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N° 614

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE
relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias,

 

 

 

Par M. Emmanuel PELLERIN,

 

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir le numéro : 601.

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. Une initiative bienvenue visant À renforcer le pluralisme et l’indépendance de l’information au sein de l’union

A. L’intervention de la commission européenne au titre de sa compétence d’harmonisation du marché intérieur est contestée par plusieurs États membres

1. La Commission européenne fonde son intervention sur sa compétence au titre du marché intérieur

2. Le principe de subsidiarité : un principe essentiel du droit de l’Union qui n’apparaît pas méconnu en l’espèce, malgré une interrogation sur le choix de l’instrument retenu

B. Les objectifs de la proposition de règlement : améliorer le fonctionnement du marché intérieur et établir un socle minimal de règles garantissant la liberté des médias

1. Une initiative attendue dans un contexte d’atteintes à la liberté des médias dans certains États membres

2. La proposition de règlement vise à harmoniser certains éléments de législation des États membres relatifs aux médias

II. des principes communs nécessaires et des dispositions qui devront être précisées au cours de la procédure législative ordinaire

A. les droits et obligations applicables aux fournisseurs et aux destinataires des services de médias

1. La protection de la liberté éditoriale des médias

2. L’indépendance des médias de service public

3. Les obligations applicables aux médias en matière de transparence et d’indépendance éditoriale

B. le cadre pour une coopération en matière de régulation et un bon fonctionnement du marché intérieur des services de médias

1. La création du Comité européen pour les services de médias : un statut à préciser, une indépendance à garantir

2. La protection des contenus des services de médias publiés sur les plateformes numériques : un manque d’ambition face à une situation insatisfaisante

3. Le droit à la personnalisation de l’offre de médias audiovisuels

4. L’évaluation des opérations de concentration sur le marché des médias : une disposition à préciser

5. Les règles relatives à la mesure de l’audience

6. Les règles relatives à la publicité publique

III. les améliorations apportées par la commission

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Annexe : liste des personnes entendues

1. Auditions communes de M. Emmanuel Pellerin, rapporteur, et de Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin, rapporteures de la commission des affaires européennes

2. Auditions de M. Emmanuel Pellerin, rapporteur


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   Introduction

Annoncée par Mme Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, dans son discours sur l’état de l’Union du 15 septembre 2021 devant les députés européens, la proposition de règlement établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE a été présentée le 16 septembre 2022.

Visant à établir un cadre commun entre les États membres afin de favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur des médias et de mieux protéger le pluralisme et la liberté de la presse, via des normes minimales, elle doit à présent être examinée par le Parlement européen et le Conseil selon la procédure législative ordinaire. La proposition sera examinée au fond par la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen, et pour avis par la commission du marché intérieur et de la protection des consommateurs, et par la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures.

En application de l’article 151-2, alinéa 3, du Règlement de l’Assemblée nationale, « la commission des affaires européennes peut déposer un rapport d’information sur tout document émanant d’une institution de l’Union européenne, concluant éventuellement au dépôt d’une proposition de résolution. »

La commission des affaires européennes s’est réunie le 7 décembre 2022 et a adopté un rapport d’information ([1]), ainsi qu’une proposition de résolution européenne ([2]).

L’article 151-7 du Règlement dispose que « les propositions de résolution sont examinées par la commission permanente saisie au fond. Celle-ci se prononce sur la base du texte adopté par la commission des affaires européennes ou, à défaut, du texte de la proposition de résolution. » En application de cet article, la commission des affaires culturelles et de l’éducation a été saisie au fond pour examiner la proposition de résolution européenne. En raison des délais contraints, les rapporteures de la commission des affaires européennes et le rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation ont décidé l’organisation d’auditions conjointes. Votre rapporteur a par la suite mené des auditions complémentaires afin d’approfondir certaines questions et difficultés révélées au cours de la première série d’auditions.

Il appartiendra à l’avenir au Conseil et au Parlement européen d’examiner le texte de la Commission européenne, selon un calendrier qui reste à définir. M. Ludovic Butel, secrétaire général adjoint aux affaires européennes, a indiqué aux rapporteurs que le groupe de travail « audiovisuel et médias » du Conseil de l’Union européenne avait déjà mené cinq réunions afin d’examiner la proposition de règlement et que la présidence suédoise, qui s’ouvrira le 1er janvier 2023, souhaitait une première lecture du Conseil en mai 2023. Cette première lecture ne pourra avoir lieu, en application de l’article 294 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), qu’après la première lecture du Parlement européen, qui n’a pas arrêté de calendrier à ce jour.

La proposition de législation de la Commission européenne a reçu un accueil favorable du Gouvernement, ce soutien de principe ayant été présenté aux rapporteurs par la représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne et par le secrétariat général aux affaires européennes.

Il ressort des auditions menées ([3]) et des échanges avec les rapporteures de la commission des affaires européennes une position partagée : la proposition de règlement vise à poser un socle minimal de principes communs et rappelle à tous les États membres que la liberté de la presse est une liberté publique fondamentale et fondatrice de l’espace public européen. Les États de l’Union ont institué une communauté fondée sur le droit, des valeurs communes et des principes partagés, au premier rang desquels figure la liberté des médias. Or cette liberté apparaît menacée voire bafouée dans un certain nombre d’États du Vieux Continent et la proposition de législation européenne est bienvenue en ce qu’elle offre l’opportunité d’un grand débat à l’échelle européenne, d’abord au sein du Parlement européen, sur les garanties que les pouvoirs publics doivent mettre en œuvre pour la protéger, et sur les garde-fous nécessaires à l’encadrement de l’action de nouveaux acteurs, tels que les plateformes numériques.

En conséquence, le rapporteur salue l’initiative de la Commission et donne un avis favorable à l’adoption de la présente proposition de résolution européenne.

Le texte de la Commission européenne est cependant, à de nombreux égards, perfectible. Plusieurs dispositions mériteraient d’être clarifiées et renforcées et le rapporteur souhaite que la parole de l’Assemblée nationale, à travers l’adoption de la présente proposition de résolution européenne, soit entendue et relayée par le Gouvernement au sein du Conseil.

 

I.   Une initiative bienvenue visant À renforcer le pluralisme et l’indépendance de l’information au sein de l’union

A.   L’intervention de la commission européenne au titre de sa compétence d’harmonisation du marché intérieur est contestée par plusieurs États membres

1.   La Commission européenne fonde son intervention sur sa compétence au titre du marché intérieur

La base juridique invoquée par la Commission européenne est l’article 114 du TFUE, qui prévoit que « le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur ».

La Commission européenne justifie son intervention par le caractère de plus en plus transfrontière de l’accès aux médias et la nécessité de renforcer « l’espace européen de l’information ». Elle fait état d’une « fragmentation des approches réglementaires nationales en matière de liberté et de pluralisme des médias et d’indépendance éditoriale » et d’un certain nombre de difficultés entravant la fourniture de services de médias dans le marché intérieur, notamment :

– le risque d’ingérence des États dans les médias de service public, au détriment de conditions de concurrence équitables ;

– l’opacité et les biais potentiels des systèmes et méthodes de mesure de l’audience, entraînant une distorsion du marché ;

– ou encore l’allocation inéquitable et non transparente des dépenses publiques de publicité aux fournisseurs de services de médias.

Il convient de rappeler que l’Union européenne ne dispose pas explicitement d’une compétence en matière de médias et de pluralisme. De façon générale, l’article 167 du TFUE n’attribue à l’Union qu’une compétence d’appui en matière culturelle et dispose que son action « vise à encourager la coopération entre États membres et, si nécessaire, à appuyer et compléter leur action ». Il est ainsi prévu l’adoption par le Parlement européen et le Conseil « d’actions d’encouragement, à l’exclusion de toute harmonisation des dispositions législatives et réglementaires des États membres » et l’adoption par le Conseil, sur proposition de la Commission, de recommandations. L’Union n’a ainsi pas compétence pour réglementer directement les médias et le pluralisme au sein des États membres, même si l’article 11, alinéa 2, de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose que « la liberté des médias et leur pluralisme sont respectés ». Si la Charte a une valeur contraignante pour l’Union et les États membres depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne en 2009, elle ne crée toutefois « aucune compétence ni aucune tâche nouvelle » pour l’Union et « ne modifie pas les compétences et tâches définies par les traités » (article 51, alinéa 2).

De fait, avant la présente proposition de règlement, la Commission européenne n’avait jamais proposé d’acte législatif en matière de pluralisme des médias. Suite à la publication, en 1992, d’un livre vert relatif au pluralisme et à la concentration dans les médias, la Commission a déposé, en 1997, un avant-projet de directive afin d’introduire, pour la radio et la télévision, un plafonnement des parts d’audience des services contrôlés par un même organisme. Cependant, en l’absence de base juridique claire, la Commission n’est pas allée au bout du processus législatif, malgré les inquiétudes exprimées par le Parlement européen à plusieurs reprises quant à la concentration dans le secteur des médias.

Ainsi, en 2008, le Parlement européen a adopté une résolution « sur la concentration et le pluralisme dans les médias dans l’Union européenne » et, plus récemment, en 2021, une résolution « sur les médias européens dans la décennie numérique ». Dans cette dernière, le Parlement européen s’inquiète des nouveaux mouvements de concentration qui pourraient voir le jour du fait de la crise sanitaire et de la crise économique, et invite la Commission « à tenir davantage compte de l’évolution de l’environnement concurrentiel numérique pour permettre aux acteurs des médias de l’Union de rester compétitifs et de continuer à jouer un rôle important à long terme ».

Dès 1992, dans son livre vert, la Commission avait jugé que l’objectif de bon fonctionnement du marché intérieur pouvait justifier une action indirecte en faveur du pluralisme, via l’harmonisation des dispositions encadrant les concentrations dans le secteur des médias.

Un rapport de 2013 du groupe de haut niveau sur le pluralisme des médias et un rapport de 2016 de la commission des libertés civiles, de la justice et des affaires intérieures du Parlement européen relatif à l’analyse du pluralisme au sein des États membres ont considéré que l’absence d’harmonisation des législations nationales en matière de pluralisme des médias pouvait entraver la liberté de circulation au sein du marché intérieur. Dès lors, ils jugeaient possible une intervention de la Commission sur la base de l’article 114 du TFUE.

Après un appel à contributions lancé en décembre 2021 puis une consultation publique menée à partir de janvier 2022, la Commission européenne a ainsi opté en faveur d’un instrument législatif contraignant, en se fondant sur l’article 114 du TFUE.

La base législative invoquée pourrait être considérée par un certain nombre d’États membres comme un moyen détourné de légiférer dans un domaine pour lequel la Commission n’a pas de compétence, qui plus est dans un domaine hautement sensible, et comme contraire au principe de subsidiarité. Certains États membres, en particulier, pourraient se sentir visés par la proposition de règlement, dont l’exposé des motifs reconnaît que « la gravité des problèmes varie d’un État membre de l’UE à l’autre ».

M. Cyril Piquemal, représentant permanent adjoint de la France auprès de l’Union européenne, a estimé auprès des rapporteurs que l’article 114 du TFUE constituait une base juridique valide, la divergence des législations nationales en matière de secret des sources journalistiques ou d’indépendance éditoriale, par exemple, pouvant avoir un effet sur le fonctionnement du marché intérieur. Selon les informations communiquées aux rapporteurs par Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles (DGMIC), le service juridique du Conseil de l’Union européenne devrait rendre en décembre 2022 un avis sur la validité de la base juridique invoquée par la Commission européenne.

2.   Le principe de subsidiarité : un principe essentiel du droit de l’Union qui n’apparaît pas méconnu en l’espèce, malgré une interrogation sur le choix de l’instrument retenu

Deux assemblées parlementaires ont à ce jour formellement critiqué la proposition de la Commission européenne au regard du principe de subsidiarité. Le Bundesrat allemand a ainsi adopté, le 25 novembre 2022, un avis motivé sur la proposition de législation européenne. Tout en indiquant partager l’objectif de la Commission de préserver l’indépendance éditoriale et le pluralisme des médias au sein de l’Union européenne, il estime que la base légale invoquée n’est pas pertinente et que la proposition porte atteinte à la souveraineté nationale ainsi qu’aux principes de subsidiarité et de proportionnalité, qui encadrent l’action de l’Union.

La commission des affaires européennes hongroise a adopté un avis motivé similaire le 29 novembre 2022, qui doit désormais être examiné en séance publique. La commission critique le recours à l’article 114 du TFUE, jugeant qu’il n’existe pas à l’échelle européenne de marché intérieur des médias unifié, que la réglementation des médias ne constitue ni une compétence exclusive ni une compétence partagée de l’Union et que le choix d’un règlement, d’application directe, porte atteinte aux traditions réglementaires nationales.

 

Le principe de subsidiarité

Depuis l’entrée en vigueur du traité de Lisbonne le 1er décembre 2009, le principe de subsidiarité est inscrit à l’article 5, alinéa 3, du Traité sur l’Union européenne : « En vertu du principe de subsidiarité, dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence exclusive, l’Union intervient seulement si, et dans la mesure où, les objectifs de l’action envisagée ne peuvent pas être atteints de manière suffisante par les États membres, tant au niveau central qu’au niveau régional et local, mais peuvent l’être mieux, en raison des dimensions ou des effets de l’action envisagée, au niveau de l’Union. »

Il s’agit d’un principe régulateur de l’exercice des compétences de l’Union, qui régit son action au titre de ses compétences partagées et de ses compétences d’appui. Aux termes de l’article 5 du protocole sur l’application des principes de subsidiarité et de proportionnalité, « les projets d’actes législatifs européens sont motivés au regard des principes de subsidiarité et de proportionnalité. Tout projet d’acte législatif devrait comporter une fiche contenant des éléments circonstanciés permettant d’apprécier le respect des principes de subsidiarité et de proportionnalité. » Au stade de l’élaboration des projets d’acte législatif, le principe de proportionnalité contraint la Commission européenne à mener de « larges consultations » (article 2 du protocole) au sein des milieux intéressés afin d’apprécier, dans un domaine donné, l’insuffisance de l’action nationale et la meilleure efficacité à agir de l’Union.

En application de l’article 4 du protocole, la Commission européenne transmet aux parlements nationaux ses projets d’acte législatif. L’article 6 institue un contrôle parlementaire du respect du principe de subsidiarité : « Tout parlement national ou toute chambre de l’un de ces parlements peut, dans un délai de huit semaines à compter de la date de transmission d’un projet d’acte législatif dans les langues officielles de l’Union, adresser aux présidents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission un avis motivé exposant les raisons pour lesquelles il estime que le projet en cause n’est pas conforme au principe de subsidiarité. » Chaque parlement monocaméral dispose de deux voix et chaque assemblée d’un parlement bicaméral dispose d’une voix. Dans le cas où les avis motivés représentent le tiers des voix attribuées aux parlements nationaux, la Commission européenne doit réexaminer sa proposition (maintien, modification ou retrait).

Enfin, le protocole permet aux États membres de former un recours en annulation (article 263 du TFUE) contre les actes législatifs auprès de la Cour de Justice de l’Union européenne. Les États peuvent également transmettre un recours au nom de leur parlement national ou de l’une de ses chambres. En France, cette possibilité est inscrite à l’article 88-6, alinéa 2, de la Constitution, qui prévoit que « chaque assemblée peut former un recours devant la Cour de justice de l’Union européenne contre un acte législatif européen pour violation du principe de subsidiarité. Ce recours est transmis à la Cour de Justice de l’Union européenne par le Gouvernement. »

La Commission justifie son intervention par le caractère transfrontière des enjeux et la défend en affirmant que ses objectifs « ne peuvent être atteints par des États membres agissant seuls ». Elle juge qu’une « approche commune de l’UE, promouvant la convergence, la transparence, la sécurité juridique et des conditions de concurrence équitables pour les acteurs concernés sur le marché des médias constitue le meilleur moyen de faire progresser le marché intérieur ».

Mme Sabine Verheyen, présidente de la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen, a jugé que la régulation des médias est « essentiellement une compétence des États membres » et que mettre en œuvre des règles trop contraignantes au niveau européen « n’aurait pas de sens ». Elle a estimé qu’il fallait prendre en compte les différences entre les États membres dans la régulation du secteur et que l’Union européenne, de ce fait, ne pouvait poser qu’un « cadre », soit des règles communes minimales ([4]).

La Commission européenne estime tenir compte des différences entre les États membres, assurant que sa proposition « n’interférera pas avec la compétence des États membres de pourvoir au financement des médias de service public aux fins de l’accomplissement de leur mission de service public telle qu’elle a été conférée, définie et organisée au niveau national, et n’interférera pas non plus avec l’identité nationale ou les traditions réglementaires dans le domaine des médias. Elle tient, en outre, dûment compte de la position des parties prenantes, et repose donc sur l’idée selon laquelle des règles excessivement uniformes et détaillées de l’UE concernant le pluralisme des médias seraient non souhaitables et disproportionnées, étant donné que de telles règles doivent être adaptées au contexte historique et culturel de chaque État membre. »

Le rapporteur juge l’état d’esprit de la Commission, tel qu’exprimé ci-dessus, rassurant quant au respect des traditions réglementaires des États membres et son intervention salutaire dans un contexte d’atteintes à l’indépendance et au pluralisme des médias dans plusieurs États de l’Union. Il réaffirme son attachement au principe de subsidiarité, qui ne lui apparaît pas méconnu en l’espèce, une harmonisation minimale des législations européennes étant de nature à améliorer le fonctionnement du marché intérieur, sans remettre en cause la compétence des États membres, et il s’associe à la position de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), qui a estimé que « le bon fonctionnement [du marché intérieur] va de pair avec un environnement propice au développement d’une diversité de médias européens » ([5]).

Cependant, le rapporteur s’interroge sur le choix de l’instrument juridique retenu. La Commission européenne, tout en affirmant sa volonté de respecter les traditions réglementaires des États membres en matière de médias, a décidé de présenter un règlement qui sera « obligatoire dans tous ses éléments » et « directement applicable dans tout État membre », conformément à l’article 288 du TFUE. Si le rapporteur comprend naturellement la préférence de la Commission pour un règlement plutôt que pour une directive, le premier étant d’application directe tandis que la seconde ne lie les États membres que quant au résultat à atteindre, il juge cependant que la présentation d’une directive aurait été de nature à rassurer les États membres et que cet instrument était davantage adapté en l’espèce. En effet, de nombreux États respectent déjà la plupart des dispositions proposées par la Commission européenne et disposent d’un cadre juridique ancien et étoffé, comme la France. Dès lors, la Commission aurait dû se borner à fixer des objectifs à atteindre, plutôt que de fixer des règles d’effet direct risquant de déstabiliser des régimes juridiques nationaux bien établis et efficaces.

B.   Les objectifs de la proposition de règlement : améliorer le fonctionnement du marché intérieur et établir un socle minimal de règles garantissant la liberté des médias

1.   Une initiative attendue dans un contexte d’atteintes à la liberté des médias dans certains États membres

Au-delà de l’objectif d’amélioration du fonctionnement du marché intérieur, la proposition de règlement de la Commission européenne est indirectement motivée par un constat inquiétant : la multiplication des atteintes à la liberté, à l’indépendance et au pluralisme ([6]) des médias, documentées par la Commission dans ses rapports sur l’État de droit.

Dans l’édition 2022 de son rapport ([7]), la Commission formule un certain nombre d’inquiétudes relatives, en premier lieu, à l’indépendance des autorités de régulation nationales. Rappelant leur importance dans la préservation du pluralisme des médias, la Commission émet des doutes sur « l’indépendance fonctionnelle des régulateurs dans la pratique » dans certains États membres. La Hongrie est explicitement visée, la Commission appelant au renforcement de l’indépendance fonctionnelle du Conseil des médias hongrois ([8]), de même que la Slovénie, la Commission s’interrogeant sur la capacité de son cadre juridique à garantir l’indépendance « à l’égard de toute ingérence politique ». Elle exprime également des inquiétudes sur le fonctionnement et le budget du Conseil national de l’audiovisuel roumain.

La Commission européenne rappelle également l’importance de la transparence en matière de propriété des médias, essentielle pour permettre aux utilisateurs « de se forger une opinion éclairée » sur le contenu des informations. Elle se félicite des mesures prises dans certains États membres visant à renforcer cette transparence mais relève des difficultés particulières dans plusieurs pays, dont la République tchèque, les Pays-Bas, la France et la Slovénie. S’agissant de la France, la Commission européenne lui recommande de « renforcer la transparence en matière de propriété des médias, en particulier en ce qui concerne les structures d’actionnariat complexes, en s’appuyant sur les garanties juridiques existantes. » ([9])

La protection de l’indépendance des médias de service public fait l’objet d’une attention particulière de la Commission, qui rappelle l’importance de prévenir toute ingérence politique dans ce secteur. Or elle souligne que, dans certains États membres, le droit en vigueur ne permet pas de « garantir une indépendance suffisante ». La Commission s’inquiète du « risque de politisation des nominations et des révocations des dirigeants et des membres du conseil d’administration en Tchéquie, en Slovaquie et à Chypre, l’indépendance et la gouvernance des médias de service public à Malte, et les défis que pose en pratique la réglementation existante pour limiter les influences politiques en Slovénie ». Elle relève également l’insuffisance des garanties concernant les nominations aux postes de direction en Pologne et en Grèce. La Hongrie et la Pologne sont appelées à « renforcer les règles et mécanismes visant à consolider la gouvernance indépendante et l’indépendance éditoriale des médias de service public ».

La Commission européenne s’alarme de l’augmentation « significative » en 2021 des atteintes à la sécurité des journalistes recensées par la plateforme du Conseil de l’Europe pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes ([10]). Les alertes sont ainsi passées de 200 en 2020 à 282 en 2021 (+ 41 %) et six journalistes ont été tués en 2021 contre deux en 2020.

Enfin, la Commission met en garde sur le développement, au sein de l’Union, des « procédures judiciaires abusives altérant le débat public » (poursuites-bâillons), le plus fréquemment des plaintes pour diffamation, qui constituent une forme de harcèlement contre les journalistes visant à les intimider. Elle invite les États membres à mettre en œuvre des garanties procédurales afin de renforcer la sécurité juridique des journalistes et note que certains pays ont commencé à modifier leur législation relative à la diffamation, telle la Lituanie, qui réfléchit à la possibilité d’un rejet judiciaire anticipé des plaintes en diffamation abusives. La Commission s’inquiète, en particulier, de « la prévalence croissante de cas de poursuites-bâillons » en Italie et d’un « nombre de recours abusifs ciblant des journalistes » élevé en Croatie, « menaçant l’existence d’organismes médiatiques locaux ». La Pologne fait l’objet d’une attention particulière, la Commission relevant des poursuites engagées contre des journalistes par des responsables politiques ou des fonctionnaires, les journalistes « chargés de suivre les décisions du gouvernement » apparaissant spécifiquement ciblés.

Reporters sans frontières (RSF) a récemment qualifié la Pologne de « pays des procédures-bâillons » ([11]), dénonçant la méconnaissance du droit à un procès équitable s’agissant de la condamnation de M. Tomasz Piatek, lauréat 2017 du prix Reporters sans frontières, condamné à huit mois de travaux d’intérêt général sans avoir été mis à même de présenter ses observations et de se défendre. Attaqué en diffamation par un proche du Premier ministre polonais, M. Piatek n’a pas été entendu par le tribunal. La Pologne, qui occupe le 66e rang du classement mondial de la liberté de la presse établi par RSF (- 2 places par rapport à 2021), s’est vue décerner par la coalition « Case » (Coalition against slapps in Europe, Coalition contre les poursuites-bâillons en Europe), qui regroupe une trentaine d’associations telles que RSF, Transparency International ou la Fédération européenne des journalistes, le triste prix du pays fournissant les conditions les plus favorables aux poursuites-bâillons sur les années 2021-2022.

Le rapporteur tient également à mentionner les travaux du Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (CPLM), centre de recherche hébergé au sein de l’Institut universitaire européen de Florence et co-financé par l’Union européenne. Son instrument de surveillance du pluralisme des médias ([12]), élaboré chaque année de manière indépendante, constitue un véritable « bilan de santé » de la situation des médias dans les vingt-sept États membres et cinq pays candidats à l’adhésion. Cet instrument comporte plusieurs volets, dont un sur l’indépendance politique des médias, qui mesure les risques de politisation dans la distribution des ressources publiques aux médias et le niveau des ingérences politiques. Huit pays présentent un risque élevé en la matière, dont cinq États membres : la Bulgarie, la Hongrie, Malte, la Pologne et la Slovénie.

En 2022, le CPLM a introduit dans son instrument un classement général des pays examinés, répartissant ces derniers selon cinq niveaux de risques. Parmi les dix pays présentant un haut risque, sept sont des États membres de l’Union européenne : la Bulgarie, la Grèce, la Hongrie, Malte, la Pologne, la Roumanie et la Slovénie.

 

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Classement général de l’instrument de surveillance du pluralisme des médias 2022

Jugeant la situation de la liberté de la presse dans plusieurs États membres préoccupante et rappelant qu’une presse libre, indépendante, pluraliste et jouissant de garanties effectives est indissociable d’une société démocratique avancée, le rapporteur salue l’initiative de la Commission européenne, visant à inscrire dans le droit de l’Union des principes communs d’indépendance des médias et de protection des journalistes et de l’indépendance éditoriale.

2.   La proposition de règlement vise à harmoniser certains éléments de législation des États membres relatifs aux médias

Reconnaissant les médias comme « essentiels au fonctionnement de nos sociétés et économies démocratiques », la proposition de règlement vise à « résoudre une série de problèmes affectant le fonctionnement du marché intérieur des services de médias et les activités des fournisseurs de tels services » :

– l’harmonisation insuffisante des règles et procédures nationales en matière de liberté et de pluralisme, jugée par la Commission préjudiciable aux entreprises de médias, notamment sur leurs conditions d’investissement dans le marché intérieur. Il s’agit notamment des règles en matière de concentration des médias et des mesures protectionnistes affectant le fonctionnement des entreprises de médias. La Commission entend ainsi renforcer la sécurité juridique des acteurs ;

– l’insuffisance de la coopération entre les autorités nationales de régulation des médias. Le champ d’action du groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA) est circonscrit aux services de médias audiovisuels et la Commission estime qu’il ne dispose pas des ressources et des outils nécessaires pour favoriser la convergence entre les réglementations nationales, au préjudice des acteurs, en particulier des services de médias audiovisuels et des plateformes de médias audiovisuels ;

– la fragmentation des garde-fous visant à prévenir les ingérences dans la liberté éditoriale des médias et l’hétérogénéité des garanties offertes aux médias de service public en matière d’indépendance. La Commission juge que cette fragmentation produit des distorsions de concurrence dans le marché intérieur ;

– l’allocation « opaque et déséquilibrée des ressources économiques », à l’origine de conditions de concurrence hétérogènes. La Commission considère les systèmes de mesure de l’audience comme opaques, ce qui fausserait les flux de revenus publicitaires. L’allocation des fonds publics utilisés à des fins publicitaires (publicité d’État) est jugée inéquitable dans plusieurs États membres.

L’exposé des motifs de la proposition de règlement fait état de quatre objectifs :

– encourager l’activité et l’investissement transfrontières dans les services de médias en harmonisant certains éléments des cadres nationaux actuellement divergents relatifs au pluralisme des médias, notamment afin de faciliter la fourniture de services transfrontières ;

– accroître la coopération et la convergence en matière de régulation grâce à des outils de coordination transfrontières et à des avis et orientations au niveau de l’UE, afin de favoriser l’adoption d’approches communes et cohérentes en matière de pluralisme et d’indépendance des médias ;

– faciliter la fourniture de services de médias de qualité en réduisant le risque d’ingérence indue d’acteurs publics et privés dans la liberté éditoriale ;

– assurer une allocation transparente et équitable des ressources économiques sur le marché intérieur des médias en améliorant la transparence et l’équité de la mesure de l’audience et de l’attribution de la publicité d’État.

La proposition de règlement est accompagnée d’une recommandation, contenant un catalogue non contraignant de bonnes pratiques à destination des entreprises de médias et des États membres, destinées à promouvoir l’indépendance éditoriale et la transparence de la propriété des médias.

 


II.   des principes communs nécessaires et des dispositions qui devront être précisées au cours de la procédure législative ordinaire

La proposition comprend quatre chapitres. Le premier énonce l’objet et le champ d’application du règlement ainsi qu’un certain nombre de définitions ([13]), et le dernier a trait aux dispositions finales. Seuls les chapitres II et III contiennent des dispositions de fond.

En préambule, le rapporteur tient à souligner que la Commission européenne n’opère pas de distinction entre la presse écrite et les médias audiovisuels, distinction pourtant traditionnelle en droit français. L’expression « service de médias » est employée pour désigner « un service, tel que défini aux articles 56 et 57 du traité, pour lequel l’objet principal du service proprement dit ou d’une partie dissociable de ce service est la fourniture de programmes ou de publications de presse au grand public, par quelque moyen que ce soit, dans le but d’informer, de divertir ou d’éduquer, sous la responsabilité éditoriale d’un fournisseur de services de médias ».

Le secteur de la presse en France est largement autorégulé et l’Arcom a rappelé, dans sa position sur la proposition de la Commission précédemment mentionnée, qu’il ne relevait pas de son office « et que tel est le cas dans la majorité des États membres de l’Union européenne ». Dès lors, le rapporteur s’interroge sur l’inclusion de la presse dans le champ de compétence du futur Comité européen pour les services de médias (cf. infra).

A.   les droits et obligations applicables aux fournisseurs et aux destinataires des services de médias

Après avoir rappelé le droit des destinataires de services de médias à « recevoir des contenus d’information d’actualité divers, produits dans le respect de la liberté éditoriale des fournisseurs de services de médias, dans l’intérêt du discours public », le chapitre II précise les droits et obligations des fournisseurs de services de médias.

1.   La protection de la liberté éditoriale des médias

Le chapitre II entend garantir la liberté éditoriale et protéger le pluralisme des médias via :

– l’interdiction pour les États membres et les autorités de régulation nationales de s’immiscer dans les politiques et décisions éditoriales ;

– l’interdiction des poursuites et des mesures privatives de liberté à l’encontre des médias, des journalistes et des membres de leur famille au motif qu’ils refuseraient de divulguer des informations sur leurs sources, sauf nécessité impérieuse d’intérêt général ;

– l’interdiction de l’utilisation de logiciels espions aux dépens des médias, des journalistes et des membres de leur famille, hors les cas où l’utilisation de tels logiciels serait justifiée par des raisons de sécurité nationale, et dans le respect de l’article 52 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (principes de nécessité et de proportionnalité).

Afin de garantir le respect de ces règles, l’article 4, sans préjudice d’une protection juridictionnelle effective, prévoit qu’une autorité indépendante est chargée de traiter les plaintes des journalistes. À l’issue d’un délai de trois mois, l’autorité rend un avis sur le respect des dispositions de l’article 4.

Le rapporteur ne peut que saluer l’affirmation de ces principes, dont le respect est indispensable à la préservation de la liberté des médias et que le droit français satisfait pleinement. La Constitution confie au législateur le soin de fixer les règles concernant « la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias » (article 34, alinéa 2). L’indépendance des médias et le pluralisme ont été consacrés comme objectifs de valeur constitutionnelle par le Conseil constitutionnel ([14]). Le principe du secret des sources des journalistes est inscrit, depuis 2010, à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, dont le troisième alinéa dispose qu’il ne peut lui être porté atteinte, directement ou indirectement, « que si un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont strictement nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi. Cette atteinte ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources. »

Le statut de journaliste professionnel, créé par la loi dite « Brachard » du 29 mars 1935, a créé des droits protecteurs pour les journalistes, destinés à garantir leur liberté d’expression et leur indépendance. Il s’agit de la « clause de cession », qui permet à un journaliste professionnel de quitter l’entreprise de sa propre initiative en percevant des indemnités, dans le cas de la cession du journal ou du périodique. Il s’agit ensuite de la « clause de conscience » ([15]), qui permet également à un journaliste de quitter son entreprise en cas de changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux.

Enfin, la loi n° 2016-1524 du 14 novembre 2016 visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias (loi dite « Bloche ») a créé de nouveaux droits et garanties de nature à protéger l’indépendance des journalistes :

– l’obligation pour les entreprises de médias de se doter d’une charte déontologique, rédigée conjointement par la direction et les représentants des journalistes ([16]) ;

– un « droit d’opposition » ([17]) : tout journaliste a le droit, aux termes du premier alinéa de l’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, « de refuser toute pression, de refuser de divulguer ses sources et de refuser de signer un article, une émission, une partie d’émission ou une contribution dont la forme ou le contenu auraient été modifiés à son insu ou contre sa volonté. Il ne peut être contraint à accepter un acte contraire à sa conviction professionnelle formée dans le respect de la charte déontologique de l’entreprise ou de sa société éditrice ». La violation de cette disposition est susceptible d’entraîner la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont bénéficie l’entreprise éditrice ;

– la création des comités relatifs à l’honnêteté, à l’indépendance et au pluralisme de l’information et des programmes ([18]). Institués auprès de toute personne morale éditrice d’un service de radio généraliste à vocation nationale ou de télévision qui diffuse, par voie hertzienne terrestre, des émissions d’information politique et générale, ces comités sont chargés de contribuer au respect des principes énoncés au troisième alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication (honnêteté, indépendance et pluralisme de l’information). Ils peuvent se saisir ou être consultés à tout moment par les organes dirigeants de la personne morale, par le médiateur lorsqu’il existe ou par toute personne ;

– le contrôle par l’Arcom de l’honnêteté, de l’indépendance et du pluralisme de l’information et des programmes qui y concourent ([19]).

2.   L’indépendance des médias de service public

L’article 5 de la proposition énonce des principes relatifs à l’organisation et au fonctionnement des médias de service public, afin de garantir leur indépendance :

– la nomination de la direction et du conseil d’administration doit s’effectuer selon une procédure transparente, ouverte et non discriminatoire, sur la base de critères préalablement définis ;

– la durée du mandat de la direction et du conseil d’administration doit être « adéquate et suffisante pour garantir l’indépendance effective » du média de service public. Les membres de la direction et du conseil d’administration ne peuvent être révoqués avant la fin de leur premier mandat « qu’à titre exceptionnel » s’ils ne remplissent plus les conditions requises, légalement définies, ou en raison d’un comportement illégal ou d’une faute grave ;

– les ressources financières des médias de service public doivent être « suffisantes et stables pour l’accomplissement de leur mission de service public » ;

– une autorité indépendante est chargée dans chaque État membre d’assurer le respect de ces principes.

Ces règles sont d’ores et déjà respectées par la France, comme l’a relevé au cours de son audition Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles. L’article 47-4 de la loi du 30 septembre 1986 prévoit ainsi que les présidents de France Télévisions, de Radio France et de France Médias Monde sont nommés pour cinq ans par l’Arcom, à la majorité de ses membres et sur des critères de compétence et d’expérience. Les sociétés de l’audiovisuel public doivent assurer « l’honnêteté, l’indépendance et le pluralisme de l’information ainsi que l’expression pluraliste des courants de pensée et d’opinion dans le respect du principe d’égalité de traitement et des recommandations de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique » ([20]). Aux termes du premier alinéa de l’article 3-1 de la loi du 30 septembre 1986, l’Arcom « garantit l’indépendance et l’impartialité du secteur public de la communication audiovisuelle ».

Ces principes ne sont cependant pas respectés par l’ensemble des États membres, la Commission européenne relevant dans le considérant 18 de la proposition de règlement que « les médias de service public peuvent être particulièrement exposés au risque d’ingérence, compte tenu de leur proximité institutionnelle avec l’État et du financement public qu’ils reçoivent ».

La protection de l’indépendance des médias de service public fait l’objet d’une attention particulière de la Commission dans son rapport 2022 sur l’État de droit (cf. supra), qui rappelle l’importance de prévenir toute ingérence politique dans ce secteur. Elle souligne que, dans certains États membres, le droit en vigueur ne permet pas de « garantir une indépendance suffisante ». La Commission s’inquiète du « risque de politisation des nominations et des révocations des dirigeants et des membres du conseil d’administration en Tchéquie, en Slovaquie et à Chypre, l’indépendance et la gouvernance des médias de service public à Malte, et les défis que pose en pratique la réglementation existante pour limiter les influences politiques en Slovénie. » Elle relève également l’insuffisance des garanties concernant les nominations aux postes de direction en Pologne et en Grèce. La Hongrie et la Pologne sont appelées à « renforcer les règles et mécanismes visant à consolider la gouvernance indépendance et l’indépendance éditoriale des médias de service public ».

3.   Les obligations applicables aux médias en matière de transparence et d’indépendance éditoriale

L’article 6 de la proposition de règlement pose deux obligations pour les entreprises de médias.

a.   La transparence de la propriété des médias

Les médias devront d’abord faire preuve de transparence sur leur propriété, en offrant à leurs destinataires « un accès facile et direct » à leur dénomination légale et leurs coordonnées, au nom de leur propriétaire direct ou indirect « dont la participation lui permet d’influencer la prise de décision opérationnelle et stratégique » et au nom de leur bénéficiaire effectif ([21]).

La France est d’ores et déjà dotée de règles assurant la transparence de la propriété des médias, tant pour la presse que pour le secteur audiovisuel.

S’agissant de la presse, l’article 5 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse impose à toute publication de presse de porter à la connaissance des lecteurs :

– si l’entreprise éditrice n’est pas dotée de la personnalité morale, les nom et prénom du propriétaire ou du principal copropriétaire ;

– si l’entreprise éditrice est une personne morale, sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, sa forme juridique ainsi que le nom de son représentant légal et des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de son capital ;

– le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction.

La loi du 14 novembre 2016 précitée a renforcé les obligations de transparence en matière de propriété, en créant un nouvel article 6 à la loi du 1er août 1986. Aux termes de cet article, toute entreprise éditrice doit porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes de la publication ou du service de presse en ligne (SPEL) :

– toute cession ou promesse de cession de droits sociaux ayant pour effet de donner à un cessionnaire au moins un tiers du capital social ou des droits de vote ;

– tout transfert ou promesse de transfert de la propriété ou de l’exploitation d’un titre de publication de presse ou d’un SPEL ;

– toute modification de son statut ;

– tout changement dans les dirigeants ou actionnaires de l’entreprise.

Cet article impose également à l’entreprise éditrice de porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes toutes les informations relatives à la composition de son capital, en cas de détention par toute personne physique ou morale d’une fraction supérieure ou égale à 5 % dudit capital, et de ses organes dirigeants.

Enfin, la violation par une entreprise éditrice des articles 5 et 6 de la loi du 1er août 1986 entraîne la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont elle bénéficie ([22]).

La transparence des médias audiovisuels est assurée par des dispositions similaires. L’article 38 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication impose notamment à toute personne physique ou morale venant à détenir toute fraction supérieure ou égale à 10 % du capital ou des droits de vote aux assemblées générales d’une société titulaire d’une autorisation d’en informer l’Arcom.

Par ailleurs, l’article 43-1 prévoit une obligation de transparence envers les consommateurs de services audiovisuels, tout éditeur devant mettre à la disposition du public :

– sa dénomination ou sa raison sociale, son siège social, le nom de son représentant légal et de ses trois principaux associés ;

– le nom du directeur de la publication et celui du responsable de la rédaction ;

– la liste des publications éditées par la personne morale et la liste des autres services de communication audiovisuelle qu’elle assure.

Dans le cadre de son instrument de surveillance du pluralisme des médias (cf. supra), le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias (CPLM) évalue la transparence de la propriété des médias des États membres via un sous-indicateur. En 2022, le risque en termes de transparence est jugé faible pour la France : 41 % contre une moyenne de 55 % au sein de l’Union. À titre de comparaison, le risque est de 81 % pour la Hongrie, 72 % pour l’Espagne et la Belgique, 69 % pour la République tchèque, 63 % pour la Pologne.

Transparence de la propriété des médias, instrument de surveillance du pluralisme des médias 2022

b.   La garantie de l’indépendance éditoriale : une intention louable, une incertitude juridique pour la France

L’article 6 de la proposition entend imposer aux fournisseurs de services de médias produisant des contenus d’information et d’actualité de prendre « les mesures qu’ils jugent appropriées en vue de garantir l’indépendance des décisions éditoriales individuelles ». En particulier, il importera que les « chefs de rédaction » soient « libres de prendre des décisions éditoriales individuelles dans l’exercice de leur activité professionnelle ».

Si cette disposition semble relever, de prime abord, du champ de l’autorégulation et si le rapporteur salue naturellement le souhait de la Commission de garantir l’indépendance éditoriale des médias, il s’interroge toutefois sur le caractère opérationnel de cet article et sur ses potentielles conséquences déstabilisatrices pour le droit français.

Mme Renate Schroeder, directrice générale de la Fédération européenne des journalistes, est revenue sur cet article au cours de son audition et a jugé nécessaire de clarifier la distinction entre les décisions éditoriales individuelles et la ligne éditoriale du média.

Bien que l’indépendance éditoriale des médias soit protégée en France (cf. supra), il n’en demeure pas moins que ceux-ci sont dotés d’une ligne éditoriale définie par l’actionnaire, conformément à la liberté d’entreprendre ([23]).

En application de l’article 6 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, toute publication de presse doit ainsi avoir un directeur de la publication, représentant légal de l’entreprise éditrice. Le directeur de la publication, pénalement responsable en cas d’infraction commise par voie de presse (chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse), est le représentant de l’actionnaire, qui peut contribuer à définir la ligne éditoriale de l’entreprise éditrice, sans toutefois pouvoir exercer des pressions individuelles sur les journalistes ou s’exonérer des obligations législatives et réglementaires, notamment le « droit d’opposition » des journalistes (cf. supra). Il exerce donc un contrôle sur les contenus publiés par le média, les journalistes pouvant faire usage de leur clause de conscience en cas de « changement notable dans le caractère ou l’orientation d’un journal ».

M. Pierre Petillault, directeur général de l’Alliance de la presse d’information générale (APIG), a fait part aux rapporteurs de sa crainte de voir s’élever, du fait de la proposition de règlement, une « muraille de Chine » entre l’actionnariat du journal et la rédaction. Selon lui, l’article 6, dans sa rédaction actuelle, pourrait remettre en cause la capacité du directeur de la publication à intervenir dans les contenus de presse et, en conséquence, serait incompatible avec la loi du 29 juillet 1881.

Le rapporteur s’interroge sur la portée juridique de l’article 6 et ses conséquences potentielles sur le cadre juridique français, qu’il ne souhaite pas voir remis en cause par le droit de l’Union.

M. Cyril Piquemal, représentant permanent adjoint de la France auprès de l’Union européenne, a indiqué aux rapporteurs que la rédaction actuelle de l’article suscitait des « interrogations » au sein du Gouvernement, conscient de son articulation problématique avec le droit français. Le rapporteur se félicite que le Gouvernement prenne la mesure de cette difficulté et souhaite qu’il défende une réécriture de l’article dans le cadre des négociations au sein du Conseil.

B.   le cadre pour une coopération en matière de régulation et un bon fonctionnement du marché intérieur des services de médias

1.   La création du Comité européen pour les services de médias : un statut à préciser, une indépendance à garantir

Le Comité européen pour les services de médias a vocation à remplacer le Groupe des régulateurs européens pour les services de médias audiovisuels (ERGA), institué par la directive sur les services de médias audiovisuels (directive SMA). L’ERGA rassemble à ce jour les dirigeants des autorités nationales de régulation de l’audiovisuel des États membres et apporte son expertise à la Commission sur toute question relative aux services de médias audiovisuels et au cadre réglementaire européen.

Agissant en toute indépendance dans l’exercice de ses missions, le Comité européen pour les services de médias ne pourra solliciter ou accepter aucune instruction d’une autorité publique ou privée.

Les membres du Comité seront les autorités nationales de régulation, chacune disposant d’une voix. Ils éliront en leur sein, à la majorité des deux tiers, un président dont la durée du mandat sera de deux ans. Un représentant de la Commission européenne siégera au sein du Comité, sans droit de vote, et participera à l’ensemble des activités et réunions. Les décisions seront prises à la majorité des deux tiers et le secrétariat du comité sera assuré par la Commission.

Les missions du Comité seront les suivantes :

– promouvoir l’application effective et cohérente de la législation européenne relative aux médias ;

– fournir des conseils à la Commission sur les aspects réglementaires, techniques ou pratiques de la régulation des médias ;

– rendre des avis, à la demande de la Commission, sur les mesures nationales et sur les concentrations dans le marché des médias susceptibles d’avoir des incidences sur le fonctionnement du marché intérieur des services de médias ;

– promouvoir la coopération et l’échange efficace d’informations, d’expériences et de bonnes pratiques entre les autorités nationales de régulation des médias ;

– coordonner les mesures nationales relatives aux services de médias fournis par des fournisseurs établis en dehors de l’Union qui ciblent des publics dans l’Union et qui présentent des risques pour la sécurité publique ou la défense ;

– organiser un dialogue structuré entre les fournisseurs de très grandes plateformes en ligne (plus de 45 millions d’utilisateurs), les représentants des médias et de la société civile.

La proposition de règlement met également en place un mécanisme d’assistance mutuelle entre les autorités nationales de régulation, aux fins d’échange d’informations ou d’adoption de mesures, lorsqu’il existe un « risque sérieux et grave d’atteinte au fonctionnement du marché intérieur des services de médias ou un risque sérieux d’atteinte à la sécurité publique et à la défense ».

Les demandes de coopération ou d’assistance mutuelle ne pourront être refusées par une autorité de régulation que pour un nombre limité de motifs : en cas d’incompétence de l’autorité concernée au regard de l’objet de la demande ou des mesures qu’elle serait invitée à prendre, ou si l’exécution de la demande s’avérait contraire au droit de l’UE ou d’un État membre. Le cas échéant, l’autorité de régulation concernée devra exposer les motifs de son refus de traiter une demande.

L’autorité de régulation destinataire d’une demande devra la traiter de façon rapide et communiquer des résultats intermédiaires dans un délai de 14 jours à compter de la réception de celle-ci.

Le rapporteur s’interroge sur l’organisation et le fonctionnement de ce futur comité, la question de son indépendance étant posée. Mme Renate Schroeder, notamment, craint que l’indépendance du Comité vis-à-vis de la Commission européenne ne soit pas suffisamment garantie, tout comme M. Roch‑Olivier Maistre, président de l’Arcom, qui a estimé au cours de son audition que, dans la rédaction actuelle de la proposition de règlement, le comité était « placé sous le regard » de la Commission. Enfin, Mme Sabine Verheyen s’est dite « profondément inquiète » du remplacement de l’ERGA par le nouveau Comité et de « l’influence de la Commission européenne » ([24]).

Le rapporteur souhaite par conséquent que le Comité soit pleinement indépendant, en étant doté de ressources propres suffisantes et d’un secrétariat distinct des services de la Commission européenne, et invite en conséquence le Gouvernement à défendre cette position auprès de ses homologues du Conseil.

2.   La protection des contenus des services de médias publiés sur les plateformes numériques : un manque d’ambition face à une situation insatisfaisante

La proposition de règlement complète et renforce le règlement sur les services numériques (DSA) du 19 octobre 2022. Ce dernier a créé de nouvelles obligations pour les plateformes, en particulier les très grandes plateformes numériques, soit celles qui sont utilisées par plus de 45 millions d’Européens par mois, comme Twitter. Le DSA impose ainsi aux plateformes de mettre en place un système interne de traitement des réclamations afin que les utilisateurs dont le compte a été suspendu ou résilié puissent contester la décision.

La proposition de législation sur la liberté des médias impose aux très grandes plateformes en ligne de prendre « toutes les mesures possibles » pour communiquer aux médias les raisons de la suspension de leurs contenus au motif de leur incompatibilité avec leurs conditions générales d’utilisation, avant que la suspension ne prenne effet. Les plateformes doivent par ailleurs traiter en priorité les plaintes des fournisseurs de services de médias. Cette disposition, qui relève largement de l’autorégulation, apparaît très insuffisante. Le rapporteur souhaite a minima que l’article 17 impose explicitement aux plateformes de communiquer lesdites raisons de la suspension des contenus médiatiques. Il s’associe à la proposition des rapporteures de la commission des affaires européennes, Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin, visant à obliger les plateformes à rendre publics les motifs de retrait d’un contenu (alinéa 35 de la proposition de résolution européenne).

La proposition prévoit un « dialogue constructif et effectif » entre le média et la plateforme lorsque le premier considère que la seconde restreint ou suspend fréquemment, sans motifs suffisants, ses contenus. Ce dialogue doit permettre de trouver une solution amiable et le média peut notifier au Comité européen pour les services de médias le résultat de ces échanges.

Enfin, la proposition de règlement prévoit l’obligation, pour les très grandes plateformes en ligne, de présenter des rapports annuels faisant état du nombre de cas où elles ont imposé des restrictions ou des suspensions de contenus médiatiques ainsi que les motifs de ces décisions.

3.   Le droit à la personnalisation de l’offre de médias audiovisuels

Le règlement instaure un droit de personnaliser l’offre de médias sur les appareils et interfaces utilisés pour accéder aux services de médias audiovisuels, comme les téléviseurs connectés. Les utilisateurs doivent ainsi pouvoir modifier facilement les paramètres par défaut et les adapter à leurs préférences, s’agissant de leur matériel, comme les télécommandes, ou des applications logicielles, des raccourcis et zones de recherche des logiciels.

Les fabricants et les développeurs devront veiller à ce que les appareils et interfaces mis sur le marché comportent une fonctionnalité permettant aux utilisateurs d’exercer librement et facilement ce droit.

4.   L’évaluation des opérations de concentration sur le marché des médias : une disposition à préciser

La législation proposée par la Commission européenne n’a pas vocation à empêcher les concentrations sur le marché des médias. Elle ne fixe ni règles ni seuils spécifiques en la matière et se borne à établir, sans préjudice de l’application des règles de concurrence, un cadre relatif aux règles et procédures nationales pour l’évaluation des concentrations sur le marché des médias.

Devront faire l’objet de cette évaluation les seules concentrations « susceptibles d’influer sensiblement sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale ». L’évaluation devra reposer sur des critères préalablement définis et tiendra compte d’un certain nombre d’éléments, notamment les effets de la concentration sur la formation de l’opinion publique et sur la diversité des acteurs médiatiques, les garde-fous de nature à protéger l’indépendance éditoriale, la viabilité économique de l’entité acquérante et de l’entité acquise en l’absence de concentration.

Ces évaluations seront réalisées par les autorités nationales de régulation. Lorsque l’évaluation portera sur une concentration susceptible d’avoir une incidence sur le marché intérieur, le Comité européen pour les services de médias sera préalablement consulté.

Enfin, dans l’hypothèse où aucune évaluation nationale n’aurait été effectuée, la Commission européenne pourra demander au Comité d’émettre un avis.

À l’instar de ses collègues de la commission des affaires européennes, le rapporteur souhaite une « clarification des critères d’évaluation » des opérations de concentration des médias (alinéa 34 de la proposition de résolution européenne). La rédaction actuelle du premier alinéa de l’article 21, en particulier, pourrait faire l’objet d’interprétations sensiblement différentes d’un État membre à l’autre, compte tenu de la difficulté à distinguer entre les opérations de concentration « susceptibles d’influer sensiblement sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale » et les autres.

5.   Les règles relatives à la mesure de l’audience

La mesure de l’audience présente une importance cruciale, dans la mesure où elle détermine en partie le prix acquitté par les différents annonceurs, les recettes publicitaires constituant une part essentielle du financement des médias.

La proposition de règlement (article 23) vise à imposer aux organismes de mesure de l’audience la communication aux médias et aux annonceurs d’informations précises, détaillées, complètes, intelligibles et actualisées sur la méthodologie utilisée. Les systèmes et méthodes de mesure de l’audience devront respecter les principes de transparence, d’impartialité, d’inclusion, de proportionnalité, de non-discrimination et de vérifiabilité. Les autorités de régulation devront quant à elles encourager les fournisseurs d’outils de mesure de l’audience à élaborer des codes de conduite afin de favoriser le respect de ces principes.

Ces principes sont bienvenus et la rédaction actuelle de l’article 23 établit un équilibre satisfaisant entre la nécessité de respecter des principes communs à l’échelle de l’Union et le caractère irréaliste que présenterait une harmonisation complète des systèmes de mesure de l’audience au sein des États membres. Les méthodes et les budgets consacrés à la mesure de l’audience présentent en effet des différences notables entre les pays de l’Union.

En France, la mesure de l’audience de la télévision et de la radio est assurée par la société Médiamétrie ([25]), tandis que celle de la presse est réalisée par l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Médiamétrie mesure également l’audience sur internet.

Les principes directeurs des systèmes de mesure de l’audience posés par la Commission européenne sont respectés par la France, les techniques et méthodes de Médiamétrie et de l’ACPM faisant l’objet de certifications et d’audits par le Centre d’étude des supports de publicité (CESP), un organisme interprofessionnel indépendant réunissant des acteurs du marché de la publicité (annonceurs, agences) et des médias ([26]).

La mesure de l’audience s’est complexifiée du fait de la numérisation de l’offre et de la consommation des contenus médiatiques. Le rapport de l’inspection générale des finances (IGF) et de l’inspection générale des affaires culturelles (IGAC), rédigé sous la supervision de M. Anthony Requin, inspecteur général des finances ([27]), relève que « la prise en compte incomplète de l’audience sur les plateformes numériques constitue une limite méthodologique ». Les auteurs notent que le recours croissant aux réseaux sociaux rend nécessaire de mesurer l’audience numérique des médias « y compris en dehors de leur propre environnement numérique (site internet et application), en intégrant celui des distributeurs de leurs contenus ». Ils jugent que les modalités d’accès aux données ne peuvent assurer leur « fiabilité totale » et que les données communiquées sont difficilement exploitables par les éditeurs, du fait de leur caractère agrégé et anonymisé. Par ailleurs, certaines plateformes refusent purement et simplement de communiquer leurs données d’audience et ne rendent pas publique leur méthodologie de mesure de l’audience, comme l’a relevé au cours de son audition M. Yannick Carriou, président-directeur général de Médiamétrie. L’entrée en vigueur du règlement sur les marchés numériques (DMA) ([28]) devrait faciliter l’accès aux données des plateformes numériques, le paragraphe 8 de l’article 6 ayant prévu une obligation de transparence des contrôleurs d’accès ([29]) vis-à-vis des éditeurs et des annonceurs ([30]).

Le rapporteur juge donc nécessaire une meilleure prise en compte du numérique dans l’article 23. Les méthodes de mesure de l’audience des plateformes numériques doivent pouvoir être contrôlées et comparées. Une option possible serait de confier la production des méthodologies de mesure de l’audience sur les plateformes à des tiers indépendants, de façon à garantir la qualité et la fiabilité des données. À défaut, pourrait être envisagée la certification obligatoire de leurs méthodes par un organisme d’audit, sur le modèle français.

6.   Les règles relatives à la publicité publique

La proposition de règlement exige des États membres que les versements des collectivités publiques et des entreprises publiques aux médias à des fins publicitaires respectent des critères de transparence, d’objectivité, de proportionnalité et de non-discrimination. La Commission européenne souhaite ainsi empêcher l’utilisation de fonds publics à des fins partisanes et promouvoir une concurrence loyale.

Les pouvoirs publics devront publier chaque année des informations précises sur leurs dépenses publicitaires allouées aux médias, y compris le nom des médias auprès desquels les services de publicité ont été achetés et les montants dépensés (montant annuel et montant par fournisseur).

III.   les améliorations apportées par la commission

Vingt-et-un amendements ont été adoptés par la commission, dont quatorze amendements rédactionnels.

Outre treize amendements rédactionnels, le rapporteur a défendu deux amendements de fond.

Le premier amendement vise à inscrire dans la proposition de résolution l’interrogation du rapporteur, partagée par de nombreux États membres ainsi que par le Sénat ([31]) et une partie de ses collègues commissaires aux affaires culturelles, sur le choix de la Commission européenne d’intervenir dans le domaine des médias, hautement sensible et politique, aux moyens d’un règlement plutôt que d’une directive. Le rapporteur souhaite ainsi que l’Assemblée nationale appelle la Commission européenne à conduire une analyse approfondie relative à l’instrument juridique contraignant le plus adapté en l’espèce.

Le second amendement a pour objet d’encourager le Gouvernement à défendre, auprès de ses partenaires du Conseil, un renforcement des dispositions de l’article 23 de la proposition de règlement de la Commission, relatif à la mesure de l’audience. Si le rapporteur salue cet article, qui vise à définir des principes communs, il estime cependant que la Commission devrait davantage prendre en compte la dimension numérique de la mesure de l’audience, alors que les plateformes, à l’heure actuelle, ne garantissent pas aux éditeurs un accès fiable et exploitable à leurs données, certaines plateformes refusant purement et simplement de les communiquer. Dès lors, cet amendement propose de confier la production des méthodologies de mesure de l’audience sur les plateformes à des tiers indépendants ou, à défaut, d’imposer aux plateformes la certification obligatoire de leurs méthodes par un organisme d’audit, sur le modèle français.

La commission a adopté un amendement de Mme Taillé-Polian (Écolo – NUPES) et plusieurs de ses collègues, qui vise à inscrire dans l’article unique le souhait de l’Assemblée nationale d’inclure les journalistes indépendants dans le bénéfice des dispositions protectrices des sources et relatives à la censure des contenus sur les plateformes numériques. Le rapporteur a donné un avis favorable à cet amendement, la définition par la Commission européenne des « fournisseurs de services de médias » n’incluant que les personnes physiques ou morales exerçant une « activité professionnelle » (article 2 de la proposition de règlement).

Le rapporteur a donné un avis favorable à l’adoption d’un amendement de Mme Bourouaha (GDR – NUPES) et plusieurs de ses collègues, tendant à supprimer de l’alinéa 28 de la proposition de résolution européenne la mention de la possibilité de déroger au secret des sources, au cas par cas, « pour des raisons de sécurité nationale ou pour les besoins, précisément définis, d’une enquête pénale ».

La commission a également adopté un amendement de M. Gaultier (LR), contre l’avis du rapporteur. Cet amendement porte sur l’alinéa 34 de la proposition de résolution européenne et précise que l’évaluation des concentrations sur le marché des médias, prévue par l’article 21 de la proposition de règlement, devrait tenir compte de « l’environnement numérique et du caractère global des médias ». Cette précision semblait inutile au rapporteur, compte tenu de la définition des services de médias par la Commission européenne, à savoir « la fourniture de programmes ou de publications de presse au grand public, par quelque moyen que ce soit ».

Le rapporteur a soutenu l’adoption d’un autre amendement de M. Gaultier, modifiant également l’alinéa 34 de la proposition de résolution européenne, afin de soutenir l’inclusion des parts d’attention dans les critères d’évaluation des opérations de concentration sur le marché des médias. Les dispositifs anti-concentration sont aujourd’hui fondés sur les supports. La mesure des parts d’attention, quant à elle, permet de mieux prendre en compte le pluralisme, en déterminant la part d’un groupe de médias dans toutes les sources d’information, tous supports confondus.

Enfin, le rapporteur ayant donné un avis de sagesse, la commission a adopté l’amendement présenté par M. Gaultier visant à insérer un nouvel alinéa à la proposition de résolution européenne pour inviter les institutions européennes à mettre en place des garanties en matière de pluralisme de l’offre et de référencement sur les appareils connectés et les télécommandes, avec la possibilité pour chacun de personnaliser l’offre de médias sur les appareils et les interfaces.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([32]), la commission procède à l’examen de la proposition de résolution européenne relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias (n° 601) (M. Emmanuel Pellerin, rapporteur).

Mme Fabienne Colboc, présidente. Cette proposition de résolution européenne, dont M. Pellerin est le rapporteur pour notre commission, a été déposée le 7 décembre dernier en application de l’article 151-2 du Règlement. Elle a été présentée au nom de la commission des Affaires européennes par Mmes Le Grip et Mélin.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Cette proposition de résolution européenne est le fruit d’un travail transpartisan mené par Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin au sein de la commission des Affaires européennes. J’ai moi-même mené une série d’auditions afin d’approfondir le projet de législation présenté par la Commission européenne le 16 septembre dernier. J’ai en particulier recueilli le point de vue des acteurs du monde des médias en entendant des représentants de l’Alliance de la presse d’information générale (Apig), de Médiamétrie, du Syndicat national des journalistes, de Reporters sans frontières (RSF) et des sociétés de l’audiovisuel public.

La Commission européenne a décidé, de façon inédite, d’intervenir dans un domaine sensible. Les traditions réglementaires des États membres sont en effet très différentes en matière de médias, notamment s’agissant des médias de service public, et l’initiative de la Commission se heurte déjà aux critiques de certains États, qui la contestent sur le fondement du principe de subsidiarité et de l’absence supposée de base légale.

Je tiens tout d’abord à saluer l’action de la présidente de notre commission, qui est intervenue auprès de la présidente Braun-Pivet pour que ce texte soit inscrit à l’ordre du jour de la séance publique. Il sera examiné le mardi 17 janvier prochain.

La proposition de règlement de la Commission vise à établir un cadre commun entre les États membres et à mieux protéger le pluralisme et la liberté des médias en inscrivant dans le droit de l’Union européenne une série de principes et de règles.

Elle s’inscrit dans le cadre plus large du plan d’action pour la démocratie européenne présenté par la Commission il y a deux ans, qui vise à promouvoir des élections libres et équitables, à renforcer la liberté des médias et à lutter contre la désinformation.

Au-delà de son objectif d’amélioration du fonctionnement du marché intérieur, l’initiative de la Commission est motivée par un constat qui doit tous nous alarmer : la multiplication des atteintes à la liberté, à l’indépendance et au pluralisme des médias au sein de l’Union. Ces atteintes sont documentées par la Commission elle-même dans ses rapports annuels sur l’État de droit mais aussi par des associations, des ONG et des centres de recherche comme Reporters sans frontières ou le Centre pour le pluralisme et la liberté des médias de Florence.

La Commission s’inquiète du manque de transparence de la propriété des médias dans un certain nombre de pays de l’Union, et de l’augmentation significative des atteintes à la sécurité des journalistes, à l’indépendance et à l’impartialité des médias de service public. Elle souligne à ce propos des risques de politisation des nominations, mais aussi les révocations de dirigeants en République tchèque, en Slovaquie, à Chypre, à Malte et en Slovénie.

Je souhaite également relayer les préoccupations de la Commission, du Conseil de l’Europe et de Reporters sans frontières quant au développement des procédures judiciaires abusives, plus connues sous le nom de « poursuites-bâillons ». Ce sont le plus souvent des plaintes pour diffamation, qui constituent une forme de harcèlement contre les journalistes et visent à les intimider. La Commission cible particulièrement la Pologne, où les poursuites contre des journalistes sont souvent engagées par des responsables politiques ou des fonctionnaires. La Pologne a même été qualifiée par Reporters sans frontières de « pays des procédures-bâillons ». Cette ONG a également dénoncé la méconnaissance du droit à un procès équitable du journaliste polonais Tomasz Piatek, attaqué en justice par un proche du Premier ministre et condamné à l’issue d’une procédure méconnaissant les droits de la défense. La coalition contre les poursuites-bâillons en Europe, qui regroupe une trentaine d’associations dont RSF, Transparency International ou la Fédération européenne des journalistes, a décerné à la Pologne le prix du pays fournissant les conditions les plus favorables aux poursuites-bâillons pour les années 2021 et 2022.

Dans ces conditions, je salue l’initiative de la Commission européenne, qui rappelle à ces États que l’Union est d’abord une communauté de valeurs et de principes, lesquels n’ont pas vocation à être bafoués. Cette proposition de règlement vise ainsi à interdire aux États membres de s’immiscer dans les décisions éditoriales des médias, à protéger le secret des sources et l’intégrité physique des journalistes, à reconnaître la spécificité des médias de service public et à garantir leur indépendance.

J’entends les critiques de certains États membres, qui contestent la validité de la base juridique invoquée par la Commission européenne et dénoncent une violation supposée du principe de subsidiarité. J’ai notamment pris acte de l’adoption d’un avis motivé en subsidiarité par nos collègues sénateurs, que j’ai lu avec intérêt.

Si je juge ces critiques excessives, je m’interroge tout de même sur le choix de la Commission de recourir à un règlement plutôt qu’à une directive, le premier fixant des règles d’effet direct tandis que la seconde ne fixe que des objectifs à atteindre. Les États membres disposent de législations différentes et de traditions réglementaires diverses qu’ils souhaitent légitimement conserver. C’est le cas de la France, avec la loi de 1881 sur la liberté de la presse et la loi de 1986 relative à la liberté de communication. J’ai donc souhaité déposer un amendement qui reprend mon interrogation et regrette que la Commission n’ait pas mené une analyse plus approfondie sur la nature de l’instrument juridique à retenir.

J’entends également les critiques de mes collègues du Rassemblement national. Je tiens à ce propos à saluer la décision de notre collègue Joëlle Mélin de ne pas présenter d’avis en subsidiarité, par esprit de consensus. Je suis attaché comme elle au respect du principe de subsidiarité et du principe d’attribution des compétences de l’Union européenne, qui en l’occurrence ne me semblent pas violés.

Malgré ses aspects positifs, le texte de la Commission me paraît, en l’état, insuffisant. La proposition de résolution européenne que nous allons examiner appelle justement le Gouvernement à œuvrer à un renforcement de ses dispositions.

En premier lieu, je regrette l’absence de distinction entre les secteurs de la presse écrite et de l’audiovisuel, laquelle est fondamentale en droit français. La presse française s’inquiète à juste titre de son inclusion dans le champ de compétence du futur comité européen pour les services de médias, alors qu’elle n’est actuellement pas régulée par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom). De plus, l’indépendance du futur comité n’est pas garantie puisque son secrétariat doit être assuré par la Commission. Il convient que ce comité dispose de ressources propres et soit pleinement indépendant.

Je regrette également le manque d’ambition de la Commission européenne sur le plan de la responsabilisation et du contrôle des plateformes numériques, avec lesquelles les médias entretiennent des relations compliquées. L’article 17 de la proposition de règlement leur impose simplement de « prendre toutes les mesures possibles » pour communiquer aux médias les motifs des décisions de suspension de leurs contenus avant que la suspension ne prenne effet. Il ne s’agit donc pas d’une obligation réelle et sanctionnée, le texte se bornant à demander aux plateformes de traiter les plaintes des entreprises de médias en priorité. Cet article doit être renforcé et j’espère que la France au sein du Conseil ainsi que les parlementaires européens travailleront en ce sens.

À l’heure du numérique, la question de la mesure de l’audience est complexe. Je suis heureux que la Commission européenne s’y soit intéressée : elle est d’une importance vitale pour les médias puisqu’elle conditionne en partie leurs ressources publicitaires. Cependant, nous devons appeler la Commission à aller plus loin en renforçant les obligations applicables aux plateformes en matière de communication des données aux médias et de transparence sur leur méthodologie. Je défendrai un amendement en ce sens.

Cette proposition de résolution, que je vous invite à adopter, me paraît équilibrée et consensuelle.

Mme Constance Le Grip, rapporteure de la commission des Affaires européennes. La présentation que Mme Mélin et moi allons faire des travaux de la commission des Affaires européennes ne taira pas nos divergences qui, sur certains points, sont importantes.

La proposition de législation européenne que nous avons examinée résulte d’inquiétudes que partagent de nombreux acteurs institutionnels, nationaux et européens. L’information est un bien public, ce qui suppose qu’elle soit libre, fiable, indépendante – notamment à l’endroit des financiers – et préservée des pressions, des ingérences et des manipulations.

Or les atteintes à l’indépendance et au pluralisme des médias sont de plus en plus nombreuses en Europe. Encore plus préoccupant, les journalistes ne sont pas en sécurité. Dans plusieurs pays de l’Union européenne, ils sont mis sous pression, espionnés, menacés, attaqués – parfois physiquement. Certains ont été assassinés, comme la Bulgare Victoria Marinova, la Maltaise Daphné Galizia, le Slovaque Jan Kuciak, le Néerlandais Peter de Vries.

Cette proposition vise également à répondre à d’autres préoccupations liées à la concentration du capital des fournisseurs de services de médias, aux difficultés d’articulation avec les très grandes plateformes en ligne et aux ingérences politiques ou financières européennes ou extra-européennes.

L’initiative législative de la Commission, utilisant un instrument juridique contraignant, me semble fort pertinente. La protection que nous devons aux journalistes et aux médias, la garantie de la préservation de l’État de droit, dont un fonctionnement libre et pluraliste des médias fait partie intégrante, la protection et la préservation des fondamentaux de la démocratie en Europe doivent être en tête de nos préoccupations politiques. Je suis donc favorable, avec le groupe Renaissance, au principe de cette initiative et lui apporte tout mon soutien.

En commission des Affaires européennes, nous avons renforcé et substantiellement enrichi le texte initial en confortant les garanties apportées à ce droit fondamental qu’est l’accès à une information libre et pluraliste de même qu’à l’exercice plein et entier du métier de journaliste.

Une convergence s’est fait jour, au cours de nos travaux, sur un certain nombre de constats. Nous avons notamment identifié plusieurs pistes d’amélioration, le texte n’étant pas aussi équilibré que nous le souhaitons. Nous insistons en particulier sur la nécessaire articulation du texte européen, quelle que soit la forme juridique contraignante qu’il prendra, avec les dispositifs nationaux – je pense à notre grande loi sur la presse de 1881 et à la loi de 1986 relative à la liberté de communication – mais aussi à la garantie de l’indépendance du futur comité européen pour les services de médias.

Mme Joëlle Mélin, rapporteure de la commission des Affaires européennes. Je tiens également à souligner le caractère un peu particulier de l’exercice que Mme Le Grip et moi-même avons réalisé, ainsi que la qualité du travail transpartisan qui a été accompli.

Tous, sur le plan politique, national ou européen, nous partageons l’objectif de protéger nos médias et nos journalistes.

Au cours de nos travaux, nous avons entendu plusieurs interrogations sur le bien-fondé de l’intervention européenne en la matière. Cette proposition de règlement permet-elle de protéger réellement nos médias, leur indépendance et leur pluralisme ? Respecte-t-elle vraiment les compétences des États membres et ne remet-elle pas en cause des choix culturels et nationaux ayant prouvé leur efficacité ? Sur ce point, des doutes sont permis, aux dires des journalistes eux-mêmes. Lors de nos auditions, certains d’entre eux se sont étonnés des objectifs de la Commission européenne et craignent que ce texte ne parvienne pas à les protéger, voire qu’il fragilise leurs libertés.

Nous avons donc pris le risque d’adopter une législation européenne volontairement limitée, alors que notre droit de la presse et des médias est l’un des plus protecteurs d’Europe. Ses effets pourraient être contraires aux intentions politiques initiales, en France et dans d’autres États protecteurs. Dès lors, pourquoi changer d’échelon et passer d’une régulation nationale qui fonctionne bien à une réglementation européenne qui bouleverserait notre modèle ?

La Commission européenne use de son argument habituel : la question des médias est rattachée à celle du marché intérieur et il est nécessaire d’en harmoniser les règles et les pratiques ; les législations nationales des États membres sont fragmentées, ce qui soulève des problèmes pour les investisseurs et, de facto, n’est pas bon pour l’économie. Une telle logique ne saurait être appliquée aveuglément. Avec cette grille de lecture, l’Union serait compétente dans tous les domaines, en raison d’un rattachement, même infime, à des questions économiques, et elle ferait toujours mieux que les États membres.

Mais la question des médias ne relève ni de l’économie ni du marché intérieur, d’autant plus que tous les médias ne sont pas transfrontières. Les médias ne sont pas des entreprises comme les autres. Le pluralisme manifeste la diversité culturelle et linguistique de l’Union européenne. Ne laissons pas la Commission interférer brutalement dans un domaine qui recouvre des enjeux proprement nationaux, qui plus est dans le cadre d’un règlement très peu respectueux de la marge d’appréciation des États membres. Le choix d’une directive serait déjà préférable. Au regard de ses compétences limitées s’agissant des médias, la Commission devrait s’en tenir à l’adoption d’une recommandation.

Plusieurs avis motivés en subsidiarité ont d’ailleurs été adoptés pour contester la compétence de la Commission européenne, par le Bundesrat allemand, la Chambre des députés hongroise, le Parlement danois et, hier matin, le Sénat français. Le service juridique du Conseil de l’Union européenne a même été saisi par la présidence tchèque pour étudier la compétence de l’Union européenne et son avis sera rendu dans les jours à venir. Nous sentons bien une certaine hâte du gouvernement français autour de ce texte, la charrue ayant peut-être été mise avant les bœufs. Ne craignons pas de faire valoir l’argument du droit en brandissant le principe de subsidiarité face à une lecture très politique de la Commission qui risque de menacer notre souveraineté nationale.

Notre groupe partage donc les objectifs de la Commission européenne, mais un problème de méthode se pose : en laissant la Commission intervenir maintenant, nous perdons la possibilité de réglementer le champ de liberté et d’indépendance des médias. Dans l’esprit de compromis qui a guidé notre travail, nous avons fait néanmoins des concessions et souhaiterions donc en rester à un texte minimal.

Suite aux amendements adoptés en commission des Affaires européennes, je ne peux soutenir cette proposition mais j’attends beaucoup des amendements qui seront présentés au sein de cette commission.

Mme Fabienne Colboc, présidente. Je précise que nous sommes soumis à des délais réglementaires. Si nous ne les avions pas respectés, cette proposition de résolution aurait été considérée comme adoptée, sans débat.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Quentin Bataillon (RE). Des pressions inquiétantes s’exercent sur les médias dans certains États membres de l’Union européenne : insécurité des journalistes, ingérences publiques et privées, fortes menaces sur le pluralisme et la liberté. Cela se produit de surcroît dans le contexte de l’émergence de ces nouveaux acteurs que sont les grandes plateformes en ligne et d’une grande diversité entre les règles nationales des États membres.

Pour y répondre, la présidente de la Commission européenne a annoncé dans son discours sur l’état de l’Union du 15 septembre 2021 une proposition de règlement établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur. Présentée le 16 septembre 2022, elle vise à favoriser le bon fonctionnement du marché intérieur des médias et à mieux protéger le pluralisme et la liberté médiatiques.

Le Gouvernement et notre groupe politique l’ont saluée car elle permettra d’instaurer des garde-fous contre les ingérences politiques des pouvoirs publics et des acteurs privés dans les décisions éditoriales, et contre les pratiques de surveillance. Ainsi prévoit-elle des mesures tendant à protéger l’indépendance des rédacteurs et à divulguer les conflits d’intérêts. Elle insiste sur l’indépendance et le financement stable des médias de service public ainsi que sur la transparence de la propriété des médias et de l’attribution de la publicité d’État. Elle permettra également d’harmoniser les modalités de financement et de régulation des médias entre les États membres, ainsi que leurs relations avec les pouvoirs publics.

Notre commission des Affaires européennes s’est réunie le 7 décembre et a adopté une proposition de résolution européenne relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias. Cette initiative de la Commission européenne a été présentée sur le fondement de l’article 114 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) prévoyant l’harmonisation du marché unique de l’Union, notamment en matière de libre prestation de services. Cependant, le texte présente quelques difficultés techniques qui devront être adressées au Parlement européen par la procédure ordinaire.

Nous soulignons en particulier les problèmes d’articulation entre cette proposition de législation européenne et le droit français en matière de liberté de la presse, ou encore la nécessité d’examiner les questions de l’indépendance du comité européen pour les services de médias et de l’inclusion de la presse écrite dans son champ de compétence. Nous regrettons également que la proposition n’aille pas plus loin en matière de régulation des plateformes.

Malgré ces difficultés, et en gardant un œil attentif sur les améliorations possibles, nous saluons et voterons cette proposition de résolution européenne.

M. Philippe Ballard (RN). Tout le monde entend défendre la liberté de la presse, le pluralisme et la protection des sources des journalistes. Globalement, la situation n’est pas périlleuse dans notre pays, mais cela n’empêche pas de s’interroger sur la neutralité du service public, la concentration des médias ou la formation des journalistes, sans parler du droit voisin et du rôle de plus en plus envahissant des plateformes.

Cette proposition de résolution européenne répond-elle à ces préoccupations ? Non, mais nous voyons bien où l’Union européenne souhaite nous emmener : vers l’instauration d’un cadre commun pour l’ensemble des médias. Une fois encore, les frontières et les États la dérangent ; il faut de l’uniformité. Nous, nous préférons la souveraineté des nations au clonage.

Quelle est la légitimité de l’Union européenne pour légiférer en la matière ? Dans le domaine culturel, elle n’a aucune compétence et se doit de respecter le principe de subsidiarité, comme l’a bien compris l’Allemagne ou, chez nous, le Sénat. Dans un entretien accordé à Euractiv, Sabine Verheyen, la présidente de la commission de la culture et de l’éducation du Parlement européen – qui est loin d’être une eurosceptique – se déclare « profondément préoccupée par le remplacement de l’actuelle autorité de régulation des médias, le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels (Erga), par un nouvel organe, le comité européen pour les services de médias, et par l’influence de la Commission européenne ». Elle refuse également l’idée d’imposer « des règles trop strictes au niveau européen ».

L’Europe met en avant les attaques physiques dont des journalistes ont hélas été victimes, de Malte aux Pays-Bas, mais un texte européen effraie-t-il pour autant les mafias ? L’Union européenne, par ailleurs, veut protéger les médias face aux menaces de déstabilisation et d’ingérence de certains États. En me demandant lesquels, c’est le Qatar qui m’est immédiatement venu à l’esprit ! Banco donc, mais avant de donner des leçons, il faut être irréprochable, y compris à la Commission…

Vous tenez autant que nous à l’exception culturelle française. Pourquoi devrions-nous être contraints d’abandonner nos règles nationales, au risque de mettre en danger les entreprises du secteur face à une réglementation plus que floue ? Le Sénat a admis qu’en se fondant uniquement sur l’article 114 du TFUE et en englobant tous les services de médias, y compris la presse écrite, la proposition de règlement postule l’existence d’un tel marché à l’échelle de l’Union européenne. Or nous savons que le marché des médias est essentiellement structuré sur une base nationale, régionale ou locale. Dès lors, cet article ne constitue pas une base juridique adéquate pour une réglementation garantissant la diversité des contenus et surtout la liberté éditoriale.

Le Sénat estime donc que la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil, dans sa rédaction actuelle, n’est pas conforme. Vous souhaitez la conforter, sans remettre en cause sa légitimité juridique et politique. Pour nous, il est impossible de la voter en l’état.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous avons l’opportunité de parler de ces sujets essentiels que sont le pluralisme et l’indépendance de l’information, la liberté de la presse, la protection des journalistes, la pérennité des financements du service public, la transparence de la propriété des médias.

Ce projet de règlement est donc crucial mais la proposition de résolution européenne que vous présentez ressemble à une immense occasion manquée. Nous, députés du pays des droits de l’homme, de la liberté de la presse et de la liberté d’expression, devrions assumer de demander le renforcement des dispositions anti-concentration des médias, de la transparence dans la propriété des médias, de la protection du financement de l’audiovisuel public et des journalistes – autant de principes certes présents dans la proposition de règlement mais insuffisamment précisés. Pire, votre résolution contribue à masquer des problèmes français, voire à protéger les errements du Gouvernement.

Sur la question de l’audiovisuel public, la proposition de règlement prévoit clairement un financement adéquat et stable des fournisseurs de médias de service public par les États membres afin qu’ils puissent remplir leur mission de service public, tout en rappelant l’importance de l’indépendance éditoriale. Que faites-vous ? Vous répondez qu’une telle exigence ne doit pas remettre en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants de médias publics !

Je veux bien que l’on défende la souveraineté – nous le faisons face à certaines directives européennes – mais pas un affaiblissement des droits ! Mettre cette proposition de résolution à l’ordre du jour est gros comme une maison, l’année même où vous supprimez brutalement et sans nécessité la redevance de l’audiovisuel public, où tous les responsables des chaînes et antennes de l’audiovisuel public ont dit que c’était une folie, où tous les syndicats de journalistes du service public ont défilé dans la rue ! Cette suppression, applaudie des deux mains par le Rassemblement national, est un coup de grâce après des années de réduction du montant de la redevance et de plans sociaux. Son remplacement par une budgétisation constituerait une atteinte grave au principe d’indépendance de l’audiovisuel public. Bref, c’est vraiment « très gros » que nos deux rapporteures, macroniste et lepéniste, nous proposent de voter pour une résolution qui amoindrit des exigences européennes en matière d’audiovisuel public stable et indépendant. Si l’alinéa 29 n’est pas supprimé, nous ne pourrons pas voter en faveur de ce texte.

Par ailleurs, nous, députés français, devrions nous saisir de ce débat pour réfléchir à la situation dans laquelle se trouvent les médias et les droits des journalistes dans notre pays. Nous qui sommes tous d’accord pour dénoncer, la main sur le cœur, les entraves à la liberté d’expression dans certains pays de l’est européen, ne détournons pas le regard de nos propres responsabilités.

En France, des journalistes ont dû publier une tribune d’excuses au Président de la République pour avoir prétendument mal interprété ses propos.

En France, un journaliste a été poursuivi par la justice pour un reportage sur une action des faucheurs volontaires.

En France, des journalistes ont été violentés par la police dans des manifestations, si bien que la commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe s’en est émue et a rappelé la nécessité de protéger les journalistes qui couvrent des rassemblements.

En France, des journalistes ont été victimes de censures préalables au nom du secret des affaires.

En France, des journalistes ont fait l’objet de procédures-bâillons de la part d’un industriel qui ne voulait pas qu’ils mettent en lumière ses pratiques contestables, notamment en Afrique.

En France enfin, nous assistons à un phénomène massif et préoccupant de concentration des médias.

L’article 21 de la proposition de règlement est consacré à la concentration des médias. Vous appelez à une clarification des critères d’évaluation, ce dont je me réjouis car nous aurions ainsi de quoi démanteler le groupe Bolloré et d’autres. Mais nous continuons à chercher en vain en quoi le Gouvernement et les députés macronistes contribuent à lutter contre cette concentration. Ne camouflons pas les turpitudes françaises, ayons une politique ambitieuse pour notre audiovisuel et nos médias publics !

 

Nous avons toujours dans notre besace une proposition de loi pour le financement de l’audiovisuel public et pour lutter contre la concentration dans les médias. Nous pourrons nous en saisir si la volonté vous vient d’appliquer réellement les grands principes proclamés. En attendant, nous ne voterons pas ce texte si, à l’issue de nos débats, il continue à manquer de ce que le pays des droits de l’homme et de la liberté de la presse pourrait dire à l’ensemble de l’Europe.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Cette proposition de résolution européenne résulte d’une proposition de la Commission récemment adoptée qui doit être examinée par le Parlement européen et les États membres pour aboutir à un projet de règlement applicable dans l’ensemble de l’Union.

Si les médias et la préservation du pluralisme ne constituent pas une compétence de l’Union, la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, juridiquement contraignante depuis 2007, protège la liberté et le pluralisme. Parce qu’il s’agit de piliers essentiels de notre démocratie, le groupe Les Républicains soutient les objectifs généraux poursuivis par la Commission en faveur d’une loi européenne sur la liberté des médias, mais le principe de subsidiarité doit aussi s’appliquer. S’il faut rappeler les exigences de transparence et d’indépendance des médias, il est aussi vrai que la gouvernance, la mission de service public et le financement de l’audiovisuel public relèvent de la compétence des États membres.

Avec cette proposition de résolution européenne, nous nous félicitons de la protection de l’indépendance éditoriale et des sources journalistiques, de la transparence de la propriété des médias et de la publicité d’État, de la protection des contenus en ligne, et du droit pour l’utilisateur de personnaliser son offre de médias sur les appareils connectés et les interfaces.

Elle rappelle également la nécessité d’un financement stable et prévisible des médias de service public et de la régulation de la concentration des médias. Je rappelle à ce propos qu’il importe de maintenir dans notre pays un double niveau de contrôle des concentrations : d’une part, un contrôle de droit commun à travers l’Autorité de la concurrence ; d’autre part, un contrôle spécifique, sectoriel, à travers l’Arcom et la loi de 1986. Ce dispositif, qui ne s’applique qu’aux médias traditionnels – audiovisuel hertzien et presse écrite – est complètement obsolète et devrait être refondé, à l’heure où l’offre et les usages se sont largement reportés sur l’internet.

Face aux menaces contre la liberté et le pluralisme, à la concurrence des très grandes plateformes en ligne et des réseaux sociaux, aux tentatives d’ingérences politiques ou économiques, ce texte prévoit des garde-fous utiles communs, mais devra respecter le principe de subsidiarité et la compétence des États membres. En conséquence, nous voterons en faveur de cette proposition de résolution européenne modifiée par l’adoption d’un certain nombre d’amendements.

 

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Selon l’Unesco, la liberté de la presse s’est détériorée pour 85 % de la population mondiale pendant les cinq dernières années. C’est notamment le cas dans les pays autoritaires – Russie, Chine ou Venezuela – mais également dans de grandes démocraties – États-Unis, Inde ou Mexique – où la liberté de la presse recule pour différentes raisons : l’argent, la corruption, des dirigeants autoritaires… Cela vaut également en Europe, où la montée de l’extrême droite, en Pologne ou en Hongrie, rogne la liberté des médias publics ou privés.

Dans ce contexte, ce règlement européen est le bienvenu. Il l’est d’autant plus que les commissaires chargés de l’élaborer ont su faire rapidement les bons constats. Ainsi, pour paraphraser Thierry Breton, les médias européens font face simultanément à une baisse de leurs recettes, à l’émergence des plateformes en ligne et à un conglomérat de règles nationales compliquant la libre circulation de l’information.

Le règlement présenté mi-septembre par la Commission s’inscrit dans la continuité de notre ambition pour protéger les médias européens. Après la création commune d’un droit voisin numérique, immense victoire des journalistes face aux plateformes que l’on doit au président Mignola, ce projet de règlement renforce encore la protection de nos médias.

En effet, il conforte les règles de transparence quant à la communication des États ou aux propriétaires de presse, mais aussi en matière de concentration, ce qui contribuera au renforcement des liens de confiance entre la presse et la population. Il conforte également le soutien aux journalistes en créant un fonds destiné à ceux qui, parmi eux, sont menacés, et en amplifiant la lutte contre les logiciels espions. Il affirme le soutien des États à l’endroit des médias du service public en leur garantissant un financement adéquat et stable. Il lutte également contre la puissance des Gafam en leur imposant de donner les raisons du retrait d’un article au média qui en est à l’origine. Nous devons toutefois aller plus loin en la matière tant l’inquiétude s’accroît à l’égard de ces géants du numérique, qui peuvent modifier des lignes éditoriales en sélectionnant des articles et en les mettant en avant ; en outre, ils aspirent les recettes des médias en captant les revenus publicitaires en ligne.

Pour toutes ces raisons, notre groupe soutient la proposition de résolution, qui soutient un texte européen pertinent tout en exprimant des réserves justifiées. Nous partageons les pistes d’amélioration qui ont été proposées. Nous devons en particulier nous montrer vigilants à propos du comité européen pour les services de médias et de son futur périmètre. L’Autorité de la concurrence sera-t-elle entendue sur les questions de concentration ? Comment l’indépendance de cette structure sera-t-elle garantie ? La presse écrite, dont les processus sont si particuliers, sera-t-elle exclue de la compétence de ce comité ? Autant de questions soulevées par cette proposition de résolution européenne qui ne devront pas rester sans réponse.

M. Inaki Echaniz (SOC). En 2022, cinq cent trente-trois journalistes sont en détention. Chaque année, Reporters sans frontières publie un nouveau record des exactions commises à leur endroit. Cinquante-sept d’entre eux ont perdu la vie, un nombre qui repart à la hausse. Soixante-cinq sont otages et quarante-neuf sont portés disparus.

Il est primordial de défendre la liberté, le pluralisme et l’indépendance des médias au sein de l’Union européenne. À l’heure des infox, de la montée des extrêmes et du repli sur soi, il est crucial que les citoyens européens puissent se forger des opinions éclairées et participer pleinement au débat démocratique grâce à une offre médiatique indépendante et pluraliste.

Ainsi, nous saluons l’initiative européenne visant à établir un cadre commun pour les services des médias dans le marché intérieur, tout en soulignant que la protection des valeurs démocratiques de l’Union européenne doit aller au-delà de cette approche.

Nous saluons cette proposition de résolution européenne qui soutient une initiative nécessaire, mais nous en regrettons le manque d’ambition, s’agissant notamment de la lutte contre la concentration des médias. Alors que le paysage médiatique est de plus en plus concentré, ce qui porte gravement atteinte aux principes de pluralisme et d’indépendance, elle devrait insister sur la nécessité de renforcer les règles anti-concentration.

Par exemple, il serait pertinent de demander plus de clarté sur les seuils prévus. Avec la NUPES, nous avons défendu le mois dernier une proposition de loi du groupe La France insoumise fixant des seuils ambitieux pour empêcher le regroupement de nos médias entre les mains d’un petit nombre d’hommes et de sociétés dont l’activité principale est souvent très éloignée du monde de l’information et de ses principes.

Elle manque aussi d’ambition s’agissant des fournisseurs de services de médias extérieurs à l’Union. À l’heure où la propagande russe est diffusée par les satellites Eutelsat, dans une époque caractérisée par des tensions internationales et des conflits géopolitiques allant croissant, la question de la coopération transfrontalière dans le domaine des chaînes et des services de médias sous l’influence ou le contrôle de pays tiers s’avère cruciale. Elle doit être traitée à l’échelon européen.

Comme le démontre l’affaire Eutelsat, ces médias peuvent causer de graves dommages en termes de désinformation et de propagande d’État, d’incitation à la haine et à la violence, ainsi que de déstabilisation des démocraties européennes. Il est nécessaire de muscler l’acte européen afin de donner à nos régulateurs les outils pour les sanctionner et les interdire.

Nous souhaitons que la proposition de résolution européenne demande l’amélioration, la clarification et le renforcement des dispositions de l’acte européen pour apporter des solutions efficaces aux problèmes que je viens d’évoquer. Le Groupe des régulateurs européens des services de médias audiovisuels a fait des recommandations en ce sens, que nous vous invitons à suivre.

Surtout, l’alinéa 29 de la proposition de résolution nous pose un sérieux problème. Il s’inscrit dans la suite du débat sur le financement de l’audiovisuel public qui nous a opposés cet été. Il est essentiel de prévoir des garanties permettant d’assurer l’indépendance des médias publics.

Le sens d’un garde-fou, c’est de s’assurer, dans les marges de manœuvre accordées aux États membres, que les principes soient respectés. Souhaiter que ces garde-fous « ne remettent pas en cause les prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias publics », c’est nier leur sens même.

Nous l’avons constaté, ce sont ces garde-fous qui ont fait reculer le Gouvernement sur son choix de budgétiser le financement de l’audiovisuel public sans prévoir les garanties nécessaires. Parce que nous défendons haut et fort notre audiovisuel public, nous nous opposons fermement à cet alinéa.

Nous nous abstiendrons sur la proposition de résolution européenne.

Mme Béatrice Bellamy (HOR). Nos sociétés européennes sont médiatiques, et massivement. Les médias, par leur capacité d’informer, de diffuser et d’orienter, sont omniprésents dans notre quotidien. Liberté, indépendance et pluralité des sources d’information sont des principes précieux. Ils structurent nos démocraties et sont consubstantiels de l’identité européenne. Nous devons donc, ensemble, les préserver.

Le premier constat, que nous sommes nombreux à dresser, est que les médias, en bien des endroits de notre continent, voient leur nécessaire indépendance remise en cause, et subissent des attaques visant leur liberté et leur pluralité. Le manque de transparence et d’indépendance des autorités de régulation, les atteintes aux journalistes et les procédures judiciaires abusives sont autant de menaces pesant sur nos démocraties.

Depuis leur création, les institutions de l’Union se sont emparées de la défense de leur liberté, adoptant des directives. Il est regrettable qu’aucune n’ait abouti à la création d’un marché commun des médias. C’est ce qui nous est proposé aujourd’hui.

Le second constat que nous partageons est celui d’une transformation des médias et d’une évolution inédite de leur écosystème, en raison notamment du développement de plateformes en ligne et de la multiplication des services de vidéo à la demande, ainsi que des habitudes de diffusion en direct et de partage des vidéos. Cette évolution technique, ainsi que l’accélération du temps médiatique qu’elle induit, doivent être accompagnées par une évolution juridique adaptée.

Pour le groupe Horizons et apparentés, il est fondamental de permettre aux médias européens d’évoluer selon des règles similaires, pour favoriser la concurrence. C’est pourquoi la Commission européenne a opté pour un projet de règlement, dont l’application sera directe dans les législations des États membres. L’objectif clairement identifié est de les doter d’un socle minimal de principes communs. Ce texte leur permettra de parvenir à un marché commun de l’information, inexistant à l’heure actuelle.

Souvenons-nous que l’Union ne dispose que d’une compétence d’appui, et non directe, pour régir les médias. Bien que notre rapporteur juge l’état d’esprit de la Commission européenne rassurant s’agissant du respect des réglementations étatiques, gardons à l’esprit qu’il s’agit d’un acte inédit. Le choix de la Commission d’inscrire sa proposition de législation dans un règlement plutôt qu’une directive laisse perplexe certains parlements, notamment le suédois et l’irlandais, qui s’interrogent à ce sujet, ainsi que le Parlement européen.

Cependant, si des interrogations demeurent sur la forme, le fond de ce travail requiert notre pleine mobilisation, et plus encore dans le contexte du retour de la guerre à nos portes que nous connaissons depuis le 24 février dernier. En période de conflit et de tensions extérieures, nous devons être guidés par le souci d’avoir une véritable information et de défendre notre liberté.

Le droit européen ne nous semble plus adapté à l’évolution des médias, qu’ils soient publics ou privés. Les législations européennes précédemment adoptées, notamment la directive « services de médias audiovisuels », sont dépassées, ce qui risque de fragiliser nos sources d’information et leur qualité.

Par ailleurs, ce travail européen répond aux attentes de nos concitoyens, comme le démontrent les conclusions de la conférence sur l’avenir de l’Europe, close en mai 2022. Le groupe Horizons et apparentés accueille favorablement la présente proposition de résolution européenne, qui permet à l’Assemblée nationale de se saisir d’un sujet majeur à l’échelon européen.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le groupe écologiste accueille très favorablement le projet d’acte européen sur la liberté des médias. Si l’Europe demeure l’un des continents les plus favorables à la liberté de la presse, cette dernière n’en a pas moins sérieusement été mise à mal au cours des dernières années, y compris en France.

Le travail des journalistes est consubstantiel de l’exercice démocratique. Nous saluons les dispositions du projet d’acte européen sur la liberté des médias qui améliorent la transparence actionnariale, car savoir qui possède quoi est déterminant pour comprendre d’où chacun s’exprime. Nous saluons aussi la volonté d’élever l’information au rang de bien public et celle d’offrir à chaque journal européen des garanties contre l’ingérence politique dans ses décisions éditoriales, la surveillance étatique et l’espionnage, à l’heure où de nombreux gouvernements maintiennent un flou sur leur éventuel usage de logiciels de surveillance à des fins civiles. Nous saluons aussi la garantie des droits de la presse vis-à-vis des plateformes numériques et la volonté de réaffirmer l’indépendance des audiovisuels publics s’agissant de leur financement et de la nomination de leurs dirigeants. Tout cela est fort utile.

Toutefois, c’est se gonfler d’orgueil que de penser qu’il y a deux Europe, l’Europe de la Hongrie, avec son projet illibéral – celui des régimes que vous soutenez, madame la rapporteure du Rassemblement national, qui réduit de façon notable et constante les droits de la presse et les libertés fondamentales – et l’Europe de la France, où tout irait bien. En France aussi, la liberté recule. Nous qui occupions il y a vingt ans la onzième place au classement mondial de la liberté de la presse de Reporters sans frontières sommes aujourd’hui à la trente-quatrième, conservée de justesse en dépit de la tentative d’instaurer l’an dernier l’interdiction de filmer les forces de l’ordre par le biais d’une disposition de la loi « sécurité globale », sanctionnée in extremis par le Conseil constitutionnel.

Dans notre pays, la semaine dernière, des journalistes ont été convoqués par la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), qui a tenté de leur extorquer leurs sources. Dans notre pays, des journalistes sont régulièrement blessés par les forces de l’ordre tandis qu’ils couvrent des manifestations, ou cibles d’interpellations arbitraires, comme récemment certains journalistes de Reporterre. Dans notre pays, le niveau de concentration actionnariale des médias atteint des records. Ils sont détenus par une poignée d’industriels, parmi lesquels Vincent Bolloré, malheureusement fort souvent cité dans cette commission : on fabrique des candidats à l’élection présidentielle, on vide les rédactions pour en changer la ligne éditoriale, on supprime des contenus d’information au profit de talk-shows…

Nous avons besoin de parler d’une voix forte sur ce projet d’acte européen, sans éluder la situation française. De ce point de vue, le texte qui nous est proposé n’est pas suffisant. Certes, il salue la philosophie globale de la proposition de législation européenne, rappelle la nécessité de préserver les aides publiques à la presse et relève le risque de manque d’indépendance du comité européen pour les services de médias. Tout cela est fort bien. En revanche, il est muet sur les trop grandes marges de manœuvre laissées aux États membres dans l’interprétation du texte. Il n’incite pas à prendre des mesures concrètes contre la concentration des médias et s’accommode du flou sur l’exigence de transparence quant à leurs actionnaires. Il est muet sur les conditions de travail des journalistes et la préservation de leur travail, s’agissant notamment des enquêtes et de la réactivité des rédactions.

Pire : il cherche à amoindrir certains aspects de la proposition de législation européenne, s’agissant notamment de la séparation stricte entre actionnaires et rédaction ou du financement de l’audiovisuel public. Vous cherchez en fait à masquer les graves problèmes soulevés par la suppression de la redevance audiovisuelle que le Gouvernement a imposée en juillet dernier. Cette suppression d’une recette affectée éloigne de la réalité les valeurs d’indépendance des médias publics que nous défendons dans le monde entier. La budgétisation des moyens des services publics de l’audiovisuel que vous appelez de vos vœux entraînera, nous le savons, leur fragilisation.

Pour l’heure, il nous est difficile de voter cette proposition.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Je remercie notre rapporteur ainsi que les rapporteures de la commission des Affaires européennes pour le travail mené sur le projet d’acte européen pour la liberté des médias, présenté le 16 septembre par la Commission européenne. Le groupe GDR-NUPES souscrit à la plupart des dispositions de la proposition de résolution européenne, qui apporte plusieurs précisions utiles. Toutefois, des questions demeurent en suspens et un travail approfondi reste à mener en droit interne pour réduire les écueils et les dangers auxquels sont exposés les médias dans notre pays.

La première question est celle de savoir si l’Union a compétence pour intervenir dans le champ des médias. Quand bien même ces derniers ne relèvent pas de sa compétence directe, et nonobstant les nombreuses réserves que m’inspire le fonctionnement de la Commission européenne, il ne me semble ni scandaleux ni hors de propos que l’Union s’intéresse à leur régulation : l’indépendance et le pluralisme des médias sont des piliers essentiels de nos démocraties, garantis par l’Union européenne.

Par ailleurs, les questions relatives à leur interopérabilité et leur concentration relèvent du marché intérieur. Rien ne me semble donc justifier l’adoption d’un avis de subsidiarité. En revanche, je m’interroge, à la lecture du rapport, sur la pertinence du choix d’un règlement au lieu d’une simple directive.

Sur le fond, il y a du positif dans les orientations de la Commission, qu’il faudra toutefois consolider au Parlement européen. La proposition de résolution européenne, quant à elle, précise plusieurs points importants, notamment la responsabilité du directeur de la publication, qui doit demeurer effective dans notre droit, et l’exclusion de la presse du champ du futur comité européen pour les services de médias, dont il est crucial d’assurer l’indépendance vis-à-vis de la Commission.

Plusieurs dispositions sont absentes de la proposition de résolution européenne. Le groupe GDR-NUPES aimerait les y inscrire, pour ne pas passer à côté d’enjeux majeurs.

Il nous semble tout d’abord pertinent de mentionner le travail engagé par l’Union sur les procédures-bâillons, qui entravent la liberté et l’action des journalistes. Ces instrumentalisations du droit se multiplient. Elles méritent d’être spécifiquement mentionnées dans la proposition de résolution européenne.

Par ailleurs, les médias sont exposés au danger de l’hyper-concentration, verticale et horizontale. Nous avons eu l’occasion d’en débattre récemment avec une proposition de loi déposée par nos collègues de La France insoumise. Ce phénomène de concentration est un enjeu démocratique.

 

Plus généralement, nous devons nous interroger sur l’accaparement des médias par de grands groupes industriels et sur la difficulté, pour tout média indépendant, de survivre ou d’atteindre une large diffusion. Notre objectif ne peut pas être d’assurer la pluralité entre milliardaires.

Nos amendements m’offriront l’occasion de détailler nos propositions. Il me semble important que la proposition de résolution aborde frontalement ces sujets. Le groupe GDR-NUPES espère voter ce texte, ce qui suppose que ses amendements visant à lui donner plus de force rencontrent un écho favorable.

Mme Fabienne Colboc, présidente. Nous en venons aux questions des autres députés.

Mme Céline Calvez (RE). La présente proposition de résolution européenne a notamment pour objectif de garantir un droit effectif à l’information aux citoyens de l’Union, en imposant la mise en œuvre, au sein des États membres, de mesures relatives à l’indépendance des médias. De nombreuses menaces démontrent l’importance et la nécessité d’assurer aux médias une autonomie vis-à-vis de l’État et de leurs actionnaires.

La loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias, dite loi « Bloche », a pris des dispositions en ce sens dès 2016. Elle offre aux journalistes la possibilité de faire valoir leur droit à l’opposition si un acte imposé par leur direction heurte leur conviction professionnelle. Compte tenu des nouvelles exigences proposées, il faudra déterminer si la loi « Bloche » suffit ou si de nouvelles mesures sont nécessaires pour assurer le respect de nos engagements européens. Disposons-nous, à ce jour, d’une évaluation satisfaisante sur ce point ?

Par ailleurs, la proposition de législation européenne traite sur un pied d’égalité la presse écrite et la presse audiovisuelle. En France, le droit et la régulation les distinguent. Ne pourrait-on pas inverser la perspective et chercher à être, en France, aussi exigeants avec la presse écrite que nous le sommes avec la presse audiovisuelle et les plateformes numériques ?

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Ces géants que l’on appelle Gafam passent leur temps à nous rassurer, le cœur sur la main, à propos de leurs intentions. À les entendre, ils défendraient la liberté d’expression, garantiraient le libre accès à l’information et permettraient une forme de démocratie totale où chacun et chacune peut accéder directement aux espaces communs de la discussion publique.

Ces professions de foi cachent la réalité bien plus cynique d’un modèle économique fragile, condamné à une surenchère incessante pour tenter de rentabiliser une audience à l’attention volatile. Véritables secrets industriels, leurs algorithmes sont conçus pour engendrer l’addiction et valoriser les émotions, surtout les plus négatives, dont il est prouvé que ce sont celles génèrent le plus rapidement le plus gros volume d’interaction et d’engagement.

J’aimerais que nous nous saisissions, à l’occasion de ce débat, du sujet de la régulation des plateformes et des réseaux sociaux. L’exigence de transparence mentionnée à l’alinéa 35 de la proposition de résolution européenne, relatif à l’article 17 du projet de règlement de la Commission européenne, me semble nettement insuffisante.

Monsieur le rapporteur, ne pensez-vous pas qu’il faille créer, à l’échelon européen et national, une véritable autorité de régulation indépendante ? Cela me semble indispensable pour juger des abus, pour exiger des plateformes et des réseaux sociaux une transparence totale des décisions, une modification de leurs algorithmes pour en combattre les effets délétères et une contribution à la lutte contre les addictions qu’elles ont suscitées, et enfin pour leur retirer le droit arbitraire de juger des contenus et des médias qui doivent être mis à l’index ou au contraire promus.

C’est une question d’expérience historique. On ne demande pas aux entreprises de la malbouffe d’adopter une approche diététique dans la composition de leurs menus. En 2008, la grande crise des subprimes nous a appris à ne plus demander aux agences de notation de noter les produits financiers des banques dont elles sont clientes. Ne pensez-vous pas que se contenter d’une autorégulation de cette industrie, c’est nous condamner à en constater, impuissants, les dégâts croissants sur nos enfants, nos citoyens et notre démocratie ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). La proposition de résolution européenne déplore que certains États membres portent atteinte à l’indépendance et au pluralisme des médias – c’est ce qui motive la proposition de règlement de la Commission européenne. Mais ces atteintes et les menaces qu’elles induisent sont trop brièvement évoquées dans le rapport.

Monsieur le rapporteur, pouvez-vous présenter de façon un peu plus détaillée l’état des atteintes à la liberté des médias dans les États membres de l’Union, ou à tout le moins préciser le classement de la France en matière de concentration et de risques d’atteinte au pluralisme ? Par ailleurs, estimez-vous que ces atteintes pourraient motiver un recours aux mécanismes de conditionnalité des fonds européens au respect de l’État de droit ?

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Si le projet d’acte européen sur la liberté des médias introduit des garanties contre l’ingérence du gouvernement dans les politiques et décisions éditoriales, la proposition de résolution européenne introduit un flou sur la protection des sources potentiellement préjudiciable aux journalistes. Alors que trois journalistes de Radio France et de Disclose ont été convoqués il y a quelques jours à la DGSI pour des soupçons d’atteinte au secret de la défense nationale, il est impératif de définir bien plus clairement dans le droit les cas de recours à ces possibilités. La protection des sources doit être absolue.

Dans une autre affaire, un journaliste a été condamné à une amende pour avoir couvert un événement de désobéissance civile. N’est-ce pas une atteinte à la liberté d’informer ?

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les dispositions de lutte contre les procédures-bâillons. Seront-elles suffisantes ? Plus généralement, le texte est-il assez ambitieux pour assurer la protection des journalistes ?

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Comme Quentin Bataillon, je regrette le manque d’ambition de la Commission européenne sur la régulation des plateformes. C’est pourquoi l’alinéa 35 de la proposition de résolution appelle la Commission à obliger les plateformes à rendre publics les motifs de retrait des contenus.

S’agissant de la question de la compétence de l’Union en matière de médias, soulevée par Philippe Ballard, il ne me semble pas que la Commission européenne souhaite une harmonisation totale des règles applicables. Elle ne fait que fixer des règles minimales, un socle de principes communs qui me semble tout à fait utile. Quant au fondement juridique de son intervention, il se trouve dans l’article 114 du TFUE, comme le démontre mon rapport. Dans l’attente de l’avis du service juridique du Conseil de l’Union européenne, je considère que les traités sont respectés.

Comme Sarah Legrain, qui a évoqué le financement de l’audiovisuel public, je m’interroge sur la budgétisation de ses ressources. Une solution a été trouvée, consistant à lui affecter une part de la TVA, ce qui ne figurait pas dans le projet initial du Gouvernement.

La question fondamentale de l’attribution de ressources pérennes aux sociétés de l’audiovisuel public pour leur donner une vision pluriannuelle demeure. Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, est revenue sur ce point lors d’une audition de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication du Sénat. Nous l’évoquerons lors de la discussion des amendements relatifs à l’alinéa 29 de la proposition de résolution européenne.

Je souscris aux propos de Jean-Jacques Gaultier sur l’utilité des garde-fous prévus par la proposition de règlement de la Commission et salue la décision de son groupe de voter la proposition de résolution européenne.

S’agissant de la régulation des Gafam, évoquée par Laurent Esquenet-Goxes, le problème est qu’ils captent une part croissante des ressources publicitaires. J’espère que nous en débattrons dans le cadre des états généraux du droit à l’information.

S’agissant du comité européen pour les services de médias, j’estime moi aussi que son indépendance n’est pas assurée en l’état. Je suivrai attentivement les débats à ce sujet au Conseil et au Parlement européen, en espérant qu’ils parviennent à la renforcer. La Commission n’a pas vocation à exercer un contrôle sur les régulateurs des médias, qui doivent travailler en toute indépendance.

Inaki Echaniz s’interroge sur le fondement juridique de l’intervention de la Commission. Si elle a retenu l’article 114 du TFUE, son approche n’est pas exclusivement fondée, de façon bornée, sur le marché intérieur. Il fallait une base juridique, mais au-delà, le texte pose des principes protecteurs pour les journalistes.

Par ailleurs, il est vrai qu’il faut mieux tenir compte de l’impact des concentrations sur le pluralisme des médias. L’article 21 de la proposition de règlement de la Commission européenne est consacré à cette question. Je regrette que le groupe Socialistes et apparentés s’abstienne sur le texte, qui me semble équilibré et de nature à envoyer un message fort au Gouvernement afin qu’il œuvre à un renforcement de la proposition de règlement au sein du Conseil.

Comme Béatrice Bellamy, je m’interroge sur l’instrument juridique retenu par la Commission européenne. J’ai déposé un amendement visant à en obtenir une analyse approfondie. Une directive me semble être un instrument plus approprié pour réglementer la liberté des médias.

Pour répondre à Sophie Taillé-Polian, la France respecte d’ores et déjà les principes édictés par la Commission en matière d’indépendance des médias et d’indépendance éditoriale. Il en va de même s’agissant de la protection des sources journalistiques et de la transparence de la propriété des médias, même si nous pourrions aller plus loin sur ce point, notamment s’agissant de l’actionnariat complexe. Quant à la préservation des budgets dédiés au travail journalistique d’information et d’enquête, nous l’évoquerons lors de l’examen de l’amendement que vous avez déposé à ce sujet.

J’en viens à l’intervention de Soumya Bourouaha. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur le respect du principe de subsidiarité et sur la nécessité d’opter pour une directive plutôt que pour un règlement. Je la rejoins sur la nécessité de préserver le régime français de la presse écrite, notamment l’existence du directeur de publication.

Céline Calvez est utilement revenue sur la loi Bloche de 2016 et l’introduction dans le droit français de la clause de conscience et de la clause de cession. Cette loi a créé le droit d’opposition des journalistes, ce dont je me réjouis. Quant à la presse écrite, elle est largement autorégulée. Je ne pense pas que nous manquions d’exigence à son égard. Je ne vois pas pourquoi elle devrait être régulée par l’Arcom. Cette question sera débattue dans le cadre des états généraux du droit à l’information.

Je souhaite comme Rodrigo Arenas qu’une autorité de régulation indépendante intervienne à l’échelon européen, mais je ne pense pas qu’elle ait vocation à tout réglementer. L’Union européenne a commencé à agir en matière de réglementation des plateformes, en adoptant le règlement sur les marchés numériques. Elle doit aller plus loin. La présente proposition de résolution européenne l’y encourage.

Emmanuelle Anthoine a rappelé à raison la conditionnalité des aides européennes, fondée sur le respect de l’État de droit, qui ne peut qu’encourager les États membres portant atteinte à la liberté de la presse à cesser de le faire.

Enfin j’ai pris note des préoccupations de Jean-Claude Raux au sujet des règles de protection des journalistes. Nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

 

Article unique

Amendement de suppression AC21 de Mme Caroline Parmentier.

Mme Caroline Parmentier (RN). L’ambition de la proposition de législation européenne sur la liberté des médias est de réduire la fragmentation des approches législative et réglementaire, par les États membres, de la liberté, du pluralisme et de l’indépendance éditoriale des médias. Le Rassemblement national ne peut y souscrire.

Rappelons en premier lieu que la liberté et le pluralisme des médias sont garantis par l’article 11 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Précisons ensuite que les médias, d’après les traités européens, ne relèvent ni des compétences partagées, ni des compétences exclusives de l’Union. Enfin, au nom de la souveraineté et de la liberté dues à chaque État membre, nous ne pouvons que récuser un texte portant atteinte au fonctionnement des États membres dans leur législation visant à assurer la liberté des médias.

Le texte présenté ne respecte pas le principe de subsidiarité. Il convient donc de supprimer son article unique.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Je suis défavorable à cet amendement ainsi qu’aux quatre autres déposés par des membres du Rassemblement national, qui ont tous pour objet de critiquer la validité ou l’opportunité de l’intervention de la Commission européenne. Je tiens toutefois à saluer le travail de Joëlle Mélin à la commission des Affaires européennes, aux côtés de Constance Le Grip.

Outre que l’adoption de cet amendement priverait de débat notre commission, j’accorde un soutien de principe à l’initiative de la Commission. Elle est certes imparfaite, et plusieurs de ses dispositions devront être clarifiées, voire amendées. Elle n’en a pas moins le mérite de définir un socle minimal de principes communs en matière d’indépendance éditoriale et de protection des journalistes, à l’heure où la liberté de la presse est attaquée dans de trop nombreux États membres. Ces atteintes sont documentées par la Commission, dans ses rapports annuels sur l’État de droit, ainsi que par des associations et ONG indépendantes, notamment Reporters sans frontières.

L’inscription de ces principes dans le droit de l’Union sera sans incidence sur les législations nationales qui, comme celle de la France, les respectent déjà. Par ailleurs, les auditions que j’ai menées avec Constance Le Grip et Joëlle Mélin ont démontré que l’article 114 du TFUE constitue une base juridique valide. Je vous renvoie sur ce point à la première partie de mon rapport.

S’agissant du respect du principe de subsidiarité, j’ai pris note des critiques formulées par nos collègues parlementaires d’Allemagne et de Hongrie entre autres, qui s’apprêtent à adopter des avis motivés en subsidiarité. Je suis notamment attentif, comme nous devrions tous l’être, à la position du Sénat, qui estime que l’initiative de la Commission contrevient au principe de subsidiarité.

La Commission européenne défend une harmonisation minimale des législations nationales sans méconnaître, me semble-t-il, les principes de subsidiarité et de proportionnalité. Toutefois, je regrette, comme nos collègues sénateurs, que la Commission ait opté pour un règlement plutôt que pour une directive, laquelle, d’après le texte adopté par le Sénat, « aurait laissé aux États membres le choix de la forme et des moyens de mise en œuvre, en vertu de l’article 288 du TFUE, ce qui aurait été plus conforme aux objectifs de ladite législation et au respect de la diversité et du pluralisme, protégés par l’article 167 du TFUE ».

Mme Constance Le Grip (RE). Le groupe Renaissance votera contre cet amendement et les quatre autres du même groupe. Nous considérons que l’Union a clairement compétence pour défendre l’espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ), consacré par l’article 3 du traité sur l’Union européenne.

La proposition de résolution européenne dont nous débattons fait référence à la Charte européenne des droits fondamentaux, qui est constitutive de l’État de droit dont la Commission européenne est garante. Les libertés fondamentales, au premier rang desquelles la liberté de la presse et le pluralisme des médias, font partie des droits fondamentaux constitutifs de nos grandes valeurs européennes. Il nous semble essentiel de procéder à une forte avancée législative européenne.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC34, AC33 et AC32 de M. Emmanuel Pellerin.

Amendement AC3 de Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Cet amendement vise à introduire dans la proposition de résolution européenne le travail mené par l’Union sur les procédures-bâillons intentées contre des journalistes, qui se multiplient dans de nombreux pays. L’utilisation du droit pour faire taire des journalistes ou des lanceurs d’alerte est de plus en plus massive.

Protéger les journalistes suppose de mener un travail spécifique sur la lutte contre les procédures-bâillons et les manœuvres judiciaires abusives, dont la France n’est pas exempte. En rappelant que le Conseil et le Parlement européen ont entamé un travail à ce sujet, nous démontrerons la volonté de l’Assemblée nationale de faire de même.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Je ne suis pas favorable à l’introduction dans le texte d’un nouveau visa faisant référence à la proposition de directive sur la protection des personnes faisant l’objet de poursuites-bâillons.

Ce texte important vise à mieux protéger les personnes physiques et morales, notamment les journalistes, attaquées en raison de leur participation au débat public au moyen de procédures judiciaires manifestement infondées ou abusives, visant à les faire taire ou à les intimider. Cette technique est connue sous le nom de procédure-bâillon. Le texte permettra notamment aux juridictions d’adopter une décision rapide de rejet total ou partiel des procédures judiciaires altérant le débat public au motif qu’elles sont manifestement infondées. La charge de la preuve incomberait alors aux requérants, qui pourraient interjeter appel de cette décision.

Cette proposition de directive constitue un élément central du plan d’action pour la démocratie européenne présenté par la Commission européenne à la fin de l’année 2020, qui comprenait notamment la proposition de législation européenne sur la liberté des médias. Mais, dès lors qu’elle n’a pas encore été adoptée, je ne suis pas favorable à son inscription dans la proposition de résolution européenne, ce qui ne m’empêche pas d’être préoccupé par le développement des poursuites-bâillons en Europe.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC31 et AC30 de M. Emmanuel Pellerin.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC8 de M. Stéphane Peu.

Amendement AC17 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard (RN). Il vise à réécrire l’alinéa 17. D’après les traités européens, les médias ne figurent pas parmi les compétences exclusives ou partagées de l’Union européenne. La proposition de règlement de la Commission outrepasse les compétences de l’Union et ne respecte pas la souveraineté des États membres.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle rejette l’amendement AC10 de Mme Angélique Ranc.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC29, AC28 et AC27 de M. Emmanuel Pellerin.

Elle rejette l’amendement AC9 de Mme Angélique Ranc.

Amendement AC5 de M. Stéphane Peu.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Procédant du même esprit que l’amendement AC3, cet amendement vise à inscrire explicitement dans le texte l’importance de lutter contre les procédures-bâillons. Ces stratégies d’épuisement en temps et en argent sont opposées aux associations, aux lanceurs d’alerte et aux journalistes. Il nous semble important de mentionner ce combat spécifique.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Je ne suis pas favorable à l’introduction d’un considérant relatif à la multiplication des poursuites-bâillons au sein de l’Union.

Je m’inquiète de cette nouvelle forme d’atteinte à la liberté d’expression et à la qualité du débat public dans nos démocraties européennes, comme je l’ai écrit dans mon rapport, qui cite notamment les alertes lancées par la Commission européenne dans son rapport 2022 sur l’État de droit. La Commission cible particulièrement la Pologne, où des poursuites sont engagées par des responsables politiques ou des fonctionnaires contre des journalistes, notamment ceux qui suivent les décisions du gouvernement. La coalition contre les poursuites-bâillons en Europe, qui regroupe une trentaine d’associations telles que RSF ou la Fédération européenne des journalistes, a décerné à la Pologne le prix du pays fournissant les conditions les plus favorables aux poursuites-bâillons en 2021 et en 2022.

L’amendement est toutefois satisfait par la rédaction de l’alinéa 23 du texte.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC24 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous sommes tous d’accord sur les effets négatifs de la concentration des médias. Cet amendement vise à rappeler le contexte de concentration des médias dans lequel s’inscrit la proposition de résolution européenne, ainsi que les atteintes aux principes de liberté, de pluralisme et d’indépendance des médias qui en résultent.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Je suis favorable à cet amendement. Par avance, je donne donc un avis défavorable aux amendements AC7, AC4, AC26, AC19 et AC11 qui viendront ensuite et qui sont similaires sur le fond.

Il me semble utile de rappeler dans la proposition de résolution européenne que la concentration des médias peut représenter un risque pour la liberté et le pluralisme de l’information. L’alinéa 34 du texte, tout en saluant l’article 21 de la proposition de règlement, appelle à la clarification des critères d’évaluation des opérations de concentration.

 

Dans la rédaction actuelle de cet article, seules les concentrations susceptibles d’influer sensiblement sur le pluralisme des médias et l’indépendance éditoriale doivent faire l’objet d’une évaluation. Cette évaluation devra reposer sur des critères préalablement définis et tenir compte de plusieurs éléments, tels que les effets de la concentration sur la formation de l’opinion publique et sur la diversité des acteurs médiatiques, les garde-fous de nature à protéger l’indépendance éditoriale et la viabilité économique de l’entité acquérante ainsi que de l’entité acquise en l’absence de concentration. Tout cela est détaillé dans la deuxième partie de mon rapport.

Je ne considère pas qu’il existe un lien mécanique entre la concentration des médias et le pluralisme. Toutefois, il sera peut-être nécessaire de faire évoluer les règles anti-concentration en France. L’inspection générale des finances et l’inspection générale des affaires culturelles ont formulé des propositions dans leur rapport sur la concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique. Elles ont notamment proposé de passer d’un contrôle fondé sur des seuils à une approche plus souple, qui permettrait à l’Arcom d’apprécier au cas par cas l’impact des opérations de concentration sur le pluralisme, dans le cadre d’une analyse transversale intégrant tous les médias d’information détenus par les parties notifiantes. Cette proposition ressemble aux dispositions de l’article 21 de la proposition de législation européenne, qui confie à l’autorité nationale de régulation l’évaluation des effets de l’opération de concentration.

Les états généraux du droit à l’information seront le lieu pertinent pour débattre de l’impact des concentrations sur le pluralisme et des éventuelles évolutions législatives à réaliser. Personnellement, je n’ai aucun tabou sur cette question et participerai avec intérêt à ces débats.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC7 de Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il s’agit d’alerter sur le caractère désuet des dispositions anti-concentration de la législation nationale. La loi anti-concentration de 1986 n’est plus adaptée à la réalité. Les seuils sont trop hauts et le numérique n’est pas pris en compte. Notre législation n’est plus pertinente.

Outre la question de la concentration se pose celle de la possession des médias. La loi n’a pas pour objet d’assurer le pluralisme entre milliardaires, mais bien de favoriser des médias qui puissent vivre par eux-mêmes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC4 de M. Stéphane Peu.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Il vise à préciser que l’hyper-concentration des médias est un danger. C’est un phénomène constaté partout en Europe, auquel s’ajoute l’accaparement par les puissances de l’argent de la majorité des médias.

En France, les médias indépendants, qui ne sont pas soumis à de grands groupes ou à des milliardaires pour assurer leur financement, sont de plus en plus menacés. Contrairement à ce qui est parfois avancé, l’indépendance des rédactions et la protection des journalistes ne suffisent pas à garantir le pluralisme médiatique. Notre pays, comme les autres États membres de l’Union, doit réellement s’emparer de cet enjeu, pour que chacun sache qui possède les médias. Sinon, nous ne serons pas à la hauteur des ambitions affichées par le projet d’acte européen pour la liberté des médias.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC26 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je regrette que l’amendement AC24 ait été rejeté, contre l’avis du rapporteur, au détriment du travail de co-construction que nous menons sur ce texte.

Le présent amendement vise à rappeler qu’il importe de fixer des règles anti-concentration des médias. Ces concentrations, mutualisations et synergies ont inévitablement des conséquences sur les programmes, l’information, les contenus des services et les titres nouvellement concentrés. Elles mettent en péril le pluralisme de l’offre culturelle, l’indépendance des rédactions et des journalistes ainsi que la diversité et la qualité de l’information dont disposent nos concitoyens. Il est donc nécessaire de fixer des règles strictes anti-concentration des médias, en soumettant à conditions, voire en interdisant, la prise de contrôle du capital de certains médias au-delà d’un certain pourcentage.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC13 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il porte sur le statut des journalistes. D’après un syndicat européen de journalistes, la référence aux « fournisseurs de services de médias » exclut les journalistes indépendants du champ de la proposition de règlement. Or ils ont démontré, au cours des dernières années, tout l’intérêt de leur travail pour la presse et l’information des citoyens et des citoyennes. Nous souhaitons que les journalistes indépendants soient pris en compte dans les dispositions protectrices de la proposition de législation européenne relatives aux sources et à la censure par les plateformes numériques.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Avis favorable. La Commission européenne définit les « fournisseurs de services de médias », à l’article 2 de la proposition de règlement, comme la personne physique ou morale dont l’activité professionnelle consiste à fournir un service de médias, qui assume la responsabilité éditoriale du choix du contenu du service de médias et qui détermine la manière dont il est organisé. Elle vise donc uniquement les journalistes professionnels.

Le champ de la législation française est plus large. L’article 2 bis de la loi du 29 juillet 1881, introduit en 2016 par la loi « Bloche », étend le droit de ne pas divulguer ses sources aux journalistes indépendants. Il semble nécessaire de préciser la proposition de législation européenne sur ce point, pour que les journalistes indépendants bénéficient explicitement des dispositions de l’article 4 de la proposition de législation européenne.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC35 de M. Emmanuel Pellerin.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Il vise à inscrire dans le texte la préférence de l’Assemblée nationale pour une directive plutôt qu’un règlement. L’initiative de la Commission européenne est utile, mais elle dépasse les limites du principe de proportionnalité. Une directive aurait été à même de rassurer les États membres, inquiets de l’intervention de la Commission européenne dans un domaine hautement sensible. Les sénateurs partagent cette vision, puisqu’ils ont adopté la semaine dernière une proposition de résolution européenne portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement.

Comme je l’explique dans le rapport, je ne partage pas la position de nos collègues sénateurs sur la non-conformité de la proposition au principe de subsidiarité. Je m’associe toutefois à l’alinéa 13 de la résolution du Sénat pour regretter que la Commission ait retenu « la voie d’une proposition de règlement, d’application directe et uniforme, et non d’une proposition de directive qui devrait être transposée en droit interne et aurait laissé aux États membres le choix de la forme et des moyens de mise en œuvre, en vertu de l’article 288 du TFUE, ce qui aurait été plus conforme aux objectifs de ladite législation et au respect de la diversité et du pluralisme, protégés par l’article 167 du TFUE. »

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC39 et AC37 de M. Emmanuel Pellerin.

Amendement AC6 de Mme Soumya Bourouaha.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). La protection des sources des journalistes est indispensable mais, comme tout droit, elle peut trouver sa limite pour des raisons impérieuses. Cependant, les raisons de « sécurité nationale » qui sont posées comme limite n’étant pas clairement définies, elles peuvent être sujettes à diverses interprétations. De même, la limite tenant aux « besoins, précisément définis, d’une enquête pénale » apparaît trop floue pour éviter certains écueils. Nous proposons de supprimer ces deux précisions. L’alinéa 28 du texte s’en tiendra ainsi à affirmer la protection du secret des sources, sans entamer une série d’exceptions aux formulations trop peu précises pour être réellement pertinentes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AC1 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous sommes très heureux de l’adoption du dernier amendement. Nous devons revendiquer avec fierté la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, qui dispose notamment que l’atteinte au secret des sources « ne peut en aucun cas consister en une obligation pour le journaliste de révéler ses sources ». Ces termes doivent figurer à l’alinéa 28, pour expliciter la protection des sources des journalistes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AC2 de Mme Sarah Legrain et AC23 de M. Inaki Echaniz.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il s’agit de supprimer l’alinéa 29 de la proposition de résolution européenne, qui pose un problème majeur. Le projet de règlement affirme bien l’importance d’un financement pérenne du service public de l’audiovisuel, afin de garantir son indépendance éditoriale. La France ne doit pas nuancer cette nécessité en faisant état des « prérogatives des États membres en matière de financement et de désignation des dirigeants des médias publics ». Il faut absolument renoncer à cette précision, qui ne fait que mettre en relief la difficulté à laquelle conduit la suppression de la redevance de l’audiovisuel public.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous retrouvons à l’alinéa 29 le moyen de demander à l’Union européenne de laisser une marge de manœuvre aux États sur le choix de leurs modes de financement de l’audiovisuel public. Vous le savez, les décisions prises cet été sont une erreur et mettent en péril le financement de l’audiovisuel public.

Notre amendement rappelle que l’Union européenne est garante de l’indépendance des médias publics, afin qu’un État ne puisse budgétiser le financement de son audiovisuel sans prévoir les garde-fous suffisants pour son indépendance. Les États ont toutefois une marge de manœuvre dans le respect de ces garde-fous. S’ils ne sont pas respectés, comme cela aurait été le cas si le Gouvernement avait maintenu sa réforme initiale cet été, il est logique de l’Union européenne sanctionne l’État. La proposition de résolution européenne ne doit pas donner l’occasion de revenir sur ce point et permettre de nouvelles erreurs.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette les amendements.

Elle rejette l’amendement AC25 de M. Inaki Echaniz.

Elle adopte successivement les amendements rédactionnels AC38 et AC36 de M. Emmanuel Pellerin.

Amendement AC12 de Mme Sophie Taillé-Polian.

 

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il a pour objet d’étendre le système français de responsabilité légale des directeurs de la publication, en précisant l’exigence d’une séparation entre actionnaires et direction éditoriale. Il tend à ce que les directeurs de la publication ou de rédaction soient nommés ou approuvés par les journalistes membres de la rédaction. Au-delà des problèmes de concentration, se pose la question de la capacité des journalistes à rester indépendants de leurs actionnaires.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. L’amendement semble excessif. Le risque de capture des médias par les actionnaires n’a rien de systématique car ceux-ci ont intérêt à préserver l’indépendance du média, gage de sa crédibilité.

Il ne paraît en outre pas illégitime que l’actionnaire fixe la ligne éditoriale du média, conformément à la liberté d’entreprendre, protégée par la Constitution. Le directeur de la publication est ainsi le représentant de l’actionnaire, qui peut contribuer à définir la ligne éditoriale de l’entreprise de presse. Il ne peut cependant pas exercer de pression individuelle sur les journalistes ni s’exonérer des obligations législatives et réglementaires, notamment du droit d’opposition des journalistes. Le directeur de la publication peut donc exercer un contrôle sur les contenus publiés par les médias et les journalistes peuvent toujours faire usage de leur clause de conscience en cas de changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal.

Enfin, ce débat n’est pas le lieu pour préconiser un changement aussi radical. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AC19 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). La transformation du secteur des médias rend les anciens dispositifs anti-concentration obsolètes car l’offre et les usages se sont largement déplacés vers internet, tant pour la télévision et la radio que pour la presse. L’amendement tend à insérer une précision à ce sujet.

Contre l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AC18 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Il s’agit de préciser que les critères d’évaluation des concentrations doivent être clarifiés « notamment en matière de gouvernance et de part d’attention ». De nombreux travaux suggèrent en effet de mesurer la consommation d’information, tous supports confondus – presse, télévision, radio – pour une approche centrée sur la consommation des individus plutôt que les supports, en permettant de mesurer la part d’attention de chaque média.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement AC40 de M. Emmanuel Pellerin.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. La mesure de l’audience s’est complexifiée en raison de la numérisation de l’offre et de la consommation des contenus médiatiques. Elle est notamment rendue difficile par l’accès aux données des plateformes.

Un récent rapport de l’inspection générale des finances et de l’inspection générale des affaires culturelles relève que « la prise en compte incomplète de l’audience sur les plateformes numériques constitue une limite méthodologique ». Les auteurs notent que le recours croissant aux réseaux sociaux rend nécessaire de mesurer l’audience numérique des médias « y compris en dehors de leur propre environnement numérique, en intégrant celui des distributeurs de leurs contenus ». Ils jugent que les modalités d’accès aux données ne peuvent assurer leur fiabilité totale et que les données communiquées sont difficilement exploitables par les éditeurs en raison de leur caractère agrégé et anonymisé.

L'un des principaux problèmes actuels est le refus pur et simple de certaines plateformes de communiquer leurs données d’audience et de rendre publique leur méthodologie de mesure, comme l’a relevé lors de son audition M. Yannick Carriou, PDG de Médiamétrie.

Je juge donc nécessaire une meilleure prise en compte du numérique par l’article 23 de la proposition de règlement.

Les méthodes de mesure de l’audience des plateformes numériques doivent pouvoir être contrôlées et comparées. Une option possible serait de confier la production des méthodologies de mesure de l’audience sur les plateformes à des tiers indépendants, de façon à garantir la qualité et la fiabilité des données. À défaut, nous pourrions envisager la certification obligatoire des méthodes des plateformes par un organisme d’audit, sur le modèle français. Mon amendement vise donc à inscrire cette alternative dans la proposition de résolution européenne.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC14 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Notre groupe déplore la faible portée normative des dispositions contenues à l’article 6 de la proposition de législation européenne relatives à l’exigence de transparence sur les conflits d’intérêts possibles entre les actionnaires et les fournisseurs de services de médias. Cet amendement vise à rehausser l’ambition de transparence pour exiger un droit opposable à la publication des bases de données actionnariales et à donner au régulateur un rôle d’investigation en la matière.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC11 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous partageons la disposition de la proposition de résolution européenne appelant à une clarification des critères d’évaluation du niveau de concentration actionnariale sur le marché des médias, mais déplorons que la France se limite à exiger le perfectionnement d’un dispositif d’évaluation de la concentration dans les médias alors que la situation actuelle, y compris dans notre pays, où quelques industriels détiennent la majorité des titres de journaux et de médias audiovisuels, constitue un véritable poison démocratique et nuit au débat public.

Par cet amendement, nous souhaitons que la résolution porte la voix d’une exigence en matière d’établissement de seuils européens contraignants de concentration actionnariale dans les médias.

Je regrette que l’amendement de M. Echaniz, qui traitait de cette question d’une manière un peu différente, n’ait pas été adopté. Si tel avait été le cas, j’aurais volontiers retiré le mien.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’amendement rédactionnel AC41 de M. Emmanuel Pellerin.

Amendement AC20 de M. Jean-Jacques Gaultier.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Il convient d’instaurer des garanties en matière de pluralisme de l’offre et de référencement sur les appareils connectés – enceintes, téléviseurs – et les télécommandes avec la possibilité pour chacun de personnaliser l’offre de médias sur les appareils et les interfaces.

M. Emmanuel Pellerin, rapporteur. Sagesse.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AC15 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). En Europe, la situation des journalistes devient de plus en plus précaire en raison de l’affaissement des marges des fournisseurs de services de médias et de l’introduction de législations favorisant la précarité de l’emploi, ce qui nuit à l’indépendance des journalistes et à leur capacité à travailler sur le temps long. Cet amendement appelle à l’introduction de normes garantissant des conditions de travail décentes aux journalistes.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement AC16 de Mme Sophie Taillé-Polian.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Alors que les talk-shows et le recours à des agences de contenus pauvres en information se multiplient dans les médias d’information générale sous l’impulsion de logiques de pure rentabilité, le travail journalistique consacré à l’information conçue comme énonciation de faits et au travail d’enquête, lui, recule. D’après une étude de François Jost, l’information stricto sensu en tant qu’énonciation de faits n’a occupé que 13 % du temps d’antenne de CNews en janvier et février 2022.

Cet amendement appelle à l’introduction de règles garantissant la préservation des moyens destinés à ce travail journalistique pour préserver la bonne santé du débat public.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

Elle adopte l’article unique modifié.

 

La proposition de résolution européenne est ainsi adoptée.

 

*

*     *

 

En conséquence, la commission des Affaires culturelles et de l’éducation demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente résolution dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 Texte adopté par la commission : https://assnat.fr/zOMVKd

 

 


—  1  —

   Annexe : liste des personnes entendues

 

1.   Auditions communes de M. Emmanuel Pellerin, rapporteur, et de Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin, rapporteures de la commission des affaires européennes

 

       Représentation permanente de la France auprès de l’Union européenne – M. Cyril Piquemal, représentant permanent adjoint, et Mme Alix Maisonnave, conseillère adjointe

            Fédération européenne des journalistes – Mme Renate Schroeder, directrice générale

            Secrétariat général aux affaires européennes (SGAE) – M. Ludovic Butel, secrétaire général adjoint, Mme Clarisse Dubert, cheffe du bureau solidarités, santé, jeunesse et culture, et Mme Constance Deler, conseillère parlementaire

            Table-ronde de syndicats de journalistes

– Alliance de la presse d’information générale (Apig) * – M. Pierre Pétillaut, directeur général

– Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM) * – M. Alain Augé, président, et Mme Julie Laurigny, directrice générale

– Fédération nationale de la presse spécialisée (FNPS) * – Mme Catherine Ghagniot, directrice générale, M. Boris Bizic, directeur juridique, et Mme Emily Basquin, chargée des affaires juridiques et économiques

            Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) – M. Roch-Olivier Maistre, directeur général

            Direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – Mme Florence Philbert, directrice générale


2.   Auditions de M. Emmanuel Pellerin, rapporteur

            Alliance de la presse d’information générale (Apig) * – M. Pierre Petillault, directeur général, et Mme Aurélie Petit, responsable du pôle juridique

            Médiamétrie * – M. Yannick Carriou, président, M. Julien Rosanvallon, directeur général adjoint, M. Arnaud Philippe, directeur du département qualité et sécurité, délégué à la protection des données, et M. Simon Lalanne, directeur conseil chez Boury Tallon & Associés

            Syndicat national des journalistes (SNJ) – M. Christian Dauriac, membre du bureau national

            Reporters sans frontières – M. Christophe Deloire, secrétaire général, M. Antoine Bernard, directeur du plaidoyer et de l’assistance, M. Paul Pouchoux, chargé de plaidoyer, Mme Julie Majerczak, représentante auprès de l’Union européenne, et Mme Prudence Lecomte-Stansbury, stagiaire

            Syndicat national des journalistes (SNJ) – M. Christian Dauriac, membre du Bureau national

 

            Table ronde de représentants de l’audiovisuel public

 Radio France *  M. Xavier Domino, secrétaire général, et M. Benjamin Amalric, responsable des relations institutionnelles

 France Télévisions *  M. Christophe Tardieu, secrétaire général

 France Médias Monde *  M. Serge Schick, directeur du développement International et des ressources propres, et M. Thomas Legrand-Hedel, directeur de la communication et des relations institutionnelles

 Institut national de l’audiovisuel  Mme Deborah Münzer, conseillère à la présidence pour les relations institutionnelles et extérieures

 TV5 Monde  M. Thomas Derobe, secrétaire général, et M. Arnaud Rivalan, directeur juridique

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) Rapport d’information n° 600 sur la proposition de législation européenne sur la liberté des médias, déposé au nom de la commission des affaires européennes par Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin, rapporteures.

([2]) Proposition de résolution européenne n° 601 relative à la proposition de législation européenne sur la liberté des médias, présentée au nom de la commission des affaires européennes par Mmes Constance Le Grip et Joëlle Mélin, rapporteures.

([3]) La liste des auditions est à retrouver en annexe du rapport.

([4]) Financial security crucial to free, pluralistic media, says EU lawmaker – EURACTIV.com

([5]) Arcom, Position sur l’initiative de la Commission européenne en faveur d’une loi européenne sur la liberté des médias en réponse à la consultation publique du 10 janvier 2022, 28 mars 2022.

([6]) Le pluralisme fait partie des valeurs fondamentales de l’Union européenne inscrites à l’article 2 du Traité sur l’Union européenne.

([7]) Commission européenne, Communication au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions : rapport 2022 sur l’État de droit, 13 juillet 2022.

([8]) La Hongrie occupe la 80e place au sein du classement mondial de la liberté de la presse 2022, établi par Reporters sans frontières (RSF).

([9]) Commission européenne, Annexe de la communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, 13 juillet 2022.

([10]) La plateforme pour la protection du journalisme et la sécurité des journalistes promeut la liberté de la presse et l’amélioration de la sécurité des journalistes au sein des pays du Conseil de l’Europe. Ses 15 organisations partenaires, telles que la Fédération européenne des journalistes, la Fédération internationale des journalistes, Reporters sans frontières ou le Centre européen pour la liberté de la presse et des médias, recensent les atteintes à la liberté des médias et à la sécurité des journalistes. Les alertes « documentent des menaces graves à la sécurité des journalistes et à la liberté des médias en Europe » et sont notifiées aux États membres.

([11]https://rsf.org/fr/pologne-au-pays-des-proc%C3%A9dures-b%C3%A2illons-un-c%C3%A9l%C3%A8bre-journaliste-d-investigation-condamn%C3%A9-sans-avoir

([12]) L’instrument de surveillance du pluralisme des médias est élaboré selon plusieurs critères présentés par le CPLM sur son site internet, tels que l’existence légale de garde-fous protégeant la liberté d’expression, des conditions favorables à la liberté du travail journalistique, l’indépendance effective des autorités de régulation des médias, la transparence sur la propriété des médias, le degré de concentration des médias, les ingérences politiques dans le fonctionnement des médias, particulièrement les médias de service public, ou encore la protection de l’indépendance éditoriale.

([13]) Les termes utilisés par la Commission européenne sont définis à l’article 2 de la proposition de règlement.

([14]) Conseil constitutionnel, décision n° 2009-577 DC du 3 mars 2009, considérant 3.

([15]) Article L. 7112-5 du code du travail.

([16]) Article 2 bis, alinéa 3, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([17]) Article 2 bis, alinéa premier, de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

([18]) Article 30-8 de la loi n° 86-10637 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([19]) Article 3-1 de la loi n° 86-10637 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([20]) Article 43-11, alinéa 4, de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([21]) Cette notion est définie à l’article 3, paragraphe 6, de la directive (UE) n° 2015/849 du Parlement européen et du Conseil du 20 mai 2015 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux ou du financement du terrorisme, modifiant le règlement (UE) n° 648/2012 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 2005/60/CE du Parlement européen et du Conseil et la directive 2006/70/CE de la Commission.

([22]) Article 15-1 de la loi n° 86-897 du 1er août 1986 portant réforme du régime juridique de la presse.

([23]) La liberté d’entreprendre procède de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, aux termes duquel « la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ».

([24]) https://www.euractiv.com/section/digital/interview/financial-security-crucial-to-free-pluralistic-media-says-eu-lawmaker/

(1) Médiamétrie est une société anonyme dont le conseil d’administration est composé de 12 membres : Radio France, Groupe M6, NextRadioTV, Union des marques, France Télévisions, TF1, Canal+, Europe 1, Dentsu Aegis Network France, Publicis Conseil, Havas, DDB Holding Europe. Des comités définissent et valident les systèmes de mesure : Audimétrie, TV Thématiques, Internet, Radio, Métridomet Data.

([26]) La liste des membres du conseil d’administration du CESP est disponible sur son site internet : https://www.cesp.org/accueil/le-conseil-dadministration/

([27]) Inspection générale des finances et Inspection générale des affaires culturelles, La concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique : de la réglementation à la régulation, mars 2022.

([28]) Règlement (UE) n° 2022-1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (règlement sur les marchés numériques).

([29]) L’article 2 du DMA définit les contrôleurs d’accès comme des entreprises fournissant des services de plateforme essentiels : intermédiation en ligne, moteur de recherche, réseau social, partage de vidéos, publicité en ligne, etc.

([30]) Ce paragraphe dispose que « le contrôleur d’accès fournit aux annonceurs et aux éditeurs, ainsi qu’aux tiers autorisés par les annonceurs et les éditeurs, à leur demande et gratuitement, un accès aux outils de mesure de performance du contrôleur d’accès et aux données qui leur sont nécessaires pour effectuer leur propre vérification indépendante de l’inventaire publicitaire, notamment les données agrégées et non agrégées. Ces données sont fournies de manière à permettre aux annonceurs et aux éditeurs d’utiliser leurs propres outils de vérification et de mesure afin d’évaluer la performance des services de plateforme essentiels fournis par le contrôleur d’accès ».

([31]) Résolution européenne n° 36 portant avis motivé sur la conformité au principe de subsidiarité de la proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil établissant un cadre commun pour les services de médias dans le marché intérieur (législation européenne sur la liberté des médias) et modifiant la directive 2010/13/UE – COM (2022) 457 final.

([32])  https://assnat.fr/lJt5oy