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N° 610

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter
les salaires nets de 10 %,

 

 

Par M. Christophe BENTZ,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 578.

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

I. La nécessité d’augmenter les salaires se heurte à un coût important pour les entreprises

A. La stagnation des salaires face à la hausse des prix

1. La seule indexation du Smic sur l’inflation

2. Une diffusion limitée de la hausse des salaires, notamment aux classes moyennes

B. Les allégements de cotisations : un atout pour les entreprises qui ne favorise pas la dynamique des salaires

1. Des exonérations de cotisations qui favorisent l’emploi...

2. ... mais peuvent pénaliser la dynamique des salaires

C. Des primes exonérées de cotisations patronales qui ne permettent pas de mieux rémunérer les salariés

II. La mise en place d’un soutien aux entreprises qui revalorisent d’au moins 10 % l’ensemble des salaires

A. La nécessité de revaloriser durablement les salaires de près de 90 % du corps social des salariés français

B. Une exonération de cotisations patronales conditionnée à la hausse des salaires

Commentaire des articles

Article 1er Exonération de cotisations sociales patronales applicable à une majoration salariale d’au moins 10 % jusqu’à trois Smic

Article 2 Compensation de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale

Travaux de la commission

ANNEXE : Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur


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I.   La nécessité d’augmenter les salaires se heurte à un coût important pour les entreprises

A.   La stagnation des salaires face à la hausse des prix

1.   La seule indexation du Smic sur l’inflation

● Instauré en 1970 par la loi du 2 janvier 1970 ([1]), le salaire minimum interprofessionnel de croissance (Smic) a pour objectif, aux termes de l’article L. 3231-2 du code du travail, de garantir aux salariés dont les rémunérations sont les plus faibles leur pouvoir d’achat ainsi que leur « participation au développement économique de la nation ».

Le Smic en chiffres

Au 1er août 2022 ([2]) :

– Smic horaire : 11,07 euros brut, soit 8,76 euros net ;

– Smic mensuel : 1 678,95 euros brut, soit 1 329,05 euros net.

En France (hors Mayotte ([3])), dans le secteur privé, 2,04 millions de salariés ont bénéficié de la revalorisation du Smic au 1er janvier 2021 (hors apprentis, stagiaires et intérimaires). Ils représentent 12 % du total des salariés.

Dans le secteur public, la hausse du Smic au 1er mai 2022 ([4]) a conduit à la revalorisation du traitement de 700 000 agents publics.

Source : commission des affaires sociales.

● Le double objectif assigné au Smic est assuré par trois mécanismes de revalorisation en fonction de la dynamique des prix et des salaires.

La section 3 du chapitre Ier du titre III du livre II de la troisième partie de la partie législative du code du travail détermine les modalités de fixation du Smic selon différents critères :

– afin de garantir la participation des salariés au développement économique de la nation, le Smic est fixé chaque année, au 1er janvier ([5]), par décret en Conseil d’État pris en Conseil des ministres ([6]), après saisine de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle ([7]). La hausse annuelle du Smic doit permettre de rapprocher son évolution de celle des conditions économiques générales et des revenus ([8]) ;

– afin de garantir le pouvoir d’achat des salariés ([9]), le Smic est indexé sur l’évolution des prix à la consommation ([10]). Lorsque ceux‑ci progressent d’au moins 2 % par rapport à l’indice constaté lors de l’établissement du salaire minimum de croissance immédiatement antérieur, le Smic est relevé dans les mêmes proportions à compter du premier jour du mois suivant la publication de l’indice ;

– de façon discrétionnaire, en cours d’année, le Gouvernement peut également décider d’un « coup de pouce » au Smic pour le porter à un niveau supérieur à ce que son indexation suppose ([11]). Lorsqu’il est fait application de cette faculté, la revalorisation qui en découle est prise en compte dans la fixation du Smic au 1er janvier suivant ([12]).

2.   Une diffusion limitée de la hausse des salaires, notamment aux classes moyennes

● Contrairement au Smic, l’indexation automatique des salaires sur l’inflation est proscrite ([13]) depuis l’ordonnance du 30 décembre 1958 ([14]) et figure dans le code du travail depuis la loi du 2 janvier 1970.

Elle n’est plus pratiquée en France depuis les années 1980 compte tenu du risque de formation d’une boucle prix-salaires dans laquelle la hausse des salaires négociés dans un contexte d’inflation conduit à augmenter les coûts de production des entreprises à un niveau tel qu’elle alimente, à son tour, la hausse du niveau général des prix.

● La négociation collective est censée permettre une hausse de l’ensemble des salaires adaptée à chaque secteur ou type d’entreprise.

Les conventions de branche déterminent ainsi les salaires applicables dans le secteur couvert par ces négociations ([15]). Celles‑ci ont lieu au moins tous les quatre ans, selon un calendrier fixé par les partenaires sociaux au niveau de la branche ([16]) ou, à défaut d’accord, tous les ans ([17]).

La négociation d’entreprise peut, en outre, aboutir à la signature d’un accord collectif entre l’employeur et les délégués syndicaux. Dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d’organisations représentatives, l’employeur engage au moins une fois tous les quatre ans une négociation sur la rémunération, notamment les salaires effectifs ([18]), selon un calendrier fixé par les partenaires sociaux au niveau de l’entreprise ([19]) ou, à défaut, chaque année ([20]).

Les stipulations de l’accord se substituent aux clauses du contrat individuel à condition qu’elles lui soient plus favorables ([21]). De même, ces clauses relatives au salaires doivent se conformer à la convention de branche qui peut fixer les salaires minima hiérarchiques ([22]).

Les personnes auditionnées ont toutes insisté sur l’importance de ces négociations annuelles obligatoires (NAO), qui ont permis des hausses de salaires entre 2,5 et 3,5 % selon le Medef ([23]) et qui pourront aller jusqu’à 4,5 % en 2023 selon l’Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) ([24]).

Si l’on peut saluer la négociation collective en matière de salaires, celle‑ci demeure toutefois inférieure au niveau important de l’inflation et au recul du pouvoir d’achat d’un grand nombre de salariés.

● À la suite d’une hausse du Smic, le début de l’échelle des salaires négociée au niveau de la branche se trouve comprimé et sa révision devient nécessaire pour revaloriser l’ensemble des salaires.

Le code du travail prévoit un mécanisme d’ouverture des négociations sur les salaires dans un délai de quarante‑cinq jours ([25]) à la suite d’une hausse du Smic, afin de revaloriser les salaires devenus inférieurs à son montant.

En effet, les premiers niveaux de rémunération correspondant aux qualifications les plus faibles dans l’entreprise peuvent se retrouver en dessous du niveau du Smic, en l’absence d’une telle négociation. Les salariés concernés sont tout de même payés au Smic, puisque celui‑ci s’impose aux stipulations conventionnelles ([26]), mais l’absence de mise en conformité des premiers niveaux des échelles de salaire conduit à un tassement des rémunérations.

Ce phénomène de « plancher collant » ([27]) implique que les premiers niveaux d’une grille de salaire, reflétant la progression liée à l’ancienneté ou à la qualification, soient plaqués au niveau du Smic en l’absence d’un dialogue social assez dynamique.

Si une hausse du Smic est nécessaire au regard de l’inflation, elle a pour conséquence de maintenir les salaires les plus faibles figés durablement au niveau de l’entreprise.

De même, elle ne se diffuse que faiblement à l’ensemble de la grille des salaires, dès lors que la négociation collective n’aboutit pas à des revalorisations d’ampleur, conduisant à un tassement des rémunérations.

B.   Les allégements de cotisations : un atout pour les entreprises qui ne favorise pas la dynamique des salaires

Au cours des derniers mois, la Première ministre, Mme Élisabeth Borne, et le ministre de l’économie, M. Bruno Le Maire, ont exhorté les entreprises « qui le pouvaient à augmenter les salaires » ([28]).

Cette injonction, qui constitue un aveu d’impuissance de l’État et d’échec de la politique du Gouvernement, se heurte cependant à un niveau important de cotisations patronales dont la structure n’incite pas à une dynamique forte des salaires.

1.   Des exonérations de cotisations qui favorisent l’emploi...

Le premier objectif des allégements de cotisations des vingt dernières années vise, en effet, la création d’emploi, et non la hausse de salaire.

La littérature économique ([29]) estime ainsi que l’allégement des cotisations sociales principalement concentré au niveau du Smic, sans condition de hausse de salaire, a un effet positif sur la création d’emploi mais n’a pas d’incidence sur le niveau de salaire. Seuls les allégements de cotisations pour les salaires très supérieurs au Smic peut entraîner, dans certaines conditions, une augmentation du salaire avec un plus faible effet sur le niveau d’emploi, l’élasticité de l’offre de travail étant faible pour les salariés au-dessus du Smic.

Les évaluations du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ([30]) ont également montré que l’augmentation des salaires qu’il a entraînée se faisait surtout au bénéfice des cadres, professions intellectuelles supérieures et professions intermédiaires.

2.   ... mais peuvent pénaliser la dynamique des salaires

● En application des règles actuelles, lorsqu’une entreprise souhaite augmenter un salarié au Smic à hauteur de 10 % de son salaire net, cette majoration engendre une hausse de 18 % du coût pour l’employeur, soit une hausse de salaire de 130 euros par mois et des cotisations patronales supplémentaires de 150 euros.

effets d’une majoration salariale de 10 % compte tenu du niveau actuel des cotisations patronales et des exonérations

Tranche de salaire

Salaire net

Coût total employeur

Hausse du coût total après majoration

Coût salarial de la majoration

Coût de la majoration en cotisations salariales

Coût de la majoration en cotisations patronales

Coût total de la majoration

Taux de cotisations patronales appliqué à la majoration

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1 Smic

1 307 €

1 750 €

18 %

130 €

33 €

150 €

314 

91 %

1 Smic + 10 %

1 437 €

2 064 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1,5 Smic

1 960 €

3 303 €

13 %

196 €

51 €

184 €

431 

74 %

1,5 Smic + 10 %

2 156 €

3 734 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2 Smic

2 614 €

4 515 €

10 %

261 €

65 €

122 €

448 

37 %

2 Smic + 10 %

2 875 €

4 963 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

2,5 Smic

3 267 €

5 622 €

15 %

327 €

80 €

416 €

823 

102 %

2,5 Smic + 10 %

3 594 €

6 445 €

 

 

 

 

 

 

 

 

 

3 Smic

3 921 €

7 019 €

10 %

392 €

96 €

201 €

689 

41 %

3 Smic + 10 %

4 313 €

7 708 €

Source : commission des affaires sociales, données Urssaf.

Cela équivaut à un taux de cotisation de 91 % si l’on considère le montant des cotisations supplémentaires rapportées au montant de la majoration salariale, ce taux s’expliquant par la dégressivité des allégements de cotisations entre 1 et 1,6 Smic. Le saut de taux de cotisation est comparable au franchissement du seuil de 2,5 Smic, soit la sortie de l’exonération de 6 points de cotisations d’assurance maladie.

Au‑delà des effets de seuil liés aux exonérations actuelles, toute majoration salariale est soumise au taux normal de cotisations patronales qui atteint environ 37 % entre 1,6 et 2,5 Smic et 41 % entre 2,5 et 3,5 Smic, ce qui peut décourager à augmenter massivement les salaires dans un contexte économique incertain.

C.   Des primes exonérées de cotisations patronales qui ne permettent pas de mieux rémunérer les salariés

● Face à la hausse des prix et la faible dynamique des salaires, les mesures prises par le Gouvernement se sont concentrées sur le déploiement d’une prime de partage de la valeur (PPV) exonérée de cotisations patronales jusqu’à 6 000 euros, dans certaines conditions.

Mise en œuvre par la loi du 16 août 2022 ([31]), la PPV a pris la suite de la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat (PEPA) et vise à augmenter les ressources des salariés tout en limitant les coûts induits pour l’employeur par le biais d’une exonération de cotisations et, pour une durée limitée s’agissant des salariés percevant moins de trois Smic, d’une défiscalisation.

● Considérée par le Gouvernement comme un outil adéquat face à la perte de pouvoir d’achat des salariés, l’attribution des primes ne répond pas totalement à la nécessité de valoriser concrètement et durablement le travail. Revaloriser le montant des salaires plutôt que proposer des primes ponctuelles, c’est apporter une réponse plus adaptée dans une conjoncture économique inflationniste, car elle est une solution pérenne qui sécurise les salariés.

Les données disponibles laissent penser que la PEPA comme la PPV ne bénéficient qu’à un nombre restreint de salariés pour des montants qui sont loin de compenser la hausse du coût de la vie.

Distribution des primes exceptionnelles de pouvoir d’achat (2019-2022)

Année

Montant de prime versé
(en milliards d’euros)

Nombre d’établissements ayant versé une PEPA / PPV

Nombre de bénéficiaires d’une PEPA / PPV

Montant moyen de PEPA / PPV par bénéficiaire

(en euros)

2019

2,26

470 158

4 907 813

461

2020

3,21

585 806

5 214 619

616

2021 / 2022*

2,83

577 527

5 184 752

545

2022**

0,52

-

730 000

710

Total

8,82

-

-

550

* Jusqu’à la pérennisation de la prime.

** À compter de la pérennisation de la prime, données arrêtées au 10 novembre 2022.

Source : commission des affaires sociales, données de l’étude d’impact du projet de loi n° 19 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat et d’un communiqué du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

 

La prime moyenne versée s’élève à 550 euros pour environ 5 millions de bénéficiaires chaque année. Elle représente, par conséquent, un gain de 45 euros par mois pour moins d’un tiers des salariés du secteur privé. Au maximum, cette prime constitue donc une augmentation de salaire de moins de 3,4 % pour un salarié au Smic. Pour un salaire moyen de 2 520 euros ([32]), la prime représente une majoration de 1,8 %.

● S’agissant des effets de la prime, si son versement profite au bénéficiaire, celle‑ci ne constitue pas un élément de salaire lui permettant d’engager des dépenses de long terme ou de cotiser pour une pension de retraite.

Le risque existe également que l’attribution d’une prime vienne se substituer à une hausse de salaire qui engage davantage l’entreprise. Le dispositif a été calibré pour limiter les effets d’aubaine mais les effets de substitution peuvent exister et se font au détriment du pouvoir d’achat de long terme des salariés. Ainsi, l’Insee rappelle que « sur 1,4 point de croissance annuelle des salaires au premier trimestre 2019 directement imputable à la prime PEPA, environ 40 % (soit 0,6 point) relèverait d’effets d’aubaine. L’effet ‘net’ de la prime ne serait que de 0,8 point. » ([33]).

II.   La mise en place d’un soutien aux entreprises qui revalorisent d’au moins 10 % l’ensemble des salaires

A.   La nécessité de revaloriser durablement les salaires de près de 90 % du corps social des salariés français

● Dans le contexte du retour de l’inflation depuis 2021, le Smic a connu des revalorisations régulières qui ont permis de soutenir le pouvoir d’achat des salariés les plus précaires.

Évolution du Smic depuis 2017

Année

Smic horaire brut (en euros)

Smic mensuel brut pour 151,67 heures de travail (en euros)

Date d’entrée en vigueur

Évolution du Smic à chaque revalorisation

Évolution annuelle du Smic

2022

11,07

1 678,95

01/08/2022

+ 2,03%

+ 5,63%

2022

10,85

1 645,58

01/05/2022

+ 2,65%

2022

10,57

1 603,12

01/01/2022

+ 0,86%

2021

10,48

1 589,47

01/10/2021

+ 2,24%

+ 3,25%

2021

10,25

1 554,58

01/01/2021

+ 0,99%

2020

10,15

1 539,42

01/01/2020

+ 1,20%

 

 

 

 

2019

10,03

1 521,22

01/01/2019

+ 1,52%

2018

9,88

1 498,47

01/01/2018

+ 1,23%

2017

9,76

1 480,27

01/01/2017

 

Source : commission des affaires sociales, données de l’Insee.

● Ces hausses du Smic peinent cependant à se traduire par une hausse, pourtant nécessaire, de l’ensemble des salaires.

On constate un décrochage du niveau de rémunération de toutes les catégories professionnelles et en particulier des classes moyennes, dont la renégociation des salaires n’a pas permis de suivre le cours de l’inflation.

Glissement annuel des salaires mensuels de base par catégorie socioprofessionnelle (en euros constants)

Sources : Dares, enquête trimestrielle Acemo ; Insee, indice des prix à la consommation.

 

● La situation de stagnation des salaires est renforcée par une dynamique insuffisante de la négociation collective depuis plusieurs mois. À l’été 2022, on recensait 112 branches sur 171 qui n’avaient pas renégocié les premiers niveaux de leur grille de rémunération à la suite de la hausse du Smic ([34]). Cette situation ne trouve pas de solution pérenne depuis 2021 puisque, selon les organisations syndicales ([35]), 126 des 166 branches professionnelles de plus de 5 000 salariés, soit 75 % d’entre elles, ont, fin octobre 2022, toujours des niveaux de rémunération inférieurs au Smic.

Les solutions apportées par le Gouvernement, notamment dans la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat ([36]) votée à l’été 2022, ne sont pas à la hauteur de l’enjeu.

B.   Une exonération de cotisations patronales conditionnée à la hausse des salaires

● La proposition de loi vise à inciter les entreprises à augmenter les salaires en favorisant cette hausse par une exonération des cotisations sociales qui freine la dynamique des salaires.

Contrairement à une simple hausse du salaire minimum, nécessaire pour soutenir les salariés les plus précaires mais insuffisantes pour soutenir le pouvoir d’achat de l’ensemble des Français, la proposition de loi s’adresse à l’ensemble des salariés et en particulier à la classe moyenne. Une entreprise ne pourra, en effet, bénéficier de l’exonération qu’à condition de majorer l’intégralité des salariés percevant une rémunération inférieure à trois Smic, soit 88 % des salariés français.

Cette distinction, courante en matière de politiques d’exonération de cotisations mais également en matière de primes exceptionnelles ([37]), permet de cibler la hausse des salaires sur ceux qui disposent d’un pouvoir de négociation plus faible vis‑à‑vis de leur employeur.

Les personnes auditionnées ont, dans l’ensemble, salué le dispositif de soutien aux entreprises dans une période d’incertitude économique.

Des ajustements pourraient s’avérer nécessaires afin d’intégrer au mieux l’exonération dans le droit actuel, notamment au regard des allégements de cotisations. Cependant, le caractère temporaire du dispositif limite les difficultés au regard du régime social et fiscal de l’intéressement ou des heures supplémentaires, par exemple.

Enfin, des éventuels effets de seuil devront être pris en compte. Néanmoins, comme pour d’autres exonérations de cotisations, le seuil à trois Smic part du principe que les salariés les mieux rémunérés disposent de meilleurs leviers dans la renégociation de leur salaire, permettant ainsi de le revaloriser à échéances régulières.

Centiles des salaires mensuels nets en équivalent temps plein (eqtp) en 2019

Note de lecture : en 2019, 88 % des salaires sont inférieurs à 3 Smic, soit 3 612 euros environ.

Source : commission des affaires sociales, données de l’Insee.

● D’après les calculs du rapporteur, la masse salariale comprise en dessous de trois Smic représente 450 milliards d’euros : une hausse de 10 % des salaires permettrait donc de redistribuer 45 milliards d’euros de majoration aux salariés du secteur privé.

L’exonération, limitée à cinq ans dans le texte de la proposition de loi ([38]), devrait permettre un rattrapage rapide du niveau des salaires en incitant les entreprises à activer le plus rapidement possible le dispositif.

Le rapporteur reviendra sur la question du coût de la mesure dans le commentaire de l’article 1er mais, à la suite du Gouvernement qui considérait que la PPV n’engendrerait aucune perte de recettes existantes pour l’État, l’exonération ne viendra réduire que des recettes nouvelles. Elle n’aura ainsi pas de conséquence sur le financement de la sécurité sociale.

En outre, le dispositif, qui servira à lisser dans le temps le coût d’une majoration salariale pour une entreprise, permettra, in fine, d’augmenter les recettes de la sécurité sociale.

En partant d’une hypothèse maximaliste dans laquelle l’intégralité des salariés bénéficierait de la majoration salariale, l’exonération représenterait, selon les calculs du rapporteur, environ 16 milliards d’euros chaque année.


—  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Exonération de cotisations sociales patronales applicable à une majoration salariale d’au moins 10 % jusqu’à trois Smic

L’article 1er vise à instituer, pour une durée de cinq ans, une exonération de l’essentiel des cotisations sociales dues par l’employeur applicable sur une majoration d’au moins 10 % des salaires inférieurs à trois fois le montant du Smic.

L’exonération est conditionnée à une hausse d’au moins 10 % de l’ensemble des salariés concernés dans l’entreprise et ne porte que sur la majoration salariale. Elle permet de réduire le coût pour l’employeur d’une revalorisation nécessaire des salaires d’une très grande majorité de Français dont le pouvoir d’achat régresse dans le contexte d’inflation.

I.   Le droit en vigueur : des allégements de cotisations décorrélés de la dynamique des salaires

A.   les allÉgements généraux de cotisationS visant à soutenir le taux d’emploi

● La politique d’allégements de cotisations sociales, engagée dans les années 1990, vise à limiter le coût du travail pour les salariés rémunérés à un niveau proche du Smic afin de favoriser le taux d’emploi de ces catégories (voir supra).

Les allégements généraux et les mesures de modulation des taux de cotisations sociales représentent une perte de recettes annuelle d’environ 62 milliards d’euros pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) ([39]). Ils sont constitués principalement de trois tranches qui produisent un effet maximal au niveau du Smic et qui diminue ensuite :

– entre 1 et 1,6 Smic, les réductions générales de cotisations sont dégressives et concernent la quasi-totalité de celles‑ci, soit une perte de recettes annuelle de 27 milliards d’euros pour les ROBSS ([40]). Entrent notamment dans le champ de cette exonération les cotisations de sécurité sociale, les contributions d’assurance chômage, les cotisations patronales qui financent les régimes de retraite et la contribution relative à l’allocation de logement sociale ([41]) ;

– entre 1 et 2,5 Smic, les employeurs éligibles à l’exonération dégressive bénéficient d’un taux réduit de 6 points de cotisations d’assurance maladie ([42]), soit une perte de recettes annuelle de 24 milliards d’euros pour les ROBSS ;

– enfin, entre 1 et 3,5 Smic, les employeurs éligibles à l’exonération dégressive bénéficient d’un taux réduit de 1,8 point de cotisations d’allocations familiales ([43]), soit une perte de recettes annuelle de 8,9 milliards d’euros pour les ROBSS.

● Si cette politique d’exonération de cotisations s’est montrée efficace afin de soutenir le taux d’emploi, en particulier des salariés les moins bien rémunérés, elle n’a pas contribué à la dynamique des salaires, qui peut se trouver freinée par un coût salarial qui augmente plus que proportionnellement à la majoration envisagée.

B.   Un manque de dynamisme des salaires dans un contexte durable d’inflation

● La réponse à la stagnation des salaires a consisté, outre des appels aux entreprises, à mettre en place la prime de partage de la valeur et à stimuler la négociation collective par la menace de restructurations de branches professionnelles dans le cadre de la loi « pouvoir d’achat » ([44]) votée à l’été 2022.

● Le rapporteur ne reviendra pas sur les limites du dispositif de la prime de partage de la valeur, décrites supra. Celle‑ci est bien entendu positive pour les salariés qui en bénéficient mais n’a pas permis, contrairement à ce qui avait été annoncé, de soutenir le pouvoir d’achat des salariés à la hauteur de l’enjeu actuel.

● L’autre mesure prise dans le cadre de la loi précitée a consisté au renforcement des contraintes de renégociation des salaires minima pesant sur les branches. Outre le passage d’un délai de trois mois à quarante‑cinq jours pour la renégociation des minima de branches devenus inférieurs au Smic à la suite d’une revalorisation ([45]), le Gouvernement a brandi la menace d’une possible restructuration des branches caractérisée par leur atonie conventionnelle en matière de salaires minima ([46]).

Après plusieurs mois de mise en œuvre de ces nouvelles dispositions, force est de constater que le nombre de branches dans lesquelles la négociation sur les minima n’a pas abouti est toujours aussi important, voire supérieur à ce qu’il était au moment du vote de la loi. Même si les négociations annuelles sur les salaires semblent être la voie privilégiée par les partenaires sociaux, notamment par le Medef ([47]), dans la protection du pouvoir d’achat des salariés, force est de constater que celles‑ci sont insuffisantes et requièrent la mise en place d’un nouvel outil.

II.   Le dispositif proposé : une exonération temporaire de cotisations patronales pour soutenir le pouvoir d’achat des salariés modestes et de la classe moyenne

A.   Un dispositif exceptionnel qui vise à revaloriser les grilles salariales applicables à près de 90 % des salariés du privé

1.   Le lien entre exonération de cotisations patronales et hausse des salaires

● L’article 1er, qui constitue le cœur du dispositif de la proposition de loi, vise à mettre en place, pour une période de cinq ans, une exonération quasi totale de cotisations et contributions patronales sur la majoration d’au moins 10 % des salaires.

Cette exonération constitue à la fois une incitation à amplifier les hausses de salaires déjà envisagées dans un contexte de forte inflation mais aussi à soutenir les entreprises qui les mettent en œuvre, en réduisant leur coût.

À l’opposé de mesures qui viseraient à exonérer de cotisations le versement de primes exceptionnelles ou à rehausser le Smic au‑delà de l’inflation, en délaissant les salariés de la classe moyenne et en faisant exploser les coûts de production des entreprises, l’exonération proposée par la présente proposition de loi permettra d’augmenter durablement les revenus de 90 % des salariés.

● Le I de de l’article 1er institue, pour la période du 1er janvier 2023 au 31 décembre 2027 ([48]), une exonération de cotisations patronales portant sur une majoration au moins égale à 10 % de l’ensemble des salaires inférieurs à trois fois le Smic.

Cette augmentation des salaires doit être prévue par une convention d’entreprise au sens de l’article L. 2232-11 du code du travail, c’est‑à‑dire une convention ou un accord conclu au niveau d’un groupe, d’une entreprise ou d’un établissement. Elle s’applique à l’ensemble des salariés dont la rémunération est comprise entre le niveau du Smic et trois fois son montant, soit un salaire mensuel à temps complet compris entre 1 329,05 euros net et 3 987,15 euros net.

2.   Le champ et l’assiette de l’exonération

● Le II du présent article précise le champ de l’exonération de cotisations patronales. Celle‑ci est définie sur le modèle des allégements généraux de cotisations patronales relevant de l’article L. 241‑13 du code de la sécurité sociale.

La majoration salariale est ainsi exonérée :

– des cotisations dites de « sécurité sociale » qui financent les cinq branches du régime général de sécurité sociale mentionnées à l’article L. 200-2 du code de la sécurité sociale, à l’exception de la part propre à chaque entreprise finançant des cotisations relevant de la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) ([49]) ;

– des cotisations patronales complémentaires qui financent les régimes de retraite complémentaire ([50]) ;

– de la contribution des employeurs au financement de l’assurance chômage ([51]) ;

– de la contribution relative à l’allocation de logement sociale ([52]).

● Le III détermine l’assiette de l’exonération, qui se limite à la fraction de salaire correspondant à la majoration d’au moins 10 % prévue par la convention d’entreprise.

3.   Les conditions de mise en œuvre de l’exonération

● Le IV impose la renégociation de l’ensemble de la grille salariale en prévoyant que la convention d’entreprise mentionne la grille de qualification applicable en 2022 et celle issue de la convention d’entreprise applicable à compter de sa mise en œuvre.

● Le V inclut dans le champ de l’exonération l’ensemble des salariés ayant conclu un contrat de travail avec l’entreprise à compter du 1er janvier 2023 et jusqu’au 31 décembre 2027, à condition que leur salaire soit au moins supérieur de 10 % au salaire prévu pour leur qualification en application de la grille en vigueur en 2022 telle que mentionnée par la convention d’entreprise prévoyant la majoration.

● Le VI renvoie à un décret les modalités de calcul de l’exonération patronale.

B.   Un coût mesuré pour l’état qui permettra de rémunérer le travail à sa juste valeur

● À l’occasion de la présentation de la PPV, le Gouvernement considérait que sa mise œuvre n’engendrerait aucun coût budgétaire supplémentaire, dans la mesure où les primes n’auraient pas été versées en l’absence de cette mesure ([53]).

Dans la même logique, l’exonération proposée aura pour conséquence des hausses de salaires qui ne seraient pas intervenues sans le vote de la proposition de loi. L’exonération de cotisations patronales porte donc sur des sommes qui ne seraient pas venues financer les assurances sociales obligatoires en l’absence de majoration salariale.

Le dispositif proposé est donc neutre du point de vue des finances publiques. Il aura même, à terme, un effet positif puisqu’à l’issue de son application, l’augmentation des salaires permettra de renforcer le financement de la sécurité sociale.

Ce gain de recettes à venir est estimé à 16 milliards d’euros par le rapporteur dans l’hypothèse – maximaliste – où tous des salaires seraient revalorisés.

● Dans l’intervalle, le coût total de la majoration salariale pour les employeurs concernés sera lissé grâce au dispositif. En se fondant à nouveau sur une hypothèse maximaliste, la majoration salariale d’au moins 10 % représentera une hausse de 45 milliards d’euros des coûts pour les entreprises au lieu de 61 milliards à fiscalité inchangée. Il s’agit donc d’une diminution d’environ un quart du coût total des revalorisations salariales pendant la durée d’application du dispositif.

À l’issue de la période prévue par la proposition de loi, il reviendra au Parlement de proroger, si cela s’avérait nécessaire, le dispositif dans une loi de financement de la sécurité sociale, conformément à l’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale. À défaut, l’exonération prendra fin et conduira à une hausse de cotisations patronales qui aura pu être anticipée par les entreprises et lissée sur la durée d’application de l’exonération.

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Article 2
Compensation de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale

L’article 2 vise à assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.

L’article 2 de la proposition de loi prévoit, de manière habituelle, une compensation de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale par la majoration, à due concurrence, de l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

Le rapporteur ne souhaite évidemment pas augmenter les droits « tabac » à hauteur de 16 milliards d’euros. Cet article a pour seul objectif d’assurer la recevabilité de la proposition de loi au regard de l’article 40 de la Constitution.

En outre, le rapporteur tient à rappeler que la proposition de loi ne diminue en rien les recettes de la sécurité sociale puisque la majoration salariale consécutive à la mise en œuvre de l’exonération patronale n’aurait pas eu lieu en l’absence de ce dispositif. Au contraire, la hausse des salaires permettra, à terme, une augmentation des recettes de la sécurité sociale.

 

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   Travaux de la commission

 

Au cours de sa première réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([54]), la commission a examiné la proposition de loi visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % (n° 578) (M. Christophe Bentz, rapporteur).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen de deux propositions de loi dont le groupe Rassemblement National a demandé l’inscription à l’ordre du jour des séances qui lui sont réservées, le jeudi 12 janvier 2023.

M. Christophe Bentz, rapporteur. Depuis plusieurs mois, le pouvoir d’achat des Français est frappé par une inflation en hausse, qui s’ajoute aux conséquences délétères des politiques menées depuis des décennies. En novembre 2022, les prix à la consommation avaient augmenté de 6,2 % sur un an, et les prévisions sont pessimistes.

Cette proposition de loi vise à agir sur le salaire, grand oublié des politiques des gouvernements successifs, et à apporter une réponse efficace pour contrecarrer l’appauvrissement de nos concitoyens, grâce à une mesure de bon sens, dans une conjoncture économique, malheureusement durable. L’augmentation générale des prix étant supérieure à celle des salaires, nous proposons un dispositif supplémentaire, complémentaire à ceux en vigueur.

Face à cette situation, le Gouvernement nous a soumis, l’été dernier, un texte portant sur le pouvoir d’achat, certes pas inutile – notre groupe l’a d’ailleurs voté –, mais bien en dessous des enjeux et attentes légitimes des Français. La Première ministre et le ministre de l’économie ont d’ailleurs reconnu les limites de l’action gouvernementale en exhortant les entreprises « qui le pouvaient à augmenter les salaires ». Une telle déclaration, en période de crise, est un aveu d’échec du Gouvernement, qui se limite à des mesurettes sur le pouvoir d’achat, se refusant à s’attaquer aux salaires, seul chantier susceptible d’augmenter significativement le pouvoir d’achat de millions de Français.

Il est grand temps de mettre en place un dispositif réellement incitatif, qui valorise le travail et le rémunère à sa juste valeur. Cette proposition de loi vise donc à offrir à nos entreprises un nouveau dispositif qui les incite à augmenter les salaires de 10 %, grâce à l’exonération des cotisations patronales sur cette augmentation, cela pour une durée de trois ans. Cette mesure sociale urgente permettra de soutenir les salariés, sans pénaliser les entreprises et sans coût pour l’État.

La majorité présidentielle a institué la prime de partage de la valeur, qui remplace la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, exonérée de cotisations patronales jusqu’à 6 000 euros, dans certaines conditions. Nous avions voté pour ce dispositif, bien que peu convaincus par son efficacité, parce qu’il vaut mieux une solution imparfaite pour les Français que pas de solution du tout. Il apparaît d’ores et déjà que l’attribution des primes ne sera pas à la hauteur des attentes en matière de hausse de revenus : la prime moyenne versée depuis 2019 s’élève à seulement 550 euros pour environ 5 millions de bénéficiaires, soit un gain de 45 euros par mois pour un tiers des salariés du secteur privé. Si l’on rapporte cette augmentation au salaire moyen des Français, qui s’établit à 2 500 euros, cela représente une augmentation de seulement 1,8 %, contre une inflation de plus de 6 %. Et c’est sans compter avec les effets de substitution entre salaires et primes, qui sont et seront malheureusement bien réels. Une prime n’est pas prise en considération dans le calcul d’une pension de retraite, d’une demande de prêt ou lorsqu’il s’agit de louer un logement. Ce qui compte aujourd’hui, pour vivre dignement de son travail, c’est d’abord le salaire de base et non une rémunération bricolée, qui intègre primes, allocations et avantages en nature.

Point positif, cependant, cette prime ne coûte pas un centime d’argent public, comme le démontre l’étude d’impact du projet de loi sur le pouvoir d’achat, qui indiquait que les sommes versées n’étant pas considérées comme des recettes prévues, elles ne constituent pas une diminution des ressources pour la sécurité sociale. J’anticipe ainsi les reproches qui pourraient nous être faits : notre dispositif répond à cette même logique, puisque ce n’est pas une charge pour l’État, mais seulement un manque à gagner. Il concerne en outre tous les salaires jusqu’à trois fois le Smic et profitera donc à près de 90 % des salariés. C’est la raison pour laquelle nous avions estimé que l’augmentation du Smic, proposée par la gauche, n’était pas la plus adaptée, d’autant que celui-ci est indexé sur l’inflation. Cette mesure ne répondait pas à l’enjeu global, excluait les classes moyennes et pesait lourdement sur les entreprises de taille modeste.

On constate en effet un décrochage du niveau de rémunération de toutes les catégories socioprofessionnelles, en particulier des classes moyennes dont la renégociation des salaires n’a pas permis de suivre le cours de l’inflation. Quant à la négociation collective, elle peine à être à la hauteur des enjeux, avec des hausses de salaires comprises entre 2,5 à 3,5 %, en 2022. C’est pourquoi nous proposons la mise en place d’un nouvel outil, qui s’inspire de l’existant tout en étant adapté à la situation d’urgence que nous connaissons.

Tout d’abord, les allégements de cotisations mis en place ces trente dernières années ont favorisé la création d’emplois, mais pas nécessairement la valorisation des salaires. Notre dispositif, qui a vocation à être temporaire, s’inspire de cette logique en la recentrant sur les difficultés des classes populaires et moyennes, c’est-à-dire sur la stagnation de leurs salaires qui, dans le contexte inflationniste, se traduit par une perte de pouvoir d’achat. En exonérant de cotisations patronales une majoration salariale appliquée à l’ensemble de l’entreprise, notre dispositif vise à diminuer les effets de seuil liés au régime actuel de cotisations et d’exonérations. Aujourd’hui, lorsqu’un employeur souhaite augmenter de 10 % le salaire net d’un salarié au Smic, cette majoration entraîne une hausse de 18 % de ses coûts salariaux. Concrètement, quand le salaire net de l’employé augmente de 130 euros par mois, l’employeur est redevable de 150 euros de cotisations patronales supplémentaires, soit un taux de 91 % de cotisations sociales appliqué à la hausse du salaire brut. Au-delà des effets de seuil liés aux exonérations actuelles, toute majoration salariale est soumise au taux normal de cotisations patronales, qui atteint environ 37 % entre 1,6 et 2,5 Smic et 41 % entre 2,5 et 3,5 Smic. Ce qui peut dissuader les employeurs d’augmenter les salaires dans un contexte économique incertain.

Par ailleurs, aux termes de notre proposition de loi, l’exonération de cotisations serait conditionnée à la signature d’un accord d’entreprise portant sur une majoration de tous les salaires inférieurs à trois fois le Smic. Je le répète, ce sont près de 90 % des salariés du secteur privé qui sont concernés par cette mesure.

Enfin, cette majoration salariale doit être substantielle, alors que l’inflation n’a jamais été aussi élevée depuis quarante ans. Aussi les entreprises devront-elles garantir au moins 10 % de hausse de salaires pour obtenir l’exonération. Si l’ensemble des employeurs du secteur privé s’en saisissaient, cette mesure permettrait de redistribuer 45 milliards d’euros de salaires supplémentaires à plus de 15 millions de salariés. L’exonération permettra de réduire de 16 milliards d’euros le coût supporté par les entreprises, soit un quart du coût de la hausse des salaires, en se fondant sur le niveau actuel des cotisations. En rétablissant ainsi une dynamique des salaires qui compense la perte de pouvoir d’achat subie par l’ensemble des salariés, cette proposition de loi assurera une juste rémunération du travail sur le long terme.

À la suite des auditions menées, des contributions reçues et du travail de préparation, je vous proposerai des amendements pour ajuster et parfaire le dispositif. Compte tenu du calendrier d’examen du texte et des nouvelles exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, je vous proposerai de le limiter à trois années, à compter du premier juillet 2023. S’il se révèle efficace, il sera possible de le faire évoluer dans une nouvelle loi de financement de la sécurité sociale.

Outre des ajustements rédactionnels permettant de préciser que la majoration salariale sera bien calculée à partir des salaires effectivement pratiqués dans les entreprises à l’ouverture des négociations sur l’accord prévu par la proposition de loi, je vous proposerai d’évaluer le dispositif, en demandant au Gouvernement un rapport analysant sa mise en place au regard du régime actuel de cotisations patronales et d’exonérations.

Au-delà de la situation d’urgence dans laquelle nous nous trouvons, il est important de bien intégrer les nouveaux dispositifs à ceux existant déjà. La méthode que nous poursuivons avec cette proposition de loi est celle de l’incitation des entreprises, par des mécanismes éprouvés mais recentrés sur la question essentielle des salaires, la seule à même de répondre à la fois à la nécessité de mieux rémunérer le travail et à la crise du pouvoir d’achat.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Marc Ferracci (RE). Ce texte est bienvenu, car il va nous permettre de débattre de la principale proposition de la candidate du Rassemblement National à la dernière élection présidentielle en matière de pouvoir d’achat et ainsi d’en exposer les nombreuses faiblesses.

Premièrement, et contrairement à ce qui a été dit par M. le rapporteur, cette proposition engendrerait un coût considérable pour les finances publiques, alors que la majorité présidentielle est pleinement mobilisée pour faire en sorte que le travail paie mieux et pour préserver le pouvoir d’achat des salariés.

Deuxièmement, l’exemption proposée présenterait un bénéfice très modeste pour les salariés, car elle entraînerait des effets d’aubaine dans les entreprises ayant déjà prévu d’augmenter les salaires. Ces effets d’aubaine seront d’autant plus importants que les augmentations ultérieures viendront diluer progressivement cette hausse de 10 %.

Troisièmement, cette proposition serait parfaitement antiredistributive, car elle bénéficierait surtout aux salariés les plus qualifiés. Rappelons qu’au niveau du salaire minimal et à proximité, les employeurs ne payent déjà plus de cotisations patronales, du fait des mesures décidées par la majorité présidentielle. En pratique, les exonérations décidées bénéficieraient essentiellement aux salaires supérieurs à 1,6 Smic, voire 2,5 Smic.

À cet égard, je dois dire que l’exposé des motifs de la proposition de loi témoigne d’une certaine déconnexion avec la réalité, en incluant dans les classes moyennes les salariés gagnant jusqu’à trois Smic, soit 5 000 euros. Voilà ce que sont les classes moyennes pour vous !

La majorité est convaincue qu’il est nécessaire d’accroître le pouvoir d’achat de tous les salariés. C’est le sens des mesures qui ont été prises l’été dernier, comme la possibilité de monétiser les RTT. En revanche, privilégier de fait les exonérations sur les salaires les plus élevés est contraire à l’esprit de justice sociale, c’est pourquoi nous y sommes opposés.

Enfin, cette proposition induirait une très forte complexité dans notre système de prélèvements. En pratique, il s’agirait d’appliquer des exonérations à un flux, l’augmentation salariale ponctuelle, alors que le système d’exonération de charges repose sur une assiette constituée de la masse salariale globale. La mise en œuvre de cette disposition impliquerait donc une refonte profonde de notre système, ce qui la rend largement inapplicable.

En résumé, la mesure proposée serait budgétairement coûteuse, économiquement inefficace, moralement inéquitable et opérationnellement fragile. Le groupe Front national en est visiblement conscient, puisqu’il vient de déposer un amendement demandant un rapport sur les limites potentielles du dispositif. On ne saurait mieux exprimer le niveau d’impréparation et d’amateurisme qui entoure cette proposition, faite par Marine Le Pen lors de sa campagne.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera contre cette proposition et proposera un amendement de suppression.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cette proposition de loi est le fruit des consultations et des remontées de terrain de ces derniers mois. Cette voie médiane est on ne peut plus pragmatique. L’aspiration légitime des salariés à voir leur travail mieux rémunéré est ancienne et s’était déjà manifestée lors de la crise des « gilets jaunes ». Elle est aujourd’hui accentuée par la crise inflationniste.

Cette aspiration est partagée par les entreprises, en particulier par les plus petites d’entre elles, qui savent bien que le travail doit être mieux rémunéré, notamment pour garder les talents dans les secteurs en tension. Récompenser le travail à sa juste valeur permet aussi de recréer une cohésion au sein même des entreprises, après tous les efforts consentis pour traverser la crise du covid et permettre à notre pays de tenir.

Enfin, cette proposition de loi vise à remettre au cœur du projet républicain le sens même de la « valeur travail ». Les moyens, parfois ingénieux, auxquels nous avons eu recours ces dernières années pour augmenter légèrement le pouvoir d’achat des travailleurs n’ont jamais porté sur le salaire, c’est-à-dire sur l’élément central de la rémunération. On a ainsi amélioré le régime des heures supplémentaires, on a versé des primes, on a mis en place des aides, mais les salaires ne sont plus augmentés depuis longtemps. Il s’agit pourtant de ce que l’individu reçoit, pour lui-même et sa famille, en contrepartie de son travail. Le salaire est paradoxalement devenu le parent pauvre de notre système social et de notre méritocratie.

Alors que le besoin de revaloriser le salaire se ressent sur le terrain, notre proposition est la meilleure façon de le satisfaire, sans idéologie. Je suis donc déçu par les remarques que j’ai pu entendre à l’instant, mais aussi par ce que j’ai pu lire dans les amendements. Nous faisons face, en effet, à une opposition idéologique qui, d’ailleurs, reprend les critiques formulées notamment par la gauche – heureusement que le ridicule ne tue pas – contre la prime Macron, pour s’opposer au Rassemblement National. Nous avons pris, quant à nous, nos responsabilités, en juillet, en votant le dispositif de primes qui nous était proposé. Certes, il n’était pas parfait mais le plus important, pour nous, c’est d’améliorer le pouvoir d’achat des Français, pas de faire de la politique politicienne.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Ce texte est une des rares occasions de saisir les représentations que l’extrême droite a du marché du travail. Cela permet d’en tirer des conclusions politiques intéressantes. Dans le monde du travail des élus du Rassemblement National, les salariés ne bénéficient d’aucune protection collective en cas d’accident de la vie.

En l’occurrence, cette proposition des Garcimore de la sécurité sociale vise à prendre 1 euro dans la poche de la sécu pour le mettre dans le porte-monnaie. Ainsi, dans votre monde, on diminue la part des cotisations sociales et on met en danger tous les droits qui sont financés par ce biais – chômage, retraite, couverture maladie, protection de la famille. Par une tractation assez sordide, on demande aux salariés de vendre leur assurance chômage et leurs allocations familiales contre un petit chèque.

Et comme toujours avec le Rassemblement National, les salariés les plus aisés seront favorisés. Puisque votre dispositif portera sur les salaires allant jusqu’à trois Smic, les plus riches toucheront 400 euros de plus, contre 130 euros pour les travailleurs au Smic. Une conception de la justice sociale pour le moins étonnante ! Ce sont pourtant les travailleuses et les travailleurs au Smic, qui ont le plus besoin de prestations sociales – allocations logement ou allocations familiales – pour survivre. Avec votre proposition, vous allez tirer davantage encore vers le bas ceux qui tirent déjà la langue. Vous préparez également le chemin pour la réforme des retraites de Mme Borne, puisque vous ne trouvez rien de mieux à faire que de nous proposer d’accentuer le déficit des caisses de retraite. Si vous êtes favorables à la retraite à 65 ans, dites-le directement, sans tortiller.

Bref, si vous vous préoccupiez vraiment des salaires, vous auriez voté la hausse du Smic que nous avons proposée et que vous avez refusée le 11 juillet, le 13 juillet, le 20 juillet, le 22 juillet et le 16 novembre.

Pour conclure, et afin d’aider tout le monde à se positionner, j’ai dressé une courte liste des gagnants et des perdants du dispositif du RN. Un cadre à 4 500 euros par mois serait effectivement gagnant. Seraient perdants en revanche les retraités, les malades dont les médicaments seront déremboursés, les chômeurs, après la fermeture et la délocalisation de leur usine, les bénéficiaires de l’aide au logement, ceux des indemnités invalidité, maternité, accident du travail, congé parental, rentrée scolaire, etc.

Nous demandons le rejet de cette proposition, de chaque mot, de chaque virgule.

Mme Isabelle Valentin (LR). Les entreprises de notre territoire vivent une période particulière et inédite : immense difficulté à recruter, hausse des prix de l’énergie, hausse des prix des matières premières, coût élevé de la main-d’œuvre par rapport aux autres pays européens et fiscalité lourde. La question de la pérennité des entreprises se pose et nous commençons à connaître des baisses d’activité et des fermetures de lignes de production.

Pour avancer et réindustrialiser la France, nos industriels ont besoin d’avoir une visibilité à moyen et à long terme. Cette proposition de loi visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % prévoit que celles qui décident d’appliquer cette mesure soient exonérées des charges patronales.

Nous en sommes tous d’accord, l’augmentation des salaires est essentielle. Mais votre proposition de loi ne va pas dans le bon sens et n’est plus adaptée au contexte actuel de crise. La préservation de notre tissu économique et industriel dépend des mesures d’équilibre que nous prenons ici. Il est naturel que nous posions un diagnostic sur la situation et que nous y apportions des réponses adaptées.

Tous les métiers sont en tension et il n’y a pas aujourd’hui un chef d’entreprise qui n’ait un problème de recrutement. Il manque 3 000 professeurs, 7 000 chauffeurs de cars scolaires, 300 000 serveurs. Depuis la pandémie, un certain nombre d’entreprises ont déjà fait de gros efforts sur les rémunérations pour rester attractives et fidéliser leurs salariés. Nous nous en réjouissons. Mais les salaires progressent deux fois moins vite que l’inflation, qui est désormais supérieure de 6 %.

Par ailleurs, l’exonération de charges que vous proposez ne s’applique que sur la majoration salariale, pas sur le salaire dans son intégralité. Cela nécessite donc l’instauration d’une double comptabilité, pour le salaire chargé et pour la majoration non chargée. C’est totalement irréaliste en matière de coût et de temps pour une entreprise, notamment pour les TPE et PME de nos territoires.

Cette proposition de loi va à l’encontre d’une simplification bureaucratique pour les entreprises. Son coût est beaucoup trop élevé, tant pour les finances publiques que pour les entreprises. Le groupe Les Républicains fait le choix de l’abstention sur cette proposition de loi.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le rapporteur, le groupe Démocrate ne votera pas votre proposition de loi. Marc Ferracci, avec force éléments techniques, vous a expliqué pourquoi : c’est un système extrêmement coûteux pour les finances publiques, qui aura des effets d’aubaine, et qui est malheureusement inapplicable au quotidien. En effet, vous ne pouvez pas décider à la place du chef d’entreprise. C’est lui qui fait sa politique salariale. Ce n’est pas vous qui allez la déterminer, sur un coin de table, à l’Assemblée nationale.

Par ailleurs, vous souhaitez appliquer cette mesure à toutes les entreprises, quelle que soit leur taille, sans discernement, sans même savoir si elles ont ou non la capacité d’absorber un nouveau choc. Choc qui, ajouté à ceux qu’elles supportent déjà – coût de l’énergie, difficultés de recrutement et autres –, serait totalement destructeur. Vous qui êtes attachés à l’accompagnement des petites entreprises, vous allez en fait les fragiliser.

En outre, de telles exonérations affectent la protection sociale. J’ai lu dans votre programme que vous souhaitez remettre la retraite à 60 ans. Comment ferez-vous avec moins de cotisations ? Avec ce texte, vous vous rendez un très mauvais service. Nous en rediscuterons dans le cadre du débat sur les retraites.

Enfin, le Smic étant indexé sur l’inflation, il bénéficie automatiquement d’une augmentation et, de facto, c’est l’échelle mobile complète qui s’en trouve revalorisée. Nous sommes pour le partage de la valeur. Je suis comme vous attaché à la valeur travail, mais le partage passe aussi par la participation, les dividendes, les politiques d’intéressement. Ces outils nous permettront de répondre collectivement à la question du pouvoir d’achat.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il est des propositions de loi qui en disent long sur les intentions de ceux qui les présentent. Nous avons ici un texte limpide, transparent, quant à la conception que le Rassemblement National a de notre système de protection sociale, de notre sécurité sociale. En ce sens, je veux remercier le rapporteur et les membres du Rassemblement National. Il est vrai qu’ils avaient déjà été très clairs, en s’opposant à notre proposition de loi visant à augmenter immédiatement le Smic – Hadrien Clouet l’a rappelé.

Avec ce texte, vous sacrifiez ce qui est consubstantiel à notre pacte républicain, c’est-à-dire l’idée d’un salaire et d’un salaire différé. Avec vos exonérations de cotisations patronales, vous asséchez les ressources de la sécurité sociale. Avec la réponse immédiate que vous apportez à la question du pouvoir d’achat, vous amputez le salaire différé, c’est-à-dire la branche accidents du travail et maladies professionnelles, les allocations familiales, l’assurance maladie et l’assurance vieillesse. Aujourd’hui, les exonérations de cotisations sociales s’élèvent déjà à 71 milliards d’euros. Nous sommes plusieurs ici à penser – dont Marc Ferracci – que c’est déjà bien trop et qu’une grande partie des maux qui frappent notre système de sécurité sociale serait réglée si l’on revenait sur une partie de ces exonérations. Nous en discuterons dans le cadre du texte portant sur la réforme – ou plutôt la régression – des retraites.

Cette proposition de loi est évidemment à rejeter en bloc, car elle ne répond pas à l’enjeu de l’augmentation du pouvoir d’achat et du maintien de la sécurité sociale et de la protection sociale.

M. François Gernigon (HOR). Permettre à tous les travailleurs de mieux vivre de leur travail est, bien sûr, un objectif partagé par le groupe Horizons et apparentés et par la majorité présidentielle. Mais les moyens pour l’atteindre divergent. Cette proposition pose un problème de fond et un autre de forme et ne paraît pas opportune. D’une part, elle prive les organismes sociaux d’une rentrée financière, alors que d’autres dispositifs destinés à améliorer le partage de la création de richesses existent déjà. D’autre part, la fixation des dates et pourcentage d’augmentation est discutable et conduit à des effets de seuil.

Sur les bas salaires, le Smic est indexé sur l’inflation et est donc fréquemment relevé. Pour les rémunérations plus élevées, le Gouvernement poursuit de constants efforts pour encourager les augmentations, par la négociation collective. Plusieurs mesures ont été prises en ce sens, notamment la fusion des branches affichant des minima conventionnels inférieurs au Smic, ce qui provoque une forte incitation à la revalorisation des grilles salariales.

Le Gouvernement dispose de nombreux autres leviers pour protéger le pouvoir d’achat. Ceux-ci ont notamment été mis en place au cours des dernières années de crise et ont permis aux plus précaires et aux ménages de bénéficier de protections contre la hausse des prix de l’énergie et contre l’inflation.

Face aux défis du pouvoir d’achat en période de crise, le groupe Horizons et apparentés soutient qu’une meilleure rémunération doit passer par un meilleur partage de la valeur entre les entreprises et les salariés. La mise en place de dispositifs d’intéressement et de participation doit être encouragée, en particulier dans les plus petites entreprises. Développer par exemple les dividendes salariés pourrait être une autre piste pour aller plus loin et tendre vers une plus juste participation et rémunération des salariés.

De même, privilégier des accords de branche, élaborés avec les partenaires sociaux, permet d’établir une équité entre les salariés, alors qu’augmenter les rémunérations dans certaines entreprises seulement crée des injustices entre salariés.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Vieille rhétorique, vieille recette ! Depuis 1993, année où le taux de chômage en France atteint 10 %, le bouc émissaire du patronat est le même : le coût du travail.

Tout le monde dans cette salle s’accorde à dire qu’il faut une augmentation des salaires, en particulier pour les personnes les plus pauvres. Et que nous propose le groupe Rassemblement National ? Un mécanisme de défiscalisation. En d’autres termes, vous proposez de faire porter les hausses des salaires non pas sur les entreprises, mais sur l’État. Au fond, la logique de votre texte est exactement la même que celle du Président lorsqu’il fait la prime dite « Macron ». Votre ambition est-elle donc de généraliser un système dans lequel l’État vient se substituer aux entreprises pour les dépenses qui leur incombent ?

Contrairement à ce que vous essayez de nous faire croire, ces mesures ne sont pas logiques. Elles coûtent très cher et ne sont même pas efficaces. Pourquoi ? Parce qu’elles ne ciblent pas les plus petites entreprises, qui pourraient avoir besoin d’un coup de pouce de l’État, tant la compétition avec les plus grandes est difficile. Le dispositif est quasiment le même pour une multinationale et pour un artisan. On peut d’ailleurs se demander si les entreprises qui bénéficient de ces exonérations ne concurrencent pas celles qui ont choisi de verser des salaires plus élevés et qui forment leurs salariés.

Nous, écologistes, sommes pour l’augmentation des salaires, du Smic au premier chef, mais pas dans ces conditions. Dans un contexte non seulement de spirale inflationniste, mais aussi d’accroissement des inégalités, en particulier pour ce qui est du partage de la valeur ajoutée des entreprises, la stagnation du Smic nous semble intenable.

J’ajouterai, enfin, parce que c’est un sujet qui me tient à cœur, que la hausse des salaires et du Smic est une mesure féministe. Les femmes représentent, en effet, 45 % de l’emploi salarié et 60 % d’entre elles perçoivent le Smic. Elles sont les moins bien payées et sont plus nombreuses à exercer des emplois précaires, à temps partiel subi, dans le cadre de contrats courts. Une hausse du Smic permettrait non seulement la réduction des inégalités salariales entre les femmes et les hommes, mais aussi une meilleure reconnaissance des compétences mobilisées dans les métiers qu’elles occupent – métiers du soin, de l’aide à la personne et du commerce de détail –, pour lesquels la rémunération au Smic prédomine.

Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste votera contre la proposition du Rassemblement National.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Il est nécessaire et urgent que les salaires augmentent, mais vous ne nous ferez pas croire que c’est une vraie préoccupation pour le Rassemblement National. Ça ne l’a jamais été. Vous avez encouragé le contournement du salaire cet été, vous avez refusé l’augmentation du Smic. En septembre 2021, Marine Le Pen s’opposait à une augmentation des salaires, en expliquant : « augmenter les salaires, c’est faire peser une charge sur des entreprises qui sont dans de grandes difficultés économiques ». Et quelle en est la cause, selon elle ? L’immigration. Tout vous ramène à vos sinistres obsessions.

La proposition que vous nous faites est une tentative d’imposture, une arnaque. Elle est au mieux inopérante. En réalité, vous fondez cette supposée augmentation sur l’exonération de cotisations sociales. Vous participez en cela à la foire aux exonérations sociales. Ce que vous donneriez d’une main, vous le reprendriez de l’autre, en amputant la sécurité sociale de ressources qui nous permettent de nous assurer face aux risques et de financer nos retraites.

Vous choisissez de ne pas toucher au capital, vous le choyez. Or, précisément, il faut s’attaquer au capital pour faire gagner celles et ceux qui travaillent. Vous dédouanez l’employeur de sa responsabilité et votre numéro d’illusionniste va jusqu’à exonérer, sans prêter attention au chiffre d’affaires réalisé. Bien entendu, un tel mécanisme, par lequel l’État se substitue à l’employeur, biaise le rapport de forces dans l’entreprise, au détriment des salariés. C’est une augmentation de salaire financée par l’impôt et, bien sûr, c’est une charge. Où sont les ressources compensatoires ? À ce titre, il est d’ailleurs intéressant de noter que l’exposé des motifs considère que les dernières augmentations de salaires conquises sont des hausses de salaires arbitraires et unilatérales.

Non seulement cette proposition ne permettra pas une revalorisation significative des salaires, mais elle risque en plus d’entraver les négociations salariales et d’affaiblir les rapports de forces qui se créent dans les entreprises. Elle ne résoudra pas les inégalités, notamment entre les femmes et les hommes.

Nous continuerons donc à défendre nos propositions, par exemple une augmentation du Smic, une grande conférence sur les salaires, une échelle mobile des salaires, une révision des grilles de qualifications et de rémunérations ou encore une limitation des écarts de salaires dans l’entreprise. Mais nous ne soutiendrons pas une proposition, mal ficelée et qui est à côté de la plaque.

M. le rapporteur. Vous ne nous ferez pas croire que l’augmentation des salaires est une vraie préoccupation pour le Rassemblement National, avez-vous dit, monsieur Dharréville. Qu’est-ce que vous en savez ? On ne se connaît pas ! C’est un procès d’intention. Cette proposition de loi vise précisément à augmenter les salaires. C’est factuel et vous n’avez pas à juger de la sincérité de l’intention.

Monsieur Ferracci, oui, ce texte visant à favoriser et inciter les entreprises à augmenter les salaires nets de 10 % en dit long sur le projet de Marine Le Pen et du Rassemblement National.

Monsieur Clouet, vous prétendez que notre proposition de loi vise à favoriser les plus riches. Non, justement, puisqu’on exclut les 10 % les plus riches. S’agissant de la hausse du Smic, j’ai expliqué dans mon intervention pourquoi nous avions, effectivement, voté contre. Mais, en l’occurrence, le Smic serait porté quasiment à 1 500 euros, puisque l’augmentation s’ajouterait à l’indexation sur l’inflation. Vous prenez ensuite l’exemple d’une personne qui gagnerait 4 500 euros et qui serait, « le grand gagnant » de notre dispositif. C’est faux et impossible, puisque celui-ci ne s’appliquerait qu’aux salaires n’excédant pas 3 900 euros.

Madame Valentin, concernant la double comptabilité, j’entends votre argument. Simplement, je rappelle qu’il s’agit d’une mesure temporaire.

Monsieur Vigier, nous ne contraignons personne. Notre mécanisme est proposé aux entreprises, sans la moindre contrainte.

Article 1er : Exonération de cotisations sociales patronales applicable à une majoration salariale d’au moins 10 % jusqu’à trois Smic

Amendements de suppression AS1 de M. Joël Aviragnet, AS3 de M. Hadrien Clouet, AS18 de Mme Marie-Charlotte Garin et AS21 de M. Marc Ferracci.

M. Joël Aviragnet (SOC). Cette proposition de loi est à l’opposé de notre philosophie sur le pouvoir d’achat, puisque nous défendons un travail digne et émancipateur pour toutes et tous, porteur de sens et qui n’abîme pas.

Il ne faut pas octroyer des primes et des chèques ou « favoriser et inciter » les entreprises à augmenter leurs salariés, comme vous le proposez, mais augmenter les salaires, en commençant par le Smic, et organiser une conférence nationale sur les salaires.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Il y a un énorme point commun entre le programme des macronistes et celui du Rassemblement National : aucun des deux ne contient les mots « bénéfices », « dividendes », « profits » ou « inégalités ». Et ces mots ne figurent pas davantage dans cette proposition de loi.

Le journal Les Échos de notre ami Bernard Arnault annonçait il y a quelques semaines que les entreprises françaises du CAC40 avaient versé 44 milliards de dividendes au deuxième trimestre, battant un nouveau record. Voilà où on peut trouver de l’argent, si on veut augmenter les salaires, mais ce n’est pas du tout ce que vous proposez. De même, d’après l’Insee, le taux de marges des entreprises n’a jamais été aussi élevé, mais vous n’en dites rien.

Votre proposition n’a rien de nouveau. Cela fait quarante ans qu’on allège les charges et qu’on multiplie les exonérations ; cela fait quarante ans que la droite et qu’une partie de la gauche le font. Vous vous présentez comme un parti neuf, mais vous ne faites que de l’ancien.

Les entreprises ont reçu 160 milliards d’euros de subventions, de baisses de cotisations et d’allégements. Et on continue d’avoir un chômage de masse et des salaires qui stagnent. Quand allez-vous proposer l’indexation des salaires sur l’inflation ? Quand allez‑vous proposer de relever nettement le salaire minimum ? Le Président de la République s’est plu à rappeler que « les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune ». Quand ces mots deviendront-ils réalité ? Il n’y a pas l’embryon de cela dans votre proposition de loi, ni dans votre programme.

Nous défendons donc l’amendement AS3.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Vous voulez que les hausses de salaires soient supportées, non par les entreprises, mais par l’État. En tout état de cause, les cotisations manquantes devront être payées : vous voulez qu’elles le soient par les contribuables, plutôt que par les employeurs. Notre système de sécurité sociale est en effet en déficit de cotisations. Or, pour financer ce déficit, l’État a recours à l’emprunt, qui creuse l’endettement du pays, et que le contribuable français paye via les impôts et les taxes.

Rappelons que cette politique d’allégements, commencée dans les années 1990 et unifiée sous le régime du dispositif « Fillon » en 2005, a déjà été considérablement renforcée ces dernières années par l’intégration aux allégements généraux des baisses de cotisations héritières du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) et des mesures du pacte de responsabilité, pour un montant qui dépasse 30 milliards d’euros. Au total, les régimes obligatoires de sécurité sociale ont perdu 62 milliards de recettes. L’article 1er aurait pour effet d’accroître encore cette somme, ce qui serait inacceptable. Enfin, le dispositif proposé est injuste, parce qu’il ne cible pas les petites entreprises, qui auraient pourtant besoin d’un coup de pouce de la part de l’État.

M. Marc Ferracci (RE). La mesure que vous proposez serait totalement inefficace et créerait des effets d’aubaine. Les minima conventionnels étant revalorisés très régulièrement, leur progression absorbera très vite l’augmentation de 10 % censée faire l’objet d’une exemption.

Les revalorisations successives du Smic, qui atteignent 8 % sur un an, ont des répercussions sur toute la grille des salaires, en tout cas jusqu’à deux Smic. Les salaires progressent sans qu’il soit nécessaire d’accorder des exonérations de charges aux entreprises. Enfin, en prévoyant la signature d’une convention d’entreprise, vous favorisez les grandes entreprises, car chacun sait que la représentation syndicale y est beaucoup plus forte que dans les petites.

M. le rapporteur. Je suis évidemment défavorable à ces amendements de suppression.

Monsieur Ruffin, j’entends votre cri du cœur en faveur d’une augmentation des salaires. Vos propos sont souvent d’une grande justesse, mais vous ne pouvez pas dire que les programmes économiques d’Emmanuel Macron et de Marine Le Pen sont identiques : ce n’est pas honnête intellectuellement. Pourquoi demandez-vous la suppression de l’article 1er ? Il ne va peut-être pas assez loin, mais il va dans votre sens, et il vaudrait mieux continuer d’en débattre pour l’améliorer.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Dans leur exposé sommaire, les socialistes ont inscrit ce qu’ils appellent leur « mantra ». Je rappelle qu’un mantra est une formule qui n’a pas forcément de sens, mais que l’on répète pour divertir l’esprit. Cette définition convient parfaitement aux critiques formulées contre cette proposition de loi. Il faut quand même oser dire qu’une augmentation des salaires de 10 % – la plus grosse augmentation depuis 1968 ! – ne va pas améliorer la dignité du travail. Monsieur Ruffin, vous semblez avoir oublié que vous êtes l’allié des partis qui ont fait la moitié des exonérations que vous condamnez. Les exonérations que nous proposons seront accordées sous certaines conditions : c’est ce que vous avez toujours demandé. Nous sommes élus dans le même département : je ne sais pas comment vous allez pouvoir dire aux gens de la Somme qu’une augmentation de 10 %, ce n’est pas grand-chose, surtout après avoir répété qu’il vaut toujours mieux ramener quelque chose que rien du tout. La mauvaise foi vous aveugle, et c’est dommage. Par ailleurs, il est parfaitement grotesque que la majorité reprenne contre nous les critiques que la gauche avait formulées cet été contre la prime Macron.

Dans ce débat, il y a ceux qui veulent sincèrement essayer de faire progresser le pouvoir d’achat et ceux qui s’y opposent pour des raisons politiciennes et idéologiques. Il est dommage que Pierre Dharréville n’ait pas défendu son amendement, qui n’avait pas d’exposé des motifs. Il est contre, parce qu’il est contre : au moins, il y a là une forme de sincérité ! Contrairement aux macronistes, nous ne pensons pas être parfaits : nous attendons du débat parlementaire qu’il améliore notre proposition. Et vous, vous refusez de débattre.

Tout le monde veut augmenter les salaires, mais personne ne propose rien, à part l’augmentation habituelle du Smic, qui est unilatérale et que beaucoup d’entreprises ne peuvent pas absorber. Ce n’est pas en faisant croire que M. Bernard Arnault va payer les salaires des PME et des TPE françaises que vous allez améliorer le pouvoir d’achat des gens. Au repas de Noël, les gens auront au moins la certitude que les seuls qui font de vraies propositions pour augmenter les salaires, ce sont les élus du Rassemblement National.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je maintiens que le point commun entre le programme de Marine Le Pen et celui d’Emmanuel Macron – qui est aussi un point aveugle –, c’est le refus de voir que, depuis les années 1980, il y a eu un basculement de 10 points de la valeur ajoutée du travail vers le capital. Dans les années 1980, on travaillait une semaine par an pour les actionnaires ; aujourd’hui, c’est quatre semaines. Or le mot « actionnaires » était absent du programme de Marine Le Pen comme de celui d’Emmanuel Macron. Et il l’est également de votre proposition de loi.

Je ne vois pas en quoi prendre 10 points de cotisations retraite aux salariés pour leur donner un peu plus de pouvoir d’achat dans l’immédiat est une bonne chose pour eux. Je comprends que c’est une façon de faire face à l’urgence, mais il est urgent aussi de rétablir un équilibre entre le travail et le capital, et cela reste votre point aveugle. Encore une fois, ce que vous proposez n’a rien de neuf. Vous vous inscrivez dans une tradition vieille de quarante ans, que ma collègue a bien rappelée : allégements Fillon, CICE, pacte de responsabilité. Je suis un peu navré qu’un mouvement qui se dit neuf propose une politique aussi usée et à bout de souffle.

Si je me bagarre pour obtenir l’indexation des salaires sur l’inflation, c’est parce que c’est au moment où on l’a supprimée, dans les années 1980, que la part du travail dans la valeur ajoutée a chuté. Il faut que tous les salaires, et pas seulement le Smic, soient liés à l’inflation. Avec une inflation à 7 ou 8 %, il faut augmenter tous les salaires de 8 %, au moins jusqu’à 2 000 ou 2 500 euros par mois.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Je voterai évidemment ces amendements de suppression. Ce que le Rassemblement National nous présente comme une solution miracle consiste en réalité à financer l’augmentation des salaires grâce à la sécurité sociale. On l’a fait pour les aides à domicile, avec l’avenant 43, mais c’était le résultat d’une négociation avec les partenaires sociaux et il s’agit d’un secteur non lucratif. Demander à la sécurité sociale de financer des hausses de salaire dans des secteurs très lucratifs, à l’aveugle, cela n’a pas de sens. Nous ne vous avons pas attendus non plus pour baisser les cotisations patronales : c’est ce qui a relancé l’emploi et on peut s’en féliciter.

M. Yannick Neuder (LR). Nos échanges ne reflètent pas vraiment les préoccupations de nos concitoyens. Les chefs d’entreprise gèrent leur entreprise comme ils le souhaitent : il faut donc tenir compte de leur volonté, mais aussi de leurs possibilités.

J’ai été sollicité hier par le dirigeant d’une entreprise de BTP. Il doit faire face à la hausse du prix du béton et du ciment – 12 % en 2022 et probablement 22 % en 2023 – et rembourser son prêt garanti par l’État (PGE). Il n’est pas en position d’augmenter les salaires : on pourra l’envisager quand l’activité économique sera revenue. Pour l’heure, les entreprises de ma circonscription, dans l’Isère, se battent pour maintenir l’emploi, rembourser leur PGE et faire face à l’augmentation du prix des matériaux, même si elles ont bien conscience qu’il faut augmenter le pouvoir d’achat de leurs salariés. Votre proposition ne me paraît pas très réaliste. J’en profite pour signaler que beaucoup d’entreprises souhaiteraient disposer d’un délai pour rembourser leur PGE

M. Philippe Vigier (Dem). Nous voterons l’amendement de suppression de Marc Ferracci, parce que l’article 1er ne nous paraît pas opérationnel. S’agissant des PGE, nous avons déjà su faire preuve de souplesse en étalant leur délai de remboursement. Compte tenu de l’augmentation du prix de l’énergie, nous serons sans doute amenés à prendre de nouvelles dispositions en ce sens. Les petites entreprises doivent effectivement faire face à bien des contraintes ; leur en imposer d’autres pourrait être très destructeur.

Ce que vous proposez ne fonctionnera pas. Nous sommes favorables au partage de la valeur, je l’ai dit, mais nous pensons qu’il doit passer par la participation, les dividendes et l’intéressement.

M. François Gernigon (HOR). Les salaires ont déjà tendance à augmenter et il faut éviter la surenchère. Avec la pénurie de personnel, les entreprises qui en ont les moyens proposent déjà, pour débaucher des salariés, des augmentations de salaire assez substantielles. Certaines donnent même une prime à leurs salariés au bout de six mois pour les retenir. Votre proposition accentuerait cette tendance et la concurrence entre les entreprises qui peuvent accorder des augmentations de salaires et celles qui ne le peuvent pas. Les petites entreprises risquent de se retrouver en difficulté.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Mon intervention dans la discussion générale valait défense de mon amendement AS23. Nous ne partageons pas la vision sociale qui découle de cette proposition de loi et nous ne croyons pas que le Rassemblement National défende un projet de progrès social, bien au contraire. Il n’y a rien à amender dans cette proposition en bois : nous demandons sa suppression.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les amendements AS4, AS5 et AS6 de M. Hadrien Clouet ainsi que les amendements AS25 et AS26 du rapporteur tombent.

Après l’article 1er

Amendement AS15 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Cette discussion aura au moins permis de clarifier les choses. À Noël, M. Tanguy pourra expliquer qu’il ne veut pas faire payer Bernard Arnault – puisque c’est l’exemple qui a été pris – et que les projets « sociaux » du Rassemblement national ont vocation à accroître les périls qui pèsent sur les caisses d’assurance vieillesse pour accélérer le projet gouvernemental de report de l’âge du départ à la retraite.

Vous avez dit que les 10 % les plus riches sont exclus de cette mesure : encore heureux ! Mais cela signifie qu’elle concerne 90 % de la population. Cela pose un problème de priorité sociale. Un cadre qui gagne 4 000 euros par mois n’a pas besoin de primes, mais de sécurité pour sa retraite et sa protection sociale.

Par ailleurs, le Smic sera revalorisé au 1er janvier 2023. Votre proposition de loi, si elle était votée, s’appliquerait donc bien à des salaires supérieurs à 4 000 euros dès le mois de janvier, et l’on attendrait probablement 4 500 euros au bout de cinq ans.

Cette proposition de loi s’inscrit dans la continuité des politiques menées depuis quarante ans : le gel des cotisations patronales vieillesse en 1979, des cotisations santé en 1984, des cotisations patronales à l’assurance chômage en 1993, des cotisations salariales deux ans plus tard, puis les exonérations Juppé 1, Juppé 2, De Robien, Fillon 1 et Fillon 2. Je pense que l’on peut s’arrêter avant l’exonération Bentz !

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est la première fois, je le répète, qu’une exonération est conditionnée. Cela vous dérange que la moitié de votre alliance électorale ait introduit la plus grosse exonération de cotisations sans aucune condition. Et cette exonération a été transformée par la macronie, qui critique ses propres dispositifs : tout cela n’a aucun sens.

Monsieur Ruffin, si vous croyez qu’il n’y a pas de critique de la finance dans le programme de Marine Le Pen, c’est que vous ne l’avez pas lu. Vous devriez écouter ce que nous disons en commission des finances, au lieu de faire des montages vidéo mensongers en tronquant mes propos. C’est moi qui, le premier, ai proposé une taxe sur les sur-rachats d’actions, une taxe sur les sur-dividendes et une taxe sur les sur-profits, dans le cadre de la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières. Le Modem a ensuite repris cette idée, mais il faut rendre à César – en l’occurrence, au camp national – ce qui est à César.

Sur France Inter, vous dites régulièrement que le Rassemblement national, a été le premier, dans les années 1980, à analyser les conséquences de la mondialisation et de la transformation d’une économie productive en une économie spéculative. Soyez cohérent et ne dites pas ici le contraire de ce que vous dites à vos amis de Radio France.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur Tanguy, vous n’étiez pas encore là, que je déposais déjà une proposition de loi sur la taxation des transactions financières. J’ai siégé pendant treize ans en commission des finances et je travaillais déjà sur ces questions, il y a six ans, avec Charles de Courson.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Ne croyez pas que je vous méprise : je connais votre intelligence et je suis convaincu que vous parviendrez à modifier artificiellement et superficiellement le contenu de votre programme. Mais, à l’heure qu’il est, le programme de Marine Le Pen ne parle ni des actionnaires ni des dividendes, pas plus que celui d’Emmanuel Macron. Si l’on ne voit pas que le capital se gave devant quarante ans sur le dos des salariés, il n’y a pas grand-chose à aller gratter. Vous n’avez pas intégré cette dimension du capital contre le travail. Je crains que vous ayez l’intelligence de le faire à l’avenir mais, pour l’heure, ce n’est pas le cas.

Je suis sans doute l’un des rares à avoir lu le programme du Front national depuis sa fondation en 1972. Dans les années 1980, vous étiez plus libéraux que Chirac, que Thatcher et que Reagan. Vous adoriez l’Europe, parce qu’elle était libérale et qu’elle était un rempart contre le bolchevisme. Dans les années 1990, vous avez opéré un grand retournement et êtes apparus comme protectionnistes et répondant à une demande de protection des classes populaires. Vous avez eu un temps d’avance sur nous. Nous allons le rattraper.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS12 de M. Hadrien Clouet

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Maintenant que l’on a supprimé ce qu’il y a de plus néfaste dans ce texte, à savoir son contenu, je propose d’y mettre des choses plus utiles et intéressantes. Il pourrait constituer un point d’appui pour le monde du travail et pour les organisations professionnelles : il faut négocier des hausses de salaires effectives, et non des primes Macron bis, plus ou moins élégamment dissimulées.

Je vous suggère de transformer totalement ce texte et d’en faire l’exact inverse de ce pour quoi il a été pensé : il convient d’ouvrir des négociations de branches pour augmenter les salaires. Ces augmentations doivent concerner aussi bien la part nette que la part brute, afin de financer les caisses d’assurance vieillesse et, ainsi, d’empêcher le projet de Mme Borne de repousser l’âge de départ à la retraite.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous débattons d’une proposition de loi du groupe Rassemblement national : il est gênant que vous fassiez systématiquement le lien avec le programme du Président de la République.

M. le rapporteur. Avis défavorable. Vous essayez d’introduire des éléments de votre programme dans une proposition de loi du Rassemblement national que vous avez vidée de sa substance, puisque vous avez supprimé son article 1er. Cela n’a aucun sens.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Je confirme qu’il s’agit bien de supprimer votre texte et d’en proposer un autre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS11 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Si l’on prend en compte le taux mensuel, la France est maintenant l’un des pays d’Europe où l’inflation augmente le plus vite. Les Français ont de plus en plus de difficultés à tenir leurs engagements, à rembourser leurs crédits, à faire leurs courses, à préparer le réveillon et les vacances de Noël – pour ceux qui ont la chance d’en avoir. Nous demandons l’indexation de tous les salaires du secteur privé sur les prix, afin de garantir le pouvoir d’achat des Français. Il faut une augmentation des salaires nets et bruts, afin de subventionner le régime de la sécurité sociale. Même s’il s’agit d’une proposition de loi du Rassemblement national, nous pensons à nos caisses de retraite, mises en péril par le projet de loi gouvernemental qui sera déposé en janvier.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). M. Clouet n’a pas bien lu son propre amendement : il ne demande pas l’indexation sur l’inflation de tous les salaires, mais de ceux allant jusqu’à trois fois le Smic. C’est le seuil que nous avons retenu et sur lequel il crache depuis le début de l’examen du texte. Du reste, retenir ce seuil relève du bon sens, puisque c’est celui qui permet de prendre en compte l’ensemble des classes moyennes, y compris les classes moyennes supérieures. Cela me donne l’occasion de répondre à ceux qui prétendent que l’on est très riche quand on gagne 4 000 euros. C’est déjà ce qu’avait dit M. Hollande et c’est ce qui pousse souvent l’alliance de gauche à s’en prendre aux classes moyennes. Quand on gagne 4 000 euros, on n’est pas riche. On a un revenu qui permet de contribuer à la société d’une manière différente. Dans l’esprit du Conseil national de la Résistance, les classes moyennes supérieures avaient droit à un certain nombre de prestations, notamment familiales, parce qu’il fallait créer de la solidarité entre les classes.

Le problème de la NUPES, c’est qu’elle passe son temps à briser la solidarité entre les classes moyennes et les classes populaires. Or ce que l’on sait depuis les gilets jaunes, c’est que le seul moyen d’avoir des acquis sociaux d’envergure dans notre pays, c’est l’union des classes moyennes et des classes populaires : c’est comme cela que l’on peut battre l’oligarchie, c’est comme cela que l’on peut battre la finance. Vous êtes les idiots utiles du grand capital. (Exclamations parmi les membres du groupe LFI - NUPES).

Mme la présidente Fadila Khattabi. On n’insulte pas ses collègues !

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). C’est une expression historique qui est parfaitement identifiable : je vous renvoie aux livres d’histoire. Vous êtes les « bip » utiles du grand capital, qui passe son temps à diviser les classes populaires et les classes moyennes pour ne pas affronter la démocratie, laquelle veut de la justice sociale et de la justice fiscale – ce qui suppose de réunir les gens.

M. Didier Le Gac (RE). Monsieur Clouet, avec un taux de 7,1 % la France est le pays d’Europe où l’inflation est la plus faible. Elle atteint 7,3 % en Espagne, 7,4 % à Malte, 11,6 % en Allemagne, 12,6 % en Italie et même 21,9 % en Hongrie. Et si l’inflation est aussi faible en France, c’est grâce aux mesures que nous avons prises, notamment cet été, ne vous en déplaise.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). J’aimerais revenir sur les « bip » utiles du grand capital. Premièrement, je pense effectivement que les personnes qui touchent 4 000 euros par mois gagnent bien leur vie et que ce ne sont pas les publics prioritaires des politiques sociales. Deuxièmement, je vous invite à faire la différence entre « augmenter » et « indexer ». Troisièmement, le fait de ne pas indexer les salaires les plus élevés sur l’inflation permet de réduire les inégalités, et c’est une priorité.

S’agissant, enfin, de l’inflation, je déplore que vous fassiez une confusion entre le taux annuel et le taux mensuel, alors que j’avais fait la distinction entre les deux. En novembre 2022, l’inflation a atteint 0,5 % en France, contre -0,9 % en Belgique, 0 % en Allemagne, 0,2 % en Irlande, -0,1 % en Grèce, -0,5 % en Espagne, -0,2 % à Chypre, etc. Ce sont des données d’Eurostat qui ont été publiées le 1er décembre.

M. le rapporteur. Monsieur Clouet, vous dites que cette mesure va s’appliquer à des salaires de 4 000 euros. Pardonnez-moi, mais vous vous trompez. Un salaire correspondant à trois Smic, c’est 3 987 euros : c’est moins de 4 000 euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS24 de M. Christophe Bentz.

M. le rapporteur. Afin d’assurer la pleine efficacité de la mesure d’exonération sur la majoration salariale d’au moins 10 %, il est proposé que le Gouvernement évalue ses effets, compte tenu du régime actuel de cotisations patronales, ainsi que ses éventuelles limites, en particulier les effets de seuils, et des pistes pour les prévenir.

M. Marc Ferracci (RE). Votre amendement montre que cette proposition, qui figurait dans le programme de Marine Le Pen, n’a fait l’objet d’aucune préparation, ni d’aucune étude d’impact. Il montre que vous n’avez pas réfléchi à la manière de l’articuler avec l’ensemble de notre système de prélèvements et d’exonérations de charges. Il montre, enfin, que les propositions qui figurent dans le programme de Marine Le Pen ne sont pas destinées à améliorer le quotidien des Français, mais qu’elles sont purement démagogiques et jouent sur les émotions des gens.

M. Philippe Vigier (DEM). Cet amendement est un aveu d’impuissance, puisque vous reconnaissez que votre proposition pourrait avoir un effet de seuils et que vous doutez de la pertinence de votre dispositif. Je n’arrive pas à croire que vous n’ayez pas fait d’étude d’impact. En outre, alors que ce texte est d’initiative parlementaire, vous demandez un rapport au Gouvernement. Vous oubliez la séparation des pouvoirs : corriger ce texte, c’est le travail du législateur.

M. le rapporteur. Il est vrai que je n’ai pas eu le temps de faire une étude d’impact en cinq jours. Demander une telle évaluation est habituel, si ce n’est systématique : je ne vois pas pourquoi on s’en émeut particulièrement aujourd’hui. C’est un simple principe de précaution.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Cet amendement montre ce que serait un gouvernement mariniste, par opposition à la macronie et à ceux qui gouvernent depuis un certain temps. Nous, nous ne sommes pas vaniteux : nous croyons au dialogue et au débat. Nous pensons que toute proposition, d’où qu’elle vienne, peut être améliorée et que toute idée, même la meilleure, a forcément des limites. Personne ne sort, tout armé et casqué, de la cuisse de Jupiter. Le but d’un parlement, c’est de parler, de débattre, pour améliorer les propositions qui sont faites. Nous sommes souvent taxés d’extrémisme, pour des raisons politiciennes, mais vous, vous êtes l’extrême centre : vous êtes convaincus de votre propre perfection.

M. Marc Ferracci (RE). Monsieur Tanguy, vous vous écartez du sujet, parce que cette proposition de loi n’a aucun sens. Tous les arguments venus de la gauche et de la majorité l’ont bien montré. Vous nous faites le coup de l’absence de débat ou de réflexion, voire de l’absence de considération pour le Parlement. Ce qui a inspiré cette proposition de loi, c’est la démagogie ; sa présentation relève de l’amateurisme et votre argumentation, de la prestidigitation. Revenons au fond : les arguments échangés se suffisent à eux-mêmes et montrent que rien ne justifie d’engager des deniers publics – parce qu’un rapport coûte de l’argent public – pour établir des faits que la représentation nationale a parfaitement établis au sein de cette commission.

M. Philippe Vigier (Dem). Monsieur le rapporteur, vous avez dit que vous n’aviez pas pu faire une étude d’impact « en cinq jours ». Je n’ose pas imaginer que vous avez écrit un programme présidentiel sans avoir fait en amont un travail de fond : cela m’inquiète beaucoup.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS14 de M. Hadrien Clouet.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Il a pour objet la remise d’un rapport évaluant le coût de l’ensemble des dispositifs d’exonération de cotisations sociales, estimé à 65 milliards d’euros, et mesurant leurs conséquences.

Par ailleurs, le SMIC sera réévalué au 1er janvier, atteignant 1 353 euros net par mois, soit 4 059 euros pour trois SMIC. Cette proposition de loi dépasserait donc les 4 000 euros le jour même de son entrée en vigueur. De plus, le dispositif proposé est censé expirer dans cinq ans. Or, au rythme des revalorisations des dernières années, le SMIC dépassera 1 550 euros dans cinq ans. Cette mesure s’appliquera donc bien à des salaires supérieurs à 4 500 euros. Je me tiens à votre disposition pour de plus amples démonstrations mathématiques sur ce point.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Il ne vous aura pas échappé que j’ai déposé deux amendements, le premier pour repousser la date d’entrée en vigueur au 1er juillet et le second fixant la durée de ce dispositif à trois ans au lieu de cinq, mais que ceux-ci sont tombés du fait de la suppression de l’article 1er.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Compensation de la perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale

Amendements de suppression AS2 de M. Joël Aviragnet, AS16 de M. Hadrien Clouet et AS22 de M. Marc Ferracci.

M. Joël Aviragnet (SOC). Les raisons sont les mêmes que celles avancées à l’article 1er. Je le répète : « Il n’y a pas de valeur travail sans travail de valeur, c’est notre mantra ! » Je comprends que cela soit difficile à admettre, monsieur Tanguy, mais c’est ainsi !

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). À nos yeux, le travail est rémunéré par un salaire, qui a une composante nette et une composante brute. Cette dernière est d’intérêt collectif et doit être préservée car nos régimes de sécurité sociale en dépendent, notamment la retraite. Nous souhaitons donc que ce texte ne soit pas adopté.

M. Marc Ferracci (RE). Mon amendement vise à supprimer l’article de gage, qui est la contrepartie de ce qui était prévu à l’article 1er, lequel a été supprimé.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Ce débat me rappelle François Mitterrand, qui disait que, lorsqu’il voulait piéger ses adversaires politiques, il n’avait qu’à creuser un trou : ses adversaires se chargeaient d’y installer les piques.

M. Marc Ferracci (RE). C’est ubuesque. Si vous prévoyez un gage pour compenser les pertes de recettes causées par l’article 1er, c’est bien que vous estimez que ce dispositif sera coûteux pour les finances publiques. Vous êtes défavorable à la suppression de l’article de gage alors que nous avons supprimé l’article 1er : où est la cohérence ?

M. le rapporteur. J’aurais aimé que nous débattions davantage du fond plutôt que d’entendre des arguments de ce niveau. L’avis est défavorable par principe : nous n’allons pas passer trois heures à justifier ceci ou cela, cela n’a pas d’intérêt.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

 

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été supprimés, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

 

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

 

 


—  1  —

ANNEXE :
Liste des personnes auditionnÉes par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

 

      Table ronde d’experts :

 Entreprises de taille humaine, indépendantes et de croissance (Ethic) (*)  Mme Sophie de Menthon, présidente, et M. Stanislas Henry, chef de cabinet

 Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH) (*)  M. Benoît Serre, vice-président délégué

 Me Franck Morel, avocat

 

 

Le rapporteur a par ailleurs reçu une contribution écrite du Mouvement des entreprises de France (Medef) (*).

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Loi n° 70-7 du 2 janvier 1970 portant réforme du salaire minimum garanti et création d’un salaire minimum de croissance.

([2]) Arrêté du 29 juillet 2022 relatif au relèvement du salaire minimum de croissance.

([3]) L’article L. 3423-2 du code du travail prévoit que le Smic est fixé chaque année dans les départements d’outre‑mer compte tenu de la situation économique locale et, en application de l’article L. 3423‑1 du même code, celui‑ci est revalorisé en fonction de l’inflation dans les mêmes proportions qu’en métropole. Seul le département de Mayotte dispose d’un salaire minimum fixé à un taux dérogatoire fixé, au 1er août 2022, à un montant horaire de 8,35 euros brut soit 1 266,42 euros net.

([4]) Arrêté du 19 avril 2022 relatif au relèvement du salaire minimum de croissance.

([5]) Article L. 3231-6 du code du travail.

([6]) Articles L. 3231-7 et R. 3231-1 du code du travail.

([7]) Article R. 3231-7 du code du travail.

([8]) Article L. 3231-9 du code du travail.

([9]) Article L. 3231-4 du code du travail.

([10]) L’article R. 3231-2 du code du travail précise que cette indexation est assurée au regard de l’évolution de l’indice mensuel des prix à la consommation hors tabac des ménages du premier quintile de la distribution des niveaux de vie.

([11]) Article L. 3231-10 du code du travail.

([12]) Article L. 3231-11 du code du travail.

([13]) Article L. 3231-3 du code du travail.

([14]) Ordonnance n° 58-1374 du 30 décembre 1958 portant loi de finances pour 1959.

([15]) Article L. 2241-1 du code du travail.

([16]) Article L. 2241-4 du code du travail.

([17]) Article L. 2241-8 du code du travail.

([18]) Article L. 2242-1 du code du travail.

([19]) Article L. 2242-11 du code du travail.

([20]) Article L. 2242-13 du code du travail.

([21]) Article L. 2254-1 du code du travail.

([22]) Article L. 2253-1 du code du travail.

([23]) Contribution écrite du Medef.

([24]) Auditions du rapporteur.

([25]) Article L. 2241-10 du code du travail.

([26]) Article L. 3211-1 du code du travail.

([27]) Alexandre Durain, « Comment en finir avec les ‘smicards à vie’ », 2022 la grande conversation, Terra Nova.

([28]) Ces exhortations ont notamment été rappelées par Mme Élisabeth Borne au Sénat au cours de la séance du 12 octobre 2022 et M. Bruno Le Maire à l’Assemblée Nationale au cours de la séance du 22 juillet 2022.

([29]) P. Cahuc & S. Carcillo, « Les conséquences des allégements généraux de cotisations patronales sur les bas salaires », 2012.

([30]) Carbonnier C., Malgouyres C., Mayer T., Py L., Urvoy C., « Évaluation interdisciplinaire des impacts du CICE en matière de compétitivité, d’investissement, d’emploi, de profitabilité et de salaires », Rapport du LIEPP, Sciences Po, 2017 ; Gilles F., L’Horty Y., Mihoubi F., Yang X., « Les effets du CICE sur l’emploi, les salaires et l’activité des entreprises : une nouvelle évaluation ex post pour la période 2013-2015 », Rapport de recherche TEPP, n° 17-04, 2017.

([31]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([32]) Source : Insee.

([33]) Insee, Emploi, chômage, revenus du travail, édition 2020.

([34]) https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/comite-de-suivi-de-la-negociation-salariale-de-branches

([35]https://www.cgt.fr/sites/default/files/2022-11/BORNE%20Elisabeth%20-%20Urgence%20sur%20les%20salaires%20-%2025%2010%202022.pdf

([36]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([37]) La PPV est ainsi exceptionnellement exonérée d’impôts lorsqu’elle est versée, entre le 1er juillet 2022 et le 31 décembre 2023, aux salariés ayant perçu une rémunération inférieure à trois Smic.

([38]) Conformément à l’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale, le rapporteur propose, par amendement, de limiter à trois ans l’exonération. Une fois le dispositif mis en œuvre, une loi de financement de la sécurité sociale pourra en pérenniser le principe.

([39]) Annexe 4 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023, p. 51.

([40]) Id.

([41]) Article L. 241-13 du code de la sécurité sociale.

([42]) Article L. 241-2-1 du code de la sécurité sociale.

([43]) Article L. 241-6-1 du code de la sécurité sociale.

([44]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([45]) Article L. 2241-10 du code du travail, modifié par l’article 7 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 précitée.

([46]) Article L. 2261-32 du code du travail, modifié par l’article 7 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 précitée.

([47]) Contribution écrite du Medef.

([48]) Afin de tenir compte du calendrier d’examen de la proposition de loi et conformément à l’article L.O. 111‑3‑16 du code de la sécurité sociale, le rapporteur propose, par amendement, de limiter à trois ans l’exonération à compter du 1er juillet 2023.

([49]) L’article L. 241-5 du code de la sécurité sociale prévoit que les cotisations AT-MP peuvent faire l’objet d’une exonération dans la limite d’un taux minimal fixé par arrêté dans la limite du taux applicable à une entreprise où aucun accident du travail ou maladie professionnelle n’est jamais survenu. L’exonération porte donc sur la cotisation « socle » commune à toutes les entreprises.

([50]) Article L. 921-4 du code de la sécurité sociale.

([51]) Article L. 5422‑9 du code du travail.

([52]) Article L. 813‑4 du code de la construction et de l’habitation.

([53]) Étude d’impact sur le projet de loi n° 19 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, p. 33.

([54])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12635222_63998798a96a8.commission-des-affaires-sociales--retraite-des-personnes-ayant-beneficie-de-contrats-de-travaux-d-u-14-decembre-2022