N° 764

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 25 janvier 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal,

PAR M. Sylvain Maillard

Député

——

 

 

AVEC

 

EN ANNEXE

LE TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro : 213


 


—  1  —

SOMMAIRE

Pages

introduction

I. Le sÉnÉgal, un État ami et partenaire de la France

A. un PÔle de stabilitÉ traversÉ nÉanmoins PAR des tensions

1. Un environnement politico-économique marqué par des difficultés

2. Un système judiciaire garant des droits et libertés

3. Un regain de conservatisme dans une part de la société civile

B. Des relations Étroites avec la France

1. Une proximité culturelle

2. Un partenariat politique et économique fort

C. Une coopÉration bilatÉrale et multilatÉrale ancienne

1. L’appartenance commune à de multiples conventions internationales

2. L’accord bilatéral de 1974

II. deux accords couvrant un Large champ de la coopÉration pÉnale

A. la convention d’entraide judiciaire en matiÈre pÉnale

B. la convention d’extradition

III. Une modernisation aujourd’hui nÉcessaire

A. des rÉseaux criminels actifs

B. Une situation sÉcuritaire requÉrant la vigilance

C. des conventions efficaces pour une meilleure rÉponse judiciaire

Examen en commission

annexe 1 :  TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 


—  1  —

    

    

   introduction

 

La commission des affaires étrangères est saisie du projet de loi n° 213, autorisant l’approbation d’une convention d’entraide judiciaire en matière pénale et d’une convention d’extradition, conclues avec le Gouvernement du Sénégal, déposé le 24 août 2022 sur le Bureau de l’Assemblée nationale.

Ces conventions tendent, dans un contexte d’internationalisation de la criminalité organisée et de risque terroriste dans la région sahélienne, à moderniser et à rendre plus efficace la coopération judiciaire en matière pénale avec un État ami et partenaire de la France, avec qui celle‑ci coopère déjà tant sur le plan multilatéral que bilatéral.

La France et le Sénégal sont en effet déjà liés par la convention de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974. Il apparaît néanmoins nécessaire d’adapter le cadre existant aux défis de la lutte contre la criminalité transfrontalière et de la menace terroriste dans la bande sahélo-saharienne.

 

 

 


—  1  —

 

I.   Le sÉnÉgal, un État ami et partenaire de la France

Le Sénégal est uni à la France non seulement par des liens anciens d’amitié ainsi qu’une importante coopération, mais aussi par une tradition juridique et administrative commune. Pays démocratique où l’État de droit est garanti, le Sénégal n’en est pas moins traversé par certaines tensions.

A.   un PÔle de stabilitÉ traversÉ nÉanmoins PAR des tensions

1.   Un environnement politico-économique marqué par des difficultés

Le Sénégal a connu sa première alternance en mars 2000, avec la victoire d’Abdoulaye Wade face à Abdou Diouf, qui était en fonction depuis 1981. Il est resté depuis un pôle de stabilité et de démocratie dans la région. Lors de la présidentielle de 2012, Macky Sall a obtenu 65,80 % des suffrages exprimés au second tour contre 34,20 % pour Abdoulaye Wade. Il est ainsi devenu le quatrième président de la République du Sénégal. Il a engagé notamment un mouvement de décentralisation qui a transformé les communautés rurales en communes et renforcé la cohérence du découpage des collectivités locales.

Aux élections présidentielles du 24 février 2019, marquées par une forte participation, le président sortant Macky Sall a été réélu dès le premier tour. Aucun dysfonctionnement majeur n’a été noté par les différentes missions d’observation sur place et le scrutin s’est déroulé dans le calme. En revanche, au début du mois de mars 2021, le Sénégal a connu une importante vague de manifestations à travers le pays, à la suite de l’arrestation d’Ousmane Sonko, figure montante de l’opposition, accusé de viols et de menaces de mort.

La Constitution sénégalaise a été révisée en décembre 2021, avec le rétablissement du poste de Premier ministre, qui avait été supprimé en mai 2019, et la réintroduction de la responsabilité du gouvernement devant l’Assemblée nationale sénégalaise.

Depuis les élections locales de janvier 2022, le soutien de l’opinion à l’opposition progresse. Les élections législatives de juillet 2022 se sont tenues dans un climat politique assez tendu. Alors qu’elle avait d’abord obtenu la majorité absolue à l’Assemblée nationale (83 sièges sur 165), à la suite du ralliement d’un député élu sur une liste minoritaire, la coalition présidentielle a finalement perdu cette majorité après le départ de l’un de ses piliers, Aminata Touré, qui briguait le poste de président de l’Assemblée nationale. La coalition d’opposition, menée par Ousmane Sonko, qui n’a pu lui–même se présenter aux législatives, dispose de 80 sièges.

Après une rentrée parlementaire mouvementée, le président Macky Sall a nommé, le 17 septembre 2022, Amadou Ba comme Premier ministre, pour son profil à la fois technique et politique (ancien ministre de l’économie, puis des affaires étrangères). Dans la foulée, un nouveau gouvernement a été formé, composé de trente-huit ministres, dont huit femmes.

Les prochaines élections présidentielles auront lieu en février 2024. La Constitution sénégalaise ne permet pas, en principe, à Macky Sall de briguer un troisième mandat mais l’intéressé laisse planer le doute quant à la possibilité pour lui de se présenter.

Dans le domaine économique, le déficit public s’est creusé avec les importantes dépenses engagées dans le cadre de la riposte à la crise sanitaire, puis les mesures de soutien aux populations face aux conséquences de la guerre en Ukraine, en particulier les subventions sur l’énergie et les produits alimentaires. De 3,9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2019, il est passé à 6,3 % du PIB en 2021 selon le Fonds monétaire international (FMI), avec une projection à 6,2 % pour 2022. L’endettement public a également sensiblement augmenté depuis 2019, passant de 63,7 % du PIB à 78 % en 2022. Le FMI a souligné en octobre dernier l’insuffisante maîtrise par le Sénégal de ses finances publiques et n’exclut pas le passage d’un risque de surendettement modéré à élevé. Dans ce contexte, le Sénégal est à la recherche d’un soutien budgétaire à court terme, dans l’attente des premières recettes de l’exploitation gazière, prévues pour la fin de l’année 2023 au plus tôt.  

2.   Un système judiciaire garant des droits et libertés

L’organisation judiciaire sénégalaise est relativement similaire au système judiciaire français. Elle répond au principe du double degré de juridiction. En ce sens, elle comprend des tribunaux de premier degré (tribunaux d’instance et dix‑huit tribunaux de grande instance) et de second degré (six cours d’appel) ainsi que des juridictions supérieures (le Conseil constitutionnel, la Cour suprême, la Cour des comptes). Il existe également des juridictions spécialisées : Tribunaux du travail, Tribunaux de commerce et Cour de Répression de l’Enrichissement Illicite (CREI), compétente sur l’ensemble du territoire pour les litiges relatifs à l’enrichissement illicite et aux délits connexes de corruption et de recel.

Les juges de l’application des peines ont été instaurés au début des années 2000. Une commission consultative d’application des peines instruit les demandes d’aménagement ou de réduction de peines qui lui sont soumises et formule un avis. La décision revient au comité d’application des peines, formation collégiale de la Cour d’appel. Deux lois de 2020 ont créé un dispositif de surveillance électronique comme nouveau mode d’aménagement de peine (opérationnel depuis novembre 2022).   

Le Conseil constitutionnel et la Cour des comptes du Sénégal ont des compétences similaires à leurs équivalents français. La Cour suprême, créée en 2008, est juge en premier et dernier ressort de l’excès de pouvoir des autorités administratives et juge de cassation pour les décisions rendues en dernier ressort par toutes les juridictions civiles.

Le Sénégal compte 510 magistrats pour une population de 17 millions d’habitants. Leur formation, initiale et continue, est assurée par le Centre de Formation Judiciaire (CFJ). En vertu de l’article 88 de la Constitution sénégalaise, le pouvoir judiciaire est indépendant du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif. Les juges ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi dans l’exercice de leurs fonctions. Le pouvoir judiciaire est en outre « gardien des droits et libertés définis par la Constitution et la loi » (article 91 de la Constitution). Il existe un Conseil supérieur de la Magistrature (CSM), compétent en matière de nominations des magistrats et de discipline, ainsi qu’une Inspection générale de l’Administration de la Justice (IGAJ).

L’administration pénitentiaire est placée sous la tutelle du ministère de la justice depuis 2001. Le Sénégal compte trente-sept établissements pénitentiaires en 2021, avec un taux d’incarcération de 68 pour 100 000 habitants en 2019.

En ce qui concerne le droit criminel lui-même, le code pénal sénégalais, qui date de 1965 (tout comme le code de procédure pénale), reprend des principes classiques du droit pénal français, tels que le principe de légalité des délits et des peines. La peine de mort a été abolie le 10 décembre 2004, la dernière exécution remontant à 1967 ([1]). De nouvelles incriminations ont été créées en 2016, comme l’atteinte à la vie privée, la mise en danger d’autrui et de nombreuses infractions terroristes, afin de s’adapter aux traités internationaux ratifiés par le pays et pour lutter plus efficacement contre le terrorisme et la cybercriminalité.

Au vu de ces éléments, on peut porter une appréciation positive sur la garantie de l’État de droit au Sénégal, mieux protégé que dans d’autres pays de la région. Des progrès pourraient toutefois être encore réalisés sur des points tels que la durée excessive des détentions provisoires, le recours insuffisant au contrôle judiciaire, des renvois d’audiences (ou de délibérés) trop fréquents et aussi en matière de lutte contre la surpopulation carcérale.

3.   Un regain de conservatisme dans une part de la société civile

Depuis 2020, on note un renforcement des mouvements religieux et traditionnels, prétendant défendre les « valeurs sénégalaises », notamment en matière d’éducation. Afin de ne pas cristalliser les tensions, le gouvernement sénégalais a préféré adopter une posture conservatrice sur les enjeux en matière de droits des femmes. Le Sénégal a signé en septembre 2020 la déclaration dite du « Consensus de Genève », qui se fixe pour objectif de recentrer l’attention sur la santé des femmes et des enfants nés et à naître. Hostile à l’avortement, ce texte avait été promu à l’été 2020 par les États-Unis de Donald Trump, en lien avec le Brésil, l’Égypte, la Hongrie, l’Ouganda et l’Indonésie. Depuis, les États-Unis s’en sont retirés à la faveur de l’arrivée de l’administration Biden. La France mène des démarches visant à encourager les autres États signataires à se retirer eux aussi de cette déclaration, conformément à sa stratégie internationale pour l’égalité entre les femmes et les hommes ([2]). Le gouvernement de Lula da Silva a d’ailleurs annoncé le 17 janvier 2023 le retrait du Brésil.

B.   Des relations Étroites avec la France

1.   Une proximité culturelle

Les relations entre le Sénégal et la France, étroites et diversifiées, sont nourries par une part d’histoire commune. La langue officielle du Sénégal est le français. La communauté française au Sénégal compte de plus de 22 000 personnes. La diaspora sénégalaise en France est évaluée à plus de 80 000 personnes (hors binationaux). Les deux tiers des étudiants sénégalais à l’étranger se trouvent en France où ils constituent le premier contingent d’étudiants étrangers francophones.

2.   Un partenariat politique et économique fort

Le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel la France tient chaque année, en principe, un séminaire intergouvernemental, alternativement à Dakar et à Paris, même si la pandémie de Covid‑19 a entraîné sa suspension en 2020 et 2021. La cinquième édition du séminaire s’est ainsi tenue à Champs‑sur-Marne le 8 décembre 2022, en présence d’une vingtaine de ministres français et sénégalais et sous la présidence des deux Premiers ministres. Le président Macky Sall s’est, en outre, rendu en France en 2020 à deux reprises (notamment dans le cadre du Forum de Paris pour la Paix), en 2021 (dans le cadre du Sommet sur le financement des économies africaines) et en 2022 (dans le cadre d’un événement organisé par l’Organisation de coopération et de développement économiques).

La France est le premier investisseur au Sénégal et son premier partenaire commercial. Les perspectives d’investissements sont favorables pour les entreprises françaises. Elles jouent un rôle significatif dans la vitalité économique du pays, assurant un quart du produit intérieur brut. Environ vingt-cinq entreprises françaises sont implantées dans le pays ; elles sont à l’origine de plus de 30 000 emplois directs.

Le portefeuille actuel de l’Agence française de développement (AFD) au Sénégal comprend près de cinquante projets, pour un engagement total de 1,4 milliard d’euros, ce qui fait de l’AFD l’un des premiers bailleurs du pays. Les principaux projets sont le projet de Train Express Régional (TER) de Dakar, inauguré fin décembre 2021, le Campus franco-sénégalais, le projet de production de vaccins Covid-19 par l’Institut Pasteur de Dakar, ou encore les Jeux Olympiques de la jeunesse prévus en 2026.

C.   Une coopÉration bilatÉrale et multilatÉrale ancienne

1.   L’appartenance commune à de multiples conventions internationales

Sur le plan multilatéral, la France et le Sénégal sont déjà parties à plusieurs conventions de coopération judiciaire en matière pénale, adoptées sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies (ONU), dont, pour ne citer que quelques exemples, la convention unique sur les stupéfiants du 30 mars 1961 ([3]), la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, du 10 décembre 1984 ([4]), la convention contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 20 décembre 1988 ([5]), la convention contre la criminalité transnationale organisée du 15 novembre 2000 ([6]) et la convention contre la corruption du 31 octobre 2003 ([7]).

2.   L’accord bilatéral de 1974

Sur le plan bilatéral, la France et le Sénégal sont liés par une convention de coopération en matière judiciaire signée à Paris le 29 mars 1974. Son titre I concerne l’entraide judiciaire, son titre II porte sur l’exécution des décisions en matière civile, sociale, commerciale et administrative et son titre III traite de l’extradition, le titre IV contenant les dispositions finales. Cette convention régit les trois aspects traditionnels de la coopération pénale, c’est‑à‑dire :

—  l’entraide judiciaire non-extraditionnelle (transmission et exécution des demandes internationales d’entraide pénale et des commissions rogatoires internationales, remises d’actes de procédure et de décisions judiciaires, comparutions dans le cadre de procès pénaux et dénonciations officielles aux fins de poursuite) ;

—  le transfèrement des personnes condamnées ;

—  et enfin l’extradition des personnes recherchées (l’article 60 prévoit que « les deux États n’extradent pas leurs nationaux respectifs »).

Les échanges, assez nombreux, sont majoritairement le résultat de demandes émanant de la France. Ils sont facilités par la présence d’un magistrat de liaison français, en poste à Dakar, compétent pour la zone regroupant Sénégal, Burkina Faso, Cap Vert, Guinée Conakry, Mali et Mauritanie.

L’entraide hors extradition est marquée par un nombre nettement plus important de demandes émanant des autorités françaises. Depuis le 1er janvier 2012, la France a adressé cent douze demandes d’entraide au Sénégal, dont quarante‑six sont toujours en cours d’exécution, ainsi que seize dénonciations officielles dont douze toujours actives à ce jour. Sur la même période, le Sénégal a, quant à lui adressé, vingt demandes d’entraide, dont deux sont toujours en cours d’exécution. Aucune dénonciation officielle n’a été répertoriée en provenance du Sénégal.

Le logiciel de suivi des demandes d’entraide du ministère français de la justice ne permet pas d’indiquer de façon précise la nature des infractions couvertes par les demandes. Il apparaît néanmoins que, que sur les dix dernières années, quatre demandes d’entraide en lien avec des procédures pénales françaises de trafic de stupéfiants ont été adressées aux autorités sénégalaises, et sept en lien avec des infractions terroristes.

Deux commissions rogatoires internationales de juges d’instruction antiterroristes et une demande d’entraide pénale internationale du parquet national anti-terroriste ont été adressées au Sénégal par la France. Les affaires concernées portent sur des ressortissants français ou sénégalais partis de France vers la Syrie ou l’Irak. L’un d’eux, un jeune Français tout juste majeur, a été interpellé à son arrivée à Dakar en 2016 et condamné au Sénégal. Il a été libéré au mois d’août 2021 de la prison sénégalaise où il purgeait sa peine.    

En ce qui concerne l’entraide de nature extraditionnelle, sur une période de dix ans, les autorités françaises ont adressé onze demandes d’extradition aux autorités sénégalaises tandis que le Sénégal n’a formé que deux demandes d’extradition auprès des autorités françaises. La première demande d’extradition sénégalaise n’a jamais abouti, faute pour les autorités sénégalaises d’avoir produit les éléments complémentaires sollicités par la partie française. La seconde a fait l’objet d’un avis favorable de la chambre de l’instruction et devrait prochainement conduire à l’adoption d’un décret d’extradition.

S’agissant des demandes d’extradition françaises, seules deux sont encore en cours. En ce qui concerne les demandes clôturées : cinq ont abouti à une remise des intéressés ; un dossier a été clôturé en raison du décès de l’intéressé ; un a été clôturé directement en raison de la nationalité sénégalaise de l’intéressé ; un a fait l’objet d’un avis défavorable en raison de la nationalité sénégalaise acquise depuis les faits par l’intéressé ; un dossier a été clôturé en raison de la fuite de l’intéressé.


II.   deux accords couvrant un Large champ de la coopÉration pÉnale

Ce sont les autorités sénégalaises qui ont pris l’initiative des négociations en 2019. Elles ont exprimé au magistrat français de liaison en poste à Dakar le souhait de voir moderniser le cadre conventionnel de la coopération pénale, notamment pour y intégrer les techniques modernes d’investigation et de communication. Une seule session s’est révélée nécessaire pour négocier à la fois la convention d’entraide judiciaire et la convention d’extradition. Cette session s’est tenue à Dakar du 26 au 28 février 2020. Les conventions ont été signées le 7 septembre 2021. Elles n’ont pas encore été ratifiées par le Sénégal mais sont en cours de dépôt devant le Parlement.

Elles sont très proches de celles déjà conclues avec le Burkina Faso, le 24 avril 2018, et avec le Niger, le 5 juin 2018 (entrées en vigueur respectivement le 1er mai et le 1er avril 2021), sur la base d’un modèle inspiré des conventions du Conseil de l’Europe ([8]). On peut relever toutefois que la transmission des demandes d’extradition est plus directe dans le cas du Sénégal, puisqu’elle s’opère d’un ministre de la justice à l’autre et non par la voie diplomatique, la convention de 2021 reprenant sur ce point les stipulations de celle de 1974.

Les dispositions de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et celles de la convention d’extradition remplacent les dispositions correspondantes de l’accord de 1974 ([9]). Les dispositions de 1974 sur les commissions rogatoires civile, sociale, commerciale et administrative, l’état civil ou l’assistance judiciaire, en particulier, restent applicables. Par ailleurs, les demandes d’entraide judiciaire et d’extradition présentées avant l’entrée en vigueur des nouvelles conventions demeurent soumises à l’accord de 1974.

A.   la convention d’entraide judiciaire en matiÈre pÉnale

La convention d’entraide judiciaire conclue avec le Sénégal consacre l’engagement des parties à s’accorder l’entraide la plus large possible en matière pénale, y compris dans les procédures tendant à engager la responsabilité d’une personne morale (article 1er).

L’entraide peut être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques ([10]) ou si la partie requise estime que son exécution porterait atteinte à l’ordre public, à sa souveraineté ou à sa sécurité (article 2). Les infractions fiscales entrent, en revanche, dans le champ de la convention, même si la partie requise n’impose pas le même type de taxes que la partie requérante.

Les demandes d’entraide, ainsi que les réponses qui y sont apportées, sont échangées d’un ministère de la justice à l’autre (article 3). En cas d’urgence, les autorités judiciaires ont la faculté de s’adresser directement copie des demandes.

L’article 5 définit le contenu de la demande d’entraide (autorité en charge de la procédure, exposé sommaire des faits, dispositions légales applicables aux faits en cause, identité et nationalité de la personne faisant l’objet de la procédure, etc.).

En application de l’article 6, les demandes d’entraide sont exécutées conformément à la législation de la partie requise, laquelle « exécute la demande d’entraide dès que possible en tenant compte au mieux des échéances de procédure ou d’autre nature indiquées par la partie requérante ». Si la partie requise y consent, les autorités de la partie requérante peuvent assister à l’exécution de la demande et interroger un témoin ou un expert ou les faire interroger.

Si la partie requise juge opportun d’entreprendre des investigations non prévues initialement, elle en informe sans délai la partie requérante pour lui permettre de prendre de nouvelles mesures en ce sens (article 7).

Si la partie requérante estime que la comparution personnelle d’un témoin ou d’un expert devant ses autorités judiciaires est particulièrement nécessaire, elle en fait mention dans la demande (article 8). La partie requise invite la personne concernée à comparaître et fait connaître la réponse de l’intéressé. Le témoin ou l’expert qui n’aura pas déféré à une citation à comparaître ne pourra être soumis à aucune sanction ou mesure de contrainte, à moins qu’il ne se rende par la suite de son plein gré sur le territoire de la partie requérante et qu’il n’y soit régulièrement cité à nouveau.

Un témoin ou un expert comparaissant, à la suite d’une citation, devant les autorités judiciaires de la partie requérante ne peut être poursuivi, détenu ou soumis à une restriction de sa liberté individuelle sur le territoire de cette partie pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise (article 9). De même, une personne poursuivie pour certains faits précis ne peut être soumise par la partie requérante à une restriction de sa liberté individuelle pour des faits ou condamnations antérieurs à son départ du territoire de la partie requise et non visés par la citation. Ces immunités cessent lorsque la personne concernée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie requérante pendant quinze jours consécutifs après que sa présence n’était plus exigée, est demeurée sur ce territoire ou y est retournée après l’avoir quitté.

Les témoins et experts peuvent être entendus par visioconférence, moyennant un certain nombre de règles protectrices – présence éventuelle d’un interprète, établissement d’un procès-verbal, etc. – (article 10).

Toute personne détenue dans la partie requise dont la comparution personnelle en qualité de témoin ou aux fins de confrontation est demandée par la partie requérante se trouve transférée temporairement sur le territoire de celle-ci, sous condition de son consentement écrit et de son renvoi dans le délai indiqué par la partie requise (articles 11 à 13).

L’envoi et la remise d’actes de procédure et les demandes d’informations en matière bancaire sont prévus et encadrés respectivement par les articles 14 et 15.

La partie requise exécute, dans la mesure où sa législation le lui permet, les demandes de perquisitions et de saisies, ainsi que les décisions judiciaires définitives de confiscation, qui lui sont adressées par la partie requérante ; elle informe celle‑ci du résultat de leur exécution (article 16). Si les biens dont la saisie ou la confiscation est demandée se trouvent dans la juridiction de la partie requise, celle-ci prend les mesures nécessaires pour empêcher qu’ils ne fassent l’objet de transactions avant qu’une juridiction de la partie requérante n’ait pris une décision définitive à leur égard (article 17).

La convention prévoit par ailleurs la possibilité de recourir à des techniques spéciales d’enquête, telles que les opérations d’infiltration (article 19), les interceptions de télécommunications (article 22) et les « livraisons surveillées » (article 18). Ces dernières consistent à laisser passer certains convois, en particulier de stupéfiants, afin de permettre l’identification et l’arrestation des commanditaires ou des destinataires du trafic, et non l’appréhension des seuls convoyeurs.

Une partie peut dénoncer à l’autre partie des faits susceptibles de constituer une infraction pénale relevant de la compétence de celle‑ci, afin que des poursuites puissent être diligentées sur son territoire ; la partie requise fait connaître la suite donnée à cette dénonciation (article 23). Les parties peuvent, sans qu’une demande ait été présentée en ce sens, se transmettre ou échanger des informations concernant des faits susceptibles de sanctions pénales (article 24).

Aux termes de l’article 25, la partie requise doit communiquer, dans la mesure où ses autorités compétentes pourraient elles-mêmes les obtenir, les extraits de casier qui lui sont demandés par les autorités compétentes de la partie requérante pour les besoins d’une affaire pénale. Chaque partie communique à l’autre les avis des condamnations pénales définitives inscrites au casier judiciaire (article 26).

La convention encadre l’usage des informations et éléments de preuve communiqués ou obtenus (article 27).

L’article 28 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises. Il prévoit en particulier que ces données ne peuvent être exploitées que pour la procédure concernée (ou les procédures judiciaires et administratives qui lui sont directement liées) ou pour prévenir un danger immédiat et sérieux pour la sécurité publique. La mention de ces garanties est nécessaire du fait que le Sénégal n’a pas fait l’objet d’une « décision d’adéquation » de la part de la Commission européenne, qui aurait permis de reconnaître que ce pays assure un niveau adéquat de protection des données personnelles.

Enfin les articles 30 à 35 précisent les conditions d’articulation de la convention avec la convention de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974. Ils reprennent les stipulations traditionnelles en matière de frais, de consultations, de règlement des différends, d’application dans le temps, de modifications, d’entrée en vigueur et de dénonciation.

B.    la convention d’extradition

L’extradition est une procédure juridique par laquelle un État livre l’auteur d’une infraction à un autre État pour qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine.

La convention d’extradition conclue avec le Sénégal consacre l’engagement des parties à se livrer réciproquement les personnes recherchées, soit pour l’exercice de poursuites pénales, soit pour l’exécution d’une peine privative de liberté (article 1er). Peuvent donner lieu à extradition les faits punis, en vertu des lois des deux parties, d’une peine privative de liberté d’au moins deux ans (article 2). Dans le cas d’une extradition sollicitée aux fins d’exécution d’une peine, la durée de la peine restant à subir doit être d’au minimum six mois.

L’article 3 précise les motifs obligatoires de refus d’extradition. Tel est le cas lorsque les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique. L’extradition est également refusée si la partie requise a des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques ou que la situation de cette personne risque d’être aggravée pour l’une de ces raisons. L’extradition est également refusée si l’infraction est punie de la peine capitale dans le droit de la partie requérante, sauf si cette dernière « donne des assurances jugées suffisantes par la partie requise que cette peine ne sera pas requise et que si elle est prononcée elle ne sera pas exécutée » (article 5). Cette dernière rédaction, désormais classique, est conforme aux exigences posées par le Conseil d’État ; la France sollicite systématiquement son inscription dans les conventions d’extradition, même celles négociées avec des pays ayant aboli la peine de mort ou ne l’appliquant plus.

Conformément à un principe traditionnel du droit international, les nationaux ne peuvent être extradés (article 6).

L’article 4 énumère certains motifs facultatifs de refus d’extradition. Celle-ci peut ainsi être refusée, par exemple, lorsque les autorités judiciaires de la partie requise ont compétence pour connaître de l’infraction à l’origine de la demande d’extradition.

Les articles 7 à 10 définissent la procédure à suivre et, en particulier, le contenu de la demande écrite d’extradition (exposé des faits, dispositions légales applicables, signalement de la personne réclamée, compléments d’information, authentification des documents, etc.), laquelle est transmise par le ministre de la justice de la partie requérante à son homologue. En cas d’urgence, la partie requérante peut demander l’arrestation provisoire de la personne recherchée (article 16).

La partie requise doit faire connaître « dans les meilleurs délais » sa décision sur l’extradition et motiver tout rejet, même partiel (article 11). La partie requise peut, après avoir accepté l’extradition, ajourner la remise de la personne réclamée lorsqu’il existe sur son territoire des procédures en cours à son encontre ou lorsqu’elle purge une peine pour une autre infraction (article 12).

Les biens issus de l’infraction ou pouvant servir de pièces à conviction, sont remis à la partie requérante, dans des conditions précisées à l’article 3.

L’article 19 règle les hypothèses de concours de demandes, la partie requise devant tenir compte, pour trancher dans un tel cas, de toutes les circonstances, et notamment de la gravité et du lieu de commission des faits, des dates respectives des demandes, de la nationalité de la personne réclamée et de la possibilité d’une extradition ultérieure vers un autre État.

Les conventions consacrent le principe, issu de la coutume, dit « de spécialité » (articles 14 et 15). Ce principe interdit toute poursuite pour un fait autre que celui ayant motivé l’extradition. Des exceptions sont néanmoins prévues lorsque la partie requise y consent ou lorsque la personne réclamée, ayant eu la possibilité de quitter le territoire de la partie à laquelle elle a été livrée, ne l’a pas quitté dans un délai de trente jours suivant sa libération définitive ou y est retournée après l’avoir quitté.

Si la partie requise en exprime le souhait, la partie requérante doit l’informer « de l’issue des poursuites pénales engagées contre la personne extradée, de l’exécution de sa peine ou de sa réextradition vers un État tiers » (article 17).

L’article 20 fixe les conditions dans lesquelles les données à caractère personnel peuvent être utilisées par la partie à laquelle elles ont été transmises.

Les articles 23 à 26 précisent les conditions d’articulation de la convention avec la convention de coopération en matière judiciaire du 29 mars 1974 et reprennent les stipulations traditionnelles en matière de règlement des différends, d’application dans le temps, de modifications, d’entrée en vigueur et de dénonciation de la convention.


III.   Une modernisation aujourd’hui nÉcessaire

L’approbation des conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition conclues avec le Sénégal apparaît aujourd’hui utile tant pour lutter contre les réseaux internationaux de criminalité que pour répondre au défi grandissant du terrorisme dans la région.

A.   des rÉseaux criminels actifs

La criminalité de droit commun (violences, notamment intra‑familiales, atteintes sexuelles, notamment sur mineurs, vols, escroqueries, etc.) est relativement faible au Sénégal. En revanche, la criminalité organisée y est présente, comme dans toute la sous-région. D’importantes quantités de cocaïne en provenance d’Amérique latine et à destination de l’Europe transitent dans l’espace maritime qui borde les côtes sénégalaises et celles des pays voisins. Des saisies, s’élevant jusqu’à plusieurs tonnes, ont été opérées ces dernières années soit en mer, soit au port de Dakar. L’activité des organisations criminelles en cause revêt un caractère transnational et plusieurs affaires ont montré notamment l’implication de ressortissants français.

L’immigration clandestine est également importante au Sénégal, par voie maritime surtout. Elle impacte beaucoup le milieu des pêcheurs en mer. Il n’est pas apparu, à ce jour, que des ressortissants français aient joué un rôle dans l’organisation des filières concernées. Des incidences judiciaires en France ne sont pour autant pas à exclure, des enquêtes pouvant porter sur des filières partant du Sénégal pour arriver dans notre pays.

La cybercriminalité, enfin, est en plein développement, avec par exemple la multiplication des escroqueries en ligne.

Les évolutions de la criminalité rendent aujourd’hui nécessaire le renforcement de la coopération pénale avec cet État. L’internationalisation et la complexification croissantes des réseaux de trafic d’êtres humains, de stupéfiants (par voie maritime ou terrestre), d’armes, ainsi que de blanchiment d’argent, etc., requièrent d’améliorer les canaux de coopération, y compris en matière de remise des personnes.

B.   Une situation sÉcuritaire requÉrant la vigilance

Le Sénégal demeure heureusement épargné par les attentats ou violences de groupes armés terroristes qui gangrènent beaucoup de pays voisins, du Sahel central aux États côtiers du Golfe de Guinée. Néanmoins, l’existence d’une frontière commune avec le Mali est une source de fragilité et de risques. Le Mali est en effet en proie à une activité croissante, depuis dix ans, de groupes djihadistes affiliés à Al‑Qaïda ou à Daesh. Les zones frontalières de la région malienne de Kayes, où la présence du JNIM ([11]) (franchise d’Al‑Qaida) se renforce, sont exposées à de multiples facteurs de vulnérabilité : faible présence de l’État et des services publics, pauvreté, trafics, orpaillage clandestin, réseau routier médiocre qui complique les opérations de contrôle de ces espaces, etc. Le manque de qualifications et d’emplois, ainsi que les faibles perspectives qui s’offrent à la jeunesse, fragilisent également le Sénégal. La puissance des confréries religieuses, dont les plus influentes sont les Mourides, les Tidjianes et les Layènes, contribue certes à freiner la propagation d’un islam radical tel qu’on peut l’observer au Mali ou au Burkina Faso ; pour autant, il n’est pas exclu qu’un attentat, comme celui du Grand Bassam en Côte d’Ivoire, soit un jour organisé par l’un des groupes terroristes actifs au Sahel, qui serait désireux de démontrer sa capacité à agir ([12]).

Dans ce contexte, les autorités sénégalaises tentent d’effectuer une bascule de leur effort sécuritaire vers la frontière malienne et d’accélérer le développement économique de l’Est du pays. Une stratégie de lutte contre le terrorisme est en cours d’élaboration sous l’égide du Cadre Interministériel de Coordination des Opérations de Lutte Anti-Terroriste (CICOLAT).

Un pôle judiciaire spécialisé en matière de terrorisme existe à Dakar. Il est composé de magistrats du parquet, de juges d’instruction et de formations de jugement spéciales. Les derniers procès en la matière (concernant sept affaires) remontent aux mois de mars et avril 2021. Les qualifications retenues ont été principalement l’association de malfaiteurs en lien avec une entreprise terroriste, ainsi que des délits connexes. De nombreuses relaxes et des acquittements, partiels ou totaux, ont toutefois été prononcés, en raison de la faiblesse des investigations qui n’avaient pas permis d’obtenir suffisamment de preuves significatives.

La législation anti-terroriste du Sénégal a été renforcée au cours des deux dernières décennies. L’évolution la plus récente résulte de la loi du 21 juillet 2021, codifiée aux articles 279-1 à 279-9 du code pénal (articles renvoyant pour partie à d’autres dispositions du code pour la définition des éléments constitutifs de certaines infractions). Pour toutes les infractions où la loi ancienne prévoyait la peine de travaux forcés à perpétuité, la nouvelle loi prévoit la réclusion criminelle à perpétuité. Le nombre d’actes susceptibles de tomber sous la qualification d’actes de terrorisme punis de la réclusion criminelle à perpétuité a été élargi, l’article 279-6 du code pénal visant désormais notamment :

—  le fait de se rendre à l’étranger dans le dessein de participer à des actes terroristes, à leur organisation ou leur préparation, ou de recevoir ou dispenser un entraînement ;

—  le fait de collecter des fonds pour financer le voyage de personnes désirant se rendre à l’étranger dans le même dessein ;

—  le fait d’organiser des voyages de personnes qui poursuivent le même dessein ;

—  le fait de mettre à disposition d’organisations ou personnes se livrant au terrorisme des fonds, avoirs, services financiers ou d’une autre nature.

Par ailleurs, a été créé à l’article 279-8 du code pénal sénégalais un nouveau délit de « non justification de ressources par personne en relation habituelle avec une ou plusieurs personnes se livrant au terrorisme ».

Le caractère par essence transnational du phénomène terroriste contemporain, pouvant impliquer en l’occurrence des ressortissants français rejoignant des groupes armés ayant transité par le Sénégal ou des Sénégalais partis du territoire français (ou encore susceptible de toucher des intérêts français au Sénégal), justifie de moderniser le cadre de coopération entre la France et le Sénégal.

C.   des conventions efficaces pour une meilleure rÉponse judiciaire

Face au caractère transnational des réseaux criminels et terroristes, impliquant dans certains cas des Français, la réponse judiciaire ne saurait se cantonner ni aux frontières du Sénégal, ni à celles de la France. L’accord bilatéral, conclu il y a près d’un demi-siècle, n’apparaît plus adapté aujourd’hui aux défis posés tant par la criminalité transfrontière que par le terrorisme, ces deux phénomènes ayant au demeurant tendance à s’entremêler.

La nouvelle convention d’entraide judiciaire permettra de recourir aux techniques spéciales d’enquête qui n’étaient pas mentionnées dans l’accord de 1974. Ces techniques constituent des outils désormais indispensables aussi bien à la lutte antiterroriste qu’à la répression de la criminalité organisée. Elles incluent les saisies et confiscations d’avoirs criminels, les interceptions de télécommunications, les livraisons surveillées et les opérations d’infiltration. Elle offre aussi des possibilités nouvelles en matière d’investigations bancaires qui permettront de renforcer la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme. Elle prévoit par ailleurs le recours aux techniques modernes de communication et aux auditions par vidéoconférence.

Les deux nouvelles conventions organisent de manière claire les modalités et délais de communication et de transmission des demandes d’entraide et d’extradition, notamment dans les cas les plus urgents. Elles permettront de fluidifier et de rendre plus rapides les échanges. Aujourd’hui, en effet, la lenteur dans l’exécution de certaines demandes augmente les risques d’erreur et d’approximation, quand elle n’a pas pour effet de conduire à clôturer le dossier avant d’obtenir un retour.

Les deux textes conclus encourageront les magistrats, notamment sénégalais, à recourir davantage qu’ils ne le font à l’entraide pénale internationale. Ils ont en effet tendance aujourd’hui à sous-utiliser ces instruments d’entraide lors de l’instruction de dossiers de criminalité organisée ou de terrorisme dont la dimension transnationale est pourtant indéniable. La France peut jouer un rôle de sensibilisation à cet égard. Elle a d’ailleurs commencé à le faire par l’intermédiaire de ses magistrats de liaison. Le travail de ceux‑ci est complété depuis un an par un projet, mis en œuvre par Expertise France, consistant à développer au Sénégal un Bureau de l’entraide pénale internationale (BEPI), sur le modèle du Bureau français.

Compte tenu des enjeux majeurs en termes de lutte contre la criminalité et le terrorisme, et aussi des bénéfices concrets apportés par les conventions concernées en matière de coopération judiciaire, leur approbation – à travers l’adoption du présent projet de loi d’autorisation – apparaît aujourd’hui particulièrement opportune.

 


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   Examen en commission

Le mercredi 25 janvier 2023, à 11 heures, la commission examine le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal (n° 213).

 

Monsieur le président Jean-Louis Bourlanges. Je laisse à notre rapporteur le soin de nous présenter son analyse sur le projet de loi autorisant l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, et de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, dont notre commission est saisie.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Il m’appartient de vous présenter les conventions d’extradition et d’entraide judiciaire en matière pénale conclues avec le Sénégal et dont il vous est demandé d’autoriser l’approbation. Ces conventions, négociées à la demande du Sénégal, ont été signées à Paris en 2021.

La France est actuellement liée au Sénégal par un accord de coopération judiciaire signé en 1974. Toutefois, depuis cette époque, des évolutions notables sont intervenues. La criminalité organisée s’est internationalisée et complexifiée, avec des réseaux de trafics d’êtres humains, de stupéfiants, d’armes, de cybercriminalité, qui exercent leurs activités dans la bande sahélo-saharienne et ont des ramifications en Europe. La visite du ministre de l’intérieur Gérald Darmanin à Dakar en décembre 2022 a été l’occasion, pour les autorités de nos deux pays, de faire le point sur les réseaux d’immigration ainsi que sur le trafic international de crack, dont nous connaissons les répercussions dans certains quartiers de Paris.

Les pays de la région font face, depuis plusieurs années et dans des proportions inédites, à une menace terroriste qui continue malheureusement à faire de nombreuses victimes. Le Sénégal a été pour l’instant épargné par les attentats, et l’islamisme radical ne semble pas s’y être implanté sérieusement. On le doit peut-être à la forte présence des confréries religieuses, d’inspiration soufie, qui promeuvent certes un islam aux principes plutôt conservateurs, mais tolérant et sans lien avec la violence de type djihadiste. Tel n’est pas le cas, en revanche, de pays voisins comme le Mali, le Burkina Faso ou le Niger. Comme l’a rappelé le 19 janvier le général Babacar Gaye, ancien chef d’état-major général des armées du Sénégal ayant exercé des responsabilités militaires dans le cadre de l’Organisation des Nations Unies (ONU) : « Il y a bien une crise sécuritaire dans le Sahel qui ébranle tous les ordres établis, tous les équilibres ». Dans ce contexte, la porosité de la frontière sénégalo‑malienne, de près de 500 kilomètres, est de nature à fragiliser l’Est du Sénégal, région déjà pauvre et relativement délaissée.

La criminalité organisée et le terrorisme ont tendance à s’entremêler. Les autorités françaises peuvent avoir à connaître de ce type d’affaires, soit que des ressortissants français figurent parmi les victimes, soit qu’au contraire ils soient mis en cause, soit encore que les dossiers concernés soient susceptibles d’avoir des répercussions pour la sécurité de notre pays. En sens inverse, les autorités sénégalaises peuvent avoir besoin de la coopération des juridictions françaises dans certains dossiers d’envergure.

L’accord bilatéral de 1974 n’apparaît plus adapté, dans bien des domaines, aux nouveaux défis posés par la criminalité organisée et par le terrorisme. L’exécution des demandes françaises d’entraide et d’extradition se révèle ainsi particulièrement lente. Les présentes conventions visent donc à rénover un cadre juridique devenu obsolète, en vue notamment de favoriser une exécution plus rapide et plus efficace des demandes. Elles visent aussi à prendre en compte les bouleversements techniques et technologiques intervenus depuis 1974, en particulier la généralisation du numérique et de la dématérialisation.

Ces conventions organisent de manière claire les modalités de communication et de transmission des demandes d’entraide et d’extradition, notamment dans les cas les plus urgents. Elles posent expressément une obligation de célérité. Je rappelle à toutes fins utiles – et pour éviter toute ambiguïté – que l’extradition n’a rien à voir avec l’expulsion, ni avec le droit des étrangers. Elle est une procédure à caractère judiciaire visant à remettre l’auteur d’un délit ou d’un crime à un autre État pour qu’il puisse y être jugé ou y exécuter sa peine. Elle a pour objet d’empêcher que l’auteur d’une infraction d’une certaine gravité aille chercher refuge dans un autre État pour ne pas avoir à répondre de ses actes.

La convention d’entraide judiciaire, en particulier, permet de recourir aux techniques modernes d’enquête telles que les auditions par vidéoconférence, les demandes d’informations en matière bancaire, les saisies et confiscations d’avoirs criminels, les interceptions de télécommunications, les livraisons surveillées et les opérations d’infiltration, autant de domaines qui n’étaient pas couverts par l’accord de 1974 et qui constituent aujourd’hui des outils essentiels dans la lutte contre la criminalité et le terrorisme.

Ces conventions prévoient – et c’est essentiel – les garanties indispensables qui doivent entourer ce type de procédures. L’entraide peut ainsi être refusée si la demande se rapporte à des infractions politiques. Les témoins, experts ou personnes poursuivies, qui sont appelés à comparaître devant les autorités judiciaires du pays demandeur, bénéficient d’immunités précisément définies.

De même, l’extradition ne saurait être accordée lorsque les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique, ou s’il existe des raisons sérieuses de croire que l’extradition a été demandée en vue de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de genre, de religion, de nationalité ou d’opinions politiques. Par ailleurs, en vertu du principe dit de spécialité, une personne ne pourra être poursuivie pour un fait autre que celui ayant motivé son extradition.

Une clause excluant l’extradition lorsque l’infraction concernée fait encourir la peine de mort figure aussi dans la convention, bien que le Sénégal ait aboli la peine capitale en 2004 et que la dernière exécution y remonte à 1967, dix ans avant la France.

Les deux conventions comportent également des garanties pour la protection des données personnelles.

Ces textes ont fait l’objet d’une élaboration attentive, largement inspirée des mécanismes de coopération de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Ils sont très proches des conventions signées avec le Burkina Faso et le Niger en 2018, dont l’Assemblée nationale avait autorisé l’approbation et qui sont déjà entrées en vigueur.

Il me paraît important que cette modernisation du cadre juridique s’accompagne d’une disponibilité de notre pays à aider le Sénégal à s’approprier les nouveaux outils. La France a commencé à le faire par l’intermédiaire de son magistrat de liaison en poste à Dakar. Par ailleurs, un projet, mis en œuvre par Expertise France depuis un an, tend à développer au Sénégal un bureau de l’entraide pénale internationale (BEPI), sur le modèle du bureau français. La France a aussi contribué à la création de l’École nationale de cybersécurité à vocation régionale de Dakar. Elle déploie en outre des programmes de formation des magistrats étrangers, notamment africains.

La coopération judiciaire entre la France et le Sénégal peut s’appuyer sur une culture juridique et administrative en grande partie commune. Nos organisations judiciaires sont en effet largement similaires, elles comportent un double degré de juridiction, une cour suprême connaissant des recours en cassation, un conseil constitutionnel, une cour des comptes et un conseil supérieur de la magistrature, pour ne citer que ces exemples. Les principes classiques du droit pénal français, tels que la légalité des délits et des peines, ont également été repris dans le code pénal sénégalais de 1965, complété depuis par de nouvelles incriminations.

Cette coopération, au-delà même du cadre juridique qui nous rapproche, peut s’appuyer sur des liens d’amitié particulièrement anciens et solides. Rappelons que la langue officielle du Sénégal est le français, ou encore que les deux tiers des étudiants sénégalais à l’étranger se trouvent en France, où ils constituent le premier contingent d’étudiants étrangers francophones. Autre fait significatif, le Sénégal est le seul pays d’Afrique subsaharienne avec lequel la France organise un séminaire intergouvernemental, alternativement à Dakar et à Paris, dont la cinquième édition s’est tenue le 8 décembre 2022. Les visites bilatérales des autorités sont nombreuses et peuvent être, si nécessaire, l’occasion de se dire les choses lorsque nos vues ne concordent pas, comme en 2020, lorsque le Sénégal a signé la déclaration de consensus de Genève. La France sera également attentive, dans le respect bien entendu de la souveraineté du Sénégal, aux conditions de déroulement de l’élection présidentielle de 2024.

En résumé, compte tenu des enjeux de la lutte contre la criminalité organisée et le terrorisme et des liens forts qui nous unissent au Sénégal, l’approbation de ces conventions me paraît particulièrement opportune et bienvenue. C’est pourquoi je vous invite à adopter le projet de loi qui l’autorise.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alain David (SOC). Le Sénégal entretient depuis l’accord de coopération judiciaire de 1974 des relations de coopération significatives avec la France. Les traités internationaux conclus dans le cadre de l’ONU que le Sénégal a ratifiés et qui l’engagent dans le cadre de la coopération judiciaire avec notre pays sont nombreux : la convention unique sur les stupéfiants, la convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, la convention contre le trafic illicite de stupéfiants ou de substances psychotropes, la convention contre la criminalité transnationale organisée, adoptée par la résolution 55/25 de l’Assemblée générale des Nations Unies, et la convention contre la corruption.

La France est le principal demandeur en matière de coopération judiciaire ; ainsi, depuis 2011, notre pays a formulé 108 demandes d’entraide judiciaire, dont 40 sont toujours en cours d’exécution, et 14 dénonciations officielles Les délais restent parfois longs et l’on peut former le souhait que ces textes accélèrent les procédures et facilitent les démarches.

En tout état de cause, le groupe Socialistes et apparentés votera le projet de loi autorisant l’approbation de ces conventions, qui ne sont pas seulement techniques et qui constituent un indéniable progrès.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Nous sommes sur la même longueur d’onde et je reste à votre disposition dans l’éventualité où votre groupe aurait des questions plus précises.

Mme Stéphanie Kochert (HOR). La France, engagée depuis dix ans au Sahel, se doit de disposer d’outils juridiques appropriés avec ses partenaires de la région pour lutter efficacement contre le terrorisme. La demande de modernisation du cadre fixé par la convention de 1974, qui émanait du Sénégal, représente une opportunité d’adapter notre coopération en matière pénale aux nouveaux enjeux. Ces deux conventions incluent en effet des stipulations spécifiques visant à favoriser les auditions par visioconférence et à octroyer des moyens d’action plus importants dans le cadre des missions d’infiltration des réseaux criminels.

La convention d’entraide judiciaire en matière pénale et celle d’extradition sont parfaitement cohérentes avec nos engagements internationaux. Elles sont relativement similaires aux conventions existantes au sein de l’Espace économique européen (EEE) et entre les pays du Conseil de l’Europe. Elles préservent de même notre souveraineté en offrant suffisamment de garanties pour refuser une entraide ou une extradition pour des raisons d’ordre politique ou touchant à la sécurité nationale. Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de ce projet de loi.

Vous revenez brièvement dans votre rapport sur le regain de conservatisme dans la société civile sénégalaise ; vous faites notamment référence à la signature par le Sénégal de la déclaration de consensus de Genève, texte ouvertement hostile à l’avortement. Cette recrudescence du conservatisme pourrait-elle avoir un impact sur les conventions que nous examinons aujourd’hui et sur leur application future ?

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Nous devons porter un regard extrêmement attentif à ces prises de position. La situation politique est actuellement complexe au Sénégal mais il y aura une étanchéité entre l’application de ces conventions et d’éventuelles évolutions de l’action gouvernementale. L’idée est de normaliser les relations et de protéger le cadre régissant l’entraide judiciaire et les extraditions contre des modifications politiques, par le gouvernement actuel ou les suivants, de la doctrine suivie. La déclaration de consensus de Genève, que j’ai citée dans ma présentation du projet de loi, constitue à nos yeux une dérive, mais elle ne doit pas entacher les bonnes relations que nous avons traditionnellement avec le Sénégal.

M. Aurélien Taché (ÉCOLO-NUPES). Il faut rappeler tout d’abord la relation spécifique qui unit le Sénégal à la France ; elle est complexe car le Sénégal était notre plus ancienne colonie africaine. Plus de soixante ans après l’indépendance de ce pays, nous assistons à la montée d’un sentiment antifrançais dans toute une frange de la population. Il convient donc de traiter ce dossier avec la hauteur de vue nécessaire, en considérant notre histoire commune et en faisant preuve d’humilité et de respect.

Les termes de la première convention relative à l’entraide judiciaire ne semblent pas poser de problème particulier. Elle permettra de lutter plus efficacement contre le trafic de drogue et le terrorisme. Il existe en effet de nombreux accords identiques, comme vous l’avez rappelé, Monsieur le rapporteur. Si la convention peut permettre de faciliter des enquêtes judiciaires, nous ne pouvons que nous en réjouir.

Il convient en revanche de regarder de plus près le second texte. Qu’il s’agisse de l’exécution d’une peine ou de poursuites pénales, la convention stipule que si les infractions reprochées sont de nature militaire ou politique, le refus de l’extradition est obligatoire. Quel est cependant le périmètre exact d’une infraction politique dans un pays où le pouvoir exerce un contrôle de plus en plus autoritaire sur ses citoyens ? Le président de la République Macky Sall semble peu enclin à laisser son siège à l’occasion de l’élection présidentielle de 2024, alors que la Constitution sénégalaise limite le nombre de mandats consécutifs à deux. La stabilité de ce pays, souvent présenté à l’extérieur comme un modèle de démocratie dans la région, est ainsi mise à l’épreuve. Alors qu’une opposition se forme, les responsables de celle‑ci ont presque tous eu affaire à la justice au cours des dernières années. Le gouvernement n’a pas hésité à utiliser des blindés contre la foule et le ministre de l’intérieur a traité les manifestants de terroristes avant de suspendre deux chaînes de télévision qui avaient diffusé des images des manifestations et de couper internet à plusieurs reprises. Enfin, la dizaine de morts et les centaines d’arrestations témoignent de la violence de la répression. Certains leaders politiques ont d’ailleurs été arrêtés durant la manifestation du 17 juin 2022 à Dakar : c’est le cas de Diarra Fam et de Déthié Fall, députés, et d’Ahmed Aïdara, maire. Ce dernier attend le verdict de son procès pour participation à un attroupement non armé : il a été requis à son encontre une peine d’un mois de prison avec sursis et une amende de 50 000 francs CFA.

Ces dérives m’inquiètent profondément pour la suite. La voix de la France n’est pas neutre car notre pays est le premier partenaire commercial du Sénégal et l’Agence française de développement (AFD) est l’un des premiers bailleurs du pays, son engagement total s’élevant à 1,4 milliard d’euros. Notre rôle n’est certes pas de nous mêler des affaires de politique intérieure du pays mais la France doit rester garante des principes démocratiques qui construisent notre image à l’international. En ce sens, sommes-nous absolument certains, malgré les garde-fous du texte, que la convention d’extradition ne pourra pas être utilisée d’une manière ou d’une autre par le gouvernement actuel comme un élément d’une stratégie de conservation du pouvoir ?

Alors que notre image en Afrique de l’Ouest est au plus mal, il faut éviter à tout prix de l’abîmer davantage en laissant prospérer l’idée que nous pourrions entraver d’une quelconque manière l’autodétermination des peuples. Pour toutes ces raisons, le groupe Écologiste-NUPES s’abstiendra lors du vote sur le projet de loi.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Dans le cadre d’une entraide judiciaire, c’est le juge français qui décidera de l’application de la convention. Du côté français, les garanties sont apportées par l’impartialité de notre justice. Je m’associe en revanche complètement au regard que vous portez sur la situation politique au Sénégal.

Mme Amélia Lakrafi (RE). Monsieur le rapporteur, je vous remercie pour votre intervention qui nous permet de resituer les enjeux de ces deux conventions. Vous l’avez rappelé, le Sénégal est un partenaire essentiel de la France en Afrique de l’Ouest : la relation est dense dans le domaine des échanges culturels et éducatifs mais également du point de vue humain, grâce à la nombreuse communauté française sur place et à la diaspora sénégalaise implantée en France de longue date. Notre pays est le premier partenaire commercial et investisseur étranger au Sénégal. Sur le plan politique, vous l’avez également rappelé, un séminaire intergouvernemental et un cadre légal et conventionnel portant sur différentes matières structurent nos relations.

Il en est ainsi de la convention de coopération en matière judiciaire, qui date de 1974. L’environnement dans lequel se trouve le Sénégal, proche de la zone d’instabilité de la bande sahélo-saharienne mais aussi de flux importants du trafic de stupéfiants, nécessite l’élaboration de nouveaux outils nous permettant d’affronter les nouvelles menaces en matière de terrorisme, de trafic de drogue et de cybercriminalité. Par ailleurs, les moyens techniques ont également évolué et ont modifié les pratiques en matière de coopération judiciaire.

Ces deux conventions d’entraide judiciaire et d’extradition fournissent de nouveaux outils pour nous adapter au contexte et aux pratiques actuels. Je salue par ailleurs l’appui que la France apporte à la création d’un bureau de l’entraide pénale à Dakar par le biais d’Expertise France.

Le rapport évoque la criminalité reposant sur les arnaques en ligne, parfois l’œuvre de ressortissants sénégalais, qui est médiatisée notamment à la télévision française, où elle a fait l’objet de plusieurs reportages ces dernières années. Des dispositifs spécifiques de lutte contre cette cybercriminalité sont-ils déployés au Sénégal et font-ils l’objet d’une coopération policière dédiée ?

Le groupe Renaissance votera bien entendu en faveur de ce projet de loi.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. La cybercriminalité ne faisait évidemment pas partie du champ de la convention de 1974. Elle s’est largement développée, sous des formes multiples, et cet accord nous permettra de poursuivre plus facilement ceux qui s’y adonnent, qu’ils soient français ou sénégalais. Il est essentiel de disposer d’outils adéquats pour ne pas laisser la cybercriminalité s’organiser et pour empêcher un Sénégalais opérant en France, par exemple, de passer entre les mailles du filet judiciaire.

M. Kévin Pfeffer (RN). Ce texte technique sur l’entraide judiciaire en matière pénale entre la France et le Sénégal va dans le bon sens, celui d’une lutte commune contre la criminalité et du développement des relations franco-africaines. Il serait d’ailleurs souhaitable que le Gouvernement négocie des conventions d’entraide et d’extradition similaires avec tous les pays africains pour la bonne exécution des obligations de quitter le territoire français (OQTF), lesquelles surgissent tant de fois dans l’actualité souvent malheureuse de notre pays.

Ces conventions ne sont qu’une étape dans la construction et le développement de nos relations. Le Gouvernement actuel et ceux qui l’ont précédé ont délaissé les amitiés franco-africaines, et nous en payons actuellement le prix, comme le montrent nos déboires maliens et l’actualité au Burkina Faso, exemple extrême de notre perte d’influence et, pire, de notre perte de considération. Cependant, il existe encore une envie de France en Afrique et le Rassemblement national souhaite amplifier nos relations avec ce continent. Il soutient ainsi la francophonie – nous en avons parlé la semaine dernière avec Mme Chrysoula Zacharopoulou – pour en faire un véritable outil de développement industriel et de coopération économique. Le Sénégal pourrait être un acteur majeur de l’approfondissement des relations que nous appelons de nos vœux.

Nous portons une attention toute particulière à ce pays, que notre présidente, Marine Le Pen, a visité la semaine passée. Elle a pu réaffirmer au président Macky Sall notre vision d’une relation franco-sénégalaise plus riche, plus amicale et plus étroite. Nous proposons depuis longtemps, pour améliorer la stabilité du monde, de cesser de dénier à l’Afrique la place légitime qui doit lui revenir dans l’organisation de la communauté internationale. Ce continent devrait bénéficier d’un siège de membre permanent au Conseil de sécurité des Nations Unies : le Sénégal, État de droit respectueux des alternances politiques, pays uni autour de ses cultures séculaires et doté d’une diplomatie rayonnante, pourrait assumer cette charge.

J’ai volontairement élargi mon propos pour insister sur le fait que nous nous félicitons que des mesures soient prises pour améliorer les relations entre la France et le Sénégal. Le groupe Rassemblement national votera donc en faveur du projet de loi.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Je suis certain que le président Macky Sall a été très intéressé par la vision stratégique de Marine Le Pen.

M. Kévin Pfeffer. Il l’a été, en effet.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Les OQTF n’ont rien à voir avec cette convention.

Nous avons signé le même type d’accords avec le Burkina Faso, le Mali et le Niger : deux d’entre eux s’appliquent déjà depuis 2018.

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Nous soutenons par principe ce type de textes car la coopération judiciaire est fondamentale à l’échelle internationale. Pour autant, en l’état actuel du projet de loi, nous voterons contre son adoption.

Je ne vous rejoins pas, Monsieur le rapporteur, quand vous dites que l’on peut séparer le politique du judiciaire. L’opposition sénégalaise est extrêmement inquiète des dérives du président Macky Sall, lesquelles risquent de s’aggraver puisque l’on sait qu’il envisage d’effectuer un troisième mandat ; elle nous supplie de ne pas approuver ces conventions en l’état. Cela ne signifie pas qu’il faille les rejeter en bloc, et l’opposition propose des amendements visant à mieux définir le terrorisme. Pour Macky Sall, tout opposant politique est un terroriste. J’entends ce que vous dites sur le fait que ce sera au juge français de décider mais, si la situation de départ est aussi confuse, il y a tout lieu de s’inquiéter de la manière dont s’opéreront les extraditions. Amnesty International nous alerte également sur l’extension de la définition du terrorisme au Sénégal. Monsieur Taché a rappelé les morts pendant les manifestations et l’interdiction systématique des rassemblements d’opposition. Ce texte intervient au mauvais moment et avec le mauvais interlocuteur.

Il y a un grand malentendu sur la question de la coopération entre la France et l’Afrique : l’immense majorité des peuples africains n’ont rien contre la France en général mais ils lui reprochent de soutenir des dirigeants qu’ils détestent. Au Sénégal, les vagues de violences antifrançaises, que je dénonce, sont alimentées par des gens comme Kémi Séba, mais elles se sont formées au moment où la France donnait, à tort ou à raison, l’impression de soutenir Macky Sall contre une opposition qui est, à mon avis, majoritaire dans le pays. Le déplacement de madame Le Pen ne changera rien à l’affaire car les populations ne reprochent pas à la France d’être en Afrique mais de soutenir certains régimes. Il s’est d’ailleurs passé la même chose au Tchad.

Ce texte intervient au plus mauvais moment et il n’est pas rédigé comme il faudrait. Voilà pourquoi nous avons demandé de sortir du cadre de la procédure d’examen simplifiée. Il importe d’avoir un vrai débat sur la coopération entre la France et les pays africains.

M. Sylvain Maillard, rapporteur. J’entends votre propos politique et nous pourrions discuter des causes du sentiment antifrançais ; nous n’aurions peut-être pas la même approche car il me semble être le produit de nombreux facteurs. À nos yeux, il est important de rénover la convention actuelle, même si le processus a été enclenché à la demande du Sénégal, mais il se peut que j’apporte de l’eau à votre moulin avec cette précision. Madame Lakrafi a évoqué des délits comme la cybercriminalité, qui rendent utile l’actualisation de notre coopération. Le sujet n’est pas uniquement politique : il convient de lutter contre la criminalité ou le trafic de drogue en renforçant notre coopération et nos liens.

Il faut se montrer extrêmement vigilant sur les points que vous avez soulevés et rappeler qu’il y aura toujours le regard du juge français, ce qui nous permet d’avoir confiance dans le dispositif, d’autant que ces conventions sont rédigées sur le fondement de modèles de l’Union européenne et du Conseil de l’Europe. Toutes les garanties existent donc mais nous pourrons continuer d’échanger sur le sujet si vous le souhaitez.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je ne crois pas que les sentiments antifrançais qui se sont exprimés assez fortement à l’occasion de divers troubles aient un quelconque lien avec une complaisance particulière de la France envers Macky Sall. Il s’agit plutôt d’un levier facilement exploitable par les opposants, quels qu’ils soient. Au cours de l’entretien d’une heure qu’il m’avait accordé en mars dernier, le président Macky Sall n’avait pas ménagé ses critiques envers notre pays ; cela s’était d’ailleurs traduit par l’abstention du Sénégal sur la résolution relative à l’Ukraine, ce qui avait été une petite surprise. Il avait notamment dénoncé la responsabilité de la France dans l’opération en Libye, qui fut selon lui l’une des causes du développement du mouvement terroriste depuis la Libye jusqu’au golfe de Guinée. Je pense qu’il s’agit de deux variables indépendantes.

Mme Laurence Vichnievsky (DEM). J’espère que mon expérience de juge apportera un autre éclairage.

L’objet de ces accords est de moderniser la convention de 1974 relative à la coopération judiciaire, laquelle comprenait déjà l’extradition dans son champ d’application. Quand on voit ce qui se passe à la porte de la Chapelle, quand on pense à l’immigration clandestine et à la menace terroriste dans la bande sahélo-saharienne, on ne peut qu’être favorable à un renforcement de la coopération judiciaire. La France et le Sénégal disposent de systèmes juridiques assez proches, d’une organisation judiciaire et de codes similaires ; il y aura un magistrat de liaison, ce qui est assez novateur ; un bureau d’entraide est en train de se créer : je ne comprends pas comment on peut ne pas être favorable à ces accords.

J’appartiens à une génération qui apprenait les poésies de Léopold Sédar Senghor, qui fut le premier président de la République du Sénégal après avoir été ministre en France. Certes, les relations entre les deux pays ont évolué mais, si la situation politique au Sénégal est problématique, il faut aussi faire confiance au juge. Le politique n’est pas le juge, et inversement. Connaissant bien la procédure d’extradition, je crois que nous n’avons pas à nourrir de crainte excessive en la matière.

Monsieur le rapporteur, pensez-vous que le renforcement de cette coopération puisse avoir une incidence sur les critiques dont l’action de la France dans la région du Sahel fait l’objet ?

M. Sylvain Maillard, rapporteur. L’histoire nous le dira, mais je ne le pense pas. Ce qui est certain, c’est qu’il faut moderniser la convention existante, afin qu’elle réponde aux enjeux de notre siècle. Le sentiment antifrançais, qui – comme le président vient de le rappeler – est largement instrumentalisé, ne se fondera pas uniquement sur cette modernisation. Les accords que nous examinons sont très importants pour les mois et les années à venir.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des autres députés.

M. Frédéric Petit. Je voudrais appeler l’attention de la commission sur la contradiction que ma collègue Laurence Vichnievsky a relevée. Je suis rapporteur pour avis du programme 185 de la mission budgétaire Action extérieure de l’État. Cela fait cinq ans que nous nous battons pour que le Gouvernement remette en question le fonctionnement en silos qui empêche la France d’agir de manière globale. La modernisation de la convention existante non seulement est nécessaire, mais elle accompagne la modernisation de notre administration et de notre diplomatie d’influence, qui a été engagée depuis trois ou quatre ans par l’intermédiaire de Justice Coopération Internationale (JCI) et d’Expertise France et qui permet le maintien d’une coopération. Je suis surpris que la solution proposée par certains soit de solder les comptes, de s’en aller et de recommencer le match. La France est encore présente et elle dispose d’un outil adapté et modernisé. Je ne comprends pas qu’on puisse voter contre ce projet de loi autorisant l’approbation de ces deux conventions.

Mme Ersilia Soudais. La menace terroriste ne doit pas servir de prétexte pour couvrir les velléités de maintien hégémonique d’un pouvoir qui se meurt. Nous ne pouvons ignorer les dérives du gouvernement sénégalais et la criminalisation des opposants politiques. En mars 2021, Amnesty International dénonçait une vague d’arrestations arbitraires d’opposants et d’activistes, la mort de Cheikh Coly, victime de la répression, et la suspension de deux chaînes de télévision durant soixante-douze heures. Et que dire de la récente arrestation du journaliste Pape Alé Niang pour des motifs qui étaient, selon la coordination des associations de presse du Sénégal, fantaisistes et politiques ? Dans ce contexte, comment garantir que les oppositions politiques ne seront pas davantage muselées et que l’on n’assistera pas à une recrudescence des emprisonnements politiques, sous couvert de lutte antiterroriste mais dans l’objectif de préserver le système autocratique ? Approuver ces conventions en l’état ne contribuera-t-il pas à nourrir le sentiment antifrançais, qui traduit le rejet d’un système perçu comme oppresseur ?

M. Sylvain Maillard, rapporteur. Il est vrai que la situation au Sénégal est difficile. Les autorités françaises seront très attentives à ce qui va se passer dans les mois et les années à venir, notamment à l’approche de l’élection présidentielle. Macky Sall va-t-il tordre le bras à la Constitution pour pouvoir se représenter une troisième fois ?

Les deux textes qui nous sont soumis n’ont toutefois rien à voir avec la situation politique au Sénégal. Au contraire, ils garantissent une meilleure entraide entre nos deux pays. Ils actualisent la convention en vigueur et toutes les garanties ont été prises pour qu’ils ne soient instrumentalisés ni dans un sens, ni dans l’autre. Le juge français, en lequel nous avons toute confiance, conserve un droit de regard plein et entier. C’est pourquoi je vous invite à prendre position en leur faveur.

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Article 1er (ratification de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale du 7 septembre 2021 entre le Gouvernement de la République du Sénégal et le Gouvernement de la république française)

La commission adopte l’article 1er non modifié.

Article 2 (ratification de la convention d’extradition du 7 septembre 2021 entre le Gouvernement de la République du Sénégal et le Gouvernement de la république française)

La commission adopte l’article 2 non modifié.

Elle adopte ensuite l’ensemble du projet de loi sans modification.


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   annexe 1 :
TEXTE DE LA COMMISSION des affaires ÉtrangÈres

 

Article 1er

 

Est autorisée l’approbation de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 7 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

Article 2

 

Est autorisée l’approbation de la convention d’extradition entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal, signée à Paris le 7 septembre 2021, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 213)


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   ANNEXE 2 : Liste des personnes auditionnÉes par le rapporteur

 

    M. Philippe Lalliot, ambassadeur de France au Sénégal ;

    M. Emmanuel Besnier, sous-directeur d’Afrique occidentale de la direction d’Afrique et de l’océan indien du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, M. Sofian Tber, rédacteur Sénégal à la sous-direction d’Afrique occidentale de la direction d’Afrique et de l’océan indien, Mme Milca Michel-Gabriel, magistrate, chargée de mission au service des conventions, des affaires civiles et de l’entraide judiciaire de la direction des Français à l’étranger et de l’administration consulaire, et Mme Claire Giroir, conseillère juridique à la mission des accords et traités de la direction des affaires juridiques ;

    Mme Cristina Mauro, chef du bureau de la négociation pénale européenne et internationale de la direction des affaires criminelles et des grâces du ministère de la justice.

 


([1]) Le projet de loi d’abolition avait été présenté devant le Parlement le 16 juillet de la même année en vue de modifier les articles 337 et 346 du code pénal, qui prescrivaient encore la peine capitale pour les personnes reconnues coupables d’enlèvement ou de prise d’otages.

([2]) Cf. https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/politique-etrangere-de-la-france/diplomatie-feministe/strategie-internationale-de-la-france-pour-l-egalite-entre-les-femmes-et-les/ : « Le consensus international autour des DSSR [droits en matière de santé sexuelle et reproductive] s’est affaibli depuis dix ans du fait d’une montée en puissance des positions conservatrices illustré récemment avec la signature par 32 États du Consensus de Genève, document résolument antiavortement et anti-DSSR. Face à la remise en question profonde de ces droits, la France mène un plaidoyer ambitieux et intègre ce sujet dans toute son action diplomatique, en particulier aux Nations Unies auprès de la Commission sur la condition de la femme (CSW) ou de la Commission pour la population et le développement (CPD), ainsi que dans le cadre européen. »

([3]) Cette convention, entrée en vigueur en 1964, vise à limiter la production et le commerce de substances interdites en établissant une liste de ces substances, qualifiées de stupéfiants. Elle est à l’origine de la création de l’Organe international de contrôle des stupéfiants (OICS) qui est l’organe indépendant responsable de la mise en œuvre des conventions de l’ONU sur les drogues.

([4]) La convention de New York de 1984 contre la torture est un traité international qui prohibe le recours à la torture et aux peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Elle définit les principes qui doivent guider les États dans les méthodes employées pour appliquer cette interdiction aux niveaux national et international, notamment en effectuant des enquêtes et en traduisant en justice les responsables présumés.

([5]) Cette convention vise à renforcer les dispositions de la précédente en définissant un certain nombre de moyens légaux de lutte contre le crime organisé et le trafic illicite (saisie des capitaux issus du trafic de drogue, etc.).

([6]) Entrée en vigueur en 2003 et complétée par trois protocoles, cette convention stipule l’engagement des parties à prendre une série de mesures contre la criminalité organisée, notamment en reconnaissant certaines incriminations pénales (participation à un groupe criminel organisé, blanchiment d’argent, corruption et entrave à la justice) et en adoptant certains cadres en matière d’extradition, d’entraide mutuelle en matière pénale et de coopération policière.

([7]) Ayant un caractère global, cette convention traite tous les aspects relatifs à la lutte contre la corruption : la prévention, l’incrimination, les règles de droit pénal et de procédure pénale, la coopération internationale, le recouvrement d’avoirs, l’assistance technique et l’échange d’information. Elle pose notamment le principe de la restitution des avoirs à l’État ayant formulé la demande de coopération.

([8]) La France a aussi conclu avec l’Algérie, le 27 janvier 2019, une nouvelle convention d’extradition, entrée en vigueur le 1er juillet 2021. La France avait signé par ailleurs de nouvelles conventions d’entraide judiciaire en matière pénale et d’extradition avec le Mali, le 28 octobre 2019. Le projet de loi d’approbation de ces conventions a toutefois été retiré de l’ordre du jour de l’Assemblée nationale à la suite du coup d’État du 24 mai 2021. C’est donc l’accord de coopération en matière de justice du 9 mars 1962 qui continue à s’appliquer entre les deux États dans les domaines de l’entraide judiciaire en matière pénale et de l’extradition.

([9]) Cf. article 35 de la convention d’entraide judiciaire en matière pénale et article 26 de la convention d’extradition.

([10]) Les infractions politiques sont traditionnellement définies comme celles qui tendent à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation. L’exclusion de ce type d’infraction permet de refuser l’extradition lorsqu’il apparaît que la véritable raison de la demande est d’ordre politique.

([11]) Jamāʿat nuṣrat al-islām wal-muslimīn (Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans).

([12]) Signalons aussi qu’un conflit de basse intensité existe toujours en Casamance (dans le Sud du pays) où l’armée sénégalaise fait face depuis les années 1980 à une rébellion sécessionniste. Les forces sénégalaises ont lancé de nouvelles opérations militaires au début de l’année 2022.