N° 663

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 décembre 2022.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI, visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilités (n° 257 rect.).

 

 

PAR M. Pierre Meurin

Député

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Voir le numéro : 257 rect.


SOMMAIRE

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Pages

Avant-Propos

COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article premier (articles L. 2213-4-1 et L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales) Abrogation de l’obligation de mise en place de zones à faibles émissions mobilité

Article 2 (article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) Suppression de l’expérimentation d’un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions mobilité

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   Avant-Propos

Cette proposition de loi, examinée dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Rassemblement national, vise à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).

Je voudrais commencer de façon liminaire par un propos philosophique parce que ce sont les grandes idées qui sous-tendent des politiques concrètes. Un représentant de l’Ademe m’a dit en audition : « Les énergies fossiles nous ont donné des possibilités quasi illimitées. Il sera difficile de trouver des solutions alternatives de même niveau. »

Cela signifie que la logique qui sous-tend les ZFE-m, à l’image de celle qui sous-tend le concept de sobriété énergétique, c’est l’idée de décroissance. Ce pessimisme scientifique et technologique revient à dire : il faut revenir en arrière pour le climat et la santé car nous ne pourrons pas inventer le « mieux demain ». Cette logique intellectuelle poussée à l’extrême conduirait à une glaciation sociale : il ne faut rien faire pour ne pas prendre de risques. On pourrait se dire que la traction humaine des véhicules est plus conforme à la transition écologique que la traction mécanique. Mais il faut toujours pousser au bout un raisonnement pour en déceler les conséquences. Sous couvert de belles et grandes idées, on peut parfois trouver les pires erreurs politiques. L’enfer est pavé de bonnes intentions.

Dans cette logique, on oublie de croire dans la science, la technique, le progrès et le développement de la société. On oublie de croire que demain sera mieux qu’aujourd’hui. On oublie donc d’investir pour l’avenir. Les ZFE-m qui rétablissent un genre de péage urbain relèvent précisément de cette logique intellectuelle décroissante : la voiture est polluante, l’automobiliste pollue, il ne doit donc plus rouler. Il n’y a pas d’alternative viable plus propre pour se déplacer. Les alternatives sont reportées à un futur lointain, il faut verbaliser dès 2025. C’est la pyramide à l’envers et une inversion totale de la progressivité à court, moyen et long terme. Nous voulons à rebours faire et entreprendre pour qu’émergent, demain, des alternatives et une intermodalité choisie par les Français qui les poussera naturellement à diminuer l’usage de leur voiture.

Les ZFE-m constituent un dispositif qui ne tient pas ses promesses en premier lieu et qui a tout de la fausse bonne idée en second lieu. Je m’attacherai à dégager des pistes de réflexion alternatives, socialement acceptables et opérantes sur le plan climatique et sanitaire. En clair, en déclaration d’intention, je souhaite une écologie sociale, consensuelle et partagée entre les Français et les territoires et non une écologie punitive, que je qualifierais de séparatiste entre d’un côté, les métropoles, qui ont absorbé et concentré l’ensemble des services de transport, de commerces, de santé et de services publics ; et de l’autre côté, les Français des zones rurales qui ont peu à peu vu se réduire l’ensemble de ces offres sur leur territoire.

Le maillage ferroviaire de notre pays a été amputé de 40 000 kilomètres de voies ferrées. Ce long mouvement de fermeture des petites lignes populaires du quotidien qui permettaient aux Français d’aller travailler dans de bonnes conditions a mené à l’explosion du trafic routier. Et alors que tout a été mis en œuvre pour démultiplier le trafic routier, il faudrait le supprimer maintenant.

La dévitalisation des villages et l’éloignement progressif de tous les services de transport, de santé et commerciaux au profit des métropoles a nécessairement conduit à un allongement des trajets en voiture. La hausse des prix de l’immobilier dans les métropoles a favorisé un exode des Français les plus modestes à l’extérieur des périmètres métropolitains. La voiture est devenue un outil de survie.

Par les ZFE-m, on attaque une deuxième phase du séparatisme qui commencera dès 2025 lorsque les premières verbalisations automatiques seront opérées. Après avoir écarté les plus modestes des logements métropolitains, les ZFE-m leur interdiront d’y pénétrer même pour y travailler. C’est pour cela que je qualifie les ZFE-m de mesure séparatiste, qui, après avoir fait des Français les oubliés de la mondialisation, les consacreront comme oubliés et exclus de la métropolisation.

Pour illustrer mon propos, une donnée me paraît saisissante : en trente ans, l’écart d’espérance de vie entre les métropolitains et les ruraux est passé de trois mois à deux ans au profit des métropolitains. Les enjeux sanitaires sont ainsi bien plus vastes que le seul bilan de 40 000 morts par an liés à la pollution de l’air aux émissions de particules fines et d’oxydes d’azote. Évidemment que nous aimerions tous qu’il n’y ait aucun mort de la pollution ; mais tous, nous aimerions aussi qu’il n’y ait, par exemple, aucun mort lié à la désertification médicale qui conduit les Français les plus modestes à ajourner voire renoncer à l’accès aux soins entraînant des progressions pathologiques irréversibles. Il y a également 1,5 million de morts dans le monde lié à l’excès de sel. On pourrait donc aussi interdire la vente de sel pour ne prendre aucun risque.

Il y a aussi des paramètres qui ne rentrent pas dans les cases d’un tableur Excel ministériel ou d’un diaporama PowerPoint. Et je voudrais vous en donner un qui relève de la science humaine, trop souvent oubliée sur l’autel des sciences dures et de la data. Les automobilistes et les Français des zones rurales se sentent aujourd’hui et depuis la crise des gilets jaunes, stigmatisés, culpabilisés et infantilisés. Ils ont donc une réaction naturelle de rejet de la transition écologique. Or, il me semble que le contrat social devrait se fonder sur une adhésion commune la plus large possible à un enjeu qui relève du bien commun. Or, ce sentiment de stigmatisation et de culpabilisation entraîne un rejet de la transition écologique par des millions de Français qui ont le sentiment qu’elle se fait contre eux. Ces paramètres sont à prendre en compte pour que la politique redevienne enfin une science humaine, un art de trouver le bien commun précisément en commun.

Plus concrètement, les ZFE-m sont fondées et organisées selon des critères contestables :

–  Les vignettes Crit’Air ne prennent en compte que l’ancienneté alors que, par exemple, une Clio Campus classée Crit’Air 3 pollue quatre fois plus qu’un SUV Range Rover. Les émissions de particules fines liées au freinage et à l’usure des pneus ne sont pas prises en compte alors qu’elles sont beaucoup plus importantes que celles liées à l’échappement. Voilà donc une idée alternative intéressante : fluidifier le trafic dans les métropoles pour limiter les émissions liées au freinage et aux embouteillages ;

–  La prime à la conversion est impossible à mettre en œuvre, sauf à coûter des milliards d’euros aux contribuables ;

–  La verbalisation dans les ZFE-m risque de mobiliser des milliers d’agents pour les constats d’infractions alors que le matériel et les ressources humaines manquent. La mesure, en plus d’être antisociale, risque d’être inapplicable ;

–  La mesure aura des effets ricochets, par exemple, concernant les artisans et les professionnels qui refuseront des clients et des chantiers dans les zones couvertes par une ZFE-m.

Les auditions conduites dans le cadre de cette proposition de loi, tout comme celles de la mission flash de la commission de MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne, ont mis à jour tous ces problèmes qui sont trop nombreux pour simplement être adaptés au risque de créer une usine à gaz de dérogations et d’aides. Il faut recommencer à zéro et refondre tout le système car les élus locaux, tout comme les Français, n’y comprennent plus rien et nous avons un devoir de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Cette proposition de loi répond donc en grande partie aux constats de la mission flash de notre commission : « Le déploiement des ZFE-m soulève des questions majeures d’acceptabilité et de justice sociale, qu’il nous faut anticiper dès à présent. Il est urgent que notre commission se saisisse pleinement du sujet. » ([1]).

Par cette proposition de loi, je propose de nous saisir collectivement du sujet en supprimant les ZFE-m, puis travailler de façon transpartisane dans une logique de coconstruction au sein de la commission pour :

–  encourager doucement avec pédagogie et quelques aides ciblées les Français à changer de véhicule en les aidant, par exemple, à passer d’une voiture des années 2000 à une voiture d’occasion des années 2010. Il s’agit d’impulser un rythme plus soutenu mais soutenable à l’extinction naturelle du vieux parc automobile ;

–  améliorer l’entretien des véhicules par des solutions techniques innovantes. Par exemple, le décalaminage réduit l’encrassement des moteurs et permet ainsi de réduire jusqu’à 50 % les émissions de polluants atmosphériques. Cette technologie pourrait être intégrée à un contrôle technique plus exigeant en termes de normes anti-pollution ;

–  préparer l’intermodalité de demain pour conduire à des mobilités durables et choisies.

Les Français attendent de nous une écologie sociale et non punitive. Ils attendent une vraie vision de long terme et que nous leur apportions des solutions et de l’espérance pour l’avenir.


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   COMMENTAIRE DES ARTICLES

Article premier
(articles L. 2213-4-1 et L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales)
Abrogation de l’obligation de mise en place de zones à faibles émissions mobilité

Supprimé par la commission

 

Cet article vise à abroger les articles L. 2213‑4‑1 et L. 2213‑4‑2 du code général des collectivités territoriales. Il supprime ainsi l’obligation de mise en place de zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m) dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants ainsi que celles où les seuils limites de qualité de l’air sont dépassés, de même que la possibilité d’y installer des dispositifs de contrôle automatisé.

I.   le droit en vigueur

A.   L’article L. 2213-4-1 DU CODE GÉNÉRAL DES COLLECTIVITÉS TERRITORIALES intaure une obligation de mise en œuvre des zfe-m

L’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales (CGCT), tel que modifié par l’article 86 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, dite « LOM », crée les « zones à faibles émissions mobilité » (ZFE-m) et en définit les modalités d’instauration. Poursuivant un objectif de « lutte contre la pollution atmosphérique », les ZFE-m sont des zones où les véhicules les plus polluants tels qu’identifiés par le système de classification « Crit’Air » sont soumis à des restrictions de circulation.

 

Le I de l’article L. 2213-4-1 distingue trois contextes de mise en place :

–  De façon volontaire dans les agglomérations et dans les zones pour lesquelles un plan de protection de l’atmosphère (PPA) est prévu ou adopté (premier alinéa du I) ;

  Depuis la LOM, de façon obligatoire avant le 31 décembre 2020 dans les zones où les valeurs limites de qualité de l’air, définies par voie réglementaire, sont dépassées (deuxième alinéa du I), ce qui concerne dix agglomérations ;

–  Conformément à l’article 119 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021, dite « climat et résilience », de façon obligatoire avant le 31 décembre 2024 dans toutes les agglomérations de plus de 150 000 habitants situées sur le territoire métropolitain (troisième alinéa du I). La liste des communes incluses dans ces agglomérations a été fixée par un arrêté publié le 22 décembre 2021 ([2]).

Le II prévoit une mise en place de la zone par un arrêté pris par l’autorité compétente sur les territoires concernés, à savoir le maire ou le président d’un établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre lorsque celui-ci dispose du pouvoir de police de circulation.

Cet arrêté fixe le calendrier, les mesures de restriction de circulation applicables, les catégories de véhicules concernés ainsi que les motifs légitimes pour lesquels il peut être accordé des dérogations individuelles ainsi que l’inclusion ou non des voies de circulation situées hors agglomération (avec l’accord du préfet et du président du conseil départemental) (premier alinéa du II).

L’arrêté est pris à l’issue d’une procédure prévue par le III :

–  Le projet d’arrêté doit s’accompagner d’une étude préalable exposant les bénéfices environnementaux et sanitaires attendus de la ZFE-m en termes d’amélioration de la qualité de l’air, ainsi que ses impacts socio‑économiques (premier alinéa du III) ;

–  Cette étude fait l’objet d’une procédure de participation du public dans les conditions prévues à l’article L. 123-19-1 du code de l’environnement, et est soumise pour avis aux autorités organisatrices de la mobilité dans les zones concernées et dans leurs abords, aux conseils municipaux des communes limitrophes, aux gestionnaires de voirie ainsi qu’aux chambres consulaires concernées (premier alinéa du III) ;

–  Une « campagne d’information locale, d’une durée minimale de trois mois », doit être menée de façon à porter à la connaissance du public « le périmètre contrôlé », « les restrictions de circulation mises en œuvre » et présenter les « alternatives à l’usage individuel de la voiture », notamment l’offre de transport public (cinquième alinéa du III) ;

–  Une évaluation régulière (au moins tous les trois ans) doit être menée par l’autorité compétente (IV de l’article).

Dans les ZFE-m rendues obligatoires en application du deuxième alinéa du I introduit par la LOM, c’est-à-dire lorsque les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées, le VI prévoit le calendrier suivant d’interdiction des véhicules particuliers dont le poids total autorisé en charge est inférieur ou égal à 3,5 tonnes :

–  Au plus tard le 1er janvier 2023 pour les véhicules Crit’Air 5 ;

–  Au plus tard le 1er janvier 2024 pour les véhicules Crit’Air 4 ;

–  Au plus tard le 1er janvier 2025 pour les véhicules Crit’Air 3.

Conformément à ce cadre légal, l’obligation de mise en place d’une ZFE-m concerne à ce jour 43 métropoles et agglomérations, soit plus de 40 % de la population française à l’horizon de la fin de l’année 2024.

Si l’article L. 2213-4-1 du CGCT prévoit également des « modalités de dérogation, compte tenu de la faible proportion de population exposée aux dépassements des normes de qualité de l’air ou des actions alternatives mises en place afin de respecter ces normes », celles-ci ne permettent quasiment à aucune agglomération d’y déroger.

À la fin de l’année 2022, une dizaine de métropoles ont engagé une mise en place progressive des ZFE-m avec de premières restrictions de circulation portant sur les véhicules particuliers et/ou professionnels dont la vignette Crit’Air est inférieure au niveau 4.

B.   L’article L. 2213-4-2 du code gÉnÉRal des collectivitÉs territoriales autorise un contrôle automatisÉ des vÉhicules dans les ZFE-m

L’article L. 2213-4-2, créé par l’article 86 de la loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités, autorise des modalités de contrôle automatisé pour s’assurer du respect des règles de circulation par les véhicules dans les ZFE-m.

Le I autorise la mise en place de « dispositifs fixes ou mobiles de contrôle automatisé des données signalétiques des véhicules » afin de « faciliter la constatation des infractions aux règles de circulation arrêtées en application de l’article L. 2213-4-1 et de permettre le rassemblement des preuves de ces infractions ainsi que la recherche de leurs auteurs ».

Le II de l’article précité prévoit une autorisation par arrêté du représentant de l’État dans le département et à Paris, du préfet de police, sous réserve que le contrôle automatisé respecte une certaine proportionnalité :

–  Il ne doit pas permettre de contrôler plus de 15 % du nombre moyen journalier de véhicules circulant au sein de la zone ;

–  Le rapport entre le nombre de dispositifs de contrôle déployés et la longueur totale de la voirie publique ne doit pas excéder 0,025 ;

–  Les lieux de déploiement retenus ne doivent pas avoir pour effet de permettre un contrôle de l’ensemble des véhicules entrant dans la ZFE‑m ou dans un espace continu au sein de cette zone.

Le III de l’article encadre les traitements automatisés des données collectées au moyen desdits dispositifs de façon à protéger les données à caractère personnel tout en permettant aux autorités de police d’identifier le respect ou non par un véhicule des règles de circulation en vigueur dans la ZFE-m.

Ces dispositifs de contrôle automatisé, dont la conception et le développement soulèveraient des problématiques techniques et industrielles, ne seraient pas opérationnels avant 2025 d’après les échanges avec les services du ministère de la transition écologique.

II.   LeS DISPOSITIons de la proposition de Loi

A.   La mise en place des ZFE-m dans les territoires soulÈve d’importantes difficultÉS

La mise en place des ZFE-m soulève des difficultés pour les collectivités territoriales chargées de les mettre en place au regard du caractère particulièrement contraignant du dispositif pour les populations impactées.

D’après les données du service des données et études statistiques (SDES) du ministère de la transition écologique, au 1er janvier 2022, les voitures les plus polluantes relevant des vignettes Crit’Air 3, 4, 5 et non classés représentaient 40 % du parc automobile des résidents des principales intercommunalités concernées par la mise en place d’une ZFE-m (estimé à 11,8 millions de véhicules) ([3]). Cette proportion tend à croître parmi les classes moyennes et populaires dont le niveau de vie est inférieur au revenu médian, ainsi que dans les territoires périphériques aux ZFE-m les plus éloignés du centre de l’agglomération.

Les mesures de restriction de circulation prévues dans le cadre d’une ZFE‑m impactent ainsi les mobilités d’une majeure partie de ses habitants et ce faisant, leur accès à des activités quotidiennes essentielles (emploi, formation, soins, services publics, alimentation, loisirs, etc.). Ces contraintes sont majorées pour les franges les plus défavorisées qui possèdent plus fréquemment des véhicules polluants ainsi que pour les résidents des communes périurbaines et rurales où la dépendance à l’automobile est importante du fait d’une offre alternative de transports plus réduite et de faibles possibilités de report modal.

Alors que les ZFE-m constituent un dispositif contraignant qui a vocation à se déployer progressivement, il demeure méconnu au sein de la population : d’après un sondage Harris, en 2021, en France, 60 % des sondés ignoraient ce qu’était une ZFE-m. Le cadre légal laissant par ailleurs une grande souplesse aux collectivités territoriales pour définir par arrêté les modalités de mise en œuvre de la ZFE-m (notamment le calendrier, les véhicules concernés, le périmètre et les éventuelles dérogations), il existe de fortes disparités d’application sur le territoire métropolitain qui nuisent à la lisibilité globale du dispositif et sa prévisibilité pour les populations impactées.

Le changement de véhicule au profit de l’acquisition de véhicules moins polluants classés Crit’Air 0 ou 1, voire 2, qui seront autorisés à terme dans les ZFE‑m, soulève également des difficultés tant pour les particuliers que pour les professionnels. Outre un manque d’infrastructures de recharge électriques sur le territoire ([4]), l’offre de véhicules peu polluants est encore limitée, notamment sur les marchés des véhicules particuliers d’occasion et neufs à moindre coût, et sur le segment des véhicules lourds ayant besoin d’une autonomie élevée. Le reste à charge pour acquérir un véhicule propre reste ainsi élevé en dépit des aides nationales (prime à la conversion et bonus écologique principalement) et éventuellement locales mises en place. Au premier semestre 2022, le reste à charge moyen des ménages et des entreprises qui ont bénéficié d’une aide demeurait supérieur à 20 000 euros pour l’acquisition d’un véhicule électrique ou hybride rechargeable ([5]).

Enfin, l’offre de mobilités alternatives à la voiture pour se déplacer dans les ZFE-m, particulièrement dans les communes périphériques et limitrophes, n’est pas toujours suffisamment développée pour permettre aux populations un report modal massif de la voiture vers les transports collectifs.

Dans ce contexte, les collectivités territoriales concernées soulèvent des difficultés d’application dans la mise en œuvre du dispositif, d’autant plus qu’elles n’ont pas les moyens de le contrôler efficacement en l’absence des dispositifs de contrôle automatisé prévus à l’article L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales. À titre d’exemple, la métropole du Grand Paris, l’une des métropoles les plus avancées dans le déploiement de sa ZFE-m, a ainsi choisi à l’été 2022 de reporter d’un an l’extension des restrictions de circulation aux véhicules particuliers et professionnels classés Crit’Air 3. Un comité ministériel sur les zones à faibles émissions mobilité réunissant les agglomérations concernées a été mis en place en octobre 2022 dans l’objectif de mieux accompagner les territoires.

B.   L’article 1er abroge les dispositions du Code gÉnÉral des collectivitÉs territoriales relatives aux ZFE-m

L’article 1er de la proposition de loi abroge les articles L. 2213-4-1 et L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales et rend ainsi l’ensemble de leurs dispositions relatives à la mise en place des zones à faibles émissions mobilité et au contrôle automatisé des véhicules inapplicables pour l’avenir.

III.   Les travaux de la commission

La commission a supprimé l’article 1er par l’adoption des amendements de Mme Lisa Belluco (CD1), M. Gérard Leseul (CD5), M. Bruno Millienne (CD7), Mme Anne-Cécile Violland (CD9), M. Jean-Luc Fugit (CD11) et Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (CD4).

Article 2
(article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets)
Suppression de l’expérimentation d’un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions mobilité

Supprimé par la commission

 

Cet article vise à abroger l’article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, qui instaure l’expérimentation, pour une durée de deux ans à compter du 1er janvier 2023, d’un prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule propre dans les zones à faibles émissions mobilité où les valeurs limites de qualité de l’air sont dépassées.

I.   le DROIT EN VIGUEUR

A.   L’article 107 de la loi « climat et résilience » instaure un prêt à taux zéro pour l’acquisition de vÉhicules propres dans les zfe-m

Le I de l’article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite « climat et résilience », introduit une expérimentation pour une durée de deux ans, à compter du 1er janvier 2023, d’un prêt à taux zéro (PTZ) pour l’achat d’un véhicule propre de moins de 2,6 tonnes au bénéfice des personnes domiciliées « dans ou à proximité » d’une commune ayant mis en place une ZFE‑m et « sous conditions de ressources ».

Cette expérimentation ne s’étend pas à toutes les ZFE-m mais uniquement à celles rendues obligatoires en application du deuxième alinéa du I de l’article L. 2213‑4‑1 du code général des collectivités territoriales introduit par la loi d’orientation des mobilités. Les ZFE-m concernées sont donc les zones où les valeurs limites relatives à la pollution de l’air étaient dépassées de manière régulière avant le 31 décembre 2020 et le sont encore au 1er janvier 2023.

Les II et III de l’article 107 prévoient que les établissements de crédit et les sociétés de financement participant à l’expérimentation puissent bénéficier d’une réduction d’impôt au titre des prêts à taux zéro octroyés, selon des modalités de calcul fixées par décret.

B.   Les conditions fixÉes par dÉcret font craindre une application limitÉe

Les modalités de cette expérimentation ont été précisées par le décret n° 2022‑615 du 22 avril 2022 ([6]). Ce décret rend notamment éligibles au PTZ les microentreprises et les foyers dont le revenu fiscal de référence par part est inférieur ou égal à 14 000 euros. Il plafonne le coût d’acquisition des véhicules à 45 000 euros pour une voiture particulière et 60 000 euros pour une camionnette. Le décret fixant « les modalités de calcul de la réduction d’impôt » n’a pas été encore publié.

Dans ce contexte, l’expérimentation pourrait être opérationnelle à compter du second semestre 2023 d’après la Société de gestion des financements et de la garantie de l’accession sociale à la propriété (SGFGAS) chargée du déploiement du PTZ mobilité auprès des réseaux de distribution et de son suivi national.

Les conditions de ressources retenues par le décret d’application précité en limitent de façon relativement stricte la population éligible : par exemple, une personne seule rémunérée au salaire minimum de croissance (Smic), qui dispose d’un revenu fiscal de référence de 14 300 euros sur la base du Smic au 1er août 2022, n’est pas éligible au PTZ. Le caractère expérimental sur une durée limitée du PTZ ne serait également pas incitatif à son appropriation et son déploiement par un grand nombre de réseaux de distribution de crédit.

II.   LeS DISPOSITIons de la proposition de Loi

L’article 2 de la proposition de loi abroge l’article 107 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, et rend ainsi le dispositif expérimental de prêt à taux zéro dans certaines ZFE-m inapplicable pour l’avenir.

III.   Les travaux de la commission

La commission a supprimé l’article 2 par l’adoption des amendements de Mme Lisa Belluco (CD2), M. Gérard Leseul (CD6), M. Bruno Millienne (CD8), Mme Anne-Cécile Violland (CD10), M. Jean-Luc Fugit (CD12) et Mme Laurence Maillart-Méhaignerie (CD3).

 


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   Examen en commission

 

Lors de sa réunion du mercredi 14 décembre 2022, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a procédé à l’examen, sur le rapport de M. Pierre Meurin, de la proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (n° 257 rect.).

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. La présente proposition de loi, inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à l’initiative du groupe Rassemblement national, sera examinée en séance publique le jeudi 12 janvier.

M. Pierre Meurin, rapporteur. Cette proposition de loi vise à supprimer les zones à faibles émissions mobilité (ZFE-m).

Je commencerai par un propos philosophique, car ce sont les grandes idées qui sous-tendent les actions politiques concrètes. Lors de l’audition de l’Agence de la transition écologique (Ademe) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (Aasqa), un représentant de l’Ademe m’a dit : « Les énergies fossiles nous ont donné des possibilités quasiment illimitées. Il sera difficile de trouver des solutions alternatives du même niveau. »

Les ZFE-m, comme le concept de sobriété énergétique, reposent sur l’idée de décroissance. Ce pessimisme scientifique et technologique revient à dire : il faut revenir en arrière pour le climat et la santé, car nous ne pourrons pas inventer le « mieux demain ». Cette logique intellectuelle, poussée à l’extrême, conduirait à une glaciation sociale : il faudrait ne rien faire pour ne pas prendre de risque.

La traction humaine des véhicules n’est-elle pas plus conforme à la transition écologique que la traction mécanique ? Il faut toujours pousser jusqu’au bout un raisonnement pour en déceler les conséquences ! Sous couvert de belles et grandes idées, on commet parfois les pires erreurs politiques. L’enfer est pavé de bonnes intentions. Dans cette logique, on oublie de croire en la science, dans la technique, dans le progrès et donc dans le développement de la société. On oublie de croire que demain sera mieux qu’aujourd’hui. On oublie d’investir pour l’avenir.

Les ZFE-m, qui rétablissent de facto une sorte de péage urbain, relèvent précisément de cette logique intellectuelle décroissante. Puisque la voiture est polluante, l’automobiliste pollue et ne doit donc plus rouler. Peu importe qu’il ne dispose d’aucune alternative plus propre pour se déplacer, il faut le verbaliser dès 2025. Entre 13 millions et 17 millions de véhicules seront concernés par cette interdiction de circuler d’ici deux ans.

Nous sommes face à une pyramide à l’envers, qui inverse la progressivité des court, moyen et long termes. Pour notre part, nous souhaitons faire en sorte que d’autres solutions émergent, que les Français privilégient l’intermodalité et qu’ils en viennent naturellement à utiliser de moins en moins leur voiture.

Les ZFE-m sont un dispositif qui ne tient pas ses promesses et a tout de la fausse bonne idée. Je vous propose donc d’envisager d’autres pistes, socialement acceptables et opérantes sur les plans climatique et sanitaire.

Nous voulons une écologie sociale, consensuelle et partagée entre les Français et les territoires, non une écologie punitive, que je qualifierai de séparatiste, opposant, d’un côté, les métropoles, qui ont absorbé et concentré les transports, les commerces, les professionnels de santé et les services publics, et, de l’autre, les zones rurales qui ont vu peu à peu se réduire l’ensemble de ces offres.

Entre 1920 et 2020, le maillage ferroviaire de notre pays a été amputé de 40 000 kilomètres. Tous les élus des zones rurales connaissent ces voies ferrées abandonnées, qui font partie du paysage. Ce long mouvement de fermeture des petites lignes populaires du quotidien, qui permettaient aux Français d’aller travailler dans de bonnes conditions, a conduit à l’explosion du trafic routier. Alors que tout a été fait pour le démultiplier, il faudrait maintenant le supprimer sans délai.

La dévitalisation des villages et l’éloignement progressif de tous les transports publics, des services de santé et des commerces au profit des métropoles ont entraîné un allongement des trajets en voiture, en particulier pour les Français les plus modestes, que le prix de l’immobilier dans ces métropoles a conduits à un exode vers les zones plus rurales. Pour eux, la voiture est devenue un outil de survie.

Dès 2025, lorsque les premières verbalisations automatiques seront opérées, les ZFE-m marqueront la deuxième phase du séparatisme. Après avoir été écartés des logements métropolitains, les plus modestes ne pourront plus pénétrer dans ces territoires, même pour le travail. Les ZFE-m feront de ces Français, qui sont déjà les oubliés de la mondialisation, les oubliés et les exclus de la métropolisation.

Les enjeux sanitaires sont bien plus globaux que le simple chiffre de 40 000 morts par an du fait de la pollution de l’air aux particules fines et aux oxydes et monoxydes d’azote. En trente ans, l’écart d’espérance de vie entre les métropolitains et les ruraux est passé de trois mois à plus de deux ans, au profit des métropolitains.

Nous aimerions tous qu’il n’y ait aucun mort de la pollution, comme nous aimerions aussi qu’il n’y ait, par exemple, aucun mort lié à la désertification médicale. Or celle-ci conduit les Français les plus modestes, dans les zones rurales, à ajourner, voire à renoncer à l’accès aux soins, ce qui entraîne des évolutions pathologiques irréversibles. Savez-vous que l’excès de sel provoque 1,5 million de morts dans le monde ? En nous appuyant sur la même logique que les ZFE-m, nous pourrions en interdire la vente, afin de ne prendre aucun risque.

Tous les paramètres ne rentrent pas dans les cases d’un tableau Excel produit par un ministère ou dans une diapositive de PowerPoint. Je voudrais en citer un, qui relève des sciences humaines, trop souvent sacrifiées sur l’autel des sciences dures et de la data. Depuis la crise des gilets jaunes, les automobilistes et les Français des zones rurales se sentent stigmatisés, culpabilisés et infantilisés. Le contrat social devrait se fonder sur une adhésion la plus large possible à un enjeu qui relève du bien commun. Or le sentiment de stigmatisation et de culpabilisation entraîne un rejet de la transition écologique par des millions de Français qui ont l’impression qu’elle se fait sans eux, et surtout contre eux. Ces éléments sont à prendre en considération pour que la politique redevienne enfin une science humaine, un art de trouver le bien commun précisément en commun.

Plus concrètement, les ZFE-m sont instituées et organisées selon des critères contestables. Les vignettes Crit’Air sont liées à l’ancienneté du véhicule, alors qu’une Clio Campus Crit’Air 3 pollue quatre fois moins qu’un SUV Range Rover pourtant Crit’Air 1. La mesure des particules fines est effectuée par rapport au système d’échappement de la voiture, alors que les émissions de particules fines liées au freinage et à l’usure des pneus sont 2 000 fois plus importantes – une idée intéressante serait de fluidifier le trafic dans les métropoles pour limiter les coups de frein. La prime à la conversion est impossible à mettre en œuvre et coûterait des milliards d’euros aux contribuables. Les ZFE-m risquent de mobiliser des milliers d’agents pour les constats d’infractions. Comme le matériel vidéo n’a pas été budgété et que les ressources humaines ne sont pas disponibles, la mesure pourrait être inapplicable, en plus d’être antisociale. J’ai eu cet échange avec le vice‑président de Rouen Métropole, pourtant issu du mouvement Europe Écologie-Les Verts. En tant qu’élu de terrain, il est plus que sceptique sur l’efficacité du dispositif, dont il a déjà observé les limites. Par effet de ricochet, des artisans et professionnels pourraient être amenés à refuser des clients et des chantiers dans les périmètres couverts par des ZFE-m.

Les auditions pour ce texte, tout comme la mission flash de la commission, ont fait ressortir tous ces problèmes, qui sont trop nombreux pour donner lieu à des adaptations ou pour créer une usine à gaz de dérogations et d’aides. Il faut tout reprendre à zéro et refondre l’ensemble du système, car les élus locaux, comme les Français, n’y comprennent plus rien. Or nous avons un devoir de clarté et d’intelligibilité de la loi.

Notre proposition de loi est en grande partie une réponse à la conclusion de la mission flash menée pour notre commission par MM. Millienne et Leseul : « Le déploiement des ZFE-m soulève des questions majeures d’acceptabilité et de justice sociale, qu’il nous faut anticiper dès à présent. Il est urgent que notre commission se saisisse pleinement du sujet ».

À travers cette proposition de loi, je vous propose de le faire en supprimant les ZFE-m, en encourageant doucement et avec pédagogie les Français à passer d’une voiture des années 2000 à une voiture des années 2010, en améliorant l’entretien des moteurs par le décalaminage et en préparant l’intermodalité de demain, sans idéologie et dans une logique de coconstruction.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Avant de souligner l’irresponsabilité politique de cette proposition de loi, je retracerai rapidement l’historique de la création des ZFE mobilité.

Le 12 juillet 2017, le Conseil d’État a ordonné à l’État de mettre en œuvre des plans de réduction des concentrations de dioxyde d’azote et de particules fines dans treize zones en France. Ces deux principaux polluants sont responsables de maladies respiratoires et de plus de 40 000 décès prématurés par an en France, selon Santé publique France. Ce sont des données scientifiques, monsieur le rapporteur ! Les mesures quotidiennes effectuées par les Aasqa montrent que les deux tiers des oxydes d’azote et une grande part des particules fines des milieux urbains denses proviennent des véhicules utilisant des énergies fossiles.

Dans ce contexte, en 2018, la ministre chargée des transports – l’actuelle Première ministre – a réuni, en liaison avec le Conseil national de l’air, que je présidais, les élus des principales agglomérations touchées par des dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. C’est dans ce cadre, et dans celui de la loi du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités (LOM), que nous avons doté les onze agglomérations les plus touchées d’outils pour créer des zones à faibles émissions mobilité sur leur territoire, selon un calendrier et un périmètre qui leur est propre, en vue de réduire les émissions de ces polluants.

Dans le cadre de la loi « climat et résilience » de 2021, le dispositif a été renforcé, en donnant à ces onze agglomérations la possibilité de mettre en œuvre des restrictions supplémentaires, mais seulement en cas de dépassements réguliers des normes de qualité de l’air. La même loi demande à trente-deux agglomérations de plus de 150 000 habitants de mettre en place d’ici à 2025 leurs propres ZFE mobilité.

Les ZFE mobilité ne sont pas un dispositif antisocial dirigé contre nos concitoyens ; elles visent à améliorer leur santé respiratoire en luttant contre la pollution de l’air.

Pour en revenir à la proposition de loi du Rassemblement national, je note qu’en plus de supprimer les ZFE mobilité, il est prévu, dans l’article 2, de supprimer l’accès au prêt à taux zéro. Or cette mesure sociale fait partie des aides nécessaires pour accompagner nos concitoyens dans l’acquisition d’un véhicule moins polluant.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Renaissance, défavorable à la proposition de loi, a déposé un amendement de suppression pour chacun des deux articles. Nous ne voulons pas transiger avec la santé respiratoire de nos concitoyens.

M. Nicolas Dragon (RN). Le groupe Rassemblement national soutient évidemment les efforts pour lutter contre la pollution de l’air et le réchauffement climatique, mais à condition que ce ne soit pas toujours les mêmes qui en supportent les conséquences. Les constats des sociologues sur la France périphérique devraient tous nous alerter. Ils décrivent une élite urbaine et privilégiée, dont les décisions influent profondément sur la vie de ceux qui se trouvent à sa périphérie. Les ZFE‑m en sont l’archétype, puisqu’elles bannissent des grandes villes les précaires et les ruraux.

Les partisans des ZFE-m veulent interdire la circulation d’un véhicule sur deux d’ici à 2025. Peuvent-ils nous expliquer comment les automobilistes ne disposant pas d’une vignette Crit’Air 1 ou 2 pourront obtenir un véhicule autorisé dans ce délai ? Peuvent-ils affirmer que les aides à la conversion seront suffisantes pour des automobilistes qui ont souvent de faibles revenus ? Une telle mesure montre leur incompréhension de la précarité croissante dans laquelle vivent nos compatriotes.

Les solutions proposées n’en sont pas. Les véhicules électriques que l’on veut imposer sont pertinents sur de courts trajets en milieu urbain, où les bornes de recharge sont nombreuses. En revanche, pour de longues distances et dans les zones rurales, ils complexifient les déplacements et en augmentent considérablement la durée.

Les ZFE-m pénalisent les habitants des territoires ruraux, interdits d’accès dans les métropoles, ainsi que les habitants des communes situées aux alentours de ces métropoles, qui ont déjà été chassés des centres-villes par la gentrification.

Les défenseurs des ZFE-m préconisent aux populations rurales ou périphériques d’utiliser un réseau de transports en commun souvent défaillant ou le vélo. Par ces grands froids, je les invite à faire un trajet à vélo depuis ma circonscription de Laon jusqu’à Reims : nous en reparlerons !

Au lieu de combler les fractures qui existent dans notre pays, les ZFE-m ne font que les élargir – à se demander si des enseignements ont été tirés de la crise des gilets jaunes.

Voilà pourquoi le groupe Rassemblement national souhaite abolir ces ZFE‑m injustes et développer un réseau de transports de qualité, en accompagnant les automobilistes plutôt qu’en les excluant.

M. Sylvain Carrière (LFI-NUPES). Nous discutons ce matin d’un dispositif mis en place pour réduire les pollutions aux particules fines et tenter d’améliorer la santé de nos concitoyens. Contrairement au Rassemblement national, qui n’a aucune considération pour l’urgence climatique, nous ne sommes pas pour sa suppression pure et simple. La présente proposition de loi est cependant l’occasion d’aborder le sujet des ZFE-m.

Alors que leur déploiement est effectif dans onze grandes villes depuis cette année, seulement 40 % des Français en sont informés. En 2025, quarante-trois villes seront concernées et 40 % du parc automobile actuel n’aura plus le droit de circuler dans une partie du territoire.

Nous devons revoir en urgence l’ordre des priorités. Acquérir un véhicule électrique, quand les modèles d’entrée de gamme coûtent 20 000 euros malgré les aides proposées, semble impossible pour la plupart des Français compte tenu de leur pouvoir d’achat. Dans de nombreux territoires concernés par les ZFE-m, les offres de transports en commun sont très largement insuffisantes, voire inexistantes, et ne constituent pas une solution alternative à la voiture individuelle. Il est impératif de lier ces deux sujets.

Lors de récentes auditions, nous avons eu la chance d’écouter des représentants de l’Association des maires de France, de Régions de France et de nombreuses collectivités engagées dans le déploiement de ZFE-m. Elles sont unanimes quant au manque de concertation avec les populations et au manque de communication. Elles soulignent le décalage entre les dix années nécessaires pour construire une ligne de métro ou de réseau express régional (RER) et l’application immédiate des mesures restrictives.

À La France insoumise, nous souhaitons que la France devienne un pays à très faibles émissions, mais nous sommes également attachés à la soutenabilité d’une telle mesure pour l’ensemble de nos concitoyens et à son inclusivité. Nous demandons donc un moratoire et la suspension de l’application des ZFE-m, tant que d’autres solutions, accessibles et fiables, n’auront pas été proposées.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s’abstiendra lors du vote sur la proposition de loi.

M. Nicolas Ray (LR). Si la loi reste en l’état, la moitié des automobilistes français seront privés d’accès aux centres-villes en 2025.

Les ZFE-m ont été voulues par le législateur pour lutter contre la pollution atmosphérique, responsable de plus de 40 000 décès dans notre pays. La législation n’a cessé de se rigidifier ces dernières années, avec la loi LOM et la loi « climat et résilience », qui a rendu obligatoire l’instauration de ZFE-m dans quarante-trois agglomérations au plus tard le 31 décembre 2024, soit demain ou presque.

Nous ne doutons pas que les ZFE-m puissent contribuer à améliorer la qualité de l’air dans les grandes villes et la qualité de vie des populations qui y résident. Cependant, en imposant ces obligations si rapidement, le législateur a pris le risque de créer une nouvelle fracture entre ceux qui pourront continuer à vivre et circuler dans les agglomérations et ceux qui ne pourront plus s’y rendre, même occasionnellement pour suivre des soins médicaux.

La mission flash menée par nos collègues Gérard Leseur et Bruno Millienne nous a déjà beaucoup renseignés sur les fragilités du dispositif. Les conditions préalables à l’acceptabilité des ZFE-m ne sont pas réunies. Elles ne seront acceptées par les Français qu’avec un calendrier de mise en œuvre desserré, des règles simplifiées et harmonisées entre les villes, un développement suffisant des réseaux de transports, le déploiement de parkings relais et la mise en place de carnets d’usage pour autoriser les déplacements occasionnels, notamment pour se soigner.

Le risque est réel qu’une colère semblable à celle des gilets jaunes explose quand les Français auront pris conscience des restrictions à venir. Toutefois, cette proposition de loi ne s’accompagne d’aucune autre solution pour améliorer la qualité de l’air. Plutôt qu’une suppression du dispositif, son assouplissement serait plus pertinent. C’est pourquoi nous conditionnons notre position aux réponses qu’apportera très prochainement le Gouvernement à ce sujet. Nous relèverons le défi écologique non pas en braquant les Français, mais en respectant leur bon sens et leur liberté.

M. Bruno Millienne (Dem). Dangereuse, passéiste, démagogique et mensongère : voilà, monsieur le rapporteur, les mots qui me sont venus à l’esprit lorsque j’ai lu cette proposition de loi, qui ressemble d’ailleurs plus à un tract mal ficelé de Marine Le Pen qu’à un véritable travail législatif.

Ce texte est dangereux, parce qu’il nie la réalité de la pollution atmosphérique en France, qui est responsable de 48 000 morts par an. Il s’inscrit dans un « pollutio-scepticisme » – pardonnez ce néologisme – qui n’a rien à envier aux délires mensongers de vos idoles, de Trump à Poutine. Il expose en outre la France à de nouvelles condamnations de l’Union européenne, à laquelle nous appartenons encore, ne vous en déplaise !

Ce texte est passéiste, parce qu’il sort la France du chemin de transition de ses mobilités que tous ses voisins empruntent, y compris vos amis italiens. En ce sens, il incarne parfaitement le programme de rabougrissement que vous défendez.

Je regrette qu’aucun membre de votre groupe n’ait assisté à une seule minute des auditions que nous avons menées avec Gérard Leseul sur l’accompagnement de la mise en place de ZFE-m. Vous auriez pu constater la multitude d’initiatives qui fleurissent dans nos territoires et chez nos industriels pour adapter nos mobilités aux nouvelles contraintes. Quand l’arc républicain travaille en bonne intelligence pour trouver des solutions nous permettant d’atteindre nos objectifs en matière de santé publique, le Rassemblement national veut tout arrêter et laisser nos enfants s’asphyxier.

Cette proposition de loi est démagogique, parce qu’elle cherche à faire peur pour gagner quelques voix – ce qui constitue le fonds de commerce habituel du Front national. Quoi de mieux que le mensonge pour attiser la peur ? Vous indiquez ainsi dans votre exposé des motifs que dès le 1er janvier 2025, les véhicules dotés de vignettes Crit’Air 5, 4 et 3 ne pourront plus accéder à plus d’une quarantaine d’agglomérations, ce qui est tout simplement faux. Cette restriction ne concernera que les métropoles dont les niveaux de pollution dépassent les seuils réglementaires, soit à peine une dizaine.

Vous présentez un texte bâclé sur un sujet que vous ne maîtrisez même pas. Pour ceux qui s’y intéressent honnêtement, le rapport de la mission flash que nous avons effectuée avec Gérard Leseul formule des propositions, que l’on peut approuver ou non, mais qui sont exactes et réalistes.

M. Gérard Leseul (SOC). La proposition de loi du Rassemblement national qui nous réunit malheureusement aujourd’hui vise à supprimer les zones à faibles émissions mobilité. Répondre de manière simpliste, voire simplissime, à une problématique complexe, alors qu’il faudrait mettre en place des politiques publiques fines et ambitieuses : la recette est bien connue d’un parti d’extrême droite qui surfe sur les crispations de nos citoyens. La question que vous auriez dû vous poser – et nous poser – est : comment concilier enjeux de santé publique, développement durable et mobilité pour tous ?

Les ZFE-m peuvent avoir des vertus, à condition d’être mises en œuvre avec ambition et surtout avec un accompagnement sur mesure afin de permettre à tous nos concitoyens, urbains comme ruraux, de disposer d’une solution de mobilité bon marché leur permettant de continuer à circuler librement.

J’ai relevé plusieurs erreurs dans votre propos, y compris la mention de l’élu de Rouen, qui ne s’est pas prononcé contre les ZFE-m. Vous auriez dû lire plus attentivement les conclusions de la mission flash que Bruno Millienne et moi avons conduite.

Votre proposition fait complètement l’impasse sur la santé publique et sur le coût des mobilités pour nos concitoyens. Vous proposez même la suppression de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour changer de véhicule, alors que nous souhaiterions la mise en place d’une garantie de l’État pour l’élargir à tout le territoire.

Dans le cadre de la mission flash que nous avons réalisée, nous avons formulé vingt recommandations. Certaines peuvent être mises en œuvre rapidement. Il est effectivement nécessaire de renforcer la communication sur la mise en place des ZFE-m et de revoir les critères, mais les politiques d’accompagnement doivent être positives et non, comme vous le proposez, provoquer de l’exclusion.

Pour finir, je rappellerai qu’aucun des acteurs que nous avons auditionnés lors de la mission flash n’a contesté l’utilité des ZFE-m.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Si je ne mésestime pas le travail réalisé en amont de cette proposition de loi visant à supprimer les zones à faibles émissions mobilité, celle-ci semble en totale contradiction avec nos engagements en faveur de l’environnement et de la santé de nos concitoyens.

Le secteur des transports représente le premier poste d’émissions de gaz à effet de serre à l’échelle nationale. Celles-ci proviennent à 93 % des voitures, des véhicules utilitaires et des poids lourds. Limiter leur utilisation au profit de mobilités plus douces doit donc être au cœur de notre action.

Notre ambition écologique ne pourra être pleinement satisfaite que dans un cadre européen et international. Nous devons donc faire preuve de responsabilité dans la mise en œuvre des directives européennes. Concernant la qualité de l’air, les États membres ne doivent pas dépasser des valeurs limites de concentration de polluants. Le principe de cette obligation a été transposé dans le droit français et les ZFE-m en constituent un outil clef, car les indicateurs de qualité de l’air dans nos métropoles restent largement supérieurs aux seuils préconisés.

Toutefois, nous ne sommes pas insensibles à la facilitation de l’accès à des véhicules propres, au développement d’autres types de mobilités et à la prise en considération de la dimension sociale. Nous sommes favorables à une amélioration du dispositif, par un calendrier mieux adapté, une meilleure gouvernance, ainsi qu’une harmonisation et une optimisation des mesures.

Quant à la suppression de l’expérimentation du prêt à taux zéro pour l’achat d’un véhicule moins polluant, nous y sommes évidemment opposés. Ces mesures d’accompagnement, qui visent plus particulièrement les ménages les plus modestes et dépendants de leurs véhicules pour leurs activités professionnelles, sont essentielles.

Je vous invite, monsieur le rapporteur, à étudier les conclusions du rapport transpartisan rendu dans le cadre de la mission flash sur les ZFE-m conduite par MM. Millienne et Leseul, sans vous limiter à une phrase isolée. Vous y trouverez des pistes d’ouverture réalistes, à condition de mobiliser les bonnes volontés.

Pour des raisons évidentes de cohérence, le groupe Horizons et apparentés est opposé à la suppression des ZFE-m. Monsieur le rapporteur, nous ne doutons pas de la préoccupation sanitaire de votre groupe envers nos concitoyens, mais que faites-vous des 48 000 décès prématurés liés chaque année à la pollution de l’air ? Ne considérez-vous pas la qualité de ce dernier comme une urgence et un enjeu majeur ?

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). La pollution de l’air provoque 48 000 décès prématurés par an en France. Ce chiffre est d’ailleurs en cours de réévaluation ; il pourrait atteindre 100 000. Les premiers touchés sont les plus pauvres et les enfants. Cette pollution est en outre responsable de maladies chroniques, dont la plus connue est l’asthme.

La France a été condamnée à plusieurs reprises pour son incapacité à offrir un air pur à sa population. Il était donc vraiment temps d’agir. Bien qu’elles ne constituent pas une solution parfaite, les ZFE-m sont un moyen de protéger les habitants des villes et de leurs périphéries, en premier lieu les plus pauvres.

Nous savons que le Rassemblement national ne s’intéresse pas forcément aux plus fragiles, mais quand on lutte contre le retour en arrière et le mode de vie amish, il serait cohérent de proposer des améliorations du dispositif plutôt que sa suppression. Nos collègues Millienne et Leseul l’ont fait dans leur excellente mission flash.

Parmi leurs propositions, je retiens notamment le rétrofit, qui est une mesure à la fois écologique, sociale et potentiellement créatrice d’emplois industriels locaux. Nous aurions tout à gagner à la mettre en œuvre. Beaucoup d’autres pistes sont intéressantes, comme la prise en considération du poids des véhicules et la possibilité de laisser entrer dans les ZFE-m les petits véhicules anciens, qui sont moins polluants.

J’espère que ces propositions seront retenues afin d’améliorer l’acceptabilité des ZFE-m. En outre, les écologistes estiment depuis longtemps qu’il faut investir massivement dans des transports collectifs performants, des infrastructures cyclables et des pratiques autres que l’autosolisme.

Si les conditions de mise en œuvre des ZFE-m sont à améliorer, s’il faut étendre la concertation et veiller à prendre en considération tous les usagers, le groupe Écologiste-NUPES est néanmoins favorable à ce dispositif. Nous proposerons donc des amendements de suppression des articles et voterons contre la proposition de loi.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Entre, d’une part, la pollution de l’air et ses conséquences humaines – 48 000 vies brisées chaque année – et, d’autre part, la problématique d’acceptabilité sociale, avec l’impossibilité d’accepter qu’une partie de la population soit empêchée de venir dans les centres-villes faute de disposer des équipements automobiles et autres lui permettant de s’y rendre, se pose une question d’égalité républicaine. Malheureusement, le débat est tronqué, car il est réduit à une caricature.

La proposition de loi supprime le dispositif, alors que notre responsabilité collective est de conserver ce qui est plutôt positif et d’apporter des mesures nouvelles en matière de mobilité pour préserver l’égalité républicaine que nous devons à nos concitoyens, et plus particulièrement à ceux qui vivent dans la France qualifiée de périphérique.

Comment chacun a pu le relever, ceux que l’on prétend protéger par ce texte sont par ailleurs les plus touchés par les morts précoces et prématurées liées à la pollution de l’air. Au nom de mon groupe, je regrette que ce sujet sérieux et capital pour les années à venir soit abordé de manière extrêmement restrictive, en nous renvoyant finalement à un choix binaire : pour ou contre les ZFE-m.

Nous aurions pu adopter une autre perspective, consistons à nous retrouver sur la nécessité d’apporter des réponses adaptées pour répondre aux enjeux de santé publique et sur la nécessité de développer des mobilités garantissant l’égalité républicaine. Nous devrons apporter des solutions, notamment par le prêt à taux zéro, aux personnes qui se retrouveront en situation difficile.

Nous voterons contre la proposition de loi, mais regrettons la forme prise par ce débat.

Mme Marjolaine Meynier-Millefert, présidente. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Gabriel Amard (LFI-NUPES). Il est vrai que les choses s’emmanchent mal. Les zones à faibles émissions sont mal pensées et mal appliquées sur le plan écologique et social. Les émissions de CO2 ne sont pas prises en considération, les SUV électriques bénéficient de la vignette Crit’Air 1 alors même que leur production est loin d’être écologique. Le dispositif est en réalité un grand plan de relance de l’industrie automobile chinoise, puisque les véhicules électriques accessibles au peuple sont tous produits en Chine. Il favorise le tout‑voiture au lieu de développer les autres modes de déplacement et les transports en commun. La conversion des véhicules thermiques en véhicules électriques n’est même pas envisagée. Les mesures de gratuité pour les transports en commun sont insuffisantes. Il est pourtant urgent d’agir pour la santé et le climat. La mission flash a ouvert des pistes. Quand allons-nous agir ?

Mme Anne Stambach-Terrenoir (LFI-NUPES). Il faut en effet impérativement agir pour la santé et le climat. La vraie solution est le développement massif des transports en commun, de RER par exemple. M. Macron lui-même en a annoncé le développement dans dix métropoles françaises. Allons donc dans cette direction, mais en veillant à ce qu’il y ait une maîtrise publique des travaux, des infrastructures et de la gestion des transports, en refusant la mise en concurrence avec le privé qui crée les désordres que l’on sait en Île-de-France et en favorisant leur utilisation en fixant des tarifs abordables, en mettant en place un service adéquat et en instaurant la gratuité pour les moins de 25 ans, les chômeurs et les personnes précaires. Pour ce faire, il convient de lancer un grand plan d’investissement concerté entre l’État et les collectivités territoriales, qui ne fasse pas reposer l’effort financier sur ces dernières. Si, dans leur conception actuelle, les ZFE-m ne sont pas acceptables, il faut urgemment trouver des solutions pour améliorer la qualité de l’air, réduire les émissions de CO2 et garantir le droit à la mobilité pour toutes et tous. Or la présente proposition de loi supprime les ZFE-m mais ne propose rien.

M. Damien Adam (RE). Ma circonscription, tout comme celle de M. Leseul, est concernée par une ZFE-m au titre de la LOM.

Monsieur le rapporteur, avez-vous auditionné les Aasqa, qui nous fournissent des données très précises, notamment sur les émissions de dioxydes d’azote et de particules fines ?

Votre proposition de loi ne répond aucunement au problème. Les ZFE-m sont un bon outil, qui a été proposé par le Gouvernement et adopté par le Parlement. Des difficultés d’application sont apparues dans certains territoires, notamment dans la métropole de Rouen – vous avez d’ailleurs cité le témoignage d’un adjoint à la mairie de Rouen qui s’est exprimé dans le cadre de vos auditions –, mais cela ne remet pas en cause le dispositif à l’échelle nationale.

M. Pierre Meurin, rapporteur. Tous les intervenants disent que les ZFE‑m ne marchent pas, qu’elles posent beaucoup de problèmes, mais qu’il faut quand même continuer à les mettre en place… Notre discours a le mérite d’être clair : supprimons les ZFE-m, repartons de zéro et trouvons ensemble un nouveau dispositif !

Il est inexact de dire que nous ne proposons rien. Si nous voulons supprimer les ZFE-m, nous voulons aussi inciter en douceur, avec pédagogie et grâce à des aides ciblées, les Français à changer de véhicule, par exemple pour qu’ils remplacent une voiture des années 2000 par une autre des années 2010. Il s’agit d’accélérer un peu le processus d’extinction naturelle du vieux parc automobile.

Autre solution, rendre le décalaminage obligatoire. Selon les acteurs de la filière que nous avons auditionnés, un entretien une fois par an permettrait de réduire dans une proportion de 40 % à 60 % la pollution aux particules fines. On pourrait donc renforcer les normes du contrôle technique pour ce qui concerne la pollution atmosphérique. Cela permettrait de rompre avec la logique consistant à interdire aux véhicules anciens d’aller en ville, qui n’est pas comprise par les Français, est socialement injuste et pose de nombreuses difficultés d’application.

Nombreux sont ceux qui mettent en avant les transports en commun – mais s’il n’y a pas d’alternative à la voiture, on ne peut pas interdire aux gens d’entrer dans les villes, et cela quel que soit l’âge de leur véhicule ! Les petites lignes du quotidien souffrent depuis des années d’un sous-investissement chronique : en un siècle, je le répète, on a fermé 40 000 kilomètres d’entre elles, ce qui a provoqué l’explosion du trafic routier. Tant qu’on n’y a pas remédié, on ne peut adopter une écologie punitive qui exclurait les Français des zones rurales des centres-villes. Les enjeux sanitaires sont très importants mais plus vous enclavez les zones rurales, plus vous les stigmatisez ; vous dites à leurs habitants qu’ils ne sont pas les bienvenus dans les villes – c’est en tout cas le sentiment qu’ils ont – alors même que les établissements et les professionnels de santé s’éloignent d’eux et que leurs trajets en voiture ne cessent de s’allonger.

Il y a une vingtaine d’années, l’écart d’espérance de vie entre les urbains et les ruraux était de deux mois ; il est aujourd’hui de deux ans et demi. On note donc un accroissement des inégalités sanitaires entre les zones rurales et les zones urbaines.

J’ai habité à Saint-Joseph, commune rurale située non loin de votre circonscription, monsieur Fugit. Avec ma 306, malgré les bouchons sur le pont de Givors, je rejoignais Lyon en quarante minutes ; avec le train, cela m’aurait pris une heure et demie.

L’exclusion des voitures en ville est décorrélée du développement des transports en commun : voilà le problème. C’est pourquoi je parle de décroissance et de passéisme. On cherche à compliquer la vie des Français et à ralentir leurs déplacements au lieu de les faciliter grâce à un plan d’investissement dans les transports en commun.

Quant aux attaques politiciennes auxquelles certains se sont livrés, je les prends comme des taquineries. « Pollutio-scepticisme » : j’aime beaucoup ce néologisme, monsieur Millienne. Vous prétendez que je n’ai pas consulté votre rapport. C’est faux : je l’ai évidemment lu avec la plus grande attention et, monsieur Adam, j’ai auditionné les Aasqa, dont Atmo France et Airparif.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Et que vous ont-elles dit ?

M. Pierre Meurin, rapporteur. Elles m’ont parlé de leurs travaux, qui sont intéressants.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Ont-elles confirmé les chiffres que nous avons donnés ?

M. Pierre Meurin, rapporteur. Les ZFE-m excluant les véhicules Crit’Air 3, 4 ou 5 n’ont pas d’effet significatif sur la qualité de l’air.

MM. Jean-Luc Fugit (RE) et Bruno Millienne (Dem). C’est faux !

M. Pierre Meurin, rapporteur. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est l’Ademe, dans son rapport sur les zones à faibles émissions à travers l’Europe. Les études d’impact montrent un effet très limité des ZFE mobilité sur les concentrations en particules et en dioxydes d’azote lorsque les restrictions de circulation concernent les véhicules jusqu’au Crit’Air 3. En d’autres termes, pour qu’elles soient efficaces, il faudrait interdire aussi la circulation des véhicules Crit’Air 2, soit les trois quarts du parc automobile français.

En conclusion, les ZFE-m sont selon moi un non-sens politique, social et même sanitaire.

 

 

Article 1er (articles L. 2213-4-1 et L. 2213-4-2 du code général des collectivités territoriales) : Abrogation de l’obligation de mise en place de zones à faibles émissions mobilité

 

Amendements de suppression CD1 de Mme Lisa Belluco, CD5 de M. Gérard Leseul, CD7 de M. Bruno Millienne, CD9 de Mme Anne-Cécile Violland et CD11 de M. Jean-Luc Fugit.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous n’avons jamais dit que les ZFE‑m ne servaient à rien. Ce que nous disons, c’est que ce dispositif, qui se met en place depuis quelques années, nécessiterait des mesures d’accompagnement adéquates. En particulier, les investissements en parallèle dans les transports en commun ne sont pas à la hauteur.

Nous sommes favorables non pas à la suppression des ZFE mais à une adaptation du dispositif. C’est pourquoi nous demandons la suppression de l’article 1er.

M. Gérard Leseul (SOC). Dans la discussion générale, j’ai exposé nos arguments en faveur d’une amélioration des ZFE-m. Si nous sommes parfaitement conscients que leur mise en œuvre n’est pas encore satisfaisante et si nous déplorons le manque de coordination au niveau national, l’absence de parlementaires au sein du comité de suivi et l’insuffisante harmonisation des dispositifs, nous ne voulons pas les supprimer pour autant.

Dans le cadre de la mission flash, Bruno Millienne et moi avons émis vingt recommandations. Nous avons tout intérêt à les soutenir collectivement auprès des pouvoirs publics, voire à en émettre d’autres afin que des moyens plus importants soient consacrés aux mobilités individuelles et surtout aux mobilités collectives, qui font actuellement défaut. Ce ne sont pas les annonces du Président de la République sur les RER métropolitains qui régleront le problème, surtout si l’on refuse par ailleurs d’augmenter les crédits de la SNCF. Il n’est toutefois pas question de supprimer une disposition visant à réduire les pollutions atmosphériques, lesquelles provoquent de nombreux décès parmi nos concitoyens.

M. Bruno Millienne (Dem). Nous non plus nous ne voulons pas supprimer les ZFE-m. Nous voulons améliorer le dispositif pour qu’il soit un succès. Il est dommage, monsieur le rapporteur, que vous n’ayez auditionné ni Gérard Leseul ni moi-même, car, après la mission flash, nous avons continué à travailler avec les acteurs de terrain et avec le Gouvernement. Si vous vous étiez un peu renseigné, vous sauriez qu’il y a déjà de nombreux retours des territoires et que diverses solutions ont été proposées. Le génie français a ceci de fantastique que, face à une difficulté, les territoires font des suggestions, ce qui facilite grandement les choses. Oui, c’est un challenge, mais nous pouvons le gagner. C’est ce que nous vous aurions dit si vous nous aviez interrogés.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Supprimer les ZFE-m reviendrait à nier les problèmes de santé publique et les enjeux climatiques ; c’est un déni de la réalité. Les difficultés de mise en œuvre des ZFE-m sont souvent liées à la surenchère de certaines collectivités territoriales. Quant à l’accompagnement, je rappelle que la prime à la conversion a déjà permis de sortir plus de 1 million de véhicules anciens du parc automobile français. Elle va être renforcée de 1 000 euros, notamment pour les personnes qui habitent dans des ZFE-m. Un prêt à taux zéro (PTZ) permettra en outre de soutenir à partir de 2023 les ménages les plus modestes dans leur transition écologique en matière de véhicule.

Au-delà des enjeux de santé publique et de climat, la question que posent les ZFE-m est : pourquoi a-t-on besoin d’utiliser autant la voiture, de se rendre si fréquemment dans les grandes villes et de posséder deux à trois véhicules par foyer ? C’est en réalité un problème d’aménagement du territoire. Je pense que nous pourrions tous nous retrouver pour travailler sur le sujet, à partir de projections.

Quoi qu’il en soit, la suppression des ZFE-m et des aides à l’achat d’un véhicule propre me paraît aberrante au regard des enjeux que j’ai indiqués. C’est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Dans la discussion générale, j’ai retracé l’historique des ZFE-m, en expliquant pourquoi nous avions décidé d’inscrire ce dispositif dans la loi d’orientation des mobilités, dont j’ai eu l’honneur d’être le rapporteur pour le titre III, « Développer les mobilités propres et actives ». Je voudrais maintenant, monsieur le rapporteur, vous apporter quelques éléments scientifiques. Je reviendrai sur la question de l’accompagnement à l’occasion de l’examen du prochain article ; pour l’heure, je souhaite corriger plusieurs inexactitudes que vous avez proférées.

Vous avez déclaré que les ZFE-m n’avaient pas d’effets sanitaires. Soyons sérieux. Lors du confinement de 2020, alors que la circulation était considérablement réduite, les émissions d’oxydes d’azote ont été réduites de 70 % – les associations agréées de surveillance de la qualité de l’air que vous avez auditionnées vous le confirmeront ; je vous renvoie aussi au rapport que j’ai remis au nom de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) au mois de décembre 2021. En effet, ce n’est pas tant contre les particules fines que contre les oxydes d’azote que les ZFE-m vont permettre de lutter. Cela prouve que dès lors qu’on s’attaque à la circulation automobile dense, en particulier à celle des véhicules les plus anciens, il y a un effet direct sur la qualité de l’air.

Au-delà des aspects sanitaires, l’enjeu socio-économique est énorme. La pollution de l’air coûte près de 5 milliards d’euros par an à la France, dont 3 milliards de dépenses de santé respiratoire. Elle a aussi – et, à ma grande surprise, cela n’a pas encore été signalé – un impact sur la biodiversité, ainsi que sur les rendements agricoles : elle provoque l’été une baisse de 15 % à 30 % de ceux-ci en raison de l’ozone troposphérique résultant de la présence d’oxydes d’azote – si vous voulez, je peux vous faire un cours de chimie. Elle a ainsi des répercussions directes sur les productions de blé, de maïs et, en Asie, de riz – qui ne sont rien moins que les aliments principaux de l’humanité. Elle provoque aussi la dégradation des bâtiments.

Les zones à faibles émissions mobilité ont été conçues en 2018-2019 avec la ministre des transports de l’époque, Élisabeth Borne, en concertation avec les collectivités territoriales et au vu de ce qui se faisait en Allemagne et en Italie, où l’on compte plus de 200 zones équivalentes – on a constaté à Rome une baisse considérable de la pollution, qui est tout à fait bénéfique, notamment pour nous autres touristes. Elles ont donc été inscrites dans la loi d’orientation des mobilités.

On ne peut pas dire n’importe quoi. Comment nos collègues de la France insoumise – qui annoncent, à ma grande surprise, vouloir s’abstenir sur ce texte – peuvent-ils affirmer qu’à partir de 2025, 40 % du parc automobile n’aura plus le droit de circuler ? Ce n’est pas ce qui est inscrit dans la loi ! Ce que dit la loi « climat et résilience », c’est qu’un calendrier d’exclusion des véhicules jusqu’en 2025 sera imposé uniquement si les valeurs limites de qualité de l’air sont régulièrement dépassées. Pour ce qui concerne les oxydes d’azote, cela ne concernera en réalité que les agglomérations de Paris, Lyon et Marseille.

À Villeurbane, vos concitoyens, monsieur Amar, perdent un an d’espérance de vie à cause de la pollution. Vous devriez soutenir les zones à faibles émissions mobilité. Comment pouvez-vous vous abstenir sur un tel texte ? C’est irresponsable !

Il s’agit d’un enjeu de santé publique et environnemental majeur. Lisez la loi dans le détail avant de critiquer, comme d’habitude, ce qui a été fait au cours de la précédente législature. Nous nous sommes attaqués à la pollution de l’air de manière extrêmement poussée. Il a été inscrit dans la loi « climat et résilience » un plan d’action « chauffage au bois » élaboré avec le Conseil national de l’air, que je préside, des associations environnementales comme Réseau Action Climat et le monde agricole. Ce plan prévoit une réduction progressive de l’émission de particules fines dans l’ensemble du territoire ainsi qu’une réduction de l’emploi des engrais azotés dans le monde agricole.

En ce moment même, le projet de décret définissant les trajectoires annuelles de réduction des émissions de protoxyde d’azote et d’ammoniac du secteur agricole jusqu’en 2030 – que nous avons élaboré en liaison avec le monde agricole – est soumis à consultation publique. On n’a jamais autant fait que sous la précédente législature pour s’engager dans une trajectoire d’amélioration progressive de la qualité de l’air. C’est un enjeu de santé respiratoire. Je ne comprendrais pas que des groupes qui se disent sensibles aux questions écologiques s’abstiennent sur un tel texte.

En mettant en place les ZFE-m, on traite aussi la question du CO2. Au cours de la précédente législature, on a intégré pour la première fois dans l’indice de la qualité de l’air au quotidien la mesure des particules PM2.5, ce qui était réclamé depuis 2011 par nombre d’associations. Eh bien, c’est le gouvernement de l’époque, et plus particulièrement la ministre de la transition écologique et solidaire Élisabeth Borne, qui a eu le courage de le faire.

Dernier point qui a été scientifiquement démontré : on s’est aperçu à l’occasion de l’épidémie de covid que la faiblesse de la résistance au virus était fortement liée à l’exposition à la pollution de l’air. Autrement dit, les personnes qui vivent dans un milieu pollué ont une résistance au virus plus faible. Cela a été démontré à partir d’études de cohorte menées en France et dans le monde. Tout est consigné dans le rapport de l’Opecst, que je vous invite à lire.

Adopter ces amendements de suppression, c’est donner la possibilité de mettre en œuvre des ZFE-m – même si, j’en suis d’accord, il faudra améliorer l’accompagnement ; c’est vouloir préserver la santé respiratoire de nos concitoyens. J’espère que la France insoumise ne s’abstiendra pas. Ce serait incompréhensible.

M. Pierre Meurin, rapporteur. Le calendrier, qui nous arrive en pleine figure, rend impossibles des mesures d’accompagnement et la mise en place d’autres solutions que les ZFE-m avant les premières verbalisations.

Nous sommes tous sensibles à la qualité de l’air – merci, madame Violland, de l’avoir reconnu. Or certaines pistes n’ont pas été explorées. Juridiquement, le droit de circulation d’un véhicule est lié au contrôle technique, non à la mise en place de zones de restriction. Le Conseil constitutionnel n’a pas été saisi a priori du dispositif des ZFE-m. Or j’ai tendance à penser que celles-ci sont un outil de séparatisme territorial contraire aux grands principes constitutionnels de liberté, d’égalité et de libre circulation des personnes. D’autres voies sont possibles, comme le renforcement du contrôle technique – que tous les Français connaissent et acceptent –, en y intégrant une mesure plus stricte de la pollution de l’air par le véhicule. Cela éviterait une usine à gaz.

La pollution aux oxydes d’azote est liée aux imbrûlés et à l’encrassement des moteurs. La meilleure manière d’améliorer la qualité de l’air est de favoriser l’entretien de ces derniers et de renforcer l’arsenal répressif contre les véhicules qui roulent alors qu’ils n’ont pas respecté les obligations du contrôle technique. Le décalaminage, que j’ai découvert récemment, est une solution intéressante qui, pratiquée annuellement, permettrait de réduire dans une proportion de 40 % à 60 % les émissions d’oxydes d’azote d’un véhicule. Or il n’est pas obligatoire.

Certes, les ZFE-m pourraient avoir un effet sur la qualité de l’air, mais ce serait au prix de l’exclusion de millions de Français des centres-villes où ils travaillent, consomment et ont accès aux soins et aux services publics du fait de la disparition de ceux-ci des zones rurales. Les gouvernements successifs ont largement participé au mouvement de métropolisation qui a dévitalisé les zones rurales. Un sondage montre que 60 % des Français ne savent pas ce que sont les ZFE-m. C’est une bombe à retardement sociale qui risque d’éclater quand les habitants des zones rurales prendront conscience qu’ils seront verbalisés à hauteur de 68 euros lorsqu’ils entreront dans une métropole.

Pendant le confinement, monsieur Fugit, aucun véhicule ne roulait. Or je vous ai dit tout à l’heure que pour enregistrer une amélioration significative de la qualité de l’air en ville, il faudrait exclure également les véhicules Crit’Air 2. Votre remarque va donc dans mon sens, puisque pour réduire de 70 % les émissions d’oxydes d’azote, il faudrait aller jusqu’à la suppression totale de la circulation automobile ! Pouvez-vous m’indiquer avec précision la réduction prévisionnelle des émissions avec des ZFE-m excluant les seuls véhicules Crit’Air 3, 4 et 5 ?

Avis défavorable sur les amendements de suppression.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Vous dites, monsieur Fugit, que le confinement a fait baisser les émissions. L’exemple corrobore ce que nous disons : il est nécessaire de procéder à une baisse générale de celles-ci. Vous faites un constat juste mais, fidèles à votre doctrine du « en même temps », vous n’en tirez pas les conclusions. Pour notre part, nous affirmons que les émissions de particules fines, mais aussi celles de CO2, sont un problème global. Nous sommes donc très critiques envers le texte qui nous est soumis : en proposant de supprimer purement et simplement les ZFE-m, monsieur le rapporteur, vous faites preuve d’un déni des questions environnementale, climatique et sanitaire. Qui plus est, votre texte est écrit avec les pieds. Vous continuez à promouvoir le tout-voiture et n’avez guère travaillé sur les autres solutions dont vous parlez – c’est le moins que l’on puisse dire.

Le problème n’est pas envisagé dans son ensemble. Vous omettez de dire, monsieur Fugit, que les ZFE-m ne régleront pas le problème des émissions par les activités industrielles, nombreuses à la périphérie de nos villes, qu’il s’agisse de l’agglomération de Lyon-Villeurbanne ou de la métropole bordelaise. Jusqu’à preuve du contraire, lesdites émissions ne s’arrêtent pas à la rocade ou au périphérique de ces grandes métropoles ! Nous pensons qu’il faut revoir le périmètre des ZFE-m pour traiter la question de manière plus globale. Il faut en outre un accompagnement pour sortir rapidement du tout-voiture. Or le texte présenté ne répond à aucun de ces objectifs. Nous prendrons nos responsabilités en conséquence. Nous avons besoin d’une proposition cohérente qui tienne compte des enjeux climatique et sanitaire.

M. Bruno Millienne (Dem). Je souhaite apporter quelques éclairages.

Les contrôles policiers et les barrages dont vous avez parlé, monsieur le rapporteur, n’existeront pas ; c’est une vue de l’esprit, sinon une lubie. Pour votre bonne information, il a été acté que le contrôle des véhicules serait assuré au moyen d’un système de vidéosurveillance dénommé Lapi – lecture automatisée des plaques d’immatriculation – et que le produit des amendes collectées serait reversé aux collectivités, hors frais de gestion par les services de l’État. Gérard Leseul et moi avons préconisé que l’entrée en vigueur de ces contrôles au second semestre 2024 – et non 2025, comme vous l’avez dit – soit précédée d’une période d’au moins six mois de contrôles pédagogiques, étant entendu que ce sont les collectivités qui décideront.

S’agissant de la réglementation des émissions de particules fines, sans doute n’êtes-vous pas au courant que la norme Euro 7 est en cours d’élaboration au niveau européen. Elle concerne surtout les particules émises par les pneus et les freins. D’ailleurs, les fabricants de pneus ont déjà commencé à s’adapter : les nouveaux véhicules électriques sont équipés de pneus beaucoup plus durs, qui émettent moins de particules.

Votre proposition de loi est hallucinante. Au cours de sa préparation, vous auriez pu interroger le collectif Roole, acteur de l’économie sociale et solidaire, avec lequel travaillent des associations de lutte contre la précarité telles que le Secours catholique, le Secours populaire, Emmaüs ou les garages solidaires. Sans doute n’en avez-vous même pas entendu parler. Ils ont fait une proposition assez intéressante, que j’ai transmise au Gouvernement et sur laquelle celui-ci travaille : il s’agirait de récupérer une partie des 1,2 million de véhicules hors d’usage qui sont envoyés chaque année à la casse, en tout cas ceux qui roulent encore, de les rétrofiter et de les mettre en leasing – peut-être pour moins de 100 euros, précisément – au profit des gens qui ont peu de moyens. Au bout de cinq ans, ces véhicules électriques seraient rachetés par l’usager ou mis sur le marché de l’occasion. Le collectif Roole formule la même proposition pour les véhicules des domaines.

Nous allons en outre agir, notamment en instaurant des subventions, pour créer une filière du rétrofit des véhicules des artisans et commerçants, sachant que la valeur patrimoniale de ces véhicules est liée avant tout à leur aménagement, qui permet l’exercice de tel ou tel métier. Les intéressés plébiscitent le principe du rétrofit.

En matière de lutte contre la pollution de l’air, le partage des contraintes ne se fera pas uniquement dans les métropoles – je vous l’apprends peut-être, monsieur Prud’homme. Le Gouvernent a créé un groupe de travail sur la création de ZFE dans les ports maritimes et fluviaux. Gérard Leseul et moi avons en effet constaté que les ports sont tous situés à proximité d’une future ZFE-m. Dès lors, il n’est pas normal que le port ne soit pas concerné par les mesures que l’on demande à la ville d’appliquer. Il n’est pas prévu de faire de même pour les zones industrielles et les zones aéroportuaires, celles-ci n’étant pas toutes situées à proximité d’une ZFE-m. En revanche, nous avons demandé au Gouvernement de renforcer les normes antipollution dans ces zones.

Si vous aviez daigné nous parler au préalable, monsieur le rapporteur, peut-être n’auriez-vous pas déposé votre proposition de loi.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Travaillant depuis vingt ans sur la pollution de l’air, je vais m’efforcer à mon tour d’apporter quelques éclairages, en me plaçant du point de vue scientifique.

Pour chaque polluant, sur le fondement d’études scientifiques, notamment épidémiologiques, on fixe deux normes : une valeur limite de concentration dans l’air, au-delà de laquelle on sait qu’il y a un impact sur la santé ; un objectif qualité, en deçà duquel on sait qu’il n’y a aucun impact sur la santé. Entre les deux, il y a un intervalle. Les politiques publiques visent à diminuer la concentration du polluant de sorte qu’elle passe au-dessous de la valeur limite, puis atteigne l’objectif qualité, voire tombe en deçà.

Depuis plus de vingt ans, des politiques publiques sont menées pour réduire les émissions d’oxydes d’azote – en particulier de protoxyde d’azote –, de particules fines ou encore d’ammoniac. En la matière, c’est sans doute dans le secteur industriel que l’on a le mieux travaillé et le plus progressé – ne déformez pas mon propos.

Pour améliorer la qualité de l’air dans son ensemble, il faut jouer sur les émissions relevant des transports – c’est l’objet des travaux que nous menons ce matin –, de l’agriculture – j’ai évoqué tout à l’heure les mesures engagées dans ce secteur – et d’autres pratiques comme le chauffage au bois non performant. Notez bien que nous ne nous opposons pas au chauffage au bois, mais au chauffage au bois non performant. C’est pourquoi le Gouvernement a présenté le 23 juillet 2021 un plan « chauffage au bois », dont les mesures de nature législative ont été introduites dans la loi « climat et résilience ». Il s’agit de diminuer progressivement les émissions de particules d’ici à 2030, afin de progresser vers l’objectif qualité et de réduire l’impact sur la santé de nos concitoyens. Nous agissons non pas contre les gens, mais contre les polluants.

Chaque polluant a une source privilégiée. Les émissions de particules sont réparties entre le chauffage au bois, l’industrie, l’agriculture et les transports. En revanche, la source principale des émissions d’oxydes d’azote, ce sont bel et bien les véhicules utilisant des énergies fossiles, à savoir l’essence et le diesel. Plus les véhicules sont anciens, plus ils émettent une grande quantité d’oxydes d’azote par kilomètre parcouru.

M. Pierre Meurin, rapporteur. La source est essentiellement le diesel.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Le diesel plus encore que l’essence, nous sommes d’accord sur ce point.

Lorsque nous avons travaillé sur les ZFE dans le cadre de la LOM, j’ai défendu un amendement visant à préciser qu’il s’agissait de ZFE mobilité. Certains ont souri, se demandant quel était l’intérêt d’ajouter ce « m » à ZFE. Mon intention était tout simplement de bien faire comprendre que nous allions jouer uniquement sur le levier des transports à énergie fossile, et non sur le chauffage au bois, l’agriculture ou l’industrie.

L’objectif politique, c’est l’amélioration de la qualité de l’air. L’outil dont nous avons doté à cette fin les collectivités, ce sont les ZFE-m. J’ai entendu tout à l’heure des propos un peu démagogiques qui laissaient entendre que tout était imposé par l’État. Ce n’est pas exact : c’est aux collectivités de décider du périmètre et du calendrier, en s’appuyant sur les mesures de qualité de l’air réalisées par les Aasqa. La loi – je suppose que chacun en a lu les dispositions en vue de se prononcer sur le présent texte – impose la création sans délai d’une ZFE-m, avec l’interdiction des véhicules Crit’Air 3 à compter du 1er janvier 2025, dans un seul cas : si et seulement les normes de qualité de l’air ne sont pas respectées de manière régulière, c’est-à-dire si l’une des valeurs limites est dépassée au moins trois années sur les cinq dernières années. Compte tenu du parc automobile existant et de ce qui a été observé, nous savons que cela concernera principalement les agglomérations parisienne, lyonnaise et marseillaise.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ce n’est pas vrai. Il n’y a que Brest qui est exemptée !

M. Jean-Luc Fugit (RE). Je parle là des émissions d’oxydes d’azote, eu égard à l’objectif que j’ai indiqué. Quant aux autres agglomérations de plus de 150 000 habitants, il leur est demandé de mettre en place une ZFE-m d’ici à 2025, mais selon un calendrier et dans un périmètre dont elles sont responsables. On leur fait bel et bien confiance.

Le ministre de la transition écologique et le ministre délégué chargé des transports ont créé un comité de suivi qui se réunira tous les six mois, afin d’assurer une coordination nationale entre tous les acteurs qui se sont engagés dans cette politique.

J’espère que nous allons adopter les amendements de suppression.

M. Pierre Meurin, rapporteur. Merci, monsieur Fugit, mais vous ne m’avez pas donné de chiffre concernant l’impact des ZFE-m en matière d’amélioration de la qualité de l’air. Je le répète, l’exemple du confinement n’est pas pertinent, car le trafic était alors presque nul ; autrement dit, les véhicules Crit’Air 2 ne roulaient pas non plus. À moins qu’on ne veuille en arriver là dès 2025 ? Cela ne me paraîtrait ni réaliste, ni raisonnable, ni socialement acceptable. J’en reviens donc à mon argument : pour que les ZFE-m conduisent à une amélioration significative de la qualité de l’air en ville, il faudrait exclure jusqu’aux véhicules Crit’Air 2, à savoir les trois quarts du parc automobile français.

Je ne doute pas que vous soyez un grand scientifique, monsieur Fugit, mais la politique est une science humaine. Le réalisme commande de combiner des mesures pour parvenir au bien commun. En l’espèce, il n’y a absolument pas d’autres solutions que la voiture individuelle ; il n’y a pas suffisamment de transports en commun, ni d’intermodalité. Avec les ZFE-m, la durée des déplacements va tripler, quadrupler ou quintupler pour les habitants des zones rurales. Quand bien même cela améliorerait la qualité de l’air, cela compliquera la vie de millions de Français. Si on leur proposait d’être exposés à un peu plus de particules fines pour faire une heure de trajet au lieu de cinq, je pense qu’ils signeraient.

Le dispositif des ZFE-m est une usine à gaz, que les Français ne comprennent pas et n’acceptent pas. Supprimons-le et refondons-le ; repartons de zéro. Nous sommes prêts à travailler, avec vous tous, à d’autres solutions.

Vous regrettez, monsieur Millienne, que je ne vous aie pas auditionnés, Gérard Leseul et vous, dans le cadre de la préparation de ma proposition de loi. Cela aurait été effectivement intéressant ; c’est un oubli de ma part, dont je vous prie de m’excuser. J’ai néanmoins lu votre rapport, dans lequel vous formulez des propositions. Vous auriez d’ailleurs très bien pu déposer des amendements pour les intégrer dans le présent texte. Au lieu de saisir cette occasion, vous avez déposé des amendements de suppression. Vous êtes donc davantage dans une posture politicienne que vous n’avez la volonté de faire appliquer vos propres recommandations.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé.

 

 

Article 2 (article 107 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets) : Suppression de l’expérimentation d’un prêt à taux zéro dans les zones à faibles émissions mobilité

 

Amendements de suppression CD2 de Mme Lisa Belluco, CD3 de Mme Laurence Maillart-Méhaignerie, CD6 de M. Gérard Leseul, CD8 de M. Bruno Millienne, CD10 de Mme Anne-Cécile Violland et CD12 de M. Jean-Luc Fugit.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). L’article 2 vise à supprimer une mesure d’accompagnement qui me semble pourtant utile. Je propose de la conserver et nous invite à réfléchir à d’autres mesures d’accompagnement.

M. Gérard Leseul (SOC). Non seulement cette proposition de loi relève du déni sanitaire, environnemental et démocratique, mais c’est aussi un texte totalement réactionnaire. L’article 2 est antisocial, et je n’en comprends pas du tout la logique. Vous vous attachez à supprimer l’expérimentation d’un PTZ, une des seules mesures intéressantes, qu’il convient au contraire d’améliorer. Il faut tout faire pour étendre ce dispositif, pour le faire garantir par l’État, condition sine qua non de sa réussite, et pour en accélérer la mise en œuvre – nous nous étions déjà battus en ce sens. Nous voterons avec vigueur pour les amendements de suppression.

M. Bruno Millienne (Dem). Pour les raisons que vient d’évoquer Gérard Leseul, nous demandons nous aussi la suppression de l’article 2. Il est encore plus ahurissant que l’article 1er ; les bras m’en tombent !

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur le rapporteur, vous savez très bien que le recours au contrôle technique n’est pas une solution viable. En revanche, grâce au système de vidéosurveillance Lapi, il sera possible d’attribuer une note de pollution aux cartes grises des véhicules mis sur le marché, dispositif qui pourra être harmonisé au niveau européen. Voilà une mesure intelligente.

Le rapport que Gérard Leseul et moi avons remis à l’issue de notre mission flash – j’ai adoré travailler avec vous, mon cher collègue – n’a pas servi à caler une armoire. Le Gouvernement a déjà repris neuf des vingt mesures qui y figurent. Le ministre de la transition écologique est très optimiste quant à la possibilité de faire garantir le PTZ par l’État. Plusieurs groupes de travail ont été créés : sur l’harmonisation des mesures, sur l’acceptabilité sociale, sur les ZFE portuaires. Un délégué interministériel a été nommé. Un comité de suivi se réunit pour permettre la concertation et faire en sorte que tous les acteurs avancent dans le même sens. Vous semblez méconnaître tout cela, monsieur le rapporteur. C’est vous qui êtes dans une logique totalement politicienne : vous cherchez à faire peur aux Français et à gagner ainsi quelques voix supplémentaires ; j’espère que vous ne les obtiendrez pas.

Mme Anne-Cécile Violland (HOR). Le groupe Horizons et apparentés est très surpris que l’on propose, par l’article 2, de supprimer ce PTZ. Ce serait particulièrement injuste et contre-productif au regard de nos objectifs en matière de transition écologique.

M. Jean-Luc Fugit (RE). Pour déployer les ZFE-m, il faut accompagner à la fois les collectivités et nos concitoyens.

En matière d’accompagnement des collectivités, l’Ademe pilote un groupe de travail national. Des engagements ont été pris dès 2018, avant même l’examen de la LOM, entre le Gouvernement et les collectivités les plus touchées par le dépassement régulier des normes de pollution atmosphérique. Les ministres ont récemment réuni toutes les collectivités concernées. Le fonds vert, annoncé pour 2023, prévoit 150 millions d’euros pour accompagner les collectivités dans la mise en place des ZFE-m, notamment pour financer les études préalables réalisées par les Aasqa. Des moyens existent donc déjà ; il faut sûrement les renforcer.

En matière d’accompagnement des particuliers, nous avons instauré au cours de la législature précédente le bonus écologique et la prime à la conversion, qui a été étendue par la loi « climat et résilience » à l’achat d’un vélo à assistance électrique – le président Zulesi s’en souvient. Au total, 1 million de primes ont été accordées au cours du quinquennat précédent. Je fais partie de ceux qui pensent qu’il faut aller plus loin encore, mais c’est un premier pas.

D’autre part, on ne peut pas dire que nous n’accompagnons pas le développement des mobilités actives et des mobilités partagées ! Nous avons créé le forfait mobilités durables, désocialisé et défiscalisé. Son montant a été progressivement relevé : de 400 euros initialement, il a été porté à 500 euros sur proposition de la Convention citoyenne pour le climat ; le dernier projet de loi de finances rectificative prévoit qu’il atteindra désormais 700 euros, voire 800 euros dans certains cas. Hier, un plan « covoiturage » a été annoncé. Mme la Première ministre a en outre décidé que le plan Vélo serait doté de 250 millions d’euros par an, contre 50 millions précédemment.

D’autres mesures sont en gestation. Le Président de la République a évoqué des projets de RER. Il avait auparavant mis en avant la question du leasing social, sur laquelle nous allons travailler.

Le PTZ est l’une des mesures d’accompagnement. Vous proposez de le supprimer par l’article 2, ce qui est tout de même surprenant. Je me réjouis que ma collègue écologiste Lisa Belluco souhaite le conserver. Elle a aussi indiqué tout à l’heure être favorable au rétrofit. Or celui-ci pourra désormais être financé par le PTZ, grâce à l’adoption d’un de mes amendements au projet de loi de finances. Dès lors, supprimer le PTZ reviendrait à supprimer un outil de soutien au rétrofit, ce qui serait incohérent.

Je vous invite à voter pour les amendements de suppression de l’article 2 aussi massivement que vous avez voté pour ceux de suppression de l’article 1er. Il faut préserver les aides prévues. Il faudra aussi, le cas échéant de manière transpartisane – je m’adresse notamment à Gérard Leseul –, travailler au renforcement de ces mesures au cours des années qui viennent, de telle sorte que nos concitoyens respirent mieux et se portent mieux.

M. Pierre Meurin, rapporteur. Nous pensons que ce PTZ est mal orienté et pose plusieurs difficultés. D’abord, il manque sa cible, puisqu’il concerne l’achat de véhicules électriques ou hybrides rechargeables. Ensuite, la mission flash l’a montré, le reste à charge est de 20 000 à 40 000 euros. Enfin, le PTZ n’est pas garanti par l’État, ce qui signifie que les ménages les plus modestes risquent d’en être exclus, alors qu’ils devraient en être les premiers bénéficiaires. Rappelons que les conditions pour y être éligibles sont particulièrement strictes : ne sont concernés que les foyers dont le revenu fiscal de référence est inférieur ou égal à 14 000 euros.

Comme il s’agit d’une expérimentation, nous pouvons encore espérer une meilleure orientation des aides. Pour ma part, je propose une aide qui permettrait aux propriétaires d’un véhicule Crit’Air 4 ou 5 d’acheter un véhicule d’occasion Crit’Air 2. Le reste à charge serait nul. Ce dispositif, qui coûterait moins cher à l’État, inciterait au renouvellement du parc. C’est donc une mesure de bon sens, qui contribuerait à l’amélioration de la qualité de l’air, tout en étant plus raisonnable que les ZFE, puisqu’elle serait dépourvue de leur dimension séparatiste et antisociale.

Avis défavorable sur les amendements de suppression.

Mme Danielle Brulebois (RE). Chers collègues de la NUPES, en particulier du groupe Écologiste, vous nous jetez sans arrêt à la figure que la France a été condamnée par la justice européenne pour avoir dépassé de manière continue les seuils limites de pollution, notamment aux oxydes d’azote. Pour la même raison, le Conseil d’État a ordonné le 17 octobre dernier le versement d’une astreinte financière importante. Vous dites que la France n’en fait pas assez pour protéger l’environnement et nos concitoyens, mais vous n’êtes pas d’accord lorsque nous voulons en faire davantage. Mon collègue Jean-Luc Fugit a énuméré les nombreuses mesures qui ont été prises. Nous vous invitons à travailler avec nous pour les améliorer, notamment pour les rendre plus lisibles pour les entreprises et pour mieux prendre en compte nos concitoyens les plus pauvres.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 2 est supprimé.

 

 

Après l’article 2

 

Amendement CD13 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin, rapporteur. J’ai déposé cet amendement tardivement, et vous prie de m’en excuser. Néanmoins, il ne devrait pas poser de difficultés politiques ; il pourrait même être consensuel : il s’agit de demander au Gouvernement de remettre au Parlement, dans un délai de six mois, un rapport sur les solutions alternatives au remplacement généralisé des véhicules thermiques par des véhicules électriques ou hybrides coûteux. Le décalaminage à l’hydrogène et la conversion des moteurs au bioéthanol, par exemple, n’ont pas été explorés. Nous pourrions au moins obtenir un tel rapport ; je souhaite ainsi contribuer à la réflexion.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission ayant supprimé tous les articles de la proposition de loi et rejeté l’amendement portant article additionnel, l’ensemble du texte est rejeté.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

Fédération française des motards en colère (FFMC) *

M. Éric Thiollier, animateur de réseau au secrétariat national

M. Gwenael Lamoureux, membre du bureau

40 millions d’automobilistes *

M. Pierre Chasseray, délégué général

Atmo France

Mme Anne Laborie, déléguée générale Atmo France

Mme Emmanuelle Drab-Sommesous, directrice « Accompagnement et développement » d’Atmo Grand Est

Mme Karine Léger, directrice Airparif

Mme Anne Kauffmann, référente nationale « Mobilités » à Atmo France et directrice des études à Airparif

Agence de la transition écologique (ADEME)

M. José Caire, directeur « Villes et territoires durables »

Mme Nadine Dueso, cheffe du service « Qualité de l’air »

Mme Chantal Derkenne, ingénieure au service « Qualité de l’air »

Table ronde d’élus locaux

M. Pascal Harlaut, maire de Romain

M. Cyrille Moreau, vice-président de la Métropole Rouen Normandie en charge des mobilités

M. Louis Aliot, maire de Perpignan

Table ronde de représentants des artisans, commerçants
et transporteurs routiers

Fédération nationale des transports routiers (FNTR) *

Mme Françoise Gleize, déléguée régionale Occitanie

Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) *

M. Benjamin Mattely, chargé de mission « Développement durable »

M. Samuel Deguara, directeur des affaires publiques et des relations institutionnelles

 

FlexFluel

M. Jérôme Loubert, directeur commercial

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.


([1]) Mission d’information flash de MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions, octobre 2022.

([2]) Arrêté du 22 décembre 2021 établissant les listes d’agglomérations de plus de 100 000, 150 000 et 250 000 habitants conformément à l'article R. 221-2 du code de l'environnement et à l’article L. 2213-4-1 du code général des collectivités territoriales.

([3]) https://www.statistiques.developpement-durable.gouv.fr/le-parc-de-vehicules-au-1er-janvier-2022-dans-les-territoires-concernes-par-une-zone-faibles?rubrique=&dossier=1347

 

([4]) Au troisième trimestre 2022, 71 630 points de recharge étaient accessibles au public.

([5]) Mission d’information flash de MM. Gérard Leseul et Bruno Millienne sur les mesures d’accompagnement à la mise en œuvre des zones à faibles émissions, octobre 2022. D’après les données du ministère de la transition écologique.

([6]) Décret n° 2022-615 du 22 avril 2022 relatif à l’expérimentation d’un prêt ne portant pas intérêt pour financer l’acquisition d’un véhicule dont les émissions de dioxyde de carbone sont inférieures ou égales à 50 grammes par kilomètre.