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N° 623

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE, EN VUE DE LA LECTURE DÉFINITIVE,
DU PROJET DE loi de finances pour 2023

 

Par M. Jean-RenÉ CAZENEUVE

Rapporteur général,

Député

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 Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1ère lecture : 273, 292 et T.A. 26.

 Commission mixte paritaire : 599.

 Nouvelle lecture : 598, 604 et T.A. 50.

Sénat :  1ère lecture : 114, 115 et T.A. 30 (2022-2023).

 Commission mixte paritaire : 184 et 185 (2022-2023).

 Nouvelle lecture : 203, 213 et T.A. 39 (2022-2023).


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Lors de sa séance du 15 décembre 2022 matin, le Sénat, adoptant la question préalable, a rejeté, en nouvelle lecture, le projet de loi de finances pour 2023.

Conformément aux dispositions du dernier alinéa de l’article 45 de la Constitution, l’Assemblée nationale est saisie d’une demande du Gouvernement tendant à ce qu’elle statue définitivement.

La commission mixte paritaire, réunie le 6 décembre 2022, n’ayant pu parvenir à l’adoption d’un texte commun, l’Assemblée nationale doit se prononcer sur le texte qu’elle a adopté en nouvelle lecture.

Dans ces conditions et en application du troisième alinéa de l’article 114 du Règlement, la commission des finances, qui s’est réunie le 15 décembre 2022 après‑midi, propose d’adopter définitivement le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution, en nouvelle lecture, le 13 décembre 2022.

 

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Lors de sa réunion du jeudi 15 décembre 2022, la commission a examiné, en lecture définitive, le projet de loi de finances pour 2023 (n° 598).

M. le président Éric Coquerel. Notre ordre du jour appelle l’examen, en lecture définitive, du projet de loi de finances pour 2023.

Nous concluons ainsi nos travaux de l’automne. C’est l’occasion pour moi de vous présenter un bilan chiffré des trois derniers mois.

Depuis le 26 septembre, date de dépôt du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la commission s’est réunie à trente-six reprises – sans compter la présente réunion – et a consacré vingt-trois de ces réunions à l’examen du texte. L’an dernier, elle avait tenu trente-cinq réunions durant la même période.

En commission, en première lecture, 3 107 amendements ont été déposés sur le PLF pour 2023 ; 2 189 ont été examinés et 205 adoptés. L’an dernier, 2 642 amendements avaient été déposés, 1 824 examinés et 75 adoptés à ce stade. Nous avons consacré près de 70 heures à l’examen du texte, contre 50 heures l’an dernier.

En nouvelle lecture, 358 amendements ont été déposés en commission, 293 examinés et 183 adoptés, et nous y avons consacré un peu plus de 6 heures, contre 4 heures l’année précédente.

En séance publique, l’examen du PLF a duré 92 heures et 38 minutes en première lecture, ce qui est difficilement comparable aux 210 heures qui y avaient été consacrées l’an dernier. Chacun en connaît les raisons. Si cela n’a permis d’examiner que 1 214 amendements sur les 6 971 qui avaient été déposés, on peut toutefois relever que le nombre d’amendements a crû significativement par rapport à l’année passée, où 5 698 avaient été déposés à ce stade.

En ce qui concerne l’examen en nouvelle lecture, je n’ai pas besoin de vous rappeler qu’aucun des 706 amendements déposés en séance publique n’a été examiné.

Avec 11 142 amendements déposés au total en commission et en séance, le PLF pour 2023 aura connu un nombre d’amendements supérieur à la moyenne des cinq projets de loi de finances de la précédente législature, qui s’établissait à près de 9 800. J’y vois un motif d’espoir : depuis le début de l’examen du texte, la menace du 49.3 n’a pas empêché l’initiative parlementaire de prospérer. Toutefois, ce nombre contraste fortement avec celui des dispositions d’origine parlementaire retenues dans le texte qui sera promulgué dans quelques jours.

Mme la Première ministre a fait savoir à Mme la présidente de l’Assemblée nationale que le Gouvernement, conformément aux dispositions du quatrième alinéa de l’article 45 de la Constitution, demande à notre assemblée de statuer définitivement sur le PLF pour 2023.

À ce stade de la discussion, conformément à l’article 45 de la Constitution, il n’est possible de modifier le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale qu’en reprenant, le cas échéant, un ou plusieurs amendements adoptés par le Sénat en nouvelle lecture. Or, ce matin, le Sénat a voté la motion, présentée par M. Jean-François Husson au nom de la commission des finances, tendant à opposer la question préalable au texte considéré comme adopté en nouvelle lecture par notre assemblée.

Tout à l’heure, en séance publique, le Gouvernement utilisera immédiatement le 49.3, ce qui nous privera de débat. Je propose donc de laisser la parole à un orateur de chaque groupe, pour une intervention de deux minutes, après ma propre intervention et celle du rapporteur général.

Nous allons donc avoir droit à un dixième 49.3. Au départ, cet outil a servi à éviter de voter. Ensuite, il a permis de faire en sorte qu’il n’y ait pas une seule minute de débat. « À quoi bon débattre », nous a-t-on dit, « puisque de toute façon les oppositions avaient indiqué dès le départ qu’elles ne souhaitaient pas voter le budget ? » L’argument n’est pas recevable. D’une part, ce n’est pas vrai de toutes les oppositions. D’autre part, chacun comprendra que l’on ne saurait conditionner le débat au fait que les oppositions acceptent de voter le budget. Une telle logique pourrait conduire assez loin.

En ce qui me concerne, je crois que, s’il n’y a eu ni débat ni vote, c’est parce que le Gouvernement est minoritaire à l’Assemblée et qu’il n’aurait pas réussi à faire adopter son budget. En soi, le 49.3 pose un problème démocratique, mais la manière dont il a été utilisé est spécifique : vous y avez eu recours non pas à cause de la présence de frondeurs dans vos rangs, ni parce que l’opposition faisait de l’obstruction, mais parce que vous n’aviez pas de majorité.

En dépit de cela, vous auriez pu rendre le 49.3 un peu plus supportable pour l’Assemblée dans son ensemble si vous aviez retenu certaines des mesures importantes qui avaient rassemblé une majorité dans les deux chambres – pas forcément à travers un vote en séance en ce qui concerne l’Assemblée, car la discussion s’est arrêtée pour la première partie avant l’article 5, ce qui ne nous a pas permis d’établir, par exemple, qu’une majorité d’entre nous souhaitait à tout le moins reporter la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE), comme cela a été le cas au Sénat.

Plusieurs amendements, quoique différents, témoignaient également d’une volonté commune de consacrer davantage de moyens à l’isolation thermique des bâtiments. Il en allait de même pour le soutien au rail.

Le Gouvernement avait là l’occasion d’entendre les revendications de l’Assemblée et de prendre en considération la nouvelle période politique qui s’ouvre, caractérisée par une absence de majorité. Cela aurait été préférable pour tout le monde.

À l’inverse, le Gouvernement a intégré des articles importants qui n’avaient été débattus ni en commission ni en séance, que ce soit ici ou au Sénat. J’en suis très étonné.

Il s’agit, par exemple, de la disposition relative aux captives de réassurance, qui crée une véritable niche fiscale. Bruno Le Maire avait pourtant affirmé à Valérie Rabault, en séance, que cet article ne serait pas introduit.

De même, un article modifie le fonctionnement du compte personnel de formation : les salariés devront désormais payer une partie des formations.

Le « loto de la biodiversité » figure lui aussi dans le texte final, alors que, pour le coup, la disposition avait été écartée en commission, y compris avec les voix de membres de la majorité. Il ne s’agit pourtant pas d’un dispositif important, structurel, ce qui aurait pu justifier qu’il soit retenu malgré tout.

Il aurait mieux valu éviter de tels ajouts, s’expliquant par je ne sais quelles pressions, dans un projet de loi adopté par ailleurs dans des conditions particulières.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Ce budget est protecteur. Il plafonne la hausse des prix de l’électricité et du gaz pour l’ensemble de la population. Plusieurs mesures visent à aider les entreprises – je pense notamment à l’« amortisseur » électricité et au dispositif en faveur des entreprises énergo-intensives. S’agissant des collectivités territoriales, le texte prévoit une hausse exceptionnelle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) et un nouveau filet de sécurité renforcé. À travers ces mécanismes, il s’agit de faire en sorte que l’inflation pèse le moins possible sur nos concitoyens.

Ce budget traduit également nos priorités. L’éducation bénéficie ainsi d’un effort supplémentaire de 3,7 milliards d’euros, consacrés en particulier à l’augmentation des salaires des enseignants. Le texte prévoit 3 milliards d’euros de plus pour la défense. Personne ne saurait contester l’importance de se réarmer, compte tenu du contexte international. Des investissements très importants en faveur du ministère de l’intérieur – 1,2 milliard d’euros supplémentaires – permettront de créer 200 brigades de gendarmerie et de rouvrir plusieurs sous-préfectures. Le ministère du travail, pour sa part, se verra octroyer 6,7 milliards d’euros de plus. Nous soutenons l’apprentissage. S’agissant de la rénovation thermique, nous avons lancé le fonds vert doté de 2 milliards d’euros, et augmenté de plus de 500 millions d’euros les crédits consacrés à MaPrimeRénov. Celle-ci doit être améliorée, certes, mais elle fonctionne.

Enfin, et c’est tout aussi important, ce budget nous permet de maîtriser la dépense publique. La charge de la dette a augmenté de manière significative cette année, et ce sera encore le cas l’année prochaine, du fait de la remontée des taux et de l’accroissement du déficit. Nous devons passer sous la barre des 3 % de déficit en 2027. Il en va de notre crédibilité et de la soutenabilité de la dette que nous léguons à nos enfants. Cela suppose de maintenir le déficit en dessous de 5 % l’année prochaine.

Je comprends que ce ne soit pas suffisant pour ceux qui souhaitent que l’on freine très fortement les dépenses publiques ; c’est trop, en revanche, pour ceux qui considèrent qu’il faut soutenir ces dernières. Nous avons trouvé un équilibre entre ces deux positions. Il importe de ne pas répéter les erreurs commises en 2008 : à l’époque, le resserrement budgétaire avait été trop rapide. Or les incertitudes concernant l’année prochaine sont encore trop nombreuses, sur le plan géopolitique comme sur le plan macroéconomique, pour que nous allions au-delà de ce qui est prévu.

Je remercie l’ensemble des députés pour le travail que nous avons fait sur ce PLF. Certes, la situation n’est pas entièrement satisfaisante – j’essaie d’être le plus honnête possible. L’examen du PLF a pris une forme assez inhabituelle, mais nous avons quand même passé plus de 150 heures à en débattre, en commission et dans l’hémicycle, et plusieurs centaines d’amendements ont été adoptés.

D’ailleurs, les apports du Parlement sont importants. Les véhicules des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS) ont été exonérés du paiement du « malus CO2 » et du « malus poids ». Le filet de sécurité pour les collectivités territoriales a été beaucoup amélioré. Le plafond du crédit d’impôt pour les frais de garde d’enfants a été relevé, de même que celui du taux réduit d’impôt sur les sociétés (IS) pour les petites et moyennes entreprises (PME). Le plafond d’exonération des tickets-restaurants a été relevé lui aussi. Une demi-part supplémentaire a été accordée à tous les conjoints survivants d’anciens combattants. Il est également proposé d’octroyer 140 millions d’euros supplémentaires aux régions et 300 millions aux autorités organisatrices de la mobilité (AOM), en Île-de-France comme en province. Nous avons aussi augmenté la part des taxes affectées versée aux chambres d’agriculture et aux chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

Tout cela représente un travail important, effectué dans un contexte assez particulier, mais dont on trouve la traduction dans le texte. En outre, la majorité et le Gouvernement ont entendu tous les débats qui ont eu lieu.

Je ne partage pas certaines des observations faites par le président, même si, par ailleurs, nous nous retrouvons sur plusieurs constats – il est vrai que nous n’en tirons pas les mêmes conséquences s’agissant des moyens à mettre en œuvre.

Le Gouvernement devrait il est vrai, en séance publique aujourd’hui, utiliser le 49.3. S’il le fait avant la discussion générale, ce n’est pas pour empêcher que celle-ci ait lieu. Une motion de rejet préalable a été déposée : si elle était adoptée, nous n’aurions pas de budget. Nous aurions tous aimé avoir une nouvelle occasion d’expliquer nos positions, mais comprenez que le pays a besoin d’un budget au 31 décembre.

Certains peuvent avoir eu le sentiment, tout au long de l’examen du PLF, que la discussion était raccourcie, mais voyez où nous en sommes : malgré ce qui s’est passé, le budget sera adopté dans le courant du week-end, le 17 ou le 18 décembre. Compte tenu de l’obligation d’adopter le budget avant la fin de l’année, nous n’avions aucune marge. Les décisions que nous avons prises pour arrêter les débats étaient justifiées par ces délais.

Même si les Français le savent, il est bon de rappeler que le 49.3 aura été utilisé dix fois, certes, mais pour un seul budget – avec, d’un côté, le projet de loi de finances et, de l’autre, le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il ne faudrait pas donner l’impression que dix textes différents sont passés de cette manière.

Enfin, monsieur le président, la question de la captive de réassurance a été débattue et votée en commission : elle ne fait pas partie de celles qui n’ont pas été abordées.

M. le président Éric Coquerel. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Vous me permettrez de remercier d’abord M. le rapporteur général pour le travail considérable qu’il a effectué, et qui est d’ailleurs reconnu par tous les groupes. Nous saluons également votre présidence, monsieur Coquerel.

Nous saluons aussi l’ensemble des députés qui ont participé de manière assidue à nos travaux.

Nous saluons enfin les fonctionnaires et les collaborateurs des groupes politiques.

L’humilité devrait être de mise face aux enjeux auxquels nous sommes confrontés. Nous subissons un niveau d’inflation comme nous n’en avons pas connu depuis quarante ans, ainsi qu’une crise énergétique exceptionnelle. Les tensions géopolitiques sont majeures. Je regrette que nous ne soyons pas capables de chercher ensemble des solutions.

Le compromis suppose toujours des agents. À cet égard, dans la mesure où l’ensemble des oppositions avaient déclaré dès le départ qu’elles voteraient contre le budget, ce sont elles, hélas, qui sont responsables de l’utilisation du 49.3.

Par ailleurs, le compromis, ce n’est pas la compromission. « Nous aurions pu voter votre budget, mais à nos conditions », dites-vous en substance. Malheureusement pour vous, le projet du Président de la République a été majoritaire dans les urnes. Il est donc inconcevable pour nous d’accepter des propositions qui alourdiraient soit l’endettement soit les impôts.

Comme l’a rappelé M. le rapporteur général, ce budget est protecteur. Il est efficace contre l’inflation – nous avons obtenu dans ce domaine des résultats sans précédent, et le budget permettra de les prolonger. C’est un budget au service de l’emploi et du pouvoir d’achat. Tout en poursuivant les baisses d’impôt, nous finançons nos priorités, à savoir les domaines régaliens, l’éducation et la transition écologique.

Ce budget est compatible avec une trajectoire vertueuse pour nos finances publiques. Il démontre du sérieux budgétaire – ce qui n’est ni l’austérité voulue par certains, ni le laxisme proposé par d’autres. Ce faisant, il est important et utile ; le groupe Renaissance en est très fier.

M. Jean-Philippe Tanguy (RN). Nous nous associons aux remerciements adressés au rapporteur général et au président.

Je tiens à vous le dire, monsieur le président, car nous sommes opposés sur le fond et nous nous sommes également opposés lors de l’élection à la présidence de la commission. Je salue l’esprit républicain qui anime votre présidence, ainsi que la façon dont sont traités tous les groupes et celle dont vous menez les débats. Notre groupe n’a jamais eu à se plaindre de votre présidence, bien au contraire.

Je salue aussi M. Cazeneuve, qui tient compte régulièrement de nos remarques, ce qui est la meilleure façon possible de travailler.

Par ailleurs, je profite de ce moment pour m’excuser publiquement auprès de notre collègue Patricia Lemoine pour le ton inapproprié avec lequel je lui ai répondu hier.

En ce qui concerne le texte en lui-même, je ne reviendrai pas sur nos désaccords : non seulement cela ne servirait à rien, mais je ne dispose que de deux minutes pour le faire… J’avais préparé également une intervention de cinq minutes pour la discussion générale en séance, mais elle ne servira à rien ! Ce n’est pas grave…

Je regrette que nous n’analysions pas assez, dans cette commission, la manière de résoudre les problèmes. C’est la faute du Gouvernement, d’ailleurs, et non celle des parlementaires. Si nous nous intéressions, par exemple, à la structure de l’inflation, nous pourrions prendre des mesures vraiment désinflationnistes. Nous devrions également identifier les sources d’économie, de façon à améliorer l’efficacité de la dépense publique. Sans vouloir parler à leur place, je repense à la proposition de nos collègues des Républicains consistant à créer une commission transpartisane répondant précisément à cet objectif ; moi-même, j’ai adressé des propositions allant dans ce sens à M. Attal. Il s’est limité à lancer une mission sur le logement qui ne me semble pas à la hauteur des enjeux. Nous devrions travailler de manière transpartisane sur ces questions, pendant plusieurs années, de manière à aller au-delà des polémiques.

Sur la forme, je réitère les propos que j’ai tenus la semaine dernière. Il ne s’agissait pas, d’ailleurs, de lancer une polémique. Comme l’a dit M. le rapporteur général, ces dix 49.3 n’en forment en fait qu’un seul. Notre action collective manque de lisibilité ; une partie de l’opinion publique est même exaspérée par des manœuvres parlementaires qu’elle ne comprend pas. Nous devons réfléchir ensemble à la manière de faire apparaître qu’il n’y a qu’un 49.3, sur un budget, et non pas dix.

Mme Véronique Louwagie (LR). Je me joins aux remerciements qui vous ont été adressés, monsieur le rapporteur général, ainsi qu’à vous, monsieur le président, pour la manière dont l’examen du texte et les débats ont été organisés pendant toute cette période.

Sur la forme, monsieur le rapporteur général, il est vrai que nous avons débattu de nombreuses heures, mais les échanges dans l’hémicycle sont importants : non seulement ils sont souvent forts et pertinents, mais ils sont souvent, pour le Gouvernement, l’occasion de prendre des engagements.

En ce qui concerne la première partie du PLF, nous avons été très contrariés de voir revenir en nouvelle lecturel’article 40 quater, même s’il n’a finalement pas été retenu, car ce n’était rien d’autre qu’une nouvelle version de l’article 23 du projet de loi de programmation des finances publiques.

S’agissant de la seconde partie, nous avons été très surpris de constater qu’un amendement du Gouvernement était inspiré par Patrick Ollier. Celui-ci n’est pourtant plus député.

Le niveau du déficit continue à nous inquiéter. Celui-ci s’est d’ailleurs creusé durant l’examen du texte, passant de 158,4 milliards à 164,9 milliards. Derrière ce chiffre, c’est le niveau de la dette qui est lui aussi inquiétant : la France sera le premier émetteur net de dette de la zone euro sur la période. Nous regrettons que la majorité et le Gouvernement renoncent à la maîtrise de la dépense publique. Il faut dépenser moins et mieux pour être capable d’investir.

Je regrette également que nous n’ayons pas suffisamment débattu à propos des mesures de soutien prévues en matière énergétique, car il s’agit d’un enjeu important. À cet égard, monsieur le rapporteur général, vous nous avez fourni un tableau concernant les dispositifs de soutien face à la hausse des prix de l’énergie, ce dont je vous remercie, car je vous l’avais demandé. Toutefois, pourriez-vous me fournir quelques éléments supplémentaires concernant les évaluations de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) qui y sont évoquées ?

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous nous associons aux félicitations adressées au président et au rapporteur général. La commission des finances a fait ce qu’elle a pu, alors que le Gouvernement nous menaçait à chaque fois d’utiliser le 49.3, vidant ainsi nos travaux d’une partie de leur substance, de la même manière qu’il a ruiné la motivation de nombreux collègues de différents groupes, qui se disent que le travail effectué en commission ne fera l’objet d’aucune discussion dans l’hémicycle. Pour les nouveaux députés, notamment, c’est un sujet de préoccupation.

Sur le fond, nous regrettons de ne pas avoir été entendus une seule fois. Il est dommage que vous ne compreniez pas que le manque d’investissements risque de coûter beaucoup plus cher en définitive. Je pense notamment à la rénovation thermique des bâtiments, à laquelle il aurait fallu consacrer davantage de moyens. Au moment même où je m’adresse à vous, certains Français ont froid dans leur logement : il arrive que la température ne dépasse pas 12 ou 13 degrés. À cause de cela, ils tombent malades. Ils font alors la queue pendant des heures devant les cabinets des médecins, mais ces derniers sont débordés car ils ne sont pas assez nombreux, faute d’une politique favorisant une médecine de proximité par l’implantation dans les territoires. Les malades qui ne sont pas reçus se tournent vers les urgences, mais les services sont eux aussi débordés : le personnel est complètement carbonisé après deux années d’épidémie de covid, mal payé et n’est plus en mesure d’accueillir les gens car l’État n’octroie pas des moyens suffisants à l’hôpital. C’est ainsi que tous les services publics sont en train de s’effondrer.

Par ailleurs, dans le projet de loi de finances, vous avez choisi de ne pas faire de redistribution. Faire payer les PME et la population en engrangeant des recettes de TVA puis donner 150 milliards d’euros aux entreprises, notamment les grandes, ce n’est pas faire de la redistribution ; restreindre les marges de manœuvre des collectivités locales pour alimenter le CAC40, qui est le grand bénéficiaire de vos mesures, ce n’est pas faire de la redistribution ; nier l’importance qu’il y a à partager les richesses et refuser d’admettre que ce sont les catégories les plus aisées de la population qui s’en sortent, ce n’est pas faire de la redistribution.

Pour toutes ces raisons, nous répétons notre opposition totale à ce projet de loi de finances.

Mme Marina Ferrari (Dem). Tout d’abord, je tiens à remercier M. Coquerel pour sa manière de présider et M. le rapporteur général pour la bonne tenue des débats tout au long de l’automne budgétaire.

Je salue le travail des rapporteurs spéciaux et de tous les membres de la commission.

Je remercie également les fonctionnaires, dont l’assistance nous est précieuse, ainsi que les collaborateurs de groupe.

Parmi les motifs de satisfaction, je voudrais mentionner le fait que ce budget permet d’aider nos concitoyens pendant la crise. Des crédits supplémentaires sont également consacrés à l’enfance en danger. Des mesures de soutien sont prévues pour les agriculteurs. La rénovation énergétique bénéficie de moyens supplémentaires. Nous poursuivons notre travail de refondation de la santé, de l’éducation nationale, des forces de sécurité et de la justice – la hausse de 8 % par an des crédits est confirmée. S’agissant des armées, nous respectons la loi de programmation militaire. Les efforts en faveur des entreprises se poursuivent. En ce qui concerne les collectivités territoriales, Joël Giraud et moi-même sommes satisfaits des avancées enregistrées : renforcement du filet de sécurité, augmentation de la DGF, refus de limiter l’évolution du foncier, création du fonds vert, suppression de l’article 40 quater, augmentation de la dotation pour la protection de la biodiversité et la valorisation des aménités rurales, répartition de la taxe d’aménagement et extension du zonage de la taxe d’habitation portant sur les résidences secondaires.

Nous regrettons toutefois l’absence d’une réforme systémique de la fiscalité du logement, malgré des propositions en ce sens. Quant à la réflexion sur le partage de la valeur, elle a été engagée mais n’est pas allée jusqu’à son terme. Enfin, malgré nos efforts, nous n’avons pas réussi à éviter le blocage par les oppositions.

Le groupe Démocrate votera ce texte. Le printemps de l’évaluation s’annonce très intéressant compte tenu du travail que nous avons fourni tous ensemble.

M. Mickaël Bouloux (SOC). Je me joins aux remerciements adressés au président, au rapporteur général et aux fonctionnaires.

Le groupe Socialistes et apparentés ne se satisfait pas de ce budget, pour trois raisons principales : outre son manque de sincérité et d’ambition écologique et sociale, nous protestons contre les méthodes employées pour le faire passer.

Vous nous parlez d’hypothèses volontaristes. Or tout le monde sait que nous n’aurons pas la croissance espérée et que l’inflation s’est installée. Si la croissance fait défaut, c’est en grande partie à cause d’un manque d’ambition en matière d’investissement, qu’il s’agisse de l’État ou des collectivités locales. Il y a tant à faire, pourtant, dans les domaines de l’écologie et du social – je pense à la rénovation des bâtiments, ou encore au soutien au train. En ne voulant sous aucun prétexte faire contribuer les plus aisés, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises, on se prive volontairement de marges de manœuvre.

Que retient-on de ce budget, en définitive ? La baisse de 8 milliards d’impôts par an, à terme, avec la suppression de la CVAE. En janvier, vous allez demander des économies sur les retraites pour un montant équivalent. Autrement dit, vous faites payer aux futurs retraités les cadeaux accordés aux grandes entreprises.

Nous protestons contre la méthode employée. Vous ne savez pas gérer la situation, qui se caractérise par un parlementarisme de fait. Par orgueil, vous restez campés sur vos positions. Il y a quelques semaines, un dialogue timide avait pourtant été noué avec les oppositions sur le second projet de loi de finances rectificative (PLFR2). Pourquoi ne pas avoir appliqué la même méthode au PLF ? En définitive, la plupart des groupes de la NUPES s’étaient abstenus pour laisser passer le budget rectificatif. Prenez-en de la graine pour l’année prochaine !

Pourquoi restez-vous campés sur ces positions libérales ? Pourquoi refusez-vous de taxer les superdividendes et les superprofits ? N’ayez crainte : nous y reviendrons. Nous ne lâcherons pas.

Face aux insuffisances de ce budget et au peu de considération affichée envers la représentation nationale, si nous avions pu voter dans l’hémicycle, nous nous serions prononcés contre le texte.

Mme Lise Magnier (HOR). Je commencerai par m’associer aux remerciements qui ont été formulés : je vous remercie, monsieur le président, de nous permettre de débattre. À travers vous, je remercie aussi l’ensemble des fonctionnaires. Nous savons l’immense travail qu’ils fournissent, notamment en cette période automnale.

Je remercie le rapporteur général et ses équipes, qui abattent une somme de travail considérable.

Je remercie tous les collègues qui ont participé à nos débats. Ceux-ci ont été riches, notamment en commission. À travers ces propos, je souhaite indiquer que je partage moi aussi le sentiment de frustration exprimé par certains à l’égard du 49.3. Toutefois, il est utile et même nécessaire d’y recourir, car notre pays a besoin d’un budget dès le 1er janvier. C’est un outil constitutionnel ; il est légitime que le Gouvernement s’en serve, même si cela ne nous permet pas d’aller au bout des débats en séance.

Il n’en demeure pas moins que nous avons abouti, au fil de nos travaux, à un budget qui répond aux préoccupations de nos concitoyens. D’abord, il opère un réarmement des compétences régaliennes – le groupe Horizons est particulièrement attaché à cette dimension. Ensuite, il contient des mesures de protection de nos concitoyens. À cet égard, nous n’avons pas oublié les agriculteurs : ils ont été dotés des outils nécessaires. Face à l’explosion des coûts de l’énergie, toutefois, les dispositifs prévus ne sont peut-être pas parfaitement calibrés pour répondre aux besoins des TPE-PME. Il faudra poursuivre les travaux sur ce point. Au moment de la crise du covid, nous avions su nous doter des outils adaptés.

Le groupe Horizons votera le PLF pour 2023.

Mme Eva Sas (Écolo-NUPES). Je m’associe aux remerciements de mes collègues pour la qualité de la présidence et des échanges que nous avons eus en commission.

Nous voici donc au terme d’un débat malheureusement tronqué et étouffé par la succession de 49.3. Le problème tient non pas tant au fait que cet instrument soit utilisé qu’au mépris envers les votes de l’Assemblée nationale et du Sénat dont témoigne le texte final.

Une majorité de députés avait ainsi voté une taxe sur les superdividendes. Cette mesure juste, émanant notamment des rangs de la majorité, visait à faire participer à la solidarité nationale ceux qui profitent de la crise et de la flambée des prix. Or la proposition a été ignorée.

L’Assemblée avait également voté 7 milliards d’euros en faveur de la rénovation thermique, se faisant ainsi le porte-voix des Français qui veulent isoler leur logement pour faire baisser leur facture d’énergie. Nous n’avons pas été écoutés : les crédits consacrés à la rénovation thermique n’ont pas augmenté, ne serait-ce qu’un peu.

L’Assemblée avait octroyé 3 milliards d’euros au développement du train, qui constitue une solution alternative crédible aux véhicules individuels. Cette disposition n’a pas été retenue.

Le Sénat, de son côté, avait voté la baisse de la TVA sur les transports en commun à 5,5 %, une mesure essentielle au moment où les transports collectifs ont besoin d’être fortement soutenus pour rétablir un service digne de ce nom et limiter les hausses de tarif pour les usagers. Cette mesure non plus n’a pas été retenue.

La seule chose que contient ce projet de loi de finances, c’est la suppression de la CVAE, énième cadeau fiscal aux entreprises, après les 10 milliards de baisses des impôts de production en 2021. En matière budgétaire, il n’y a pas de « en même temps ». Alors que nous proposons de consacrer 7 milliards à la rénovation thermique, vous optez pour une baisse d’impôt de 8 milliards pour toutes les entreprises, y compris celles qui n’en ont pas besoin. Ce sont là deux projets de société opposés.

En matière d’écologie, vous en restez aux discours et à la communication – parfois même sur YouTube. Nous, nous voulons des actes, car c’est la responsabilité majeure de notre génération de prendre le virage écologique aujourd’hui pour éviter l’effondrement demain.

M. Michel Castellani (LIOT). Je remercie à mon tour M. le président pour la façon dont il mène nos travaux, ainsi que M. le rapporteur général et l’ensemble des collègues et des fonctionnaires. Tous ont fait en sorte que nos travaux se déroulent dans un esprit tout à fait positif.

Nous regrettons nous aussi le recours répété au 49.3. Notre groupe a abordé ce budget comme les autres aspects de la politique du Gouvernement : comme une force d’opposition en même temps que de proposition.

Nous contestons plusieurs des orientations du texte. Ainsi, nous considérons que la réforme de la CVAE n’est pas la bienvenue. Elle intervient alors que les marges de manœuvre budgétaires sont déjà très contraintes : la dette atteint 111 % du PIB. Qui plus est, la réforme réduit l’importance de la fiscalité locale et coupe un peu plus encore le lien entre les élus locaux et les entreprises installées sur leur territoire. Certes, la suppression de la CVAE est compensée par le transfert d’une fraction de TVA plus importante, ce qui veut dire que le Gouvernement a choisi une ressource dynamique, mais les collectivités sont exposées à des retournements de conjoncture.

S’agissant des collectivités, nous vous avions également exhortés à renforcer la dotation globale de fonctionnement et à étendre le bouclier tarifaire. La navette parlementaire a permis quelques avancées, notamment une maigre augmentation de 320 millions d’euros de la DGF par rapport au texte initial, mais cela ne suffit pas à compenser l’inflation.

Nous ne comprenons pas pourquoi vous refusez d’instaurer une taxation suffisante des superprofits, dans une perspective non pas punitive mais de solidarité. La contribution exceptionnelle proposée par l’Union européenne dans le secteur de l’énergie est une mesure d’affichage : son rendement budgétaire est pour le moins réduit.

Cela dit, nous soutenons certaines des mesures du texte.

In fine, face à la situation difficile créée par l’inflation, nous espérons un retournement de conjoncture qui donnerait un peu d’oxygène à nos finances publiques.

M. le président Éric Coquerel. Avant de passer au vote, je vous remercie pour les mots que vous m’avez adressés. Nous avons tous contribué à faire en sorte que les travaux de la commission se déroulent dans l’état d’esprit que je souhaitais, et dans le prolongement de ce qui s’était fait précédemment.

Je remercie aussi M. le rapporteur général pour le travail qu’il a effectué, ainsi que les fonctionnaires et nos collaborateurs.

La commission adopte le projet de loi de finances pour 2023 dans le texte considéré comme adopté par l’Assemblée nationale en nouvelle lecture.

 

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