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N° 748

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 janvier 2023.

 

RAPPORT

 

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET de loi, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture,

Par Mme Laurence CRISTOL,

Députée

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AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

Par M. Stéphane TRAVERT,

Député

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AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

Par Mme Danielle BRULEBOIS,

Députée

——

 

AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE

Par M. Daniel LABARONNE,

Député

——

 

AVIS FAIT AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE

Par Mme Émilie CHANDLER,

Députée

——

 

 

Voir les numéros :

Sénat :    140, 178, 179, 182, 183, 186, 187 et TA : 37 (2022-2023)

Assemblée nationale :  619


 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

Commentaire des articles

TITRE Ier dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière

Chapitre Ier Dispositions relatives aux activités de l’assurance et de l’épargne retraite

Article 1er Actualisation des seuils prévus par la directive « Solvabilité II » pour tenir compte de l’inflation

Article 2 Désignation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers comme autorités compétentes pour superviser et contrôler les produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle

Article 2 bis Application des règles de fonctionnement et du régime fiscal et social du plan d’épargne retraite individuel au produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle

Article 3 Mise en cohérence du code de la sécurité sociale et du code de la mutualité avec le code des assurances dans le cadre de l’article 29 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

Article 4 Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité

Article 4 bis Audition du directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat avant sa nomination

Chapitre II Dispositions en matière de droit des sociétés

Article 5 Mise en cohérence du droit national des titres avec le régime européen instauré par le règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués

Article 5 bis (nouveau) Agrément préalable à l’exercice de la profession de prestataire de service sur actifs numériques

Article 6 Habilitation à légiférer pour assurer la mise en conformité du droit national avec le règlement relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales

Article 7 Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2101/UE du 24 novembre 2021 renforçant la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés

Article 8 Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises

Article 9 Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer une directive relative aux opérations transfrontalières des sociétés commerciales

Article 10 Élimination d’une sur-transposition de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés

Chapitre III Mise en conformité à la suite de décisions de justice

Article 11 Extension du mécanisme d’auto-apurement pour les opérateurs économiques sujets à une exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession

Chapitre IV Dispositions relatives à l’accessibilité des produis et services

Article 12 Transposition de la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services

Chapitre V Dispositions relatives aux activités bancaires

Article 13 Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures de transposition de la directive (UE) 2021/2167 du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits

titre ii dispositions d’adaptation au droit de l’union européenne en matière sociale

Chapitre Ier Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants

Article 14 Transposition de la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil

Chapitre II Conditions de travail transparentes et prévisibles

Article 15 Transposition de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne

Article 16 Application aux gens de mer et au personnel navigant de l’aéronautique civile de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne

Article 17 Information des agents publics sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

Article 18 Information des praticiens hospitaliers sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

Chapitre III Diverses mesures de protection de la santé publique

Article 19 Mise en conformité du droit français au droit européen en matière de publicité pour les installations de chirurgie esthétique

Article 20 Régime des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

Article 21 Adaptation du code du travail et du code de la santé publique à l’annexe VIII modifiée du règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008 relatif à la classification, l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges (CLP)

Article 22 Ratification de l’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux et ajustements rédactionnels

Article 23 Ratification des ordonnances n° 2022-582 du 20 avril 2022 et n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 et désignation de l’autorité administrative chargée de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits de l’annexe XVI du règlement (UE) 2017/745

Article 24 Pénalité financière pour non-respect des obligations de sérialisation par les pharmaciens d’officine

Article 24 bis (nouveau) Suppression de certaines exemptions concernant le tabac à chauffer

Article 25 Actualisation des fondements juridiques européens des demandes de coopération des services de l’aide sociale à l’enfance

TITRE III DISPOSITIONS D’ADAPTATION AU DROIT DE L’UNION EUROPÉENNE EN MATIÈRE DE TRANSPORTS

Article 26 Transposition des nouvelles mesures obligatoires de la directive « Eurovignette » révisée en 2022 (modulation et majoration des péages) pour les véhicules de transport de marchandises et personnes

Article 26 bis A (nouveau) Coordonner les compétences et les missions de l’Autorité de régulation des transports en matière de système européen de télépéage

Article 26 bis Transposition des nouvelles mesures obligatoires de la directive « Eurovignette » révisée en 2022 (modulation et majoration des péages) dans l’ordonnance du 26 mai 2021 relative à l’instauration d’une taxe sur le transport routier de marchandises recourant à certaines voies du domaine public routier de la Collectivité européenne d’Alsace

Article 27 Correction d’erreurs matérielles pour assurer l’effectivité de la transposition de la directive du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires

Article 28 Transposition du règlement (UE) 2021/782 du Parlement et du Conseil du 29 avril 2021 sur les droits et obligations des voyageurs ferroviaires

Article 29 Règles de cabotage entre le Royaume-Uni et l’Union européenne

Article 29 bis (nouveau) Compétence de l’Autorité de régulation des transports en matière de collecte automatisée des données

TITRE IV DISPOSITION D’ADAPTATION AU DROIT DE L’union europÉenne en matiÈre agricole

Article 30 Adaptation du code rural et de la pêche maritime pour assurer sa cohérence avec le nouveau plan stratégique national de la PAC : clarifications juridiques du statut d’autorités de gestion des régions en matière d’aides à l’installation et de la compétence réglementaire de FranceAgriMer

Article 31 Ratification de huit ordonnances de transpositions et d’adaptation du droit de l’Union européenne sur les questions agricoles

Travaux de la commission des affaires sociales

Travaux de la commission des affaires économiques

Travaux de la commission du développement durable

Travaux de la commission des finances

Travaux de la commission des lois

Annexe 1 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure de la commission des affaires sociales

Annexe 2 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur de la commission des affaires économiques

Annexe 3 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure de la commission du développement durable

Annexe 4 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur de la commission des finances

Annexe 5 : liste des personnes auditionnées par la rapporteure de la commission des lois

Annexe 6 : TEXTES SUSCEPTIBLES D’ÊTRE ABROGÉS OU mODIFIÉS À L’OCCASION DE L’EXAMEN du projet DE LOI

 


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   Introduction

Le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans les domaines de l’économie, de la santé, du travail, des transports et de l’agriculture a été déposé sur le bureau du Sénat le 23 novembre 2022 et adopté par celui-ci, en première lecture, le 13 décembre.

Sur le modèle de la solution retenue au Palais du Luxembourg, il est apparu opportun que la commission des affaires sociales de notre assemblée, à laquelle le texte avait été renvoyé, délègue l’examen d’une partie des trente‑quatre articles à plusieurs autres commissions permanentes ([1]). Ainsi, lors de sa réunion du mercredi 18 janvier 2023, elle a, conformément à l’usage, débattu des seuls articles entrant dans son champ de compétences puis adopté les autres articles dans leur rédaction proposée par les quatre commissions délégataires.

● Dix articles lui sont revenus.

L’article 12, qui transpose la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. Si le texte initial prévoyait la transposition de la directive par voie d’ordonnance, la commission a adopté un amendement du Gouvernement visant à modifier directement les codes et les lois dont relèvent les nouvelles exigences en matière d’accessibilité.

L’article 14, qui transpose la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil et qui, ce faisant, procède, dans le code du travail et le code de l’action sociale et des familles, aux aménagements nécessaires pour tenir pleinement compte des exigences du droit européen.

L’article 15, qui adapte le droit national aux prescriptions de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

L’article 16, qui définit les modalités d’application aux gens de mer et au personnel navigant de l’aéronautique civile des dispositions relatives à l’information du travailleur sur la relation de travail issues de la directive (UE) 2019/1152 précitée.

L’article 19, qui met le droit national en conformité avec la jurisprudence européenne, en levant l’interdiction absolue de communication commerciale imposée aux installations de chirurgie esthétique, pour lui substituer un principe d’autorisation encadrée.

L’article 20, qui adapte le droit national régissant les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS) afin de tenir compte de l’application directe du règlement (UE) 609/2013 et des règlements délégués (UE) 2016/138 et (UE) 2016/127, et qui ouvre la voie à une graduation du contrôle médical exercé sur ces denrées en fonction du niveau de risque qui leur est associé.

L’article 21, qui entérine le passage à un système européen de déclaration par les industriels de la composition de leurs mélanges dangereux, dans la foulée de la modification de l’annexe VIII du règlement (CE) 1272/2008 et de la mise en œuvre d’un portail de déclaration unique à l’échelle européenne.

L’article 22, qui ratifie l’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant diverses adaptations du droit européen dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux et procède à quelques ajustements rédactionnels.

L’article 23, qui ratifie les ordonnances n° 2022-582 du 20 avril 2022 relative aux dispositifs médicaux et n° 2022-1086 du 29 juillet 2022 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro et qui procède à quelques adaptations connexes, relatives aux dispositifs sans visée médicale et aux pouvoirs de sanction financière de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

L’article 24, qui prévoit une pénalité financière pour les officines n’ayant pas mis en place la sérialisation des médicaments, laquelle constitue une obligation pour la France au titre de la directive 2011/62/UE et du règlement délégué 2016/161/UE.

Au demeurant, la commission des affaires sociales a adopté un amendement portant article additionnel, devenu l’article 24 bis, qui met le droit national en conformité avec la directive (UE) 2022/100, en supprimant certaines exemptions prévues pour le tabac à chauffer, qui se voit appliquer le droit commun applicable aux autres produits du tabac.

● Onze articles ont été délégués à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire.

L’article 1er modifie plusieurs dispositions du code des assurances, du code de la mutualité et du code de la sécurité sociale pour permettre l’actualisation par voie d’arrêté des montants en euros de certains seuils prévus par le régime prudentiel Solvabilité II fixé par la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009.

L’article 2 détermine les autorités de contrôle compétentes pour la commercialisation du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle.

L’article 2 bis aligne le fonctionnement et le régime fiscal et social du sous‑compte français produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel sur celui du plan d’épargne retraite individuel.

L’article 3 corrige une divergence de champ d’application entre, d’une part, le code monétaire et financier et, d’autre part, le code des assurances, le code de la sécurité sociale et le code de la mutualité en matière de publication d’informations extra-financières liées aux risques climatiques et à la biodiversité.

L’article 4 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer la directive (UE) 2021/2118 du 24 novembre 2021 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité.

L’article 4 bis, issu d’un amendement adopté par la commission, prévoit l’audition du directeur général du fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions par les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat avant sa nomination.

L’article 5 met en cohérence le droit national des titres avec le régime pilote instauré par le règlement (UE) 2022/858 du 30 mai 2022 sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués.

L’article 5 bis impose, à compter du 1er octobre 2023, à tout acteur souhaitant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques de demander un agrément délivré par l’Autorité des marchés financiers.

L’article 6 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour assurer la mise en conformité du droit national avec le règlement (UE) 2021/23 du 16 décembre 2020 relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales.

L’article 7 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer la directive (UE) 2021/2101 du 24 novembre 2021 en matière de communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés.

L’article 8 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises. Supprimé par le Sénat, cet article a été rétabli dans une version différente de celle figurant dans le projet de loi initial.

L’article 13 habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer la directive (UE) 2021/2167 du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits.

● Six articles ont été délégués à la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République.

L’article 9 habilite le Gouvernement à transposer par voie d’ordonnance la directive 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.

L’article 10 modifie le régime de sanctions prévu en cas d’insuffisance de capitaux propres des sociétés commerciales. Il corrige, ce faisant, une sur‑transposition de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

L’article 11 étend le mécanisme d’auto-apurement prévu en droit de la commande publique. Ainsi, il met en conformité le droit interne avec les dispositions des directives 2014/23/UE et 2014/24/UE du 26 février 2014 portant respectivement sur l’attribution de contrats de concession et la passation des marchés publics.

Les articles 17 et 18 créent un droit à l’information sur leurs conditions de travail en faveur des agents publics relevant du code général de la fonction publique pour le premier, en faveur des praticiens hospitaliers relevant du code de la santé publique pour le second. Ils transposent, ce faisant, les dispositions de la directive (UE) 2019/1152 précitée.

L’article 25 actualise, dans le code de l’action sociale et des familles, les références au droit européen permettant la coopération entre États membres en matière de protection de l’enfance.

● Cinq articles ont été délégués à la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

L’article 26 transpose en droit français, dans le code de la voierie routière, les dernières dispositions issues de la directive 1999/62/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 1999 relative à la taxation des véhicules pour l’utilisation d’infrastructures routières.

L’article 26 bis A, introduit sur proposition de la commission, renforce les pouvoirs de l’Autorité de régulation des transports en matière de système européen de télépéage.

L’article 26 bis élargit le champ d’application de la transposition prévue à l’article 26 à la taxe que peut instaurer la Collectivité européenne d’Alsace sur le transport de marchandises en application de l’ordonnance n° 2021-659 du 26 mai 2021.

L’article 27 rectifie deux erreurs de renvoi figurant aux articles L. 5336‑1‑4 et L. 5336‑3‑7 du code des transports issus de la transposition, par l’ordonnance n° 2021‑1165 du 8 septembre 2021, de la directive (UE) 2019/883 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux installations de réception portuaires pour le dépôt des déchets des navires.

L’article 28 transpose en droit interne le règlement (UE) 2021/892 du 29 avril 2021 relatif aux droits et obligations des voyageurs ferroviaires révisant le règlement d’application directe (CE) 1371/2007 du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007.

L’article 29 corrige une erreur rédactionnelle de transposition à l’origine d’un contresens portant sur les règles de cabotage applicables dans les États membres de l’Union européenne aux transporteurs routiers établis au Royaume-Uni.

L’article 29 bis, introduit sur proposition de la commission, vise à permettre aux agents de l’Autorité de régulation des transports de procéder à des collectes automatisées de données ou d’informations publiquement accessibles sur des services numériques de mobilité.

● Deux articles ont été délégués à la commission des affaires économiques.

L’article 30 apporte plusieurs clarifications au droit existant en lien avec les nouvelles dispositions prévues dans le plan stratégique national (PSN) de la politique agricole commune (PAC), auxquelles le Sénat a ajouté l’instauration d’un bilan annuel des régions relatif à leur action en tant qu’autorité de gestion des aides à l’installation et un durcissement des conditions de formation minimale pour prétendre aux aides à l’installation.

L’article 31 ratifie huit ordonnances, portant principalement sur des mesures d’adaptation et de transposition du droit de l’Union européenne en matière agricole.

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   Commentaire des articles

TITRE Ier
dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne
en matière économique et financière

Chapitre Ier
Dispositions relatives aux activités de l’assurance et de l’épargne retraite

Article 1er
Actualisation des seuils prévus par la directive « Solvabilité II » pour tenir compte de l’inflation

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er du projet de loi vise à confier au ministre chargé de l’économie le soin d’actualiser par arrêté les seuils actuellement fixés par la loi pour l’application de la directive 2009/138/CE dite Solvabilité II ([2]) et ceux retenus pour la définition des grands risques.

I.   un droit national conforme au cadre prudentiel europÉen

À la suite de la crise financière de 2008, un nouveau cadre prudentiel a été adopté au niveau européen en matière assurantielle. Entrées en vigueur le 1er janvier 2016, les règles fixées prévoient un certain nombre de seuils qu’il convient d’actualiser.

A.   un rÉgime prudentiel solvabilitÉ II transposÉ en 2015

Modifiée par la directive 2014/51/UE dite Omnibus 2 ([3]), la directive 2009/138/CE du 25 novembre 2009, dite Solvabilité II, texte technique de 320 articles, édicte les grands principes du régime prudentiel applicable aux entreprises d’assurance ([4]). Celui-ci repose sur trois piliers :

– des exigences quantitatives, soit des règles de valorisation des actifs et des passifs et exigences de capital ;

– des exigences qualitatives, soit de règles de gouvernance et de gestion des risques et règles d’évaluation propre des risques de la solvabilité ;

– des exigences relatives à la communication de certaines informations quantitatives et qualitatives, au public et aux superviseurs.

La transposition de la directive 2009/138/CE en droit français a été assurée, au niveau législatif, par l’ordonnance n° 2015-378 du 2 avril 2015 ([5]) et, au niveau réglementaire, par un décret du 7 mai 2015 ([6]), complété par un décret du 26 décembre 2017 ([7]). Ses conditions d’application ont en outre été précisées par le règlement délégué (UE) 2015/35 du 10 octobre 2014 ([8]), d’application directe, et des normes techniques d’exécutions proposées par l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA, pour European Insurance and Occupational Pensions Authority) et adoptées par la Commission européenne, également d’application directe.

B.   Des seuils À actualiser

La directive Solvabilité II précitée prévoit plusieurs seuils dont elle précise le montant à la date de sa publication :

– les seuils d’application de la directive aux entreprises d’assurance, fixés à l’article 4 ([9]) de la directive, sont transposés aux articles L. 310-3-1 du code des assurances, L. 211-10 du code de la mutualité et L. 931-6 du code de la sécurité sociale ;

– les seuils définissant les grands risques, fixés à l’article 13 de la directive, la définition de la notion de grand risque étant transposée à l’article L. 111-6 du code des assurances mais les montants retenus pour la définition de certains grands risques étant fixés par décret en Conseil d’État ([10]) et codifiés à l’article R. 111-1 du code des assurances ;

– le seuil de plancher absolu du minimum de capital requis, fixé à l’article 129 de la directive, dont la définition est transposée à l’article L. 352-5 du code des assurances, tandis que ses conditions de détermination sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Or, aux termes de l’article 300, « les montants libellés en euros figurant dans la […] directive sont révisés tous les cinq ans, par application aux montants de base en euro de la variation en pourcentage des indices harmonisés des prix à la consommation de tous les États membres, publiés par Eurostat, du 31 octobre 2012 jusqu’à la date de la révision, en arrondissant au multiple de 100 000,00 € supérieur », sous réserve que la variation en pourcentage depuis la précédente révision ne soit pas inférieure à 5 %. Le même article dispose que « les montants révisés sont appliqués par les États membres dans un délai de douze mois à compter de leur publication au Journal officiel de l’Union européenne ».

En conséquence, la Commission européenne a révisé, par son avis 2021/C 423/12 du 19 octobre 2021 ([11]), les montants en euros fixés par la directive. Il convient donc de modifier les normes de droit interne précisant le montant des seuils. Si les montants libellés en euros retenus pour la définition de certains grands risques et ceux retenus pour la détermination du seuil absolu de minimum du capital requis ont bien été actualisés, respectivement, par un décret du 20 juillet 2022 ([12]) et par un arrêté du 21 octobre 2022 ([13]), lequel a inséré un article A. 352-29 dans le code des assurances, l’actualisation des seuils d’application de la directive requiert l’intervention du législateur.

II.   le droit proposÉ : un renvoi de l’actualisation des seuils au pouvoir rÉglementaire

Afin de simplifier la prise en compte en droit interne de l’actualisation périodique par la Commission européenne des seuils d’application de la directive, le Gouvernement propose non de modifier les montants libellés en euros précédemment codifiés par le législateur dans le cadre de la transposition de la directive mais de permettre que les montants effectifs des seuils soient fixés par voie d’arrêté, étant entendu que les États membres ne disposent d’aucune latitude dans la transposition des montants précisément arrêtés par la Commission européenne.

Le I modifie le code des assurances.

Le substitue à la référence au franchissement des seuils définis par décret en Conseil d’État faite par l’article L 111-6 dudit code relatif à la définition des grands risques, une référence au dépassement de certains seuils « dans des conditions définies par décret en Conseil d’État ». Ainsi un tel décret pourra-t-il ouvrir la possibilité d’une modification par voie d’arrêté de l’article R. 111-1 du code des assurances, qui précise actuellement les montants à l’aune desquels sont considérés le total de bilan et le montant net du chiffre d’affaires d’un preneur d’assurances pour déterminer l’existence d’un grand risque.

Le substitue aux montants libellés en euros retenus à l’article L. 310-3-1 dudit code comme seuils d’application de la directive à une entreprise d’assurance, la mention de seuils fixés par arrêté du ministre chargé de l’économie. Il s’agit, au a), du montant d’encaissement annuel de primes ou cotisations brutes émises par l’entreprise, au b), du montant total des provisions techniques de l’entreprise et, au c), des montants retenus pour ces deux variables lorsqu’il s’agit de considérer les opérations de réassurance que comporte l’activité de l’entreprise.

Le II modifie le code de la mutualité. Il substitue aux montants libellés en euros inscrits au 1° de l’article L. 211-10 de celui-ci, au titre des seuils d’application de la directive Solvabilité II précitée à des mutuelles ou unions de mutuelles, la référence à des seuils fixés par arrêtés du ministre chargé des affaires sociales.

Le III modifie le code de la sécurité sociale. Il substitue de même aux montants effectifs retenus à l’article L. 931-6 de celui-ci comme seuils d’application de la directive à une institution de prévoyance ou une union d’institutions de prévoyance, la mention de seuils fixés par arrêtés du ministre chargé des affaires sociales.

III.   Les modifications apportÉes par Le sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

IV.   Les modifications apportées par la commission

Après avoir adopté trois amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 2
Désignation de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et de l’Autorité des marchés financiers comme autorités compétentes pour superviser et contrôler les produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 du projet de loi vise, en application du règlement (UE) 2019/1238 ([14]), à désigner les autorités compétentes pour superviser et contrôler les produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle (PEPP). L’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) serait compétente pour superviser et contrôler les PEPP distribués par les entreprises d’assurance, les mutuelles et leurs unions, ainsi que les organismes de retraite supplémentaire, tandis que l’Autorité des marchés financiers (AMF) le serait pour superviser et contrôler ceux commercialisés par des prestataires de services d’investissement, des entreprises d’investissement et des sociétés de gestion.

I.   un nouveau produit d’Épargne-retraite individuelle

La loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ([15]), dite Pacte, a introduit des plans d’épargne retraite individuels supervisés et contrôlés par l’Autorité des marchés financiers (AMF) et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Il reste à désigner les autorités de contrôle et de supervision du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel introduit par le règlement (UE) 2019/1238 relatif à un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle précité.

A.   des plans d’Épargne retraite individuels supervisÉs et contrôlÉs par l’AutoritÉ de contrÔle prudentiel et de rÉsolution et l’autoritÉ des marchÉs financiers

L’article 71 de la loi Pacte et l’ordonnance du 24 juillet 2019 prise sur le fondement de celui-ci ([16]) ont réformé l’épargne retraite en créant trois nouveaux produits d’épargne retraite – l’un individuel, les autres souscrits dans le cadre d’une activité professionnelle –, dont la commercialisation fut ouverte le 1er octobre 2019 : deux produits d’épargne retraite d’entreprise et un produit d’épargne retraite individuel. Les principales règles en sont codifiées au chapitre IV du titre II du livre II du code monétaire et financier.

Le PER individuel, produit d’épargne à long terme ouvert à tous, sans condition d’âge ni de situation professionnelle, permet à l’épargnant parvenu à l’âge de la retraite de percevoir un capital ou une rente ([17]). Il peut être alimenté par les versements volontaires de l’épargnant et par le transfert de fonds issus d’anciens produits d’épargne retraite ou accumulé sur un PER d’entreprise, y compris, dans ce cas, les sommes issues de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur à un PER d’entreprise, les sommes issues d’un compte épargne temps (CET) et affectées au PER d’entreprise et les versements obligatoires effectués sur un PER d’entreprise obligatoire.

Aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 224-1 du code monétaire et financier, les PER peuvent prendre la forme d’un compte-titres ou d’un contrat d’assurance de groupe. Les comptes-titres sont commercialisés par des entreprises d’investissement, des établissements de crédit agréés pour fournir des services d’investissement ou des sociétés de gestion, sous le contrôle et la supervision de l’Autorité des marchés financiers, Les contrats d’assurance de groupe sont distribués par les organismes d’assurance, les mutuelles et leurs unions et les organismes de retraite professionnelle supplémentaires, sous le contrôle et la supervision de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution. À ce titre, le 1° du II de l’article L. 612-1 dispose qu’elle est notamment chargée « d’examiner les demandes d’autorisations ou de dérogations individuelles qui lui sont adressées et de prendre les décisions prévues par les dispositions européennes, législatives et réglementaires applicables aux personnes soumises à son contrôle ».

B.   un produit paneuropÉen d’Épargne-retraite individuelle dont les autoritÉs de contrÔle et de supervision restent À dÉsigner

Considérant que « le fonctionnement du marché intérieur des produits d’épargne-retraite individuelle n’est pas sans problème » ([18]), le législateur européen a créé un produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP, pour pan-European Personal Pension Product). En effet, eu égard à un important degré de fragmentation entre les marchés nationaux, le degré de portabilité des produits d’épargne-retraite individuelle est limité, à tel point que certaines personnes « pourraient être empêchées d’accepter un emploi ou de prendre leur retraite dans un autre État membre », tandis que « la possibilité qu’ont les fournisseurs d’user de la liberté d’établissement et de la liberté de prestation des services est entravée par le manque de standardisation des produits d’épargne-retraite individuelle » ([19]). D’autre part, un tel produit « représentera une nouvelle étape du renforcement de l’intégration des marchés des capitaux par son soutien au financement à long terme de l’économie réelle, compte tenu de la nature du produit, qui est une épargne-retraite à long terme, et de la durabilité des investissements » ([20]).

L’article 2 du règlement définit le PEPP comme un produit d’épargne-retraite individuelle à long terme fourni par une entreprise financière éligible dans le cadre d’un contrat spécifique, auquel souscrit un épargnant ou une association indépendante d’épargnants au nom de ses membres, en vue de la retraite, sans possibilité de remboursement, ou avec des possibilités de remboursement strictement limitées, et qui est enregistré conformément aux dispositions du règlement.

Le paragraphe 1 de l’article 6 du règlement recense six catégories d’entreprises financières éligibles :

– les établissements de crédit agréés ;

– les entreprises d’assurance agréées, qui pratiquent l’assurance-vie ;

– les institutions de retraite professionnelle (IRP) agréées et surveillées afin de fournir des produits d’épargne-retraite individuelle ;

– les entreprises d’investissement agréées qui pratiquent la gestion de portefeuille ;

– les entreprises d’investissement ou sociétés de gestion agréées ;

– les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs de l’Union agréés.

Le règlement définit, aux paragraphes 2 à 5 de l’article 6, une procédure d’enregistrement des produits et, aux articles 67 à 69, des modalités de surveillance. Le paragraphe 6 de l’article 6 du règlement dispose ainsi que chaque État membre désigne une seule autorité compétente pour chaque type d’entreprise financière éligible, autorité qui est chargée de la procédure d’enregistrement et de la communication avec l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles (AEAPP ou EIOPA pour European Insurance and Occupational Pensions Authority).

La procédure d’enregistrement impose à l’autorité compétente de vérifier, dans un délai de quinze jours ouvrables, que la demande d’enregistrement comporte toutes les informations attendues, notamment les clauses contractuelles types qu’il est prévu de proposer aux épargnants, des informations sur l’identité du demandeur, des informations sur les modalités d’administration et de gestion du portefeuille et des risques, une liste des États membres dans lesquels le fournisseur de PEPP demandeur a l’intention de commercialiser le PEPP, des informations sur l’identité du dépositaire, un document d’information précontractuel sur les options d’investissement proposées, une liste des États membres pour lesquels le fournisseur de PEPP demandeur sera en mesure d’assurer l’ouverture immédiate d’un sous-compte national. Si la demande n’est pas complète, l’autorité fixe un délai au terme duquel le demandeur doit fournir les informations nécessaires. Dans les trois mois suivant la présentation de la demande complète, l’autorité prend la décision d’enregistrer la demande si le demandeur est bien habilité à fournir des PEPP et si les informations et les documents présentés sont conformes aux disposition du règlement, et communique cette décision au demandeur et à l’AEAPP dans un délai de cinq jours. Une décision de refus doit être motivée, et peut faire l’objet d’un recours.

Les États membres doivent établir des règles qui prévoient des sanctions administratives appropriées et d’autres mesures appropriées applicables en cas d’infractions au règlement, et prendre toutes les mesures nécessaires pour que ces règles soient appliquées. Les sanctions administratives et autres mesures prévues doivent être effectives, proportionnées et dissuasives. Les autorités compétentes exercent le pouvoir d’imposer les sanctions administratives et autres mesures visées conformément à leurs cadres juridiques nationaux, et publient sans retard indu sur leur site internet officiel toute décision d’imposer une sanction administrative ou une autre mesure pour infraction au présent règlement, après que le destinataire de la sanction administrative ou d’une autre mesure a été informé de cette décision.

II.   Le dispositif proposÉ : la dÉsignation de l’AutoritÉ de contrÔle prudentiel et de rÉsolution et de l’autoritÉ des marchÉs financiers comme autorités de supervision du produit paneuropÉen d’Épargne-retraite

L’article 2 a pour objet de modifier le code monétaire et financier afin de désigner l’ACPR et l’AMF autorités compétentes tant pour la procédure d’enregistrement des PEPP que pour la surveillance de ceux-ci et de leurs fournisseurs.

Le complète le 1° du II de l’article L. 612-1 dudit code pour confier à l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution le pouvoir d’examiner, dans les conditions fixées aux paragraphes 2 à 5 de l’article 6 du règlement 2019/1238, les demandes d’enregistrement des PEPP adressées par les entreprises d’assurance agréées qui pratiquent l’assurance-vie et les institutions de retraite professionnelle (IRP) agréées afin de fournir également des produits d’épargne-retraite individuelle, soit, en droit français, les entreprises d’assurance, les mutuelles et les organismes



de retraite professionnelle supplémentaires ([21]).

Le insère un nouvel article L. 621-20-10 dont l’objet est de désigner l’Autorité des marchés financiers autorité compétente, en matière de PEPP, à l’égard des établissements de crédit agréés pour fournir des services d’investissement, des entreprises d’investissement agréées qui pratiquent la gestion de portefeuille, des entreprises d’investissement ou sociétés de gestion agréées, des gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs de l’Union agréés, soit, en droit français, les prestataires de services d’investissement – établissement de crédit agréés et entreprises d’investissement – et sociétés de gestion.

Le complète en conséquence l’article L. 621-7 du même code, relatif au règlement général de l’Autorité des marchés financiers, en y ajoutant un XV aux termes duquel ledit règlement général comporte les règles applicables à la fourniture de produits paneuropéens d’épargne-retraite individuelle par les prestataires de services d’investissement et les sociétés de gestion.

Le complète pour sa part l’article L. 621-9. Par l’ajout d’un 22° à cet article, il confie à l’Autorité des marchés financiers la mission de veiller au respect des obligations professionnelles auxquelles sont astreints, en application des dispositions législatives et réglementaires, en tant que fournisseurs de PEPP, les prestataires de services d’investissement – établissements de crédit et entreprises d’investissement – et les sociétés de gestion.

Le a pour objet de procéder, à l’article L. 621-15 aux modifications légistiques nécessaires pour étendre le pouvoir de sanction de la commission des sanctions de l’AMF aux manquements de ces fournisseurs de PEPP. Aux termes du III de l’article L. 621-15 ainsi modifié, les sanctions encourues sont, pour les personnes morales, l’avertissement, le blâme, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des services fournis, la radiation et, pour les personnes physiques, l’avertissement, le blâme, le retrait temporaire ou définitif de la carte professionnelle, l’interdiction temporaire de négocier pour leur compte propre, l’interdiction à titre temporaire ou définitif de l’exercice de tout ou partie des activités ou de l’exercice des fonctions de gestions. Ces sanctions pouvant être assorties d’une sanction pécuniaire ou remplacées par celle-ci.

III.   Les modifications apportÉes par le sénat

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement rédactionnel de la commission des finances, saisie pour avis, à l’initiative du rapporteur de celle-ci.

IV.   les modifications apportÉes par la commission

Après avoir adopté, à l’initiative de son rapporteur, un amendement rédactionnel, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 2 bis
Application des règles de fonctionnement
et du régime fiscal et social du plan d’épargne retraite individuel au produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 bis du projet de loi a pour objet de définir les règles de fonctionnement et le régime fiscal et social du sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuel (PEPP) créé par le règlement (UE) 2019/1238 du 20 juin 2019 précité pour le rendre pleinement effectif.

Afin de préserver les acquis de la loi Pacte, le fonctionnement et le régime fiscal dudit sous-compte sont alignés, dans les limites fixées par le droit de l’Union européenne, sur les règles régissant le plan d’épargne retraite individuel. Une portabilité complète entre sous-compte français du PEPP et plan d’épargne retraite est en outre prévue.

L’article ouvre aussi la possibilité, pour les plans d’épargne retraite individuels existants qui respecteraient les conditions de fonctionnement du sous-compte français du PEPP, d’être enregistrés comme PEPP auprès des autorités de supervision.

I.   deux produits d’Épargne retraite dont les rÈgles sont inÉgalement précisÉes par le droit existant

Tandis que les règles applicables au plan d’épargne retraite (PER) individuel sont précisément fixées par le droit national, le législateur doit encore préciser celles qui s’appliquent au produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle, le règlement (UE) 2019/1238 précité n’en arrêtant que les principales caractéristiques.

A.   un PER individuel qui a trouvÉ sa place dans le droit et l’ÉcosystÈme français de l’Épargne

Le plan d’épargne retraite individuel est régi par les sections I Dispositions communes (article L. 224-1 à L. 224-8 du code monétaire et financier) et 3 Le plan d’épargne retraite individuels (articles L. 224-28 à L. 224-39) du chapitre IV Plans d’épargne retraite du titre II du livre II du code monétaire et financier.

À la suite des versements effectués pendant la vie active sur un compte-titres ou dans le cadre d’un contrat d’assurance de groupe, il permet d’obtenir, à partir de l’âge de la retraite, un capital ou une rente. Selon le principe de la gestion pilotée, l’épargne est progressivement orientée vers des supports moins risqués à mesure que l’âge de la retraite approche.

Le gestionnaire doit communiquer un certain nombre d’informations à l’épargnant à l’ouverture et, annuellement, au cours de la vie du plan. À partir de la cinquième année précédant la retraite, l’épargnant peut également l’interroger sur les possibilités de sortie adaptées à sa situation.

Le plan est alimenté par trois types de versement :

– les versements volontaires de l’épargnant ;

– les sommes issues de l’intéressement, de la participation et de l’abondement de l’employeur à un PER d’entreprise ;

– les sommes issues d’un compte épargne temps et affectées à un PER d’entreprise ;

– les versements obligatoires effectués sur un PER d’entreprise obligatoire.

Il est possible, à l’âge de la retraite, de demander le versement de l’épargne accumulée en capital, en rente ou à la fois en capital et en rente.

Une sortie anticipée est toutefois possible en cas d’invalidité, de décès du conjoint ou partenaire de Pacs, d’expiration des droits aux allocations chômage, de surendettement, de cessation d’activité non salariée à la suite d’une liquidation judiciaire ou d’acquisition de la résidence principale.

En cas de décès, l’épargne est versée aux héritiers ou, si le plan a donné lieu à l’adhésion un contrat d’assurance de groupe, aux bénéficiaires. Dans le cas d’un PER assurantiel, les droits de succession s’appliquent après l’application d’un abattement, dont le montant est de 152 500 euros si le titulaire décède avant l’âge de 70 ans et de 30 500 euros s’il décède après l’âge de 70 ans.

Les sommes versées sont déductibles des revenus imposables dans la limite :

– pour les salariés, d’un plafond égal à 10 % des revenus nets de cotisations sociales et frais professionnels – dans la limite de 35 194 euros – ou de 4 114 euros si ce montant est plus élevé ;

– pour les indépendants : d’un plafond égal à 10 % des bénéfices imposables, dans la limite de 351 936 euros, augmenté de 15 % du bénéfice imposable compris entre 43 992 euros et 351 936 euros, ou, si ce montant est plus élevé, de 4 114 euros et 15 % du bénéfice imposable compris entre 43 992 euros et 351 936 euros.

Au moment du déblocage du PER, la rente versée est imposée comme une pension de retraite, des prélèvements sociaux s’appliquant également sur la quote-part de la rente correspondant aux versements volontaires, après déduction d’un abattement d’autant plus élevé que le titulaire est âgé. En cas de sortie en capital, la part de capital correspondant à des versements volontaires est imposée au barème progressif de l’impôt sur le revenu, mais pas aux prélèvements sociaux, tandis que la part correspondant aux produits de l’épargne est soumise au prélèvement forfaitaire unique (PFU) de 30 % : 12,8 % pour l’impôt sur le revenu et 17,2 % pour les prélèvements sociaux.

Toutefois, si le titulaire n’a pas déduit ses versements volontaires de ses revenus imposables, la rente est imposable selon les règles applicables aux rentes viagères à titre onéreux, aux termes desquelles est appliqué au montant de la rente un abattement d’autant plus élevé que le titulaire est âgé, des prélèvements sociaux s’appliquant également sur la partie de la rente correspondant aux gains générés par les versements volontaires. En cas de sortie en capital, la part de capital correspondant aux versements volontaires non déduits fiscalement est exonérée d’impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux, tandis que la part correspondant aux intérêts générés par le contrat se voit appliquer le PFU.

Au 30 juin 2022, les encours constitués sur les PER individuels atteignaient 43,6 milliards d’euros, témoignant de l’appétence de l’épargnant français pour ce nouveau produit ([22]).

B.   un produit paneuropÉen dont le fonctionnement doit Être précisÉ par les États membres

Si le règlement (UE) 2019/1238 du 20 juin 2019 précité, entré en vigueur le 22 mars 2022, « harmonise un ensemble de caractéristiques principales pour le PEPP, relatives à des éléments essentiels tels que la distribution, le contenu minimum des contrats, la politique d’investissement, le changement de fournisseur, ou la fourniture et la portabilité transfrontières » ([23]), il renvoie largement aux États membres la fixation des règles de fonctionnement de ce produit défini comme « un produit d’épargne-retraite individuelle à long terme, qui est fourni par une entreprise financière éligible […], ou une association indépendante d’épargnants PEPP au nom de ses membres, en vue de la retraite, sans possibilité de remboursement ou avec des possibilités de remboursement strictement limitées, et qui est enregistré conformément au […] règlement » ([24]).

1.   Un principe de portabilité entre États

Aux termes du règlement, la portabilité signifie que « les épargnants PEPP ont le droit d’utiliser un service de portabilité qui leur confère le droit de continuer à contribuer à leur compte PEPP existant lorsqu’ils s’installent dans un autre État membre » ([25]) et qu’ils ont alors « le droit de conserver tous les avantages et incitations accordés par le fournisseur de PEPP et liés à l’investissement continu dans leur PEPP » ([26]).

Afin d’assurer l’effectivité de ce principe, le PEPP est divisé en sous-comptes, définis comme des « section[s] nationale[s] ouverte[s] au sein de chaque compte PEPP et qui correspond[ent] aux exigences juridiques et aux conditions d’utilisation liées aux éventuelles incitations fixées au niveau national pour l’investissement dans un PEPP par l’État membre de la résidence de l’épargnant PEPP » ([27]). Au terme d’une période de transition de trois ans à compter de la date d’entrée en application du règlement, « chaque fournisseur de PEPP offre des sous-comptes nationaux pour au moins deux États membres, sur demande adressée au fournisseur de PEPP » ([28]), et, « lorsque le fournisseur de PEPP n’est pas en mesure d’assurer l’ouverture d’un nouveau sous-compte correspondant au nouvel État membre de résidence de l’épargnant […], [celui-ci] peut changer de fournisseur sans retard et sans frais […] ou continuer à contribuer au dernier sous-compte ouvert » ([29]). En outre, un épargnant peut demander un changement de fournisseur vers un fournisseur de PEPP établi dans le même État membre ou dans un État membre différent après une période minimale de cinq ans à compter de la conclusion du contrat PEPP, puis tous les cinq ans à compter du changement le plus récent.

2.   Un fonctionnement dont les règles doivent être précisées par les États membres

La vie du PEPP s’articule en deux temps : la phase d’accumulation, durant laquelle les actifs sont accumulés sur le compte, et la phase de versement, au cours de laquelle les actifs accumulés peuvent être prélevés pour financer la retraite ou d’autres besoins de revenus. Une grande latitude est laissée aux États membres dans la formalisation des règles applicables à ces phases, sous réserve du respect d’un certain nombre de principes et de la publication des mesures nationales régissant ces phases.

a.   La phase d’accumulation

Au cours de la phase d’accumulation, les actifs sont investis « conformément au principe de la personne prudente » ([30]). Cela implique le respect de certaines conditions, parmi lesquelles :

– la prévention des conflits d’intérêts ;

– la prise en compte des risques et de l’incidence potentielle à long terme des décisions d’investissement sur les facteurs environnementaux et sociétaux ;

– des investissements visant à garantir la sécurité, la qualité, la liquidité et la rentabilité du portefeuille, principalement sur des marchés réglementés ;

– une utilisation prudente des dérivés, destinée à réduire le risque ou faciliter une gestion efficiente ;

– une diversification correcte.

Peuvent être proposées jusqu’à six options d’investissement « conçues par des fournisseurs de PEPP sur la base d’une garantie ou d’une technique d’atténuation des risques, qui assurent aux épargnants PEPP une protection suffisante » ([31]), « le PEPP étant un produit sûr correspondant à l’option d’investissement par défaut [et] conçu […] sur la base d’une garantie du capital dû au début de la phase de versement et pendant celle-ci […] ou d’une technique d’atténuation du risque conforme à l’objectif visant à permettre à l’épargnant PEPP de récupérer le capital investi » ([32]).

Il appartient aux États membres de définir « les conditions relatives à la phase d’accumulation des sous-comptes nationaux qui ne sont pas précisées » ([33]) par le règlement. Celles-ci « peuvent notamment inclure des limites d’âge pour entrer dans la phase d’accumulation, une durée minimale pour la phase d’accumulation, le montant maximal et minimal et la périodicité des cotisations » ([34]).

b.   La phase de versement

Si plusieurs prestations – rente, capital, retraits ou une combinaison de ces prestations – peuvent être mises à la disposition des épargnants lors de la phase de versement, ceux-ci devant faire leur choix à la conclusion du contrat, les États membres « peuvent adopter des mesures visant à privilégier certaines formes particulières de prestations [et] énoncer des conditions dans lesquelles les avantages et les incitations accordés […] sont reversés » ([35]). En outre, si le fournisseur doit, au début de la phase de versement, proposer à l’épargnant « un plan de retraite personnalisé portant sur l’utilisation durable du capital accumulé dans les sous-comptes » ([36]), « les conditions relatives à la phase de versement et aux prestations des sous-comptes nationaux qui ne sont pas précisées [par le] règlement sont définies par les États membres » ([37]).

3.   Des obligations d’information

Le règlement prévoit que « l’ensemble des documents et informations » est fourni gratuitement par voie électronique et « gratuitement, sur demande, sur un autre support durable, y compris sur papier » ([38]). Le fournisseur de PEPP doit rédiger un « document d’informations clés », publié sur son site internet, qui « constitue une information précontractuelle [et] est exact, loyal, clair et non trompeur » ([39]) et un document distinct pour le PEPP de base. Le fournisseur ou distributeur de PEPP est soumis à un devoir de conseil « sur la base des informations exigées et obtenues auprès de l’épargnant PEPP potentiel, les exigences et besoins liés à la retraite de cet épargnant PEPP potentiel, y compris l’éventuel besoin d’acquérir un produit proposant des rentes » ([40])

II.   Le dispositif introduit par le sénat : un alignement des rÈgleS de fonctionnement et du rÉgime fiscal et social du sous-compte français du PEPP sur le PER individuel

En séance, le Sénat a adopté un amendement n° 49 du Gouvernement, portant article additionnel après l’article 2, dont l’objet est d’aligner les règles de fonctionnement et le régime fiscal et social du sous-compte français du PEPP sur les règles de fonctionnement et le régime fiscal et social, dans les limites permises par le règlement (UE) 2019/1238 précité.

Le I modifie le code monétaire et financier.

Le complète d’un chapitre V, composé des articles L. 225-1 à L. 225-4 consacré au sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle le titre II, consacré aux produits d’épargne, du livre II dudit code.

– L’article L. 225-1, dont les modalités d’application sont renvoyées à un décret en Conseil d’État, prévoit l’application audit sous-compte des dispositions applicables au plan d’épargne retraite individuel, à l’exception de celles dispositions qui contreviennent aux règles fixées par le règlement (UE) 2019/1238 précité. Sont ainsi écartées :

L’article précise également que lorsque le sous-compte donne lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, celui-ci prévoit les modalités de financement de l’association souscriptrice, tandis que le sous-compte ouvert sous la forme d’un compte-titres peut donner lieu à l’ouverture d’un compte espèces associés.

– L’article L. 225-2 définit l’univers d’investissement du sous-compte français dans le cadre d’un compte-titres pour le premier alinéa et dans celui d’un contrat d’assurance de groupe pour le second alinéa. Il s’agit là d’une reprise de l’article 224-3 dans une rédaction qui restreint l’univers d’investissement aux titres et supports compatibles avec le PEPP de base.

– L’article L. 225-3 prévoit les modalités d’alimentation du sous-compte : par des versements, par des transferts volontaires en provenance de PER collectifs ou d’un autre sous-compte français, sans aucun frottement fiscal et moyennant des frais qui ne peuvent être supérieurs à 1 % des droits acquis, et sont même nuls cinq ans après le premier versement ou après la date de liquidation de sa pension dans un régime obligatoire d’assurance vieillesse ou de l’âge légal de la retraite.

– L’article L. 225-4 prévoit une transférabilité du sous-compte français du PEPP vers un PER, dans des conditions d’information suffisante du gestionnaire du PER par le fournisseur du PEPP.

Par coordination, le prévoit la possibilité d’un enregistrement et d’une distribution de PER individuel en tant que PEPP s’il répond aux exigences européennes aux règles de fonctionnement du sous-compte français.

Le II procède aux coordinations nécessaires dans le code des assurances.

Est prévue l’application au sous-compte français ayant donné lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe des règles prévues pour les plans d’épargne retraite donnant lieu à l’adhésion à un contrat d’assurance de groupe, codifiées au chapitre II du titre IV du livre Ier du code des assurances (). À cette fin, il est procédé à un certain nombre d’ajustements rédactionnels – par inclusion d’une référence au sous-compte français du produit paneuropéen d’épargne-retraite individuelle –, qui portent sur les obligations d’information du titulaire (), les conditions de sortie anticipée (), les règles de calcul de la valeur de transfert () et les modalités d’établissement des tarifs (), ainsi que les possibilités ouvertes en matière de garantie complémentaire, dont sont toutefois exclues celles qui contreviennent aux dispositions du règlement (UE) 2019/1238 précité (([41]).

Le III procède aux coordinations nécessaires dans le code général des impôts (CGI) pour que s’applique au sous-compte français d’un PEPP la même fiscalité qu’au PER individuel.

Ainsi, aux termes du , qui modifie l’article 4 bis du III de l’article 150-0 A dudit code, l’impôt sur le revenu ne s’appliquera pas à la cession des titres détenus dans le cadre d’un sous-compte.

Les versements sur un sous-compte sont admis en déduction du bénéfice imposable comme les versements sur un PER individuel, dans le cadre des régimes des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux (aux termes du , qui modifie l’article 154 bis du CGI) ou des bénéfices agricoles (aux termes du , qui modifie le deuxième alinéa du I de l’article 154 bis-0 A), pour les travailleurs non-salariés, ou du revenu net global (aux termes du , qui modifie le d du 1 du I de l’article 163 quatervicies).

Le (qui modifie le II de l’article 163 bis) prévoit, pour les prestations versées sous forme de capital, la même exclusion du bénéfice d’un prélèvement libératoire que pour le PER.

Le (qui modifie le II bis de l’article 163 bis B) applique aux revenus des titres détenus dans un sous-compte la même exonération en cas de réemploi dans le cadre du sous-compte.

Le 7° (qui modifie l’article 163 quinvicies) prévoit la non-déductibilité du revenu imposable, d’une part, de sommes versées qui ont déjà fait l’objet d’une exonération puisqu’elles résultent de l’intéressement et de la participation, et, d’autre part, de celles relatives à une garantie de prévoyance complémentaire, celle-ci n’étant pas prévue par le règlement (UE) 2019/1238 précité.

Les (qui modifie le VI quater de l’article 199 terdecies-0 A) et (qui modifie le III de l’article 199 terdecies-0 AB) excluent le sous-compte, à l’instar du PER individuel, de l’application des réductions d’impôt sur le revenu respectivement prévues en cas d’investissement dans des petites et moyennes entreprises (IR PME) et en cas d’investissement dans des entreprises solidaires d’utilité sociale.

Le 10° (qui modifie le I de l’article 757 B) calque le régime du sous-compte ouvert sous forme assurantielle au regard des droits de succession sur celui du PER assurantiel : les sommes investies entrent dans l’actif successoral dans le cas d’un décès après l’âge de 70 ans, après application d’un abattement global de 30 500 euros sur l’ensemble des produits assurantiels. En cas de décès avant l’âge de 70 ans, c’est, aux termes du 11° (qui modifie le I de l’article 990 I), le régime de l’assurance-vie qui s’applique.

Le IV procède aux coordinations nécessaires dans le code de la sécurité sociale pour que le sous-compte soit soumis aux mêmes règles que le PER individuel aux regards des cotisations et contributions sociales.

Le (qui modifie les articles L. 131-2 et le 11° du II de l’article L. 136-1-2) prévoit que sont exonérées de cotisations d’assurance maladie, maternité, invalidité et décès et de la CSG sur les revenus d’activité ou de remplacement les pensions et rentes ou le capital issu d’un sous-compte français du PEPP, lorsque l’épargnant a renoncé, au cours de la phase de versement, à la déduction des sommes versées de son revenu. En revanche, aux termes du (qui modifie l’article L. 136-7), les rentes versées ou la part du capital excédant les versements demeurent, dans ce cas, soumises à la CSG sur les produits de placement.

Le V modifie le code de la mutualité en complétant son article L. 223-22 d’un alinéa aux termes duquel les conditions de rachat anticipé prévues pour les contrats de groupe lorsque ceux-ci sont ouverts sous la forme d’un sous-compte français du PEPP s’appliquent sous réserve des dispositions du code monétaire et financier qui régissent celui-ci.

III.   Les modifications apportées par la commission

Après avoir adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article 2 bis du projet de loi.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 3
Mise en cohérence du code de la sécurité sociale et du code de la mutualité avec le code des assurances dans le cadre de l’article 29 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 du projet de loi vise à limiter le champ de l’application des obligations de publication d’informations extra-financières liées aux risques climatiques et à la biodiversité issues du règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019 à celles des mutuelles et institutions de prévoyance exerçant des activités d’assurance-vie. Il s’agit de corriger une surtransposition en conséquence de laquelle avaient également été soumises à cette obligation les mutuelles et institutions de prévoyance ne proposant d’assurances que contre l’incendie, les accidents et les risques divers (IARD).

Complété par le Sénat, il tend également à aligner les exigences d’honorabilité imposées aux dirigeants de mutuelles avec celles imposées aux dirigeants de sociétés de groupe d’assurance et d’institutions de prévoyance.

I.   des obligations europÉennes de publication d’informations extra-financiÈres dÉjÀ inscrites dans le droit français

La loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat a adapté par anticipation le droit national aux exigences fixées par le règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019 ([42]), dit Sustainable finance disclosure regulation (SFDR).

A.   des exigences de transparence harmonisÉes et renforcÉes par le droit europÉen

Procédant de la volonté de l’Union européenne et des États membres de celle-ci de mettre en œuvre le programme de développement durable à l’horizon 2030 adopté par l’Assemblée générale des Nations unies le 25 septembre 2015, le règlement (UE) 2019/2088 du 27 novembre 2019 ([43]), dit Sustainable finance disclosure regulation (SFDR), sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, entré en vigueur le 10 mars 2021, vise à harmoniser et renforcer les obligations de transparence auxquelles sont soumis les acteurs des marchés financiers et les conseillers financiers. Il établit des règles visant à une certaine transparence en ce qui concerne l’intégration des risques en matière de durabilité dans leurs procédures et politiques ainsi que la prise en compte des incidences négatives en matière de durabilité.

Sont soumis au règlement :

– d’une part, les acteurs des marchés financiers, soit les entreprises d’assurance, entreprises d’investissement ou établissements de crédit fournissant des services de gestion de portefeuille, institutions de retraite professionnelles, gestionnaires de fonds d’investissement alternatif, de fonds de capital-risque ou de fonds d’entrepreneuriat social, société de gestion d’organisme de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ;

– d’autre part, les conseillers financiers.

Les exigences de transparence édictées par le règlement imposent à la fois la publication d’informations de nature institutionnelle et celle d’informations relatives aux produits commercialisés.

1.   L’obligation de publier des informations institutionnelles

Acteurs des marchés financiers et conseillers financiers doivent publier des informations concernant leurs politiques relatives à l’intégration des risques en matière de durabilité ([44]), selon le cas, dans leur processus de prise de décision en matière d’investissement ou dans leurs conseils en investissement ou en assurance, et des informations sur la manière dont les politiques de rémunération sont adaptées à l’intégration de ces risques.

Les acteurs financiers doivent également fournir des informations sur la prise en compte des principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité des décisions d’investissement. Ceux comptant moins de 500 salariés dans leur effectif ou dans l’effectif du groupe dont ils constituent l’entreprise mère peuvent toutefois ne pas le faire, à condition de donner des informations claires sur les raisons pour lesquelles ils ne le font pas.

Les conseillers financiers doivent pour leur part publier des informations sur la prise en compte dans leurs conseils des principales incidences négatives sur les facteurs de durabilité, sauf à justifier pourquoi ils ne les prennent pas en considération et d’indiquer si et quand ils ont l’intention de le faire.

2.   L’obligation de publier des informations relatives aux produits

Les produits auxquels s’applique le règlement sont les produits de retraite, les portefeuilles sous mandat de gestion, les organismes de placement en commun de valeurs mobilières, les fonds d’investissement alternatifs, les produits de retraite et les produits d’investissement fondés sur l’assurance, soit des produits d’assurance vie. Les acteurs des marchés financiers sont tenus, parmi les informations précontractuelles publiées, de fournir une information sur la prise en compte des risques en matière de durabilité et leur impact éventuel sur la rentabilité du produit, à moins qu’ils n’estiment que ces risques ne sont pas pertinents pour le produit considéré – dans ce cas, ils doivent fournir une explication claire et concise.

Le règlement distingue en outre deux catégories de produits présentant des caractéristiques extra-financières : les produits promouvant des caractéristiques environnementales ou sociales (produits dits « article 8 ») et les produits visant un objectif d’investissement durable (produits dits « article 9 »). Pour ces deux types de produits, le règlement oblige les acteurs des marchés financiers à introduire dans la documentation précontractuelle des informations quant à la manière dont les caractéristiques sont respectées ou l’objectif est atteint.

B.   en droit interne, une application diffÉrenciÉe aux entreprises d’assurance, aux mutuelles et aux institutions de prÉvoyance

Visant à adapter le droit national aux exigences du règlement, l’article 29 de la loi n° 2019-1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat modifiait la rédaction de l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier aux termes de laquelle certains investisseurs mettaient à la disposition de leurs souscripteurs une information sur les modalités de prise en compte, dans leur politique d’investissement, des critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance et sur les moyens mis en œuvre pour contribuer à la transition énergétique et écologique.

Dans le secteur de l’assurance, le périmètre d’application de l’article L. 533-22-1 ainsi modifié du code monétaire et financier est défini par les articles L. 310-1-1-3 du code des assurances, L. 114-46-3 du code de la mutualité et L. 931-3-8 du code de la sécurité sociale, tous trois créés par l’article 29 de la même loi du 8 novembre 2019.

Or, si, en ce qui concerne les entreprises d’assurance, l’article L. 310-1-1-3 du code des assurances restreint l’application des dispositions de l’article L. 533‑22‑1 du code monétaire et financier aux seules « entreprises qui sous forme d’assurance directe contractent des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, s’engagent à verser un capital en cas de mariage ou de naissance d’enfants, ou font appel à l’épargne en vue de la capitalisation et contractent à cet effet des engagements déterminés » et aux entreprises qui réassurent ces engagements, soit aux activités d’assurance-vie. Par ailleurs, les articles L. 114-46-3 du code de la mutualité et L. 931-3-8 du code de la sécurité sociale les étendent respectivement aux mutuelles et aux institutions de prévoyance, sans opérer de distinction selon leurs activités ni selon les produits, quand bien même certains ne seraient pas des produits d’investissement fondés sur l’assurance ni des produits financiers. Il s’agit là d’une charge injustifiée qui pèse sur les entités proposant de l’assurance non-vie, cette extension de l’obligation de publication d’informations extra-financières procédant non d’un choix de politiques publiques mais d’une erreur de plume.

II.   Le droit proposÉ : la correction d’une divergence

L’article 3 du projet de loi vise à corriger la divergence qui résulte de l’article 29 de la loi du 8 novembre 2019 précitée et à offrir ainsi un cadre normatif cohérent au secteur de l’assurance.

Le I modifie le code de la mutualité en substituant à la rédaction actuelle de l’article L. 114-46-3 des dispositions aux termes desquelles les obligations prévues à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier ne s’appliquent qu’à celles des mutuelles dont l’objet est :

– soit de contracter des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, verser un capital en cas de mariage ou de naissance d’enfants, faire appel à l’épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés ;

– soit de réassurer ces engagements.

Le II modifie le code de la sécurité sociale en substituant, de manière analogue, à la rédaction actuelle de l’article L. 931-3-8 de celui-ci des dispositions aux termes desquelles les obligations prévues à l’article L. 533-22-1 du code monétaire et financier ne s’appliquent qu’à celles des institutions de prévoyance et celles des unions de telles institutions dont l’objet est :

– soit de contracter des engagements dont l’exécution dépend de la durée de la vie humaine, verser un capital en cas de mariage ou de naissance d’enfants, faire appel à l’épargne en vue de la capitalisation en contractant des engagements déterminés ;

– soit de réassurer ces engagements.

III.   les modifications apportÉes par le sÉnaT

La commission des affaires sociales du Sénat a adopté un amendement COM-35 présenté au nom de la commission des finances par M. Hervé Maurey, rapporteur pour avis, dont l’objet est d’aligner les exigences d’honorabilité des dirigeants de mutuelles avec les exigences imposées aux dirigeants de sociétés de groupe d’assurance et d’institutions de prévoyance.

En application des articles L. 322-2 du code des assurances et L. 931-7-2 du code de la sécurité sociale, nul ne peut administrer ou diriger une société de groupe d’assurance ou d’institution de prévoyance s’il a fait l’objet, depuis moins de dix ans, d’une condamnation définitive pour crime, d’une condamnation à une peine d’emprisonnement ferme ou d’au moins six mois avec sursis pour avoir commis certains délits ou à la destitution des fonctions d’officier public ou ministériel. Si l’article L. 114-21 du code de la mutualité dispose que la même interdiction s’applique à l’administration ou à la direction de mutuelles, il assortit cette interdiction d’une exception à l’égard des personnes qui bénéficient d’une dispense d’inscription de la condamnation au bulletin n° 2 du casier judiciaire ou d’une réhabilitation.

L’amendement COM-35, dont l’exposé sommaire relève qu’une telle dérogation n’apparaît pas justifiée, avait donc pour objet de compléter le dispositif proposé d’un III tendant à abroger cette dérogation.

Le Sénat a adopté l’article 3 ainsi modifié.

IV.   les modifications apportÉes par la commission

Après avoir adopté trois amendements rédactionnels de son rapporteur, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article, qui permet de corriger une surtransposition.

Comme le relevaient, dans leur rapport déposé au cours de la XVe législature, Mme Alice Thourot et M. Jean-Luc Warsmann, « les surtranspositions comme les surréglementations sont à l’origine d’écarts réglementaires avec les autres États membres, lesquels aboutissent, dans de très nombreux secteurs soumis à une concurrence européenne, à une perte de compétitivité pour les entreprises françaises, tenues de respecter des normes plus coûteuses que leurs concurrents » ([45]).

En outre, dans sa rédaction issue des travaux du Sénat, le dispositif remédie même à une inéquité entre des entités qui, exerçant la même activité, devraient être soumises aux mêmes exigences en termes d’honorabilité et de compétence de leurs dirigeants.

La commission des affaires sociales a adopté l’article 3 ainsi modifié.

Article 4
Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modification

L’article 4 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité ainsi que toute mesure utile pour rendre ces dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et dans plusieurs collectivités d’outre-mer.

La commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article modifié par un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur. La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi modifié.

I.   LA DIRECTIVE 2021/2118/UE MODIFIE ET COMPLÈTE LE DROIT DE L’ASSURANCE AUTOMOBILE CE QUI NÉCESSITE UNE ADAPTATION D’UN DROIT NATIONAL DÉJÀ PROTECTEUR MAIS AFFECTÉ PAR LE NOMBRE ÉLEVÉ DE VÉHICULES NON ASSURÉS

A.   la directive 2021/2118/UE modifie et complÈte le droit de l’assurance automobile

Proposée par la Commission européenne le 24 mai 2018 puis soumise à l’avis du Conseil économique et social européen le 19 septembre 2018, la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2009/103/CE concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité a été adoptée au niveau européen à la suite d’une procédure législative ordinaire.

La directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 est la septième directive prise en matière d’assurance automobile ([46]). Comme la Commission européenne l’a rappelé, « la directive sur l’assurance automobile est un instrument juridique essentiel pour le bon fonctionnement du marché unique » ([47]). Ce texte, dont la transposition suppose des mesures législatives et réglementaires ([48]), apporte diverses modifications et compléments à la précédente directive publiée en 2009. Si certains ajustements sont significatifs, « l’ensemble de ces mesures ne sont [cependant] pas de nature à bouleverser en profondeur le paysage de l’assurance automobile obligatoire » ([49]) mais apportent des compléments utiles.

1.   La directive 2021/2118/UE adapte certaines dispositions de la directive 2009/103/CE en matière de définition d’un « véhicule », de contrôle et de périmètre de l’obligation d’assurance

L’étude d’impact considère que la directive n° 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 « modifie, de façon ciblée, la directive n° 2009/103/CE » ([50]). Les principales modifications portent sur la définition de la notion de « véhicule », sur les modalités de contrôle du respect de l’obligation assurancielle et sur le périmètre de cette obligation.

L’article premier de la directive 2009/103/CE définissait un « véhicule » comme « tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique, sans être lié à une voie ferrée, ainsi que les remorques, même non attelées ». Dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne ([51]), la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 précise cette définition et entend par « véhicule » :

– « a) tout véhicule automoteur actionné exclusivement par une force mécanique sur le sol, sans être lié à une voie ferrée, avec : i) une vitesse maximale par construction supérieure à 25 km/h ; ou ii) un poids net maximal supérieur à 25 kg et une vitesse maximale par construction supérieure à 14 km/h » ;

– « b) toute remorque destinée à être utilisée avec un véhicule visé au point a), qu’elle soit attelée ou non ».

La référence à une force « exclusivement » mécanique exclut de cette définition les vélos à assistance électrique qui sont propulsés à la fois par la force humaine et par la force mécanique. Les considérations de poids et de vitesse excluent de l’assurance automobile les engins de déplacement personnel motorisés (EDPM ([52]), tels que les trottinettes électriques, les mono-roues, les gyropodes, les skateboards électriques et les hoverboards ([53]). La directive 2021/2118/UE précise également que les « fauteuils roulants automoteurs exclusivement destinés à être utilisés par des personnes souffrant d’un handicap physique ne sont pas considérés comme des véhicules ». Cependant, sur ces points, l’article 28 (paragraphe 1) de la directive accorde une marge de manœuvre aux États membres et leur réserve la possibilité d’imposer une obligation d’assurance automobile à ces différents engins ([54]).

La directive précise également l’article 4 de la directive 2009/103/CE relatif aux modalités de contrôle de l’obligation d’assurance automobile en subordonnant la réalisation de ces contrôles à l’absence de discrimination (ces contrôles ne doivent pas porter sur les seuls véhicules ne circulant habituellement pas dans un État membre), à leur intégration dans un contrôle plus large (le contrôle de l’assurance doit s’effectuer dans une opération ne visant pas seulement à vérifier le respect de l’obligation assurancielle) et à l’absence d’arrêt du véhicule (le contrôle doit se faire sur un véhicule en mouvement). La réalisation de ces contrôles peut, dans le respect du règlement général sur la protection des données ([55]), être automatisée. Les données ainsi recueillies peuvent, comme le souligne l’étude d’impact, être communiquées « à des contrôleurs relevant d’autres États membres » ([56]).

La directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 modifie également l’article 5 de la directive 2009/103/CE relatif aux possibilités de dérogation à l’obligation d’assurance des véhicules. Précédemment, seuls « certains types de véhicules ou certains véhicules ayant une plaque spéciale » pouvaient être exemptés de cette obligation sans que ces engins soient précisément définis. La directive 2021/2118/UE précise ces dérogations en indiquant qu’elles s’appliquent, sous réserve de respecter des procédures spécifiques, aux véhicules retirés temporairement ou définitivement de la circulation et dont l’utilisation est interdite, aux véhicules utilisés exclusivement dans des zones à accès restreint (par exemple les zones portuaires et aéroportuaires) et aux véhicules participant à des activités sportives motorisées (essais, courses et démonstrations) ([57]).

2.   La directive 2021/2118/UE complète la directive 2009/103/CE par des dispositions relatives aux droits des consommateurs et à la protection des victimes d’accidents

La directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 introduit plusieurs nouveaux articles dans la directive 2009/103/CE. Les principaux ajouts visent à reconnaître de nouveaux droits aux consommateurs et à améliorer la protection des victimes d’accidents.

La directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 crée un article 16 bis accordant de nouveaux droits aux consommateurs. En premier lieu, il s’agit de permettre à toute personne de solliciter son assureur pour obtenir un « relevé de sinistres » recensant les éventuels accidents intervenus lors des cinq dernières années. Ce document, établi sur la base d’un modèle commun à l’ensemble des États membres, doit « faciliter la prise en compte de l’historique des sinistres lors de la conclusion d’une nouvelle police d’assurance » ([58]). En second lieu, l’article 16 bis détermine et encadre les conditions de fonctionnement des « outils de comparaison des prix de l’assurance automobile ». Les comparateurs d’assurance pourront être certifiés par les États membres afin de garantir leur indépendance par rapport aux sociétés d’assurance. L’étude d’impact souligne l’effet positif de ces dispositions sur le « pouvoir d’achat » des assurés ([59]).

La directive 2021/2118/UE s’attache également à améliorer la protection des victimes d’accidents. Les deux principales avancées visent à améliorer les conditions de protection en cas d’accident impliquant une remorque tractée par un véhicule (en permettant la mise en cause, sous certaines conditions, de l’assurance du véhicule tracteur ou de l’assurance de la remorque) et à améliorer « l’indemnisation des personnes lésées à la suite d’accidents en cas d’insolvabilité de l’entreprise d’assurance » ([60]). La directive 2021/2118/UE crée ainsi un article 25 bis relatif à la « protection des personnes lésées en cas de dommages résultant d’accidents survenus dans un État membre autre que leur État membre de résidence en cas d’insolvabilité d’une entreprise d’assurance ». Chaque État membre devra créer ou agréer un organisme chargé d’indemniser les personnes résidant sur son territoire et ayant été lésées dans de telles circonstances.

La directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 doit être transposée le 23 décembre 2023 au plus tard.

B.   Le droit national satisfait dÉjÀ certaines dispositions de la directive mais doit Être adaptÉ

Si le droit interne satisfait déjà certaines dispositions de la directive 2021/2118/UE, de nombreuses adaptations devront être mises en œuvre pour assurer la transposition de ce texte.

1.   Le droit interne satisfait déjà certaines dispositions de la directive

Très protecteur, le droit interne satisfait déjà certaines dispositions de la directive 2021/2118/UE.

La plupart des dispositions prévues par la directive en matière d’indemnisation « des personnes lésées à la suite d’accidents en cas d’insolvabilité de l’entreprise d’assurance » existent déjà dans la réglementation française. Le point 1 du nouvel article 25 bis de la directive impose ainsi à chaque État membre la création ou l’agrément d’un organisme « chargé d’indemniser les personnes lésées résidant sur son territoire […] au moins dans les limites de l’obligation d’assurance, pour les dommages matériels ou corporels causés par un véhicule assuré par une entreprise d’assurance, à compter du moment où a) l’entreprise d’assurance fait l’objet d’une procédure de faillite ; ou b) l’entreprise d’assurance fait l’objet d’une procédure de liquidation. » La directive rappelle qu’une « entreprise d’assurance peut devenir insolvable de plusieurs manières, par exemple après avoir été déclarée en faillite, après avoir manqué à ses obligations lorsqu’elle a renoncé à son agrément dans son État membre d’origine ou après avoir fait l’objet d’une mesure de révocation ou d’une décision interdisant son activité » ([61]).

Cette obligation est partiellement satisfaite par le droit national. Ainsi, en application de l’article L. 421-9 du code des assurances, le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) est chargé de « protéger les personnes assurées, souscriptrices, adhérentes ou bénéficiaires de prestations de contrats d’assurance dont la souscription est rendue obligatoire par les articles L. 211-1 ou L. 242-1, contre les conséquences du retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance couvrant sur le territoire de la République française les risques de responsabilité civile résultant de l’emploi de véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorque ». Interrogé sur ce point, le FGOA a indiqué être intervenu depuis 2016 « à la suite du retrait de 5 assureurs de responsabilité civile automobile avec une charge totale autour de 190 M€ (avec des perspectives de récupérations financières vraisemblables de 120 M€). En 2021, autour de 15 M€ d’indemnités ont été versées à des victimes d’accidents de la route dont l’auteur était assuré auprès d’une compagnie d’assurance en faillite » ([62]). Dans le cadre de la transposition de la directive, les compétences du FGAO, devront cependant être adaptées pour être étendues à l’indemnisation des personnes lésées résidant sur le territoire français, victimes d’accidents causés par des véhicules assurés auprès de compagnies d’assurance étrangères insolvables.

La réglementation française satisfait également pour partie les dispositions de la directive relatives au contrôle de l’obligation d’assurance. Ainsi, l’article 35 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle a autorisé « la mise en place d’un fichier des véhicules terrestres à moteur assurés […] en vue de permettre, à partir des immatriculations, des données techniques et de la couverture d’assurance responsabilité civile desdits véhicules, l’information : […] 2° De l’État dans le cadre de sa mission de contrôle de l’obligation d’assurance de responsabilité civile automobile ». Cette disposition, précisée par le décret n° 2018-644 du 20 juillet 2018 relatif au dispositif de lutte contre le défaut d’assurance de responsabilité civile automobile, a permis la création du fichier des véhicules assurés qui, selon le baromètre de la non-assurance routière, recense 56 millions de véhicules ([63]).

Les opérations de contrôle effectuées sur la base de ce fichier respectent les principes posés par la directive, notamment celui de ne pas limiter la réalisation des

contrôles à la seule vérification de la détention d’une assurance ([64]). Sur ce point également, seules des adaptations limitées de la réglementation française devraient être nécessaires.

La réglementation française satisfait également pour partie les dispositions de la directive relatives au comparateur numérique d’assurance. L’article 49 de la loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique a ainsi introduit un article L. 111-7 dans le code de la consommation encadrant l’activité de ces outils « dont l’activité consiste en la fourniture d’informations permettant la comparaison des prix et des caractéristiques de biens et de services proposés par des professionnels ». Le droit national devra cependant être adapté afin de veiller à l’indépendance de ces comparateurs par rapport aux sociétés d’assurance.

2.   Des adaptations législatives substantielles sont indispensables en plusieurs points

Des adaptations plus conséquentes devront être engagées en d’autres points.

Les trois modifications les plus significatives devraient concerner la définition de la notion de « véhicule », le périmètre d’application de l’assurance automobile et la nature des dérogations à l’obligation d’assurance.

La définition de la notion de « véhicule » devra être précisée puisque, à l’heure actuelle, l’article L. 211-1 du code des assurances dispose qu’« on entend par « véhicule » tout véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire tout véhicule automoteur destiné à circuler sur le sol et qui peut être actionné par une force mécanique sans être lié à une voie ferrée, ainsi que toute remorque, même non attelée ». Cette définition, qui reprend mot pour mot celle figurant dans la directive 2009/103/CE, devra être modifiée pour tenir compte de la directive 2021/2118/UE.

L’ordonnance devra également déterminer le périmètre d’application de l’assurance automobile. Si les considérations de poids et de vitesse figurant au 1) de l’article 1er de la directive excluent de l’assurance automobile la quasi-totalité des engins de déplacement personnel motorisés et s’il est précisé que les « fauteuils roulants automoteurs exclusivement destinés à être utilisés par des personnes souffrant d’un handicap physique ne sont pas considérés comme des véhicules », l’article 28 (paragraphe 1) laisse aux États membres la possibilité d’imposer une telle assurance automobile à ces engins. À l’heure actuelle, les engins de déplacement personnel motorisé sont assujettis à une obligation d’assurance automobile et une incertitude prévaut concernant les fauteuils roulants électriques ([65]). S’agissant des EPDM, l’assurance doit être souscrite par l’utilisateur de ce véhicule ou, pour les flottes d’EDPM existant dans certaines villes, par l’entreprise en assurant la location ([66]).

Pour les EDPM, cette obligation est cependant très imparfaitement respectée. Lors de son audition, le FGAO a estimé que le taux de pénétration de l’assurance automobile est estimé aux environs de 25 %. Pour sa part, France assureurs a suggéré un taux nettement inférieur : le nombre total de contrats souscrits par des particuliers serait ainsi légèrement inférieur à 100 000 (94 500) alors que le parc total d’EDPM serait, selon la Fédération des professionnels de la micro-mobilité, supérieur à 2 millions d’unités.

Ce faible taux d’assurance des EDPM, conjugué à un nombre croissant d’accidents ([67]), conduit le FGAO à intervenir de manière accrue : le nombre de saisines du FGAO à la suite d’accidents causés par des EDPM croît sensiblement. Si 2 dossiers ont été enregistrés en 2018, 392 l’ont été en 2021 et 756 en 2022. Lors de son audition, le FGAO a précisé que sur « les 118 M€ réglés en 2021, autour de 700 k€ d’indemnités ont été réglées à des victimes de trottinettes électriques ». Par ailleurs, 7 millions d’euros ont été provisionnés par ce fonds dans le cadre de l’instruction de demandes d’indemnisation de dommages corporels liées à des accidents provoqués par des EPDM. La question du défaut d’assurance de ces engins nécessite donc une attention particulière.

Les dérogations à l’obligation d’assurance devraient également faire l’objet de dispositions spécifiques.

De manière générale, les principales modifications liées à la transposition de la directive devraient concerner le code des assurances, le code de la route et la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation.

3.   La transposition de la directive devrait renforcer un système assurantiel français protecteur mais affecté par le nombre élevé de véhicules non-assurés

Fondé par la loi n° 58-208 du 27 février 1958 instituant une obligation d’assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur, et adapté depuis (notamment sous l’influence européenne), le système d’assurance automobile français est protecteur. L’indemnisation des victimes repose quant à elle sur la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l’amélioration de la situation des victimes d’accidents de la circulation et à l’accélération des procédures d’indemnisation qui détermine un régime favorable aux victimes. La directive 2021/2118/UE devrait permettre de nouvelles avancées en faveur des personnes lésées et des consommateurs ce que la Fédération nationale des victimes de la route a souligné dans sa réponse au questionnaire lui ayant été adressé par le rapporteur ([68]).

Le système français comprend cependant une faille importante tenant au nombre élevé de conducteurs et de véhicules non-assurés. Selon l’étude d’impact ([69]), 800 000 conducteurs sur 38 000 000 ne seraient pas assurés, soit une proportion de 2,1 %. Les accidents causés par ces véhicules conduisent le FGAO à intervenir de manière importante. En 2021, cet établissement a ainsi enregistré 22 983 demandes émanant de personnes victimes de non-assurance routière ; ce nombre recouvrant 14 845 accidents aux seules conséquences matérielles, 7 977 victimes blessées et 161 victimes décédées.

Outre son aspect humain, cette situation représente un coût élevé. L’étude d’impact souligne ainsi que « l’État, via le Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages, indemnise préalablement les victimes d’accidents causés par des conducteurs non-assurés. En 2021, les indemnités versées aux victimes représentent un montant de 118 M€, soit une augmentation de 2,5 % par rapport à 2019 et de 16,6 % depuis 2016 » ([70]).

La question de la non-assurance concerne également les EPDM (cf. infra).

II.   LE DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE PROJET DE LOI

L’article 4 comprend quatre alinéas répartis entre deux paragraphes (3 alinéas au I et un alinéa au II).

Le I habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

– Transposer la directive 2021/2118/UE et de « prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition » ;

– Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance précitée pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II précise qu’un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Le recours à une transposition de la directive par voie d’ordonnance se justifie au regard du délai restreint demeurant avant l’échéance posée par l’article 2 de la directive (23 décembre 2023) ([71]), de la technicité des adaptations à réaliser et de « l’absence de véhicule législatif certain postérieurement au présent projet de loi permettant de respecter les délais de transposition » ([72]).

La durée du délai d’habilitation (neuf mois à compter de la promulgation de la loi) est adaptée à cette contrainte.

Le champ de l’habilitation est circonscrit au périmètre de l’ordonnance et aux mesures de coordination et d’adaptations rendues nécessaires par la transposition. Lors de ses travaux préparatoires, le rapporteur a interrogé le Gouvernement sur ses intentions en matière d’assurance des fauteuils roulants électriques et des EDPM. En réponse, celui-ci a indiqué qu’il entendait conserver la réglementation actuelle applicable à ces différents engins. L’ordonnance projetée ne devrait donc pas modifier l’état du droit en ce domaine. Le rapporteur partage cette orientation mais invite le Gouvernement à prendre toutes mesures utiles permettant d’améliorer le taux de pénétration de l’assurance automobile des EDPM et, plus globalement, de lutter contre le phénomène de non-assurance.

III.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article 4.

La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi modifié.

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Article 4 bis
Audition du directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat avant sa nomination

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Introduit par la commission

L’article 4 bis, introduit par la commission des finances sur proposition de son rapporteur, prévoit l’audition du directeur général du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et du Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions devant les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat avant sa nomination.

La commission des affaires sociales a adopté cet article.

I.   le FGAO et le FGTI sont des entitÉs exerçant des missions proches avec une direction commune

L’article 4 du projet de loi propose d’habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour transposer la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 concernant l’assurance de la responsabilité civile résultant de la circulation de véhicules automoteurs et le contrôle de l’obligation d’assurer cette responsabilité. La transposition de cette directive aura notamment pour effet de modifier les compétences du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages (FGAO) dont les équipes sont communes avec celles gérant le Fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions (FGTI). Pour compléter les mesures sur ce sujet, le rapporteur a déposé un amendement relatif à la procédure de nomination du directeur général du FGAO et, par voie incidente, du FGTI.

A.   LE FGAO ET LE FGTI EXERCENT DES MISSIONS PROCHES

Le FGAO et le FGTI exercent une mission de service public exprimant la solidarité nationale en faveur de différentes victimes.

1.   Le FGAO : compétences, financement et gouvernance

Le FGAO est une personne morale de droit privé chargée par le code des assurances de superviser les quatre formes d’indemnisation ou de paiement suivantes :

– L’indemnisation des victimes ou des ayants droit des victimes des dommages nés d’un accident survenu en France dans lequel est impliqué un véhicule au sens de l’article L. 211-1 du code des assurances lorsque le responsable des dommages est inconnu ou lorsqu’il n’est pas assuré, sauf par l’effet d’une dérogation légale à l’obligation d’assurance (article L. 421-1 du code des assurances) ;

– L’indemnisation des victimes des dommages corporels occasionnés par tous actes de chasse ou de destruction des animaux susceptibles d’occasionner des dégâts dans les parties du territoire où l’assurance instituée par l’article L. 423-16 du code de l’environnement est obligatoire, même si ces actes ne sont pas compris dans l’obligation d’assurance, dès lors qu’ils sont le fait d’un auteur demeuré inconnu, ou non assuré (article L. 421-8 du code des assurances) ;

– Le paiement, en cas de retrait d’agrément d’une entreprise d’assurance, de la totalité des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l’article 1792-1 du code civil, les fabricants et importateurs ou le contrôleur technique sur le fondement de l’article 1792 du même code (article L. 421-9 du code des assurances) ([73]) ;

– L’indemnisation de toute personne propriétaire d’un immeuble ayant, à compter du 1er septembre 1998, subi des dommages résultant d’une activité minière présente ou passée dès lors que cet immeuble est occupé à titre d’habitation principale (article L. 421-17 du code des assurances).

En 2021, au titre de ces différentes missions, le FGAO a versé 168,8 millions d’euros en faveur de 27 239 victimes ([74]).

La transposition de la directive 2021/2118/UE du 24 novembre 2021 conduira à étendre les missions du FGAO à l’indemnisation des personnes résidant sur le territoire français victimes d’accidents causés par des véhicules assurés auprès de compagnies d’assurance étrangères insolvables.

Comme le directeur général de ce fonds l’a rappelé lors de son audition, les missions du FGAO sont financées au moyen de contributions pesant sur les assurés, de produits de placements et du produit des recours contre les auteurs non assurés d’accidents.

La gouvernance de l’établissement repose, en application de l’article R. 421-25-1 du code des assurances, sur un conseil d’administration composé de douze membres (dont sept représentent des entreprises d’assurance) chargé notamment de désigner le directeur général du fonds ([75]). L’article R. 421-26 du code des assurances précise que « le fonds de garantie est soumis au contrôle du ministre de l’économie et des finances » qui nomme à cet effet un commissaire du Gouvernement.

2.   Le FGTI : compétences, financement et gouvernance

Le FGTI est une personne morale dotée « de la personnalité civile » ([76]) chargée par le code des assurances de superviser les deux formes d’indemnisation suivantes :

– L’indemnisation des victimes d’actes de terrorisme commis sur le territoire national, des personnes de nationalité française victimes à l’étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité (article L. 126-1 du code des assurances) ;

– L’indemnisation des victimes d’infractions de droit commun, c’est-à-dire l’indemnisation de toute personne, y compris tout agent public ou tout militaire, ayant subi un préjudice résultant de faits, volontaires ou non, qui présentent le caractère matériel d’une infraction dans les conditions définies par l’article 706-3 du code pénal. Les victimes de coups et blessures, de viol, d’agression sexuelle, de tentative d’homicide, de traite des êtres humains, de servitude ou de proxénétisme relèvent de cette compétence.

En complément, l’article 706-15-2 du code pénal confie également au FGTI une mission d’aide au recouvrement des dommages et intérêts alloués aux victimes d’infractions à l’issue d’un procès pénal.

En 2021, le FGTI a versé au titre de ces différentes missions 474,9 millions d’euros en faveur de 83 016 victimes ([77]).

Les missions du FGTI sont financées « par un prélèvement sur les contrats d’assurance de biens » (article L. 422-1 du code des assurances), par des produits de placements et par le produit des recours contre les auteurs non assurés d’infractions.

La gouvernance du FGTI repose sur un conseil d’administration composé de neuf membres nommés par arrêté ministériel (article R. 422-1 du code des assurances). Dans le cadre d’une convention de gestion conclue entre le FGAO et le FGTI, le directeur général du FGAO nommé par le conseil d’administration de cet établissement fait office de directeur général du FGTI (même si, dans les statuts de ce fonds, cette fonction de directeur général n’existe pas formellement) ([78]).

En application de l’article R. 422-3 du code des assurances, « le fonds de garantie est soumis au contrôle du ministre de l’économie et des finances » qui nomme à cet effet un commissaire du Gouvernement.

Une gouvernance du FGTI critiquée par la Cour des comptes

Dans un référé du 25 novembre 2020 consacré au FGAO et au FGTI, la Cour des comptes a porté un regard favorable sur la gestion récente du FGAO et du FGTI (« des progrès substantiels ont été réalisés au cours des dernières années »), s’est interrogée sur la « situation financière dégradée des deux fonds » et a appelé à une « clarification indispensable du statut juridique du FGTI et de sa délégation de gestion au FGAO » ([79]).

D’un point de vue financier, la Cour a souligné que « les fonds propres [du FGAO] sont négatifs (- 172,8 M€ en 2019), et pourraient encore se dégrader en raison de l’aléa majeur que constituent la non-assurance et plus généralement la délinquance routière ». Le référé observe aussi que la situation financière du FGTI est « particulièrement inquiétante : ses fonds propres sont très fortement négatifs (- 5 Md€ en 2019) en raison des déficits annuels cumulés » ([80]).

S’agissant du statut juridique du FGTI, la Cour des comptes relève que « la loi de 1986 créant le FGTI a fait le choix de ne pas préciser la nature juridique - publique ou privée - du fonds ». Cependant, « à trois reprises, le Conseil d’État a […] rappelé la nécessité de clarifier la nature juridique du FGTI » dont il conssidère « en l’absence de qualification par la loi, [qu’il ] doit être regardé comme un organisme de droit public » ([81]). La Cour note par ailleurs que « la délégation de pouvoirs donnée par le conseil d’administration du FGTI au directeur général du FGAO est effectuée « ès qualités » […]. La délégation de pouvoirs est votée à chaque changement ou renouvellement de mandat du directeur général du FGAO. Cette organisation permet la mutualisation complète des services et donc des gains d’efficience. Elle demeure néanmoins fragile » et « une disposition législative devra rapidement sécuriser le principe et les conditions de la délégation de gestion du FGTI au FGAO » ([82]).

B.   LE FGAO ET LE FGTI DISPOSENT D’UNE DIRECTION COMMUNE nommée sans INFORMATION PRÉALABLE du Parlement

1.   Une direction commune nommée sans information préalable du Parlement

Le FGAO et le FGTI partagent une direction commune nommée sans information préalable du Parlement.

Cette direction commune illustre le fonctionnement intégré de ces deux fonds. Ainsi, si ces deux entités sont juridiquement distinctes, elles partagent en pratique les mêmes locaux, les mêmes personnels et la même identité visuelle. Le FGAO et le FGTI communiquent tous deux sous le nom de Fonds de garantie des victimes et le dernier rapport d’activité de l’établissement met en avant le slogan « Deux fonds, une équipe » ([83]).

La nomination du directeur général s’effectue sans information préalable du Parlement alors même que ces deux fonds exercent, sous le contrôle du ministre chargé de l’économie, une mission de service public principalement financée par des taxes affectées.

D’un point de vue juridique, l’absence d’information préalable du Parlement s’explique par le fait que la fonction de directeur général du FGAO et du FGTI ne relève ni du périmètre de l’article 13 de la Constitution, ni du périmètre d’un autre texte spécifique.

2.   La fonction de directeur général du FGAO et du FGTI ne relève pas du périmètre des nominations de l’article 13 de la Constitution

L’article 13 de la Constitution vise trois types de nomination à des emplois publics et assortit certaines de ces nominations d’un avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. La fonction de directeur général du FGAO et du FGTI ne relève d’aucun de ces types de nomination.

Le troisième alinéa de l’article 13 concerne la nomination des conseillers d’Etat, du grand chancelier de la Légion d’honneur, des ambassadeurs et envoyés extraordinaires, des conseillers maîtres à la Cour des comptes, des préfets, des représentants de l’Etat dans les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 et en Nouvelle-Calédonie, des officiers généraux, des recteurs des académies et des directeurs des administrations centrales.

Le quatrième alinéa de l’article 13 dispose qu’une « loi organique détermine les autres emplois auxquels il est pourvu en conseil des ministres ainsi que les conditions dans lesquelles le pouvoir de nomination du Président de la République peut être par lui délégué pour être exercé en son nom ». Les emplois intéressés relèvent de l’ordonnance n° 58-1136 du 28 novembre 1958 portant loi organique concernant les nominations aux emplois civils et militaires de l’Etat. La fonction de directeur général du FGAO et du FGTI ne relève pas de cette liste où figurent par exemple les « emplois de direction dans les établissements publics, les entreprises publiques et les sociétés nationales quand leur importance justifie inscription sur une liste dressée par décret en conseil des ministres ».

Le cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution dispose qu’« une loi organique détermine les emplois ou fonctions, autres que ceux mentionnés au troisième alinéa, pour lesquels, en raison de leur importance pour la garantie des droits et libertés ou la vie économique et sociale de la Nation, le pouvoir de nomination du Président de la République s’exerce après avis public de la commission permanente compétente de chaque assemblée. Le Président de la République ne peut procéder à une nomination lorsque l’addition des votes négatifs dans chaque commission représente au moins trois cinquièmes des suffrages exprimés au sein des deux commissions. La loi détermine les commissions permanentes compétentes selon les emplois ou fonctions concernés » ([84]). La fonction de directeur général du FGAO et du FGTI ne figure pas dans la liste des emplois déterminée par la loi organique modifiée n° 2010-837 du 23 juillet 2010 relative à l’application du cinquième alinéa de l’article 13 de la Constitution.

3.   Des lois ponctuelles ont soumis d’autres nominations à un avis public ou à l’organisation d’une audition devant les commissions parlementaires et la nomination du directeur général du FGAO et du FGTI peut relever d’une disposition législative de ce type

Des lois ponctuelles ont soumis d’autres nominations à un avis public ou à l’organisation d’une audition devant les commissions parlementaires. C’est le cas des nominations au sein de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, de la Commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations et du Haut conseil des finances publiques.

En application du quinzième alinéa de l’article L. 612-5 du code monétaire et financier, le vice-président de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution « est nommé pour une durée de cinq ans par arrêté conjoint des ministres chargés de l’économie, de la sécurité sociale et de la mutualité, après avis des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat. Les avis des commissions sont réputés favorables à l’expiration d’un délai de trente jours suivant la réception de la demande d’avis ».

En application de l’article L. 518-4 du code monétaire et financier, tel que modifié par l’article 107 de la loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, trois membres de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations sont désignés par le Président de l’Assemblée nationale en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable ou économique ou dans celui de la gestion après avis public de la commission permanente de l’Assemblée nationale chargée des finances et deux membres sont désignés par le Président du Sénat en raison de leurs compétences dans les domaines financier, comptable ou économique ou dans celui de la gestion après avis public de la commission permanente du Sénat chargée des finances.

En application de l’article 1er (I) de la loi n° 2021-1577 du 6 décembre 2021 portant diverses dispositions relatives au Haut conseil des finances publiques et à l’information du Parlement sur les finances publiques, quatre membres de cette instance sont nommés, respectivement, par le président de l’Assemblée nationale, le président du Sénat et les présidents des commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances en raison de leurs compétences dans le domaine des prévisions macroéconomiques et des finances publiques. Ces nominations interviennent « après audition publique conjointe devant les commissions parlementaires permanentes chargées des finances et des affaires sociales de l’assemblée concernée ».

Les récentes modifications introduites par les lois précitées du 22 mai 2019 du 6 décembre 2021 résultent d’initiatives parlementaires témoignant de la volonté d’améliorer l’information de l’Assemblée nationale et du Sénat sur le fonctionnement de différentes institutions ([85]). Une initiative comparable peut tout à fait concerner le FGAO et le FGTI sous réserve de tenir compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel encadrant le pouvoir d’audition des commissions parlementaires.

Ainsi, dans sa décision n° 2012-658 DC du 13 décembre 2012 portant sur la loi organique relative à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, le Conseil constitutionnel a censuré, comme contraire au principe de séparation des pouvoirs, le fait de subordonner le pouvoir de nomination par une autorité administrative ou juridictionnelle à une audition par les assemblées parlementaires dès lors qu’aucune disposition constitutionnelle n’autorise cette audition ([86]).  La loi adoptée par le Parlement et soumise à l’examen du Conseil constitutionnel prévoyait que la nomination au Haut conseil des finances publiques de quatre magistrats de la Cour des comptes désignés par le Premier président de cette Cour et d’un membre nommé par le Président du Conseil économique, social et environnemental intervenait après leur audition publique par les commissions des finances et les commissions des affaires sociales de l’Assemblée nationale et du Sénat.

L’article 4 bis concerne une situation différente puisque le directeur général du FGAO et du FGTI est nommé par le conseil d’administration de ces établissements et non par une autorité administrative ou juridictionnelle. Une audition par les commissions chargées des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat peut donc tout à fait s’envisager.

II.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ

Sur proposition du rapporteur, la commission des finances a adopté à l’unanimité l’amendement CF33 soumettant la nomination du directeur général du FGAO et du directeur général du FGTI à une audition préalable par les commissions de l’Assemblée nationale et du Sénat chargées des finances avant sa nomination.

Cet article 4 bis vise à améliorer l’information du Parlement préalablement à la nomination du directeur général de deux fonds qui participent activement à la solidarité nationale en faveur de différentes victimes. Les missions de ces fonds, la nature de leurs ressources, le montant de leurs dépenses (près de 650 millions d’euros en 2021) et le contrôle exercé sur leur activité par le ministre chargé de l’économie justifient cette information préalable du Parlement sur ces nominations.

L’article 4 bis ne règle cependant pas la question de l’éventuelle réforme de la gouvernance du FGTI appelée de ses vœux par la Cour des comptes. La rédaction retenue formalise cependant la fonction de directeur général du FGTI qui, du fait de la délégation de gestion consentie par le conseil d’administration du FGTI en faveur du FGAO, est aujourd’hui assumée par le directeur général du FGAO. Le rapporteur poursuivra ses consultations sur ce point.

La commission des affaires sociales a adopté cet article.

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Chapitre II
Dispositions en matière de droit des sociétés

Article 5
Mise en cohérence du droit national des titres avec le régime européen instauré par le règlement sur un régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modification

L’article 5 du projet de loi vise à adapter le droit national pour permettre la mise en œuvre du régime pilote pour les infrastructures de marché reposant sur la technologie des registres distribués prévu par le règlement (UE) 2022/858 ([87]).

I.   des dispositions nationales et europÉennes de nature À encourager le dÉveloppement d’une technologie innovante

La technologie des registres distribués (Distributed Ledger Technology, ou DLT ; en français, dispositif d’enregistrement électronique partagé, ou DEEP) repose sur « l’exploitation et l’utilisation de […] répertoires d’informations qui sont partagés et synchronisés au sein d’un ensemble de nœuds de réseau DLT, au moyen d’un mécanisme de consensus, […] règle ou procédure par laquelle les nœuds d’un réseau DLT parviennent à un accord sur le fait qu’une transaction est validée » ([88]), lesquels nœuds de réseau « détiennent une copie complète ou partielle des enregistrements de toutes les transactions dans un registre distribué » ([89]). Quoique l’intérêt de l’utilisation de la technologie des registres distribués pour les infrastructures de marché ne puisse, en l’état, être précisément mesuré, il ressort des indications communiquées par l’Autorité des marchés financiers au rapporteur pour avis qu’elle est susceptible, du point de vue de l’industrie financière, de présenter un certain nombre d’avantages :

– une réduction du nombre d’intermédiaires et d’étapes nécessaires pour gérer les émissions et le règlement-livraison des titres avec une simplification globale des processus et une réduction des coûts ;

– des mécanismes de pré-négociation et post-négociation des titres plus rapides et plus efficaces ;

– une meilleure gestion et un meilleur partage des données standardisées ;

– davantage de fluidité dans les relations entre émetteurs et investisseurs, notamment grâce aux propriétés de la technologie en matière de traçabilité et de tenue de registre.

Si de premières dispositions ont visé à permettre l’utilisation de cette technologie, il paraît justifié d’aller plus loin en offrant aux acteurs des possibilités d’expérimentation.

A.   Des dispositions nationales pionniÈres

Comme le relevait M. Éric Woerth dans un rapport sur la mise en œuvre des conclusions d’une mission d’information relative aux crypto-actifs, « la France a été l’un des premiers pays à mettre en place un cadre juridique dédié aux technologies blockchain ([90]) et à leurs applications en matière financière » ([91]).

Tout d’abord, prise en application de la loi du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques ([92]), dite loi Macron, l’ordonnance n° 2016-520 du 28 avril 2016 relative aux bons de caisse avait notamment pour objet de créer une nouvelle catégorie de bons de caisse, les « minibons », qui puissent être échangés sur les plateformes internet de financement participatif. Ensuite, une ordonnance du 8 décembre 2017 ([93]), dite ordonnance blockchain, s’appliquant notamment aux parts de fonds, aux titres de créance négociables et aux titres financiers non cotés, a défini un régime juridique adapté pour le transfert de propriété de titres financiers par un dispositif d’enregistrement électronique partagé (DEEP). Ces deux ordonnances ont été ratifiées par l’article 206 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ([94]), dite Pacte.

Le droit national des titres prévoit ainsi que les titres financiers sont inscrits soit dans un compte-titres tenu par l’émetteur ou par un intermédiaire soit dans un registre distribué, mais uniquement dans le cas prévu au second alinéa de l’article L. 211-7 du code monétaire et financier, tel que sa rédaction résulte de l’ordonnance blockchain précitée, soit celui de titres au nominatif.

B.   Un rÈglement europÉen visant à favoriser l’innovation par l’expÉrimentation de la technologie des registres distribuÉs

Visant à promouvoir le développement du numérique dans le secteur financier tout en minimisant les risques que pourrait présenter ce développement, le règlement (UE) 2022/858, qui entre en vigueur le 23 mars 2023, crée un régime d’expérimentation d’une durée initiale de trois ans, pouvant être portée à six ans, qui doit permettre aux opérateurs d’infrastructures de marché d’acquérir une expérience de l’utilisation de la technologie des registres distribués. En effet, si « l’Union [européenne] a stratégiquement intérêt à étudier, à développer et à promouvoir l’adoption des technologies transformatrices dans le secteur financier, y compris l’adoption de la technologie des registres distribués (DLT) » ([95]), le législateur européen relève que « la législation de l’Union relative aux services financiers n’a pas été conçue en ayant la technologie des registres distribués et les crypto-actifs à l’esprit et elle contient des dispositions qui potentiellement empêchent ou limitent l’utilisation de la technologie des registres distribués pour l’émission, la négociation et le règlement des crypto-actifs assimilés à des instruments financiers » ([96]). À cette fin, le règlement permet, sous certaines conditions, de déroger à la réglementation de droit commun pour expérimenter la technologie dans le cadre d’activités de marché ou de post-marché.

Le règlement définit une nouvelle catégorie d’acteurs, les infrastructures de marché ayant recours à des technologies de registres distribués (Distributed Ledger Technology ou DLT). Cette catégorie recouvre trois types d’acteurs :

– les systèmes multilatéraux de négociation DLT (MTF DLT) ;

– les systèmes de règlement DLT (SR DLT) ;

– les systèmes de négociation et de règlement DLT (SNR DLT).

Le règlement édicte un certain nombre d’exigences auxquelles seront soumis les infrastructures de marché DLT et leurs exploitants. Il précise notamment les règles applicables au sujet de :

– l’octroi et le retrait d’autorisations spécifiques d’exploitation de ces infrastructures ;

– l’octroi, la modification et le retrait des exemptions liées à ces autorisations spécifiques ;

– l’imposition, la modification et le retrait des conditions dont sont assorties les exemptions et l’imposition, la modification et le retrait des mesures compensatoires ou correctives ;

– l’exploitation d’infrastructures de marché DLT ;

– la surveillance d’infrastructures de marché DLT ;

– la coopération entre les exploitants d’infrastructures de marché DLT, les autorités compétentes et l’Autorité européenne de surveillance.

Les exploitants d’une infrastructure de marché DLT devront remplir certaines conditions :

– établir les règles relatives à l’utilisation de leur technologie, des plans d’affaires clairs et détaillés et une documentation écrite ;

– fournir des informations claires et non ambiguës ;

– garantir des dispositifs informatiques et de cybersécurité sûrs ;

– disposer de procédures de gestion des risques opérationnels spécifiques ;

– séparer les fonds, les garanties et les instruments financiers DLT qu’ils détiennent et assumer toute responsabilité en cas de pertes ;

– calculer la moyenne mensuelle de la valeur de leurs participations et soumettre ces données à l’autorité nationale compétente, qui peut fixer des seuils inférieurs aux valeurs indiquées dans le règlement ;

– mettre en œuvre une stratégie de transition claire et en temps voulu si la valeur totale de leurs instruments financiers DLT atteint 9 milliards d’euros ;

– coopérer étroitement avec les autorités compétentes et leur soumettre un rapport tous les six mois.

Il convient de noter que l’expérimentation est limitée à certains instruments dont la valeur est plafonnée :

– les actions présentant une capitalisation boursière de moins de 500 millions d’euros ;

– les obligations et autres formes de titres de créance d’une valeur inférieure à 1 milliard d’euros ;

– les parts d’organismes de placement collectif, dont la valeur de marché des actifs gérés est inférieure à 500 millions d’euros.

Le règlement confère aux autorités nationales compétentes un rôle actif dans le cadre du régime pilote, en termes d’agrément et de supervision. Il prévoit également un rôle accru de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF ou ESMA, pour European Securities and Markets Authority), notamment en matière de coordination des autorités nationales compétentes, « afin de développer une compréhension commune de la technologie des registres distribués et de l’infrastructure de marché DLT, de créer une culture de la surveillance commune et des pratiques de surveillance convergentes, et de garantir des approches cohérentes et des résultats en matière de surveillance convergents » ([97]). L’ESMA devra notamment rendre un avis non contraignant sur les exemptions demandées par un acteur pendant la phase d’instruction de son dossier et publier sur son site internet la liste des infrastructures de marché DLT, ainsi que diverses informations sur les acteurs autorisés et le nombre et types d’exemptions accordées. Elle publiera aussi chaque année un rapport à destination des acteurs et des autorités nationales sur le fonctionnement du régime, qui pourra comporter des recommandations. En outre, au plus tard le 24 mars 2026, elle devra remettre à la Commission européenne un rapport faisant le bilan de l’expérimentation, sur le fondement duquel la Commission européenne proposera au Parlement européen et au Conseil sa propre analyse afin d’établir si le régime pilote doit être reconduit, étendu à d’autres instruments, modifié, pérennisé ou abrogé.

II.   le droit proposÉ : des mesures d’adaptations permettant la mise en œuvre du rÉgime pilote

L’article 5 du projet de loi a pour objet de procéder aux adaptations du code monétaire et financier nécessaires à la mise en œuvre du régime pilote, le droit français des titres, tel qu’il résulte notamment de l’ordonnance blockchain précitée, ne permettant pas, en l’état actuel, de négocier des titres inscrits en DLT sur une plateforme de négociation.

Le  ajoute un alinéa à l’article L. 211-7 dudit code pour prévoir la possibilité, dans le cadre du régime pilote instauré par le règlement UE 2022/858, d’une inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé de titres financiers admis aux opérations d’une infrastructure DLT, la rédaction en vigueur de l’article, qui résulte de l’ordonnance blockchain précitée, n’ouvrant la possibilité d’une telle inscription que dans le cas de titres nominatifs – par définition non admis sur une plateforme de négociation – et sur décision de l’émetteur.

Le  modifie la formulation du renvoi opéré à l’article L. 211-3 du même code pour qu’il prenne en compte les deux hypothèses d’inscription dans un dispositif d’enregistrement électronique partagé : le cas de l’inscription d’un titre nominatif, ouvert par l’ordonnance blockchain précitée, et le cas, rendu possible par le 2° précédemment évoqué, du titre au porteur admis aux opérations d’une infrastructure DLT.

Le prévoit l’application de ces modifications à la Nouvelle-Calédonie (article L. 742-1 du code monétaire et financier), à la Polynésie française (article L. 743-1 du même code) et aux îles Wallis et Futuna (article L. 744-1 du même code).

III.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le dispositif proposé a été modifié par le Sénat, en commission puis en séance.

A.   une modification rÉdactionnelle en commission

À l’initiative de M. Hervé Maurey, rapporteur de la commission des finances du Sénat, saisie pour avis, la commission des affaires sociales a adopté un amendement COM-36.

B.   un dispositif complÉtÉ en sÉance à l’initiative du gouvernement

En séance, le Sénat a adopté deux amendements nos 48 et 47 du Gouvernement.

D’une part, l’amendement n° 48 procède à une modification de la rédaction du pour assurer que les deux types de portage de titre – nominatif ou au porteur – puissent bien entrer dans le périmètre d’application du règlement (UE) 2022/858 précité, la rédaction antérieurement proposée n’ouvrant cette possibilité que pour les titres au porteur, ce que les acteurs de la place de Paris ont jugé inopportun. Ainsi modifié, le permet de confier à une infrastructure DLT le soin de tenir le registre DLT d’un émetteur dans le cadre du régime résultant de l’ordonnance blockchain précitée.

D’autre part, l’amendement n° 47 complète le dispositif par l’ajout d’un  bis, d’un ter et d’un 2° quater pour assurer la bonne application du régime pilote. Il organise ainsi la répartition entre autorités nationales – l’Autorité des marchés financiers, la Banque de France et l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution – de la supervision des trois différents types d’acteurs susceptible de solliciter les exemptions permises par le régime pilote : les entreprises de marché ; les dépositaires centraux de titre ; les prestataires de service d’investissement.

Le  bis ajoute un II, dont les modalités d’application doivent être précisées par un décret, à l’article L. 421-10 du code monétaire et financier relatif aux entreprises de marché. Il prévoit que lorsqu’une entreprise de marché sollicite la reconnaissance d’un marché réglementé d’instruments financiers, soit un système multilatéral de négociation, et, simultanément, d’une infrastructure DLT, la reconnaissance du système multilatéral de négociation est accordée dans les conditions de droit commun, tandis que la demande d’autorisation spécifique d’exploitation d’une infrastructure DLT, de même que la demande formulée par une entreprise de marché déjà reconnue, ainsi que les exemptions liées, font l’objet d’un examen distinct. L’autorisation spécifique demandée est accordée par l’AMF, après consultation de l’ACPR et, lorsque la demande porte sur un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France. L’AMF est ensuite chargée de la surveillance de l’application des exemptions accordées et, plus généralement, de celle de l’application du règlement (UE) 2022/858 précité. Lorsqu’elle prend des mesures prudentielles, elle consulte l’ACPR et, lorsque celles-ci visent un système de négociation et de règlement, la Banque de France.

Le  ter ajoute un IV, dont les modalités d’application doivent être précisées par un décret, à l’article L. 441-1 du code monétaire et financier relatif aux dépositaires centraux. De façon analogue, il prévoit que lorsqu’une personne morale demande simultanément à être agréée comme dépositaire central et à exploiter un système de règlement DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, l’agrément comme dépositaire central est accordé dans les conditions de droit commun, tandis que la demande spécifique d’exploiter un système de règlement ou un système de négociation et de règlement, ainsi que les exemptions liées, fait l’objet d’un examen distinct et est accordée par l’AMF après consultation de la Banque de France. L’AMF est ensuite chargée de la surveillance de l’application par le dépositaire central du règlement (UE) 2022/858 précité et des exemptions liées. Elle consulte la Banque de France avant toute mesure prise au titre du règlement et coopère avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le règlement.

Le  quater, de manière analogue, ajoute un II à l’article L. 532-1 du code monétaire et financier relatif aux prestataires de services d’investissement, autres que les sociétés de gestion de portefeuille, les modalités d’application de ce II étant également précisées par décret. S’ils demandent simultanément un agrément pour fournir des services d’investissement et une autorisation spécifique pour exploiter un système multilatéral de négociation DLT ou un système de négociation et de règlement DLT, l’agrément est accordé dans les conditions de droit commun par l’ACPR tandis que les demandes d’autorisation spécifique font l’objet d’un examen distinct et sont accordées par l’ACPR sur avis conforme de l’AMF. L’avis de l’AMF est rendu après consultation de l’ACPR, le cas échéant dans le cadre de l’approbation du programme d’activité que lesdits prestataires doivent soumettre à l’AMF, et, lorsque la demande concerne l’exploitation d’un système de négociation et de règlement DLT, de la Banque de France. L’AMF est ensuite chargée de la surveillance de l’application par le dépositaire central du règlement (UE) 2022/858 précité et des exemptions liées. Elle consulte l’ACPR pour prendre toute mesure relevant du règlement, ainsi que la Banque de France si un système de négociation et de règlement DLT est concerné, et coopère avec les autorités compétentes des autres États membres de l’Union européenne et avec l’Autorité européenne des marchés financiers dans les conditions fixées par le règlement.

IV.   les modifications apportées par la commission

Saisie pour avis, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, a adopté trois amendements de son rapporteur :

– l’amendement CF26 (AS105) vise à combler une lacune du dispositif, en étendant à la Nouvelle-Calédonie, à la Polynésie française et aux îles Wallis et Futuna l’application des 2° bis, 2° ter et 2° quater introduits par le Sénat à l’initiative du Gouvernement.

– l’amendement CF31 (AS106) a pour objet d’exclure du plafonnement par un seuil fixé par décret par l’article L. 112-6 du code monétaire et financier les transactions en monnaie électronique qui porteraient sur des titres financiers stockés grâce à la technologie des registres distribués afin de permettre que toutes les transactions de ce type puissent entrer dans le champ du régime pilote indépendamment de leur montant ;

– l’amendement CF32 (AS104) procède à une série de modifications purement rédactionnelles.

La commission des affaires sociales a adopté l’article 5 ainsi modifié.

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—  1  —

 

Article 5 bis (nouveau)
Agrément préalable à l’exercice de la profession de prestataire de service sur actifs numériques

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Article adopté avec modification

L’article 5 bis du projet de loi, introduit par le Sénat, vise à imposer, au plus tard à compter du 1er octobre 2023, à tout acteur voulant exercer la profession de prestataire de services sur actifs numériques (PSAN) l’obligation de demander l’agrément aujourd’hui facultatif délivré par l’Autorité des marchés financiers (AMF).

I.   la prestation de services sur actifs numÉriques : un cadre juridique aux exigences croissantes

D’un point de vue juridique, l’enjeu du développement des services sur actifs numériques est de parvenir à un équilibre entre la recherche d’une attractivité, sans laquelle une activité nouvelle ne pourrait se développer, et la protection du consommateur et de l’investisseur dans un secteur dont les règles restent en construction. Ainsi, la France a fait le choix d’un régime souple qui impose à toute personne désireuse d’exercer une activité de prestataire de services sur actifs numérique un enregistrement soumis à des conditions d’honorabilité tout en offrant la possibilité d’un agrément facultatif, mais la protection du consommateur et de l’investisseur en actifs numériques sera renforcée par le règlement dit MiCA (Markets in Crypto-Assets), dont la publication devrait intervenir au printemps de l’année 2023, avant une entrée en application au mois d’octobre 2024.

A.   un rÉgime interne souple d’enregistrement obligatoire et d’agrÉment optionnel

Introduit par voie d’amendement parlementaire, l’article 86 de la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises ([98]), dite Pacte, met en place un régime des intermédiaires sur les marchés numériques. Il vise à leur appliquer les dispositions de la cinquième directive relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme ([99]) et à instaurer un cadre réglementaire sécurisant pour le développement d’un écosystème français robuste. Complétant le titre IV du livre V du code monétaire et financier d’un chapitre relatif aux prestataires de services numériques, il définit les actifs numériques et services sur actifs numériques, soumet les prestataires de services numériques à une obligation d’enregistrement et met en place un agrément optionnel.

1.   Des actifs et services numériques définis par le code monétaire et financier

Les articles L. 54-10 – reprenant une définition figurant déjà au VI de l’article 150 VH bis du code général des impôts – et L. 54-10-2 du code monétaire et financier définissent respectivement les actifs numériques et les services sur actifs numériques.

Est un actif numérique :

– d’une part, tout « jeton », soit tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien ;

– d’autre part, toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.

Sont des services numériques :

– le service de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques, le cas échéant sous la forme de clés cryptographiques privées, en vue de détenir, stocker et transférer des actifs numériques ;

– le service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ;

– le service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques ;

– l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques ;

– la réception et la transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers ;

– la gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers ;

– le conseil aux souscripteurs d’actifs numériques ;

– la prise ferme d’actifs numériques ;

– le placement garanti d’actifs numériques ;

– le placement non garanti d’actifs numériques.

2.   Un enregistrement obligatoire des prestataires de services de conservation, de vente ou d’achat d’actifs numériques

L’exercice de la profession de prestataire des services de conservation pour le compte de tiers d’actifs numériques ou d’accès à des actifs numériques et d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal est interdit, aux termes de l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier, à toute personne n’ayant pas été préalablement enregistrée par l’Autorité des marchés financiers, après avis conforme de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution.

L’article L. 54-10-3 du même code dispose que l’enregistrement est soumis à des conditions d’honorabilité et de compétence des personnes qui dirigent, détiennent à hauteur de plus du quart du capital ou des droits de vote ou contrôlent le prestataire ; les personnes qui détiennent ou contrôlent le prestataire doivent en outre garantir une gestion saine et prudente du prestataire. Celui-ci doit également avoir mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme, qui résultent de la cinquième directive anti-blanchiment, directive (UE) 2015/849 du 30 mai 2018 ([100]).

Toute modification affectant le respect par le prestataire de ces conditions doit faire l’objet d’une déclaration auprès de l’Autorité des marchés financiers, le fait de ne pas souscrire une déclaration ou de communiquer des renseignements inexacts à l’Autorité de marchés financiers étant, aux termes de l’article L. 572-23 du code monétaire et financier, passible d’une peine d’emprisonnement d’un an et d’une amende de 15 000 euros.

L’Autorité des marchés financiers peut radier le prestataire à la demande de celui-ci, d’office – lorsque le prestataire n’a pas exercé son activité dans un délai de douze mois ou n’exerce plus son activité depuis au moins six mois – ou de sa propre initiative ou à l’initiative de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution, lorsque le prestataire ne remplit plus les conditions d’enregistrement ou s’il a obtenu d’être enregistré par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier.

3.   Un agrément facultatif

Tous les prestataires établis en France peuvent solliciter un agrément optionnel pour la fourniture à titre de profession habituelle d’un ou plusieurs services mentionnés à l’article L. 54-10-2. L’agrément implique le respect de certaines obligations communes à tous les prestataires et d’autres adaptées aux spécificités des services qu’ils proposent, les unes et les autres détaillées à l’article L. 54-10-5 du même code, dont le VIII dispose, en outre, que l’Autorité des marchés financiers publie la liste des prestataires agréés en précisant les services sur actifs numériques pour la fourniture desquels ils sont agréés.

L’Autorité des marchés financiers, compétente pour accorder l’agrément dans des conditions fixées par décret, vérifie la sécurité des systèmes d’information des prestataires agréés conformément au présent article et peut solliciter, à cette fin, l’avis de l’autorité nationale en charge de la sécurité des systèmes d’information.

L’agrément peut être retiré par l’Autorité des marchés financiers à la demande du prestataire lui-même, d’office si le prestataire agréé ne remplit plus les conditions prévues ou les engagements auxquels étaient subordonnés son agrément ou une autorisation ultérieure ou s’il a obtenu l’agrément par de fausses déclarations ou tout autre moyen irrégulier.

a.   Des obligations communes à tous les prestataires agréés

Aux termes du I de l’article L. 54-10-5 du code monétaire et financier, tous les prestataires agréés doivent disposer en permanence :

– d’un dispositif de sécurité et de contrôle interne adéquat ;

– d’un système informatique résilient et sécurisé ;

– d’un système de gestion des conflits d’intérêts.

Ils doivent en outre :

– communiquer à leurs clients des informations claires, exactes et non trompeuses ;

– avertir les clients des risques associés aux actifs numériques ;

– rendre publiques leurs politiques tarifaires ;

– établir et mettre en œuvre une politique de gestion des réclamations de leurs clients et traiter celles-ci rapidement.

b.   Des obligations adaptées aux services proposés par les prestataires

Outre ces obligations communes, les prestataires agréés doivent satisfaire à des exigences adaptées au type de service qu’ils proposent, codifiées aux II à VI de l’article L. 54-10-5 du code monétaire et financier.

Les prestataires agréés au titre de la fourniture du service de conservation pour le compte de tiers doivent :

– conclure avec leurs clients une convention définissant leurs missions et leurs responsabilités ;

– établir une politique de conservation ;

– s’assurer de la mise en place des moyens nécessaires à la restitution dans les meilleurs délais des actifs numériques ou d’un accès aux actifs numériques détenus pour le compte de leurs clients ;

– ségréguer les détentions pour le compte de leurs clients de leurs propres détentions ;

– s’abstenir de faire usage des actifs numériques ou des clés cryptographiques conservés pour le compte de leurs clients, sauf consentement exprès et préalable de ces derniers.

Les prestataires agréés au titre de la fourniture du service d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal ou d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques doivent :

– établir une politique commerciale non discriminatoire ;

– publier un prix ferme des actifs numériques ou une méthode de détermination du prix des actifs numériques ;

– publier les volumes et les prix des transactions qu’ils ont effectuées ;

– exécuter les ordres de leurs clients aux prix affichés au moment de leur réception.

Les prestataires agréés au titre de la fourniture du service d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques doivent en outre :

– justifier de l’honorabilité et de la compétence de leurs dirigeants ;

– justifier que les personnes qui détiennent ou contrôlent le prestataire garantissent une gestion saine et prudente et possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;

– mettre en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et au gel des avoirs qui lui sont applicables.

Les prestataires agréés au titre de l’exploitation d’une plateforme de négociation d’actifs numériques doivent :

– justifier de l’honorabilité et de la compétence de leurs dirigeants ;

– justifier que les personnes qui détiennent ou contrôlent le prestataire garantissent une gestion saine et prudente et possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;

– justifier qu’ils ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et au gel des avoirs qui lui sont applicables ;

– fixer des règles de fonctionnement rédigées en français ou, dans les cas définis par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers, dans une autre langue usuelle en matière financière ;

– assurer une négociation équitable et ordonnée ;

– n’engager leurs propres capitaux sur les plateformes qu’ils gèrent que dans les conditions et limites fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ;

– publier les détails des ordres et des transactions conclues sur leurs plateformes.

Les prestataires agréés au titre de la fourniture des services de réception et transmission d’ordres sur actifs numériques pour le compte de tiers, de gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers, de conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, de prise ferme d’actifs numériques, de placement garanti d’actifs numériques et de placement non garanti d’actifs numériques doivent :

– justifier de l’honorabilité et de la compétence de leurs dirigeants ;

– justifier que les personnes qui détiennent ou contrôlent le prestataire garantissent une gestion saine et prudente et possèdent l’honorabilité et la compétence nécessaires ;

– justifier qu’ils ont mis en place une organisation, des procédures et un dispositif de contrôle interne propres à assurer le respect des obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme et au gel des avoirs ;

– disposer d’un programme d’activité pour chacun des services qu’ils entendent exercer, qui précise les conditions dans lesquelles ils envisagent de fournir les services concernés et indique le type d’opérations envisagées et la structure de leur organisation, et des moyens appropriés à la mise en œuvre dudit programme ;

– en vue de la fourniture des services de gestion de portefeuille d’actifs numériques pour le compte de tiers et de conseil aux souscripteurs d’actifs numériques, se procurer auprès de leurs clients les informations nécessaires pour leur recommander des actifs numériques adaptés à leur situation.

B.   un agrÉment rendu obligatoire par le rÈglement MiCA

Par sa proposition de règlement COM(2020) 593 du 24 septembre 2020 ([101]), la Commission européenne a proposé d’appliquer aux crypto-actifs ne relevant pas de la législation européenne existante sur les services financiers, un cadre réglementaire harmonisé inspiré de celui mis en place par la directive dite MiFID ([102]) relative aux marchés financiers. Il prévoit notamment d’imposer un agrément aux prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA).

1.   Les objectifs et le calendrier d’application du règlement MiCA

La proposition de la Commission européenne visait quatre objectifs généraux :

– assurer la sécurité juridique des marchés d’actifs cryptés pour leur permettre de se développer ;

– soutenir l’innovation et la concurrence loyale pour promouvoir le développement des crypto-actifs et une utilisation plus large de la technologie des registres distribués (DLT) ;

– protéger correctement les consommateurs, les investisseurs et l’intégrité du marché.

Elle prévoyait notamment ;

– un régime obligatoire d’agréments pour les acteurs offrant des services sur crypto-actifs ;

– un registre européen recensant l’ensemble de ces prestataires ;

– un mécanisme de passeport européen.

Le texte qui a fait l’objet d’un accord au Conseil de l’Union européenne le 5 octobre 2022 et au Parlement européen le 10 octobre 2022 devrait être publié au mois de mars 2023, après une relecture par les juristes linguistes de l’Union européenne et une validation formelle du texte par le Parlement et le Conseil. Il entrera en vigueur vingt jours après sa publication et la plupart de ses dispositions entreront en application dix-huit mois plus tard ([103]).

Les prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA) qui fourniront leurs services conformément à la réglementation nationale avant l’entrée en application de MiCA (les PSAN enregistrés ou agréés) bénéficieront d’une période supplémentaire de dix-huit mois à compter de la date d’entrée en application de MiCA pour se conformer au règlement.

Selon les précisions fournies par l’Autorité des marchés financiers au rapporteur, l’édiction de dispositions d’adaptation du droit national pourra être nécessaire en vue de l’entrée en application du règlement, notamment pour :

– clarifier les autorités nationales compétentes au titre du règlement ;

– adapter leurs missions ;

– supprimer les dispositions nationales applicables aux PSAN.

Il pourrait cependant être proposé d’aligner tout ou partie des exigences applicables en droit national avec celles de MiCA afin de renforcer le dispositif national transitoire. L’Autorité des marchés financiers indique également qu’il conviendra de clarifier l’application des dispositions transitoires prévues par ce cadre européen pour les acteurs établis en France et de s’assurer qu’ils sont soumis à un niveau d’exigences suffisant pour bénéficier de celles-ci.

2.   L’instauration d’un agrément obligatoire par le règlement MiCA

Le titre V du règlement MiCA précise les dispositions relatives à l’agrément, qui sera obligatoire pour la prestation de tout service prévu par le texte et devra être obtenu préalablement à celle-ci, et aux conditions d’exercice des prestataires de services sur crypto-actifs (PSCA).

Sur le modèle du régime français, sont prévues, d’une part, des obligations communes et, d’autre part, des obligations spécifiques à chaque service fourni. Ainsi, les PSCA devront tous :

– être constitués sous la forme d’une personne morale ;

– avoir au moins un siège statutaire dans un État membre où le prestataire de services sur crypto-actifs fournit au moins une partie de ses services sur crypto-actifs ;

– compter au moins un dirigeant résidant sur le territoire de l’Union européenne, et avoir une « présence effective » de l’encadrement dans l’Union européenne.

Une exemption d’agrément est toutefois prévue pour les entités d’ores et déjà régulées, lorsqu’elles fournissent des services sur actifs numériques équivalents à ceux pour lesquels ils sont agrées sous l’empire des réglementations financières : établissements de crédit, dépositaires centraux de titres, entreprises d’investissement, opérateurs de marché, établissements de monnaie électronique, sociétés de gestion d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM), gérants de fonds d’investissement alternatifs. Ces entités déjà régulées seront toutefois soumises à une procédure de notification aux autorités nationales et devront transmettre un dossier équivalent à un dossier d’agrément, qui comprendra un plan d’activité – incluant le détail des services fournis –, une description des mécanismes et procédures de contrôle interne relatives à la lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, des documents relatifs aux systèmes et à la sécurité informatique et une description des mesures de ségrégation des fonds et crypto-actifs appartenant aux clients.

Le règlement MiCA prévoit par ailleurs une procédure de passeport permettant à un PSCA agréé dans un État membre de fournir ses services dans d’autres pays de l’Union européenne.

3.   Les principales différences de l’agrément européen des PSCA avec l’agrément français des PSAN

L’agrément prévu par le règlement MiCA présente un certain nombre de différences avec l’agrément français aujourd’hui en vigueur

a.   Un agrément MiCA valable dans toute l’Union européenne

Les PSCA agréés dans un État membre pourront faire valoir leur agrément pour exercer des services sur crypto-actifs dans toute l’Union européenne.

b.   Le champ d’application du règlement

Seront notamment exclues du champ d’application du règlement MiCA les personnes qui fournissent des services sur crypto-actifs exclusivement pour leurs sociétés mères, leurs filiales ou d’autres filiales de leurs sociétés mères et les liquidateurs ou administrateurs agissant dans le cadre d’une procédure d’insolvabilité.

c.   Une liste d’instruments exclus plus étoffée

Aux termes du règlement, un certain nombre d’instruments sont exclus de la notion de crypto-actifs, notamment les dépôts, les fonds, les instruments titrisés, les assurances non-vie et les assurances vie, les contrats de réassurance et de rétrocession, les produits de pension, les produits de pension individuelle, les produits paneuropéen d’épargne-retraite individuelle (PEPP) et les régimes de sécurité sociale. Il est expressément prévu par ailleurs que le règlement MiCA n’a pas vocation à appréhender la question des crypto-actifs qui sont à la fois uniques et non fongibles avec les autres crypto-actifs, ce qui renvoie à la question du traitement des Non Fungible Tokens (NFT).

d.   L’introduction de nouveaux services sur crypto-actifs

Le règlement MiCA introduit un nouveau service : le transfert de crypto-actifs pour le compte de tiers, défini comme le fait de transférer, au nom d’une personne physique ou morale, des crypto-actifs d’une adresse ou d’un compte du registre distribué à un autre. Il modifie également la définition du service de placement qui correspond désormais au fait de commercialiser, au nom ou pour le compte d’une partie liée à l’offrant, des crypto-actifs auprès d’acheteurs, sans retenir le dispositif de droit français de placement par l’intermédiaire d’une émission de jetons. Enfin, le projet de règlement MiCA introduit un service d’exécution d’ordres pour le compte de tiers, en sus des services d’achat ou de vente d’actifs numériques en monnaie ayant cours légal et d’échange d’actifs numériques contre d’autres actifs numériques.

e.   Une communication obligatoire sur les incidences négatives sur l’environnement et le climat

Le règlement prévoit que les PSCA sont tenus de communiquer de façon visible sur leur site internet les informations relatives aux principales incidences négatives sur l’environnement et le climat du mécanisme de consensus utilisé pour émettre chaque crypto-actif pour lequel ils fournissent des services.

f.   Des exigences relatives aux abus de marché

Le règlement MiCA comporte un titre VI relatif à la prévention et à la prohibition des abus de marchés impliquant des crypto-actifs. Cependant, il n’est pas exigé des PSCA qu’ils reportent leurs transactions aux autorités compétentes.

II.   Le dispositif introduit par le sÉnat : l’exigence d’un agrÉment prÉalable

Contre l’avis du Gouvernement, le Sénat a adopté un amendement n° 62, déposé par M. Hervé Maurey. L’exposé des motifs de l’amendement souligne que « la faillite récente de la société FTX a mis en lumière les risques inhérents à tout investissement dans des cryptoactifs, en particulier lorsque la société exerce hors de toute régulation » et relève « qu’aucun PSAN n’a demandé son agrément tandis qu’une soixantaine de prestataires sont enregistrés », « les prestataires qui demandent leur enregistrement PSAN [étant], pour la plupart d’entre eux, des acteurs qui, en l’état, ne seraient pas en mesure d’obtenir un agrément PSAN et, a fortiori, PSCA ». Dès lors, « la future entrée en vigueur du règlement et surtout la période transitoire pourraient être à l’origine d’un “appel d’air” pour les acteurs, qui se presseraient de demander leur enregistrement pour pouvoir bénéficier d’un délai supplémentaire de 18 mois avant de devoir demander un agrément ».

Aux termes de l’article additionnel ainsi inséré, l’article L. 54-10-4 du code monétaire et financier serait complété d’une disposition selon laquelle les personnes souhaitant exercer la profession de prestataires de services sur actifs numériques et n’étant pas enregistrées devraient obligatoirement, à une date fixée par décret et au plus tard à compter du 1er octobre 2023, demander l’agrément aujourd’hui optionnel.

III.   les modifications apportÉes par la commission

Saisie pour avis, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a adopté un amendement CF30 (AS107) de son rapporteur fixant au 1er janvier 2024 la date à partir de laquelle les personnes souhaitant exercer la profession de prestataires de services sur actifs numériques et n’étant pas enregistrées devraient demander un agrément. Ce délai supplémentaire permettra aux acteurs de bâtir utilement leur dossier d’agrément et aux équipes de l’Autorité des marchés financiers d’instruire les dossiers.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 6
Habilitation à légiférer pour assurer la mise en conformité du droit national avec le règlement relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modification

L’article 6 du projet de loi a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures nécessaires à la mise en conformité du droit national avec le règlement (UE) 2021/23 relatif à un cadre pour le redressement et la résolution des contreparties centrales ([104]).

I.   Un cadre europÉen rÉcemment rÉformÉ

Acteurs essentiels des marchés financiers, les chambres de compensation sont soumises à des règles européennes récemment modifiées. Est agréée en France la chambre de compensation LCH SA, filiale du London Stock Exchange Group qui a le statut d’établissement de crédit.

A.   les chambres de compensation, acteurs essentiels des marchÉs financiers

Aux termes du 1 de l’article 2 du règlement (UE) 648/2012 du 4 juillet 2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux ([105]), une contrepartie centrale est « une personne morale qui s’interpose entre les contreparties à des contrats négociés sur un ou plusieurs marchés financiers, en devenant l’acheteur vis-à-vis de tout vendeur et le vendeur vis-à-vis de tout acheteur ». En droit français, ces contreparties, agréées par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) après consultation de l’Autorité des marchés financiers (AMF) et de la Banque de France, sont assimilées aux chambres de compensation, quoiqu’à l’origine les fonctions de celles-ci différaient de celles


des contreparties centrales ([106]).

Une contrepartie centrale « joue un rôle fondamental en ce qu’elle constitue un mécanisme de gestion des risques et qu’elle permet une réduction des besoins de liquidités pour tous les participants » ([107]). Se substituant juridiquement au vendeur et à l’acheteur initiaux, elle garantit la bonne fin des transactions, y compris en cas de défaillance de l’un des participants.

Le traitement des opérations par une contrepartie centrale « comprend, en général, la réception et l’enregistrement des opérations individuelles en provenance du système de négociation […], le calcul des positions nettes des participants […] la gestion des dispositifs de maîtrise des risques et, en enfin, le transfert des instructions vers le système de règlement-livraison lorsque les instruments financiers sont livrables » ([108]).

B.   des exigences prudentielles harmonisÉes au niveau europÉen

Conformément aux engagements pris à la suite de la crise financière des années 2007 et 2008 par les membres du G20 lors du sommet de Pittsburgh, au mois de septembre 2009, le règlement (UE) 648/2012 sur les produits dérivés de gré à gré, les contreparties centrales et les référentiels centraux, dit EMIR (European Market Infrastructures Regulation), vise à réduire les risques systémiques, améliorer la transparence sur le marché de gré à gré et préserver la stabilité du secteur financier. Entré en vigueur le 16 août 2022, il prévoit :

– une obligation de compensation centrale de l’ensemble des dérivés négociés de gré à gré jugés par l’Autorité européenne des marchés financiers (European Securities and Markets Authority, ESMA) suffisamment liquides et standardisés, le risque de contrepartie se trouvant de ce fait intégralement transféré aux chambres de compensation ;

– un cadre juridique harmonisé au niveau européen destiné à assurer que les chambres de compensation respectent des exigences fortes en termes de capital, d’organisation et de règles de conduite ;

– le recours à un ensemble de techniques d’atténuation des risques opérationnels et de contrepartie pour les contrats non compensés ;

– une obligation de déclaration à des référentiels centraux ([109]) de l’ensemble des transactions sur produits dérivés.

Il a été modifié par le règlement (UE) 2019/834 du 20 mai 2019 ([110]) visant à améliorer son efficacité et sa proportionnalité et le règlement (UE) 2019/2099 du 23 octobre 2019 ([111]), qui a revu le dispositif de supervision des chambres de compensation de l’Union et des pays tiers.

C.   l’Édiction d’un cadre europÉen de redressement et de rÉsolution

Le règlement EMIR ne prévoyait pas de règles harmonisées de résolution des chambres de compensation.

Ainsi, certaines, telle LCH SA, ayant le statut d’établissement de crédit, étaient soumises au cadre réglementaire et prudentiel bancaire. Celui-ci est principalement fixé par la directive 2014/59/UE du 15 mai 2014 ([112]), dite BRRD (Bank Recovery and Resolution Directive), transposée par une ordonnance du 20 août 2015 ([113]), qui a complété le dispositif mis en œuvre par la loi de séparation et de régulation des activités bancaires du 26 juillet 2013 ([114]). La directive prévoit la mise en place d’une autorité publique chargée de la résolution dans chaque État membre et précise les outils à la disposition de celle-ci. Par ailleurs, un règlement (UE) n° 806/2014 du 15 juillet 2014 ([115]) (dit « MRU ») organise le partage des compétences entre le Conseil de résolution unique (CRU), compétent à compter du 1er janvier 2016 pour l’élaboration des plans de résolution et l’adoption des décisions de résolution à l’égard des établissements importants et des établissements transfrontaliers, et les autorités nationales de résolution qui restent compétentes pour adopter toutes les décisions à l’égard des autres établissements. D’autres chambres de compensation, considérées comme des infrastructures de marché et non des établissements de crédit, n’avaient pas à appliquer les mêmes règles.

Révisant le règlement EMIR et ayant pour objectifs de préserver la stabilité financière et de minimiser les coûts pour les contribuables d’une éventuelle défaillance de la contrepartie centrale, le règlement (UE) 2021/23 précité établit des règles et des procédures harmonisées pour le redressement et la résolution des contreparties centrales, y compris celles ayant, comme LCH SA, le statut d’établissement de crédit ([116]). Elles sont conçues pour garantir que les contreparties centrales puissent poursuivre leurs principales missions si elles sont défaillantes ou susceptibles de l’être.

Tenant compte de la nature systémique des contreparties centrales, ces règles et procédures prévoient une coordination étroite des autorités nationales dans le cadre de collèges d’autorités de résolution et s’articulent autour de trois étapes :

– la prévention et la préparation, les contreparties centrales étant tenues d’élaborer des plans de redressement ([117]) et les autorités de résolution d’élaborer des plans de résolution ([118]) portant sur la manière de gérer toute forme de difficulté financière ;

– la possibilité pour les contreparties centrales de prendre des mesures sur le fondement des plans de redressement élaborés et, pour les autorités de surveillance, d’intervenir à un stade précoce ;

– la possibilité de recourir à des instruments de résolution, notamment la résiliation partielle des contrats de la contrepartie centrale, la décote des profits sur marge de variation, la dépréciation du capital de la contrepartie centrale, l’appel de liquidités adressé aux membres compensateurs, la cession de la contrepartie centrale ou de certaines de ses activités ou la création d’une contrepartie centrale-relais, les mesures prises visant à réduire au minimum le coût de la défaillance pour les contribuables si un soutien public devait être fourni.

Afin d’assurer la pleine effectivité du cadre de redressement et de résolution édicté par ce règlement, qui s’applique depuis le 12 août 2022, des mesures législatives d’adaptation du droit national s’imposent. L’étude d’impact du projet de loi souligne ainsi la nécessité :

– de modifier le 4° du II de l’article L. 612-1 du code monétaire et financier, aux termes duquel l’ACPR est chargée de veiller à l’élaboration et à la mise en œuvre des mesures de prévention et de résolution des crises bancaires et financières, afin qu’il vise explicitement les contreparties centrales ;

– « d’adapter ou de compléter le droit national dans les cas où le règlement CCP R&R y renvoie explicitement, comme par exemple en matière de sanctions et de mesures de police administrative, lorsque les dispositions nationales en la matière ne couvrent pas les CCP ou s’avèrent inadaptées par rapport aux exigences du règlement » ([119]) ;

– de modifier le I de l’article L. 613-34 du code monétaire et financier « en l’absence de quoi LCH SA devrait en principe être soumis à l’obligation de contribuer au fonds de résolution national » ([120]) en application des règles prudentielles auxquelles les établissement bancaires sont soumis.

L’étude d’impact indique que, plus généralement, « des travaux sont en cours avec l’ACPR pour identifier de façon exhaustive l’ensemble des dispositions du code monétaire et financier qui nécessite d’être adapté ou complété pour assurer la conformité du droit national avec le règlement » ([121]).

II.   le dispositif proposÉ : une habilitation À lÉgifÉrer par voie d’ordonnance

Le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Le I de l’article a pour objet de conférer au Gouvernement une habilitation, d’une durée de six mois à compter de la promulgation de la loi. Les , et visent à l’autoriser à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi respectivement nécessaires pour :

– compléter et adapter les dispositions du code monétaire et financier et, le cas échéant, d’autres codes ou lois, pour assurer leur mise en cohérence et conformité avec le règlement ;

– compléter et adapter les dispositions du droit national en matière de sanctions et de mesures administratives pour assurer leur mise en cohérence avec les dispositions du règlement ;

– adapter et clarifier les compétences de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et des autres autorités compétentes pour la mise en œuvre de ce règlement.

Aux termes du , le Gouvernement serait autorisé à prendre les mesures nécessaires pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions prises en application des 1°, 2° et 3°, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et de prévoir, le cas échéant, les adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint-Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   les modifications apportÉes par la commission

Après avoir adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis, s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article. La technicité des mesures à prendre et la faible latitude dont disposent les autorités nationales dans la mise en conformité du droit national avec un règlement européen justifiant l’habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

La commission des affaires sociales a adopté l’article ainsi modifié.

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Article 7
Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2101/UE du 24 novembre 2021 renforçant la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modification

L’article 7 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive 2021/2101/UE du 24 novembre 2021 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés et à prendre toute mesure utile pour rendre ces dispositions applicables en Nouvelle-Calédonie et dans plusieurs collectivités d’outre-mer.

En application de cette directive, environ 6 000 entreprises dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros devront publier chaque année une déclaration d’informations relative à l’impôt sur les revenus des sociétés. Dans un nombre important de cas, ces informations seront établies pays par pays.

La commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption de cet article modifié par un amendement rédactionnel présenté par le rapporteur. La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi modifié.

I.   LA DIRECTIVE 2021/2101/UE IMPOSE À CERTAINES ENTREPRISES ET SUCCURSALES DE nouvelles OBLIGATIONS DE PUBLICATION D’INFORMATIONS RELATIVES À L’IMPÔT SUR LES REVENUS DES sociÉtÉs qui vont au-delÀ des obligations nationales

A.   Le droit europÉen : la directive 2021/2101/UE impose À certaines entreprises et succursales des obligations de publication D’INFORMATIONS RELATIVES À L’IMPÔT SUR LEs REVENUs des sociÉtÉs

Proposée par la Commission européenne le 12 avril 2016, soumise à l’avis du Conseil économique et social européen le 28 octobre 2016, la directive 2021/2101/UE du 24 novembre 2021 du Parlement européen et du Conseil modifiant la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 en ce qui concerne la communication, par certaines entreprises et succursales, d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés a été adoptée au niveau européen à la suite d’une procédure législative ordinaire.

La directive impose à différents types d’entreprises la publication d’un nombre important d’informations fiscales en vue d’une première publication prévue le 30 juin 2026 au plus tard.

1.   Les différentes entreprises assujetties

La directive 2021/2101/UE impose à certaines entreprises et succursales la publication d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés dans le but de « renforcer le contrôle par le public de l’impôt sur les revenus des sociétés supporté par les entreprises multinationales exerçant des activités dans l’Union, afin d’encourager davantage la transparence et la responsabilité des entreprises, et de contribuer ainsi à la prospérité de nos sociétés » ([122]). Ces obligations doivent également renforcer l’efficacité de la lutte contre la fraude et l’optimisation fiscales.

La directive 2021/2101/UE introduit un article 48 ter dans la directive 2013/34/UE soumettant quatre types d’entreprises à de nouvelles obligations de publicité fiscale. Sont concernées :

– Les entreprises mères ultimes relevant du droit national d’un État membre dont « le chiffre d’affaires consolidé dépassait, à la date de clôture de leur bilan et pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs, un montant total de 750 000 000 euros, tel qu’il figure dans leurs états financiers consolidés » ([123]) ;

– Les entreprises autonomes relevant du droit national d’un État membre dont « le chiffre d’affaires dépassait, à la date de clôture de leur bilan et pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs, un montant total de 750 000 000 euros, tel qu’il figure dans leurs états financiers annuels » ([124]) ;

 Les entreprises filiales de taille moyenne et de grande taille ([125]) qui relèvent du droit national d’un État membre et qui sont contrôlées par une entreprise mère ultime ne relevant pas du droit d’un État membre dont « le chiffre d’affaires consolidé dépassait, à la date de clôture de son bilan et pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs, un montant total de 750 000 000 euros, tel qu’il figure dans


ses états financiers consolidés » ([126]). Dans ce cadre, « l’entreprise filiale demande à son entreprise mère ultime de lui communiquer toutes les informations requises pour lui permettre de s’acquitter de ses obligations […]. Si l’entreprise mère ultime ne communique pas toutes les informations requises, l’entreprise filiale établit, publie et rend accessible une déclaration d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés contenant toutes les informations en sa possession, qu’elle a obtenues ou acquises, assortie d’une déclaration indiquant que son entreprise mère ultime n’a pas mis à disposition les informations nécessaires ».

 Les succursales ([127]) dont le chiffre d’affaires net est supérieur à 8 millions d’euros net pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs et qui sont liées à une entreprise mère ultime ou une entreprise autonome qui ne relève pas du droit d’un État membre et dont « le chiffre d’affaires consolidé dépassait, à la date de clôture de son bilan et pour chacun des deux derniers exercices financiers consécutifs, un montant total de 750 000 000 euros ». Dans ce cadre, la succursale interroge l’entreprise mère ultime ou l’entreprise autonome dont elle dépend et « établit, publie et rend accessible une déclaration d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés contenant toutes les informations en sa possession, qu’elle a obtenues ou acquises, assortie d’une déclaration indiquant que l’entreprise mère ultime ou l’entreprise autonome n’a pas mis à disposition les informations nécessaires ».

L’article 48 bis (2) exempte du respect de ces obligations les entreprises autonomes et les entreprises mères ultimes lorsque l’activité économique permanente de la société est réalisée sur le territoire d’un seul État membre et dans aucune autre juridiction fiscale.

Au total, l’étude d’impact estime à environ 6 000 le nombre d’entreprises multinationales concernées au niveau de l’UE par l’application de ce texte « dont environ 4 000 entreprises ayant leur siège social dans un pays tiers » ([128]). Ni l’étude d’impact, ni la directive ne décomposent cependant ces nombres par catégorie d’entreprises. Interrogée par le rapporteur, la direction générale du Trésor estime qu’environ 300 entreprises françaises devraient être concernées par l’application de la directive.

2.   Les informations devant être publiées

La directive impose, dans les limites précitées, à ces entreprises de « divulguer publiquement les impôts sur les bénéfices qu’elle paye » ([129]) en établissant et en rendant accessible une déclaration d’informations portant sur l’impôt sur les revenus qu’elle acquitte.

La directive 2021/2101/UE introduit un article 48 quater dans la directive 2013/34/UE prévoyant la publication des huit catégories d’informations suivantes :

– des informations générales sur l’identité de l’entreprise mère ultime ou de l’entreprise autonome concernée, sur la devise utilisée pour la présentation de la déclaration et, le cas échéant, la liste des entreprises filiales figurant dans les états financiers consolidés de l’entreprise mère ultime ;

– une description de la nature de leurs activités ;

– le nombre de salariés employés en équivalent temps plein ;

– le chiffre d’affaires et ses modalités de calcul ;

– le montant du bénéfice ou des pertes avant impôt sur les revenus des sociétés ;

– le montant de l’impôt sur les revenus des sociétés dû au cours de l’exercice financier concerné et ses modalités de calcul ;

– le montant de l’impôt sur les revenus des sociétés acquitté sur la base des règlements effectifs et ses modalités de calcul ;

– le montant des bénéfices non distribués à la fin de l’exercice financier concerné.

Ces informations seront présentées État membre par État membre si elles concernent des pays appartenant à l’Union européenne. Hors de l’Union européenne, ces éléments seront également présentés pays par pays (ou territoire fiscal par territoire fiscal) si elles concernent des pays ou territoires fiscaux figurant sur la liste révisée de l’UE relative aux pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

La publication de ces informations pays par pays explique que cette directive soit connue sous le nom de « CBCR public » (Country By Country Reporting).

Les pays ou territoires fiscaux figurant sur la liste révisée de l’UE relative aux pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales

Le Conseil européen adopte deux fois par an des conclusions relatives à la « liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales ». Cette liste comprend deux annexes : l’annexe I (communément appelée « liste noire ») contient la « liste de l’UE des pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales », tandis que l’annexe II (communément appelée « liste grise ») porte sur « l’état des lieux de la coopération avec l’UE concernant les engagements pris par les pays et territoires coopératifs de mettre en œuvre les principes de bonne gouvernance fiscale ». Les deux dernières annexes ont été publiées le 4 octobre 2022 et comprennent :

-          pour l’annexe I, les 12 territoires ou pays suivants : les Samoa américaines, Anguilla, les Bahamas, les Fidji, Guam, les Palaos, le Panama, le Samoa, Trinité‑et‑Tobago, les Îles Turks et Caïques, les Îles Vierges américaines et le Vanuatu ;

-          pour l’annexe II, les 22 territoires ou pays suivants : la Turquie, le Botswana, la Barbade, la Dominique, les Seychelles, la Thaïlande, le Costa Rica, Hong Kong, la Malaisie, le Qatar, l’Uruguay, la Jamaïque (zones économiques spéciales), la Jordanie (zone économique spéciale d’Aqaba), la Macédoine du Nord (zone de développement technologique industriel), l’Eswatini (zone économique spéciale), l’Arménie (zones économiques libres), la fédération de Russie (holdings internationaux), Belize, les îles vierges britanniques, Israël, Monserrat et le Vietnam.

La directive prévoit qu’« en ce qui concerne l’annexe I, les pays et territoires qu’il convient de prendre en compte sont ceux qui étaient inscrits sur la liste au 1er mars de l’exercice financier pour lequel la déclaration d’informations sur les revenus des sociétés doit être établie. En ce qui concerne l’annexe II, les pays et territoires qu’il convient de prendre en compte sont ceux qui étaient mentionnés dans ladite annexe au 1er mars de l’exercice financier pour lequel la déclaration d’informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés doit être établie, et au 1er mars de l’exercice financier précédent » (point 17 et article 48 quater).

Source : Conseil de l’Union européenne, 4 octobre 2022, document Fisc 197 Ecofin 954.

En revanche, ces éléments seront exposés de manière agrégée pour les pays situés hors de l’Union européenne et n’appartenant pas à la liste révisée de l’UE relative aux pays et territoires non coopératifs à des fins fiscales.

L’ensemble de ces informations devront être publiées sur la base d’un modèle électronique commun lisible par machine.

La directive prévoit des possibilités de dérogation temporaire (une « clause de sauvegarde ») à ces obligations. Ainsi, le nouvel article 48 quater (6) précise que « les États membres peuvent autoriser l’omission temporaire, dans la déclaration, de l’un ou de plusieurs des éléments d’information spécifiques qui doivent être communiqués […] lorsque leur divulgation porterait gravement préjudice à la position commerciale des entreprises auxquelles la déclaration se rapporte ». L’absence de publication de ces informations est cependant provisoire puisque les éléments concernés devront être publiés « dans un délai maximal de cinq ans suivant la date de [leur] omission initiale ».

Le périmètre de cette dérogation est également limité puisqu’aucune dérogation ne peut concerner les informations relatives aux pays et aux territoires fiscaux figurant sur la liste révisée de l’UE relative aux pays et aux territoires non coopératifs à des fins fiscales.

Les États membres devront prévoir des sanctions en cas de violation des dispositions relatives à la communication des informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés adoptées en vertu de la directive.

3.   Des informations devant être publiées le 30 juin 2026 au plus tard

Le premier exercice concerné par la mise en œuvre de la directive 2021/2101/UE couvrira la période du 1er juillet 2024 au 30 juin 2025. La déclaration concernée devra être publiée dans un délai de douze mois à compter de la date de clôture du bilan, soit le 30 juin 2026 au plus tard. L’irrespect de ces dispositions expose les éventuels contrevenants à des sanctions devant être définies par chaque État membre.

La directive contient une clause de réexamen et prévoit que la Commission devra présenter le 22 juin 2027 au plus tard un rapport sur le respect de ces obligations déclaratives.

La directive 2021/2101/UE doit être transposée le 22 juin 2023 au plus tard.

La directive 2021/2101/UE constitue une avancée majeure en matière de transparence fiscale. Dès 2026, des informations importantes seront publiées et accessibles à tous. Pour ce motif, le rapporteur souscrit à l’analyse du Parlement européen selon laquelle « la publication d’informations pays par pays sur les données fiscales pertinentes des sociétés constitue un élément essentiel pour lutter contre l’évasion fiscale et la fraude fiscale internationales » ([130]).

B.   La transposition de la directive suppose d’adapter le droit national

La transposition de la directive supposera d’adapter un droit national qui se caractérise par une exigence de publication d’informations fiscales « pays par pays » limitée à certains secteurs et par des obligations de déclaration fiscales « pays par pays » spécifiques à certaines sociétés.

1.   Des obligations de publication d’informations fiscales limitées à certains secteurs

Si la publication de certaines informations fiscales est imposée aux secteurs bancaires, extractifs et d’exploitation de forêts primaires, une extension du périmètre des entreprises assujetties a été jugée contraire à la Constitution en 2016.

a.   Les obligations de publication d’informations fiscales imposées aux secteurs bancaires, extractifs et d’exploitation de forêts primaires

En application de l’article L. 225-102-3 du code de commerce, certaines entreprises des secteurs bancaires (ce secteur étant entendu au sens large), extractifs et d’exploitation de forêts primaires sont assujetties à la publication annuelle d’un rapport sur les paiements effectués au profit des autorités de chacun des États ou territoires dans lesquels elles exercent leurs activités.

Cette disposition, introduite par l’article 12 (I) de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière, résulte de la transposition de la directive 2013/34/UE précitée.

En application du I de l’article L. 225-102-3, cette obligation de publication d’informations s’applique à deux types d’entreprises :

– Aux sociétés mentionnées aux 1° à 3° de l’article L. 123-16-2 du code de commerce, c’est-à-dire aux établissements de crédit et sociétés de financement et aux établissements de paiement et établissements de monnaie électronique ; aux entreprises d’assurance ([131]) et de réassurance, aux fonds de retraite professionnelle supplémentaire, aux institutions de retraite professionnelle supplémentaire, aux mutuelles ou unions mentionnées, aux organismes de sécurité sociale, aux institutions de prévoyance et à leurs unions et aux mutuelles et unions de mutuelles ; et aux personnes et entités dont les titres financiers sont admis aux négociations sur un marché réglementé ;

– Aux sociétés dont tout ou partie des activités consiste en l’exploration, la prospection, la découverte, l’exploitation ou l’extraction d’hydrocarbures, de houille et de lignite, de minerais métalliques, de pierres, de sables et d’argiles, de minéraux chimiques et d’engrais minéraux, de tourbe, de sel ou d’autres ressources minérales ou en l’exploitation de forêts primaires et qui dépassent, au titre du dernier exercice comptable clos et sur une base annuelle, deux des trois seuils suivants : un total de bilan de 20 millions d’euros, un montant net du chiffre d’affaires de 40 millions d’euros ou un seuil de 250 salariés employés au cours de l’exercice de référence.

En application du III de l’article L. 225-102-3, « le rapport sur les paiements […] mentionne le montant de tout versement individuel, ou ensemble de versements lorsque ceux-ci sont liés entre eux, égal ou supérieur à 100 000 euros au cours de l’exercice précédent et qui est effectué au profit de toute autorité nationale, régionale ou locale d’un État ou territoire, ou de toute administration, agence ou entreprise contrôlée, au sens de l’article L. 233-16, par une telle autorité ». Sept catégories d’informations sont publiées dont des éléments relatifs aux « impôts ou taxes perçus sur le revenu, la production ou les bénéfices des sociétés, à l’exclusion des impôts ou taxes perçus sur la consommation, tels que les taxes sur la valeur ajoutée, les impôts sur le revenu des personnes physiques ou les impôts sur les ventes » (2°) ([132]). Ces informations sont mises gratuitement à disposition du public.

En complément, l’article L. 511-45 du code monétaire et financier impose à certaines entreprises financières, aux établissements de crédit, aux compagnies financières holding et aux compagnies financières holding mixtes de publier une fois par an en annexe à leurs comptes annuels ou, le cas échéant, à leurs comptes annuels consolidés ou dans leur rapport de gestion, des informations sur leurs implantations et leurs activités, incluses dans le périmètre de consolidation défini aux articles L. 233-16 et suivants du code de commerce, dans chaque État ou territoire. Six catégories d’informations sont ainsi publiées dont le « bénéfice ou perte avant impôt » (4°) et le « montant des impôts sur les bénéfices dont les implantations sont redevables, en distinguant les impôts courants des impôts différés » (5°).

b.   En 2016, le Conseil constitutionnel a jugé contraire à la Constitution une disposition législative étendant sensiblement l’obligation de publication d’informations fiscales

Le 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a examiné la conformité à la Constitution de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique adoptée en nouvelle lecture par l’Assemblée nationale le 8 novembre 2016. Le paragraphe I de l’article 137 de ce texte imposait des obligations déclaratives en matière fiscale « à toute société qui n’est pas une petite entreprise, au sens de l’article L. 123-16, qui est contrôlée, directement ou indirectement, par une société dont le siège social n’est pas situé en France, établissant des comptes consolidés et dont le chiffre d’affaires consolidé excède 750 millions d’euros ». Sept catégories d’informations devaient être publiées ([133]).

Dans sa décision n° 2016-741 DC du 8 décembre 2016, le Conseil constitutionnel a jugé cette disposition contraire à la Constitution. Ainsi, « l’obligation faite à certaines sociétés de rendre publics des indicateurs économiques et fiscaux correspondant à leur activité pays par pays, est de nature à permettre à l’ensemble des opérateurs qui interviennent sur les marchés où s’exercent ces activités, et en particulier à leurs concurrents, d’identifier des éléments essentiels de leur stratégie industrielle et commerciale. Une telle obligation porte dès lors à la liberté d’entreprendre une atteinte manifestement disproportionnée au regard de l’objectif poursuivi » ([134]).

Cette extension des obligations de déclaration d’informations fiscales résultait d’une initiative nationale et non européenne (même si la Commission européenne avait publié le 12 avril 2016 la proposition de directive appelée à devenir la directive 2021/2101/UE).

2.   D’autres déclarations fiscales « pays par pays » sont établies sans être publiées

L’article 223 quinquies C du code général des impôts, dit « CBCR fiscal », impose à certaines entreprises de transmettre à l’administration fiscale une déclaration pays par pays des résultats économiques, comptables et fiscaux sans assortir cette déclaration d’une contrainte de publication. Selon la direction générale trésor, « au titre des années 2019 et 2020, le nombre d’entreprises soumises à l’obligation de dépôt de la déclaration d’informations fiscales prévue à l’article 223 quinquies C du code général des impôts était respectivement de 264 et 266. Les données définitives ne sont pas encore connues pour l’année 2021 » ([135]).

Comme le rappelle l’administration fiscale ([136]), cette disposition « constitue la transposition en droit interne de la recommandation de l’OCDE sur le « reporting » pays par pays CBCR, prévu par le plan Base erosion and profit shifting de l’OCDE (plan « BEPS ») et repris dans la directive DAC4 au niveau de l’Union européenne (directive 2011/16/UE modifiée par la directive 2016/881/UE du 25 mai 2016) ». Destinée à lutter contre l’optimisation et la fraude fiscales, cette déclaration comporte la répartition pays par pays des bénéfices du groupe et des agrégats économiques, comptables et fiscaux, ainsi que des informations sur la localisation et l’activité des entités le constituant.

L’article 223 quinquies C soumet à cette obligation :

– Les groupes établis en France qui réalisent, lors de l’exercice qui précède celui faisant l’objet du dépôt de la déclaration, un chiffre d’affaires annuel hors taxes consolidé supérieur à 750 millions d’euros (ou son montant équivalent dans une autre monnaie) et qui établissent des comptes consolidés, détiennent et contrôlent hors de France des sociétés ou des succursales pour lesquelles un état financier distinct est établi à des fins réglementaires, d’information financière, de gestion interne ou fiscales et ne sont pas détenues par des sociétés françaises ou étrangères déjà soumises à cette déclaration ([137]) ;

– Les sociétés établies en France et appartenant à un groupe étranger répondant aux critères cités ci-dessus lorsqu’elles ont été désignées par le groupe à cette fin ou qu’elles ne peuvent démontrer qu’une autre entité française ou étrangère a été désignée à cette fin. Cela vise notamment les filiales françaises de groupes établis dans un État ou territoire qui n’aurait pas mis en place le reporting pays par pays.

Ces entreprises sont tenues de déclarer les dix catégories d’informations suivantes :

– le nom du groupe multinational, exercice concerné, et la liste de toutes les entités constitutives du groupe ;

– une brève description de la nature de leurs activités ;

– le chiffre d’affaires décomposé entre parties indépendantes et parties dépendantes ;

– le bénéfice ou perte avant impôt ;

– les impôts sur les bénéfices acquittés sur la base des règlements effectifs

– les impôts sur les bénéfices dus – année en cours ;

– le capital social ;

– les bénéfices non distribués ;

– le nombre d’employés ;

– les actifs corporels hors trésorerie

Le champ des informations déclarées recoupe partiellement le champ de la directive ([138]) ce qui permettra aux entreprises d’utiliser les mêmes données pour le CBCR public que pour le CBCR fiscal.

L’administration fiscale est autorisée à échanger automatiquement ces informations avec des États ou territoires ayant adopté une réglementation rendant obligatoire la souscription d’une semblable déclaration. En application de l’article 1729 F du code général des impôts, le défaut de production, dans le délai prescrit, de la déclaration précitée entraîne l’application d’une amende qui ne peut excéder 100 000 euros.

Interrogée par le rapporteur, la direction générale du Trésor estime qu’environ 300 entreprises sont concernées en France par l’application de l’article 223 quinquies C du code général des impôts.

II.   Le texte initial du projet de loi

L’article 7 comprend quatre alinéas répartis entre deux paragraphes (3 alinéas au I et un alinéa au II).

Le I habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

– Transposer la directive 2021/2101/UE et de « prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition » ;

– Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance précitée pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles à Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II précise qu’un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

1.   Le recours à une transposition de la directive par voie d’ordonnance est justifié

Le recours à une transposition de la directive par voie d’ordonnance est justifié au regard du délai restreint demeurant avant l’échéance posée par la directive (22 juin 2023) et de l’absence de véhicule législatif spécifique postérieurement au présent projet de loi.

La durée du délai d’habilitation (six mois à compter de la promulgation de la loi) est adaptée à cette contrainte.

2.   La transposition proposée tient compte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel en matière de transposition de directive

La décision n° 2016-741 DC précitée du 8 décembre 2016 ne paraît pas faire obstacle à la transposition de la directive 2021/2101/UE compte tenu des particularités du contrôle exercé par le Conseil constitutionnel en matière de transposition de directive.

Ainsi, aux termes de l’article 88-1 de la Constitution, « la République participe aux Communautés européennes et à l’Union européenne, constituées d’États qui ont choisi librement, en vertu des traités qui les ont instituées, d’exercer en commun certaines de leurs compétences ». Sur cette base, le Conseil constitutionnel considère que « la transposition en droit interne d’une directive communautaire résulte d’une exigence constitutionnelle » ([139]). Pour ce motif, un contrôle restreint de constitutionnalité est exercé et seule la transposition d’une directive allant « à l’encontre d’une règle ou d’un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France » méconnaîtrait la Constitution « sauf à ce que le constituant y ait consenti » ([140]).

« En l’absence de mise en cause d’une telle règle ou d’un tel principe, le Conseil constitutionnel n’est pas compétent – ni en saisine a priori, ni dans le cadre d’une QPC – pour contrôler la conformité à la Constitution de dispositions législatives qui se bornent à tirer les conséquences nécessaires de dispositions inconditionnelles et précises d’une directive de l’Union européenne » ([141]).

Par ailleurs, « lorsqu’une méconnaissance des droits et libertés protégés par la Constitution trouve son origine dans un acte de l’Union européenne alors que ces droits et libertés sont également protégés par l’ordre juridique européen, le Conseil constitutionnel laisse le soin d’en assurer le respect au juge de droit commun du droit de l’Union – c’est-à-dire aux juridictions administratives et judiciaires françaises et, le cas échéant, à la Cour de justice de l’Union européenne » ([142]).

En l’espèce, la transposition de la directive ne paraît heurter aucun principe ou règle inhérent à l’identité constitutionnelle de la France. Comme le Conseil constitutionnel l’a rappelé dans sa décision n° 2018-768 DC du 26 juillet 2018, la liberté d’entreprendre ne constitue pas une règle ou un principe inhérent à l’identité constitutionnelle de la France puisque « cette liberté est également protégée par le droit de l’Union européenne, notamment par l’article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne » ([143]).

Pour ces motifs, et même si le principe de la liberté d’entreprendre est à l’origine de la censure en 2016 d’une disposition législative étendant la publication d’informations fiscales, ce principe ne devrait pas faire obstacle à la transposition de la directive 2021/2101/UE. Le motif avancé par le Conseil constitutionnel en 2016 devrait s’effacer devant, d’une part, les obligations résultant de l’article 88-1 de la Constitution et, d’autre part, devant la protection du principe de la liberté d’entreprendre assurée par les juridictions administratives et judiciaires françaises et, le cas échéant, par la Cour de justice de l’union européenne.

III.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LE SÉNAT

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

Après avoir adopté un amendement rédactionnel du rapporteur, la commission des finances s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article 7.

La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi modifié.

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Article 8
Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires à la transposition de la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Rétabli par la commission

L’article 8 habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures relevant du domaine de la loi nécessaires :

– À la transposition de la directive 2022/2024 du 14 décembre 2022 du Parlement européen et du Conseil (dite CSRD [Corporate sustainability reporting directive])) modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité par les entreprises ;

– À prendre les mesures d’adaptation de notre droit qui y sont liées pour les commissaires aux comptes, les autorités compétentes en matière d’accréditation et de supervision des personnes autorisées à évaluer la conformité de la communication des informations publiées en matière de durabilité et des autorités compétentes en matière de comptabilité

– À tirer les conséquences des modifications apportées sur les différents dispositifs d’obligations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales en :

– À rendre applicables ces dispositions en Nouvelle-Calédonie et dans plusieurs collectivités d’outre-mer.

Après la suppression de cet article par le Sénat, la commission des finances s’est prononcée en faveur de son rétablissement dans une version modifiée par rapport à celle figurant dans le projet de loi initial. La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi rétabli.


I.   la directive (UE) 2022/2464 renforce sensiblement les obligations de communication d’informations en matiÈre de durabilitÉ et sa transposition offre l’opportunité d’adapter et de mettre en cohÉrence un droit interne prÉcurseur mais disparate

A.   la directive (UE) 2022/2464 renforce sensiblement les obligations de communication d’informations en matiÈre de durabilitÉ

Proposée par la Commission européenne le 21 avril 2021, soumise à l’avis de la Banque centrale européenne le 7 septembre 2021 puis à l’avis du Conseil économique et social européen le 22 septembre 2021, la directive (UE) 2022/2464 du 14 décembre 2022 du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (UE) n° 537/2014 et les directives 2004/109/CE, 2006/43/CE et 2013/34/UE en ce qui concerne la publication d’informations en matière de durabilité ([144]) par les entreprises a été adoptée au niveau européen à la suite d’une procédure législative ordinaire.

Ce texte sera précisé d’ici au 30 juin 2023 par la publication par la Commission européenne de plusieurs actes délégués relatifs aux normes de durabilité obligatoires ([145]). Ces textes complémentaires, qui ne nécessiteront pas de mesure de transposition, détermineront la nature exacte des indicateurs devant faire l’objet d’une communication par les entreprises assujetties à la directive. Ces actes délégués seront adoptés à partir d’un avis technique formulé en novembre 2022 par le Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (EFRAG) ([146]) à la suite d’un important travail consultatif ([147]). La Commission publiera ces actes délégués après avis de l’Autorité européenne des marchés financiers, de l’Autorité bancaire européenne et de l’Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles. Ultérieurement, la directive sera également complétée par des indicateurs sectoriels.

La directive (UE) 2022/2464 renforce, harmonise et contrôle la publication d’informations par certaines entreprises en matière de durabilité afin d’accentuer les avancées, utiles mais limitées, permises par les textes antérieurs.

1.   Les textes antérieurs ont permis des avancées utiles mais limitées

La directive (UE) 2022/2464 modifie quatre textes européens : trois directives (les directives 2013/34/UE, 2004/109/CE et 2006/43/CE) et un règlement (le règlement (UE) 537/2014).

La directive 2004/109/UE du 15 décembre 2004 porte sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information sur les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur un marché réglementé. La directive 2006/43/UE du 17 mai 2006 concerne les contrôles légaux des comptes annuels et des comptes consolidés. La directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 concerne les états financiers annuels, les états financiers consolidés et les rapports y afférents de certaines formes d’entreprises. Le règlement (UE) 537/2014 est relatif aux exigences spécifiques applicables au contrôle légal des comptes des entités d’intérêt public.

Parmi ces quatre textes, seule la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 (modifiée par la directive 2014/95/UE, dite NRFD [Non financial reporting directive]) mentionne explicitement la question de la durabilité. Les trois autres textes doivent cependant être modifiés pour tenir compte des répercussions de la directive (UE) 2022/2464.

La directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 modifiée par la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 a introduit l’obligation pour certaines entreprises de plus de 500 salariés de publier des informations relatives aux questions environnementales, sociales, de personnel, de respect des droits de l’homme et de lutte contre la corruption sous la forme d’une « déclaration non financière » (article 19 bis) ou d’une « déclaration non financière consolidée » (article 29 bis). Selon le Parlement européen, l’application de ce texte concerne 11 700 sociétés ([148]).

Si les informations publiées sur cette base ont permis d’utiles avancées, leur apport demeure cependant limité.

Un récent rapport de la Commission européenne observe ainsi que « de nombreux éléments indiquent que les entreprises sont nombreuses à ne pas publier d’informations non financières significatives concernant toutes les questions majeures liées à la durabilité » ([149]). Le Parlement européen partage ce constat et déplore « des problèmes importants liés à la comparabilité et à la fiabilité limitées des informations en matière de durabilité » ([150]). L’étude d’impact accompagnant le projet de loi regrette également « de nombreuses lacunes quant à la pertinence, la fiabilité et la comparabilité des informations publiées » ([151]). Ces différents documents déplorent notamment l’absence d’information sur le climat (émissions de gaz à effet de serre, incidences sur la biodiversité, etc.) et le nombre limité d’entreprises soumises aux obligations déclaratives.

Par ailleurs, la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 modifiée ne prend logiquement pas en compte les exigences de reporting en matière de durabilité figurant dans le règlement (UE) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers.

2.   La directive (UE) 2022/2464 renforce, harmonise et contrôle la publication d’informations en matière de durabilité

La directive (UE) 2022/2464 s’attache à corriger les lacunes de la directive 2013/34/UE du 26 juin 2013 modifiée, d’une part, en élargissant son périmètre d’application et, d’autre part, en harmonisant et en contrôlant le contenu des informations publiées.

L’ampleur des informations demandées par la directive est très importante. Les 12 standards proposés par l’EFRAG devraient être décomposés en environ 80 indicateurs appelés à être eux-mêmes déclinés en près de 1 000 informations dont, selon la direction générale du Trésor, environ 400 obligatoires ([152]). Le « saut qualitatif » réalisé par la directive (UE) 2022/2464 est très significatif au point que, lors de leur audition, l’Association française des entreprises privées et le Mouvement des entreprises de France ont évoqué une « révolution du reporting ».

a.   Un périmètre d’application élargi

La directive (UE) 2022/2464 élargit la nature des obligations déclaratives et le nombre d’entreprises assujetties.

i.   La forte extension des obligations déclaratives

Ce texte institue de nouvelles obligations déclaratives en matière environnementale, sociale et de gouvernance appelées à être publiées dans un rapport désormais intitulé « rapport de durabilité ».

En matière environnementale, les articles 19 bis et 29 bis de la directive 2013/34/UE sont complétés pour imposer notamment la communication d’informations relatives à la compatibilité du modèle et de la stratégie économiques des entreprises assujetties « avec la transition vers une économie durable et avec la limitation du réchauffement planétaire à 1,5 °C conformément à l’accord de Paris ». L’article 29 ter inclut dans la déclaration des informations sur les ressources aquatiques et marines, sur l’utilisation des ressources et l’économie circulaire, sur la pollution, sur la biodiversité et sur les écosystèmes.

En matière sociale, des compléments sont apportés sur les informations devant être notamment publiées en matière d’égalité des chances, de conditions de travail, de diversité, de formation, de développement des compétences, d’inclusion des personnes handicapées et de lutte contre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail.

En matière de gouvernance, les obligations déclaratives sont enrichies par des informations portant notamment sur l’éthique des affaires, la culture d’entreprise, la lutte contre la corruption, la protection des lanceurs d’alerte, le bien-être animal, les activités et les engagements de l’entreprise liés à l’exercice de son influence politique, y compris ses activités de représentation d’intérêts.

Les informations devant être publiées seront rétrospectives mais aussi, fait nouveau, prospectives.

L’article 19 bis de la directive autorise les États membres à « autoriser l’omission d’informations portant sur des évolutions imminentes ou des affaires en cours de négociation dans des cas exceptionnels » quand « la publication de ces informations nuirait gravement à la position commerciale de l’entreprise, à condition que cette omission ne fasse pas obstacle à une compréhension juste et équilibrée de l’évolution des affaires, des résultats et de la situation de l’entreprise et des incidences de son activité ».

Les informations publiées reposeront sur le principe de « double matérialité », c’est-à-dire sur « les risques et opportunités de durabilité sur l’entreprise et sa performance, mais également sur les impacts de l’entreprise elle-même sur l’environnement et la société » ([153]).

ii.   L’élargissement très significatif et progressif du nombre d’entreprises assujetties

La directive élargit fortement le nombre d’entreprises assujetties à ces obligations déclaratives.

Selon le Parlement européen, 50 000 sociétés seraient concernées. Comme le rappelle l’étude d’impact, le champ d’application sera étendu à « l’ensemble des sociétés cotées sur un marché réglementé de l’Union européenne (sauf les microentreprises), aux grandes entreprises européennes noncotées sur un marché réglementé européen, et aux entreprises noneuropéennes opérant de manière substantielle sur le marché unique de l’Union » ([154]).

Interrogée par le rapporteur, la direction générale du Trésor estime le nombre maximum d’entreprises françaises susceptibles d’être concernées par l’application de la directive aux environs de 7 600, soit 7 500 grandes entreprises et environ 70 PME à titre principal ([155]).

En application de l’article 5 de la directive, cette extension interviendra progressivement entre 2024 et 2028 selon la taille des entreprises. La directive s’appliquera ainsi :

– À compter de l’exercice commençant le 1er janvier 2024, aux grandes entreprises déjà assujetties à la directive 2014/95/UE, c’est-à-dire :

– À compter de l’exercice commençant le 1er janvier 2025, aux grandes entreprises non encore assujetties à la directive 2014/95/UE, c’est-à-dire aux entreprises dépassant, à la date de clôture de leur bilan, le nombre moyen de 250 salariés au cours de l’exercice et présentant un total du bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires net supérieur à 40 millions d’euros ;

– À compter de l’exercice commençant le 1er janvier 2026, aux petites et moyennes entreprises cotées (c’est-à-dire des « entités d’intérêt public ») et qui ne sont pas des microentreprises ([156]), aux petits établissements de crédit cotés non complexes ([157]) et aux entreprises cotées captives d’assurance ([158]) ;

– À compter de l’exercice commençant le 1er janvier 2028 pour les filiales et succursales d’entreprises de pays tiers établies sur le territoire de l’Union sous réserve que, selon l’article 40 bis de la directive, ces sociétés aient réalisé « au niveau du groupe ou, à défaut, au niveau individuel, […] un chiffre d’affaires net supérieur à 150 millions d’euros dans l’Union pour chacun des deux derniers exercices consécutifs ».

Les catégories d’informations visées par la directive CSRD

Les normes d’information en matière de durabilité :

a) précisent les informations que les entreprises doivent publier au sujet des facteurs environnementaux suivants :

i) l’atténuation du changement climatique, y compris en ce qui concerne les émissions de gaz à effet de serre de catégorie 1, de catégorie 2 et, le cas échéant, de catégorie 3 ;

ii) l’adaptation au changement climatique ;

iii) les ressources aquatiques et marines ;

iv) l’utilisation des ressources et l’économie circulaire ;

v) la pollution ;

vi) la biodiversité et les écosystèmes ;

b) précisent les informations que les entreprises doivent publier sur les facteurs liés aux droits sociaux et aux droits de l’homme suivants :

i) l’égalité de traitement et l’égalité des chances pour tous, y compris l’égalité de genre et l’égalité de rémunération pour un travail de valeur égale, la formation et le développement des compétences, l’emploi et l’inclusion des personnes handicapées, les mesures de lutte contre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail et la diversité ;

ii) les conditions de travail y compris la sécurité de l’emploi, le temps de travail, des salaires décents, le dialogue social, la liberté d’association, l’existence de comités d’entreprise, la négociation collective, y compris la proportion de travailleurs couverts par des conventions collectives, les droits des travailleurs à l’information, à la consultation et à la participation, l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, la santé et la sécurité ;

iii) le respect des droits de l’homme, des libertés fondamentales, des principes et normes démocratiques ;

c) précisent les informations que les entreprises doivent publier sur les facteurs de gouvernance suivants :

i) le rôle des organes d’administration, de direction et de surveillance des entreprises concernant les questions de durabilité et leur composition ainsi que leur expertise et leurs compétences s’agissant d’exercer ce rôle ou des possibilités qui leur sont offertes d’acquérir cette expertise et ces compétences ;

ii) les principales caractéristiques des systèmes de contrôle interne et de gestion des risques de l’entreprise, en rapport avec le processus d’information en matière de durabilité et le processus décisionnel en matière de durabilité ;

iii) l’éthique et la culture d’entreprise, y compris la lutte contre la corruption, la protection des lanceurs d’alerte et le bien-être animal ;

iv) les activités et les engagements de l’entreprise liés à l’exercice de son influence politique, y compris ses activités de représentation d’intérêts ;

v) la gestion et la qualité des relations avec les clients, les fournisseurs et les groupes concernés par les activités de l’entreprise, y compris les pratiques de paiement, notamment en ce qui concerne les retards de paiement aux petites et moyennes entreprises.

Source : directive CSRD et Sénat, commission des finances, avis n° 179 (2022-2023), M. Hervé Maurey, page 71.

b.   Des informations harmonisées et contrôlées

La directive poursuit un objectif d’harmonisation du contenu et des modalités de contrôle de la fiabilité des informations déclarées.

La directive impose aux entreprises assujetties de mettre gratuitement les informations à la disposition du public en les publiant sur leur site internet dans un format numérique comparable. La directive institue également un mécanisme de contrôle obligatoire et indépendant de ces informations sous la forme d’un avis sur la conformité de l’information en matière de durabilité avec les exigences de l’Union. Cet avis est rendu par un commissaire aux comptes ou, si l’État membre ouvre cette possibilité (ce que la France a fait dans le cadre de la transposition de la directive 94/105/UE), par un organisme tiers indépendant.

Les conditions de mise en œuvre de la directive feront l’objet d’un rapport de la Commission européenne remis le 30 avril 2029 au plus tard.

La directive (UE) 2022/2464 doit être transposée au plus tard le 6 juillet 2024.

3.   La directive place l’Union européenne au premier rang en matière de publication d’informations en matière de durabilité

La directive (UE) 2022/2464 place l’Union européenne au premier rang en matière de publication d’informations en matière de durabilité. Le vote de ce texte a fait l’objet d’une très large approbation puisque le 10 novembre 2022, le Parlement européen l’a adopté par 525 voix « pour » (60 voix « contre » et 28 abstentions). Comme le Parlement européen, le rapporteur considère que cette directive permettra à l’Union européenne de « devenir chef de file des normes mondiales en matière d’information sur la durabilité » en imposant « la transparence sur les questions environnementales, sociales et de gouvernance » aux grandes entreprises ([159]). Comme le Sénat, il considère également que ce dossier est un sujet de « souveraineté économique européenne » ([160]).

La directive (UE) 2022/2464 constitue une étape financière importante de la mise en œuvre du Pacte vert visant à respecter l’objectif européen de réduction des émissions de gaz à effet de serre d’au moins 55 % en 2030 par rapport à 1990 et d’atteindre la neutralité climatique en 2050. La déclinaison de ce pacte en matière financière justifie que « les entreprises et les institutions financières [divulguent] davantage de données concernant leur impact sur le climat et l’environnement » ([161]) afin d’orienter plus efficacement les investissements vers la transition énergétique et écologique.

À ce titre, l’enrichissement et l’harmonisation des informations publiées permettront une comparaison objective des situations et éclaireront utilement les investisseurs dans leurs choix. Comme M. Robert Ophèle, alors président de l’Autorité des marchés financiers, l’a indiqué lors d’un récent colloque, « tant que des données n’auront pas été normalisées et auditées dans un cadre méthodologique commun, la finance durable manquera d’une base solide » ([162]). À ce titre, et comme un récent rapport sur la place de Paris le confirme, « le reporting est la clé de voûte de la finance durable » ([163]).

Utiles aux investisseurs, ces informations sont également utiles aux entreprises pour piloter leur stratégie d’adaptation aux nouveaux enjeux écologiques, pour se comparer à leurs concurrents et pour répondre de manière plus aisée (sur la base d’un modèle standardisé) aux multiples sollicitations dont elles font l’objet en matière de durabilité. Les informations publiées seront également utiles aux organisations non-gouvernementales et aux citoyens désireux de s’informer.

B.   Le droit national a pour partie anticipÉ les obligations de la directive mais doit faire l’objet d’adaptations dont la mise en œuvre offre l’opportunitÉ de mettre en cohÉrence un corpus juridique disparate

Comme notre collègue Alexandre Holroyd l’a rappelé dans un rapport sur la finance durable remis au Gouvernement en juillet 2020, « des dispositifs réglementaires pionniers encadrant le reporting extra-financier des entreprises sont apparus en France dès 2001, avec l’article 116 de la loi Nouvelles Régulations économiques du 15 mai rendant notamment la publication obligatoire » de certaines informations sociales et environnementales ([164]). Régulièrement enrichi depuis 2001, le droit interne a pour partie anticipé les obligations de la directive dont la transposition nécessite cependant de nombreuses adaptations et offre l’opportunité de mettre en cohérence un corpus juridique national disparate.

1.   Le droit national a pour partie anticipé les obligations de la directive mais doit faire l’objet de nombreuses adaptations

En droit interne, plusieurs dispositions encadrent la communication d’informations par les entreprises en matière de durabilité.

Les dispositions les plus significatives (issues de la transposition de la directive 2014/95/UE du 22 octobre 2014 par l’ordonnance n° 2017‑1180 du 19 juillet 2017) résultent des articles L. 225‑102‑1 et R. 225‑104 du code de commerce et prévoient que les entreprises employant au moins 500 salariés permanents et dont le chiffre d’affaires excède 100 millions d’euros pour le total du bilan et 100 millions d’euros pour le montant net du chiffre d’affaires, publient chaque année une « déclaration de performance extra-financière ». Insérée dans le rapport de gestion ([165]), cette déclaration « présente des informations sur la manière dont la société prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité […] dans la mesure nécessaire à la compréhension de la situation de la société, de l’évolution de ses affaires, de ses résultats économiques et financiers et des incidences de son activité ».

Comme le rappelle l’étude d’impact, lors de la transposition de la directive 2014/95/UE, « la France a retenu des options nationales plus exigeantes que la directive » ([166]). Un récent rapport sur la place de Paris confirme cette analyse et considère que « la France est allée au-delà du minimum de la NFRD en : (i) élargissant le champ d’application des dispositions pour couvrir non seulement les sociétés cotées (seuils : 20M€ pour le total du bilan, 40M€ pour le montant net du CA, 500 pour le nombre moyen de salarié permanents), mais aussi les sociétés non-cotées (seuils : 100 millions d’euros pour le total du bilan, 100M€ pour le montant net du CA, 500 pour le nombre moyen de salariés permanents) ; (ii) introduisant l’obligation d’un audit de la déclaration de performance extra-financière par un tiers indépendant » ([167]).

Les obligations déclaratives imposées à la suite de la transposition de la directive 2014/95/UE ont par ailleurs été complétées à plusieurs reprises, à l’initiative du législateur sans lien avec des textes européens. L’article L. 225‑102‑1 du code de commerce a par exemple été modifié à deux reprises en 2021 et 2022. En 2021, l’article 138 de la loi n° 2021‑1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets a précisé la nature des informations relatives aux conséquences sur le changement climatique devant figurer dans la déclaration. En 2022, l’article 27 de la loi n° 2022‑296 du 2 mars 2022 visant à démocratiser le sport en France a inclu dans le périmètre de la déclaration de performance extra-financière les « actions visant à promouvoir la pratique d’activités physiques et sportives », soit un thème absent de la directive 2014/95/UE.

Le contenu de la déclaration de performance extra-financière est aujourd’hui particulièrement dense.

Organisé autour de la publication d’informations sociales, environnementales et sociétales, ce document comprend, selon le MEDEF, 42 informations différentes dont le contenu rejoint certains items figurant dans le rapport de durabilité prévu par la directive (UE) 2022/2464. Pour ce motif, l’étude d’impact considère que « les efforts d’adaptation des entreprises européennes des autres États-membres seront en moyenne plus importants que ceux que devront fournir les entreprises françaises, dans la mesure où la réglementation nationale relative à la transparence sur les informations de durabilité était plus ambitieuse que la réglementation européenne » ([168]).

La transposition de la directive nécessite cependant de nombreuses adaptations du droit national afin de se conformer aux nouvelles dispositions européennes. La nature des obligations déclaratives prévues par la directive ne recoupe ainsi que partiellement les items relevant de la déclaration de performance extra-financière. Ainsi :

– En matière environnementale, la directive prévoit par exemple la publication d’informations sur les ressources aquatiques et marines qui ne figurent pas dans le droit interne ;

– En matière de droits sociaux et de droits de l’homme, la directive prévoit par exemple la publication d’informations sur les mesures de lutte contre la violence et le harcèlement sur le lieu de travail et la diversité qui ne figurent pas, dans les mêmes termes, dans le droit interne ;

– En matière de gouvernance, la directive prévoit par exemple la publication d’informations sur la protection des lanceurs d’alerte qui ne figurent pas dans le droit interne.

La publication des actes délégués permettra de mieux connaître la nature des informations devant faire d’une publication dans le rapport de durabilité mais il est certain que le volume des données figurant dans ce document sera très nettement supérieur à celui figurant dans la déclaration de performance extra-financière française. La directive constitue un véritable changement d’échelle.

Les modalités de contrôle des informations publiées, de supervision de ce contrôle et de sanction liées à la publication de ces informations devront également faire l’objet de mesures de transposition spécifique.

2.   La transposition de la directive offre l’opportunité de mettre en cohérence un corpus juridique disparate

a.   Des dispositifs nationaux foisonnants

La transposition de la directive offre l’opportunité de mettre en cohérence un corpus juridique qui, selon l’étude d’impact, « se compose d’une accumulation de dispositifs disparates, pensés séparément et sans réelle cohérence entre eux. Il s’agit notamment des dispositions relatives au rapport de gestion, au rapport sur le gouvernement d’entreprise, aux obligations RSE des organes de gouvernance. Pour la plupart issus du droit européen, ces dispositifs recourent à des seuils, des définitions, des obligations et des sanctions différentes » ([169]).

Cette analyse est partagée par un récent rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris qui dresse un « état des lieux sévère de la situation actuelle » ([170]). Ce document déplore des « textes peu lisibles », souligne « l’absence d’articulation entre les dispositifs » et appelle à l’engagement d’un « effort de simplification et de rationalisation de certains dispositifs nationaux » ([171]). Ce constat a été souligné par l’ensemble des personnes auditionnées qui ont unanimement regretté un « millefeuille de dispositifs ».

Le rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris recense ainsi treize dispositifs différents imposant la publication d’informations extra-financières dans le code de commerce (huit dispositifs), dans le code civil et le code de commerce (un dispositif) et dans des lois spécifiques (quatre dispositifs) ([172]).

Les treize dispositifs d’information extra-financière recensés par le rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris

Huit dispositifs du code de commerce :

– Les dispositions relatives au contenu extra-financier du rapport de gestion qui figurent aux articles L. 225‑100‑1 et L. 22‑10‑35 du code de commerce (source nationale et européenne) ;

– Les dispositions relatives à certains éléments extra-financiers du rapport sur le gouvernement d’entreprise des sociétés cotées (politique de diversité et politique de rémunération des dirigeants sociaux) qui figurent aux articles L. 22‑10‑9 à L. 22‑10‑11 du code de commerce (source nationale et européenne) ;

– La déclaration de performance extra-financière (DPEF) prévue aux articles L. 225‑102‑1 et L. 22‑10‑36 du code de commerce, précisés par l’article R. 225‑105 du même code (source nationale et européenne) ;

– Les dispositions de la loi n° 2003-699 du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages (établissements SEVESO) codifiées notamment à l’article L. 225‑102‑2 du Code de commerce (source nationale) ;

– La déclaration des paiements aux gouvernements exigée des entreprises ayant une activité extractive, prévue à l’article L. 225‑102‑3, I du code de commerce (source européenne) ;

– Les dispositions de la loi n° 2017-399 du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre figurant aux articles L. 225‑102‑4 et L. 225‑102‑5 du code de commerce (source nationale) ;

– Les dispositions de la loi n° 2011‑103 du 27 janvier 2011 (Copé-Zimmermann) à la représentation équilibrée des femmes et des hommes au sein des conseils d’administration et de surveillance, codifiées aux articles L. 225‑18‑1 et L. 225‑69‑1 du Code de commerce (source nationale) ;

– Les dispositions du code du travail issues de la loi n° 2021‑1774 du 24 décembre 2021 visant à la parité au sein des instances dirigeantes, plus précisément à accélérer l’égalité économique et professionnelle (Rixain) qui figurent aux articles L. 1142‑11 à L. 1142‑13 du code du travail et L. 23‑12‑1 du code de commerce (source nationale) ;

 

Un dispositif relevant à la fois du code civil et du code de commerce :

– Les dispositions de la loi PACTE (modifiant les art. 1833 et 1835 du code civil et L. 225‑35 et L. 225‑64 du code de commerce) mettant à la charge des dirigeants de la société l’obligation de gérer celle-ci dans son intérêt, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité, et ouvrant aux sociétés la possibilité de se doter d’une raison d’être statutaire (source nationale) ;

 

Quatre dispositifs extérieurs au code de commerce :

– L’article L. 229‑25 du code de l’environnement créé par la loi n° 2010‑788 du 12 juillet 2010 dite Grenelle 2 et modifié en dernier lieu par la loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat sur le bilan des émissions de gaz à effet de serre (BGES) et le plan de transition (source nationale) ;

– L’article L. 233‑1 du code de l’énergie créé par la loi n° 2013‑619 du 16 juillet 2013 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne dans le domaine du développement durable et imposant la réalisation et la publication d’un audit énergétique (source européenne) ;

– Les dispositions de la loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (Sapin 2) relatives aux dispositifs d’alerte (art. 8 et 17) et au plan anti-corruption (art. 17) (source nationale et européenne) ;

– Les dispositions de la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel imposant à certaines sociétés l’obligation de publier un index égalité homme-femme (source nationale).

Source : Haut comité juridique de la place financière de Paris, rapport sur les dispositifs de transparence extra-financière des sociétés, pages 16-17.

b.   Des dispositifs nationaux marqués par de nombreux chevauchements, défauts de lisibilité et imprécisions

Le rapport du Haut comité juridique de la place financière de Paris souligne l’existence de nombreux chevauchements, défauts de lisibilité et imprécisions en matière d’informations extra-financières.

S’agissant des chevauchements, il est rappelé que des dispositifs proches existent dans des textes différents. Ainsi, « trois dispositifs [différents] exigent la publication d’informations sur les procédures et mesures prises par l’entreprise pour prévenir les risques environnementaux » : le rapport de gestion présenté à l’assemblée générale annuelle (pris sur le fondement de l’article L. 225‑100‑1 2°du code de commerce), la déclaration de performance extra-financière et le plan de vigilance. Comme le Haut comité juridique l’a rappelé lors de son audition cinq dispositifs existent en matière de parité : la déclaration sur le gouvernement d’entreprise, l’obligation de parité dans les conseils d’administration et de surveillance, l’obligation de mixité parmi les cadres dirigeants et les instances dirigeantes, la déclaration de performance extra-financière et l’obligation de publier un index égalité homme-femme. Des doublons sont également observés en matière de prévention des risques sociaux, de prévention des risques sociétaux et de gouvernance.

Les défauts de lisibilité naissent de la multiplication et de la diversité des seuils d’assujettissement à la publication des informations demandées. Quatre seuils de chiffre d’affaires (12 millions d’euros net, 40 millions d’euros net, 50 millions d’euros net et 100 millions d’euros net), cinq seuils de bilan (6 millions d’euros, 20 millions d’euros, 43 millions d’euros, 50 millions d’euros et 100 millions d’euros) et six seuils de nombre de salariés (50 salariés, 250 salariés, 500 salariés, 1 000 salariés, 5 000 salariés et 10 000 salariés) sont par exemple retenus.

Les imprécisions tiennent aux différences de modalités de calcul de ces seuils. Si la plupart des dispositifs reposent sur le chiffre d’affaires net, deux dispositifs ne précisent pas si le chiffre d’affaires retenu s’entend net ou hors‑taxes ([173]). Ces imprécisions concernent également les modalités de détermination du nombre de salariés à prendre en compte ([174]).

Cette grande complexité résulte de l’accumulation de dispositifs pensés isolément les uns des autres. Fruit d’une sédimentation législative, cette réglementation pèse sur la lisibilité et l’attractivité du droit français des sociétés et altère l’efficacité de ces dispositifs.

II.   Le DISPOSITIF PROPOSÉ PAR LE projet de loi

L’article 8 comprend six alinéas répartis entre deux paragraphes (5 alinéas au I et un alinéa au II).

Le I habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de la promulgation de la loi, toute mesure relevant du domaine de la loi permettant de :

– Transposer la directive 2022/2464 et de « prendre les mesures de coordination et d’adaptation de la législation liées à cette transposition » (1°) ;

– Adapter les dispositions relatives au régime des missions et prestations des commissaires aux comptes, ainsi que celles relatives à l’organisation et aux pouvoirs des autorités compétentes en matière d’accréditation et de supervision des personnes autorisées à évaluer la conformité de la communication des informations publiées en matière de durabilité (2°) ;

 Harmoniser, simplifier, clarifier et mettre en cohérence les critères d’application, le contenu, le contrôle et les sanctions des obligations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales (3°),

– Rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance précitée pour celles qui relèvent de la compétence de l’État et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces articles à Saint‑Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon (4°).

Le II précise qu’un projet de loi de ratification sera déposé dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   Les MODIFICATIONS APPORTÉeS PAR LE SÉNAT

Après avoir adopté l’article 8 avec modification en commission, le Sénat l’a supprimé en séance.

En commission, et conformément à la recommandation de M. Hervé Maurey, rapporteur, l’article 8 a été adopté avec une modification restreignant le périmètre de l’habilitation permettant au Gouvernement d’agir par ordonnance. Jugeant le champ de l’habilitation initiale « beaucoup trop large », la commission des finances du Sénat a adopté un amendement COM 37 modifiant le 3°du I de l’article 8. Cet amendement recentrait les possibilités d’adaptation de la réglementation sur le seul champ de la publication d’informations extra‑financières prévue par la directive. Selon le rapport de la commission, « la formulation retenue par le Gouvernement, qui ne limite pas aux obligations de publication d’informations des entreprises mais concerne bien l’ensemble des contraintes environnementales, sociales et de gouvernance des entreprises n’est pas acceptable en l’état. Ainsi, au regard de l’habilitation proposée, ce ne seraient pas uniquement les dispositifs de transparence qui pourraient être modifiés, mais plus largement les obligations de fond des entreprises, les dispositifs d’audit ou de signalement prévus par notre droit » ([175]).

En séance, le Sénat est cependant allé au-delà de l’ajustement proposé et a supprimé l’article 8. Quatre amendements identiques de suppression déposés par M. Didier Marie et les membres du groupe Socialiste, écologiste et républicain ; par Mme Martine Berthet (Les Républicains) et plusieurs de ses collègues ; par M. Jacques Fernique (Écologiste) et plusieurs de ses collègues et par Mme Cathy Apourceau‑Poly et les membres du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste ([176]) ont été adoptés contre l’avis du rapporteur et celui du Gouvernement qui avaient tous deux sollicité leur retrait.

Trois arguments ont été avancés à l’appui des amendements de suppression :

– Il serait « difficile de se prononcer sur la transposition d’une directive adoptée fin novembre et qui n’est pas encore publiée au Journal officiel de l’Union européenne » ([177]) ;

– Une ordonnance ne serait pas souhaitable dans la mesure où il serait nécessaire de saisir le Parlement d’un « texte à part entière sur ce sujet, notamment sur le contenu des obligations d’informations, le périmètre, le contrôle des équivalences de norme… » compte tenu notamment de la prochaine transposition d’une autre directive sur le devoir de vigilance ([178]) ;

– L’absence d’« évaluation du coût financier et organisationnel » ([179]) de la mise en œuvre de la directive pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire nouvellement assujetties aux obligations déclaratives est regrettée.

IV.   Les MODIFICATIONS APPORTÉeS PAR LA COMMISSION

Après avoir adopté un amendement (n° CF 17) du Gouvernement et un sous-amendement du rapporteur (n° CF 27), la commission des finances a rétabli l’article 8 dans une version différente de celle figurant dans le texte initial. La commission des affaires sociales a adopté cet article ainsi modifié.

1.   L’article 8 a été rétabli dans une version différente de celle figurant dans le projet de loi initial

Trois modifications importantes ont été apportées au contenu du I de l’article 8 par rapport à la rédaction figurant dans le projet de loi initial (le II étant pour sa part inchangé).

Au 1°, la référence à la directive a été précisée ([180]).

Au 2°, un complément est apporté afin d’inclure dans le périmètre de l’ordonnance les « autorités compétentes en matière de comptabilité » en sus des commissaires aux comptes, des autorités compétentes en matière d’accréditation et de supervision et des personnes autorisées à évaluer la conformité de la communication des informations publiées en matière de durabilité. Cet ajout permet d’inclure l’Autorité des normes comptables dans le périmètre des institutions susceptibles d’être concernées par une adaptation de la réglementation.

Au 3°, des modifications substantielles sont apportées. Dans sa rédaction initiale le 3° de l’article 8 habilitait le Gouvernement à agir par ordonnance pour « harmoniser » avec les modifications consécutives à la transposition de la directive « simplifier, clarifier et mettre en cohérence les critères d’application, le contenu, le contrôle et les sanctions des obligations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales ». L’amendement adopté par la commission est nettement plus précis et habilite le Gouvernement à agir par ordonnance pour « tirer les conséquences des modifications apportées en application du présent 1° sur les différents dispositifs d’obligations relatives aux enjeux sociaux, environnementaux et en matière de gouvernance d’entreprise des sociétés commerciales en :

 harmonisant, simplifiant et clarifiant les obligations de publication d’informations, dès lors qu’elles interviennent dans des domaines couverts par la directive du Parlement européen et du Conseil n° 2022/2464 ;

 créant et mettant en cohérence dans le code de commerce des définitions communes des différentes tailles de sociétés et de groupes par référence à des seuils, en s’inspirant de ceux du droit de l’Union européenne, harmonisant les modalités de calcul de ces seuils et appliquant ces définitions aux différents dispositifs dont les seuils sont proches ;

 étendant tout ou partie de ces différents dispositifs à certaines formes de sociétés, le cas échéant en effectuant les adaptations nécessaires ;

 unifiant les procédures d’injonction assortissant les différents dispositifs ».

L’habilitation conférée au Gouvernement pour agir par ordonnance est nettement plus circonscrite que dans le texte initial.

Un sous-amendement rédactionnel déposé par le rapporteur a également été adopté.

2.   Les modifications apportées répondent à certaines des objections formulées par le Sénat

Les modifications apportées à l’article 8 répondent à certaines des objections formulées par le Sénat.

La récente publication de la directive (UE) 2022/2464 au Journal officiel de l’Union européenne, du 16 décembre 2022 permet d’écarter la première objection opposant qu’il est « difficile de se prononcer sur la transposition d’une directive adoptée fin novembre et qui n’est pas encore publiée au Journal officiel de l’Union européenne ».

S’agissant de la nécessité de saisir le Parlement d’un « texte à part entière » tenant compte de la prochaine transposition d’une autre directive sur le devoir de vigilance, le rapporteur souligne que la satisfaction de cette demande conduirait à méconnaître le délai de transposition de la présente directive fixé au plus tard le 6 juillet 2024. La Commission européenne a ainsi publié le 23 février 2022 une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité et modifiant la directive (UE) 2019/1937. Ce texte fait l’objet d’une procédure législative ordinaire qui n’en est qu’à ses débuts. Pour l’heure, le Parlement européen n’a pas encore examiné la proposition de la Commission en première lecture. La commission saisie au fond (la commission des affaires juridiques) et les huit commissions saisies pour avis ([181]) n’ont pas encore achevé leurs travaux. Une fois que le Parlement européen aura statué, il appartiendra au Conseil européen de se prononcer en première lecture pour accepter la position du Parlement (auquel cas la proposition de directive serait adoptée) ou la modifier puis, dans cette hypothèse, de renvoyer la proposition au Parlement, pour une deuxième lecture. La durée du processus institutionnel européen peut donc être longue.

Par ailleurs, une fois ce processus achevé, le Gouvernement devra préparer un projet de loi de transposition préparant la transposition de la présente directive et celle de la directive à venir sur le devoir de vigilance. Ce projet de loi devra ensuite être examiné par l’Assemblée nationale et le Sénat.

L’addition de ces trois délais (le délai institutionnel européen, le délai de préparation du projet de loi et le délai d’examen parlementaire) est susceptible d’excéder le délai de transposition de la directive (UE) 2022/2464, ce qui peut d’autant moins être accepté que la France a été un des pays moteurs de la négociation de ce texte au niveau européen. À l’inverse, le recours à une ordonnance permettrait de respecter ce délai et de laisser un temps significatif aux entreprises françaises pour se préparer à sa mise en œuvre.

La modification de l’article 8 ne répond en revanche pas à l’objection formulée par le Sénat concernant l’absence alléguée d’« évaluation du coût financier et organisationnel » pour les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire directement ou indirectement assujetties aux obligations déclaratives ([182]). Sur ce point, le rapporteur souligne la difficulté d’évaluer précisément ce coût.

Il observe par ailleurs que :

– Le nombre de PME concernées à titre principal par l’application de la directive devrait être limité (70) ([183]) et les PME concernées sont des sociétés cotées déjà confrontées à des demandes d’informations en matière de durabilité ;

– La directive prévoit un modèle de déclaration simplifiée pour les PME ;

– Les PME ne seront concernées par ces obligations déclaratives qu’à compter de l’exercice 2026 et pourront, en cas de difficultés justifiées, reporter de deux ans cette échéance ;

– Si le recueil et la publication des informations demandées constituent incontestablement un coût supplémentaire pour une PME, l’engagement de ces sociétés dans cette démarche de reporting peut également leur offrir de nouvelles opportunités. En publiant des informations de ce type, une PME pourra obtenir des commandes d’entreprises plus importantes elles-mêmes soumises à la publication de données en matière de durabilité.

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Article 9
Habilitation à légiférer par ordonnance pour transposer une directive relative aux opérations transfrontalières des sociétés commerciales

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 9 habilite le Gouvernement, durant un délai de six mois à compter de la publication de la loi, à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour réformer les régimes des fusions, scissions, apports partiels d’actifs et transferts de siège des sociétés commerciales afin de transposer la directive (UE) 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières.

Il fixe le délai de dépôt du projet de loi de ratification à trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Le Sénat a restreint le délai d’habilitation à trois mois au lieu de six mois.

Il a également encadré les choix de transposition du Gouvernement :

– en prévoyant que l’autorité compétente en charge du contrôle de légalité de l’opération de transformation, de fusion ou de scission transfrontalière est le greffier du tribunal de commerce ;

– et en excluant la possibilité de limiter la proportion de représentants des salariés au sein de l’organe de direction de la société issue de la transformation ou des sociétés bénéficiaires de la scission transfrontalière.

I.   L’État du droit : les opÉrations transfrontaliÈres en droit des sociÉtÉs

A.   Droit europÉen

La liberté d’établissement prévue à l’article 54 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) implique le droit, pour une société régie par le droit d’un État membre, de se transformer en une société régie par le droit d’un autre État membre (voir par exemple : CJCE, arrêt du 27 septembre 1988, Daily Mail, aff. C-81/87 ; ou plus récemment pour un transfert de siège social sans déplacement du siège réel : CJUE, arrêt du 25 octobre 2017, Polbud, C-106/16).

De telles opérations sont dites transfrontalières. Elles sont susceptibles de porter atteinte aux droits des associés, des créanciers ou des salariés. L’objet de la législation européenne est de permettre la réalisation de ces opérations dans un cadre harmonisé, tout en assurant la protection des divers intérêts en présence.

C’est dans ce but qu’a été élaborée la directive 2005/56 du Parlement européen et du Conseil du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières de sociétés de capitaux. Cette directive a été codifiée par la directive 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés.

Cette directive a ensuite été modifiée par la directive 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive (UE) 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières de société de capitaux.

La directive 2019/221 précitée est entrée en vigueur le 1er janvier 2020. Le délai de transposition a été fixé au 31 janvier 2023.

Cette directive complète les dispositions européennes relatives aux fusions transfrontalières et introduit deux nouvelles procédures relatives aux transformations et scissions transfrontalières :

– la procédure de transformation transfrontalière, d’une part, qui permet aux sociétés constituées conformément au droit d’un État membre de se transformer en une société de forme juridique d’un autre État membre, en y transférant au moins leur siège statutaire, tout en conservant leur personnalité juridique ;

– et la procédure de scission, d’autre part, qui permet aux sociétés européennes de se scinder en plusieurs sociétés localisées dans d’autres États membres ou d’’effectuer des apports partiels d’actifs transfrontaliers.

À côté de ces deux procédures demeure la procédure de fusion transfrontalière, qui permet aux sociétés européennes de fusionner avec une ou plusieurs sociétés d’autres États membres, par absorption ou création d’une société nouvelle. La directive simplifie les règles des fusions transfrontalières, avec par exemple, dans certaines situations, une dispense de rapport écrit des dirigeants aux associés.

La directive prévoit également un mécanisme protecteur des créanciers, en maintenant un contrôle de légalité de l’opération par un certificat préalable à l’opération. Aux termes de la directive, l’autorité en charge du contrôle préalable de légalité doit s’assurer que l’opération transfrontalière, conformément au droit national, n’est pas réalisée, « à des fins abusives ou frauduleuses menant ou visant à se soustraire au droit de l’Union ou au droit national ou à le contourner, ou à des fins criminelles ».

La directive vise aussi à protéger les travailleurs en prévoyant leur information et leur consultation. Elle garantit le droit à la participation des travailleurs au sein de l’organe de direction. Le principe est que la société issue de l’opération transfrontalière est soumise aux règles en vigueur dans l’État membre de destination. Toutefois, par exception, la directive laisse le choix aux États membres de limiter à un tiers la proportion de représentants des salariés au sein de l’organe de direction à l’issue de l’opération.

B.   Droit interne

En droit des sociétés, les règles relatives à la fusion et à la scission de sociétés sont définies au chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce, aux articles L. 236-1 à L. 236-32.

La section IV dudit chapitre contient les dispositions législatives particulières relatives aux fusions transfrontalières (articles L. 236-25 à L. 236-32). Sa rédaction résulte de l’article 1er de la loi n° 2008-649 du 3 juillet 2008 portant diverses dispositions d’adaptation du droit des sociétés au droit communautaire qui a transposé en droit interne la directive n° 2005/56/CE du 26 octobre 2005 sur les fusions transfrontalières des sociétés de capitaux.

II.   Le dispositif proposÉ : une habilitation en vue de la transposition d’une directive sur les opÉrations transfrontaliÈres en droit des sociÉtÉs

Le I du présent article habilite le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires pour :

– transposer la directive UE 2019/2121 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 modifiant la directive 2017/1132 en ce qui concerne les transformations, fusions et scissions transfrontalières (1° du I) ;

– harmoniser avec certaines des dispositions encadrant les opérations transfrontalières et simplifier, compléter et moderniser les régimes des fusions, scissions, apports partiels et transferts de siège des sociétés commerciales prévus au chapitre VI du titre III du livre II du code de commerce (2° du I).

L’habilitation ne porte donc pas seulement sur la section du code de commerce contenant les dispositions législatives particulières relatives aux fusions transfrontalières (articles L. 236-25 à L. 236-32), mais sur l’ensemble du chapitre relatif à la fusion et à la scission (articles L. 236-1 à L. 236-32).

Le 3° du I habilite le Gouvernement, dans les mêmes conditions, à rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions qui résulteront de l’ordonnance (pour celles qui relèvent de la compétence de l’État), d’une part, et à procéder, le cas échéant, aux adaptations de ces dispositions en ce qui concerne Saint-Barthélemy, Saint-Martin et Saint-Pierre-et-Miquelon, d’autre part.

Le premier alinéa du I du présent article fixe le délai d’habilitation à six mois à compter de la publication de la loi.

Le II du présent article fixe le délai de dépôt du projet de loi de ratification à trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

Selon l’étude d’impact, la demande d’habilitation du Gouvernement se justifie par le caractère « particulièrement technique des dispositions à transposer et leur nombre conséquent », l’ « impact modéré de la transposition de la directive sur les entreprises », et « la nécessité d’assurer un cadre juridique le plus uniforme possible en veillant tout particulièrement à résorber les décalages ou incohérences pouvant exister entre, d’une part, le régime applicable aux opérations transfrontalières et, d’autre part, le régime existant pour ces mêmes opérations réalisées au niveau national ».

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article modifié par deux amendements.

Les deux amendements ont été adoptés par la commission à l’initiative du rapporteur pour avis de la commission des lois.

Un premier amendement a restreint le délai d’habilitation à trois mois au lieu de six mois. Le rapporteur pour avis a justifié le raccourcissement de ce délai par le fait que la directive devait être transposée au plus tard le 31 janvier 2023 et qu’il convenait, par conséquent, d’accélérer le calendrier de publication de l’ordonnance de transposition. Le raccourcissement du délai d’habilitation se justifie d’autant plus que le projet d’ordonnance est grande partie rédigé. Plusieurs fiches et projets de transposition ont d’ailleurs été transmis pour information à votre Rapporteure.

Un second amendement a encadré les choix de transposition du Gouvernement :

– en prévoyant que l’autorité compétente en charge du contrôle de légalité de l’opération de transformation, de fusion ou de scission transfrontalière serait le greffier du tribunal de commerce ;

– et en excluant la possibilité de limiter la proportion de représentants des salariés au sein de l’organe de direction de la société issue de la transformation ou des sociétés bénéficiaires de la scission transfrontalière.

Le Gouvernement n’a pas présenté en séance d’amendement pour revenir sur ces modifications, qui sont conformes au projet d’ordonnance qu’il est en train d’élaborer.

IV.   les modifications apportÉes par la Commission

La Commission a adopté cet article modifié par un amendement rédactionnel de la rapporteure.

 

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Article 10
Élimination d’une sur-transposition de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 10 assouplit, à un double titre, le régime de sanction applicable aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) et aux sociétés par actions en cas d’insuffisance des capitaux propres.

En premier lieu, il allonge le délai à quatre exercices comptables, au lieu de deux en l’état du droit, dans lequel la société doit régulariser sa situation et disposer de capitaux propres au moins égaux à la moitié du capital social.

En second lieu, il écarte la sanction de dissolution judiciaire lorsque la société, malgré la persistance de l’insuffisance de capitaux propres, réduit son capital social en deçà d’un seuil fixé par décret en Conseil d’État ou lorsque son capital social est déjà en deçà dudit seuil.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit : la dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres

A.   Droit interne

Le capital d’une société – le capital social – est constitué par les apports promis par les associés. Il a vocation, à ce titre, à constituer une garantie pour les créanciers. Le capital social représente la valeur initiale de la société. Ainsi que le rappelle l’étude d’impact, il est fait une large publicité auprès des tiers du montant du capital social puisque celui-ci « doit figurer sur l’ensemble des papiers d’affaires de la société (article R. 123-238 du code de commerce), c’est-à-dire sur les lettres, factures, annonces et publications diverses, mais également sur son site internet ».

Les capitaux propres sont constitués à la fois par le capital social apporté à la création mais également, pour l’essentiel, par l’ensemble des résultats non distribués aux associés. Les capitaux propres représentent une valeur actualisée de la société. Ils sont mentionnés au bilan et « correspondent à la somme algébrique des apports, des écarts de réévaluation, des bénéfices autres que ceux pour lesquels une décision de distribution est intervenue, des pertes, des subventions d’investissement et des provisions réglementées » (article R. 123-91 du code de commerce).

Il peut arriver que les capitaux propres d’une société soient inférieurs à son capital social, lorsque celle-ci a réalisé au cours des exercices successifs davantage de pertes que de profits et qu’elle n’a pas procédé à une diminution de son capital social.

Dans ce cas, le capital social peut donner une indication erronée aux tiers, et notamment aux créanciers, de la solvabilité d’une société. C’est pourquoi, en droit commercial, il existe un régime de sanctions lorsque le capital social d’une société à responsabilité limitée (SARL) ou d’une société par actions (société anonyme, société en commandite par actions et société par actions simplifiée) est durablement inférieur à une fraction des capitaux propres.

Ainsi que l’expose l’étude d’impact, ce dispositif se justifie « par la nécessité de maintenir un gage suffisant aux créanciers et par la fourniture d’une information crédible aux tiers ».

En l’état du droit, le régime de sanctions prévu en cas d’insuffisance de capitaux propres s’applique lorsque lesdits capitaux propres sont inférieurs à la moitié du capital social. Initialement, la loi n°66-537 du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales avait fixé ce seuil à trois quarts. Celui-ci a été réduit à un quart par la loi n° 69-12 du 6 janvier 1969. Le seuil actuel est issu de la loi n° 81‑1162 du 30 décembre 1981 et s’applique depuis le 1er janvier 1982.

Le code de commerce prévoit ainsi que, pour les SARL et les sociétés par actions, dans le cas où les capitaux propres deviennent inférieurs à la moitié de leur capital social, l’assemblée générale doit se réunir dans un délai de quatre mois qui suivent l’approbation des comptes ayant fait apparaître cette perte, afin de décider de dissoudre ou non la société (article L. 233-42 pour les SARL et article L. 225-48 pour les sociétés par actions).

Conformément aux articles R. 223-36 (pour la SARL) et R. 225-166 (pour les sociétés par actions), la décision prise par l’assemblée générale (dissolution ou maintien de l’activité) doit être :

– publiée dans un support d’annonces légales ;

– inscrite au registre du commerce et des sociétés (RCS) et déposée au greffe du tribunal de commerce du lieu du siège social.

En cas de manquement à cette obligation, l’article L.123-3 du code de commerce permet au juge commis à la surveillance du RCS d’enjoindre sous astreinte une société à procéder aux formalités de publicité.

Si l’assemblée générale décide de ne pas dissoudre la société (cas le plus fréquent en pratique), la société dispose de deux exercices comptables pour remédier à la situation. La situation peut se rétablir d’elle-même grâce à la réalisation de bénéfices qui permettent de reconstituer le seuil minimal de capitaux propres exigé. À défaut, la société est, en théorie, tenue de réduire son capital d’un montant au moins égal à celui des pertes.

En cas de non-respect de ces dispositions (absence de vote de l’assemblée générale pour la poursuite de l’activité ou absence de reconstitution des capitaux propres à hauteur de la moitié du capital social dans le délai imparti), toute personne intéressée est en droit de demander la dissolution de la société. Ce recours peut notamment être exercé par un concurrent. Toutefois, ce type de recours est rare en pratique.

L’intérêt d’engager une telle procédure est fortement réduit par le fait que le tribunal peut accorder à la société un délai maximal de six mois pour régulariser sa situation. Au surplus, le tribunal ne peut prononcer la dissolution, si, au jour où il statue sur le fond, cette régularisation a eu lieu.

Il faut encore ajouter que la dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres ne peut être prononcée à l’encontre des sociétés en procédure de sauvegarde ou de redressement judiciaire ou de celles qui bénéficient d’un plan de sauvegarde ou de redressement judiciaire.

Le principal intérêt du régime de sanctions prévu en cas d’insuffisance de capitaux propres réside, en pratique, dans la publicité obligatoire de la résolution par laquelle l’assemblée générale constate les pertes et décide de poursuivre l’activité de la société. Cette publicité permet de renseigner les tiers sur les difficultés de la société.

B.   Droit européen

L’article 58 de la directive (UE) 2017/1132 du 14 juin 2017 relative à certains aspects du droit des sociétés prévoit qu’en cas de perte grave du capital souscrit, l’assemblée générale de la société doit être convoquée dans un délai fixé par les législations des États membres afin d’examiner s’il y a lieu, soit de dissoudre la société, soit d’adopter toute autre mesure. Il précise que la législation d’un État membre ne peut pas fixer à plus de la moitié du capital souscrit le montant de la perte considérée comme grave.

La directive laisse donc une marge d’appréciation nationale importante aux États membres en matière de sanction judiciaire de perte grave du capital social.

Le droit commercial français (examiné supra) est conforme au droit européen, puisqu’il prévoit un seuil de 50 % pour caractériser une perte grave de capital social, un délai de convocation de l’assemblée générale (fixé à quatre mois) pour se prononcer sur la continuité de l’activité, et un régime de sanctions qui repose sur des formalités de publicité et une dissolution judiciaire à la demande de tout intéressé.

Toutefois, selon l’étude d’impact, certains États membres ont adopté des mesures plus souples que celles en vigueur en France. Elle expose que plusieurs États, comme l’Allemagne ou les Pays-Bas, « ne mentionnent même pas le cas de dissolution anticipée » et que, dans ces pays, « la perte grave du capital souscrit ne débouche aucunement sur une dissolution forcée de la société en l’absence de reconstitution de ses capitaux propres ».

Le Gouvernement en déduit que les dispositions françaises constituent une sur-transposition de la directive. Il indique, dans l’exposé des motifs du projet de loi DDADUE, que les entreprises françaises font « face à un risque de dissolution excessif et considérablement accru comparativement aux entreprises d’autres États membres ».

II.   Le dispositif proposÉ : un assouplissement du rÉgime de sanctions en cas d’insuffisance de capitaux propres

Le présent article assouplit le régime des sanctions prévu pour les SARL et les sociétés par actions en cas de perte de la moitié du capital social.

Pour ce faire, le modifie l’article L. 223-42 du code de commerce applicable aux SARL et le modifie l’article L.225-248 du même code applicable aux sociétés par actions. Le complète l’article L. 950-1 du même code afin d’étendre l’application de ces dispositions aux îles Wallis et Futuna.

En premier lieu, le présent article allonge le délai de régularisation à quatre exercices comptables, au lieu de deux en l’état du droit.

En deuxième lieu, il permet à la société d’échapper définitivement à la sanction de la dissolution judiciaire même si ses capitaux propres demeurent inférieurs à la moitié du capital social. Pour cela, la société doit réduire son capital social en dessous d’un seuil fixé par un décret en Conseil d’État (sauf si son capital social est déjà en deçà de ce seuil). Dans l’étude d’impact, le Gouvernement précise que ce seuil doit « dépendre de la taille de la société, et notamment celle de son bilan ».

Dit plus simplement et autrement, le présent article n’autorise pas les SARL et sociétés par actions ayant des capitaux propres durablement inférieurs à la moitié du capital social à disposer d’un capital social supérieur à un montant fixé par un décret en Conseil d’État. Le dispositif proposé a donc pour effet de renforcer la crédibilité du capital social et la valeur de l’information qu’il représente.

Le présent article a aussi pour effet d’écarter, pour toutes les SARL et sociétés par actions disposant d’un capital social inférieur à un montant fixé par décret en Conseil d’État, la sanction de dissolution judiciaire pour insuffisance de capitaux propres. Pour ces dernières, il subsiste une simple incitation à reconstituer leurs fonds propres, puisque l’assemblée générale devra toujours se prononcer sur la dissolution ou la poursuite de l’activité.

III.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   Les modifications apportÉes par la commission

La Commission a adopté cet article modifié par plusieurs amendements rédactionnels de la rapporteure.

 

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Chapitre III
Mise en conformité à la suite de décisions de justice

 

Article 11
Extension du mécanisme d’auto-apurement pour les opérateurs économiques sujets à une exclusion des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 11 étend le mécanisme d’auto-apurement permettant à un opérateur économique qui prend des mesures correctrices de ne pas être exclu de la procédure de passation de marchés publics ou de contrats de concessions, malgré sa condamnation définitive pour certains faits. Il met ainsi le droit interne en conformité avec les dispositions des directives 2014/23/UE et 2014/24/UE du 26 février 2014, portant respectivement sur l’attribution de contrats de concession et la passation des marchés publics.

Le Sénat a prévu que les mesures correctrices prises par l’opérateur économique devaient faire l’objet d’une évaluation par l’acheteur public ou l’autorité concédante, en tenant compte « de la gravité de l’infraction commise ».

I.   L’État du droit : le mécanisme d’auto-apurement en droit de la commande publique

A.   Droit europÉen

 

Deux directives européennes du 26 février 2014 régissent le cadre juridique que doivent appliquer les États membres en matière de passation des marchés publics et d’attribution des contrats de concession :

- la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil sur la passation des marchés publics, désignée ci-après « directive marchés publics » ;

- et la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil sur l’attribution des contrats de concession, ci-après « directive concessions ».

Dans un but de moralisation de la vie des affaires, ces deux directives ont prévu différents motifs d’exclusion des opérateurs économiques des procédures d’attribution des marchés publics et des contrats de concession.

Parmi ces motifs, figure la condamnation définitive de l’opérateur économique pour certains faits, tels que la participation à une organisation criminelle, la corruption, le blanchiment de capitaux, le terrorisme, le travail des enfants, la traite d’êtres humains, ou la fraude fiscale (article 38 de la « directive concessions » et article 57 de la « directive marchés publics »).

L’obligation d’exclure un opérateur économique de la procédure de passation s’applique aussi lorsque la personne condamnée par un jugement définitif est un membre de l’organe administratif, de gestion ou de surveillance dudit opérateur économique ou détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle en son sein.

Les deux directives prévoient que ces motifs d’exclusion obligatoire peuvent être complétés par les États membres par d’autres motifs facultatifs comme les « fautes professionnelles graves » remettant en cause « l’intégrité » de l’opérateur économique.

Elles prévoient également un mécanisme dit « d’auto-apurement » (« self-cleaning » en anglais) qui permet à l’opérateur économique d’échapper au motif d’exclusion s’il a pris des mesures correctrices. Ce mécanisme d’auto-apurement n’est ouvert que si le jugement de condamnation n’a pas prononcé expressément une peine d’interdiction de soumissionner.

Sous cette réserve, il est prévu que l’opérateur économique « peut fournir des preuves afin d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré l’existence du motif d’exclusion » résultant d’une condamnation définitive. Si ces preuves sont jugées suffisantes, « l’opérateur économique concerné n’est pas exclu de la procédure » (article 38, paragraphe 9, de la « directive concessions » et article 57, paragraphe 6, de la « directive marchés publics »).

Dans un arrêt du 11 juin 2020, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a dit pour droit qu’une réglementation nationale qui n’accorde pas à un opérateur économique la possibilité d’apporter la preuve qu’il a pris des mesures correctrices susceptibles de démontrer le rétablissement de sa fiabilité n’était pas conforme à la « directive concessions ».

B.   Droit interne

Les directives « marchés publics » et « concessions » précitées ont été transposées en droit interne par l’article 45 de l’ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 relative aux marchés publics et par l’article 39 de l’ordonnance n° 2016-65 du 29 janvier 2016 relative aux contrats de concession.

S’agissant des motifs d’exclusion, la transposition française a distingué entre les faits graves et les faits moins graves. Depuis le 1er avril 2019 et l’entrée en vigueur du code de la commande publique (CCP), l’exclusion de la procédure de passation pour faits graves est codifiée à l’article L. 2141-1 pour les marchés publics et à l’article L. 3123-1 pour les contrats de concession (pour les faits les moins graves, l’exclusion est prévue aux articles L. 2141-4 et L. 3123-4 du CCP et visent essentiellement des infractions au droit du travail).

La principale différence de régime entre les faits graves et les faits moins graves en droit interne est l’absence de transposition du mécanisme d’auto-apurement pour les premiers, contrairement aux seconds. Par ailleurs, outre la mise en œuvre possible de l’auto-apurement, il est prévu, pour les faits les moins graves, que le motif d’exclusion ne s’applique pas « en cas d’obtention d’un sursis en application des articles 132‑31 ou 132‑32 du code pénal, d’un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132‑58 à 132‑62 du code pénal ou d’un relèvement de peine en application de l’article 132‑21 du code pénal ou des articles 702‑1 ou 703 du code de procédure pénale » (articles L. 2141-4 et L. 3123‑4 du CCP).

Le motif d’exclusion pour faits graves s’applique pour une vingtaine d’infractions (trafic de stupéfiants, traite des êtres humaines, escroquerie, abus de confiance, blanchiment, terrorisme, concussion, corruption, prise illégale d’intérêts par une personne exerçant une fonction publique, atteintes à la liberté d’accès et à l’égalité des candidats dans les marchés publics et les concessions, soustraction et détournement de biens par une personne exerçant une fonction publique, trafic d’influence, entraves à l’exercice de la justice, faux et usage de faux, participation à une association de malfaiteurs, fraude fiscale, entrave aux agents de l’administration fiscale, organisation d’un refus collectif de l’impôt).

La condamnation définitive entraîne, sans que le jugement ait besoin de le mentionner, l’interdiction, pour l’opérateur économique concerné, de soumissionner à toute procédure de passation des marchés publics et des contrats de concession pendant une durée de 5 ans.

Il s’agit d’une exclusion de plein droit. L’acheteur ou l’autorité concédante ne fait que constater la cause d’exclusion et ne dispose pas d’un pouvoir d’appréciation.

En pratique, l’opérateur économique doit fournir une attestation sur l’honneur lorsqu’il candidate, ainsi qu’un extrait de casier judiciaire s’il a été retenu à l’issue de la procédure de passation (en application des articles R. 2144-1 et suivants du CCP).

En raison de l’absence de mécanisme d’auto-apurement, le Conseil d’État a jugé que l’article L. 3123-1 du CCP méconnaissait la « directive concessions » (arrêt « Vert Marine » du 12 octobre 2020).

Cette jurisprudence est transposable à l’article L. 2141-1 du CCP pour les marchés publics, sa rédaction étant identique à celle de l’article L. 3123-1 du même code pour les contrats de concession, et omettant de ce fait tout mécanisme d’auto‑apurement.

Il s’ensuit, conformément au principe de primauté du droit européen, que les acheteurs publics et les autorités concédantes sont, en théorie, tenues d’examiner les mesures correctrices présentées par les opérateurs économiques dans le cadre du mécanisme d’auto-apurement, même si le CCP n’en prévoit pas.

 

Article L. 2141-1 du CCP

« Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 225-4-1, 225-4-7, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 42124, 4215, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 4354, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d’un autre État membre de l’Union européenne.

« La condamnation définitive pour l’une de ces infractions ou pour recel d’une de ces infractions d’un membre de l’organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance ou d’une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d’une personne morale entraîne l’exclusion de la procédure de passation des marchés de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions.

« Sauf lorsque la peine d’exclusion des marchés a été prononcée pour une durée différente par une décision de justice définitive, l’exclusion de la procédure de passation des marchés au titre du présent article s’applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation. »

 

Article L. 3123-1 du CCP

« Sont exclues de la procédure de passation des contrats de concession les personnes qui ont fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions prévues aux articles 222-34 à 222-40, 313-1, 313-3, 314-1, 324-1, 324-5, 324-6, 421-1 à 421-2-4, 421-5, 432-10, 432-11, 432-12 à 432-16, 433-1, 433-2, 434-9, 434-9-1, 435-3, 4354, 435-9, 435-10, 441-1 à 441-7, 441-9, 445-1 à 445-2-1 ou 450-1 du code pénal, aux articles 1741 à 1743, 1746 ou 1747 du code général des impôts, et pour les contrats de concession qui ne sont pas des contrats de concession de défense ou de sécurité aux articles 225-4-1 et 225-4-7 du code pénal, ou pour recel de telles infractions, ainsi que pour les infractions équivalentes prévues par la législation d’un autre État membre de l’Union européenne.

« La condamnation définitive pour l’une de ces infractions ou pour recel d’une de ces infractions d’un membre de l’organe de gestion, d’administration, de direction ou de surveillance ou d’une personne physique qui détient un pouvoir de représentation, de décision ou de contrôle d’une personne morale entraîne l’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession de cette personne morale, tant que cette personne physique exerce ces fonctions.

« L’exclusion de la procédure de passation des contrats de concession au titre du présent article s’applique pour une durée de cinq ans à compter du prononcé de la condamnation. »

 

II.   Le dispositif proposÉ : une extension du mécanisme d’auto-apurement et des cas de dispense d’exclusion des marchÉs publics et contrats de concession

Le présent article étend aux faits graves (mentionnés aux articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du CCP) les exceptions à l’exclusion automatique des marchés publics et contrats de concessions prévues pour les faits les moins graves (mentionnés aux articles L. 2141-4 et L. 3123-4 du CCP).

Dans son avis, le Conseil d’État a estimé que « les dispositions proposées sont de nature à mettre le droit de la commande publique en conformité, sur cette question, avec les exigences des directives 2014/23/UE et 2014/24/UE du 26 février 2014 relatives respectivement à l’attribution de contrats de concession et à la passation des marchés publics ». Il en a conclu que ces dispositions n’appelaient aucune observation de sa part.

L’étude d’impact mentionne également que le Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) s’est prononcé favorablement dans un avis du 3 novembre 2022.

A.   Une extension du mÉcanisme d’auto-apurement prÉvu par les directives marchÉs publics et concessions

Le présent article étend aux faits graves le mécanisme d’auto-apurement prévu pour les faits les moins graves. Il corrige ainsi un défaut de transposition des directives européennes précitées, en permettant à un opérateur économique qui a adopté des mesures correctrices d’échapper aux interdictions de soumissionner en cas de condamnation définitive.

Pour ce faire, il complète les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du CCP par l’insertion d’un nouvel alinéa, dont la rédaction est identique à celle qui a été retenue aux articles L. 2141-4 et L. 3123-4 pour les faits les moins graves.

Ainsi, l’alinéa ajouté prévoit que :

« Cette exclusion n’est pas applicable à la personne qui établit qu’elle n’a pas fait l’objet d’une peine d’exclusion des marchés publics inscrite au bulletin n° 2 du casier judiciaire en application de l’article 775‑1 du code de procédure pénale, qu’elle a régularisé sa situation, qu’elle a réglé l’ensemble des amendes et indemnités dues, qu’elle a collaboré activement avec les autorités chargées de l’enquête et qu’elle a pris des mesures concrètes de nature à prévenir la commission d’une nouvelle infraction pénale ».

Autrement dit, et conformément aux deux directives précitées, l’auto‑apurement est subordonné :

– à l’absence de condamnation à la peine complémentaire d’exclusion des marchés publics ; ce faisant, le dispositif proposé respecte le principe de séparation des pouvoirs, puisque le mécanisme d’auto-apurement demeure impossible à mettre en œuvre si le pouvoir judiciaire a prononcé une sanction pénale d’exclusion des marchés publics ;

– et à la mise en œuvre de mesures correctrices cumulatives (régularisation de la situation, règlement des amendes et indemnités dues, collaboration active avec les enquêteurs, et mesures concrètes de nature à éviter la réitération des faits).

Comme indiqué dans l’étude d’impact :

« Un acheteur ou une autorité concédante, qui constate qu’un opérateur économique présentant une candidature à une procédure d’attribution d’un marché public ou d’un contrat de concession a fait l’objet d’une condamnation définitive pour l’une des infractions mentionnées aux articles L. 2141-1 ou L. 3123-1 du CCP, devra, avant d’exclure cet opérateur économique de la procédure, lui permettre d’apporter des preuves permettant d’attester que les mesures qu’il a prises suffisent à démontrer sa fiabilité malgré cette condamnation ».

De ce fait, le dispositif proposé est susceptible d’avoir un impact, en termes de charge administrative, sur les collectivités territoriales et les services de l’État. Cependant, la contrainte devrait être modérée. Selon les indications de l’étude d’impact, la mesure ne concernerait que « très peu de procédures », car elle est « limitée aux rares cas dans lesquels un candidat aurait été condamné pour des faits graves ».

En pratique, en cas de condamnation pour l’un des faits graves précités, l’autorité administrative devra prendre une décision pour apprécier si les mesures correctrices sont suffisantes. Au cours des auditions de votre Rapporteure, des précisions ont été apportées par la direction des affaires juridiques (DAJ) relevant du ministère de l’économie et des finances sur le régime juridique de cette décision. Dans certains cas, cette décision nécessitera une nouvelle réunion de la commission d’appel d’offre. Des recours seront possibles et seront ouverts tant à l’opérateur économique, si les mesures correctrices qu’il a présentées sont jugées insuffisantes, qu’aux tiers non retenus à l’issue de la procédure, si les mesures correctrices présentées par leurs concurrents ont été jugées, à l’inverse, suffisantes.

B.   Une extension de la dispense d’exclusion des marchÉs publics et contrats de concession en cas de condamnation À du sursis, d’ajournement ou dE relÈvement de la peine

Le présent article étend aux faits graves la dispense d’exclusion prévue pour les faits les moins graves en cas de condamnation à du sursis, d’ajournement ou de relèvement de la peine.

Pour ce faire, il complète les articles L. 2141-1 et L. 3123-1 du CCP par l’insertion d’un second alinéa, dont la rédaction est identique à celle qui a été retenue aux articles L. 2141-4 et L. 3123-4 pour les faits les moins graves.

Le second alinéa ajouté par le présent article prévoit que :

« Cette exclusion n’est pas non plus applicable en cas d’obtention d’un sursis en application des articles 132‑31 ou 132‑32 du code pénal, d’un ajournement du prononcé de la peine en application des articles 132‑58 à 132‑62 du code pénal ou d’un relèvement de peine en application de l’article 132‑21 du code pénal ou des articles 702‑1 ou 703 du code de procédure pénale ».

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article modifié par un amendement, présenté par le rapporteur pour avis, qui a été adopté lors de l’examen du texte en commission. Le Gouvernement a tenté, lors de l’examen du texte en séance, de revenir sur cette modification en présentant un amendement concurrent, mais celui-ci a été rejeté.

La modification opérée par le Sénat a consisté à ajouter, dans les deux articles du CCP concernés, le principe selon lequel les mesures correctrices prises par l’opérateur économique doivent faire l’objet d’une évaluation qui tient compte « de la gravité de l’infraction commise ». Cette évaluation incombe à l’acheteur public ou l’autorité concédante.

Ce faisant, le Sénat a entendu encadrer davantage le mécanisme d’auto-apurement issu du dispositif proposé par le Gouvernement.

L’objectif recherché par le Sénat est de maintenir le caractère dissuasif du principe d’exclusion pour faits graves des procédures de passation des marchés publics et des contrats de concession.

Dans l’exposé sommaire de l’amendement adopté en commission, le rapporteur pour avis a fait valoir, au soutien de sa position, que les directives conditionnaient le mécanisme d’auto-apurement à une évaluation en fonction de la gravité de l’infraction pénale ou de la faute commise. Selon le rapporteur pour avis, il résulte des termes des deux directives que cette évaluation, qui doit porter sur les « mesures concrètes » de nature à « prévenir » la réitération des faits, peut aboutir au constat de l’insuffisance de ces mesures, à condition que celui-ci soit motivé et que la décision afférente soit transmise à l’opérateur économique concerné.

Lors de l’examen du projet de loi en séance, le Gouvernement a présenté un amendement concurrent, dont l’exposé sommaire mentionnait que l’ajout du Sénat « n’apparaît pas nécessaire et emporterait plusieurs difficultés juridiques ».

En premier lieu, le Gouvernement a souligné, dans l’exposé sommaire de son amendement, que l’évaluation des mesures correctrices prises par l’opérateur économique était implicite dans le dispositif qu’il a proposé. Selon le Gouvernement, « les acheteurs et les autorités concédantes, lorsqu’ils apprécient si les preuves apportées par le candidat se prévalant du dispositif de l’« autoapurement » sont suffisantes, doivent le faire au regard tant de la gravité de l’infraction ou de la faute que des circonstances de leur commission ».

En second lieu, le Gouvernement a souligné, lors des débats en séance, le caractère incomplet du mécanisme d’évaluation voulu par le Sénat, en ce qu’il porte uniquement sur la gravité de l’infraction ou de la faute commise, sans prendre en compte les circonstances particulières de la commission des faits.

Or, l’article 38, paragraphe 9, alinéa 2 de la « directive concessions » et l’article 57, paragraphe 6, alinéa 3 de la « directive marchés publics » prévoient que les « circonstances particulières » d’une telle infraction ou faute commise par l’opérateur économique doivent aussi être examinées.

 

IV.   Les modifications apportÉes par la commission

La Commission a adopté cet article modifié par un amendement présenté par la rapporteure, qui a complété l’apport du Sénat en prévoyant que l’évaluation des mesures correctrices devait aussi prendre en compte les « circonstances particulières » de l’infraction commise.

Ce même amendement a procédé à diverses corrections légistiques pour améliorer la lisibilité des dispositions relatives au mécanisme d’auto-apurement dans le code de la commande publique.

 

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Chapitre IV
Dispositions relatives à l’accessibilité des produis et services

Article 12
Transposition de la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 12 transpose la directive (UE) 2019/882 du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services. Si le texte initial prévoyait une transposition par voie d’ordonnance, l’article procède désormais directement aux modifications nécessaires des codes et lois dont relèvent les nouvelles exigences en matière d’accessibilité.

I.   L’extension des exigences en matière d’accessibilité prévues par le droit français et européen

A.   Les garanties d’accessibilité prévues par le droit en vigueur se limitent à une partie des services de communication au public en ligne

1.   Un champ restreint des obligations en matière d’accessibilité

a.   Une exigence d’accessibilité qui s’impose aux services publics et aux grandes entreprises

● L’article 47 de la loi du 11 février 2005 ([184]) impose à certains services de communication au public en ligne d’être accessibles aux personnes handicapées. Cette exigence s’applique à « l’accès à tout type d’information sous forme numérique, quels que soient le moyen d’accès, les contenus et le mode de consultation, en particulier les sites internet, intranet, extranet, les applications mobiles, les progiciels et le mobilier urbain numérique » ([185]).

L’impératif d’accessibilité concernait, à l’origine, uniquement les services relevant directement de l’État, des collectivités et des établissements publics qui en dépendent.

● La loi du 7 octobre 2016 ([186]) a étendu cette obligation :

1° Aux organismes délégataires d’une mission de service public ;

2° Aux entreprises dont le chiffre d’affaires excède un seuil défini par décret en Conseil d’État, actuellement fixé à 250 millions d’euros ([187]).

● La loi du 5 septembre 2018 ([188]) a complété l’article 47 de la loi du 11 février 2005, conformément à la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 ([189]), afin d’en étendre le champ d’application à l’ensemble des organismes du secteur public, soit :

1° Les personnes morales de droit public ;

2° Les personnes de droit privé créées pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial et soit financées majoritairement par une ou plusieurs personnes morales de droit public ou de droit privé créés pour satisfaire spécifiquement un même besoin d’intérêt général, soit dont la gestion est soumise à leur contrôle ou bien dans la mesure où plus de la moitié des membres de l’organe d’administration, de direction ou de surveillance sont désignés par celles‑ci ;

3° Les personnes morales de droit privé constituées par une ou plusieurs des personnes mentionnées aux 1° et 2° pour satisfaire spécifiquement des besoins d’intérêt général ayant un caractère autre qu’industriel ou commercial.

● Toutefois, afin de garantir la soutenabilité économique de la conformité aux exigences d’accessibilité, celle‑ci ne doit pas constituer « une charge disproportionnée pour l’organisme concerné » ([190]), c’est‑à‑dire lorsque la taille, les ressources et la nature de l’organisme concerné ne lui permettent pas de l’assurer et si l’estimation des avantages attendus pour les personnes handicapées de la mise en accessibilité est trop faible au regard de l’estimation des coûts pour l’organisme concerné ([191]).

b.   Les principes de l’accessibilité

L’accessibilité des services de communication au public en ligne est appréciée au regard du référentiel général d’amélioration de l’accessibilité (RGAA) arrêté conjointement par le ministre chargé des personnes handicapées et le ministre chargé du numérique, dans sa dernière version en 2019 ([192]). Il comprend 106 critères de contrôle pour tester l’accessibilité d’un site internet.

Le référentiel reprend les quatre principes de l’accessibilité prévus par la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 ([193]).

Les quatre principes de l’accessibilité

– la perceptibilité : les informations et composants des interfaces doivent être présentés aux utilisateurs de manière qu’ils les perçoivent. Cela peut être mis en œuvre par des équivalents textuels à tout contenu non textuel ou la création d’un contenu qui puisse être présenté de différentes manières sans perte d’information ni de structure ;

– l’opérabilité : les composants des interfaces et la navigation doivent pouvoir être utilisés. Cela peut être mis en œuvre par des outils d’orientation pour naviguer et trouver du contenu, l’instauration de fonctionnalités accessibles au clavier ou la mise en place d’un délai suffisant pour lire et utiliser le contenu ;

– la compréhensibilité : les informations et l’utilisation des interfaces doivent être compréhensibles, grâce à un fonctionnement prévisible ou à l’assistance à la correction d’erreurs de saisie des utilisateurs ;

– la solidité : le contenu doit pouvoir être interprété de manière fiable par une grande diversité d’agents utilisateurs, y compris des technologies d’assistance.

Le respect de ces principes s’impose à l’ensemble des États membres de l’Union européenne et sont traduits en critères de succès vérifiables au travers de la norme EN 301 549 v3.2.1 (2021-03).

2.   Le contrôle du respect des exigences et les sanctions

● À compter de la loi du 7 octobre 2016, les personnes morales et entreprises soumises aux exigences d’accessibilité doivent faire mention, sur leur page d’accueil, de leur conformité aux règles relatives à l’accessibilité ([194]).

Elles doivent également élaborer un schéma pluriannuel de mise en accessibilité de leurs services de communication au public en ligne d’une durée de trois ans, décliné en plans d’actions annuels, et y donner accès aisément ([195]).

● Une sanction a, en outre, été prévue à l’article 47 de la loi du 11 février 2005 afin de s’assurer du respect de ces obligations. Le défaut de mise en conformité d’un service de communication au public en ligne avec cette double exigence de publicité fait ainsi l’objet d’une sanction administrative d’un montant fixé par décret ne pouvant excéder 25 000 euros ([196]), établi actuellement à 2 000 euros pour les communes de moins de 5 000 habitants et à 20 000 euros pour les personnes morales ou les entreprises ([197]).

Le ministre chargé des personnes handicapées est chargé, au travers de la direction générale de la cohésion sociale, du contrôle de la conformité des sites internet ainsi que de prononcer les éventuelles sanctions.

3.   Des dispositions spécifiques quant à l’accès aux services d’accueil téléphoniques

La loi du 7 octobre 2016 a introduit des obligations d’accessibilité spécifiques aux communications téléphoniques ([198]).

D’une part, elle prévoit que l’exploitation des réseaux ouverts au public et la fourniture au public de services de communications électroniques soient conditionnée à la fourniture d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle pour les appels passés et reçus à destination des personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques ([199]).

D’autre part, les numéros d’appel destinés soit à recevoir les appels des usagers de services publics ([200]), soit, s’agissant d’entreprises dont le chiffre d’affaires est supérieur à un seuil défini par décret ([201]), à recueillir l’appel d’un consommateur en vue d’obtenir la bonne exécution d’un contrat conclu avec un professionnel ou le traitement d’une réclamation ([202]) doivent être accessibles aux personnes sourdes, malentendantes, sourdaveugles et aphasiques.

B.   Les nouvelles obligations portées par la directive (UE) 2019/882 du 17 avril 2019 relative aux exigences en matière d’accessibilité applicables aux produits et services

1.   Un champ d’application élargi à de nombreux produits et services

La directive UE 2019/882 du 17 avril 2019 vise à harmoniser les dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en ce qui concerne les exigences en matière d’accessibilité de certains produits et services afin de garantir la libre circulation de ceux‑ci.

Elle reprend les principes d’accessibilité définis par la directive (UE) 2016/2102 du 26 octobre 2016 et élargit le champ des obligations actuelles, issues du droit national comme du droit européen, à un ensemble de produits et de services, quels que soient les organismes ou les entreprises qui les portent.

Les nouvelles exigences de la directive sont applicables aux produits mis sur le marché et aux services fournis après le 28 juin 2025.

Champ d’application de la directive (UE) 2019/882

Produits

Services

● Systèmes informatiques matériels à usage général du grand public et systèmes d’exploitation relatifs à ces systèmes matériels ;

● Terminaux de paiements en libre‑service ;

● Terminaux en libre-service notamment : guichets de banque automatiques, distributeurs de titres de transport, bornes d’enregistrement automatiques ;

● Terminaux en libre‑service interactifs ;

● Liseuses numériques.

● Services de communications électroniques et fournissant un accès à des services de médias audiovisuels et à des livres numériques ;

● Plusieurs éléments de certains services de transport aérien, ferroviaire, par voie de navigation intérieure et par autobus : sites internet, services intégrés sur appareils mobiles, billets et billetterie électroniques, fourniture d’information sur les services de transport, terminaux en libre-service ;

● Services bancaires aux consommateurs ;

● Commerce électronique ;

● Logiciels spécialisés ;

● Réception des communications d’urgence dirigées vers le numéro d’urgence unique européen « 112 ».

Source : commission des affaires sociales d’après l’article 2 de la directive (UE) 2019/882 du 17 avril 2019.

Alors que les règles actuelles limitent l’application des exigences d’accessibilité aux seuls services de communication au public en ligne du secteur public et des entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel de plus de 250 millions d’euros, les nouvelles exigences s’appliqueront à des organismes et des entreprises relevant du secteur public comme du secteur privé.

2.   Des mesures transitoires et une garantie de soutenabilité dans la mise en œuvre de la directive

a.   Une période transitoire pour la fourniture de services au moyen de produits utilisés légalement avant l’entrée en vigueur du dispositif

● Afin de permettre une mise en œuvre progressive des nouvelles exigences d’accessibilité, l’article 32 de la directive UE 2019/882 du 17 avril 2019 prévoit plusieurs mécanismes transitoires pour la fourniture de services.

D’une part, une période de cinq ans s’ouvre, à compter du 28 juin 2025, durant laquelle la fourniture de services peut être effectuée en utilisant des produits utilisés légalement à des fins de fourniture de services similaires avant cette date. De même, les contrats de services conclus avant le 28 juin 2025 continuent de courir jusqu’à leur expiration, dans une limite de cinq années à compter de cette date.

● S’agissant de services fournis au moyen de terminaux en libre‑service, ils peuvent continuer à l’être jusqu’à la fin de leur durée de vie économiquement utile dès lors qu’ils étaient utilisés légalement par les prestataires de services avant le 28 juin 2025. La durée de vie économiquement utile ne peut toutefois excéder vingt ans après la mise en service des terminaux.

3.   Une garantie de soutenabilité économique pour les opérateurs et des dérogations

● L’article 14 de la directive UE 2019/882 du 17 avril 2019 prévoit que les nouvelles exigences en matière d’accessibilité doivent s’appliquer dans la mesure où la conformité :

1° N’exige pas de modification significative d’un produit ou d’un service qui entraîne une modification fondamentale de la nature de celui-ci ;

2° N’entraîne pas l’imposition d’une charge disproportionnée aux opérateurs économiques concernés.

Cette double exception vise à garantir une mise en accessibilité compatible avec les impératifs des opérateurs économiques. Ceux‑ci doivent cependant effectuer une évaluation des effets de la conformité aux exigences en matière d’accessibilité assortie de preuves qui peuvent faire l’objet d’une vérification. L’annexe VI de la directive (UE) 2019/882 du 17 avril 2019 détaille les critères pouvant être mobilisés pour procéder à l’évaluation de la charge disproportionnée.

● Par dérogation, les microentreprises ([203]) qui proposent des services sont exonérées de l’obligation de conformité aux exigences en matière d’accessibilité ([204]). Elles sont, en outre, exonérées d’assortir leur évaluation des effets de la conformité des preuves à l’appui.

II.   Le dispositif proposé : autoriser le gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en conformité le droit français aux exigences de la directive (UE) 2019/882

A.   La nécessité de procéder à de nombreuses adaptations de la législation française

Compte tenu de l’élargissement du champ des obligations d’accessibilité, il apparaît nécessaire de procéder à la modification des différents codes et lois dans lesquels figurent les exigences actuelles.

Selon l’étude d’impact du projet de loi, « la transposition de la directive trouvera potentiellement sa place au sein du chapitre II du titre I du livre IV du code de la consommation portant sur la conformité et sécurité des produits et services par la création d’une section dédiée à l’accessibilité (section 3), ainsi que dans la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l’égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées » ([205]). Des modifications du code monétaire et financier seront également nécessaires pour adapter les exigences en matière de services de paiement, de services liés à un compte de paiement, de monnaie électronique ou de services d’investissement.

S’agissant de la question des livres numériques, les règles spécifiques qui les concernent ne figureront pas dans le code de la consommation, dans la mesure où il ne s’agit pas seulement d’un bien de consommation mais également d’un bien culturel. Elles trouveront également leur place dans la loi du 11 février 2005.

Enfin, la directive prévoit qu’un régime de sanctions soit instauré afin d’assurer la mise en œuvre des nouvelles exigences d’accessibilité. Le régime de contrôle ainsi que l’autorité qui en a la charge devra donc être précisé dans la loi.

Le Conseil national consultatif des personnes handicapées, auditionné par la rapporteure, insiste sur l’importance de mettre en œuvre un véritable contrôle assorti de moyens humains capables de vérifier la réalité de l’accessibilité des produits et services concernés.

B.   Un impact financier qui justifie des mesures transitoires

L’étude d’impact du projet de loi fournit des éléments quant aux effets financiers de la transposition de la directive UE 2019/882 du 17 avril 2019 et justifie certaines des mesures transitoires qui devront être prises pour accompagner les acteurs économiques.

● Dans le secteur des livres numériques, l’investissement lié aux nouvelles exigences d’accessibilité représente un surcoût annuel, à compter du 28 juin 2005, de 2,4 à 5,5 millions d’euros. La mise en conformité du stock représente, pour sa part, un investissement de 49 à 98 millions d’euros pour l’ensemble des livres publiés jusqu’à cette date ([206]).

● Dans le secteur bancaire, la mise en accessibilité des différents équipements constitue un enjeu financier important.

D’une part, les près de 74 000 distributeurs automatiques de billets déployés en métropole doivent faire l’objet d’une mise en conformité. Afin de préserver le maillage territorial très dense dont bénéficie la France, l’étude d’impact semble privilégier une adaptation progressive du parc de distributeurs. Ceux‑ci ayant un cycle de vie d’environ quinze ans, et le taux de renouvellement du parc étant de 10 % chaque année, une période transitoire devrait être prévue dans la limite du maximum de vingt ans autorisé par la directive ([207]).

D’autre part, les près de 1,2 million de terminaux de paiements utilisés dans le commerce indépendant et 470 000 utilisés dans le commerce organisé ainsi que les 124 000 terminaux destinés au paiement sur automates peuvent faire l’objet d’une mise en conformité sur une période plus restreinte mais pour un coût qui demeure important pour les acteurs concernés ([208]).

● Enfin, dans le secteur des transports, les près de 8 750 bornes de vente de titres, dont le coût moyen unitaire est de 20 000 à 30 000 euros, doivent également faire l’objet d’un remplacement progressif s’agissant d’appareils dont la durée de vie est, normalement, comprise entre vingt et trente ans.

C.   Le choix d’une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance

Le choix du recours à une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance d’une durée de six mois figurant au I du présent article est justifié par le Gouvernement par :

– le caractère technique des exigences portées par la directive ;

– la nécessité d’assurer la mise en place d’un cadre juridique le plus uniforme possible pour le régime des produits, d’une part, et pour le régime des services, d’autre part, en veillant tout particulièrement à résorber les éventuels décalages ou incohérences ([209]).

Les nouvelles dispositions devraient conduire à modifier un certain nombre de textes parmi lesquels le code de la consommation, le code monétaire et financier, le code des postes et des communications électroniques, le code des transports, la loi du 11 février 2005 et la loi du 30 septembre 1986 ([210]).

Le du I prévoit en outre des mesures pour rendre applicables les nouvelles exigences d’accessibilité à la Nouvelle‑Calédonie, la Polynésie française, les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, et adapter ces dispositions en ce qui concerne Saint‑Barthélemy, Saint‑Martin et Saint‑Pierre‑et‑Miquelon.

Le II prévoit que le projet de loi de ratification soit déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   Les modifications apportées par le Sénat

À l’initiative de Mme Frédérique Puissat et plusieurs de ses collègues du groupe Les Républicains, le Sénat a adopté un amendement en séance publique, contre l’avis du Gouvernement et avec un avis favorable de la commission, complétant le  du présent article afin de garantir que la transposition de la directive par voie d’ordonnance assurera une « répartition territoriale équilibrée dans l’accès [aux] produits et services » concernés ([211]).

IV.   Les modifications apportées par la commission

● À l’initiative du Gouvernement, la commission a adopté un amendement de rédaction globale du présent article visant à transposer directement la directive UE 2019/882 du 17 avril 2019 ([212]). Outre cinq sous‑amendements rédactionnels de la rapporteure ([213]), la commission a également adopté un sous‑amendement de Mme Astrid Panosyan‑Bouvet (groupe Renaissance) et plusieurs de ses collègues visant à préciser que le régime des sanctions sera renforcé notamment en ce qui concerne le respect des obligations actuelles d’accessibilité ([214]).

● Les I et II, qui portaient initialement l’habilitation à transposer la directive par voie d’ordonnance, ont été supprimés.

● Le III modifie le code de la consommation pour y inscrire les obligations en matière d’accessibilité des produits et services au sein d’un nouvel article L. 412‑13 figurant dans la section 3 du chapitre II du titre Ier du livre IV. Celui‑ci prévoit que les opérateurs économiques mettent sur le marché des produits et fournissent des services conformes aux exigences en matière d’accessibilité dont le contenu est arrêté conjointement par les ministres chargés de l’économie et des personnes handicapées. Les produits et services concernés, détaillés supra, figureront dans une liste fixée par décret tout comme les obligations des opérateurs.

Les très petites entreprises fournissant des services sont exemptées de se conformer aux nouvelles exigences ([215]).

L’article prévoit également, conformément à la directive, que les exigences en matières d’accessibilité s’appliquent uniquement dans la mesure où la conformité :

– n’exige pas de modification significative d’un produit ou d’un service qui entraîne une modification fondamentale de la nature de celui-ci et ;

– n’entraîne pas l’imposition d’une charge disproportionnée aux opérateurs économiques concernés ([216]).

Les conditions d’application de cette exemption sont définies par décret. Toutefois, lorsque l’opérateur économique bénéficie d’un financement en vue d’améliorer l’accessibilité d’un produit ou service, il ne peut, par la suite, demander à être exempté de la mise en conformité de ce produit ou ce service.

Le III introduit également un article L. 511‑25‑1 prévoyant un régime de contrôle des nouvelles obligations par les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes ainsi que, s’agissant de services relevant de secteurs spécifiques (communications électroniques, médias audiovisuels, banque), par les autorités compétentes dans la régulation de ces secteurs.

Enfin, les nouveaux articles L. 312-95 et L. 314‑32 viennent étendre les obligations d’accessibilité aux prêteurs dans le cadre des crédits à la consommation ou immobiliers.

● Le IV modifie l’article 47 de la loi du 11 février 2005 afin de clarifier son périmètre d’application au regard des nouvelles exigences en matière d’accessibilité portées par la transposition de la directive UE 2019/882 du 17 avril 2019.

Il rétablit également l’article 48 de la même loi pour y inscrire l’obligation de respect des exigences en matière d’accessibilité des livres numériques ([217]) et des logiciels spécialisé pour l’accès à ceux‑ci, dont le contenu est arrêté conjointement par les ministres chargés de la culture et des personnes handicapées.

Une exemption est à nouveau prévue, dans les mêmes conditions que celles prévues au I, d’une part, pour les très petites entreprises fournissant ces services et, d’autre part, lorsque la mise en conformité entraine une modification fondamentale de ceux‑ci et une charge disproportionnée pesant sur les opérateurs concernés.

L’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique est chargée du contrôle du respect des exigences en matière d’accessibilité, du suivi des plaintes ainsi que des mesures correctives nécessaires.

● Le V prévoit, notamment, d’inscrire dans un nouvel article L. 311‑14, figurant dans une section 6 du chapitre Ier du titre Ier du livre III du code monétaire et financier, les obligations en matière d’accessibilité liées à différents services et opérations bancaires.

● Le VI complète l’article L. 1112‑1 du code des transports afin de garantir l’accessibilité des services relevant de ce secteur qui sont compris dans la directive.

● Le VII inclut, au p de l’article L. 33‑1 du code des postes et des communications électroniques, la fourniture d’un service de traduction simultanée écrite et visuelle dans le champ des nouvelles exigences en matière d’accessibilité.

● Le VIII permet une meilleure prise en compte de l’aphasie dans les services de communications électroniques visant à rendre accessible la communication, notamment téléphonique, avec le service ou l’organisme concerné.

● Le IX autorise le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance, dans un délai de six mois, afin de renforcer, d’une part, le régime des sanctions des manquements aux obligations d’accessibilité des services de communication au public prévues actuellement à l’article 47 de la loi du 11 février 2005 et, d’autre part, l’accessibilité des services téléphoniques par la mise en place d’un régime de sanction ainsi que d’une solution d’accessibilité téléphonique universelle.

Le sous-amendement AS112, adopté par la commission à l’initiative de Mme Astrid Panosyan-Bouvet et plusieurs de ses collègues, garantit que le renforcement du régime de sanctions, au regard de l’article 47 de la loi du 11 février 2005, concernera bien, notamment, l’obligation d’accessibilité des services de communication au public.

● Enfin, le X fixe les délais dans lesquels les différentes obligations entreront en vigueur :

– les obligations relatives à la mise sur le marché des produits et la fourniture de services sont applicables à compter du 28 juin 2025 ;

– les prestataires de services peuvent, jusqu’au 28 juin 2030, continuer à fournir leurs services en faisant usage de produits légalement utilisés pour la fourniture de services similaires avant cette date ;

– les contrats de services conclus avant le 28 juin 2025 peuvent s’appliquer sans modification jusqu’à expiration, et au plus tard jusqu’au 28 juin 2030 ;

– les terminaux en libre-service utilisés légalement par les prestataires de services avant le 28 juin 2025 peuvent continuer à être utilisés pour fournir des services similaires jusqu’à la fin de leur durée de vie économiquement utile, cette période ne pouvant excéder quinze ans après leur mise en service ;

– la mise en conformité aux exigences spécifiques en matière d’accessibilité de la réception des communications d’urgence dirigées vers le numéro d’urgence unique européen « 112 » intervient au plus tard le 28 juin 2027.

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Chapitre V
Dispositions relatives aux activités bancaires

Article 13
Habilitation à prendre par voie d’ordonnance les mesures de transposition de la directive (UE) 2021/2167 du 24 novembre 2021 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire sur cet article.

Adopté par la commission avec modifications

L’article 13 a pour objet d’habiliter le Gouvernement à prendre par voie d’ordonnance les mesures législatives nécessaires à la mise en œuvre de la directive (UE) 2021/2167 sur les gestionnaires de crédits et les acheteurs de crédits ([218]).

I.   un cadre europÉen visant À faciliter la crÉation d’un marchÉ secondaire des crÉdits non performants

Afin de faciliter l’assainissement par les banques de leur bilan, l’Union européenne s’est dotée d’un cadre visant à permettre la création d’un marché secondaire des crédits non performants.

A.   les prÊts non-performants : une source de difficultÉs pour le systÈme bancaire

La réglementation bancaire européenne ([219]) qualifie de prêts non performants (PNP) les prêts autres que ceux détenus à des fins de transaction, remplissant au moins l’un des critères suivants :

– prêts importants présentant un arriéré supérieur à 90 jours ;

– prêts dont le débiteur est considéré comme probablement incapable de s’acquitter intégralement de ses obligations de crédit sauf recours à la réalisation de la garantie, indépendamment de l’existence d’un montant en souffrance ou du nombre de jours d’arriéré.

La présence au bilan d’une banque d’un encours important de prêts non performants est susceptible de nuire à sa solvabilité et sa notation, en même temps qu’elle dégrade sa rentabilité en rognant les marges qu’elle dégage sur son activité d’octroi de crédit. Il convient en outre de noter que le poids des PNP dans le bilan des banques de certains pays entrave la pleine réalisation d’une union bancaire. En effet, les risques qui pèsent sur celles-ci renforcent les réticences de certains États face à la perspective d’une mutualisation à l’échelle de la zone euro des garanties accordées aux épargnants pour leurs dépôts.

En 2017, le niveau élevé des stocks de PNP avait conduit la Banque centrale européenne à publier des lignes directrices ([220]) qui appellent les banques les plus touchées à mettre en œuvre des stratégies ambitieuses de réduction de leur niveau de PNP, des restructurations des créances, actions de recouvrement ou cession de portefeuilles étant envisageables, tandis que le Conseil européen adoptait un plan d’action. Celui-ci invitait notamment la Commission à mettre au point une approche européenne destinée à encourager le développement des marchés secondaires, afin de supprimer les obstacles au transfert de PNP par des établissements bancaires à d’autres entités, tout en préservant les droits des consommateurs, ainsi qu’à simplifier et harmoniser les exigences relatives à l’octroi des agréments en vue de la gestion des prêts par des tiers.

Ayant pour objet d’assurer l’application uniforme des normes mondiales (Bâle III) dans tous les États membres de l’Union européenne, le règlement (UE) 575/2013 précité exige des banques qu’elles conservent un capital suffisant, des passifs absorbant les pertes et des actifs liquides, afin d’assurer leur solidité financière. Il prévoit ainsi qu’elles doivent disposer d’un montant total de fonds propres correspondant à au moins 8 % de leurs actifs, mesurés en fonction de leurs risques – plus un établissement détient d’actifs à risques, plus ses fonds propres doivent être élevés. Le complétant en ce qui concerne la couverture minimale des pertes sur les expositions non performantes, le règlement modificatif (UE) 2019/630 ([221]) vise à éviter toute accumulation excessive de prêts non performants sans une couverture suffisante des pertes sur les bilans des banques, autrement dit à garantir qu’elles mettent de côté suffisamment de ressources propres lorsque de nouveaux prêts deviennent non performants. Ainsi établit-il un filet de sécurité de type prudentiel qui permet aux établissements de couvrir jusqu’à des niveaux minimaux communs les pertes subies et attendues sur les prêts nouvellement émis une fois que ces prêts deviennent non performants.

Il convient toutefois de noter la très nette diminution du niveau des PNP en Europe au cours des dernières années, sous le double effet d’une amélioration de la conjoncture économique et d’une gestion plus prudente d’un certain nombre de pays. Ainsi le pourcentage de PNP au sein des établissements « importants » directement supervisés par la Banque centrale européenne, est-il passé de 7,5 % au deuxième trimestre 2015 à 1,85 % au deuxième trimestre 2022. Des disparités nationales subsistent toutefois, le ratio moyen des PNP étant, à la même date, le plus élevé en Grèce (5,2 %) et à Chypre (4,2%), tandis qu’il est particulièrement faible dans les États baltes (0,7 % en Lituanie, 0,8 % en Estonie et 0,9 % en Lettonie), la France se situe au niveau de la moyenne de la zone euro (1,84 %).

Les critères d’une exposition non performante

Le règlement (UE) 2019/630 définit comme non performantes les expositions suivantes :

– une exposition pour laquelle il est jugé y avoir eu défaut ([222]) ;

– une exposition considérée comme dépréciée conformément au référentiel comptable applicable ;

– une exposition sous la forme d’un engagement qui, s’il était prélevé ou utilisé autrement, ne serait probablement pas remboursé intégralement sans la réalisation de la sûreté ;

– une exposition sous la forme d’une garantie financière qui serait probablement appelée par le bénéficiaire de la garantie, y compris lorsque l’exposition garantie sous-jacente remplit les critères pour être considérée comme non performante.

B.   une directive visant À faciliter la cession et la dÉlÉgation de gestion des PNP

Modifiant les directives 2008/48/CE du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs ([223]) et 2014/17/UE du 4 février 2014 sur les contrats de crédit aux consommateurs relatifs aux biens immobiliers à usage résidentiel ([224]), la directive (UE) 2021/2167 précitée vise à favoriser le développement d’un marché secondaire des PNP à l’échelle l’Union européenne. L’absence d’un tel marché – compte tenu de la disparité des cadres réglementaires nationaux – entravant la réduction des stocks de PNP des banques européennes, l’objet de la directive est d’harmoniser les règles qui sont applicables aux gestionnaires et acheteurs de PNP, tout en veillant à ce que la vente de ces prêts ne porte pas atteinte aux droits des emprunteurs.

Aux termes de la directive, les gestionnaires de crédits non performants devront obtenir un agrément de l’autorité nationale compétente dont la délivrance sera soumise au respect de certaines conditions, parmi lesquelles :

– être une personne morale et avoir son siège social dans l’État membre où l’agrément est demandé ;

– démontrer que les membres de leurs organes de direction ou d’administration jouissent d’une bonne réputation, ont un casier judiciaire vierge, n’ont pas été déclarés en faillite et possèdent les connaissances et l’expérience requises pour agir de manière compétente et responsable ;

– disposer d’une gouvernance solide et des contrôles internes adéquats ;

– suivre des règles pour la protection et le traitement équitable et diligent des emprunteurs et pour l’enregistrement et le traitement gratuit de leurs plaintes ;

– appliquer des procédures adéquates de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme ;

– être soumis aux exigences nationales en matière d’information et de publication d’informations.

Les autorités nationales compétentes devront :

– appliquer une procédure d’agrément pour les gestionnaires de crédits en exigeant qu’ils prouvent qu’ils remplissent l’ensemble des conditions ;

– décider dans un délai de 90 jours d’accorder ou de refuser l’agrément ;

– être dotées des pouvoirs de surveillance, d’enquête et de sanction et pouvoir, dans certaines circonstances, retirer un agrément ;

– tenir un registre en ligne accessible au public de tous les gestionnaires de crédits ;

– autoriser, sous certaines conditions, les gestionnaires de crédits agréés dans un État membre à exercer ailleurs dans l’Union européenne.

Pour leur part, les établissements de crédit devront fournir aux acheteurs potentiels de PNP des informations sur les droits du créancier afin qu’ils puissent eux-mêmes évaluer la probabilité de recouvrer le prêt en cours et fournir deux fois par an à leurs autorités nationales certaines informations, tels les coordonnées des acheteurs de crédits et l’encours global des portefeuilles de crédit transférés. Les acheteurs de crédits qui transfèrent les droits d’un créancier devront en ce qui les concerne communiquer aux autorités compétentes les coordonnées du nouvel acheteur et des informations telles que l’encours global.

Les États membres doivent avoir transposé la directive au plus tard le 29 décembre 2023 et établir des sanctions administratives et des mesures correctives adéquates pour toute violation de la directive.

II.   Le droit proposÉ : une habilitation À lÉgiférer par voie d’ordonnance

Aux termes de l’article 13 du projet de loi, le Gouvernement sollicite une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance.

Le I de l’article a pour objet de conférer au Gouvernement cette habilitation, pour une durée de neuf mois à compter de la promulgation de la loi. Il serait autorisé à prendre par voie d’ordonnance les mesures, relevant du domaine de la loi, nécessaires :

– d’une part, pour transposer la directive (UE) 2021/2167 et prendre les mesures de coordination et d’adaptation nécessaires ;

– d’autre part, pour rendre applicables en Nouvelle-Calédonie, en Polynésie française et dans les îles Wallis et Futuna, avec les adaptations nécessaires, les dispositions résultant de l’ordonnance prise, pour celles qui relèvent de la compétence de l’État, et procéder, le cas échéant, aux adaptations nécessaires de ces dispositions en ce qui concerne les collectivités de Saint-Barthélemy, de Saint‑Martin et de Saint-Pierre-et-Miquelon.

Le II dispose qu’un projet de loi de ratification devra être déposé devant le Parlement dans un délai de trois mois à compter de la publication de l’ordonnance.

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   LES modifications apportÉes par la commission

Après avoir adopté un amendement rédactionnel de son rapporteur, la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, saisie pour avis s’est prononcée en faveur de l’adoption de l’article 13. Tant la technicité des dispositions devant être prises que la faible latitude laissée aux États membres dans la transposition de la directive justifient en effet le recours à la voie des ordonnances.

La commission des affaires sociales a adopté l’article 13 ainsi modifié.

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*     *


–– 1 ––

 

titre ii
dispositions d’adaptation
au droit de l’union européenne en matière sociale

Chapitre Ier
Équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants

Article 14
Transposition de la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et
abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 14 transpose la directive (UE) 2019/1158 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 concernant l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée des parents et des aidants et abrogeant la directive 2010/18/UE du Conseil.

À cet effet, il procède, dans le code du travail et le code de l’action sociale et des familles, aux aménagements nécessaires pour tenir pleinement compte des exigences du droit européen.

I.   la législation nationale répond déjà largement aux exigences du droit européen en matière de conciliation entre vie professionnelle et vie privée des travailleurs

La directive (UE) 2019/1158 ([225]), dont le présent article assure la transposition ([226]), fixe de nouvelles exigences minimales « pour parvenir à l’égalité entre les hommes et les femmes en ce qui concerne les opportunités sur le marché du travail et le traitement au travail, en facilitant la conciliation entre vie professionnelle et vie familiale pour les travailleurs qui sont parents ou les aidants » (article 1er).

A.   la recherche d’un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée, composante de la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes à l’échelle de l’union européenne

● L’article 3, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne charge cette dernière de promouvoir l’égalité entre les femmes et les hommes, la solidarité entre les générations et la protection des droits de l’enfant. L’article 23 de la charte des droits fondamentaux précise que l’égalité doit être assurée dans tous les domaines, y compris en matière d’emploi, de travail et de rémunération. L’égalité des sexes et l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée sont, de surcroît, deux des vingt principes du socle européen des droits sociaux, proclamé à Göteborg le 17 novembre 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission.

Égalité des sexes et équilibre entre vie professionnelle et vie privée :
deux des vingt principes du socle européen des droits sociaux

Principe n° 2 : égalité des sexes

L’égalité de traitement et l’égalité des chances entre les femmes et les hommes doivent être garanties et encouragées dans tous les domaines, y compris en ce qui concerne la participation au marché du travail, les conditions d’emploi et la progression de carrière.

Principe n° 9 : équilibre entre la vie professionnelle et la vie privée

Les parents et les personnes ayant des responsabilités familiales ont le droit de bénéficier de congés adaptés et de formules de travail flexibles, ainsi que d’avoir accès à des services de garde. Les femmes et les hommes doivent avoir accès à des congés spéciaux sur un pied d’égalité afin de s’acquitter de leurs responsabilités familiales, le recours équilibré à ces formules de congés devant être encouragé.

Plusieurs directives traitent de ces deux questions essentielles, en particulier les directives 2006/54/CE ([227]) et 2010/41/UE ([228]) du Parlement européen et du Conseil et les directives 92/85/CEE ([229]), 97/81/CE ([230]) et 2010/18/UE ([231]) du Conseil.

Il n’en demeure pas moins que la conciliation entre vie professionnelle et vie privée « reste un défi considérable à relever pour de nombreux parents et travailleurs qui ont des responsabilités familiales, notamment du fait de la plus grande prévalence d’horaires de travail prolongés et variables qui a des conséquences négatives sur l’emploi des femmes » ([232]). On le sait, la difficulté à trouver un équilibre entre obligations professionnelles et obligations familiales explique pour une large part leur sous‑représentation sur le marché du travail. On sait également l’« incidence négative sur l’emploi des femmes » ([233]) qu’entraîne la prise en charge d’un membre de la famille malade ou dépendant.

● À la veille de l’adoption de la directive (UE) 2019/1158, le cadre juridique européen contenait peu de dispositions tendant à favoriser le partage des responsabilités familiales à parts égales entre les femmes et les hommes. L’absence de congé de paternité et de congé parental rémunérés dans de nombreux États membres contribuait, du reste, à ce que peu de pères s’absentent du travail à l’occasion de la naissance de leurs enfants. Or, le fait qu’ils recourent aux dispositifs permettant de concilier vie professionnelle et vie privée génère un certain nombre d’effets positifs, entre réduction de la quantité relative de travail familial non rémunéré effectué par les femmes et augmentation du temps dont elles disposent pour l’exercice d’un emploi rémunéré.

Ce constat établi, la directive (UE) 2019/1158 fixe de nouvelles exigences minimales en matière de congé de paternité, de congé parental et de congé d’aidant, ainsi qu’en matière de formules souples de travail pour les travailleurs qui sont parents ou aidants.

En premier lieu, elle invite les pays membres à instituer un congé de paternité de dix jours ouvrables au profit des pères ou, le cas échéant, des « personnes reconnues comme seconds parents équivalents par la législation nationale » ([234]) (article 4, § 1), dans le but « d’encourager un partage plus égal des responsabilités familiales entre les femmes et les hommes et de faire en sorte qu’un lien entre les pères et les enfants se tisse tôt » ([235]). Le bénéficiaire du congé, pris « autour de la date de la naissance de l’enfant » ([236]), doit percevoir une rémunération ou une allocation d’un montant au moins équivalent à celui de l’indemnité qu’il percevrait en cas d’arrêt de travail pour raison de santé, dans la limite d’un éventuel plafond déterminé par la loi. L’octroi de la rémunération ou de l’allocation peut être subordonné à une exigence d’ancienneté insusceptible d’excéder six mois avant la date prévue de la naissance de l’enfant (article 8, § 2).

À l’heure actuelle, les États membres attribuent un congé de paternité d’une durée moyenne de vingt-trois jours mais les régimes mis en place se caractérisent par de grandes disparités ([237]). Au 1er juillet 2021, six pays accordaient encore un congé d’une durée inférieure à celle prescrite par la directive. Si, depuis cette date, l’Italie, la République tchèque et Malte ont mis leur législation en conformité avec le droit européen, tel n’était pas le cas, au moment du dépôt du présent projet de loi, de la Hongrie, des Pays-Bas ou de la Roumanie (cinq jours), même si l’évolution du cadre normatif est enclenchée dans ce dernier pays ([238]).

En deuxième lieu, elle reconnaît à chaque travailleur le droit de disposer d’un congé parental de quatre mois, qui doit être pris avant que l’enfant n’atteigne un âge qu’il revient à chaque État ou aux conventions collectives de définir et qui ne peut être supérieur à huit ans (article 5, § 1). Le bénéfice du congé peut être subordonné à une période de travail ou à une exigence d’ancienneté qui ne peut dépasser un an (article 5, § 4). La rémunération ou l’allocation versée au salarié est arrêtée par les partenaires sociaux ou par l’État (article 8, § 3). Par ailleurs, la directive porte la durée minimale du congé qui ne peut être transférée d’un parent à l’autre d’un à deux mois.

En troisième lieu, « [a]fin de donner aux hommes et aux femmes qui ont des responsabilités familiales davantage de possibilités de rester dans la population active » ([239]), la directive ouvre la voie à la création d’un congé d’aidant de cinq jours ouvrables par an pour l’ensemble des travailleurs (article 6, § 1), de sorte qu’ils soient en mesure d’« apporter des soins personnels ou une aide personnelle à un membre de la famille ou à une personne qui vit dans le même ménage […] et qui nécessite des soins ou une aide considérables pour raison médicale grave » (article 3, § 1 c)). Elle ne contient, en revanche, aucune précision sur l’octroi d’une rémunération ou allocation durant ce congé.

En quatrième lieu, la directive appelle les États membres à prendre les mesures nécessaires pour que les travailleurs qui sont parents et les aidants soient autorisés à :

– s’absenter du travail pour cause de force majeure « liée à des raisons familiales urgentes en cas de maladie ou d’accident » (article 7) ;

– demander des « formules souples de travail » pour s’occuper de leurs proches (article 9, § 1), « y compris, dans la mesure du possible, par le recours au travail à distance, à des horaires de travail souples ou à une réduction du temps de travail » ([240]).

La directive impose, au demeurant, que les droits acquis ou en cours d’acquisition à la date de début du congé de paternité, du congé parental et du congé d’aidant ainsi que de l’absence du travail pour raison de force majeure soient maintenus jusqu’à la fin dudit congé ou de ladite absence du travail (article 10, § 1). Elle ajoute que le travailleur a le droit de retrouver son emploi ou un poste de travail équivalent à des conditions qui ne lui soient pas moins favorables et de bénéficier de toute amélioration des conditions de travail à laquelle il aurait eu droit s’il ne s’était pas absenté pour l’un des motifs évoqués ci-dessus (article 10, § 2).

B.   en droit français, plusieurs dispositifs permettent aux parents et aux aidants d’allier activité professionnelle et responsabilités familiales

Le droit français comprend d’ores et déjà un certain nombre de dispositions favorisant la conciliation de la vie professionnelle et de la vie privée des salariés, ce thème relevant d’ailleurs du champ de la négociation collective à l’échelle de la branche mais aussi de l’entreprise.

Article L. 2241-1 du code du travail (extraits)

« Les organisations liées par une convention de branche ou, à défaut, par des accords professionnels se réunissent, au moins une fois tous les quatre ans pour les thèmes mentionnés aux 1° à 5° et au moins une fois tous les cinq ans pour les thèmes mentionnés aux 6° et 7°, pour négocier :

« 2° Sur les mesures tendant à assurer l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et sur les mesures de rattrapage tendant à remédier aux inégalités constatées ainsi que sur la mise à disposition d’outils aux entreprises pour prévenir et agir contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes ;

« 2° bis Sur les mesures destinées à faciliter la conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle des salariés proches aidants ; »

Article L. 2242-17 du code du travail (extraits)

« La négociation annuelle [en entreprise] sur l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie et des conditions de travail porte sur :

« 1° L’articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ;

« 2° Les objectifs et les mesures permettant d’atteindre l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d’accès à l’emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d’emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois. Cette négociation s’appuie sur les données mentionnées au 2° de l’article L. 2312-36. »

1.   Le congé de paternité et d’accueil de l’enfant

Depuis le 1er juillet 2021, le père salarié et, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité (PACS) bénéficient d’un congé de paternité et d’accueil de l’enfant de vingt-cinq jours calendaires ou de trente-deux jours calendaires en cas de naissances multiples (contre respectivement onze et dix-huit jours auparavant) ([241]).

Ce congé, au cours duquel le contrat de travail est suspendu, est composé d’une période de quatre jours calendaires consécutifs, qui font immédiatement suite au congé de naissance de trois jours ([242]), et d’une période de vingt et un jours calendaires, portée à vingt-huit jours calendaires en cas de naissances multiples.

Lorsque l’état de santé de l’enfant nécessite son hospitalisation immédiate après la naissance, la période de congé de quatre jours consécutifs est prolongée de droit, à la demande du salarié, pour une durée limitée à trente jours consécutifs ([243]).

Le salarié perçoit, pendant toute la durée du congé et, le cas échéant, pendant la période d’hospitalisation de l’enfant susmentionnée, des indemnités journalières versées par la sécurité sociale ([244]). Des dispositions collectives peuvent néanmoins prévoir des conditions d’indemnisation plus favorables.

Enfin, il doit retrouver, à l’issue du congé, son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ([245]).

2.   Le congé parental d’éducation

Le salarié qui justifie d’une ancienneté minimale d’une année à la date de naissance de son enfant, adopté ou confié en vue de son adoption, ou de l’arrivée au foyer d’un enfant qui n’a pas encore atteint l’âge de la fin de l’obligation scolaire, soit seize ans révolus, peut bénéficier, pendant la période qui suit l’expiration du congé de maternité ou d’adoption, d’un congé parental d’éducation, durant lequel le contrat de travail est suspendu, ou d’une réduction de sa durée de travail, sans que celle-ci puisse être inférieure à seize heures hebdomadaires ([246]).

Le congé parental d’éducation et la période d’activité à temps partiel ont une durée initiale d’un an au plus. Ils peuvent être renouvelés dans les conditions présentées ci-après ([247]).

DurÉe et date de fin du congÉ en fonction du nombre d’enfants nÉs

Nombre d’enfants nés simultanément

Durée maximale initiale du congé

Renouvellement du congé

Date de fin du congé (quelle que soit la date du début du congé)

1

1 an

Renouvelable 2 fois

Au plus tard le jour du 3e anniversaire de l’enfant

2

1 an

Renouvelable 2 fois

Au plus tard à la date d’entrée à l’école maternelle

3 ou plus

1 an

Renouvelable 5 fois

Au plus tard le jour du 6e anniversaire des enfants

Source : commission des affaires sociales.

DurÉe et date de fin du congÉ en fonction du nombre d’enfants adoptÉs

Nombre d’enfants de moins de 3 ans adoptés simultanément

Durée maximale initiale du congé

Renouvellement du congé

Date de fin du congé (quelle que soit la date du début du congé)

1

1 an

Renouvelable 2 fois

Au plus tard 3 ans après l’arrivée de l’enfant au foyer

2

1 an

Renouvelable 2 fois

Au plus tard 3 ans après l’arrivée des enfants au foyer

3 ou plus

1 an

Renouvelable 5 fois

Au plus tard le jour du 6e anniversaire des enfants

 

Nombre d’enfants de plus de 3 ans et de moins de 16 ans adoptés simultanément

Durée maximale initiale du congé

Renouvellement du congé

Date de fin du congé (quelle que soit la date du début du congé)

1 ou plus

1 an

Non

Au plus tard 1 an après l’arrivée de l’enfant ou des enfants au foyer

Source : commission des affaires sociales.

En cas de maladie, d’accident ou de handicap graves de l’enfant, ils peuvent être prolongés d’une année supplémentaire ([248]).

Le salarié en congé parental d’éducation ou en activité à temps partiel au sens de l’article L. 1225-47 du code du travail n’est pas rémunéré par son employeur pour la période non travaillée, sauf dispositions collectives contraires. En revanche, il peut percevoir une indemnisation, la prestation partagée d’éducation de l’enfant (PreParE), versée soit à taux plein s’il n’exerce plus d’activité professionnelle ou suit une formation professionnelle non rémunérée, soit à taux partiel s’il exerce une activité ou poursuit une formation professionnelle rémunérée, à temps partiel ([249]).

À l’issue du congé parental d’éducation ou de la période de travail à temps partiel, le salarié doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ([250]).

3.   Le congé d’aidant

En droit français, le congé d’aidant peut prendre trois formes.

a.   Le congé de présence parentale

Est éligible au congé de présence parentale le salarié dont l’enfant à charge ([251]) est atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident d’une particulière gravité rendant indispensables une présence soutenue et des soins contraignants ([252]). La durée du congé ne peut excéder trois cent dix jours ouvrés, soit quatorze mois, sur une période maximale de trois ans ([253]).

Le salarié n’est pas rémunéré par l’employeur mais il peut bénéficier de l’allocation journalière de présence parentale (AJPP) ([254]).

À l’issue du congé, il doit retrouver son précédent emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ([255]).

b.   Le congé de solidarité familiale

Est éligible au congé de solidarité familiale le salarié dont un ascendant, un descendant, un frère, une sœur ou une personne partageant le même domicile souffre d’une pathologie mettant en jeu le pronostic vital ou est en phase avancée ou terminale d’une affection grave et incurable ([256]). En principe, la durée du congé est définie par accord collectif ([257]) mais la loi prévoit qu’il ne peut durer plus de trois mois et qu’il peut être renouvelé une fois ([258]).

Le salarié n’est pas rémunéré par l’employeur mais il peut percevoir l’allocation journalière d’accompagnement d’une personne en fin de vie (AJAP) ([259]).

À l’issue du congé, il doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ([260]). Il conserve le bénéfice de tous les avantages acquis antérieurement ([261]).

c.   Le congé de proche aidant

Le salarié a droit à un congé de proche aidant lorsqu’un proche ou un membre de sa famille subit un handicap ou une perte d’autonomie ([262]), qu’il s’agisse :

– de son conjoint, son concubin ou son partenaire lié par un PACS ;

– d’un ascendant ou d’un descendant ;

– d’un enfant dont il assume la charge ([263]) ;

– d’un collatéral jusqu’au quatrième degré ;

– d’un ascendant, d’un descendant ou d’un collatéral jusqu’au quatrième degré de son conjoint, concubin ou partenaire lié par un PACS ;

– d’une personne âgée ou handicapée avec laquelle il réside ou avec laquelle il entretient des liens étroits et stables, à qui il vient en aide de manière régulière et fréquente, à titre non professionnel, pour accomplir tout ou partie des actes ou des activités de la vie quotidienne.

En principe, la durée du congé est définie par accord collectif ([264]) mais la loi prévoit qu’il ne peut durer plus de trois mois ([265]) et qu’il peut être renouvelé dans la limite d’un an pour l’ensemble de la carrière ([266]).

Le salarié n’est pas rémunéré par l’employeur mais il peut percevoir l’allocation journalière du proche aidant (AJPA) ([267]).

À l’issue du congé, il doit retrouver son emploi ou un emploi similaire assorti d’une rémunération au moins équivalente ([268]). Il conserve le bénéfice de tous les avantages acquis antérieurement ([269]).

*

Outre ces congés, d’autres solutions sont mobilisables pour permettre aux proches aidants de concilier vie professionnelle et vie privée. Ainsi l’employeur peut-il « opter pour un accompagnement [des salariés concernés] par des dispositifs aménageant l’organisation du temps de travail similaires à ceux existant déjà pour les salariés parents de jeunes enfants (aménagement des horaires quotidiens, télétravail, conversion des jours de congé et de RTT dans le cadre d’un compte épargne) » ([270]).

II.   le dispositif proposé : aménager le droit national pour le rendre conforme à la directive (UE) 2019/1158

Parce que notre droit répond déjà largement aux exigences européennes, l’article 14 aménage le cadre juridique plus qu’il ne le bouleverse.

A.   Sur le congé parental d’éducation

La directive (UE) 2019/1158, comme la directive (UE) 2010/18 avant elle, autorise les États membres à subordonner le droit au congé parental d’éducation à une période de travail ou à une exigence d’ancienneté qui ne peut excéder un an (article 5, § 4) ([271]). Selon la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), cette règle doit être interprétée « en ce sens [qu’elle ne s’oppose] pas à une réglementation nationale qui conditionne[rait] l’octroi d’un droit à un congé parental à l’occupation sans interruption par le parent concerné d’un emploi pendant une période d’au moins douze mois immédiatement avant le début du congé parental » alors qu’elle s’oppose, à l’inverse, « à une réglementation nationale qui conditionne[rait] l’octroi d’un droit à un congé parental au statut de travailleur du parent au moment de la naissance ou de l’adoption de son enfant » ([272]).

Il ressort de cette décision que la législation française n’est pas conforme aux prescriptions des textes européens dans la mesure où elle réserve le bénéfice du congé au salarié qui justifie d’une ancienneté minimale d’une année à la date de la naissance ou de l’adoption de l’enfant.

Il y a donc lieu de la faire évoluer « pour permettre aux parents ne disposant pas d’[un] emploi au moment de la naissance de l’enfant d’être éligibles au congé parental ultérieurement » ([273]). Tel est l’objet du du I, qui adapte la rédaction de l’article L. 1225‑47 du code du travail à cette nécessité.

B.   Sur le congé d’aidant

● Les assistants maternels et assistants familiaux employés par des personnes de droit privé ([274]), d’une part, les salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager ([275]), d’autre part, sont éligibles au seul congé de présence parentale, qui leur ouvre la possibilité d’être présent auprès d’un enfant atteint d’une maladie, d’un handicap ou victime d’un accident.

Or, la directive (UE) 2019/1158 impose aux États membres de faire en sorte que l’ensemble des travailleurs puissent prendre cinq jours ouvrables de congé d’aidant par an au minimum (article 6, § 1), ce congé ayant vocation à être pris par ceux qui viennent en aide non seulement à un enfant mais aussi à un autre membre de leur famille ou à une personne vivant dans le même ménage ([276]).

Il y a donc lieu, là encore, de faire évoluer la législation afin que les travailleurs relevant des deux catégories susmentionnées disposent des mêmes droits que les autres.

● Le II du présent article réécrit le 12° de l’article L. 423-2 du code de l’action sociale et des familles pour rendre applicables aux assistants maternels et assistants familiaux les dispositions du code du travail relatives au congé de solidarité familiale et au congé de proche aidant, respectivement prévus aux articles L. 3142‑6 et L. 3142-16. Cette évolution suppose la révision de certaines dispositions réglementaires du code de l’action sociale et des familles, notamment par décret en Conseil d’État.

● Le du I modifie le 4° de l’article L. 7221-2 du code du travail pour rendre applicables les mêmes dispositions aux salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager.

C.   Sur le maintien des droits acquis

1.   En ce qui concerne les congés payés

● La législation française ne prévoit jamais que les périodes de congés payés sont perdues à l’issue des périodes d’absence visées par la directive (UE) 2019/1158. Mais elle ne permet pas pour autant systématiquement leur report, ce qui peut se traduire, dans certaines situations, par une perte des droits auxdits congés. Une telle hypothèse n’étant pas conforme à la directive, elle ne saurait demeurer possible.

En conséquence, l’article 14 effectue plusieurs modifications dans le code du travail.

● Le du I insère un article L. 1225-35-2 pour qu’il soit établi, d’une part, que la durée du congé de paternité et d’accueil de l’enfant doit être assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté et, d’autre part, que celui-ci conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé, par parallélisme avec ce que prévoit la loi pour les salariés en congé de maternité ([277]) ou d’adoption ([278]).

● Le b du du même I complète l’article L. 1225-54 afin qu’y soit énoncée la règle selon laquelle le salarié en congé parental d’éducation conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début de ce congé.

● Le dudit I complète l’article L. 1225-65, aux termes duquel la durée du congé de présence parentale est prise en compte en totalité pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté dans l’entreprise, pour qu’il y soit également prévu que ledit salarié conserve le bénéfice de tous les avantages acquis avant le début du congé.

2.   En ce qui concerne l’indemnité de licenciement d’un salarié exerçant une activité à temps partiel dans le cadre d’un congé parental d’éducation

● L’article L. 1225-54 du code du travail dispose que la durée du congé parental d’éducation est prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté. Par ailleurs, l’article L. 3123-5 du même code exige que l’indemnité de licenciement du salarié ayant été occupé à temps complet et à temps partiel dans la même entreprise soit calculée proportionnellement aux périodes d’emploi accomplies selon l’une et l’autre de ces deux modalités depuis son entrée dans l’entreprise.

Or, selon la CJUE, l’indemnité de licenciement d’un salarié exerçant son activité à temps partiel dans le cadre d’un congé de ce type doit être calculée sur la base de la rémunération à temps plein et non pas proratisée suivant le principe décrit ci‑dessus.

Cour de justice de l’Union européenne (1re chambre),
RE contre Praxair MRC SAS, 8 mai 2019, aff. C‑486/18 (extraits)

« Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

« 1) La clause 2, point 6, de l’accord-cadre sur le congé parental, conclu le 14 décembre 1995, qui figure à l’annexe de la directive 96/34/CE du Conseil, du 3 juin 1996, concernant l’accord-cadre sur le congé parental conclu par l’UNICE, le CEEP et la CES, telle que modifiée par la directive 97/75/CE du Conseil, du 15 décembre 1997, doit être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à ce que, lorsqu’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d’un congé parental à temps partiel, l’indemnité de licenciement et l’allocation de congé de reclassement à verser à ce travailleur soient déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit quand le licenciement intervient.

« 2) L’article 157 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation telle que celle au principal qui prévoit que, lorsqu’un travailleur engagé à durée indéterminée et à temps plein est licencié au moment où il bénéficie d’un congé parental à temps partiel, ce travailleur reçoit une indemnité de licenciement et une allocation de congé de reclassement déterminées au moins en partie sur la base de la rémunération réduite qu’il perçoit quand le licenciement intervient, dans la situation où un nombre considérablement plus élevé de femmes que d’hommes choisissent de bénéficier d’un congé parental à temps partiel et lorsque la différence de traitement qui en résulte ne peut pas s’expliquer par des facteurs objectivement justifiés et étrangers à toute discrimination fondée sur le sexe. »

Le présent projet de loi constitue le vecteur idoine pour codifier ce principe jurisprudentiel, repris du reste par la Cour de cassation ([279]).

● Ainsi, le du I de l’article 14 procède à une double modification à l’article L. 1225-54 afin que celui-ci :

– indique que la durée du congé à temps plein sera prise en compte pour moitié pour la détermination des droits que le salarié tient de son ancienneté (a) ;

– précise que la durée du congé à temps partiel sera assimilée à une période de travail effectif pour la détermination des mêmes droits (b).

III.   les modifications apportÉes par le sÉnat

À l’initiative de la rapporteure, la commission des affaires sociales a adopté un amendement modifiant le 1° de l’article L. 3324-6 du code du travail de sorte que les périodes de congé de paternité soient assimilées à des périodes de présence dans l’entreprise pour le calcul de la répartition de la réserve spéciale de participation, au même titre que les périodes de congé de maternité ([280]), de congé d’adoption ([281]) et de congé de deuil ([282]), sur le modèle de ce que prévoit le 1° de l’article L. 3314-5 pour la répartition de l’intéressement depuis l’entrée en vigueur de la loi du 16 août 2022 ([283]).

IV.   les modifications apportées par la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement rédactionnel.

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*     *


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Chapitre II
Conditions de travail transparentes et prévisibles

Article 15
Transposition de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 15 adapte le droit national aux prescriptions de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

À cet effet, il procède, dans le code du travail, aux aménagements nécessaires pour tenir pleinement compte des exigences du droit européen.

I.   la directive (UE) 2019/1152, un texte au service du renforcement de la prévisibilité et de la transparence des conditions de travail

● L’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne énonce la règle selon laquelle tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité, à une limitation de la durée maximale du travail et à des périodes de repos journalier et hebdomadaire, ainsi qu’à une période annuelle de congés payés. Par ailleurs, le principe n° 5 du socle européen des droits sociaux proclamé à Göteborg le 17 novembre 2017 par le Parlement européen, le Conseil et la Commission reconnaît à tous les travailleurs le droit à un traitement égal et équitable concernant les conditions de travail, l’accès à la protection sociale et à la formation, indépendamment du type et de la durée de la relation de travail. Le principe n° 7 leur reconnaît celui d’être informés par écrit, lors de leur entrée en fonction, des droits et obligations qui résultent de la relation de travail, y compris durant la période d’essai.

En application de la directive 91/533/CEE ([284]), adoptée il y a plus de trente ans, les États membres ont dû prendre les mesures nécessaires pour faire en sorte qu’il soit porté à la connaissance des travailleurs « les éléments essentiels du contrat ou de la relation de travail » (article 2, § 1). Mais, parce que « les marchés du travail ont connu de profondes mutations dues à l’évolution démographique et à la dématérialisation de l’économie aboutissant à l’émergence de nouvelles formes d’emploi qui ont renforcé l’innovation, la création d’emplois et la croissance du marché du travail » ([285]), il est apparu nécessaire que le cadre juridique soit adapté aux réalités économiques contemporaines.

● Tel est l’objet de la directive (UE) 2019/1152 ([286]), dont le présent article assure la transposition ([287]), qui vise à « améliorer les conditions de travail en favorisant un emploi plus transparent et plus prévisible tout en assurant la capacité d’adaptation du marché du travail » (article 1er, § 1).

Pour cela, elle fixe des exigences minimales dans un certain nombre de domaines.

En premier lieu, elle étend la liste des informations sur la relation de travail que l’employeur doit communiquer au travailleur au moment de sa prise de poste (article 4, § 2) en portant leur nombre de dix – directive 91/533/CEE ([288]) – à quinze, afin de tenir compte, en particulier, de « l’augmentation des formes d’emploi atypiques » ([289]).

Plusieurs de ces informations ([290]) peuvent être délivrées par le biais d’une référence à des dispositions législatives, réglementaires, administratives, statutaires ou à des conventions collectives (article 4, § 3).

Les informations sur la relation de travail qui doivent
être communiquées par l’employeur au travailleur
(article 4, § 2 de la directive (UE) 2019/1152)

« 1. Les États membres veillent à ce que les employeurs soient tenus d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail.

« 2. Les informations visées au paragraphe 1 comprennent au moins les éléments suivants :

« a) L’identité des parties à la relation de travail ;

« b) Le lieu de travail ; à défaut de lieu de travail fixe ou prédominant, le principe selon lequel le travailleur est employé à divers endroits ou est libre de déterminer son lieu de travail, ainsi que le siège de l’entreprise ou, le cas échéant, le domicile de l’employeur ;

« c) Soit :

« i) le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d’emploi pour lesquels le travailleur est employé ; soit

« ii) la caractérisation ou la description sommaires du travail ;

« d) La date de début de la relation de travail ;

« e) Dans le cas d’une relation de travail à durée déterminée, la date de fin ou la durée prévue de celle-ci ;

« f) Dans le cas des travailleurs intérimaires, l’identité des entreprises utilisatrices, lorsqu’elle est connue et aussitôt qu’elle l’est ;

« g) La durée et les conditions de la période d’essai, le cas échéant ;

« h) Le droit à la formation octroyé par l’employeur, le cas échéant ;

« i) La durée du congé payé auquel le travailleur a droit ou, si cette indication est impossible au moment de la délivrance de l’information, les modalités d’attribution et de détermination de ce congé ;

« j) En cas de cessation de leur relation de travail, la procédure à observer par l’employeur et le travailleur, y compris les conditions de forme et les délais de préavis, ou, si la durée des délais de préavis ne peut être indiquée au moment de la délivrance de l’information, les modalités de détermination de ces délais de préavis ;

« k) La rémunération, y compris le montant de base initial, tous les autres éléments constitutifs, le cas échéant, indiqués séparément, ainsi que la périodicité et la méthode de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit ;

« l) Si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement prévisible, la durée de la journée ou semaine de travail normale du travailleur et toute modalité concernant les heures supplémentaires et leur rémunération ainsi que, le cas échéant, toute modalité concernant les changements d’équipe ;

« m) Si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement imprévisible, l’employeur informe le travailleur de ce qui suit :

« i) Le principe selon lequel l’horaire de travail est variable, le nombre d’heures rémunérées garanties et la rémunération du travail effectué au-delà de ces heures garanties ;

« ii) Les heures et jours de référence durant lesquels le travailleur peut être appelé à travailler ;

« iii) Le délai de prévenance minimal auquel le travailleur a droit avant le début d’une tâche et, le cas échéant, le délai d’annulation de cette tâche, visé à l’article 10, paragraphe 3 ;

« n) Toutes les conventions collectives régissant les conditions de travail du travailleur ou, s’il s’agit de conventions collectives conclues en dehors de l’entreprise par des organes ou institutions paritaires particuliers, le nom de ces organes ou institutions au sein desquels elles ont été conclues ;

« o) Lorsque cela incombe à l’employeur, l’identité du ou des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales liées à la relation de travail et toute protection en matière de sécurité sociale fournie par l’employeur. »

Elles doivent être fournies par écrit (article 5, § 1) :

– soit sous la forme d’un ou de plusieurs documents, dans un délai de sept jours calendaires à compter du premier jour de travail, si elles ne l’ont pas été précédemment ([291]) ;

– soit sous la forme d’un document, dans un délai d’un mois à compter du même point de départ ([292]).

Elles sont communiquées sur papier ou, à condition que le travailleur y ait accès, qu’elles puissent être enregistrées et imprimées, et que l’employeur conserve un justificatif de la transmission et de la réception, sous format électronique (article 3).

Les États membres peuvent mettre à la disposition des parties au contrat des documents types et des modèles (article 5, § 2).

La directive dresse, en outre, une liste d’informations supplémentaires qui doivent être transmises au travailleur envoyé dans un autre État membre ou dans un pays tiers pour une période de quatre semaines consécutives au moins (article 7).

En deuxième lieu, la directive établit un ensemble de règles relatives aux conditions de travail.

Elle dispose, d’abord, que la durée de la période d’essai, lorsqu’elle existe, ne peut excéder six mois (article 8, § 1), en laissant aux États la possibilité, à titre exceptionnel, de « prévoir des périodes d’essai plus longues lorsque la nature de l’emploi le justifie ou lorsque cela est dans l’intérêt du travailleur » (article 8, § 3).

Ensuite, elle ouvre au travailleur satisfaisant à une ancienneté minimale de six mois au service du même employeur, ayant accompli sa période d’essai, le cas échéant, le droit de « demander une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres, lorsqu’elle existe, et [de] recevoir une réponse motivée par écrit » dans un délai d’un mois à compter de la demande (article 12, § 1 et 2) ([293]).

Les informations supplémentaires sur la relation de travail qui doivent
être communiquées par l’employeur au travailleur envoyé
dans un autre État membre ou dans un pays tiers
(article 7, § 1, 2 et 3, de la directive (UE) 2019/1152)

« 1. Lorsqu’un travailleur est appelé à travailler dans un État membre ou un pays tiers autre que l’État membre dans lequel il travaille habituellement, les États membres veillent à ce que l’employeur lui communique avant qu’il ne parte les documents visés à l’article 5, paragraphe 1, lesquels doivent comporter au moins les informations supplémentaires suivantes :

« a) Le ou les pays dans lesquels le travail à l’étranger doit être effectué et sa durée prévue ;

« b) La devise servant au paiement de la rémunération ;

« c) Le cas échéant, les avantages en espèces ou en nature liés à la ou aux tâches ;

« d) Des renseignements indiquant si le rapatriement est organisé et, s’il l’est, les conditions de rapatriement du travailleur.

« 2. Les États membres veillent à ce qu’un travailleur détaché relevant de la directive 96/71/CE soit en outre informé :

« a) de la rémunération à laquelle il a droit en vertu du droit applicable de l’État membre d’accueil ;

« b) le cas échéant, des allocations propres au détachement et des modalités de remboursement des dépenses de voyage, de logement et de nourriture ;

« c) du lien vers le site internet national officiel unique mis en place par l’État membre d’accueil conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2014/67/UE du Parlement européen et du Conseil. »

« 3. Les informations visées au paragraphe 1, point b), et au paragraphe 2, point a), peuvent, le cas échéant, résulter d’une référence aux dispositions spécifiques des actes législatifs, réglementaires, administratifs ou statutaires ou aux conventions collectives régissant ces informations. »

Du reste, la directive comprend des dispositions sur l’emploi parallèle (article 9), la prévisibilité minimale du travail (article 10), les contrats à la demande (article 11) et la formation obligatoire (article 13).

En troisième lieu, elle contient des prescriptions dites « horizontales » ayant pour objet d’imposer aux États membres qu’ils apportent aux travailleurs des garanties (droit au recours en cas de méconnaissance des droits découlant de la directive, article 16) et des protections (contre tout traitement défavorable ou toutes conséquences défavorables pour un travailleur résultant d’une réclamation déposée auprès de l’employeur ou découlant de toute procédure engagée dans le but de faire respecter les droits prévus par la directive, article 17 ; contre le licenciement d’un travailleur au motif qu’il aurait exercé les droits prévus par la directive, article 18).

En quatrième et dernier lieu, la directive autorise les mêmes États à écarter l’application des obligations qu’elle comporte pour les travailleurs dont le temps de travail est inférieur ou égal à une moyenne de trois heures par semaine au cours d’une période de référence de quatre semaines consécutives (article 1er, § 3).

II.   le dispositif proposé : apporter à la législation nationale les corrections imposées par les exigences européennes

Si la législation nationale est « en très grande partie conforme voire plus protect[rice] » ([294]) que la directive (UE) 2019/1152, il n’en reste pas moins nécessaire d’apporter à la première les quelques corrections qui s’imposent pour qu’y soient parfaitement transcrites les prescriptions de la seconde.

A.   l’information du salarié sur la relation de travail

● La publication de la directive 91/533/CEE n’avait pas commandé la modification de la loi dans la mesure où le droit français satisfaisait aux exigences du droit européen. En effet, les dix informations qui devaient parvenir au travailleur en vertu de ce texte lui étaient transmises par l’intermédiaire de la déclaration préalable à l’embauche, du contrat de travail ou du bulletin de paie, dans un délai conforme aux prescriptions de la directive, à savoir deux mois au plus à compter du début de la relation de travail (article 3, § 1).

En revanche, l’adoption de la directive (UE) 2019/1152 implique une évolution du cadre normatif du fait de l’augmentation du nombre des informations appelées à être portées à la connaissance du travailleur (quinze contre dix auparavant), toutes ne figurant pas dans les documents qui lui sont remis à ce jour (le détail des modalités de versement de sa rémunération, la mention de son droit à la formation professionnelle, l’identité des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales liées à la relation de travail, la procédure applicable en cas de cessation de la relation de travail), et de la réduction du délai sous lequel elles doivent l’être (sept jours ou un mois), le nouveau régime s’avérant plus contraignant que le régime en vigueur (les données relatives à la rémunération mentionnées sur le bulletin de paie ne sont pas transmises dans le délai de sept jours par exemple, le contrat de travail à durée indéterminée ne l’est pas nécessairement non plus).

● Aussi, le du I du présent article complète la section 1 du chapitre Ier du titre II du livre II de la première partie du code du travail, qui porte dispositions générales relatives à la formation du contrat de travail, par un article L. 1221-5-1 aux termes duquel il reviendra à l’employeur de remettre au salarié un ou plusieurs documents écrits « précisant les informations principales relatives à la relation de travail ».

Le salarié qui n’aura pas reçu ces informations pourra saisir le juge compétent afin de les obtenir dès lors qu’il aura préalablement mis en demeure son employeur de les lui communiquer. Selon le Conseil d’État, une telle exigence, motivée par le souci de prévenir la multiplication des procédures contentieuses, ne porte pas atteinte, par elle-même, au droit à un recours effectif. Pour autant, observe‑t-il, il conviendra de veiller à ce que la procédure définie par voie réglementaire garantisse l’effectivité de ce droit ([295]).

Un décret en Conseil d’État déterminera les modalités d’application de l’article et arrêtera, en particulier, la liste des informations en question. Le ministère du travail a fait savoir qu’il pourrait être publié d’ici la fin du premier trimestre de l’année 2023, après consultation de la Commission nationale de la négociation collective, de l’emploi et de la formation professionnelle (CNNCEFP).

Un arrêté du ministre en charge du travail proposera a priori trois modèles de document – en principe accessibles depuis le code du travail numérique ([296]) – aux fins de faciliter la mise en œuvre du dispositif, principalement pour les très petites, petites et moyennes entreprises (TPE-PME) :

– un modèle regroupant les quinze informations ;

– un modèle regroupant les neuf informations à adresser sous sept jours ;

– un modèle regroupant les six informations à adresser sous trente jours.

Enfin, les salariés dont le contrat de travail est en cours à la date de promulgation de la loi pourront, conformément au deuxième alinéa du II du présent article, demander à leur employeur de leur fournir ou de compléter, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État, lesdites informations.

B.   la limitation de la durée de la période d’essai

● Aux termes de l’article L. 1221-19 du code du travail, le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai, qui « permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent » ([297]), dont la durée maximale est fixée à :

– deux mois pour les ouvriers et les employés ;

– trois mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

– quatre mois pour les cadres.

La période d’essai peut être renouvelée une fois, si un accord de branche étendu le prévoit, sous les limites énoncées à l’article L. 1221-21 du même code. Ainsi, renouvellement compris, sa durée ne peut excéder :

– quatre mois pour les ouvriers et les employés ;

– six mois pour les agents de maîtrise et les techniciens ;

– huit mois pour les cadres.

Ces durées ont un caractère impératif mais, en vertu de l’article L. 1221-22 dudit code, des durées plus longues peuvent être prévues lorsqu’elles résultent d’accords de branche conclus avant la date de publication de la loi du 25 juin 2008 ([298]).

les branches professionnelles dans lesquelles la durée de la période d’essai des cadres peut excéder la durée légale maximale

Branche professionnelle

Transport aérien personnel au sol

Remontées mécaniques

Salariés permanents ETT

Promotion construction

Formation organismes

Assurance sociétés

Assurance sociétés inspection

Banque

Mutualités

Durée de la période d’essai (en mois)

6 + 6 pour les cadres classés catégorie III

9 pour les cadres

6 + 6 pour les cadres classés catégorie VII

3 à 6 renouvelables pour les cadres classés catégories V et VI

6 + 6 pour les directeurs

6 + 6 pour les cadres

12 + 12 pour les cadres

6 à 9 pour les cadres

6 + 6 pour les directeurs

Source : direction générale du travail (sur la base des données recueillies par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail pour 2019).

Sur les 185 conventions collectives de branche de plus de 5 000 salariés, neuf contiennent des stipulations relatives à des périodes d’essai pour les cadres d’une durée supérieure à la durée maximale établie à l’article L. 1221-21 ([299]).

● Pour tenir compte de l’exigence de la directive (UE) 2019/1152 (article 8§1) de limiter par principe à six mois la durée de la période d’essai, le du I du présent article supprime le deuxième alinéa de l’article L. 1221‑22.

Ce changement entrera en vigueur six mois après la promulgation de la loi, ainsi que le précise le premier alinéa du II, de sorte que les partenaires sociaux disposent d’un temps suffisant pour adapter le contenu des conventions collectives évoquées plus haut à la norme européenne.

En revanche, le projet de loi ne revient pas sur la disposition suivant laquelle la période d’essai peut, pour les cadres, faire l’objet d’un renouvellement dans la limite de huit mois au motif qu’elle est conforme à l’article 14 de la directive, qui reconnaît aux États membres la faculté d’« autoriser les partenaires sociaux à conserver, négocier, conclure et appliquer des conventions collectives, conformément au droit national ou à la pratique nationale, qui, tout en respectant la protection globale des travailleurs, établissent des modalités concernant les conditions de travail des travailleurs qui diffèrent de celles visées aux articles 8 à 13 ».

C.   la transition vers une forme d’emploi comportant des conditions de travail plus prévisibles et plus sûres

● Le code du travail comprend deux dispositifs tendant à assurer l’information des salariés titulaires de contrats « atypiques » sur les postes à pourvoir en contrat à durée indéterminée dans l’entreprise.

D’une part, l’article L. 1242-17 fait obligation à l’employeur de porter à la connaissance des salariés en contrat à durée déterminée la liste de ces postes « lorsqu’un tel dispositif [...] existe déjà pour les salariés bénéficiant d’un contrat à durée indéterminée ». L’article L. 1251-25 soumet l’entreprise utilisatrice à la même obligation à l’égard des salariés temporaires.

D’autre part, l’article L. 3123-3 énonce la règle selon laquelle les salariés à temps partiel qui souhaitent occuper ou reprendre un emploi à temps complet ont priorité pour l’attribution de cet emploi et fait obligation à l’employeur de porter à leur connaissance la liste des emplois disponibles correspondants.

Si le second régime est plus favorable que celui que la directive prescrit, ce n’est pas le cas du premier. Une modification de la législation est donc nécessaire.

 Le du I du présent article réécrit l’article L. 1242-17 pour prévoir que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée déterminée justifiant dans l’entreprise d’une ancienneté continue d’au moins six mois sera, à sa demande, informé par l’employeur des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir dans l’entreprise. Il appartiendra à un décret de fixer les modalités d’application de cet article.

● Symétriquement, le du I réécrit l’article L. 1251-25 pour prévoir que le salarié temporaire justifiant dans l’entreprise utilisatrice d’une ancienneté continue d’au moins six mois sera, à sa demande, informé par l’entreprise des postes en contrat à durée indéterminée à pourvoir en son sein. Là encore, il appartiendra à un décret de fixer les modalités d’application de cet article.

D.   l’exemption de certaines catégories de salariés de l’application des dispositions de la directive

● La directive 91/533/CEE permettait aux États membres d’exclure l’application de ses dispositions pour les travailleurs ayant un contrat ou une relation de travail dont la durée totale n’excédait pas un mois ou dont la durée de travail hebdomadaire n’excédait pas huit heures (article 1er, § 2 a)).

Sur ce fondement, l’article L. 1271-5 du code du travail exonère l’employeur et le salarié titulaire d’un contrat à durée déterminée ou d’un contrat à temps partiel qui utilisent le chèque emploi service universel (CESU) de l’obligation de conclure un contrat écrit dès lors que la durée de travail ne dépasse pas les limites susmentionnées.

Toutefois, ce système n’est plus conforme aux exigences européennes, désormais plus contraignantes, aux termes desquelles peuvent seuls être exclus du champ d’application de la directive (UE) 2019/1152 les travailleurs dont le temps de travail est inférieur ou égal à une moyenne de trois heures par semaine au cours d’une période de référence de quatre semaines consécutives.

Il y a donc lieu de modifier la législation nationale.

● Le a du du I de l’article 15 modifie le premier alinéa de l’article L. 1271-5 afin qu’y soit inscrit le nouveau seuil autorisant l’application du mécanisme d’exemption.

● Le b du même introduit à l’article L. 1271-5 la précision selon laquelle l’employeur ne sera pas tenu de remettre au salarié entrant dans le champ d’application de cet article les informations principales relatives à la relation de travail, par dérogation au nouvel article L. 1221-5-1.

● Le du I complète le 3° de l’article L. 7122-24 du code du travail aux fins de prévoir que l’employeur ayant recours au dispositif baptisé « guichet unique du spectacle occasionnel » (Guso) pour l’emploi occasionnel d’un intermittent du spectacle sera réputé satisfaire à l’obligation relative à la transmission au salarié de ces mêmes informations, comme il est réputé satisfaire à celle consistant notamment dans l’établissement et la transmission du contrat de travail à durée déterminée.

III.   les modifications apportées par le Sénat

Sur proposition de la rapporteure, la commission des affaires sociales a adopté deux amendements tendant à améliorer la qualité rédactionnelle du texte.

IV.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté deux amendements rédactionnels.

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Article 16
Application aux gens de mer et au personnel navigant de l’aéronautique civile de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil
du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes
et prévisibles dans l’Union européenne

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 16 définit les modalités d’application aux gens de mer et au personnel navigant de l’aéronautique civile des dispositions relatives à l’information du travailleur sur la relation de travail issues de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

I.   l’application aux gens de mer des dispositions de la directive relatives à l’information du travailleur sur les éléments essentiels de la relation de travail

● Aux termes de l’article L. 5542-1 du code des transports, est un contrat d’engagement maritime « [t]out contrat de travail, conclu entre un marin et un armateur ou tout autre employeur, ayant pour objet un service à accomplir à bord d’un navire ». Établi par écrit, conformément au I de l’article L. 5542-3 du même code, le contrat comporte non seulement les clauses obligatoires définies par le code du travail mais également un certain nombre de clauses particulières, énumérées au II de l’article L. 5542-3 :

– les nom et prénoms du marin, ses date et lieu de naissance, son numéro d’identification ;

– le lieu et la date de la conclusion du contrat ;

– les nom et prénoms ou raison sociale et l’adresse de l’armateur et, le cas échéant, de l’employeur ;

– les fonctions qu’il exerce ;

– le montant des salaires et accessoires ;

– les droits à congés payés ou la formule utilisée pour les calculer ;

– les prestations en matière de protection de la santé et de sécurité sociale qui doivent être assurées au marin par l’armateur ;

– le droit du marin à un rapatriement ;

– la référence aux conventions et accords collectifs applicables ;

– le terme du contrat si celui-ci est conclu pour une durée déterminée.

L’article L. 5542-5 dudit code précise, au I, que le marin doit disposer d’un délai suffisant pour prendre connaissance du contrat et demander conseil avant de le signer d’une part et qu’il doit le signer et en recevoir un exemplaire avant l’embarquement d’autre part.

● Nonobstant le nombre déjà élevé de clauses figurant dans le contrat d’engagement maritime, la parfaite application aux gens de mer des dispositions de la directive (UE) 2019/1152 ([300]) relatives à l’information du salarié sur la relation de travail ([301]) suppose une modification du code des transports.

Aussi, le de l’article 16 insère dans ce code un article L. 5542-3-1 en vertu duquel le dispositif prévu au nouvel article L. 1221-5‑1 du code du travail ([302]), créé par l’article 15 du projet de loi, sera, pour cette catégorie de travailleurs, adapté par décret en Conseil d’État.

Dans le détail, il s’agira ([303]) :

– d’exclure de la communication les informations exigées par la directive qui se trouvent déjà dans le contrat d’engagement maritime ;

– d’adapter le contenu de certaines informations aux particularités du travail maritime, telles que la mention du lieu de travail (le navire) ;

– de préciser celles des nouvelles informations mentionnées dans la directive qui devront être communiquées au marin :

II.   l’application au personnel naviguant de l’aéronautique civile des dispositions de la directive relatives à l’information du travailleur sur les éléments essentiels de la relation de travail

● Aux termes de l’article L. 6523-2 du code des transports, le contrat de travail d’un membre du personnel navigant professionnel, obligatoirement établi par écrit ([304]), doit comporter plusieurs précisions :

– le salaire minimum mensuel garanti indépendamment de l’activité ;

– l’indemnité de licenciement ;

– les conditions de rupture du contrat en cas de maladie, d’invalidité ou de disparition ;

– le cas échéant, les conditions d’accomplissement de la mission pour laquelle il a été conclu ;

– le cas échéant, les conditions d’affectation du navigant sur un poste à l’étranger ;

– le délai de préavis à observer en cas de résiliation du contrat par l’une ou l’autre des parties ;

– le montant de l’indemnité exclusive de départ allouée au personnel dont le contrat prend fin en application des articles L. 6521-4 et L. 6521-5 ;

– le cas échéant, les conditions de travail en zone d’hostilités civiles et militaires.

● L’application au personnel naviguant de l’aéronautique civile des règles fixées par la directive (UE) 2019/1152 en matière d’information du travailleur suppose une intervention du législateur de sorte que soit assurée la bonne articulation du droit en vigueur avec le droit issu des prescriptions européennes et, en d’autres termes, que soit écarté le risque d’une prééminence des dispositions spéciales existantes sur les dispositions générales à venir.

Aussi, le de l’article 16 prévoit que l’article L. 6523-2 du code des transports, qui dresse la liste des informations nécessairement inscrites dans le contrat de travail, s’appliquera sans préjudice de l’article L. 1221-5-1 du code du travail, future base juridique de l’obligation faite à l’employeur consistant dans la remise « au salarié [d’]un ou plusieurs documents établis par écrit précisant les informations principales relatives à la relation de travail ».

Par ailleurs, le de l’article 16 complète l’article L. 6785-1 du même code afin que soit rendu applicable au personnel naviguant de Wallis-et-Futuna l’article L. 6523‑2, dans sa nouvelle rédaction.

III.   les modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   les modifications apportées par la commission

Sur proposition de la rapporteure, la commission a adopté un amendement de coordination rédactionnelle.

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Article 17
Information des agents publics sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur cet article.

Adopté par la commission sans modification

L’article 17 crée un droit à l’information en faveur des agents publics relevant du code général de la fonction publique qui porte sur les règles essentielles relatives à l’exercice des fonctions de ces agents. Il transpose ainsi en droit interne une disposition prévue par l’article 4 de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

I.   L’État du droit : l’information des agents publics sur leurs conditions de travail

A.   Droit europÉen

La directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne est entrée en vigueur le 31 juillet 2019 et devait être transposée par les États membres avant le 1er août 2022.

Elle est applicable à l’ensemble des travailleurs européens, y compris les agents publics.

Son article 4, paragraphe 1, prévoit que les « États membres veillent à ce que les employeurs soient tenus d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail ». Le paragraphe 2 détaille le contenu des informations qui doivent être délivrées. Il est ainsi prévu que les travailleurs doivent recevoir une quinzaine d’informations dans un délai de sept à trente jours à compter du début de la relation de travail ou de toute évolution, et portant sur :

– l’identité des parties à la relation de travail ;

– le lieu de travail (à défaut de lieu de travail fixe ou prédominant, le principe selon lequel le travailleur est employé à divers endroits ou est libre de déterminer son lieu de travail, ainsi que le siège de l’entreprise ou, le cas échéant, le domicile de l’employeur) ;

– le titre, le grade, la qualité ou la catégorie d’emploi pour lesquels ils sont employés, ou bien la caractérisation ou la description sommaires de leur travail ;

– la date de début de la relation de travail ;

– dans le cas d’une relation de travail à durée déterminée, la date de fin ou la durée prévue de cette relation de travail ;

– dans le cas des travailleurs intérimaires, l’identité des entreprises utilisatrices, lorsqu’elle est connue et aussitôt qu’elle l’est ;

– la durée et les conditions de la période d’essai, le cas échéant ;

– le droit à la formation octroyé par l’employeur, le cas échéant ;

– la durée du congé payé auquel le travailleur a droit ou, si cette indication est impossible au moment de la délivrance de l’information, les modalités d’attribution et de détermination de ce congé ;

– en cas de cessation de leur relation de travail, la procédure à observer par l’employeur et le travailleur, y compris les conditions de forme et les délais de préavis, ou, si la durée des délais de préavis ne peut être indiquée au moment de la délivrance de l’information, les modalités de détermination de ces délais de préavis ;

– la rémunération, y compris le montant de base initial, tous les autres éléments constitutifs, le cas échéant, indiqués séparément, ainsi que la périodicité et la méthode de versement de la rémunération à laquelle le travailleur a droit ;

– si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement prévisible, la durée de la journée ou semaine de travail normale du travailleur et toute modalité concernant les heures supplémentaires et leur rémunération ainsi que, le cas échéant, toute modalité concernant les changements d’équipe ;

– si le rythme de travail est entièrement ou majoritairement imprévisible, le principe selon lequel l’horaire de travail est variable, nombre d’heures rémunérées garanties et la rémunération du travail effectué au-delà de ces heures garanties, heures et jours de référence durant lesquels le travailleur peut être appelé à travailler et délai de prévenance minimal auquel le travailleur a droit avant le début d’une tâche et, le cas échéant, le délai d’annulation de cette tâche ;

– toutes les conventions collectives régissant les conditions de travail du travailleur ou, s’il s’agit de conventions collectives conclues en dehors de l’entreprise par des organes ou institutions paritaires particuliers, le nom de ces organes ou institutions au sein desquels elles ont été conclues ;

– et lorsque cela incombe à l’employeur, l’identité du ou des organismes de sécurité sociale percevant les cotisations sociales liées à la relation de travail et toute protection en matière de sécurité sociale fournie par l’employeur.

Le paragraphe 3 de l’article précité dispose que ces informations peuvent résulter d’une référence à des dispositions législatives, réglementaires, administratives ou statutaires.

B.   Droit interne

Il n’existe pas de droit général à l’information des agents publics relevant du code général de la fonction publique sur leurs conditions de travail. Pour autant, de manière indirecte, les agents publics disposent d’ores et déjà d’un large accès à diverses sources d’informations en la matière.

Les agents publics sont informés sur leurs conditions de travail par des modalités différentes selon qu’ils ont la qualité de fonctionnaire ou qu’ils ont été recrutés par un contrat de droit public (agents contractuels).

La situation des fonctionnaires n’est pas régie par un contrat mais par un statut déterminé par la loi et le règlement. De ce fait, l’employeur public n’est pas tenu de leur délivrer une information individuelle sur les règles collectives générales qui régissent leurs conditions de travail. Ces règles font l’objet de divers types de publication selon le niveau de normes qui les définissent (publication au Journal officiel de la République française ou dans des bulletins officiels ministériels), voire par voie d’affichage, dans le respect des règles prévues par les articles L. 221-2 à L. 221-6 du code des relations entre le public et l’administration. Les actes individuels affectant la carrière des fonctionnaires c’est-à-dire, les actes de nomination, d’affectation et de prise en charge - sont quant à eux notifiés par écrit aux intéressés.

Les agents contractuels sont informés, pour l’essentiel, via le contrat qu’ils ont conclu avec l’employeur public. Ce contrat doit fixer notamment les conditions d’emploi, la rémunération, les droits et obligations des agents. Le contenu du contrat est régi par plusieurs décrets pour les agents de l’État (décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État), les agents de la fonction publique territoriale (décret n° 88-145 du 15 février 1988 relatif aux agents contractuels de la fonction publique territoriale) et les agents de la fonction publique hospitalière (décret n° 91-155 du 6 février 1991 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de la fonction publique hospitalière).

Il s’ensuit que, pour l’essentiel, le droit interne est déjà conforme au droit européen.

II.   Le dispositif proposÉ : l’instauration d’un droit À l’information des agents publics sur leurs conditions de travail

Le présent article vise à créer, dans le code général de la fonction publique, un droit pour les agents publics d’être informés des informations essentielles relatives à l’exercice de leurs fonctions.

Pour ce faire, il ajoute dans le code général de la fonction publique un article L. 115-7 qui prévoit :

« L’agent public reçoit de son employeur communication des informations et règles essentielles relatives à l’exercice de ses fonctions ».

Il n’est pas prévu de renvoi à un acte réglementaire dans la mesure où l’article L. 9 du code général de la fonction publique dispose que « sauf dispositions contraires, les modalités d’application du présent code sont déterminées par décret en Conseil d’État ». Il s’ensuit que la mise en œuvre du droit à l’information devra faire l’objet de décrets en Conseil d’État sans qu’il soit nécessaire de le préciser.

Dans son avis, le Conseil d’État a souligné qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire « de fixer la liste de ces informations et règles essentielles ainsi que les modalités de leur communication ». Il a ajouté que s’agissant des agents déjà en fonction au 1er août 2022, date d’entrée en vigueur de la directive, le décret « pourra préciser, comme le permet l’article 21 de cette directive, qu’il leur faudra, pour faire valoir ce droit à l’information sur les conditions d’exercice de leurs fonctions, présenter une demande à leur employeur ».

Votre Rapporteure a obtenu auprès de la Direction Générale de l’Administration et de la Fonction Publique (DGAPF) des informations sur le contenu du décret en Conseil d’État et de l’arrêté qui devraient être pris, étant précisé que ces textes pourraient être communs à la fonction publique et aux praticiens hospitaliers relevant du code de la santé publique. Le décret en Conseil d’État devrait prévoir que les informations seront communiquées sous la forme d’un document écrit remis aux agents publics lors de leur recrutement, pour celles qui ne figurent pas dans les arrêtés individuels (fonctionnaires) ou les contrats de travail (contractuels). Il devrait également prévoir la possibilité pour l’agent public, en cas de non remise du document d’information, de formuler une demande auprès de son administration afin de l’obtenir. Un délai court de réponse devrait être imparti à l’administration pour répondre à la demande de l’agent. En cas de refus ou en l’absence de réponse de l’employeur dans le délai imparti (valant décision implicite de rejet), l’agent pourra contester cette décision devant la juridiction administrative.

En résumé, le droit à l’information permettra aux agents publics de mieux connaitre les règles encadrant l’exercice de leurs fonctions. Ils recevront en effet une information individualisée et directe plus facile d’accès.

L’étude d’impact précise que les dispositions envisagées ont été soumises au Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) qui s’est prononcé favorablement le 3 novembre 2022.

III.   Les modifications apportÉes par le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article sans modification.

IV.   Les modifications apportÉes par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

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Article 18
Information des praticiens hospitaliers sur les règles essentielles relatives à leurs fonctions

 

La commission des affaires sociales, saisie au fond, a sollicité l’avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République sur cet article.

Adopté par la commission sans modification

L’article 18 crée un droit à l’information en faveur des praticiens hospitaliers concernant les règles essentielles relatives à l’exercice de leurs fonctions. Il transpose ainsi en droit interne une disposition prévue par l’article 4 de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne.

Le Sénat a adopté cet article modifié par diverses corrections légistiques.

I.   L’État du droit : l’information des praticiens hospitaliers sur leurs conditions de travail

A.   Droit europÉen

Le présent article vise à la mise en œuvre de l’article 4 de la directive (UE) 2019/1152 du Parlement européen et du Conseil du 20 juin 2019 relative à des conditions de travail transparentes et prévisibles dans l’Union européenne. Cet article prévoit que les « États membres veillent à ce que les employeurs soient tenus d’informer les travailleurs des éléments essentiels de la relation de travail ».

Le droit général à l’information sur les conditions de travail prévu par le droit européen s’applique à l’ensemble des travailleurs, y compris les agents publics, ce qui inclut nécessairement les praticiens hospitaliers visés, en droit interne, dans le code de la santé publique.

Pour le détail du contenu du droit général à l’information, il est renvoyé au commentaire de l’article précédent (article 17).

B.   Droit interne

Les praticiens hospitaliers (PH) des établissements publics de santé (EPS) et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) sont des agents publics mais ne sont pas des fonctionnaires.

Leur statut se divise en deux grandes catégories, toutes deux régies par le code de la santé publique :

– les PH exerçant à titre permanent qui sont, pour l’essentiel, recrutés par la voie d’un concours national annuel et titularisés à l’issue d’une année de stage ; ils sont soumis à un statut sui generis ;

– et les PH exerçant à titre temporaire dont les PH contractuels (PHC), les assistants des hôpitaux, les assistants associés, et les praticiens attachés ou associés.

Selon l’étude d’impact, au 1er janvier 2022, les PH exerçant à titre permanent (sous statut) étaient au nombre de 45 475. Le nombre de PH sous contrat est plus délicat à déterminer car il n’existe pas de remontées statistiques. Il est estimé dans l’étude d’impact à 33 500.

L’article L. 6152-4 du code de la santé publique rend applicable aux PH certaines dispositions du statut général des fonctionnaires (articles 11, 25 septies et 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires) et du statut de la fonction publique hospitalière (article 78-1 la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière).

Il s’agit de dispositions portant sur la protection fonctionnelle des fonctionnaires, les règles relatives à leur cumul d’activités, la déontologie et l’intéressement collectif. L’application de ces dispositions aux PH se justifie par le fait que ces derniers – qu’ils soient titulaires ou sous contrat - participent au service public hospitalier.

Il faut noter toutefois que les références législatives auxquelles renvoient l’article L. 6152-4 du code de la santé publique sont abrogées depuis le 1er mars 2022 du fait de l’entrée en vigueur du code général de la fonction publique. La rédaction actuelle de l’article précité n’est donc pas à jour puisque les dispositions auxquelles il renvoie sont aujourd’hui codifiées.

L’article L. 6152-4 du code de la santé publique rend également applicable aux PH des dispositions du code de la recherche leur permettant de participer à la création d’entreprises ou à des entreprises existantes. Il leur permet aussi d’exercer une activité privée lucrative lorsque leur quotité de travail dans l’établissement est inférieure à 90 %, ou encore de participer à la réalisation d’expertises ordonnées par un magistrat.

Les PH bénéficiaires de ces dispositions sont visés aux 1°, 2° et 4° de l’article L. 6152-1 du même code.

Il s’agit de personnels médicaux des établissements publics de santé (EPS) ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) qui ne sont pas régis par le code général de la fonction publique.

En d’autres termes, il s’agit :

– de médecins, odontologistes et pharmaciens qui consacrent tout ou partie de leur activité à ces établissements ou qui sont recrutés par contrat dans des conditions déterminées par voie réglementaire ;

– ou encore de praticiens associés, exerçant sous la responsabilité directe d’un médecin, d’un odontologiste ou d’un pharmacien et qui participent à l’activité de médecine, d’odontologie ou de pharmacie, et dont le statut est établi par voie réglementaire.

 

Article L. 6152-4 du code de la santé publique

« I. - Sont applicables aux personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6152-1 :

« 1° Les articles 11, 25 septies et 25 octies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires ;

« 2° Les articles L. 531-1 à L. 531-16 du code de la recherche.

« Par dérogation au 1°, les personnels mentionnés au 1° et au 2° de l’article L. 6152-1 dont la quotité de travail est inférieure ou égale à 90 % des obligations de service d’un praticien exerçant à temps plein peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative. La dérogation fait l’objet d’une déclaration au directeur de l’établissement dont l’intéressé relève pour l’exercice de ses fonctions. Les conditions d’application du présent alinéa sont fixées par voie réglementaire.

« II. - Les dispositions portant application de l’article 25 septies de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée aux personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6152-1 du présent code prévoient les conditions dans lesquelles ces personnels peuvent consacrer une partie de leur temps de service à la réalisation d’expertises ordonnées par un magistrat en application du code de procédure pénale.

« III. - Les personnels mentionnés aux 1° à 4° de l’article L. 6152-1 ont droit à un congé avec traitement pour accomplir une période d’activité dans la réserve opérationnelle pour une durée inférieure ou égale à trente jours cumulés par année civile.

« IV.- L’article 78-1 de la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière est applicable aux personnels mentionnés à l’article L. 6152-1 du présent code. »

 

L’information des PH sur leurs conditions de travail dépend de leur modalité de recrutement.

Pour les PH sous contrat, l’article R. 6152-343 du code de la santé publique énumère les éléments qui doivent figurer dans le contrat de travail.

Pour les PH sous statut, leur recrutement s’effectue par la publication d’un profil de poste prévu aux articles R. 6152-4 et R. 6152-6 du code de la santé publique. Ce dernier article renvoie la description du contenu de ce profil de poste à un arrêté (arrêté du 5 février 2022 fixant les modalités de publication des vacances de poste et les caractéristiques du profil de poste de praticien hospitalier).

Du fait de ces dispositions réglementaires, le droit interne répond d’ores et déjà, pour une large part, aux exigences de la directive précitée en matière de droit à l’information.

II.   Le dispositif proposÉ : l’instauration d’un droit À l’information des praticiens hospitaliers sur leurs conditions de travail

A.   CrÉation d’un droit gÉnÉral À l’information sur leurs conditions de travail en faveur des praticiens hospitaliers

Le présent article étend aux praticiens hospitaliers le droit général à l’information prévu à l’article 17 du présent projet de loi en faveur des agents publics relevant du code général de la fonction publique (CGFP).

Pour ce faire, il modifie l’article L. 6152-4 du code de la santé publique pour y ajouter une référence à l’article L. 115-7 du code général de la fonction publique (article créé par l’article 17 du présent projet de loi).

L’étude d’impact mentionne que le Conseil supérieur des personnels médicaux, odontologistes et pharmaceutiques a été saisi pour avis du dispositif proposé et s’est prononcé favorablement le 7 novembre 2022.

Dans son avis, le Conseil d’État a souligné qu’il appartiendra au pouvoir réglementaire « de fixer la liste de ces informations et règles essentielles ainsi que les modalités de leur communication ». Il a ajouté que s’agissant des agents déjà en fonction au 1er août 2022, date d’entrée en vigueur de la directive, le décret « pourra préciser, comme le permet l’article 21 de cette directive, qu’il leur faudra, pour faire valoir ce droit à l’information sur les conditions d’exercice de leurs fonctions, présenter une demande à leur employeur ».

Selon les renseignements recueillis par votre Rapporteure au cours de ses travaux, le contenu et les modalités de ce droit à l’information seront précisés par un décret en Conseil d’État et un arrêté, qui pourraient être communs aux agents relevant du CGFP et aux praticiens hospitaliers.

B.   Mise À jour des rÉférences lÉgislatives applicables aux praticiens hospitaliers

Le présent article actualise également les renvois aux lois statutaires de la fonction publique présents à l’article L. 6152-4 du code de la santé publique, en remplaçant les références à la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires et à la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière par les références aux dispositions codifiées dans le code général de la fonction publique, entré en vigueur le 1er mars 2022.

III.   Les modifications apportÉes le SÉnat

Le Sénat a adopté cet article modifié par deux amendements ayant apporté des corrections légistiques.

Le premier amendement, adopté par la commission à l’initiative du rapporteur pour avis, a procédé à diverses actualisations dans plusieurs articles du code de la santé publique pour tenir compte de l’entrée en vigueur du code général de la fonction publique.

Le second amendement, adopté en séance avec un double avis favorable de la commission et du Gouvernement, a corrigé une mention légistique.

IV.   Les modifications apportÉes par la Commission

La Commission a adopté cet article sans modification.

 

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Chapitre III
Diverses mesures de protection de la santé publique

Article 19
Mise en conformité du droit français au droit européen en matière de publicité pour les installations de chirurgie esthétique

 

Adopté par la commission avec modifications

Le présent article met en conformité le code de la santé publique avec le droit de l’Union européenne. Il substitue à l’interdiction absolue de publicité appliquée aux installations de chirurgie esthétique une interdiction partielle, visant des communications déloyales ou néfastes à la santé publique. En effet, il résulte de la jurisprudence européenne qu’une interdiction absolue fait entorse aux principes de libre prestation des services et de libre établissement. La France a ainsi été mise en demeure de faire évoluer sa législation concernant la communication commerciale des installations de chirurgie esthétique et, plus largement, des professionnels de santé.

À la suite des modifications apportées en 2020 aux différents codes de déontologie des professionnels de santé afin d’autoriser une communication commerciale raisonnée, l’article 19 ouvre la voie à une publicité encadrée pour les établissements de chirurgie esthétique.

I.   Le droit existant

A.   Le droit communautaire

1.   Les droits primaire et dérivé de l’Union européenne valorisent la communication commerciale tout en admettant des restrictions

● La directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société d’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique ») définit la notion de communication commerciale ([305]). De plus, l’article 8§1, de la même directive permet aux membres d’une profession réglementée ([306]) d’utiliser des services de la société de l’information afin de promouvoir leurs activités ([307]).

Le droit communautaire s’est édifié sur le fondement d’objectifs économiques. En l’espèce, l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) proclame pour principe la libre prestation des services. En conséquence, toutes les discriminations directes ou indirectes et non justifiées par des raisons d’intérêt général doivent disparaître. De plus, la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur impose aux États membres, par son article 24, §1, de supprimer « toutes les interdictions totales visant les communications commerciales des professions réglementées ».

● Des restrictions partielles restent possibles. Le second paragraphe de l’article 24 de la directive précitée confie aux États-membres le soin de veiller au respect « règles professionnelles, conformes au droit communautaire, qui visent notamment l’indépendance, la dignité et l’intégrité de la profession ainsi que le secret professionnel ». Il précise aussi que « les règles professionnelles en matière de communications commerciales doivent être non discriminatoires, justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général et proportionnées ».

En outre, le neuvième considérant de la directive 2005/29 ([308]) énonce : « Les États membres pourront ainsi maintenir ou instaurer sur leur territoire des mesures de restriction ou d’interdiction de pratiques commerciales pour des motifs de protection de la santé et de la sécurité des consommateurs, quel que soit le lieu d’établissement du professionnel, par exemple pour ce qui concerne l’alcool, le tabac ou les produits pharmaceutiques. » L’article 3 de cette même directive prévoit qu’elle « s’applique sans préjudice des conditions d’établissement ou des régimes d’autorisation ou des codes de déontologie ou de toute autre disposition spécifique régissant les professions réglementées que les États membres peuvent imposer aux professionnels, conformément à la législation communautaire, pour garantir que ceux-ci répondent à un niveau élevé d’intégrité. » Selon la Cour de justice de l’Union européenne ([309]), cette disposition ne s’oppose pas à une législation nationale fixant certaines exigences de discrétion, qui protègent la santé publique et la dignité de la profession.

2.   Un contentieux européen précise l’application de ces dispositions

Le droit belge prohibe depuis 1934 la publicité pour les soins dentaires ([310]). En 2015, un tribunal de première instance belge a saisi la Cour de justice de l’Union européenne d’une question préjudicielle sur l’interprétation du droit communautaire et sur la conformité de la législation belge avec celui-ci.

Dans son arrêt Vanderborght, la Cour écarte l’incompatibilité des dispositions litigieuses de la loi belge avec la directive sur les pratiques commerciales déloyales ([311]). En effet, les dispositions de cette directive prévoient des limitations à son application, notamment pour les dispositions « relatives à la santé ». De même, la Cour conclut à la compatibilité de la législation belge avec la directive sur le commerce électronique ([312]), le droit national pouvant inclure des restrictions à la liberté de communication « afin de garantir le respect des règles professionnelles visant, « notamment », l’indépendance, la dignité et l’honneur de la profession » ([313]).

Toutefois, la Cour juge que l’interdiction absolue et totale de la publicité sur l’offre de soins dentaires contrevient à la liberté d’établissement et la libre prestation des services garanties à l’article 56 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne du 25 mars 1957. Bien que la Cour estime, comme la Commission ([314]), que la protection de la santé publique puisse valablement justifier d’interdire aux prestataires de soins dentaires toute forme de publicité auprès du grand public, elle juge en l’espèce du manque de proportionnalité des dispositions belges.

Ainsi une interdiction partielle de publicité dans le domaine médical est-elle justifiée « dès lors que la législation nationale en cause au principal n’a pas pour effet d’interdire la simple mention, sans caractère attractif ou incitatif, par de tels prestataires, dans un annuaire téléphonique ou par d’autres moyens d’information accessibles au public, des indications permettant de connaître leur existence en tant que professionnels, telles que leur identité, les activités qu’ils sont en droit d’exercer, le lieu où ils les exercent, leurs horaires de travail et les moyens d’entrer en contact avec eux » ([315]).

B.   le droit français

1.   Le droit français prohibe la publicité pour des raisons de déontologie

Dans un rapport du 3 mai 2018 relatif aux règles applicables aux professionnels de santé en matière d’information et de publicité, le Conseil d’État définit la publicité, comme « l’existence d’un message informant sur la nature du bien proposé ou du service offert, adressé à des clients potentiels et ayant pour finalité principale de favoriser le développement de l’activité concernée » ([316]).

● Le code de déontologie médicale, créé en 1947, précise en son article 19 l’interdiction absolue de publicité comme devoir général du médecin. Les dispositions réglementant la publicité des professions médicales ont été codifiées en 2004 ([317]) : l’article R. 4127-19 du code la santé publique prévoit l’interdiction de « tous procédés directs ou indirects de publicité » dans les devoirs généraux des médecins. Des dispositions similaires existent pour toutes les professions médicales organisées en ordre.

● De cette interdiction de la publicité pour les professionnels médicaux découle une prohibition similaire pour les installations de chirurgie esthétique.

La chirurgie esthétique est définie à l’article R. 6322-1 du code de la santé publique. Elle correspond aux « actes chirurgicaux tendant à modifier l’apparence corporelle d’une personne, à sa demande, sans visée thérapeutique ou reconstructrice ». Cette activité se distingue donc de la chirurgie plastique à vocation reconstructrice, relevant du soin et emportant des règles d’autorisations propres.

L’article 52 de la loi n° 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « Kouchner », a introduit les premiers encadrements de la chirurgie esthétique dans le code de la santé publique. Codifiée à l’article L. 6322-1, cette disposition instaure un régime d’autorisation administrative des établissements qui la pratiquent. Le quatrième alinéa dudit article pose l’interdiction absolue de « publicité directe ou indirecte sous quelque forme que ce soit » – à peine de retrait de l’autorisation d’installation.

2.   Des codes de déontologie d’ores et déjà adaptés à la jurisprudence européenne

À la suite de l’arrêt Vanderborght précité, la Commission européenne a prononcé le 24 janvier 2019 la mise en demeure de la France au regard des restrictions qu’elle impose sur la publicité dans le secteur des services ([318]). La contrariété des dispositions françaises au droit européen a également été relevée par le Conseil d’État qui, dans un arrêt du 6 novembre 2019, a pointé les règles interdisant « de manière générale et absolue toute publicité, telles que celles qui figurent au second alinéa de l’article R. 4127-19 du code de la santé publique » ([319]).

En conséquence, le Gouvernement a adapté par décret les dispositions applicables aux professionnels de santé relevant du domaine réglementaire. Les codes de déontologie ont été modifiés par six décrets publiés en décembre 2020, substituant à la prohibition de toute publicité une interdiction partielle.

L’article 1er du décret n° 2020-1662 du 22 décembre 2020 a ainsi créé l’article R. 4127‑19‑1 du code de la santé publique qui encadre les communications publiques des médecins. La communication doit rester « loyale et honnête » ; elle « ne fait pas appel à des témoignages de tiers, ne repose pas sur des comparaisons avec d’autres médecins ou établissements et n’incite pas à un recours inutile à des actes de prévention ou de soins. Elle ne porte pas atteinte à la dignité de la profession et n’induit pas le public en erreur. » La dignité de la profession est définie à l’article R. 412726 du même code. Des dispositions similaires ont été adoptées pour l’ensemble des professions médicales.

Il résulte de ces évolutions un décalage entre les règles applicables aux installations de chirurgie esthétique et les libertés accordées aux praticiens en matière de communication commerciale. En outre, la restriction imposée à ces installations est probablement contraire au droit européen.

II.   Le projet de loi initial

L’article 19 du projet de loi modifie le quatrième alinéa de l’article L. 6322‑1 du code de la santé publique afin de substituer, à l’interdiction totale de publicité pour les établissements titulaires de l’autorisation prévue au même article, une interdiction partielle visant exclusivement une « communication commerciale, directe ou indirecte, déloyale ou portant atteinte à la santé publique ».

Ces dispositions reprennent les restrictions admises en droit européen. Par ailleurs, elles correspondent à la rédaction figurant dans les codes de déontologie. En ce sens, elles alignent les libertés de communication commerciale des praticiens et des installations dans lesquelles ils exercent.

L’article 19 prévoit également, en son second alinéa, un décret en Conseil d’État précisant ses conditions d’application.

III.   Les modifications apportÉes par le sÉnat

L’article 19 a été adopté sans modification par le Sénat.

IV.   les modifications apportées par la commission

● À l’initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement encadrant davantage l’autorisation de communication commerciale donnée aux installations de chirurgie esthétique. La commission a estimé que l’article 19, dans sa rédaction issue du Sénat, paraît laisser la porte excessivement ouverte à la communication commerciale de ces établissements, en établissant pour seules limites la déloyauté et les impératifs de santé publique. Il a semblé que cette formulation ne permettait pas de garantir la protection d’une population particulièrement exposée aux excès de la chirurgie esthétique – les jeunes et, plus précisément, les adolescents.

La chirurgie esthétique est, en effet, de plus en plus plébiscitée par les jeunes, qui n’ont souvent aucune conscience des risques associés à des interventions dont ils attendent des miracles, mais qui sont loin d’être anodines. Ces jeunes gens sont une cible d’autant plus idéale pour les promoteurs de la chirurgie plastique qu’ils sont réceptifs et faciles à atteindre via les réseaux sociaux. Ils sont, en outre, à un âge où ils peuvent être fragiles sur le plan de l’estime de soi, et développer une vision négative de leur corps, a fortiori si on les y encourage.

La commission a donc jugé indispensable de circonscrire la possibilité pour les installations de chirurgie esthétique de mener des activités promotionnelles à destination des mineurs. Elle a ainsi modifié l’article 19 pour préciser que les installations de chirurgie esthétique se verraient retirer leur autorisation en cas de communications commerciales qui, « par leur caractère, leur présentation ou leur objet sont susceptibles d’inciter les mineurs à recourir aux prestations offertes par le centre de chirurgie esthétique ».

● La rapporteure a estimé utile d’aller plus loin et de réfléchir aux moyens de mieux réguler la publicité informelle qui pullule sur les réseaux sociaux, notamment par le canal des « influenceurs » – publicité qui généralement échappe au contrôle des autorités de régulation.

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Article 20
Régime des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 20 porte plusieurs adaptations du régime juridique des denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales (DADFMS). Ces produits sont régulés, au niveau européen, par le règlement (UE) 609/2013, ainsi que par les règlements délégués (UE) 2016/128 et (UE) 2016/127, respectivement applicables dans l’Union européenne depuis 2019 et 2020.

Le présent article procède à des ajustements pour tenir compte de l’entrée en vigueur de ces règlements européens. Au-delà de cet objectif de mise en conformité, l’article 20 modifie les règles de délivrance et de dispensation afin de graduer le contrôle médical exercé en fonction du risque associé à un mésusage de ces denrées alimentaires.

I.   Le droit existant

Les denrées alimentaires à fins médicales spéciales (DADFMS) désignent certains produits spécifiques dont la consommation a vocation à concourir à la prise en charge médicale globale d’un patient. Elles sont à distinguer des compléments alimentaires disponibles en vente libre. En substance, cette catégorie de denrées recouvre :

– les produits nutritionnels destinés aux nourrissons (laits spéciaux hypoallergéniques, solutés de réhydratation, etc.) ;

– les aliments de nutrition entérale ;

– certains compléments nutritionnels oraux ;

– les aliments répondant aux besoins nutritionnels particuliers de personnes atteintes d’une maladie nécessitant ce type d’apport, soit principalement les maladies héréditaires du métabolisme (phénylcétonurie par exemple).

Le régime juridique de ces denrées est aujourd’hui largement déterminé par le droit européen.

A.   Le droit communautaire

Le régime européen des denrées alimentaires à fins médicales spéciales repose sur le règlement (UE) 609/2013 ([320]), qui vise notamment à l’harmonisation et au renforcement des exigences en matière de composition des produits et d’information. Entré en application en 2016, ce règlement a été complété par les règlements délégués (UE) 2016/128 ([321]) et 2016/127 ([322]), respectivement entrés en application le 22 février 2019 et le 22 février 2020.

L’encadrement européen des denrées alimentaires à fins médicales spéciales repose sur trois éléments principaux :

– une déclaration préalable à l’autorité compétente : conformément à l’article 9 du règlement délégué (UE) 2016/128, tout exploitant mettant sur le marché un produit entrant dans la catégorie des denrées alimentaires à fins médicales spéciales est tenu d’en notifier toutes les informations de nature à attester le respect dudit règlement à l’autorité compétente ;

– un étiquetage répondant aux exigences posées par les règlements quant à la composition de ces denrées. L’article 5 du règlement délégué (UE) 2016/128 impose diverses mentions obligatoires s’ajoutant à celles devant habituellement figurer sur les produits commercialisés (notion de contrôle médical obligatoire, place du produit dans l’alimentation, catégorie d’âge éventuelle, risques pour la santé en cas de mésusage, etc.) ;

– un accès sous contrôle médical : le considérant n° 3 du règlement délégué précité dispose que « les denrées alimentaires destinées à des fins médicales spéciales sont élaborées en étroite collaboration avec des professionnels de la santé pour nourrir les patients souffrant d’une maladie diagnostiquée, d’un trouble ou d’un état de santé particuliers, ou d’une dénutrition due à de tels maux, qui les empêchent ou ne leur permettent que très difficilement de satisfaire leurs besoins nutritionnels avec d’autres denrées alimentaires ». En raison de ce caractère bien spécifique, « elles doivent être utilisées sous un contrôle médical pouvant être assuré avec le concours de professionnels de la santé compétents ».

B.   Le droit national

Les règlements de l’Union européenne étant d’application directe en droit français dès leur entrée en vigueur, il n’est pas nécessaire de prévoir leur transposition. Les obligations imposées en matière d’étiquetage, de composition et de déclaration aux autorités sont donc d’ores et déjà mises en œuvre au niveau réglementaire.

Auditionnée par votre rapporteure, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a ainsi souligné que le droit français était largement conforme aux exigences européennes. La direction générale de l’offre de soins (DGOS) a également affirmé, lors de son audition, que le dispositif français de nutrivigilance, principalement décliné au niveau réglementaire, était très exigeant.

S’agissant par exemple des obligations déclaratives des exploitants, l’autorité compétente est, en France, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). Récipiendaire des déclarations, elle peut, en cas de doute sur la qualité des produits au regard des besoins du public visé, saisir l’Anses, qui se prononce sur cette adéquation.

S’agissant du contrôle médical, il repose sur trois éléments principaux :

– le monopole officinal, énoncé à l’article L. 4211‑1 du code de la santé publique, pour ce qui concerne les denrées dédiées aux nourrissons ;

– un monopole de facto aux pharmacies à usage intérieur (PUI), dans le cadre de leur activité de rétrocession, pour la délivrance des denrées répondant aux besoins nutritionnels spécifiques à certaines maladies. Dans les faits, ce monopole revient en grande partie à l’agence des équipements et produits de santé (AGEPS) de l’assistance publique des hôpitaux de Paris (AP-HP), acteur historique de ce secteur, qui continue d’assurer la délivrance de 80 % de ces denrées malgré une ouverture aux autres pharmacies à usage intérieur à compter de 2004 ;

– une soumission à prescription médicale, énoncée à l’article L. 5137‑2 du code de la santé publique, en principe obligatoire pour les produits visés au paragraphe précédent, et en pratique fréquente pour la plupart des denrées alimentaires à fins médicales spéciales, à fin notamment de prise en charge par la sécurité sociale.

En dépit de cette large compatibilité du droit français, un toilettage du code de la santé publique reste nécessaire, notamment pour supprimer les anciens renvois et définitions, dans la mesure où la loi a désormais essentiellement vocation à renvoyer au texte européen d’applicabilité directe.

II.   Le projet de loi initial

L’article 20 procède au toilettage du code de la santé publique dont les rédactions sont alignées sur les dispositions européennes en vigueur.

En outre, l’article 20 comporte des dispositions destinées à répondre à un problème spécifique posé par le système français de dispensation. Comme mentionné précédemment, l’AGEPS assure actuellement la dispensation de la grande majorité des denrées alimentaires à fins médicales spéciales répondant aux besoins nutritionnels spécifiques associés à certaines maladies, en dépit de l’ouverture de cette dispensation à l’ensemble des pharmacies à usage intérieur en 2004. Cette mission représente une très lourde charge pour l’AGEPS, qui gère dans ce cadre 150 références, approvisionne une file active de 3 358 patients, traite une quarantaine d’ordonnances par jour et assure la délivrance de pratiquement 2 millions d’unités par an.

Auditionné par votre rapporteure, le directeur de l’AGEPS, M. Renaud Cateland, a souligné que, si la qualité du service rendu par l’AGEPS était unanimement reconnue, l’augmentation continue de la file active de patients avait suscité une tension inédite sur les équipes dans un contexte de difficultés à recruter des pharmaciens et des préparateurs en pharmacie. Il a ainsi estimé opportun, dans ce contexte, de concentrer l’expertise des professionnels de santé sur les produits les plus sensibles – en particulier les mélanges d’acides aminés qui, adressés à la mauvaise personne, peuvent avoir de graves conséquences. Pour les autres produits, par exemple les aliments hypoprotidiques, la supervision d’un pharmacien n’apparaissait pas forcément nécessaire.

Afin de répondre à cette situation, l’article 20 gradue le contrôle médical associé à la délivrance et à la dispensation des denrées en fonction du niveau de risque qui leur est associé.

A.   La mise en conformité avec le droit européen

Le 3° du I de l’article 20 réécrit le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la santé publique relatif aux denrées alimentaires à fins médicales spéciales. Les articles L. 5137-1 à L. 5137-3, qui les définissent et qui renvoient à un décret pour en préciser la composition et la présentation, sont effectivement devenus obsolètes avec l’entrée en vigueur des règlements européens comportant toutes ces précisions.

B.   La gradation du contrôle médical selon le niveau de risque associé à la denrée

● Le 2° du I modifie le 2° de l’article L. 5126-6 du code de la santé publique, lequel ouvre la possibilité aux pharmacies à usage intérieur de délivrer directement aux patients des denrées alimentaires à fins médicales spéciales. L’article 20 restreint cette possibilité en prévoyant que les pharmacies à usage intérieur ne puissent plus délivrer que les denrées listées par le ministre de la santé, pour des raisons de santé publique ou dans l’intérêt des patients.

L’intention sous-jacente est de réserver à la délivrance en pharmacies à usage intérieur les denrées qui revêtent une sensibilité particulière, soit qu’elles soient potentiellement dangereuses en cas de mésusage, soit qu’elles soulèvent des problèmes particuliers d’approvisionnement. En conséquence, toutes les denrées répondant aux besoins nutritionnels spécifiques associés à certaines maladies héréditaires du métabolisme seront, dès lors qu’elles ne figurent pas sur ladite liste, dispensées dans les officines ou par les prestataires de services et distributeurs de matériels (PDSM). Cela impliquera l’inscription des spécialités concernées sur la liste des produits et prestations et leur tarification par le Comité économique des produits de santé (CEPS), en vue de permettre une prise en charge par la sécurité sociale.

● Par ailleurs, le 1° du I étend le monopole des officines énoncé à l’article L. 4211-1 du code de la santé publique. Auparavant circonscrit aux produits diététiques pour nourrissons, il a vocation à englober la vente au détail et la dispensation de toutes les denrées alimentaires à fins médicales spéciales présentant des risques graves pour la santé en cas de mésusage. Il convient cependant de noter que la rédaction adoptée aboutit par ailleurs à sortir du monopole officinal une partie des aliments diététiques pour nourrissons non inclus dans la catégorie des DADFMS – spécifiquement les laits hypoallergéniques à base d’hydrolysats.

● Le 3° du I réécrit l’article L. 5137-1 afin de préciser le régime de ces denrées alimentaires à fins médicales spéciales présentant des risques graves en cas de mésusage. Il dispose que le ministre de la santé peut soumettre ces denrées à prescription médicale obligatoire ainsi qu’à « des conditions particulières de prescription ou de délivrance ». D’après le Gouvernement, cela pourrait par exemple impliquer l’attribution d’un monopole à une pharmacie à usage intérieur.

Il convient de noter que la suppression de l’ancien article L. 5137-3 par le 3° du I, combinée à la réécriture du L. 5137‑1, aboutit à restreindre la nécessité d’une prescription médicale à ces seules denrées présentant un risque grave en cas de mésusage.

● Enfin, le II ménage une période transitoire afin de permettre aux acteurs de s’organiser et de prévenir les ruptures dans l’approvisionnement des patients. Ainsi, les pharmacies à usage intérieur seront encore autorisées à dispenser l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales pendant dix-huit mois à compter de la publication de la loi, et les denrées répondant aux besoins nutritionnels spécifiques associés à certaines maladies continueront d’être soumises à prescription médicale obligatoire pendant un an.

III.   Les modifications apportées par le sénat

Lors de son examen au Sénat, l’article 20 a fait l’objet de débats nourris autour de la question du contrôle médical. Les sénateurs ont adopté lors de l’examen en commission un amendement de la rapporteure visant à renforcer le texte sur ce point. Celui-ci aboutit à très largement réécrire, dans le cadre du 3° du I, le chapitre VII du titre III du livre Ier du code de la santé publique.

● Le nouvel article L. 5137-1 rappelle l’exigence européenne d’un contrôle médical obligatoire pour l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales. Il énumère de façon limitative l’ensemble des acteurs habilités, en France, à délivrer ces denrées. Il se borne ainsi à entériner la situation existante, en omettant toutefois certains acteurs, en particulier certains Ehpad, habilités à délivrer de la nutrition parentérale à leurs résidents.

● Le nouvel article L. 5137-2 réintroduit la possibilité de soumettre à prescription médicale obligatoire l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales répondant aux besoins nutritionnels spécifiques associés à une maladie, et non seulement celles qui présentent un risque en cas de mésusage.

● Le nouvel article L. 5137-3 traite spécifiquement des denrées alimentaires à fins médicales spéciales qui présentent un risque grave en cas mésusage. Il rappelle l’obligation – prévue dans le règlement européen – pour les producteurs et distributeurs de notifier ces risques à l’autorité compétente. Il impose la prescription médicale obligatoire pour ces denrées, pouvant être assortie de conditions particulières de prescription et de délivrance. Il précise que la délivrance pourra en être réservée aux pharmacies à usage intérieur, et renvoie au décret pour l’identification des denrées correspondant à cette catégorie et pour l’élaboration de procédures de vigilance spécifiques.

● Enfin, le Sénat a souhaité, dans le cadre du 1° du I, étendre le monopole des officines pour la dispensation des produits diététiques destinés aux nourrissons, qui concerne actuellement les denrées alimentaires à fins médicales spéciales destinés aux enfants de moins de quatre mois, aux produits destinés aux enfants de moins de douze mois. Cette évolution était justifiée par le fait que le règlement européen n° 609/2013 précité définit les nourrissons comme des enfants de moins de douze mois.

IV.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 20 ainsi que quatre amendements présentés par la rapporteure.

● Outre deux amendements rédactionnels, la commission a adopté un amendement corrigeant une malfaçon dans la rédaction du 1° du I de l’article 20, qui modifie le périmètre du monopole des officines s’agissant de la dispensation des denrées alimentaires à fins médicales spéciales. L’article L. 4211-1 du code de la santé publique, qui en résulte, n’inclut plus dans le monopole officinal certains aliments diététiques pour nourrissons qui ne sont pas des denrées alimentaires à fins médicales spéciales, à l’image des laits à base d’hydrolysats.

La commission a convenu qu’il s’agissait d’une omission qu’il convenait de réparer dans la mesure où ces aliments diététiques n’avaient pas vocation à être commercialisés en grande surface. Elle a adopté, à l’initiative de la rapporteure, une nouvelle rédaction du 1° du I englobant, outre les denrées alimentaires à fins médicales spéciales, les préparations pour nourrissons, dont les caractéristiques seront définies par décret.

Cet amendement revient pour partie sur l’extension du monopole officinal, votée par le Sénat, aux produits pour nourrissons de moins de douze mois. La commission n’est cependant pas revenue sur le seuil actuel de quatre mois; considérant que le monopole officinal pouvait valablement être étendu aux préparations et denrées alimentaires à fins médicales spéciales pour nourrissons de moins de six mois, ce qui correspond à la limite supérieure du « premier âge » des produits commercialisés.

● La commission a également adopté, à l’initiative de la rapporteure, un amendement destiné à répondre aux inquiétudes manifestées par les associations de patients atteints de maladies héréditaires du métabolisme. Pour ces patients, la consommation de denrées alimentaires adaptées revêt un caractère indispensable, voire vital. Or, ils sont habitués à un circuit de distribution centralisé au sein de quelques pharmacies à usage intérieur, souvent l’AGEPS, qui leur livrent en une seule fois, pour plusieurs mois, l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales qui constituent leur régime, indépendamment du niveau de risque associé à la denrée.

Ces associations voient donc avec appréhension la perspective d’une décentralisation de la distribution, et d’une dissociation des circuits et points de vente selon le niveau de risque. Elles redoutent une baisse de la qualité de service pour les patients, une réduction des références disponibles, voire une moindre prise en charge.

Le Gouvernement s’est engagé, lors de l’examen du présent projet de loi au Sénat, à se montrer attentif aux besoins spécifiques de ces patients, dans la mise en œuvre de l’article 20. Cependant, la commission a estimé que les périodes transitoires prévues aux deux derniers alinéas pourraient s’avérer en contradiction avec cet engagement, en excluant potentiellement de la dispensation en pharmacie à usage intérieur, à l’échéance de dix-huit mois, l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales non-inscrites sur une liste qui devait être élaborée en concertation avec les acteurs. Ces dix-huit mois paraissaient d’autant plus courts qu’il appartenait, dans le même délai, à l’ensemble des industriels dont le produit n’était pas inscrit sur cette liste, de demander son inscription sur la liste des produits et prestations en vue d’une commercialisation en officine ou via des prestataires de services et distributeurs de matériels.

L’amendement adopté par la commission porte à deux ans :

– la période transitoire pendant laquelle les denrées alimentaires à fins médicales spéciales destinées aux maladies métaboliques ne seraient accessibles qu’en pharmacie et sur prescription médicale ;

– la période transitoire pendant laquelle l’ensemble des denrées alimentaires à fins médicales spéciales pourrait continuer à être dispensées par les pharmacies à usage intérieur.

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Article 21
Adaptation du code du travail et du code de la santé publique à l’annexe VIII modifiée du règlement (CE) n° 1272/2008 du 16 décembre 2008
relatif à la classification, l’étiquetage et à l’emballage
des substances et des mélanges (CLP)

 

Adopté par la commission sans modification

Cet article poursuit l’adaptation aux exigences européennes du système de déclaration par les industriels de la composition de leurs mélanges dangereux. Le règlement CLP de 2008 a édicté des prescriptions harmonisées en matière de classification, d’étiquetage et d’emballage des substances et des mélanges. Entrée en vigueur en 2021, son annexe VIII a créé un modèle unique de transmission des déclarations de mise sur le marché, matérialisé par la mise en œuvre d’un portail unique à l’échelle européenne.

Le système de déclaration européen étant pleinement opérationnel au 1er janvier 2023, l’article 21 supprime les dernières mentions légales du système national de classification et de déclaration des mélanges dangereux. Il procède aussi à des ajustements mineurs.

I.   Le droit existant

A.   Le droit de l’Union européenne

1.   Le droit de l’Union a rapidement encadré la circulation des substances dangereuses

Le principe de transmission des informations concernant la composition des produits dangereux existe à l’échelle européenne dès 1988 ([323]). Par la suite, le titre IV du règlement REACH ([324]), visant à renforcer la protection de la santé humaine et de l’environnement contre les risques que peuvent engendrer les produits chimiques, inscrit l’obligation pour les fournisseurs de transmettre une fiche de données de sécurité pour toute substance classée dangereuse. Ces dispositions sont le premier pas vers un système commun concernant les mélanges chimiques dangereux. Le terme « substance » désigne un élément chimique tandis que « mélange » et « préparation » correspondent à un composé de plusieurs substances ([325]).

Le règlement (CE) n° 1272/2008 modifié, dit règlement CLP, fixe les prescriptions harmonisées en matière de classification, d’emballage et d’étiquetage des substances chimiques et des mélanges, conformément au système général harmonisé des Nations unies. Dans le droit européen, le responsable de la mise sur le marché est ainsi le fabricant, l’importateur, l’utilisateur en aval ou le distributeur de ce produit. Dans la pratique, c’est à la société mentionnée sur l’étiquette du produit qu’il revient de déclarer ses marchandises. Ce même règlement CLP impose aux États membres de désigner des organismes en capacité de recevoir des autorités européennes des informations sur la composition des mélanges dangereux. Ces organismes nationaux, souvent les centres antipoison, continuent par ailleurs de recevoir des informations de la part des fournisseurs de produits chimiques, dans le cas d’interventions sanitaires d’urgence.

2.    ... et ouvert la voie à un système de contrôle et gestion des risques à l’échelle européenne

L’annexe VIII du règlement CLP ([326]) précité, en vigueur au 1er janvier 2021, crée un modèle unique de transmission des informations à l’autorité européenne compétente et aux centres antipoison. Elle propose un formulaire-type commun à l’ensemble des États-membres, permettant d’harmoniser les pratiques. Par ailleurs, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) est l’organe européen compétent pour mettre au point des outils permettant la déclaration des informations. En ce sens, l’agence a conçu un portail de déclaration centralisé (Poison centers notification portal), communément appelé PCN.

Le règlement (CE) n° 2020/1677 fixe un calendrier à respecter pour se conformer à l’Annexe VIII du règlement CLP. Mais il n’impose aucun outil de déclaration. Ainsi, de 2021 à 2023, un fabricant, importateur ou utilisateur, mettant sur le marché un produit chimique dangereux au titre du règlement CLP, a pu déclarer les informations énumérées à l’Annexe VIII de ce même règlement sur le portail de déclaration centralisé ou sur le système national de chaque État-membre dans lequel il souhaite commercialiser son produit.

B.   Le droit français

1.   Le système national de déclaration des mélanges dangereux

L’obligation de déclaration d’informations concernant des risques potentiels aux travailleurs existe depuis la loi du 6 décembre 1976 ([327]).

Elle a d’abord pris la forme de fiches, puis d’enregistrements dans quatre bases de données réparties sur le territoire national. En 1997, celles-ci fusionnent pour créer un système unique de traitement de ces données ([328]). Par la suite, la loi du 21 juillet 2009 ([329]) a prévu la déclaration de mise sur le marché de toute substance ou préparation à la demande des organismes compétents. Cette même loi a créé une déclaration unique obligatoire à destination de ces mêmes organismes.

Les codes de la santé publique, de l’environnement et du travail prévoient une obligation de déclaration des mélanges classés dangereux en raison de leurs effets sur la santé ou de leurs effets physiques ([330]). Ces dispositions sont précisées par les parties réglementaires des codes de la santé publique ([331]) et de l’environnement ([332]), s’agissant en particulier du contenu de la déclaration et des modalités de transmission de ces informations. Tous les mélanges dangereux sont concernés, exceptés les produits mentionnés à l’article R. 1341-10 du code de la santé publique – notamment les médicaments. Par ailleurs, le système français dispose d’une classification de dangerosité des produits et mélanges, déterminée dans le code de la santé publique ([333]). Enfin, la violation du caractère obligatoire de la transmission des compositions des mélanges dangereux donne lieu à des sanctions pénales ([334]).

Conformément à l’article L. 4411-4 du code du travail, un arrêté du 21 mars 2016 a désigné l’Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) pour collecter, exploiter et diffuser ces données ([335]). Il est par ailleurs chargé de leur confidentialité ([336]). Enfin, l’INRS partage l’intégralité des données récoltées avec les centres antipoison et de toxicovigilance (CAPTV), comme le prévoit l’article L. 1341-1 du code de la santé publique.

Depuis 2017, la déclaration d’un produit chimique ou biocide auprès de l’INRS se fait obligatoirement en ligne sur l’application « Déclaration-Synapse » ([337]). Cette déclaration est indépendante de l’enregistrement obligatoire des substances au niveau européen dans le cadre du règlement REACH.

2.   Un droit français déjà modifié pour mise en conformité

La similarité des dispositions européennes et françaises a permis une transition fluide vers le système communautaire unique. Le droit français a intégré progressivement les normes européennes. En particulier, les ordonnances du 26 février 2009 et du 21 octobre 2010 ont accompagné l’entrée en vigueur des règlements CLP et REACH s’agissant des définitions et des termes relatifs aux substances et mélanges dangereux ([338]).

L’ordonnance du 22 décembre 2011 a poursuivi cette intégration des normes communautaires et imposé un étiquetage des produits et substances sur le modèle européen ([339]). De plus, cette ordonnance a adapté au droit de l’Union européenne la classification des produits dangereux au sein du code de la santé publique. Elle a aussi édicté, jusqu’à l’entrée en vigueur du règlement CLP, des mesures transitoires arrivées à terme le 1er juin 2015 – elles ont donc coexisté avec les normes européennes concernant les substances dangereuses entrées en vigueur au 1er décembre 2010. Enfin, cette même ordonnance a établi un système de déclaration unique des substances et mélanges dangereux, non seulement pour les importateurs mais aussi pour les utilisateurs ([340]).

Pour les déclarants, la transition entre les systèmes français et européen s’est traduite par un changement de modalité de déclaration, notamment un abandon progressif du site « Déclaration-Synapse » en faveur du portail de déclaration centralisé. Le portail européen a ouvert au 1er janvier 2021 en France. Toutefois, afin de permettre une transition fluide, le service national « Déclaration-Synapse » a été maintenu jusqu’au 1er janvier 2023. Cette coexistence était d’autant plus nécessaire que la déclaration des mélanges dangereux à destination d’un usage industriel ne deviendra obligatoire sur le portail de déclaration centralisé qu’au 1er janvier 2024.

II.   Le projet de loi initial

Le présent article modifie le code de la santé publique et le code du travail afin de parachever sa mise en conformité avec le droit européen.

● Le I du présent article modifie le code de la santé publique.

Le et le b du 2° ouvrent la possibilité d’inclure par voie réglementaire de nouveaux organismes compétents pour la réception des déclarations des industriels. Cette formalité rédactionnelle permet de faire des organismes européens les récipiendaires des déclarations de mélanges dangereux.

En outre, le et le suppriment les dispositifs de déclaration français et leur mention. En effet, la pleine applicabilité des dispositions européennes suppose de mettre en extinction le système français ainsi que les dispositions transitoires.

Par ailleurs, le désigne le comité français d’accréditation (association de loi 1901) comme entité de recherche et de constat des infractions au code pénal. Cette disposition comble un vide juridique causé par l’abrogation de l’article L. 215‑1 du code de la consommation, qui désignait comme telle la police judiciaire, les professionnels inspecteurs de santé publique et les inspecteurs nommés par les agences régionales de santé.

Enfin, le supprime certaines conséquences pénales à la non-déclaration des mélanges dangereux, en conformité avec l’article 47 du règlement CLP relatif aux sanctions en cas de non-respect des dispositions du règlement.

● Le II modifie le code du travail. Il supprime notamment les dispositions organisant le système de déclaration aux autorités françaises, désormais obsolètes.

● Le III prévoit une modalité de déclaration transitoire, à définir par voie réglementaire, concernant les mélanges à destination d’un usage industriel, pour lesquels les dispositions européennes entrent en vigueur le 1er janvier 2024.

L’ensemble de ces dispositions n’ont aucun impact sur les industriels, en ce sens qu’elles actent une transition déjà avancée entre le système de déclaration français et le système unique européen.

III.   Les modifications apportÉes par le sénat

Le présent article a été adopté sans modification par le Sénat.

IV.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté l’article 21 dans sa rédaction issue du Sénat.

Article 22
Ratification de l’ordonnance n° 2022-414 du 23 mars 2022 portant adaptation des dispositions du code de la santé publique et du code rural et de la pêche maritime au droit de l’Union européenne dans le domaine
des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux
et ajustements rédactionnels

 

Adopté par la commission sans modification

L’article 22 a pour objet la ratification de l’ordonnance du 23 mars 2022 portant diverses adaptations au droit européen dans le domaine des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux. Cette ordonnance met le droit français en conformité avec les règlements (UE) 2019/4 relatif aux aliments médicamenteux pour animaux et 2019/6 relatif aux médicaments vétérinaires. Les modifications les plus importantes du droit français résultant de ces règlements portent sur les aliments médicamenteux, qui ne sont désormais plus traités, du point de vue de la réglementation, comme des médicaments mais comme des aliments animaux. Cette évolution se traduit par le passage des établissements de fabrication de ces aliments médicamenteux – qui ne sont plus considérés des établissements pharmaceutiques – de la compétence de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vers celle des services départementaux interministériels de l’agriculture et de l’économie.

L’article 22 procède par ailleurs à des modifications rédactionnelles et à la correction de malfaçons dans le texte de l’ordonnance.

I.   le droit existant

A.   le droit communautaire

En janvier 2019, le Parlement européen et le Conseil ont adopté un « paquet médicaments vétérinaires », constitué de trois règlements :

– le règlement n° 2019/6 du 11 décembre 2018 relatif aux médicaments vétérinaires et abrogeant la directive 2001/82/CE ;

– le règlement n° 2019/5 ([341]), qui modifie la procédure centralisée d’autorisation de mise sur le marché (AMM) des médicaments vétérinaires ;

– et le règlement n° 2019/4 du 11 décembre 2018 concernant la fabrication, la mise sur le marché et l’utilisation d’aliments médicamenteux pour animaux, modifiant le règlement (CE) n° 183/2005 du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 90/167/CEE du Conseil.

Ces trois règlements tendent, selon l’étude d’impact annexée au projet de loi, « à accroître la disponibilité de médicaments vétérinaires au niveau européen, à alléger la charge administrative, à stimuler la compétitivité et l’innovation, à améliorer le fonctionnement du marché intérieur et à traiter le risque pour la santé publique de la résistance aux antimicrobiens ».

● S’agissant des médicaments vétérinaires, les principales dispositions du règlement n° 2019/6 visent à harmoniser les pratiques nationales en ce qui concerne :

– les autorisations de mise sur le marché des médicaments vétérinaires, délivrées par l’autorité compétente de l’État membre ou par la Commission européenne, désormais valables pour une durée illimitée. Cinq types de procédures sont prévues afin de faciliter la mise sur le marché des médicaments vétérinaires dans l’ensemble des pays de l’Union européenne ;

– les établissements pharmaceutiques, qui doivent, pour leurs activités de fabrication ou d’importation de médicaments vétérinaires, disposer d’une autorisation de l’autorité compétente de l’État membre, délivrée à l’issue d’une inspection, et qui sont tenus de respecter un certain nombre de règles ;

– les autres opérateurs du médicament vétérinaire, à savoir les importateurs, fabricants et distributeurs de substances actives qui doivent enregistrer leur activité auprès de l’autorité compétente de l’État membre dans lequel ils sont établis, et les opérateurs de la distribution en gros qui doivent obtenir une autorisation européenne et respecter les bonnes pratiques européennes de distribution. En outre, l’importation et l’exportation depuis des pays tiers ne peuvent solliciter que des opérateurs titulaires d’une autorisation ;

– les obligations de pharmacovigilance des titulaires d’autorisation de mise sur le marché, avec un système européen mis en place aux fins d’enregistrement et de notification des effets indésirables présumés. Le non-respect de ces obligations est susceptible de conduire au retrait de l’autorisation de mise sur le marché ;

– les conditions de prescription et de délivrance des médicaments vétérinaires, avec l’établissement d’un socle commun de règles, même si une marge d’appréciation importante est laissée aux États membres ;

– la vente des médicaments vétérinaires, avec l’ouverture de la possibilité d’un commerce en ligne ;

– la publicité des médicaments vétérinaires, en principe autorisée mais régulée ;

– l’usage des médicaments antimicrobiens, strictement encadré et pour lequel chaque État conserve la possibilité de restreindre ou d’interdire l’utilisation de certains produits sur son territoire.

● S’agissant du règlement (UE) n° 2019/4 concernant les aliments médicamenteux, les principales dispositions sont les suivantes :

– l’aliment médicamenteux n’est plus considéré comme un médicament vétérinaire tel que le disposait la directive 2001/82/CE, mais comme un aliment, cependant soumis à prescription vétérinaire obligatoire. Il relève désormais du droit régissant l’alimentation animale ;

– les exploitants du secteur de l’alimentation animale qui fabriquent, entreposent, transportent et mettent sur le marché des aliments médicamenteux ou des produits intermédiaires sont soumis à agrément ou à enregistrement. Ils doivent se conformer à un certain nombre d’exigences visant à garantir la qualité, la sécurité et la traçabilité des aliments médicamenteux, mais également l’absence de contaminations croisées avec d’autres types d’aliments, ainsi qu’à des exigences en termes d’emballage et d’étiquetage ;

– la prescription et l’utilisation des aliments médicamenteux contenant un médicament antimicrobien sont strictement encadrées.

Le « paquet médicaments vétérinaires » est entré en application dans l’ensemble de l’Union européenne le 28 janvier 2022.

B.   le droit français

Le régime des médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux au sein de l’Union européenne était auparavant régi par des directives, qui avaient fait l’objet d’une transposition dans chaque État membre. Ce régime avait été décliné, en France, au titre IV du livre Ier de la cinquième partie du code de la santé publique, correspondant aux articles L. 5141-1 à L. 5146-5.

L’entrée en application du « paquet médicaments vétérinaires » a d’ores et déjà modifié les normes applicables puisque les règlements européens sont d’application directe, sans qu’il soit nécessaire de les transposer en droit interne. Cependant, certaines mesures d’harmonisation étaient nécessaires. Les principales évolutions sont les suivantes :

● S’agissant des médicaments vétérinaires, il s’agit essentiellement de mesures de coordination, dans la mesure où les règles françaises concernant les médicaments vétérinaires, de leur fabrication à leur dispensation et à leur surveillance, satisfaisaient déjà, dans l’ensemble, les exigences européennes. Le rôle de l’Agence nationale du médicament vétérinaire (ANMV), intégrée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et compétente en matière d’évaluation et de gestion du risque pour le médicament vétérinaire, ne s’en trouve pas réellement modifié.

● Les évolutions les plus importantes concernent les aliments médicamenteux, essentiellement en raison du changement de statut induit par le règlement européen. Ceux-ci n’étant désormais plus régis par le droit des médicaments vétérinaires, les fabricants et distributeurs d’aliments médicamenteux deviennent des opérateurs de l’alimentation animale, ce qui implique un contrôle de leurs activités par le préfet en lieu et place de l’Anses.

Pour le reste, la France faisant partie des États membres aux normes les plus strictes, l’harmonisation à un niveau élevé de sécurité de la fabrication, de la commercialisation et de l’utilisation des aliments médicamenteux pour animaux dans l’Union européenne n’a pas induit de changement important – à l’exception des transporteurs d’aliments médicamenteux qui n’étaient auparavant pas soumis au régime général d’agrément prévu par le règlement.

● Afin de mettre le droit français en conformité avec les règlements européens, l’article 27 de la loi du 3 décembre 2020 ([342]) a habilité le Gouvernement à adopter par ordonnance les dispositions législatives nécessaires dans le code rural et de la pêche maritime, le code de la santé publique et le code de la consommation. Sur le fondement de cette habilitation, l’ordonnance du 23 mars 2022 ([343]) a :

– adapté les dispositions contraires ou devenues redondantes avec les règlements européens ;

– adapté les règles applicables pour tous les opérateurs, depuis la production jusqu’à l’utilisation des médicaments vétérinaires et des aliments médicamenteux ;

– inclus des dispositions transitoires permettant d’organiser le passage de l’ancienne à la nouvelle réglementation pour les établissements pharmaceutiques et l’administration, et d’assurer à la fois la disponibilité en médicaments vétérinaires et la continuité des activités.

En raison du périmètre strict de l’habilitation donnée par la loi précitée du 3 décembre 2020, l’étude d’impact annexée au présent projet de loi précise que l’ordonnance a un impact négligeable sur l’ordre juridique interne.

II.   Le projet de loi initial

● L’objet principal de l’article 22 est, au I, la ratification de l’ordonnance précitée du 22 mars 2022 relative aux médicaments vétérinaires et aliments médicamenteux.

● Le II procède à la correction de malfaçons rédactionnelles, dont certaines résultent de l’ordonnance du 22 mars 2022 :

– le rétablit le champ de l’interdiction de la perception d’avantages de la part des industries pharmaceutiques vétérinaires, prévue à l’article L. 5141-13-1 du code de la santé publique. La rédaction issue de l’ordonnance de 2022 ne permettait pas de couvrir les titulaires d’autorisation ou d’enregistrement, il s’agit donc de remédier à cet oubli ;

– le procède à un toilettage de l’article L. 5141-16, qui prévoit les dispositions relatives au médicament vétérinaire qui doivent être précisées par décret du Conseil d’État, afin de supprimer des dispositions obsolètes et redondantes ;

– le rétablit le pouvoir de sanction du directeur général de l’Anses pour les règles de publicité, rectifiant une erreur de l’ordonnance du 22 mars 2022.

● Enfin, certaines dispositions du II constituent des ajouts modestes visant à assurer la bonne application des règlements européens :

– le renvoie à une décision du directeur général de l’Anses, plutôt qu’à un arrêté ministériel, la détermination des conditions d’aptitude juridique et scientifique des inspecteurs ayant vocation à contrôler la bonne application des règlements européens (article L. 5146-4), dans un but de simplification ;

– le prévoit l’utilisation de la base de données européenne relative à la pharmacovigilance pour les déclarations des événements indésirables par les titulaires d’autorisations de mise sur le marché (article L. 5441-15).

III.   Les modifications apportées par le sénat

Le Sénat a adopté l’article 22 modifié par un amendement rédactionnel de la rapporteure.

IV.   les modifications apportées par la commission

La commission a adopté cet article dans sa rédaction issue du Sénat.

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Article 23
Ratification des ordonnances n° 2022-582 du 20 avril 2022 et n° 2022-1086
du 29 juillet 2022 et désignation de l’autorité administrative chargée
de prononcer des sanctions financières dans le cadre de la surveillance
du marché des dispositifs médicaux, des dispositifs médicaux
de diagnostic in vitro, de leurs accessoires et des produits
de l’annexe XVI du règlement (UE) 2017/745

 

Adopté par la commission avec modifications

L’article 23 ratifie deux ordonnances du 20 avril 2022 relative aux dispositifs médicaux et du 29 juillet 2022 relative aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro. Toutes deux ont été adoptées en vue d’adapter le droit français respectivement aux règlements européens 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux et 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro.

Ces ordonnances ont pour effets principaux d’introduire dans le droit français les définitions de dispositifs médicaux et dispositifs médicaux de diagnostic in vitro résultant du droit européen, en élargissant le spectre de la réglementation à leurs accessoires, ainsi que de redéfinir les compétences respectives de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour la régulation de ce marché.

Par ailleurs, l’article 23 comporte plusieurs dispositions complémentaires ponctuelles concernant notamment les dispositifs sans visée médicale et les pouvoirs de sanction financière de la DGCCRF.

I.   Le droit existant

A.   Le droit communautaire

Le droit européen régissant les dispositifs médicaux a fait l’objet d’une refonte importante avec l’adoption, en 2017, de deux règlements :

– le règlement (UE) 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux ([344]) ;

– et le règlement (UE) 2017/746 relatif aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ([345]).

Cette refonte du droit européen a eu pour grands principes l’élaboration d’un cadre réglementaire rigoureux et transparent pour ces dispositifs qui connaissent aujourd’hui un essor considérable, en garantissant plus de sécurité pour les patients sans toutefois bloquer l’innovation.

 

Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro

Les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro sont définis dans le règlement (UE) 2017/746 comme « tout dispositif médical qui consiste en un réactif, un produit réactif, un matériau d’étalonnage, un matériau de contrôle, une trousse, un instrument, un appareil, un équipement, un logiciel ou un système, utilisé seul ou en association, destiné par le fabricant à être utilisé in vitro dans l’examen d’échantillons provenant du corps humain, y compris les dons de sang et de tissus, uniquement ou principalement dans le but de fournir des informations [...] ».

Derrière cette longue énumération existe une variété limitée de produits, sans commune mesure avec le secteur des dispositifs médicaux régis par le règlement (UE) 2017/745. D’après l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), il s’agit essentiellement de réactifs et d’automates utilisés par les laboratoires de biologie médicale, de tests rapides disponibles en pharmacie et d’autotests.

La réglementation européenne évolue dans le sens d’une exigence plus importante en termes de sécurité et d’évaluation clinique, avec une différenciation en fonction du risque porté par le dispositif médical. Ce mouvement réglementaire accompagne l’évolution du secteur, devenu un domaine de pointe s’appuyant sur l’intelligence artificielle et la science des matériaux, et donnant de plus en plus de place au dispositif médical comme moyen thérapeutique.

Cet accroissement des exigences a été notable dans le secteur des dispositifs médicaux de diagnostic in vitro, jusqu’ici très peu régulés. L’adoption parallèle des deux règlements sur les dispositifs médicaux (DM) et sur les dispositifs médicaux de diagnostic in vitro (DMDIV) montre qu’une même logique et un même souci ont guidé la réglementation de ces deux secteurs, qui globalement converge sur les grandes lignes, mais tient aussi compte de la spécificité des DMDIV par rapport aux autres dispositifs médicaux.

Les évolutions les plus notables sont les suivantes :

– un élargissement du champ de la régulation, qui englobe les accessoires ([346]) aux dispositifs médicaux ainsi que des groupes de produits (dits « produits de l’annexe XVI ») n’ayant pas de destination médicale mais présentant un caractère invasif (lentilles de coloration des yeux, équipements visant à réduire, enlever ou détruire les tissus adipeux…) ;

– un renforcement général des exigences en matière de sécurité et de performance des DM et DMDIV. Par exemple, les fabricants ont obligation d’employer une personne chargée du respect de la réglementation et disposant, pour cela, d’une expertise professionnelle attestée ;

– la définition d’un cadre exigeant en matière d’investigations cliniques (pour les DM) et d’études de performance (pour les DMDIV) ;

– l’amélioration de la traçabilité des DM et DMDIV par la mise en place d’un identifiant unique et le développement de la base de données EUDAMED sur laquelle l’ensemble des dispositifs ont vocation à être référencés ;

– un renforcement des procédures d’évaluation de la conformité par un « marquage CE » qui se rapproche des autorisations de mise sur le marché requises pour les médicaments, et un meilleur encadrement des organismes notifiés habilités à certifier cette conformité ;

– la mise en place d’un groupe de coordination des autorités compétentes au niveau européen.

Le renforcement de la régulation du secteur accroît le rôle et les missions des autorités compétentes pour l’application des deux règlements. En France, il s’agit de l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM).

Le règlement 2017/745 est entré en application le 26 mai 2021 ; le règlement 2017/746, le 26 mai 2022.

B.   Le droit national

D’application directe, les deux règlements européens ont d’ores et déjà commencé à produire leurs effets en droit interne. Cependant, la refonte de la réglementation européenne impose aux États membres – et à la France en particulier – un effort d’adaptation. Comme l’a formulé la directrice générale de l’ANSM, Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, « c’est une marche importante pour les industriels car le niveau d’exigences est nettement plus élevé ».

● L’article 40 de la loi du 2 août 2021 relative à la bioéthique ([347]) a habilité le Gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour adapter aux deux règlements européens précités :

– les livres II à IV de la cinquième partie du code de la santé publique relatifs aux dispositifs médicaux et aux dispositifs médicaux de diagnostic in vitro ;

– le titre II du livre Ier de la première partie du même code relatif aux recherches impliquant la personne humaine, afin de préciser les modalités applicables aux investigations cliniques et aux études de performance.

● Les ordonnances n° 2022-582 ([348]) et n° 2022-1086 ([349]) ont procédé à ces adaptations, s’agissant respectivement des DM et des DMIDIV. Les modifications apportées consistent principalement en des mesures de coordination, d’abrogation de dispositions obsolètes et de simplification. Les évolutions les plus notables sont :