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N° 804

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES SUR LA PROPOSITION DE LOI
visant à lutter contre les dérives des influenceurs
sur les réseaux sociaux (n° 672)

PAR M. Arthur Delaporte

Député

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 Voir le numéro : 672.


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SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

I. LES INFLUENCEURS : UN PHÉNOMÈNE RÉCENT ET MASSIF AUX CONSÉQUENCES MAJEURES SUR UN PUBLIC SOUVENT JEUNE.

A. Une prÉsence inÉdite sur les rÉseaux sociaux des influenceurs mais une connaissance encore imparfaite de la « sphÈre influenceurs »

B. Un impact massif sur les comportements de certains consommateurs, public essentiellement composÉ de mineurs et de jeunes ADULTEs

II. DES DÉRIVES QUI PRENNENT DES FORMES VARIÉES ET DOIVENT ÊTRE COMBATTUES PAR LES POUVOIRS PUBLICS.

A. Des dÉrives de diffÉrentes natures, dont certaines ont fait l’objet d’un traitement judiciaire

B. Des pouvoirs publics qui peinent à rÉguler efficacement l’action des influenceurs.

III. UN PREMIER JALON VERS UNE RÉGULATION EFFICACE DES INFLUENCEURS AVEC LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI.

A. Une proposition de loi ciblÉe qui rÉpond À plusieurs objectifs

B. Un premier jalon d’une initiative lÉgislative plus ample

COMMENTAIRE de l’article unique

Article unique (Articles nouveaux L. 122-26, L. 122-27, L. 122-28 et L. 122-29 du code de la consommation) Création au sein du code de la consommation d’une définition de l’influenceur et renforcement de la régulation de la publicité en ligne et des pratiques de dropshipping mises en œuvre par ces mêmes influenceurs

examen en commission

Liste des personnes auditionnÉes

 


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   AVANT-PROPOS

I.   LES INFLUENCEURS : UN PHÉNOMÈNE RÉCENT ET MASSIF AUX CONSÉQUENCES MAJEURES SUR UN PUBLIC SOUVENT JEUNE.

A.   Une prÉsence inÉdite sur les rÉseaux sociaux des influenceurs mais une connaissance encore imparfaite de la « sphÈre influenceurs »

L’utilisation croissante et massive des réseaux sociaux a offert la possibilité à chacun de partager, avec une audience large, les contenus de son choix. Cette nouvelle donne a conduit à l’émergence des influenceurs, personnalités dont l’activité consiste à produire des contenus numériques destinés à un public cible. Ces contenus visent en général à promouvoir des services, produits, ou pratiques, en collaboration parfois avec des annonceurs. Les influenceurs tirent des revenus de cette activité, via les plateformes où ils l’exercent (principalement Youtube, Facebook, Instagram et Tiktok  ([1])) et grâce aux contrats qu’ils passent avec des annonceurs. Ils reçoivent souvent, en sus de celle-ci, des avantages en nature, sous la forme de produits ou d’échantillons.

En dépit d’une forte exposition médiatique, les contours de la « sphère influenceurs » reste encore trop peu documentés.

Les échanges que votre Rapporteur a réalisés avec les acteurs de ce secteur d’activité font apparaître que près de 150 000 influenceurs sont actifs sur les réseaux sociaux français, avec de fortes disparités en termes d’audience. En effet, si un peu moins de la moitié d’entre eux (44 %) dispose d’une audience comprise entre 1 000 et 5 000 abonnés, d’autres bénéficient d’une audience élargie. C’est le cas, par exemple, de Squeezie (Lucas Hauchard) ou de Léa Elui qui cumulent, respectivement, 17,6 millions d’abonnés sur YouTube et 11 millions d’abonnés sur Instagram. D’après les chiffres fournis par la direction général des entreprises (DGE), on compte, au total, en France près de 42 millions de consommateurs utilisant internet pour procéder à des achats ou solliciter des services ([2]). Le nombre total d’utilisateurs concernés par cette activité d’influence serait compris, d’après les mêmes sources, dans une fourchette variant entre 17,5 et 52,5 millions pour les plateformes en France.

Les éléments relatifs à la rémunération des influenceurs restent, au moins en partie, à consolider. Lors de leur audition, les représentants de l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus (UMICC) ont indiqué à votre Rapporteur que 80 % des créateurs de contenus gagnaient moins de 4 000 euros par an. Les éléments présentés dans un article du quotidien Le Monde consacré à ce sujet  ([3]), permettent également de distinguer plusieurs catégories d’influenceurs selon leur niveau d’influence : du nano-influenceur (moins de 10 000 abonnés), au méga-influenceurs (plus de 3 millions d’abonnés).

Infographie relative aux influenceurs

Source : Le Monde

L’absence de définition, en droit, de l’influenceur est une des causes du manque de données disponibles sur ce sujet.

B.   Un impact massif sur les comportements de certains consommateurs, public essentiellement composÉ de mineurs et de jeunes ADULTEs

L’impact des influenceurs sur les comportements des consommateurs de leur contenu est massif. Un exemple suffit pour en témoigner : d’après l’Autorité de régulation des jeux en ligne (ANJ), auditionnée par votre Rapporteur, le taux de conversion des influenceurs mobilisés dans le cadre de la coupe du monde de football était de l’ordre de 50 %. Ce chiffre explique la mobilisation de cette autorité sur cette question depuis maintenant près de deux ans.

Cet impact est d’autant plus puissant que l’essentiel de l’audience des influenceurs est un public de mineurs et jeunes adultes. D’après les chiffres de Médiamétrie, 40 % des personnes suivants des influenceurs ont entre 15 et 24 ans, et 25 % d’entre elles ont un âge compris entre 25 et 34 ans. Lors de la coupe du monde de football en 2022, 49 % des followers des influenceurs avaient ainsi moins de 25 ans. De surcroît, le lien affectif entre l’influenceur et sa communauté, est un élément fortement mobilisateur dans l’acte d’achat du produit, du service, ou tout simplement dans l’intention de modifier une habitude ou une pratique de vie.

Cette influence présente des risques lorsqu’elle s’exerce sur des publics sensibles. Dans le domaine du jeu, par exemple, l’ANJ a indiqué à votre Rapporteur avoir détecté certains contenus ayant un impact négatif sur certains joueurs, certains influenceurs incitant leurs abonnés à réaliser, par exemple, des paris excessifs (supérieure à 1 000 euros) en minimisant les risques, en dépit du caractère illégal au regard du droit européen et du code de la consommation ([4]) de cette pratique. La hausse des admissions à l’hôpital de patients mineurs ou jeunes ayant suivi des régimes préconisés par les influenceurs est un autre exemple des conséquences néfastes d’actions d’influence insuffisamment régulées (suivi de régimes protéinés excessifs pour des mineurs, par exemple). Il en va de même de la hausse des opérations de chirurgie esthétique, dont la publicité est pourtant interdite, en principe, en droit français, même si une partie de cette dynamique s’explique aussi par l’utilisation croissante de la visioconférence.

Le collectif AVI auditionné par votre rapporteur signale également des témoignages de tentatives de suicide et de profonde détresse psychologique de personnes ayant été entrainées par des influenceurs dans des pratiques de placement financiers à risque. Ces personnes, vulnérables et précaires, ont été poussées dans la spirale de l’endettement et à des conduites à risques. L’imaginaires du succès ou spirituel ont une influence certaine sur ces comportements qui conduisent les individus à se mettre en danger.

II.   DES DÉRIVES QUI PRENNENT DES FORMES VARIÉES ET DOIVENT ÊTRE COMBATTUES PAR LES POUVOIRS PUBLICS.

A.   Des dÉrives de diffÉrentes natures, dont certaines ont fait l’objet d’un traitement judiciaire

Les dérives de l’action de certains influenceurs sur les réseaux sociaux prennent notamment les formes suivantes :

 le dropshipping ou « livraison directe », soit une vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit. De nombreuses dérives de cette pratique légale conduisent à la livraison de produits de piètre qualité ou contrefaits, voire à une absence de livraison desdits produits ;

 la publicité clandestine, soit le fait, pour les internautes visionnant un contenu de ne pas savoir de manière claire, précise, non-ambigüe et en temps réel si le contenu qu’ils regardent constitue ou non une publicité ;

 la vente de formations hasardeuses financées, parfois, via le compte personnel de formation (CPF) et pour lesquelles une loi vient d’ailleurs d’être adoptée par le Parlement (loi du 19 décembre 2022 visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires) ;

Plusieurs affaires médiatiques ont, en outre, donné une visibilité à certaines pratiques litigieuses. Sans prétendre à l’exhaustivité, le tableau ci-dessous résume les principales affaires judiciaires concernant des influenceurs en précisant la solution juridique retenue.

 

TABLEAU N° 1 : EXEMPLES D’AFFAIRES JUDICIAIRES RÉCENTES
IMPLIQUANT DES INFLUENCEURS

INFLUENCEUR IMPLIQUÉ

CONTENU DE L’AFFAIRE CONCERNÉE

SOLUTION JURIDIQUE RETENUE

Nabilla

Publicité clandestine

 

Dans des « stories » sur le réseau social, Nabilla Benattia-Vergara mettait en avant la gratuité d’un service d’achat de bitcoins avec des perspectives de gains conséquents, ce que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) a assimilé à des « pratiques commerciales trompeuses », la loi obligeant à indiquer clairement qu’un contenu fait l’objet d’un partenariat commercial.

Amende transactionnelle de 20 000 euros pour pratiques commerciales trompeuses, acceptée par Mme Benattia‑Vergara en 2021, avec l’accord du procureur de Paris, à l’issue d’investigations menées par le service national des enquêtes de la DGCCRF


Paul Antony (PA7)

Escroquerie

 

Incitation des abonnés à créer de fausses entreprises pour toucher des aides de l’État.

– Condamnation à sept ans d’emprisonnement et 80 000 euros d’amende après avoir été reconnu coupable d’escroquerie et de blanchiment en bande organisée (juillet 2022, TJP).

– Peines complémentaires : Interdiction définitive de gérer une entreprise, inéligibilité de cinq ans et interdiction de sortie du territoire pour la même durée

Bryan J. alias Bryan « les bons plans »

Vente de faux certificats d’assurance automobile

 

Proposition de faux certificats d’assurance automobile sur le réseau social Snapchat

Condamné à une peine de 30 mois de prison et à une amende de 30 000 euros.

Cyprien

Dénigrement

 

Mme Sandra Szaja a lancé, en mai, un nouveau magazine Lov my people consacré à l’actualité people en ciblant en particulier les youtubers et influenceurs. La une du premier numéro est consacrée aux youtubeurs Math Podcast et Andy Raconte.

 

L’influenceur Cyprien a écrit sur Twitter : « C’est quoi cette merde ? Il faut vite le jeter dans le feu ».

 

Mme Sandra Szaja a poursuivi l’influenceur Cyprien, estimant que l’échec de son magazine était imputable au dénigrement de cet influenceur.

La cour d’appel de Paris (2021) a jugé Cyprien et sa société ADCI coupables de « dénigrement » et les a condamnés à payer à la société de Mme Sandra Szaja 10.000 euros de dommages et intérêts plus 8.000 euros de frais de justice.

Mme Magali Berdah

Affaire en cours

 

Plainte d’Elie Yaffa, concernant à la fois des pratiques commerciales trompeuses supposément commises par Shauna Events et une escroquerie en bande organisée. Le rappeur dénonce un système d’escroquerie complexe et organisé, centralisé par la société Shauna Events, un système alimenté par la passivité des réseaux sociaux.

La justice a ouvert le 6 septembre une enquête pour « pratiques commerciales trompeuses » contre l’agence d’influenceurs Shauna Events de Magali Berdah. La justice n’a cependant pas retenu le motif d’escroquerie en bande organisée.

Cette enquête a été confiée au commissariat d’Antibes, ville où est immatriculée Shauna Events et qui est du ressort du tribunal de Grasse.

Source : Assemblée nationale.

Par ailleurs, un certain nombre d’autres pratiques litigieuses ont été identifiées et parfois évoquées lors des auditions menées par votre rapporteur. Parmi celles-ci on peut relever les arnaques relatives à la vente de faux voyages ou de fausses formations (d’esthéticiennes par exemple), la promotion de traitement miracle de lutte contre le cancer, ou encore des escroqueries relatives à l’investissement dans les crypto-monnaies (via le copy trading).

Votre Rapporteur considère que ces dérives doivent faire l’objet d’une forte vigilance des pouvoirs publics. La présente proposition de loi entend renforcer le cadre légal à leur disposition afin de mieux les prévenir.

B.   Des pouvoirs publics qui peinent à rÉguler efficacement l’action des influenceurs.

Les pouvoirs publics peinent parfois, de leur aveu même, à se saisir de ce phénomène dans sa globalité, en raison de sa complexité, et faute d’un cadre d’action adapté.

Plusieurs raisons expliquent cette situation.

En premier lieu, la nature de l’internet et des réseaux sociaux rend toute initiative de régulation complexe par définition. Le caractère éphémère des publications (story de 24H sur Instagram par exemple) pose une difficulté en plus de réduire l’incitation à poursuivre les contenus litigieux.

En second lieu, le cadre juridique existant reste incomplet. S’il existe une régulation de la publicité, répartie dans différents codes (code de la consommation, code de commerce, code de la santé publique etc.), le caractère épars de cette législation, et les vides juridiques relatifs à certaines pratiques, limitent à la fois l’information des influenceurs sur les bonnes pratiques à suivre, et la possibilité de poursuivre de façon dissuasive certaines dérives. La situation actuelle est donc marquée par une autorégulation menée par les acteurs du secteur concerné (labellisation des influenceurs, charte de l’influenceur responsable), en particulier au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP).

Enfin, la jeunesse de ce secteur d’activité, dont témoigne la constitution très récente d’un organe de représentation des intérêts spécifiquement consacré aux influenceurs, à savoir l’Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenus (UMICC), constitue une difficulté supplémentaire pour les pouvoirs publics.

III.   UN PREMIER JALON VERS UNE RÉGULATION EFFICACE DES INFLUENCEURS AVEC LA PRÉSENTE PROPOSITION DE LOI.

A.   Une proposition de loi ciblÉe qui rÉpond À plusieurs objectifs

La présente proposition de loi vise à clarifier et à compléter le cadre juridique existant, en concertation avec les acteurs concernés, afin de faciliter la régulation des dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

Son inscription à l’ordre du jour de la « niche » parlementaire du groupe Socialistes et apparentés répond à plusieurs objectifs :

 Mieux informer les influenceurs sur leurs droits et devoirs, et sur la nature du cadre juridique qui s’applique à eux. L’autorégulation de leur activité est une initiative positive mais elle ne saurait se substituer à l’action de la loi ;

 Ouvrir et contribuer au débat de société sur ce sujet. La question de la régulation des influenceurs sur les réseaux sociaux est en effet un enjeu démocratique majeur au regard de la taille de leur audience et de l’impact de leur influence sur les modes de consommation du public ;

 Offrir aux pouvoirs publics un cadre juridique complété afin de leur permettre de lutter contre certaines pratiques. En l’espèce, il s’agit de fixer une définition du statut d’influenceur, de compléter et réaffirmer l’interdiction de la publicité pour un certain nombre de produits, services et pratiques, en particulier dans la mesure où elle cible un public mineur ou « jeunes ». La proposition prévoit également des moyens de lutter contre le dropshipping et de mieux informer les consommateurs sur les contenus sponsorisés.

B.   Un premier jalon d’une initiative lÉgislative plus ample

Ce texte constitue un premier jalon pour bâtir un cadre juridique permettant une régulation renforcée des influenceurs.

De nombreux travaux sont en effet au cours sur ce sujet. Plusieurs propositions de loi ont été déposées sur cet « objet juridique non identifié (OJNI) » par différents groupes parlementaires (Socialistes, Écologistes, La France Insoumise, Renaissance) ([5]). Une consultation publique a également été lancée à l’initiative du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, dont la clôture doit intervenir le 31 janvier 2023.

Enfin, une proposition de loi bipartisane, texte fusionnant la présente proposition et la proposition de loi déposée par M. Stéphane Vojetta, a également été déposée. Le premier article de ce texte porté par un membre de la majorité et de l’opposition reprend les dispositions contenues dans la présente loi. Elle pourra être amendée en fonction de la conclusion des travaux de la commission. 

Votre rapporteur est favorable à ce que toutes ces initiatives convergent à condition de porter une réelle ambition de régulation législative du secteur de l’influence et de protection des consommateurs qui doit être votée et entrer en vigueur dans les plus brefs délais tant il y a urgence.


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   COMMENTAIRE de l’article unique

Article unique
(Articles nouveaux L. 122-26, L. 122-27, L. 122-28 et L. 122-29 du code de la consommation)
Création au sein du code de la consommation d’une définition de l’influenceur et renforcement de la régulation de la publicité en ligne et des pratiques de dropshipping mises en œuvre par ces mêmes influenceurs

I.   État du droit

A.   Une absence de dÉfinition de l’influenceur en droit

1.   Il n’existe actuellement aucune définition, dans la loi, de ce que recouvre la notion d’influenceur.

Le droit français ne comprend pas de définition juridique de ce que recouvre la notion d’influenceur.

Cette absence de définition s’explique par plusieurs raisons :

 Le caractère relativement récent de cette activité, qui s’exerce quasi exclusivement sur les plateformes numériques ;

 Le caractère polymorphe de cette activité, qui peut prendre des formes variées et se rapprocher tantôt de l’activité publicitaire ou promotionnelle classique, tantôt d’une action d’influence mettant en jeu la simple liberté d’expression des producteurs de contenus en ligne. Fixer une définition en droit nécessite donc de définir le juste périmètre de cette activité ;

 Les débats en cours sur l’opportunité de fixer en droit une définition. Plusieurs possibilités sont encore débattues sur ce point. Certains spécialistes considèrent en effet qu’il conviendrait de créer un véritable statut des influenceurs au sein du code du travail, en s’inspirant de certaines dispositions qui existent déjà, comme celles prévues pour les journalistes pigistes ([6]), mannequins ou artistes-interprètes ([7]). D’autres considèrent plus pertinent de partir de l’activité d’influence, en fixant sa définition au sein du code de commerce (en privilégiant donc sa dimension économique) ou du code de la consommation (au motif qu’il s’agit d’abord de protéger les consommateurs des dérives qui existent actuellement).

2.   À l’heure actuelle, la définition de l’influenceur et de son activité sont laissées à l’appréciation des acteurs concernés ou du juge en cas de litige.

Deux définitions de l’influenceur ont le mérite d’exister actuellement. Elles ont été formulées, d’une part, par l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) et, d’autre part, par la jurisprudence judiciaire. L’ARPP définit ainsi l’influenceur comme un « individu exprimant un point de vue ou donnant des conseils, dans un domaine spécifique et selon un style ou un traitement qui lui sont propres, à une audience identifiée ». Cette définition est relativement proche de celle retenue, par exemple, dans un arrêt du 10 février 2021 de la cour d’appel de Paris, qui est la suivante : « personne active sur les réseaux sociaux, qui par son statut, sa position ou son exposition médiatique est capable d’être un relais d’opinion influençant les habitudes de consommation dans un but marketing ».

L’absence de définition de l’activité d’influenceur dans la loi est néanmoins une difficulté non seulement pour réguler cette activité, mais aussi pour recueillir un certain nombre de données permettant de caractériser ce secteur d’activité. Actuellement, ces éléments sont fournis essentiellement par les acteurs de ce secteur ([8]).

3.   Cette absence de définition ne signifie pas que le cadre juridique existant ne s’applique pas aux influenceurs dans le cadre de leur activité en ligne

En dépit de cette absence de définition, le droit européen et le droit national prévoient des obligations que les influenceurs doivent respecter. Parmi celles-ci, les influenceurs doivent notamment faire mention de leur partenariat avec des entreprises lorsqu’ils promeuvent des produits ou services, contre rémunération (article 20 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, et directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales).

 

B.   Un encadrement de la publicitÉ des produits et services qui existe, mais qui reste trop peu connu et insuffisamment respectÉ par certains influenceurs

1.   L’encadrement de la publicité en droit est régi, dans ses principes, par plusieurs textes européens et nationaux.

En droit européen, outre le règlement européen relatif à la protection des données (RGPD) de 2016 ([9]), d’application directe, plusieurs directives s’appliquent à l’action des influenceurs en ligne :

– La directive 2002/58/CE du 12 juillet 2002 concernant le traitement des données à caractère personnel et la protection de la vie privée dans le secteur des communications électroniques (directive vie privée et communications électroniques) ;

– La directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur ;

– La directive 2018/1808 du 14 novembre 2018 modifiant la directive 2010/13/UE visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à la fourniture de services de médias audiovisuels (directive « Services de médias audiovisuels »), compte tenu de l’évolution des réalités du marché.

En droit national, les dispositions juridiques d’ordre général concernant la publicité en ligne figurent principalement au sein de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (articles 7, 16 et 20). Une loi spécifique encadre en outre l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de 16 ans sur les plateformes en ligne ([10]).

2.   Des règles spécifiques s’appliquent, par ailleurs, à la publicité de certains produits ou services de nature particulière

Certains produits ou services de nature spécifique font l’objet d’une régulation via des dispositions particulières en droit national.

a.   Publicité pour les médicaments, les dispositifs médicaux, et les actes de chirurgie esthétique.

Le code de la santé publique prévoit, dans sa partie réglementaire, au sein de l’article R. 4127-19, que la médecine « ne doit pas être pratiquée comme un commerce ». Ce principe, qui interdisait en pratique aux praticiens de faire de la publicité pour des produits de santé, a néanmoins fait l’objet d’un assouplissement sous l’effet du droit européen, toute interdiction devant être proportionnée et justifiée au regard de l’objectif poursuivi. Cet assouplissement a conduit à la modification de l’article réglementaire précité, et à la création de deux nouveaux articles au sein du même code, les articles R. 4127-19-1 et R. 4127-19-2 ([11]).

Les articles L. 5122-1 à L. 5122-16 du code de la santé publique encadre la publicité relative aux médicaments. À l’heure actuelle, la publicité des médicaments remboursés ou prescriptibles est interdite (article L. 5122-6 du code de la santé publique([12]).

Pour les dispositifs médicaux, définis à l’article L. 5211-1 du code de la santé publique, le code prévoit une interdiction de la publicité pour les dispositifs médicaux et leurs accessoires pris en charge ou financés, même partiellement, par les régimes obligatoires d’assurance maladie » (article L. 5213-3 du code de la santé publique). Le même article prévoit néanmoins une exception pour les dispositions médicaux et accessoires « présentant un faible risque pour la santé humaine, dont la liste est fixée par arrêté des ministres chargés de la santé et de la sécurité sociale ». La publicité des dispositifs médicaux est autorisée pour les dispositifs de classe 1 ou 2A, ce qui correspond aux dispositifs optiques (lunettes) et aux prothèses audio.

En tout état de cause, les produits de santé pouvant faire l’objet de publicité sont soumis à un régime d’autorisation auprès de l’Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).

Le code de la santé publique prévoit également une interdiction de la publicité des actes chirurgicaux (dont la chirurgie esthétique) pour les établissements proposant la réalisation de tels actes (article L. 6322-1 du code de la santé publique).

b.   Publicité relative aux produits financiers

La publicité pour les produits financiers fait l’objet d’un encadrement par l’Autorité des marchés financiers (AMF). Cette autorité a collaboré avec l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) afin de promouvoir les bonnes pratiques dans ce domaine ([13]).

En droit, cette publicité n’est pas interdite, mais les opérateurs concernés doivent respecter un certain nombre de principes tels que le caractère non trompeur de la publicité, et une présentation équilibrée des risques et avantages des produits financiers.

Le code monétaire et financier et le code de la consommation fixent néanmoins une interdiction de la publicité pour les produits financiers les plus risqués, depuis l’adoption de la loi du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique (loi Sapin II).

Dans le détail, l’article L. 533-12-7 du code monétaire et financier prévoit ainsi l’interdiction pour les prestataires de services d’investissement de faire de la publicité auprès du public pour les contrats financiers les plus risqués ([14]).

L’article L. 222-16-2 du code de la consommation interdit, pour sa part, les opérations de parrainage ou de mécénat pour les services d’investissement financier, les services sur actifs numériques, ainsi que pour une offre au public d’acquisition de jetons.

c.   Publicité relative aux jeux d’argent, de hasard, et aux paris sportifs

L’Autorité nationale de régulation des jeux (ANJ) publie des recommandations et des lignes directrices destinées à garantir le respect, par les publicités concernées, d’un certain nombre de principes, en lien notamment avec l’objectif de prévention de l’addiction au jeu.

L’encadrement juridique de la publicité relative aux jeux d’argent et de hasard et des paris sportifs est fixé par le code de la sécurité intérieure, et le code de la consommation.

Dans sa partie réglementaire, le code de la sécurité intérieure prévoit en effet, en son article D. 320-9 que « toute communication commerciale en faveur d’un opérateur de jeux d’argent et de hasard est interdite : 1° Lorsqu’elle incite à une pratique de jeu excessive, banalise ou valorise ce type de pratique ; 2° Lorsqu’elle suggère que jouer contribue à la réussite sociale ; 3° Lorsqu’elle contient des déclarations infondées sur les chances qu’ont les joueurs de gagner ou les gains qu’ils peuvent espérer remporter ; 4° Lorsqu’elle suggère que jouer peut-être une solution face à des difficultés personnelles, professionnelles, sociales ou psychologiques ;5° Lorsqu’elle présente le jeu comme une activité permettant de gagner sa vie ou comme une alternative au travail rémunéré ».

L’article D. 320-10 du même code interdit, en outre, les communications commerciales incitant les joueurs mineurs à jouer.

En outre, l’objectif de prévention du jeu excessif ou pathologique et la protection des mineurs constitue désormais le premier des objectifs de la politique de l’État en matière de jeux d’argent énoncé à l’article L. 320-3 du code de la sécurité intérieure, les opérateurs étant tenus de concourir à la réalisation de celui-ci en application de l’article L. 320-4 du même code.

Au sein du code de la consommation, la régulation de la publicité pour les jeux d’argent et de hasard est abordée sous l’angle de la lutte contre les pratiques commerciales déloyales, à la suite de la transposition de la directive européenne du 11 mai 2005 portant sur le même sujet (infra). En l’espèce, les articles L. 121-2 à L. 121-4 s’appliquent. Ce dernier article prévoit notamment que sont réputées trompeuses per se les pratiques ayant pour objet « d’affirmer d’un produit ou d’un service qu’il augmente les chances de gagner aux jeux d’argent et de hasard ».

Ainsi que l’a relevé l’ANJ lors de son audition, il existe, en sus, des obligations portant sur les opérateurs concernant la mise en avant de messages types de prévention, qui ne sont pas toujours respectées au sein des contenus publiés sur les réseaux sociaux par les influenceurs ([15]).

d.   Publicité relative aux formations professionnelles

L’encadrement juridique de la publicité concernant la formation professionnelle continue est fixé par le code du travail au sein des articles L. 635212 et L. 6352-13. Ce dernier article prévoit notamment que cette publicité « ne doit comporter aucune mention de nature à induire en erreur sur les conditions d’accès aux formations proposées, leurs contenus, leurs sanctions ou leurs modalités de financement ».

La loi du 19 décembre 2022 interdisant et sanctionnant le démarchage commercial pour le CPF comprend des dispositions venant lutter contre le démarchage et la publicité mensongère relative aux formations professionnelles. Elle interdit le démarchage pour le CPF, renforce les sanctions pour cette pratique, et instaure une procédure de référencement des organismes de formation sur le portail numérique Moncompteformation.gouv.fr.

C.   Le dropshipping : une pratique lÉgale et encadrÉe dont l’essor a nÉanmoins conduit À de nombreuses dÉrives

Ainsi que le définit le document « Fiches pratiques » publié en 2021 par la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), le dropshipping (ou livraison directe) correspond à « une vente sur internet dans laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit ». Cela signifie, en pratique, que c’est le fournisseur du vendeur qui expédie la marchandise au consommateur final. Le consommateur n’a donc généralement ni connaissance de l’existence du fournisseur, ni de son rôle.

Cette pratique est légale et encadrée par le droit.

Le professionnel qui propose un contrat de vente à distance doit communiquer à l’acheteur l’ensemble des informations prévues par l’article L. 2215 du code de la consommation. Il doit aussi livrer le bien ou fournir le service à la date ou dans le délai indiqué au consommateur (article L.216-1 du code de la consommation).

La pratique du dropshipping est également soumise au respect des articles L. 121-2 à L. 121-4 du code de la consommation (pratiques commerciales déloyales) et aux dispositions d’ordre général concernant la vente sur internet (LCEN de 2004, directives de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales et de 2011 relative aux droits des consommateurs, ainsi que les articles 1125 à 1127-4 du code civil relatifs au régime du contrat conclu par voie électronique).

Les échanges menés avec les acteurs du secteur font néanmoins apparaître une recrudescence de pratiques illégales de dropshipping, conduisant à la réception de produits contrefaits, défectueux, ou à une absence de livraison.

II.   Le dispositif proposé au sein de l’article unique de la proposition de loi

L’article unique de la proposition de loi crée une nouvelle sous-section au sein du chapitre II du titre III du livre Ier du code de la consommation, qui comprend quatre nouveaux articles numérotés L. 122-26, L. 122-27, L. 222-28 et L. 222-29.

Le nouvel article L. 122-26 du code de la consommation propose une définition de l’influenceur. Cette définition est la suivante : « Toute personne physique ou morale qui fait la promotion directement ou indirectement de produits, actes ou prestations contre rémunération, y compris lorsque celle-ci est constituée par des avantages en nature, de manière active sur les réseaux sociaux et qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique dispose d’une audience pouvant influencer la consommation du public exerce l’activité d’influenceur ».

Cette définition intègre donc les personnes physiques et morales et repose à la fois sur les caractéristiques propres de la personne concernée sur les réseaux sociaux (notoriété, statut social, audience) et sur la nature de son activité en ligne (promotion de produits, actes ou services au sein de ses contenus).

Le nouvel article L. 122-27 du code de la consommation comprend, pour sa part, deux dispositifs :

 une interdiction absolue de publicité à destination des influenceurs, pour certains produits et services à raison de leur nature. Sont visés à cet article les produits de santé (produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et actes de chirurgie), ainsi que les placements et investissements financiers et les actifs numériques entraînant un risque de perte pour le consommateur. Une dérogation est prévue pour les produits de santé (vaccins par exemple) faisant l’objet de campagnes de santé publique de la part du Gouvernement ;

 un encadrement renforcé de la publicité relative à certains produits ou services. Il s’agit, en l’espèce, de la publicité en faveur des abonnements à des pronostics sportifs, de l’inscription à des formations professionnelles et des jeux d’argent et de hasard. Leur publicité n’est désormais rendue possible, pour les influenceurs, que si le public est explicitement informé par un bandeau visible sur l’image ou la vidéo durant l’intégralité de la promotion que ceux sont réservés à un public majeur.

Le non-respect de ces dispositions est sanctionné par une peine de cinq ans d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.

Le nouvel article L. 122-28 du code de la consommation vise à mieux informer les consommateurs destinataires de contenus produits par des influenceurs des liens économiques unissant influenceurs et marques. Toute activité de promotion réalisée dans ce cadre par un influenceur devra être indiquée par un bandeau visible sur l’image ou la vidéo durant l’intégralité de la promotion. Cet article comprend également un II consacré à l’encadrement de la pratique du droshipping. L’influenceur devra désormais informer l’acheteur potentiel de l’identité du fournisseur effectif du produit. En outre, l’influenceur se livrant à une opération de dropshipping devra s’assurer de l’absence de caractère fictif du produit, d’une part, et du respect par le vendeur initial des conditions générales de vente, d’autre part.

Enfin, le nouvel article L. 122-29 du code de la consommation renvoie à un décret en Conseil d’État pour préciser les dispositions des articles précédents.

III.   LES MODIFICATIONS APPORTÉES PAR LA COMMISSION

La commission des affaires économiques a adopté les amendements suivants lors de l’examen du texte de la proposition de loi le mercredi 1er février 2023 :

– l’amendement CE19 présenté par M. Aurélien Taché. Ce dernier crée un nouvel article qui prévoit que le Gouvernement remette au Parlement, dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, « un rapport dressant un état des lieux exhaustif du développement des nouvelles pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence en ligne et sur les réseaux sociaux, des dérives constatées ainsi que des menaces associées » ;

– l’amendement CE20 présenté par M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement complète la rédaction du nouvel article L 222-27 du code de la consommation, pour intégrer l’interdiction absolue pour les influenceurs, de réaliser toute forme de publicité relative aux jeux d’argent, de hasard, aux paris hippiques et sportifs, aux jeux-vidéo dans certaines conditions ([16]), ainsi que la publicité concernant les boissons mauvaises pour la santé, l’alcool, et les offres de formation professionnelle non éligible au CPF.

L’adoption des trois sous-amendements portés par M. Stéphane Vojetta, CE31, CE32 et CE33, a néanmoins fortement réduit la portée initiale de cet amendement, en excluant les jeux-vidéos, les boissons mauvaises pour la santé, ainsi que les offres de formation professionnelle. Pour ces dernières, il reste donc possible, pour les influenceurs, de réaliser de la publicité les concernant à condition qu’un bandeau signale que le contenu visionné est réservé aux majeurs tout au long de la promotion ;

– l’amendement CE21, présenté par M. Arthur Delaporte, rapporteur, précise la nature des produits financiers pour lesquels il est interdit aux influenceurs de réaliser toute opération de publicité ou promotion ;

– l’amendement CE22, présenté par M. Arthur Delaporte, rapporteur, précise le périmètre des produits de santé, dispositif médicaux et actes de chirurgie pour lesquels il est interdit de réaliser toute forme de publicité ;

– l’amendement CE23, présenté par M. Arthur Delaporte, rapporteur, précise le champ d’application du principe d’interdiction de la publicité pour ne pas le restreindre aux seuls réseaux sociaux.

 

 

 

 

 

 

 


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examen en commission

Au cours de sa réunion du 1er février 2023, la commission des affaires économiques examiné la proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux (n° 672) (M. Arthur Delaporte, rapporteur).

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons à l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux, dont le rapporteur est M. Arthur Delaporte, à qui je souhaite la bienvenue.

J’ai déclaré irrecevables six amendements, qui étaient des cavaliers législatifs, car ils portaient sur les pratiques commerciales illicites et ne se limitaient pas aux seules pratiques des influenceurs. Le champ de la proposition de loi est ciblé : je vous invite à ne pas vous en écarter.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. « Je ne sais pas si vous cherchez vous aussi une bonne adresse pour les injections pour les lèvres, mais j’ai trouvé la personne idéale. Je vais vous indiquer son Insta, elle est top. J’ai rarement vu des lèvres aussi bien faites. Elle se déplace partout en France. N’allez pas chez n’importe qui. Après, je n’incite personne à faire des injections, vous êtes grandes, mais voilà. » Ces mots sont de Julia, qui les a écrits sur son compte Instagram, auquel 1 million de personnes sont abonnées. Julia n’a évidemment aucune formation en esthétique ni en médecine, elle était candidate à une émission de téléréalité. Elle a construit son audience en racontant son quotidien et, en montrant son intimité, elle entre dans celle de ses abonnés.

La loi de la jungle, c’est peut-être bientôt fini ; en tout cas, le non-droit n’est plus acceptable. Les dérives de l’influence soulèvent la question de l’adaptation de notre droit à la réalité des réseaux sociaux et aux mutations de la société. Je me réjouis de présenter devant vous cette proposition de loi visant à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Que l’Assemblée se saisisse d’un sujet aussi important pour le quotidien des Français était devenu indispensable.

Les réseaux sociaux ont complètement bouleversé nos façons d’être, d’agir, de consommer ; l’omniprésence des smartphones, partout et tout le temps, a transformé les relations avec les personnalités en rendant celles-ci faussement plus accessibles. Ces dernières années, la rémunération d’acteurs des réseaux sociaux, devenus des relais d’opinion, a suscité de nouveaux modes de publicité. La création de contenus sous contrainte a connu une massification tant de son audience que des montants injectés par un nombre croissant d’entreprises, qui recourent de plus en plus à l’influence en raison de l’efficacité de ce type de publicité.

Ce développement sans contrôle effectif d’une « civilité marchande », pour reprendre le concept de Louis Pinto, conduit à la mise sur le marché de la recommandation, qui est désormais rémunérée, parfois à hauteur de plusieurs milliers voire dizaines de milliers d’euros pour les comptes à plusieurs millions d’abonnés. On observe néanmoins le recours croissant à des influenceurs de plus petite taille, dits nano- ou micro-influenceurs, dont le taux de conversion des abonnés en consommateurs est plus élevé.

Ce capitalisme charismatique, qui avance parfois sous le couvert de « morale sanitaire », pour reprendre l’expression du chercheur Joseph Godefroy, a des effets sur les corps et sur les vies. Ses acteurs se sont largement laissé aller ces dernières années et ont bénéficié d’argent facile en multipliant les publications au contenu problématique. Combien d’alertes avons-nous reçues, chers collègues, concernant des inscriptions à des formations bidon, des arnaques en tout genre ou des produits défectueux ? Combien de Françaises et de Français se sont sentis floués par des influenceurs les ayant conduits à adopter des conduites addictives, à effectuer des placements financiers dangereux dans lesquels ils ont, pour certains, placé et perdu toutes leurs économies, ou à se lancer sans précaution dans des jeux ou des paris ? Honteuses et isolées, les personnes trompées n’ont souvent que leurs yeux pour pleurer.

Il était donc nécessaire de mettre en place une régulation ferme afin de protéger un public particulièrement vulnérable, notamment composé de mineurs, de jeunes ou de personnes à la situation économique précaire. Tel est l’objet de la présente proposition de loi, qui cible l’action des influenceurs dans un article unique, lequel définit juridiquement leur activité et encadre fortement les pratiques commerciales et publicitaires.

Cette proposition de loi est en outre un objet politique inédit – j’y reviendrai. On observe depuis quelques mois un foisonnement d’initiatives parlementaires. Je salue à cet égard nos collègues Aurélien Taché, le premier à avoir déposé un texte visant à réguler le monde de l’influence, Nadège Abomangoli et François Piquemal, qui ont fait de même, enfin, Stéphane Vojetta, qui a travaillé sur ce thème et avec lequel j’ai déposé une proposition de loi. Je remercie les administrateurs de la commission et mes collaborateurs, ainsi que l’ensemble des personnes que nous avons auditionnées. Je pense tout particulièrement aux victimes, si nombreuses, des dérives des influenceurs et aux collectifs qui se sont constitués, notamment celui d’aide aux victimes d’influenceurs (AVI), et à l’ensemble des vigies citoyennes : Vos stars en réalité, Signal-Arnaques, SignalConso, etc.

La présence des influenceurs sur les réseaux sociaux est un phénomène récent et massif. On estime qu’il y aurait environ 150 000 influenceurs sur les réseaux sociaux, dont les audiences et les revenus sont évidemment très variables suivant leur notoriété. Une publication peut rapporter quelques euros à certains mais quelques dizaines de milliers d’euros à d’autres. Un peu moins de la moitié d’entre eux – 44 % – disposent d’une audience comprise entre 1 000 et 5 000 abonnés. Il faut donc distinguer les nano-influenceurs, qui ont moins de 10 000 abonnés, des méga-influenceurs, qui en comptent plus de 3 millions – en général, on agrège les abonnés de l’ensemble des plateformes.

Leur force de frappe est puissante et ne varie pas qu’en fonction du nombre d’abonnés : elle dépend aussi du lien affectif tissé par l’influenceur avec sa communauté. Cette relation joue énormément dans la capacité à convertir l’audience en consommateurs. Il s’agit d’un marché potentiel de 42 millions d’individus. L’Autorité nationale des jeux (ANJ) estime qu’environ la moitié des abonnés pourraient cliquer sur un lien et effectuer un achat, ce qui est énorme. Ces chiffres sont alarmants, surtout si l’on tient compte des effets dévastateurs des jeux en ligne, avec lesquels on peut développer des comportements très addictifs et perdre beaucoup d’argent.

Les dérives sont nombreuses – j’en ai cité une en introduction de mon propos. La presse s’en fait largement l’écho. En septembre dernier, un numéro du magazine de France 2 « Complément d’enquête » et une première page du journal Libération étaient consacrés à ce phénomène. Depuis, pas une journée ne passe sans qu’un quotidien national ne consacre l’une de ses pages aux influenceurs.

Les escroqueries sont de toute nature. Elles prennent souvent la forme de publicité trompeuse pour des produits qui présentent des risques pour les consommateurs. Je ne citerai que quelques pratiques à titre d’exemple : la publicité clandestine, soit le fait pour les internautes visionnant un contenu de ne pas savoir de manière claire, précise, non ambiguë et en temps réel si ce contenu constitue ou non une publicité ; la vente de formations hasardeuses, financées parfois par le compte personnel de formation (CPF) – nous en avons parlé au moment de l’examen de la proposition de loi visant à lutter contre la fraude au compte personnel de formation et à interdire le démarchage de ses titulaires ; le dropshipping, ou livraison directe, pratique légale par laquelle le vendeur ne se charge que de la commercialisation et de la vente du produit, mais qui donne lieu à de nombreuses dérives comme la livraison de produits contrefaits ou de piètre qualité – quand il y a livraison. Je pourrais citer aussi la vente de faux voyages, la promotion de traitements miracles ou de lutte contre le cancer, ou encore l’encouragement à investir dans des cryptomonnaies, par le biais de la copie des positions ouvertes d’un individu sur un marché – le copy trading –, ou dans des jetons non fongibles (NFT).

J’appelle votre attention sur les conséquences de ces dérives, afin qu’elles ne restent pas abstraites. Dans le cadre de nos travaux, nous avons auditionné le collectif AVI, qui a évoqué l’arnaque au copy trading dans l’affaire Blata : chaque victime a perdu plusieurs milliers d’euros, et jusqu’à 50 000 euros pour l’une d’entre elles, dans le cadre de prises de position sur des actifs financiers. Les victimes ont souffert de dépression, ont tenté de se suicider et ont ressenti un profond désarroi après la trahison de la confiance qu’elles avaient placée dans la personne qui les incitait à dépenser leur argent.

Nous devons impérativement mettre fin à ces dérives. C’est dans cette perspective que j’ai déposé la présente proposition de loi, qui répond à trois objectifs. Le premier est pédagogique et vise à mieux informer les influenceurs sur leurs droits et leurs devoirs ; ils ignorent en effet trop souvent le cadre juridique existant. Les consommateurs doivent également connaître le cadre de référence dans lequel agissent ceux qui font de la publicité sur les réseaux sociaux. Le deuxième objectif, plus large, est d’ouvrir un débat de société sur ce sujet. La régulation de l’influence représente un enjeu social et démocratique majeur compte tenu de la taille de l’audience. C’est dans ce sens que Bruno Le Maire a lancé une grande consultation à Bercy ces derniers mois. Le troisième objectif est de compléter le cadre juridique – nous touchons là au rôle des parlementaires –, afin de lutter plus efficacement contre certaines pratiques et contre les dérives.

Cette proposition de loi constitue une première étape en vue des échanges que nous aurons sur la proposition de loi bipartisane que j’ai déposée avec mon collègue Stéphane Vojetta. Sur ces sujets, nous pouvons et devons tous nous retrouver pour réguler efficacement l’action des influenceurs sur internet. Il s’agit d’un objet politique nouveau, qui requiert l’union des forces républicaines pour bâtir le droit de l’influence en ligne. Ce texte, que nous allons amender, sera enrichi par vos apports ; il constitue le point de départ d’un groupe de travail dont les réflexions nourriront la proposition de loi bipartisane que nous examinerons en mars prochain. Je salue les amendements de Nadège Abomangoli, de François Piquemal, d’Aurélien Taché et de tous les collègues qui s’impliquent dans ce sujet.

Venons-en au contenu de l’article unique. Il crée une nouvelle sous-section au code de la consommation, composée de quatre nouveaux articles, numérotés de L. 122-26 à L. 122-29.

L’article L. 122-26, qui définit l’activité d’influenceur, est ainsi rédigé : « Toute personne physique ou morale qui fait la promotion directement ou indirectement de produits, actes ou prestations contre rémunération, y compris lorsque celle-ci est constituée par des avantages en nature, de manière active sur les réseaux sociaux et qui, par son statut, sa position ou son exposition médiatique dispose d’une audience pouvant influencer la consommation du public exerce l’activité d’influenceur. » J’ai fait le choix d’une définition très large, mais les auditions m’ont convaincu qu’elle pouvait être affinée : ce sera l’objet d’un amendement rédactionnel.

L’article L. 122-27 interdit la promotion sur les réseaux sociaux de certains produits, prestations et actes ayant donné lieu à des dérives : les produits pharmaceutiques, dispositifs médicaux et actes de chirurgie ; les placements ou investissements financiers numériques ; les abonnements à des pronostics sportifs ; les inscriptions à des formations professionnelles ; les jeux d’argent et de hasard.

En l’état, le texte prévoit un double mécanisme : une interdiction absolue de publicité pour les deux premières catégories et une interdiction relative pour les trois autres, contre lesquels il s’agit surtout de protéger les mineurs, qui sont plus vulnérables. Les auditions m’amènent toutefois à vous proposer une modification du texte. Compte tenu de l’ampleur des dérives, et pour garantir la clarté et la lisibilité du droit, il me semble préférable de fixer une interdiction absolue de publicité pour l’ensemble de ces éléments, tout en affinant la rédaction proposée. Les auditions ont également fait apparaître la nécessité de compléter cette liste.

Cette proposition de loi prévoit aussi un encadrement de la pratique du dropshipping : c’est l’objet de l’article L. 122-28. Il dispose que les influenceurs qui se livrent à cette pratique doivent s’assurer de l’absence de fictivité du produit ainsi que du respect par le vendeur initial des conditions générales de vente.

L’article L. 122‑29, enfin, dispose que les conditions d’application de l’article unique seront précisées par décret en Conseil d’État.

Ce matin, une collègue m’a rapporté l’anecdote suivante. Alors qu’elle visitait un collège, elle a demandé à des élèves ce qu’ils voulaient faire plus tard. Un tiers de la classe a répondu : « Influenceur ! ». J’espère que nous parviendrons avec ce texte, sinon à leur donner envie de devenir députés, du moins à les faire réfléchir à ce qu’est un influenceur et à prendre conscience que derrière les paillettes, il y a beaucoup de dérives.

M. Stéphane Vojetta (RE). Depuis plusieurs années, un nouveau mode de publicité se développe sur les réseaux sociaux : le marketing d’influence. Il est légitime que les annonceurs utilisent les influenceurs comme canal de communication et de promotion, mais les dérives et les excès de ce système alarment nos concitoyens, d’autant que les délais et la confidentialité des procédures en cours donnent un sentiment d’impunité.

En tant que parlementaires, nous ne pouvions pas rester les bras croisés face à des réseaux sociaux qui façonnent le développement cognitif et psychique de notre jeunesse, qui transforment la démocratie et qui influent sur nos choix de consommation, et parfois de vie – sans parler des valeurs détestables qu’ils véhiculent : argent facile, primat de l’apparence physique ou remise en cause de la laïcité.

Au cours des derniers mois, plusieurs initiatives parlementaires ont vu le jour, dans le but de réguler différents aspects de l’influence numérique. Le Gouvernement s’est également saisi de ce sujet et le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, M. Bruno Le Maire, a organisé une table ronde à Bercy, réunissant toutes les parties prenantes, avant de lancer une consultation publique. Au nom du groupe Renaissance, je me félicite de ces initiatives. Je travaille moi aussi, depuis plusieurs mois, à une proposition de loi sur le sujet. Pour être efficaces, nous devons travailler ensemble : c’est ce que nous allons faire avec Arthur Delaporte.

La proposition de loi qu’il nous soumet est de grande qualité et tout à fait complémentaire de celle à laquelle je travaille. Je me réjouis donc qu’en bonne intelligence, et malgré nos divergences sur bien d’autres sujets, nous ayons décidé de fusionner nos deux propositions de loi et de vous soumettre un texte commun et transpartisan au mois de mars. Il se nourrira des amendements de tous les parlementaires et sera également le véhicule législatif qui permettra de soumettre au Parlement les avancées issues des travaux de Bercy.

J’invite à mon tour tous les groupes politiques républicains à prendre part au groupe de travail qui va voir le jour. Il sera le cadre idéal pour retravailler certains des amendements qui ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, mais qui pourraient être redéposés sur notre texte commun, dont le champ sera plus large.

Mme Christine Engrand (RN). Hier, 1 million de Français défilaient dans la rue pour protester contre la réforme des retraites. Manifestement, ils n’étaient pas assez nombreux, puisque nous examinons aujourd’hui une proposition de loi sur les influenceurs ! Alors que nous sommes en pleine crise énergétique et que le pouvoir d’achat est en berne, le groupe Socialistes et apparentés n’avait-il rien de mieux à faire que de présenter ce texte, sachant qu’un autre portant sur le même sujet était déjà annoncé ?

Une fois passé ce moment de perplexité, force est de constater que cette proposition de loi n’apporte pas grand-chose et qu’elle ressemble plutôt à un coup de communication. Tels des influenceurs, vous faites les louanges d’un produit aux vertus révolutionnaires – votre proposition de loi – qui, in fine, ne tiendra pas ses promesses. Belle mise en abyme ! Si 60 % des influenceurs prennent des libertés avec la loi, ce n’est pas parce qu’elle est trop lâche, mais parce que les contrôles sont insuffisants et que leurs victimes sont souvent démunies. C’est bien beau de vouloir protéger les mineurs des jeux d’argent en incrustant un bandeau sur les vidéos qui en font la promotion, mais cela ne changera rien au contenu de ces messages publicitaires.

Ce bandeau, c’est un peu le bouton rouge sur lequel on dit aux enfants de ne surtout pas appuyer. Inévitablement, ils le font. Ce qu’il nous faut, ce sont des contrôles préalables et de la prévention, pas des gadgets de ce genre. À la marge – et certainement à l’insu de ses rédacteurs –, cette proposition de loi permettrait de tirer un trait, pour les influenceurs, sur les dérogations concernant la publicité pour des produits ou des dispositifs médicaux, et d’aller vers une responsabilisation. Ce qui manque à ce texte, c’est de la sincérité et de l’efficacité dans les mesures proposées. C’est pourtant le minimum qu’on pouvait en attendre.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Vous demandez si le groupe socialiste n’a pas mieux à faire que de déposer cette proposition de loi ; et vous, vous n’avez pas mieux à faire que de proférer des insultes ? Je suis indigné par vos propos et je crois que vous n’avez pas bien saisi l’ampleur du problème. Des millions de Françaises et de Français sont victimes d’arnaques ; ce sont souvent des gens aux revenus modestes et certains y ont perdu leur santé. Le groupe Socialistes et apparentés a décidé de faire de cette question une priorité et je le remercie de m’avoir accordé sa confiance.

Notre rôle de législateur est de préciser le cadre législatif. Pour punir les abus, il faut disposer d’une définition juridique de l’influenceur. Nous avons été élus pour faire la loi et nous allons la faire, avec les collègues de bonne volonté, loin des petites agressions auxquelles le Rassemblement national se prête trop souvent.

Quant au renforcement des contrôles, c’est le rôle du Gouvernement et de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF). J’indique d’ailleurs, dans mon projet de rapport, qu’il faut renforcer les moyens de cette dernière pour lutter contre les dérives sur les réseaux sociaux.

Je souhaite, à l’inverse, remercier M. Vojetta pour ses propos constructifs et l’ouverture d’esprit dont la majorité fait preuve, s’agissant d’un texte issu de l’opposition. Je salue la volonté de tous les groupes républicains de travailler ensemble dans un cadre apaisé, sans invectives. C’est assez rare dans notre assemblée pour être souligné. J’espère que ce travail nous permettra d’aboutir à un texte de qualité, que nous présenterons ensemble en mars prochain.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Depuis plusieurs années, nous sommes régulièrement interpellés par des personnes ayant été victimes d’escroqueries en ligne, après avoir suivi les conseils d’influenceurs. Les associations de victimes tirent la sonnette d’alarme, ces pratiques se développant.

Des personnes ont perdu des milliers d’euros dans des placements financiers douteux recommandés par des influenceurs. Tombés dans la spirale de la précarité et de la dépression, ils ont parfois du mal à en sortir ; leur vie est saccagée. Des articles de presse et la mobilisation de lanceurs d’alerte ont donné une visibilité salutaire à ces dérives. En tant que législateurs, nous nous devons d’accompagner ces luttes qui, jusqu’à présent, s’organisaient avec les moyens du bord. Grâce à l’action du collectif AVI, une plainte collective a fait réagir Meta, qui a fermé le compte Instagram d’influenceurs véreux.

Si les pratiques commerciales sont déjà encadrées, il nous incombe de définir les statuts d’influenceur et d’agent d’influenceur, de renforcer le régime des sanctions et d’améliorer notre politique de prévention. Le marché mondial de l’influence, qui représentait 1,6 milliard d’euros en 2016, a été multiplié par dix, pour atteindre 15,6 milliards aujourd’hui. Il est essentiel de réguler cette activité et votre proposition de loi y contribue. Elle complète le travail que j’ai entamé avec mes collègues Aurélien Taché et François Piquemal pour mettre fin à ce que l’on appelle communément le far west du marché de l’influence.

Avec M. Stéphane Vojetta, vous avez fait preuve d’ouverture en lançant l’idée d’un travail transpartisan et nous espérons qu’il sera le plus inclusif possible, puisqu’il est temps de donner un statut juridique aux quelque 150 000 influenceurs que compte notre pays. Il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur une profession, car certains influenceurs sont irréprochables, mais les guides de bonnes pratiques n’engagent que celles et ceux qui y adhèrent et il importe désormais que la loi encadre cette profession pour empêcher les dérives et les sanctionner.

Ce texte va dans le bon sens et répond aux attentes de nombreuses victimes d’arnaques. Nous vous proposerons des amendements pour aller plus loin et disposer d’une bonne base de travail pour l’avenir. Il faudra prêter une attention particulière au volet judiciaire et à la question des signalements, afin que les victimes ne se sentent plus délaissées.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il est vrai que l’autorégulation ne suffit pas : c’est, au choix, le far west ou la loi de la jungle. Vous avez raison, il ne s’agit pas de jeter l’opprobre sur tous les influenceurs. La plupart d’entre eux sont pleins de bonne volonté et cherchent simplement à tirer des revenus d’une activité qui n’est pas à condamner, en soi. Ce que nous condamnons, et ce qu’il importe de réguler, ce sont les dérives, les comportements véreux ou mafieux, les abus de confiance et les agissements qui, même de façon involontaire, peuvent avoir une incidence sur les consommateurs. Je me réjouis du travail commun que nous allons entreprendre sur cette base.

Mme Virginie Duby-Muller (LR). Je salue cette initiative législative visant à réguler le secteur de l’influence, car il est urgent d’agir. Dans une étude accablante portant sur une soixante d’influenceurs et d’agences d’influenceurs, la DGCCRF a montré que 60 % d’entre eux ne respectent pas la réglementation sur la publicité et les droits des consommateurs. Certains trompent sciemment le consommateur, en vendant des produits prétendument bios qui ne le sont pas ou en faisant de fausses allégations au sujet du covid. Pire, l’influenceur Dylan Thiry, ancien candidat de Koh-Lanta, faisait récemment la promotion d’un produit guérissant les « cellules cancérigeuses ». Il expliquait que ce produit n’était pas commercialisé en Europe, parce qu’il est plus intéressant que les gens aillent à l’hôpital et paient « une blinde ».

Outre celui de la beauté et de la santé, les influenceurs ont également investi le secteur de la finance. Ils sont nombreux à vendre des services financiers risqués – trading de cryptomonnaies ou NFT – ou à faire la promotion de paris aux résultats très aléatoires. À cela s’ajoutent la promotion de formations par l’intermédiaire du CPF et la pratique du dropshipping.

Ces influenceurs, majoritairement domiciliés à Dubaï, ont profité de zones grises qu’il convient de clarifier. Il importe de définir en France un statut de l’influenceur, assorti de sanctions pénales, afin de protéger les consommateurs, souvent jeunes ou fragiles. Il est temps que les 150 000 influenceurs que compte notre pays prennent leurs responsabilités lorsqu’ils produisent des contenus pour lesquels ils sont rémunérés. Les plaintes pour escroquerie se multiplient à l’encontre des « influvoleurs » et Meta, la maison mère de Facebook et d’Instagram, a dû fermer le compte de personnes incriminées, mais cela ne suffit pas. Il faut instaurer une véritable régulation pour protéger le public, notamment les mineurs.

Ce texte a aussi une vertu pédagogique, et c’est essentiel, car les influenceurs véhiculent auprès de notre jeunesse le culte de l’apparence et de l’argent facile. L’influenceuse EnjoyPhoenix se fait payer 1 000 à 15 000 euros pour un placement de produit, en fonction de la longueur de sa story. Pourquoi faire des études, alors qu’un téléphone suffit pour gagner des sommes folles ? C’est ce que doivent se demander beaucoup de jeunes.

Cette proposition de loi est une manière de sensibiliser notre jeunesse aux dangers du milieu des influenceurs, qui est un miroir aux alouettes. L’ouverture, par Bruno Le Maire, d’une consultation sur le sujet va également dans le bon sens. Le groupe Les Républicains votera pour ce texte, même s’il craint, compte tenu de sa place au sein de la niche du groupe Socialistes et apparentés, qu’il ne puisse pas être examiné en séance publique.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. La proposition de loi que nous vous soumettrons en mars avec Stéphane Vojetta concernera toute la chaîne de l’influence, depuis la question de la responsabilité des plateformes et des agences, jusqu’à la dimension fiscale, qui reste à construire. J’espère que vous vous associerez à nos travaux. Toute la difficulté tient au fait que l’influence a quelque chose d’évanescent, ou en tout cas de dématérialisé, et que certains influenceurs vivent hors de nos frontières. Et pourtant, l’influence a des effets bien réels sur le corps et la vie des Français.

Mme Louise Morel (Dem). Certaines émissions de téléréalité réunissent quotidiennement plus de 1 million de téléspectateurs. Ces émissions une fois achevées, leurs candidats se voient souvent proposer des partenariats sur les réseaux sociaux et des cachets dont le montant dépend de leur cote de popularité. Ils peuvent recevoir plusieurs milliers, voire plusieurs dizaines de milliers d’euros, pour réaliser une publicité, sous forme de story. Or ces partenariats sont très peu encadrés et échappent à de nombreuses règles du droit français : ils ne comportent pas de conditions générales de vente et l’identité des fournisseurs est inconnue. Plus grave, les publicités se multiplient pour des actes chirurgicaux, des placements financiers très risqués sans aucun avertissement, des fraudes au compte personnel de formation, etc. Face à la multiplication des arnaques en tout genre et des abus, il est plus que temps de créer un statut juridique encadrant ce nouveau métier d’influenceur et de sanctionner les mauvais comportements. Votre texte est donc bienvenu, mais j’ai trois remarques à formuler.

La première concerne le seuil d’audience à partir duquel on peut être considéré comme un influenceur. Vous renvoyez à un décret, ce qui donnera toute latitude au Gouvernement en la matière. Or il faut tenir compte du fait que le nombre d’abonnés sur les réseaux sociaux peut évoluer rapidement, donc modifier le statut de certains influenceurs. Avez-vous déjà pensé à un seuil qui vous semblerait pertinent ?

Votre texte interdit aux influenceurs de faire la promotion de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et d’actes de chirurgie. Il impose également de faire figurer un bandeau sur les publications faisant la promotion de pronostics sportifs et de jeux d’argent ou de hasard. Tout cela va dans le bon sens, mais ne faudrait-il pas également interdire la vente de produits de contrefaçon ?

Ma dernière question concerne la coopération que l’on peut attendre des plateformes, souvent étrangères, comme Meta, TikTok, Twitch ou encore Twitter. Comment réagissent-elles à ces initiatives législatives ? Faut-il leur imposer nos règles ? Sommes-nous en mesure de le faire ou faudra-t-il passer par la voie de la négociation ?

Le groupe Démocrate, en tout cas, est prêt à travailler à un texte transpartisan.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Les auditions ont montré que le seuil d’audience n’était pas forcément le critère le plus pertinent pour mesurer l’influence : je proposerai donc de ne pas le retenir dans la définition de l’influenceur. Même avec moins de 1 000 abonnés, un nano-influenceur peut avoir un impact réel sur la vie des gens et sur leur consommation. Le fait qu’il soit possible d’acheter des abonnés complique encore les choses et fait que le nombre d’abonnés n’est certainement pas le critère le plus pertinent.

Je vais vous proposer de supprimer le bandeau au profit d’une interdiction pure et simple des publicités pour les paris sportifs et les jeux d’argent, afin de protéger les plus jeunes. Nous n’avons pas abordé spécifiquement la question de la contrefaçon, même si la pratique du dropshipping y est liée. La contrefaçon étant déjà abordée dans plusieurs articles du code du commerce et du code de la consommation, ce champ est en partie couvert, mais on peut imaginer d’introduire des dispositions à ce sujet dans le texte qui sera examiné en mars.

Enfin, Stéphane Vojetta et moi allons bientôt auditionner les représentants des plateformes. Nous espérons faire de notre texte un cadre juridique contraignant, auquel les plateformes devront se soumettre.

M. Dominique Potier (SOC). Bravo pour ce travail et cette approche transpartisane ! La question du langage est en effet un angle mort de la République, pour la gauche, comme pour tous les partis républicains.

La place grandissante des influenceurs met en lumière deux phénomènes : la privatisation croissante de l’agora, où la publicité tend à prendre le pas sur les messages à caractère public, et la nécessité de réguler internet, dans la mesure où nous entrons dans une civilisation numérique.

Dans un monde sans foi ni loi, nous devons lutter contre la servitude que nous impose la publicité, sous toutes ses formes. J’aimerais contextualiser les choses, en m’appuyant sur le rapport BIG CORPO : Encadrer la pub et l’influence des multinationales : un impératif écologique et démocratique. Chaque année, en France, ce sont 31 milliards d’euros qui sont dépensés dans la publicité, et seulement 3,7 milliards pour les politiques de prévention en santé publique. Les trois leaders du fast-food dépensent 350 millions par an pour leur publicité en France. Notre collègue Loïc Prud’homme, dans ses travaux sur l’alimentation industrielle et les dangers de la malbouffe, a montré que les enfants sont exposés en permanence à des publicités pour des produits trop gras, trop sucrés, trop salés et contenant des édulcorants. Que peuvent les messages publics face à ce rouleau compresseur ?

La malbouffe, lorsqu’elle est associée à la sédentarité, multiplie les risques de diabète et d’obésité et constitue une bombe à retardement sanitaire. C’est l’équilibre de notre système de sécurité sociale qui est en jeu, sans parler des souffrances endurées par les personnes concernées, qui sont surreprésentées dans certaines catégories sociales. Avez-vous pris en considération ces questions ? Comment améliorer la prévention et l’information sur la santé ?

La proposition de loi que vous déposerez avec Stéphane Vojetta abordera-t-elle la question de l’éducation aux médias et celle de la prévention, par l’éducation nationale et par l’éducation populaire ? Enfin, on ne peut pas ne pas poser la question de la fiscalité. Vu le niveau de rémunération des influenceurs et leur localisation, c’est à nouveau le problème des paradis fiscaux qui se pose : il importe de les combattre.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Je vous remercie pour cette analyse du rôle de la publicité dans nos vies et dans l’espace social ; vous la critiquez, sans pour autant remettre en cause internet, et vous avez raison, car on lui doit le meilleur et le pire, et il se situe le plus souvent dans une zone grise.

L’augmentation des volumes injectés dans la publicité par les marques est en partie responsable de l’essor spectaculaire de l’influence au cours des dernières années. La publicité sociale a augmenté de 48 % entre 2013 et 2019 et de 18 % entre 2019 et 2021. Nous ne sommes qu’au début de l’évolution de ce marché, qui croît chaque année de façon quasi exponentielle. C’est pour cela aussi qu’une activité régulatrice est nécessaire.

Les effets de ces pratiques sur la santé publique et sociale sont l’un des principaux objets de cette proposition de loi. Elle est authentiquement socialiste, parce qu’elle vise à réguler et à protéger les publics les plus vulnérables.

M. Xavier Albertini (HOR). Comme beaucoup de Français, j’ai plongé, il y a quelques semaines, dans le monde, non pas merveilleux, mais impitoyable, des influenceurs. Nous avons en effet appris par voie de presse que la papesse des influenceurs, dont je n’avais jamais entendu parler, avait fort à faire avec un de ses anciens clients, un rappeur fort médiatique, connu pour ses saillies sur les réseaux sociaux, qui l’accusait de pratiques commerciales trompeuses. Booba, pour ne pas le nommer, a également dénoncé les pratiques trompeuses d’un autre influenceur, Marc Blata, qui invitait sa communauté à investir dans les cryptomonnaies. Ce dernier a d’ailleurs été arrêté à Dubaï.

Ces faits divers à paillettes, rebondissant de clash en clash sur Twitter ou sur les plateaux d’émissions populaires, ont eu le mérite de nous montrer qu’il y avait un énorme vide juridique, parce que le législateur n’avait pas anticipé l’avènement de ce nouveau métier d’influenceur. Cette situation pourrait faire sourire, si elle n’était à la fois grave et préoccupante. Je suis consterné par les valeurs promues sur TikTok – l’argent facile, le luxe, l’individualisme, la vie facile –, et plus encore par l’audience et le pouvoir d’attraction de ces personnes sur leur communauté, alors même que certains influenceurs s’adressent à elle par des insultes.

Vente de faux traitements médicaux ou de produits revendus plus cher que le prix du marché, promotion d’achats risqués, de jeux d’argent ou de hasard : les méthodes sont connues pour arnaquer des communautés d’abonnés comprenant souvent des personnes mineures. Alors oui, il est nécessaire de créer un statut de l’influenceur ; oui, il faut interdire la promotion de produits dangereux ; et oui, il faut rendre obligatoire la mention : « Placement de produit ».

Parce que ce sujet est grave et qu’il nécessite d’être abordé dans sa globalité et sa complexité, nous pensons qu’il aurait été opportun de nous laisser un peu plus de temps pour bâtir un texte plus global, et surtout transpartisan, afin de légiférer une bonne fois pour toutes en la matière. Néanmoins, le groupe Horizons et apparentés ne fera pas obstacle à l’adoption de ce texte.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Je tiens à préciser que le rappeur Booba n’était pas un client de celle que vous appelez la « papesse des influenceurs », Mme Magali Berdah. Il est vrai, cela dit, qu’un différend les a opposés, qui a conduit à ces dénonciations. Le rappeur Booba a été une sorte de lanceur d’alerte et il a collecté des plaintes visant des influenceurs qui travaillaient dans l’agence de Mme Berdah. Toutefois, cela a aussi entraîné, en retour, des comportements agressifs, voire haineux, envers Mme Berdah. Je tiens à dire, puisque vous m’en donnez l’occasion, qu’on ne peut pas cautionner le déferlement de la violence et de la haine en ligne, contre qui que ce soit.

J’aimerais évoquer un aspect de la question qui n’est pas abordé dans la proposition de loi, mais qui me tient à cœur. L’influence véhicule des stéréotypes sexistes, elle valorise l’hypersexualisation et des critères de réussite qui peuvent paraître assez déconnectés du réel. C’est souvent le fait de personnes qui, parce qu’elles engrangent énormément d’argent, ont un mode de vie très différent de la plupart des gens, y compris de la majorité des influenceurs. La grande majorité d’entre eux ne sont pas riches et ne vivent pas dans une maison luxueuse à Dubaï. La réalité de l’influence a peu de rapport avec les images que véhiculent certains influenceurs.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Dylan Terry qui vante des produits tuant les cellules « cancérigeuses » ; Julien Tanti – 6 millions d’abonnés sur Instagram – qui vend de la poudre à charbon censée blanchir les dents mais reconnue comme dangereuse pour la santé ; des jeunes ruinés par les arnaques aux cryptomonnaies de Marc Blata : la liste des arnaques des influenceurs, ou « influvoleurs », pour reprendre le terme popularisé par Booba, est longue et on n’en connaît certainement qu’une toute petite partie.

Depuis des mois, dans ma circonscription, à Cergy, des jeunes m’interpellent, parce qu’ils ont été victimes d’arnaques, relayées par les influenceurs. Les jeunes des quartiers populaires sont en effet les principales victimes de ce phénomène. Dès le mois de novembre dernier, j’ai donc été le premier à déposer une proposition de loi visant à donner un cadre légal à l’activité d’influenceur. Mes collègues François Piquemal et Nadège Abomangoli ont ensuite fait de même.

Je partage votre volonté d’interdire la promotion d’abonnements aux paris sportifs, qui sont très dangereux pour beaucoup de jeunes. Rappelons que 4,5 millions de personnes font des paris en ligne et qu’ils parient, en moyenne, plus de 300 euros.

Les pouvoirs publics ont tardé à réagir. Une consultation vient d’être lancée par Bercy mais, à ce stade, on a l’impression que le Gouvernement privilégie l’autorégulation, ce qui ne surprend personne.

La DGCCRF manquant de moyens financiers et techniques, nombre d’escroqueries restent impunies. Tout semble permis, dans un marché sans foi ni loi, alors que des sanctions pourraient être prises si on le voulait vraiment. Voilà des mois que le couple Blata et d’autres personnalités sévissent sur les réseaux sociaux en pratiquant l’arnaque au trading de cryptomonnaies. Internet est devenu un terrain plus que favorable aux escroqueries : en août 2022, on apprenait qu’un youtubeur se faisant appeler Crypto Gouv avait arnaqué près de 300 personnes et détourné 4 millions d’euros. Ces escroqueries touchent de plus en plus de jeunes qui, pour épargner, misent sur les cryptomonnaies. En interdisant aux influenceurs de promouvoir un projet crypto contre une rémunération, vous allez dans le bon sens.

Votre proposition de loi contient de nombreuses mesures intéressantes et notre groupe votera en sa faveur. Néanmoins, il souffre de plusieurs manques ; je pense en particulier qu’il faudrait introduire l’obligation d’un contrat entre l’influenceur et son agence.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Votre important travail contribuera, à n’en pas douter, à l’amélioration du cadre législatif que nous préparons. La proposition de loi que nous présenterons en mars visera notamment à réguler les relations entre l’influenceur et son agence.

Vous avez évoqué les arnaques au trading et, plus précisément, au copy trading, une pratique qui consiste à copier des opérations de placements financiers qui sont présentées, notamment par les Blata, comme très rentables. Tout cela est évidemment extrêmement risqué. D’après le collectif AVI, les victimes de cette arnaque ont perdu 1 500 euros en moyenne.

M. Max Mathiasin (LIOT). Ceux qui font le choix d’être influenceurs aspirent souvent à la lumière mais, dernièrement, ils se sont retrouvés sous le feu des projecteurs en raison d’agissements à la limite de la légalité. Promotion de gélules censées guérir les cellules cancéreuses, arnaques aux cryptomonnaies, publicités mensongères : tous ont souhaité tirer profit de leur renommée, mais surtout de la naïveté de leur communauté, souvent jeune et influençable.

Ces pratiques sont d’ores et déjà condamnables. Les agissements liés aux cryptoactifs, par exemple, relèvent de l’abus de confiance, du vol, de l’escroquerie et, plus globalement, du droit général pénal. Ce qui est nouveau, c’est le support de ces arnaques : les réseaux sociaux. De même, lorsqu’une de ses publications est publicitaire, l’influenceur se doit de le préciser explicitement. Dans le cas contraire, elle relève de la pratique commerciale trompeuse. En dépit de l’existence d’un cadre juridique, ainsi que de l’ancienneté et de l’ampleur de ces abus, les sanctions sont rares.

J’estime que la priorité est de renforcer les moyens des services de la répression des fraudes, des douanes, de la lutte contre la cybercriminalité et de la police judiciaire. Il importe également de former les services de l’État à ces nouvelles technologies et à la lutte contre ces nouvelles formes d’arnaque. Cela étant, le groupe LIOT est favorable à la définition d’un nouveau cadre juridique, notamment à la création d’un statut de l’influenceur et à une clarification, dans la loi, des placements de produits interdits.

Nous nous interrogeons sur le caractère opérationnel de cette proposition de loi pour les influenceurs basés à l’étranger. Nombre d’entre eux s’installent à Dubaï, attirés par un statut fiscal avantageux. N’y a-t-il pas un risque qu’ils échappent aux dispositions du présent texte, d’autant qu’ils sont de plus en plus nombreux à créer leur entreprise sur place ?

M. Arthur Delaporte, rapporteur. La proposition de loi que nous présenterons en mars contiendra des dispositions relatives aux influenceurs qui vivent à l’étranger. Nous proposerons de leur imposer d’avoir un représentant légal en France, ce qui nous permettra de les soumettre au droit français. Je tiens toutefois à rappeler que la plupart des influenceurs vivent en France et sont bien français. La plupart des 150 000 influenceurs, c’est monsieur ou madame Tout-le-monde. Ceux qui vivent à Dubaï sont une minorité : ils représentent moins de 1 % du total.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des autres députés.

Mme Jacqueline Maquet (RE). À l’heure où les réseaux sociaux sont devenus de puissants outils de promotion commerciale, modifiant en profondeur l’acte d’achat, l’éducation et la sensibilisation des adolescents sont une priorité absolue si l’on veut lutter contre les dérives des influenceurs. Les jeunes n’ont en effet que très peu de distance critique envers eux. Ils ignorent bien souvent le fonctionnement des plateformes et des algorithmes sur TikTok, Instagram ou YouTube. Ce sont pourtant les algorithmes de suggestion qui organisent le marketing sur les réseaux sociaux à travers les fils d’actualité, les commentaires et les publications. La transmission de compétences informationnelles permettrait de renforcer la capacité d’agir, l’esprit critique et l’autonomie des jeunes et de promouvoir des comportements de consommation plus responsables sur les réseaux sociaux. Cela me semble indispensable dans la société numérique qui est la nôtre.

J’ai pris connaissance de la volonté d’intégrer la sensibilisation contre l’escroquerie dans la proposition de loi transpartisane déposée par nos collègues Arthur Delaporte et Stéphane Vojetta. Ne faudrait-il pas aller plus loin dans ce domaine dès aujourd’hui ?

M. Hervé de Lépinau (RN). Monsieur le rapporteur, votre réaction m’étonne. Cette commission, qui a eu à examiner des textes compliqués, a toujours respecté les différents intervenants. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas emballé par votre proposition de loi qu’on doit subir de telles remarques. Nous avons le droit de juger son contenu faible et redondant avec ce qui existe déjà ainsi qu’avec le texte à venir. Je souhaiterais que vous fassiez preuve d’un minimum de respect envers les commissaires aux affaires économiques. Vu que vous êtes notre invité, ce serait la moindre des choses.

M. Éric Bothorel (RE). Je salue le travail accompli. On a beaucoup entendu parler d’arnaques aux cryptomonnaies ; je vous invite à regarder l’excellent documentaire intitulé Crypto Queen, diffusé sur Arte et consacré à la plus grosse arnaque en la matière : 4 milliards de dollars détournés.

Face à ces menaces, notre pays ne reste pas sans agir. Je pense par exemple au déréférencement de la plateforme Wish. Des actions sont toujours possibles pour protéger les consommateurs des attitudes délétères de certains acteurs.

Comment ces différentes propositions de loi vont-elles s’articuler avec le règlement européen relatif à un marché unique des services numériques (Digital Services Act ou DSA) et avec le règlement européen relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique (Digital Markets Act ou DMA) ?

M. Stéphane Vojetta (RE). Je m’exprimerai en tant que corapporteur de la future proposition de loi commune.

Les propos de notre collègue du Rassemblement national, s’ils n’étaient pas insultants, révélaient par rapport aux enjeux de ces textes une déconnexion que je trouve choquante. Je suis à votre disposition, chers collègues, pour vous expliquer à quel point ces propositions de loi sont importantes ; nous nous devons de modifier le rapport des jeunes avec les réseaux sociaux.

Nous aurons l’occasion d’en reparler, mais l’articulation de nos propositions de loi avec le DSA et avec le DMA est une question fondamentale, sur laquelle nous travaillons en liaison avec le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Il faudra veiller à leur bonne coordination avec la transposition de ces textes en droit français.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Nous sommes en effet en train de travailler sur la question du DSA ; ce sera l’un des objets du texte à venir.

De même, le développement de l’esprit critique et de l’autonomie des jeunes sera l’un des enjeux du dernier article de la proposition de loi commune, consacré à l’éducation.

Monsieur de Lépinau, non seulement les propos de votre collègue sont complètement déconnectés des enjeux de ce texte, mais vous prétendez que j’ai été insultant alors que ce ne fut pas le cas. Vous traitez ma proposition de loi de faible. Je pense au contraire que la régulation que nous proposons est forte et ambitieuse. Nous aurons l’occasion de le démontrer.

Enfin, vous dites que je suis invité dans cette commission, mais c’est faux : j’en suis membre à part entière. Je n’ai pas à être invité par les membres du Rassemblement national, et j’en suis fier.

 

 

Article unique (Articles nouveaux L. 122-26, L. 122-27, L. 122-28 et L. 122-29 du code de la consommation) : Création au sein du code de la consommation d’une définition de l’influenceur et renforcement de la régulation de la publicité en ligne et des pratiques de dropshipping mises en œuvre par ces mêmes influenceurs

 

 

Amendement CE24 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement tend à synthétiser et à clarifier la définition de l’activité d’influenceur, qui sert de fondement à cette proposition de loi. L’absence de définition juridique rend actuellement impossible l’application d’un régime de régulation spécifique, ce qui serait pourtant nécessaire vu les dérives. La définition que je propose inclut les personnes tant morales que physiques et repose sur la création et la diffusion de contenus en ligne contre rémunération ou tout avantage en nature. J’ai ajouté que cela était réalisé « à l’occasion de l’expression de [l]a personnalité » de manière à cibler la spécificité de l’influenceur.

Mme Louise Morel (Dem). La définition nous paraît encore trop large. Vous évoquez l’expression de la personnalité, mais pas la notion d’influence ni celle de notoriété. Une entreprise qui disposerait d’une page sur un réseau social risque d’être qualifiée d’influenceur. Nous voterons contre l’amendement.

M. Stéphane Vojetta (RE). Je préférais la rédaction initiale. Il serait dommage de la modifier en dernière minute. Nous aurons tout le temps d’y retravailler collectivement afin de s’assurer que la définition de l’activité d’influenceur correspond bien au phénomène que nous souhaitons cibler.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Peut-être, mais c’est déjà un début. Saluons l’initiative du rapporteur et adoptons cet amendement.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il y a peu de différences par rapport à la version initiale. Quelques précisions ont été apportées à la suite de la consultation de services juridiques, notamment de ceux du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. En outre, remplacer « réseaux sociaux » par « moyen de communication électronique » permettrait de couvrir un champ plus large, et notamment d’intégrer Twitch et Telegram. Vous voterez en votre âme et conscience mais je souhaite vivement que cet amendement soit adopté. Quoi qu’il en soit, il ne s’agit que d’une base de travail, destinée à être enrichie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CE8 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Les codes de communication adoptés par de nombreuses enseignes commerciales sur les réseaux sociaux s’inspirent directement des méthodes employées par les influenceurs. La définition proposée risque de faire peser le poids des dispositions du présent texte sur des personnes morales exerçant une activité d’influence par destination, sans qu’elles puissent pour autant être expressément qualifiées d’influenceurs.

Le principal écueil de la proposition de loi réside ainsi dans la confusion des multiples formes juridiques que cette activité peut recouvrir : un influenceur peut être aussi bien salarié qu’entrepreneur. Pour tenir compte de cette réalité, et afin d’éviter toute interprétation abusive, nous proposons de préciser que sont concernés les individus exerçant une activité d’influence en tant que personne physique ou par l’intermédiaire d’une personne morale.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Avis défavorable : cette précision est superfétatoire.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE10 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). La mise en place d’un bandeau informatif, même s’il est incrusté dans le support de la publication promotionnelle, ne permet pas d’atteindre l’objectif visé. Une étude de l’Autorité nationale des jeux souligne que 73 % des jeunes savent que les jeux d’argent leur sont interdits. Dès lors, les informer de ce qu’ils savent déjà paraît inutile.

Si l’on souhaite sincèrement garantir la protection des mineurs contre ces pratiques, on ne peut pas se satisfaire de laisser aux annonceurs la possibilité d’atteindre, même collatéralement, ce public. L’enjeu est crucial, puisqu’en dépit des textes déjà contraignants en la matière, les mineurs sont surexposés – c’est du moins ce que relève l’Autorité nationale des jeux : sur un échantillon d’adolescents âgés de 15 à 17 ans, 34,8 % d’entre eux déclarent avoir déjà joué à un jeu d’argent, un sur deux utilisant internet pour jouer. C’est d’autant plus inquiétant que l’enquête explique que les comportements à risque chez les jeunes concernent davantage les pratiques en ligne.

Dès lors, il semble inconcevable que la proposition de loi aille moins loin que les textes en vigueur. Pour protéger efficacement les enfants, il faut empêcher l’exposition à de telles publicités sur les réseaux sociaux. En effet, 35 % des jeunes joueurs déclarent avoir vu des publicités pour les jeux d’argent sur ces réseaux.

En conséquence, l’amendement vise à étendre les interdictions en vigueur sur les réseaux sociaux à toute publicité faisant la promotion de produits ou de prestations interdites aux mineurs et à faire reposer le respect de cette obligation sur les plateformes plutôt que sur les influenceurs, de manière à assurer un contrôle a priori.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Avis défavorable. Cet amendement est caractéristique de la volonté des forces d’extrême droite de faire émerger une société de la surveillance et de l’interdiction absolue. Il ne me semble ni opportun, ni nécessaire, ni souhaitable. De surcroît, la formulation « Les réseaux sociaux ont […] l’obligation d’interdire » n’est absolument pas conforme aux règles de base de l’écriture juridique.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE23 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il s’agit de remplacer « sur les réseaux sociaux » par « par un moyen de communication électronique ».

M. Stéphane Vojetta (RE). C’est une modification nécessaire si nous voulons que les dispositions du texte s’appliquent à certaines plateformes sur lesquelles se développent des arnaques – je pense notamment à Telegram.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendements CE22 et CE21 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Par l’amendement CE22, je propose une nouvelle rédaction de l’alinéa 6, afin de préciser le champ de l’interdiction des publicités des actes de santé en faisant expressément référence au code de la santé publique. Il serait ainsi interdit aux influenceurs de faire la publicité de produits pharmaceutiques, de dispositifs médicaux et d’actes de chirurgie, dont ceux de chirurgie esthétique. En revanche, la publicité pour les produits cosmétiques serait exclue du champ.

L’amendement CE21 tend quant à lui à substituer à l’alinéa 7 cinq nouveaux alinéas afin d’interdire aux influenceurs de faire de la publicité pour un ensemble de produits et services financiers présentant des risques importants de perte pour les consommateurs. La rédaction est alignée sur l’article L. 222-16-1 du code de la consommation.

Pour mémoire, il existe aujourd’hui deux types de restriction de la publicité pour des instruments financiers ou des cryptoactifs : une interdiction visant la publicité, directe ou indirecte, diffusée par voie électronique relative à certains produits – les contrats financiers les plus risqués – et une interdiction visant toute publicité, directe ou indirecte, diffusée par voie électronique ayant pour objet d’inviter une personne par le biais d’un formulaire, à demander ou à fournir des informations complémentaires, ou à établir une relation avec l’annonceur, en vue d’obtenir son accord pour la réalisation d’une opération relative à certains autres produits : actifs numériques, sauf pour les prestataires de services sur actifs numériques agréés, et offre au public de jetons, sauf lorsque l’annonceur a obtenu le visa.

Le présent amendement appliquerait donc ces interdictions aux influenceurs en couvrant à la fois les produits risqués déjà visés à l’article L. 222-16-1 du code de la consommation, les placements et investissements dans des actifs numériques qui ne sont pas directement liées à des services sur actifs numériques – en particulier les offres de livrets cryptos –, et les jetons non fongibles (NFT), enjeu majeur de la régulation de l’influence.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendement CE20 de M. Arthur Delaporte et sous-amendements CE31, CE32 et CE33 de M. Stéphane Vojetta, amendement CE4 de Mme Nadège Abomangoli (discussion commune).

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Je vous propose d’insérer trois nouveaux alinéas afin de durcir le dispositif et de tenir compte de ce qui a été déclaré par les acteurs lors des auditions. Il s’agit d’interdire la publicité portant sur les jeux d’argent et de hasard, sur les jeux de paris sportifs et les paris hippiques, sur les boissons dont la consommation est nuisible à la santé, en particulier les boissons alcoolisées, ainsi que sur les offres de formation professionnelle non éligibles au compte personnel de formation, donc de mauvaise qualité.

M. Stéphane Vojetta (RE). Je souhaite modifier légèrement la rédaction de l’amendement du rapporteur en prévision du travail transpartisan à venir. Cela concerne notamment la question de la malbouffe, déjà mentionnée par notre collègue Potier, et les jeux vidéo. De nouvelles auditions préciseraient utilement les éventuels effets de bord. Il convient de creuser un peu le sujet avant d’opter pour une formulation définitive.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). « En bande organisée, ils veulent vous dévaliser. » Qui ? Les influvoleurs, certes, mais aussi ceux qui font la promotion des jeux d’argent et des paris sportifs auprès de jeunes souvent précarisés qui savent que si l’argent ne fait pas le bonheur, le bonheur ne remplit pas l’assiette. Les arnaques pullulent – je ne parle pas ici de ceux qui promettent des pensions de retraite à 1 200 euros sans préciser qu’il s’agit du montant brut et que cela suppose d’avoir validé quarante-trois annuités.

« Tout pour la darone » ? Ce slogan ne vise pas à promouvoir la retraite à 60 ans, malheureusement. Non, il s’agit d’une stratégie afin de créer une addiction chez les jeunes. Santé publique France révèle que ceux-ci sont six fois plus susceptibles de développer une addiction et que 70 % des joueurs sont endettés auprès des banques. Or je rappelle que les deux tiers de l’audience d’Instagram ont moins de 35 ans et que 40 % des visiteurs de TikTok se situent dans la tranche des 15 à 24 ans. Il est donc urgent de protéger les jeunes contre les addictions en interdisant la promotion des jeux d’argent et de hasard par les influenceurs. Tel est le sens de notre amendement.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Lors des auditions, nous avons constaté à quel point les dérives liées à la consommation alimentaire pouvaient avoir des effets négatifs sur les corps – en particulier la consommation de boissons énergisantes ou très sucrées. J’entends néanmoins les remarques qui ont été émises et, si vous souhaitez approfondir la discussion, j’émettrai un avis favorable au sous-amendement CE32.

En revanche, je suis défavorable au sous-amendement CE33. Les formations professionnelles non-éligibles au CPF sont de piètre qualité et, en la matière, les influenceurs font vraiment n’importe quoi. Il convient d’envoyer un signal fort sur ce point – ce qui ne signifie pas que la rédaction de cette disposition ne pourra pas être précisée par la suite.

Vous pensez, monsieur Vojetta, que l’interdiction de la publicité concernant certains jeux vidéo est trop large, car elle risquerait de toucher des activités parfaitement ludiques. Je l’entends. Néanmoins, nous devrons continuer à travailler sur le sujet, d’une part, parce que les jeux vidéo favorisent les conduites addictives, d’autre part, parce que certains jeux qui semblent gratuits font ensuite basculer l’utilisateur vers des mécanismes d’achat. Avis favorable sur le sous-amendement CE31, donc, mais sous réserve d’une précision ultérieure.

Si « Tout pour la darone » ne s’applique pas en effet à la réforme des retraites, monsieur Piquemal, ce type de slogans est un des éléments constitutifs des publicités faites par certains influenceurs pour instaurer un lien de confiance et enclencher des mécanismes d’achat. Toutefois, votre amendement me semble satisfait par le mien. C’est pourquoi je vous en demande le retrait ; à défaut, mon avis sera défavorable.

M. Stéphane Vojetta (RE). Pour engager ce travail transpartisan, nous sommes convenus de créer une sorte de bulle de paix. Nous nous sommes dit que même si nous n’étions pas d’accord sur tout, nous allions essayer de travailler sereinement sur le sujet, chacun apportant ses propositions, sans que quiconque tente d’en tirer politiquement profit. Avançons donc ensemble en laissant de côté les questions qui fâchent : les retraites, les milliardaires, etc.

L’amendement CE4 est retiré.

La commission adopte successivement les sous-amendements et l’amendement CE20 sous-amendé.

 

Amendement CE25 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement vise à donner la possibilité de prononcer, en plus de la peine prévue au III du nouvel article du code de la consommation, une peine complémentaire de suspension de l’accès à un service de communication au public en ligne, pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire, pendant la même période, un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur.

Je m’inspire là de dispositions du type de celles qui avaient été prévues dans la loi « Hadopi », et dont les effets dissuasifs ont été vérifiés.

M. Stéphane Vojetta (RE). Cet amendement a été déposé très tardivement, et je souhaiterais que le texte ne soit pas censuré par le Conseil constitutionnel. J’ai en tête le précédent de la loi Avia, qui avait été vidée de sa substance par le Conseil constitutionnel parce qu’elle avait fait peser sur les réseaux sociaux l’obligation de retirer dans les vingt-quatre heures les contenus illégaux qui n’avaient pas été jugés compatible avec la liberté d’expression. Je crains que la formulation proposée ne pose les mêmes problèmes. Je suggère de prendre un peu plus de temps pour y travailler.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il est vrai que le dépôt tardif de cet amendement ne nous a pas forcément permis de mûrir une réflexion collective. Dans un esprit de concorde, je le retire.

L’amendement est retiré.

 

Amendement CE1 de Mme Nadège Abomangoli.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Je propose de pratiquer le name and shame à l’encontre des influenceurs qui auraient enfreint le code de la consommation. Porter atteinte à la réputation des influenceurs revient d’une certaine manière à les taper au
porte-monnaie, tout en informant les consommateurs.

D’après un sondage récent, 40 % des 18-24 ans font plus confiance aux influenceurs qu’à la publicité. Ces chiffres sont bien connus des entreprises françaises, qui ne cessent de développer des stratégies marketing en direction des influenceurs. La relation de « confiance » instaurée entre les utilisateurs des réseaux sociaux et les influenceurs rend en effet les premiers vulnérables à des escroqueries. Il convient donc, si les pratiques de l’influenceur sont condamnées, de briser cette confiance par l’apposition d’une bannière sur les comptes des réseaux sociaux dudit influenceur. C’était le cas par le passé, pour la presse à scandale, lorsqu’un titre était condamné. Il faut responsabiliser les plateformes et les faire participer à la bonne information de leurs utilisateurs. Je remercie la maman de Pavillons-sous-Bois qui est à l’origine de cette idée.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Si je partage l’intention de l’amendement – il serait en effet utile que toute sanction prononcée par l’administration fasse l’objet d’une publicité en ligne –, il me semble nécessaire de prolonger encore la réflexion car il s’agit d’un sujet nébuleux. Du point de vue juridique, je ne pense pas que ce soit le bon angle d’action. Il ne faudrait pas courir le risque de l’inconstitutionnalité. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Éric Bothorel (RE). L’amendement vise les fournisseurs de services de communication au public en ligne, comme les fournisseurs d’accès internet tel Orange, mais ils n’ont pas accès à la gestion des comptes des réseaux sociaux. Tout ce qu’ils peuvent faire, c’est un blocage de système de noms de domaine (DNS) pour empêcher l’accès à un site ou à un réseau – c’est ce qui se pratique en cas de contenu pédopornographique. On ne peut pas leur demander d’appliquer une bannière sur un contenu géré par une plateforme !

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Je maintiens l’amendement. Même si, j’en conviens, la rédaction est à revoir, il importe qu’il y ait une information à destination des utilisateurs.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE16 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Depuis des mois, le sujet des influenceurs et des influvoleurs enflamme les réseaux sociaux, du fait notamment de l’explosion du nombre de placements de produits frauduleux.

Des textes législatifs encadrent la pratique des partenariats commerciaux et les professionnels du secteur réunis au sein de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ont adopté de bonnes pratiques visant à définir les conditions et les modalités selon lesquelles la collaboration doit être renseignée ; certains travaillent aussi sur la création de labels, comme le label influence. Cependant, force est de constater qu’en pratique, de nombreux contenus à caractère publicitaire n’indiquent pas l’existence d’un partenariat entre la marque et l’influenceur. Le cadre légal est insuffisant et l’autorégulation des acteurs ne saurait suffire. Souvenez-vous : lorsque Magali Berdah, dans l’émission « Complément d’enquête », a été questionnée sur la promotion d’une montre connectée, elle a répondu qu’elle pratiquait « en totale transparence » et que, si elle ne portait pas cette montre le jour de l’entretien, c’était en raison d’une « tendinite au bras »… CQFD.

Le présent amendement instaure l’obligation pour les influenceurs de mentionner explicitement la finalité publicitaire de tout contenu diffusé en ligne qui revêtirait un caractère laudatif à l’égard d’une entité commerciale industrielle, artisanale, libérale ou agricole ou qui serait destiné à promouvoir la fourniture de biens et de services.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Je tiens, monsieur Taché, à vous remercier pour l’ampleur et la qualité de votre travail. Toutefois, il ne me paraît pas opportun, pour des raisons de cohérence, de reprendre les quarante-deux alinéas de votre propre proposition de loi dans celle-ci. Le cadre fixé par le présent texte me semble suffisant. Je vous invite à examiner avec nous comment insérer dedans une partie des dispositions que vous proposez. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Je vais saisir la main tendue mais je maintiens l’amendement afin qu’un maximum d’alinéas soient repris dans le texte transpartisan.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Après l’article unique

 

 

Amendement CE15 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Des plaintes collectives, réunissant plus d’une centaine de personnes regroupées dans le collectif AVI, ont été déposées vendredi 20 janvier auprès de la procureure de Paris. Elles accusent des influenceurs, dont certains viennent de la téléréalité, d’escroquerie et d’abus de confiance. On trouve évidemment parmi eux le couple Blata, contre lequel les accusations d’escroquerie se multiplient depuis des mois sur Twitter et Instagram. « En lançant ces recours, souligne le collectif, nous souhaitons mettre en garde le public jeune et moins jeune sur les dangers de promotion de certaines “stars” sans scrupule. » Ces “stars” sont ce qu’on appelle aujourd’hui des influenceurs. Malheureusement, il n’en existe aucune définition juridique.

La présente proposition de loi permet d’avancer dans cette direction. Toutefois, le premier impératif serait de donner la définition la plus précise possible de l’influenceur ainsi que son articulation avec d’autres activités, comme mannequin, artiste-interprète ou auteur. Mon amendement vise aussi à rendre obligatoire la conclusion d’un contrat écrit entre l’agent et chacun des influenceurs qu’il représente.

Une autre disposition figurant dans ma propre proposition de loi est la possibilité de contrôler le service après-vente grâce à un numéro de téléphone actif. Il arrive en effet qu’une personne qui perd ses cheveux après avoir utilisé un shampoing à la composition douteuse n’ait personne contre qui se retourner.

Enfin, l’amendement prévoit en cas de manquement des sanctions pénales allant jusqu’à six mois d’emprisonnement et une amende de 75 000 euros.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Voilà encore un amendement très dense. Les sujets abordés sont intéressants et certains sont d’ailleurs traités par le présent texte. Il faudrait examiner dans le détail comment les dispositions que vous préconisez pourraient prendre place de manière cohérente dans le cadre juridique que nous souhaitons créer.

Les auditions que nous avons menées font en outre apparaître que le code du travail n’est pas forcément le véhicule le plus opportun pour définir l’influenceur. Les influenceurs ne sont pas des salariés : il n’existe pas de lien de subordination avec un employeur. Il convient plutôt de privilégier le code de la consommation, dans une optique de protection du consommateur.

Je vous propose de retirer l’amendement, en attendant d’échanger plus longuement sur le sujet.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). L’inscription de la définition de l’influenceur dans le code du travail me semble au contraire nécessaire pour une bonne articulation avec les professions voisines. Je maintiens donc l’amendement. Néanmoins, vous pouvez compter sur moi pour soutenir le texte et travailler à son amélioration.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE19 de M. Aurélien Taché.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Le marché de l’influence est évalué à 15 milliards d’euros et 500 000 influenceurs contracteraient des partenariats publicitaires ; 4 % d’entre eux vivraient très confortablement. Pourtant, il n’existe aucune régulation des relations entre influenceurs et agents ou influenceurs et marques. Selon l’Observatoire de l’influence responsable 2021/2022, seuls 47 % des contenus sponsorisés sont correctement signalés.

J’ai été alerté il y a plusieurs mois sur l’ampleur des arnaques liées aux influvoleurs et c’est pourquoi j’ai déposé une proposition de loi sur le sujet. Il est néanmoins difficile de se faire une idée précise des arnaques subies. Les cas de shampoings à la composition douteuse, de régimes dangereux pour la santé, de commandes qui n’arrivent jamais sont légion ; ils sont relayés notamment par les collectifs de victimes. Pour que nous puissions en avoir une idée plus précise, cet amendement vise à ce que le Gouvernement rende, dans un délai de six mois à compter de la promulgation du présent texte, un rapport dressant l’état des lieux exhaustif des nouvelles pratiques commerciales et publicitaires liées au marché de l’influence en ligne et sur les réseaux sociaux, ainsi qu’une synthèse de l’ensemble des possibilités d’actions en justice, individuelles et collectives, qui s’offrent aux victimes de pratiques commerciales déloyales liées au marché de l’influence.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Il est vrai que nous manquons de données fiables. On parle tantôt de 500 000, tantôt de 150 000 influenceurs. On ne sait jamais vraiment qui cela concerne. On a du mal à évaluer le volume du marché publicitaire de l’influence. Certes, la DGCCRF mène un travail poussé d’analyse mais je suis plutôt favorable à votre amendement, qui aurait le mérite de souligner l’intention du législateur d’en savoir plus. Il s’agirait en quelque sorte d’un appel au Gouvernement. Ce serait en outre une manière de saluer la qualité du travail que vous avez fourni.

M. le président Guillaume Kasbarian. Dans presque tous les textes, on introduit des demandes de rapport. Je me permets de vous rappeler que nous disposons, en tant que commission permanente, de la possibilité de conduire des missions d’information, ce qui nous évite d’avoir à demander au Gouvernement de faire des rapports à notre place.

La commission adopte l’amendement.

 

Amendement CE6 de Mme Nadège Abomangoli.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Cette demande de rapport vise à accroître les moyens de la DGCCRF, qui joue un rôle essentiel dans la répression des pratiques commerciales illicites de certains influenceurs. C’est d’ailleurs cette administration qui avait procédé aux contrôles et aux sanctions à l’encontre de Nabilla en 2020, manière de signaler que la puissance publique n’allait pas laisser pulluler les pratiques douteuses sur les réseaux sociaux. Toutefois, alors que le marché de l’influence n’a cessé de croître de façon exponentielle depuis 2016, avec une multiplication par dix de son chiffre d’affaires, les effectifs de la DGCCRF stagnent.

La définition d’un cadre juridique nécessite que l’on veille à son respect. Il faut nous donner les moyens de notre ambition. C’est pourquoi nous souhaitons demander au Gouvernement un rapport sur la mise en adéquation des moyens de la DGCCRF avec l’objectif de lutte contre les dérives des influenceurs.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Cet amendement me permet de saluer, au-delà du travail que M. Piquemal et vous avez fourni, celui des agents de la DGCCRF, qui sont mobilisés sur tous les fronts, en particulier sur celui de la lutte contre les pratiques illégales ou frauduleuses en ligne. Demander un rapport serait une bonne manière d’alerter le Gouvernement sur la nécessité de renforcer les moyens. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement CE5 de Mme Nadège Abomangoli.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Il s’agit d’une autre demande de rapport visant à interpeller le Gouvernement sur la future application en France du DSA et du DMA. Ces règlements européens témoignent d’une réelle ambition de réguler le champ du numérique à l’échelle du continent. Leur application nécessitera en revanche un dialogue constant avec les autres autorités européennes, notamment avec la commission irlandaise de protection des données – nombreuses sont les plateformes hébergées dans ce pays. Ils prévoient également que chaque pays nomme des « signaleurs de confiance », dont les notifications seront examinées en priorité. Cela permettra un contrôle accru des activités des plateformes.

Par cet amendement, nous souhaitons focaliser le débat sur les plateformes, restées en marge de la proposition de loi. Nous aimerions savoir à partir de quels critères seront désignés les signaleurs de confiance. Nous estimons que les associations nationales de consommateurs auraient toute leur place dans ce dispositif.

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Un projet de loi de transposition va être déposé : nous aurons donc l’occasion d’en reparler. Par respect pour le travail du Parlement, j’émettrai un avis défavorable sur cet amendement.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Pour une fois que nous disions du bien l’Union européenne ! (Sourires.)

M. le président Guillaume Kasbarian. Je confirme qu’un projet de loi de transposition du DSA et du DMA est en préparation. Il devrait être déposé au printemps et notre commission en sera probablement saisie au fond.

M. Stéphane Vojetta (RE). La proposition de loi transpartisane consacrera en outre un chapitre au DSA et aux plateformes. D’ici là, nous aurons eu le temps de travailler avec Bercy et de nous faire expliquer le projet de loi de transposition.

M. Éric Bothorel (RE). En outre, le Gouvernement s’est déjà largement exprimé sur ses intentions en la matière. Nous avons même commencé à introduire certaines dispositions dans notre droit – je pense au texte visant à lutter contre la cyberhaine. Des débats auront lieu sur le sujet au printemps. Une demande de rapport ne me semble vraiment pas utile.

La commission rejette l’amendement.

 

La commission adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le rapporteur, je vous félicite pour votre travail et pour le caractère transpartisan de votre démarche. Je suis à votre disposition si vous souhaitez organiser, dans le cadre de la commission, des auditions sur le sujet. Travaillons tous ensemble sur ce beau projet !

M. Arthur Delaporte, rapporteur. Je remercie pour ma part l’ensemble des collègues qui ont participé à cette réunion dans un esprit constructif et bienveillant. Une telle respiration est bénéfique à tous. Elle permet en outre de mettre en valeur le rôle du Parlement. Dans les mois qui viennent, nous allons construire ensemble un nouveau cadre juridique. Prochaine étape : jeudi, en séance !

 

 

 


—  1  —

Liste des personnes auditionnÉes

par ordre chronologique

 

Table-ronde rassemblant des « vigies citoyennes »

Signal Arnaques

Le radis irradié

Vos stars en réalité

Antidrop

Table ronde rassemblant des associations professionnelles :

Union des métiers de l’influence et des créateurs de contenu (UMICC)

Mme Carine Fernandez, présidente

M. Stéphane Bouillet, secrétaire général

Association des agences-conseils en communication (AACC)*

Mme Alexandra Basset, directrice juridique

Union des marques (UM)*

M. Jean-Luc Chetrit, directeur général

Mme Laureline L’Honnen-Frossard, directrice des affaires juridiques

Union des entreprises de conseil et d’achat média (UDECAM)

M. Damien de Foucault, directeur général

Mme Léa Burlaud, chargée d’affaires publiques

Syndicat du conseil en relations publics (SCRP)

Mme Sandrine Cormary présidente, directrice générale d’Omnicom PR Group

Mme Anne-Mareille Dubois, déléguée générale

Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP)*

M. Mohamed Mansouri, directeur délégué

Mme Magali Jalade, directrice des affaires juridiques et publiques

 

 

 

 

 

 

Direction générale des entreprises (DGE)

M. Jean-Christophe Duton, directeur de projets en droit des affaires

M. Grégoire Caillou, chef de service

Autorité des marchés financiers (AMF)

M. Benoit de Juvigny, secrétaire général

M. Maxence Delorme, directeur des affaires juridiques

Mme Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants

Table-ronde « chercheurs » :

Mme Anaïs Szkopinski, maitre de conférences en droit privé et sciences criminelles, Université de Versailles – Saint Quentin en Yvelines

M. Benoît Lopez, maître de conférences en droit privé - co-directeur du Master 1/2 Droit des ressources humaines et de la protection sociale (Université Paris Saclay) - Membre nommé de la Commission Consultative de l’université Paris-Saclay

Mme Marie Malaurie-Vignal, professeur agrégée, Université de Versailles-Saint-Quentin-en- Yvelines (Paris-Saclay), Membre du laboratoire DANTE Fondation droit animal éthique et sciences (LFDA)

Audition commune :

Agence nationale de la sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM)

M. Frédéric Dittenit, directeur adjoint et délégué à la protection des données

Mme Christelle Ratignier-Carbonneil, directrice générale

Autorité nationale des jeux (ANJ)

Mme Christel Fiorina, directrice des marchés, de la conformité et de la protection des joueurs

Mme Eléonore Camilleri, responsable des sujets relatifs à la publicité des jeux d’argent au sein de l’ANJ

Représentants du collectif d’aide aux victimes d’influenceurs (AVI).

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire des représentants d’intérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

 

 


([1])  Les influenceurs exercent également sur des messageries comme Telegram, ou sur d’autres plateformes numériques de partage comme Snapchat.

([2]) Un peu plus de la moitié d’entre eux réalise ces pratiques via l’utilisation d’un téléphone portable, d’après la direction générale des entreprises.

([3]) Le Monde, « Comment réguler le Far West des influenceurs », 8 janvier 2023.

([4]) La transposition de la directive du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs du marché intérieur au sein du code de la consommation a rendu illégal le fait d’assurer qu’un service assure des chances de gagner aux jeux de hasard.

([5]) Proposition de loi de Mme Nadège Abomangoli, M. François Piquemal, M. Aurélien Taché et plusieurs de leurs collègues visant à renforcer la prévention contre les pratiques commerciales illicites liées au marché de l’influence sur internet et à renforcer la lutte contre ces pratiques.

([6]) Cette proposition a été formulée par M. Benoît Lopez, maître de conférences en droit privé, lors de son audition.

([7]) Ces qualifications variables dépendent du rôle donné à l’influenceur dans le cadre de sa relation économique avec l’entreprise qui le sollicite. D’une façon plus générale, l’inscription du statut d’influenceur au sein du code du travail pose la question de la pertinence de la requalification en contrat de travail du lien parfois très ponctuel qui peut unir les influenceurs et les marques. Sur cette question, il est possible de se référer aux travaux de M. Tristan Girard-Gaymard, docteur en droit, et à son article « Les influenceurs et le droit » qui résulte d’une contribution à un colloque organisé le 27 septembre 2019 sur le thème de l’esprit d’entreprise (dir. Jacques Mestre).

([8]) Ces derniers se sont récemment structurés autour d’une union des métiers de l’influence et de la création de contenus (UMICC).

([9]) Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

([10]) Loi du 19 octobre 2020 visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.

([11]) Décret n°2020-1616 du 22 décembre 2020 portant modification du code de déontologie des médecins et relatif à leur communication professionnelle.

([12]) Une exception est néanmoins prévue au même article pour les médicaments mentionnés à l’article L. 5121-2 du même code (produits supprimant ou réduisant l’envie de fumer) et pour des vaccins soumis à prescription médicale ou remboursables.

([13]) Recommandation ARPP « Publicité des produits financiers et d’investissement, et services liés ».

([14]) Il vise les produits qui présentent des caractéristiques tels que le risque maximal ne peut être connu au moment de leur souscription, le risque de perte est supérieur au montant de l’apport financier total ou lorsque le risque de perte rapporté aux avantages éventuels correspondants n’est pas raisonnablement compréhensible au regard de la nature particulière du contrat financier proposé.

([15]) Ces obligations résultent de l’application de l’article L. 320-12 du code de la sécurité intérieure.
Ces communications doivent être assorties d’un message de mise en garde contre le jeu excessif ou pathologique ainsi que d’un message faisant référence au système d’information et d’assistance prévu à l’article 29 de la loi n° 2010-476 du 12 mai 2010 relative à l’ouverture à la concurrence et à la régulation des jeux d’argent et de hasard en ligne.

([16]) Lorsque le fonctionnement de ces jeux repose de façon essentielle sur des mécanismes impliquant le hasard ainsi qu’un engagement financier des joueurs concernés.