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N° 617

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, ADOPTÉE PAR LE SÉNAT, créant une aide pour les victimes de violences conjugales,

 

 

Par Mme BÉatrice DESCAMPS et M. Emmanuel TACHÉ DE LA PAGERIE,

 

 

Députés

 

——

 

 

 

 

 

Voir les numéros :  

Sénat :  875 (2021-2022), 21, 22 et T.A. 6 (2022‑2023).

Assemblée nationale :  372 rect.

 


  1  —

SOMMAIRE

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Pages

avant-propos

I. Les violences conjugales : un fléau que nous ne pouvons plus tolérer

II. La dépendance financière représente un frein majeur à la sortie des situations de violence

III. L’Objet de la proposition de loi : créer une avance d’urgence à destination des victimes de violences conjugales

Commentaire des articles

Article 1er Avance d’urgence à destination des victimes de violences conjugales

Article 2 Possibilité de demander l’avance d’urgence lors d’un dépôt de plainte pour violences conjugales

Article 2 bis A (nouveau) Suppression de l’obligation de consignation pour les victimes de violences conjugales

Article 2 bis Demande de rapport sur l’opportunité de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de verser l’avance d’urgence

Article 3 Gage financier de la proposition de loi

TRAVAUX DE LA COMMISSION

ANNEXES

ANNEXE  1 : données relatives aux violences conjugales en 2021

ANNEXE  2 : Liste des personnes auditionnÉes par lES rapporteurS

Annexe n° 3 : textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la PROPOSITION DE LOI

 


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   avant-propos

● En France en 2022, une femme meurt encore tous les trois jours sous les coups de son conjoint ou ancien conjoint.

Trois ans après le lancement du Grenelle contre les violences conjugales, les violences au sein du couple continuent à augmenter. En 2021, elles ont entraîné la mort de 143 personnes, en très grande majorité des femmes. Nous ne pouvons nous habituer à ces chiffres et devons plus que tout, chercher à éradiquer ce fléau.

En cas de violences conjugales déclarées, la règle est aujourd’hui celle de l’éloignement du conjoint violent. Or, la démarche est fastidieuse. Surtout, elle n’est pas adaptée aux situations d’urgence qui nécessitent une protection immédiate et un départ du domicile de la victime.

Or, la dépendance financière constitue aujourd’hui un frein majeur qui dissuade les victimes de quitter le domicile conjugal. Cette situation est d’autant plus préoccupante que les victimes sont plus nombreuses au sein des milieux modestes et que la violence conjugale s’accompagne souvent d’une perte totale d’autonomie sur le plan économique.

Il n’est pas acceptable que l’argument financier dissuade les victimes d’assurer leur mise à l’abri et les empêche de reconstruire leur vie.

● La présente proposition de loi, issue du Sénat, vise dès lors à proposer aux victimes de violence au sein du couple, une avance financière versée en trois mensualités et dans un délai de trois jours, leur permettant de disposer d’une aide d’urgence. Cette avance vise à leur permettre d’une part, d’assurer leur sécurité et d’autre part, de prendre le temps de « rebondir ».

Nous devons poursuivre inlassablement le combat contre ces situations de violence, aux répercussions dramatiques. Loin de prendre en compte l’ensemble des enjeux, cette proposition de loi apporte une première réponse.


I.   Les violences conjugales : un fléau que nous ne pouvons plus tolérer

● Les violences conjugales, qui désignent les violences physiques, sexuelles ou psychologiques exercées par un conjoint ou ex‑conjoint, constituent toujours un véritable fléau de nos sociétés. Entre 2011 et 2018, les violences exercées par un partenaire ont ainsi fait 295 000 victimes, selon l’enquête « Cadre de vie et sécurité » de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) ([1]). Selon la dernière enquête disponible à ce jour, en 2021, les services de sécurité ont enregistré 208 000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire, soit une augmentation de 21 % par rapport à 2020 ([2]).

Ces violences concernent en très grande majorité les femmes, qui représentent en 2020 et 2021, 87 % des victimes de violence commises au sein du couple ([3]). La Guyane, la Seine-Saint-Denis, le Nord, la Réunion, le Pas-de-Calais et le Lot-et-Garonne sont les départements où le nombre de femmes victimes enregistrées pour 1 000 habitants est le plus élevé. Les faits de violence sont destructeurs pour les enfants, soit parce qu’ils en sont aussi directement victimes, soit lorsqu’ils en sont témoins. En 2018, vingt et un décès d’enfants dans ce contexte étaient ainsi à déplorer.

● Ces chiffres, s’ils sont intolérables, sont pourtant loin de refléter l’ampleur du phénomène, dans la mesure où ils dépendent de la volonté et la capacité autodéclarative des victimes. En effet, les violences conjugales sont rarement suivies de plaintes – selon l’enquête précitée, seules 27 % des victimes les ont signalées à la police ou à la gendarmerie.

Lorsqu’ils sont poursuivis, il est en outre rare que les auteurs de violence soient condamnés : en 2018, seuls 17 % des auteurs de violence l’ont été selon le rapport du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ([4]). De plus, selon les données du ministère de la justice, la réponse pénale du parquet a été quatre fois sur dix une mesure alternative aux poursuites, et dans les deux tiers des cas, un simple rappel à la loi ([5]).

● Le Président de la République avait érigé, au début de son précédent mandat, les droits des femmes et l’égalité entre les femmes et les hommes en « grande cause du quinquennat ». En septembre 2019, le Gouvernement a en ce sens lancé le Grenelle contre les violences conjugales destiné à agir et lutter efficacement contre ce phénomène dramatique.

Trois ans après le lancement du Grenelle, force est de constater que les objectifs qu’il s’était fixés sont bien loin d’être atteints. Si l’on ne peut nier la mobilisation exemplaire de nombreux acteurs agissant sur le terrain pour accompagner et protéger les victimes, les moyens dédiés à cet objectif ne sont pas à la hauteur, et le volontarisme politique, insuffisant.

Les violences conjugales n’ont en effet fait qu’augmenter depuis quelques années et ont connu un niveau insupportable au cœur de la crise sanitaire liée à la covid‑19. Les faits de violence enregistrés au sein du couple ont ainsi augmenté de 42 % depuis 2017. Lors des premier et deuxième confinements, la plateforme de signalement en ligne des violences sexistes et sexuelles a ainsi enregistré une hausse respective de 40 % et 60 % d’appels de victimes.

Certes, les victimes sont sans doute aujourd’hui, davantage incitées à déclarer les faits. Cette hypothèse, si elle explique une partie de la hausse constatée, est néanmoins insatisfaisante. Les violences continuent bien de croître, comme en témoignent les chiffres glaçants de décès des suites de violences conjugales. En 2021, 143 morts violentes ont été recensées au sein du couple, en hausse de 14 % par rapport à 2020. Cette situation n’est pas tenable.

II.   La dépendance financière représente un frein majeur à la sortie des situations de violence

Le plus souvent, les victimes ont conscience du danger et souhaitent quitter leur domicile. L’analyse des données issues des appels au « 3919 - Violences Femmes Info » réalisée pour l’année 2020 par la Fédération nationale Solidarité Femmes montre ainsi que 59 % des victimes souhaitent quitter le domicile conjugal et 18 % d’entre elles indiquent avoir effectué plusieurs départs du domicile ([6]).

Le manque de ressources financières constitue néanmoins un frein majeur au départ. Or, les victimes de violences conjugales sont nombreuses à se trouver en situation de difficulté financière. Le ministère de l’intérieur révèle ainsi que la proportion de victimes de violences au sein du ménage est supérieure à la moyenne parmi les étudiants, les chômeurs et les inactifs non retraités – ce qui inclut notamment les femmes au foyer ([7]). Par ailleurs, c’est au sein des ménages les plus modestes que la proportion de victimes de violences domestiques est la plus élevée : elle s’élève à 1,2 % contre 0,7 % à 0,8 % pour les autres catégories de ménages (voir infra).

proportion de violences au sein du ménage en fonction de caractéristiques sociodémographiques

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Source : « Les violences physiques et/ou sexuelles au sein du ménage », rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité » 2019.

Souvent en situation de dépendance financière, les victimes de violence sont par ailleurs nombreuses à ne pas posséder de compte bancaire. Dans ce contexte, il leur est impossible d’envisager un départ, leur permettant de répondre à leurs besoins essentiels et le cas échéant, ceux de leurs enfants et d’acheter des produits alimentaires ou d’hygiène de première nécessité.

● Cette situation est d’autant plus problématique que les violences économiques constituent souvent, une forme particulière de violences conjugales. La délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale s’est penchée sur ce sujet en consacrant en 2020, un colloque à a lutte contre les violences économiques au sein du couple.

Le rapport issu de ces travaux ([8]) montre que les violences économiques relèvent d’un phénomène d’emprise et sont particulièrement destructrices. Elles se traduisent par un « contrôle financier pouvant aller jusqu’à la dépossession totale des moyens d’autonomie de la victime ». Cette mise sous dépendance passe en effet par un refus de toute autonomie économique et peut conduire à l’interdiction de travailler et au surendettement. De telles violences ont en outre tendance à se poursuivre après la séparation, avec le non-versement des pensions alimentaires et les discussions sur leur montant.

Les violences économiques constituent un phénomène d’ampleur. Selon le même rapport, les données du 3919 montrent qu’au moins 20 % des femmes appelantes sont aussi victimes de violences économiques. 79 % des femmes appelant le 3919 ont au moins un enfant, le critère financier étant d’autant plus important pour elles.

III.   L’Objet de la proposition de loi : créer une avance d’urgence à destination des victimes de violences conjugales

● L’expulsion du conjoint violent est un principe essentiel en droit français. Dans les faits, il est pourtant difficile pour les victimes d’attendre l’aboutissement des procédures, inadaptées en situation d’urgence. Il n’est pourtant pas acceptable que des personnes victimes de violence conjugales soient dissuadées d’assurer leur sécurité et le cas échéant, celle de leurs enfants, parce qu’elles se trouvent en situation de dépendance financière.

Des initiatives locales nombreuses ont vu le jour afin d’octroyer aux victimes de ces violences, une aide financière lui permettant de quitter leur domicile et chercher à « rebondir ». Parmi ces initiatives, figure par exemple la contractualisation entre la caisse d’allocations familiales (CAF) du Var et le barreau de Toulon pour permettre un signalement rapide des situations de violence à la CAF, afin d’engager l’examen complet des droits aux prestations de la personne dans les 48 heures. Une autre expérimentation, menée par le conseil départemental du Nord depuis octobre 2022, permet d’octroyer aux personnes bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) victimes de violences une avance financière dans les deux ou trois jours. Cette expérimentation vise aussi à garantir un accompagnement global de la personne par l’ensemble des services sociaux du département.

● La présente proposition de loi, présentée par la sénatrice Valérie Létard et rapportée par la sénatrice Jocelyne Guidez (groupe Union Centriste), s’inspire largement du dispositif de l’expérimentation menée dans le département du Nord, mais l’ouvre à un plus grand nombre de bénéficiaires et en facilite la mise en œuvre. Les auditions menées dans le cadre de cette proposition de loi ont permis de mettre en lumière l’importance de ce dispositif d’aide financière ainsi que le bien‑fondé d’un accompagnement coordonné autour des besoins de la personne.

Si les rapporteurs saluent les expérimentations menées sur le terrain pour soutenir les victimes de violence conjugales, ils considèrent indispensable d’inscrire dans la loi, le droit de disposer à cette avance d’urgence et à un accompagnement privilégié.

 L’article 1er de la proposition de loi crée une avance d’urgence financée par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf), versée en trois mensualités et pouvant être octroyée dans un délai de trois jours aux victimes de violences conjugales par les CAF. Le dispositif proposé est largement ouvert car il n’est pas soumis à condition de ressources. Il s’accompagne par ailleurs du droit à bénéficier des droits et accessoires à la prestation du RSA et prévoit un mécanisme souple de remboursement, pouvant mettre à contribution l’auteur de violences.

L’article 2 vise à faciliter la démarche de demande de l’avance pour les victimes de violences conjugales, en prévoyant que l’officier ou l’agent de police judiciaire recevant une plainte doit informer la victime de la possibilité de recevoir cette avance, ainsi qu’enregistrer la demande et la transmettre à la Caf compétente ainsi qu’au conseil départemental.

L’article 2 bis est une demande de rapport au Gouvernement sur l’opportunité de permettre aux caisses de la Mutualité sociale agricole de procéder, aux côtés des CAF, au versement de l’avance d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales.

L’article 3 est le gage financier permettant de compenser la charge résultant, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, de l’adoption de cette proposition de loi.

 


  1  —

   Commentaire des articles

Article 1er
Avance d’urgence à destination des victimes de violences conjugales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er crée une avance d’urgence versée en trois mensualités aux victimes de violences conjugales et précise les modalités de son remboursement.

I.   Le droit en vigueur

A.   Un arsenal juridique destiné à lutter contre les violences conjugales renforcé depuis 2019

1.   Les violences conjugales : des infractions sévèrement punies par la loi

● Les violences conjugales désignent les infractions commises sur une personne par son conjoint ou ancien conjoint, partenaire de pacte civil de solidarité (Pacs) ou concubin. Elles peuvent prendre différentes formes :

– les violences physiques, qui renvoient à différentes formes de violence – par exemple les coups, blessures, brûlures, morsures, bousculades – pour lesquelles l’auteur use de violence physique contre la victime ;

 les violences sexuelles, qu’il s’agisse des viols, qui désignent « tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, ou tout acte bucco-génital commis sur la personne d’autrui ou sur la personne de l’auteur par violence, contrainte, menace ou surprise » ([9]), ou des agressions sexuelles ([10]), qui désignent, « toute atteinte sexuelle commise avec violence, contrainte, menace ou surprise » ([11]) ;

– les violences psychologiques au sein du couple, qui désignent, aux termes de l’article 222-33-2-1 du code pénal, le fait de harceler son conjoint, ancien conjoint ou son partenaire lié par un pacte civil de solidarité ou son concubin « par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale » ;

– enfin, si cette notion n’est pas prévue dans le code pénal, on considère comme violences économiques les actions ayant pour conséquences de priver la victime de toute autonomie financière, par la confiscation des ressources, le contrôle de ses comptes ou la création d’une situation de dépendance.

● Le cadre juridique relatif à la prévention et la répression des actes de violences conjugales a été progressivement défini par le législateur :

– la loi 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes ([12]) a aggravé les peines encourues dès lors que les actes sont commis par le conjoint ou le concubin. L’article 132-80 du code pénal prévoit ainsi aujourd’hui que « dans les cas respectivement prévus par la loi ou le règlement, les peines encourues pour un crime, un délit ou une contravention sont aggravées lorsque l’infraction est commise par le conjoint, le concubin ou le partenaire lié à la victime par un pacte civil de solidarité, y compris lorsqu’ils ne cohabitent pas » ;

– la loi du 26 mai 2004 relative au divorce ([13]) a permis au juge aux affaires familiales de statuer en urgence sur l’attribution du domicile conjugal et de décider de l’éloignement du conjoint violent ;

– la loi du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs ([14]) a étendu aux partenaires liés par un pacte civil de solidarité et aux ex-conjoints le régime de la circonstance aggravante de commission des violences. Cette loi a par ailleurs renforcé les sanctions prévues en cas de meurtre, d’agression sexuelle ou de viol commis dans le cadre d’un couple ;

– la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance ([15]) a étendu aux auteurs de violences commises au sein du couple ou à l’encontre des mineurs le suivi socio-judiciaire avec injonction de soins ;

– l’un des principaux dispositifs de protection judiciaire des victimes de violence conjugale a été prévu par la loi du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants ([16]), qui a instauré les ordonnances de protection délivrées par le juge aux affaires familiales. Ces ordonnances permettent au juge d’intervenir avant la condamnation pénale de l’auteur des actes de violence et de protéger la victime vraisemblable et ses enfants en statuant sur un certain nombre d’éléments ayant trait notamment à l’exercice de l’autorité parentale, l’éloignement du domicile du conjoint violent ou l’attribution du logement (voir infra) ;

Le régime de l’ordonnance de protection

Prévue par les articles 515-9 et suivants du code civil, l’ordonnance de protection peut être délivrée en urgence par le juge aux affaires familiales dans un délai maximal de six jours à compter de la date de l’audience, s’il estime qu’il existe des raisons sérieuses de considérer comme vraisemblables la commission des faits de violence allégués et le danger auquel la victime ou un ou plusieurs de ses enfants sont exposés. Le juge est saisi par la personne en danger, si besoin assistée, ou, avec l’accord de celle-ci, par le ministère public. À l’occasion de sa délivrance, après avoir recueilli les observations des parties, le juge est compétent pour :

– interdire au conjoint ou concubin violent de recevoir, de rencontrer ou d’entrer en contact avec certaines personnes et de se rendre dans certains lieux ;

– interdire au conjoint ou concubin violent de détenir ou porter une arme ;

– proposer au conjoint ou concubin violent une prise en charge sanitaire, sociale ou psychologique ou un stage de responsabilisation pour la prévention et la lutte contre les violences au sein du couple et sexistes ;

– statuer sur la jouissance du logement conjugal attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence ;

– se prononcer sur les modalités d’exercice de l’autorité parentale, et notamment du droit de visite et d’hébergement, ainsi que sur la participation des frais liés à l’entretien et l’éducation des enfants ;

– autoriser la victime à dissimuler son domicile ou sa résidence et à élire domicile chez l’avocat qui l’assiste ou chez une personne morale qualifiée.

– la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes ([17]) a porté de quatre à six mois la durée maximale de validité de l’ordonnance de protection, assoupli le dispositif d’éviction du conjoint violent du domicile et donné une base légale au dispositif « téléphone grave danger » (TGD). Ce dernier permet à la victime se trouvant en situation de danger d’alerter immédiatement les services de police et de générer une intervention en urgence avec un accompagnement renforcé sur le plan psychologique, juridique et social ;

– la loi du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France ([18]) a enfin renforcé la protection des étrangères victimes de violences en prévoyant le renouvellement de droit de la carte de séjour temporaire obtenue en qualité de conjoint de Français en cas de situations de violence.

 

2.   Un renforcement récent de l’arsenal législatif

Dans la lignée du Grenelle des violences conjugales amorcé en 2019, la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille ([19]) et la loi du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales ([20]) avaient pour objet de mieux prévenir et sanctionner les faits de violences exercés au sein du couple.

La loi du 28 décembre 2019 a notamment prévu plusieurs expérimentations visant à améliorer l’accès au logement des femmes victimes de violence lorsqu’elles quittent le domicile commun. Une première expérimentation porte sur la location de logements du parc locatif social à des organismes afin que ceux‑ci les sous‑louent à titre temporaire aux victimes de violences conjugales concernées par une ordonnance de protection. Une seconde expérimentation vise à accompagner le dépôt de garantie, les garanties locatives et le paiement des premiers mois de loyer des victimes de violences également concernées par une ordonnance de protection.

Cette loi a également prévu l’attribution d’une aide financière aux victimes qui souhaitent changer de logement et élargi le port du bracelet électronique anti-rapprochement et les conditions d’attribution d’un téléphone grave danger.

Les lois du 28 décembre 2019 et du 30 juillet 2020 ont également modifié et complété le régime de l’ordonnance de protection, devant désormais être rendue par le juge dans un délai de six jours. Lorsqu’il délivre une ordonnance de protection, le juge aux affaires familiales peut ainsi désormais statuer sur la résidence séparée des époux, ou se prononcer sur le logement commun de partenaires liés par un pacte civil de solidarité ou de concubins. Il est prévu que la jouissance du logement conjugal est attribuée, sauf ordonnance spécialement motivée justifiée par des circonstances particulières, au conjoint qui n’est pas l’auteur des violences, et ce même s’il a bénéficié d’un hébergement d’urgence. Dans ce cas, la prise en charge des frais afférents peut être à la charge du conjoint violent.

La loi du 30 juillet 2020 a enfin assoupli les règles encadrant le secret médical, en prévoyant la possibilité pour les médecins d’alerter le procureur de la République si un patient court un danger immédiat ou se trouve sous emprise et suspendu le droit de visite et d’hébergement de l’enfant mineur dont dispose le parent violent.


B.   Des dispositifs insuffisants et inadaptés aux situations d’urgence

Le renforcement de l’arsenal juridique relatif à la prévention et à la sanction des violences conjugales apparaît néanmoins insuffisant pour protéger la victime et éloigner son conjoint, notamment en situation d’urgence.

● S’il connaît une progression croissante depuis dix ans, le dispositif de l’ordonnance de protection, est encore insuffisamment utilisé et connaît des disparités au niveau territorial. Il demeure notamment bien en deçà des chiffres relatifs aux actes de violence au sein du couple. Ainsi en 2020, 3 320 ordonnances de protection ont été prononcées ([21]), alors que les forces de sécurité ont enregistré 159 400 victimes de violences conjugales commises par leur partenaire ([22]).

● La problématique de l’accès à l’hébergement d’urgence des victimes de violence conjugale demeure par ailleurs criante. Ainsi, le rapport de la Fondation des femmes de 2021 ([23]) indique qu’en 2021, quatre femmes sur dix ayant fait une demande d’hébergement d’urgence sont restées sans solution. Selon le même rapport, seules environ 12 % des demandes d’hébergement effectuées par des femmes victimes de violences aboutissent à une orientation sur une place adaptée à leur parcours spécifique.

Ce manque de solutions d’hébergement d’urgence est potentiellement dramatique : il rallonge les parcours de sorties des violences, décourage le départ du domicile et incite de nombreuses femmes à retourner vivre avec leur conjoint.

● Les dispositifs d’aide financière pouvant être octroyés aux victimes pour sortir des situations de violence sont par ailleurs limités. Conformément à l’arrêté du 3 octobre 2001 relatif à l’action des caisses d’allocation familiales, ces dernières peuvent en effet octroyer des aides financières individuelles sous la forme de prêts d’honneur aux personnes rencontrant des difficultés de vie. Ces aides sont néanmoins réservées aux allocataires des régimes de prestations familiales et peuvent être mises sous condition de ressources. L’article L. 262-22 du code de l’action sociale et des familles prévoit quant à lui la possibilité pour le département d’octroyer des avances sur droits supposés au RSA mais cette possibilité est à la discrétion du président du conseil départemental.

Dans ce contexte, la création d’une avance financière ad hoc pour les victimes de violence conjugale apparaît plus que souhaitable : c’est l’objet du présent article.

II.   le droit proposé

Le présent article crée, au sein du titre Ier du livre II du code de l’action sociale et des familles (CASF), un nouveau chapitre intitulé « Avance d’urgence pour les victimes de violences conjugales » et comprenant les nouveaux articles L. 214-8 à L. 214-10.

A.   La mise en place d’un prêt d’urgence pour les victimes de violences conjugales

● Le I de l’article L. 214-8 du CASF issu du présent article crée une avance d’urgence à destination des victimes de violences conjugales et dont la charge revient à la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Le montant et les modalités de cette avance sont renvoyés à un décret. Lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat, Mme Valérie Létard, auteure de la proposition de loi, a néanmoins indiqué qu’il était souhaitable que le montant de l’avance soit équivalent à celui du RSA.

Au titre de ce I, une situation de violences conjugales est reconnue comme telle dans trois cas de figure :

– en cas de dépôt d’une plainte ;

– en cas de délivrance ou la demande d’une ordonnance de protection, en application de l’article 519-9 du code civil ;

– en cas de signalement adressé au procureur de la République. Ce dernier critère ne figurait pas dans le texte initial et a été ajouté en commission des affaires sociales du Sénat, à l’initiative de la rapporteure Jocelyne Guidez. Les auditions menées dans le cadre de la présente proposition de loi ont permis de souligner l’importance de cet ajout, qui permet d’octroyer l’avance d’urgence à des personnes qui ne sont pas engagées dans des démarches judiciaires volontaires mais dont la situation de victime a pu être signalée par exemple par un professionnel de santé.

 Le II précise les conditions dans lesquelles l’avance financière doit être demandée. La demande d’avance doit être formulée auprès de la caisse d’allocations familiales (CAF) dont la circonscription comprend le domicile du demandeur ou à l’occasion d’un dépôt de plainte. Un amendement adopté en commission des affaires sociales du Sénat à l’initiative de Mme Victoire Jasmin (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain) a par ailleurs précisé que la victime de violences conjugales bénéficiant de l’avance peut élire domicile soit auprès d’un centre communal ou intercommunal d’action sociale, soit auprès d’un organisme agréé à cet effet.

● Le III précise la nature et le mode de versement de l’avance. Il prévoit que l’avance est un prêt sans intérêt, dont le montant est versé en trois mensualités par la CAF mentionnée au II. Le versement de la première mensualité intervient dans un délai de trois jours ouvrés après la réception de la demande. Ce délai, initialement fixé à deux jours dans le texte initial, a été porté à trois jours en commission des affaires sociales du Sénat à l’initiative de la rapporteure, afin de s’assurer de la faisabilité du dispositif et de sa bonne appropriation par les CAF.

● Le IV encadre strictement les conditions de refus d’octroi de l’avance. Ce refus, qui doit être motivé, n’est possible qu’en cas de méconnaissance des conditions d’octroi de l’avance prévues aux I et II, en cas de demande identique et pendante ou si la demande présente un caractère manifestement frauduleux et répétitif. Ce refus est notifié au demandeur dans un délai de deux jours.

B.   La possibilité de bénéficier des droits accessoires au RSA

● Le V dispose que la victime à qui est versée l’avance peut se prévaloir de la qualité de bénéficiaire du revenu de solidarité active (RSA) et jouir des « droits et aides accessoires à cette prestation » pendant une période de six mois à compter du versement de la première mensualité.

Cette notion renvoie d’abord aux droits connexes ouverts dans le cadre du RSA définis par la loi ou le règlement. Il s’agit notamment :

– du bénéfice automatique de la complémentaire santé solidaire (C2S), en application de l’article L. 861-2 du code de la sécurité sociale ;

– de la possibilité de bénéficier d’un délai de préavis réduit à un mois du congé, dans le cadre des dispositions prévues à l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs ([24]) ;

– de l’accès à un contrat emploi-formation agricole prévu à l’article D. 718- 7 du code rural et de la pêche maritime ;

– du versement d’une prime de Noël ;

– de la réduction du tarif téléphonique de l’opérateur Orange.

Cette notion désigne également les aides sociales locales octroyées par les collectivités territoriales aux bénéficiaires du RSA et pouvant prendre différentes formes, à l’instar des réductions tarifaires prévues pour les transports publics.

En commission des affaires sociales et à l’initiative de la rapporteure, le Sénat a par ailleurs adopté un amendement précisant que ces droits et aides accessoires au RSA comprennent bien « l’accompagnement social et professionnel » proposé aux bénéficiaires du RSA.

Les rapporteurs considèrent que ces aides et facilités octroyées aux victimes de violence conjugale sont essentielles pour fournir à ces personnes un accompagnement global indispensable pour sortir des parcours de violence et de dépendance financière au conjoint.

● Le VI précise que l’avance d’urgence ne peut être considérée comme une ressource au sens du code de l’action sociale et des familles, et ne peut donc être prise en compte dans le calcul des prestations sociales placées sous conditions de ressources.

C.   Un mécanisme de remboursement mettant à contribution l’auteur des violences et pouvant prendre en compte la situation spécifique de la victime

L’article L. 214-19 du CASF créé par le présent article précise les modalités de remboursement de l’aide d’urgence accordée aux victimes de violence conjugale.

● Le I de l’article L. 214-19 précise en premier lieu que le régime de prescription et de recouvrement de l’avance d’urgence suit les modalités de prescription et de récupération des indus du RSA prévues par l’article L. 262-45 du CASF.

Les règles de prescription relatives au RSA

Aux termes de l’article L. 262-45 du CASF, l’action en vue du paiement du revenu de solidarité active se prescrit par deux ans. Cette prescription est également applicable, sauf en cas de fraude ou de fausse déclaration, à l’action intentée par l’organisme chargé du service du revenu de solidarité active, ou le département, en recouvrement des sommes indûment payées.

Par parallélisme avec les règles prévues pour le RSA, l’action en vue du paiement de l’avance se prescrit dès lors par deux ans, de même que l’action intentée par la caisse d’allocations familiales compétente, visant à récupérer les sommes indûment versées. La récupération des sommes avancées au titre de l’avance d’urgence peut en outre se faire par remboursement direct ou par retenue sur certaines prestations sociales délivrées par les CAF.

● Le I bis, adopté en commission des affaires sociales du Sénat à l’initiative de la rapporteure, précise que le bénéficiaire de l’aide peut opter pour un remboursement intégral de la dette en un ou plusieurs versements, ou bien la CAF peut procéder à des retenues sur prestations sociales.

Si le texte ne définit pas de délai dans lequel la somme devra être remboursée, les rapporteurs soulignent que l’objectif est bien de requérir ce remboursement une fois que la situation de la personne est stabilisée. Par ailleurs, le texte prévoit la possibilité de prendre en compte la situation de précarité financière des victimes, pouvant justifier que des remises ou réductions de créance soient accordées.

Ce même I bis dispose que lorsque l’avance d’urgence a été obtenue par fraude ou a été indûment versée, la créance correspondante est exigible sans délai. Il précise en outre que les réclamations dirigées contre une décision de récupération de la créance, le dépôt d’une demande de remise ou de réduction de créance ainsi que l’ensemble des recours administratifs et contentieux contre les décisions prises sur ces réclamations et demandes ont un caractère suspensif.

● Le II prévoit un dispositif de subrogation des CAF dans les droits des victimes de se constituer partie civile pour demander la réparation au nom des victimes du préjudice subi.

● Le III dispose que, sauf dans les cas où le coupable se trouve insolvable, la CAF pourra récupérer la somme avancée à la victime sur les dommages et intérêts prononcés à l’encontre du conjoint au titre du préjudice qui a motivé la demande d’avance d’urgence, même si la créance correspondante n’est pas encore exigible auprès du bénéficiaire.

Les rapporteurs soulignent le bien-fondé de ces dispositions, qui permettent de prononcer systématiquement des condamnations au titre de violences conjugales et de mettre à contribution les auteurs de violence, même lorsque les victimes renoncent aux poursuites.

● L’article L. 214-10 précise enfin que les modalités d’application du chapitre introduit par le présent article sont prévues par décret.

III. Modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté un amendement de Mme Sandrine Rousseau et des membres du groupe Écologiste - NUPES, qui supprime la précision selon laquelle le caractère répétitif de la demande peut justifier un refus d’octroi de l’avance remboursable.

 

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Article 2
Possibilité de demander l’avance d’urgence lors d’un dépôt de plainte pour violences conjugales

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 prévoit d’une part l’obligation pour l’officier ou l’agent de police judiciaire recevant une plainte pour violences conjugales d’informer la victime de la possibilité de bénéficier d’une avance d’urgence. Il charge d’autre part ces mêmes agents de procéder le cas échéant à l’enregistrement de la demande et à sa transmission à la caisse d’allocations familiales et au département.

I.   Le droit en vigueur

Les conditions de dépôt de plainte pour violences conjugales ont été récemment enrichies pour accompagner plus étroitement les victimes dans leur parcours de sortie de situations de violence.

Le dépôt d’une plainte pour violence au sein d’un couple est en premier lieu l’occasion d’informer les victimes des dispositifs de protection existants. Ainsi, la loi précitée du 28 décembre 2019 charge l’officier ou l’agent de police judiciaire « d’informer la victime oralement et par la remise d’un document, qu’elle peut demander ou consentir à bénéficier du dispositif électronique mobile anti-rapprochement » prévu à l’article 15-3-2 du code de procédure pénale (CPP). Pour mémoire, ce bracelet électronique permet au juge, en application de l’article 138-3 du CPP, de décider, à la demande ou avec le consentement de la victime, l’obligation pour l’auteur de violence de porter un bracelet électronique permettant de déterminer à tout moment sa localisation sur l’ensemble du territoire et de déterminer s’il s’approche de la victime à qui a été attribué un dispositif électronique permettant également sa localisation.

Le dépôt de plainte pour violences conjugales est par ailleurs encouragé et facilité pour les victimes. Une circulaire du garde des Sceaux du 23 septembre 2020 ([25]) a ainsi encouragé la généralisation des dépôts de plainte simplifiée dans les établissements de santé. Plus récemment, une circulaire interministérielle du 25 novembre 2021 ([26]) encourage la coordination de l’ensemble des acteurs des secteurs médical, psychologique, social et juridique pour favoriser le dépôt de plainte des victimes. Cette circulaire incite par exemple au déplacement des services enquêteurs dans les établissements de santé pour recueillir la plainte in situ de la victime prise en charge.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article insère un article 15-3-2-1 au sein du code de procédure pénale.

L’article 15-3-2-1 prévoit, en cas de dépôt d’une plainte pour violences conjugales punie d’au moins trois ans d’emprisonnement, l’obligation pour l’officier ou l’agent de police judiciaire d’informer la victime qu’elle peut bénéficier de l’avance d’urgence créée par l’article 1er de la présente proposition de loi.

Il précise par ailleurs que l’officier ou l’agent de police judiciaire ayant reçu la plainte, sous leur contrôle, l’assistant d’enquête, ou lorsqu’il est présent, l’intervenant social en commissariat ou en gendarmerie, enregistrent la demande d’avance formulée par la victime et la transmettent à la caisse d’allocations familiales compétente selon des modalités définies par décret. Cette demande est par ailleurs également transmise au président du conseil départemental.

Les rapporteurs soulignent le bien-fondé de ce dispositif, qui devrait permettre de garantir le recours à l’avance créée par l’article 1er en facilitant largement le parcours des victimes, souvent découragées par les démarches à entreprendre alors qu’elles se trouvent souvent en situation de détresse et de traumatisme.

III.   les modifications apportÉes par la commission

La commission a adopté un amendement de M. Arthur Delaporte et des membres du groupe Socialistes et apparentés, qui supprime la précision que les violences conjugales dénoncées dans le cadre d’une plainte et impliquant qu’un agent ou officier de police judiciaire informe la victime de son droit à bénéficier de l’avance, sont punies d’au moins trois ans d’emprisonnement.

 

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Article 2 bis A (nouveau)
Suppression de l’obligation de consignation pour les victimes de violences conjugales

Introduit par la commission

L’article 2 bis A dispense de l’obligation de consignation la victime constituée partie civile dès lors que l’auteur des faits se trouve être son conjoint, concubin ou partenaire de pacte civil de solidarité.

● Le code de procédure pénale prévoit que dans le cas où elle n’a pas obtenu d’aide judiciaire, la partie civile qui met en mouvement l’action publique doit consigner au greffe la somme présumée nécessaire pour les frais de procédure. Le montant de la consignation ainsi que le délai dans lequel celle-ci doit être faite sont fixés par le juge d’instruction, qui prend en compte les ressources de la partie civile et peut la dispenser de consignation en cas de ressources insuffisantes.

● Introduit en commission par l’adoption d’un amendement de Mme Sandrine Rousseau et des membres du groupe Écologiste - NUPES, le présent article modifie l’article 88 du code de procédure pénale afin de préciser que la victime constituée en partie civile est dispensée de consignation dès lors que l’auteur des faits se trouve être son conjoint, son concubin ou le partenaire lié à elle par un pacte civil de solidarité.

 

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Article 2 bis
Demande de rapport sur l’opportunité de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de verser l’avance d’urgence

Adopté par la commission sans modifications

L’article 2 bis est une demande de rapport portant sur l’ouverture du dispositif prévu par l’article 1er aux caisses de mutualité sociale agricole.

Introduit par le Sénat en séance publique, à l’initiative de la sénatrice Laurence Rossignol (groupe Socialiste, Écologiste et Républicain), l’article 2 bis dispose que dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport portant sur l’intérêt de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de procéder, au côté des caisses d’allocations familiales, au versement de l’avance d’urgence prévue à l’article 1er de la présente proposition de loi.

Les rapporteurs se félicitent de l’adoption de cet article. Ils considèrent essentiel que l’avance d’urgence bénéficie au plus vite aux salariés et exploitants agricoles.

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Article 3
Gage financier de la proposition de loi

Adopté par la commission sans modifications

Cet article vise à prévoir un mécanisme de compensation de la charge, pour l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

 


  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa seconde réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([27]), la commission examine la proposition de loi, adoptée par le Sénat créant une aide pour les victimes de violences conjugales (n° 372 rect.) (Mme Béatrice Descamps et M. Emmanuel Taché de la Pagerie, rapporteurs).

M. Emmanuel Taché de la Pagerie, rapporteur. Le constat est sans appel : sur les 145 homicides recensés au sein du couple en 2021, 122 sont des féminicides ; 159 400 plaintes ont été déposées pour violences conjugales en 2020, et étaient en augmentation de 14 % en 2021. Cette situation infernale nous oblige en tant que législateurs aussi bien qu’en notre âme et conscience de femmes et d’hommes.

La proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales, dont l’entière maternité revient à notre collègue sénatrice Valérie Létard, elle-même travailleuse sociale, est une réelle occasion d’avancer. Adoptée à l’unanimité par le Sénat en octobre dernier, elle a pour ambition d’instaurer une avance que les caisses d’allocations familiales (CAF) accorderaient dans un délai exceptionnel de soixante-douze heures. À l’issue des auditions menées conjointement avec Béatrice Descamps, il nous est apparu judicieux de la voter conforme et en l’état. Dans l’esprit de sagesse qui a animé nos collègues sénateurs, il serait bon de l’aborder de façon transpartisane, consensuelle et coconstructive, dans le seul objectif de répondre rapidement à un problème crucial, devenu intenable en 2022.

Depuis 2017, le Président de la République a fait des droits des femmes et de l’égalité entre les femmes et les hommes une grande cause de ses quinquennats, et a lancé en 2019 le Grenelle contre les violences conjugales. Malgré la qualité du travail des ministères tutélaires – en particulier ceux d’Isabelle Rome et de Jean-Christophe Combe, avec lesquels nous avons eu de fructueux échanges –, nous sommes pourtant loin des objectifs fixés. Avec les crises sanitaire et sociale, les violences conjugales, notamment celles faites aux femmes, ont atteint un niveau insupportable. Lors des deux confinements liés à la covid19, les violences sexistes et sexuelles concernaient 69 % des appels de victimes, ces situations de harcèlement, de contrôle mental et de violences se retrouvant dans l’ensemble de la société.

Les violences au sein du couple, du foyer ou par d’anciens partenaires ont des conséquences sociales et psychologiques qui nécessitent une réponse structurelle, matérielle et législative. Ce texte a pour objet d’extraire les victimes des griffes de leurs bourreaux, en lien avec les travailleurs sociaux. Pour 59 % d’entre elles, la nécessité de quitter le domicile est réelle ; seules 18 % le quittent avant d’y revenir. En dehors de l’oppression psychologique, le manque de ressources financières ou d’accès à ces ressources constitue le frein majeur au départ définitif. Le nombre des victimes de violences conjugales est ainsi supérieur à la moyenne chez les étudiants, les chômeurs, les inactifs non retraités, notamment les femmes au foyer, nombreuses à ne pas disposer de leur propre compte bancaire. Dans ce contexte, un départ est impossible.

La victime ayant souvent charge d’âme, les enfants entrent également en ligne de compte dans les violences économiques associées aux violences conjugales. Le contrôle financier peut aller jusqu’à la dépossession totale des moyens d’autonomie de la victime – cela a été montré lors d’un colloque consacré à la lutte contre les violences économiques au sein du couple, organisé en 2020 par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, à laquelle Béatrice Descamps et moi‑même appartenons. Ces violences se prolongent après la séparation, notamment par le non‑versement des pensions alimentaires. Le Gouvernement a répondu à ce problème en créant un dispositif de recouvrement par la CAF d’une pension alimentaire non versée.

Avec la présente proposition de loi, il s’agit, non pas de travailler dans l’urgence, mais de répondre à l’urgence. Les amendements déposés témoignent de la volonté de chacun de s’associer activement et positivement à son adoption. De son côté, le Gouvernement pourrait reprendre, dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) pour 2023, la proposition d’examiner l’intérêt à ce que les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA) procèdent, aux côtés des CAF, au versement de l’avance d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales.

Ce texte nous offre la possibilité d’avancer concrètement ensemble. Nos engagements politiques prennent racine dans notre intimité : si, il y a trente ans, ma mère avait bénéficié de cette aide, le chemin de sa résilience aurait certainement été plus court et plus serein.

Mme Béatrice Descamps, rapporteure. Une expérimentation en cours dans le Valenciennois est à l’origine de cette proposition de loi de la sénatrice Valérie Létard, dont la rapporteure au Sénat était Jocelyne Guidez. Nous saluons la qualité de leur travail et de leur engagement.

L’article 1er crée une avance d’urgence en faveur des victimes de violences conjugales, financée par la Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf). Cette avance, octroyée par les CAF serait versée en trois mensualités, la première intervenant dans les trois jours suivant le dépôt de la demande, de sorte à répondre au besoin des victimes de disposer rapidement de moyens pour faire face aux dépenses contraintes.

Quitter le domicile est une étape difficile. De nombreuses victimes repoussent le moment de leur rupture ou décident de revenir au domicile du couple en raison de la précarité économique – l’indépendance économique est si difficile à retrouver.

Le dispositif est largement ouvert. Il est accessible sans condition de ressources à toute personne victime de violences conjugales, dès lors qu’une plainte a été déposée, qu’une ordonnance de protection a été délivrée ou que le procureur de la République a été saisi par une tierce personne. Ce dernier critère a été mis en avant lors des auditions, de telle sorte que des personnes qui ne se seraient pas engagées dans des démarches judiciaires volontaires mais dont la situation de victime aurait été signalée, par exemple par un professionnel de santé, puissent bénéficier de l’avance d’urgence.

Plus qu’une simple aide financière, le dispositif s’accompagne du droit de bénéficier des droits accessoires à la prestation du revenu de solidarité active (RSA), notamment de l’accompagnement social et professionnel attaché. Cet accompagnement est global et coordonné par les services du département.

Pour que le soutien financier puisse être universel, il fallait qu’il prenne la forme d’une avance plutôt que d’une aide, car les aides sont souvent soumises à condition de ressources ou d’âge. Les CAF pourront néanmoins prendre en compte la situation financière de la personne pour échelonner, voire annuler, les remboursements.

La proposition de loi institue, par ailleurs, un mécanisme original de subrogation des CAF dans les droits des victimes à se constituer partie civile pour demander la réparation du préjudice subi. Sauf si le conjoint est insolvable, la CAF pourrait ainsi récupérer la somme avancée à la victime sur les dommages et intérêts. L’idée est de faire payer l’auteur des violences pour une situation dont il est responsable.

Pour faciliter les démarches des victimes, l’article 2 prévoit que l’officier ou l’agent de police judiciaire qui reçoit une plainte doit informer la victime de la possibilité de toucher cette avance, enregistrer la demande et la transmettre à la CAF compétente ainsi qu’au conseil départemental.

L’instauration d’une avance d’urgence est demandée par un grand nombre d’associations représentant les victimes de violences conjugales. Avoir une capacité financière est la pierre angulaire de leur reconstruction. Nous avons conscience du travail mené par le Gouvernement, notamment par les ministres Isabelle Rome et Jean-Christophe Combe, et les en remercions.

Nous avons l’occasion d’agir pour toutes les victimes de violences conjugales et leurs enfants, ces témoins qui souffrent tellement de ces situations. Nous vous proposons un texte équilibré, qui dépasse les clivages politiques – il a été adopté à l’unanimité en première lecture au Sénat et est attendu par tous. L’urgence de la situation nous commande de ne pas en retarder l’adoption. C’est pourquoi nous vous invitons à le voter conforme. Soyons à la hauteur des enjeux !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Prisca Thevenot (RE). Depuis plus de cinq ans, la majorité et le Gouvernement ont fait de la lutte contre les violences intrafamiliales l’une de leurs grandes priorités. Le Sénat a pu aborder ce sujet grave dans la sérénité et le calme requis ; nous saurons, je l’espère, en faire de même à l’Assemblée.

S’il y a une chose – la seule peut-être – sur laquelle nous sommes tous d’accord, c’est que nous devons agir plus vite et plus fort pour que les victimes de violences conjugales parviennent à quitter définitivement leur conjoint violent. Cet enjeu, nous ne pouvons pas le considérer à travers le seul prisme de la réponse judiciaire. De nombreuses raisons empêchent les victimes de violences de se mettre en sécurité, au premier rang desquelles la précarité financière.

Je salue la proposition de loi de la sénatrice Valérie Létard, qui nous permet d’aborder le sujet encore tabou, mais pourtant bien réel, des violences économiques. Reste à s’assurer que l’objectif que nous avons déterminé comme commun à tous est servi de manière optimale par ce texte et sans mettre en péril les nombreux dispositifs déjà déployés dans nos territoires – par exemple, l’aide d’urgence de 1 500 euros accordée par la Côte-d’Or aux femmes victimes de violences, ou l’aide au départ d’urgence financée par la CAF de la Somme, d’un montant de 500 euros, plus 200 euros par enfant.

Nous avons choisi une démarche simple : nous disons mille fois oui à toujours plus d’aides pour aider efficacement et rapidement les victimes de violences conjugales, et les mettre à l’abri ; avec un objectif identique à celui de la proposition de loi, nous voulons trouver la meilleure solution pour les victimes et ne pas pénaliser une aide qui pourrait peut‑être s’avérer contre-productive. Le groupe Renaissance votera ce texte, en espérant qu’il puisse être enrichi par les députés, de façon transpartisane, et en veillant à sécuriser les dispositifs proposés.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). Le sujet des violences conjugales est de ceux qui ne suscitent pas de désaccords de fond, qu’il s’agisse d’offrir un meilleur accueil aux victimes ou de mettre davantage de moyens à leur disposition pour les aider à s’extraire rapidement d’une telle situation. Personne ne peut être contre le fait de permettre aux victimes de se reconstruire.

Selon les services de police et de gendarmerie, en métropole, 5 % des femmes ont subi des violences conjugales. Bien que le ministère n’ait recensé « que » 150 000 plaintes, ces violences font des centaines de milliers de victimes et ont tué 122 femmes en 2021.

Le groupe Rassemblement National a décidé de défendre ce texte, car il y a urgence à faire plus et mieux que ce qui a été fait jusqu’à présent. Nous nous montrerons largement à l’écoute, car, sur un tel sujet, il ne saurait y avoir d’opposition – les désaccords ne sauraient être que de l’ordre du détail.

L’article 1er de la proposition de loi présente l’avantage de s’appuyer sur une expérimentation réussie. L’article 2 est un levier intéressant d’accélération du processus.

Je remercie Mme Létard, grâce à qui nous bénéficions d’un texte solide pour faire avancer les droits des femmes.

Mme Pascale Martin (LFI - NUPES). Nous partageons le constat : les femmes victimes de violences conjugales rencontrent souvent un obstacle financier lorsqu’elles cherchent à quitter leur compagnon et à reconstruire leur vie. Elles ont besoin d’une aide financière immédiate.

C’est pourquoi nous sommes dubitatifs sur la forme choisie pour cette aide : un prêt ne sera d’aucune efficacité pour extraire les victimes d’une situation dangereuse et précaire, sauf peut-être pour les femmes qui ont un emploi stable. Pour toutes les autres, celles qui n’ont pas d’emploi, celles dont les ressources ont été confisquées par leur partenaire ou qui sont obligées de partir loin pour le fuir et qui perdent leur emploi, l’aide proposée n’est pas suffisante. Un prêt sur trois mois ne peut remédier aux incertitudes financières, qui sont souvent à l’origine d’un retour en arrière auprès de leur compagnon violent. Sans compter qu’il risque de placer la victime en situation d’endettement.

L’aide apportée doit être sans contrepartie et s’inscrire dans une approche globale, qui prenne en compte l’ensemble des besoins des victimes – hébergement, accompagnement social, juridique, psychologique. Actuellement, quatre femmes victimes de violences sur dix ne se voient proposer aucune solution quand elles demandent un hébergement. Quant aux autres, ce n’est pas un prêt sur trois mois qui leur permettra de quitter définitivement leur partenaire.

La proposition de loi n’aura aucun effet sur l’accompagnement des victimes, qui est pourtant crucial dans la réponse au problème.

Pour ces raisons, notre groupe s’abstiendra, à moins que le dispositif puisse être amélioré par l’adoption de certains de ses amendements.

Mme Josiane Corneloup (LR). La proposition de loi va dans le bon sens, car la dépendance financière est un frein majeur pour sortir des situations de violence et les dénoncer. La violence économique d’un conjoint est caractéristique de l’emprise exercée sur la victime.

Une avance d’urgence pour les victimes de violences conjugales n’est pas négligeable pour placer elles-mêmes et leurs enfants en sécurité économique. L’article 1er crée le dispositif : large, facile à demander, à proposer et à attribuer, il est à saluer. L’article 2 fait obligation aux agents ou officiers judiciaires recevant une plainte pour violences conjugales d’informer les victimes de la possibilité de bénéficier d’une avance d’urgence. Il est souhaitable qu’ils puissent bénéficier d’une formation sur ces sujets. Sans doute aussi sera-t-il nécessaire d’augmenter les effectifs de police et de gendarmerie.

Le groupe Les Républicains votera la proposition de loi.

Mme Anne Bergantz (Dem). Personne ne met en doute la nécessité de lutter contre les violences intrafamiliales, qui touchent toutes les catégories sociales. Une fois engagé, le cycle des violences ne s’arrête pas et les enfants en sont les victimes collatérales. L’enjeu fondamental est alors le départ de la victime ou l’éviction de l’agresseur du domicile.

Cette étape est difficile. À la crainte de perdre la garde de ses enfants et la peur des représailles s’ajoutent les freins financiers liés à l’absence de ressources ou l’insuffisance de revenus. On parle alors de violence économique. Penser une aide permettant de se libérer du joug du conjoint est donc primordial.

Contrairement à ce que suggère son titre, avec ce prêt remboursable, la proposition de loi ne tend pas à instituer une « aide universelle ». Les critères d’entrée – ordonnance de protection, dépôt de plainte ou signalement – semblent trop restrictifs. La subrogation des CAF dans les droits des bénéficiaires des avances pour se constituer partie civile afin de demander la réparation du préjudice pourrait avoir un effet contraire à celui recherché, en introduisant des liens de dépendance financière entre l’auteur des violences et sa victime. Quant au déblocage des fonds en soixante-douze heures, il faut vérifier qu’il est réalisable dans toutes les situations.

À nos yeux, l’essentiel est de veiller à l’effectivité du dispositif. L’expérimentation sur laquelle il se fonde a débuté le 7 novembre et d’autres sont en cours. Il est encore trop tôt pour savoir ce qui fonctionne ou non. Avant de l’étendre à l’ensemble des départements, nous souhaiterions une expérimentation à plus grande échelle, sous la forme d’une aide et non d’une avance. Ces améliorations feront l’objet des amendements du groupe Démocrate.

M. Arthur Delaporte (SOC). Depuis le début de l’année, 124 féminicides ont été commis, et près de 225 000 femmes sont victimes chaque année de violences conjugales. Parmi les raisons qui empêchent les victimes de se protéger, on trouve notamment la précarité, les difficultés financières après la rupture ou l’incertitude de trouver un logement. Cette situation place souvent les victimes dans une situation de dépendance insupportable.

Faisant suite à une expérimentation dans le département du Nord, la proposition d’avance d’urgence, pour insuffisante et temporaire qu’elle soit, constitue pourtant une respiration bienvenue dans un moment de survie.

Ces violences qui se déroulent dans les foyers touchent aussi 80 000 enfants. C’est pourquoi nous avions déposé des amendements tendant à étendre le dispositif aux violences intrafamiliales, pour les y inclure. À l’exception d’un amendement portant sur le titre, ils ont été jugés irrecevables.

Reste que la proposition de loi constitue une avancée ténue pour enrayer la violence. Nous espérons pouvoir aboutir, soit en commission soit en séance, à un dispositif pérenne plutôt qu’à une expérimentation. Il y a urgence à avancer, pour que les femmes disposent des moyens de leur émancipation et que les victimes puissent se libérer de leurs bourreaux.

Pour Jacqueline, Christine, Karima, Simone, Lucette et toutes les autres, le groupe Socialistes et apparentés votera le texte, dans un esprit de construction dont il est souhaitable qu’il permette d’atteindre l’unanimité.

M. Paul Christophe (HOR). La proposition de loi crée une aide d’urgence financière aux victimes de violences conjugales, sous forme d’un prêt accordé en trois mensualités par les CAF. Son objectif est d’aider les personnes en situation précaire à quitter le domicile conjugal, afin d’endiguer le nombre de victimes de violences. Notre collègue sénatrice Valérie Létard s’est constamment engagée sur ces questions.

Le texte trouve son origine dans un dispositif expérimental mené à Valenciennes avec la CAF du Nord, et restreint aux bénéficiaires du RSA. Il établit un accompagnement global coordonné par les services sociaux du département, complété par un versement sous deux ou trois jours, d’une avance monétaire équivalente au RSA.

Siégeant au conseil départemental du Nord aux côtés de Béatrice Descamps et de Charlotte Parmentier-Lecocq, je me réjouis de voir inscrit à l’ordre du jour ce texte qui propose d’étendre l’expérimentation locale au niveau national avec la création d’une nouvelle prestation versée par les CAF. La mise à l’abri de la victime et l’affirmation de son indépendance financière sont des objectifs cruciaux que nous devons atteindre pour lutter efficacement contre le fléau des violences intrafamiliales et conjugales.

Le groupe Horizons et apparentés souscrit pleinement à cet objectif, qui pourrait permettre de prévenir des dommages plus graves sur des victimes de violences restées au domicile.

Cependant, une véritable aide universelle d’urgence ne serait-elle pas plus pertinente qu’un prêt, avec des versements plus adaptés aux besoins des victimes ? Comment inclure les victimes issues du monde agricole, donc la MSA ? Enfin, la proposition de loi introduit une charge de travail supplémentaire pour les agents de police et de gendarmerie, qui doivent réaliser eux-mêmes certaines démarches quand aucun travailleur social n’est présent.

Malgré ces interrogations, qui trouveront peut-être une réponse dans les débats, le groupe Horizons et apparentés soutiendra la proposition de loi.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). La proposition de loi répond au besoin d’une aide urgente socialement. Les femmes victimes de violences conjugales subissent celles-ci de manière récurrente et ont les pires difficultés à partir de chez elles en raison, non seulement de l’emprise du conjoint, mais aussi des incertitudes financières auxquelles ce départ les expose.

Si son déblocage en deux ou trois jours est intéressant, cette aide ponctuelle est un prêt, pour trois mois. Il s’agit non d’un investissement en matière d’hébergement ou d’accompagnement, mais d’une aide personnalisée avec laquelle les femmes devront trouver elles-mêmes un logement – c’est sans aucun doute une amélioration par rapport à la situation existante.

Bien que des aménagements soient prévus, le prêt devra être remboursé, et possiblement sur les dommages et intérêts attribués aux femmes dans le cadre de procès, c’est-à-dire sur des sommes qu’elles vont percevoir au titre des traumatismes qu’elles ont subis du fait des violences conjugales. Cela ne semble pas très indiqué. Le non‑remboursement du prêt se verrait appliquer les mêmes règles que les fraudes aux allocations : majorations ou procédures de recouvrement.

Le groupe Écologiste - NUPES) persiste à demander 1 milliard d’euros pour la lutte contre les violences conjugales. Il n’est pas certain de voter en l’état la proposition de loi, qui ne propose pas une mise à l’abri, mais un prêt d’urgence dont les modalités de remboursement sont sujettes à interrogation.

Mme Nathalie Bassire (LIOT). Nous voulons tous améliorer l’accompagnement des victimes de violences conjugales et il reste beaucoup à faire. Même s’il est modeste, ce texte a tout de même le mérite de nous fournir un outil supplémentaire. Certes, la priorité devrait être l’éviction de l’auteur des violences du domicile conjugal, mais l’urgence impose surtout de mettre les victimes à l’abri. Encore faudrait-il que le Gouvernement garantisse un nombre suffisant de places en centres d’hébergement et de réinsertion sociale. La dépendance économique dans laquelle les victimes se trouvent vis-à-vis de leur conjoint les empêche souvent de partir, quel que soit leur niveau de revenus.

L’avance d’urgence proposée par ce texte est intéressante, parce qu’elle s’adressera à plus de monde que les aides existantes, souvent soumises à des conditions de ressources, et qu’elle aura un caractère immédiat. Le prêt n’est certes pas une solution idéale, mais il permettra aux femmes de s’extirper rapidement d’un environnement dangereux. En fonction de la situation financière de la personne, un échelonnement, voire une annulation des remboursements sera envisageable. En outre, les victimes pourront bénéficier d’un accompagnement social et professionnel, au même titre que les bénéficiaires du RSA, qui garantira leur indépendance économique. Enfin, on sait combien les victimes sont mal informées de leurs droits : l’article 2 prévoit qu’elles recevront les informations relatives à l’avance d’urgence dès leur dépôt de plainte.

Nous voterons pour ce texte, adopté à l’unanimité au Sénat.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux questions individuelles.

M. Yannick Neuder (LR). Je tiens à saluer Valérie Létard pour son travail. Ce texte n’est sans doute pas parfait, mais il constitue une avancée majeure, et il est dommage qu’il ne suscite pas une adhésion unanime. Madame Rousseau, je m’étonne de votre intervention : je pensais que vous alliez demander que cette aide concerne aussi bien les hommes que les femmes victimes de violences.

L’article 2, relatif au dépôt de plainte, m’inquiète un peu : il va nécessiter davantage de moyens et de personnels, notamment de travailleurs sociaux. Alors que 124 femmes sont décédées depuis le début de cette année sous les coups de leur conjoint, alors que des enfants sont témoins de ces violences, nous devons tout faire pour soustraire femmes et enfants à la violence, en y mettant les moyens nécessaires. C’est ce qu’attendent nos concitoyens.

Mme Charlotte Parmentier-Lecocq (RE). Les manœuvres du Rassemblement National pour s’approprier le travail de Valérie Létard sont inadmissibles. Béatrice Descamps me semble avoir plus de légitimité pour défendre cette proposition de loi, et je suis heureuse qu’elle le fasse à titre principal.

Je partage totalement l’objectif de ce texte : il faut aider les femmes victimes de violences conjugales à sortir le plus rapidement possible de leur situation. C’est, en effet, par l’argent qu’elles auront les moyens de le faire, mais il faut encore travailler pour le leur procurer à titre d’aide plutôt que sous forme de prêt.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Cette proposition de loi va dans le bon sens, tout le monde en convient, mais il faut aller plus loin et sortir de cette logique de prêt : ce n’est pas ce qu’il faut proposer à une personne qui cherche à fuir les violences de son conjoint. C’est moralement impossible et politiquement très en dessous de ce qu’exige la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

Il faut retravailler ce texte en vue de la séance, puis nous doter d’une véritable loi‑cadre pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.

Mme la rapporteure. Ce texte est perfectible et je suis certaine que nous pourrons l’améliorer, si nous sommes d’accord sur son principe et sur ce qu’il va apporter à ces femmes et à ces familles.

Pourquoi un prêt ? Pour répondre à cette question, je dois dire un mot de la genèse de ce texte. L’expérimentation qui l’a inspiré, dans le Valenciennois – pour rappel, nous avons, dans le Nord, la plus grande CAF de France –, a été lancée il y a peu de temps, mais nous avons commencé à y travailler pendant que celle-ci se préparait. Nous voulions aller plus loin que l’expérimentation, qui cible les seules personnes bénéficiant du RSA. D’ailleurs, pour les collègues qui ont souligné que les victimes avaient besoin de davantage qu’une aide financière, j’ai bien dit qu’il s’agit d’un accompagnement global et qu’au prêt s’ajoute un accompagnement social et professionnel.

Comme vous, j’ai d’abord été étonnée que Mme Létard ait choisi la solution du prêt. Elle m’a expliqué qu’une aide n’est jamais universelle parce qu’un certain nombre de critères y sont toujours attachés. Si Mme Létard a fait le choix du prêt, c’est au nom de l’universalité. La présence d’enfants constituera néanmoins un critère susceptible d’augmenter le montant du prêt ; cela sera fixé par décret. Un autre élément de ce choix est la capacité financière des CAF. Nous sommes là pour réfléchir à toutes ces questions.

L’un de vous a utilisé le mot « respiration » : c’est vraiment l’objet de ce texte que d’offrir une respiration à ces femmes et de leur permettre de partir avec leurs enfants. Lorsque la femme n’arrive pas à partir et que les enfants sont témoins de violences, ils sont souvent retirés à leur famille par la suite – cela aussi a un coût. Il est donc essentiel d’aider la victime à partir avec ses enfants. Lorsqu’elle est prête à partir, il faut lui donner les moyens de ne pas revenir et l’accompagner, en tenant compte de ses besoins et de sa situation financière ou professionnelle.

Il est vrai que d’autres expérimentations ont lieu dans d’autres départements, mais il semble qu’elles n’aient pas le caractère d’universalité que nous recherchons.

M. le rapporteur. Nous avons discuté de cette question du prêt avec les cabinets des ministres. Les CAF octroient déjà toutes sortes de prêts : pour l’équipement mobilier et ménager, l’amélioration de l’habitat, l’achat d’une caravane pour les gens du voyage, les frais juridiques liés à la séparation, etc.

Tous les groupes ont envie d’avancer sur cette question et j’en suis heureux. Madame Parmentier-Lecocq, j’ai bien rappelé, dans mon propos liminaire, que l’entière maternité de ce texte revenait à Mme Létard. Nous avons voulu travailler ensemble, afin d’accélérer les choses, mais notre démarche n’interfère en rien avec le « pack nouveau départ » auquel le Gouvernement travaille.

J’ai auditionné la conseillère déléguée aux violences faites aux femmes d’Arles, la ville principale de ma circonscription. Elle a regretté que le dispositif n’inclue pas la MSA. Le Gouvernement devrait sans doute, au travers d’un PLFRSS, intégrer la MSA à ce dispositif. Voilà une disposition qui irait dans le sens de l’universalité.

Avant l’article 1er

Amendement AS1 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cette proposition de loi constitue une avancée, mais elle ne va pas assez loin. Il faut davantage qu’une aide financière ponctuelle et c’est pourquoi nous demandons, avec cet amendement d’appel, la création d’une loi de programmation pluriannuelle des financements visant à lutter contre les violences faites aux femmes. Cette loi déterminera la trajectoire des finances publiques en matière de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violences pour trois périodes successives de cinq ans. Elle se fondera sur une évaluation des besoins des personnes victimes de violences au sein de leur couple, au sein de leur famille, menacées de mariage forcé ou contraintes de quitter leur logement après des menaces de violence ou des violences subies effectivement.

Mme la rapporteure. Bien que nous partagions votre objectif de nous donner les moyens de lutter contre les violences conjugales, cet amendement ne nous semble pas opportun. Il serait inopérant, puisque c’est une injonction que le Parlement se fait à lui-même. Or le Parlement est toujours souverain. Par ailleurs, la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes sont déjà incluses dans le projet annuel de performances du programme Égalité entre les femmes et les hommes du projet de loi de finances.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Il faut effectivement augmenter de façon constante les crédits alloués à la lutte contre les violences faites aux femmes. C’est d’ailleurs ce que nous faisons depuis plus de six ans. Dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, nous avons acté ensemble une hausse inédite de 15 % de ces crédits. Nous voterons donc contre votre amendement. Concentrons-nous sur ce texte et essayons, ensemble, de transformer ce prêt en aide.

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce n’est pas cette augmentation de 15 % qui va changer les choses : il faudrait cinq à dix fois les budgets actuels. Il est regrettable que vous ayez réduit le nombre de places d’hébergement d’urgence, alors qu’on examine un texte qui doit permettre aux victimes de trouver rapidement un endroit où dormir après avoir quitté leur conjoint. Voter une augmentation des crédits à la petite semaine n’est pas satisfaisant. Il faut une loi pluriannuelle et nous voterons cet amendement.

Mme Astrid Panosyan-Bouvet (RE). Un effort historique a été consenti depuis cinq ans pour lutter contre les violences faites aux femmes, malgré un budget contraint, mais je trouve intéressante l’idée d’une programmation pluriannuelle.

M. le rapporteur. Je dois dire que j’ai été agréablement surpris par cet amendement : il est loin d’être sot et me semble pertinent, mais Béatrice Descamps a expliqué en quoi il était inopérant. Rien ne nous empêche, toutefois, de procéder à des évaluations.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Je suis choquée par la réponse du rapporteur : le mot « sot » n’a pas sa place dans nos débats.

Notre collègue du groupe Renaissance dit vouloir travailler à transformer le prêt en aide : c’est aussi ce que souhaite le groupe Écologiste - NUPES et nous avons déposé de nombreux amendements en ce sens. Il faut un vote massif en commission pour réécrire ce texte et arriver en séance avec une proposition satisfaisante. Nous proposerons aussi de supprimer la consignation et d’élargir la liste des professionnels qui pourront constater les violences pour aller vers le dépôt de plainte.

Notre proposition n’est pas parfaite, mais ce serait un pas en avant et je compte sur la mobilisation de tous les groupes.

M. Ian Boucard (LR). Il serait préférable de voter ce texte conforme, si l’on veut accélérer sa mise en œuvre, mais il est vrai que cet amendement est intéressant.

Il est essentiel, si l’on veut lutter contre les violences intrafamiliales, d’aider les femmes qui veulent quitter leur foyer à le faire. Même si nous pensons tous que c’est la personne violente qui devrait partir, dans les faits, l’urgence est souvent de mettre la femme et les enfants à l’abri.

La « loi Pradié » de 2019 a introduit un dispositif qui permet l’attribution en urgence d’un logement aux victimes de violences sur le contingent de logements réservés à l’État. Cette disposition fonctionne très bien dans certains territoires, comme le Valenciennois ou le territoire de Belfort, mais ce n’est pas le cas partout, notamment dans les grandes villes, où l’on manque de logements. Une programmation pluriannuelle permettrait de doter notre pays des logements nécessaires. Cet amendement n’est peut-être pas tout à fait à sa place et son adoption retarderait l’entrée en application du texte, mais il soulève une vraie question.

Mme Caroline Yadan (RE). Depuis la loi du 28 décembre 2019, une personne victime de violences peut saisir le juge aux affaires familiales et obtenir une ordonnance de protection dans un délai de six jours. Le juge peut attribuer le domicile conjugal à la personne victime des violences – et c’est ce qu’il fait. Les choses ont vraiment changé depuis 2019 : désormais, les victimes peuvent trouver refuge chez elles. D’autres mesures peuvent également être prises, comme l’interdiction faite à l’auteur des violences de se rendre au domicile de la victime.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement n’arrive peut-être pas au bon moment dans le débat, mais il est absolument nécessaire que nous ayons une loi de programmation pluriannuelle pour assurer la montée en puissance des moyens de la lutte contre les violences conjugales. Je vous invite donc à voter cet amendement, qui ne changera pas la substance du texte, mais qui constituera un acte fort et donnera plus de lisibilité à nos politiques.

La commission rejette l’amendement.

Article 1er : Avance d’urgence à destination des victimes de violence conjugales

Amendement AS20 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il s’agit de mettre en cohérence l’objet de la proposition de la loi visant à « créer une aide universelle d’urgence » et le cœur de son dispositif, en le réécrivant.

Il est ainsi proposé que l’aide d’urgence prenne la forme d’une créance de la victime sur son bourreau débiteur, pour laquelle la CAF peut se subroger au droit du créancier afin de procéder à son recouvrement. Nous proposons que l’ensemble des modalités de calcul et de recouvrement soient prises par décret en Conseil d’État.

Dans cette perspective, cette aide ne crée aucune charge pour les organismes et services de prestations familiales concernés. Ce ne sont pas les dommages et intérêts qui seront mis à contribution, mais bien la puissance financière du conjoint violent.

M. le rapporteur. Vous proposez, avec cet amendement et ceux qui suivent, de transformer l’avance d’urgence en aide financière non soumise à remboursement. Nous avons préféré l’avance à l’aide, parce que nous souhaitons que ce dispositif soit universel. Une aide serait forcément soumise à des conditions de ressources. C’est pourquoi nous avons explicitement précisé que des remises et des réductions de créances pourront être consenties, si le débiteur est en difficulté. Dans tous les cas, l’auteur des violences doit payer pour une situation dont il est responsable.

Pour ces raisons, et parce que nous pensons qu’il faut voter ce texte conforme, compte tenu de l’urgence, je vous invite à retirer votre amendement. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). En substituant une aide à un prêt, cet amendement – que nous soutenons – illustre notre divergence initiale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS21 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il convient de substituer au terme « avance » celui d’« aide » afin d’éviter les écueils que nous avons tous signalés.

Mme la rapporteure. Pour les raisons déjà exprimées, demande de retrait ou avis défavorable.

M. Arthur Delaporte (SOC). Une telle substitution éviterait en effet de faire des femmes victimes de violences des débitrices, même si leur dette pourrait être épongée, annulée ou recouvrée sur des dédommagements civils.

M. le rapporteur estime que cette proposition de loi n’a fait l’objet d’aucun piratage. Or, lorsque l’on dépose une proposition de loi dans une niche parlementaire sans le consentement de son auteur initial, on n’est pas loin du détournement et de la piraterie, ce qui n’est pas acceptable. Cela explique aussi pourquoi nous avons voté contre la désignation de M. Taché de la Pagerie comme rapporteur.

Mme Prisca Thevenot (RE). Nous sommes favorables à la transformation de ce prêt en aide mais, malgré l’urgence, nous ne pouvons agir dans la précipitation. Je suis convaincue que nous parviendrons à trouver une solution ensemble d’ici à la séance publique.

Oui, donc, à la transformation de l’avance en aide, mais la création d’une créance à la charge du conjoint violent n’est juridiquement pas applicable. Nous devrons donc réfléchir aux moyens de lever cet obstacle. De plus, cette créance placerait la victime en position de faiblesse en recréant une forme de dépendance financière.

Le travail auquel je nous invite collectivement ne vise pas à mettre au crédit de la majorité les avancées qui seront proposées, mais à en faire l’œuvre collective de l’ensemble des parlementaires.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Un dispositif analogue à celui que nous proposons existe déjà pour les pensions alimentaires. Ce n’est pas la victime qui est dans une position de dépendance vis-à-vis de son agresseur puisque c’est la CAF qui se tourne vers ce dernier.

Mme la présidente Fadila Khattabi. C’est en effet la majorité présidentielle qui a institué cette belle avancée sociale lors du précédent quinquennat.

Mme Anne Bergantz (Dem). Je suis d’accord avec Mme Thevenot. J’aurais voté pour cet amendement s’il s’était simplement agi de substituer une aide à un prêt, mais l’instauration d’une créance de la victime sur son bourreau me gêne en raison de la relation qu’elle institue entre les deux conjoints, même si la CAF est en effet en position médiane.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le dispositif relatif aux pensions alimentaires constitue une véritable avancée. Celui que nous proposons en est une également par rapport à un texte où l’avance repose sur des dommages et intérêts, lesquels ne visent qu’à compenser un trauma.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Un sous-amendement est-il envisageable ?

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je vous invite plus simplement à un retrait afin que nous le retravaillions ensemble en vue de la séance publique. Nous sommes tous d’accord sur les objectifs et nous parviendrons à un accord dans l’hémicycle.

Mme Prisca Thevenot (RE). Nous voulons en effet parvenir à un accord. Il n’est pas question qu’un tel texte n’aboutisse pas.

Nous sommes tous capables de faire abstraction des difficultés qui ont été soulignées sur la paternité de cette proposition de loi, et de considérer que seul compte l’intérêt des femmes victimes de violences et de leurs enfants. Ne nous précipitons pas ! Travaillons ensemble ! Ce texte ne sera pas le fait d’un groupe politique mais de l’ensemble des députés. Le Sénat est parvenu à des avancées et il est de notre responsabilité d’enrichir encore cette proposition.

Mme Caroline Yadan (RE). En droit, il est impossible de substituer un débiteur à un autre. La CAF s’inscrit dans un système d’intermédiation en faveur du créancier et elle se retourne ensuite vers le débiteur initial.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je retire l’amendement compte tenu de l’engagement solennel à travailler ensemble à un amendement commun pour la séance publique.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Je m’y engage aussi personnellement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS12 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à s’assurer que ce dispositif d’aide d’urgence bénéficiera d’une large communication auprès du plus grand public possible afin que les femmes soient encouragées à fuir leur domicile conjugal. Il importe donc que la CAF s’engage à une telle publicité, quelles qu’en soient les formes.

M. le rapporteur. Une telle communication va de soi. L’existence du dispositif sera signifiée à la personne qui dépose une plainte ou par un travailleur social. Je vous invite à retirer votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS13 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à élargir la liste des actes permettant d’attester les violences ouvrant droit à cette aide. Selon la Fondation des femmes, seules 18 % d’entre elles portent plainte et 7 % déposent une main courante ou un procès-verbal de renseignement judiciaire.

M. le rapporteur. Votre amendement vise à ouvrir ce dispositif aux personnes ayant simplement déposé une main courante. Or notre intention est d’obtenir un avis conforme afin que les dispositions du texte entrent en vigueur le plus rapidement possible.

Mme la rapporteure. Pour sa bonne application, notre dispositif doit être encadré et nous pensons que la condition minimum d’une plainte, d’un signalement au procureur de la République ou d’une ordonnance de protection est suffisante.

Demande de retrait.

Mme Prisca Thevenot (RE). Il faut certes tout faire pour accélérer la sécurisation des femmes victimes de violence et de leurs enfants. Or votre proposition serait irrecevable en l’état du droit, dont une réforme retarderait considérablement l’application du texte.

Mme Caroline Yadan (RE). Une main courante est en effet une simple déclaration. En revanche, une plainte, une saisine du procureur de la République entraînent le déclenchement de l’action publique, donc, une enquête. Une simple main courante serait en l’occurrence très légère.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Une main courante peut être automatiquement transformée en plainte dès lors qu’il s’agit de violences conjugales. Pour les nombreuses femmes qui n’ont pas le courage de déposer plainte dans un premier temps, c’est à cette étape que l’action publique pourrait commencer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS3 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à élargir le nombre de professionnels habilités à constater des faits de violences psychologiques et physiques, puisque le dispositif n’intègre pas les femmes qui ne porteraient pas plainte ou dont les violences subies n’ont pas été constatées par un juge.

En 2019, on a estimé à 213 000 en moyenne le nombre de femmes âgées de 18 à 75 ans qui, chaque année, sont victimes de violences physiques et/ou sexuelles commises par leur conjoint ou ex-conjoint. Parmi elles, 18 % seulement déclarent avoir déposé une plainte en gendarmerie ou en commissariat de police.

Mme la rapporteure. Votre amendement est déjà satisfait par le droit existant. L’article 226-14 du code pénal reconnaît la possibilité pour tout médecin ou professionnel de santé « de porter à la connaissance du procureur de la République une information relative à des violences exercées au sein du couple lorsqu’il estime en conscience que ces violences mettent la vie de la victime majeure en danger immédiat et que celle-ci n’est pas en mesure de se protéger en raison de la contrainte morale résultant de l’emprise exercée par l’auteur des violences ».

Le médecin ou le professionnel de santé doit s’efforcer d’obtenir l’accord de la victime majeure. En cas d’impossibilité, il doit l’informer du signalement fait au procureur de la République.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS5 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il s’agit de revenir à la proposition de loi initiale visant à ce que l’aide soit versée dans un délai de deux jours et non trois.

M. le rapporteur. Je comprends le sens de votre amendement mais, selon les CAF et la Cnaf, un tel délai serait impossible à tenir, notamment lors des week-ends ou des vacances.

Avis défavorable.

Mme Anne Bergantz (Dem). Le délai de quarante-huit heures ne me semble en effet pas raisonnable, d’autant que toutes les personnes concernées ne seront pas allocataires de la CAF. Le délai de soixante-douze heures, qui est déjà très bref, me paraît préférable.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Des expérimentations ont montré que le délai de quarante-huit heures est parfaitement tenable. De plus, avant une ouverture de compte, l’argent peut être versé sur le compte d’une association. Dans des cas de violences extrêmes, vingt-quatre heures de plus ou de moins peuvent faire la différence.

M. le rapporteur. Le délai de soixante-douze heures qui, selon les travailleurs sociaux, est déjà remarquable, s’impose notamment lorsque les personnes concernées ne sont pas déjà allocataires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS14 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement dispose que « la prestation sera notamment calculée au regard du nombre d’enfants à charge pour la bénéficiaire ». Toutes les victimes de violences doivent avoir les moyens de fuir, y compris celles qui ont des enfants.

Mme la rapporteure. Le texte renvoie la définition du montant et des modalités du prêt au décret lequel, de toute évidence, tiendra compte de la composition des familles.

Avis défavorable.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Une telle mention dans la proposition de loi permettrait de s’en assurer.

Mme Prisca Thevenot (RE). La prise en compte de la composition de la famille est en effet essentielle, mais dans le cadre d’une aide et non d’un prêt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS4 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Le caractère répétitif de la demande ne doit pas être un motif de refus d’octroi de l’aide pour ne retenir que le caractère frauduleux. Les femmes victimes de violences peinent souvent à quitter leur bourreau. Nombre d’entre elles s’y prennent à plusieurs reprises avant de renoncer à subir l’emprise de leur conjoint et à quitter le domicile conjugal. Dans sa rédaction, cet article nie cette réalité. Afin de prendre en compte la multiplicité des cas de figure, il ne faut pas restreindre inutilement l’accès à cette aide.

M. le rapporteur. Ce dispositif vise à faire sortir définitivement les victimes de violences conjugales d’une spirale infernale. La suppression de la mention de « demande manifestement répétitive » ne ferait qu’empêcher l’adoption conforme du texte et retarder son entrée en vigueur. Je vous propose donc de retirer votre amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Ce texte doit être en effet rapidement adopté, mais à condition qu’il soit conforme aux réalités du terrain, comme l’est cet amendement, en faveur duquel nous voterons. Une personne peut être victime de violences plusieurs fois.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je me réjouis des propos de la porte-parole du groupe majoritaire et j’espère que cet amendement sera adopté.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS2 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Un nouvel alinéa doit permettre au bénéficiaire de l’aide d’urgence de profiter d’un dispositif global de soin et d’accompagnement. Une victime seule, sans logement, sans compte bancaire et ignorant ses droits serait plus encline à revenir au foyer conjugal.

Mme la rapporteure. Avis défavorable, cet amendement étant satisfait.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement AS15 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Par cet amendement de repli, le Gouvernement remettra au Parlement un rapport sur l’opportunité de prendre une loi de programmation pluriannuelle de lutte contre les violences faites aux femmes, déterminant la trajectoire des finances publiques en matière de prévention et d’accompagnement des femmes victimes de violence pour trois périodes successives de cinq ans.

M. le rapporteur. En cohérence avec notre réponse relative à votre amendement AS1, je vous propose de retirer celui-ci ; à défaut, j’y serai défavorable.

Mme Christelle Petex-Levet (LR). Loi après loi, les violences faites aux femmes continuent d’augmenter et il importe donc d’agir dans la durée. Un tel rapport permettrait également de nous assurer de la volonté politique d’agir contre les auteurs de ces violences.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 : Possibilité de demander l’avance d’urgence lors d’un dépôt de plainte pour violences conjugales

Amendement AS18 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). La victime doit pouvoir bénéficier d’une information sur son droit à l’avance dès le dépôt d’une plainte pour violences conjugales, et non dans les seuls cas où la plainte concerne une infraction punie d’au moins trois ans d’emprisonnement.

M. le rapporteur. Nous voulons obtenir un vote conforme pour que ces dispositions entrent en vigueur le plus rapidement possible. Je suis donc défavorable à tout amendement.

En outre, celui-ci est inopérant, les actes de violences physiques, sexuelles ou morales commis au sein d’un couple étant punis de trois ans minimum d’emprisonnement.

Avis défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Je suis d’accord avec M. Delaporte : les femmes doivent pouvoir quitter définitivement leur conjoint dès le premier signe de violence. Quel message enverrait-on si l’aide était subordonnée aux seules violences punies par trois ans d’emprisonnement ? La majorité votera en faveur de cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS11 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Cet amendement vise à modifier l’article 88 du code de procédure pénale afin de dispenser les bénéficiaires de l’avance d’urgence du paiement de la consignation lorsqu’elles souhaitent se porter partie civile.

Mme la rapporteure. L’article 88 du code de procédure pénale prévoit que le juge d’instruction fixe le montant de la consignation en fonction des ressources de la partie civile et uniquement lorsque celle-ci ne bénéficie pas de l’aide juridictionnelle.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

M. Ian Boucard (LR). J’avais cru comprendre qu’à l’exception des membres du groupe Écologiste, nous étions tous d’accord pour adopter ce texte conforme afin de le faire entrer en vigueur le plus tôt possible. Nous nous accordons tous sur le fait que lorsqu’une femme ou un enfant est victime de violences intrafamiliales, il est urgent de lui venir en aide. L’attitude du groupe majoritaire, qui adopte un amendement pour faire plaisir à untel ou untel, à moins que ce ne soit pour faire reculer le texte et en présenter un autre à son avantage, retardera la prise en charge des femmes et des enfants victimes de violences. Nous le regrettons, car cela ne correspond pas à ce qui avait été annoncé au début de la discussion.

Mme Prisca Thevenot (RE). Nous étions en train de débattre du fond, sans verser dans des querelles politiciennes, sur un sujet essentiel sur lequel nous devons avancer dans l’urgence mais pas dans la précipitation. Si nous votions un texte inopérant, cela n’aiderait en rien les nombreuses femmes qui ont des besoins immédiats. Il ne s’agit pas ici de penser à soi mais aux femmes victimes de violences.

Mme Caroline Yadan (RE). N’oublions pas que les hommes sont, eux aussi, victimes de violences conjugales : ils les subissent dans 27 % des cas et ils représentent 17 % des décès consécutifs à ces violences. On sait que, tous les trois jours, une femme décède sous les coups de son conjoint, mais il faut aussi avoir conscience que, tous les quatorze jours, un homme meurt sous les coups de sa compagne. C’est pourquoi il est préférable d’employer le mot « victime ».

M. Yannick Neuder (LR). Je partage le point de vue de Ian Boucard. Les sénateurs de sensibilité macroniste ou de gauche auraient pu compléter le texte s’ils avaient jugé qu’il n’allait pas assez loin ; or il a été adopté à l’unanimité par la chambre haute. Nous sommes globalement d’accord pour le faire entrer en vigueur rapidement, car la situation financière des femmes concernées est très préoccupante. Nous avons examiné deux sujets difficiles : la présence des travailleurs sociaux dans les commissariats lors du dépôt de la plainte et le bénéfice rapide de l’aide. Nous sommes à présent confrontés à la pyramide infernale des amendements qui demandent toujours plus. In fine, on devra reprendre la navette. J’espère que ces dispositions, qui vont allonger les délais – puisque c’est le résultat de ce que votre groupe a fait cet après-midi, madame Thevenot – ne mettront pas des femmes ou des hommes en difficulté, alors qu’ils doivent être soustraits, avec leurs enfants, aux mains de leur bourreau.

Mme Prisca Thevenot (RE). C’est honteux !

M. Yannick Neuder (LR). Je vous dis simplement que vous faites de l’obstruction !

Mme la présidente Fadila Khattabi. Il est normal que nous débattions du texte, d’autant plus que certaines dispositions ne sont apparemment pas opérationnelles. Nous devrions aboutir en séance.

M. Paul Christophe (HOR). Les débats ont montré notre volonté d’avancer sur ce texte « de manière constructive », pour reprendre les propos de Mme la rapporteure, qui n’a pas fermé la porte à des évolutions. La proposition de loi sera débattue en séance le 16 janvier et une niche est prévue au Sénat dès le 1er février : nous ne nous engageons donc pas dans une impasse. Si la proposition de loi était votée conforme au Sénat, elle serait automatiquement promulguée sous quinze jours.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il faut prendre le temps de réfléchir à ces dispositifs. La précipitation peut nuire aux femmes et aller à l’encontre des objectifs poursuivis. Madame la rapporteure, mon amendement vise à exonérer systématiquement le bénéficiaire de l’aide d’urgence du paiement de la consignation. Le code de procédure pénale ne prévoit pas ce caractère systématique.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte l’article 2 modifié.

Article 2 bis A (nouveau) : Suppression de l’obligation de consignation pour les victimes de violences conjugales

Amendement AS10 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Nous vous proposons de modifier l’article 88 du code de procédure pénale afin de dispenser les femmes victimes de violences de la procédure de consignation lorsqu’elles souhaitent se porter partie civile. Les associations ont particulièrement appelé notre attention sur cette question. Lorsque les victimes se constituent partie civile, elles doivent verser une consignation dont le montant est compris entre 1 500 et 3 000 euros. Les frais d’avocat peuvent varier entre 2 000 et 30 000 euros ; ils s’élèvent, en moyenne, à 6 000 euros pour une affaire de viol et à plus de 4 000 euros en cas d’agression sexuelle. Les victimes assument souvent le coût de la constitution de preuves devant huissier et des examens médicaux destinés à consolider leur dossier ou à préparer l’appel : dans les deux cas, cela se chiffre à plusieurs centaines d’euros. Cet amendement lèverait un premier frein financier à la constitution de partie civile.

M. le rapporteur. Par cohérence avec la position précédemment exprimée, je vous invite à retirer l’amendement. À défaut, mon avis serait défavorable.

Mme Prisca Thevenot (RE). Nous avons aussi été sollicités par de nombreuses associations de victimes sur ce point. Je suis d’accord sur le fond, mais j’ai un doute quant à la viabilité juridique de l’amendement. Je vous propose qu’on le retravaille. Dans cette attente, nous nous abstiendrons.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 bis : Demande de rapport sur l’opportunité de permettre aux caisses de mutualité sociale agricole de verser l’avance d’urgence

La commission adopte l’article 2 bis non modifié.

Après l’article 2 bis

Amendement AS16 de Mme Sandrine Rousseau.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). L’amendement vise à ce que le Gouvernement remette au Parlement un « rapport sur l’opportunité de transformer le dispositif d’avance créé par la présente loi en dispositif d’aide pérenne à destination des femmes victimes de violences ». Dans le cas où nous n’aboutirions pas à un consensus en séance, il s’agit de rappeler un principe fondamental qui semble absent du dispositif : jamais une victime n’est responsable.

Mme la rapporteure. Dans l’attente de l’examen en séance, je vous invite à retirer l’amendement.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je le retire sur la foi de l’engagement qui a été pris collectivement tout à l’heure.

L’amendement est retiré.

Article 3 : Gage financier de la proposition de loi

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Titre

Amendement AS19 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). L’intitulé que nous proposons constitue un reliquat de l’amendement qui a été déclaré irrecevable et qui visait à étendre le dispositif à l’ensemble des violences intrafamiliales. Chaque année, 80 000 enfants sont victimes de violences – qu’elles soient physiques, sexuelles ou psychologiques – au sein de leur famille. Notre objectif était d’étendre à tout parent la possibilité de recourir à ce prêt lorsque l’autre parent commet des violences sur leur enfant. En modifiant le titre, nous entendons manifester notre volonté d’élargir l’ambition de la loi.

M. le rapporteur. Nous nous étions fixé pour objectif de parvenir à une adoption conforme, ce qui aurait justifié un avis défavorable de ma part si le texte n’avait pas déjà été modifié. Cela étant, j’observe que votre amendement n’emporterait aucune conséquence sur le contenu de la loi. Si votre objectif est que les mères soient prises en considération dans le dispositif, c’est déjà le cas. Si votre amendement concerne les seules violences faites aux enfants, qui constituent évidemment un enjeu crucial, sa place n’est pas dans cette proposition de loi, car il s’agit d’un sujet distinct.

Demande de retrait ou avis défavorable.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). L’argument tiré de la nécessité d’une adoption conforme est inaudible, car cela reviendrait à nous empêcher d’exercer notre travail de parlementaire et à nous faire ratifier les textes votés par le Sénat.

Mme Prisca Thevenot (RE). Je partage le point de vue de nos collègues d’Europe Écologie-Les Verts et d’Horizons : nous ne sommes pas, en effet, une chambre d’enregistrement. Notre rôle est d’améliorer, d’enrichir les textes pour qu’ils soient conformes aux réalités et aux attentes du terrain. Nous sommes favorables à l’amendement.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je remercie Mme Thevenot pour ses propos. Je veux dire aux rapporteurs que, le vote conforme n’étant désormais plus envisageable, il leur appartient d’imaginer quelle pourrait être la destinée de cette proposition de loi que l’Assemblée nationale souveraine a décidé de modifier pour l’améliorer, voire l’élargir.

Un parent qui souhaite quitter le domicile familial pour protéger un enfant victime de violences psychiques ou sexuelles pourrait bénéficier de la protection offerte par ce dispositif. Tel était notre objectif initial. En modifiant le titre, nous enverrions un signal et nous acterions la volonté de l’Assemblée nationale.

M. Ian Boucard (LR). J’espère que l’on réexaminera l’amendement AS1 de Mme Rousseau, qui est à mes yeux le plus intéressant des amendements présentés par le groupe Écologiste. Certes, j’aurais souhaité que l’on adopte la proposition de loi conforme mais, puisque la majorité veut enrichir le texte, je l’invite à se pencher en séance sur cet amendement, qui propose une programmation pluriannuelle de l’investissement pour créer des logements d’urgence en faveur des femmes et des enfants victimes de violences intrafamiliales. Ce serait une mesure vraiment déterminante si l’on voulait améliorer le texte – plus utile, en tout cas, que l’ajout de deux mots au titre de la proposition de loi.

Mme Michèle Peyron (RE). Pour faire écho aux propos de Mme Yadan, nous déposerons très probablement en séance un amendement visant à insérer les mots « les femmes et les hommes victimes ».

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Le rapport de violence est tout de même très genré. Certes, des hommes sont aussi victimes, mais 80 % des victimes de violences conjugales sont des femmes. Aussi, je propose que, dans cette loi, le féminin l’emporte sur le masculin.

Mme Michèle Peyron (RE). L’égalité hommes-femmes, madame Rousseau, cela passe aussi par là !

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0617_texte-adopte-commission#

 


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   ANNEXES

ANNEXE N° 1 :
données relatives aux violences conjugales en 2021

principales caractéristiques des personnes victimes de violences conjugales en 2021

 

 

 

Hommes

Femmes

18 -29 ans

30 -49 ans

50- 59 ans

60- 75 ans

Inactifs (dont chômeurs)

Étudiants, élèves

Personnes en emploi (dont apprentis et stages rémunérés)

Proportion de la population au sein des victimes de violences conjugales en 2021

13 %

87 %

50 % des victimes ont entre 25 et 35 ans

Non spécifié

4 %

31 %

6 %

57 %

Proportion de victimes dans la sous-population en 2021

0,6 %

1,1 %

1,4 %

1,1 %

0,5 %

0,3 %

1,3 %

1,4 %

0,9 %

Source : ministère de la justice et publication du service statistique ministériel de la sécurité intérieure : Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021, décembre 2022 : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Interstats-Analyse-n-53-Les-violences-conjugales-enregistrees-par-les-services-de-securite-en-2021

 

Qualification des violences conjugales enregistrées par la police et la gendarmerie en 2021

 

Violences physiques

Violences sexuelles

Violences verbales ou psychologiques

Délit

Crime

Total

136 502

7 916

63 325

/

/

Proportion au sein des violences rapportées

66 %

4 %

30 %

97 %

3,3 %

Source : publication du service statistique ministériel de la sécurité intérieure : Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021, décembre 2022 : https://www.interieur.gouv.fr/Interstats/Actualites/Interstats-Analyse-n-53-Les-violences-conjugales-enregistrees-par-les-services-de-securite-en-2021

 

réponse judiciaire aux actes de violences conjugales en 2021

 

Réponse pénale apportée à la suite du dépôt de plainte

Demande d’ordonnance de protection

Nombre d’ordonnances de protection délivrées

Taux d’acceptation de délivrance des ordonnances de protection

Part des poursuites devant les juridictions

Nombre de personnes jugées

Affaires classées non poursuivables

Part des alternatives aux poursuites

Données 2021 et évolution depuis 2017

138 000

(+ 70 % depuis 2017)

5 921

(+ 89 % depuis 2017)

3 531(contre 1 392 en 2017, soit une augmentation de 153,66 %).

72 %

(+ 11 % depuis 2017)

36 %, contre 31 % en 2017

47 000

(+ 103 % depuis 2017)

Entre 34 % et 36 % (part stable depuis 2017)

16 % (contre 24 % 2017)

Source : données fournies par le ministère de la justice

 

 

 

 

 


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ANNEXE N° 2 :
Liste des personnes auditionnÉes par lES rapporteurS

(Par ordre chronologique)

      Audition conjointe :

 Conseil départemental du Nord Mme Anne-Sophie Boisseaux, conseillère déléguée à la lutte contre les violences, Mme Cécile Douai, cheffe de projet sur l’expérimentation d’une avance d’urgence et d’un accompagnement global, M. Matthias Mahieux, directeur délégué du Valenciennois, et Mme Romanie Tiberghien, conseillère technique

 Ville d’Arles Mme Caroline Fort-Guintoli, conseillère municipale en charge de la lutte contre les discriminations et le harcèlement, l’égalité des chances et les droits des femmes

       Caisse nationale des allocations familiales (CNAF) – M. Nicolas Grivel, directeur général, M. Guillaume George, directeur département insertion et cadre de vie et M. Damien Ranger-Martinez, directeur de la communication et des relations avec le Parlement et les élus

       Mme Valérie Létard, sénatrice, auteure de la proposition de loi créant une aide universelle d’urgence pour les victimes de violences conjugales

 


Annexe n° 3 :
textes susceptibles d’Être abrogÉs ou modifiÉs À l’occasion de l’examen de la PROPOSITION DE LOI

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de l’action sociale et des familles

L. 214‑8 à L. 214‑10 [nouveaux]

2

Code de procédure pénale

15‑3‑2‑1 [nouveau]

bis A

Code de procédure pénale

88

 

 


([1]) Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité », décembre 2019 et publication du service statistique ministériel de la sécurité intérieure : Les violences conjugales enregistrées par les services de sécurité en 2021, décembre 2022 : file:///C:/Users/aderoubin/Downloads/IA-53%20-%20V4.pdf.

([2]) Publication du service statistique ministériel de la sécurité intérieure précédemment citée.

([3]) Id.

([4]) Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes, rapport « Violences conjugales. Garantir la protection des femmes victimes et de leurs enfants tout au long de leur parcours » (octobre 2020).

([5]) Infostat Justice, n° 159 (février 2018). http://www.justice.gouv.fr/statistiques-10054/infostats-justice-10057/le-traitement-judiciaire-des-violences-conjugales-en-2015-31324.html.

([6]) Fédération nationale Solidarité Femmes, extraits de l’analyse globale des données issues des appels au « 3919 - Violences Femmes Info », Année 2020, novembre 2021.

([7]) Les violences physiques et/ou sexuelles au sein du ménage, Rapport d’enquête « Cadre de vie et sécurité » 2019, ministère de l’intérieur.

https://www.interieur.gouv.fr/content/download/120075/962986/file/12.3%20Les%20violences%20physiques%20et-ou%20sexuelles%20au%20sein%20du%20m%C3%A9nage.pdf

([8]) Rapport d’information (n° 3809) fait au nom de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes de l’Assemblée nationale sur son colloque consacré à la lutte contre les violences économiques dans le couple (janvier 2021).

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/ega/l15b3809_rapport-information.pdf

([9]) Article 222-23 du code pénal.

([10]) Constitue également une agression sexuelle le fait d’imposer à une personne, par violence, contrainte, menace ou surprise, le fait de subir une atteinte sexuelle de la part d’un tiers ou de procéder sur elle‑même à une telle atteinte.

 

([12]) Loi n° 92-684 du 22 juillet 1992 portant réforme des dispositions du code pénal relatives à la répression des crimes et délits contre les personnes.

([13]) Loi n° 2004-439 du 26 mai 2004 relative au divorce.

([14]) Loi n° 2006-399 du 4 avril 2006 renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.

([15]) Loi n° 2007-297 du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance.

([16]) Loi n° 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants.

([17]) Loi n° 2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

([18]) Loi n° 2016-274 du 7 mars 2016 relative au droit des étrangers en France.

([19]) Loi n° 2019-1480 du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille.

([20]) Loi n° 2020-936 du 30 juillet 2020 visant à protéger les victimes de violences conjugales.

([21]) https://www.justice.gouv.fr/le-ministere-de-la-justice-10017/violences-faites-aux-femmes-nerienlaisserpasser-34187.html

([22]) https://www.interieur.gouv.fr/actualites/communiques/violences-conjugales-enregistrees-par-services-de-securite-en-2020

([23]) « Où est l’argent pour l’hébergement des femmes victimes de violence ? », rapport de la Fondation des femmes, novembre 2021.

([24]) Loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

([25]) Circulaire n° JUSD2025172 C relative à l’amélioration du traitement des violences conjugales et à la protection des victimes.

([26]) Circulaire n° JUSD2135042 C du ministre de l’intérieur, du garde des Sceaux et du ministre des solidarités et de la santé relative au déploiement des dispositifs d’accueil et d’accompagnement des victimes de violences conjugales, intrafamiliales et/ou sexuelles au sein des établissements de santé.

([27]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12644508_6399d431c28fe.commission-des-affaires-sociales--creation-d-une-aide-universelle-d-urgence-pour-les-victimes-de-vi-14-decembre-2022