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N° 613

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médicosociaux,

 

 

Par Mme Laure Lavalette,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 553.

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. LE DROIT DE VISITE DES PARLEMENTAIRES S’EST PROGRESSIVEMENT ÉLARGI AU NOM de LEURS PRÉROGATIVES DE CONTRÔLE

A. LES PARLEMENTAIRES DISPOSENT déjà DE PRÉROGATIVES D’INVESTIGATION

1. Une mission constitutionnelle de contrôle

2. Des prérogatives légales spécifiques pour les lieux de privation de liberté

B. UNE EXTENSION DU DROIT DE VISITE RECLAMÉE PAR PLUSIEURS INITIATIVES PARLEMENTAIRES

II. L’ÉLARGISSEMENT DU DROIT DE VISITE se justifie par la situation PARFOIS critique des Établissements sociaux et mÉdico-sociaux

A. L’ÉVALUATION ET LE CONTRÔLE DES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX restent dÉfaillants

1. Un manque de moyens criant

2. Des disparités territoriales inacceptables

3. Des résidents trop peu écoutés

B. LA NÉCESSITÉ D’UN REGARD EXTÉRIEUR POUR rompre L’OMERTA

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE unique

Article unique Régime légal du droit de visite des parlementaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

Annexe  2 : TEXTES SUSCEPTIBLES D’Être modifiÉs ou abrogÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi


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   Introduction

Onde de choc », « scandale », « déflagration »... Les mots n’étaient pas assez forts en ce début d’année 2022 pour qualifier les révélations de l’enquête journalistique sur la situation des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Les parlementaires, en particulier ceux de la commission des affaires sociales, se sont immédiatement emparés du sujet et ont proposé de nombreuses recommandations pour que la situation dramatique de ces établissements ne se reproduise plus, ni dans les Ehpad, ni dans les autres établissements sociaux et médico-sociaux.

Cette proposition paraît pouvoir être mise en œuvre très simplement. Elle ne coûte rien, ne se substitue à personne. Cette proposition, c’est le droit de visite des parlementaires dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux, sans préavis. En tant que représentants de la Nation, ils sont souvent les premiers sollicités en cas de signalement de situations dangereuses. Intermédiaire entre des citoyens parfois désarmés face à des pratiques abusives et des autorités politiques locales qu’ils connaissent, ils ont un rôle à jouer dans le contrôle de la bonne gestion de ces établissements accueillant un public vulnérable.

Certes, ces établissements ne sont pas des lieux d’enfermement mais l’opacité qui y règne parfois oblige à lever le voile sur des pratiques plus que contestables, si ce n’est indignes dans les cas les plus graves. Permettre aux parlementaires de constater de leurs propres yeux le fonctionnement de ces établissements ne pourra qu’apaiser les préoccupations de nos concitoyens, régulièrement émus par les témoignages édifiants relayés par la presse.

 Cette proposition, et nous insistons sur ce point, n’a pas pour objet de jeter un discrédit sur les personnels qui travaillent durement dans les établissements visés. Bien au contraire, un droit de visite des parlementaires permettrait de recueillir facilement leurs témoignages. Car oui, pour beaucoup, la volonté de « mieux faire » et de « faire plus » dépend de choix politiques et ils attendent beaucoup de la part du législateur. Nombreux sont les personnels qui se plaignent d’horaires intenables, de salaires trop bas, de postes vacants, de recrutements de mauvaise qualité ou d’un taux de remplacement trop faible.

Cette proposition, résolument transpartisane, ne doit pas faire l’objet de contestations issues d’une politique politicienne que nos concitoyens ne comprendraient pas. Elle reprend simplement un droit déjà existant pour les lieux de privation de liberté. Nous le disons plus haut, si cette proposition ne vise pas des établissements de privation de liberté, elle vise des lieux où la dignité de la personne doit être au centre de tout.

Les discussions concernant les lieux de privation de liberté ont fait débat. Il est évident qu’un droit de visite dans les établissements concernés par cette proposition de loi donnera également lieu à débat. Mais qui, aujourd’hui, reviendrait sur le droit de visite des parlementaires dans les centres de rétention, les établissements pénitentiaires ou les zones d’attente ? Les parlementaires se réjouissent aujourd’hui d’un tel droit et reconnaissent qu’il leur permet d’écrire et de voter la loi de façon plus cohérente et plus humaine. C’est bien cet objectif que poursuit la proposition de loi : permettre aux parlementaires d’être des législateurs informés et conscients des besoins et des dérives des établissements visés.

En 2008, dans son rapport d’activité, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté parlait d’un « oubli social des détenus, contrepartie inévitable du silence auquel leur situation matérielle les contraint » ([1]). Aujourd’hui, cet « oubli social » est également celui de ces personnes âgées isolées ou de ces enfants dans des foyers de la protection de l’enfance, déscolarisés et sans écoute. Nous ne pouvons plus ignorer ces situations et affirmer qu’elles sont anecdotiques.

Si la société évolue, la loi aussi. Parce que les publics concernés sont d’une vulnérabilité que personne ne peut contester, il apparaît aujourd’hui nécessaire de dépasser le cadre de la privation de liberté et de permettre un droit de visite, sans préavis, des parlementaires aux établissements sociaux et médico-sociaux qui encadrent des personnes parfois isolées et en détresse et dans lesquels les professionnels alertent sur un manque de moyens.

 

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I.   LE DROIT DE VISITE DES PARLEMENTAIRES S’EST PROGRESSIVEMENT ÉLARGI AU NOM de LEURS PRÉROGATIVES DE CONTRÔLE

Les parlementaires exercent, au nom de leur mission constitutionnelle de contrôle de l’action du Gouvernement et d’évaluation des politiques publiques, diverses prérogatives spécifiques de contrôle sur pièce et sur place. Cette compétence s’inscrit dans la philosophie de l’article XV de la Déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen du 26 août 1789 selon lequel « la société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration ».

A.   LES PARLEMENTAIRES DISPOSENT déjà DE PRÉROGATIVES D’INVESTIGATION

1.   Une mission constitutionnelle de contrôle

Les parlementaires peuvent se rendre dans différents lieux d’accès restreint afin d’exercer leur mission de contrôle et d’évaluation au titre du premier alinéa de l’article 24 de la Constitution ([2]).

Les commissions d’enquête prévues à l’article 51-2 de la Constitution confèrent aux parlementaires des pouvoirs d’investigation. En effet, aux termes de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires, « les rapporteurs des commissions d’enquête exercent leur mission sur pièces et sur place. Tous les renseignements de nature à faciliter cette mission doivent leur être fournis. Ils sont habilités à se faire communiquer tous documents de service, à l’exception de ceux revêtant un caractère secret et concernant la défense nationale, les affaires étrangères, la sécurité intérieure ou extérieure de l’État, et sous réserve du respect du principe de la séparation de l’autorité judiciaire et des autres pouvoirs. »

De plus, les membres des commissions des finances et des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat disposent de pouvoirs spécifiques dans leurs missions de contrôle des budgets de l’État et de la sécurité sociale. En vertu de l’article 57 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances, certains membres de la commission des finances « procèdent à toutes investigations sur pièces et sur place, et à toutes auditions qu’ils jugent utiles » ([3]).

De la même manière, l’article L.O. 111‑9 du code de la sécurité sociale autorise certains membres de la commission des affaires sociales à procéder à « toutes auditions qu’ils jugent utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place auprès des administrations de l’État, des organismes de sécurité sociale, de tout autre organisme privé gérant un régime de base de sécurité sociale légalement obligatoire et des établissements publics compétents » ([4]).

Il est donc du rôle constitutionnel des parlementaires d’accéder à certains établissements afin d’en contrôler la gestion. En sus de ce pouvoir général, un régime légal spécifique aux lieux de privation de liberté a été progressivement construit.

2.   Des prérogatives légales spécifiques pour les lieux de privation de liberté

● À la suite d’une initiative du député Jean-Luc Warsmann, l’article 129 de la loi n° 2000-516 du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d’innocence et les droits des victimes a permis aux députés et sénateurs de visiter, à tout moment, les établissements pénitentiaires.

● L’article 168 de la loi n° 2004-204 du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité a codifié la disposition précédente à l’article 719 du code de procédure pénale tout en élargissant ce droit de visite « aux locaux de garde à vue, aux centres de rétention et aux zones d’attente » à partir du 1er janvier 2005.

● L’article 95 de la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 pénitentiaire a étendu cette prérogative aux « représentants du Parlement européen élus en France ».

● L’article 3 de la loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge a ouvert aux mêmes parlementaires un droit de visite pour les établissements de santé chargés d’assurer les soins psychiatriques sans consentement à l’article L. 3222‑4‑1 du code de la santé publique.

● Enfin, l’article 18 de la loi n° 2015-433 du 17 avril 2015 portant diverses dispositions tendant à la modernisation du secteur de la presse a, d’une part, élargi le droit de visite aux centres éducatifs fermés pour mineurs et, d’autre part, admis la possibilité pour les parlementaires d’être « accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle » – sauf pour la visite des locaux de garde à vue.

Cet arsenal législatif édifié progressivement garantit l’accès des parlementaires à des lieux dont les citoyens sont, par définition, exclus. Leur accompagnement par des professionnels de presse offre une forme de transparence sur la manière dont ils sont gérés au quotidien.

Dans sa rédaction actuellement en vigueur, l’article 719 du code de procédure pénale permet aux parlementaires d’effectuer des contrôles inopinés dans les lieux de privation de liberté. Cette condition est indispensable pour qu’ils puissent visiter les établissements tels qu’ils sont réellement et non tels qu’on voudrait les leur présenter s’ils devaient préalablement avertir de leur venue.

B.   UNE EXTENSION DU DROIT DE VISITE RECLAMÉE PAR PLUSIEURS INITIATIVES PARLEMENTAIRES

Plusieurs initiatives visant à créer un régime légal de droit de visite des parlementaires dans les établissements et services sociaux et médico-sociaux ont été recensées ces dernières années.

● S’agissant des établissements de l’aide sociale à l’enfance, la mission d’information de la conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance faisait, en juillet 2019, le constat d’une absence de culture du contrôle. Les rapporteurs Alain Ramadier et Perrine Goulet écrivaient que, les travaux ayant révélé « des difficultés d’accès aux lieux d’accueil, il semblerait assez logique que les parlementaires disposent, à l’instar de ce que prévoit l’article 719 du code de procédure pénale sur le droit de visite dans les lieux privatifs de liberté, d’un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance. Ce droit serait ainsi plus facilement mis en œuvre qu’aujourd’hui, où il est conditionné à l’exercice d’un pouvoir de contrôle sur place dans le cadre d’une commission d’enquête, notamment. » ([5])

Suivant ces préconisations, plusieurs amendements ont été déposés sur le projet de loi relatif à la protection des enfants en 2021 ([6]). Défendus par la majorité et une partie de l’opposition, ils autorisaient les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France à visiter les établissements de l’aide sociale à l’enfance après information du président du conseil départemental. Soutenue par le Gouvernement et adoptés en première lecture à l’Assemblée nationale ([7]), cette initiative n’a cependant pas prospéré lors de la navette parlementaire : le Sénat a rejeté ce nouvel article dont la commission mixte paritaire a confirmé la suppression ([8]).

● Concernant les établissements d’hébergement pour personnes âgés dépendantes (Ehpad), l’enquête du journaliste Victor Castanet, Les Fossoyeurs ([9]), a connu une grande résonance qui a conduit les parlementaires à présenter un certain nombre de propositions pour un meilleur contrôle des pratiques en vigueur. Parmi celles-ci figure la proposition de loi créant un droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France dans les établissements sociaux et médico-sociaux de la députée Christine Pires Beaune en février 2022 ([10]). Cette proposition de loi transpartisane, cosignée tant par des députés de la majorité que des députés de l’opposition de gauche comme de droite, instaurait un droit de visite à tout moment et sans préavis de ces établissements et lieux de vie et d’accueil.

Aussi la présente proposition de loi s’inscrit-elle dans ce contexte d’initiatives multiples pour faciliter l’accès de certains établissements aux parlementaires en leur qualité de représentants de la Nation.

Elle se justifie aujourd’hui plus que jamais au regard de la situation extrêmement critique vécue par certains pensionnaires d’Ehpad et d’établissements de l’aide sociale à l’enfance.

II.   L’ÉLARGISSEMENT DU DROIT DE VISITE se justifie par la situation PARFOIS critique des Établissements sociaux et mÉdico-sociaux

La rapporteure tient à souligner d’emblée que ces établissements ne sont pas des lieux de privation de liberté et qu’il pourrait leur être préjudiciable de les assimiler à des lieux d’enfermement. Néanmoins, les personnes qui y vivent se trouvent dans une situation de dépendance qui peut les exposer à la négligence voire, dans les cas les plus graves, à la maltraitance.

Par ailleurs, alors que les lieux de privation de liberté font l’objet d’une surveillance spécifique par le contrôleur général des lieux de privation de liberté ([11]), les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont soumis à aucun autre contrôle externe que celui des agences régionales de santé et des conseils départementaux.

Il serait donc bienvenu que les parlementaires puissent effectuer ces contrôles de la même manière que dans les lieux de privation de liberté.

La rapporteure a à cœur de faire savoir que la présente proposition de loi ne vise pas à pointer du doigt les personnels qui exercent, dans leur immense majorité, leur métier avec professionnalisme et humanisme. Ils pâtissent eux aussi des sous-effectifs et du manque de suivi dans la gestion de ces établissements.

A.   L’ÉVALUATION ET LE CONTRÔLE DES ÉTABLISSEMENTS SOCIAUX ET MÉDICO-SOCIAUX restent dÉfaillants

De l’avis unanime des personnes auditionnées, les modalités de suivi et de contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux sont largement insuffisants au regard des enjeux de bienveillance et de « bientraitance » ([12]) de leurs pensionnaires, qu’il s’agisse des enfants placés, des personnes en situation de handicap ou des personnes âgées en situation de dépendance.

1.   Un manque de moyens criant

● S’agissant des Ehpad, le constat a été largement décrit depuis le « scandale Orpea ». Ainsi l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) pointent-elles dans le rapport de la mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes du groupe Orpea ordonnée par le Gouvernement en mars 2022 ([13]) une limitation des moyens de contrôles des autorités de tarification. En effet, depuis la loi du 28 décembre 2015 ([14]), les autorités de tarification et de contrôle des Ehpad – agences régionales de santé et conseils départementaux – ne peuvent plus effectuer de reprise sur les dotations non consommées. Les éventuels excédents sont désormais librement affectés par les établissements ([15]). Il en résulte inévitablement des dérives motivées par l’appât du gain.

De la même manière, le rapport souligne la difficulté pour les agences régionales de santé (ARS) et les conseils départementaux d’exercer un contrôle externe des Ehpad au vu de leurs pouvoirs financiers et moyens humains limités ([16]). En effet, le contrôle des Ehpad se heurte à plusieurs limites fondamentales :

– la capacité de contrôle des ARS et des départements est circonscrite à l’établissement, ce qui ne permet donc pas un contrôle global de groupes d’Ehpad ;

– les ARS disposent de moyens humains limités pour contrôler un champ très vaste d’établissements et de services sanitaires et médico-sociaux ;

– les échanges d’information et contrôles conjoints entre les ARS et les inspections du travail en matière de gestion des ressources humaines dans ces établissements sont peu développés ;

– les missions d’inspection conjointes entre conseils départementaux et ARS restent peu fréquentes.

Par ailleurs, les Ehpad sont soumis à une injonction de maintenir des taux d’occupation supérieurs à 95 % qui contraignent fortement la possibilité de nouvelles admissions et font subir au personnel de ces établissements une pression permanente dans la gestion quotidienne.

● Concernant les établissements de l’aide sociale à l’enfance, l’Observatoire national de la protection de l’enfance a dressé un récent constat tout aussi alarmant, notamment en matière de ressources humaines.

Analysant les premiers effets de la loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants ([17]), le rapport souligne « les nombreuses inquiétudes et réflexions exprimées ces derniers mois sur les métiers de l’accompagnement, en matière sociale et médico-sociale [...]. Les difficultés éprouvées par les professionnels de la protection de l’enfance semblent s’être accentuées avec la pandémie. La crise sanitaire invite ainsi à se réinterroger sur le contenu des missions assurées au titre de la protection de l’enfance au regard, d’une part, du risque d’accroissement des inégalités économiques, de la pauvreté, et de l’insécurité financière des ménages et, d’autre part, des risques psycho-sociaux auxquels les professionnels de l’enfance peuvent être exposés. »

Le manque de personnel qualifié de l’aide sociale à l’enfance et la baisse de l’attractivité des métiers de la protection de l’enfance dans un contexte de forte exposition médiatique dénonçant – à juste titre – certaines insuffisances graves conduisent à une situation ingérable d’encadrement des enfants. Il ne s’agit pas de nier ici la prise de conscience politique de cette situation dramatique. Les effets se font toutefois attendre.

La loi du 7 février 2022 a apporté quelques avancées en matière de lutte contre la maltraitance institutionnelle en obligeant, par exemple, chaque établissement ou service social ou médico-social à élaborer « un projet d’établissement ou de service, qui définit ses objectifs, notamment en matière de coordination, de coopération et d’évaluation des activités et de la qualité des prestations, ainsi que ses modalités d’organisation et de fonctionnement. Ce projet précise également la politique de prévention et de lutte contre la maltraitance mise en œuvre par l’établissement ou le service, notamment en matière de gestion du personnel, de formation et de contrôle. » ([18]) Néanmoins, de l’avis des personnes auditionnées, nous sommes encore loin d’une politique publique volontariste de protection de l’enfance.

Les établissements de l’aide sociale à l’enfance doivent, dans le même temps, faire face à une hausse des placements d’enfants. D’après une étude de la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) ([19]), fin 2017, un peu plus de 61 000 jeunes étaient placés en établissements, représentant une hausse de 10 % par rapport à 2012. Par conséquent, le taux d’occupation globale avoisine en 2017 les 95 % contre 92 % en 2012. Plus grave, 12 % des établissements de l’aide sociale à l’enfance affichaient un taux d’occupation supérieur à 100 % fin 2017.

2.   Des disparités territoriales inacceptables

À la faiblesse des moyens s’ajoutent des disparités de prise en charge qui ne sont pas sans poser problème.

L’Observatoire national de la protection de l’enfance met en évidence chaque année de nettes disparités départementales dans les interventions au titre de la protection de l’enfance. Dans son rapport de l’année 2022, il relève que les écarts de prise en charge se sont creusés entre 2009 et 2019, les taux de prise en charge des mineurs variant selon les départements en 2019, de 12,1 ‰ dans les Yvelines à 48,3 ‰ dans la Creuse avec une valeur médiane estimée à 26,6 ‰. En 2009, les variations allaient de 9,9 ‰ à 36,7 ‰ ([20]).

Lors de son audition, la Haute Autorité de santé (HAS) a alerté la rapporteure quant aux difficultés de définir une politique de l’enfance homogène lorsque celle-ci est décentralisée, ce qui est le cas depuis 1983. Par exemple, la notion d’« information préoccupante » qui conduit au signalement de la mise en danger d’un mineur auprès du département n’est pas entendue de la même manière par tous les conseils départementaux ([21]). Il en résulte une action extrêmement disparate puisqu’un mineur pris en charge dans un département ne le serait pas dans un autre. Cette disparité a également pour conséquence de rendre impossible la production d’une donnée nationale et structurée permettant la formulation de recommandations adaptées.

Pour tenter de remédier à cette situation, la HAS a établi un cadre national de référence pour évaluer la situation des enfants en danger ou risque de danger ([22]). Ce référentiel vise, d’une part, à outiller les professionnels pour améliorer la qualité de la première analyse puis des évaluations et faciliter la décision sur les suites à donner au signalement et, d’autre part, à harmoniser les pratiques pour une équité de traitement des enfants et des familles sur tout le territoire national.

Les initiatives de cet ordre sont évidemment bienvenues pour assurer une prise en charge égalitaire sur tout le territoire dans l’intérêt supérieur de l’enfant.

3.   Des résidents trop peu écoutés

Il ressort des auditions menées par la rapporteure que la parole tant des pensionnaires des Ehpad que des enfants des structures de l’aide sociale à l’enfance, qui sont pourtant les mieux placés pour alerter et contrôler la qualité des services qu’ils reçoivent, est trop souvent ignorée.

L’association Parents et enfants en détresse a relayé, lors de son audition, de nombreux témoignages de familles qui ne se sentent pas entendues par les autorités alors qu’elles sont les premières à constater et signaler les dérives, parfois extrêmement graves, dans ces établissements. Les enfants comme les personnes âgées sont des usagers d’un service social ou médico-social qui ont leur mot à dire sur les dysfonctionnements de ces services.

Dans une très récente note de cadrage, la Haute Autorité de santé a émis une recommandation visant à soutenir les établissements et les services sociaux et médico-sociaux dans le recueil du point de vue des personnes qu’ils accompagnent ([23]). Le constat est clair : il est nécessaire de recueillir et d’analyser le point de vue des personnes quant à l’accompagnement qui leur est destiné. Cette démarche est un enjeu majeur d’amélioration des pratiques et de l’organisation de ces établissements.

La médiatisation des pratiques abusives du groupe Orpea a révélé une participation quasiment inexistante des usagers, tant individuellement que collectivement, à l’organisation et au fonctionnement des Ehpad. Toujours d’après le rapport conjoint de l’IGF et de l’IGAS, la mission a constaté « un fonctionnement des conseils de la vie sociale très hétérogène et ne garantissant pas toujours une place et une prise en compte suffisante de la parole des usagers de nature à améliorer les conditions de vie et de prise en charge des résidents » ([24]). Le rapport sous-entend assez explicitement que les campagnes annuelles d’enquête de satisfaction avaient moins vocation à améliorer le quotidien des résidents qu’à nourrir « des actions intenses de communication externe à destination du public et des instances de gouvernance » ([25]).

B.   LA NÉCESSITÉ D’UN REGARD EXTÉRIEUR POUR rompre L’OMERTA

Mieux recueillir la parole des résidents et des potentielles victimes de situations abusives, c’est aussi leur donner la possibilité de se confier à des personnes extérieures de confiance.

Pour reprendre les mots d’une représentante d’association entendue par la rapporteure, les personnes placées en établissement et leur entourage ont parfois l’impression d’être face à un « mur du secret » : « on ferme la boîte, on étouffe et on fait en sorte que personne ne rentre ». Lorsqu’une affaire particulièrement choquante devient publique, il est rare que les professionnels du milieu découvrent complètement les faits. Or, c’est l’intervention d’une enquête extérieure qui permet de sortir de l’omerta et de faire toute la lumière sur la gestion des établissements.

L’exposition des pratiques les plus scandaleuses est bien souvent le fait d’enquêtes menées par des journalistes. C’est bien l’investigation du journaliste Victor Castanet qui a permis de dénoncer les pratiques indignes du groupe Orpea. Cette enquête aurait sûrement pu être plus facilement diligentée si le journaliste en question avait pu se rendre, en toute légalité par l’intermédiaire d’un parlementaire, dans les Ehpad du groupe Orpea.

Déjà dans son rapport d’activité de 2012 ([26]), le Contrôleur général des lieux de privation de liberté suggérait une intervention tierce dans le contrôle de ces établissements en étendant ses compétences aux Ehpad, estimant que « la situation des Ehpad est exactement comparable aujourd’hui à ce qu’était celle des établissements pénitentiaires ou des établissements psychiatriques, avant l’institution du contrôle général. Les effets bénéfiques de celui-ci (contrôles et, audelà, possibilités de contrôle qui suffisent à modifier les pratiques) n’ont pas été étendus aux établissements de personnes âgées. Or, celles-ci et la plupart de leurs proches – chacun en a, sans doute, fait directement ou indirectement l’expérience – vivent, à tort ou à raison, dans la préoccupation de la manière réelle dont sont traités leurs aînés dans ces établissements. Cette inquiétude, qui peut être fondée, et ne saurait aisément être ignorée, peut être largement apaisée par l’institution d’un organisme pouvant enquêter sur des saisines éventuelles et procéder à des visites approfondies sur place. Cet organisme existe, [c’est le Contrôleur général des lieux de privation de liberté]. »

Cette proposition, plus que jamais d’actualité, établit un parallèle immédiat et évident avec le droit de visite des parlementaires. Comme le contrôleur général des lieux de privation de liberté, les parlementaires peuvent se rendre dans les établissements pénitentiaires ou psychiatriques. Comme le contrôleur général des lieux de privation de liberté le réclame, ils devraient pouvoir aussi se rendre dans les établissements sociaux et médico-sociaux.

Cette intervention se justifie d’autant plus que le parlementaire est souvent identifié par les citoyens comme une personnalité extérieure ressource. Lors de son audition, l’une des représentantes de l’association Parents et enfants en détresse a tenu à préciser que son premier réflexe, après avoir émis un signalement de mise en danger d’un mineur, fut de rencontrer le député de sa circonscription pour lui faire part de ce signalement.

Les députés, peut-être plus qu’aucune autre instance, jouent un rôle d’interface déterminant entre les familles qui ne savent plus qui solliciter et les autorités compétentes qui ont les moyens d’agir.

 

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   COMMENTAIRE DE L’ARTICLE unique

Article unique
Régime légal du droit de visite des parlementaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux

Rejeté par la commission

L’article unique crée un droit de visite pour les parlementaires s’inspirant des dispositions existantes en matière de visite des lieux de privation de liberté.

Le dispositif proposé s’inspire très largement de l’article 719 du code de procédure pénale régissant le régime légal de visite des lieux de privation de liberté et de l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique s’agissant des établissements psychiatriques.

L’article unique introduit une nouvelle section au sein du chapitre II du titre Ier du livre III du code de l’action sociale et des familles relatif à l’organisation de l’action sociale et médico-sociale.

● Cette nouvelle section, intitulée « Droit de visite », introduit un nouvel article L. 312-11 qui dispose, dans un premier alinéa, que « les députés et les sénateurs ainsi que les représentants au Parlement européen élus en France sont autorisés à visiter à tout moment et sans préavis les établissements mentionnés aux 1° à 17° de l’article L. 312-1 ».

Plusieurs éléments revêtent ici une importance particulière :

– le droit de visite est ouvert à tous les parlementaires à l’instar des prérogatives prévues pour les lieux de privation de liberté ;

– les visites sont autorisées « à tout moment et sans préavis » afin de permettre aux parlementaires de constater par eux-mêmes la réalité de la gestion de ces établissements en se présentant à l’improviste. La rapporteure a conscience que certains directeurs d’établissements ou certains conseils départementaux en charge des établissements de l’aide sociale à l’enfance pourraient solliciter un délai « de courtoisie ». Mais le risque de dissimulation de la réalité du quotidien de ces établissements apparaît trop élevé pour satisfaire un tel souhait ;

– dans un souci d’exhaustivité, tous les établissements mentionnés au I de l’article L. 312-1 du code de l’action sociale et des familles sont visés par le dispositif, certaines initiatives parlementaires ayant échoué en raison de la difficulté de définir le périmètre concerné. Il s’agit des établissements suivants :

1° Les établissements ou services mettant en œuvre des mesures de prévention ou d’aide sociale à l’enfance et les prestations d’aide sociale à l’enfance, y compris l’accueil d’urgence des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille ;

2° Les établissements ou services d’enseignement qui assurent, à titre principal, une éducation adaptée et un accompagnement social ou médico-social aux mineurs ou jeunes adultes handicapés ou présentant des difficultés d’adaptation ;

3° Les centres d’action médico-sociale précoce ;

4° Les centres éducatifs fermés mettant en œuvre les mesures éducatives ordonnées par l’autorité judiciaire pour les mineurs délinquants ou concernant des majeurs de moins de vingt et un ans ou les mesures d’investigation préalables aux mesures d’assistance éducative ;

5° Les établissements ou services :

a) D’aide par le travail ;

b) De réadaptation, de pré-orientation et de rééducation professionnelle ;

6° Les établissements et les services qui accueillent des personnes âgées ou qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ;

7° Les établissements et les services, y compris les foyers d’accueil médicalisé, qui accueillent des personnes handicapées, quel que soit leur degré de handicap ou leur âge, ou des personnes atteintes de pathologies chroniques, qui leur apportent à domicile une assistance dans les actes quotidiens de la vie, des prestations de soins ou une aide à l’insertion sociale ou bien qui leur assurent un accompagnement médico-social en milieu ouvert ;

8° Les établissements ou services comportant ou non un hébergement, assurant l’accueil, notamment dans les situations d’urgence, le soutien ou l’accompagnement social, l’adaptation à la vie active ou l’insertion sociale et professionnelle des personnes ou des familles en difficulté ou en situation de détresse ;

9° Les établissements ou services qui assurent l’accueil et l’accompagnement de personnes confrontées à des difficultés spécifiques en vue de favoriser l’adaptation à la vie active et l’aide à l’insertion sociale et professionnelle ou d’assurer des prestations de soins et de suivi médical, dont les centres de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie, les centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogue, les structures dénommées « lits halte soins santé », les structures dénommées « lits d’accueil médicalisés » et les appartements de coordination thérapeutique ;

10° Les foyers de jeunes travailleurs ;

11° Les établissements ou services, dénommés selon les cas centres de ressources, centres d’information et de coordination ou centres prestataires de services de proximité, mettant en œuvre des actions de dépistage, d’aide, de soutien, de formation ou d’information, de conseil, d’expertise ou de coordination au bénéfice d’usagers, ou d’autres établissements et services ;

12° Les établissements ou services à caractère expérimental ;

13° Les centres d’accueil pour demandeurs ;

14° Les services mettant en œuvre les mesures de protection des majeurs ordonnées par l’autorité judiciaire au titre du mandat spécial auquel il peut être recouru dans le cadre de la sauvegarde de justice ou au titre de la curatelle, de la tutelle ou de la mesure d’accompagnement judiciaire ;

15° Les services mettant en œuvre les mesures judiciaires d’aide à la gestion du budget familial ;

16° Les services qui assurent des activités d’aide personnelle à domicile ou d’aide à la mobilité dans l’environnement de proximité au bénéfice de familles fragiles ;

17° Les établissements ou services mettant en œuvre des mesures d’évaluation de la situation des personnes se présentant comme mineures et privées temporairement ou définitivement de la protection de leur famille.

● Le second alinéa du nouvel article L. 312-11 du code de l’action sociale et des familles prévoit que « les députés, les sénateurs et les représentants au Parlement européen mentionnés au premier alinéa du présent article peuvent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte d’identité professionnelle mentionnée à l’article L. 7111-6 du code du travail, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État ».

Les journalistes peuvent accéder aux lieux de privation de liberté depuis 2015. Cette mesure représente un indéniable progrès en matière de transparence et de diffusion de l’information. La rapporteure n’est pas sans savoir que la situation des établissements sociaux et médico-sociaux diffère quelque peu de celles des lieux de privation de liberté par définition fermés au public. La diffusion d’images d’enfants mineurs dans le cadre de certains reportages peut les mettre en difficulté et doit être strictement encadrée.

Or, le droit en vigueur est suffisamment étoffé pour se prémunir de ce risque puisque le décret n° 2016-662 relatif aux modalités d’accompagnement des parlementaires par des journalistes dans un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé précise déjà qu’un « mineur ne peut être filmé, enregistré ou photographié qu’avec son accord écrit préalable et l’autorisation conjointe des titulaires de l’autorité parentale ou représentants légaux. L’accord devra être donné selon les mêmes modalités qu’il s’agisse de l’utilisation de l’image ou de celle de la voix ainsi captée. Dans tous les cas, les journalistes devront veiller à ce qu’aucun élément concernant l’identité ou la personnalité qui permettrait d’identifier les mineurs placés ne soit, de quelque manière que ce soit, révélé. » ([27])

Aussi le dispositif proposé se veut-il aussi complet que possible tant par les établissements visés par ce nouveau droit de visite que par la possibilité pour les parlementaires d’être accompagnés de journalistes dûment agréés.

 

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TRAVAUX DE LA COMMISSION

Au cours de sa première réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([28]), la commission examine la proposition de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médicaux sociaux (n° 553).

Mme Laure Lavalette, rapporteure. Il y a quelques mois, l’Assemblée nationale, dans cette même salle, entendait le témoignage du journaliste Victor Castanet, qui revenait sur les mois d’enquête qu’il avait menés au sein du groupe Orpea, gestionnaire de centaines d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) dans notre pays. Vous entendiez, médusés, les réponses des dirigeants de ce groupe, minimisant ce qui, très vite et à juste titre, a été qualifié de scandale.

En tant que parlementaires, vous vous êtes immédiatement emparé du sujet, soutenant de nombreuses propositions, dont celle que je défends aujourd’hui. Celle‑ci pourrait être mise en œuvre très simplement, très rapidement, ne coûte pas un centime et ne se substitue à personne. Elle n’aura pas non plus besoin d’attendre la prise de décrets pour s’appliquer pleinement. Cette proposition, c’est le droit de visite des parlementaires dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux, sans préavis.

Comme représentants de la nation, nous sommes, vous êtes, souvent les premiers sollicités en cas de signalement de situations dangereuses, tant dans les Ehpad que dans les foyers de l’aide sociale à l’enfance (ASE). Nous jouons un rôle très particulier d’interface entre des familles désemparées, qui ne savent plus vers qui se tourner, et les autorités locales compétentes pour agir, que nous connaissons bien du fait de notre mandat.

Je tiens évidemment, d’emblée, à vous dire que cette proposition ne vise pas à exonérer ces autorités, notamment les conseils départementaux et les agences régionales de santé (ARS), d’un contrôle effectif de ces établissements, voire d’un contrôle renforcé au vu des révélations de ces dernières années. Il s’agit simplement d’ajouter « un étage à la fusée », une garantie supplémentaire que le respect de la dignité est bien assuré dans ces établissements qui accueillent des personnes vulnérables.

Cette proposition de loi n’a absolument pas pour objet de jeter le discrédit sur les personnels de ces établissements, qui travaillent durement, avec professionnalisme et humanisme, dans l’immense majorité des cas. J’entends les remarques qui ont pu être faites lors des travaux préparatoires que j’ai menés, selon lesquelles mettre en lumière la mauvaise gestion de ces établissements pourrait décourager les jeunes de s’engager dans cette voie professionnelle. Et pourrait ainsi nuire à l’attractivité de ces métiers de première ligne, essentiels au bon fonctionnement de notre société. Je crois, pour ma part, que c’est l’inverse et que c’est précisément en dénonçant les abus et les manquements, parfois très graves, que nous pourrons, en quelque sorte, faire place nette et redorer l’image de ces beaux et indispensables métiers.

Ce sont d’ailleurs très souvent les professionnels eux-mêmes qui ont tiré la sonnette d’alarme quant à leurs horaires intenables, leurs salaires trop bas, les postes vacants ou les recrutements de mauvaise qualité. Ils étaient les premiers à témoigner de ce quotidien professionnel invivable lors du scandale Orpea.

Il y a consensus aujourd’hui pour dire que l’évaluation et le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux sont défaillants, au regard des enjeux de bienveillance et de bientraitance des personnes fragiles qu’ils accueillent.

S’agissant des Ehpad, la loi de 2015 sur l’adaptation de la société au vieillissement a commis une véritable erreur en ne permettant plus aux ARS et aux conseils départementaux de reprendre les dotations non consommées, en tant qu’autorité de contrôle et de tarification. Les éventuels excédents sont désormais laissés à la main des établissements qui, rappelons-le, ont une démarche lucrative. Résultat : des dérives parfaitement prévisibles, motivées par l’appât du gain.

Pour ce qui est du manque de personnel dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance, l’Observatoire national de la protection de l’enfance ne cesse d’alerter quant aux risques psycho-sociaux auxquels les professionnels peuvent être exposés. À la faiblesse des moyens s’ajoutent d’énormes disparités de prise en charge selon les départements. La Haute Autorité de santé (HAS) nous a ainsi alertés sur la difficulté de définir une politique de l’enfance homogène, lorsque celle-ci est décentralisée. Par exemple, la notion d’information préoccupante, qui doit conduire au signalement de la mise en danger d’un mineur auprès du département, n’est pas entendue de la même manière par tous les conseils départementaux. Par conséquent, un mineur pris en charge dans un département ne le serait peut-être pas dans un autre, à quelques kilomètres seulement. Cette disparité empêche aussi de produire une donnée nationale structurée, qui permettrait de rendre compte de la situation de l’ASE.

Qu’il s’agisse des Ehpad ou des foyers d’accueil des enfants en danger, les résidents, comme les professionnels, ne sont pas assez écoutés. Comment ne pas se sentir désarmés lorsqu’on entend certains témoignages, comme celui de l’Association parents et enfants en détresse, qui nous a dit avoir signalé à de nombreuses reprises les dérives parfois extrêmement graves subies par leurs enfants et trouvé porte close ?

Les résidents des Ehpad n’ont pas davantage leur mot à dire quant à l’organisation et au fonctionnement de ce qui, pourtant, sont leurs lieux de vie. Quand un scandale surgit, qu’est-ce qu’on entend ? Tout le monde savait. Orpea ? Tous les professionnels savaient. Alors pourquoi ne parlent-ils pas ? Parce qu’ils savent qu’ils ne seront pas suffisamment entendus, parce qu’il est trop difficile de briser l’omerta.

C’est précisément pourquoi nous pensons que le regard extérieur des parlementaires, votre regard, peut permettre de briser le silence. Autoriser les parlementaires à constater, de leurs propres yeux, les dysfonctionnements des établissements sociaux et médico-sociaux ne pourra qu’apaiser les préoccupations de nos concitoyens, inquiets pour leurs proches vulnérables pris en charge dans ces établissements.

Pour ce faire, le dispositif que nous proposons est simple et s’inspire à la fois du dispositif prévu à l’article 719 du code de procédure pénale régissant le régime légal de visites de lieux de privation de liberté et de l’article L. 3222-4-1 du code de la santé publique, s’agissant des établissements psychiatriques.

Je précise qu’il ne s’agit en aucun cas de faire l’amalgame entre les établissements visés par cette proposition de loi et les lieux d’enfermement. Néanmoins, les personnes qui y vivent sont dans une situation de dépendance telle qu’elle peut les exposer à la négligence, voire, dans les cas les plus graves, à la maltraitance. Malheureusement, l’opacité qui règne parfois dans ces établissements les rend aussi fermés au public que nombre de lieux de privation de liberté.

Les débats que nous allons avoir aujourd’hui sur l’opportunité pour les députés, les sénateurs et les députés européens de se rendre dans de tels lieux ne sont pas nouveaux. Un rapport sur l’ASE, présenté par M. Ramadier et Mme Perrine Goulet, préconisait, en juillet 2019, « un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance » au regard « des difficultés d’accès à ces lieux ». Cette proposition avait été reprise par amendement lors de la discussion du projet de loi relatif à la protection des enfants, en 2021. Le Gouvernement avait alors donné son accord pour une visite des parlementaires, annoncée dans un délai de prévenance au conseil départemental. Malheureusement, cette disposition n’a pas survécu à la navette parlementaire.

Concernant les Ehpad, une autre proposition de loi transpartisane, déposée en février 2022par Mme Christine Pires Beaune, présentait un dispositif proche de celui que nous proposons aujourd’hui et s’inspirait lui-même du dispositif existant pour les lieux de privation de liberté.

Dans le détail, nous prévoyons que les visites puissent s’effectuer à tout moment et sans préavis. Il nous semble évident que seul un contrôle inopiné permet de véritablement voir comment les choses fonctionnent dans un établissement. Nous voulons que les parlementaires découvrent la situation telle qu’elle est et non tel qu’on voudrait la leur montrer. C’est le dispositif prévu pour la visite des prisons et des établissements psychiatriques. Il est tout à fait logique de le reproduire pour les établissements de santé.

Les directeurs d’établissement ou les conseils départementaux souhaiteraient sans doute un délai de courtoisie, mais il nous semble que le risque de dissimulation de la réalité est trop grand. Sans doute ne repeint-on pas une salle de repas en piteux état en quelques jours – quoique –, mais on a, en revanche, le temps de faire revenir des éducateurs au repos ou de cacher quelques enfants pour améliorer, fictivement, le taux d’encadrement.

Nous souhaitons également que les élus puissent être accompagnés par un ou plusieurs journalistes titulaires de la carte de presse, comme cela est possible pour les lieux de privation de liberté, depuis 2015. Nous pensons que c’est un progrès démocratique que la presse puisse rendre compte, en toute transparence, des dysfonctionnements de ces établissements. Nous ne serions d’ailleurs peut-être pas là aujourd’hui pour discuter de ce texte si M. Castanet n’avait pas alerté le grand public sur les agissements d’Orpea. Il nous semble normal d’aider le travail des journalistes en leur rendant l’accès à ces lieux plus faciles.

J’entends les craintes potentielles que vous pourriez nous opposer s’agissant du droit à l’image d’enfants mineurs, susceptibles d’apparaître dans des reportages. Je répondrai que le droit en vigueur est suffisamment solide pour encadrer strictement la diffusion de ces images.

Nous vous présentons, aujourd’hui, une proposition de loi consensuelle, qui répond aux préoccupations de nombre de nos concitoyens. J’espère donc qu’elle recueillera votre aval aussi largement qu’elle le mérite.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Michèle Peyron (RE). Si nous partageons le diagnostic quant à la nécessité de renforcer et de garantir le contrôle des établissements sociaux et médico-sociaux, nous sommes en total désaccord avec l’objectif de cette proposition de loi. En s’inspirant directement du droit de visite parlementaire au sein des lieux de privation de liberté, prévu par le code de procédure pénale, cette proposition de loi fait un parallèle avec ces structures, qui n’a absolument pas lieu d’être. Les établissements sociaux et médico-sociaux ne sont pas des lieux de privation de liberté. Je tiens d’ailleurs à saluer le dévouement de la grande majorité des professionnels, qui prennent soin de ces personnes vulnérables.

Comme l’a rappelé la HAS, associer ces établissements à des lieux de privation de liberté participerait au déficit d’attractivité de ces métiers. Par ailleurs, les déplacements d’élus et de journalistes peuvent d’ores et déjà être organisés dans ces structures, en respectant des règles strictes, garantes de l’intimité et du respect de la vie privée, en particulier des résidents dans les Ehpad et des enfants accueillis dans les établissements de la protection de l’enfance. La priorité de la majorité et du Gouvernement est de garantir le contrôle de ces établissements par des équipes formées et en nombre suffisant.

Dans le secteur du grand âge, notamment à la suite du scandale Orpea, un plan de contrôle des 7 500 Ehpad a été mis en place. À ce jour, 1 400 contrôles ont été effectués, pour quatre saisines du procureur de la République. Je regrette que vous n’ayez pas voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, qui prévoit des mesures fortes pour mieux encadrer et surveiller les pratiques des groupes gestionnaires d’Ehpad.

Dans le secteur de la protection de l’enfance, et notamment depuis la « loi Taquet » de février 2022, le champ de contrôle pour les professionnels et les bénévoles a été élargi. Par ailleurs, je regrette également que vous n’ayez pas voté le projet de loi de finances pour 2023, qui prévoit un renforcement des moyens humains et financiers pour ces contrôles, avec la création de trente et un équivalents temps plein (ETP) pour les services déconcentrés sociaux, et d’une vingtaine d’ETP pour les équipes territoriales de la protection judiciaire de la jeunesse.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Renaissance s’opposeront à cette proposition de loi.

M. Lionel Tivoli (RN). Le sort des aînés dans les Ehpad et des plus jeunes dans les centres de l’ASE est préoccupant. Les professionnels de tous ces établissements ont un devoir d’assistance aux personnes âgées très dépendantes, physiquement et psychologiquement, et aux plus jeunes, tout aussi fragiles.

L’actualité récente a mis en exergue les dérives de notre système, illustrées notamment, comme vous l’avez rappelé, madame la rapporteure, par le scandale Orpea. En tant que député des Alpes-Maritimes, j’ai moi‑même été saisi de faits de maltraitance présumée dans des Ehpad de ma circonscription, ce qui m’a amené à rédiger la proposition de loi n° 431. Mais il fallait aller plus loin. C’est ce que vous avez fait avec cette proposition de loi, qui étend à la fois le droit de visite aux parlementaires européens élus en France et aux établissements sociaux et médico-sociaux.

Les personnes âgées souffrent, dans les Ehpad, de mauvaises conditions d’hébergement, de mauvaise prise en charge et de maltraitance. Les enfants, lorsqu’ils ne sont pas relogés dans des hôtels sociaux, sont les cibles de points de deal dans les foyers, tandis que les jeunes filles y sont les proies de délinquants sexuels, voire de proxénètes.

Cela ne peut plus échapper au débat parlementaire, car ces personnes vulnérables requièrent la protection de la République française. Les dérives constatées sont aussi la conséquence d’un mauvais recrutement. Le PLFSS 2023 prévoit le recrutement de 3 000 aides-soignants et infirmiers sur l’année dans les Ehpad, quand les directeurs d’établissement en demandent 20 000.

C’est pourquoi il est important et urgent d’appliquer les mesures de contrôle que vous proposez dans cette proposition de loi.

M. Yannick Neuder (LR). Cette proposition de loi du groupe Rassemblement National entend étendre le droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France aux établissements sociaux et médico-sociaux. Elle s’inscrit dans un contexte de scandales sanitaires découverts en Ehpad – comme chez Orpea – et dans les centres de l’ASE. Des scandales qui sont révoltants et dont le législateur doit, naturellement, se saisir. Toutefois, si depuis la loi du 15 juin 2000 les députés peuvent visiter les centres pénitentiaires, c’est parce qu’il s’agit de lieux de privation de liberté, ce que ne sont pas les établissements sociaux et médicaux-sociaux. Cette proposition de loi ne peut donc s’inscrire dans la continuité de cette loi.

Par ailleurs, si les centres pénitentiaires sont régis par l’État et si le législateur peut tout à fait s’y rendre, en vertu de ses missions de contrôle de l’action du Gouvernement, les établissements sociaux et médicaux-sociaux sont quant à eux gérés par les départements. Lors de l’élaboration de cette proposition de loi, avez-vous consulté l’Assemblée des départements de France (ADF) ? Les parlementaires sont peu légitimes, ou en tout cas moins que les élus départementaux, les services de contrôle des départements et les ARS, pour visiter ce genre de structures.

En outre, il est trompeur de penser que le droit de visite des parlementaires viendrait résoudre les manquements aux procédures de contrôle. Enfin, la possibilité de venir avec des journalistes apparaît peu opportune. On a le sentiment d’une proposition de loi un peu sensationnaliste, qui recherche des effets de « com ».

En revanche, je ne suis pas d’accord pour dire qu’elle pourrait nuire à l’attractivité des métiers dans ces établissements. Ce serait plutôt la conséquence de l’instauration de l’âge pivot de 65 ans pour des aides-soignants qui travaillent en trois‑huit. Il ne faut pas dire tout et son contraire. Il n’est pas très honnête non plus de nous reprocher de ne pas avoir voté le PLFSS 2023, alors qu’il a été adopté grâce à l’article 49, alinéa 3.

Pour le groupe Les Républicains, il existe d’autres moyens de mieux contrôler les établissements. Nous voterons donc contre cette proposition de loi.

Mme Sandrine Josso (Dem). La proposition de loi que nous examinons ce matin fait directement écho à des demandes formulées depuis un certain nombre d’années, par des parlementaires de toutes tendances politiques. D’ailleurs, mon collègue Philippe Vigier avait déposé, au cours de la précédente législature, un amendement dans la même ligne que votre proposition de loi. Vous n’avez donc rien inventé. D’autres parlementaires avaient également, par d’autres véhicules législatifs, travaillé sur cette question. Tout avait été posé et défendu, sans succès.

Ces dernières années, de nombreuses affaires de maltraitance, de manque de moyens et de conditions d’hébergement indignes dans des foyers de l’ASE ou en Ehpad, privés et publics, ont été rapportées, notamment par voie de presse. Or ces scandales suscitent un fort émoi dans l’opinion publique et nécessitent une réponse des administrations de tutelle, mais aussi du législateur. Cela a été entrepris dans le secteur de la dépendance et de la protection de l’enfance, avec un renforcement substantiel des contrôles des diverses autorités compétentes.

Nous considérons que l’effort doit se poursuivre et monter en charge. À cette fin, il est absolument nécessaire que les moyens financiers et humains soient déployés de manière pérenne. Permettre aux parlementaires de visiter ces structures nous semble donc très opportun. Toutefois, cela nécessite un travail beaucoup plus approfondi en matière de sécurisation juridique. En effet, ces établissements accueillent des personnes fragiles, vulnérables, dont le discernement est absent ou pas encore formé. Or cette question, comme celle du consentement doit être centrale dans la construction du dispositif. Par ailleurs, la présence de journalistes ne nous semble pas souhaitable, eu égard à la protection de la vie privée des publics hébergés dans ces établissements.

Notre groupe votera donc pour ce texte, mais nous vous demandons d’être très attentifs à la sécurisation du dispositif, à l’instar de ce qui a été fait pour les visites dans les hôpitaux psychiatriques.

M. Joël Aviragnet (SOC). Les différentes commissions de l’Assemblée examinent ce matin plusieurs propositions de loi dans le cadre de la niche du Front national, pardon, du Rassemblement National – j’utilise toujours l’ancienne dénomination tant les idées et les pratiques, dangereuses pour la République et la paix sociale, restent les mêmes, année après année.

Plus de la moitié des textes inscrits dans cette niche parlementaire relève soit du plagiat en bonne et due forme, soit du copier-coller pur et simple. Nous, députés socialistes, ne pouvons pas accepter la piraterie parlementaire. Quand nous soumettons un texte législatif au débat, il a été travaillé, pensé et écrit pendant plusieurs mois, parfois plusieurs années. Nous auditionnons tous les acteurs concernés, les citoyens, les élus, les experts et les professionnels, ce qui nous évite de dire n’importe quoi. Quand on entend dire qu’il y a des proxénètes dans des établissements pour enfants, on hallucine ! Si un autre parti politique à une bonne idée, nous la soutenons. Ce fut le cas pour la proposition de loi de notre collègue de droite Julien Dive, il y a deux semaines.

Que ce soit en raison de son origine ou à cause des méthodes de voyous employées par les députés du Rassemblement National, nous ne pouvons pas soutenir ce texte. Jamais nous ne discuterons avec l’extrême droite, surtout sur ces bases-là.

Jamais, contrairement à d’autres, nous ne participerons à la banalisation de votre parti et de vos idées nauséabondes, car si la devanture a été rénovée, les fondations restent les mêmes. Nous vous combattrons toujours, coûte que coûte, pour la République, pour la liberté, pour la fraternité et pour la France.

M. François Gernigon (HOR). La proposition de loi du Rassemblement National instaure un droit de visite sans préavis dans les établissements sociaux et médico-sociaux, en particulier dans les Ehpad et les foyers de l’ASE. Le groupe Horizons et apparentés réaffirme son engagement dans la lutte contre les dérives qui ont été décrites dans les médias, notamment avec l’affaire Orpea. Il a d’ailleurs formulé des propositions dans le cadre des débats sur le PLFSS 2023, afin de permettre un meilleur contrôle des Ehpad par la Cour des comptes.

L’objet de cette proposition de loi est déjà en partie satisfait. Les parlementaires ont en effet un droit d’accès à ces établissements sur simple information aux gestionnaires et départements responsables. Un droit de visite ne peut pas leur être refusé et ils peuvent venir à la rencontre des personnels et des résidents.

Quant au parallèle avec les prisons établi par le Rassemblement National, il n’est pas opportun. Les personnes concernées ne sont pas comparables, qu’il s’agisse de la vulnérabilité des résidents ou du rôle des personnels.

De même, la présence de journalistes est en décalage avec le premier objectif visé par ce texte, qui doit rester la protection et le respect de la dignité des personnes, mineures et majeures.

Mme la rapporteure a dit qu’il s’agissait d’ajouter un étage à la fusée. Mais il ne faut pas ajouter du stress pour le personnel et les cadres des établissements, qui verraient alors déambuler dans les couloirs parlementaires et journalistes.

En ce qui concerne les Ehpad, il existe toujours la possibilité d’entrer en relation avec les conseils de la vie sociale, afin d’entendre les résidents, les familles et les salariés des établissements, qui s’y expriment en toute sincérité. C’est ce que je fais dans ma circonscription. L’importance de ces enjeux appelle des réponses de fond, non démagogiques, comme celles apportées par la majorité présidentielle ces dernières années.

En conséquence, le groupe Horizons et apparentés votera contre cette proposition de loi.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). J’interviens au nom de mon collègue Sébastien Peytavie.

Cette proposition de loi prétend répondre aux défaillances et maltraitances gravissimes qui, répondant à une pure logique de profit, ont encore lieu dans certains établissements sociaux et médico-sociaux. Des enfants placés sont morts alors qu’ils dormaient dans des hôtels miteux, sans aucune supervision d’un adulte. Si de telles horreurs peuvent se produire, c’est parce qu’il y a un déficit grave de contrôle de ces structures et que l’action sociale manque cruellement de moyens. Les rapports se succèdent. Les abus, la maltraitance, les défaillances, nous les connaissons. Les solutions, nous les connaissons aussi. Mais les pouvoirs publics choisissent de regarder ailleurs, sauf quand un coup de projecteur met en lumière des aberrations déjà connues.

S’il convient de les contrôler avec fermeté, ces établissements sont toutefois des domiciles que l’on ne peut enfreindre, et non des lieux de privation de liberté. Même pour dénoncer des défaillances, les élus n’ont pas le droit de s’introduire dans un domicile, tout comme ils ne peuvent le faire pour lutter contre les violences conjugales ou les abus commis contre des enfants en situation de handicap hébergés en institut médico-éducatif. Imagineriez‑vous un élu entrer dans une maternité sous prétexte de venir y constater des violences gynécologiques ?

L’arrêt immédiat de toute violence est une urgence absolue. Nous ne pouvons attendre qu’un livre révèle des maltraitances dans les établissements de l’ASE pour faire de ce scandale d’État le cœur de nos préoccupations. C’est parce que cet enjeu est beaucoup trop grave qu’il ne peut se restreindre à des visites de parlementaires. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités en renforçant les instances de contrôle qualifiées et en donnant des moyens à l’action sociale.

Le groupe Écologiste s’oppose formellement à cette proposition de loi extrêmement intrusive du Rassemblement National et rappelle que la lutte contre les maltraitances institutionnelles ne peut se faire au détriment du respect de la dignité, du consentement et de la protection de la vie privée des personnes accompagnées.

M. Pierre Dharréville (GDR - NUPES). Je n’ai jamais été très favorable aux propositions de loi visant à étendre le droit de visite des parlementaires. L’administration a un devoir de contrôle : il faut faire fonctionner les institutions, notamment la justice. Des dérives ont été constatées dans les établissements à but lucratif et doivent faire l’objet de mesures beaucoup plus fortes que celles déjà adoptées. Toutefois, nous ne pensons pas qu’il soit nécessaire de les mettre sur un pied d’égalité avec les lieux de privation de liberté. Ces derniers sont en effet coupés de la société de manière très radicale et les parlementaires ont non seulement un droit, mais peut-être aussi un devoir de visite.

Certains parlementaires revendiquent des pouvoirs supplémentaires, comme le droit de siéger dans diverses instances. Nous sommes sceptiques devant cette manière de concevoir notre rôle. Si nous sommes fondés à nous intéresser à tout ce qui se passe dans ces établissements et à exercer nos missions de parlementaires sans limite, je ne me sens pas pour autant bridé par la législation existante.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous passons aux questions des députés.

Mme Isabelle Valentin (LR). Je suis assez surprise par cette proposition de loi. Me rendant régulièrement dans les Ehpad ou dans les centres médico-sociaux de ma circonscription, je peux témoigner que les députés, comme la plupart des élus, y sont toujours les bienvenus. Ces établissements ont besoin de notre appui pour remédier à la faiblesse de leurs moyens, tant pour la création et la rénovation de structures que pour leur fonctionnement.

Un travail conséquent a été mené sous l’ancienne législature et des préconisations ont été faites dans de nombreux rapports, tant à l’Assemblée nationale qu’au Sénat. Nous attendons désormais les projets de loi, tel celui sur l’autonomie et le grand âge.

Nous devons veiller à ne pas stigmatiser les établissements. Ce sont avant tout des lieux de vie et nous devons respecter la vie privée. Nous pouvons douter du bien-fondé de ce texte, qui se présente comme la solution face aux dérives constatées. Il est trompeur de penser que le droit de visite des parlementaires permettrait de résoudre les manquements aux procédures de contrôle. Selon moi, cette proposition de loi est très populiste. Les établissements ont besoin d’un travail de fond avec les élus, et non de sensationnalisme en présence de la presse.

M. Jean-François Rousset (RE). Quand on veut protéger les personnes, on commence par respecter leurs droits fondamentaux, notamment la liberté de protéger leur habitation, en l’occurrence leur chambre dans un Ehpad ou dans un établissement médico‑social. C’est encore plus important quand ces personnes sont en situation de handicap ou fragilisées par le grand âge. La semaine dernière, j’ai fait le tour des instituts médico‑sociaux de ma circonscription et de quelques Ehpad : les familles et les résidents que j’ai rencontrés y étaient tous très attachés. Il existe beaucoup d’autres moyens que l’inquisition pour évaluer la situation.

M. Christophe Bentz (RN). Je sais, madame la présidente, que vous tenez à la sérénité dans le déroulement des travaux de notre commission. Mais lorsque notre collègue socialiste – SFIO, devrais-je dire – affirme que les élus du Rassemblement National utilisent des « méthodes de voyou », il lance une injure grave, parce qu’un voyou est une personne qui commet des actes illégaux. Je demande à notre collègue de retirer ses propos.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je souhaite en effet que nous menions nos travaux dans la sérénité et le respect.

Mme la rapporteure. Madame la députée Peyron, vous faites un parallèle entre les centres médico‑sociaux et la prison. Or le droit de visite des parlementaires n’est pas limité aux prisons puisqu’il a été étendu en 2013 aux hôpitaux psychiatriques. De plus, je maintiens que les résidents des établissements se trouvent dans une situation de vulnérabilité et de dépendance telle qu’ils ne sont pas des pensionnaires comme les autres. Enfin, vous ne manquez pas d’humour quand vous nous reprochez de ne pas avoir voté le PLFSS car celui-ci n’a pu être débattu en raison du 49‑3 !

Monsieur Neuder, la bientraitance est une valeur transpartisane. Ce texte ne vise qu’à améliorer l’accueil de nos enfants et de nos aînés. Leur intérêt supérieur ne devrait pas donner lieu à de la politique politicienne. Quant aux élus départementaux, eux-mêmes se plaignent souvent de ne pas avoir assez d’informations.

Pour répondre au groupe Socialistes, qui nous accuse d’avoir effectué un honteux plagiat, notre dispositif diffère des précédentes propositions en ce qu’il ouvre la possibilité aux parlementaires d’être accompagnés par des journalistes. Toutefois, j’ai entendu vos craintes et je suis prête à amender mon texte. Le but n’est pas d’arriver comme des cow‑boys dans un Ehpad ou dans un service de l’ASE mais d’améliorer la situation, sans verser dans le sensationnel. Je comprends que cela fasse débat, comme ce fut le cas quand un droit de visite a été institué dans les lieux pénitentiaires. Et pourtant, il paraîtrait inconcevable aujourd’hui de revenir sur ce droit. Une de nos collègues de la majorité, Stella Dupont, s’est d’ailleurs rendue sur l’aire d’attente destinée à accueillir les migrants de l’Ocean Viking. Ce qui paraissait absurde il y a vingt ans a tout son sens aujourd’hui.

Je trouve que le groupe Horizons fait un peu l’autruche : c’est un peu facile de dire qu’un droit de visite ne changerait rien. Autant ne rien faire du tout – ce qui ne serait pas une bonne idée !

Nous n’avons jamais prétendu avoir inventé quoi que ce soit. Personne n’a la propriété intellectuelle de cette idée : la proposition de loi de Mme Pires Beaune avait du reste été cosignée par des députés émanant des différents groupes politiques. On ne peut faire plus transpartisan ! Rejeter ce texte aujourd’hui par pur dogmatisme n’est pas à la hauteur des attentes des Français. Quant à la majorité, elle n’a pas l’air d’accord avec ce qu’elle soutenait hier, mais nous commençons à en avoir l’habitude.

Monsieur Dharréville, ce qui m’a frappée pendant les auditions, c’est que l’État a une obligation de résultat. Enlever des enfants à leur famille, même quand celle-ci est toxique, est toujours un arrachement. L’État doit donc leur proposer de meilleures conditions de vie ; or, malheureusement, ce n’est pas toujours le cas. Nous avons tous vu le reportage de Jean‑Charles Doria sur les foyers de l’ASE : on ne peut pas dire que tout se passe très bien. Il y a évidemment des professionnels qui font leur travail avec humanité, en dépit d’horaires terribles et de salaires insuffisants. Il n’empêche qu’on ne peut pas fermer les yeux. Cette obligation de résultat pèse également sur nous, parlementaires : nous devons faire en sorte que ces établissements apportent plus aux enfants et à nos aînés que s’ils restaient dans leur famille.

S’agissant de la présence des journalistes, j’ai bien entendu vos préoccupations. Je suis prête à réfléchir avec vous à une véritable protection de la vie privée et à amender mon texte. Je vous rappelle toutefois que nous devons protéger la dignité des personnes hébergées dans ces établissements : tel est l’objet de cette proposition de loi transpartisane. La bientraitance et l’intérêt supérieur des enfants et des personnes âgées doivent être la priorité.

Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale. À plusieurs reprises, il a été dit que les votes en commission ne comptaient pas. Or le travail que nous faisons en commission est sérieux et constructif, comme nous l’avons démontré pendant l’examen du PLFSS. Les votes en commission sont importants. Or, je le répète, vous n’avez pas voté des mesures du budget de la sécurité sociale qui renforçaient la lutte contre les fraudes commises dans les établissements.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Les votes en commission ont toute leur valeur. Le PLFSS a été adopté en commission, après débat. Je laisse chacun s’exprimer, parfois à plusieurs reprises sur le même sujet. Nos travaux se sont déroulés dans une bonne ambiance, respectueuse des uns et des autres.

M. Yannick Neuder (LR). Nous n’avons jamais dit que la commission ne débattait pas. Mais il faut rester modeste sur ce sujet puisque nous n’avons pas pu discuter de l’ensemble des articles dans l’hémicycle. Même si nous portons la parole de la commission des affaires sociales dans nos groupes, ceux-ci ont besoin d’entendre ces débats en séance.

Madame la rapporteure, nous partageons l’idée qu’il faut un meilleur contrôle. C’est un problème de forme et non pas de fond : voyons d’abord si un amendement visant à supprimer la présence de la presse est déposé, et prenons ensuite l’avis de l’ADF car l’action sociale relève de leur compétence. Les contrôles doivent être effectués par des personnes habilitées et formées – c’est d’ailleurs un problème pour les ARS et les départements lorsqu’ils recrutent. Je ne pense pas que l’on soit plus performant lorsque tout le monde s’occupe de tout. Les parlementaires font déjà beaucoup de choses et les élus départementaux peuvent remplir cette mission. Il y a besoin de revoir ce point avec les départements.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je rappelle que dans le cadre du PLFSS, la commission a voté des mesures visant à renforcer les contrôles à la suite du scandale Orpea. Des contrôleurs ont été recrutés pour mener à bien ces missions de contrôle dans les Ehpad et les établissements médico-sociaux. Nous avons été entendus.

Mme la rapporteure. La disparité entre les départements est un frein : nous devons parvenir à une harmonisation des méthodes d’évaluation. De plus, les conseils départementaux sont à la fois juges et parties : ouvrir ce droit aux parlementaires permettrait d’avoir un œil neuf.

Article unique : Régime légal du droit de visite des parlementaires dans les établissements sociaux et médico-sociaux

Amendements de suppression AS2 de M. Joël Aviragnet, AS3 de Mme Michèle Peyron et AS4 de M. Sébastien Peytavie.

M. Joël Aviragnet (SOC). Le groupe Socialistes et apparentés a déposé, sous la précédente législature, une proposition de loi similaire mais sans le droit à l’accompagnement par des journalistes. Par cet amendement de suppression, nous souhaitons dénoncer les pratiques parlementaires, disons, inacceptables de l’extrême droite. Vous nous renvoyez à la SFIO ; de votre côté, vous renvoyez aux heures les plus sombres de notre histoire !

Mme Michèle Peyron (RE). La possibilité offerte aux parlementaires d’être accompagnés par des journalistes pourrait aboutir à des situations indécentes, dans lesquelles des personnes vulnérables seraient confrontées à une agitation de nature à les perturber sans raison valable. Nous demandons donc la suppression de cet article.

Par ailleurs, concernant la relation des parlementaires avec les départements, je précise que, dans mon département, je travaille avec la majorité Les Républicains : lorsque nous nous déplaçons, nous y allons ensemble. Je vous assure que, dans les établissements, on sait que je suis députée et qu’on ne me cache rien ! Il faut travailler ensemble dans les départements : vous arriverez à beaucoup plus de choses que vous ne le faites actuellement.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Vous avez mentionné plusieurs fois la question de la dignité. S’introduire dans l’intimité de personnes vulnérables, dont certaines sont venues pour des soins, et qui n’ont pas consenti à des visites de parlementaires, cela n’est pas respectueux de leur dignité et c’est inacceptable. Par l’amendement AS4, ous proposons donc la suppression de cet article.

Mme la rapporteure. Je veux vous dire, cher collègue socialiste, que, pour ma part, j’aurais voté votre proposition de loi. La différence entre nous, c’est que c’est l’intérêt supérieur des enfants et des personnes âgées qui me guide. Vous refusez de voter notre texte alors qu’il est similaire au vôtre, simplement parce que nous avons eu la même idée que vous : c’est le niveau zéro de la politique !

Madame Peyron, je pense déposer un amendement d’ici à la séance visant à supprimer la possibilité d’être accompagné par des journalistes. Beaucoup d’enfants dans ces établissements demandent qu’on les sorte de ces situations compliquées, invivables, et on sait qu’il y a une omerta : il faut arriver à lever le voile.

Par ailleurs, vous nous expliquez que vous travaillez main dans la main avec le conseil départemental LR – merci de nous confirmer que vous respectez la démocratie : c’est la bonne nouvelle de la journée ! Cela me semble bien normal. Quant à la dignité que l’on doit à ces personnes, nous voulons lever le voile sur l’omerta. Si vous avez encore un doute, je vous conseille vraiment de voir le reportage de « Zone interdite », sur M6 : cela met en perspective ce qui nous oblige.

Avis défavorable à ces trois amendements.

Mme Olga Givernet (RE). Je soutiens ces amendements de suppression. Vous avez évoqué des lieux de résidence, bien souvent choisis par les résidents et leurs familles, contrairement aux lieux de privation de liberté. Selon l’article 12 de la déclaration universelle des droits de l’homme, « nul ne sera l’objet d’immixtions arbitraires dans sa vie privée, sa famille, son domicile [...] ». Votre proposition de loi porte une grave atteinte à la vie privée. C’est cela, le Rassemblement National : exposer sans préavis, dans les médias, au travers de journalistes qui se rendraient ainsi complices, la vie de personnes vulnérables. En agissant ainsi, vous affectez le lien de confiance que nous, représentants de l’Assemblée nationale, avons avec les établissements.

M. Jérôme Guedj (SOC). Ce texte est une mauvaise idée, et pas seulement parce que c’est de la piraterie parlementaire. Il n’apporte pas la bonne réponse. Établissant une analogie avec la visite en milieu carcéral et en hôpital psychiatrique, vous considérez que les Ehpad et les établissements médico-sociaux sont des lieux de privation de liberté. Vous parlez d’omerta, je ne pense pas qu’il y en ait une mais vous avez raison sur un point : il faut plus de transparence.

Dans ces établissements, il manque souvent une représentation de personnalités extérieures à l’établissement. Si le maire et le conseiller départemental peuvent siéger dans un Ehpad public, il n’en va pas de même dans une structure privée ou associative. Il conviendrait donc de créer des conseils de la vie sociale ou des conseils de surveillance dans tous les établissements sociaux et médico-sociaux où les acteurs associatifs du territoire, les élus locaux et les parlementaires pourraient siéger. Nous pouvons améliorer la situation sans en passer par une mesure stigmatisante, dans le seul but de faire un coup.

Enfin, à quoi a servi le droit de visite en prison ? En quoi a-t-il changé la réalité de l’accompagnement en prison ?

Mme Maud Petit (Dem). J’entends parler de piraterie parlementaire parce que le Rassemblement National a repris une proposition de loi déjà déposée par nos collègues socialistes – laissez-moi rire ! Vous n’êtes pas les mieux placés pour donner des leçons : quand j’ai déposé ma proposition de loi contre les violences éducatives ordinaires, une sénatrice socialiste avait repris ma proposition de loi exactement dans les mêmes termes, sans aucune gêne.

Concernant les relations avec les départements, ce n’est pas parce que cela se passe bien chez les uns qu’il en va de même ailleurs. Lorsque le département du Val-de-Marne était dirigé par les communistes et les socialistes, j’avais beaucoup de mal à visiter les établissements de l’ASE ; il m’avait fallu attendre un an avant de pouvoir le faire. Depuis 2020, le département est dirigé par une majorité LR ; or elle aussi fait des pieds et des mains pour m’empêcher de faire mon travail ! Il arrive donc que cela ne marche pas avec les élus locaux, même quand on fait preuve de bonne volonté.

J’estime que l’on devrait pouvoir faire confiance aux parlementaires que nous sommes. Sans doute faut-il revenir sur la possibilité de faire ces visites en compagnie de journalistes parce que cela peut provoquer des crises, mais j’estime qu’un parlementaire doit pouvoir aller partout où se trouvent les plus fragiles d’entre nous, enfants comme personnes âgées. Pour ma part, je voterai ce texte.

M. Victor Catteau (RN). Ce débat donne lieu à beaucoup d’hypocrisie. Notre collègue socialiste souhaite la suppression de l’article unique au prétexte qu’une proposition de loi similaire avait été déposée par les socialistes. La différence entre vous et nous, c’est que nous défendons l’intérêt général : c’est parce qu’elle est d’intérêt général que nous défendons cette proposition de loi. Une fois de plus, vous vous contentez de défendre votre boutique et non l’intérêt général.

Madame Peyron, vous vous opposez à la venue des journalistes, ce qui est votre droit, mais pourquoi ne pas amender le texte pour supprimer la référence aux journalistes ?

Mme Michèle Peyron (RE). Mme la rapporteure a dit que parmi les enfants placés à l’ASE, il y avait des proxénètes. Or ces enfants sont avant tout des victimes ! Si vous connaissiez l’ASE, comme vous le prétendez, vous le sauriez !

Mme la rapporteure. Je n’ai jamais dit cela ! Si vous le pensez réellement, je vous demande de produire l’enregistrement, parce que sinon c’est de la diffamation !

Madame Givernet, je crains que votre dogmatisme ne vous rende sourde : j’ai dit que j’allais faire un pas vers mes collègues parlementaires en revenant sur la disposition autorisant l’accompagnement par des journalistes. J’ai bien compris que vous aviez envie de placer votre pique ; néanmoins, j’avais déjà répondu à votre objection.

Monsieur Guedj, je me suis également appuyée sur la mission d’information de la Conférence des présidents de l’Assemblée nationale sur l’aide sociale à l’enfance de juillet 2019 dont le rapport constate une « absence de culture du contrôle ». Nos collègues Alain Ramadier et Perrine Goulet y écrivent que les travaux de la mission ont « révélé des difficultés d’accès aux lieux d’accueil », ajoutant qu’il « semblerait assez logique que les parlementaires disposent, à l’instar de ce que prévoit l’article 719 du code de procédure pénale sur le droit de visite dans les lieux de privatifs de liberté, d’un droit de visite législatif dans les structures de la protection de l’enfance. Ce droit serait ainsi plus facilement mis en œuvre qu’aujourd’hui, où il est conditionné à l’exercice d’un pouvoir de contrôle sur place dans le cadre d’une commission d’enquête, notamment. » C’est exactement ce que dit également Mme Petit : actuellement, il n’est pas simple pour nous de nous rendre dans ces structures.

Suivant ces préconisations, plusieurs amendements au projet de loi relatif à la protection des enfants ont été déposés. Défendus par la majorité et par une partie de l’opposition, ils autorisaient les députés et les sénateurs, ainsi que les représentants du Parlement européen élus en France, à visiter ces centres sociaux. Cependant, ces amendements n’ont pas survécu à la navette parlementaire. Ce que nous proposons n’est donc pas nouveau et nous ne pouvons pas faire comme s’il était facile d’entrer dans ces centres sociaux et médico-sociaux.

J’émets donc un avis défavorable aux trois amendements de suppression.

La commission adopte les amendements identiques.

En conséquence, l’article unique est supprimé.

L’ensemble de la proposition de loi est ainsi rejeté.

 

*

*     *

 

L’article unique de la proposition de loi ayant été supprimé, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 


  1 

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par la rapporteure

(Par ordre chronologique)

     Association Parents et enfants en détresse  Mme Chantal Gatien, présidente et Mme Nadine Plestan, secrétaire générale

       Haute Autorité de santé (HAS)  Mme Véronique Ghadi, directrice de la qualité de l’accompagnement social et médico-social

 


  1 

   Annexe N° 2 :
TEXTES SUSCEPTIBLES D’Être modifiÉs ou abrogÉs À l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

Unique

Code de l’action sociale et des familles

L. 312‑11 [nouveau]

 

 


([1]) Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport d’activité 2008, p. 21.

([2]) « Le Parlement vote la loi. Il contrôle l’action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques. »

([3]) Selon ledit article 57, la mission de suivi et de contrôle est confiée « au président, au rapporteur général ainsi que, dans leurs domaines d’attributions, aux rapporteurs spéciaux, et chaque année, pour un objet et une durée déterminés, à un ou plusieurs membres de la commission obligatoirement désignée par elle à cet effet ».

([4]) Il s’agit là aussi du président de la commission, du rapporteur général, du président de la mission d’évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (MECSS), des rapporteurs dans leurs domaines d’attribution pour un objet et une durée déterminés et des membres de la commission désignés par elle à cet effet.

([5]) Rapport d’information de la mission d’information sur l’aide sociale à l’enfance de M. Alain Ramadier, président et Mme Perrine Goulet, rapporteure, 3 juillet 2019, p. 79.

([6]) Texte n° 4264 présenté par MM. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé, et Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, et déposé à l’Assemblée nationale le 16 juin 2021.

([7]) Article 3 bis C du projet de loi adopté par l’Assemblée nationale en première lecture le 8 juillet 2021 (T.A. n° 644).

([8]) Rapport de la commission mixte paritaire n° 4890 rectifié de M. Bernard Bonne, sénateur, et Mmes Bénédicte Pételle et Michèle Peyron, députées, 11 janvier 2022.

([9]) Victor Castanet, Les Fossoyeurs, Fayard, 26 janvier 2022.

([10]) Proposition de loi n° 5008 créant un droit de visite des parlementaires et parlementaires européens élus en France dans les établissements sociaux et médico-sociaux, 8 février 2022.

([11]) Institué par la loi n° 2007‑1545 du 30 octobre 2007, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté est une autorité administrative indépendante française chargée de contrôler les conditions de prise en charge et de transfèrement des personnes privées de liberté afin de s’assurer du respect de leurs droits fondamentaux.

([12]) La bientraitance est définie par la Haute Autorité de santé comme « une démarche collective pour identifier l’accompagnement le meilleur possible pour l’usager, dans le respect de ses choix et dans l’adaptation la plus juste à ses besoins ».

([13]) IGF et IGAS, rapport établi au nom de la mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea, mars 2022.

([14]) Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 d’adaptation de la société au vieillissement.

([15]) Les modalités sont prévues à l’article R. 314-234 du code de l’action sociale et des familles.

([16]) IGF et IGAS, Synthèse de la mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea », mars 2022, p. 9.

([17]) Observatoire national de la protection de l’enfance, « La loi du 7 février 2022 relative à la protection des enfants : contexte, analyses et perspectives », mai 2022.

([18]) Article L. 311-8 du code de l’action sociale et des familles.

([19]) Les dossiers de la Drees, « 61 000 enfants, adolescents et jeunes majeurs hébergés fin 2017 dans les établissements de l’aide sociale à l’enfance », n°55, mai 2020.

([20]) Observatoire national de la protection de l’enfance, « La population des enfants suivis en protection de l’enfance au 31 décembre 2019 : les disparités départementales », février 2022, p. 5.

([21]) Aux termes de l’article R. 226-2-2 du code de l’action et des familles, l’information préoccupante est « une information transmise à la cellule départementale mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 pour alerter le président du conseil départemental sur la situation d’un mineur, bénéficiant ou non d’un accompagnement, pouvant laisser craindre que sa santé, sa sécurité ou sa moralité sont en danger ou en risque de l’être ou que les conditions de son éducation ou de son développement physique, affectif, intellectuel et social sont gravement compromises ou en risque de l’être. La finalité de cette transmission est d’évaluer la situation d’un mineur et de déterminer les actions de protection et d’aide dont ce mineur et sa famille peuvent bénéficier. »

([22]) Recommandation de la Haute Autorité de santé, « Le cadre national de référence – Évaluation globale de la situation des enfants en danger ou risque de danger », 12 janvier 2021.

([23]) Recommandation de la Haute Autorité de santé, « Soutenir les établissements et services sociaux et médico-sociaux dans le recueil du point de vue des personnes qu’ils accompagnent – Programme pluriannuel de travail », 23 novembre 2022.

([24]) IGF et IGAS, Synthèse de la mission sur la gestion des établissements d’hébergement de personnes âgées dépendantes (Ehpad) du groupe Orpea », op.cit., p. 19.

([25]Ibid, p. 19.

([26]) Contrôleur général des lieux de privation de liberté, rapport d’activité 2012, p. 293.

([27]) Article 1er du décret n° 2016-662 du 20 mai 2016 relatif aux modalités d’accompagnement des parlementaires par des journalistes dans un établissement pénitentiaire ou un centre éducatif fermé.

([28])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12635222_63998798a96a8.commission-des-affaires-sociales--retraite-des-personnes-ayant-beneficie-de-contrats-de-travaux-d-u-14-decembre-2022