années de revenu.

1.   Le droit en vigueur

● Comme l’a rappelé votre rapporteur dans son avant-propos, le régime d’assurance vieillesse des non‑salariés agricoles présente une architecture duale distincte des régimes alignés.

L’article L. 732‑24 du code rural et de la pêche maritime prévoit que les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole ayant exercé à titre exclusif ou à titre principal une activité agricole non salariée bénéficient d’une pension de retraite qui comprend deux éléments distincts :

– une pension de retraite forfaitaire, indépendante du revenu ;

– et une pension de retraite proportionnelle aux revenus, dont le montant dépend des cotisations versées par les assurés du régime.

En application des articles L. 732‑34 et L. 732‑35 du même code, le bénéfice des pensions de retraite forfaitaire et proportionnelle est également ouvert aux aides familiaux ([45]) et aux conjoints collaborateurs ([46]).

● Si l’architecture duale du régime de base d’assurance vieillesse des non‑salariés agricoles est prévue par la loi, les modalités de calcul des retraites forfaitaire et proportionnelle relèvent essentiellement de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime. Ainsi, c’est l’article R. 732‑66 dudit code qui définit la structuration par points de la pension de retraite proportionnelle.

C’est une différence notable avec les régimes alignés. En effet, les règles relatives au calcul du montant de la pension de base d’un retraité du régime général sont fixées à l’article L. 351‑1 du code de la sécurité sociale, lequel définit notamment le fait que son calcul se fait par application au salaire annuel moyen (SAM) d’un taux de liquidation. Votre rapporteur note d’ailleurs qu’il ne s’agit pas là d’une différence de nature entre régimes par annuités et régimes par points puisque la structuration du régime des professions libérales, qui relève de la seconde catégorie, est définie dans la partie législative du code de la sécurité sociale ([47]).

● Jusqu’en 1993, la retraite des assurés des régimes alignés était liquidée sur la base d’un revenu annuel moyen (RAM) calculé sur la base des dix années les plus favorables. Les réformes entamées par le gouvernement Balladur ont conduit à relever progressivement le nombre d’années prises en compte pour le calcul du RAM ([48]). Depuis le 1er janvier 2008, la retraite de tous les assurés des régimes alignés nés après 1947 est liquidée sur la base d’un revenu annuel moyen calculé sur les vingt-cinq meilleures années ([49]). Cette règle s’applique tant aux salariés du régime général qu’aux indépendants et aux salariés agricoles.

Elle ne s’applique cependant pas aux non‑salariés agricoles. Le mode de calcul du montant de la pension de retraite proportionnelle prend donc en compte l’intégralité de la carrière et intègre aussi les mauvaises années. Le présent article entend remédier à cette injustice.

2.   Le droit proposé : le présent article fixe un horizon d’entrée en vigueur de la réforme à 2024 et en confie la mise en œuvre au pouvoir réglementaire

● Votre rapporteur a largement exposé les raisons et les enjeux qui justifiaient l’urgence d’un passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années de revenu. Aussi se contentera-t-il dans le présent commentaire de préciser les intentions des auteurs dans le choix du dispositif. Si l’Assemblée nationale devait effectivement voter en faveur de ce principe, le Gouvernement n’aurait pas d’autre choix que d’acter le soutien de la représentation nationale aux agriculteurs et de proposer des mesures permettant sa mise en œuvre.

Le présent article complète l’article L. 732‑18 du code rural et de la pêche maritime par un nouvel alinéa qui fixe à la Nation l’objectif d’étendre aux non‑salariés agricoles le calcul de leur retraite de base par référence aux seuls vingt‑cinq meilleures années de revenu. En fixant cet objectif dans la loi, les auteurs entendent témoigner leur soutien à cette réforme qui répond à une demande de longue date des agriculteurs.

Compte tenu du fait que cette demande a été maintes et maintes fois repoussée, l’article 1er fixe comme objectif de mettre en œuvre le passage au calcul sur les vingt‑cinq meilleures années dès 2024. Cette date apparaissait justifiée compte tenu de l’urgence qui s’attache à assurer une retraite décente pour nos agriculteurs. Dans la rédaction du texte déposé, la mesure aurait ainsi vocation à s’appliquer à tous les agriculteurs qui liquideraient leur pension de retraite à compter du 1er janvier 2024.

Toutefois, les auditions menées par votre rapporteur ont mis en lumière le fait qu’une entrée en vigueur en 2024 n’était pas envisageable compte tenu des mises à jour qu’une telle réforme induit pour les systèmes d’information de la MSA. Aussi, afin que la réforme puisse être appliquée dans les meilleures conditions, il serait nécessaire de repousser l’entrée en vigueur au 1er janvier 2026.

● Dans la mesure où les modalités de calcul des pensions de retraite des non‑salariés agricoles relèvent essentiellement de la partie réglementaire du code rural et de la pêche maritime et non de sa partie législative, le présent article confie au pouvoir réglementaire le soin de définir :

– les conditions de mise en application de cette réforme ;

– ainsi que les modalités permettant d’assurer la transition avec le mode de calcul actuellement en vigueur.

Le choix fait par les auteurs de la présente proposition de loi de respecter la répartition des compétences entre la loi et le règlement n’interdit cependant pas à votre rapporteur d’esquisser les contours que devrait prendre selon lui une telle réforme.

a.   Le maintien de l’architecture duale et du régime à points mais une réflexion sur l’évolution du barème d’acquisition des points

● Premièrement, l’objectif de la présente proposition de loi n’est pas de faire du régime des non‑salariés agricoles un régime aligné avec le régime général. Aussi, le passage au calcul sur la base des vingt‑cinq meilleures années devrait s’effectuer sans modifier l’architecture duale du régime ni renoncer au système par points auquel la profession est attachée. En effet, comme le rappelle le rapport de l’Igas, cette question peut être dissociée de celle de la technique de calcul des droits – par référence au revenu annuel moyen ou par points ([50]). Dans un régime par points, la prise en compte des vingt‑cinq meilleures années peut ainsi être atteinte en ne valorisant qu’une partie de la carrière et en proratisant le capital de points obtenu sur lesdites années à l’ensemble de la carrière.

Or, un bouleversement de l’architecture du régime est susceptible d’entraîner des modifications importantes sur un ensemble d’autres paramètres dont les conséquences ne sont pas clairement identifiées à ce stade, en particulier concernant les dispositifs de solidarité du régime tels que l’attribution de points correspondant à la majoration de durée d’assurance pour la naissance et l’éducation des enfants ([51]).

Le maintien de l’architecture actuelle présente également l’avantage de nécessiter des adaptations moins importantes des systèmes d’information des caisses de mutualité sociale agricole.

● Deuxièmement, le maintien de l’architecture du régime devra s’accompagner à plus long‑terme d’une réflexion sur les modalités de cotisation des non‑salariés agricoles autour de deux points cruciaux :

– d’une part, la suppression du palier de cotisation à 30 points qui obère fortement la contributivité du régime ;

– d’autre part, le relèvement de l’assiette forfaitaire de cotisations des conjoints collaborateurs et des aides familiaux en cas de transposition des règles de validation de la durée d’assurance en vigueur dans les régimes alignés. Le passage au calcul sur les vingt‑cinq meilleures années ne peut avoir pour conséquence de diminuer la durée d’assurance validée par les conjoints collaborateurs et les aides familiaux.

Ces deux questions sont évidemment liées à une réflexion sur une réforme plus globale du régime. Elles ne conditionnent cependant pas l’application de la règle de prise en compte des vingt‑cinq meilleures années, laquelle peut être mise en œuvre à court‑terme indépendamment de toute modification du barème d’acquisition des points ou d’évolution des règles de cotisations.

b.   Une entrée en vigueur progressive avec application totale en 2030

● En l’absence de simulation, votre rapporteur ne peut pas évaluer l’impact financier que la proposition de loi aura sur les comptes de la MSA. De toute évidence, le coût total de la réforme dépendra du choix des paramètres qui seront retenus par le Gouvernement pour sa mise en application. Pour autant, il apparaît nécessaire à votre rapporteur de prévoir une entrée en vigueur progressive de la réforme. Compte tenu de la nécessité de repousser la date d’entrée en vigueur au 1er janvier 2026 (cf : supra), le calendrier de transition envisagé pourrait être le suivant :

 

Année de départ à la retraite

Années prises en compte

2026

37 meilleures années

2027

34 meilleures années

2028

31 meilleures années

2029

28 meilleures années

2030

25 meilleures années

Une telle progressivité dans la mise en place de la réforme présenterait l’avantage de limiter l’impact financier global de la mesure.

Elle serait également plus juste sur le plan de l’équité intergénérationnelle. En effet, en cas d’entrée en vigueur intégrale et immédiate de la réforme au 1er janvier 2026, il existerait une vraie situation d’inéquité entre un agriculteur ayant liquidé sa retraite en 2025 et un agriculteur qui liquiderait sa retraite en 2026. Alors que le premier verrait sa pension calculée sur l’ensemble de sa carrière, le second bénéficierait d’un calcul sur les seules vingt‑cinq meilleures années. Une entrée en vigueur progressive permet de lisser cet effet dans le temps.

*

*     *

Article 2
Gage de recevabilité

Rejeté par la commission

Cet article prévoit de gager la charge pour les organismes de sécurité sociale liée à l’application de la proposition de loi par une majoration de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

L’article 2 est l’article de gage destiné à assurer la recevabilité financière de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.

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— 1 —

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa seconde réunion du mercredi 23 novembre 2022 ([52]), la commission a examiné la proposition de loi visant à calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus (n° 353) (M. Julien Dive, rapporteur).

M. Julien Dive, rapporteur. Je vous remercie, madame la présidente, de m’accueillir au sein de la commission des affaires sociales le temps de l’examen de cette proposition de loi. Je remercie également les services de l’Assemblée nationale, qui m’ont accompagné tout le temps de ces travaux et qui m’accompagneront jusqu’à l’examen en séance la semaine prochaine.

Madame la présidente, mes chers collègues, il existe un écart de pension de 580 euros brut constaté chaque mois entre un agriculteur retraité et un salarié à la retraite. Avec une pension moyenne de 800 euros par mois, les agriculteurs retraités touchent ainsi chaque année en moyenne près de 7 000 euros de moins que les retraités du régime général. C’est un terrible aveu d’échec de notre système d’assurance vieillesse, lequel ne parvient manifestement pas à garantir un niveau de vie digne à nos agriculteurs à la retraite. Ce constat est connu et ancien. Parmi les facteurs expliquant la faiblesse du niveau des pensions agricoles figure le fait que le calcul des droits à la retraite des agriculteurs se fonde encore aujourd’hui sur l’ensemble de leur carrière, ce qui constitue une différence majeure avec les anciens salariés et les indépendants, qui bénéficient de pensions de retraite dont le montant est calculé en fonction de leurs vingt-cinq meilleures années de revenus.

Malgré l’engagement réitéré de la profession, le sujet d’un alignement des règles de calcul des retraites agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années a été délaissé et sa mise en œuvre sans cesse repoussée au fil des réformes des retraites. Dix ans après le dernier rapport sur le sujet, la présente proposition de loi proposée par les députés Les Républicains dans le cadre de leur niche parlementaire entend remédier à une injustice qui n’a que trop duré.

Créé en 1952, le régime de retraite des non-salariés agricoles s’est historiquement construit en marge du régime général de la sécurité sociale, ce qui explique qu’il présente d’importantes différences avec les régimes alignés. D’une part, il est organisé sur la base d’une architecture originale, comportant deux niveaux à savoir une partie forfaitaire, l’assurance vieillesse individuelle (AVI), indépendante du revenu, et une partie proportionnelle, l’assurance vieillesse agricole (AVA), dont le montant dépend des cotisations versées par l’agriculteur tout au long de sa carrière. D’autre part, la retraite des agriculteurs n’est pas calculée par l’application d’un taux à un revenu annuel moyen, contrairement aux retraites des régimes alignés. L’assurance vieillesse agricole fonctionne en effet sur la base d’un régime à points, que les agriculteurs acquièrent en contrepartie des cotisations versées tout au long de leur carrière. Lors du départ à la retraite, le montant de la retraite proportionnelle d’un agriculteur est calculé en multipliant le nombre de points acquis par la valeur de service du point, qui évolue chaque année.

Malgré ces différences, le régime agricole comporte des paramètres directement ancrés sur ceux applicables aux régimes alignés, qu’il s’agisse des conditions d’âge légal de départ ou de durée d’assurance, en passant par l’indexation du montant des retraites sur l’inflation. Ces éléments traduisent la volonté de faire converger partiellement les règles en vigueur dans les régimes alignés avec celles applicables au régime des non-salariés agricoles. Pourtant, force est de constater que les gouvernements successifs n’ont eu de cesse de repousser la demande pourtant légitime des exploitants agricoles de voir le calcul de leurs retraites fondé sur les seules meilleures années de leur carrière.

Cette situation est regrettable, tant la réforme proposée est susceptible de remédier à certains des problèmes structurels du régime. Premièrement, le calcul sur les vingtcinq meilleures années a pour objectif de limiter l’impact de la forte variabilité des revenus agricoles sur les droits à la retraite. En effet, les revenus agricoles varient fortement d’une année sur l’autre en raison de la fluctuation des prix, des aléas climatiques qui pèsent sur les récoltes et des aléas épizootiques qui pèsent sur les cheptels. À titre d’exemple, les revenus ont chuté de 6 % en 2020. Ils avaient déjà baissé de 2,3 % en 2019 après une forte hausse en 2017 et 2018. Cette volatilité est très marquée dans la culture des vignes et des céréales, deux secteurs touchés par des conditions climatiques particulièrement défavorables ces dernières années. En ne prenant en compte que les meilleures années d’activité, la réforme proposée permet ainsi de mettre un terme à ce qui constitue aujourd’hui une véritable double peine pour les agriculteurs à savoir une baisse des revenus à court terme se traduisant par une retraite plus faible à long terme.

Deuxièmement, le passage aux vingt-cinq meilleures années répond à un objectif d’équité entre assurés sociaux. Il est en effet injuste que l’application d’une règle qui bénéficie à la quasi-totalité des retraités de ce pays soit refusée aux agriculteurs qui cumulent déjà les difficultés tout au long de leur carrière. Ainsi, les agriculteurs sont les actifs qui travaillent le plus avec 54 heures par semaine contre 45 heures pour les commerçants et 37 heures en moyenne pour l’ensemble des actifs. Parmi les agriculteurs, les éleveurs portent une charge de travail particulièrement lourde puisqu’ils déclarent travailler 61 heures par semaine, sans parler du temps d’astreinte. En effet, avec 2 800 heures par an, le temps d’astreinte par exploitation d’élevage est presque deux fois supérieur à la durée légale du travail du fait de tâches qui ne peuvent être différées. De plus, neuf agriculteurs sur dix travaillent le week-end et les deux tiers d’entre eux ne partent pas plus de trois jours consécutifs par an en congé. À ces conditions de travail particulièrement contraignantes s’ajoute une situation financière souvent peu enviable par rapport aux autres non-salariés. Selon l’Insee, le revenu mensuel moyen des producteurs agricoles était de 1 640 euros par mois en 2020, contre 3 620 euros pour les autres non-salariés.

Troisièmement, et comme l’ont rappelé les différentes personnes que j’ai auditionnées, l’enjeu du passage au calcul des retraites agricoles sur les vingt-cinq meilleures années n’est pas sans lien avec celui du renforcement de l’attractivité du métier d’agriculteur. En effet, un agriculteur sur deux est censé partir en retraite d’ici 2030, ce qui pose une véritable problématique de renouvellement des générations et d’installation. Malgré toutes les contraintes inhérentes au métier agricole, de plus en plus d’actifs, qu’ils soient salariés ou autres, choisissent courageusement d’entamer une reconversion professionnelle pour devenir agriculteurs. Or à ce jour, ces personnes passent d’un régime d’assurance vieillesse qui leur garantit la seule prise en compte de leurs meilleures années à un régime dont le montant des pensions est calculé sur l’ensemble de la carrière. Dans cette perspective, le passage au calcul des retraites agricoles sur la base des vingt-cinq meilleures années constitue un levier permettant d’encourager les reconversions et de renforcer l’attractivité des professions agricoles.

Enfin, cette réforme s’insère dans une réflexion sur une contributivité accrue du régime permettant d’introduire une plus grande proportionnalité entre les droits à pension et les cotisations. Selon le régime actuel, le barème d’acquisition de points a pour conséquence qu’un agriculteur dont le revenu annuel s’élève à 15 600 euros valide 30 points, soit autant qu’un agriculteur dont le revenu est de 8 400 euros. En revanche, le premier verse 2 670 euros de cotisations tandis que le second ne contribue qu’à hauteur de 1 430 euros. L’existence de ce palier à 30 points atténue sensiblement la contributivité du régime. Les auditions que j’ai menées ont en effet permis de mettre en lumière le fait que de nombreux agriculteurs préféraient recourir à des pratiques de défiscalisation et d’optimisation plutôt que de cotiser à perte. La mise en œuvre d’une plus forte dégressivité dans le barème des points acquis permettrait donc d’accroître les incitations à cotiser, ce qui conduirait les agriculteurs dont le revenu est plus élevé à contribuer davantage à la solidarité du système.

Publié en mars 2012, le dernier rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur le sujet mettait toutefois en garde contre les effets de bord non maîtrisés que pouvait induire la réforme du passage aux vingt-cinq meilleures années, en particulier pour les petites retraites agricoles. Ce sujet avait été abordé lors de la réforme des retraites de 2010 puis confirmé par les ministres de l’agriculture successifs jusqu’à M. Stéphane Le Foll en 2015. Force est de constater que plus de dix ans après, les conclusions de ce rapport méritent d’être entièrement réévaluées à l’aune des évolutions intervenues tant dans les régimes alignés que dans celui des non-salariés agricoles.

Le rapport que j’ai rédigé présente avec plus de détails les subtilités techniques qui justifient mes propos. Par conséquent, je me contenterai ici de rappeler quelques points essentiels. Premièrement, le rapport de l’Igas de 2012 se fondait sur des hypothèses qui excédaient largement le champ de la réforme du passage aux vingt-cinq meilleures années, en particulier concernant l’architecture du régime. Je souhaite donc affirmer clairement, pour éviter toute ambiguïté, que la présente proposition de loi n’entend pas remettre en question l’architecture duale du régime de retraite ni le principe du régime à points, qui présentent des avantages auxquels la profession est attachée. La prise en compte des vingt-cinq meilleures années devra intervenir dans des conditions qui garantissent un gain maximal pour les agriculteurs.

Deuxièmement, même en considérant que certaines hypothèses du rapport de l’Igas méritent d’être retenues, notamment en matière d’alignement des règles de validation de trimestres en vigueur dans le régime général, ses conclusions me semblent devoir être entièrement réévaluées à l’aune des changements récents de la législation, en particulier des avancées décisives votées dans le cadre des deux « lois Chassaigne », lesquelles ont considérablement renforcé le caractère protecteur des minimas de pensions agricoles.

Parce que les raisons qui justifient le bien-fondé de cette réforme sont nombreuses et que les obstacles à la mise en œuvre nous paraissent levés, nous vous proposons, à travers l’article 1er de cette proposition de loi, d’acter la mise en œuvre d’un passage aux vingtcinq meilleures années pour le calcul de la retraite des non-salariés agricoles. Lors des auditions, les acteurs de la filière ont exprimé un large consensus sur la nécessité de mettre en œuvre cette mesure. Bien que paramétrique en apparence, elle requiert des évolutions juridiques et techniques redoutables, que la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole s’est dite prête à mener. Ne manque aujourd’hui que la volonté politique. C’est cette volonté que votre rapporteur et le groupe Les Républicains entendent affirmer à travers la présente proposition de loi. Nous la devons à nos agriculteurs, qui n’ont que trop attendu.

Pour toutes les raisons évoquées précédemment, il apparaît donc particulièrement nécessaire et impérieux de l’adopter pour pouvoir entamer sa mise en application aussi vote que possible.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux intervention des représentants des groupes.

M. Didier Le Gac (RE). Notre groupe votera contre cette proposition de loi, qui paraît très séduisante comme le sont souvent les propositions de loi s’inscrivant dans le cadre d’une niche parlementaire, mais n’est pas applicable. Il convient de le signaler, en premier lieu aux agriculteurs à qui nous ne souhaitons pas laisser penser qu’après l’adoption de cette proposition de loi, la retraite agricole serait calculée sur les vingt-cinq meilleures années, pour deux raisons.

Premièrement, cette proposition de loi est inconstitutionnelle puisqu’elle renvoie son application à un décret. Or dans la mesure où elle crée de nouveaux droits, l’application d’une telle réforme nécessite une loi en vertu de l’article 34 de la Constitution.

Deuxièmement, cette proposition de loi n’aurait pas d’effet parce qu’elle est inopérante. La Mutualité sociale agricole (MSA), que nous sommes nombreux à bien connaître, notamment nous qui sommes issus de départements ruraux, est dans l’incapacité technique de reconstituer les données des vingt-cinq meilleures années de carrière des agriculteurs, concernant les salaires forfaitaires, les points et le calcul des moyennes triennales.

Par ailleurs, cette proposition de loi n’est pas présentée de manière très sincère. Il est en effet excessif de nous accuser « de refuser d’aborder les souffrances du monde agricole » comme vous le faites dans votre exposé préalable. Surtout, vous indiquez que la revalorisation précédente, votée dans le cadre de la « loi Chassaigne », ne concerne pas les retraités actuels, ce qui est faux. Au 1er janvier 2022 en effet, 338 600 agriculteurs ont pu bénéficier de la revalorisation de la « loi Chassaigne », qui avait justement l’objectif de traiter le « stock » des retraités actuels.

Enfin, votre proposition de loi n’est pas consensuelle puisque tous les syndicats ne la soutiennent pas. En outre, le rapport de l’Igas de 2012 sur le sujet indique clairement que le passage aux vingt-cinq meilleures années, en admettant qu’il soit possible techniquement, profiterait surtout aux seules carrières ascendantes et aux pensions les plus élevées, comme le montrent les simulations. Pour toutes ces raisons, nous voterons contre.

M. Serge Muller (RN). Nous sommes favorables à cette proposition de loi. Le Rassemblement National a toujours souhaité que les agriculteurs puissent bénéficier d’un niveau de vie décent tout au long de leur carrière, et d’autant plus lors de leur passage à la retraite. Nous avons donc déposé un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale visant également à calculer la retraite des non-salariés agricoles sur leurs vingt-cinq meilleures années de revenus. Cette réforme est primordiale et nous nous réjouissons de son inscription à l’ordre du jour.

Nous y sommes favorables parce qu’en sus de nourrir les Français et de participer à notre souveraineté alimentaire, les agriculteurs exercent une activité dont ils ne sont pas toujours maîtres. Ils sont en effet soumis aux lois des marchés financiers et des aléas climatiques.

Nous y sommes favorables car nos agriculteurs relèvent d’un régime profondément injuste. En effet, la retraite des indépendants se calcule sur les vingt-cinq meilleures années et celle des fonctionnaires sur leurs six derniers mois, quand celle des agriculteurs est calculée sur la totalité de leur carrière. Calculer leur retraite sur leurs meilleures années de revenus leur permettrait donc de s’affranchir des années difficiles, de gel, de sécheresse, de grêle, mais également de démarrage dans la vie active car il est très rare que de jeunes agriculteurs soient rentables dès les premières années d’activité. Ces difficultés se traduisent dans les chiffres puisque les anciens non-salariés agricoles perçoivent une pension de 1 150 euros bruts mensuels quand la moyenne nationale dépasse 1 500 euros bruts.

À l’heure où nous avons besoin de nouveaux agriculteurs pour assurer le renouvellement des générations dans les dix prochaines années, comment des jeunes pourraientils se lancer dans un métier aussi difficile avec une retraite dépassant à peine le seuil de pauvreté ? Cette réforme est donc essentielle pour assurer la survie de l’agriculture française.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les récentes attaques gouvernementales contre les régimes de retraite et celles à venir plaident pour la démarche proposée dans cette proposition de loi, à savoir tenter d’harmoniser les pensions de retraite par le haut. À cet égard, il nous semble que le texte fixe un cap politique positif, qui attire notre vote en sa faveur.

Par ailleurs, plusieurs éléments de cette proposition, qui n’ont pas été abordés jusqu’à présent, viennent renforcer la démarche politique que vous nous proposez. Elle souligne notamment une série de contradictions qui enserrent l’activité agricole contemporaine. Depuis cinquante ans, le système de production agricole réduit les revenus des agriculteurs pour limiter le coût des produits alimentaires et ainsi assurer l’élévation du pouvoir d’achat du monde salarié. Entre les années 1960 et 2010, ce troc général a permis à notre société de survivre sur le dos des agriculteurs.

Ce même principe de pouvoir d’achat plaide aujourd’hui pour une revalorisation des montants de retraite comme vous le proposez. Il nous semble par ailleurs que cette proposition apporte une réponse à la problématique des dérèglements climatiques puisque le fait d’organiser le calcul des pensions sur les dernières années de la vie professionnelle étend le risque météorologique auquel les agriculteurs sont exposés à leurs revenus ultérieurs en heurtant leur capacité contributive. Dans la mesure où la production agricole ne peut être constante, il ne peut être exigé des agriculteurs une contribution constante sur l’ensemble de la vie professionnelle. Il s’agit ici d’atténuer les effets des catastrophes climatiques futures qui pourraient réduire les rendements et donc la capacité des agriculteurs concernés à contribuer à leur propre régime.

Enfin, cette proposition de loi reste tributaire de pratiques actuelles, notamment celles des grandes surfaces, dont les méthodes de négociation, à caractère parfois injuste ou inéquitable, conduisent à « plumer » l’ensemble des producteurs du secteur agricole, qui subissent au moment de leur départ en retraite les conséquences des concessions qu’ils ont dû accorder au cours de leur vie professionnelle.

Pour toutes ces raisons, nous approuvons l’objectif général du texte et sommes favorables à un travail sur les quelques éléments juridiques soulevés auparavant. Puisqu’il marque un progrès, nous voterons pour.

Mme Isabelle Valentin (LR). Les retraites agricoles constituent une problématique importante, dont nous discutons déjà depuis de nombreuses années. Je remercie donc mon collègue Julien Dive pour cette proposition de loi de bon sens, tant attendue par le monde agricole. Le calcul des retraites agricoles est basé sur l’intégralité de la carrière, ce qui constitue un non-sens au regard des nombreux aléas auxquels est soumise l’agriculture. À ceux-ci s’ajoutent les années d’aide familiale et la première année d’installation, non prises en compte dans le calcul des retraites.

Offrons aujourd’hui des perspectives favorables aux jeunes agriculteurs qui s’installent. La question du renouvellement des générations en agriculture est primordiale puisque 50 % des actifs agricoles feront valoir leurs droits à la retraite dans les dix prochaines années. À l’heure où la souveraineté alimentaire devient une priorité, comment pallier ce déficit annoncé si le métier n’attire plus et s’il n’est pas récompensé à sa juste valeur ?

Les arguments de la majorité ne nous étonnent pas puisqu’en 2018, le Gouvernement avait bloqué une proposition de loi qui visait à porter la retraite à au moins 85 % du Smic au motif que cette revalorisation serait discutée lors de la prochaine réforme des retraites, qui n’est toujours pas intervenue. Il y a urgence. Arrêtons de nous cacher derrière cette réforme qui n’avance pas. Fort heureusement, les lois dites « Chassaigne » 1 et 2 ont marqué un premier pas pour nos agriculteurs.

En refusant d’aborder les souffrances du monde agricole de manière globale, le Gouvernement renforce, au sein de notre société, les incompréhensions et les fractures à la source de l’agribashing, tout en mettant en jeu la souveraineté alimentaire de notre pays. En revanche, la proposition de loi de Julien Dive constituera un pas supplémentaire vers la reconnaissance du monde agricole et le respect de ceux qui nous nourrissent. Une retraite agricole décente représente une impérieuse nécessité car elle intervient après une longue vie de labeur.

Les problèmes techniques dont le groupe Renaissance fait état ne nous concernent pas. Notre rôle consiste à voter la loi et je suis outrée d’entendre que la MSA ne serait pas capable aujourd’hui de retracer une carrière complète alors qu’elle en possède tous les éléments.

M. Nicolas Turquois (Dem). Je suis gêné par cette proposition de loi. Comme mes anciens collègues le savent, l’agriculture et la retraite constituent mes sujets d’intérêt principaux. En outre, je suis favorable au calcul de la retraite des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années.

En revanche, la façon dont vous procédez, monsieur le rapporteur, me déplaît. Elle ne permet pas de progresser parce que vous n’évoquez pas les conditions de mise en œuvre de cette mesure. Son adoption créera de l’attente, exactement comme la « loi Chassaigne », à la suite de laquelle j’ai rencontré davantage de déçus qui n’en ont pas bénéficié parce qu’ils dépassaient les critères que de personnes me remerciant pour en avoir bénéficié. Dans le cas présent, la mise en œuvre du calcul de la retraite sur la base des vingt-cinq meilleures années suppose de reconstituer la carrière. Or jusqu’en 1990, les droits à la retraite des agriculteurs étaient calculés sur une base forfaitaire, en fonction de la surface exploitée et du nombre d’animaux. Depuis 1990, les droits reposent sur un barème de points non proportionnel aux revenus. En l’absence de revenus, l’agriculteur perçoit 23 points. Jusqu’à 8 000 euros de revenus, il perçoit de 23 à 30 points. 8 000 à 16 000 euros de revenus donnent droit à 30 points, alors qu’avec 16 000 euros de revenus un agriculteur cotise deux fois plus qu’un agriculteur qui dégage 8 000 euros de revenus. Entre 16 000 euros et le plafond du Smic, le nombre de points s’élève à 113. Au-delà, les cotisations supplémentaires ne donnent droit à rien.

La MSA a conservé l’historique des points mais non celui des revenus, qui n’existe que depuis l’année 2014. Elle est donc incapable de reconstituer la carrière des agriculteurs. Je suis profondément favorable au calcul de la retraite sur les vingt-cinq meilleures années compte tenu du caractère extrêmement variable des revenus des agriculteurs et j’aborderai à nouveau ce sujet dans le cadre de la réforme des retraites. En revanche, nous avons besoin de dispositifs juridiques profonds pour mettre en œuvre cette règle. J’aurais souhaité que votre proposition évoque ces sujets, y compris celui de l’écart de 7 % du taux de cotisation. En l’état, votre proposition de loi est inapplicable. Il est donc préférable de ne pas la voter. J’en partage le fond mais je n’en partage pas la forme.

M. Joël Aviragnet (SOC). La proposition de loi que notre commission examine ce matin vise à mettre fin à une injustice criante. En effet, les non-salariés agricoles possèdent un mode de calcul de la retraite de base profondément injuste. Ces exploitants agricoles, aides familiaux et collaborateurs voient leur retraite calculée sur l’ensemble de leur carrière, alors que celle des fonctionnaires est calculée sur les six derniers mois et celle du régime général, des artisans et des commerçants sur les vingt-cinq meilleures années.

Calquer le mode de calcul des retraites des non-salariés agricoles sur le régime de base constitue donc une mesure de bon sens. Aujourd’hui, leur pension de retraite moyenne s’élève à 1 150 euros bruts, contre 1 500 euros pour la moyenne globale. La « loi Chassaigne » a cependant permis une avancée non négligeable pour les retraites de ceux qui nourrissent et font vivre notre pays. Elle a ainsi garanti un niveau minimum de pensions à 1 035 euros, soit 85 % du Smic net agricole. Je tiens une nouvelle fois à remercier mes collègues communistes pour cette loi et si la proposition que nous examinons ce jour va dans le bon sens, elle est toutefois perfectible.

Tout d’abord, le dispositif législatif prévu à l’article 1er n’est pas impératif mais incantatoire. L’objectif ne doit pas être d’étendre aux non-salariés agricoles le mode de calcul du régime de base, mais de le réaliser. Je m’interroge par ailleurs sur la date retenue pour l’entrée en vigueur de cette modification. Pourquoi avoir choisi 2024 et non 2023 ? Enfin, les non-salariés agricoles souffrent de revenus incroyablement bas par rapport à leur importance pour la Nation. Sans une augmentation conséquente de leurs revenus d’activité, leurs pensions de retraite resteront à un niveau très bas. Il conviendrait donc d’agir à la source, en augmentant les revenus agricoles afin d’augmenter mécaniquement le montant des pensions de retraite des non-salariés agricoles.

Malgré ces pistes d’amélioration, le groupe Socialistes et apparentés soutiendra cette proposition de loi car nous préférons toujours un petit progrès au statu quo.

M. Paul Christophe (HOR). Comme l’indiquent tous les chiffres, les travailleurs du monde agricole vivent une situation plus précaire que les autres Français pendant leur retraite. Grâce aux avancées de la précédente législature, la loi leur garantit notamment depuis 2021 un niveau minimum de pension, de 1 035 euros, soit 85 % du Smic net agricole. Pour autant, malgré ces progrès récents, le niveau de pension de retraite moyen reste très inférieur à la moyenne nationale. En effet, la retraite des non-salariés agricoles est calculée sur toute la durée de la vie professionnelle, alors que les salariés du régime général et les indépendants voient le calcul de leurs droits s’effectuer sur les vingt-cinq meilleures années de leur carrière. Votre proposition de loi ambitionne donc de corriger cette différence.

Assurer notre souveraineté alimentaire et garantir l’avenir du système agricole doit passer par le regain d’attractivité du métier d’agriculteur, qui souffre d’une baisse récurrente des effectifs ces dernières années. Nous devons donner à nos agriculteurs une valorisation à la hauteur des enjeux auxquels ils consacrent leur vie professionnelle, à savoir l’alimentation de leurs concitoyens. Redonner de l’attractivité passe également par un système de retraite plus juste. Nous partageons ainsi l’initiative d’augmenter les pensions de retraite agricoles et de réformer son mode de calcul.

Cependant, la proposition de loi du groupe Les Républicains n’a pas été soumise à une étude d’impact et est perfectible dans sa rédaction. Nous souhaitons donc que les discussions à venir permettent de sécuriser un dispositif efficace pour consensuellement améliorer la retraite de nos agriculteurs, qui méritent toute notre attention dans le prolongement des travaux engagés par notre collègue André Chassaigne.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). La proposition de loi que nous étudions ici s’inscrit dans l’actualité brûlante de la réforme du système des retraites, à laquelle les écologistes seront particulièrement attentifs. Dans le cas présenté dans cette proposition de loi, nous devons reconnaître que l’idée de faire converger le calcul des retraites des exploitants agricoles vers celui des salariés et des indépendants va dans le bon sens.

Aujourd’hui, les retraités du secteur agricole font partie des plus précaires de notre pays. Les retraités anciens chefs d’exploitation touchent, complémentaire comprise, en moyenne 878 euros par mois pour une carrière complète. Cependant, moins de 30 % des anciens chefs d’exploitation justifient une carrière complète et moins de 50 % bénéficient d’une complémentaire. Le montant moyen des pensions, toutes durées de carrière confondues, est de 759 euros par mois. Les conjoints et conjointes des agriculteurs, également considérés comme des salariés non agricoles, sont pour l’essentiel des femmes. En 2019, elles touchaient en moyenne 601 euros par mois pour une carrière complète et en moyenne 492 euros par mois toutes durées de carrière confondues.

Dans un contexte de grande souffrance du secteur, de perte d’attractivité pour ces métiers si essentiels et de mal-être pour les salariés, il est urgent de mettre en place toutes les mesures possibles pour rendre ces emplois et les retraites qui en découlent plus sécurisantes. Cette proposition de loi, en soumettant l’idée de calculer la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus, est intéressante et marquerait un premier pas.

Nous soulevons néanmoins un point d’alerte, car aligner les modes de calcul relève d’une opération complexe. Aujourd’hui, une partie de la pension des non-salariés agricoles dépend d’un système à points et d’assiettes forfaitaires, dont les vingt-cinq meilleures années n’équivalent pas systématiquement aux vingt-cinq meilleures années de revenus. Il sera donc important d’être vigilant quant aux éventuels effets de bord des nouvelles modalités de calcul qui seront proposées.

Cette alerte prise en compte, nous soutiendrons cette mesure.

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Nous nous félicitons que notre Assemblée s’intéresse au monde agricole et en particulier aux retraites des agriculteurs. Néanmoins, je souhaite formuler deux remarques et deux questions avant d’exprimer le positionnement du groupe Gauche démocrate et républicaine.

Premièrement, nous regrettons que la modification présentée le soit dans le cadre d’une proposition de loi d’appel, qui énonce des principes sans anticiper les conséquences d’une telle proposition, qui varieront inévitablement entre les agriculteurs. Il aurait été pertinent de les évaluer.

Deuxièmement, il est fortement regrettable de dessaisir le législateur d’un tel sujet. Il nous paraît fondamental que le législateur conserve la maîtrise des sujets de la protection sociale des agriculteurs plutôt que de renvoyer à un décret.

Le calcul des retraites sur les vingt-cinq meilleures années paraît séduisant. Néanmoins, ce sont les exploitants dynamiques, en croissance continue, qui bénéficient le plus de la retraite. De nombreuses autres exploitations suivent une trajectoire beaucoup plus linéaire. Par conséquent, maintenir l’assiette de cotisations actuelle conduirait tous les nonsalariés agricoles à cotiser davantage, alors que ceux qui possèdent une exploitation dynamique en bénéficieront le plus. Nous souhaitons donc obtenir une réponse sur cette conséquence de la réforme.

Enfin, nous avons bien compris que la proposition présentée ce jour provient de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) et souhaitons vous demander si vous avez consulté les autres syndicats agricoles et quelle est leur position. Certains nous ont alertés quant aux conséquences néfastes de la mesure proposée.

Mme la présidente Fadila Khattabi (RE). Nous en venons aux questions des députés.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Nous sommes tous mobilisés pour améliorer les retraites de nos agriculteurs, comme le prouve la mobilisation autour des propositions de loi Chassaigne. Personne ne peut nous reprocher de ne pas y accorder d’attention, comme le sous-entend l’exposé des motifs de votre proposition de loi.

Comme l’ont relevé certains de nos collègues, votre proposition de loi souffre d’un manque de sincérité puisqu’elle revient à promettre une amélioration de la retraite des nonsalariés agricoles retraités, ce qui est faux pour toutes les raisons évoquées. La proposition de loi n’est pas opérante en l’état et la MSA signale qu’elle ne possède pas les données nécessaires pour l’appliquer. Par conséquent, même si nous partageons votre objectif, la proposition présentée ne permet pas de l’atteindre. Il est également insincère d’affirmer que votre proposition a obtenu l’unanimité des syndicats agricoles ou que les retraités actuels n’ont pas bénéficié d’une revalorisation. En outre, vous n’avez pas vérifié si votre proposition pouvait désavantager une partie de la population visée.

Toutes ces raisons doivent nous amener à nous prononcer clairement contre cette proposition de loi et à travailler, dans le cadre de la future réforme des retraites, qui sera lancée dans les prochaines semaines, pour traiter le sujet comme il mérite de l’être, par respect pour nos agriculteurs.

M. Philippe Vigier (Dem). Nous nous trouvons effectivement face à une proposition de loi d’appel. Lorsque la proposition de loi Chassaigne a été présentée, cela faisait déjà plus de douze ans que j’entendais dire, dans l’hémicycle, qu’il convenait de trouver une solution à la problématique des retraites des non-salariés agricoles. Le mûrissement d’un texte jusqu’au stade de l’opérationnalité prend du temps, surtout quand il est d’origine parlementaire.

Je relève donc dans votre proposition l’invitation lancée à la Nation de se mobiliser pour trouver les voies et moyens d’apporter à nos agriculteurs une retraite décente, en la calculant sur les vingt-cinq meilleures années. Je souscris par ailleurs aux propos de mon collègue Nicolas Turquois, qui connaît très bien le sujet. Pour ma part, je voterai pour le dispositif que vous proposez dans la perspective des débats à venir sur les retraites au printemps prochain. Retenir la proposition de loi d’appel présentée ce jour permettra de s’assurer que le sujet sera traité dans le cadre de la réforme des retraites.

J’ai également auditionné quelques syndicats et j’ai conscience de la nécessité d’approfondir les travaux, notamment sur les aspects techniques de la modification proposée. Néanmoins, il est nécessaire d’adopter des objectifs pour avancer. Nous devons donc affirmer notre intention de traiter le sujet du calcul de la retraite des non-salariés agricoles, comme nous l’avions fait en adoptant la proposition de loi Chassaigne, parce qu’il appartient à l’initiative parlementaire de la mûrir. La mise en œuvre de la modification proposée nécessitera un travail aval très fort. Faisons en sorte qu’elle avance en vue de la réforme des retraites. Je suppose que ceux qui portent le texte présenté ce jour auront à cœur de faire aboutir la réforme des retraites, que je souhaite la plus transpartisane possible, puisqu’elle est attendue par tous.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je salue le travail accompli par Julien Dive en tant que rapporteur et celui accompli précédemment par André Chassaigne, en rappelant à notre commission que ce dernier avait cherché à obtenir les meilleures avancées possibles dans un cadre qui lui était pour partie imposé. S’il avait voulu produire la réforme Chassaigne en toutes lettres, elle aurait peut-être été différente. Enfin, cette avancée a été conquise grâce à la mobilisation d’autres collègues pour le monde agricole.

D’importants travaux doivent encore être menés et la question des retraites agricoles ne peut être isolée de celle du travail et de sa rémunération, comme pour l’ensemble des retraites. En l’occurrence, assurer des retraites agricoles correctes suppose de garantir des prix rémunérateurs aux exploitants agricoles. Nous ne pouvons nous affranchir de cette condition. Il me semble néanmoins positif d’inscrire dans le paysage parlementaire la nécessité de poursuivre les travaux sur le sujet des retraites agricoles.

Cette proposition montre également la nécessité de garantir un véritable droit à la retraite, préoccupation que nous partageons tous. Par conséquent, je suis peiné de voir la droite des Républicains et celle de Renaissance se déchirer sur ce projet, même si je redoute que vous parveniez à trouver un accord mais au détriment des retraités et des futurs retraités au travers de la réforme qui se profile.

M. Pierre Morel-À-L’Huissier (LIOT). Même si les deux « lois Chassaigne » ont permis des avancées, de grandes marges de progrès demeurent. Les difficultés que rencontrent les agriculteurs tout au long de leur carrière et au moment de la retraite contribuent à la désaffection pour le métier. Avec ce texte, vous relancez la question de l’alignement du calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles sur le régime général. Cette question est légitime quand nous savons que les agriculteurs sont les derniers à calculer leur retraite sur la totalité de leur carrière alors qu’ils ont été concernés par des mouvements de convergence sur d’autres aspects tels que l’allongement de la durée d’assurance et de référence de 2003.

Le groupe Libertés, Indépendants, Outremer et Territoires est favorable au calcul de la retraite des non-salariés agricoles sur les vingt-cinq meilleures années, notamment afin de les prémunir contre les mauvaises années, surtout dans un contexte de dérèglement climatique et de crise géopolitique. Cette convergence doit être effectuée à condition de réduire la faiblesse des pensions de retraite et de ne pas remettre en cause la solidarité du système, ce qui implique qu’elle s’accompagne d’une garantie protectrice. Nous rappelons les points de vigilance relevés dans le rapport de l’Igas de 2012 à l’égard des potentiels perdants, notamment ceux percevant des faibles pensions. Il conviendrait effectivement d’actualiser ce rapport comme le propose le rapporteur.

Notre groupe soutient cette réflexion, bien que conscient qu’elle aurait sa place au sein d’une réforme plus vaste des retraites, plus particulièrement compte tenu de l’ampleur du chantier. Elle implique en effet de revoir les taux et les assiettes de cotisations pour aller vers une plus grande contributivité du régime et pour résoudre la question des polypensionnés.

Mme Josiane Corneloup (LR). Les agriculteurs restent aujourd’hui encore les parents pauvres de notre système d’assurance vieillesse. Parmi les principaux régimes, celui des non-salariés agricoles est celui qui verse les retraites les plus faibles. Un agriculteur qui avait travaillé toute sa vie et validé l’ensemble de ses droits à la retraite ne touchait fin 2020 qu’une retraite de 880 euros par mois quand un retraité du régime général dans la même situation bénéficiait d’une retraite de 1 810 euros, soit un écart de 930 euros en défaveur des agriculteurs. Le passage au calcul sur les vingt-cinq meilleures années répond donc à des enjeux d’équité et d’attractivité.

La lutte contre la précarité des agriculteurs et la reconnaissance de leur vie de labeur grâce à une retraite décente est indispensable, d’autant plus que nous invoquons sans cesse la nécessaire souveraineté alimentaire de notre pays. Nous avions à deux reprises, en 2021, voté les « lois Chassaigne » 1 et 2 pour la revalorisation des pensions de retraite des agriculteurs à 85 % du Smic et la reconnaissance des aidants familiaux et conjoints collaborateurs. Nous devons aujourd’hui, grâce à cette proposition de loi, aller plus loin en instaurant le calcul de la retraite de base des non-salariés agricoles en fonction de leurs seules vingt-cinq meilleures années de revenus.

J’ai entendu toutes les problématiques évoquées quant à la technicité et la complexité relatives à l’application de cette proposition de loi. Il me semble qu’elles ne sauraient être des raisons valables pour ne pas la voter. Ne manquons pas alors à notre devoir de courage et de volonté politique.

M. François Gernigon (HOR). Nous reconnaissons tous la nécessité d’un effort important à mener pour la retraite de nos agriculteurs. Nous devons mener cette démarche à son terme, en y incluant le sujet du statut du conjoint et en portant un regard global sur le régime de retraite des agriculteurs dans le cadre de la future réforme des retraites. Nous veillerons à ce que le système de retraite des agriculteurs soit revu en profondeur à cette occasion.

M. le rapporteur. Je vous remercie pour vos réactions, commentaires, positions et questions. À l’écoute des prises de position des uns et des autres, je note que les propos les plus virulents ne sont pas tenus par ceux à qui nous attribuons parfois cette caricature et je m’en étonne.

Je souhaite pour commencer répondre aux accusations d’insincérité de Mme Charlotte Parmentier-Lecocq. Je travaille depuis six ans sur les enjeux agricoles, comme pourra vous le confirmer votre collègue Nicolas Turquois avec qui j’ai travaillé sur ces sujets. En mars 2017, alors que vous n’étiez pas députée, j’ai voté pour la « loi Chassaigne » et contribué à son adoption. C’est après sa présentation au Sénat que la loi a été bloquée. En avril 2018, je défendais une proposition de loi sur les heures supplémentaires défiscalisées, que vous avez rejetée dans un premier temps pour l’adopter et la mettre en place quelques mois plus tard. Par conséquent, je ne pense pas que vous puissiez légitimement me taxer d’insincérité. Ce point est peut-être hors sujet mais il montre qu’il est possible d’accuser n’importe qui d’insincérité. Je ne suis pas sûr que cette pratique fasse progresser le débat.

Comme indiqué, la proposition de loi que nous vous soumettons permet d’ancrer un enjeu et de fixer un cap pour les retraites des agriculteurs, qui à ce jour ne sont pas calculées sur les vingt-cinq meilleures années mais sur l’ensemble de la carrière. Au travers de cette mesure, l’enjeu consiste à rétablir l’équité, à atténuer les variations des revenus, à renforcer l’attractivité de la profession et à améliorer la contribution. En effet, un revenu compris entre 8 500 euros et 15 600 euros donne droit au même nombre de points malgré une contribution différente. Ce problème véritable n’est pas directement visé par cette réforme mais fait partie des sujets connexes que nous souhaitons aborder à travers elle.

Lors des auditions, nous avons abordé les aspects techniques que vous soulevez et auxquels nous devrons nous attaquer, ce que nous pourrions faire notamment dans le cadre de la réforme des retraites à venir. À ce jour néanmoins, le projet de réforme des retraites n’évoque nullement le système des agriculteurs. Par conséquent, fixer un cap aujourd’hui ne pourra être que de bon augure pour la suite.

Parmi les autres points soulevés, il est faux de dire que la MSA n’est pas en mesure de reconstituer la carrière des agriculteurs. La MSA nous a en effet informés qu’elle possède un historique de huit ans pour les revenus utilisés pour le calcul du nombre de points. En revanche, elle possède l’historique des points sur l’intégralité de la carrière. Comme j’ai tenu à le préciser dans mon rapport et dans mon propos liminaire, il n’est pas envisageable, d’autant plus que cela semble impossible techniquement, de toucher à l’esprit dual du système de retraite des agriculteurs, qui comporte une partie forfaitaire et une partie proportionnelle. Cette structure me paraît pertinente.

L’argument de la non-constitutionnalité de notre proposition de loi est fallacieux puisqu’elle fixe un cap et une date d’entrée en vigueur et que les mesures techniques renvoient au domaine réglementaire. L’application de la règle des vingt-cinq meilleures années relève en effet de l’article R. 35129 du code de la sécurité sociale. La partie concernant les différents paramètres relève également de l’échelon réglementaire et notamment de ses dispositions sur les régimes à points. L’argument de la nonconstitutionnalité est donc totalement inapproprié.

Une entrée en vigueur en 2023 laisserait trop peu de temps à la MSA pour modifier ses systèmes d’information et reprendre les calculs de la retraite. Lors des auditions, la MSA n’a jamais affirmé son opposition à cette mesure, bien au contraire, comme pourraient en témoigner les députés présents. La MSA a clairement approuvé l’alignement du système de retraite des non-salariés agricoles sur la règle des vingt-cinq meilleures années. En revanche, un objectif d’entrée en vigueur en 2023, voire au 1er janvier 2024, lui paraît difficile à respecter. Elle estime plus réaliste de viser une mise en œuvre au 1er janvier 2025 pour les monopensionnés et au 1er janvier 2026 pour les polypensionnés.

Nous avons auditionné les syndicats la semaine dernière et les commissaires de la commission des affaires sociales étaient invités à ces auditions. La Coordination rurale et la FNSEA se sont présentées et ont toutes deux exprimé un avis favorable à la mise en application de cette mesure. La Confédération paysanne n’a pas donné suite à l’invitation.

Plusieurs d’entre vous craignent que la modification proposée favorise les agriculteurs aisés. Cette notion d’agriculteur aisé me paraît très imprécise. Le rapport Amghar, auquel vous faites référence, montrait que 64 % des agriculteurs tiraient avantage du passage au calcul sur les vingt-cinq meilleures années. Selon les données recueillies auprès de la MSA, 30 % des agriculteurs ont un revenu supérieur à 20 000 euros par an, soit 1 800 Smic horaires, soit 1 660 euros par mois et 24 % d’entre eux enregistrent un revenu compris entre 8 800 euros et 20 000 euros. Nous ne pouvons en conclure qu’ils sont tous aisés.

Par ailleurs, si cette réforme s’accompagne, comme je le propose, d’une modification du barème d’acquisition des points, comme le demandent la FNSEA et les agriculteurs qui dégagent un certain niveau de revenus et qui hésitent très justement à contribuer davantage, elle sera susceptible de les y inciter. L’objectif consiste à supprimer le palier qui s’étend des revenus compris entre 8 500 et 15 600 euros et qui amène aujourd’hui les exploitants à recourir à la défiscalisation et à l’optimisation fiscale plutôt qu’à contribuer au système redistributif de leur régime de retraite. La mise en œuvre de la règle des vingt-cinq meilleures années doit donc s’accompagner d’une refonte du calcul des retraites.

M. Yannick Monnet (GDR). La « loi Chassaigne » a été adoptée parce que son auteur s’inscrivait dans une posture d’écoute et de discussion. Les remarques formulées ce jour sont intéressantes et permettraient d’enrichir votre texte. Je vous invite donc à éviter une posture fermée.

Je n’ai pas évoqué la notion d’agriculteur riche ou percevant un niveau élevé de revenus, d’autant plus que les revenus agricoles relèvent d’un mode de calcul très particulier. J’ai évoqué l’idée que la mise en place d’un calcul sur les vingt-cinq meilleures années pouvait favoriser les exploitations qui connaissent un développement dynamique et accroissent leur chiffre d’affaires régulièrement. Par ailleurs, elle nécessiterait d’augmenter les cotisations, à moins de faire appel à la solidarité nationale ou d’élargir l’assiette à d’autres cotisants, que j’ai du mal à identifier. Le risque est que cette hausse des cotisations ne profite qu’aux exploitants portés par une forte croissance, alors que de nombreux agriculteurs suivent une trajectoire linéaire tout au long de leur carrière. Avez-vous étudié cette question ?

M. Nicolas Turquois (Dem). Je confirme que j’étais présent à l’audition de la MSA. Celle-ci a évoqué le fait que les aménagements techniques à réaliser ne permettraient pas une mise en œuvre de la nouvelle règle avant le 1er janvier 2025 pour les monopensionnés et le 1er janvier 2026 pour les polypensionnés. Par la voix de son président, la MSA a effectivement fait part de son intérêt pour le projet, tout en évoquant un certain nombre de difficultés.

L’historique des revenus est limité à huit ans. Pour les années antérieures à 2014, la MSA ne possède que l’historique des points. Or le palier de 30 points s’applique aux revenus compris entre 8 000 euros soit l’équivalent de 400 Smic horaires, et 16 000 euros, soit l’équivalent de 800 Smic horaires, malgré un effort contributif différent. Comment identifier les vingt-cinq meilleures années dans ce contexte ? En l’absence de l’historique des revenus, une valeur moyenne de revenus sera-t-elle calculée pour l’ensemble des années ayant donné droit à 30 points ? Les vingt-cinq meilleures années seront-elles considérées comme celles ayant donné droit à plus de points ? Dans ce cas, il en résulterait un nouveau régime par points, présentant des caractéristiques particulières, ce qui nécessiterait une loi. Cette mesure ne peut relever du cadre réglementaire. Nous nous trouvons donc face à une réelle problématique.

Je connais votre engagement, monsieur le rapporteur, et je vois la direction vers laquelle nous devons avancer. Néanmoins, j’aurais aimé que votre proposition de loi identifie des pistes de travail pour transformer un système de retraite extrêmement complexe, à trois niveaux, en un régime appliquant la règle des vingt-cinq meilleures années.

M. le rapporteur (LR). Comme nous l’avons clairement écrit dans notre rapport, nous sommes favorables au maintien d’un système dual comportant une part forfaitaire et une part proportionnelle. Ce système nous paraît le plus approprié. Il est accepté par la profession et correspond à ses aspirations, ainsi qu’à celles de la MSA. La révision du régime par points ne nécessite pas une loi puisqu’elle relève du cadre réglementaire. Nous n’avons pas vocation à redéfinir ce cadre et sa modification nécessiterait une autre réforme, qui se serait peut-être justifiée il y a quelques années dans le cadre de l’élargissement du régime par points à l’ensemble des cotisants en France.

J’entends votre question sur les vingt-cinq meilleures années et le fait que l’historique se limite à huit ans sur les revenus et doive être reconstitué sur les autres éléments. Une entrée en vigueur en 2024 me paraissait souhaitable mais je suis à l’écoute des professionnels et la MSA mentionne plutôt la date de 2026 pour des raisons techniques. Je pense par ailleurs que l’entrée en vigueur doit intervenir de manière progressive, comme je l’écris dans le rapport, en partant des quarante-trois années de la carrière pour descendre aux trente-sept meilleures puis jusqu’aux vingt-cinq meilleures en 2030, soit l’horizon d’ici lequel 40 à 50 % des agriculteurs doivent partir à la retraite et d’ici lequel 200 000 retraités devraient disparaître, selon les statistiques du ministère de l’agriculture, tandis que la part des cotisants diminuerait moins.

En 2030, l’historique des revenus atteindra seize ans. À titre personnel, il me paraît judicieux d’appliquer une moyenne puisqu’il sera très complexe de reconstituer les données. S’il s’avère que ce choix n’est pas le plus profitable aux retraités et qu’il est préférable de se fonder sur les données de points telles qu’elles existent aujourd’hui, je soutiendrai cette option. Comme je l’ai écrit, l’important est que la mesure prise soit la plus favorable aux agriculteurs et n’affaiblisse pas leurs revenus.

Nous avons demandé des simulations à la MSA et au ministère mais nous n’en disposons pas encore. Elles nous ont été promises pour la séance plénière.

Article 1er : Fixation d’un objectif de passage du calcul de la retraite de base des nonsalariés agricoles sur la base des vingtcinq meilleures années

La commission rejette l’article 1er.

Article 2 : Gage de recevabilité

La commission rejette l’article 2.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celleci est rejeté.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je remercie monsieur le rapporteur pour sa présence et pour la qualité de son travail et de ce débat.

 

 

*

*     *

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés ou rejetés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

 

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 


— 1 —

ANNEXES

ANNEXE n° 1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

  Table ronde avec les organisations représentatives des exploitants agricoles :

– Coordination rurale (*) – M. Armand Paquereau, responsable de la section Retraités, et Mme Chloé Portanguen, animatrice de la section Retraités

– Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) (*)  M. Luc Smessaert, vice-président de la FNSEA et président de la commission sociale et fiscale, et M. Jean-Louis Chandellier, directeur général adjoint et directeur du département entreprise et territoires

– Jeunes agriculteurs (JA) (*)  M. Julien Rouger, membre du bureau, et Mme Inès de Sacy, juriste

  M. Yann-Gaël Amghar, auteur du Rapport d’évaluation d’un passage à un calcul sur les vingtcinq meilleures années pour les retraites des nonsalariés agricoles de l’Inspection générale des affaires sociales publié en mars 2012

  Table ronde :

– Direction de la sécurité sociale (DSS) Mme Delphine Chaumel, sous-directrice de la direction des retraites et des institutions de la protection sociale complémentaire

– Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) M. Pascal Cormery, président, Mme Christine Dechesne-Céard, directrice de la réglementation, et M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

– Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire – Secrétariat général M. Olivier Cunin, sous-directeur du travail et de la protection sociale au service des affaires financières, sociales et logistiques, et Mme Pascale Barroso, cheffe du bureau des prestations sociales agricoles

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


— 1 —

  ANNEXE n° 2 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la Proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code rural et de la pêche maritime

L. 732‑18

 


([1])  Les régimes alignés sont le régime général des salariés – qui intègre les indépendants depuis 2020 – et le régime des salariés agricoles.

([2]) Article 91 de la loi n° 2010‑1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites.

([3]) Igas, Évaluation d’un passage à un calcul sur les 25 meilleures années pour les retraites des nonsalariés agricoles, mars 2012.

([4]) Loi n° 52‑799 du 10 juillet 1952 assurant la mise en œuvre du régime de l’allocation de vieillesse des personnes non salariées et la substitution de ce régime à celui de l’allocation temporaire.

([5]) Article 25 de la loi n° 99‑574 du 9 juillet 1999 d’orientation agricole.

([6]) Loi n° 2002‑308 du 4 mars 2002 tendant à la création d’un régime de retraite complémentaire obligatoire pour les non‑salariés agricoles.

([7]) Mutualité sociale agricole, Les retraites du régime des non‑salariés agricoles au 31 décembre 2021, juillet 2022, p. 2.

([8]) Article L. 732‑24 du code rural et de la pêche maritime.

([9]) Article R. 732-61 du code rural et de la pêche maritime.

([10]) Cette seconde condition s’apparente au système de proratisation que l’on trouve dans le régime général.

([11]) La limite mentionnée au troisième alinéa de l’article L. 351-1 du code de la sécurité sociale.

([12]) En matière de droits à la retraite, il convient de distinguer les chefs d’exploitation ou d’entreprise agricole d’une part, des aides familiaux et conjoints collaborateurs d’autre part.

([13]) Article R. 732‑66 du code rural et de la pêche maritime.

([14]) Le coefficient de 37,5/DAR a été instauré pour compenser l’effet provoqué par l’alignement progressif de la durée d’assurance minimale des non‑salariés agricoles sur celle des régimes alignés. Depuis 2003, on assiste en effet à un alignement de la durée d’assurance minimale requise entre le régime des non‑salariés agricoles et les régimes alignés. Or, dans un système par points, l’allongement de la durée d’assurance minimale augmente le nombre de points acquis ce qui améliore mécaniquement le niveau des pensions. Un tel phénomène ne se vérifie pas dans un régime fondé sur l’application d’un taux à un revenu annuel moyen tel que celui des régimes alignés. Le coefficient sert donc à éviter ce phénomène pour les non-salariés agricoles.

([15]) Article D. 731‑120 du code rural et de la pêche maritime.

([16]) Article L. 732‑24 du code rural et de la pêche maritime. Les conditions de revalorisation des pensions sont fixées à l’article L. 161‑23‑1 du code de la sécurité sociale.

([17]) Drees, Les retraités et la retraite, éditions 2022, p. 57. Il s’agit du montant mensuel brut moyen de la pension de droit direct pour les retraités à carrières complètes.

([18]) La pension majorée de référence est prévue par l’article L. 732‑54‑1 du code rural et de la pêche maritime. Le fonctionnement de ce dispositif est détaillé dans la suite du présent rapport.

([19]) Concrètement, tant que son niveau de ressources ne dépasse pas le montant de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), soit 1480,24 euros par mois pour un couple, un assuré ne verra pas sa pension majorée de référence diminuer.

([20]) Article 77 de la loi n° 2008‑1330 du 17 décembre 2008 de financement de la sécurité sociale pour 2009.

([21]) Pour une carrière complète au sein du régime des non‑salariés agricoles.

([22]) Ancienne rédaction de l’article D. 732-111 du code rural et de la pêche maritime.

([23]) Article L. 321‑5 du code rural et de la pêche maritime.

([24]) Article R. 351‑29 du code rural et de la pêche maritime.

([25]) Article L. 15 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([26]) Notamment en matière de fluctuations de revenus et de participation des aides familiaux ou conjoints collaborateurs à l’activité.

([27]) Les artisans et commerçants sont soumis à une assiette minimale fixée à 11,5 % du PASS, sur laquelle ils cotisent à hauteur de 17,75 %. Cette assiette ne leur permet toutefois de valider que trois trimestres d’assurance par an.

([28]) Forget V. et al., Transformations des emplois et des activités en agriculture, Centre d’études et de prospective, Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, La Documentation française, Paris, 2019.

([29]) Insee, Enquête emploi en continu, 2020.

([30])Sénat, rapport d’information fait au nom de la commission des affaires économiques sur les moyens mis en œuvre par l’État en matière de prévention, d’identification et d’accompagnement des agriculteurs en situation de détresse (n° 451), 17 mars 2021, p. 55.

([31]) Cournut S., Chavat S., « L’organisation du travail en exploitation d’élevage ; analyse de 630 Bilans Travail réalisés dans huit filières animales », Inra Productions Animales, vol. 25, pp. 101-111, 2011.

([32]) Insee, « En 2020, les revenus d’activité des non‑salariés chutent », Insee Première, n° 1926, octobre 2022.

([33]) Insee, ibid.

([34]) Article R. 174‑4‑3 du code de la sécurité sociale.

([35]) Insee, op. cit., octobre 2022.

([36]) Le barème d’acquisition des points est fixé à l’article R. 732-71 du code rural et de la pêche maritime, lequel prévoit le fonctionnement et les seuils des paliers.

([37]) Igas, Évaluation d’un passage à un calcul sur les 25 meilleures années pour les retraites des nonsalariés agricoles, mars 2012.

([38]) Igas, ibid. pp. 66‑68.

([39]) C’est-à-dire la bascule immédiate de tous les futurs retraités dans le nouveau régime, y compris sur la partie de leur carrière intervenue avant l’entrée en vigueur de la réforme.

([40]) Igas, op. cit. p. 47.

([41]) Article R. 351‑9 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant du décret n° 2014‑349 du 19 mars 2014 relatif à la validation des périodes d’assurance vieillesse au titre du versement des cotisations.

([42]) Article L. 732‑54‑1 du code rural et de la pêche maritime.

([43]) Article 67 de la loi n° 2016‑1827 du 23 décembre 2016 de financement de la sécurité sociale pour 2017.

([44]) Article L. 731‑42 du code rural et de la pêche maritime.

([45]) C’est-à-dire les ascendants, descendants, frères, sœurs et alliés au même degré du chef d’exploitation ou d’entreprise ou de son conjoint, âgés de plus de 16 ans, vivant sur l’exploitation ou l’entreprise et participant à sa mise en valeur comme non‑salariés. Leur statut est défini à l’article L. 722‑10 du code rural et de la pêche maritime.

([46]) Dont le statut est défini à l’article L. 321‑5 du code rural et de la pêche maritime.

([47]) C’est notamment l’article L. 643‑1 du code de la sécurité sociale qui fixe le mode de calcul à point du régime d’assurance vieillesse des professions libérales.

([48]) Article R. 351‑29‑1 du code de la sécurité sociale, créé par l’article 7 du décret n° 93‑1022 du 27 août 1993 relatif au calcul des pensions de retraite.

([49]) Article R. 351‑29 du code de la sécurité sociale. Le nombre d’années prises en compte dans le calcul du revenu annuel moyen a été progressivement relevé à compter de la loi n° 93‑936 du 22 juillet 1993 relative aux pensions de retraite et à la sauvegarde de la protection sociale, passant de dix à vingt‑cinq en 2008.

([50]) Igas, op. cit. p. 50.

([51]) Articles D. 73248 et D. 73274 du code rural et de la pêche maritime.

([52]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12525310_637e254e791b4.commission-des-affaires-sociales--calculer-la-retraite-de-base-des-non-salaries-agricoles-en-foncti-23-novembre-2022