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N° 612

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

modifiant le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et

invitant le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale (n° 583),

PAR M. Sébastien CHENU

Député

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 Voir le numéro : 583



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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

I. mode de financement privilégié du service de collecte et de traitement des déchets des ménages, la TEOM a été dotée d’un caractère incitatif

1. Les différents outils de financement du service de collecte et de traitement des déchets ménagers ou assimilés

2. L’instauration d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés

3. Les réformes de la TEOM intervenues depuis 2019 se sont principalement concentrées sur la réduction des quantités de déchets produits

a. La modification du champ des dépenses prises en compte pour le calcul de la TEOM

b. La facilitation de la mise en place par les collectivités territoriales d’une part incitative

II. La présente proposition de loi tend à rendre la TEOM PLUS ÉQUITABLE ET ACCEPTABLE

1. L’article 1er : une réforme de la TEOM pour prendre en compte la composition du foyer et la situation de vulnérabilité de certains contribuables

2. L’article 2 : une réforme qui vise à renforcer l’information du Parlement sur l’impact de la fiscalité locale

3. L’article 3 : une réforme qui ne doit pas réduire les recettes locales

Travaux en commission

Discussion générale

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Modification du calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et mise en place d’un abattement au profit de certaines catégories de population

Article 2 Remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la fiscalité des collectivités territoriales et sur l’effectivité du principe de leur libre administration

Article 3 Gage

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR


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   AVANT-PROPOS

Les bouleversements incessants de la fiscalité locale engagés par le Gouvernement depuis plusieurs années ont contribué à la rendre illisible et encore plus injuste pour les citoyens. Ainsi, la suppression de la taxe d’habitation a eu des conséquences en cascade sur la fiscalité locale, et nombre de contribuables, en particulier les propriétaires, constatent l’alourdissement de leurs impôts locaux. Cette décision irréfléchie a par ailleurs amoindri les marges de manœuvre fiscales des collectivités territoriales et réduit leur autonomie financière.

Les marges de manœuvre budgétaires des collectivités sont d’autant plus contraintes que le Gouvernement a refusé d’indexer l’évolution des dotations de l’État au niveau de l’inflation en loi de finances pour 2023. Pourtant, les effets de l’inflation sur les dépenses des collectivités sont manifestes, en particulier via une augmentation dramatique de leurs factures d’énergie. De nombreuses collectivités sont alors tentées d’augmenter leurs taux de fiscalité locale.

Dans ce contexte, le constat d’une inquiétante hausse des taux de fiscalité sur les ordures ménagères est apparu, en particulier depuis 2022. Selon une enquête de l’association Amorce ([1]), 77 % des collectivités ont ainsi augmenté leur taux de taxe d’enlèvement des ordures ménagères (TEOM) de plus de 5 % en 2022. Pour la moitié d’entre elles, cette augmentation a même été portée à plus de 10 %. Ces hausses se doublent d’une augmentation sensible de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP), au profit de l’État, dont la trajectoire haussière et excessive est à juste titre décriée.

Par ailleurs, l’augmentation de 7,1 % des valeurs locatives cadastrales en 2023 contribue non seulement à la hausse mécanique du produit de la taxe foncière mais également à celui de la TEOM puisque ces deux impôts partagent la même assiette.

Pour les propriétaires, il s’agit donc d’une double peine : augmentation des taux en 2022 et augmentation des bases pour 2023.

La présente proposition de loi vise ainsi à modifier le régime actuel de la TEOM qui présente de nombreux inconvénients.

Il s’agit en effet d’une taxe mal connue et mal comprise dont la base fiscale est injuste, parce qu’obsolète, en l’absence de révision des valeurs locatives. Cette taxe ne tient par ailleurs pas compte de la composition du foyer et pénalise, de fait, les personnes seules. Enfin, la TEOM, contrairement à la taxe foncière, ne connaît aucun abattement.

L’objectif de cette proposition de loi est donc de donner à cet impôt un caractère plus social et, in fine, plus juste.

Celle-ci vise ainsi à introduire un élément variable dans le calcul de la TEOM en fonction du nombre de personnes composant le foyer. Cette disposition permettra de prendre en compte de manière plus juste les personnes seules produisant peu de déchets. Elle permettra, de manière plus générale, de corriger le défaut majeur de cette taxe en la liant plus directement à la quantité de déchets produits.

La proposition contient une autre disposition, qui consiste à ouvrir des possibilités d’abattements. Seront visées en particulier les personnes âgées de plus de 70 ans et les personnes en situation de handicap. Cette mesure sociale, par ailleurs facile à mettre en œuvre par les services fiscaux, représentera une protection du pouvoir d’achat pour ces catégories de personnes vulnérables. Ces abattements n’impliqueront pas nécessairement une perte de recettes pour les collectivités du bloc communal, qui restent libres pour la fixation des taux, mais entraîneront une répartition différente, et plus juste, de l’impôt.

Cette proposition prévoit, enfin, qu’un rapport soit produit par le Gouvernement sur le respect de l’autonomie financière des collectivités locales.

 


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I.   mode de financement privilégié du service de collecte et de traitement des déchets des ménages, la TEOM a été dotée d’un caractère incitatif

L’article L. 2224-13 du code général des collectivités territoriales (CGCT) dispose que « les communes, la métropole de Lyon ou les EPCI assurent, éventuellement en liaison avec les départements et les régions, la collecte et le traitement des déchets des ménages ». Toutefois, cette compétence peut être déléguée, puisque « les communes peuvent transférer à un EPCI ou à un syndicat mixte » tout ou partie de la compétence de collecte et de traitement des déchets des ménages. De plus, « à la demande des communes et des EPCI qui le souhaitent, le département peut se voir confier la responsabilité du traitement et des opérations de transport qui s’y rapportent ».

1.   Les différents outils de financement du service de collecte et de traitement des déchets ménagers ou assimilés

Les communes et les EPCI qui exercent la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers et assimilés disposent de plusieurs outils pour financer leurs activités.

● La plupart des communes et des intercommunalités ont institué une taxe d’enlèvement des ordures ménagères ([2]) (TEOM) pour financer les dépenses de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés dans la mesure où celles‑ci ne sont pas couvertes par des recettes ordinaires n’ayant pas le caractère fiscal. La TEOM représente le moyen privilégié pour les collectivités de financer le service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés (en 2021, 93,8 % des recettes de la fiscalité liée à ce service public provenaient de la TEOM).

La TEOM est une taxe annexe à la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), puisqu’elle porte sur « toutes les propriétés soumises à la TFPB ou qui en sont temporairement exonérées ainsi que sur les logements des fonctionnaires ou employés civils et militaires ».

L’assiette de la TEOM est celle du foncier bâti, c’est-à-dire le revenu net égal à la moitié de la valeur locative cadastrale de la propriété. Les communes et les EPCI peuvent toutefois décider de plafonner les valeurs locatives de chaque local à usage d’habitation dans la limite d’un montant qui ne peut être inférieur à deux fois le montant de la valeur locative moyenne communale des locaux d’habitation.

Le taux de la TEOM est fixé par les communes et les EPCI. Toutefois, ainsi que l’a rappelé le Conseil d’État dans plusieurs décisions ([3]), le taux de TEOM doit être fixé de telle manière qu’il ne procure pas des recettes disproportionnées par rapport au montant des dépenses exposées par la collectivité locale pour assurer le service public de collecte et de traitement des déchets. La jurisprudence a ainsi établi une autorisation de disproportion de 15 % entre les recettes de TEOM et les dépenses éligibles.

Enfin, les services fiscaux responsables du recouvrement ajoutent au montant de la cotisation de TEOM des frais de dégrèvements et de non-valeurs (3,6 %) ainsi que des frais d’assiette et de recouvrement (4,4 %) et assurent, en contrepartie, le versement de l’intégralité de la somme votée à la collectivité, quel que soit le recouvrement effectif ([4]).

● Les collectivités peuvent également opter pour une redevance d’enlèvement des ordures ménagères ([5]) (REOM) calculée en fonction du service rendu : la redevance est instituée par la commune ou l’EPCI qui en fixe le tarif et est recouvrée par les services de la collectivité. La REOM représente moins de 4 % des recettes de la fiscalité relative au service public de collecte et de traitement des déchets ménagers et assimilés.

Tous les usagers effectifs du service d’élimination des déchets ménagers et assimilés sont redevables de la REOM, ce qui signifie qu’elle n’est pas due par les personnes qui n’utilisent pas le service, sous réserve qu’ils puissent en établir la preuve. La redevance doit être fixée à un niveau tel que son produit équilibre exactement les charges du service rendu. L’institution de la REOM entraîne la suppression de la TEOM et de la redevance pour l’enlèvement des déchets des terrains de camping et de caravanes ([6]), les deux dispositifs ne pouvant pas se cumuler.

● Enfin, il demeure possible aux communes et EPCI exerçant la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers et assimilés de mobiliser directement les ressources de leur budget général. En effet, lorsque la collectivité ne souhaite pas mettre en place un financement spécifique au service de l’élimination des déchets, elle peut financer cette compétence par des ressources tirées du budget général. Toutefois, les ressources du budget général peuvent venir compléter celles de la TEOM, ou très exceptionnellement celles de la REOM (le principe étant dans ce dernier cas l’interdiction pour les collectivités de financer un tel service par leur budget propre) ([7]).

● Par ailleurs, le code général des collectivités territoriales prévoit également la mise en place de redevances particulières pour certains déchets. Ainsi, les communes et les EPCI qui exercent la compétence relative à la collecte et au traitement des déchets ménagers et assimilés peuvent :

– instituer une redevance spéciale ([8]) (RS) pour financer la collecte des déchets assimilés uniquement, c’est-à-dire des déchets ménagers qui ne sont pas produits par des ménages, mais par des entreprises ou des administrations : depuis la loi de finances rectificative pour 2015 ([9]), la mise en place de cette redevance n’est obligatoire que si la collectivité exerce la compétence et n’a mis en place ni la TEOM ni la REOM dans la mesure où ces deux dispositifs permettent depuis 2015 de financer la collecte des déchets assimilés. Dans la même logique, la RS ne peut être instituée en même temps que la REOM, tandis que les personnes s’acquittant de la RS peuvent être exonérées de la TEOM sur simple décision du conseil municipal. La RS est payée par toute entreprise ou administration, localisées dans le périmètre de la collectivité et dont les déchets assimilés sont éliminés dans le cadre du service public. Elle est calculée en fonction de l’importance du service rendu, notamment de la quantité de déchets gérés, mais peut être fixée de manière forfaitaire pour la gestion de petites quantités de déchets ;

– instituer une redevance pour l’enlèvement des déchets provenant des terrains de camping et de caravanes ([10]) : il s’agit d’une redevance spécifiquement perçue auprès des exploitants de ces terrains et calculée en fonction du nombre de places disponibles. En cas d’institution de cette redevance, la TEOM n’est plus applicable à ces terrains. De plus, si la collectivité décide de mettre en place la RS, celle-ci se substitue à la redevance d’enlèvement des déchets de campings. Son recouvrement est effectué directement par la collectivité.

2.   L’instauration d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés

La loi dite du « Grenelle de l’environnement » ([11]) du 3 août 2009 a instauré pour la première fois un principe de tarification incitative dans le cadre du financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés. Son article 46 dispose que l’État doit mettre en œuvre « un cadre législatif permettant l’instauration par les collectivités territoriales compétentes d’une tarification incitative pour le financement de l’élimination des déchets des ménages et assimilés. La REOM et la TEOM devront intégrer, dans un délai de cinq ans, une part variable incitative devant prendre en compte la nature et le poids et/ou le volume et/ou le nombre d’enlèvements des déchets ».

D’une manière générale, la REOM est calculée en fonction du service rendu. Si la collectivité fait le choix de fixer une tarification en fonction du poids ou du volume de déchets, elle est alors dite incitative. À l’inverse, la TEOM étant assise sur la taxe foncière, elle n’est pas de nature incitative. La loi de finances pour 2012 ([12]) a autorisé les communes et les EPCI compétents en matière de collecte des déchets à mettre en place, en complément de la part fixe de la TEOM assise sur taxe foncière, une part incitative assise sur la quantité et éventuellement la nature des déchets produits, exprimée en volume, en poids et en nombre d’enlèvements. Il est possible de combiner plusieurs de ces critères, afin de mieux appréhender la réalité des déchets collectés pour chaque local. La part incitative est déterminée en multipliant la quantité de déchets produits pour chaque local imposable l’année précédant celle de l’imposition par un ou des tarifs par unité de quantité de déchets produits. Les montants de ces tarifs peuvent être différents selon la nature des déchets ou le mode de collecte.

La part incitative s’ajoute à la part fixe déterminée dans les conditions habituelles de la TEOM, et doit représenter entre 10 % et 45 % du produit total de la taxe. Afin de limiter l’impact pour les contribuables de la mise en place de la part incitative lors de la première année d’application de celle-ci, le CGI prévoyait que le produit total de la TEOM (part fixe et incitative) ne pouvait excéder le produit total de la TEOM l’année précédente. La loi de finances rectificative pour 2013 ([13]) a également autorisé les communes et les EPCI à exonérer les constructions nouvelles et les reconstructions de la part incitative de TEOM pour une année.

Cette part incitative de la TEOM vise à encourager financièrement les redevables à produire moins de déchets, en privilégiant par exemple le réemploi des produits, l’achat de produits moins générateur de déchets (moins d’emballages ou de produits jetables), ou encore l’achat de produits recyclables ou faciles à valoriser (produits biodégradables ou transformables en compost), grâce à un tri pratiqué en amont de la collecte. Ce mécanisme permet aux redevables ayant un comportement plus responsable d’un point de vue écologique d’être soumis à une TEOM moins élevée que les redevables qui produisent de grandes quantités de déchets, dont le traitement ultérieur sera coûteux ou polluant.

ÉVOLUTION DE LA FISCALITÉ RELATIVE AU SERVICE PUBLIC DE COLLECTE ET DE TRAITEMENT DES DÉCHETS MÉNAGERS ET ASSIMILÉS

(en millions d’euros)

Impôts ou redevances

2017

2018

2019

2020

2021

TEOM

6 796

6 923

7 016

7 141

7 436

 dont TEOM incitative

13

21

28

34

36

REOM

290

284

289

282

297

Redevance spéciale

203

222

223

206

195

Source : commission des finances, données DGFiP.

3.   Les réformes de la TEOM intervenues depuis 2019 se sont principalement concentrées sur la réduction des quantités de déchets produits

La loi de finances pour 2019 ([14]) a entrepris une réforme de la TEOM visant, d’une part, à préciser la définition des dépenses éligibles à son financement et, d’autre part, à faciliter la mise en place par les collectivités territoriales de la part incitative de la TEOM. La loi de finances pour 2021 ([15]) a quant à elle assoupli les conditions de mise en place de cette même part incitative.

a.   La modification du champ des dépenses prises en compte pour le calcul de la TEOM

L’article 23 de la loi de finances pour 2019 a modifié l’article 1520 du CGI afin d’élargir le champ des dépenses éligibles pour déterminer le montant de la TEOM aux dépenses liées à la définition et aux évaluations du programme local de prévention des déchets ménagers et assimilés. Ce programme doit être mis en place par les collectivités territoriales responsables de la collecte ou du traitement des déchets ménagers et assimilés, et doit indiquer les objectifs de réduction des quantités de déchets et les mesures mises en place pour les atteindre.

Cet article précise également la nature des dépenses pouvant être prises en compte pour le calcul de la TEOM. Ainsi, les dépenses du service de collecte et de traitement des déchets recouvrent :

– les dépenses réelles de fonctionnement, c’est-à-dire l’ensemble des dépenses de fonctionnement après déduction des opérations d’ordre comptable (prestations internes, dotations aux amortissements, report du déficit de fonctionnement, etc.) ;

– les dépenses de fonctionnement au titre des dotations aux amortissements des immobilisations lorsque, pour un investissement, la taxe n’a pas pourvu par le passé aux dépenses réelles d’investissement correspondantes ;

– les dépenses réelles d’investissement lorsque, pour un investissement, la taxe n’a pas pourvu par le passé aux dépenses de fonctionnement constituées des dotations aux amortissements des immobilisations correspondantes.

Enfin, afin de garantir le respect de ce champ des dépenses et de responsabiliser les collectivités territoriales, la loi de finances pour 2019 a mis à leur charge les dégrèvements faisant suite à la constatation par une décision de justice de l’illégalité de la délibération ([16]). L’illégalité doit être fondée sur la seule circonstance que le produit de la taxe et son taux sont disproportionnés par rapport au montant des dépenses éligibles à la TEOM.

b.   La facilitation de la mise en place par les collectivités territoriales d’une part incitative

L’article 23 de la loi de finances pour 2019 a par ailleurs opéré des modifications du CGI afin d’inciter les collectivités locales à mettre en place une part incitative de TEOM.

Ainsi, l’article 1636 B undecies du CGI autorise désormais que le produit total de la TEOM puisse excéder, dans une limite de 10 %, le produit de la taxe de l’année précédente, afin de permettre la prise en compte du surcoût qu’occasionne la mise en place de la part incitative. Il a ainsi mis fin à l’interdiction de dépassement qui existait auparavant.

En outre, la loi de finances pour 2019 a mis en place une baisse globale des frais de gestion perçus par l’État au titre des cinq premières années au cours desquelles est mise en œuvre la part incitative de la TEOM de 8 % à 3 % ([17]). Ainsi, les frais d’assiette et de recouvrement passent de 4,4 % à 1 % et les frais de dégrèvements et de non-valeurs de 3,6 % à 2 %.

Enfin, l’autorisation donnée par la loi de finances rectificative pour 2015 ([18]) aux communes et à leurs groupements d’instituer la part incitative de la TEOM sur une partie seulement de leur territoire a été portée à une durée maximale de cinq à sept ans ([19]) par l’article 135 de la loi de finances pour 2021 afin de donner plus de souplesse aux collectivités. En effet, à l’issue de cette période, la taxe est soit généralisée pour l’ensemble du territoire communal ou intercommunal, soit entièrement supprimée.


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II.   La présente proposition de loi tend à rendre la TEOM PLUS ÉQUITABLE ET ACCEPTABLE

Cette proposition de loi porte une mesure de pouvoir d’achat, visant à réduire la TEOM des personnes vivant seules, âgées ou en situation de handicap.

1.   L’article 1er : une réforme de la TEOM pour prendre en compte la composition du foyer et la situation de vulnérabilité de certains contribuables

En premier lieu, l’article 1er propose de scinder la TEOM en une part fixe et une part variable reposant sur le nombre de personnes qui composent le foyer.

Cette part variable est déterminée en multipliant le nombre de parts composant le foyer par un tarif fixé chaque année par délibération prise dans les conditions de droit commun. Le tarif de la part variable doit être fixé de manière à ce que le produit soit compris entre 10 % et 30 % du produit total de la taxe.

Comme les auditions l’ont démontré, il est difficile d’identifier finement la quantité ou la nature des déchets produits par un foyer. Il est donc nécessaire, afin de rendre la TEOM plus équitable, de recourir à des indicateurs efficaces. Le nombre de personnes composant le foyer ne constitue pas un indicateur parfait d’un point de vue écologique sur la gestion des déchets par le foyer. Mais il est plus proche de la réalité que la valeur locative, qui est utilisée à ce jour pour calculer l’assiette de la TEOM. Bien qu’une famille puisse adopter des comportements plus vertueux qu’un célibataire dans la gestion de ses déchets domestiques, dans la majorité des cas, la famille produira davantage de déchets que la personne seule.

En second lieu, il est proposé d’instituer un abattement d’un quart de la TEOM au profit des personnes en situation de handicap ou âgées de plus de soixantedix ans.

En effet, la valeur locative est régulièrement critiquée pour son décalage avec la réalité du marché immobilier. Or, la révision de la valeur locative des locaux d’habitation (RVLLH) est reportée de deux ans par la loi de finances pour 2023, promulguée le 30 décembre 2022. Son article 106 prévoit ainsi que la prise en compte des résultats de la RVLLH dans les rôles d’imposition est reportée de 2026 à 2028 et que la révision sexennale des valeurs locatives est reportée de 2029 à 2031. Cet article avait été supprimé par le Sénat, qui a estimé justement que si le report de deux ans de la révision sexennale des valeurs locatives des locaux professionnels (RVLLP) était justifié par d’importantes difficultés techniques (notamment dans la collecte des loyers), il était prématuré s’agissant de la RVLLH. Pourtant, le Gouvernement a rétabli cet article dans la première partie du texte considéré comme adopté en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Ce caractère obsolète des valeurs locatives pose un problème d’autant plus important que la loi prévoit leur revalorisation automatique sur la base de l’inflation. Ainsi, en 2022, la TEOM augmenterait de 5,07 %, et de 7,5 % en 2023. Le poids de la TEOM augmenterait ainsi de près de 1 milliard d’euros sur les exercices 2022 et 2023 cumulés.

Hypothèse de progression des recettes fiscales en 2022 et 2023
pour le bloc communal

(en milliards d’euros et en %)

 

2021

2022

2023

2021/2022

2022/2023

TFPB

34,8

36,65

39,58

5,3 %

+ 1,85

8 %

+ 2,93

TEOM

7,45

7,83

8,42

5,07 %

+ 0,36

7,5 %

+ 0,59

Source : rapport du rapporteur général Jean-René Cazeneuve sur le projet de loi de finances pour 2023 en nouvelle lecture.

Il devient dès lors nécessaire d’amorcer par d’autres outils une modernisation de l’assiette de la TEOM, sans attendre la mise à jour des valeurs locatives et sans attendre une hypothétique baisse des taux d’impôts locaux qui viendrait compenser le fort dynamisme spontané des bases fiscales.

Cette assiette obsolète pourrait ainsi être rendue plus équitable par l’instauration d’allègements fiscaux. Les contribuables modestes bénéficient ainsi de certains allègements à la TFPB et à la taxe d’habitation sur les résidences secondaires (THRS).

D’abord, les bénéficiaires de certains minima sociaux (allocation de solidarité aux personnes âgées ou allocation supplémentaire d’invalidité) sont exonérés de TFPB en application de l’article 1390 du CGI.

En outre, dans la limite de seuils de revenu fiscal de référence (RFR) :

– cette exonération est étendue aux titulaires de l’allocation aux adultes handicapées (AAH) ;

– les redevables âgés de plus de 75 ans sont également exonérés (article 1391 du CGI) ;

– les redevables de plus de 65 ans (article 1391 B du CGI) ou les redevables hébergées dans certains établissements et n’ayant pas leur autonomie de vie (article 1391 B bis du CGI) bénéficient d’un dégrèvement de 100 euros. Ils sont aussi exonérés de THRS sous les mêmes conditions de revenu et de cohabitation (article 1414 B du CGI) ;

– les redevables bénéficient d’un dégrèvement égal à la fraction de la cotisation supérieure à 50 % du montant des revenus (article 1391 B ter du CGI).

Aucun allègement semblable n’est prévu dans le code général pour la TEOM, alors qu’il s’agit d’une taxe annexe à la TFPB, qui pèse sur les mêmes contribuables et porte sur la même assiette, à savoir la valeur locative diminuée de 50 % (article 1522 du CGI). La seule possibilité prévue par le droit est celle pour une commune ou un EPCI de plafonner, par délibération, les valeurs locatives de chaque local à usage d’habitation à un montant qui ne peut être inférieur à deux fois le montant de la valeur locative moyenne communale (ou intercommunale, selon le cas) des locaux d’habitation. En tout état de cause, aucun dispositif de personnalisation de cet impôt local n’est prévu.

Il ressort des auditions que la gestion par les services fiscaux de la TEOM est étroitement liée à celle de la TFPB, s’agissant d’une taxe annexe. Il serait donc possible d’un point de vue opérationnel de mettre en œuvre un nouvel abattement à la TEOM tel que celui proposé par l’article 1er de cette proposition de loi.

Il pourrait être objecté que, dans l’hypothèse où le propriétaire répercute sa TEOM sur le locataire (elle est incluse dans les charges récupérables), ce dernier bénéficie de la situation particulière du propriétaire éligible à l’abattement ou membre d’une famille nombreuse. Il y a un risque de rupture d’égalité entre locataires, mais il semble réduit dans la mesure où le choix du propriétaire de répercuter ou nom la TEOM dans les charges récupérées introduit déjà une différence entre les locataires.

2.   L’article 2 : une réforme qui vise à renforcer l’information du Parlement sur l’impact de la fiscalité locale

L’article 2 de la présente proposition de loi prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur la fiscalité des collectivités territoriales et l’effectivité du principe constitutionnel de libre administration de ces dernières. Afin de mieux cibler cette demande de rapport, le rapporteur propose d’adopter un amendement qui recentre le rapport remis sur l’incidence de la fiscalité locale sur le pouvoir d’achat des ménages.

En effet, les réformes successives de la fiscalité locale ont contribué à appauvrir la qualité et la quantité des données disponibles relatives à la fiscalité locale. À titre d’exemple, la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales (THRP) a entraîné la disparition de la donnée relative au foyer fiscal au sens de la TH qui est différente du foyer fiscal au sens de l’impôt sur le revenu (IR). Or, cette donnée aurait pu être précieuse pour mettre en œuvre une part variable de la TEOM comme proposé à l’article 1er de la présente proposition de loi.

Sur le sujet particulier de la TEOM, l’administration fiscale fait état de son incapacité à déterminer la part des ménages et celle des entreprises redevables de cet impôt. Ainsi, l’administration classe par convention la TEOM parmi les « impôts ménage », mais échoue à distinguer, d’après l’audition menée par le rapporteur, les différentes catégories de contribuables à la TEOM.

Le rapporteur observe pourtant que cette répartition paraît connue de l’administration s’agissant de la TFPB. Elle paraît pouvoir être suivie en fonction de la nature du local imposé (local d’habitation d’une part, local professionnel ou industriel d’autre part). Ainsi, l’évaluation préalable des articles du projet de loi de finances pour 2021 (qui prévoyait une baisse de 50 % de la valeur locative des établissements industriels) avançait que 110 000 locaux industriels représentaient un montant de cotisation de TFPB d’environ 3,5 milliards d’euros, soit 27 % du produit total de cette taxe. Le produit lié à la TFPB des entreprises dans leur ensemble et des ménages peut donc être décomposé finement.

De manière générale, il n’y a pas d’information consolidée et exhaustive de la perte de pouvoir d’achat des ménages induite par la fiscalité locale. Une telle information serait d’utilité publique tant pour les citoyens que pour les collectivités locales elles-mêmes.

3.   L’article 3 : une réforme qui ne doit pas réduire les recettes locales

L’objet de cette réforme n’est pas non plus de réduire les recettes des collectivités locales, notamment dans un contexte d’inflation élevée, notamment en matière énergétique. Pour cette raison, le Rapporteur propose d’adopter un amendement à l’article 3 (en l’état, un simple « gage » dans le cadre des règles de recevabilité induites par l’article 40 de la Constitution) qui crée une réelle compensation du montant de l’abattement. Le principe habituel en matière de finances locales est que l’État ne compense pas les collectivités pour des allègements facultatifs d’impôts locaux, mais compense une exonération ou un abattement imposé par la loi au profit de certains contribuables au regard de leur situation particulière. Cette doctrine est suivie par les commissions des finances des deux assemblées. Or, il s’agit ici d’un abattement qui serait prévu par la loi et qui ne serait pas laissé au choix des collectivités. Elles doivent donc être compensées.

Le plus souvent, le montant de la compensation est calculé sur le fondement des bases de l’année en cours et des taux de l’année précédente. L’amendement proposé par le rapporteur reprend ces modalités. La compensation serait donc calculée sur le fondement des bases de l’année en cours et des taux de l’année 2023.

Le rapporteur observe cependant que, dans le moyen terme, cette mesure ne devrait pas entraîner de baisse sensible de la TEOM pour les collectivités. Si l’effet global sur les recettes est difficile à discerner, il pourrait à la fois accroître l’impôt des familles nombreuses et diminuer celui de personnes vivant seules, âgées ou vulnérables. Toutefois, la jurisprudence administrative lie le taux de la TEOM et le montant des dépenses à financer au titre du service de collecte et de traitement des déchets : le taux ne doit pas être disproportionné ([20]). En cas de baisse sensible de la TEOM dans une commune, un réajustement par les taux devrait donc logiquement intervenir. Plus qu’une baisse de produit fiscal, c’est donc plutôt une redistribution de la charge de l’impôt qui est proposée par la présente proposition de loi, dans une perspective de renforcement du pouvoir d’achat et de juste répartition de la charge de l’impôt.

Par ailleurs, le rapporteur observe qu’il serait même possible d’augmenter le rendement de la TEOM sans coût supplémentaire pour les contribuables, en réduisant les frais de gestion que l’État perçoit sur cet impôt. En effet, en tant que collecteur des impôts locaux, l’État garantit aux collectivités la perception du produit voté, et prend donc à sa charge les impayés. Pour autant, il reste possible de réduire ces frais de gestion, voire de les rétrocéder aux collectivités, comme cela a déjà été prévu à plusieurs occasions.

 


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   Travaux en commission

   Discussion générale

Lors de sa réunion du mercredi 14 décembre 2022, la commission examine la proposition de loi modifiant le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et invitant le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale (n° 583) (M. Sébastien Chenu, rapporteur).

M. le président Éric Coquerel. La proposition de loi modifiant le calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères (Teom) et invitant le Gouvernement à une refonte de la fiscalité locale est inscrite à l’ordre du jour de la journée de séance réservée au groupe Rassemblement national du jeudi 12 janvier 2023.

Je souhaite la bienvenue dans notre commission à M. Sébastien Chenu, que nous avons désigné pour en être le rapporteur.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Je vous remercie de m’accueillir dans votre belle commission.

Notre proposition de loi fait écho aux difficultés persistantes et croissantes que rencontrent nombre de nos concitoyens face à la lourdeur et à la constante progression de la fiscalité locale. J’ai perçu ces échos récurrents lorsque j’étais conseiller d’une communauté d’agglomération qui a inscrit une Teom dans son programme et dans ses équilibres financiers. Alors que leur pouvoir d’achat est affecté, nos concitoyens estiment difficile de souscrire à cette hausse de la fiscalité.

La suppression de la taxe d’habitation, voulue par le président Macron, a eu des conséquences en cascade. Les propriétaires, en particulier, constatent un alourdissement de leurs impôts locaux. La suppression de la taxe d’habitation a également amoindri les marges de manœuvre fiscales des collectivités, réduisant parfois du même coup leur autonomie financière. Leurs marges de manœuvre budgétaires sont d’autant plus contraintes que le Gouvernement a refusé d’indexer les dotations de l’État sur l’inflation, laquelle a d’autres conséquences pour les dépenses des collectivités, comme l’augmentation des prix de l’énergie et des marchés publics. Les collectivités sont donc tentées d’augmenter le taux de la fiscalité locale, sans que l’État compense à hauteur de l’inflation.

C’est dans ce contexte inquiétant que nous proposons de réformer le mode de calcul de la Teom.

Lors de nos auditions, Amorce, association de collectivités pour la gestion territoriale des déchets, la transition énergétique et la gestion durable de l’eau, a présenté une enquête dont il ressort qu’en 2022, 77 % des collectivités ont augmenté la Teom au-delà de 5 % et que plus de la moitié l’ont augmentée de plus de 10 %. Ce n’est pas neutre, d’autant que cette augmentation se double de celle, sensible, de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, laquelle est au profit de l’État, et s’ajoutera à l’augmentation mécanique des bases foncières en 2023. Car la Teom est une sorte d’impôt additionnel à la taxe foncière. Toutes deux partagent la même assiette et sont payées par les propriétaires. Les valeurs locatives étant indexées sur l’inflation, cette dernière aura une incidence considérable à la fois sur la taxe foncière et sur la Teom. Il y aura donc une double peine pour les propriétaires : une augmentation des taux en 2022 et une augmentation des bases en 2023. Nous en entendrons parler par nos électeurs !

Et tout cela pour quels résultats et quelle justice fiscale ? L’actuelle Teom présente plusieurs inconvénients. D’abord, comme de nombreuses autres taxes, elle est mal connue et mal comprise. On pense qu’elle dépend du volume d’ordures ménagères ramassées, alors qu’elle est liée à la taxe foncière, donc à la valeur locative de la parcelle et non à ce qui s’y passe. Ensuite, sa base fiscale est injuste : n’étant pas corrélée à la quantité des déchets produits, elle pénalise souvent les personnes seules. Certes, les collectivités peuvent opter pour une taxe incluant une part incitative. Toutefois, cette disposition n’a pas trouvé le succès attendu. Cette base fiscale est également injuste car obsolète en l’absence de révision des valeurs locatives. Enfin, contrairement à la taxe foncière, la Teom n’offre pas de possibilité d’abattement.

Telles sont les raisons pour lesquelles cette proposition de loi et la réflexion qu’elle ouvre sont soumises à votre discussion.

L’objectif n’est pas de renforcer le caractère incitatif de la Teom ou son caractère environnemental. Il s’agit de lui conférer un caractère plus social, en apportant une bouffée d’oxygène dans la fiscalité supportée par nos compatriotes, alors que 2023 sera une année compliquée pour les contribuables propriétaires.

La proposition de loi vise à introduire dans la Teom un élément variable suivant le nombre de personnes composant le foyer. Cette disposition permettra de mieux prendre en compte la situation des personnes seules, lesquelles produisent par définition peu de déchets, et plus généralement de corriger l’inconvénient majeur de cette taxe en la liant davantage à la quantité de déchets produite.

Une autre disposition consiste à ouvrir des possibilités d’abattement pour les plus de 70 ans et les personnes en situation de handicap. Cette mesure sociale – aisée à appliquer par les services fiscaux, ainsi qu’ils nous l’ont confirmé – représentera une protection de leur pouvoir d’achat, sans entraîner de perte de recettes pour les collectivités du bloc communal, qui restent libres de fixer les taux mais appliqueront une répartition différente et plus juste de cet impôt. Cette disposition n’est pas née du hasard, mais s’appuie sur les remontées de terrain.

La proposition de loi prévoit aussi la production par le Gouvernement d’un rapport sur le respect de l’autonomie financière des collectivités locales. Nous en reparlerons.

Elle n’a pas de caractère idéologique, mais ouvre une réflexion sur la fiscalité locale. À cet égard, je regrette que seuls des amendements de suppression aient été déposés. Un chantier se trouve devant nous, pour une fiscalité plus juste et moins pénalisante. Notre tâche consiste à faciliter le consentement à l’impôt, en particulier grâce à sa juste répartition.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Permettez-moi de corriger quelques inexactitudes. Vous nous reprochez de ne pas avoir indexé les dotations sur l’inflation, mais votre groupe a défendu un amendement visant à limiter à 2 % la hausse du montant des valeurs locatives – donc à limiter les ressources des collectivités –, lesquelles augmentent pourtant comme l’inflation, conformément à la loi.

Je suis prêt à faire toutes les études, missions, rapports, groupes de travail sur l’autonomie financière des collectivités territoriales, mais je vous renvoie aux travaux conduits en 2018, dans cette commission, par nos collègues Charles de Courson et Christophe Jerretie. Ces travaux montrent clairement que l’autonomie financière des communes n’a pas baissé. Cette autonomie n’est pas un concept philosophique. Elle répond à des règles précises de calcul. Arrêtons d’affirmer des inexactitudes.

Les élus doivent assumer leur responsabilité s’agissant de la fixation des taux de fiscalité locale. Concernant la Teom comme la taxe foncière, ils ont une liberté de choix. L’on ne peut pas systématiquement incriminer l’État quand les taux montent, et saluer la bonne gestion des communes quand ils baissent. Chacun doit prendre ses responsabilités. J’ai trop de respect pour le travail de nos élus, pour leur pratique de la libre administration et de l’autonomie des collectivités territoriales, inscrite dans la Constitution, pour caricaturer le lien entre la fiscalité définie par les élus et la responsabilité supposée de l’État dans la fixation de ses taux.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. L’autonomie financière des collectivités prend en compte les impôts nationaux qui leur sont transférés et dont elles ne peuvent pas modifier les taux. Vous dites que l’autonomie financière des collectivités est en hausse, mais elle est assez contrainte – tout comme l’est la Teom, dont les associations nous ont indiqué qu’elle était un outil de libre administration « sous contrôle étroit ». Elle participe à la libre administration des collectivités locales, mais le juge contraint cette liberté. On peut en discuter, mais c’est bien une liberté sous contrainte.

Mme Patricia Lemoine (RE). Si importants que soient les sujets abordés par la proposition de loi, un tel chantier ne peut être le fruit que de profondes réflexions issues d’un travail collectif entre les associations d’élus, la représentation nationale et le Gouvernement. Or le Rassemblement national n’adopte pas cette démarche et ses propositions engendreraient d’importants effets contre-productifs.

S’agissant de la modification du calcul de la Teom, l’intégration d’une part variable tenant compte de la composition du foyer sanctionne directement les familles nombreuses, ce que notre groupe ne souhaite pas car ce sont souvent elles qui se heurtent à des difficultés de pouvoir d’achat. De surcroît, votre proposition n’intègre pas les quantités de déchets ménagers produites. Une famille avec trois enfants en produit parfois moins qu’un foyer de deux personnes. L’abattement généralisé est inadapté, car les publics visés ne produisent pas nécessairement moins de déchets – Amorce a même affirmé qu’ils en produisaient plus que les autres.

Votre proposition de loi est incohérente et en contradiction avec la demande de rapport prévue à l’article 2 qui vise à défendre la fiscalité locale et la libre administration des collectivités, puisque vous imposez deux mécanismes nationaux sans tenir compte des spécificités locales et sans concertation. En réalité, vous muselez les collectivités territoriales, notamment les EPCI (établissements publics de coopération intercommunale) !

Votre texte ne répondant ni aux attentes des ménages ni à celles des collectivités territoriales, nous défendrons des amendements de suppression de ses trois articles.

M. Frédéric Cabrolier (RN). Dans mon EPCI, sous couvert d’harmonisation de la Teom, la présidente de l’agglomération et son exécutif ont augmenté les taux de la taxe foncière et défini un taux intercommunal pour la même taxe. Avec la suppression de la taxe d’habitation, les collectivités et les EPCI n’ont plus vraiment de pouvoir sur les taux. Un abattement selon la composition du foyer fiscal est donc une bonne piste.

M. Cazeneuve considère que nous nous attaquons à la libre administration des collectivités. Mais un récent rapport de la Cour des comptes observe que, depuis 2017, celles-ci ont perdu 25 points de fiscalité locale – qui représentent 50 milliards d’euros, transférés notamment vers la TVA. Il faut au moins revoir le calcul de la Teom.

M. Michel Sala (LFI-NUPES). La Teom est un sujet d’autant plus important que la situation économique, avec l’inflation et les coûts de l’énergie, risque d’alourdir le coût de ce service public essentiel. Les trois quarts des collectivités pensent l’augmenter de 5 à 10 %. La proposition de loi ne répond pas aux enjeux, et les solutions apportées sont peu claires.

L’exposé des motifs énonce d’abord un principe philosophique : le consentement à l’impôt est le pilier de notre démocratie. S’il faut citer, comme il le fait, la Révolution française comme base théorique, cela devrait être pour en rappeler l’esprit : l’impôt doit être égalitaire si l’on ne veut pas provoquer un fort sentiment d’injustice. Si l’impôt est le symbole de la citoyenneté, il faut ajouter qu’il s’exprime de chacun selon ses moyens à chacun selon ses besoins.

Or l’article 1er crée une nouvelle inégalité devant l’impôt, puisqu’il n’envisage pas de le rendre plus progressif. Il tend à conserver une part fixe et à la compléter d’une part variable selon le nombre de personnes vivant dans le logement. Une famille nombreuse soucieuse de sa production de déchets aura une Teom supérieure à celle d’une personne seule et productrice de déchets en quantité. Pourtant, ce sont souvent les familles nombreuses dont le pouvoir d’achat est plus limité, en particulier dans un contexte de crise.

La proposition de loi prévoit un abattement pour les personnes en situation de handicap ou de plus de 70 ans, sans tenir compte de leurs revenus. Cette nouvelle disposition ferait-elle varier la charge à la baisse, et de façon juste ? Rien n’est moins sûr.

Le texte laisse aussi de côté le fait que les communes qui ont choisi la Teomi – la Teom incitative – ou la Reom (redevance d’enlèvement des ordures ménagères) ont déjà la possibilité de prendre en compte le nombre de personnes par logement. Sur ce point, la proposition de loi est donc redondante.

Enfin, l’augmentation de la Teom s’explique aussi par le fait qu’au fil des réformes fiscales qui réduisent leur budget, les communes n’ont plus de marge de manœuvre et se tournent exclusivement vers leurs administrés. Elles leur font aussi souvent compenser les charges qui reviennent aux industriels, premiers producteurs de déchets. Or rien n’est proposé pour inciter à améliorer le traitement de ces derniers. Réfléchir à la façon de rendre le cycle des déchets plus vertueux aurait été une bonne initiative et aurait posé les bonnes questions, sans stigmatiser une fois de plus les contribuables. Obliger les industriels à réduire le volume des emballages ou augmenter les moyens des collectivités en taxant progressivement les richesses aurait été une piste.

Nous voterons contre cette proposition de loi qui ne correspond à aucun de nos engagements.

M. Fabrice Brun (LR). La proposition de loi aborde un sujet concret dont nous avons tous été saisis, sur le terrain, par nos concitoyens. Force est de reconnaître que le mode de calcul de la Teom pénalise les personnes seules vivant dans un grand logement. En proposant de le réviser, ce texte a le mérite d’ouvrir la réflexion et de soulever des questions intéressantes. Pourtant, nous ne le voterons pas, car son sujet est l’arbre qui cache la forêt : le problème de fond est la hausse brutale de la Teom, liée à la forte augmentation de la TGAP. À celle-ci, notre groupe dit stop ! Non seulement elle complique la vie des collectivités chargées de la gestion des déchets, mais elle grève le budget des Français, déjà touché par la hausse du prix de l’énergie. Nous dénonçons à nouveau l’hypocrisie de la TGAP, davantage versée au budget général de l’État que consacrée à des actions ciblées de lutte contre les pollutions, et nous appelons de nos vœux une refonte de la fiscalité locale, en concertation avec les collectivités.

M. Luc Geismar (Dem). Au premier abord, l’article 1er de la proposition de loi semble une mesure de justice sociale. Cependant, la refonte de la base de calcul de la Teom compliquera inéluctablement le fonctionnement de cette taxe et en dénaturerait la construction et la finalité. Sa métamorphose pourrait causer la surtaxation d’une famille nombreuse aux pratiques de tri vertueuses et bénéficier à un célibataire surproducteur de déchets. De surcroît, des régimes spécifiques d’exonération existent déjà pour les plus de 65 ans ayant de faibles revenus. Quant à l’article 2, il ne peut être considéré comme opportun au vu des nombreux rapports annuels de la Cour des comptes et de l’Observatoire des finances et de la gestion publique locales. Notre groupe votera contre cette proposition de loi.

Mme Valérie Rabault (SOC). Nous voterons contre la proposition de loi, pour trois raisons.

D’abord, vous prônez la justice sociale, mais vous faites le contraire en prévoyant une exonération pour les plus de 70 ans sans condition de revenus.

Ensuite, alors que vous défendez ailleurs les communes rurales, vous semblez oublier ici que la TGAP n’augmentera que pour les communes sans incinérateur – en l’occurrence, toutes les petites communes rurales. Dans le Tarn-et-Garonne, par exemple, cela concerne la moitié des habitants. Le seul objectif devrait être le meilleur traitement des déchets, car c’est lui qui redonnera du pouvoir d’achat à nos concitoyens. Mais il ne figure nulle part dans le texte.

Enfin, la distinction que vous proposez selon la composition des foyers entraîne une augmentation de la Teom dont vous vous êtes bien gardé d’estimer le coût et le nombre de ménages qu’elle concernera, y compris parmi ceux qui n’ont pas les revenus les plus élevés puisque vous ne vous préoccupez pas du niveau de revenu.

M. François Jolivet (HOR). Sur le fond, la Teom étant une taxe additionnelle à la taxe foncière, il est difficile d’en définir une part fixe et une part variable – d’autant que les collectivités territoriales appellent un volume financier sans distinction de composition familiale et d’âge. Les services fiscaux ont d’ailleurs indiqué, au cours d’une réunion à laquelle nous avons assisté ensemble, qu’ils ne détiennent plus le fichier population lié à la taxe d’habitation.

Par ailleurs, vous souhaitez cumuler les avantages respectifs de la Reom et de la Teom. Mais les collectivités qui choisissent de mettre en place la Reom peuvent en définir les critères de calcul – poids des déchets, composition familiale, exonération… Par ailleurs, vous ne dites pas comment serait financée ou compensée l’exonération des plus de 70 ans.

Pour ces raisons, et même si nous reconnaissons que le ménage doit être fait dans les ressources des collectivités territoriales, notre groupe est défavorable à la proposition de loi.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Les pièges grossiers de l’article 1er de la proposition de loi nous ont incités à déposer un amendement de suppression. La modification proposée est à la fois anti-écologique et anti-sociale.

Le texte du Rassemblement national ignore les comportements vertueux des citoyens. Il les pénalise, même, en dissuadant de réduire la production de déchets : une famille attentive à ses déchets risque de payer une Teom plus élevée qu’un célibataire surproducteur de déchets – que vous allez jusqu’à proposer, par un amendement de dernière minute, d’exonérer sans condition de revenus. Chassez le naturel, il revient au galop ! Votre texte reflète votre idéologie, qui vise à stigmatiser les plus précaires et les familles nombreuses dont le pouvoir d’achat est souvent plus limité, a fortiori dans un contexte de crise.

Nous n’osons penser que c’est par méconnaissance des dispositifs spécifiques existants que vous avez déposé cette proposition de loi. La redevance incitative est plus adaptée pour limiter la production de déchets et permettre aux collectivités de s’emparer pleinement de leur politique de gestion des déchets. Sans compter qu’elle est plus juste et plus lisible pour les usagers.

Nous voterons contre votre texte.

M. Jean-Marc Tellier (GDR-NUPES). Bien qu’elle soit très répandue, la Teom n’est pas la seule option dont disposent les communes et leurs groupements pour financer le service d’enlèvement des déchets. La Reom, par exemple, peut être composée d’une part fixe et d’une part variable dépendant du nombre de personnes composant le foyer. En outre, comme la Reom, la Teom présente certes des inconvénients mais aussi des avantages, dont son recouvrement. Il ne semble pas opportun de faire tendre la Teom vers un mécanisme de redevance pour lequel les collectivités peuvent déjà opter. Cette restriction réduirait les possibilités de financement de cette compétence et entraverait la libre administration des collectivités, en contradiction complète avec l’article 2 de la proposition de loi.

Notre groupe votera contre la proposition de loi, car les collectivités sont les plus à même de décider comment financer leurs services.

M. Michel Castellani (LIOT). Vous le savez, notre groupe demeure attaché au principe d’autonomie financière et fiscale des collectivités. Il ne peut donc que regretter l’évolution observée depuis 2017 et qui rogne peu à peu le lien fiscal entre citoyens et collectivités – je pense à la suppression de la taxe d’habitation (TH) ou de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE).

Le droit actuel permet déjà d’instaurer une Teom comportant une part variable qui tient compte de la quantité et de la nature des déchets produits par le foyer : la Teom incitative. La part variable qui nous est proposée ne tient pas compte de la production de déchets : elle ne me semble pas inciter les foyers à des comportements plus favorables à l’environnement.

Si l’idée de créer un abattement est bienvenue, on peut, après d’autres orateurs, s’interroger sur l’équité de celui qu’introduirait la PPL, et regretter qu’il ne prenne pas en compte les facultés contributives des foyers : toutes les personnes âgées ne sont pas précaires et toutes les personnes en situation de handicap ne sont pas bénéficiaires de l’allocation aux adultes handicapés (AAH). De plus, il ne nous est proposé aucun chiffrage concernant cet abattement.

Enfin, l’article 2 porte sur un sujet bien plus large que la seule Teom puisqu’il concerne la fiscalité locale et la libre administration des collectivités.

La PPL a l’avantage de mettre en lumière un problème concret – l’administration des collectivités – qui a trait au pouvoir d’achat des citoyens et à la qualité du service public local. Notre groupe considère cependant que le dispositif qui nous est soumis n’est pas assez abouti et manque en partie ses objectifs.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Comme Michel Castellani vient de le dire, notre proposition de loi ouvre une réflexion – dont nous ne pouvons faire l’économie. Il ne s’agit pas de rendre la Teom plus incitative, mais de prendre une mesure ciblée de pouvoir d’achat et de redistribution.

Il est prévu beaucoup d’abattements sur la taxe d’habitation, mais presque aucun sur la Teom, qui rapportait 7,4 milliards d’euros en 2021. Il y a dans notre pays peu d’impôts sans abattement, surtout quand ils représentent des sommes pareilles.

Quant à l’utilité du rapport que nous demandons, je rebondis sur les propos de Michel Castellani : ce rapport va donner des informations au Parlement. En supprimant la taxe d’habitation, on a supprimé la collecte d’informations très utiles sur la composition des foyers : on a appauvri la sphère publique en informations. Il s’agit de les récupérer.

Monsieur Sala, je le répète, il ne s’agit pas de rendre la Teom plus incitative en matière de gestion des déchets, mais bien d’une disposition de pouvoir d’achat.

Je suis évidemment d’accord avec Fabrice Brun à propos de la hausse de la TGAP ; je ne reviens pas sur les tendances haussières que nous dénonçons.

Monsieur Geismar, les abattements sont faciles à intégrer dans le dispositif de la taxe. Quant aux rapports déjà publiés, notamment par la Cour des comptes, ils ne portent pas sur ce qui nous intéresse, c’est-à-dire le poids de la fiscalité locale sur les ménages, mais sur le traitement des déchets et, en particulier, sur la Teom incitative. Nous avons donc besoin d’autres données.

Madame Rabault, il ne s’agit pas d’une exonération totale, seulement d’une part variable. Ne vous inquiétez donc pas, et faites plutôt œuvre utile : si vous pensez que le dispositif peut être complété par une mesure subordonnant au revenu le bénéfice des abattements, déposez un amendement en ce sens ! C’est tout l’intérêt de ce genre de propositions que de pouvoir connaître des évolutions.

La Reom n’est pas un système idéal. Selon les informations qui nous sont parvenues, elle est plus complexe pour l’administration fiscale ; le fait qu’elle soit fondée sur des déclarations peut nourrir sinon la fraude, du moins des difficultés à suivre les situations qui évoluent ; elle est plus lourde à gérer. J’y reviendrai à propos des amendements.

Enfin, monsieur Castellani, vous regrettez l’absence de chiffrage, mais c’est à la pallier que servirait le rapport demandé. Je le répète, la suppression de la taxe d’habitation nous prive de certaines données qui seraient utiles au chiffrage de notre projet.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Est-ce volontairement que vous avez ignoré ou éludé la question de la Teom pour les entreprises, notamment dans les métropoles ? Dans ma circonscription, la métropole prélève toujours la Teom aux entreprises, mais a supprimé le service de collecte, de sorte que les entreprises sont doublement sanctionnées : elles paient la taxe et doivent faire appel à un prestataire extérieur.

M. Philippe Lottiaux (RN). On nous objecte la redevance incitative et ses vertus. Mais, comme l’a dit le rapporteur, le but est d’améliorer le pouvoir d’achat. Or, parce que la redevance incitative est lourde à mettre en place et peut être contre-productive, elle ne sera pas instaurée avant des années dans un certain nombre de collectivités, alors que c’est dès l’an prochain que le coût du service va augmenter très sensiblement du fait de l’évolution de la TGAP et des frais facturés par les entreprises. La Teom doit couvrir ce coût en hausse. Que faire dès aujourd’hui pour le pouvoir d’achat ? C’est l’enjeu de la proposition de loi.

M. Fabien Di Filippo (LR). Je comprends le problème du pouvoir d’achat, mais je m’interroge sur les conséquences du dispositif pour nos collectivités, qui souffrent d’un manque dramatique de ressources. Si vous voulez pouvoir continuer d’investir dans le traitement des déchets, le recyclage, le service à nos habitants, ce n’est pas une question que vous pouvez cacher sous le tapis.

Le rapporteur général estime qu’à l’échelle de l’ensemble des collectivités les ressources augmentent et qu’il n’y a donc pas de problème ; mais pour les communes, notamment celles qui ont des charges de centralité, les finances sont désastreuses pour cette année, l’année prochaine et les suivantes. Certaines ne bouclent pas encore leur budget pour 2023 ! C’est peut-être cela, l’enjeu principal de notre débat.

M. Charles Sitzenstuhl (RE). Cette proposition de loi est une très mauvaise idée. Sous couvert de générosité, on prétend exonérer les plus de 70 ans sans condition de revenus, mais il va bien falloir compenser cette mesure. On va donc prendre dans la poche de l’un pour donner à l’autre. Le texte propose ainsi, en réalité, une hausse déguisée de la fiscalité sur les classes moyennes, ce qui n’est absolument pas acceptable dans le contexte actuel.

Par ailleurs, la proposition de loi témoigne d’une déconnexion totale de la réalité que vivent nos élus de terrain. En fait, beaucoup de syndicats de traitement des ordures ménagères se tournent vers la redevance incitative, qui va dans le sens de la transition écologique et d’une meilleure gestion des déchets.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je suis toujours surpris du débat sur le lien entre fiscalité et citoyenneté s’agissant des impôts locaux. Nous n’avons pas à maintenir des impôts ou à refuser leur suppression au seul motif qu’ils assureraient un lien fiscal et de citoyenneté avec les collectivités territoriales. La taxe d’habitation a été supprimée, et c’est heureux pour celles et ceux qui devaient la payer. Nous n’avons pas vocation, uniquement pour renouer ce lien, à recréer un impôt local tel que l’impôt résidentiel proposé par le président Larcher.

Je suis également très surpris que le Rassemblement national, que je croyais nataliste, nous propose ici une mesure antifamilles – puisqu’elle va pénaliser les familles nombreuses.

Enfin, la hausse des impôts locaux est de la responsabilité des élus locaux, non de l’État. Je rappelle que la taxe d’habitation a été compensée à l’euro près, contrairement à ce qui a été dit à de nombreuses reprises.

Mme Émilie Bonnivard (LR). Moi aussi, je suis étonnée de cette proposition de loi de la part du Rassemblement national. Car l’impôt, c’est aussi ce qui unit les Français, quelle que soit leur situation, dans un effort collectif national. Il ne faut donc pas déconstruire le rapport des Français à l’impôt ni faire du service public un bien de consommation comme un autre, sur le mode « je ne paie que ce que je consomme » ; sans quoi ceux qui n’ont pas d’enfant refuseront de payer la fiscalité qui finance le transport scolaire et, dans les zones touristiques, on devra calculer la Teom au prorata du temps de présence sur place de ceux qui y possèdent une résidence secondaire. Cette logique est totalement contraire à celle de l’effort de chacun au sein de la nation pour un service public acceptable pour tous.

M. Pascal Lecamp (Dem). La démonstration censée justifier la proposition de loi me paraît faussée dès le départ, dans la mesure où elle se fonde sur le pouvoir d’achat, alors qu’un texte sur la taxe d’enlèvement des ordures ménagères devrait être avant tout destiné à réduire le volume des déchets produits et à améliorer leur traitement.

Dans mon département, au sein d’un syndicat auquel adhèrent toutes les communes et collectivités, nous avons pucé l’ensemble des poubelles – jaunes et noires –, et le montant payé est fonction du nombre d’enlèvements, selon le principe de la redevance incitative. Ce système permet même de réduire le taux de la taxe pour certains ; la dégressivité permet de tenir compte de la situation des familles.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Monsieur Laqhila, nous avons élaboré la proposition de loi en pensant aux ménages. Cela dit, l’administration fiscale nous a dit son impuissance à déterminer les parts respectives des ménages et des entreprises redevables de la Teom. Les entreprises peuvent obtenir une exonération sur demande si elles font appel à une entreprise privée ; vous aviez vous-même défendu un amendement visant à rendre cette exonération automatique. C’est un autre débat ; il n’est pas sans intérêt, mais nous nous concentrons sur les ménages.

Aux collègues qui s’interrogeaient sur les compensations, je conseille de se reporter à l’article 3 et à mon amendement à son sujet – il s’agit d’une compensation classique, prenant en compte les bases de l’année.

En ce qui concerne le lien entre contribuable et impôt, n’oublions pas que le calcul de l’impôt tient toujours compte de la situation de chacun : il n’y a là rien de très original. Et il est temps de prendre ce calcul en main dans le cas de la Teom, dont le taux augmente de 5,07 % en 2022 et de 7,5 % en 2023.

Enfin, l’approche évoquée par M. Lecamp dépasse le cadre de la présente proposition de loi.

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*     *

 


  1  

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Modification du calcul de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères et mise en place d’un abattement au profit de certaines catégories de population

L’article prévoit de scinder la TEOM en une part fixe et une part variable reposant sur le nombre de personnes qui composent le foyer. Il institue également un abattement d’un quart de la TEOM au profit des personnes en situation de handicap ou âgées de plus de soixante-dix ans.

L’article est rejeté à la suite de l’adoption des amendements identiques CF1 et CF3 prévoyant sa suppression.

I.   L’ÉTAT DU DROIT existant

L’article 1522 du code général des impôts prévoit que la base d’imposition de la TEOM est celle de la taxe foncière sur les propriétés bâties (TFPB), c’est‑à‑dire le revenu net égal à la moitié de la valeur locative cadastrale de la propriété. Les communes et les EPCI peuvent toutefois décider de plafonner les valeurs locatives de chaque local à usage d’habitation dans la limite d’un montant qui ne peut être inférieur à deux fois le montant de la valeur locative moyenne communale des locaux d’habitation.

Les collectivités instituant une TEOM – communes, syndicats de communes, syndicats mixtes ou EPCI à fiscalité propre – fixent son taux, qu’il soit unique ou décliné par zone de ramassage.

Les propriétés bénéficiant d’une exonération permanente de taxe foncière et celles énumérées au II de l’article 1521 du code général des impôts sont exonérées de TEOM ([21]).

En revanche, les exonérations et dégrèvements accordés en matière de TFPB en faveur des contribuables âgés et disposant de faibles revenus ne s’appliquent pas à la TEOM.

II.   Le dispositif proposÉ

L’article 1er vise à segmenter la TEOM en une part fixe et une part variable reposant sur le nombre de personnes composant le foyer. La part variable est déterminée en multipliant le nombre de parts composant le foyer par un tarif fixé chaque année par délibération prise dans les conditions prévues à l’article 1639 A du code général des impôts. Le tarif de la part variable doit être fixé de manière à ce que le produit soit compris entre 10 % et 30 % du produit total de la taxe.

En outre, l’article institue un abattement au profit des personnes en situation de handicap ou âgées de plus de soixante‑dix ans. Cet abattement s’élève à un quart sur la TEOM dont ils sont redevables.

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Amendements de suppression CF1 de Mme Christine Arrighi et CF3 de Mme Patricia Lemoine

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). Faut-il rappeler que la Teom est due par le propriétaire pour toute propriété soumise à la taxe foncière sur les propriétés bâties ? Cela explique qu’elle soit fondée non sur la composition du foyer, mais sur la valeur locative du bien.

La redevance incitative nous semble bien plus adaptée pour pousser à produire moins de déchets. Elle permet à la collectivité de s’emparer pleinement de sa politique de gestion des déchets. Elle est plus juste et plus lisible pour les usagers.

Contrairement à ce qui a été dit, elle n’est pas compliquée à instaurer. Elle s’est d’ailleurs fait une place dans des configurations où on la disait impraticable : en zone urbaine, comme à la communauté urbaine du Grand­Besançon ou à La­Roche-sur-Yon ; en zone touristique, comme dans la communauté de communes du Pays fouesnantais.

La collectivité où je vis fournit un autre exemple du succès de ce mécanisme et de ses effets vertueux. Elle l’a choisi en 2014 et instauré en 2016, en insistant sur les mesures de prévention permettant d’accompagner les usagers dans leur démarche de réduction des déchets. Ce choix s’est traduit par une très forte réduction des tonnages d’ordures ménagères résiduelles, sans impact négatif sur la qualité du tri : on est passé de 238 kilogrammes par habitant et par an en 2010 à 153 en 2020. Son président est prêt à être auditionné par notre commission avec les membres des services qui se consacrent au calcul et au contrôle de la redevance.

Mme Patricia Lemoine (RE). Je ne vais pas revenir sur les arguments développés par l’ensemble des orateurs, mais je tiens à pointer les effets pervers de la proposition de loi.

Introduire un abattement et une part variable liée à la composition de la famille affectera le coefficient d’intégration fiscale (CIF) des EPCI, donc leur dotation d’intercommunalité. Le groupe Renaissance fait confiance aux élus : c’est à eux et à eux seuls qu’il revient d’agir sur les taux de Teom selon les politiques qu’ils déploient en matière de gestion des déchets ménagers. La Teomi et la Reom répondront aux attentes des ménages, à savoir payer un service en fonction des quantités de déchets produites. Les deux dispositions de l’article 1er ne sont certainement pas de nature à permettre d’atteindre cet objectif car, contrairement à ce que vous dites, vous ne prenez pas en compte les pratiques vertueuses et vous altérez les marges de manœuvre financières des collectivités. Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement visant à le supprimer.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Madame Arrighi, l’objet de la proposition de loi n’est pas d’inciter à réduire davantage les déchets, mais de soutenir le pouvoir d’achat des redevables de cette taxe, lesquels sont souvent des personnes seules ou vulnérables.

Vous présentez la Reom comme l’outil idéal, mais c’est loin d’être le cas. Je n’ai pas de religion en la matière, mais les associations d’élus locaux nous ont indiqué que l’État garantissait le recouvrement et la perception de la Teom alors que les collectivités territoriales ont à gérer les impayés de la Reom. Cette dernière est recouvrée sur une base déclarative, avec tous les effets pervers, pour reprendre l’expression employée par une collègue, qu’un tel système génère.

La DGFiP (direction générale des finances publiques) nous a expliqué que la gestion de la Reom était une tâche très lourde pour les services fiscaux. Vous prenez peut-être cela avec désinvolture, mais ce n’est pas négligeable.

Élément très concret, les associations d’élus nous ont rappelé qu’il était bien plus facile d’identifier les parcelles cadastrales que les ménages en milieu urbain, donc il est très difficile de déterminer la part de chaque ménage dans l’utilisation de la même poubelle.

Enfin, le basculement de la Teom vers la Reom implique un changement de la nature juridique du service qui serait, là aussi, source de complications. Le produit de la Reom n’atteignait que 800 millions d’euros en 2017 contre 7 milliards pour la Teom : j’ai demandé à l’administration de nous transmettre des chiffres actualisés, mais vous voyez que les ordres de grandeur diffèrent totalement.

Madame Lemoine, je ne vais pas revenir sur les objectifs de cette proposition de loi. Si des allégements de la TFPB (taxe foncière sur les propriétés bâties) existent, aucun ne s’applique à la Teom, mis à part une disposition du code général des impôts permettant de plafonner la valeur locative. Selon la DGFiP, il serait possible d’introduire des abattements.

La Teom participe de la libre administration des collectivités locales, et nous n’avons aucune intention de revenir en arrière. Néanmoins, le pilotage de ce mécanisme est étroitement encadré. Il est difficile de recourir à la Reom et les marges budgétaires se réduisent fortement en raison de la hausse des prix et de la TGAP : face à cette situation, on sollicite davantage le budget général, et la Teom doit couvrir l’intégralité du coût du service. Lors des auditions, il a été souligné qu’une jurisprudence intrusive réduisait encore davantage la liberté de fixation du taux, celui-ci ne devant pas s’écarter de plus de 15 % du coût du service. J’ai déposé un amendement qui vise à ce que l’État compense l’abattement, mais que celui-ci soit instauré ou non, l’autonomie est déjà bien entamée.

Mme Patricia Lemoine (RE). Si l’article 1er entrait en vigueur, que se passerait-il pour les locataires ? La Teom, payée par le propriétaire, peut être répercutée sur le locataire. Avec l’introduction d’une part liée à la composition du foyer et d’un abattement pour les personnes âgées de plus de 70 ans et celles en situation de handicap, que faites-vous du locataire sur lequel on répercuterait une Teom dont le calcul dépendrait de la situation du propriétaire ? J’aimerais vous entendre sur ce point, monsieur le rapporteur.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Vous avancez des arguments fallacieux et technocratiques pour justifier votre seule proposition, qui est de supprimer les articles de la proposition de loi. Je trouve cela pitoyable.

Le texte vise à améliorer le pouvoir d’achat des Français. Chaque semaine, nos concitoyens nous font part de leur incompréhension du mode de calcul de cette taxe et des injustices que vos choix ont engendrées.

Madame Arrighi, les familles n’ont pas à subir financièrement vos politiques environnementales. Ce sont aux entreprises et aux élites de s’occuper de la gestion des déchets et d’assumer leurs responsabilités ; les Français n’ont pas à payer, une fois de plus, les erreurs des dirigeants.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Madame Lemoine, la répercussion de la Teom sur les locataires n’est pas automatique.

Je maintiens mon avis défavorable sur ces deux amendements afin d’ouvrir la réflexion, à laquelle nous invitent nos concitoyens, comme l’a dit Jean-Philippe Tanguy, sur les augmentations présentes et futures de cette taxe.

La commission adopte les amendements de suppression CF1 et CF3.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

 

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Article 2
Remise par le Gouvernement au Parlement d’un rapport sur la fiscalité
des collectivités territoriales et sur l’effectivité du principe
de leur libre administration

L’article prévoit la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement sur la fiscalité des collectivités territoriales et l’effectivité du principe constitutionnel de libre administration de ces dernières.

L’article est rejeté à la suite de l’adoption de l’amendement CF4 prévoyant sa suppression.

Le rapporteur a déposé l’amendement CF6 afin de restreindre l’objet du rapport remis au Parlement par le Gouvernement à l’incidence de la fiscalité locale sur le pouvoir d’achat des ménages. Ce rapport préciserait notamment pour chaque impôt local, le cas échéant, la part acquittée par les ménages et celle acquittée par les entreprises.

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Amendement de suppression CF4 de Mme Patricia Lemoine

Mme Patricia Lemoine (RE). Votre proposition de loi porte sur un sujet important, qui mérite mieux qu’un simple rapport produit dans un délai de six mois par le Gouvernement. Il faut le travailler avec la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, la représentation nationale et le Gouvernement. Nous devons réfléchir avec les associations d’élus et les instances locales. Le rapport que vous souhaitez ne répond pas aux attentes des élus, et c’est une ancienne maire et ancienne présidente d’intercommunalité très investie en matière de traitement d’ordures ménagères qui vous parle.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Rien n’empêche la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation de se pencher sur ce sujet. Ce rapport pourra même alimenter sa réflexion, les deux ne s’excluent pas.

Plutôt que de supprimer le rapport, je propose, dans l’amendement suivant, d’en modifier l’objet afin de le concentrer sur l’incidence de la fiscalité locale sur le pouvoir d’achat des ménages, la défense de celui-ci étant la première motivation de la proposition de loi. Nous avons besoin de données nombreuses et de qualité sur la fiscalité locale car nous en manquons depuis la suppression de la TH. L’administration fiscale nous a d’ailleurs fait part, je le rappelle, de son impuissance à déterminer parmi les redevables de la Teom, la proportion respective de ménages et d’entreprises Le rapport nous fournira des informations consolidées et ne représentera aucun obstacle à la conduite d’autres travaux sur la question. Je suis toujours étonné que l’on s’oppose à la rédaction d’un rapport nourrissant la réflexion, celle-ci pouvant être également menée en dehors de cette maison.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous respectons votre mandat et votre expérience, Madame Lemoine, mais vous avancez des arguments contradictoires puisque vous dites que le rapport attenterait au débat parlementaire, alors que vous ne défendez que des amendements visant à supprimer les articles de la proposition de loi plutôt qu’à les améliorer, ce qui revient à rejeter toute discussion. Vous refusez en fait d’entendre que la Teom pose problème, notamment pour le pouvoir d’achat des Français. Ces derniers la considèrent comme une taxe injuste, mais les groupes de la majorité et de la gauche font, pour des raisons de politique politicienne, de l’obstruction en souhaitant supprimer toute discussion.

Montrez un peu d’honnêteté intellectuelle et assumez votre refus de débattre de la moindre proposition de loi émanant du Rassemblement national. Si nous avions trouvé la formule de la poudre de perlimpinpin qui aurait pu sauver votre mandat, vous l’auriez repoussée ! Assumez votre obstruction et votre sectarisme !

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Le lien entre le principe de libre administration des collectivités territoriales et la fiscalité locale constitue assurément un sujet important, dont nous avons beaucoup débattu lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2023, mais qui n’a aucun rapport avec l’objet de la proposition de loi. Nous ne voulons pas être dogmatiques et nous refusons de bloquer toutes les demandes de rapports d’information, donc nous nous abstiendrons sur cet amendement.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur Tanguy, nous n’avons pas vocation à améliorer cette proposition de loi, qui – M. Chenu ne m’a pas contredit sur ce point – augmentera l’imposition des foyers, notamment des familles nombreuses. Tant que ce texte conservera cette orientation, nous ne pourrons pas vous suivre ni vous proposer de le modifier.

Je note ensuite le caractère totalement contradictoire de votre demande de rapport : vous souhaitez que le Gouvernement rédige un rapport sur l’autonomie financière et fiscale des collectivités ; c’est comme si vous demandiez à un suspect de rédiger les conclusions d’une enquête ! Il serait plus logique que ce soit vous qui procédiez à l’élaboration de ce rapport.

Enfin, vous ne soulignez jamais l’impérieuse nécessité de baisser les impôts, à commencer par la TH. Au contraire, vous vous en plaignez pour justifier une éventuelle hausse des impôts locaux.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Je demande le retrait de l’amendement. J’en ai déposé un autre, qui pourrait nous mettre d’accord sur la demande de rapport.

La commission adopte l’amendement de suppression CF4.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et l’amendement CF6 tombe.

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Article 3
Gage

Cet article prévoit un mécanisme de compensation des pertes de recettes qui résulteraient, pour les collectivités et, corrélativement, pour l’État, de l’adoption de l’article 1er.

L’article est rejeté à la suite de l’adoption de l’amendement CF5 prévoyant sa suppression.

Le rapporteur a déposé l’amendement CF7 afin de remplacer le gage prévu par la proposition de loi par une compensation aux collectivités de la perte de recettes qui résultera de l’abattement prévu à l’article 1er au profit des personnes de plus de soixante‑dix ans ou en situation de handicap.

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Amendement de suppression CF5 de Mme Patricia Lemoine

Mme Patricia Lemoine (RE). Les articles 1er et 2 étant tombés, l’article 3 n’a plus lieu d’être puisqu’il a pour objet le gage.

Monsieur Tanguy, vous nous reprochez d’être incohérents, mais cette proposition de loi l’est totalement : l’écart est grand entre ce que vous professez et ce que contient ce texte, dont l’adoption aurait pour conséquence de museler les collectivités territoriales. Vous vous attaquez aux familles nombreuses et vous touchez au pouvoir d’achat : nous ne sommes absolument pas opposés au débat, comme nous l’avons démontré depuis le début de la session parlementaire, mais nous considérons que l’importance du sujet exige de le traiter ailleurs que dans une niche parlementaire.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. L’amendement n’a en effet plus beaucoup de sens puisque les deux premiers articles ont été supprimés. Pour le principe, je vous demande de le retirer. Contrairement à vous, je pense qu’il est dommage de ne pas profiter d’une niche parlementaire pour ouvrir un débat ; cela me paraît préférable à l’attitude consistant à sabrer tout ce qui pourrait apporter une bouffée d’oxygène à nos compatriotes, voire l’idée même d’une réflexion sur ce qui pourrait les aider. Je vous rappelle que beaucoup d’entre eux considèrent la Teom comme une taxe injuste.

En ne déposant que des amendements visant à supprimer les articles, vous avez refusé le débat, mais celui-ci reviendra, si ce n’est ici, du moins dans votre circonscription. Je vous invite, madame Lemoine, à expliquer à vos administrés que vous n’avez pas voulu essayer de traiter cette question, alors que des hausses de la Teom sont à prévoir.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Si la majorité avait voulu améliorer le texte, vous auriez pu déposer trois amendements visant à le perfectionner plutôt qu’à supprimer tous ses articles. Ne dites pas que vous souhaitez ouvrir un débat, que la majorité aurait d’ailleurs pu lancer bien avant, et que vous êtes soucieuse de l’autonomie des collectivités territoriales, que vous avez considérablement amoindrie, comme le montre votre conflit actuel avec le Sénat au sujet de la CVAE. Le lundi, vous dites une chose, le mardi, le contraire et le mercredi, vous contredisez votre contradiction. La majorité fait preuve de créativité dans la mauvaise foi pour pourrir la niche parlementaire du Rassemblement national après avoir pourri celle de La France insoumise.

Mme Patricia Lemoine (RE). Monsieur Tanguy, je ne vais pas perdre mon temps à apporter la démonstration de vos propres incohérences. Un front rassemblant unanimement la droite, la gauche et le centre s’oppose à cette proposition de loi, preuve de l’inadaptation de celle-ci à la situation.

M. Sébastien Chenu, rapporteur. Je regrette que nous ne puissions pas aller là où nos concitoyens nous attendent, à savoir dans des débats de fond sur le pouvoir d’achat. On peut tenir des discours de façade dans les médias, mais lorsque l’occasion d’agir concrètement se présente, il n’y a plus grand monde, si ce n’est les élus du Rassemblement national qui ont mis ce sujet sur la table : cette question reviendra !

La commission adopte l’amendement de suppression CF5.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et l’amendement CF7 tombe.

L’ensemble des articles de la proposition de loi ayant été rejeté, le texte est considéré comme rejeté.

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LE RAPPORTEUR

Table ronde

Association des maires de France (AMF)

– Mme Sylviane Oberlé, chargée de mission prévention des pollutions ;

– Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement.

Association de collectivités AMORCE *

– Mme Delphine Mazabrard, déléguée générale adjointe.

Audition conjointe

Direction générale des finances publiques (DGFiP)

– M. Guillaume Robert, chef du service des collectivités locales.

Direction de la législation fiscale (DLF)

– M. Guillaume Denis, sous-directeur ;

– M. Marc-Henri Priou, chef du bureau.

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Association nationale des collectivités territoriales et de leurs partenaires pour la gestion de l’énergie, des déchets, de l’eau et de l’assainissement, en faveur de la transition écologique et de la protection du climat.

([2])  Articles 1520 à 1526 du code général des impôts (CGI).

([3]) Voir Conseil d’État, 31 mars 2014, Lille Métropole contre Auchan, n° 368111 ou Conseil d’État, 19 mars 2018, SAS Cora, n° 402946.

([4])  Article 1641 du CGI.

([5]) Article L. 2333‑76 du code général des collectivités territoriales (CGCT).

([6]) Article 1520 du CGI et article L. 2333‑79 du CGCT.

([7]) Article L. 2224‑2 du CGCT.

([8]) Article L. 2333‑78 du CGCT.

([9]) Article 57 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([10]) Article L. 2333‑77 du CGCT.

([11])  Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

([12]) Article 97 de la loi n° 2011-1977 du 28 décembre 2011 de finances pour 2012.

([13]) Article 53 de la loi n° 2013-1279 du 29 décembre 2013 de finances rectificative pour 2013.

([14]) Article 23 de la loi n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019.

([15]) Article 135 de la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021.

([16])  Cette mesure ne s’applique qu’aux délibérations prises à compter du 1er janvier 2019.

([17]) Cette mesure s’applique aux impositions établies à compter du 1er janvier 2019 lorsque la délibération instituant la part incitative est postérieure au 1er janvier 2018.

([18]) Article 57 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.

([19]) Cette disposition ne s’applique qu’aux délibérations prises à compter du 1er janvier 2021.

([20]) Cf supra page 8.

([21]) Il s’agit des usines, des locaux sans caractère industriel ou commercial pris en location par l’État, les départements, les communes ainsi que par les établissements publics, scientifiques d’enseignement et d’assistance et affectés à un service public et, sauf délibération contraire des communes ou des organes délibérants de leurs groupements, les locaux situés dans une partie de la commune où ne fonctionne pas le service d’enlèvement des ordures.