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N° 682

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 11 janvier 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI, APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE,
 

visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux
de rénovation énergétique

PAR M. Thomas CAZENAVE

Député

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Voir le numéro : 574.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION..................................................... 5

EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er Expérimentation de dérogations au code de la commande publique pour favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics

I. la rénovation énergétique des bâtiments publics

A. les enjeux de la rénovation du parc immobilier public

B. Une conjoncture incitative

II. Les contrats de performance énergétique, un outil a encourager

A. Les Contrats de performance énergétique

B. Deux vecteurs juridiques distincts et leurs limites

1. Le marché global de performance et ses limites

2. Le marché de partenariat

C. Un dispositif insuffisamment utilisé

III. Les modifications proposées par la proposition de loi

A. La dérogation aux dispositions de droit commun sur l’exécution financière du marché, qui ouvre la possibilité du tiers financement

B. L’application de dispositions propres aux marchés de partenariat

1. Le contenu de la proposition de loi

2. Les risques liés aux conditions strictes de passation

C. La question des sous-traitants

IV. La position de la commission

Article 1er bis Passation et exécution des contrats passés en application de l’article 1er

Article 2 Rapport au Parlement

Article 3 Gage financier

Examen en commission

Personnes entendues


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Mesdames, Messieurs,

Marqué par trois épisodes de vagues de chaleur, l’été 2022 a été le deuxième été le plus chaud depuis l’année 1900 et constitue un aperçu des conditions climatiques estivales que nous aurons à affronter de plus en plus fréquemment dans les décennies à venir. Cet hiver, la presse locale et nationale s’est fait l’écho des conséquences de la hausse des coûts de l’énergie sur les températures mesurées dans plusieurs bâtiments publics, en particulier les écoles.

Dans ce contexte, la performance énergétique des bâtiments est un enjeu essentiel.

L’État et les collectivités territoriales sont propriétaires de 38 % de l’ensemble du parc tertiaire national. Dès 2030, ils seront soumis aux obligations du « décret tertiaire » qui impose une diminution des consommations d’énergie des bâtiments concernés de 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010. Ces objectifs rendent nécessaires dès à présent la mise en œuvre de travaux de rénovation énergétique parfois de grande ampleur.

À moyen et long terme, la rénovation énergétique constitue une source d’économies, sans même parler des enjeux en termes de confort pour les usagers du service public comme pour ses agents. Mais à court terme, les investissements à consentir peuvent être lourds dans un contexte de tension sur les finances publiques.

La présente proposition de loi vise donc à rendre accessible le tiers financement à l’État, ses groupements et aux collectivités territoriales et leurs établissements publics. Ce dispositif permet d’associer une offre technique portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps.

En l’état du droit, les règles de la commande publique, qui interdisent le paiement différé sauf dans des cas très spécifiques, font obstacle au tiers financement dans le cadre de marchés publics

La présente proposition de loi crée donc un dispositif ad hoc, à titre expérimental pour cinq ans, qui permet de déroger aux articles du code de la commande publique portant sur l’exécution financière des marchés tout en gardant une maîtrise d’ouvrage publique. Elle s’appliquera uniquement aux contrats de performance énergétique conclus par l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements, sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments. Grâce à un amendement adopté par la Commission des Lois, les conditions de recours à ces contrats sont assouplies afin de tenir compte de leurs spécificités et d’inciter les acteurs publics concernés à s’en saisir. Elles reposent sur une analyse de la soutenabilité financière et une étude préalable de l’intérêt du projet, en particulier au regard du critère de la performance énergétique.

Un rapport en cours d’expérimentation permettra de faire un bilan et de tracer des perspectives.

L’objectif est de faciliter les opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics dans notre pays afin de faire face aux défis climatiques à venir.

 

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   EXAMEN DES ARTICLES

Article 1er
Expérimentation de dérogations au code de la commande publique pour favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics

Adopté avec modifications

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article permet à l’État, à ses groupements, aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics de déroger à titre expérimental à certaines dispositions du code de la commande publique pour les contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance pour la rénovation énergétique d’un ou de plusieurs de leurs bâtiments.

Il s’agit, notamment, de leur permettre de bénéficier du tiers-financement et de lever ainsi l’obstacle financier lié au montant de l’investissement à consentir pour financer ce type de rénovations.

L’article précise aussi les conditions de paiement des sous-traitants.

Dernières modifications législatives intervenues

Les dispositions auxquelles le présent article autorise une dérogation ont été codifiées par l’ordonnance n° 2018-1074 du 26 novembre 2018 portant partie législative du code de la commande publique.

Les modifications apportées par la commission

La Commission a adopté deux amendements du rapporteur, visant à préciser le traitement comptable de la dette issue des contrats conclus en application de cet article et à opérer une coordination avec un amendement portant sur un autre article. Elle a aussi adopté un amendement de précision de M. Guillaume Gouffier Valente.

I.   la rénovation énergétique des bâtiments publics

La rénovation énergétique des bâtiments publics constitue un enjeu majeur pour les années à venir en raison de l’importance de ce parc immobilier et du contexte tendant à rendre ces opérations particulièrement pressantes.

A.   les enjeux de la rénovation du parc immobilier public

Le parc immobilier de l’État et des collectivités territoriales représentait en 2020 près de 380 millions de mètres carrés, soit environ 38 % du parc tertiaire national.

Plus précisément, le parc immobilier de l’État représente 94 millions de mètres carrés de surface utile brute (SUB), occupé principalement par les services de l’État (60 %) et par ses opérateurs (34 %) ([1]) . Le parc immobilier tertiaire des collectivités territoriales représenterait 280 millions de mètres carrés, soit environ 27 % du parc tertiaire national ([2]), dont environ la moitié est occupé par des écoles, collèges et lycées.

La rénovation énergétique des bâtiments publics et l’amélioration de leurs performances énergétiques constituent donc une priorité à plus d’un titre :

– il s’agit en premier lieu d’un enjeu environnemental majeur, dans la mesure où le secteur du bâtiment dans son ensemble représente 44 % de la consommation d’énergie finale et un quart des émissions de dioxyde de carbone de la France ([3]) ;

– l’énergie étant un des principaux postes de dépense dans le budget des communes, il s’agit aussi d’un enjeu d’ordre économique et financier, même si le coût initial des rénovations peut être élevé ;

– à plus long terme, la rénovation énergétique des bâtiments publics favorise la résilience collective et le confort des usagers face aux conséquences du changement climatique, y compris face aux fortes chaleurs ([4]) ;

– il s’agit, enfin, d’un enjeu d’exemplarité pour l’État et les collectivités. Cette exigence d’exemplarité apparaît déjà, en ce qui concerne les nouvelles constructions sous maîtrise d’ouvrage de l’État, de ses établissements publics ou des collectivités territoriales, dans la loi du 17 août 2015 ([5]) qui prévoit déjà qu’elles « font preuve d’exemplarité énergétique et environnementale et sont, chaque fois que possible, à énergie positive et à haute performance environnementale » ([6]).

B.   Une conjoncture incitative

Votre rapporteur est par ailleurs convaincu que la situation actuelle rappelle l’urgence d’accélérer et de massifier les opérations de rénovation énergétique des bâtiments publics.

En effet, l’invasion russe de l’Ukraine commencée en février 2022 et ses conséquences sur les marchés se traduisent par une hausse des prix de l’énergie qui démontrent la nécessité de disposer de bâtiments énergétiquement performants.

Sur le plan juridique, la fin de l’année 2022 correspond aussi au début du caractère contraignant des obligations déclaratives imposées par le « décret tertiaire » ([7]) du 23 juillet 2019, pris en application de l’article 175 de la loi « ELAN » ([8]) . Sont concernés tous les bâtiments ou locaux d’activité à usage tertiaire et dont la surface d’exploitation est supérieure ou égale à 1 000 m2, y compris donc les bâtiments publics.

L’article 175 de la loi ELAN introduit dans le code de la construction et de l’habitation un article L. 111-10-3 aux termes duquel « Des actions de réduction de la consommation d’énergie finale sont mises en œuvre dans les bâtiments, parties de bâtiments ou ensembles de bâtiments à usage tertiaire, définis par décret en Conseil d’État […] afin de parvenir à une réduction de la consommation d’énergie finale pour l’ensemble des bâtiments soumis à l’obligation d’au moins 40 % en 2030, 50 % en 2040 et 60 % en 2050, par rapport à 2010. »

Pour chaque bâtiment ou partie de bâtiment, cette obligation peut être mise en œuvre :

– soit par « un niveau de consommation d’énergie finale réduit, respectivement, de 40 %, 50 % et 60 % par rapport à une consommation énergétique de référence qui ne peut être antérieure à 2010 »,

– soit par « un niveau de consommation d’énergie finale fixé en valeur absolue, en fonction de la consommation énergétique des bâtiments nouveaux de leur catégorie. »

Le décret prévoit des obligations déclaratives via la plateforme en ligne OPERAT, et des sanctions administratives en cas de non-déclaration ou de non-respect des obligations fixées.

L’horizon temporel à partir duquel une baisse significative des consommations devra être observée, fixé à 2030, impose dès à présent à l’État et aux collectivités d’accélérer les travaux sur leurs bâtiments.

II.   Les contrats de performance énergétique, un outil a encourager

Outils de la rénovation énergétique, les contrats de performance énergétique présentent un réel intérêt par la garantie de résultat qu’ils apportent. Les dispositifs permettant aux acteurs publics d’y avoir recours restent néanmoins perfectibles.

A.   Les Contrats de performance énergétique

La loi du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l’environnement ([9]) a mis en place les contrats de performance énergétique. Son article 5 fixe à l’État l’objectif « de réduire les consommations d’énergie du parc des bâtiments existants d’au moins 38 % d’ici à 2020 » et, à cette fin, de « la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013. » Elle prévoit aussi qu’il soit rendu possible pour les pouvoirs adjudicateurs de recourir à un contrat de performance énergétique.

La définition des contrats de performance énergétique est fixée par l’arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux contrats de performance énergétique. Plusieurs éléments les caractérisent :

– leur objet, qui doit être la diminution de 1 à 100 % ([10]) des consommations énergétiques au moyen d’un investissement dans des travaux, fournitures ou services ;

– une mesure fiable des économies réalisées, mesurées par rapport à une situation de référence qui « tient compte des consommations historiques corrigées de tout facteur externe ayant un impact significatif sur la consommation. » et peut par ailleurs faire l’objet d’un contrôle par un organisme accrédité à cet effet ;

– la garantie de la baisse des consommations d’énergie par la société de services assurant la prestation. La non atteinte de l’objectif d’efficacité énergétique donne lieu à une pénalité financière en fonction de l’écart de consommation constaté par rapport à l’engagement contractuel.

Arrêté du 24 juillet 2020 relatif aux contrats de performance énergétique (extrait)

« Article 1er : Un contrat de performance énergétique (CPE) est un contrat conclu entre un donneur d’ordre et une société de services d’efficacité énergétique visant à garantir une diminution des consommations énergétiques du maître d’ouvrage, vérifiée et mesurée par rapport à une situation de référence contractuelle, sur une période de temps donnée grâce à un investissement dans des travaux, fournitures ou prestations de services. En cas de non atteinte des objectifs du contrat, celui-ci prévoit des pénalités financières. »

Cette définition est très proche de celle fixée par la directive européenne 2012/27/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2012.

B.   Deux vecteurs juridiques distincts et leurs limites

Les acheteurs publics peuvent conclure des CPE soit sous la forme d’un marché global de performance énergétique, soit d’un marché de partenariat de performance énergétique. Ces deux outils juridiques se distinguent par leur caractère dérogatoire au droit commun, et en particulier au principe de l’allotissement ([11]).

Si l’absence de l’obligation d’allotissement apparaît bienvenue pour des marchés dont l’objet est par nature divers, d’autres obstacles juridiques au plein usage de ces outils dans le cadre de CPE existent néanmoins.

1.   Le marché global de performance et ses limites

Cette catégorie de marché est définie à l’article L. 2171-3 du code de la commande publique ([12]) comme associant « l’exploitation ou la maintenance à la réalisation ou à la conception-réalisation de prestations afin de remplir des objectifs chiffrés de performance. Ces objectifs sont définis notamment en termes de niveau d’activité, de qualité de service, d’efficacité énergétique ou d’incidence écologique. Le marché global de performance comporte des engagements de performance mesurables. »

Les marchés publics globaux

Le code de la commande publique distingue trois catégories de marchés publics globaux (article L. 2171-1) :

– les marchés de conception-réalisation

– les marchés globaux de performance

– les marchés sectoriels.

Ils se caractérisent notamment par leur objet, à savoir la réalisation de prestations de nature différente, et par une dérogation de plein droit à l’obligation d’allottissement, focntionnel comme géographique.

Les marchés globaux de performance sont donc exécutés en deux étapes : une phase de conception-réalisation, correspondant aux travaux d’amélioration de la performance énergétique, et une phase d’exploitation et/ou de maintenance.

Ils sont soumis aux mêmes règles d’exécution budgétaire que les marchés de droit commun, en particulier celle selon laquelle « Tout paiement différé est interdit dans les marchés passés par l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements » (article L. 2191-5). Corollaire de cette interdiction, pour ces marchés globaux, la rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance ne peut contribuer au paiement de la construction (article L. 2191-6). La rémunération des prestations d’exploitation ou de maintenance du marché global de performance est liée à l’atteinte des engagements de performances mesurables, fixées par le marché pour toute sa durée (article R. 2171-2).

En 2011, le rapport de M. Olivier Ortega remis à la ministre de l’écologie ([13]) identifiait déjà l’interdiction du paiement différé comme un obstacle juridique au déploiement des CPE via le vecteur des marchés globaux de performance. L’acheteur public ne pouvant avoir recours au pré-financement privé des prestations de conception-réalisation, il doit disposer de bonnes capacités financières pour financer la première partie du contrat avant de pouvoir compter sur les économies qui seront réalisées.

2.   Le marché de partenariat

Le marché de partenariat de performance énergétique, qui a remplacé l’ancien contrat de partenariat ([14]), se caractérise par :

 un objet souple, mais comportant nécessairement le financement de l’opération envisagée. Peuvent s’ajouter des missions supplémentaires comme la conception, l’aménagement, l’entretien, la maintenance ou la réparation. Ce marché permet un financement privé des investissements réalisés, la personne publique rémunérant le titulaire de façon différée à compter de l’achèvement des missions principales ([15]) ;

– le transfert de la maîtrise d’ouvrage au titulaire du marché.

Article L. 1112-1 du code de la commande publique

Un marché de partenariat est un marché public qui a pour objet de confier à un opérateur économique ou à un groupement d’opérateurs économiques une mission globale ayant pour objet la construction, la transformation, la rénovation, le démantèlement ou la destruction d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels nécessaires au service public ou à l’exercice d’une mission d’intérêt général et tout ou partie de leur financement. Le titulaire du marché de partenariat assure la maîtrise d’ouvrage de l’opération à réaliser.

Cette mission globale peut en outre comprendre:

1° Tout ou partie de la conception des ouvrages, équipements ou biens immatériels;

2° L’aménagement, l’entretien, la maintenance, la gestion ou l’exploitation d’ouvrages, d’équipements ou de biens immatériels[,] ou une combinaison de ces éléments;

3° La gestion d’une mission de service public ou des prestations de services concourant à l’exercice, par la personne publique, de la mission de service public dont elle est chargée

Les conditions de passation du marché de partenariat sont toutefois plus contraignantes que pour les marchés globaux de performance :  

– la valeur du marché doit être supérieure à un seuil, fixé par voie réglementaire à deux millions d’euros, afin de réserver ce type de contrat aux marchés les plus importants (article L. 2211-5) ;

– la passation de ce marché doit faire l’objet d’un « bilan plus favorable, notamment sur le plan financier, que celui des autres modes de réalisation du projet » (article L. 2211-6) ;

Une procédure d’instruction du projet doit être effectuée. L’acheteur doit ainsi réaliser une évaluation « ayant pour objet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet », soumise pour avis à la Mission d’appui au financement des infrastructures (articles L. 2212-1 et L. 2212-2), et une étude de soutenabilité budgétaire, « qui apprécie notamment les conséquences du contrat sur les finances publiques et la disponibilité des crédits » et soumise pour avis au service de l’État compétent (articles L. 2212-3 et L. 2212-4).

C.   Un dispositif insuffisamment utilisé

Les données recueillies par l’Observatoire national des CPE ([16]) font état de 380 CPE publics signés entre 2008 et 2021, soit une moyenne de 27 par an, et couvrant une durée généralement comprise entre 8 et 10 ans. En d’autres termes, le dispositif reste relativement peu utilisé.

Evolution du nombre de CPE publics depuis 2007

Source : Observatoire national des CPE, Chiffres clés – Novembre 2022

Plus particulièrement, les contrats à financement public représentent l’immense majorité des supports des CPE publics. Sur les 380 CPE recensés, seuls 20 ont été signés sous la forme d’un contrat de partenariat jusqu’en 2015 et l’Observatoire précise ne pas avoir identifié de CPE réalisés sous la forme de marché de partenariat. Les marchés publics globaux de performance « sont ainsi devenus le véhicule juridique quasi exclusif pour lancer et attribuer des CPE [publics] ».

Dans ce contexte, l’impossibilité d’avoir recours à des financements autres que publics peut s’avérer fortement dissuasive alors même que le seul vecteur permettant une alternative n’est plus utilisé.

Semble ainsi confirmée l’analyse de M. François Tenailleau, avocat, qui notait ainsi en 2019 que « la pratique actuelle consistant à se tourner quasi systématiquement vers les marchés globaux (sans financement privé) ou la concession, par seule crainte des obstacles posés au recours aux marchés de partenariat et des risques de contentieux, ne paraît guère satisfaisante » ([17]). De son côté, M. Aurélien Burel, avocat, observait en 2012 à l’occasion de l’introduction dans le code des marchés publics du contrat global de performance, ancêtre du marché global de performance, que « cette impossibilité de faire financer le coût de l’équipement par le titulaire de ce contrat, et donc d’insérer une clause de paiement différé permettant de lisser le paiement de la part des travaux sur la durée globale, réduira certainement l’intérêt que pourrait représenter un tel marché… » ([18]).

M. Philippe Pelletier, président du Plan bâtiment durable, déplorait par ailleurs la carence des acteurs du financement que sont les banques, afin de souligner le besoin existant. Les contrats ainsi conclus seraient caractérisés par la perspective de revenus réguliers (sous réserve que les contrats de performance soient remplis) versés par une personne publique, soit un profil d’investissements assez sûr qui devrait être recherché, sous réserve d’autres facteurs pouvant diminuer leur attractivité comme le montant des sommes en jeu, par les tiers-financeurs potentiels ([19]) .

Enfin, dans une contribution écrite soumise à votre rapporteur, le département des Yvelines soulignait pour sa part le caractère trop élevé des crédits nécessaires au regard des opérations à réaliser, soulignant même que « compte tenu de nos paramètres financiers (faible endettement, fort autofinancement, bases fiscales importantes), ce qui est impossible pour nous l’est, a fortiori, pour la quasi-totalité des collectivités locales françaises ».

III.   Les modifications proposées par la proposition de loi 

La présente proposition de loi vise à inciter les acteurs publics à entamer des opérations de rénovation énergétique de leurs bâtiments en facilitant le recours aux contrats de performance énergétique grâce à des dérogations au code de la commande publique.

Elle présente un caractère expérimental, pour une durée de cinq ans. Il s’agit de la durée pendant laquelle les contrats pourront être passés, et pas de la durée d’application de ces contrats. Même si elle n’est pas pérennisée, elle continuera donc à produire des effets à l’expiration du délai de cinq ans et jusqu’à l’expiration des contrats passés en application de l’article 1er.

Elle reprend un dispositif qui figurait à l’article 97 de la loi de finances pour 2022 ([20]), à l’exception de la question des sous-traitants. Dans sa décision rendue sur la loi de finances pour 2022, le Conseil constitutionnel a censuré cet article en tant que « cavalier législatif », précisant que cette décision « ne préjuge pas de la conformité du contenu de ces dispositions aux autres exigences constitutionnelles » ([21]).

Un tableau comparant les contrats proposés par la proposition de loi, les marchés de performance et les marchés de partenariat est proposé à la fin du présent III.

A.   La dérogation aux dispositions de droit commun sur l’exécution financière du marché, qui ouvre la possibilité du tiers financement

Le premier alinéa de l’article 1er prévoit la possibilité de déroger aux articles L. 2191-2 à L. 2191-8 du code de la commande publique, qui portent sur l’exécution financière des marchés publics ([22]) .

Les articles L. 2191-5 et L. 2191-6, commentés dans la deuxième partie du présent rapport, interdisent le paiement différé et son corollaire. La proposition de loi ouvre la possibilité de déroger à cette règle, ce qui présente un double avantage :

– elle dispense la personne publique d’avoir à avancer de sommes importantes, peut-être au-delà de ses capacités financières ; en effet, elle permet aux acteurs publics concernés d’avoir recours au tiers financement ([23]) pour réaliser des travaux de rénovation énergétique ;

– elle permet à la personne de s’appuyer sur les économies réalisées sur la consommation énergétique pour faciliter le paiement ([24]).

Les autres articles auxquels il est possible de déroger prévoient :

– des versements à titre d’avances, dont le taux et les conditions de versement ne peuvent être modifiées en cours d’exécution (L. 2191-2 et L. 2191-3). L’article R. 2191-3 prévoit une avance obligatoire de 5% pour les marchés dépassant 50 000 euros et 2 mois ;

– le versement d’acomptes lorsque les prestations ont commencé à être exécutées (L. 2191-4) ;

– la possibilité pour les marchés de prévoir à la charge du titulaire le versement d’une garantie (article L. 2191-7) ;

– la possibilité pour le titulaire de céder ou nantir la créance qu’il détient sur l’acheteur à un établissement de crédit ou à un autre cessionnaire ou créancier (article L. 2181-8).

B.   L’application de dispositions propres aux marchés de partenariat

1.   Le contenu de la proposition de loi

La seconde phrase du premier alinéa de l’article 1er rend applicables aux contrats conclus en application de la présente proposition de loi les articles L. 2211-1 à L. 2212-4, L. 2221-1 à L. 2223-4, L. 2232-2 et L. 2235-1 à L.2235-3 du code de la commande publique, propres aux marchés de partenariat.

Les conditions du recours à ces marchés ont été explicitées précédemment : seuil minimal (article L. 2211-5), bilan plus favorable (article L. 2211-6). Cette dernière obligation se manifeste notamment par la production d’une évaluation préalable (articles L. 2212-1 et L. 2212-2) et d’une étude de soutenabilité budgétaire (articles L. 2212-3 et 2212-4).

  • Les autres dispositions

Sont également applicables les dispositions relatives aux marchés de partenariat portant sur :

– les acheteurs autorisés (articles L. 2211-1 à L. 2211-4),

 les autorisations préalables à l’engagement de la procédure (articles L. 2221-1 à L. 2221-3),

– la présentation des documents de la consultation, des offres et les critères d’attribution (articles L. 2222-1 à L. 2222-5), 

– l’achèvement de la procédure (articles L. 2223-1 à L. 2223-4),

– les conditions d’indemnisation en cas d’annulation ou de résiliation du contrat (articles L. 2235-1 à 2235-3).

 

2.   Les risques liés aux conditions strictes de passation

Il résulte de l’ensemble des dispositions ci-dessus que les contrats passés en application du présent article constitueront une forme juridique hybride entre le marché de performance et le marché de partenariat.

Or, le maintien de conditions de recours identiques à celles des marchés de partenariat n’apparaît ni nécessaire, ni opportune à votre rapporteur.

D’une part, les marchés prévus par la présente proposition de loi se distinguent des marchés de partenariat sur plusieurs points. Leur objet est plus restreint et les inscrit dans une finalité d’intérêt général évidente. Surtout, la nature même des contrats de performance énergétique est protectrice pour l’acheteur public, puisqu’elle permet de garantir que les économies de consommation énergétique envisagées seront bien réalisées et, à défaut, que la différence entre les objectifs et la réalité sera prise en charge par le titulaire du marché. Les marchés de partenariat impliquent par ailleurs un transfert de la maîtrise d’ouvrage vers le titulaire du marché, ce qui ne sera pas le cas pour les marchés prévus par la proposition de loi.

D’autre part, les conditions de passation actuellement prévues à l’article 1er seraient source de complexité et de confusion avec les marchés de partenariat, risques qui ont été soulignés par plusieurs personnes auditionnées et auxquels votre rapporteur souscrit pleinement. Soumettre les marchés prévus par la proposition de loi aux mêmes conditions de passation que les marchés de partenariat pourrait diminuer l’intérêt du dispositif. Il n’est en effet pas certain que le seul avantage du paiement différé soit suffisant au regard des contraintes liées aux conditions de recours ([25]). Comme précédemment évoqué, il est déjà extrêmement rare que les marchés de partenariat soient utilisés à l’appui d’un contrat de performance énergétique, les collectivités leur préférant la procédure plus simple des marchés globaux de performance en dépit de l’interdiction du paiement différé. La Direction de l’immobilier de l’État ([26]) elle-même invite à privilégier les marchés globaux de performance pour les opérations de rénovation énergétique ([27]).

Aussi, dans un objectif de massification des opérations de rénovation énergétique, votre rapporteur souhaite que le nouveau dispositif proposé soit le plus simple possible, dans le respect de la jurisprudence constitutionnelle, pour permettre aux collectivités notamment de s’en saisir plus facilement. Un amendement en ce sens portant article additionnel après l’article 1er a donc été adopté en commission à l’initiative de votre rapporteur.

Le Conseil constitutionel et le paiement différé

Les décisions de 2003 et 2004 encadrant le recours aux contrats de partenariat

En 2003 ([28]) , saisi sur la loi qui habilitait notamment le gouvernement à instituer par ordonnance « de nouvelles formes de contrats », c’est-à-dire les futurs contrats de partenariat, le Conseil constitutionnel avait apporté plusieurs précisions quant à leur régime juridique :

– si aucun principe ou règle de valeur constitutionnelle n’interdit leur mise en place, il n’est cependant pas possible de « généraliser » de tels contrats, dérogatoires au droit commun de la commande publique ;

– ils doivent donc être réservés « à des situations répondant à des motifs d’intérêt général tels que l’urgence qui s’attache, en raison de circonstances particulières ou locales, à rattraper un retard préjudiciable, ou bien la nécessité de tenir compte des caractéristiques techniques, fonctionnelles ou économiques d’un équipement ou d’un service déterminé ».

Il a confirmé cette jurisprudence dans sa décision du 2 décembre 2004 portant sur la loi de simplification du droit ([29]), une fois mis en place les contrats de partenariat.

La censure des dispositions présumant l’urgence dans la loi du 28 juillet 2008

La loi du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat ([30]) introduisait des dispositions présumant, de façon transitoire, l’urgence dans certaines situations particulières – permettant ainsi de légitimer le recours aux marchés de partenariat dans ces situations. Étaient ainsi réputés présenter un caractère d’urgence les projets répondant à un certain nombre de besoins limitativement énumérés, comme ceux de l’enseignement supérieur ou les infrastructures de transport durable. La puissance publique devait simplement prouver que le bilan de l’opération n’était pas défavorable à la passation d’un contrat de partenariat.

Le Conseil constitutionnel a censuré ces dispositions  ([31]) :

– d’une part, la généralisation de ces pratiques est susceptible de porter atteinte à l’égalité devant la commande publique, la protection des propriétés publiques et le bon usage des deniers publics ;

– d’autre part, la présomption d’urgence ainsi instaurée par le législateur empêche le juge d’exercer son contrôle sur le caractère d’urgence et prive ainsi des garanties légales nécessaires les principes constitutionnels susmentionnés.

C.   La question des sous-traitants

Le deuxième alinéa de l’article 1er prévoit aussi des conditions dérogatoires en ce qui concerne le paiement des sous-traitants. Le code de la commande publique prévoit en effet les règles suivantes pour le paiement du sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté par le pouvoir adjudicateur :

– lorsque le montant du contrat de sous-traitance est supérieur ou égal à un seuil fixé par voie réglementaire, le sous-traitant direct bénéficie du paiement direct par l’acheteur pour la part du marché dont il assure l’exécution (article L. 2193-11). Le décret du 25 mars 2016 a fixé ce seuil à 600 euros TTC (article R. 2193-10).

– lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à ce seuil, il est fait application du titre III de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance ([32]) : le sous-traitant direct est payé par le titulaire du marché, mais dispose d’un action directe contre le maître d’ouvrage faute de paiement.

La proposition de loi prévoit le paiement du sous-traitant dans les conditions prévues par le titre III de la loi précitée, c’est-à-dire par le titulaire du marché quel que soit le montant du contrat de sous-traitance. Le sous-traitant conserve la possibilité d’une action directe contre le maître d’ouvrage. Cette dérogation est cohérente avec le caractère différé du paiement rendu possible par l’alinéa 1er de la proposition de loi.

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*     *

Le tableau ci-dessous résume les modifications proposées.

Marché global de performance, marché de partenariat et marché global de performance passé dans les conditions ouvertes par la proposition de loi : comparatif des caractéristiques principales

 

Marché global de performance

Marché de partenariat

Marché global de performance passé dans les conditions de la présente proposition de loi

Conditions de mise en œuvre

Souples

Exigeantes (seuil, bilan favorable)

Exigeantes (seuils, bilan favorable)

Financement

Public

Principalement privé

Public ou privé

Obligation d’allotissement

Non

Non

Non

Maître d’ouvrage

Acheteur public

Prestataire

Acheteur public ([33])

Rémunération

Ne peut pas être étalée dans le temps

Étalée dans le temps

Étalée dans le temps

Sous-traitants

Selon le montant du contrat de sous-traitance, paiement direct par l’acheteur ou paiement par le titulaire avec possibilité d’action directe

Sans objet

Paiement par le titulaire et possibilité d’action directe par le sous-traitant

 

IV.   La position de la commission

La commission a adopté deux amendements du rapporteur.

Le premier opère une coordination avec l’amendement introduisant l’article 1er bis, en supprimant la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1er. Cette phrase renvoyait à plusieurs articles du code de la commande publique, relatifs aux marchés de partenariats, en les rendant applicables aux marchés passés en application de l’article 1er ([34]).  

L’autre amendement précise le traitement comptable de la dette contractée dans le cadre des contrats de performance énergétique conclus en application de l’article 1er. Il répond à un souci de transparence sur les engagements financiers contractés par les personnes publiques.

Ainsi, le marché devra préciser clairement comment seront identifiés les coûts d’investissement, les coûts de fonctionnement, les coûts de financement et, le cas échéant, les revenus. Les documents budgétaires de la collectivité territoriale ou de l’établissement public concerné devront être assortis d’une annexe retraçant l’ensemble des engagements financiers résultant des contrats de performance énergétique ainsi signés et d’une annexe retraçant plus spécifiquement la dette liée à la part « investissements ».

La commission a aussi adopté un amendement visant à clarifier le fait que la durée de cinq ans d’expérimentation correspond uniquement à la période pendant laquelle ces contrats pourront être conclus. Leur durée de mise en œuvre pourra quant à elle être supérieure à cinq ans et se prolonger au-delà de la période d’expérimentation.

Article 1er bis
Passation et exécution des contrats passés en application de l’article 1er

Introduit par la commission

Cet article est issu d’un amendement du rapporteur qui vise à rendre plus lisible le régime spécifique applicable aux marchés conclus en application de l’article 1er : il s’agit d’un régime ad hoc, instauré à titre expérimental pour cinq ans. Des conditions spécifiques de recours à ces contrats sont prévues, reposant sur une analyse de la soutenabilité financière et une étude préalable de l’intérêt du projet en particulier au regard du critère de la performance énergétique.

L’amendement inscrit à cet effet dans le corps de la proposition de loi le contenu des références initialement mentionnées à la deuxième phrase du premier alinéa de l’article 1er. Ces dispositions portent sur les autorisations préalables, la présentation des documents de marché, l’achèvement de la procédure et l’indemnisation du titulaire en cas d’annulation ou de résiliation du contrat.

Il procède néanmoins à quelques adaptations :

Alors que le texte initial avait pour effet d’interdire à certains acheteurs de conclure des contrats de performance énergétique en application de l’article 1er, l’amendement leur ouvre ce droit.

L’application de ces dispositions, qui concernent initialement les marchés de partenariat, n’est en effet pas apparue pertinente pour des contrats qui n’ont pas le même objet et n’emportent ni les mêmes risques financiers pour l’acheteur, ni les mêmes conséquences en termes de transfert de maîtrise d’ouvrage.

Afin de simplifier la procédure, cet amendement modifie aussi les conditions de recours à ces contrats par rapport au texte initial de la proposition de loi.

L’étude de soutenabilité budgétaire est maintenue, dans la mesure où elle apparaît indispensable pour s’assurer du bon usage des deniers publics et mesurer les conséquences financières du contrat pour l’acheteur.

La condition de seuil, l’évaluation préalable et l’établissement d’un bilan plus favorable sont supprimés.

Le bilan est remplacé par une étude préalable qui permet de comparer les différents modes envisageables de réalisation du projet. La procédure de passation du marché ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que celui des autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique.

Article 2
Rapport au Parlement

Adopté par la commission avec modifications

1.   Le texte initial

Cet article prévoit la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation sur les contrats conclus en application de l’article 1er, dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi.

Cette disposition vise à assurer un bilan de l’expérimentation ainsi proposée, dans la perspective de son éventuelle pérennisation.

2.   La position de la commission

La commission a adopté trois amendements et un sous-amendement pour enrichir et préciser le contenu du rapport. Ce dernier devra donc notamment examiner :

– le recours des communes de moins de 3 500 habitants à ces contrats,

– l’accès des petites et moyennes entreprises,

– le recours à ces contrats par catégories de collectivités territoriales,

– le recours à la sous-traitance,

– la participation citoyenne des usagers des bâtiments publics objets de ces contrats,

– l’association des agents du service public en lien avec les bâtiments publics objets de ces contrats,

– l’accompagnement des acheteurs publics, notamment les collectivités territoriales et les établissements publics de santé, en particulier pour la passation et l’exécution ;

– l’impact budgétaire sur les finances des acheteurs publics concernés. 

Article 3
Gage financier

Adopté par la commission sans modifications

L’article 3 gage la charge pour l’État par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

La charge pour les collectivités territoriales est compensée à due concurrence par la majoration de la dotation globale de fonctionnement et, corrélativement pour l’État, par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 11 janvier 2023, la Commission examine, selon la procédure de législation en commission, la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (n° 574) (M. Thomas Cazenave, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/76y6cH

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les derniers mois ont fait apparaître plus que jamais l’urgence climatique. Dans ce contexte, le secteur du bâtiment est porteur d’enjeux primordiaux.

D’abord, face au changement climatique et aux coûts de l’énergie en hausse, des bâtiments publics énergétiquement performants amélioreront notre capacité à affronter les chocs climatiques ou géopolitiques, mais aussi le confort des usagers et agents publics.

Ensuite, le secteur du bâtiment dans son ensemble représente en France 44 % de la consommation d’énergie finale et un quart des émissions de dioxyde de carbone. Les bâtiments de l’État et des collectivités locales n’occupent pas moins de 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national ; dans les communes, les bâtiments publics sont responsables de 76 % de la consommation énergétique.

La proposition de loi concourt à l’atteinte d’un double objectif : le respect du décret dit tertiaire du 23 juillet 2019, qui impose de réduire la consommation d’énergie des bâtiments à usage tertiaire de 40 % d’ici à 2030, de 50 % en 2040 et de 60 % en 2050 par rapport à 2010 ; et, plus globalement, l’objectif de neutralité carbone à l’horizon 2050.

Les contrats de performance énergétique (CPE) sont des outils particulièrement adaptés aux rénovations énergétiques de grande ampleur. Ils permettent en effet de garantir une diminution des consommations énergétiques du maître d’ouvrage, mesurée par rapport à une situation de référence sur une période donnée, grâce à un investissement dans des travaux, fournitures ou prestations de service. Les acheteurs publics peuvent conclure des CPE sous deux formes juridiques distinctes qui, pour des raisons différentes, ne sont pas forcément à même de répondre au besoin d’une vaste rénovation énergétique.

La première est le marché global de performance. Il semble le vecteur le plus adapté, car il contient un engagement de résultat de l’opérateur en matière de gains énergétiques après les travaux : si les économies d’énergie prévues ne sont pas au rendez-vous, l’opérateur doit dédommager la puissance publique du montant de la différence. Ce type de marché est donc peu risqué pour les collectivités. Mais, conformément aux règles de la commande publique, la puissance publique doit s’acquitter du coût des travaux avant de bénéficier des économies d’énergie. Or les sommes à fournir par l’ensemble des collectivités territoriales, notamment pour se mettre en conformité avec le décret tertiaire, représentent un véritable mur d’investissements.

La seconde forme juridique possible est le marché de partenariat, anciennement partenariat public-privé (PPP). Ces marchés ont une très mauvaise image auprès des élus en raison de la complexité de leur mise en œuvre et parce qu’ils obligent à confier la maîtrise d’ouvrage à un opérateur tiers. Les chiffres de l’Observatoire national des contrats de performance énergétique (ONCPE) sont éloquents : sur les 380 contrats signés entre 2008 et 2021, seuls 20 ont été conclus sous la forme d’un contrat de partenariat.

Les marchés publics globaux de performance sont ainsi le véhicule juridique le plus adapté, mais leur mise en œuvre est entravée par le fait qu’à la différence des marchés de partenariat, ils n’autorisent pas le paiement différé. La présente proposition de loi vise par conséquent à adapter le régime de ces marchés pour permettre un paiement différé. Elle ne concerne que les CPE passés sous la forme d’un marché global de performance et présente un caractère expérimental, pour cinq ans. À mi-parcours de l’expérimentation, le Gouvernement remettra un rapport sur l’efficacité du dispositif.

L’objectif est de faciliter le recours au tiers financement dans le cadre de la rénovation énergétique de nos écoles, collèges, lycées, hôpitaux et de l’ensemble des bâtiments publics. L’État, les établissements publics et les collectivités territoriales pourraient ainsi payer les travaux après leur exécution. Le remboursement de la somme est alors partiellement financé par les économies d’énergie déjà réalisées : on peut investir immédiatement et lisser le coût de l’investissement dans le temps. En outre, ces contrats, à la différence des marchés de partenariat, permettent à l’acheteur public de garder la maîtrise d’ouvrage.

En l’état de la proposition de loi, une partie du régime de ces contrats reste adossée à celui des marchés de partenariat. Au cours des auditions, nous avons pris conscience du risque de confusion que cela entraîne. Je défendrai donc des amendements pour clarifier ce point en dissociant du marché de partenariat le dispositif que nous proposons et en le simplifiant. En particulier, la preuve d’un bilan plus favorable, notamment financier – condition d’un marché de partenariat –, ne sera plus nécessaire, non plus que l’étude du coût global de l’opération. Je proposerai également que les seuils minimaux requis pour la passation des marchés de partenariat et maintenus par la proposition de loi ne soient plus applicables au dispositif qui vous est soumis, ce qui permettra aux plus petites communes, mais aussi aux PME, d’accéder à ces contrats. Pour conclure ces derniers, l’État, ses établissements publics et les collectivités territoriales devront naturellement toujours démontrer la soutenabilité budgétaire de leur opération, mais surtout son efficacité énergétique – car c’est bien de cela qu’il est question.

J’ai auditionné un grand nombre d’acteurs – associations d’élus, administrations, juristes, acteurs du secteur de la rénovation énergétique ; je tiens à les remercier de s’être rendus disponibles dans une période un peu particulière. Il en est ressorti plusieurs interrogations auxquelles je souhaite répondre.

D’abord, la dette contractée dans le cadre des contrats prévus par la proposition de loi sera traitée comme une autre dette sur le plan comptable. Il n’est pas question de la déconsolider ou de la cacher, ne serait-ce qu’eu égard à la sincérité de nos comptes publics. Nous avons parfois ressenti chez les élus une grande réticence à s’engager dans ce type d’opération à cause de l’obligation d’afficher le montant de la dette ; nous devons poursuivre notre réflexion sur la bonne dette, la dette verte, indispensable si nous voulons atteindre nos objectifs climatiques.

Le concours des services de l’État, notamment de la Banque des territoires et de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), aux collectivités pour instaurer le dispositif sera crucial, en particulier pour les petites collectivités. Il faudra également être attentifs à l’accès des PME et ETI (entreprises de taille intermédiaire) au mécanisme ; ce sera le sens de l’un de mes amendements.

Je forme le souhait que cette proposition de loi permette d’accompagner l’indispensable rénovation énergétique des bâtiments publics, et je vous appelle bien évidemment à la voter.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Ce premier texte de l’année propose à titre expérimental de permettre à l’État et aux collectivités territoriales de déroger à l’interdiction du paiement différé dans le cadre des marchés globaux de performance énergétique, afin d’accélérer et de massifier la rénovation énergétique des bâtiments publics. Je remercie le rapporteur de son implication et de son travail.

Lors des auditions, la volonté de s’engager dans de réelles politiques publiques de rénovation énergétique des bâtiments afin d’atteindre nos objectifs de transition énergétique est apparue unanime. Les bâtiments publics communaux sont responsables de 76 % de la consommation énergétique totale des communes. Nous avons tous à l’esprit des exemples de bâtiments scolaires confrontés à ce problème.

Le texte s’inscrit dans une action plus globale. Ce sont 4 milliards d’euros qui sont consacrés à la rénovation énergétique des bâtiments dans le cadre du plan de relance, et de nouvelles obligations relatives aux objectifs de réduction de la consommation d’énergie ou de neutralité carbone pour 2050 sont imposées.

Le dispositif proposé tend à remédier à la trop faible utilisation des contrats de performance énergétique pour la rénovation des bâtiments publics, due notamment au mur d’investissements auquel les collectivités peuvent faire face en la matière et à la complexité excessive des outils disponibles – je pense en particulier au marché de partenariat. La proposition de loi permet de combiner les avantages du marché global de performance énergétique avec une possibilité de tiers financement. L’objectif, qui devrait nous rassembler largement, est de lisser le coût de la rénovation énergétique et de faciliter la réalisation par les personnes publiques de projets ambitieux, d’autant que les économies d’énergie obtenues contribueront au remboursement progressif de l’investissement.

Un autre point sur lequel nous pourrions nous accorder est la nécessité de garantir la bonne dose de souplesse afin que le dispositif atteigne son objectif : être utilisé par le plus grand nombre possible de collectivités et présenter une plus-value par rapport à ce qui existe déjà. Nous soutiendrons donc les amendements de notre rapporteur qui correspondent aux réalités de terrain et aux difficultés concrètes que soulève la rénovation énergétique, et nous nous opposerons logiquement aux amendements qui compliqueraient le dispositif et l’enserreraient dans des contraintes excessives. Par souci de clarification, le groupe Renaissance défendra un amendement explicitant le fait que la durée de cinq ans de l’expérimentation ne concerne pas l’exécution des contrats, mais bien la période pendant laquelle les personnes publiques concernées peuvent conclure de tels contrats.

Le mouvement plus global dans lequel s’inscrit le texte devra s’accompagner d’une réflexion collective sur l’incitation à la bonne dette, pour lever les freins politiques, et bien intégrer l’accompagnement des collectivités en matière d’ingénierie.

Le dispositif amendé par notre rapporteur est équilibré et sécurisant. Il circonscrit la dérogation aux contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance, ne remet pas en cause l’exigence d’une étude de soutenabilité budgétaire, laisse la maîtrise d’ouvrage à la main de la personne publique et garantit contractuellement l’amélioration de la performance énergétique du bâtiment.

Pour toutes ces raisons, et compte tenu de la nécessité impérieuse d’accélérer la rénovation énergétique de nos bâtiments publics, le groupe Renaissance votera la proposition de loi.

M. Yoann Gillet (RN). Le principe de la proposition de loi – déroger aux règles d’exécution financière applicables aux contrats de la commande publique – est à considérer comme une avancée. Il va dans le sens d’une simplification des CPE que nous réclamions.

Celles et ceux qui ont déjà été aux commandes d’un exécutif local le savent, bien d’autres simplifications sont nécessaires ; à lui seul, le code de la commande publique mériterait un nombre incalculable de modifications.

Toutefois, l’expérimentation proposée dans le texte constitue une difficulté. Elle est de cinq ans quand les contrats de performance énergétique sont de dix ans en moyenne. Si, au terme de l’expérimentation, le principe de dérogation est validé, cela ne posera pas de problème, mais dans le cas contraire, qu’adviendra-t-il du contrat ? Les acteurs publics seront dans le flou du point de vue juridique et contraints de signer les avenants. Il y a donc lieu d’anticiper en prévoyant une prolongation de la dérogation au moins jusqu’à la fin des contrats lancés pendant les cinq premières années.

Enfin, l’objectif affiché est de favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics, mais il y aurait bien d’autres leviers pour cela. Les maires, présidents d’établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) et autres présidents d’exécutif veulent tous rénover les bâtiments dont ils ont la charge, mais nos maires, en particulier, sont dans une situation sans précédent, car les décisions irresponsables des gouvernements successifs, jusqu’au gouvernement actuel, ont balayé les efforts financiers réalisés localement à force de baisses de dotations et de charges supplémentaires sans compensation. Jamais les collectivités territoriales n’ont connu pareille précarité financière.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’idée du texte est d’inclure un tiers dans le portage financier et technique de la rénovation énergétique des bâtiments, tout en dérogeant à d’importants articles du code de la commande publique.

Le tiers réaliserait l’investissement et le bénéficiaire des travaux – collectivité territoriale ou établissement public – lui rembourserait l’avance et les intérêts à la livraison, ou selon un échéancier négocié au contrat préalable et dont les termes et le taux seraient fonction des économies réalisables par le maître d’ouvrage. La collectivité territoriale ou l’établissement public devrait ainsi rembourser sur ses ressources propres la différence entre le coût global des travaux et les économies constatées.

Or le code de la commande publique interdit tout paiement différé dans les marchés passés par l’État, les établissements publics ou les collectivités territoriales. Le préfinancement est réservé aux marchés de partenariat, plus strictement encadrés. C’est en ce sens que la proposition de loi permet de déroger au code de la commande publique en ce qui concerne les contrats de performance énergétique.

Nous sommes d’accord sur un point : les bâtiments publics, responsables dans les communes de 76 % de la consommation énergétique, dont le coût a explosé ces derniers mois, doivent être exemplaires en matière de rénovation énergétique. Celle-ci représente un investissement important pour les acteurs publics. Pour le moment, le rythme des rénovations est très insuffisant, dans le parc immobilier tant public que privé, en logement individuel comme collectif. Les bâtiments publics constituent une part très importante des biens immobiliers à rénover ; toutes les organisations et associations œuvrant pour le développement durable recommandent de s’atteler à la tâche.

Nous sommes toutefois en désaccord quant à la manière d’y parvenir. Ce que vous proposez est bien loin d’une mesure destinée à réagir à l’urgence de la rénovation thermique. Qu’est-ce qui justifie que les collectivités soient exemptées des garde-fous prévus par le code de la commande publique et optent pour un mode de financement comportant de sérieux risques de surendettement ? Le marché de la rénovation thermique représentant une manne pour les entreprises privées, il semble judicieux de bien soupeser tout dispositif financier simplifiant le recours à celles-ci plutôt qu’à des acteurs publics selon des mécanismes encadrant la dépense publique.

De plus, il apparaît quelque peu hypocrite de la part du Gouvernement et de la minorité présidentielle de défendre une telle proposition de loi alors que les amendements de la NUPES sur la rénovation thermique votés dans le cadre du budget, qui abondaient de 12 milliards les fonds dédiés au dispositif MaPrimeRénov’ Sérénité, n’ont pas été intégrés au texte au moment de l’utilisation de l’article 49, alinéa 3 de la Constitution. Voulez-vous vraiment prendre le sujet à bras-le-corps ou êtes-vous motivés par les intérêts financiers que le mécanisme représente pour le privé sous couvert d’une apparente simplification, payée en fin de compte par les contribuables ?

Outre que le financement massif de la rénovation thermique des bâtiments publics devrait résulter d’une taxe sur les entreprises les plus polluantes, nous faisons face à un problème de structuration de la filière et à une pénurie de main-d’œuvre, faute d’offre de formation. C’est aussi la question de la formation des personnels de l’administration qu’il faudrait se poser avant de recourir toujours davantage à des entreprises privées. À tout le moins, les établissements publics et les collectivités locales, tout comme l’État, devraient pouvoir gérer leurs marchés publics et leurs financements sans avoir à passer par un tiers financement privé, en recourant à des appels d’offres classiques et à des investissements propres. Il est vrai que vous n’avez pas anticipé la baisse des ressources des collectivités…

Pour toutes ces raisons, nous nous interrogeons sur la pertinence et l’utilité d’un tiers financement dérogeant aux lois de la commande publique en matière de rénovation thermique. Il exposerait les collectivités et les établissements publics à un risque élevé d’endettement et favoriserait les pratiques corruptives.

Cela étant, nous attendrons l’examen des amendements pour arrêter notre position, pour le moins réservée à ce stade.

M. Raphaël Schellenberger (LR). De façon générale, l’argent local se raréfiant, nous avons besoin de réintroduire de l’intelligence budgétaire et financière au niveau des collectivités territoriales, même si les règles des marchés publics sont évidemment nécessaires à la probité et à l’obtention des meilleurs prix et des meilleurs rendements grâce à la mise en concurrence. Le texte qui nous est présenté va dans ce sens.

Quelques points suscitent l’attention de notre groupe. D’abord, il ne faudrait pas que le mécanisme devienne aussi complexe que l’étaient les partenariats public-privé. La question de la propriété du bien concerné permet d’appliquer ce mécanisme à de tout autres bâtiments : personne n’envisage de construire une école, et un bâtiment régalien en général, en partenariat public-privé alors qu’on l’imagine assez facilement pour un parking. L’outil de portage financier qui nous est proposé semble beaucoup plus adapté à ces bâtiments.

Ensuite, il importe que toutes les collectivités puissent accéder à l’outil, y compris les plus petites, mais en étant bien protégées, surtout ces dernières. Celles qui n’ont pas les moyens d’instruire le processus doivent être accompagnées.

C’est aussi pour cela que le mécanisme ne doit pas devenir une usine à gaz. Je suis prudent quant aux notions de rénovation globale ou de contrat global : la rénovation globale d’un bâtiment est une chose, mais un contrat de performance énergétique globale à l’échelle de la collectivité me semblerait trop complexe. Imaginons que l’éclairage public, par exemple, puisse faire l’objet d’un financement propre, non rattaché à un bâtiment, d’autant qu’au sein du bloc local le bâtiment relève de la compétence communale alors que l’éclairage dépend de l’intercommunalité, ou inversement. Le sujet est urgent ; pour aller vite, il ne faut pas être empêtré dans des problèmes de gestion et de transfert de compétences.

Enfin, parce que le dispositif est innovant et que les innovations ont pu s’accompagner d’erreurs par le passé, nous devons absolument le suivre au jour le jour pour pouvoir lui apporter rapidement, le cas échéant, les correctifs nécessaires. Expérimenter, oui, et même largement, mais en surveillant de près.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Si la rénovation énergétique des bâtiments publics est un impératif afin de tenir nos engagements climatiques, c’est aussi un levier stratégique pour atteindre la sobriété énergétique par des économies d’énergie. Pour relever ce défi majeur, le Gouvernement a fait du plan de relance une priorité. Ce sont 4 000 bâtiments de l’État et 265 bâtiments des collectivités locales qui sont concernés.

À l’occasion du Salon des maires, le ministre de la transition écologique a annoncé un dispositif de tiers financement favorisant la rénovation des bâtiments publics, dans la lignée de l’annonce du Président de la République sur la rénovation des écoles, le 18 novembre dernier, aux 24 heures du bâtiment. Tel est le contexte de présentation du dispositif qui nous est soumis.

Par la mise en œuvre du tiers financement, la personne publique pourra déroger à l’interdiction du paiement différé – un principe fort de la commande publique. Les acteurs publics auront dès lors la possibilité d’obtenir un lissage du paiement de la rénovation de leurs bâtiments ; c’est un avantage que nous ne saurions ignorer.

Notre groupe tient à saluer cette initiative, comme toutes celles qui tendent à favoriser et à accélérer la réalisation d’économies d’énergie. La rénovation thermique est intéressante tant pour la sobriété énergétique que pour les finances locales et cette souplesse pourrait faciliter le lancement de travaux de rénovation.

Cependant, le recours au préfinancement dans le cadre de la commande publique, ici au moyen du portage financier, appelle notre vigilance sur certains points. En l’état des textes, le préfinancement est réservé aux marchés de partenariat, maintes fois décriés et complexes à mettre en œuvre. Le mécanisme proposé étend aux contrats de performance énergétique les strictes conditions des contrats de partenariat. Le Gouvernement s’est engagé à ce que les collectivités soient accompagnées dans la décision de recourir à ces modèles contractuels complexes. Mais la mise en œuvre de ces contrats selon le nouveau dispositif ne doit pas se révéler contre-productive quant à la gestion de la dette et à sa transparence – la bonne gestion de la dette est un élément majeur de la politique financière des collectivités –, ni du point de vue de l’accessibilité effective du dispositif à toutes les catégories de collectivités et aux PME.

Notre groupe accompagnera toute initiative allant vers une commande publique toujours plus verte, mais également respectueuse des enjeux et des spécificités de nos territoires, qui sont en première ligne dans le lancement d’une véritable transition écologique.

Mme Marietta Karamanli (SOC). La proposition de loi constitue l’un des leviers de l’accélération de la rénovation énergétique. Dans ce cadre, les sociétés de tiers financement (STF) créées par la loi Alur en 2014 et par la loi de 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte ont un rôle à jouer.

Ces établissements régionaux aident les ménages à financer leurs travaux de rénovation énergétique. Leur but est de lever les freins qui retardent la réalisation de ces travaux, souvent ressentis comme chronophages et compliqués. Les sept STF existantes proposent une offre de services globale, adaptée aux spécificités locales, totalement personnalisée pour les besoins des ménages et structurée en plusieurs étapes. Il s’agit d’une offre technique pour la réalisation de travaux dont la finalité principale est la diminution de la consommation énergétique. Le financement partiel ou total s’opère en contrepartie du versement de mensualités limitées dans le temps par le ménage ayant fait réaliser les travaux. Là aussi, le remboursement du prêt débute après la fin des travaux, qui doivent permettre des économies d’énergie de 35 % au minimum.

Ces éléments très techniques n’apparaissent pas suffisamment dans le texte. Pourquoi cette nouvelle proposition de loi ? La dérogation y est autorisée à titre expérimental, mais prenons garde aux expérimentations susceptibles d’être ensuite généralisées : nous demanderons une évaluation partagée du dispositif. Sur la forme, nous regrettons que le texte fasse l’objet d’une procédure accélérée et d’avoir reçu plusieurs amendements dans la nuit. Sur le fond, nous approuvons l’effort consenti et nous voterons donc le texte, mais attention à ces aspects de méthode.

Cette semaine, lors de la séance de contrôle qui portait notamment sur les enjeux de la massification de la rénovation énergétique, nous n’avons obtenu que peu de réponses du ministre face aux difficultés des Français, alors que 47 % d’entre eux jugent complexes les dispositifs d’incitation et les aides permettant de s’équiper et que les locataires des logements rénovés ne constatent pas nécessairement une baisse de leurs charges de chauffage. Nous avons donc proposé un dispositif d’aide unique combinant prêts et subventions, indexé sur la performance énergétique et associé à un suivi après travaux, comme cela existe déjà dans d’autres pays européens, ainsi que des aides substantielles pour les ménages modestes. Il faut aussi une structuration de l’offre de rénovation globale par des professionnels qualifiés à l’échelle du territoire.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). La proposition de loi vise à assouplir les règles applicables aux contrats de performance énergétique créés par la loi Grenelle 1. En l’état du droit, ces contrats sont soumis au régime particulièrement contraignant des marchés publics globaux, qui interdit notamment toute forme de paiement différé. Or les travaux de rénovation énergétique représentent souvent un investissement élevé, en particulier pour les collectivités territoriales, ce qui freine le rythme de rénovation du parc immobilier public.

Comme le rappelle l’exposé des motifs, la rénovation des bâtiments publics est pourtant incontournable : ils représentent 380 millions de mètres carrés, soit 37 % du parc tertiaire national. L’État et les collectivités ont donc une responsabilité particulière en la matière, mais aussi un devoir d’exemplarité. Dans le cadre des objectifs d’économies d’énergie et de neutralité carbone, rénover les bâtiments publics, responsables de 76 % de la consommation énergétique des communes, est une nécessité.

L’État n’a pas manqué d’investir massivement et d’accompagner les acteurs de cette rénovation : je rappelle que 4 milliards d’euros lui ont été consacrés dans le cadre du plan de relance ; c’est une véritable priorité du Gouvernement. Les collectivités territoriales bénéficient également de 3 milliards à cette fin dans le cadre du grand plan d’investissement, dont 2,5 milliards de prêts et d’avances de la Caisse des dépôts, et de 500 millions au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL).

La proposition de loi donnera à l’État et aux collectivités les moyens d’accélérer cette rénovation déterminante pour les années à venir, grâce à un cadre juridique plus souple. Par un décalque d’une partie du régime applicable aux marchés de partenariat, l’État, les établissements publics et les collectivités pourront faire appel à un tiers financeur, auprès duquel il sera possible d’échelonner le paiement effectif des travaux.

Nous saluons le fait que cette modification prenne la forme, dans un premier temps, d’une expérimentation. Elle permettra d’observer si le régime juridique contraignant était un frein à l’engagement de tels travaux, mais aussi de contrôler qu’un tel dispositif ne conduise pas à accroître exagérément le taux d’endettement des collectivités, notamment des plus petites.

En outre, notre groupe souhaite que chacun d’entre nous veille à ce que les tiers financeurs participent à la dynamisation des bassins d’emploi en recourant à une sous-traitance locale, à laquelle la collectivité aurait fait appel dans le cadre d’un marché public global classique.

Notre groupe votera cette proposition de loi.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La meilleure énergie est celle que nous ne dépensons pas. Avec des écoles où la température descend en dessous de zéro en hiver et atteint des niveaux intolérables en été, des hôpitaux exsangues qui croulent sous les factures d’énergie, sans parler des pompiers ou d’autres services publics, l’urgence est réelle. Ces contrats de rénovation énergétique peuvent être un outil utile mais l’urgence ne saurait tout autoriser. La première version du texte posait problème en ce que le dispositif prévu n’était pas sans rappeler les partenariats public-privé dont beaucoup ont grevé les finances des collectivités et laissé des cicatrices.

L’expérimentation que vous proposez permettra de dresser le bilan des mécanismes qui fonctionnent et de ceux qui ne donnent pas satisfaction. Les collectivités qui n’en ont pas les moyens pourront engager les chantiers nécessaires – je pense aux petites communes, aux communes rurales et à celles qui rencontrent de graves difficultés à la suite de la crise énergétique.

Les écologistes n’ont jamais été opposés à la dette, dès lors qu’elle permet d’investir dans l’intérêt général, pour lutter contre le réchauffement climatique par exemple. La dette climatique emporte une double conséquence en portant atteinte à la fois à notre santé et à notre économie. Chaque année, l’inaction pour la qualité de l’air nous coûte 100 milliards d’euros. J’entends avec plaisir le groupe Renaissance considérer que la dette peut être bonne – puisse votre ministre des finances entendre ses troupes !

Pour rassurer nos collègues réticents, j’ai déposé des amendements qui tendent à renforcer le service public et le bien commun, au cœur de nos préoccupations. Je vous sais ouvert à cette discussion, monsieur le rapporteur. Sans être fantastique, ce texte technique qui n’a pas su écarter tout risque de dérive vers le privé peut représenter un outil utile dans la transition énergétique.

Sous réserve que la discussion des amendements soit fructueuse, nous sommes favorables à ce texte. Alors que la coalition présidentielle a rejeté, moqué, vilipendé tous les amendements relatifs à la rénovation thermique et énergétique que nous avons déposés au fil des textes, nous saurons voter pour ce qui est juste et important.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Au cours des derniers mois, nous avons témoigné de l’urgence à engager la rénovation thermique des bâtiments publics et dénoncé le retard accumulé. Nos concitoyens en ont souffert, dans leurs logements ou au sein même des bâtiments publics. Personne n’a oublié l’image de ces établissements scolaires qui n’étaient plus chauffés et dans lesquels les élèves grelottaient de froid. Nous devons trouver des solutions qui ne grèvent pas les finances publiques.

Les partenariats public-privé ont montré leurs limites ; le tiers financement présente des risques similaires. Nous pouvons nous poser la question de l’intérêt de ce mécanisme pour l’État qui bénéficie de canaux d’endettement simplifiés et de taux d’intérêt plus bas. Les collectivités territoriales ne profitent pas d’un dispositif aussi avantageux mais, pour autant, il n’est pas certain que le tiers financement s’avérera moins coûteux qu’un emprunt bancaire classique.

Quoi qu’il en soit, il est nécessaire de développer des modes de financement alternatifs, par exemple un tiers financement public, ce qui éviterait que le tiers tire profit du financement et permettrait aux collectivités de conserver le contrôle des opérations de rénovation. De nombreux organismes publics pourraient remplir ce rôle, comme la Caisse des dépôts et consignations, à travers la Banque des territoires, ou la Banque publique d’investissement. Le développement de ces outils et la levée de certaines contraintes législatives et réglementaires faciliteraient l’accès des collectivités à l’emprunt pour engager des opérations de rénovation thermique. Vous avez négligé cette possibilité pour privilégier l’accès au tiers financement privé. Vous facilitez ainsi l’accès aux grands groupes à un marché très important. Pourtant, les partenariats entre le public et le privé ont montré leurs limites ces dernières années et il y a fort à craindre que votre mécanisme ne fasse pas défaut à la règle. C’est pourquoi, sous réserve des amendements que vous avez déposés la nuit dernière mais que nous n’avons pas encore eu le temps de consulter, nous nous opposerons à ce texte.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). L’urgence énergétique est réelle. La situation est alarmante dans tous les territoires. L’explosion des tarifs de l’électricité et du gaz grève le budget des collectivités et certains bâtiments publics se trouvent dans un état inquiétant.

Les images récentes de locaux de l’administration, de services publics ou de lycées non chauffés ont choqué la population. Nous avons accumulé un grave retard à cause d’un manque d’ambition budgétaire. Souvenons-nous des débats qui ont entouré la loi de finances de 2023 : des amendements de toutes les oppositions visant à renforcer l’effort en faveur de la rénovation thermique ont été adoptés mais n’ont pas été repris dans le texte présenté par le Gouvernement dans le cadre de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution.

Les contrats de performance énergétique, qui existent depuis de nombreuses années, ne séduisent pas le secteur public en raison de leur complexité. Il serait préférable d’accompagner, de mieux conseiller et d’offrir une expertise juridique et technique. Cela étant, notre groupe prend acte de ce que ce texte vise à favoriser les travaux globaux par des contrats de performance énergétique. Cependant, donner plus de souplesse à l’État et aux collectivités par le biais du tiers financement ne suffira pas à inverser la tendance. D’ailleurs, il s’agit là de la seconde tentative de la majorité de faire passer cette mesure : cette proposition de loi est issue d’un amendement gouvernemental adopté lors du budget 2022 mais que le Conseil constitutionnel avait considéré comme un cavalier législatif et censuré.

Sur le fond, nous comprenons la démarche et notre groupe entend la demande de certaines collectivités, en particulier celles qui gèrent un parc public de bâtiments anciens et énergétiquement coûteux, d’un dispositif plus souple. Les territoires ne sont pas tous égaux, loin de là. La fracture territoriale se ressent sur le terrain, en particulier dans les territoires ruraux, insulaires, de montagne et en outre-mer. En ce sens, le recours au tiers financement permettrait de repousser les paiements après la réalisation des travaux et de profiter des économies d’énergie qui en résultent.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur, une concertation avec les associations d’élus. Quel regard portent-elles sur le tiers financement, en particulier Régions de France et l’Association des maires de France et des présidents d’intercommunalité (AMF) ?

Les CPE ressemblent à des partenariats public-privé et on ne peut négliger les risques qui entourent ces marchés. Il y a quelques années, le Sénat, qui leur avait consacré un rapport, les avait qualifiés de bombes à retardement, tant pour l’État que les collectivités. Ce texte autoriserait en effet les collectivités à investir au-delà de leurs capacités financières. C’est risqué, aussi l’expérimentation de courte durée, dans un cadre strict, et l’évaluation à mi-parcours sont-ils des choix prudents.

Avez-vous réfléchi à d’autres solutions que le tiers financement ? Nous pensons à l’avance remboursable par l’intermédiaire d’organismes comme la Banque des territoires. De nombreuses municipalités se sont engagées dans cette voie. Bastia a lancé des travaux de rénovation de son parc d’éclairage public grâce à un partenariat avec la Banque des territoires. Pourquoi ne pas généraliser ces initiatives, qui nous paraissent moins risquées ? Notre groupe, cependant, ne s’opposera pas à ce texte.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Monsieur Gillet, nous partageons votre interrogation sur les risques que présente la rédaction actuelle du texte. Aussi le groupe Renaissance a-t-il déposé un amendement pour préciser le cadre et le devenir, à l’issue de l’expérimentation de cinq ans, des contrats engagés.

Monsieur Coulomme, si nous dérogeons à l’un des principes de la commande publique en autorisant le report des paiements, nous ne remettons pas en cause les principes fondamentaux du code de la commande publique, à savoir la mise en concurrence et la transparence. En revanche, le dispositif est suffisamment souple pour permettre à la puissance publique de ne pas payer immédiatement les travaux mais d’attendre leur achèvement et d’utiliser ainsi l’argent économisé sur la facture d’énergie pour les financer. Ce type de mesure était attendu par les associations et les élus locaux.

Monsieur Schellenberger, je partage votre inquiétude quant à la complexité du tiers financement et c’est pour cette raison que j’ai déposé des amendements visant à en simplifier le cadre et à le dissocier d’un contrat de partenariat public-privé. Un autre amendement tend à rendre les petites collectivités éligibles à ce dispositif.

Madame Desjonquères, c’est vrai, il y aurait un risque à introduire une confusion avec les partenariats public-privé. C’est dans ce sens que l’amendement CL18 vise à clarifier ce dispositif pour le distinguer des partenariats public-privé et à simplifier les règles d’éligibilité. Par exemple, les hôpitaux ne peuvent pas contracter de partenariats public-privé mais ils seront éligibles au tiers financement. Quant au bilan, nous voulons abandonner l’approche très financière et comptable pour faire ressortir les gains d’efficacité énergétique.

Madame Karamanli, vous insistez sur l’importance d’un bilan partagé. C’est pour cette raison que l’expérimentation durera cinq ans. Le rapport nous permettra de déterminer, à mi-parcours, si les dispositions prévues répondent aux attentes des élus ou s’il existe des effets pervers qu’il faudrait corriger. Grâce aux amendements signés par des députés de différents groupes, nous sommes certains que le rapport d’évaluation ne fera aucune impasse.

Madame Poussier-Winsback, vous mettez en avant l’importance de l’expérimentation et le fait que le dispositif bénéficie aux plus petites collectivités, quitte à ce qu’elles le mutualisent. C’est pourquoi un amendement visera à supprimer le seuil de 2 millions d’euros afin de préserver le tissu économique local et de ne pas réserver l’avantage de cette mesure aux grands groupes très structurés pour des opérations de grande envergure.

Madame Regol, c’est vrai, dans la rédaction actuelle, le dispositif ressemble à s’y méprendre aux partenariats public-privé, ce qu’ont confirmé les auditions d’associations d’élus ou d’experts que nous avons menées. L’amendement CL18 vise à dissocier les deux mécanismes, même si nous prévoyons de conserver certaines des conditions prévues pour les partenariats public-privé, afin de sécuriser juridiquement et économiquement l’ensemble.

L’expérimentation est importante, en effet. Quant à la dette, là encore, je suis d’accord avec vous. Il y a de la bonne dette, comme la dette verte, et c’est pourquoi cette majorité a instauré le budget vert.

Madame Faucillon, le tiers financement ne présente pas tout à fait des risques similaires aux partenariats public-privé, car la maîtrise d’ouvrage reste publique. Nous avons simplement essayé, pour répondre aux attentes des élus locaux, de simplifier un dispositif qu’ils jugeaient trop complexe.

Le tiers financement a certes un coût, mais il y a aussi un coût pour la collectivité à ne pas agir tout de suite – un coût énergétique, un coût en termes de confort. En outre, ce dispositif est éligible à des acteurs publics ou parapublics – certains ont cité la Banque des territoires – mais nous n’aurions aucune raison de nous priver d’un mécanisme plus large qui permette de mobiliser aussi des financements privés. Quant aux risques que seuls les gros opérateurs soient concernés, il est levé avec la suppression du seuil qui permettra de financer aussi de petits chantiers. Cette mesure est bénéfique pour les petites collectivités et le tissu économique local.

Monsieur Acquaviva, vous avez raison d’insister sur l’importance d’une expertise technique et juridique, d’où l’incitation à la mutualisation des opérations entre collectivités et surtout la mobilisation des capacités d’ingénierie locale, comme l’ANCT ou la Banque des territoires.

Nous avons pu échanger avec la quasi-totalité des associations d’élus, comme l’Association des maires ruraux de France (AMRF), l’AMF, France urbaine, l’Assemblée des départements de France (ADF). Elles voient arriver d’un bon œil un dispositif qui complète leur boîte à outils à condition qu’il soit simplifié.

M. le président Sacha Houlié. Nous passons aux questions individuelles des députés.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Lorsqu’une collectivité territoriale emprunte, elle doit inscrire le montant dans son budget et prévoir une recette temporaire pour rembourser sa dette. Dans quelle section du budget la somme obtenue par le tiers financement devra-t-elle être inscrite ? Comment le montant en serait-il déterminé sachant que les travaux peuvent coûter plus cher que prévu, par exemple s’il faut engager une opération de désamiantage non prévue initialement ? Sous quelle forme cette somme sera-t-elle remboursée ? Mes questions ne sont pas anodines car le budget ne peut être voté par les élus municipaux que s’il est sincère et honnête. S’il reste une part de mystère, cela pose un problème de démocratie.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Rassurez-vous, d’un point de vue comptable et financier, ce type de contrat ne posera pas de problème démocratique. Quand vous souscrivez un contrat de tiers financement pour réaliser la rénovation énergétique de votre école, pour un montant de 5 millions d’euros par exemple, vous vous engagez à rembourser cet investissement. Le montant du contrat est traité comme une dette.

Par ailleurs, l’amendement CL20, dans un souci de transparence comptable et financière, prévoit que les marchés permettent d’identifier la part du prix consacrée au financement du projet afin que les collectivités établissent le montant de la dette à comptabiliser dans leurs comptes. Les collectivités territoriales devront également traduire dans une annexe les engagements hors bilan que représentent les marchés globaux de performance énergétique.

Nous sommes loin d’une dette cachée qui exploserait dans quelques années. Cela reste une dette, qu’il faudra assumer et rembourser. Le dispositif permet simplement d’étaler les remboursements et d’utiliser les économies réalisées sur les factures d’énergie.

Article 1er : Expérimentation de dérogations au code de la commande publique pour favoriser les travaux de rénovation énergétique des bâtiments publics

Amendement de suppression CL2 de M. Jean-François Coulomme.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Le texte connaissant une évolution significative, nous retirons cet amendement de suppression pour pouvoir en apprécier l’état final.

L’amendement est retiré.

Amendement CL1 de M. Jean-François Coulomme.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Il s’agit de réduire la durée de l’expérimentation de cinq ans à deux pour s’assurer qu’aucune collectivité ne s’enlise dans un endettement excessif.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Un délai de deux ans serait trop court pour laisser aux acheteurs publics le temps de s’approprier les possibilités offertes par la proposition de loi et dresser un bilan pertinent de l’expérimentation.

Avis défavorable.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Une partie du dispositif est basée sur une évaluation des économies réalisées par rapport à la facture énergétique. Seront-elles mesurées par rapport aux factures précédentes ou futures ? Les coûts ont flambé et on pourrait faussement penser que des économies phénoménales ont été réalisées alors qu’il n’aura pas été consommé beaucoup moins d’électricité, par exemple.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Par cet amendement, leurs auteurs expriment leur inquiétude quant à un dispositif que l’on voudrait avantageux pour tous. Pourriez-vous préciser la rédaction pour insister sur le fait qu’il s’agit vraiment d’une expérimentation, laquelle devra se conclure par l’établissement d’un bilan partagé avec l’ensemble des intéressés et les législateurs, sans qu’on cède à la tentation de la généraliser avant son terme ?

M. Yoann Gillet (RN). Même s’il ne s’agit que d’une expérimentation, ce serait une erreur que de la réduire à deux ans, car, les contrats de performance énergétique étant conclus en moyenne pour dix ans, on se retrouverait dans un flou juridique encore plus rapidement ! Sans parler de la complexité à bâtir de tels contrats. Aucune collectivité n’aurait les moyens d’en conclure un seul dans les deux prochaines années.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL13 de M. Guillaume Gouffier Valente

M. Guillaume Gouffier Valente (RE). Il s’agit de clarifier le fait que la durée d’expérimentation de cinq ans concerne la faculté pour l’État, ses établissements publics, les collectivités territoriales, leurs établissements publics et leurs groupements de conclure, sous la forme d’un marché global de performance, des contrats de performance énergétique dérogeant notamment à l’interdiction de paiement différé, et non pas l’exécution de ces contrats.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte l’amendement.

Amendement CL19 de M. Thomas Cazenave

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Il s’agit de supprimer la seconde phrase de l’alinéa 1, afin de tenir compte de la création, par l’amendement CL18, d’un article additionnel après l’article 1er, en ne faisant plus référence aux articles du code de la commande publique relatifs aux marchés de partenariat.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL15 de Mme Mathilde Desjonquères.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Cet amendement vise à garantir la prévisibilité des coûts pour les collectivités. Compte tenu du caractère dérogatoire du dispositif, qui occasionne un transfert de dette, il convient que le débat d’orientation budgétaire fasse état des conséquences financières induites par la conclusion d’un contrat de performance énergétique, en particulier concernant la gestion de la dette.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je partage votre préoccupation. Il faut, en effet, que les collectivités aient tous les éléments en main pour évaluer le dispositif. Cependant, il est déjà prévu que l’étude de soutenabilité budgétaire soit présentée à l’assemblée locale. Par ailleurs, dans un souci de transparence, l’amendement CL20, que je défendrai dans quelques instants, vise à ce que soient précisées dans un document annexe les caractéristiques du contrat, ses conséquences et son impact sur les finances de la collectivité locale.

Votre amendement étant satisfait, je vous demande de le retirer.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). J’aimerais convaincre Mme Desjonquères de maintenir son amendement, que je trouve intéressant. L’un des risques de ce type de montage est que le tiers financeur réalise une marge beaucoup plus importante que ce qu’aurait coûté le financement des travaux en recourant à l’emprunt. Certes, monsieur le rapporteur, les économies d’énergie permises par la rénovation thermique des bâtiments vont faire gagner de l’argent aux communes, mais les montants en question sont difficiles à évaluer. Il me semble donc nécessaire de disposer d’un outil permettant de comparer le coût d’un financement par l’emprunt et le coût d’un tiers financement. Imaginons que le tiers financeur soit Bouygues, que cette entreprise réalise également les travaux de rénovation et qu’elle décide unilatéralement de prendre une marge de 5 %, 6 % ou 7 % sur l’argent qu’elle avance. Ces taux sont bien plus élevés que ceux d’un emprunt !

M. Erwan Balanant (Dem). Le rapporteur a déposé ses amendements après le nôtre, et certains de ceux qu’il défendra par la suite se rapprochent effectivement de notre proposition. Ne perdons pas de temps : je propose de retirer notre amendement CL15 au bénéfice d’un travail, d’ici à la séance, entre Mme Desjonquères et le rapporteur visant à répondre à nos préoccupations communes. J’en profite pour saluer le travail de ma collègue : ensemble, vous allez pouvoir améliorer le texte !

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Ce travail de coconstruction à l’intérieur de la majorité me semble très intéressant. Néanmoins, cette proposition de loi est examinée selon une procédure spécifique qui nous empêchera d’avoir un débat en séance. Je soutiens l’amendement de Mme Desjonquères ; il ne faudrait pas que celui du rapporteur soit moins bon. En tout cas, la question devra être tranchée ce matin, à moins qu’un groupe demande que nous sortions de la procédure actuelle et qu’un débat soit organisé en séance.

M. le président Sacha Houlié. Cette proposition de loi est effectivement examinée selon la procédure de législation en commission (Plec). Si nous adoptons un texte ce matin, la discussion en séance sera extrêmement simplifiée – elle sera plus développée que dans le cadre d’une procédure d’examen simplifié, puisqu’il y aura une discussion générale, mais aucun amendement ne sera examiné. Cependant, l’application de la Plec peut être dénoncée jusqu’à quarante-huit heures après la mise à disposition du texte adopté par la commission. Quiconque souhaiterait organiser un débat d’amendements en séance peut donc obtenir gain de cause.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Il me semble en effet, monsieur le président, que cette procédure ne prévoit pas de débat en séance. Vous avez dit tout à l’heure qu’après l’adoption des amendements, les groupes politiques auraient encore l’occasion d’apporter une contribution au texte. La prise en compte de telles contributions pourrait nous permettre d’avancer.

M. le président Sacha Houlié. J’ai commis un abus de langage : j’ai qualifié les explications de vote de discussion générale, alors que ce n’est pas tout à fait la même chose. Dans le cadre de la Plec, le rapporteur et le Gouvernement interviennent en séance, puis les groupes peuvent exprimer une explication de vote. Cependant, je vous rappelle que cette proposition de loi fera l’objet d’une navette et que si le Sénat ne vote pas le texte conforme, une commission mixte paritaire sera réunie.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Lorsque nous examinerons l’amendement CL18, qui reprend toutes les dispositions relatives à l’équilibre financier, à la soutenabilité financière des opérations et au caractère plus favorable du recours à un tiers financement, vous constaterez que vos demandes sont très largement satisfaites. Nous souffrons malheureusement d’un problème de synchronisation, en raison du dépôt tardif de mes amendements, dont je suis responsable.

M. Erwan Balanant (Dem). J’avais oublié que nous étions en Plec, mais je suis un fervent défenseur de cette procédure et je tiens à ce qu’elle ne soit pas complexifiée. Cela dit, il n’y a pas de souci majeur : d’ici à l’adoption définitive de ce texte, nous aurons le temps de nous assurer que nos souhaits se rejoignent.

L’amendement est retiré.

Amendement CL20 de M. Thomas Cazenave.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Dans un souci de transparence comptable et financière et afin de rassurer ceux qui s’en inquiètent, cet amendement vise à ce que la dette et les engagements hors bilan que représentent les marchés globaux de performance énergétique soient bien identifiés d’un point de vue budgétaire et comptable et qu’ils soient présentés dans un document annexé aux comptes des collectivités territoriales.

La commission adopte l’amendement.

Amendements CL4 et CL10 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il convient d’instaurer quelques garde-fous garantissant que ces marchés ne seront pas utilisés dans un but spéculatif mais bel et bien comme un outil au service de la transition énergétique. Nous proposons ainsi d’encadrer les bénéfices réalisés par les entreprises, de manière non drastique puisque l’amendement CL4 prévoit un taux de marge ne pouvant excéder 10 % du montant des travaux effectués – on évite ainsi de s’éloigner du prix du marché et de favoriser l’inflation. Quant à l’amendement CL10, il s’agit d’un amendement de repli.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. On ne peut comparer des opérations complexes de rénovation énergétique avec la fabrication de gel hydroalcoolique ou de masques, comme vous le faites dans l’exposé sommaire de votre amendement CL4. Pas une de ces opérations ne ressemble à une autre : il faut prendre en considération l’âge du patrimoine concerné, le territoire où sont situés les bâtiments…

Par ailleurs, c’est la mise en concurrence et l’application du code de la commande publique qui permettront de s’assurer que les prix pratiqués sont les bons. Le droit de la commande publique, qui vise à protéger l’acheteur, intègre d’ailleurs déjà une appréciation de ce dernier sur le prix.

Enfin, les services de Bercy – en particulier la Mission d’appui au financement des infrastructures (Fin Infra) – seront systématiquement saisis afin d’évaluer la soutenabilité économique et budgétaire du dispositif envisagé. Il s’agit là un garde-fou ex ante relatif aux conditions économiques du contrat.

Demande de retrait ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL12 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Cet amendement rejoint notre crainte d’une dérive de ce dispositif de tiers financement vers quelque chose qui ressemblerait aux partenariats public-privé. Je sais que vous vous êtes efforcé, monsieur le rapporteur, de bien distinguer ces deux types de montage, mais de nombreuses interventions, même parmi les plus positives, ont fait état de ce danger. Nous proposons donc que les tiers capitaux sollicités dans le cadre des contrats globaux de performance soient essentiellement publics ou bénéficient de garants publics.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Votre amendement vide la proposition de loi d’une partie de son intérêt. Certes, le tiers financement n’exclut pas les acteurs publics ou parapublics, mais il permet aussi aux acteurs privés qui le souhaitent de financer de grandes opérations de rénovation énergétique. Si des banques ou des acteurs mutualistes, par exemple, sont prêts à agir de la sorte, c’est une bonne chose ; en les en empêchant, nous nous priverions d’une opportunité. Du reste, les collectivités territoriales se financent déjà avec des acteurs privés, notamment du secteur bancaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL14 de Mme Mathilde Desjonquères.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). L’utilisation de montages complexes peut s’avérer difficile pour les collectivités locales, en particulier pour celles qui ne bénéficient pas d’une ingénierie. Le recours à certains marchés complexes s’est parfois révélé désastreux pour les finances publiques locales, dans la mesure où ces véhicules juridiques correspondaient fort peu aux besoins des collectivités. Compte tenu de la complexité de l’exécution financière qu’impliquent ces modèles, il nous semble opportun de nous assurer que la la globalité des coûts soit suffisamment appréhendée par les pouvoirs adjudicateurs. Aussi l’amendement CL14 vise-t-il à garantir l’effectivité de l’évaluation préalable, notamment en s’assurant que le tiers financement constitue le mode de financement le plus approprié.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Les objectifs visés par cet amendement – la sincérité et la transparence de l’information, l’organisation d’un débat dans les assemblées locales et au sein des exécutifs locaux – me semblent déjà satisfaits par l’amendement CL20 que nous venons d’adopter, lequel prévoit que seront annexés aux comptes de la collectivité un document retraçant l’ensemble des engagements financiers résultant des contrats de performance énergétique, ainsi qu’un autre document retraçant la dette liée à la part d’investissement de ces mêmes contrats. On aura donc une vue globale sur les caractéristiques de ces derniers ainsi que leurs conséquences sur les finances locales, en particulier sur la dette.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Pour les mêmes raisons que tout à l’heure, j’accepte de retirer mon amendement, qui est effectivement en partie satisfait par l’amendement CL20. Je me réjouis de constater que les idées que j’ai défendues et les échanges que nous avons eus ont permis de faire avancer votre réflexion.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er modifié.

Après l’article 1er

Amendement CL18 de M. Thomas Cazenave.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Cet amendement vise à sortir les marchés globaux de performance énergétique du champ des partenariats public-privé.

Afin de rendre la proposition de loi plus lisible et plus autonome, nous proposons de créer un article additionnel reprenant un certain nombre des conditions applicables aux marchés de partenariat, mais pas toutes – nous n’avons conservé que celles qui nous semblaient utiles. Les conditions reprises concernent notamment les autorisations préalables, la présentation des documents de marché, l’achèvement de la procédure et les indemnisations.

Par rapport aux contrats de partenariat, nous faisons évoluer le dispositif en supprimant les seuils – c’est une mesure très attendue – et en permettant à toutes les autorités publiques de signer un marché global de performance énergétique – en effet, les hôpitaux ne peuvent, pour de bonnes raisons, conclure de partenariat public-privé.

J’insiste enfin sur une évolution très importante, qui renvoie à un débat que nous avons eu et qui concerne l’étude préalable. Le III de l’amendement dispose que « la procédure de passation de ce marché global de performance ne peut être engagée que si cette étude préalable démontre que le recours à un tel contrat est plus favorable que celui des autres modes de réalisation du projet, notamment en termes de performance énergétique ». Cette précision montre bien quel est l’enjeu spécifique de ces contrats ; un décret en Conseil d’État doit d’ailleurs donner plus de détails sur le niveau d’ambition attendu.

Je vous invite donc à adopter cet amendement de simplification, de lisibilité, qui nous permettra enfin de ne plus déplorer que les marchés globaux de performance énergétique soient rattachés aux marchés de partenariat.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous voterons contre cet amendement, non parce que nous serions opposés au dispositif proposé mais parce que nous n’avons pas eu le temps de l’étudier. Ce n’est pas contre vous, monsieur le rapporteur, mais nous désapprouvons la méthode utilisée : outre l’application d’une procédure spécifique qui ne nous permettra pas de retravailler la proposition de loi dans l’hémicycle, il n’est pas correct de déposer des amendements aussi longs dans la nuit précédant l’examen du texte en commission.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. J’entends votre critique, mais ne vous laissez pas impressionner par la longueur de l’amendement ! Il ne fait que reprendre des dispositions déjà applicables aux marchés de partenariat, en modifiant cependant quelques critères. C’est en effectuant ce travail que nous avons découvert que nous aurions interdit aux hôpitaux de souscrire ce type de contrat, ce qui aurait été une bêtise.

Je le répète, cet amendement vise à rendre la loi plus lisible et à opérer quelques évolutions par rapport aux marchés de partenariat : nous autorisons tous les acteurs publics à conclure des marchés globaux de performance énergétique, nous supprimons les seuils et nous remplaçons le bilan économique et financier, qui est un véritable inconvénient des marchés de partenariat, par une étude préalable globale tenant compte, notamment, des gains d’efficacité énergétique. Toutes les autres dispositions étaient déjà contenues dans la proposition de loi.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). Vous êtes certainement de bonne foi et bien convaincu de l’intérêt des dispositifs que vous nous proposez. Reconnaissez quand même qu’il sera complexe d’évaluer l’impact de ces contrats en cas d’acheteurs multiples, ce qui peut arriver lorsque des établissements publics se regroupent pour en bénéficier. Comme l’a expliqué M. Léaument, il est impératif de prendre le temps d’évaluer les différents cas de figure possibles pour déterminer s’il est pertinent ou non d’aller dans ce sens.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. En l’espèce, nous avons strictement repris les dispositions du code de la commande publique, qui prévoit déjà ce type de dispositif, notamment pour les marchés de partenariat et les marchés globaux de performance.

Mme Marietta Karamanli (SOC). Pour quelle raison supprimez-vous les conditions prévues dans le texte initial de la proposition de loi relatives au seuil minimal, à l’évaluation préalable et l’établissement d’un bilan plus favorable ?

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Nous aurions manqué notre cible si nous avions maintenu le seuil de 2 millions d’euros applicable aux marchés de partenariat. Les auditions de l’Association des maires ruraux de France et de l’ensemble des associations d’élus ont montré que l’enjeu se situait principalement dans un patrimoine public éclaté dans de petites collectivités ; or nous n’avons a priori aucune raison d’empêcher ces dernières d’entrer dans le dispositif, même s’il faudra probablement mutualiser les opérations.

Par ailleurs, si nous voulons faire des marchés globaux de performance énergétique un levier de développement économique territorial accessible aux PME et aux ETI, nous devons probablement aller au-delà des opérations mastodontes et permettre la réalisation de petites opérations. C’est une autre raison qui justifie la suppression du seuil de 2 millions d’euros.

Vous avez raison d’insister sur une deuxième évolution majeure : le remplacement du critère du bilan plus favorable par une étude préalable globale, plus riche, des dispositifs au regard notamment des gains d’efficacité énergétique. En effet, l’objet des marchés globaux de performance énergétique n’est pas de construire des zéniths ou des stades, comme dans le cadre de partenariats public-privé, mais de réaliser des opérations visant à améliorer la performance énergétique. Ce montage doit être le support des opérations énergétiques performantes.

La commission adopte l’amendement.

Article 2 : Rapport au Parlement

Amendement CL17 de Mme Mathilde Desjonquères et sous-amendement CL21 de Mme Blandine Brocard.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Comme je l’ai souligné lors de la discussion générale, la transition énergétique doit se faire et ne peut se faire qu’avec les collectivités, a fortiori avec les plus petites d’entre elles. Il importe donc que celles-ci puissent s’emparer pleinement du dispositif. Or elles n’auront parfois pas d’autre choix que de mutualiser plusieurs opérations de rénovation afin d’atteindre le seuil de 2 millions d’euros fixé par le code de la commande publique. Nous proposons donc que le rapport demandé au Gouvernement visant à évaluer la mise en œuvre des contrats de performance énergétique conclus sous la forme d’un marché global de performance comprenne un focus particulier sur les communes de moins de 2 000 habitants.

Mme Blandine Brocard (Dem). En effet, la transition énergétique ne peut se faire qu’avec les communes, quel qu’en soit le nombre d’habitants. Même les plus petites d’entre elles se sont emparées depuis longtemps de cet enjeu. Alors que l’amendement de Mme Desjonquères vise les communes de moins de 2 000 habitants, je propose, pour ma part, d’élargir ce focus à toutes les communes de moins de 3 500 habitants, ce qui correspond à la définition d’une commune rurale donnée par l’Association des maires ruraux de France, qui est la première concernée par le sujet et dont vous venez d’ailleurs de parler, monsieur le rapporteur. Cela touchera, mine de rien, 91 % des communes.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Sur le principe, je suis tout à fait favorable à ce que l’on étudie de manière plus précise la situation de cette strate de collectivités. Le groupe Démocrate propose-t-il de fixer la barre à 3 500 habitants ou de différencier les communes de moins de 2 000 habitants de celles de moins de 3 500 habitants ?

Mme Blandine Brocard (Dem). Après réflexion, nous souhaitons remplacer le plafond de 2 000 par celui de 3 500 habitants. Le délai de dépôt des amendements étant dépassé, je n’ai eu d’autre choix que de déposer un sous-amendement.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

Amendement CL11 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Il s’agit de renforcer nos exigences s’agissant de l’évaluation des contrats conclus en application de la présente proposition de loi. Nous proposons de décrire les éléments devant être examinés dans le rapport.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Ces éléments permettront d’enrichir le rapport. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL16 de Mme Mathilde Desjonquères.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). Notre groupe est soucieux qu’un tel dispositif soit accessible au plus grand nombre des acteurs économiques, en particulier dans un contexte économique difficile où l’accès à la commande publique constitue un enjeu de première importance pour les PME comme pour les ETI. Aussi, le rapport prévu à l’article 2 ne saurait faire l’économie d’une évaluation portant sur l’utilisation de ce dispositif par toutes les catégories de collectivités ainsi que par les entreprises, auxquelles nous devons apporter un soutien important. Les petites entreprises pourront certes participer au dispositif par le biais de la sous-traitance, mais il conviendra de s’assurer que ce modèle permet bien à l’ensemble des acteurs économiques locaux d’accéder à la commande publique verte.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Je partage votre préoccupation : ces dispositifs doivent bénéficier à notre tissu de PME et d’ETI, dans tout le territoire. Il sera important de vérifier que tel est bien le cas. Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Elle adopte l’article 2 modifié.

Article 3 : Gage financier

La commission adopte l’article 3 non modifié.

Titre

Amendement CL5 de Mme Sandra Regol.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Je propose d’aller au-delà du titre proposé, qui me semble très restrictif, et d’élargir l’objet du texte.

M. Thomas Cazenave, rapporteur. Votre amendement supprime les références au tiers financement et aux collectivités territoriales : ce faisant, je ne suis pas sûr qu’il envoie un signal de lisibilité aux acteurs qui constituent notre cible prioritaire. Par ailleurs, je ne peux souscrire à son exposé sommaire. Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de d’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi, adoptée par le Sénat, visant à ouvrir le tiers financement à l’État, à ses établissements publics et aux collectivités territoriales pour favoriser les travaux de rénovation énergétique (n° 574) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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   Personnes entendues

Services et opérateurs de l’État

Direction de l’immobilier de l’État

 M. Alain Resplandy-Bernard, directeur

 Mme Anne Bernard, chargée de mission

Direction des affaires juridiques des ministères économiques et financiers

 M. Raphaël Arnoux, sous-directeur de la commande publique

Direction générale des collectivités locales

 M. Thomas Fauconnier, sous-directeur des finances locales et de l’action économique

 M. Yoann Geneslay, chef du bureau des budgets locaux et de l'analyse financière

Direction générale des finances publiques

 Mme Charlotte Baratin, sous-directrice de la gestion comptable des collectivités

 M. Philippe Gac, chef du bureau « comptabilités locales »

Mission d’appui au financement des infrastructures (FinInfra)

 M. Jean Bensaïd, directeur

Établissements publics

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

 M. Stanislas Bourron, directeur général

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

 M. Pascal Berteaud, directeur général

 M. Laurent Arnaud, chef du département Bâtiments durables

Représentants d’élus

Association des maires de France (AMF)

 Mme Mélodie Blanco, juriste

 Mme Annick Pillevesse, juriste

 Mme Gwenola Stephan, responsable de la mission Développement durable

 Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

Association des maires ruraux de France

 M. Bertrand Hauchecorne, administrateur, maire de Mareau-aux-Prés et par ailleurs membre du bureau de l’AMF

France urbaine

 M. Christophe Amoretti-Hannequin, conseiller finance responsable et achats

 Mme Sarah Bou Sader, conseillère relations parlementaires

Intercommunalités de France

 M. Jean Revereault, président de la commission Transition écologiques

 Mme Oriane Cébile, conseillère Environnement

 Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Secteurs de la rénovation énergétique et du financement

Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

 M. Pierre de Montlivault, président

 M. Ghislain Eschasseriaux, délégué général

 M. Nicolas Trouvé, consultant

 M. Eric Trevoizan, président du Syndicat national de l’exploitation climatique et de la maintenance (SNEC)

InfraVia Capital Partners

 M. Vincent Levita, fondateur et PDG

Plan bâtiment durable

 M. Vincent Levita, fondateur et PDG

 Mme Julie Lodewyckx, cheffe de la mission

Experts techniques ou juridiques  

 M. Didier Gardinal, rapporteur au CESE de l’avis pour des bâtiments plus durables grâce à une politique ambitieuse de rénovation

 M. Olivier Ortega, avocat

 

Votre rapporteur a aussi reçu les contributions écrites du département des Yvelines, de Départements de France et du Club des partenariats public-privé.


([1]) Document de politique transversale « Politique immobilière de l’État », PLF pour 2023 (lien).

([2]) Coordination interministérielle du plan de rénovation énergétique des bâtiments, juillet 2020 (lien).

([3]) Source : ministère de l’ Écologie (lien).

([4]) Dans son bilan climatique provisoire (au 30 novembre) de l’année 2022, Météo France soulignait ainsi que « 2022 sera l’année la plus chaude jamais enregistrée sur le pays depuis le début des relevés en 1900 » mais constituera une année normale au milieu du XXIème siècle (lien).

([5]) Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.

([6]) Article 8 II de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.  

([7]) Décret n° 2019-771 du 23 juillet 2019 relatif aux obligations d'actions de réduction de la consommation d'énergie finale dans des bâtiments à usage tertiaire.

([8]) Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.

([9]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

([10]) Article 2 de l’arrêté.

([11]) Selon l’article L. 2113-10 du code de la commande publique, « Les marchés sont passés en lots séparés, sauf si leur objet ne permet pas l'identification de prestations distinctes. » Il peut s’agir de prestations répondant à des besoins dissociables (allotissement fonctionnel) ou en raison de la répartition géographique des prestations (allotissement géographique). La dérogation de plein droit est d’autant plus remarquable que si l’allotissement n’est imposé par « aucune règle ni aucun principe de valeur constitutionnelle », la généralisation de dérogations à ce principe « serait susceptible de priver de garanties légales les exigences constitutionnelles inhérentes à l’égalité de la commande publique » (DC 2003-473 du 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit).

([12]) Le marché global de performance succède aux CREM (marchés de conception, de réalisation, d’exploitation ou de maintenance) et aux REM (marchés de réalisation et d’exploitation ou de maintenance) de l’ancien article 73 du code des marchés publics.

([13])  « Les contrats de performance énergétique », rapport à Madame Nathalie Kosciusko-Morizet, Ministre de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement, par Olivier Ortega, avocat associé, mars 2011 (lien).

([14]) Créé par l’ordonnance no 2004-559 du 17 juin 2004.

([15]) Diverses dispositions permettent néanmoins un financement public de l’acheteur ou d’autres personnes publiques, sous forme notamment de participation minoritaire au capital du titulaire lorsque celui-ci est constitué en société consacrée à la réalisation du projet (article L. 2213-6).

([16]) Source : Observatoire national des CPE, Chiffres clés – Novembre 2022.  

([17]) François Tenailleau, Avocat, chargé d'enseignement à l'école de droit de la Sorbonne, université Paris-I, « Les marchés globaux de performance : heureuse confirmation d'une occasion saisie », AJDA 2019 p.1814.

([18]) Aurélien Burel, Avocat associé, Cabinet D4 Avocats, « Le nouveau marché global de performance, un outil de plus pour les collectivités ? », AJ Collectivités Territoriales 2012 p.34

([19]) Auditions réalisées par le rapporteur.

([20]) Seules les dispositions relatives aux sous-traitants ne figuraient pas dans le texte de la LFI 2022.

([21]) DC n° 2021-833 du 28 décembre 2021, Loi de finances pour 2022 (lien).

([22]) Les marchés de partenariat sont régis par d’autres dispositions.

([23]) Selon l’article 124 de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, le tiers financement « est caractérisé par l'intégration d'une offre technique, portant notamment sur la réalisation des travaux dont la finalité principale est la diminution des consommations énergétiques, à un service comprenant le financement partiel ou total de ladite offre, en contrepartie de paiements échelonnés, réguliers et limités dans le temps ».

([24]) Comme l’ont souligné MM. Olivier Ortega et Jean Bensaïd au cours de leurs auditions respectives, les travaux entrepris ne peuvent s’autofinancer intégralement grâce aux économies réalisées sur la consommation énergétique. En revanche, les économies réalisées permettent de diminuer le coût final de l’investissement, à défaut de le couvrir en intégralité.

([25]) Tel est également le point de vue de la FEDENE (contribution écrite).

([26]) Cette direction est rattachée à la direction générale des finances publiques.

([27]) Guide annexé à la circulaire du Premier ministre en date du 21 janvier 2021 (n°6244/SG) relative aux outils et instructions à l'usage des porteurs de projets immobiliers de l'État  

([28]) DC 2003-476 du 26 juin 2003, Loi habilitant le gouvernement à simplifier le droit (lien).

([29]) DC n° 2004-506 du 2 décembre 2003, Loi de simplification du droit (lien).

([30]) Loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux contrats de partenariat.

([31]) DC n° 2008-567 du 24 juillet 2008, Loi relative aux contrats de partenariat (lien).

([32]) Loi n°75-1334 du 31décembre 1975 relative à la sous-traitance.  

([33]) Les acheteurs qui passent un marché public en tant que maîtres d’ouvrage disposent en tant que tels des attributions suivantes : détermination de la localisation du projet, élaboration du programme, fixation de l'enveloppe financière prévisionnelle, financement de l'opération, choix du processus selon lequel l'ouvrage sera réalisé, conclusion des marchés publics ayant pour objet les études et l'exécution des travaux de l'opération (article L. 2421-1). Le renoncement à la maîtrise d’ouvrage publique a donc des conséquences sur la maîtrise de l’ensemble des opérations par l’acheteur.

([34]) Voir le point 1 du B de la troisième partie du présent rapport.