N° 752

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 janvier 2023

 

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des affaires étrangères sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre

PAR M. Alain DAVID

Député

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AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

 Voir les numéros :

 Assemblée nationale :  6.

 Sénat : 676, 751, 752 et T.A. 137 (2020‑2021).


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. UN ACCORD VISANT À poursuivre la modernisation du cadre d’expatriation des agents des missions officielles et de leurs familles

A. REMÉDIER aux obstacles rÉsultant de l’application des conventions de Vienne

B. MODERNISER LA GESTION DE RESSOURCES HUMAINES DU MinistÈre de l’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, UNE ACTION PRIORITAIRE

II. UN ACCORD CONSOLIDANT LES RELATIONS ENTRE LA France ET LE KOSOVO

A. UN ACCORD QUI S’INSCRIT DANS le prolongement logique des relations bilaTÉrales

B. UN ACCORD VISANt UN NOMBRE modeste DE BÉNÉFICIAIRES

C. LES dispositions DE L’ACCORD

1. Objet et définitions

2. Procédures

3. Immunités civiles, administratives et pénales

4. Régime fiscal et de sécurité sociale

5. Dispositions finales

examen en comMission

ANNEXE 1 : texte adoptÉ par la commission

ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES par le rapporteur

 


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   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo, relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, adopté par le Sénat, le 13 juillet 2021.

Cet accord, issu de négociations initiées à la demande du Kosovo en mai 2018, a été signé, le 7 juillet 2020. Il vise à permettre aux conjoints ou à d’autres personnes à charge des agents des missions officielles de solliciter, sur la base de la réciprocité, une autorisation de travail pour l’exercice d’une activité professionnelle salariée pendant la durée de l’affectation de ceux-ci dans l’État d’accueil, sans que la situation locale de l’emploi leur soit opposée.

Il s’inscrit également dans le cadre d’une ambition de modernisation des conditions d’expatriation des agents des missions officielles et de leurs familles, afin de les rendre plus attractives.

Pour mémoire, la commission des affaires étrangères a déjà autorisé, sous la XVe législature, l’approbation de plusieurs accords conçus sur le même modèle, avec, par exemple – et de manière non exhaustive – l’Albanie, l’Arménie, le Bénin, la Bolivie, le Chili, le Congo, l’Équateur, la Moldavie, le Nicaragua, le Pérou, la République dominicaine ou encore la Serbie.

 


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I.   UN ACCORD VISANT À poursuivre la modernisation du cadre d’expatriation des agents des missions officielles et de leurs familles

A.   REMÉDIER aux obstacles rÉsultant de l’application des conventions de Vienne

L’accord du 7 juillet 2020 adapte le statut accordé aux membres des familles des agents des missions officielles, lequel, en l’absence d’accord et en dehors du cadre de l’Espace économique européen et de la Suisse ([1]), peut entraver leur accès au marché du travail local.

En effet, si les conventions de Vienne de 1961 ([2]) et de 1963 ([3]), relatives aux relations diplomatiques et aux relations consulaires ([4]), n’interdisent pas aux membres de la famille d’un agent en mission officielle de travailler, elles conditionnent néanmoins l’exercice d’un emploi rémunéré à la levée de certaines des immunités qu’elles leur accordent.

En vertu des articles 29 à 37 de la convention de 1961, les membres de la famille de l’agent appartenant à son ménage bénéficient de privilèges et d’immunités, tels que l’inviolabilité de la personne et du domicile, l’immunité de juridiction pénale et l’immunité de juridiction civile et administrative, exception faite de toute action sans lien avec ses fonctions officielles. L’article 57 de la convention de Vienne de 1963 stipule que les privilèges et immunités des fonctionnaires consulaires de carrière sont accordés aux membres de leur famille vivant dans le même foyer, sauf s’ils exercent dans l’État de résidence une occupation privée à caractère lucratif.

En outre, le cadre juridique national peut également constituer un obstacle à l’accès au marché du travail local. En France, comme dans la plupart des pays, le titre de séjour spécial, délivré aux agents diplomatiques et consulaires et aux membres de leur famille par le service du protocole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, ne fait pas partie des titres régis par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, accordant de droit une autorisation de travail.

 

Aussi, l’entrée en vigueur de l’accord bilatéral franco-kosovar permettra de contourner ces difficultés en garantissant aux membres des familles des agents en mission officielle :

– la possibilité d’accéder à une activité professionnelle, tout en conservant les privilèges et immunités conférés par les conventions de Vienne, en dehors du cadre de leur activité professionnelle ;

– la non-opposabilité du marché du travail local ;

– la simplification de la procédure administrative d’autorisation.

B.   MODERNISER LA GESTION DE RESSOURCES HUMAINES DU MinistÈre de l’EUROPE ET DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES, UNE ACTION PRIORITAIRE

Cet accord s’inscrit dans le cadre d’une nouvelle approche de la gestion des ressources humaines portée par le ministère des affaires étrangères depuis 2015, date de mise en place du projet « pour un ministère du XXIe siècle », poursuivi jusqu’en 2017, puis prolongé dans le cadre de la réforme « Action publique 2022 ». Cette démarche, qui s’appuie sur la création d’une délégation aux familles chargée de suivre la dimension familiale de l’expatriation au sein de la direction des ressources humaines du ministère, vise, entre autres, à moderniser le cadre d’expatriation des agents, à favoriser l’employabilité des personnes dites à charge, membres de leur famille, et à améliorer leur insertion professionnelle et sociale dans l’État de résidence. La conclusion de ce type d’accord fait désormais partie des priorités du programme de modernisation du Quai d’Orsay en matière de gestion des ressources humaines ([5]).

Une telle politique s’adresse à un public croissant. En effet, le nombre de personnes membres des familles d’agents– essentiellement des conjoints – désireuses d’exercer une activité professionnelle rémunérée n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Le vivier des conjoints d’agents en poste à l’étranger et rémunéré par le Quai d’Orsay, incluant les agents contractuels et les volontaires internationaux en administration (VIA), est aujourd’hui estimé à environ 3 200 personnes, auxquelles s’ajoutent les conjoints d’attachés spécialisés rémunérés par d’autres administrations – principalement les ministères en charge des armées et des finances – et en poste dans le réseau.

Les avantages d’une telle politique sont nombreux et concrets. En permettant aux proches des agents expatriés de poursuivre et de diversifier leur parcours professionnel, elle améliore leur insertion sociale et, à travers elle, les conditions de vie familiale et professionnelle des agents français dans leur pays d’affectation. Elle garantit également l’attractivité des postes du réseau diplomatique, consulaire et culturel français à l’étranger, qui peut bénéficier de la mise à disposition, par ce biais, de compétences faisant parfois défaut dans le pays d’accueil. Elle participe, enfin, de manière volontariste et active à la promotion de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes : elle profite, en effet, principalement aux femmes, plus nombreuses parmi les conjoints accompagnant un agent à l’étranger ([6]).

Les pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) sont ceux qui connaissent le plus fort taux d’emploi de conjoints d’agents français, car ils offrent des conditions de travail comparables à celles prévalant en France, mais l’effort de facilitation d’accès au marché s’est étendu au-delà du champ de l’OCDE.

La France est liée par des accords bilatéraux avec vingt-cinq États : l’Albanie, l’Argentine, l’Arménie, l’Australie, le Bénin, la Bolivie, le Brésil, le Burkina Faso, le Canada, le Chili, le Congo, le Costa Rica, l’Équateur, les États‑Unis, la Moldavie, le Nicaragua, la Nouvelle-Zélande, le Paraguay, le Pérou, la République dominicaine, la Roumanie, la Serbie, le Turkménistan, l’Uruguay et le Venezuela. Quatre autres accords bilatéraux ont été signés et doivent être soumis au Parlement dans le cadre de la procédure d’autorisation parlementaire ([7]).

La France a également échangé avec plusieurs pays des notes verbales ([8]), par lesquelles les États s’engagent à accorder une attention bienveillante aux demandes d’autorisation de travail qui seraient présentées par une mission diplomatique, dans le respect de la législation locale en vigueur ainsi que des déclarations d’intentions non juridiquement contraignantes.

Des négociations sont en cours avec de nombreux États en vue de conclure des accords ou de procéder à des échanges de notes verbales : c’est le cas avec l’Azerbaïdjan, la Bosnie-Herzégovine, la Corée du Sud, le Guatemala, le Kazakhstan, la Macédoine du Nord, le Monténégro, Oman, le Royaume-Uni, Taïwan, le Togo, l’Ukraine, le Vietnam et la Zambie.

Par ailleurs, certains pays permettent un accès conditionné à l’emploi en l’absence d’accords. Enfin, dans vingt-sept pays, les démarches engagées ont conduit au constat de l’impossibilité de signature d’un accord bilatéral ou à celui d’un cadre d’accès à l’emploi local qui s’avère insuffisamment sécurisant.

 

 

 



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II.   UN ACCORD CONSOLIDANT LES RELATIONS ENTRE LA France ET LE KOSOVO

A.   UN ACCORD QUI S’INSCRIT DANS le prolongement logique des relations bilaTÉrales

Le Kosovo est un petit territoire enclavé de 10 887 km2 et de 1,8 million d’habitants. Province de la Serbie au sein de l’ex-Yougoslavie, il a proclamé unilatéralement son indépendance, le 17 février 2008. Il est aujourd’hui reconnu par une centaine d’États dans le monde mais n’est pas membre à part entière de l’Organisation des Nations Unies (ONU), son statut restant contesté par une partie de la communauté internationale, en particulier par la Serbie et la Russie, qui le considèrent comme un territoire serbe. En juillet 2010, la Cour internationale de justice (CIJ) a rendu un avis consultatif affirmant que sa déclaration d’indépendance ne viole pas le droit international mais qu’il ne lui appartient pas de décider si le Kosovo a effectivement accédé à la qualité d’État.

Au sein de l’Union européenne (UE), cinq États ont refusé de reconnaître l’indépendance du Kosovo : Chypre, l’Espagne, la Grèce, la Roumanie et la Slovaquie. S’ils contestent tous le caractère unilatéral de la déclaration de son indépendance, diverses raisons expliquent également leur position, en particulier la crainte de voir d’autres provinces demander leur indépendance, comme la Catalogne en Espagne, ou encore la proximité des populations orthodoxes serbes et grecques. L’absence de consensus entre États membres sur le statut du Kosovo empêche l’UE de le reconnaître officiellement. En revanche, elle a signé avec lui un accord de stabilisation et d’association en 2016 et est à la tête de la médiation entre Belgrade et Pristina visant à la normalisation des relations entre la Serbie et le Kosovo.

Une force militaire de maintien de la paix de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN), la force pour le Kosovo (KFOR) ([9]), est présente sur son territoire depuis 1999, dans le cadre de la résolution 1244 du Conseil de sécurité des Nations Unies. Le Kosovo entretient également des relations de partenariat avec l’OTAN et des missions de plusieurs autres organisations internationales y sont présentes : l’ONU, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), ainsi que l’UE, qui y dispose d’un bureau et y mène une mission pour l’État de droit (EULEX Kosovo).

La France est considérée comme un partenaire et un soutien du Kosovo, particulièrement sur la question de sa reconnaissance par les pays tiers.

Elle est le deuxième État au monde à avoir reconnu son indépendance, au lendemain de sa proclamation, en février 2008, et elle a contribué à mobiliser les États de l’Afrique francophone en faveur d’une telle reconnaissance. Dès 1999, elle s’est impliquée activement dans le règlement du conflit autour du Kosovo, d’abord comme membre du Groupe de contact, puis, à partir de 2004, lors de négociations sur son statut. La France, aux côtés de l’Allemagne, est engagée au plus haut niveau dans l’appui à la facilitation européenne du dialogue entre Belgrade et Pristina, initié en 2010, poursuivant l’objectif d’un accord global, définitif et juridiquement contraignant.

Interrompu en novembre 2018, ce dialogue a repris grâce à l’initiative du président de la République, Emmanuel Macron, et de la chancelière allemande, Angela Merkel, d’organiser, le 10 juillet 2020, un sommet en vidéoconférence réunissant Aleksandar Vučić, président de la Serbie, Avdullah Hoti, premier ministre du Kosovo, Josep Borrell, haut représentant de l’Union européenne pour les affaires étrangères et la politique de sécurité et vice-président de la Commission européenne, et Miroslav Lajčák, représentant spécial de l’Union européenne (RSUE) pour le dialogue entre Belgrade et Pristina et les autres questions régionales concernant les Balkans occidentaux. À cette occasion, le président Aleksandar Vučić et le premier ministre Aleksandar Hoti sont convenus de reprendre le dialogue entre la Serbie et le Kosovo. Les discussions se poursuivent, sous l’égide de Miroslav Lajcak, mais font face à d’importantes difficultés. Cela conduit à des tensions sur le terrain, notamment dans le Nord du Kosovo, en septembre 2021 et en août 2022. Le 6 octobre 2022, le président de la République, Emmanuel Macron, et le chancelier allemand, Olaf Scholz, se sont entretenus avec le président serbe, puis avec la présidente kosovare, afin de soutenir les efforts de la médiation européenne visant à obtenir des progrès dans la normalisation des relations entre les deux pays ; Emmanuel Macron a de nouveau rencontré les dirigeants kosovars, le 10 novembre 2022, à Paris.

La France mène également au Kosovo des actions de coopérations en matières institutionnelle et universitaire, dans les domaines de la justice ([10]) et du droit, ou encore de l’archéologie ([11]) – sujet important dans un pays en quête de construction et de reconnaissance d’une identité propre. Elle conduit des actions culturelles et de promotion de la langue française et de la francophonie, en s’appuyant notamment sur l’Alliance française de Pristina. Les relations bilatérales entre la France et le Kosovo se sont renforcées dans le domaine de la culture, à travers la signature d’un accord de coproduction cinématographique signé à Cannes, de l’administration, via la conclusion d’un accord avec la direction générale de l’administration et de la fonction publique, de la coopération territoriale, à travers un partenariat avec la région des Hauts-de-France, et en matière de sécurité intérieure.

Sur le plan économique, la relation entre la France et le Kosovo, relativement modeste (la France se classe aux quinzième et seizième rangs mondiaux des clients et fournisseurs du Kosovo) mais présentant tout de même une balance commerciale largement excédentaire en faveur de notre pays (+ 145 % pour un montant total de 40 millions d’euros), est structurée autour du projet de station d’épuration des eaux usées de Pristina, initié à Paris en 2016, par Avduallah Moti, alors ministre des finances. Les exportations françaises vers le Kosovo concernent essentiellement les biens d’équipement, les matériels de transport, les produits chimiques et cosmétiques. La France importe, en retour, des constructions en métal, des produits en caoutchouc et en plastique, ainsi que des produits chimiques.

La communauté française au Kosovo est réduite. Seules 155 personnes sont inscrites sur le Registre des Français à l’étranger de Pristina, dont 91 personnes majeures. Le Quai d’Orsay estime, par ailleurs, que 50 personnes supplémentaires vivent sur le territoire kosovar sans être enregistrées. Il s’agit à 56 % d’une population masculine. Réciproquement, la communauté kosovare en France s’élèverait à environ 20 000 personnes, bien que les sources soient peu fiables sur le sujet.

B.   UN ACCORD VISANt UN NOMBRE modeste DE BÉNÉFICIAIRES

L’accord du 7 juillet 2020 a été conclu sur le fondement d’un accord-type, mis au point en 2009 par le Quai d’Orsay.

Les négociations ont débuté en mai 2018 à la demande de l’ambassadeur du Kosovo en France, parallèlement à d’autres demandes kosovares aux fins de négocier un nouveau cadre conventionnel en matière d’entraide judiciaire pénale et d’extradition. L’accord a été signé à Paris par le secrétaire général du Quai d’Orsay et par le premier ministre du Kosovo.

Conclu selon un principe de réciprocité, le texte vise à autoriser les conjoints d’agents des missions officielles et leurs enfants, sous certaines conditions, à exercer une activité professionnelle salariée, sans se voir opposer la situation de l’emploi, conformément aux législations respectives des deux parties en matière de droit du travail.

Selon les dernières données du ministère des affaires étrangères, les accords conclus pour organiser l’emploi des personnes à charge des agents des missions officielles ont généralement davantage bénéficié aux familles françaises qu’à celles de l’autre partie signataire. En effet, selon une étude réalisée en 2017 par les services du ministère, plus de 250 conjoints d’agents français résidant dans le pays d’affectation ont obtenu une autorisation de travail ou travaillent sans avoir besoin d’autorisation ([12]). En sens inverse, la même année, seuls six conjoints d’agents étrangers ont bénéficié d’une autorisation provisoire de travail en France, et cinq seulement en 2018, pour trente-huit demandes d’autorisation déposées, dont aucune ne concernait l’exercice d’une profession réglementée.

En l’espèce, toutefois, l’accord conclu entre la France et le Kosovo est susceptible de bénéficier majoritairement aux Kosovars installés en France, lesquels sont particulièrement désireux de le voir aboutir en raison du différentiel du coût de la vie avec le Kosovo, notamment s’agissant des prix de l’immobilier. Le nombre de personnes concernées est néanmoins extrêmement modeste. Selon les estimations du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, seuls trois à cinq personnes pourraient solliciter une autorisation de travail, tous conjoints d’agents travaillant à l’ambassade du Kosovo à Paris ou au consulat du Kosovo à Strasbourg, comptant respectivement neuf et trois agents. Côté français, seuls quatre personnes seraient susceptibles de solliciter une telle autorisation, également tous conjoints d’agents travaillant pour l’ambassade de France à Pristina, qui compte, au total, treize agents.

Les perspectives d’emploi au Kosovo sont limitées. Le taux de chômage y est très élevé, en particulier chez les jeunes ([13]), et les taux de rémunération sont modestes ([14]). Des possibilités d’emploi existent toutefois au sein de l’école française de Pristina (association de droit local), dans certaines organisations non gouvernementales ou organisations internationales. Par ailleurs, quelques entreprises françaises sont implantées au Kosovo, à savoir Interex, Aéroport de Lyon, BNP Paribas, le cabinet Mazars et le groupe Lactalis ; toutefois, les perspectives réelles d’emploi en leur sein sont restreintes. Un club d’affaires francophone au Kosovo (KOCAF) a été lancé en mars 2017 et la première édition du forum francophone d’investissement s’est tenue à Pristina, le 26 octobre 2018, laissant peut-être présager de nouvelles opportunités.

Il est à noter que les attachés de défense et les personnels militaires sont couverts par les dispositions de l’accord du 7 juillet 2020 qui ne les exclut pas explicitement et propose une définition des personnes concernées – celles porteuses d’un passeport diplomatique ou de service – les incluant. Le service du protocole du Quai d’Orsay a d’ailleurs été saisi d’une demande kosovare, validée en février 2021, émanant du fils de l’attaché militaire de l’ambassade du Kosovo à Paris, aux fins d’exercer une activité salariée dans le secteur du bâtiment.

 

C.   LES dispositions DE L’ACCORD

Les stipulations de l’accord du 7 juillet 2020 sont de facture classique et ne diffèrent ainsi pas de celles des accords de ce type traditionnellement conclus par la France.

1.   Objet et définitions

Selon l’article 1er, cet accord vise à autoriser les « membres de la famille du personnel diplomatique, consulaire, technique et administratif affecté dans une mission officielle par leur Gouvernement » à exercer une activité salariée sur le territoire d’accueil, sous réserve qu’ils remplissent les conditions législatives et réglementaires exigées pour l’exercice de leur profession, une fois l’autorisation correspondante obtenue.

L’article 2 énonce les définitions des termes employés dans l’accord.

Les missions officielles désignent « les missions diplomatiques régies par la Convention de Vienne sur les relations diplomatiques du 18 avril 1961, les postes consulaires régis par la Convention de Vienne sur les relations consulaires du 24 avril 1963, et les représentations permanentes de chacun des deux États auprès des organisations internationales ayant conclu un accord de siège avec l’autre État ou y ayant un bureau ».

Les agents d’une mission officielle désignent les membres du personnel de l’État accréditant qui ne sont pas résidents permanents dans l’État accréditaire, et qui occupent des fonctions officielles dans une mission diplomatique, un poste consulaire ou une représentation permanente auprès des organisations internationales ayant leur siège ou un bureau dans l’État d’accueil.

Par ailleurs, le « membre de la famille » recouvre :

– en France, « le conjoint marié de même sexe ou de sexe différent ou le partenaire lié par un contrat d’union légale disposant d’un titre de séjour spécial délivré par le ministère de l’Europe et des Affaires étrangères » ;

– au Kosovo, « le conjoint marié ou le partenaire lié par un contrat d’union légale en conformité avec les lois de l’État d’envoi disposant d’un titre de séjour délivré par les autorités compétentes au Kosovo », les enfants célibataires de moins de 21 ans vivant à la charge et au foyer de leurs parents, ainsi que les enfants célibataires vivant à la charge de leurs parents, sans limite d’âge, et présentant un handicap physique ou mental, mais pouvant travailler, sans qu’ils constituent une charge financière supplémentaire pour l’État d’accueil. Le champ d’application de l’accord est ainsi plus large pour les agents français que pour leurs homologues kosovars.

Si l’accord ne mentionne pas explicitement, s’agissant des agents français au Kosovo, le cas des conjoints des personnes de même sexe, il est à noter que l’article 37 de la Constitution du Kosovo autorise le mariage homosexuel, même s’il n’a pas été encore intégré dans son droit civil. Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères indique qu’en raison d’un agenda législatif particulièrement chargé suite à l’installation d’un nouveau gouvernement kosovar, en février 2021, il n’est pas possible de prévoir à quelle échéance le projet de revue du Code civil sera examiné. Le Kosovo s’est, par ailleurs, engagé, dans une déclaration unilatérale signée à Washington, le 4 septembre 2020, à apporter sa contribution à la dépénalisation de l’homosexualité à l’échelle internationale. Aussi, l’accord devrait s’appliquer sans difficultés aux couples de même sexe ; il précise qu’il concerne, pour les agents français au Kosovo, le « conjoint marié ou [le] partenaire d’union légale en conformité avec les lois de l’État d’envoi ». Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a d’ailleurs été informé par l’ambassade de France au Kosovo de l’accréditation, le 25 mai 2021, du partenaire de même sexe d’un agent ayant conclu un pacte civil de solidarité (PACS), qui avait reçu une carte diplomatique. De la même manière, l’absence de reconnaissance du PACS par le Kosovo, qu’il soit entre deux partenaires de même sexe ou non, ne fera pas obstacle à l’application de l’accord aux couples français concernés.

L’accord s’applique enfin à tout emploi salarié, c’est-à-dire à toute activité qui implique la perception d’un salaire résultant d’un contrat de travail régi par la législation de l’État d’accueil. L’article 7 prévoit néanmoins la possibilité d’exercer un emploi non salarié. Chaque demande en ce sens doit être examinée au cas par cas ; le cas échéant, les dispositions de l’accord leur sont applicables.

2.   Procédures

L’article 3 définit la procédure à suivre pour solliciter l’autorisation d’occuper un emploi sur le territoire d’accueil. Il prévoit l’envoi d’une demande au nom du membre de la famille, par son ambassade, au protocole du ministère des affaires étrangères d’accueil, laquelle doit comporter des précisions sur l’activité qu’il souhaite exercer, le nom de son potentiel employeur et le niveau de salaire attendu. Après instruction du dossier, la mission officielle est informée par voie diplomatique de la décision. Dans les trois mois suivant la date de réception de l’autorisation d’exercer un emploi salarié, l’ambassade du pays d’origine fournit aux autorités compétentes la preuve que l’intéressé et son employeur se conforment à la législation du pays d’accueil en matière de protection sociale.

Ainsi, l’accès au marché du travail, en France, est conditionné au respect de la procédure de demande d’autorisation provisoire de travail pour l’exercice d’une activité salariée, prévue aux articles L. 5221-5 et suivants du Code du travail. Le respect des conditions d’exercice des professions réglementées est, quant à lui, vérifié au regard des dispositions des articles R. 5221-4 et R. 5221-20 du Code du travail.

L’octroi d’une autorisation de travail n’exempte pas des obligations de se conformer à la législation locale en vigueur, que celle-ci concerne des caractéristiques personnelles, la possession de diplômes ou de qualifications professionnelles, par exemple. La personne doit ainsi satisfaire à toutes les exigences requises pour l’emploi. Il est, par ailleurs, prévu que le pays d’accueil puisse rejeter une demande, dans le cas d’emplois salariés pour lesquels seuls ses ressortissants peuvent être embauchés pour des raisons de sécurité ou d’ordre public. En tout état de cause, l’accord du 7 juillet 2020 ne prévoit pas la reconnaissance des diplômes, niveaux et études entre les deux pays.

 Tout changement d’employeur, pour un emploi salarié, ou d’emploi non salarié doit donner lieu à une nouvelle demande. En outre, l’autorisation d’occuper un emploi, octroyée à un membre de la famille d’un agent, n’est plus valide à la date de la fin des fonctions de celui-ci ou lorsque ce dernier cesse d’avoir la qualité de membre de la famille.

3.   Immunités civiles, administratives et pénales

L’article 4 stipule que, conformément aux conventions de Vienne de 1961 et de 1963, les immunités de juridiction civiles ou administratives ainsi que l’immunité d’exécution ne s’appliquent pas dans le cadre de l’exercice de l’activité salariée, qui est soumise à la législation et aux tribunaux du territoire d’accueil.

À l’inverse, l’immunité de juridiction pénale, mentionnée à l’article 5, continue de s’appliquer. Elle peut toutefois faire l’objet d’une demande de renonciation de la part du pays, en cas de délit grave commis dans le cadre de l’emploi salarié. Une telle renonciation n’emporte pas celle de l’exécution de la sentence qui devra faire l’objet, le cas échéant, d’une demande de renonciation distincte.

4.   Régime fiscal et de sécurité sociale

L’article 6 précise que les membres de la famille sont soumis à la législation localement applicable en matière d’imposition et de sécurité sociale pour tout ce qui concerne leur emploi salarié dans le pays d’accueil. Aussi devront-ils être affiliés à l’assurance maladie française, dès lors qu’ils exercent une activité professionnelle en France, conformément à l’article L. 160-1 du Code de la sécurité sociale.

Cet article stipule également que le membre de la famille autorisé à exercer un emploi salarié cesse, à compter de la date de l’autorisation, de bénéficier des privilèges douaniers. Il peut transférer ses revenus et indemnités accessoires dans les mêmes conditions que celles prévues en faveur des travailleurs étrangers par la réglementation du pays d’accueil.

5.   Dispositions finales

L’article 8 stipule que les dispositions de l’accord s’appliquent aux membres de la famille des agents des missions officielles implantées dans les départements métropolitains de la République française ainsi que, pour l’outre‑mer, dans les collectivités territoriales dont la liste figure en annexe, à savoir la Guadeloupe, la Martinique, La Réunion, la Guyane et Mayotte.

L’article 9 prévoit classiquement que tout différend lié à l’application ou à l’interprétation de l’accord est réglé lors de négociations directes entre les parties, par la voie diplomatique.

En vertu de l’article 10, l’accord entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date de réception de la dernière notification de l’accomplissement des procédures internes requises pour son approbation. En septembre 2020, le Kosovo a informé la partie française de l’achèvement de son processus de ratification interne.

Enfin, l’accord est conclu pour une durée indéterminée mais peut être modifié par consentement mutuel et dénoncé par l’une des parties, qui doit notifier son intention à l’autre partie par écrit, au moins six mois à l’avance.


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examen en comMission

 

Le mercredi 18 janvier 2023, la commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre.

 

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Sans attendre, je laisse le soin à notre rapporteur de nous éclairer sur le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre, dont notre commission est saisie ce matin.

M. Alain David, rapporteur. L’accord entre la France et le Kosovo, dont il nous est demandé d’autoriser l’approbation, a été signé en juillet 2020. Adopté par le Sénat, le 13 juillet 2021, le projet de loi soumis à notre vote vise, en rendant cet accord effectif, à faciliter l’accès au marché du travail local des personnes à charge des agents des missions officielles de chacun des deux pays. Les personnes concernées, essentiellement des conjoints d’agents, pourront bénéficier d’une autorisation de travailler sans perdre leur statut diplomatique.

Notre commission a déjà adopté, au cours de la XVème législature, plusieurs projets de loi autorisant l’approbation d’accords similaires, avec le Nicaragua, la République dominicaine, la Moldavie, le Bénin, la Serbie, l’Albanie, le Chili ou encore la Bolivie. Depuis 2014, la France a conclu plus de vingt-cinq accords bilatéraux ayant le même objectif.

Cet accord doit être replacé dans le contexte du projet de réforme du ministère de l’Europe et des affaires étrangères intitulé « pour un ministère du XXIème siècle », qui a été lancé en 2015 et poursuivi jusqu’en 2017, avant d’être prolongé dans le cadre de la réforme « Action publique 2022 ». Cette réforme vise à moderniser le cadre d’expatriation des agents, à favoriser l’employabilité des personnes dites à charge, appartenant à leur famille, et à améliorer l’insertion professionnelle et sociale de ces dernières dans leur pays de résidence.

L’objectif initial de faciliter les conditions d’emploi des conjoints d’agents diplomatiques et consulaires dans au moins quatre-vingts pays a d’ores et déjà été atteint, et il a même été dépassé si l’on considère l’ensemble des accords conclus et des notes verbales échangées en incluant les pays membres de l’Espace économique européen et la Suisse.

Si ces accords concernent un nombre limité de nos ressortissants, ils émanent d’une demande des familles. L’impossibilité pour les conjoints d’agents d’exercer un emploi sans renoncer à leur statut diplomatique constituait, en effet, un véritable frein à l’expatriation, auquel le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a souhaité remédier, et ce d’autant plus que le nombre de conjoints d’agents souhaitant travailler n’a cessé d’augmenter ces dernières années. Cette évolution accompagne des changements sociaux majeurs, tels que la progression du taux d’emploi féminin, notamment au sein du corps diplomatique. La promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes s’en trouve favorisée, en cohérence avec les objectifs de la réforme de la diplomatie française.

En l’état actuel du droit, le statut diplomatique des conjoints d’agents peut être un obstacle à l’exercice d’une activité professionnelle. Les conventions de Vienne de 1961 et de 1963, qui régissent les relations diplomatiques et consulaires, n’interdisent pas l’exercice d’une activité professionnelle par les conjoints d’agents, mais impliquent un renoncement partiel aux immunités associées au statut diplomatique. Le cadre juridique national peut aussi freiner l’accès au marché du travail local. Ainsi, en France, le titre de séjour délivré aux agents diplomatiques et consulaires et aux membres de leur famille ne fait pas partie des titres accordant de droit une autorisation de travailler.

L’accord du 7 juillet 2020, issu de négociations lancées à la demande de la partie kosovare, qui est particulièrement désireuse de le voir aboutir en raison du différentiel du coût de la vie – le salaire minimum est compris entre 300 et 350 euros au Kosovo – et des prix de l’immobilier, permettra de pallier ces difficultés. Il ne concernera qu’un nombre limité de personnes – moins d’une dizaine – au Kosovo comme en France.

Il est important de noter que si le Kosovo n’a pas encore intégré dans son droit civil la reconnaissance du mariage homosexuel, pourtant autorisé par l’article 37 de sa Constitution, l’accord stipule explicitement qu’il s’appliquera, pour les agents français au Kosovo, au « conjoint marié ou [au] partenaire lié par un contrat d’union légale en conformité avec les lois de l’État d’envoi ». Cet accord devrait donc s’appliquer sans difficulté aux couples de même sexe. De la même manière, l’absence de reconnaissance du pacte civil de solidarité (PACS) par le Kosovo, qu’il soit entre deux partenaires de même sexe ou non, ne fera pas obstacle à l’application de l’accord aux couples français « pacsés ». Le ministère de l’Europe et des affaires étrangères a d’ailleurs été informé par l’ambassade de France au Kosovo de l’accréditation, le 25 mai 2021, du partenaire de même sexe d’un agent « pacsé », qui avait reçu une carte diplomatique. Je ne peux qu’encourager l’inclusion de dispositions semblables dans les prochains accords de ce type que la France négociera.

Avant de vous inviter, mes chers collègues, à voter sans réserve en faveur de l’approbation de cet accord, je précise que les relations se sont très récemment « décongestionnées », si je puis dire, entre la Serbie, qui conteste l’existence d’un Kosovo libre, et ce pays. À la suite de l’intervention de l’Union européenne et des Nations Unies, les barrages ont été levés dans le Nord du Kosovo. La situation semble donc s’apaiser momentanément.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Une question qui ne concerne que très peu de gens peut malgré tout faire des malheureux et des heureux. La dizaine de personnes qui est concernée par cet accord l’est ainsi très fortement.

M. Frédéric Petit (DEM). Comme vous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur, nous avons conclu beaucoup d’accords de ce genre. Mon groupe soutient l’approbation de celui-ci, pour toutes les raisons que vous avez indiquées.

J’appelle votre attention sur le fait qu’il est assez rare que de tels accords soient conclus avec des pays très récents. Le Kosovo, qui fait partie des pays de ma circonscription, est notamment très demandeur de ce texte parce qu’il est une manière d’accélérer l’implantation de sa propre tradition diplomatique. Cet accord est très important pour les conjoints des diplomates kosovars qui seront en poste à Paris.

M. Alain David, rapporteur. Le Kosovo, qui était à l’origine une province serbe, a obtenu son indépendance en 2008. Il est reconnu par un certain nombre de pays, dont la France, mais pas par la Serbie voisine, qui se sert en particulier des Serbes du Kosovo, lesquels sont très actifs.

M. Frédéric Petit. Je pense qu’il serait préférable de ne pas dire « à l’origine » : dans cette région, on est toujours à l’origine de l’autre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. À l’instar d’une certaine toile ayant créé la controverse, mieux vaut parfois ne pas s’attarder sur l’origine du monde.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). Les accords visant à faciliter l’accès à l’emploi des familles des diplomates sont essentiels, car les fonctions diplomatiques des conjoints leur imposent d’exercer un métier loin de leur pays d’origine. Le Quai d’Orsay signe ainsi des accords avec les pays qui accueillent des diplomates français pour faciliter leur mobilité et celle de leur famille. À ce jour, vingt-cinq accords de ce type ont été signés.

Les dispositions du texte que nous examinons sont suffisantes pour garantir aux familles des diplomates français l’octroi d’un permis de travail au Kosovo. Elles sont plus favorables pour les familles des diplomates de notre pays, puisqu’elles incluent, dans leur cas, les enfants à charge de moins de 21 ans ou présentant un handicap.

Il convient aussi de rappeler que l’accord a été négocié à l’initiative du Kosovo, dont les agents sont confrontés à un coût de la vie important en France, et qu’il ne concernera qu’un nombre très limité d’agents français déployés dans notre ambassade à Pristina.

Au-delà de cet accord, c’est notre relation historique avec le Kosovo qu’il importe de renforcer. Nous nous sommes engagés depuis l’indépendance de ce pays, en 2008, à garantir son intégrité territoriale. La France participe ainsi activement, avec l’Allemagne, à l’opération européenne de facilitation de la paix avec la Serbie. Notre engagement concernant l’intégrité territoriale du Kosovo est d’autant plus nécessaire que les tensions montent une nouvelle fois et que des échanges de tirs ont récemment été constatés au Nord du pays.

Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur du projet de loi.

M. Alain David, rapporteur. Je n’ai rien à ajouter au sujet des difficultés entre le Kosovo et la Serbie, si ce n’est que la situation paraît s’être apaisée momentanément.

J’ai évoqué l’écart du coût de la vie entre la France et le Kosovo. L’accord présente un très grand intérêt pour les familles du personnel diplomatique kosovar en France ; il est moindre pour le personnel français en poste au Kosovo car le salaire minimum dans ce pays n’engage pas forcément les conjoints ou les personnes à charge à y travailler, sauf dans des organisations non gouvernementales (ONG) ou des situations bien particulières.

M. Jean-Philippe Ardouin (RE). Je vous remercie de m’accueillir au sein de cette commission. En tant que président du groupe d’amitié France-Kosovo, je tenais à être parmi vous pour l’examen de ce texte, qui renforce encore un peu plus nos liens avec ce jeune État en permettant aux familles des agents des missions officielles affectés dans les postes diplomatiques et consulaires de travailler au sein de notre pays et, ainsi, de s’intégrer plus facilement le temps de leur séjour dans notre société. Soucieux de renforcer les relations diplomatiques de la France, notamment avec les pays européens, notre groupe soutiendra toujours l’approfondissement des relations bilatérales et l’installation de membres du corps diplomatique sur notre territoire.

Les liens officiels entre la France et le Kosovo datent du lendemain même de l’indépendance de ce pays, le 17 février 2008. Attachés à la liberté des peuples de décider pour eux-mêmes, nous soutenons, pour paraphraser le Quai d’Orsay, la perspective européenne du Kosovo. Nous saluons sa demande d’adhésion à l’Union européenne, présentée en décembre dernier – c’est un sujet qui ne manquera pas d’être évoqué au cours des prochains mois.

L’accord qui nous est soumis prévoit des conditions et des garanties auxquelles nous sommes attachés, notamment en matière d’imposition et d’affiliation à la sécurité sociale de l’État d’accueil, afin d’assurer une plus grande intégration des travailleurs concernés.

Bien que très circonscrit, cet accord représente un pas de plus dans le domaine de la coopération entre la France et le Kosovo, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera pour le projet de loi. Monsieur le rapporteur, selon quels axes les relations diplomatiques franco-kosovares pourront-elles encore être renforcées après l’adoption de cet accord ?

M. Alain David, rapporteur. La France essaiera, bien sûr, de conclure d’autres accords avec le Kosovo pour se rapprocher de lui. Par ailleurs, nous pourrons vous assister dans les démarches que vous allez entreprendre en tant que président du groupe d’amitié France-Kosovo. Il faut tisser des liens très solides avec nos homologues et permettre au Kosovo d’avancer sur le chemin de l’adhésion à l’Union européenne, malgré les difficultés auxquelles il fait face.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je pense que notre commission doit mener assez rapidement une réflexion globale sur les Balkans.

M. Joris Hébrard (RN). Le texte que nous examinons est, somme toute, une formalité d’usage vis-à-vis des pays dans lesquels nous disposons d’une représentation diplomatique et dont nous accueillons une délégation. Toutefois, cet accord est très particulier puisqu’il concerne un pays dont l’existence ne fait pas l’objet d’un consensus. Tous les pays non reconnus internationalement n’ont pas cet honneur.

Il faut noter qu’un protocole d’accord est en train d’être signé avec la Corée du Sud et que des échanges juridiquement non contraignants ont eu lieu avec Israël en vue de faciliter l’emploi des membres de la famille du personnel diplomatique. Nous accueillons, en revanche, une représentation diplomatique arménienne sans avoir un accord de ce type en vigueur, et il en est de même avec Chypre ou encore avec la Chine.

L’intérêt de cet accord est double : permettre aux membres de la famille des agents français de travailler au Kosovo, et aux membres de la famille des agents kosovars de faire de même en France. On remarquera, néanmoins, à l’article 2, que l’expression « membre de la famille » s’entend de deux façons différentes. Pour le personnel français, elle désigne les conjoints mariés ou partenaires légaux, ainsi que les enfants célibataires de moins de 21 ans ou handicapés. Pour le personnel kosovar, il s’agit seulement des conjoints ou partenaires légaux. Cependant, le service du protocole du ministère de l’Europe et des affaires étrangères a reçu une demande émanant du fils de l’attaché militaire de l’ambassade du Kosovo. Selon le présent accord, il n’aurait pas le droit de travailler. Toutefois, le service du protocole a fait droit à sa demande. L’accord n’est pas encore approuvé, mais des dérogations sont déjà accordées.

L’article 1er ne mentionne pas les militaires parmi le personnel concerné par l’accord. Pourtant, la convention de Vienne de 1961 stipule que l’attaché de défense et ses adjoints font partie du personnel diplomatique. Les militaires titulaires d’un passeport diplomatique ou de service seront de facto concernés.

Les articles 4 et 5 précisent les limites de l’immunité diplomatique dans le cadre du travail en matière civile, administrative et pénale.

L’article 6 applique la législation de l’État d’accueil en matière d’imposition fiscale et de sécurité sociale et restreint les privilèges douaniers pour les salariés membres de la famille du personnel des ambassades.

J’appelle votre attention sur un élément que je considère comme particulier : l’article 8 prévoit une clause de territorialité empêchant de travailler dans certaines collectivités d’outre-mer, la Polynésie française, Saint-Barthélemy, Saint-Martin, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis-et-Futuna. De son côté, le Kosovo n’établit aucune contrainte géographique pour l’embauche de membres de la famille du personnel diplomatique français.

Les articles 9 et 10, comme le souligne le projet de rapport, traitent de façon classique le règlement des différends et l’entrée en vigueur de l’accord.

Mon groupe s’abstiendra sur ce texte.

M. Alain David, rapporteur. Je confirme que les militaires sont concernés, dès lors qu’ils détiennent un passeport diplomatique ou de service.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Conformément à notre principe selon lequel, quelles que soient nos positions géopolitiques ou notre avis sur la reconnaissance de tel ou tel État, il n’est pas question de priver les personnes de droits qui leur reviennent, nous ne nous opposerons pas à ce texte. Pour autant, il ne faut pas sous-estimer l’impact des choix internationaux qui ont été faits il y a désormais quatorze ans avec la reconnaissance unilatérale de l’indépendance du Kosovo. Je n’ai pas à en juger, à titre personnel, mais, quoi qu’on pense du fond, on ne peut pas occulter les faits : sur 193 États membres des Nations Unie, seuls 92 reconnaissent l’indépendance du Kosovo. J’ajoute, ce qui est très important dans la perspective d’une éventuelle adhésion du Kosovo à l’Union européenne, que certains membres de cette dernière, comme l’Espagne, font partie des États qui ne reconnaissent pas l’indépendance du Kosovo. Ce n’est pas un détail. Par ailleurs, la Russie a justifié l’annexion de la Crimée, de manière certes propagandiste et très malhonnête, en s’appuyant sur le précédent kosovar. Il faut être lucide : ce type de discours est entendu dans le monde.

Nous ne nous opposerons pas à ce texte mais je souhaite qu’il soit l’occasion de regarder dans le rétroviseur et de faire le bilan de certains choix, qui sont parfois faits dans un entre-soi occidental en oubliant un peu que le monde nous observe et nous demande des comptes sur certaines décisions qui peuvent être prises de manière précipitée, sans forcément réfléchir à toutes les conséquences.

M. Alain David, rapporteur. Ce projet de loi ne concerne que les familles des membres du personnel diplomatique, pour leur conférer, des deux côtés, certains avantages. La situation que vous évoquez et la position de la Russie sont, bien sûr, des questions très importantes, mais c’est essentiellement sur le texte de l’accord que nous devons nous prononcer.

M. Vincent Seitlinger (LR). Nous voterons pour cette convention, qui permettra de faciliter la vie des diplomates des deux pays. J’ai, néanmoins, une question portant sur les délais. Un accord préalable est nécessaire. Sera-t-il possible de l’obtenir rapidement ou bien s’agit-il d’une procédure un peu longue et qui pourrait éventuellement poser des difficultés ?

M. Alain David, rapporteur. L’accord a déjà été approuvé par la partie kosovare. Il ne manque plus que l’approbation de la France. Tout dépend de nous mais cela devrait aller très vite.

M. Frédéric Petit. Je salue le président du groupe d’amitié France-Kosovo, en rappelant que je prends systématiquement contact avec les présidents des groupes d’amitié relatifs aux pays du ressort géographique de ma circonscription, même si, en l’espèce, je n’ai pas encore eu le temps de le faire compte tenu du décalage qui a eu lieu.

J’ajoute qu’il y a aussi au Kosovo des entreprises françaises, une école française, qui vient d’ouvrir, le Ryko, l’Office régional de coopération pour la jeunesse des Balkans occidentaux, qui est une sorte d’équivalent balkanique de l’Office franco-allemand pour la jeunesse (OFAJ), ainsi que des ONG françaises.

Nous avons par ailleurs lancé, Madame Marine Hamelet et moi, notre déplacement pour le compte de la commission dans les Balkans. Nous vous rendrons compte, à son issue, de la situation générale et des différentes questions qui se posent.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La caractéristique de la situation générale des Balkans, c’est qu’elle est faite de situations particulières…

M. Alain David, rapporteur. Monsieur Frédéric Petit est un fin connaisseur de la situation des Balkans, puisqu’il est le député représentant les Français de cette région.

Nous devons être vigilants. La création du Kosovo est peut-être un irritant dans son voisinage mais elle a été l’objet de négociations au sein des Nations Unies, qui ont défini des mesures pour ramener la paix. Il reste à trouver certains équilibres dans la durée. Les difficultés qui existent et le mauvais exemple qui a peut-être été donné à d’autres pays, qui voudraient procéder à des annexions, ont été signalés à juste titre.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. À ceci près qu’on se trouvait dans la situation inverse. Il existait une menace très claire pour la population kosovare, à laquelle une intervention européenne avait tenté de faire face. La Russie, qui était très proche de la Serbie, était assez mécontente de ce qui s’était ensuite passé mais elle a apporté une contribution décisive à la solution du problème, qui a été plébiscitée par l’ONU avec son concours. Nous avions alors – c’était avant l’arrivée au pouvoir de M. Poutine – une coopération assez étroite avec la Russie. Beaucoup d’entre nous auraient voulu qu’elle se poursuive.

M. Alain David, rapporteur. Je terminerai par une anecdote. J’étais maire de Cenon, dans la région bordelaise, à l’époque où ces événements se sont déroulés. Un administré est venu me voir, pour que je sollicite notre ambassadeur et nos consuls généraux, après avoir reconnu sa mère sur des images diffusées par TF1 ; elle était transportée dans une brouette au sein d’une file de réfugiés. Nous avons réussi à retrouver cette personne, au bout de quinze jours, et à la faire venir à Cenon. Elle a fini sa vie dans une maison de repos du secteur ; elle était dans un très triste état.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous vous félicitons pour cette contribution personnelle au traitement de la question des réfugiés du Kosovo. Vous étiez donc tout désigné pour être le rapporteur de ce texte.

 

*

Article unique (approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.


—  1  —

 

   ANNEXE 1 : texte adoptÉ par la commission

    

Article unique

(Non modifié)

 

Est autorisée l’approbation de l’accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Kosovo relatif à l’emploi des membres des familles des agents des missions officielles de chaque État dans l’autre (ensemble une annexe), signé à Paris le 7 juillet 2020, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 6)

   ANNEXE 2 : LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES par le rapporteur

 

Ambassade de France au Kosovo

– M. Olivier GUÉROT, ambassadeur de France au Kosovo.

 

Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

– M. Valentin ALLARY-LACROIX, rédacteur au pôle conventions, mission des conventions et de l’entraide judiciaire, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;

– M. Yannick ANDRIANARAHINJAKA, chef du pôle conventions, mission des conventions et de l’entraide judiciaire, direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire ;

– M. Vladimir DELIRY, rédacteur Kosovo, mission de l’Europe balkanique, direction de l’Europe continentale, direction générale des affaires politiques et de sécurité ;

– Mme Claire GIROIR, conseillère juridique, mission des accords et traités, direction des affaires juridiques.

 


([1]) Espaces au sein desquels les conjoints d’agents diplomatiques et consulaires accèdent librement au marché de l’emploi dans le respect de la législation locale pour satisfaire au principe de la libre circulation des travailleurs dans l’Union européenne et dans l’Espace économique européen.

([2]) Convention de Vienne du 18 avril 1961 sur les relations diplomatiques.

([3]) Convention de Vienne du 24 avril 1963 sur les relations consulaires.

([4]) Bien que non partie aux conventions de Vienne, le Kosovo en applique toutefois les dispositions de manière satisfaisante, selon le Quai d’Orsay.

([5]) Cf étude d’impact, p. 3.

([6]) 48,32 % d’agents féminins sont en couple à l’étranger contre 71,31 % d’agents masculins, selon le Quai d’Orsay (statistiques datant d’août 2020).

([7]) Outre le Kosovo, il s’agit d’Andorre, du Sénégal et du Sri Lanka.

([8]) Afrique du Sud, Cambodge, Cap Vert, Colombie, Émirats arabes unis, Gabon, Ghana, Guinée, Honduras, Inde, Israël, Japon, Malaisie, Maurice, Mexique, Namibie, Ouganda, Salvador, Singapour et Zimbabwe.

([9]) La France n’y dispose plus de contingents depuis 2016.

([10]) Suite à une visite, en décembre 2022, de la présidente de la Cour constitutionnelle du Kosovo, Gresa Caka, au premier président de la Cour de cassation, au vice-président du Conseil d’État et au président du Conseil constitutionnel français, un projet de coopération entre ces institutions est désormais envisagé.

([11]) Le CNRS entreprend notamment des fouilles près de Pristina.

([12]) Environ un tiers des bénéficiaires français d’une autorisation de travail exercent leur activité dans le réseau français à l’étranger (établissements culturels, établissements d’enseignement, autres services de l’ambassade ou des consulats). Il convient de mentionner un cas d’auto-entreprenariat à Singapour. Cf étude d’impact, p. 6.

([13]) Selon la direction générale du Trésor du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en 2021, le taux de chômage national était de 26 % et de 49 % chez les 15‑24 ans. Le taux d’emploi était également très faible, de 29 % au niveau national et de seulement 16 % pour les femmes, au premier trimestre 2021.

([14]) Le salaire annuel moyen est de 558 euros en 2018 (Cf étude d’impact, p. 9).