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N° 755

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 18 janvier 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE RÉSOLUTION
 

tendant à la création d’une commission d’enquête relative
aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et
ses conséquences

 

PAR M. Benjamin HADDAD

Député

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Voir le numéro : 594

 


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SOMMAIRE

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Pages

 

examen de la recevabilité de la proposition de résolution........ 5

Compte rendu des débats

Lettre du garde des sceaux

 


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MESDAMES, MESSIEURS,

Le 2 décembre 2022, Mme Danielle Simonnet et les membres du groupe LFI ont déposé une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête « relative aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences ».

Lors de la Conférence des Présidents du 6 décembre 2022 ([1]), Mme Mathilde Panot, présidente du groupe La France insoumise – Nouvelle Union Populaire économique et sociale, a indiqué faire usage, pour cette proposition de résolution, du droit de tirage que le deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement de l’Assemblée nationale reconnaît, une fois par session ordinaire, à chaque président de groupe d’opposition ou minoritaire ([2]).

Cette initiative intervient après qu’une première proposition de résolution n°295 rectifiée, déposée par Mme Danielle Simonnet, « relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l’implantation d’Uber en France », a été rejetée par la Commission des lois le 16 novembre 2022 en raison de doutes pesant sur sa recevabilité, notamment au regard du principe de séparation des pouvoirs. Cette proposition de résolution, initialement inscrite à l’ordre du jour de la journée réservée au groupe La France insoumise - Nouvelle Union Populaire économique et sociale du 24 novembre 2022, avait finalement été retirée par son auteure avant son examen en séance.

C’est une proposition de résolution portant sur le même sujet, mais définissant différemment le périmètre de la Commission d’enquête qu’elle vise à créer, qui est à présent soumise à la Commission des Lois aux fins d’en apprécier la recevabilité.  

Conformément au second alinéa de l’article 140 du Règlement et comme l’a indiqué la Conférence des Présidents, il revient à la commission des Lois, à laquelle a été renvoyée la proposition de résolution, de vérifier si les conditions requises pour la création d’une commission d’enquête sont réunies. Il ne lui appartient pas de se prononcer sur l’opportunité d’une telle initiative.

De même, il n’y aura pas lieu de soumettre au vote de l’Assemblée nationale la proposition de résolution. En effet, en application du deuxième alinéa de l’article 141 précité, la Conférence des Présidents « prend acte de la création de la commission d’enquête » dès lors que celle-ci répond aux exigences de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires et au chapitre IV de la première partie du titre III du Règlement.

Extraits du Règlement de l’Assemblée nationale

Article 137

Les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont déposées sur le bureau de l’Assemblée. Elles doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. Elles sont examinées et discutées dans les conditions fixées par le présent Règlement.

Article 138

1. Est irrecevable toute proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête ayant le même objet qu’une mission effectuée dans les conditions prévues à l’article 145-1 ou qu’une commission d’enquête antérieure, avant l’expiration d’un délai de douze mois à compter du terme des travaux de l’une ou de l’autre.

2. L’irrecevabilité est déclarée par le Président de l’Assemblée. En cas de doute, le Président statue après avis du Bureau de l’Assemblée.

Article 139

1. Le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête est notifié par le Président de l’Assemblée au garde des Sceaux, ministre de la Justice.

2. Si le garde des Sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition, celle-ci ne peut être mise en discussion. Si la discussion est déjà commencée, elle est immédiatement interrompue.

3. Lorsqu’une information judiciaire est ouverte après la création de la commission, le Président de l’Assemblée, saisi par le garde des Sceaux, en informe le président de la commission. Celle-ci met immédiatement fin à ses travaux.

● En premier lieu, l’article 137 du Règlement de l’Assemblée nationale prévoit que les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion ».

Le deuxième alinéa de l’article 6 de l’ordonnance n° 58-1100 du 17 novembre 1958 relative au fonctionnement des assemblées parlementaires prévoit également que les faits ayant motivé la création d’une commission d’enquête doivent être « déterminés ».

En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher semblent définis avec une précision suffisante. La commission d’enquête doit identifier « l’ensemble des actions de lobbying menés par Uber pour pouvoir s’implanter en France » et « le rôle des décideurs publics de l’époque » face à ces actions de lobbying. La Commission d’enquête aura également pour mission d’étudier les « conséquences sociales, économiques et environnementales du développement du modèle Uber en France ».

● En second lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, a eu lieu une mission d’information ayant fait usage des pouvoirs dévolus aux rapporteurs des commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145‑1 du Règlement ou une commission d’enquête ayant le même objet ([3]). Tel n’est pas le cas en l’espèce. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

● Enfin, en application de l’article 139 du Règlement de l’Assemblée nationale, la proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des Sceaux « fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé le dépôt de la proposition ». Le troisième alinéa du I de l’article 6 de l’ordonnance du 17 novembre 1958 prévoit, quant à lui, que la mission d’une commission d’enquête déjà créée « prend fin dès l’ouverture d’une information judiciaire relative aux faits sur lesquels elle est chargée d’enquêter ».

Interrogé par la Présidente de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, le garde des Sceaux lui a fait savoir, dans un courrier en date du 18 janvier 2023, que le périmètre de la commission d’enquête envisagée « est susceptible de recouvrir pour partie plusieurs procédures judiciaires en cours ».

La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

● Au-delà de la recevabilité au regard des articles du Règlement de l’Assemblée nationale, les initiatives parlementaires doivent également être conformes à la Constitution.

Le 16 novembre 2022, la Commission des lois avait rejeté la proposition de résolution n° 295 rectifié tendant à la création d’une commission d’enquête « relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l’implantation d’Uber en France, en raison de sérieux doutes quant à sa recevabilité, notamment quant au respect de la séparation des pouvoirs ».

Dans sa lettre en date du 14 novembre 2022, le garde des Sceaux, ministre de la Justice avait notamment souligné que cette initiative, qui visait explicitement le Président de la République actuellement en fonctions, constituait une « tentative de mise en cause, par une voie détournée, de la responsabilité du chef de l’État, dont le régime est strictement défini par les dispositions du titre IX de la Constitution ». 

Votre rapporteur constate que la proposition de résolution n° 594 aujourd’hui soumise à l’examen de la Commission des Lois se présente en des termes distincts de l’initiative précédente. L’intitulé et le dispositif de la proposition ne visent désormais plus le titre ou la fonction de Président de la République, de même que l’exposé sommaire n’y fait plus référence. Le dispositif mentionne quant à lui à présent « le rôle des décideurs publics », objectif qui apparaît beaucoup plus large que celui de la première proposition de résolution déposée.

Cette nouvelle proposition de résolution respecte donc, dans sa formulation, le principe de la séparation des pouvoirs. Votre rapporteur juge néanmoins utile de souligner que la référence aux « décideurs publics » ne saurait être considéré comme incluant l’actuel président de la République, sous peine de susciter les mêmes réserves au regard du nécessaire respect du principe de la séparation des pouvoirs. Il appartiendra à la Commission d’enquête de veiller, dans le déroulement de ses travaux, à ce que ce principe soit bien respecté.

Compte tenu de l’ensemble de ces remarques, et sous les réserves précédemment formulées tenant aux actions judiciaires en cours et au respect de la séparation des pouvoirs, il résulte de l’analyse qui précède le caractère juridiquement recevable de la proposition de résolution « tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences ».

 

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 18 janvier 2023, la Commission procède à l’examen de la recevabilité de la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences (n° 594) (M. Benjamin Haddad, rapporteur).

Lien vidéo : https://assnat.fr/HbF8Me

 M. le président Sacha Houlié. La présidente du groupe LFI, Mme Mathilde Panot, a décidé de faire usage de son droit de tirage, le 6 décembre dernier, sur la création de cette commission d’enquête. Dans ces conditions, en application de l’article 140, alinéa 2, du Règlement, la commission se prononce uniquement sur la recevabilité de la proposition de résolution et non sur son opportunité. Notre décision s’imposera puisqu’il n’est pas prévu d’autre examen en séance dans ce cadre. Cet examen de recevabilité n’est pas anodin puisque notre commission avait rejeté, le 16 novembre dernier, une première proposition de résolution sur le même thème, précisément pour des raisons de recevabilité.

M. Benjamin Haddad, rapporteur. Le 16 novembre dernier, nous avons en effet émis un avis négatif à la recevabilité d’une première proposition de résolution relative aux révélations des Uber Files et au rôle du Président de la République dans l’implantation d’Uber en France. Cette première initiative, qui visait explicitement le Président de la République en exercice, présentait une difficulté majeure au regard du régime de responsabilité du Président de la République. Par conséquent, elle faisait peser un risque réel de violation d’un principe constitutionnel auquel nous sommes tous attachés : la séparation des pouvoirs. Cette initiative a été retirée par son auteure avant son examen en séance publique.

La proposition de résolution que nous examinons à présent se distingue assez nettement de la précédente. Son intitulé ne fait plus directement référence à la présidence de la République. La commission d’enquête aurait pour mission d’identifier les actions de lobbying menées par la société Uber pour s’implanter en France, et d’appréhender le rôle des décideurs publics de l’époque. Elle devra également étudier les conséquences sociales, économiques et environnementales du développement du modèle Uber en France.

Si le champ de cette commission d’enquête a pu être défini plus largement, je dois insister sur le fait que la référence aux décideurs publics de l’époque ne saurait, en aucun cas, être interprétée comme autorisant une commission d’enquête à investiguer sur la présidence de la République, en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Il appartiendra à la commission d’enquête de veiller à son respect.

Voyons à présent si les trois conditions requises pour créer une commission d’enquête sont réunies. Cette seconde initiative intervenant dans un cadre juridique distinct de la première, puisque le groupe LFI a décidé de faire usage de son droit de tirage, nous n’avons donc pas à nous prononcer quant à l’opportunité de cette initiative.

En premier lieu, l’article 137 du règlement de l’Assemblée nationale prévoit que les propositions de résolution tendant à la création de commissions d’enquête « doivent déterminer avec précision soit les faits qui donnent lieu à enquête, soit les services ou entreprises publics dont la commission doit examiner la gestion. » En l’occurrence, les faits sur lesquels la commission d’enquête devra se pencher, à savoir notamment les différentes actions de lobbying menées par la société Uber, semblent définis avec une précision suffisante.

En deuxième lieu, les propositions de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête sont recevables, sauf si, dans l’année qui précède leur discussion, une commission permanente a fait usage des pouvoirs dévolus aux commissions d’enquête demandés dans le cadre de l’article 145-1 du règlement ou a eu lieu une commission d’enquête ayant le même objet. Ce n’est pas le cas en l’espèce. La proposition de résolution remplit donc le deuxième critère de recevabilité.

En troisième et dernier lieu, en application de l’article 139 du règlement de l’Assemblée nationale, une proposition de résolution ne peut être mise en discussion si le garde des sceaux fait connaître que des poursuites judiciaires sont en cours sur les faits ayant motivé son dépôt. Interrogé par la présidente de l’Assemblée nationale conformément au premier alinéa de l’article 139 précité, le garde des sceaux lui a fait savoir, dans un courrier en date du 18 janvier 2023, que le périmètre de la commission d’enquête envisagée est susceptible de recouvrir pour partie une procédure judiciaire en cours. La commission devra donc veiller, tout au long de ses travaux, à ne pas faire porter ses investigations sur des questions relevant de la compétence exclusive de l’autorité judiciaire.

Sous cette réserve, il apparaît que la proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences, est juridiquement recevable.

Mme Béatrice Roullaud (RN). La question qui nous est posée est de savoir si la proposition de résolution respecte les conditions de recevabilité.

La première condition, posée par l’article 137 du règlement de l’Assemblée nationale, exige que les faits donnant lieu à enquête soient déterminés avec assez de précision. En l’espèce, la proposition rappelle avec précision les faits ayant donné lieu à enquête. Elle précise que l’enquête a pour mission d’identifier l’ensemble des actions de lobbying menées par Uber pour pouvoir s’implanter en France et le rôle des décideurs publics de l’époque, et elle émet des recommandations concernant l’encadrement des relations entre décideurs publics et représentants d’intérêts. Les faits sont donc précis. En outre, l’article 137 doit être interprété avec souplesse. Par comparaison, une proposition de résolution relative à la surveillance des filières djihadistes n’avait pas été jugée trop imprécise en 2016.

La première condition de recevabilité, liée à la précision des faits, nous semble être ici parfaitement remplie, comme le sont les deux autres conditions énoncées aux articles 138 et 139 du règlement de l’Assemblée nationale. En effet, aucune commission d’enquête portant sur le même sujet n’a été conduite dans l’année précédant celle-ci et aucune poursuite judiciaire sur les mêmes faits n’est, semble-t-il, en cours, puisque le garde des sceaux n’a rien précisé à ce propos, évoquant seulement une possibilité restant floue. Or l’article 139 doit être interprété strictement : les faits donnant lieu aux poursuites doivent être exactement ceux qui se trouvent au centre des investigations souhaitées, ce qui n’est pas le cas ici.

Les conditions du règlement de l’Assemblée nationale étant réunies, le groupe Rassemblement national votera en faveur de la recevabilité de la proposition de résolution.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). La recevabilité de la proposition n’est pas contestée ici, tant il est évident que le souhait exprimé par le groupe La France insoumise, au titre de son droit de tirage, de voir créer une commission d’enquête parlementaire sur les Uber Files s’adosse à des faits établis.

En juillet dernier, 124 000 documents internes à Uber et datés de 2013 à 2017, recueillis par le consortium international des journalistes, ont révélé le lobbying agressif et le mépris des lois dont a fait preuve le géant américain pour investir le secteur français du transport particulier de personnes. Cela n’aurait pas été possible sans les révélations de l’ancien lobbyiste d’Uber, devenu lanceur d’alerte, M. Mark MacGann, qui a notamment accompagné le fondateur de l’entreprise, Travis Kalanick, dans nombre de ses démarches. L’enquête sur les Uber Files a ainsi révélé au moins dix-sept échanges significatifs entre des décideurs publics, dont le ministre de l’économie de l’époque, Emmanuel Macron, et la direction d’Uber.

Bien d’autres aspects des Uber Files révèlent la manière dont les plateformes de l’ubérisation tentent d’imposer un état de fait à l’État de droit pour faire ensuite pression en vue de modifier les lois, de faire en sorte qu’elles ne soient pas appliquées ou de modifier des dispositions réglementaires.

Depuis lors, le lobbying se poursuit de la part des plateformes de l’ubérisation. L’une des premières tâches de l’enquête parlementaire sera donc de bien analyser la mise en œuvre de ce lobbying, le rôle des responsables publics, la poursuite du lobbying et de formuler des recommandations en vue de la séparation des lobbys et de l’État.

Enfin, cette commission d’enquête parlementaire aura aussi pour rôle d’examiner les conséquences sociales, économiques et environnementales de l’ubérisation, qui s’est développée dans de nombreux secteurs et affecte très fortement notre modèle social, notre code du travail et les recettes fiscales de l’État – car ces plateformes sont souvent des professionnelles de l’évasion fiscale.

Enfin, il sera intéressant de voir, parallèlement au débat d’actualité sur les retraites, les conséquences de l’ubérisation sur notre système de protection sociale. Ainsi, l’Urssaf a engagé des batailles contre le travail dissimulé chez Uber, déposant une plainte en 2016, et Deliveroo a été condamnée à verser près de 10 millions d’euros en septembre dernier, parce que ces entreprises ne respectent pas leurs engagements. En ce moment même, on débat au Parlement européen à propos des enquêtes sur les Uber Files et une grande bataille se livre autour d’une directive européenne sur la présomption de salariat, question qui entre aussi dans le cadre de la réflexion que nous aurons à mener lors de cette mission d’enquête parlementaire.

Je suis donc très fière de savoir que cette commission d’enquête parlementaire pourra travailler. La lutte contre les lobbys et pour la séparation des lobbys et de l’État est une question démocratique centrale. En tant qu’élus de la République, nous devons servir l’intérêt général, et non pas les intérêts privés.

M. Gilles Le Gendre (RE). Il ne s’agit pas ici d’aborder le contenu de la commission d’enquête ni d’anticiper sur ses travaux, et encore moins de parler des retraites. Nous avons en effet à nous prononcer sur un point précis : la recevabilité de la proposition de résolution visant à créer cette commission d’enquête, et aucunement sur l’opportunité du droit de tirage, qui est de plein droit pour tous les groupes politiques.

Nous pouvons nous réjouir que la rédaction de la proposition de résolution du groupe La France insoumise ait évolué depuis sa première version, qui posait à l’évidence un problème au regard de la séparation des pouvoirs. Cette hypothèque ayant été levée, nous pouvons nous prononcer favorablement sur la recevabilité de cette proposition, comme nous y invite le rapporteur.

La représentation d’intérêts est une question qui a intéressé longtemps et utilement notre commission – je tiens aussi à rappeler à ce propos la mission d’évaluation sur la loi Sapin 2, qui avait donné lieu à un rapport d’information de notre ancien collègue Raphaël Gauvain et d’Olivier Marleix. Indépendamment des travaux de la commission d’enquête, cette question devra donner lieu, dans un avenir que j’espère proche, à une nouvelle exploration et à de nouveaux travaux qui pourront se révéler très utiles.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Je serai très bref : notre groupe suivra l’avis favorable du rapporteur.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Les conditions de recevabilité prévues par le règlement de l’Assemblée nationale sont remplies. Elles sont d’appréciation stricte et nous n’avons donc pas d’observation à faire.

Pour ce qui est de la procédure judiciaire en cours, à propos de laquelle nous alerte le garde des sceaux, nous saurons en tenir compte et respecter le périmètre d’investigation de la commission d’enquête.

Les stratégies de lobbying déployées par la société Uber doivent intéresser le législateur, qui doit savoir comment on peut assouplir ou contourner les dispositifs qu’il a instaurés.

Enfin, la proposition de résolution se termine par le souhait que soient émises des recommandations relatives à l’encadrement des relations entre décideurs publics et privés. C’est une question majeure qui intéresse toutes les strates de gouvernance.

Le groupe Socialistes et apparentés est donc favorable à la création de cette commission d’enquête.

Mme Marie-Agnès Poussier-Winsback (HOR). Comme le groupe Démocrate, le groupe Horizons suit la position du rapporteur.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Nous suivrons évidemment l’avis du rapporteur et voterons la recevabilité de la proposition de résolution. Je saisis cette occasion de remercier à nouveau notre collègue Danielle Simonnet, comme nous l’avions fait au mois de novembre, pour son travail et pour les auditions qui ont été menées.

Face à une attaque des lobbys contre la démocratie et contre nos droits sociaux, il est de salubrité publique que l’Assemblée nationale, les représentants du peuple, examinent cette ingérence et donnent ainsi une suite démocratique au travail rigoureux des lanceurs d’alerte et du consortium de journalistes qui révèlent des activités affaiblissant la confiance de nos concitoyens envers la démocratie. Dans des moments de crise comme celle que nous traversons, il est essentiel que l’Assemblée nationale soit au cœur du travail mené pour établir la vérité. Le groupe Écologiste-NUPES votera donc la recevabilité et suivra avec intérêt les travaux de la commission d’enquête.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Comme les autres groupes qui se sont exprimés, le groupe GDR-NUPES suivra l’avis du rapporteur sur la recevabilité de la proposition de résolution. D’un point de vue tant social que démocratique, nous devons, en tant que parlementaires, suivre avec attention les travaux de la commission d’enquête. Il est en effet aberrant de voir comment, en quelques années, un système économique s’est imposé aux choix politiques et de constater l’importante mutation 2.0 entraînée par les décisions d’un petit nombre d’acteurs et d’intérêts privés.

Je souhaite bon courage à Mme Simonnet, mais je sais qu’elle sera à la hauteur de la tâche.

M. le président Sacha Houlié. Le dépôt de cette nouvelle résolution appelle de ma part trois observations.

Tout d’abord, j’avais indiqué, en termes de procédure, que la « voie royale » pour le dépôt d’une proposition de résolution tendant à la création d’une commission d’enquête était le droit de tirage des groupes parlementaires. C’est la démarche qui a été choisie pour cette proposition de résolution, ce qui montre que les observations que j’ai présentées le 16 novembre dernier n’étaient pas vaines.

En deuxième lieu, les auteurs de la proposition ont tiré tous les enseignements des motifs d’irrecevabilité que nous avions soulevés lors de notre réunion du 16 novembre dernier, liés à l’irresponsabilité du Président de la République et au champ d’application de la proposition de résolution. Je salue le travail accompli, qui est une forme de reconnaissance a posteriori du bien-fondé des remarques que nous avions formulées quant à l’irrecevabilité de la précédente proposition.

En troisième lieu, je rappelle que sera examiné dans les prochaines semaines ou les prochains mois un projet de loi sur l’immigration dont le titre Ier prévoit expressément la situation des travailleurs indépendants des plateformes. Je compte donc sur vous, chers collègues, pour inclure dans les travaux de la commission d’enquête la situation de ces travailleurs indépendants et la régularité de leurs conditions d’emploi par les différentes plateformes, notamment par Uber. Ces travaux seront utiles et pourront éclairer l’examen par la commission des lois du texte relatif à l’immigration, notamment de son titre Ier.

La Commission déclare recevable la proposition de résolution.

 

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En application de l’article 140 alinéa 2 du Règlement, la commission constate que les conditions requises pour la création, demandée par le groupe La France insoumise  Nouvelle Union Populaire économique et sociale, de la commission d’enquête relative aux révélations des Uber Files : l’ubérisation, son lobbying et ses conséquences, sont réunies.

 


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   Lettre du garde des sceaux

 

 


([1]) Le relevé de conclusion de cette réunion de la Conférence des Présidents est consultable en suivant ce lien : https://www2.assemblee-nationale.fr/16/la-conference-des-presidents/releve-de-conclusions/reunion-du-mardi-6-decembre-2022.

([2]) Aux termes du deuxième alinéa de l’article 141 du Règlement, « chaque président de groupe d’opposition ou de groupe minoritaire obtient, de droit, une fois par session ordinaire, à l’exception de celle précédant le renouvellement de l’Assemblée, la création d’une commission d’enquête satisfaisant aux conditions fixées aux articles 137 à 139 ».

([3])  Article 138 du Règlement de l’Assemblée nationale.