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N° 618

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 14 décembre 2022.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, MODIFIÉE PAR LE SÉNAT, visant à faire évoluer la formation de sagefemme,

 

 

 

Par M. Paul CHRISTOPHE,

 

 

Député.

 

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Voir les numéros :

Assemblée nationale :   1ère lecture : 4556, 4690 et T.A. 705 (15e législature).

  2e lecture : 370.

Sénat :  1ère lecture : 224 (2021‑2022), 15, 16 et T.A. 5 (2022‑2023).


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SOMMAIRE

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 Pages

Avant-propos

Commentaire des articles

Article 1er Intégration universitaire de la formation initiale des sagesfemmes

Article 2 Création d’un troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique

TRAVAUX DE LA COMMISSION


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   Avant-propos

● Le 25 novembre 2021, l’Assemblée nationale a adopté, à l’unanimité, une proposition de loi visant à faire évoluer la formation de sage‑femme. Cette proposition de loi était le fruit d’un engagement constant de Mme Annie Chapelier, son auteure et rapporteure, pour faire évoluer et améliorer la reconnaissance de la profession de sage‑femme.

L’ambition initiale portée par notre collègue d’alors était plus vaste : il s’agissait d’embrasser plus globalement les différents enjeux concernant la profession de sage‑femme. Une première proposition de loi comportant vingt‑six articles avait ainsi été déposée en première intention, et largement cosignée au sein de l’Assemblée. Cependant, il était apparu qu’un texte de ce format ne pourrait pas être examiné dans le cadre d’une niche parlementaire. En outre, certains points relatifs à l’évolution de la profession de sage‑femme n’étaient pas consensuels au sein de la majorité.

C’est dans ce contexte qu’a émergé la proposition de loi dont notre Assemblée est appelée à poursuivre l’examen en deuxième lecture. Afin de faire un premier pas concret, décisif, vers une amélioration de la reconnaissance et du statut des sages‑femmes, il apparaissait indispensable d’intervenir sur leur formation, laquelle présente actuellement des défauts, lacunes et anomalies qui sont de nature à alimenter le manque de reconnaissance et le mal‑être exprimés par de nombreuses sages‑femmes.

La proposition de loi de notre collègue Annie Chapelier avait initialement été portée par le groupe Agir ensemble et très largement cosignée au sein des différents groupes de la majorité et de l’opposition. Elle avait été unanimement saluée lors de son examen et adoptée sans modification majeure sur le fond, en dehors des modifications demandées par la rapporteure en vue d’améliorer la qualité et l’applicabilité du dispositif.

● Ainsi, au terme de son examen en première lecture à l’Assemblée nationale, la présente proposition de loi comportait cinq articles.

– L’article 1er visait à programmer la pleine intégration universitaire de la formation des sages‑femmes, remédiant ainsi à une anomalie qui fait que cette formation est actuellement très majoritairement effectuée au sein d’écoles rattachées à des établissements hospitaliers, à la différence des études médicales.

Il s’agissait notamment de favoriser les échanges entre professionnels médicaux – dont les sages‑femmes font incontestablement partie – dès le stade de la formation.

Il s’agissait également de donner force législative à un objectif d’intégration universitaire qui avait été jugé souhaitable par tous depuis plusieurs années, et fixé pour l’année 2017, sans que cela se concrétise, en raison d’inerties trop fortes et de craintes diffuses.

Selon les termes de l’article 1er, la formation universitaire des sages‑femmes serait désormais généralisée d’ici le 1er septembre 2027, prioritairement sous la forme d’une intégration des études de maïeutique au sein d’une unité de formation et de recherche (UFR) en santé. L’article 1er prévoit par ailleurs la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement visant à identifier les conditions de réussite de cette intégration.

– L’article 1er bis créait un statut de maître de stage agréé en maïeutique pour les sages‑femmes, à l’image de ce qui existe pour les médecins, et dans le but de mieux accompagner les étudiants pendant les stages.

– L’article 2 prévoyait la création d’un troisième cycle d’études pour les sages‑femmes, sous la forme d’une sixième année qui aurait notamment vocation à rendre moins dense le deuxième cycle, à développer davantage les stages et à améliorer la formation des sages‑femmes dans le domaine de la physiologie, qui constitue leur cœur de métier.

Cette prolongation de la formation aurait également pour effet d’améliorer la reconnaissance du caractère médical de cette profession, en permettant l’obtention d’un diplôme d’État de docteur en maïeutique.

– L’article 3 créait un statut d’enseignant-chercheur en maïeutique, afin de favoriser le cumul des activités de soins, d’enseignement et de recherche, aujourd’hui très complexe. Il s’agissait notamment d’encourager la recherche en maïeutique, actuellement trop embryonnaire dans notre pays.

– Enfin, l’article 4 modifiait l’insertion de la profession de sage‑femme dans la nomenclature d’activités françaises (NAF) et dans la nomenclature des professions et catégories socio-professionnelles, dans le but de tenir compte de la nature pleinement médicale des compétences et responsabilités des sages‑femmes – en cohérence avec l’ensemble des dispositions adoptées par ailleurs, dans le cadre de cette proposition de loi et de nombreux autres textes visant à étendre leurs compétences.

● La navette parlementaire n’a pas substantiellement modifié le texte, les sénateurs s’accordant pour considérer que les dispositions proposées étaient nécessaires, attendues et consensuelles.

Lors de son examen au mois d’octobre dernier, le Sénat a ainsi adopté conformes la majeure partie des dispositions de la présente proposition de loi. Les articles 1er bis, 3 et 4 ne seront donc pas débattus en deuxième lecture à l’Assemblée nationale.

L’apport du Sénat a principalement consisté à revoir le calendrier de l’entrée en vigueur du troisième cycle instauré par l’article 2 de la proposition de loi, afin qu’il ne soit plus appliqué qu’aux étudiants s’engageant dans les études de maïeutique en connaissance de cause. Cette évolution répond à des préoccupations largement exprimées – à commencer par les étudiants en maïeutique – lors des auditions conduites par le Sénat.

Selon les termes de l’article 2 de la proposition de loi qui nous est transmise par le Sénat, le troisième cycle d’études s’appliquera donc aux étudiants qui commenceront la deuxième année de leur premier cycle d’études à compter de septembre 2024, et non à ceux qui débuteront leur second cycle d’études (quatrième année) à compter de septembre 2023. En toute logique, le diplôme d’État de docteur en maïeutique, instauré par l’article 1er, ne trouvera à s’appliquer qu’à compter de cette même date.

● Ainsi, au terme de son examen en première lecture par les deux assemblées, restent en discussion les articles 1er et 2, en raison des seules modifications évoquées ci-dessus.

Votre rapporteur estime que les modifications proposées par le Sénat sont légitimes, et proposera de les conserver lors de la deuxième lecture du texte à l’Assemblée.

● Par ailleurs, votre rapporteur rappelle que les grandes évolutions proposées par ce texte ont reçu un avis favorable de l’ensemble des acteurs du terrain et sont très attendues par les sages‑femmes.

Ces dispositions sont aujourd’hui nécessaires et urgentes pour améliorer la reconnaissance de la profession de sage‑femme. En effet, les sages‑femmes ont la conviction de ne pas être suffisamment légitimées ni valorisées, malgré le caractère médical de leur activité et l’étendue, de plus en plus large, de leurs compétences et donc de leurs responsabilités.

Votre rapporteur rappelle que les sages‑femmes françaises sont celles qui exercent le plus de responsabilités en Europe. Au-delà de l’accouchement en salle de naissance, elles contribuent à la santé des femmes tout au long de leur vie et à celle des nouveaux nés. Elles réalisent des actes de prévention, de diagnostic et de prescription en obstétrique, mais aussi en gynécologie, et en pédiatrie.

La formation actuelle de sage‑femme apparaît ainsi largement inadaptée, au regard de ce champ d’intervention d’ores et déjà étendu et appelé à l’être de plus en plus.

● Votre rapporteur est cependant conscient que cette proposition de loi ne pourra être qu’un premier pas vers une meilleure reconnaissance de la profession de sage‑femme. D’autres textes seront sans doute nécessaires pour mieux définir et reconnaître le rôle que les sages‑femmes jouent dans l’accompagnement des femmes et des jeunes enfants.

Il se félicite cependant des avancées très concrètes permises par ce texte. Il souhaite rendre un hommage appuyé à notre ancienne collègue Annie Chapelier, dont la persévérance et l’engagement ont permis de faire que la cause des sages‑femmes soit mieux entendue, et que le destin de ce texte transcende le changement de législature.

 

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   Commentaire des articles

Article 1er
Intégration universitaire de la formation initiale des sagesfemmes

Origine de l’article : proposition de loi modifiée en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

Position du rapporteur : maintien de la rédaction du Sénat sans modification.

1.   Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

L’article 1er prévoit la pleine intégration universitaire de la formation initiale des sages‑femmes. Pour mémoire, cette intégration universitaire est aujourd’hui une possibilité ([1]), mais seules onze écoles de sages‑femmes sur les trente‑cinq existant en France se sont lancées dans ce processus, qui est aujourd’hui, de l’avis général, « en panne ».

● Pour surmonter ces difficultés, le présent article systématise ainsi l’organisation de la formation initiale des sages‑femmes au sein des universités.

L’intégration universitaire de cette formation est initialement prévue pour la rentrée 2022-2023 ; un amendement de la rapporteure Annie Chapelier adopté en première lecture a cependant étendu jusqu’au 1er septembre 2027 le délai pour mener à bien cette intégration, afin notamment de prendre en compte la durée des contrats conclus entre les établissements d’enseignement supérieur et leur ministère, qui est de cinq ans.

L’article 1er propose, comme mode d’intégration prioritaire de la formation des sages‑femmes, la création d’un département de maïeutique au sein d’une unité de formation et de recherche (UFR) de santé, en vertu d’un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure. L’intégration au sein d’une UFR de médecine ne pourra ainsi être envisagée que par défaut.

● Par cohérence avec les dispositions susmentionnées, l’article 1er abroge trois articles du code de la santé publique qui ne sont plus pertinents du fait de l’intégration universitaire de cette formation.

● Par ailleurs, l’article 1er modifie l’intitulé du diplôme exigé pour l’exercice de la profession de sage‑femme, en cohérence avec la création d’un troisième cycle prévue à l’article 2 : il ne s’agira plus d’un diplôme français d’État de sage‑femme, mais du diplôme français d’État de docteur en maïeutique.

Un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure a cependant prévu que les sages‑femmes ayant débuté leur deuxième cycle d’études avant l’entrée en vigueur du troisième cycle pourront, en toute logique, continuer à exercer avec le diplôme existant.

● Enfin, un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure a prévu la remise au Parlement d’un rapport du Gouvernement dressant un état des lieux de l’intégration universitaire de la formation de sage‑femme. Selon l’intention exprimée par la rapporteure, il s’agit de dissiper l’opacité sur les modalités actuelles de l’intégration universitaire lorsqu’elle a été conduite, afin de mieux cerner les conditions de la réussite de cette évolution.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Le Sénat, sur proposition de la commission des affaires sociales, a adopté un amendement visant à retarder l’exigibilité du nouveau diplôme d’État de docteur en maïeutique.

● Dans la version de l’article 1er issue de l’Assemblée nationale, ce diplôme était exigible pour exercer la profession de sage‑femme pour l’ensemble des étudiants ayant débuté le deuxième cycle d’études en maïeutique (soit leur quatrième année) après le 1er septembre 2023.

Cependant, le Sénat a jugé, dans le cadre de l’article 2 (cf. infra), qu’il n’était pas souhaitable d’appliquer la réforme du troisième cycle d’études – à laquelle est directement lié le titre de « docteur » – aux étudiants s’étant engagés dans les études de maïeutique sur la base d’un format de cinq années. Le Sénat a ainsi voté l’application de cette réforme du troisième cycle uniquement aux étudiants débutant leur deuxième année du premier cycle à partir du 1er septembre 2024.

● La mesure votée par le Sénat à l’article 1er n’est ainsi qu’une mesure de cohérence avec celle qui sera présentée à l’article 2 : il ne peut qu’y avoir une pleine concordance temporelle entre les promotions d’étudiants qui se verront appliquer la réforme du troisième cycle et celles auprès desquelles le nouveau diplôme sera exigible.

3.   La position du rapporteur

● Votre rapporteur partage l’avis qu’on peut difficilement imposer un troisième cycle d’études aux actuels étudiants de premier cycle, lesquels se sont engagés dans les études de maïeutique sans avoir connaissance, au préalable, de l’ajout d’une année d’études et sans pouvoir bénéficier de la refonte de la maquette pédagogique qui en découlera nécessairement.

Dès lors, l’idée de n’appliquer ce troisième cycle qu’aux étudiants qui entreront dans les études de maïeutiques proprement dites – la deuxième année du premier cycle faisant suite à l’année PASS commune aux études médicales et dentaires – après la promulgation de la loi lui paraît adaptée.

En conséquence, cette évolution, que votre rapporteur approuvera à l’article 2, induit nécessairement un report de l’exigibilité du nouveau diplôme, qui ne pourra s’appliquer qu’aux étudiants débutant leur deuxième année du premier cycle à compter de septembre 2024.

● Votre rapporteur préconise ainsi d’adopter l’article 1er dans sa rédaction issue du Sénat.

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Article 2
Création d’un troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique

Origine de l’article : proposition de loi modifiée en première lecture par l’Assemblée nationale.

Sort au Sénat : modifié.

Position de la commission : maintien de la rédaction du Sénat, sans modification.

1.   Les dispositions adoptées par l’Assemblée nationale en première lecture

L’article 2 de la proposition de loi initiale vise à créer un troisième cycle des études de maïeutique, sous la forme d’une sixième année de formation, accessible aux étudiants ayant validé le deuxième cycle.

● Tout en prévoyant que le contenu pédagogique de ce troisième cycle serait précisé par voie réglementaire, l’article 2 en énumérait initialement les principaux objectifs. Cependant, un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure a supprimé cette énumération, préférant, à la demande des acteurs, renvoyer intégralement au décret. Cet amendement a également renvoyé la détermination de la durée du troisième cycle au texte réglementaire, afin de ménager plus de souplesse – mais l’intention exprimée reste celle d’une année supplémentaire.

● L’article 2 prévoit qu’après la validation de ce troisième cycle et la soutenance d’une thèse d’exercice, les étudiants obtiendront un diplôme d’État de docteur en maïeutique. Il prévoit également que les étudiants en troisième cycle de maïeutique seront désormais considérés comme des étudiants de santé en formation, au titre de l’article L. 6153-1 du code de la santé publique.

● Un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure prévoit une révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles des études maïeutiques au plus tard pour la rentrée 2023. Il s’agit ici de tenir compte du fait que la création du troisième cycle entraînera une refonte globale de l’architecture des études de maïeutique, en vue, notamment, de désengorger le deuxième cycle.

● Enfin, un amendement adopté à l’initiative de la rapporteure précise que le troisième cycle ne s’appliquera aux étudiants qui commenceront leur deuxième cycle d’études (soit leur quatrième année) après le 1er septembre 2023.

2.   Les modifications apportées par le Sénat en première lecture

Sur proposition de la rapporteure, le Sénat a adopté un amendement, avec avis favorable de la commission des affaires sociales, qui prévoit que le nouveau troisième cycle ne s’appliquera qu’aux étudiants ayant débuté la deuxième année du premier cycle à compter de la rentrée universitaire 2024.

Comme expliqué dans le cadre du commentaire de l’article 1er, ce report vise à ne pas « tromper » des étudiants qui se sont engagés dans les études de maïeutique sur la base de cinq années d’études. En visant uniquement les étudiants de quatrième année à compter de 2024, le Sénat fait en sorte que les étudiants concernés puissent tous s’être engagés dans les études de maïeutique en pleine connaissance de cette réforme.

Logiquement, le Sénat a également voté le report de la date butoir pour la révision des référentiels de formation des premier et deuxième cycles à cette même rentrée 2024. Outre les raisons évoquées ci-dessus, cette disposition permet de prendre en compte le temps un peu prolongé de la navette parlementaire – la première lecture à l’Assemblée nationale remontant au mois d’octobre 2021 – et de ménager un temps de préparation suffisant pour les acteurs.

3.   La position du rapporteur

En cohérence avec la position défendue à l’article 1er, votre rapporteur propose d’adopter l’article 2 dans sa rédaction issue du Sénat.


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

 

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 14 décembre 2022 ([2]), la commission des Affaires sociales examine la proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à faire évoluer la formation de sagefemme (n° 370) (M. Paul Christophe, rapporteur).

M. Paul Christophe, rapporteur. Nous examinons, en deuxième lecture, une proposition de loi dont l’objet est de faire évoluer la formation des sages‑femmes, dans le but de mieux reconnaître et valoriser le caractère véritablement médical de cette profession en France.

Je dis « en France », parce que cette profession est une singularité de notre pays. Chez nos voisins européens, il n’y a pas d’équivalent à nos sages‑femmes, du point de vue de la durée de la formation, de l’étendue des compétences en matière d’accompagnement de la femme et du nouveau-né, ou encore du niveau de responsabilité dont elles sont investies. Nous avons pris l’habitude de dire « elles », parce qu’il y a 98 % de femmes parmi les sages‑femmes, mais n’oublions pas les 2 % d’hommes. D’ailleurs, le terme « sage‑femme » n’est pas féminin : il désigne celui ou celle qui « a la connaissance de la femme ».

La proposition de loi vise à reconnaître le statut véritablement médical de nos sages‑femmes en mettant leur formation en adéquation avec leurs compétences et leurs responsabilités. Ce texte avait été défendu sous la précédente législature par le groupe Agir ensemble, et plus particulièrement par Annie Chapelier, à qui je souhaite rendre un hommage appuyé. Tout au long de la législature, notre collègue n’avait eu de cesse d’œuvrer pour une meilleure reconnaissance des sages‑femmes et pour une évolution de cette profession, qui reste insuffisamment valorisée.

Annie Chapelier nourrissait une ambition beaucoup plus élevée pour ce texte, dont une première version, déposée en juin 2021, comportait vingt-six articles et embrassait l’ensemble des enjeux relatifs à l’évolution de la profession. Le principe de réalité nous avait toutefois forcés à en restreindre le champ : d’une part, la proposition de loi avait vocation à être examinée dans le cadre de la niche de notre groupe ; d’autre part, certains aspects de l’extension des compétences des sages‑femmes ne sont pas tout à fait consensuels. Le choix avait donc été fait de poser une première pierre en intervenant sur la formation des sages‑femmes, qui elle-même conditionne beaucoup d’autres évolutions.

L’examen du texte en première lecture à l’Assemblée nationale s’est déroulé en octobre 2021 de manière constructive et apaisée. Le Sénat, animé par le même état d’esprit, s’est penché dessus en octobre dernier. Tous les groupes politiques se sont accordés à dire qu’il s’agit d’une véritable avancée pour les sages‑femmes, nécessaire et attendue de tous. La chambre haute n’a modifié qu’une disposition relative au calendrier d’application.

Le texte qui nous revient comporte cinq articles : trois ont été adoptés conformes, il n’en reste donc plus que deux en discussion. Aucun amendement n’ayant été déposé en commission, j’ai bon espoir que nous approuvions le texte issu du Sénat. Même si le groupe Les Républicains s’est opposé à la procédure de législation en commission qui avait été demandée, il me semble qu’il n’y a pas véritablement matière à désaccord.

L’article 1er constitue le cœur du dispositif : il programme la pleine intégration universitaire de la formation des sages‑femmes, dont le processus semblait en panne. À la rentrée 2027, la formation des sages‑femmes devra se dérouler prioritairement au sein d’unités de formation et de recherche (UFR) en santé, ce qui permettra de la rapprocher de la formation des médecins. Si cet article reste en discussion, c’est en raison d’une modification de la date d’application de la réforme, qui résulte des dispositions de l’article 2, également soumis à notre examen. Hormis ce point, le contenu de l’article 1er a fait l’objet d’un consensus, tant à l’Assemblée qu’au Sénat.

L’article 1er bis a été adopté conforme et n’est donc plus ouvert à la discussion. Il crée un statut de maître de stage agréé en maïeutique pour les sages‑femmes, ce qui met fin à une anomalie qui a curieusement perduré jusqu’à aujourd’hui.

L’article 2, qui est l’autre article phare de cette proposition de loi, allonge les études de maïeutique par l’ajout d’un troisième cycle d’une durée d’un an. La formation passera ainsi de cinq à six ans, et les sages‑femmes auront désormais le statut de docteur en maïeutique. Cette évolution sera bénéfique à tous points de vue : le caractère médical de la profession sera mieux reconnu ; la charge des études, très lourde pendant le second cycle, sera mieux répartie ; la formation en physiologie sera renforcée ; la pratique des stages sera favorisée ; la recherche en maïeutique, encore bien trop embryonnaire en France, pourra se développer.

Cet article 2 est encore en discussion parce que le Sénat a voulu modifier la date de la mise en place du troisième cycle, qui était initialement prévue pour la rentrée 2023 pour tous les étudiants en maïeutique entamant leur première année de deuxième cycle, donc leur quatrième année d’études. Le Sénat a estimé qu’on ne pouvait pas imposer un troisième cycle à des étudiants qui s’étaient engagés dans un cursus de cinq ans. Il a donc prévu que le troisième cycle ne s’appliquerait qu’aux étudiants commençant leur deuxième année de premier cycle, autrement dit leur première année de maïeutique à proprement parler – la première année étant celle du parcours d’accès spécifique santé, commune aux études de santé. Comme l’examen de la proposition de loi a pris un peu de retard, la date d’application, initialement prévue le 1er septembre 2023, a été reportée d’un an pour ménager le temps nécessaire à l’élaboration des mesures d’application.

Le Sénat me semble avoir adopté une mesure de bon sens, qui répond d’ailleurs à une demande convergente de l’ensemble des acteurs.

L’article 3 a été adopté conforme ; il crée un statut d’enseignant-chercheur en maïeutique, ce qui rejoint l’objectif d’encourager la recherche dans ce domaine.

Enfin, l’article 4, également adopté conforme, modifie la classification de la profession de sage‑femme au sein de la nomenclature d’activités françaises et de la nomenclature des professions et catégories socioprofessionnelles, afin de tenir compte de sa nature médicale – et non paramédicale.

J’ai conscience que cette proposition de loi ne répond pas à tous les enjeux de la profession, étant entendu que nous travaillons encore à en étendre les compétences, notamment dans des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2023. Néanmoins, elle constitue une première pierre utile, incontournable et immédiatement applicable. Il me semble qu’il pourrait recueillir l’unanimité dans sa rédaction actuelle. Je vous invite donc, comme aurait dit Annie Chapelier, à lui réserver un bon accueil.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Chantal Bouloux (RE). L’adoption à l’unanimité de cette proposition de loi à chaque étape de la procédure législative, à l’Assemblée nationale comme au Sénat, démontre sa pertinence et sa nécessité. Elle est le fruit d’un large travail de concertation, engagé lors de la précédente législature par notre collègue Annie Chapelier, à laquelle je rends hommage. La dynamique transpartisane qu’elle a naturellement suscitée s’érige en modèle d’un travail parlementaire utile et efficace, que nos concitoyens appellent unanimement de leurs vœux.

Sur le fond, cette proposition de loi vise un double objectif : prendre acte de la montée en compétences constante et continue de la profession de sage‑femme au cours des dernières années ; adapter le contenu et la durée des formations universitaires qui y préparent.

La pleine intégration de la formation de sage‑femme dans les structures universitaires existantes permettra de l’améliorer sensiblement tout en apportant une homogénéisation des parcours entre les professions médicales. L’excellence des parcours en maïeutique sera reconnue, avec la création d’un troisième cycle, sanctionné par la délivrance d’un doctorat et offrant la possibilité de l’exercice quotidien d’une activité de recherche en parallèle de l’activité professionnelle. Conformément au code de la santé publique, la profession de sage‑femme entrera dans la nomenclature des professions médicales.

Cette reconnaissance de la réalité du métier de sage‑femme est une mesure de justice contribuant à valoriser une profession qui, aussi surprenant que cela puisse paraître, n’est pas encore reconnue comme une profession médicale à part entière. Compte tenu de l’avancée majeure que constitue la proposition de loi pour la formation au métier de sage‑femme et pour le quotidien des professionnels concernés, le groupe Renaissance votera le texte.

M. Serge Muller (RN). Comme l’a rappelé l’Ordre des sages‑femmes, qui parle de crise profonde de la profession, le métier de sage‑femme attire moins qu’avant. Ce manque d’attractivité a été aggravé par une vague de radiations, qui a contribué à dégrader davantage la qualité et la sécurité des soins, en raison d’un manque de moyens humains. Une réforme s’imposait donc, pour rendre le métier attractif et assurer la bonne qualité de la vie au travail des sages‑femmes et des soins prodigués à nos concitoyennes.

La profession et le syndicat étudiant réclamaient certaines mesures, telles que la pleine intégration universitaire de la formation, le développement de la recherche en maïeutique et la reconnaissance statutaire du caractère médical des sages‑femmes. Tout cela permettrait de mieux prendre en compte l’évolution de la profession au cours des dernières années, tant du point de vue de la complexité des tâches à réaliser que de la polyvalence du rôle des sages‑femmes.

La présente proposition de loi permet en partie de répondre aux demandes des organisations syndicales. Il y a de bons points, s’agissant notamment de l’accompagnement des étudiants en stage. Cette période est souvent très difficile pour les étudiantes et les étudiants, livrés à eux-mêmes dans un hôpital où tout va très vite. Avec un maître de stage au sein de l’hôpital, ils apprendront leur métier de manière mieux encadrée et pourront mieux réguler leurs horaires souvent très longs.

La date d’intégration des écoles de sages‑femmes à l’université est sans doute trop tardive. La profession demandait 2024, tant la baisse d’attractivité du métier devient problématique. Toutefois, la date de 2027, inscrite dans le texte, demeure raisonnable.

Nous sommes favorables à la proposition de loi.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous sommes nombreux à rencontrer des sages‑femmes dans nos circonscriptions, donc à être régulièrement confrontés au mal-être résultant de la tension entre, d’un côté, une aspiration à un acte professionnel jugé noble, consistant à soulager une femme enceinte et mettre au monde son enfant, et, de l’autre, des conditions d’exercice susceptibles de le mettre en difficulté.

Dès lors qu’il s’agit d’accroître et d’améliorer les qualifications des sages‑femmes sur plusieurs plans, nous y sommes favorables. Nous voterons donc le texte. Le décalage entre le statut des sages‑femmes et leur formation initiale résulte d’une forme de tutelle exercée par les gynécologues sur leur activité professionnelle. Si nous avons l’occasion d’en discuter, c’est avant tout grâce aux mobilisations des premières concernées en 2021.

Le texte propose des pistes intéressantes. Sur le plan symbolique, il médicalise l’exercice du métier en créant un doctorat en maïeutique. Sur le plan professionnel, il améliore la formation et les rapproche des pharmaciens et des médecins. Sur le plan du progrès social, il favorise la recherche dans cette discipline.

Toutefois, il faut prêter attention, me semble-t-il, à l’aspect matériel de l’affaire. Sans revalorisation salariale, la reconnaissance demeure souvent un vœu pieux. Un quart des sages‑femmes n’ont pas touché les primes et les revalorisations accordées en 2021, notamment les sages‑femmes hospitalières, contractuelles et territoriales, ainsi que celles travaillant dans le privé. L’Inspection générale des affaires sociales, dont je puis témoigner qu’elle n’est pas un repère de marxistes-léninistes, a indiqué en septembre 2021 qu’il faut revaloriser à hauteur de 600 euros les entrantes dans le métier pour garantir l’attractivité et la dignité des conditions d’exercice professionnel.

Nous voterons le texte, en espérant qu’un geste salarial sera obtenu soit dans cette salle, soit par leur mobilisation à venir, que nous soutiendrons totalement.

M. Yannick Neuder (LR). La présente proposition de loi vise à faire évoluer le statut et la formation des sages‑femmes. Comme c’est le cas des autres professions de santé, leur rôle, leur domaine de compétence et leur champ d’action ont beaucoup évolué au cours des dernières années, et continueront à évoluer. Cet état de fait révèle le flou persistant qui entoure le véritable statut des sages‑femmes et accentue leur impression d’être dans une zone grise, entre médical et paramédical.

L’enseignement a connu d’importantes évolutions, mais par à-coups, sans que la profession de sage‑femme soit jamais pleinement reconnue comme devant faire l’objet d’un parcours universitaire. C’est à Grenoble, en 1992, et dans le reste de la France en 2002, que la première année du premier cycle des études de médecine est devenue commune à toutes les écoles de sages‑femmes, ce qui a fait passer de quatre à cinq leur nombre d’années d’études.

Trente ans après, nous constatons que cette année commune a profondément modifié la sociologie des étudiants en maïeutique. Désormais, les promotions sont issues d’un classement commun avec la médecine, l’odontologie et, depuis la création de la première année commune aux études de santé, avec la pharmacie, et non exclusivement d’une orientation avec vocation.

Toutefois, l’hétérogénéité de l’enseignement perdure, car il est de la compétence des régions, ce qui induit des disparités sur le territoire national. La loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales confie aux régions la régulation et le financement des écoles de sages‑femmes, comme s’il s’agissait d’une formation paramédicale, en dépit du statut médical des sages‑femmes.

Il est nécessaire de mieux définir les compétences des sages‑femmes et de faire évoluer leur formation initiale. La profession de sage‑femme ne se limite plus à l’accompagnement de la naissance. Ses missions ont été largement élargies au suivi gynécologique, à la contraception, à l’orthogénie, à la procréation médicalement assistée, à la rééducation périnéale, à la prévention et à l’éducation.

Récemment, de nouvelles missions leur ont été confiées en matière de premier recours, d’interruption volontaire de grossesse (IVG), de vaccination, de prescription d’arrêt de travail et de dépistage des infections sexuellement transmissibles. Cette extension de compétences, conciliée à un volume de formation très dense, nécessite un ajustement pédagogique pour mieux former les sages‑femmes et leur donner les outils nécessaires à leur rôle majeur et renouvelé.

Le groupe Les Républicains, favorable à l’universitarisation de la formation des sages‑femmes, votera le texte.

Mme Maud Petit (Dem). Un an après son adoption à l’unanimité par notre assemblée lors de la précédente législature, un mois après son examen au Sénat, cette importante proposition de loi revient devant notre commission, ce qui est une excellente nouvelle. Il est urgent que le processus législatif entrepris par notre ancienne collègue Annie Chapelier arrive à son terme, pour entériner la réforme du processus de formation des sages‑femmes et le renforcement de leur statut.

Les dispositions contenues dans ce texte sont attendues par toute une profession, dont la vocation est sans doute la plus belle qui soit : accompagner le début de la vie. Trop longtemps, ce métier a été négligé et trop peu considéré. Il a fallu une mobilisation forte et constante des professionnelles pour que les choses évoluent et que le législateur s’empare de cette question.

Une première étape est franchie avec ce texte, qui permet d’intégrer la formation de sage‑femme au niveau du troisième cycle universitaire, de favoriser la conciliation des carrières hospitalo-universitaire et de reconnaître enfin cette profession comme activité de pratique médicale dans la nomenclature française.

La majorité des articles ont été votés conformes au Sénat, sauf ceux prévoyant la date des premières rentrées universitaires concernées. Le groupe Démocrate considère que le texte doit être voté conforme à celui du Sénat pour qu’il entre en vigueur le plus rapidement possible.

Certes, des questions restent en suspens, notamment la rémunération et la délégation de tâches, mais il importe de conclure cette première étape avant de poursuivre nos travaux et nos discussions avec les parties prenantes, pour progresser dans la reconnaissance de ce métier. Le groupe Démocrate votera le texte avec enthousiasme.

M. Arthur Delaporte (SOC). La présente proposition de loi était très attendue. Elle est donc la bienvenue.

La profession de sage‑femme traverse une crise sans précédent, tant les conditions de travail sont difficiles. Dans une maternité sur cinq, il manque au moins dix postes de sages‑femmes. Par ailleurs, les sages‑femmes accumulent de plus en plus de missions. Est-il normal de laisser certaines et certains affronter des permanences de douze heures, seuls parfois ? Est-il normal que des femmes sur le point d’accoucher doivent faire plus d’une heure de route ?

Pour avoir des sages‑femmes formées en nombre suffisant, il fallait une proposition de loi telle que celle d’Annie Chapelier, adoptée à l’unanimité ici même il y a un an, puis au Sénat. Elle doit être votée conforme pour que nous nous attaquions enfin à l’évolution de leur formation, qui est la première pierre de la revalorisation de ce métier essentiel et de l’amélioration de la reconnaissance dont il fait l’objet.

L’universitarisation tant attendue arrivera avec six ans de retard sur la date cible fixée par la direction générale de l’offre de soins. Mieux vaut tard que jamais ! La création d’un troisième cycle universitaire consolidera la formation et permettra de cumuler pratique et recherche, ce qui comblera un retard certain par rapport aux autres professions médicales.

J’espère que nous serons tout aussi unanimes pour continuer le travail sur la revalorisation de la profession et dénoncer les dysfonctionnements des études de sage‑femme relevant du pouvoir réglementaire. Léa est en troisième année à Brest. Elle effectue vingt‑quatre semaines de stage dans l’année, à 112 kilomètres en moyenne du centre hospitalier universitaire de référence. Elle parcourt près de 10 000 kilomètres par an. Savez-vous à combien s’élèvent ses indemnités kilométriques ? Zéro, car elle est en premier cycle. Sa gratification ? Zéro aussi. À Caen, aucun des neuf terrains de stage ne propose un logement, alors qu’ils sont éloignés de 65 kilomètres les uns des autres.

Cette situation n’est pas digne du formidable engagement des étudiantes sages‑femmes au quotidien. Selon leur association, sept étudiantes sur dix présentent des symptômes dépressifs. Faisons mieux, chers collègues ! Elles le méritent. La société a besoin d’elles.

M. Frédéric Valletoux (HOR). Dans un système de santé dont nous savons qu’il est en crise, les sages‑femmes ont pris une place tout à fait singulière. Au fil des années, leur mission a fait l’objet d’extensions successives, pour inclure la contraception, la consultation gynécologique de prévention et, depuis la promulgation de la loi de modernisation de notre système de santé, la pratique de l’IVG médicamenteuse.

Les sages‑femmes françaises exercent les compétences les plus étendues d’Europe au service de la santé des femmes, mais leur formation ne s’est pas suffisamment adaptée à cette évolution. La présente proposition de loi vise donc un double objectif : affirmer le statut médical des sages‑femmes en faisant évoluer leur formation initiale ; mieux définir et reconnaître le rôle qu’elles jouent dans l’accompagnement des femmes et des jeunes enfants.

Elle découle de plusieurs constats. J’en retiendrai trois.

En dépit d’avancées récentes, l’intégration universitaire de la formation initiale des sages‑femmes demeure faible et inégale sur le territoire, ce qui constitue une exception au sein des professions médicales. Le texte prévoit plusieurs avancées, telles que le développement d’une culture commune des formations aux professions médicales, susceptible de favoriser plus tard la collaboration entre elles, et l’amélioration, pour les étudiants en maïeutique, de l’accès à la recherche.

En outre, l’intégration universitaire constitue un symbole de reconnaissance pour la profession. Le statut régional et hospitalier de la formation de sage‑femme tend à l’isoler au sein des formations médicales.

Enfin, le rapprochement des écoles de sage‑femme et de l’université semble nécessaire pour favoriser le développement de la recherche en maïeutique et le recrutement d’enseignants-chercheurs dans cette discipline.

Favorable à ces évolutions tout à fait positives, le groupe Horizons et apparentés s’associe aux autres groupes pour voter la proposition de loi.

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Je suis ravie de m’exprimer sur cette proposition de loi, qui vise à améliorer la formation des sages‑femmes. Les sages‑femmes sont des professionnelles de santé essentielles. Leur travail est crucial pour la santé des femmes et des nouveau-nés.

Comme l’a rappelé Raymonde Poncet Monge, sénatrice du groupe Écologiste et autrice d’un rapport sur cette proposition de loi, les sages‑femmes françaises, qui sont à 97 % des femmes, sont celles qui exercent le plus de responsabilités en Europe. Leur travail va bien au-delà de l’accouchement en salle de naissance. Elles réalisent des actes de prévention, de diagnostic et de prescription en obstétrique, en gynécologie et en pédiatrie.

La filière des sages‑femmes demeure trop peu reconnue comme profession médicale à part entière. Les sages‑femmes ont la conviction de ne pas être suffisamment légitimées ni valorisées, en dépit du caractère médical de leur activité et de l’étendue de plus en plus large de leurs compétences, donc de leur responsabilité. La profession vit un profond mal-être. La reconnaissance de leur statut passe nécessairement par une révolution de leur formation.

La présente proposition de loi prévoit de parachever l’intégration universitaire de la formation de sage‑femme en vue d’homogénéiser leur niveau de formation et de décloisonner les formations en santé dans le cadre des UFR de médecine et de santé. La formation des sages‑femmes sera complétée par un troisième cycle d’études, sous la forme d’une sixième année, contre cinq à l’heure actuelle.

Même si la proposition de loi ne résout pas toutes les difficultés de la profession, elle n’en est pas moins vivement attendue, car elle tient compte – enfin ! – de certaines revendications formulées de longue date par les sages‑femmes, et vise à reconnaître la maïeutique comme profession médicale et non paramédicale. Les écologistes la soutiennent pleinement et n’ont déposé aucun amendement.

Par ailleurs, ces femmes souhaitent que leur profession s’appelle « sage‑femme » et non « maïeuticien-maïeuticienne ».

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Notre groupe se réjouit d’examiner à nouveau cette proposition de loi, cosignée par nombre d’entre nous. Elle est le fruit du travail sérieux et engagé de Mme Annie Chapelier, dont nous espérons que cet aboutissement la réjouira.

La situation des sages‑femmes est symptomatique de la crise d’attractivité vécue par de nombreuses professions médicales, et plus largement par le monde de la santé. Il importait de traiter au moins un des aspects du problème : la formation.

La proposition de loi apporte une réponse concrète à l’inachèvement et à l’hétérogénéité de l’intégration universitaire de cette profession. Tout le monde s’accordera sur la nécessité d’améliorer et d’homogénéiser la formation de sage‑femme, compte tenu des compétences de plus en plus importantes que nous leur confions. Le texte apporte aussi des améliorations en matière de recherche en maïeutique. Nous appelons à les soutenir davantage par la mise en œuvre de bourses doctorales ciblées sur ce sujet largement sous-investi.

Cette proposition de loi est une première étape nécessaire, mais incomplète. Tôt ou tard, il faudra résorber l’entre-deux dans lequel les sages‑femmes sont placées. Nous ne pouvons pas continuellement étendre leur champ d’intervention, de compétence et de responsabilité sans améliorer leur statut, s’agissant notamment de la distorsion entre exercice libéral et hôpital.

Il faut en finir avec le flou existant, qui donne aux sages‑femmes le sentiment d’être dans une zone grise entre médical et paramédical. Cette question n’est pas secondaire. Elle est au cœur de la sensible dégradation de l’attractivité de l’exercice hospitalier.

Notre groupe soutient la proposition de loi.

M. le rapporteur. Chers collègues, je vous remercie toutes et tous du soutien unanime que vous apportez à la proposition de loi. Il fait honneur au travail de notre collègue Annie Chapelier et rend hommage à la profession de sage‑femme.

J’ai bien conscience, comme chacun d’entre vous, qu’il ne s’agit que d’une première pierre, et qu’il faut faire évoluer plusieurs dispositions. Ce n’est pas pour rien qu’Annie Chapelier avait rédigé une proposition de loi de vingt-six articles, mais parce que ce sujet mérite d’être exploré de façon exhaustive.

Nous pouvons néanmoins être heureux de poser ce premier jalon, qui permettra d’avancer vers la reconnaissance qu’elles méritent.

Article 1er : Intégration universitaire de la formation initiale des sages‑femmes

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 : Création d’un troisième cycle d’études pour les étudiants en maïeutique

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

 

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En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0618_texte-adopte-commission#

 


([1]) L’article 60 de la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires a prévu que la formation initiale des sages‑femmes peut être organisée au sein des universités, sous réserve de l’accord du conseil régional portant notamment sur les modalités de financement de la formation et après un arrêté des ministres chargés de la santé et de l’enseignement supérieur.

([2]) https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12644508_6399d431c28fe.commission-des-affaires-sociales--creation-d-une-aide-universelle-d-urgence-pour-les-victimes-de-vi-14-decembre-2022