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N° 750

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE,

SUR LA PROPOSITION DE LOI,

APRÈS ENGAGEMENT DE LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE
 

sur le déroulement des élections sénatoriales

 

PAR M. Guillaume VUILLETET

 

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir les numéros :

Sénat : 46, 153, 154 et T.A. 32 (2022‑2023)
Assemblée nationale : 597 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er (art. L. 306 du code électoral) Dérogation à certaines règles relatives à l’annonce des résultats et à la propagande électorale pour les élections sénatoriales

Article 1er bis (art. L. 52-4 du code électoral) Remboursement des frais de campagne engagés entre les deux tours des élections sénatoriales

Article 2 Application outre-mer

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Au mois de septembre 2023, environ la moitié des 162 000 grands électeurs seront appelés aux urnes pour renouveler 170 des 348 sièges du Sénat.

Le mode de scrutin des élections sénatoriales, qui se déroulent au suffrage indirect en application du quatrième alinéa de l’article 24 de la Constitution, a connu plusieurs évolutions récentes :

– depuis 2000 ([1]), dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus, l’élection se déroule au scrutin proportionnel avec des listes paritaires. Les départements où sont élus un ou deux sénateurs ont conservé un scrutin majoritaire à deux tours ;

– en 2003 ([2]), la durée du mandat sénatorial a été réduite de neuf à six ans. Le renouvellement est resté triennal mais il s’effectue par moitié et non plus par tiers ;

– en 2011 ([3]), l’âge minimum pour être candidat a été abaissé de trente à vingt-quatre ans ;

– plus récemment, l’article 12 de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a étendu aux élections sénatoriales certaines des exigences applicables aux autres élections, notamment législatives, en matière de propagande électorale.

Néanmoins, la coexistence de deux modes de scrutins et le déroulement de l’élection sur une seule journée, qui font la spécificité du scrutin sénatorial, impliquent de nouvelles adaptations. En effet, les élections sénatoriales qui se sont tenues en septembre 2020 ont mis en évidence plusieurs difficultés dans la mise en œuvre des règles établies par la loi du 2 décembre 2019, en particulier en ce qui concerne la publication des résultats et la possibilité de faire campagne entre les deux tours.

D’abord, en étendant aux élections sénatoriales les dispositions de l’article L. 52-2 du code électoral, il est devenu impossible de publier les résultats dans un département avant que le dernier bureau de vote métropolitain n’ait été fermé. Cela a eu pour principal effet d’interdire la publication des résultats du premier tour puisque, si le premier tour était clos à 11 heures dans les départements votant au scrutin majoritaire, les bureaux restaient en revanche ouverts toute la journée jusqu’à 17 heures 30 dans les départements votant à la proportionnelle.

Par ailleurs, l’application de l’article L. 49 du code électoral a privé les candidats aux élections sénatoriales de toute possibilité de faire campagne entre le premier et le second tour. L’article L. 49 du code électoral interdit en effet toute réunion ou communication ayant le caractère de propagande électorale la veille et le jour du scrutin.

Le Conseil constitutionnel s’est ainsi prononcé en 2021 sur plusieurs recours concernant des repas organisés ou des messages adressés aux grands électeurs par des candidats entre les deux tours. Aucun scrutin n’a été annulé sur ce fondement mais le Conseil constitutionnel a confirmé que ces actions contrevenaient aux dispositions du code électoral. Les dépenses induites ne pouvaient, en outre, pas faire l’objet d’un remboursement au titre des frais de campagne.

La présente proposition de loi, déposée par le président de la commission des Lois du Sénat, M. François-Noël Buffet, et adoptée par le Sénat le 6 décembre 2022, prévoit donc deux dérogations pour corriger ces dysfonctionnements :

– d’une part, elle exclut l’application de l’article L. 52-2 du code électoral aux élections sénatoriales pour permettre, comme c’est le cas dans les départements d’outre-mer, de publier les résultats département par département dès que le bureau de vote du département – unique dans le cas des élections sénatoriales – est fermé ;

– d’autre part, elle exonère les candidats dans des départements où l’élection se déroule au scrutin majoritaire des obligations résultant de l’article L. 49 du code électoral, afin de les autoriser à faire campagne entre la fin du premier tour et le début du second tour.

Par cohérence, le rapporteur du Sénat, en accord avec Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CCNFP), a complété la proposition de loi par un article 1er bis afin de permettre aux candidats d’inscrire à leur compte de campagne les dépenses engagées entre les deux tours et ainsi de prétendre à leur remboursement.

Enfin, l’article 2 de la proposition de loi précise que cette modification du code électoral concerne l’ensemble du territoire de la République. Cette précision était utile pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle Calédonie car elles obéissent au principe de spécialité législative.

La commission des Lois de l’Assemblée nationale, profondément attachée à ce que le renouvellement partiel du Sénat en septembre prochain se déroule dans les meilleures conditions, s’est prononcée à l’unanimité en faveur de cette proposition de loi.

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   Examen des articles de la proposition de loi

Article 1er
(art. L. 306 du code électoral)
Dérogation à certaines règles relatives à l’annonce des résultats et à la propagande électorale pour les élections sénatoriales

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit que les articles L. 52-2 et L. 49 du code électoral, qui interdisent respectivement de communiquer des résultats partiels ou totaux tant que l’ensemble des bureaux de vote ne sont pas fermés et de faire campagne la veille et le jour du scrutin, ne s’appliquent plus aux élections sénatoriales.

En effet, les élections sénatoriales se déroulant sur une seule journée, il est nécessaire, dans les départements qui désignent leurs sénateurs au scrutin majoritaire, que les résultats du premier tour puissent être connus rapidement et que la campagne d’entre deux tours puisse avoir lieu sans menacer la sincérité du scrutin.

       Dernières modifications législatives intervenues

L’article 12 de la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral a étendu aux élections sénatoriales l’application des articles L. 48-1 à L. 50-1 et L. 52-1 à L. 52-3 du code électoral qui encadrent le recours à la propagande électorale.

Auparavant, la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information avait modifié l’article L. 306 du code électoral pour soumettre les élections sénatoriales aux mêmes règles que les élections législatives en matière de prévention des fausses informations.

       Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

       Position de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

La Commission a adopté l’article sans modification.

1.   État du droit

a.   Le mode de scrutin des élections sénatoriales

Le titre IV du livre II du code électoral encadre les modalités d’élection des sénateurs. Ces derniers sont élus pour six ans, en deux séries à trois ans d’intervalle, au niveau des départements par un collège de grands électeurs composé des parlementaires, des conseillers régionaux élus dans le département, des conseillers départementaux et des délégués des conseils municipaux ([4]). Le vote est obligatoire sous peine d’une amende de 100 euros ([5]).

Nombre de délégués représentant les conseils municipaux ([6])

Communes de moins de 9 000 habitants : un délégué pour les conseils municipaux de 7 à 11 membres ; trois délégués pour les conseils municipaux de 15 membres ; cinq délégués pour les conseils municipaux de 19 membres ; sept délégués pour les conseils municipaux de 23 membres ; quinze délégués pour les conseils municipaux de 27 et 29 membres.

Communes de 9 000 à 30 000 habitants : tous les conseillers municipaux sont délégués de droit (29 à 35 membres).

Communes de plus de 30 000 habitants : outre les conseillers municipaux, un délégué supplémentaire pour 800 habitants au-delà de 30 000 habitants (élus à la représentation proportionnelle à la plus forte moyenne).

Deux modes de scrutins coexistent :

– « dans les départements où sont élus deux sénateurs ou moins, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours » ([7]) ;

– « dans les départements où sont élus trois sénateurs ou plus, l’élection a lieu à la représentation proportionnelle suivant la règle de la plus forte moyenne, sans panachage ni vote préférentiel » ([8]).

Dans les départements où l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours, elle se déroule sur une seule journée : « le premier scrutin est ouvert à huit heures trente et clos à onze heures ; le second scrutin est ouvert à quinze heures trente et clos à dix-sept heures trente. » ([9]). Le dépouillement des votes est immédiat et peut commencer avant l’heure de clôture du scrutin si l’ensemble des électeurs a pris part au vote ([10]). Cette dernière règle s’applique également pour les élections au scrutin proportionnel.

b.   L’application aux élections sénatoriales des règles encadrant la communication des résultats

Depuis la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019, l’article L. 52-2 du code électoral s’applique, par renvoi de l’article L. 306, aux élections sénatoriales.

Cet article prévoit qu’ « aucun résultat d’élection, partiel ou définitif, ne peut être communiqué au public par quelque moyen que ce soit, en métropole, avant la fermeture du dernier bureau de vote sur le territoire métropolitain ». Cela implique, même en cas de dépouillement anticipé ([11]), que les résultats ne peuvent être communiqués dix-sept heures trente, quel que soit le mode de scrutin – majoritaire ou proportionnelle.

L’article L. 52-2 prévoit déjà une exception pour les départements d’outre-mer. Lors des élections législatives, départements et municipales, les résultats dans chacun de ces départements peuvent être communiqués dès que les opérations de vote sont terminées dans tous les bureaux du département concerné.

c.   L’application aux élections sénatoriales des règles encadrant la propagande électorale

La loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 a également rendu applicables aux élections sénatoriales les articles L. 48-1 à L. 50-1, L. 52-1 et L. 52-3 du code électoral. Ces articles relatifs à la propagande électorale étaient déjà applicables aux élections législatives, départementales et municipales.

Règles de propagande applicables aux élections sénatoriales depuis le 30 juin 2020 en vertu de l’article L. 306 du code électoral

Article du code électoral

Portée de la disposition

L. 48-1

Application des interdictions et restrictions du code électoral aux messages diffusés par voie électronique

L. 48-2

Interdiction de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que les adversaires du candidat n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la propagande électorale

L. 49

Interdiction de distribuer des documents de propagande électorale, de diffuser par voie électronique des messages, de faire du démarchage téléphonique, et d’organiser des réunions électorales la veille du scrutin

L. 50

Interdiction pour un agent de l’autorité publique ou municipale de distribuer des bulletins de vote, des professions de foi ou des circulaires

L. 50-1

Interdiction, dans les six mois qui précèdent l’élection, de porter à la connaissance du public un numéro d’appel téléphonique ou télématique gratuit

L. 52-1

Interdiction, dans les six mois qui précèdent l’élection, d’utiliser à des fins de propagande électorale une publicité commerciale ou de faire réaliser des bilans de mandat par les collectivités et à leurs frais

L. 52-3

Interdiction pour un candidat de faire figurer le nom ainsi que la photographie d’une tierce personne sur son bulletin de vote

Source : Commission des lois du Sénat

Ces nouvelles règles s’ajoutent à celles préexistantes, à savoir celles prévues par les lois du 30 juin 1881 sur la liberté de réunion et du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ([12]) ainsi qu’aux articles L. 163-1 et L. 163-2 du code électoral. Ces deux articles ont été créés par la loi n° 2018-1202 du 22 décembre 2018 relative à la lutte contre la manipulation de l’information pour réguler l’usage des réseaux sociaux et le recours aux fausses informations dans le cadre d’une campagne électorale.

Les dispositions de l’article L. 49 du code électoral, visées par la présente proposition de loi, ont pour conséquence de rendre illégaux la distribution de documents de propagande électorale, le démarchage téléphonique et l’organisation de réunions électorales la veille du scrutin. Les deux tours de scrutin se déroulant le même jour, cela empêche que la campagne d’entre deux tours se déroule normalement.

À la suite des précédentes élections sénatoriales, en septembre 2020, le Conseil constitutionnel a été saisi d’une requête fondée sur l’organisation par un candidat d’un déjeuner entre le premier et le second tour, le jour du scrutin. Le Conseil a considéré que « ce repas doit être regardé comme une réunion électorale tenue en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral ». Il a également constaté que « des messages écrits envoyés sur téléphone mobile ont été diffusés auprès des électeurs, pour les appeler à voter en faveur de M. X, en méconnaissance des dispositions précitées de l’article L. 49 du code électoral ». Il a néanmoins conclu qu’ « il ne résulte pas de l’instruction que ces irrégularités, pour regrettables qu’elles soient, ont eu une incidence déterminante sur le résultat du scrutin, compte tenu de l’écart de voix séparant le candidat élu de son concurrent au second tour » ([13]).

Dans une autre décision, il a considéré que le fait de « déjeun[er] avec certains des grands électeurs […] la veille du scrutin ne saurait […] être regardé comme une manœuvre de nature à altérer la sincérité du scrutin ni, en l’absence de toute indication suivant laquelle ce déjeuner n’aurait pas présenté un caractère privé et aurait donné lieu à des prises de parole à caractère électoral et à la diffusion d’éléments de propagande, comme une méconnaissance des dispositions de l’article L. 49 du code électoral prohibant la tenue de réunions électorales à compter de la veille du scrutin à zéro heure » ([14]).

Outre le fait qu’elles entravent la campagne d’entre-deux-tours, les dispositions de l’article L. 49, appliquées au scrutin sénatorial, apparaissent comme une source d’insécurité juridique pour les candidats et pour le scrutin.

2.   Dispositif proposé

a.   Une adaptation de l’annonce des résultats aux spécificités du mode de scrutin des élections sénatoriales

Compte tenu des règles encadrant le vote et le dépouillement lors des élections sénatoriales, qui peuvent s’achever à des horaires différents selon les départements ([15]), l’obligation d’attendre la fin des opérations de vote dans l’ensemble des circonscriptions avant de prononcer les résultats pose difficulté.

Outre le fait qu’elle impose d’attendre parfois plusieurs heures après la connaissance des résultats pour les communiquer, elle empêche surtout la communication des résultats du premier tour, puisque malgré la cohabitation de deux modes de scrutin, il s’agit d’une élection générale. Il est donc obligatoire d’attendre la fermeture des bureaux de vote des départements votant au scrutin proportionnelle – soit 17 heures 30 – pour donner les résultats du premier tour qui s’achève à 11 heures dans les départements votant au scrutin majoritaire.

En pratique, les résultats risquent de fuiter dans la presse de manière incontrôlée alors qu’ils pouvaient auparavant être communiqués de manière anticipée par représentant de l’État.

Le 1° de l’article 1er modifie donc l’article L. 306 du code électoral pour exclure l’application de l’article L. 52-2 du même code aux élections sénatoriales et permettre la communication des résultats dès qu’ils sont connus. Cette disposition pose d’autant moins de difficultés qu’il n’y a qu’un seul bureau de vote par département, au chef-lieu. Enfin, cela sera sans effet sur les départements d’outre-mer qui bénéficiaient déjà d’une telle dérogation ([16]).

b.   Une adaptation des règles de propagande électorale aux spécificités du mode de scrutin des élections sénatoriales

L’application de l’article L. 49 du code électoral aux élections sénatoriales porte atteinte à la sincérité de ce scrutin. D’une part, elle prive les candidats et les électeurs d’une phase de campagne entre les deux tours, cette dernière pouvant être nécessaire pour que le choix des électeurs soit le plus éclairé possible. D’autre part, elle crée une incertitude juridique sur la possibilité de réaliser certaines actions au cours de la journée électorale (organisation de repas, échanges avec les électeurs, etc.).

Le 2° du présent article complète donc l’article L. 306 pour supprimer l’application de l’article L. 49 du code électoral entre les deux tours, c’est-à-dire pour les seuls départements où l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours. La règle prévue à l’article L. 49 est donc maintenue pour les départements dans lesquels le scrutin est proportionnel.

En outre, cette modification n’exonère pas les candidats du respect de l’article L. 48-2 du code électoral qui « interdit à tout candidat de porter à la connaissance du public un élément nouveau de polémique électorale à un moment tel que ses adversaires n’aient pas la possibilité d’y répondre utilement avant la fin de la campagne électorale ».

3.   Modifications apportées par le Sénat

Le Sénat a adopté l’article sans modification.

4.   Position de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

La Commission a adopté l’article sans modification.

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Article 1er bis
(art. L. 52-4 du code électoral)
Remboursement des frais de campagne engagés entre les deux tours des élections sénatoriales

Adopté par la commission sans modification

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article adapte l’application des règles encadrant le remboursement des frais de campagne aux élections sénatoriales. Il prévoit que les dépenses réalisées le jour du scrutin avant le début des opérations de vote peuvent être inscrites dans le compte de campagne. Cela concernera exclusivement les dépenses engagées pour la campagne entre le premier et le second tour telle qu’elle est rendue possible par le 2° de l’article 1er de la présente proposition de loi.

       Dernières modifications législatives intervenues

Les modalités de tenue des comptes de campagne et de remboursement des frais engagés ont été modifiées par la loi n° 2017-1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique et par la loi n° 2019-1269 du 2 décembre 2019 visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral.

       Modifications apportées par le Sénat

Le présent article a été introduit en commission par un amendement n° COM-1 du rapporteur du Sénat, M. Stéphane Le Rudulier. Il n’a pas fait l’objet de modification lors de son examen en séance publique.

       Position de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

La Commission a adopté l’article sans modification.

1.   État du droit

Le chapitre V bis du titre Ier du livre Ier du code électoral fixe les règles relatives à la tenue des comptes de campagne, au plafonnement des dépenses électorales et à leur remboursement. Le premier alinéa de l’article L. 308-1 du code électoral prévoit que ce chapitre s’applique aux élections sénatoriales.

En application de ces règles, les candidats doivent consigner l’ensemble de leurs dépenses sur un compte de campagne tenu par une association de financement ou par un mandataire. Au cours des six mois précédant le scrutin et jusqu’à la veille de celui-ci, ce compte retrace les fonds destinés au financement de la campagne et règle les dépenses engagées en vue de l’élection.

À moins que le candidat ait obtenu moins de 1 % des suffrages exprimés, ce compte, certifié par un expert-comptable, est transmis aux fins de contrôle à la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), qui l’approuve, le réforme ou le rejette.

Si le compte est approuvé, l’État accorde aux candidats ayant recueilli au moins 5 % des suffrages exprimés au premier tour, un remboursement forfaitaire pouvant atteindre 47,5 % du montant du plafond des dépenses. Pour les élections sénatoriales, ce plafond est fixé 10 000 euros par candidat – ou par liste – majoré de cinq centimes par habitant pour les départements élisant deux sénateurs au plus et de deux centimes par habitant pour les départements élisant trois sénateurs au moins ([17]).

À ce remboursement forfaitaire des candidats, s’ajoutent diverses dépenses directement prises en charge par l’État. L’article L. 308 du code électoral précise ainsi que « l’État prend à sa charge les frais d’envoi [des] circulaires et bulletins [et] rembourse le coût du papier et les frais d’impression des circulaires et bulletins aux candidats ayant obtenu, en cas de scrutin proportionnel, au moins 5 % des suffrages exprimés ou, en cas de scrutin majoritaire, à l’un des deux tours au moins 10 % des suffrages exprimés ».

2.   Dispositif introduit par la commission des Lois du Sénat

Le présent article, introduit en commission par un amendement du rapporteur du Sénat ([18]), procède à une mise en cohérence des dispositions relatives à la prise en charge des frais de campagne avec les modifications apportées par l’article 1er. La rédaction actuelle permet d’inscrire sur le compte de campagne les dépenses « antérieures à la date du scrutin », c’est-à-dire jusqu’à la veille du scrutin.

Or, le 2° de l’article 1er ([19]) autorise désormais les candidats à faire campagne entre les deux tours de scrutin, ceux-ci se tenant le même jour. L’article 1er bis prévoit donc de modifier l’article L. 52-4 du code électoral pour que les dépenses engagées le jour même du scrutin, avant le début des opérations de vote, puissent être prises en compte lors du calcul des frais remboursés. Plutôt que de faire référence aux dépenses « antérieures à la date du scrutin », il est fait référence aux dépenses « antérieures au scrutin » – soit jusqu’à quinze heures le jour du scrutin en cas de second tour.

Cette modification n’a de conséquence sur le remboursement des frais de campagne ni pour les autres scrutins, ni dans les départements élisant les sénateurs au scrutin proportionnel. En effet, les articles L. 47 A et L. 49 du code électoral, qui prévoient respectivement la fin de la campagne la veille du scrutin à zéro heure et l’interdiction de la propagande électorale la veille et le jour du scrutin, s’appliqueraient, empêchant toute dépense de campagne sur cette période.

3.   Position de la commission des Lois de l’Assemblée nationale

La Commission a adopté l’article sans modification.

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Article 2
Application outre-mer

Adopté par la commission sans modification

Le présent article vise à assurer l’application de la présente proposition de loi sur l’ensemble du territoire de la République, en particulier dans les collectivités régies par l’article 74 et par le titre XIII de la Constitution qui obéissent au principe de spécialité législative.

En septembre 2023, quatorze mandats de sénateurs seront renouvelés dans les départements et collectivités d’outre-mer. Pour sept d’entre eux, l’élection s’effectuera au scrutin majoritaire à deux tours. Les dispositions des articles 1er et 1er bis de la présente proposition de loi auront donc vocation à s’y appliquer à cette occasion.

Le Sénat et la commission des Lois de l’Assemblée nationale ont adopté l’article sans modification.

Répartition et mode de scrutin des sénateurs des départements et collectivités d’outre-mer

Régime constitutionnel

Collectivité

Nombre de sénateurs

Mode de scrutin

Prochain renouvellement

Article 73

Guadeloupe

3

Scrutin de liste à la représentation proportionnelle

2023

La Réunion

4

2023

Guyane

2

Scrutin majoritaire à deux tours

2026

Martinique

2

2023

Mayotte

2

2023

Article 74

Saint-Barthélemy

1

2026

Saint-Martin

1

2026

Saint-Pierre-et-Miquelon

1

2023

Îles Wallis et Futuna

1

2026

Polynésie française

2

2026

Titre XIII

Nouvelle-Calédonie

2

2023

Source : Commission des lois du Sénat et de l’Assemblée nationale

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 18 janvier 2023, la Commission examine la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales (n° 597) (M. Guillaume Vuilletet, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/HbF8Me

M. le président Sacha Houlié. Cette proposition de loi, déposée par le président François-Noël Buffet le 12 octobre 2022, a été adoptée par le Sénat le 6 décembre dernier. Elle sera examinée en séance le 25 janvier. Compte tenu de son caractère technique, il a été décidé qu’elle serait examinée selon la procédure de législation en commission. Le droit d’amendement s’exerce donc uniquement en commission.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Si, par nature, les commissions des lois de l’Assemblée nationale et du Sénat sont infaillibles, il arrive parfois qu’elles soient d’une rigueur un peu excessive... Rassurez-vous, ce sont nos collègues sénateurs qui ont été les victimes du texte qu’ils avaient eux-mêmes proposé en 2019. Ils nous demandent donc, à travers la présente proposition de loi, de tempérer leur hybris de l’époque.

Pour mémoire, le 2 décembre 2019, le Parlement a adopté une proposition de loi, d’initiative sénatoriale, visant à clarifier diverses dispositions du droit électoral. Celle-ci a étendu aux élections sénatoriales l’application du cadre juridique relatif à la propagande électorale, tel qu’il existe pour les élections législatives, départementales et municipales. Ces dispositions ont notamment pour effet d’interdire le recours à la publicité commerciale, la diffusion de fausses informations, la communication des résultats avant la fermeture des bureaux de vote, ou encore la possibilité de faire campagne la veille et le jour du scrutin.

Je vous rappelle que le Sénat est renouvelé par moitié tous les trois ans. Le prochain scrutin aura lieu en septembre 2023. Nos collègues sénateurs sont élus au niveau des départements par un collège de grands électeurs réunissant les parlementaires, les conseillers régionaux et départementaux, les conseillers municipaux, ainsi que des délégués désignés par les plus grandes communes du département, en fonction de leur population. Le vote est obligatoire, sous peine d’une amende de 100 euros.

Deux modes de scrutin coexistent : dans les départements représentés par un ou deux sénateurs, l’élection a lieu au scrutin majoritaire à deux tours, tandis que, dans les autres, le scrutin est proportionnel. Dans les deux cas, l’élection occupe une seule journée. Autrement dit, dans les départements où l’élection se déroule au scrutin majoritaire, le premier tour a lieu de 8 heures 30 à 11 heures et le second, de 15 heures 30 à 17 heures 30. L’usage veut donc que la campagne d’entre-deux-tours se déroule brièvement, souvent autour d’un déjeuner convivial.

L’article R. 168 du code électoral prévoit une autre spécificité : le scrutin peut être clos dès que tous les grands électeurs ont voté. Dans ce cas, le dépouillement peut avoir lieu immédiatement, ce qui évite d’attendre inutilement.

La loi de 2019 entre en contradiction avec le fonctionnement des élections sénatoriales sur deux points : l’annonce des résultats et la possibilité de faire campagne entre les deux tours.

En étendant aux élections sénatoriales les dispositions de l’article L. 52-2 du code électoral, le texte a rendu impossible la publication des résultats dans un département avant que l’ensemble des bureaux de vote métropolitains soient fermés. Cette disposition a retardé inutilement la publication des résultats par les préfectures – ce qui n’a pas empêché les fuites dans la presse locale.

Il est également impossible de faire campagne entre les deux tours, puisque le code électoral interdit toute propagande électorale la veille et le jour du scrutin. Le Conseil constitutionnel a ainsi été saisi en 2020 de plusieurs contestations à propos de déjeuners organisés par des candidats entre les deux tours. Aucun scrutin n’a été annulé sur ce fondement, mais le Conseil a bel et bien confirmé que ces déjeuners pouvaient être interprétés comme de la propagande électorale, contrevenant à l’article L. 49. Par conséquent, les dépenses induites ne peuvent pas entrer dans le champ des frais de campagne remboursés.

La présente proposition de loi prévoit donc deux dérogations.

Premièrement, elle exclut les élections sénatoriales du champ d’application de l’article L. 52-2, pour permettre, comme c’est le cas dans les départements d’outre-mer, de publier les résultats département par département, dès que les bureaux de vote d’un même département sont fermés – ce qui est d’autant plus aisé qu’il n’y a qu’un bureau de vote par département pour ce scrutin.

Deuxièmement, dans les départements où l’élection se déroule au scrutin majoritaire, la proposition de loi exclut l’application de l’article L. 49 pour permettre aux candidats de faire campagne entre la fin du premier tour et le début du second.

Par cohérence, le Sénat, en accord avec la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques, a complété la proposition de loi par un article 1er bis visant à permettre aux candidats d’inscrire dans leurs comptes de campagne les dépenses engagées entre les deux tours et ainsi de prétendre à leur remboursement, ce qui est impossible si les dépenses doivent être arrêtées la veille du scrutin. Cette disposition n’aura pas d’effet sur les autres scrutins, dès lors que, pour toutes les autres élections, la campagne s’arrête la veille.

Enfin, l’article 2 précise que cette modification du code électoral concerne l’ensemble du territoire de la République. La précision était utile pour les collectivités d’outre-mer régies par l’article 74 de la Constitution et pour la Nouvelle-Calédonie, car elles obéissent au principe de spécialité législative.

Je vous propose d’adopter le texte conforme et fais le vœu qu’il permette de faire en sorte que le renouvellement partiel du Sénat, qui aura lieu en septembre, se déroule dans les meilleures conditions.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Gilles Le Gendre (RE). M. le rapporteur ayant tout dit, je n’essaierai pas de dire moins bien la même chose que lui. Chacun l’aura compris, il s’agit d’un texte pour l’essentiel technique, même s’il est indispensable de le voter dans la perspective du renouvellement de la moitié de nos collègues sénateurs au mois de septembre. Il s’agit de corriger deux aberrations qui avaient échappé à la vigilance des sénateurs en 2019.

Je souhaite, moi aussi, que nous adoptions le texte conforme. Nous sommes tous garants de la bonne utilisation du temps législatif, qu’il vaut mieux consacrer à des sujets qui le méritent, notamment ceux qui peuvent prêter à des controverses démocratiques.

M. Thomas Ménagé (RN). La proposition de loi ne bouleverse pas les règles applicables aux élections sénatoriales : il s’agit d’un texte technique, qui répond au besoin exprimé par nos collègues sénateurs et par les grands électeurs de mettre ces règles en adéquation avec les spécificités du scrutin sénatorial, lequel se déroule en une seule journée, avec un corps électoral restreint. La réforme de 2019, en alignant le régime des élections sénatoriales sur celui des autres élections, n’avait pas pris en compte ces spécificités. La proposition de loi revient donc sur certaines de ses dispositions.

La première modification consiste à permettre aux candidats, dans les départements soumis au scrutin majoritaire, de faire campagne entre les deux tours le jour du scrutin. Cette modification relève du bon sens et il est heureux qu’elle soit proposée par nos collègues sénateurs. Il apparaît également logique que les frais de la campagne d’entre-deux-tours soient pris en charge par l’État, au même titre que ceux engagés dans d’autres élections.

La fin de l’embargo prévu par l’article L. 52-2 du code électoral est plus critiquable, car elle ne semble pas justifiée. Avant 2019, les remontées d’informations et la publication des résultats étaient progressives. La loi a donc institué, au même titre que pour les autres élections, un embargo jusqu’à la fermeture du dernier bureau de vote. L’interdiction de communication au public des résultats peut se justifier par la différence de mode d’élection – au scrutin majoritaire dans certains départements, à la proportionnelle dans d’autres – et la nécessité de préserver la sincérité du vote. L’argument selon lequel il faudrait renoncer à l’embargo au motif que certains résultats sont publiés avant l’heure de fermeture du dernier bureau de vote n’est pas propre aux élections sénatoriales. S’il fallait renoncer à l’embargo sous ce prétexte, il faudrait faire de même pour toutes les élections : des résultats ou des estimations sont publiés entre 18 heures et 20 heures dans les médias étrangers ou sur les réseaux sociaux, et nous sommes les premiers à les guetter le soir des élections.

Nous sommes donc favorables aux dispositions tendant à permettre d’organiser une campagne d’entre-deux-tours le jour de l’élection sénatoriale, mais sommes plus réservés s’agissant d’une dérogation à l’embargo – c’est le sens de l’amendement que j’ai déposé. Selon votre retour, monsieur le rapporteur, je pourrais le retirer. Il convient de différencier, d’une part, la proclamation des résultats dans le bureau de vote, dont l’objectif est d’informer les grands électeurs du nom des candidats encore en lice pour le second tour et de permettre le début de la campagne d’entre-deux tours, et, d’autre part, la publicité des résultats assurée par la presse et les réseaux sociaux auprès du grand public, qui serait susceptible d’influencer le vote des grands électeurs n’ayant pas encore voté, en particulier dans les départements où les sénateurs sont élus à la proportionnelle.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Le texte vise à corriger certaines aberrations introduites par l’extension à l’élection sénatoriale des règles générales applicables aux scrutins. Le scrutin du 27 septembre 2020 a montré l’inadéquation de ces règles pour cette élection spécifique, qui se déroule au suffrage indirect.

La nature même du scrutin – majoritaire à deux tours pour les circonscriptions désignant un ou deux sénateurs, de liste à la représentation proportionnelle pour les autres circonscriptions – entraîne des conséquences différentes suivant les cas. Dans les circonscriptions où un second tour est nécessaire, celui-ci a lieu le jour même, à quelques heures d’écart, et non la semaine suivante comme lors des élections législatives. Aussi l’application de l’interdiction de faire campagne la veille du scrutin a-t-elle entraîné une impossibilité de mener une campagne d’entre-deux-tours.

Ces aberrations doivent être corrigées. La proposition de loi est donc la bienvenue. Elle permet notamment la communication progressive des résultats afin que le second tour se déroule normalement, ce qui suppose que les candidats puissent faire campagne. En effet, une élection, ce n’est pas seulement un vote. Même si l’élection sénatoriale est spécifique, dans la mesure où elle s’adresse aux grands électeurs et non à l’ensemble des citoyens, la campagne n’en fait pas moins partie intégrante de l’élection. Celle-ci est un choix, qui doit être éclairé. Pour cela, les différents candidats doivent être en mesure de défendre leur programme de la même façon. Interdire toute campagne – fût-elle brève – entre les deux tours, c’est donner une prime à la notoriété et aux sortants, ce qui n’est pas admissible en démocratie.

Notons tout de même l’instabilité législative et le manque de sérieux de la précédente réforme du scrutin, qui a mené à des aberrations comme celles dont il est question. L’intensification sans précédent du travail législatif durant le précédent quinquennat nous a conduits à légiférer dans la précipitation, sans que nous prenions la mesure des conséquences, au point qu’il faille y revenir.

Plus largement, notre pays manque de réflexion démocratique. Notre système politique est à bout de souffle et ne convainc plus guère le peuple dont il est censé exprimer la volonté. Preuve en est l’abstention, qui monte scrutin après scrutin et sape chaque fois davantage la légitimité de l’ensemble. Il est plus que temps de refonder notre système politique du sol au plafond, au lieu de se contenter d’apporter des correctifs à la marge. Le consentement aux institutions s’est effrité progressivement. Le régime dérive lentement mais sûrement vers l’autoritarisme.

Il faut que le peuple politique se refonde lui-même en refondant ses institutions. Nous souhaitons que cette refondation nécessaire se fasse à travers une assemblée constituante, qui siégerait en parallèle de nos institutions jusqu’à ce qu’une nouvelle constitution pour une VIe République soit adoptée par référendum.

À cette fin, il serait opportun de redéfinir l’équilibre des pouvoirs. Souhaitons-nous conserver un système bicaméral, ou bien préférons-nous revenir à un système monocaméral ? Si nous voulons conserver un Sénat, quelle forme doit-il avoir ? Doit-on conserver le système des grands électeurs, qui a peut-être ses vertus, mais présente surtout le défaut majeur d’être complètement opaque pour nos concitoyennes et concitoyens, et a aussi pour conséquence de favoriser l’immobilisme, car la majorité sénatoriale n’a changé qu’une seule fois durant la Ve République ? Doit-on étendre le vote obligatoire à toutes les élections, en reconnaissant en parallèle le vote blanc ? Ce sont là des questions démocratiques fondamentales qui doivent être débattues par le peuple pour que notre démocratie revive.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Le texte ne fait que corriger le code électoral à la marge. Par ailleurs, je ne pense pas que l’on puisse parler d’« aberrations » quant aux règles qui s’appliquaient pour les élections sénatoriales de 2020. C’étaient tout au plus des inadéquations entre les grands principes du droit électoral et les spécificités de l’élection sénatoriale.

Du reste, le Parlement vote de telles lois d’adaptation avant chaque scrutin. C’est le cas, par exemple, de l’élection présidentielle : tous les cinq ans, un texte vient corriger à la marge certaines dispositions pour remédier aux problèmes observés lors du scrutin précédent.

Je ne vois donc aucune difficulté à adopter la proposition de loi. Qui plus est, les sénateurs l’ont collectivement adoptée, ce qui prouve que le dispositif est équilibré.

M. Emmanuel Mandon (Dem). La proposition de loi, d’initiative sénatoriale, relative au déroulement des élections sénatoriales est un texte de portée limitée, mais qui répond avec bon sens aux problèmes constatés lors des élections sénatoriales de septembre 2020. Simple, claire et technique, elle ne comporte que trois articles qui apportent des corrections indispensables à la loi du 2 décembre 2019. Celle-ci avait clarifié, dans un objectif louable, diverses dispositions du droit électoral mais, en pratique, deux mesures se sont révélées inadaptées aux élections sénatoriales, qui concernent un collège électoral restreint, celui des grands électeurs, et un nombre limité de circonscriptions – les cinquante-deux départements où s’applique le scrutin majoritaire à deux tours. Le scrutin sénatorial se distingue de tous les autres par des particularités que je ne détaillerai pas, mais qui doivent être prises en compte au moment de réécrire partiellement la loi électorale, ce qui va d’ailleurs à l’encontre du souhait d’unifier le droit électoral.

Nous devrons nous montrer prudents, car les dispositions des articles L. 49 et L. 52‑2 du code électoral, dans leur dernière version, ont posé de réelles difficultés, qu’il s’agisse de l’interdiction de mener toute propagande électorale la veille et le jour de l’élection, ou de publier les résultats avant la fermeture du dernier bureau de vote en métropole. Il est ainsi impossible de publier avant 17 heures 30 les résultats du premier tour de scrutin, qui a lieu dans la matinée, ce qui est pourtant indispensable pour ouvrir le second tour, en début d’après-midi. Remarquons, au passage, qu’il conviendrait de simplifier, moderniser, adapter le code électoral afin d’améliorer sa lisibilité par le corps électoral et l’ensemble de nos concitoyens.

Il est impératif d’adopter cette proposition de loi dans les meilleurs délais, puisque les prochaines élections sénatoriales auront lieu en septembre et nous devrons en garantir le bon déroulement. Une adoption conforme s’impose. Notre groupe la votera.

M. Roger Vicot (SOC). Pas mieux !

M. Philippe Pradal (HOR). M’inspirant de la sobriété de M. Vicot, je dirai : pas mieux !

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). En dépit de ce que nous pouvons penser du Sénat, cette institution assez peu démocratique qui a cependant pu montrer son utilité, notamment lors de l’affaire Benalla, nous soutiendrons cette proposition de loi de bon sens.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Cette proposition de loi tend à corriger le défaut de prise en compte des spécificités des élections sénatoriales et, ainsi, à en améliorer le déroulement dans les départements où se pratique le scrutin majoritaire à deux tours. Il serait normal que puisse se tenir une réunion entre les deux tours. Nous n’avons donc pas d’objection à formuler.

J’en profite pour saluer le travail accompli par nos collègues sénateurs du groupe communiste républicain, citoyen et écologiste, en particulier celui d’Éliane Assassi, qui a remis un excellent rapport relatif à l’influence croissante des cabinets de conseil sur les politiques publiques, notamment le cabinet McKinsey. Je veux aussi rappeler que nous nous battons, elle comme moi, pour transformer le Sénat en une chambre représentative, composée pour moitié de représentants des collectivités territoriales et, pour l’autre, de représentants de syndicats ou d’associations, tout comme nous continuerons à lutter pour imposer la parité dans toutes les instances, le droit de vote des étrangers et la citoyenneté de résidence.

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. J’avoue que je n’avais pas compris, avant d’entendre Bastien Lachaud, que nous examinions un texte d’une telle importance et d’une telle densité. Je regrette d’avoir été si peu prolixe, mais je ne doute pas que nous pourrons débattre ultérieurement des sujets qu’il soulève.

Article 1er (art. L. 306 du code électoral) : Dérogation à certaines règles relatives à l’annonce des résultats et à la propagande électorale pour les élections sénatoriales

Amendement CL1 de M. Thomas Ménagé

M. Guillaume Vuilletet, rapporteur. Le scrutin sénatorial présente cette particularité que l’ensemble des électeurs se présentent en général très tôt pour voter. Si l’on interprétait très rigoureusement la loi de 2019 – ce que les sénateurs veulent éviter –, rien ne serait possible entre les deux tours. Alors que tous les électeurs auraient fini de voter au premier tour, à 11 heures, il faudrait attendre, pour rendre les résultats publics, que le dernier bureau de vote métropolitain ait fermé, c’est-à-dire 17 heures 30. Ce serait d’autant plus absurde que les résultats seraient probablement diffusés entre temps sur les réseaux sociaux. Surtout, je suis convaincu que personne ne contestera les résultats des élections sur cette base. Autant mettre le droit en conformité avec la pratique.

Vous écrivez, dans l’exposé sommaire, que la sincérité du vote pourrait s’en trouver altérée. Mais s’agissant d’une élection où ne votent que les grands électeurs, je ne suis pas d’accord. La circonscription est le département. Lorsque l’on clôt le scrutin dans le département, aucun autre scrutin n’a lieu dans la même circonscription. L’idée qu’un grand électeur pourrait faire évoluer son vote au second tour, en fonction des résultats d’une autre circonscription, n’est pas plausible. Surtout, si un grand électeur devait agir ainsi, ce ne serait pas sous l’influence de la presse ou des réseaux sociaux, mais parce qu’un parti politique aurait décidé, ce qui est son droit, de mobiliser les grands électeurs en faveur d’un vote plutôt que d’un autre.

Les inconvénients à maintenir la loi de 2019 en l’état sont bien plus grands que ceux qui pourraient découler des modifications que nous voulons y apporter.

Je vous invite à retirer cet amendement ; à défaut, j’y serai défavorable.

M. Thomas Ménagé (RN). C’est plutôt au niveau national que je m’inquiète. Si vous êtes informé que votre camp politique n’est plus représenté dans l’ensemble des scrutins à deux tours, votre vote peut être influencé dès lors que vous votez dans une circonscription où s’applique le scrutin proportionnel.

J’accepte cependant de retirer mon amendement pour que le texte soit adopté conforme dans les deux chambres et que nous puissions nous concentrer sur des sujets plus importants. Je fais confiance aux sénateurs pour décider de l’organisation qui leur semble la plus adaptée à leurs spécificités.

L’amendement est retiré.

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 1er bis (art. L. 52-4 du code électoral) : Remboursement des frais de campagne engagés entre les deux tours des élections sénatoriales

La commission adopte l’article 1er bis non modifié.

Article 2 : Application outre-mer

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte l’ensemble de la proposition de loi sans modification.

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*     *

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République vous demande d’adopter la proposition de loi sur le déroulement des élections sénatoriales (n° 597) dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 


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   Personnes entendues

 

Ministère de l’Intérieur

       M. Marc Tschiggfrey, adjoint au directeur de la modernisation et de l'administration territoriale, chef du service de la modernisation de l'action publique

       M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections et des études politiques


([1]) Loi n° 2000-641 du 10 juillet 2000 relative à l'élection des sénateurs.

([2]) Loi organique n° 2003-696 du 30 juillet 2003 portant réforme de la durée du mandat et de l'âge d'éligibilité des sénateurs ainsi que de la composition du Sénat.

([3]) Loi organique n° 2011-410 du 14 avril 2011 relative à l'élection des députés et sénateurs.

([4]) Titre II du livre II du code électoral (articles L. 279 à L. 282-1).

([5]) Article L. 318 du code électoral. Le taux d’abstention s’établit à environ 2 %.

([6]) Articles L. 284 et L. 285 du code électoral.

([7]) Article L. 294 du code électoral.

([8]) Article L. 295 du code électoral.

([9]) Article R. 168 du code électoral.

([10]) Idem.

([11]) Ce que permet l’article R. 168 du code électoral.

([12]) Article L. 307 du code électoral.

([13]) Conseil constitutionnel, 26 février 2021, n° 2020-5686 SEN.

([14]) Conseil constitutionnel, 5 mars 2021, n° 2020-5685/5689 SEN.

([15]) L’article R. 168 du code électoral permet de clore le scrutin et de procéder au dépouillement des votes dès que l’ensemble des électeurs a pris part au vote.

([16]) Voir supra.

([17]) Article 308-1 du code électoral.

([18]) Amendement n° COM-1 de M. Stéphane Le Rudulier, rapporteur.

([19]) Voir supra.