N° 807

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er février 2023

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES, DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE SUR LA PROPOSITION DE LOI

portant création d’une contribution additionnelle

sur les  bénéfices exceptionnels des grandes entreprises (n° 662),

par Mme Christine PIRES BEAUNE

Députée

——

 

 Voir le numéro : 662

 

 



—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

AVANT-PROPOS

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique Création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises

I. L’ÉTAT DU DROIT : des dispositifs de taxation des bÉnÉfices des entreprises insuffisants au regard des profits exceptionnels rÉalisÉs

A. certaines grandes entreprises ont dÉgagÉ des bÉnÉfices exceptionnels dans un contexte marqué par les crises

1. La qualification économique des bénéfices exceptionnels

2. Des profits exceptionnels sont réalisés depuis 2020 par certaines entreprises

a. Des niveaux de profits inhabituels peuvent être identifiés au niveau macroéconomique

b. Les entreprises du CAC 40 ont réalisé des résultats très élevés depuis 2021

3. Le coût très élevé des aides publiques aux entreprises

B. une imposition des bÉnÉfices des entreprises en baisse qui se rÉvÈle inadaptÉe aux enjeux actuels

1. L’impôt sur les sociétés est un outil insuffisant pour taxer correctement les bénéfices

2. Une imposition des bénéfices inadaptée à l’économie moderne

C. Taxer les bénéfices exceptionnels : une décision politique qui repose sur des précédents et des exemples étrangers

1. La taxation des surprofits a été mise en œuvre à de nombreuses reprises dans l’histoire moderne

2. De nombreux pays européens ont récemment mis en place des taxes sur les surprofits

a. L’exemple italien : la taxation des ventes des entreprises du secteur de l’énergie

b. Un prélèvement additionnel sur les bénéfices des compagnies pétrolières et gazières opérant sur le territoire : le Royaume-Uni

c. Des dispositifs variés qui ciblent les surprofits

D. La loi de finances pour 2023 a instauré des dispositifs de taxation ciblés sur le secteur de l’énergie à la suite de l’adoption du règlement européen du 6 octobre 2022

1. La contribution de solidarité temporaire sur les secteurs des combustibles fossiles

2. La contribution sur la rente infra-marginale des producteurs d’électricité

II. Le dispositif proposÉ : une contribution additionnelle sur les bÉnÉfices excÉdentaires des grandes entreprises

A. une taxe ciblÉe sur les surprofits des plus grandes entreprises

1. Cibler les plus grandes entreprises

2. Le critère du surprofit : l’imposition du profit supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois la moyenne de 2017 à 2019

B. Une taxe assise sur les surprofits engendrés par les crises successives

C. Une taxation progressive des bÉnÉfices excÉdentaires

D. Les modalitÉs administratives de la nouvelle taxe

1. Les modalités de paiement de la nouvelle contribution

2. Une limitation dans le temps de la contribution

E. Un rendement attendu de plusieurs milliards d’euros

Travaux de la commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE


  1  

   AVANT-PROPOS

 

Alors que le Gouvernement cherche à trouver 12 à 18 milliards d’euros pour financer un système de retraites présenté comme au bord de la faillite en dépit de son excédent de 3,2 milliards d’euros à la fin de l’année 2022 et de 900 millions d’euros en 2021, la présente proposition de loi, qui permettrait de rapporter entre 15,7 et 41 milliards d’euros selon les estimations de l’Institut des politiques publiques ([1]), ne devrait pas manquer de retenir son attention. En effet, il est contradictoire de demander aux Françaises et aux Français de travailler deux ans de plus pour récupérer quelques milliards d’euros et, dans le même temps, de refuser de faire contribuer les sociétés les plus profitables au financement des aides aux entreprises en souffrance et aux ménages.

La variation des indices de prix s’est accélérée en 2022, selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) : l’inflation annuelle s’élève ainsi à + 5,2 %, après + 1,6 % en 2021 et + 0,5 % en 2020, résultant surtout d’une accélération des prix de l’énergie (+ 23,1 % après + 10,5 %) et de l’alimentation (+ 6,8 % après + 0,6 %). Liée aux situations de crise traversées depuis 2020, cette hausse des prix interroge sur les pratiques de certaines entreprises qui auraient profité des circonstances pour spéculer sur leurs prix et augmenter leurs marges. Le conflit en Ukraine a remis le débat sur la taxation des surprofits au cœur du débat public : ces mesures sont désormais urgentes afin de lutter contre les inégalités et les rentes, mais également de financer les services publics et d’investir dans la transition écologique et énergétique.

Ainsi, le secrétaire général de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) et le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies (ONU) ont, dès le printemps 2022, appelé à la mise en place de taxes sur les surprofits afin de réduire l’impact de l’inflation sur les économies. De nombreux pays européens ont mis en place des dispositifs en ce sens, selon des modalités variées, mais qui obéissent tous à une même logique : mieux financer les politiques publiques en rétablissant des conditions de concurrence équitables entre les acteurs économiques.

Des progrès ont certes été réalisés depuis le mois de juillet 2022, lorsque le ministre de l’économie affirmait qu’il ne savait pas ce qu’était un « superprofit ». Il est dommage qu’il ait fallu attendre que l’Union européenne lui en rappelle la définition avec le règlement du 6 octobre 2022 : les mesures d’application mises en place par la loi de finances pour 2023, qui ciblent uniquement le secteur de l’énergie, sont bienvenues mais demeurent insuffisantes au regard des profits réalisés dans d’autres secteurs.

Afin de compléter ces dispositifs, la contribution additionnelle proposée par la présente proposition de loi est assise sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, définis comme une augmentation du résultat net d’au moins 25 % par rapport à la moyenne réalisée sur la période triennale 2017-2019. Cette contribution additionnelle n’apparaît nullement excessive pour les entreprises qui génèrent de tels surprofits. L’impôt effectivement payé par les multinationales, une fois déduites les aides et subventions, n’est pas plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE : l’impôt sur les sociétés représente en effet 2,2 % du PIB en France, contre 3 % en moyenne dans l’OCDE ([2]). L’imposition des entreprises ne permet pas à l’heure actuelle de dégager des ressources suffisantes pour faire face à la crise, alors que les aides aux entreprises représentent plus de 30 % du budget de l’État. Or le rendement de la présente contribution pourrait être d’environ 20 milliards d’euros selon les experts auditionnés.

Le 5 janvier 2023, le président de la République, dans un profond et rare moment de sagesse, prononçait les mots suivants : « il n’est pas normal qu’il y ait des gens qui fassent de très gros profits dans un moment où on utilise quand même l’argent du contribuable pour aider les plus petits à résister, donc on va remettre un peu tout le monde d’équerre ». « Remettre un peu tout le monde d’équerre », c’est bien l’ambition de cette proposition de loi qui vise à taxer des profits anormalement élevés, découlant de circonstances extérieures, afin de les redistribuer aux ménages et entreprises en difficulté.

 

 

 



  1  

COMMENTAIRE DE L’ARTICLE UNIQUE

Article unique
Création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises

L’article unique de la présente proposition de loi prévoit la création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises.

Cette contribution concernerait les sociétés redevables de l’impôt sur les sociétés (IS) prévu à l’article 205 du code général des impôts (CGI) :

– dont le chiffre d’affaires est supérieur à 750 millions d’euros ;

– dont le résultat imposable pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de leur résultat imposable au titre des exercices 2017, 2018 et 2019.

Son assiette serait assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019.

L’excédent ainsi calculé serait soumis à une imposition au taux de :

– 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019.

La contribution additionnelle entrerait en vigueur à compter de la publication de la loi et s’appliquerait à l’exercice fiscal de l’année de son entrée en vigueur jusqu’au 31 décembre 2025.

L’article unique prévoit également que le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation provisoire de l’application de la présente loi avant le 31 décembre 2023 et un rapport d’évaluation définitif au plus tard le 31 juillet 2026.

L’article est rejeté à la suite de l’adoption de l’amendement CF22 prévoyant sa suppression.

I.   L’ÉTAT DU DROIT : des dispositifs de taxation des bÉnÉfices des entreprises insuffisants au regard des profits exceptionnels rÉalisÉs

Alors que les crises se succèdent depuis l’année 2020, marquée par la pandémie de Covid-19, et que l’inflation s’accélère à la suite de la forte augmentation des prix de l’énergie et des conséquences de la guerre en Ukraine, des profits records sont réalisés par certaines grandes entreprises opérant dans des secteurs d’activité variés.

Ces crises qui s’accumulent ont coûté environ 250 milliards d’euros à l’État pour financer les dispositifs de soutien aux ménages et aux entreprises en difficulté, dont 140 milliards d’euros au titre de la crise sanitaire et 110 milliards d’euros au titre de la lutte contre les effets de l’inflation. Dans le même temps, certaines sociétés se sont massivement enrichies : la taxation de leurs bénéfices exceptionnels permettrait de redistribuer une partie de cette manne, tant aux ménages qu’aux entreprises qui n’ont pas été autant affectés par les circonstances.

La taxation des surprofits, qui a déjà été mise en place dans l’histoire moderne en France et à l’étranger afin de répondre à des situations exceptionnelles, constitue une réponse appropriée aux déséquilibres observés qui a d’ailleurs été retenue au niveau de l’Union européenne. Toutefois, ces dispositifs ne suffisent pas à faire contribuer les entreprises ayant dégagé des profits de rente à une hauteur suffisante au regard des enjeux actuels.

A.   certaines grandes entreprises ont dÉgagÉ des bÉnÉfices exceptionnels dans un contexte marqué par les crises

À l’aune des crises actuelles, la littérature économique permet de qualifier « d’exceptionnels » les niveaux de profits générés par des grandes entreprises dans de nombreux secteurs de l’économie.

1.   La qualification économique des bénéfices exceptionnels

S’il existe une importante variété de définitions des profits exceptionnels dans la littérature économique, ils sont le plus souvent caractérisés comme des bénéfices supérieurs au niveau minimal de profit nécessaire à la rémunération du capital en raison d’un facteur extérieur exceptionnel.

Selon une étude publiée par des économistes du Fonds monétaire international (FMI) en 2022 ([3]), le profit total d’une entreprise peut se définir comme la somme de deux composantes : le rendement normal, qui est la somme du rendement sûr et de l’ajustement au risque, ainsi que la rente économique.

Ventilation du bÉnÉfice total d’une entreprise

Source : commission des finances, d’après Hebous, Prikardini & Vernon (2022).

Selon cette approche, la rente économique trouve son origine dans diverses sources non exclusives les unes des autres : à la fois par les caractéristiques propres à l’entreprise (comme le pouvoir monopolistique) ou à un lieu (par exemple pour les ressources naturelles), mais également par les profits inattendus – c’est-à-dire des gains fortuits générés par des événements extérieurs et imprévisibles. Ainsi, la rente économique équivaut aux bénéfices exceptionnels dans le sens où ces derniers constituent la partie du résultat d’une entreprise qui excède le rendement normal du capital et n’est pas liée aux décisions d’investissement.

Nos collègues David Amiel et Manuel Bompard, rapporteurs de la mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels durant la crise, proposent une définition similaire des surprofits : « des profits pourraient être qualifiés d’exceptionnels lorsqu’ils ne sont pas causés par des décisions stratégiques d’une entreprise » ([4]). Ils soulignent que la rentabilité d’une entreprise peut ainsi excéder la rentabilité « normale » du capital, ajustée du risque, pour des raisons « conjoncturelles, par exemple en raison d’un défaut d’ajustement de la demande et de l’offre, ou structurelles lorsqu’une entreprise occupe une position dominante sur un marché ».

Lorsqu’un projet d’investissement nécessite un taux de rendement de 15 % pour que les investisseurs s’engagent, tout le profit excédant ces 15 % est une rente : la rente, même taxée à 100 %, ne dissuade pas l’investissement. Dès lors, une taxe sur les bénéfices exceptionnels pourrait s’appliquer d’une façon similaire à l’impôt sur les sociétés, en ajoutant une tranche marginale avec un taux élevé au-dessus du seuil du rendement normal.

2.   Des profits exceptionnels sont réalisés depuis 2020 par certaines entreprises

La déstabilisation de la production de matières premières et des flux commerciaux depuis la crise sanitaire, accentuée notamment dans le secteur de l’énergie depuis le conflit en Ukraine, a entraîné une volatilité des prix qui a, elle-même, permis à de nombreuses grandes entreprises de réaliser des bénéfices exceptionnels.

a.   Des niveaux de profits inhabituels peuvent être identifiés au niveau macroéconomique

Le taux de marge, qui rapporte l’excédent brut d’exploitation à la valeur ajoutée brute, est un premier indicateur macroéconomique de la rentabilité des entreprises. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE), le taux de marge des entreprises du secteur de l’énergie est passé de 54,6 % au deuxième trimestre 2020 à 74,0 % au premier trimestre 2022, tandis que les prix y progressaient de 26,5 % en avril 2022 en glissement annuel. On observe la même relation entre les prix et les profits dans le secteur des transports : alors que les prix ont augmenté de 15,7 % sur les douze derniers mois en avril 2022, le taux de marge des entreprises du secteur a atteint 47,4 % au premier trimestre 2022 contre 28,2 % au deuxième trimestre 2020.

DÉcomposition du taux de marge des sociÉtÉs non financiÈres

 (variations t/t-1, en %)

 

2020

2021

2022

T1

T2

T3

T4

T1

T2

T3

T4

T1

T2

Taux de marge (en %)

30,5

31,1

30,9

34,4

36,4

36,0

32,6

32,0

31,7

32,2

Variation du taux de marge

– 2,5

0,6

– 0,3

3,5

2,0

– 0,3

– 3,4

– 0,5

– 0,4

0,6

Contribution à la variation du taux de marge

Productivité

– 3,7

– 8,4

11,7

– 1,2

– 0,3

0,1

1,2

– 0,5

– 0,4

0,1

Salaires réels

2,3

7,6

– 10,8

1,5

0,4

0,4

– 2,7

0,2

0,2

0,6

Cotisations sociales

0,0

– 0,1

– 0,2

– 0,2

– 0,1

– 0,1

0,4

– 0,1

– 0,1

0,0

Ratio du prix de la valeur ajoutée et du prix de la consommation

0,0

0,8

– 0,2

0,4

0,0

0,2

– 0,1

– 0,1

0,1

0,0

Autres éléments

– 1,1

0,6

– 0,8

2,9

2,0

– 1,1

– 2,2

– 0,1

– 0,1

– 0,1

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE.

Au cours du second semestre 2021 et du premier semestre 2022, alors que l’inflation en glissement annuel était de 5,8 % en juin 2022 contre 1,5 % en juin 2021 et que les gains de productivité se réduisaient, la baisse des salaires réels a permis aux entreprises de maintenir leur taux de marge à un niveau élevé de l’ordre de 32 %. En outre, la part de la rémunération des salariés – c’est-à-dire l’ensemble des salaires nets et des cotisations sociales salariales et patronales – dans la valeur ajoutée brute des sociétés non financières (SNF) a connu une baisse de 8,6 points en quarante ans, passant de 73,4 % en 1982 à 64,8 % en 2021.

Afin de qualifier l’existence de « surprofits » par secteurs d’activité, l’Institut des politiques publiques (IPP) s’est intéressé à l’évolution moyenne du taux de marge entre 2021 et les trois premiers trimestres de l’année 2022 ([5]). Cinq secteurs sont ainsi distingués : la cokéfaction et le raffinage, les transports, l’industrie agroalimentaire, les mines, énergie, eau, déchets et l’agriculture.

évolution moyenne du taux de marge entre 2021 et T1-T3 2022 par secteur

Source : comptabilité nationale et calculs de l’Institut des politiques publiques.

L’excédent brut d’exploitation (EBE) de ces secteurs est ensuite observé sur une période longue afin d’identifier l’existence d’un niveau de profit inhabituel. Ainsi, l’EBE du secteur de la cokéfaction et du raffinage a été multiplié par cinq depuis le début de l’année 2021, tandis que celui des secteurs des transports a été multiplié par près de trois et celui de l’énergie, eau, déchets par deux sur la même période, comme l’illustre le graphique suivant.

 

 

 

 

ExcÉdent brut d’exploitation dans les secteurs des transports,
de l’Énergie, eau, dÉchets et de la cokÉfaction et raffinage
par trimestre depuis 2005

(en millions d’euros)

Source : commission des finances, d’après les données de l’INSEE. 

Ces courbes d’EBE soulignent un niveau de profit inhabituel des secteurs représentés : alors que leur EBE stagne pendant quinze ans, la situation de volatilité des prix et de déséquilibre entre l’offre et la demande sur les marchés mondiaux a favorisé une croissance très forte de la performance de leurs activités opérationnelles depuis la fin de l’année 2020.

b.   Les entreprises du CAC 40 ont réalisé des résultats très élevés depuis 2021

Alors que les sociétés du CAC 40 n’avaient jamais dépassé les 100 milliards d’euros de résultat net depuis la création de l’indice, l’année 2021 a été exceptionnelle avec un résultat net part du groupe de près de 164 milliards d’euros. Les résultats des sociétés du CAC 40 ont ainsi augmenté de 78 % par rapport à la moyenne des résultats des années 2017 à 2019. Si les résultats nets (part du groupe) des entreprises du CAC 40 pour l’année 2022 ne sont pas encore connus, l’année 2022 devrait confirmer un niveau de profit inédit pour ces sociétés : les résultats au premier semestre 2022 étaient ainsi de 33 % supérieurs à ceux du premier semestre 2021 et supérieurs aux bénéfices totaux qu’ils enregistraient pour toute une année complète pendant la période 2008-2016.

 

 

 

RÉsultat net (part du groupe) des sociÉtÉs du cac 40 depuis 2017

(en milliards d’euros)

Note : hors Pernod Ricard, Alstom et EssilorLuxotica pour 2019 et 2020, en raison de résultats décalés.

Source : commission des finances, d’après PwC.

Surtout, une contribution insuffisante des entreprises sur leurs surprofits autorise une rémunération anormale des actionnaires. En 2022, la distribution de capitaux propres à leurs actionnaires par les entreprises du CAC 40 a atteint un record de 80,2 milliards d’euros, soit une augmentation de 50,8 % par rapport à la moyenne des années 2017-2019. Les trois premiers groupes ont représenté 31 % du volume total : TotalÉnergies (13,3 milliards d’euros de rachats d’actions ou de dividendes), LVMH (7,1 milliards d’euros) et Sanofi (4,7 milliards d’euros).

Dividendes et rachats d’actions au sein du cac 40 depuis 2010

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances, d’après vernimmen.net.

En augmentant la distribution de capital à leurs actionnaires, les grandes entreprises ont mis en évidence leur priorité et ce au détriment des investissements et d’une meilleure rémunération des salariés. Ainsi TotalÉnergies, qui n’a pas déclaré de bénéfices en France en 2021, a néanmoins réussi à verser 2,62 milliards d’euros de dividendes au titre d’un seul trimestre cette même année. Cette rémunération tout à fait excessive des actionnaires, qui laisse de côté une vision stratégique de long terme, souligne la nécessité d’instaurer des dispositifs de taxation des bénéfices plus efficaces et plus justes.

3.   Le coût très élevé des aides publiques aux entreprises

La base de données de référence sur les aides aux entreprises gérée par CMA France (le réseau des chambres des métiers et de l’artisanat) ([6]), fait apparaître que 1 804 aides publiques financières existent en faveur des entreprises. Ces aides peuvent être des dépenses fiscales, telles des mesures d’exonérations ou d’abattements, mais également des dépenses budgétaires comme des apports en capital et des subventions à l’installation ou à l’investissement.

Des chercheurs de l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES) ont publié en octobre 2022 une étude mesurant le montant des aides publiques aux entreprises avant la crise sanitaire de 2020 ([7]). Il ressort de cette analyse que le montant des aides publiques versé aux entreprises n’a jamais été aussi élevé : 157 milliards d’euros en 2019, dont 61 milliards d’euros résultant de dépenses fiscales, 65 milliards d’euros au titre de baisses de cotisations sociales et 32 milliards d’euros de dépenses budgétaires. Ce total a été multiplié par plus de deux depuis le début des années 2000, passant d’environ 3 % du PIB à 6,44 % en 2019, soit environ 30 % du budget de l’État contre 13 % il y a vingt ans.

TOTAL des aides publiques reçues par les entreprises entre 1979 et 2019

(en pourcentage du produit intérieur brut)

Source : commission des finances, d’après les données de l’IRES et de l’INSEE.

Ainsi, ces transferts de richesse publique aux entreprises n’ont cessé de progresser sur les dernières décennies. Ce soutien massif de l’État aux entreprises appelle, en retour, une contribution accrue des plus profitables d’entre elles à l’effort commun dans un contexte de crises et d’investissements indispensables à la transition écologique. 

B.   une imposition des bÉnÉfices des entreprises en baisse qui se rÉvÈle inadaptÉe aux enjeux actuels 

L’imposition des bénéfices des entreprises, en baisse constante depuis 2017, contraste fortement avec les profits particulièrement élevés réalisés par les grandes entreprises. Plus généralement, les modalités actuelles de taxation des bénéfices doivent être corrigées afin de faire contribuer les entreprises les plus profitables à la hauteur de leurs facultés et des besoins collectifs.

1.   L’impôt sur les sociétés est un outil insuffisant pour taxer correctement les bénéfices

L’assiette de l’impôt sur les sociétés (IS), définie pour l’essentiel aux articles 209 et 38 du code général des impôts (CGI), correspond au bénéfice des entreprises, c’est-à-dire à la différence entre les valeurs de l’actif net à la clôture et à l’ouverture de l’exercice fiscal, cet actif net s’entendant comme l’excédent des valeurs d’actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiées.

Cette assiette s’avère complexe et difficilement lisible. Ainsi, de nombreux postes viennent la réduire et diminuer l’impôt dû :

 l’intégration fiscale qui, outre différents retraitements neutralisant la prise en compte dans l’assiette de certaines opérations, permet de compenser les pertes et les profits des différentes sociétés constituant le groupe intégré ;

 le régime mère-fille, qui exonère à hauteur de 95 % les dividendes perçus par une société mère de ses filiales  exonération qui monte à 99 % pour les groupes fiscalement intégrés ;

 le régime d’imposition des plus-values à long terme tirées de la cession de titres de participation, exonérant à hauteur de 88 % ces plus-values ;

 la possibilité de reporter les déficits, en avant comme en arrière ;

 plus généralement, l’ensemble des dépenses fiscales qui participent à la réduction de l’assiette de l’IS en majorant certains éléments déductibles ([8]).

Le taux d’imposition sur les bénéfices des sociétés a été divisé par deux en quarante ans : de 50 % au début des années 1980, il n’est plus que de 25 % en 2023. La loi de finances pour 2018 a en effet introduit une diminution du taux normal de l’IS, de 33 1/3 % en 2017 à 25 % en 2022 ([9]). Ce taux est désormais réduit à hauteur du quart de son niveau prévalant jusqu’en 2017, ce qui a pour effet de réduire les recettes de plus de 11 milliards d’euros par an à compter de 2022.

Concernant les contributions additionnelles, à la suite de la suppression de la « surtaxe Fillon » égale à 10,7 % de l’IS dû, prévue à l’article 235 ter ZAA du CGI et éteinte à partir de 2016, et des contributions additionnelles créées par l’article 1er de la loi n° 2017‑1640 du 1er décembre 2017 de finances rectificative pour 2017, il ne demeure désormais plus que la contribution sociale sur l’impôt sur les sociétés, prévue à l’article 235 ter ZC du CGI et égale à 3,3 % de l’IS dû.

évolution du taux de l’impôt sur les sociétés (2017-2023)

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Taux normal de l’IS

33 1/3 %

33 1/3 %

33 1/3 %

31 %

27,5 %

25 %

25 %

Contribution sociale (3,3 %)

1,1 %

1,1 %

1,1 %

1,02 %

0,91 %

0,825 %

0,825 %

Contribution additionnelle LFR 1 2017 (30 %)

10 %

Taux facial

44,43 %

34,43 %

34,43 %

32,02 %

28,41 %

25,825 %

25,825 %

N.b. : il n’est pas tenu compte du taux de 28 % applicable aux premiers 500 000 euros de bénéfices entre 2018 et 2020.

Source : commission des finances.

En baissant le taux de son impôt sur les sociétés à 25 %, la France a participé à une compétition fiscale mondiale à la baisse : entre 1980 et 2019, le taux moyen au niveau mondial a connu une baisse de 20 points environ. Le taux facial de l’IS n’est désormais plus que de 25,825 %. En raison d’une assiette mitée et d’un taux qui a diminué d’un quart par rapport à son niveau de 2017, l’impôt sur les sociétés ne permet pas d’imposer suffisamment les bénéfices des entreprises.

2.   Une imposition des bénéfices inadaptée à l’économie moderne

 Les règles fiscales internationales reposent pour l’essentiel sur la notion d’établissement stable, c’est-à-dire la présence physique, requise pour reconnaître à un pays le droit d’imposer une entreprise y exerçant une activité.

Le projet BEPS (base erosion and profit shifting – « érosion de la base d’imposition et transfert des bénéfices ») conduit par l’OCDE propose une série de mesures destinées à moderniser la fiscalité internationale, en particulier concernant le concept d’établissement stable et la détermination du « nexus », c’est-à-dire du lien fiscal entre un pays et une entreprise.

 Les négociations débutées en 2016 à l’OCDE et au G20 s’articulent autour de deux « piliers » :

 le « pilier 1 » propose de nouvelles modalités de reconnaissance du « nexus » pour les pays de marché  par opposition aux pays de siège, où sont établies les multinationales  et une nouvelle règle de répartition des bénéfices entre les pays, indépendamment d’une éventuelle présence physique. Il convient de souligner que les activités extractives sont exclues du champ du pilier 1 : cette exclusion est motivée par le fait que les ressources naturelles non renouvelables constituent la propriété des États où elles sont situées et que les rentes économiques résultant des ressources extractives n’ont vocation à être taxées que dans les juridictions d’où elles sont extraites ;

 le « pilier 2 » vise à assurer que les groupes multinationaux, c’est-à-dire ceux réalisant plus de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires, s’acquittent d’un impôt minimum d’au moins 15 % sur les bénéfices qu’ils réalisent dans chacun des États ou teritoires où ils exercent des activités.

Ces initiatives sont bienvenues dans leur principe, mais leur aboutissement n’est pas acquis. En outre, leurs modalités sont particulièrement complexes et ne sauraient, à elles seules, permettre de répondre aux missions d’une fiscalité moderne.

● Les conclusions de la mission flash de la commission des finances de l’Assemblée nationale sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels durant la crise sont édifiantes : « alors que TotalÉnergies a payé 15,9 milliards de dollars de taxes dans le monde en 2021, la part des prélèvements obligatoires payés en France sur la même période s’élève à 1,7 milliard d’euros », dont environ 900 millions d’euros au titre des cotisations sociales. Sur les quinze dernières années, l’énergéticien français n’a été redevable en France de l’impôt sur les bénéfices des sociétés qu’à seulement sept reprises.

Les dernières réformes en discussion dans le cadre de l’OCDE, comme l’impôt minimum effectif (« pilier 2 ») ou la création de nouveaux droits d’impositions pour les pays de marché (« pilier 1 ») n’auraient ainsi pas permis de capter les surprofits réalisés par TotalÉnergies.

Ce constat alimente l’idée que l’impôt sur les sociétés fonctionne mal et qu’il pourrait être mieux utilisé pour taxer les rentes économiques et les redistribuer plus largement dans la société.

Les débats autour des modalités d’application d’une taxe sur les superprofits illustrent l’impact majeur des délocalisations de bénéfices et des paradis fiscaux sur les ressources des États. Les tentatives pour circonscrire le risque d’évaporation des ressources montrent que les solutions actuelles discutées au niveau international ne sont pas suffisantes pour taxer justement non seulement les surprofits, mais aussi les profits résultant du rendement normal des entreprises.

C.   Taxer les bénéfices exceptionnels : une décision politique qui repose sur des précédents et des exemples étrangers

Alors que la taxation des bénéfices exceptionnels est désormais une question installée dans le débat public, les enseignements historiques et les récents exemples de pays étrangers soulignent la pertinence du recours à la taxation de la rente économique dans un contexte de crises multiples.

1.   La taxation des surprofits a été mise en œuvre à de nombreuses reprises dans l’histoire moderne

Lors de sa conférence de presse du 21 mai 1940, le président américain Franklin D. Roosevelt déclarait « I don’t want to see a single war millionaire created in the United States as a result of this world disaster » ([10]). Historiquement, les taxes sur les profits exceptionnels ont été introduites de façon temporaire en sus de l’impôt sur les sociétés existant lors d’épisodes spécifiques, notamment pendant et après les deux guerres mondiales en Europe et aux États-Unis. Ainsi, au début de la Première Guerre mondiale, vingt-deux pays ont adopté une forme de taxe sur les profits exceptionnels. Ces taxes ont pu générer des revenus élevés : ainsi, en 1943, le revenu de la taxe mise en place aux États-Unis représentait 22 % des recettes totales du budget de l’État fédéral, soit 2,2 % du PIB ([11]).

Les modalités de ces dispositifs varient selon les pays et les époques, mais le raisonnement commun consiste à calculer les bénéfices excessifs à partir de la différence entre les bénéfices réels et ce qui est considéré comme un « rendement normal » des actifs. Le « rendement normal » était généralement défini comme le bénéfice moyen des deux ou trois années précédant le début de la guerre. Une autre méthode consistait à considérer les bénéfices dépassant un pourcentage fixe du capital comme des bénéfices excédentaires.

En France, la loi du 1er juillet 1916 établissait une contribution extraordinaire sur les bénéfices exceptionnels ou supplémentaires réalisés pendant la Première Guerre mondiale. Aux termes de l’article premier de la loi, cette contribution était due :

 par les personnes et entreprises, hors agriculteurs, ayant conclu des marchés avec l’État, directement ou en qualité de sous-traitant ;

 par les personnes et entreprises passibles de la patente et ayant dégagé des bénéfices en excédent par rapport à leur bénéfice normal ;

 par les propriétaires de mines passibles de la redevance proportionnelle prévue à l’article 33 de la loi du 21 avril 1810 sur les mines, minières et carrières.

En application de l’article 2 de la loi, cette taxe était assise sur l’excédent du bénéfice net de la période considérée (soit du 1er août 1914 au 31 décembre 1915, puis chacune des années suivantes) par rapport au bénéfice moyen des trois années précédentes. Son taux était de 50 %. Les articles 13 et 14 prévoyaient des majorations en cas d’insuffisance ou d’absence de déclaration, ainsi que des sanctions en cas de fraude – pouvant aller jusqu’à trois mois d’emprisonnement. La loi du 30 décembre 1916 a porté à 60 % la taxation des bénéfices supérieurs à 500 000 francs réalisés à partir du 1er janvier 1916. La loi du 31 décembre 1917 a ensuite établi le caractère progressif de l’impôt en introduisant un taux à 50 % pour les bénéfices inférieurs à 100 000 francs et un taux à 80 % pour les bénéfices supérieurs à 500 000 francs.

La répartition plus juste de l’effort de financement a également motivé la mise en œuvre de taxes similaires : comme le soulignait l’exposé des motifs de l’ordonnance du 15 août 1945 instituant un impôt de solidarité nationale ([12]), « chaque génération, chaque Français doit prendre sa part d’un fardeau qui ne sera tolérable que s’il est réparti avec équité sur les épaules de tous ». Le titre II de l’ordonnance appliquait ainsi aux sociétés par actions un prélèvement exceptionnel d’un vingtième de leur fonds social à la date du 4 juin 1945.

Plus récemment, l’article 3 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021 a prévu la mise en place d’une contribution exceptionnelle pour les organismes complémentaires d’assurance-maladie (OCAM) au titre de l’exercice 2020. Ces organismes, qui comprennent les mutuelles, les institutions de prévoyance ainsi que les assurances, ont en effet réalisé des économies d’une ampleur inattendue compte tenu du report des soins par les Français dans un certain nombre de secteurs. Cette contribution était assise sur l’ensemble des sommes versées en 2020 au profit des OCAM au titre des cotisations d’assurance maladie complémentaire. Le taux était fixé à 2,6 % afin d’assurer un produit d’un milliard d’euros. Cette première contribution était complétée par une contribution exceptionnelle à un taux de 1,3 % à l’article 13 du même texte.

En outre, l’histoire montre que la taxation des profits exceptionnels a été appliquée dans des circonstances variées et par des gouvernements aux orientations politiques différentes. Ainsi, en 1981, le gouvernement conservateur britannique introduisait une taxe unique sur les banques, prélevée à hauteur de 2,5 % de leurs dépôts sur compte courant non rémunérés, tandis qu’en 1997 le gouvernement travailliste du même pays instaurait un prélèvement sur les bénéfices exceptionnels des entreprises récemment privatisées, afin de financer notamment un programme d’insertion professionnelle des jeunes sans emploi.

Toutefois, si les taxes sur les surprofits ont été efficaces par le passé, en particulier en temps de guerre, la taxation des bénéfices exceptionnels ne peut s’affranchir du fonctionnement actuel de l’économie mondiale afin d’être pleinement efficace : 36 % des profits réalisés par les entreprises en dehors des pays où elles ont leur siège social seraient aujourd’hui transférés dans des « paradis fiscaux » ([13]).

 

Exemples historiques de taxes sur les bénéfices exceptionnels

État (année)

Description du dispositif

Canada (1940)

Taxe de 75 % sur le rendement excédant 10 % du capital. Cet impôt sur les bénéfices excédentaires s’accompagnait d’un impôt minimum de 22 % (porté ultérieurement à 30 %) sur les bénéfices totaux.

Danemark (1915)

Taxe dite « Gulasch » (taxe sur les « ragoûts », en référence aux exportateurs vers l’Allemagne), basée sur la moyenne des trois années se terminant avant la Première Guerre mondiale ou sur un abattement de 5 % pour les actifs. La structure des taux était progressive, allant de 8 % à un taux maximal de 20 % sur les bénéfices dépassant 20 % des actifs.

États-Unis (1917-1921)

Deux impôts mis en place, celui dont le montant était le plus important devant être payé par le redevable :

– l’impôt sur les surprofits était assis sur la différence entre le bénéfice de l’exercice et le bénéfice normal (défini comme une allocation de 3 000 $ plus 8 % du capital utilisé au cours de l’année d’imposition). Le barème de l’impôt était progressif avec deux taux de 30 % et 65 %.

– l’impôt sur les bénéfices de guerre était assis sur la différence entre les bénéfices de l’exercice et les bénéfices « normaux » définis comme la moyenne des bénéfices des trois années d’avant-guerre (1911, 1912 et 1913), auquel on ajoutait, selon le cas, 10 % de l’augmentation ou de la diminution du capital investi de l’année d’imposition par rapport à la moyenne du capital investi des trois mêmes années d’avant-guerre. Le taux d’imposition était de 80 %.

États-Unis (1940-1943)

Similaire au dispositif de 1917-1921, mais le contribuable devait utiliser l’imposition qui donnait le plus petit montant. Le taux d’imposition a varié pendant cette période de 30 à 95 %.

France (1916)

Taxe assise sur l’excédent du bénéfice net de la période considérée (soit du 1er août 1914 au 31 décembre 1915, puis chacune des années suivantes) par rapport au bénéfice moyen des trois années précédentes. Son taux était de 50 %.

Royaume-Uni (1915-1926)

En 1918, l’impôt s’élevait à 80 % du montant des bénéfices dépassant le bénéfice standard d’avant-guerre, défini comme étant soit le bénéfice moyen de deux des trois dernières années avant la Première Guerre mondiale, soit comme un pourcentage légal (de 6 à 8 %) du capital à la fin de la dernière année d’avant-guerre.

Royaume-Uni (1997)

Taxe sur les entreprises récemment privatisées, calculée au moyen d’un ratio entre la capitalisation boursière et le résultat net (ratio PER) multiplié par neuf (le bénéfice moyen après impôt des quatre années suivant la privatisation a été multiplié par neuf pour donner la valeur taxable). La différence entre cette valeur et la capitalisation totale du marché basée sur le prix d’introduction en bourse de la société était soumise à un taux de 23 %.

Source : commission des finances.

2.   De nombreux pays européens ont récemment mis en place des taxes sur les surprofits

Les conséquences économiques de la guerre en Ukraine, en particulier sur les marchés de l’énergie, ont fait l’objet d’une importante activité normative en Europe. Certains pays ont ainsi fait le choix d’introduire de nouveaux prélèvements fiscaux afin de mettre à contribution les entreprises bénéficiant le plus nettement des effets de l’inflation.

a.   L’exemple italien : la taxation des ventes des entreprises du secteur de l’énergie

● Afin de participer au financement d’un ensemble de mesures législatives d’un montant d’environ 4,4 milliards d’euros visant à lutter contre les « répercussions économiques et humanitaires » de la guerre en Ukraine, l’Italie a introduit en mars 2022 une taxe intitulée « contribution extraordinaire de solidarité » ([14]).

Seules les entreprises du secteur de l’énergie sont assujetties à ce prélèvement, soit :

– les entreprises qui, en Italie, produisent de l’électricité à des fins de revente, produisent du méthane ou procèdent à l’extraction de gaz naturel ;

– les entreprises qui font commerce en Italie d’électricité, de méthane ou de gaz naturel ;

– les entreprises qui produisent, distribuent ou commercialisent des produits pétroliers en Italie ;

– les entreprises qui importent en Italie de l’électricité, du méthane, du gaz naturel ou des produits pétroliers à des fins de revente ;

– les entreprises qui introduisent en Italie de l’électricité, du méthane, du gaz naturel ou des produits pétroliers provenant d’autres pays membres de l’Union européenne.

– les entreprises qui exercent des activités d’organisation et de gestion de plateformes d’échange d’électricité, de gaz, de certificats environnementaux et de carburants ne sont pas redevables de cette taxe. 

L’assiette de la contribution était constituée de la différence entre le montant des ventes nettes déclarées au titre de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) réalisées par ces entreprises entre le 1er octobre 2021 au 30 avril 2022 et le montant de leurs ventes nettes déclarées au titre de la TVA réalisées du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021.

Si cette différence était positive, c’est-à-dire si le montant des ventes nettes a augmenté entre les deux périodes comparées, un taux d’imposition est appliqué à cette augmentation. La taxe n’était prélevée que si l’augmentation est supérieure à 5 millions d’euros et d’au moins 10 %. Alors que le décret-loi du 21 mars 2022 établissait un taux d’imposition de 10 %, le taux d’imposition était de 25 % depuis le décret-loi du 17 mai 2022.

Afin d’éviter des répercussions indues sur le prix final des produits énergétiques, le décret-loi du 21 mars 2022 prévoyait une période de surveillance allant du 1er avril 2022 au 31 décembre 2022 au cours de laquelle les entreprises assujetties sont tenues de notifier à la fin de chaque mois à l’autorité italienne de la concurrence le prix moyen d’achat, de production et de vente de l’électricité, du gaz naturel, du méthane ainsi que des produits pétroliers, relativement au mois précédent.

À l’origine, la taxe devait être liquidée et payée avant le 30 juin 2022. Le décret-loi du 17 mai 2022 a décomposé l’échéance en deux parties : 40 % du montant devait être payé au 30 juin 2022, le montant restant étant dû pour le 30 novembre 2022.

Le « surprofit » de la période fiscale allant jusqu’au 31 mars 2022 était estimé à environ 39,8 milliards d’euros, ce qui devait entraîner des recettes fiscales d’environ 10 milliards d’euros avec l’application du taux de 25 %. Toutefois, la première tranche de 40 % que les entreprises devaient verser avant le 30 juin n’a rapporté que 1,23 milliard d’euros au lieu des 4 milliards attendus. Fin novembre 2022, la taxe n’avait permis de dégager que 2,75 milliards d’euros, cet impôt exceptionnel s’étant notamment heurté au refus de nombreuses entreprises de le verser en raison de contestations sur son mode de calcul.

● La loi de finances n° 97 du 29 décembre 2022 a remplacé cette taxe par un nouveau prélèvement extraordinaire, qui ne s’applique que pour l’année 2023 aux entités qui ont tiré au moins 75 % de leurs revenus de l’exercice 2022 de l’une des activités suivantes : production, importation, vente d’électricité, de gaz naturel et de produits pétroliers (dans le cas des produits pétroliers, les distributeurs sont également soumis à cet impôt).

La contribution s’applique au taux de 50 % sur la partie du revenu des sociétés calculé pour l’exercice 2022 qui dépasse d’au moins 10 % la moyenne des revenus des quatre années antérieures à 2022. Ce nouveau prélèvement ne pourra dépasser 25 % de la valeur des fonds propres au 31 décembre 2021 et devrait être payé avant le 30 juin 2023 pour la plupart des entreprises.

b.   Un prélèvement additionnel sur les bénéfices des compagnies pétrolières et gazières opérant sur le territoire : le Royaume-Uni

Le Royaume-Uni a introduit par le Energy (Oil and Gas) Profits Levy Act du 14 juillet 2022 une nouvelle taxe sur les bénéfices des compagnies pétrolières et des industries gazières opérant sur son territoire.

Ce prélèvement s’applique aux entreprises impliquées dans l’exploration et l’extraction de pétrole et de gaz au Royaume-Uni et sur le plateau continental britannique. Il est estimé qu’il générerait des recettes fiscales d’environ 5 milliards de livres sterling la première année.

Cette loi introduit une taxe additionnelle de 25 % sur les bénéfices réalisés à compter du 26 mai 2022 par les sociétés assujetties. Ce prélèvement s’ajoute à deux impôts, la ring fence corporation tax et la supplementary charge to corporation tax, dont les taux sont respectivement de 30 % et 10 %, portant ainsi le taux d’imposition global pour les activités d’exploration et d’extraction de pétrole et de gaz au Royaume-Uni et sur le plateau continental du Royaume-Uni à 65 %. Une déduction fiscale de 80 % était également prévue pour les dépenses éligibles d’investissement dans la production de pétrole et de gaz.

Le Finance Act 2023 (loi de finances pour 2023) du 10 janvier 2023 porte le taux du prélèvement à 35 % et prolonge la période d’application du prélèvement jusqu’au 31 mars 2028 au lieu du 31 décembre 2025. En outre, la déduction fiscale de 80 % passe à 29 % : elle restera toutefois de 80 % pour les dépenses d’investissement dans la décarbonisation en amont. Enfin, le gouvernement a confirmé qu’il n’envisage plus de supprimer progressivement la taxe avant la date d’échéance.

En parallèle, la compagnie pétrolière britannique Shell a annoncé des résultats de 32,2 milliards d’euros en 2022, un record en 115 ans d’existence.

c.   Des dispositifs variés qui ciblent les surprofits

Une analyse des principaux dispositifs de taxation des bénéfices exceptionnels mis en place en Europe met en évidence une contribution importante du secteur de l’énergie, mais pas uniquement : l’Espagne a ainsi introduit une taxe de 4,8 % sur le revenu net et les commissions nettes des banques au-delà d’un seuil de 800 millions d’euros, tandis que la Hongrie a instauré des taxes qui touchent de multiples secteurs.

Les pays étudiés ont introduit ces nouveaux prélèvements rapidement, à l’instar de la Roumanie dès le mois d’octobre 2021, de l’Italie en mars 2022 ou encore de la Grèce en mai 2022. Les taux sont plutôt élevés et généralement assis sur les bénéfices excédentaires, l’Italie et l’Espagne faisant exception avec des assiettes reposant respectivement sur un différentiel de ventes et sur le chiffre d’affaires des sociétés assujetties.

principales taxes sur les surprofits appliquées En Europe

Pays

Description du dispositif

Durée

Recettes estimées par an (milliards d’euros)

Italie

Taxe de 25 % sur l’augmentation de revenus nets issus des ventes si ces revenus ont augmenté d’au moins 10 % et 5 millions d’euros entre le 1er octobre 2021 et le 30 avril 2022 par rapport à la période du 1er octobre 2020 au 30 avril 2021 pour les producteurs, importateurs et vendeurs d’électricité, gaz naturel et produits pétroliers.

2022

10

Taxe de 50 % sur la partie du revenu des sociétés chargées de production, importation, vente d’électricité, de gaz naturel et de produits pétroliers pour l’exercice 2022 qui dépasse d’au moins 10 % la moyenne des revenus des quatre années antérieures à 2022.

2023

2,6

Royaume-Uni

Taxe de 35 % sur les bénéfices réalisés au Royaume-Uni sur l’extraction de pétrole et de gaz en mer du Nord.

Jusqu’en 2028

7

En discussion à l’heure actuelle : taxe temporaire de 45 % sur les revenus dépassant 75 £/mégawattheure des producteurs d’électricité à faible teneur en carbone produisant plus de 50 gigawatts/heures par an.

Jusqu’en 2028

2,5

Espagne

Taxe de 1,2 % sur le chiffre d’affaires des entreprises énergétiques réalisant plus d’un milliard d’euros de chiffre d’affaires sur le territoire en 2019.

2023-2024

2

Taxe de 4,8 % sur le revenu net et les commissions nettes des banques au-delà d’un seuil de 800 millions d’euros.

2023-2024

1,5

Grèce

Taxe de 90 % sur l’augmentation des bénéfices des entreprises nationales produisant de l’électricité (à l’exception des producteurs d’électricité à partir d’énergies renouvelables) entre la période du 1er octobre 2021 au 30 juin 2022 par rapport à la même période de l’année précédente.

2022

0,375

Taxe de 60 % (remplaçant la contribution précédente) sur les recettes excédentaires générées entre le 1er août 2022 et le 31 juillet 2023 par les entreprises nationales produisant de l’électricité, déterminées sur une base mensuelle et égales au montant des recettes qui dépassent un prix de détail maximum.

2023

0,3

Hongrie

Multiples taxes dont les taux varient selon les secteurs concernés : combustibles fossiles, énergies renouvelables, industrie pharmaceutique, compagnies aériennes, établissements de crédit (par exemple, taxe de 10 % en 2022 et de 8 % en 2023 sur les revenus nets du secteur bancaire)…

2022-2023

3

Roumanie

Taxe de 80 % sur les revenus additionnels, calculés sur une base mensuelle selon la différence entre le prix de vente mensuel moyen de l’électricité fournie et le prix de référence fixé à 450 lei/mégawattheure, des entreprises qui produisent de l’électricité, sauf celles qui produisent de l’électricité à partir de la biomasse et des combustibles fossiles (y compris par cogénération).

D’avril 2022 à mars 2023

2

Portugal

Contribution temporaire de solidarité transposant le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022.

Contribution similaire pour le secteur de la distribution et du commerce de détail des produits alimentaires, avec un taux de 33 % sur les bénéfices imposables en 2022 et 2023 dans la mesure où ils dépassent 120 % de la moyenne des bénéfices imposables des quatre années précédentes, 2018 à 2021.

2022-2023

0,1

Source : commission des finances.

D.   La loi de finances pour 2023 a instauré des dispositifs de taxation ciblés sur le secteur de l’énergie à la suite de l’adoption du règlement européen du 6 octobre 2022

Lors d’une conférence organisée à Paris le 16 septembre 2022, l’économiste Joseph Stiglitz, lauréat du prix Nobel d’économie, affirmait que les grandes entreprises du secteur de l’énergie « n’ont rien fait pour mériter leurs superprofits » et préconisait de « taxer les profits exceptionnels et utiliser une partie de ces ressources pour aider ceux qui souffrent ». Si certains pays européens n’ont pas hésité à agir dès la fin de l’année 2021, la France a attendu que l’Union européenne détermine sa position avant d’introduire des mesures de taxation ciblées. 

Ainsi, le Conseil de l’Union européenne a approuvé le 30 septembre 2022 une série de propositions faites par la Commission européenne. En invoquant de « graves difficultés » dans l’approvisionnement en produits énergétiques au sens du paragraphe 1 de l’article 122 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), le Conseil a pu adopter, de façon accélérée et sans le Parlement européen, les mesures prévues par le règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022 sur une intervention d’urgence pour faire face aux prix élevés de l’énergie.

1.   La contribution de solidarité temporaire sur les secteurs des combustibles fossiles

La contribution de solidarité est mentionnée dans le considérant n° 14 du règlement du 6 octobre 2022 comme « un moyen approprié de lutter contre les bénéfices excédentaires en cas de circonstances imprévues », ces surprofits étant définis comme ceux qui « ne correspondent à aucun bénéfice régulier que les entreprises ou les établissements stables de l’Union exerçant des activités dans les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage auraient pu escompter dans des circonstances normales, si les événements imprévisibles sur les marchés de l’énergie n’avaient pas eu lieu ».

L’introduction conjointe et coordonnée d’une contribution de solidarité temporaire a pour objectif principal de « générer des recettes supplémentaires pour que les autorités nationales puissent apporter un soutien financier aux ménages et aux entreprises fortement touchés par la flambée des prix de l’énergie », appliquée en parallèle des « impôts réguliers sur les sociétés prélevés par chaque État membre sur les entreprises concernées ». Le considérant n° 51 du règlement précise également la dimension redistributive de la contribution, qui devrait « faire en sorte que les entreprises concernées qui ont réalisé des bénéfices excédentaires en raison des circonstances imprévues contribuent proportionnellement à remédier à la crise énergétique sur le marché intérieur ».

L’article 40 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 transpose en droit national la contribution de solidarité temporaire sur les secteurs des combustibles fossiles ([15]) prévue au chapitre III du règlement (UE) 2022/1854 du 6 octobre 2022.  

Cette contribution est due par les entreprises réalisant au moins 75 % de leur chiffre d’affaires français grâce à l’extraction, à l’exploitation minière, au raffinage du pétrole ou à la fabrication de produits de cokerie.

L’assiette de ce dispositif temporaire est obtenue en faisant la différence entre le résultat imposable du premier exercice ouvert à compter du 1er janvier 2022 et 120 % du montant moyen des résultats imposables constatés au titre de l’ensemble des exercices précédents ayant été ouverts à compter du 1er janvier 2018. Les résultats imposables concernés sont ceux qui ont effectivement été soumis à l’impôt sur les sociétés avant imputation des crédits et réductions d’impôt et des créances fiscales de toute nature. Le Gouvernement a choisi d’appliquer la contribution sur l’exercice 2022 quand le règlement européen permettait de la mettre en place pour l’exercice 2022 et/ou l’exercice 2023 ([16]).

Le taux de la contribution s’élève à 33 % de l’assiette et son versement doit intervenir, au plus tard, au versement du solde de liquidation de l’impôt sur les sociétés (c’est-à-dire, pour les entreprises clôturant au 31 décembre, le 15 mai 2023) et, pour les entreprises non-redevables de cet impôt, au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l’exercice (ou le 15 mai 2023 également si leur exercice coïncide sur l’année civile).

Le Gouvernement ne prévoit qu’un rendement de 200 millions d’euros au titre de cette contribution. Selon les estimations de la Commission européenne, les recettes attendues à l’échelle européenne s’élèvent à 25 milliards d’euros pour une application de la mesure sur l’exercice 2022. Toutefois, il convient de souligner une importante divergence d’évaluation du rendement de cette contribution pour notre pays, puisqu’il est estimé à 200 millions d’euros par le Gouvernement et entre 2,4 et 3,9 milliards d’euros par l’Institut des politiques publiques ([17]). Cette différence de rendement reste inexpliquée : contrairement aux chercheurs de l’IPP, le Gouvernement n’a pas rendu publique sa méthodologie, ce qui serait souhaitable. En tout état de cause, si le rendement s’avérait aussi faible, l’adoption d’un mécanisme mieux ciblé tel que celui proposé par la présente proposition de loi serait d’autant plus nécessaire.

2.   La contribution sur la rente infra-marginale des producteurs d’électricité

● Dans le cadre du marché européen de l’énergie, et selon le principe dit de « l’ordre de mérite », la formation du prix de gros de l’électricité est déterminée par le prix de production de la dernière centrale nécessaire pour satisfaire la demande. C’est la centrale dite « marginale ». En règle générale, en Europe, en cas de pic de consommation, il s’agit souvent d’une centrale à gaz. Cette modalité de fixation des prix de gros de l’électricité explique la dépendance des prix de l’électricité à l’évolution des cours du gaz.

Les autres centrales, dont les coûts de production sont inférieurs à ceux de la centrale marginale sont ainsi qualifiées d’infra-marginales. Ces installations dont les technologies de production d’électricité n’intègrent pas de matières premières marginales telles que le gaz ou le charbon bénéficient de la situation en vendant leur électricité à des prix très élevés sans que leurs coûts de production n’aient augmenté de façon symétrique. Cet effet d’aubaine est ainsi qualifié de « rente infra-marginale » de la production d’électricité. Ce sont ces rentes qui sont ciblées par le plafonnement des revenus de marché prévu par la section 2 du chapitre II du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022.

Alors que la France applique déjà des mécanismes permettant de plafonner les revenus des producteurs infra-marginaux d’électricité via ses dispositifs de soutien à la production d’énergies renouvelables, la transposition de la contribution décidée au niveau européen doit permettre de capter une partie des recettes exceptionnelles engrangées par les producteurs du seul fait de l’augmentation considérable des prix de gros de l’électricité sur le marché européen de l’énergie.

La crise des prix de l’électricité conduit à une situation inédite où les dispositifs
de soutien public à la production d’énergies renouvelables
se traduisent par un prélèvement de la rente infra-marginale

Afin d’encourager la production d’énergies renouvelables et permettre de garantir au producteur, sur le long terme, une rémunération supérieure à la valeur de marché de l’énergie produite, l’État a mis en place des dispositifs de soutien public qui peuvent être attribués selon deux modalités : le guichet ouvert ou la mise en concurrence via des appels d’offres. Ces dispositifs de soutien à la rémunération des producteurs d’énergie peuvent eux-mêmes prendre deux formes :

– l’obligation d’achat : prévu aux articles L. 314-1 à L. 314-13 du code de l’énergie, ce dispositif impose aux fournisseurs historiques (EDF et les entreprises locales de distribution) de conclure des contrats d’achat de l’électricité produite à partir d’énergie renouvelable par les installations éligibles à l’obligation d’achat ou lauréates d’un appel d’offres. Généralement signés sur des durées de 20 ans, ils prévoient un tarif d’achat garanti pour le producteur ;

– le complément de rémunération : ce dispositif est encadré par les articles L. 314-18 à L. 314-27 du code de l’énergie. Les producteurs qui ont conclu des contrats de complément de rémunération vendent leur énergie directement sur les marchés. Une prime vient compenser l’écart entre les revenus tirés de cette vente et un niveau de rémunération de référence. EDF, en assurant les missions de service public d’achat de l’énergie, verse les primes dues aux producteurs.

Pour les dispositifs d’obligation d’achat et de complément de rémunération, EDF et les entreprises locales de distribution (ELD) font l’objet de compensations de l’État dans le cadre du mécanisme des charges de service public de l’énergie (CSPE) dont les crédits budgétaires dédiés sont suivis sur le programme 345 « Service public de l’énergie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

En période « normale », avant la survenue de la crise des prix de l’énergie, les revenus garantis par les contrats d’obligation d’achat ou de complément de rémunération étaient inférieurs aux prix de marchés et les compensations versées par l’État au titre des charges de service public de l’énergie évoluaient chaque année entre 8 et 9 milliards d’euros.

Toutefois, depuis le début de la crise des prix de l’énergie, les prix de l’électricité ont atteint des niveaux très supérieurs aux rémunérations garanties par les dispositifs de soutien public, si bien que ces rémunérations garanties se sont transformées en rémunérations plafonnées qui, pour toutes les installations concernées par ces mécanismes, se traduisent par un prélèvement mécanique de la rente infra-marginale qui aurait été perçue par les producteurs du fait de la flambée des prix de l’électricité.

D’après les dernières données de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), les recettes attendues par l’État en 2023 au titre des dispositifs de soutien à la production d’énergies renouvelables s’élèveraient à 38 milliards d’euros.

● L’article 54 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 transpose en droit national le dispositif de plafonnement des revenus infra-marginaux de la production d’électricité résultant du règlement européen du 6 octobre 2022.  

Cet article prévoit une contribution, ou « prélèvement », sur les revenus dégagés par l’exploitation d’installations électriques répondant à plusieurs conditions. Le montant de la contribution est égal à la fraction des revenus de marché de l’exploitant de l’installation excédant un seuil forfaitaire, après application d’un abattement de 10 %. Il est prévu que ce taux puisse, par un décret en Conseil d’État, être porté à un pourcentage compris entre 10 % et 40 % pour la période comprise entre le 1er juillet 2023 et le 31 décembre 2023.

La fraction prélevée est, plus précisément, égale à la différence positive entre la somme des revenus de marché perçus par le producteur et le résultat du produit entre les quantités d’électricité produites et un seuil de prix forfaitaire fixé à 180 euros le mégawattheure (MWh).

Cette contribution pourrait rapporter jusqu’à 12,3 milliards d’euros selon les estimations faites à l’état A annexé à la LFI pour 2023. Il convient de noter que le fait générateur de la contribution est constitué par la production d’électricité réalisée entre le 1er décembre 2022 et le 31 décembre 2023 : les revenus générés auparavant échapperont donc à ce nouveau prélèvement.  

Alors que la crise affecte durement les consommateurs finals d’énergie, particuliers comme professionnels, et fragilise les finances publiques nationales fortement mises à contribution par le déploiement de mesures de soutien nécessaires mais coûteuses, il est indispensable que de tels bénéfices excédentaires, générés par ce contexte exceptionnel, fassent l’objet d’une redistribution au profit de ceux qui subissent l’inflation des prix de l’énergie. Toutefois, la situation d’inflation actuelle crée des revenus de rente économique au-delà des seules entreprises de l’énergie : c’est précisément afin de compléter ces dispositifs, bienvenus mais insuffisants, que la présente proposition de loi prévoit des modalités supplémentaires de taxation des bénéfices exceptionnels. 

II.   Le dispositif proposÉ : une contribution additionnelle sur les bÉnÉfices excÉdentaires des grandes entreprises

L’article unique de la présente proposition de loi prévoit la création d’une contribution additionnelle assise sur l’excédent de profits réalisés par les plus grandes entreprises entre le résultat imposable de l’exercice considéré et la moyenne des  exercices 2017, 2018 et 2019.

Ce dispositif, au rendement potentiel se chiffrant en milliards d’euros, permettrait de faire contribuer les grandes entreprises à la hauteur des profits exceptionnels générés.

A.   une taxe ciblÉe sur les surprofits des plus grandes entreprises 

Les critères retenus ciblent en particulier les plus grandes sociétés françaises, qui ont réalisé dans leur ensemble des bénéfices très élevés depuis 2021.

Aux termes du I du nouvel article 224 du code général des impôts (CGI), la contribution exceptionnelle sera due par les sociétés qui :

 réalisent un chiffre d’affaires supérieur à 750 000 000 euros ;

– dont le résultat imposable pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019.

Ces critères cumulatifs conditionnent l’assujettissement à la nouvelle contribution. Ainsi, seules seront concernées les entreprises qui disposent des ressources les plus importantes et pouvant ainsi contribuer à la taxe proposée.

Il n’est pas prévu d’autres critères, notamment de lieu d’établissement : toutes les entreprises, que leur siège soit en France ou à l’étranger, pourront être passibles de la contribution si elles remplissent les deux critères prévus.

1.   Cibler les plus grandes entreprises

Le A du I du nouvel article 224 du code général des impôts prévu par la proposition de loi définit le critère de la taille des entreprises redevables de la contribution en se fondant sur le chiffre d’affaires. Ainsi, le dispositif prévoit un seuil de chiffre d’affaires qui exempte les entreprises qui ne l’atteindraient pas.

Les entreprises concernées par la contribution sont celles redevables de l’impôt sur les sociétés prévu à l’article 205 du CGI qui réalisent un chiffre d’affaires annuel supérieur à 750 millions d’euros. 

● Ce seuil de 750 millions d’euros a pour effet :

 de dispenser de la nouvelle contribution toutes les très petites et les moyennes entreprises (TPE et PME), souvent durement affectées par la crise et dont la taille ne leur permet pas de supporter une nouvelle taxe ;

 de dispenser une grande partie des entreprises de taille intermédiaire (ETI), c’est-à-dire les entreprises dont le chiffre d’affaires est compris entre 50 millions et 1,5 milliard d’euros ([18]) ;

 d’inclure dans le champ potentiel de la nouvelle contribution toutes les grandes entreprises.

 En outre, le seuil de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires est une référence objective :

– au niveau de l’Union européenne, il est retenu par la directive (UE) 2021/2101 du Parlement européen et du Conseil du 24 novembre 2021 comme seuil d’assujettissement des entreprises et succursales pour la déclaration des informations relatives à l’impôt sur les revenus des sociétés, mais également pour le projet d’assiette commune consolidée pour l’impôt sur les sociétés (ACCIS) ;

– à l’échelle internationale, l’OCDE et le G20 retiennent ce seuil dans le cadre du projet d’imposition mondiale minimale de 15 % sur les bénéfices des sociétés ;

 il s’agit également du seuil prévu dans certaines mesures fiscales en vigueur, telle que la taxe sur les services numériques (TSN) ([19]) ;

 il s’agit également du seuil d’assujettissement à la déclaration pays par pays prévu à l’article 223 quinquies C du CGI.

 Le B du II du nouvel article 224 du CGI prévoit que le chiffre d’affaires retenu est celui réalisé par la société redevable au cours de l’exercice ou de la période d’imposition, ramené à douze mois le cas échéant.

En outre, pour la société mère d’un groupe mentionné aux articles 223 A ou 223 A bis du CGI, le chiffre d’affaires correspond à la somme des chiffres d’affaires de chacune des sociétés membres de ce groupe.

Cette consolidation, classique en matière fiscale, permet d’apprécier comme constituant une seule entité économique plusieurs entreprises distinctes lorsqu’elles sont suffisamment liées. Elle permet aussi d’éviter des pratiques d’évitement reposant sur la « filialisation », qui consiste à scinder une entité en plusieurs pour se maintenir, de manière artificielle, sous un seuil d’assujettissement.

2.   Le critère du surprofit : l’imposition du profit supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois la moyenne de 2017 à 2019

Le B du I du nouvel article 224 du CGI dispose que la contribution additionnelle « est due lorsque le résultat imposable de la société pour l’exercice considéré au titre de l’impôt sur les sociétés est supérieur ou égal à 1,25 fois la moyenne de son résultat imposable des exercices 2017, 2018 et 2019 ».

Seul le bénéfice exceptionnel, c’est ‎à ‎dire le profit supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois la moyenne triennale retenue, est ainsi imposé : ce référentiel sur trois exercices permet de neutraliser certaines évolutions ponctuelles, sur la base des derniers exercices antérieurs à la pandémie de Covid‑19 et à la guerre en Ukraine.

La contribution proposée a pour objectif de taxer l’enrichissement. Il est donc cohérent de retenir comme critère d’assujettissement le bénéfice plutôt que le chiffre d’affaires. En effet, il est préférable de prendre en considération l’ensemble des postes du compte du résultat d’une société et non uniquement ses recettes afin d’avoir une correcte compréhension de l’enrichissement de crise : une entreprise dont le chiffre d’affaires aurait augmenté pendant la crise pourrait aussi avoir vu ses dépenses croître.

Enfin, il convient de souligner que toutes les entreprises, sans distinction selon les secteurs, peuvent ainsi être concernées par la contribution : en effet, de nombreuses entreprises opérant dans des secteurs autres que l’énergie, où des mesures ont déjà été mises en place, ont généré des profits de rente.

● La rapporteure a déposé plusieurs amendements portant articles additionnels afin d’appliquer la contribution aux bénéfices exceptionnels réalisés par les sociétés de certains secteurs précis, dans l’hypothèse où l’article unique de la proposition de loi n’était pas adopté.

Selon un article paru dans Le Canard Enchaîné le 25 janvier 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique a reçu en février 2021 un rapport de l’Inspection générale des finances (IGF) et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) sur le modèle économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes (SCA). La rapporteure en a demandé la communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale.

Ce rapport mettrait en évidence « une rentabilité très supérieure à l’attendu » pour les gestionnaires, qui « va contre le principe de rémunération raisonnable ». Ainsi, les concessions ASF-Escota (groupe Vinci) et APRR-Area (Eiffage) auraient une rentabilité proche de 12 %, pour une exploitation des deux tiers des 9 000 kilomètres de réseau autoroutier concédé. Or le niveau ciblé par l’État et les sociétés concessionnaires en 2006 était de 7,67 %.

Le rapport recommande trois options afin de réaligner la rentabilité de ces sociétés sur le niveau initialement défini, seule la première étant présentée comme « légalement envisageable » dans le rapport :

– une fin anticipée des concessions en 2026, soit respectivement neuf et dix ans de moins que ce qui est prévu pour APRR et ASF ;

– une baisse des tarifs des péages dès 2022, de 58 % pour le réseau ASF-Escota et de 59 % pour APRR-Area ;

– un prélèvement par l’État de plus de 63 % de l’excédent brut d’exploitation (EBE) dégagé par les deux groupes concessionnaires les plus rentables sur la période allant de 2021 à la fin des concessions, ce qui représenterait un montant de 55,4 milliards d’euros.

La hausse moyenne de 4,75 % des tarifs des péages autoroutiers prévue pour le 1er février 2023 semble en parfaite contradiction avec le niveau de rentabilité affiché par les sociétés concessionnaires, qui toucheraient environ 11 milliards d’euros par an grâce aux péages. 

La Cour des comptes a adressé au Gouvernement, en janvier 2019, un référé dans lequel elle souligne que « les pouvoirs publics sont souvent apparus en position de faiblesse » et observe que l’allongement de la durée des concessions destiné à compenser les 3,2 milliards d’euros de travaux du plan de relance autoroutier rapportera finalement 15 milliards d’euros aux SCA ([20]). En outre, un rapport sénatorial publié en septembre 2020 cite une étude indépendante pour relever une « surrentabilité des concessions autoroutières » ([21]).

À l’instar des débats qui avaient eu lieu en juillet 2022 à l’occasion de l’examen en séance publique du premier projet de loi de finances rectificative pour 2022 ([22]), la rapporteure a déposé un amendement de repli (CF24) pour restreindre le champ d’application de la contribution aux SCA qui n’a pas été adopté par la commission.

En outre, plusieurs pays européens ont instauré des taxes sur le secteur bancaire : ainsi, une taxe de 10 % en 2022 et de 8 % en 2023 sur les revenus nets des banques sera appliquée en Hongrie, tandis que l’Espagne a introduit en décembre 2022 une taxe de 4,8 % sur le revenu net et les commissions nettes des banques réalisant plus de 800 millions d’euros de chiffre d’affaires. En République Tchèque, les banques dont les revenus d’intérêts nets dépassent 240 millions d’euros sont imposées à 60 % sur le bénéfice excédentaire, défini comme la différence entre le bénéfice imposable de l’année considérée et la moyenne des bénéfices imposables des quatre dernières années (2018-2021) majorée d’un seuil de tolérance de 20 %.

La rapporteure a ainsi déposé un amendement de repli (CF25) visant à appliquer la contribution objet de la présente proposition de loi aux seuls établissements de crédit, que la commission n’a pas adopté. 

B.   Une taxe assise sur les surprofits engendrés par les crises successives

L’assiette de la nouvelle contribution, qui vise à taxer les surprofits nés des crises successives, est définie au C du I du nouvel article 224 du CGI.

 S’il apparaît particulièrement complexe de déterminer dans un compte de résultat quelle part de profit résulte d’un gain de productivité ou de manœuvres spéculatives, le placement du point de séparation étant délicat et facteur de contestations, il est possible de comparer les résultats d’un exercice à une période de référence pour déterminer la part de surprofit. 

Si le profit normal est fixé à un niveau trop bas, la taxe cesse de frapper la rente et touche la rémunération normale du capital. Deux modalités sont habituellement retenues pour fixer le « profit normal » : soit une moyenne des profits historiques, soit un niveau normatif de taux de profit.

La présente proposition de loi se fonde sur la méthode de la moyenne historique, également retenue par l’article 15 du règlement du 6 octobre 2022 pour définir les bénéfices excédentaires ([23]). La contribution proposée taxe donc les surprofits par rapport à la période d’avant-crise, indépendamment de leur origine : sont taxées les entreprises qui sont parvenues à dégager un excédent de bénéfice dans cette période de crises. C’est donc la temporalité des bénéfices plus que leur source qui est retenue.

● La contribution additionnelle est assise sur le résultat imposable supplémentaire réalisé par rapport à 1,25 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019, c’est-à-dire la période précédant la crise sanitaire de 2020.

Cette solution présente l’avantage de sa facilité de mise en œuvre, puisqu’elle s’apparente à une surtaxe assise sur l’impôt sur les sociétés. Cela limite les possibilités de recours juridiques et facilite son paiement.

Le calcul de l’assiette de la nouvelle contribution peut être ainsi illustré :

– une entreprise X, dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 750 millions d’euros, a réalisé en 2017 un résultat de 2 000 millions d’euros, en 2018 de 2 500 millions d’euros et en 2019 de 1 800 millions d’euros : la moyenne triennale de son résultat imposable équivaut donc à 2 100 millions d’euros ;

– au titre de l’exercice considéré pour l’application de la contribution, son résultat net est de 3 000 millions d’euros ;

– on vérifie alors la condition suivante :

– en l’espèce, on a bien :

– l’assiette de la nouvelle contribution, assise sur la différence entre le résultat réalisé et 1,25 fois le résultat imposable en moyenne triennale 2017-2019, sera donc égale à 375 millions d’euros :

C.   Une taxation progressive des bÉnÉfices excÉdentaires

Le C du I du nouvel article 224 du CGI applique à la fraction de chaque part de résultat imposable supérieur ou égale à 1,25 fois le résultat imposable moyen (c’est-à-dire le surprofit) un mécanisme de taux progressifs :

 un premier taux de 20 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,25 fois et inférieure à 1,5 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

 un deuxième taux de 25 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,5 fois et inférieure à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019 ;

– un troisième taux de 33 % pour la fraction supérieure ou égale à 1,75 fois le résultat imposable moyen des exercices 2017, 2018 et 2019.

Cet échelonnement des taux offre un bon équilibre entre taxation suffisante des surprofits et niveau d’imposition excessif. Le taux marginal supérieur de 33 % ne s’applique qu’aux bénéfices excédant 75 % de la moyenne triennale des exercices 2017 à 2019, soit un surprofit manifeste. En outre, ce taux de 33 % s’aligne sur le taux applicable pour le calcul de la contribution de solidarité temporaire mentionné à l’article 14 du règlement du 6 octobre 2022.

La liquidation de la nouvelle contribution peut être ainsi illustrée :

– l’entreprise X a réalisé un résultat moyen pour les exercices 2017 à 2019 de 2 100 millions d’euros et un résultat au titre de l’exercice considéré de 3 000 millions d’euros : elle est donc redevable de la contribution ;

– on calcule ensuite l’application du premier taux marginal de 20 % :

Comme les seuils pour les taux 2 et taux 3 sont supérieurs au résultat au titre de l’exercice considéré, seul le taux 1 sera appliqué sur la différence entre le résultat imposable et la moyenne triennale 2019. On obtient donc :

L’entreprise X sera donc redevable de 75 millions d’euros.

Comme le démontre cet exemple, la contribution proposée n’est pas excessive : seuls les surprofits sont taxés, avec des seuils de taux particulièrement élevés qui ajustent le montant payé à l’ampleur du bénéfice.

D.   Les modalitÉs administratives de la nouvelle taxe

Le II du nouvel article 224 du CGI introduit par la présente proposition de loi précise les modalités administratives de la nouvelle contribution proposée, sa liquidation et sa durée d’application.

1.   Les modalités de paiement de la nouvelle contribution

Le A du II du nouvel article 224 du CGI prévoit que les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution. Ainsi, pour les redevables qui sont placés sous le régime prévu aux articles 223 A ou 223 A bis, la contribution additionnelle est due par la société mère. Elle est assise sur le résultat d’ensemble et à la plus‑value nette d’ensemble définis aux articles 223 B, 223 B bis et 223 D, déterminés avant imputation des réductions et crédits d’impôt et des créances fiscales de toute nature.

En outre, le C du II précise que les réductions et crédits d’impôt et les créances fiscales de toute nature ne sont pas imputables sur la contribution additionnelle.

Enfin, le D du II prévoit que sont exclus de la contribution les profits entraînant l’assujettissement de la société à celle‑ci mais résultant d’opérations d’acquisition ou de cession d’actifs, pour la fraction imposable correspondante. Ainsi, une entreprise qui absorberait une autre société ou céderait une activité déficitaire pourrait voir son bénéfice bondir du fait de ces opérations sans lien avec l’objectif de la proposition de loi. Il s’agit donc de circonscrire au mieux le champ d’application du dispositif à son objet. Si d’autres situations peuvent affecter le résultat imposable (gains de productivité, économies de gestion...), elles sont peu susceptibles de générer une variation telle qu’elles entraînent, à elles seules, l’assujettissement à la contribution créée.

2.   Une limitation dans le temps de la contribution

En cohérence avec le caractère temporaire des crises qui génèrent ces superprofits, la réforme proposée est également bornée dans le temps. Il est ainsi proposé qu’elle s’applique jusqu’au 31 décembre 2025, jusqu’aux résultats imposables réalisés en 2024. La contribution serait appliquée pour deux exercices : une première fois au titre de l’exercice 2023, pour lequel elle serait recouvrée selon les mêmes modalités que le solde de l’IS, donc en avril 2024, et une deuxième fois pour l’exercice 2024, pour lequel elle serait recouvrée en avril 2025.

La contribution ne serait pas appliquée pour l’année 2025, cet horizon correspondant à ce que les économistes anticipent comme échéance probable de retour à une certaine normalité de la situation économique. Cette contribution est donc ponctuelle et liée aux circonstances de crise.

Le rapport d’évaluation intermédiaire prévu avant le 31 décembre 2023 et le rapport remis à l’expiration du dispositif permettraient au Parlement d’apporter d’éventuelles modifications législatives à la contribution qui sera acquittée au titre de l’année 2024. Ils assureraient également la qualité de l’information publique relative au bilan de l’application de la mesure.

E.   Un rendement attendu de plusieurs milliards d’euros

La contribution proposée permettrait de dégager plusieurs milliards d’euros de nouvelles recettes fiscales afin de financer le coût très élevé de l’intervention publique face aux effets de l’inflation.

 Le produit de la contribution, c’est-à-dire le montant susceptible d’être collecté grâce à elle, n’est pas aisé à déterminer avec précision dans la mesure où nombre d’informations utiles au calcul de l’assiette de cette contribution ne sont pas rendues publiques et accessibles à chaque citoyen. En ne retenant que les dix-neuf entreprises du CAC 40 dont le résultat net 2021 a dépassé le résultat moyen 20172019 (hors cessions et acquisitions d’actifs), le produit de la contribution serait de l’ordre de 8,2 milliards d’euros si elle avait été appliquée en 2021, ainsi qu’il ressort du tableau suivant.

produit de la contribution additionnelle proposÉe due
par les sociÉtÉs du cac 40

(en millions d’euros)

Entreprise

Résultat moyen 2017-2019

Résultat net 2021

Montant de la contribution

Airbus

1 976

4 213

471,6

ArcelorMittal

2 771

13 207

3 069,6

Axa

4 069

7 294

515,1

Capgemini

802

1 157

30,9

Carrefour

376

1 072

178,8

Crédit Agricole

4 298

5 844

94,4

Dassault Systèmes

568

773

12,7

Engie

1 112

3 661

690,9

EssilorLuxotica

1 068

1 463

25,6

Eurofins Scientific

211

782

159,8

Hermes International

1 384

2 445

163,1

LVMH

6 218

12 036

1 080,5

Pernod Ricard

1 120

1 996

137,7

Saint Gobain

1 130

2 521

306,2

Schneider Electric

2 299

3 204

66,1

Société Générale

3 306

5 641

335,8

STMicroelectronics

713

1 766

251,2

Teleperformance

341

557

28,3

TotalÉnergies

9 091

14 157

584,7

TOTAL

42 854,7

83 789,0

8 203,0

N.B. : En application du D du II du nouvel article 224 du CGI, la contribution n’est pas applicable aux sociétés Stellantis et Vivendi. 

Source : commission des finances.

Cette estimation n’a qu’une valeur indicative, la contribution additionnelle proposée ne pouvant s’appliquer sur l’exercice fiscal 2021. Si les résultats financiers des sociétés du CAC 40 pour 2022 ne sont pas encore connus, le montant estimé de 8,2 milliards d’euros de rendement en 2021 pourrait vraisemblablement être doublé au regard des résultats records du premier semestre 2022. La contribution ayant vocation à s’appliquer pour deux exercices, son rendement total serait de l’ordre d’une trentaine de milliards d’euros.

En outre, ce montant ne concerne que les sociétés françaises cotées au CAC 40, auquel il convient d’ajouter les autres entreprises françaises qui remplissent les critères de taille et de surprofit, ainsi que toutes les entreprises étrangères remplissant également ces critères. Le rendement de cette taxe devrait donc être particulièrement élevé, ce qui conforte sa pertinence pour financer les politiques publiques dans le contexte actuel.

● L’Institut des politiques publiques a également proposé sa propre estimation de la mesure pour l’exercice fiscal 2022 ([24]) : celle-ci pourrait rapporter entre 15,7 et 41 milliards d’euros, soit un montant presque équivalent au coût du « bouclier tarifaire » sur les prix du gaz et de l’électricité en 2023. Les secteurs des transports, du raffinage, des mines, de l’énergie et des matériels de transports seraient les plus mis à contribution.

 

 


   Travaux de la commission

Lors de sa réunion du mercredi 1er février 2023, la commission examine la proposition de loi portant création d’une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises (n° 662) (Mme Christine Pires Beaune, rapporteure).

M. le président Éric Coquerel. J’ai été conduit à déclarer dix amendements irrecevables au titre de l’article 45 de la Constitution, car ils visaient à introduire des dispositions fiscales nouvelles sans lien avec le dispositif de la proposition de loi déposée.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Le 5 janvier 2023, dans un profond et rare moment de sagesse, le Président de la République affirmait : « Il n’est pas normal qu’il y ait des gens qui fassent de très gros profits dans un moment où l’on utilise quand même l’argent du contribuable pour aider les plus petits à résister. Donc, nous allons remettre un peu tout le monde d’équerre. »

Remettre tout le monde d’équerre, c’est-à-dire mettre fin à une situation où des profits sont réalisés par un petit nombre de grandes entreprises, est bien l’ambition de cette proposition de loi défendue par Olivier Faure et les membres du groupe socialiste et apparentés, d’autant que la part des aides publiques aux entreprises qui était de 6,4 % du PIB en 2009, a depuis été multipliée par deux.

Alors que le Gouvernement cherche à trouver 12 milliards d'euros pour financer un système de retraite présenté comme au bord de la faillite en dépit de son excédent de 3,2 milliards d'euros à la fin de l'année 2022, la présente proposition de loi qui avance une solution simple et efficace pour augmenter les recettes publiques ne devrait pas manquer de retenir son attention. En effet, on ne peut pas à la fois demander aux Françaises et aux Français de travailler deux ans de plus pour récupérer 12 milliards d'euros et refuser de faire contribuer quelques sociétés au financement des aides, qui ne sont d'ailleurs pas illégitimes, aux entreprises en souffrance et aux ménages.

L’impôt effectivement payé par les multinationales, une fois déduites les aides et subventions, n’est pas plus élevé en France que dans la moyenne des pays de l’OCDE. L’impôt sur les sociétés (IS) représente en effet, en France, 2,2 % du PIB contre 3 % en moyenne dans les pays de l’OCDE, selon les statistiques des recettes publiques publiées pour 2022 par l’OCDE elle-même. L’imposition des entreprises ne permet pas de dégager des ressources suffisantes pour faire face à la crise, alors que les aides aux entreprises représentent plus de 30 % du budget de l’État.

Des progrès ont certes été réalisés depuis le mois de juillet dernier, lorsque le ministre de l’économie affirmait qu’il ne savait pas ce qu’était un superprofit, alors même que l’Union européenne lui en a donné la définition dans le règlement du 6 octobre 2022. Les mesures adoptées dans la loi de finances pour 2023, qui ciblent uniquement le secteur de l’énergie, sont bienvenues mais insuffisantes au regard des profits réalisés dans d’autres secteurs. Qui plus est, la méthodologie d’estimation des recettes attendues, notamment au titre de la contribution de solidarité temporaire sur le secteur des combustibles fossiles, aurait mérité d’être plus transparente afin d’éclairer le débat. Ainsi, l’estimation de 200 millions d’euros affichée par le Gouvernement est très loin de celle de l’Institut des politiques publiques, l’IPP.

La contribution additionnelle que nous proposons ici est assise sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, définis comme une augmentation du résultat net d’au moins 25 % par rapport à une moyenne réalisée sur la période 2017-2019. Cette contribution, dont le seuil est suffisamment élevé pour ne frapper que les surprofits, pourrait rapporter quelque 20 milliards, selon les experts que j’ai auditionnés.

En outre, si de nombreux pays européens ont adopté des dispositifs de taxation des surprofits selon des modalités variées, toutes obéissent à une même logique : mieux financer les politiques publiques en rétablissant des conditions de concurrence équitables entre les acteurs économiques. Ces enjeux supposent des effets prolongés ; la contribution proposée n’est qu’un premier pas vers une réforme de la fiscalité internationale et une réelle conditionnalité environnementale, sociale et fiscale des aides publiques.

Une citation résume bien ce que devrait être notre état d’esprit face à cette situation intolérable : « J’en ai assez que l’on ait des gens qui, sur la base de la crise, fassent des profits excessifs. » Cette déclaration puissante du Président de la République – encore lui ! – mériterait d’être traduite en actes, par l’adoption de la présente proposition de loi. Je vous invite donc, mes chers collègues, à en voter l’article unique.

M. le président Éric Coquerel. Lorsque nous avons reçu Pierre Moscovici à propos de la réforme des retraites, j’avais été assez surpris, – mais il n’est pas le seul à tenir ce discours – de l’entendre dire à la fois qu’il ne fallait surtout pas creuser la dette ni augmenter les impôts, et qu’on se trouverait face à un « mur d’investissements » nécessaires dans les années à venir. Le chef de l’État en a évoqué un, avec les 413 milliards d’euros qui seront consacrés à la défense entre 2024 et 2030, mais personne ne contestera qu’un investissement tout aussi massif, voire plus compte tenu de l’urgence de la situation, soit nécessaire en faveur de la bifurcation écologique, de la santé publique et de bien d’autres secteurs.

C’est la quadrature du cercle : si des investissements sont nécessaires, que nous ne pouvons pas recourir à la dette et qu’il ne faut pas augmenter les impôts, que faire ? Certains nous disent que les dépenses de fonctionnement sont trop importantes et qu’il faut réduire les dépenses publiques. Mais la baisse des dépenses de fonctionnement de tel ou tel ministère ou service public aurait inévitablement un impact sur l’investissement. Ainsi, lorsque des fonds sont prévus pour MaPrimeRenov’ ou pour l’isolation thermique, si vous réduisez les effectifs du ministère de la transition écologique ou des opérateurs, cela nuira au contrôle et au fléchage et les investissements seront bien moins efficaces.

Dès lors, il faut se demander où trouver l’argent dans un pays dont la richesse n’a cessé de croître depuis des années.

Le mérite de cette proposition de loi, comme de plusieurs amendements déposés lors de la discussion budgétaire, est précisément de rappeler qu’il y a de l’argent et qu’il ne s’est pas évaporé : s’il ne va pas vers les salaires, si la majorité refuse qu’il aille vers les revenus du travail, qu’ils soient socialisés ou pas, il apparaît clairement que, grâce qui plus est aux cadeaux fiscaux, l’argent va de plus en plus vers une rente capitaliste, cet autre nom des actions et des dividendes, qui n’est même pas réinvestie dans les entreprises.

J’ai bien entendu, dans le débat sur les retraites, l’idée que, si l’on imposait des cotisations plus lourdes à ces dividendes tirés du travail, si on les taxait plus, on mobiliserait une ressource aléatoire. Mais ce n’est pas ce que j’observe puisque les dividendes ne cessent de progresser. Il faut donc bien faire en sorte que les plus riches, en particulier ceux qui utilisent la richesse produite par tous, participent mieux aux investissements nécessaires.

Je souhaite interroger la rapporteure sur la taxation exceptionnelle sur les dividendes, qui est estimée à 200 millions d’euros par Bercy, et à au moins 2 milliards par l’IPP. La mission sur la fiscalité des entreprises nous donnera l’occasion de nous pencher sur cette question et de voir s’il s’agit d’optimisation fiscale, mais un tel écart est étonnant.

Cette proposition de loi me paraît salutaire, tout simplement, parce que nous avons besoin de cet argent, dans l’intérêt général. Contrairement à ce qui se dit, les impôts ne pèsent pas plus sur les entreprises en France qu’en moyenne en Europe – c’est même le contraire. En revanche, les aides aux entreprises, sans aucune contrepartie, explosent et nous sommes là champions d’Europe !

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général.  Monsieur le président, quitte à citer le président de la Cour des comptes, autant le citer complètement : il a dit, la semaine dernière, que la loi de programmation sur les finances publiques est absolument indispensable et il a aussi dit que la réforme des retraites l’est tout autant.

Madame la rapporteure, permettez-moi quelques remarques. Nous avons, au cours du mandat précédent, ramené l’imposition des entreprises à la moyenne européenne afin d’assurer la compétitivité de notre pays. Nous en sommes très satisfaits puisque cela s’est traduit par une baisse significative du chômage et une très forte création d’emplois ainsi que par la relance de nos investissements. C’est ce que nous recherchons quand nous soutenons notre activité économique.

Votre proposition de loi souffre de nombreuses faiblesses. La première est que le taux marginal que vous proposez est de 61,33 %. Avec 25 % de taux normal, plus 3,33 % de contribution sociale sur les bénéfices, plus 33 % de contribution additionnelle marginale, ce taux est absolument confiscatoire.

Vos comparaisons avec l’Europe ne tiennent pas. La grande majorité des pays qui, tels l’Italie, l’Angleterre et d’autres, ont appliqué des taxations spécifiques ont des entreprises productrices d’hydrocarbures. Qui plus est, l’Angleterre est partie d’un taux d’imposition de 19 %, bien plus faible que le nôtre.

Le plus grave à mes yeux c’est que, si nous pourrions, à la limite, discuter de la taxation de profits exceptionnels liés à la crise et à la guerre, votre proposition vise à taxer toutes les entreprises de tous les secteurs et plus précisément la fluctuation de l’activité économique, c’est-à-dire les hauts et les bas qui se produisent dans la vie de toute entreprise. Si l’on appliquait votre taxation sur les superprofits en comparant 2019 aux trois années qui ont précédé 2019, 35 % des entreprises la supporteraient, et même 50 % si on prenait en compte les trois années avant 2018, soit avant la crise, donc sans qu’on puisse parler de superprofits. En fait, vous taxez massivement les entreprises, y compris celles qui ont subi des pertes ou ont eu des revenus très faibles pendant la crise et qui, par comparaison, réalisent aujourd’hui de très forts profits. Ainsi, votre proposition est mal ciblée et injuste.

Vous avez cité à de nombreuses reprises le Président de la République. Nous avons, en effet, considéré que, dans le secteur énergétique, nombre d’entreprises avaient bénéficié du renchérissement extrêmement marqué des coûts de l’énergie. C’est la raison pour laquelle, au-delà de la contribution au service public d’électricité (CSPE), nous avons élaboré la contribution sur la rente infra-marginale et la contribution temporaire de solidarité, lesquelles rapporteront pour 2022 entre 25 et 30 milliards d’euros. Nous taxons donc bien les profits exceptionnels des entreprises qui ont bénéficié de l’envolée des prix de l’énergie !

Qui plus est, votre proposition vient à contre-cycle : alors que les entreprises entrent dans une crise, est-ce vraiment le moment de les taxer ?

Enfin, au cours des six derniers mois le parlement a déjà repoussé à six reprises – quatre fois en commission et deux fois dans l’hémicycle – des amendements comportant un dispositif similaire. Le respect du travail parlementaire commande que l’on cesse de demander sans fin les mêmes choses.

M. le président Éric Coquerel. C’est tout simplement le droit des parlementaires, cher collègue.

Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Nadia Hai (RE). Madame la rapporteure, le titre-même de votre proposition ne correspond pas à son objet : vous ne souhaitez pas créer une taxe sur les superprofits, mais sur tous les profits.

De fait, vous ne vous attaquez pas à la rente, mais aux entreprises qui réussissent. Vos objectifs sont nobles et nous les partageons, mais vous n’arriverez pas à nous convaincre que la taxation est l’unique remède. Vouloir faire croire qu’avec cette taxation nous arriverions à financer notre système de retraite, nous opérerions mieux la bifurcation écologique et énergétique, nous réduirions les inégalités, nous améliorerions le service public, tout cela avec, selon Oxfam, un gain virtuel de 10 milliards d’euros, est une duperie dont nous ne saurions être complices. Nous le serons d’autant moins que vous oubliez délibérément que notre plan de relance de 100 milliards d’euros est lui bel et bien destiné à décarboner notre industrie et à mener une véritable politique territoriale, proche de nos concitoyens, avec plus et mieux de services publics, avec des investissements dans notre agriculture et dans le numérique. Vous oubliez aussi l’action que mène la France à l’échelle européenne en faveur d’une taxe sur les géants des numériques et les véritables superprofits, une taxe qui s’attaque aux rentiers, et à eux seuls. On nous avait dit que c’était impossible mais, visiblement, avec Bruno Le Maire, impossible n’est pas Emmanuel Macron !

Oui, faire croire qu’avec des impôts en plus, nous percevrions des recettes fiscales en plus est une duperie. Avez-vous oublié que le choc fiscal promis par François Hollande a eu l’effet inverse de celui escompté ? Ce que vous proposez conduirait à la perte de compétitivité de nos entreprises, à la perte d’attractivité de notre pays, à l’instabilité fiscale, à la perte de confiance en nos gouvernants, à la fermeture d’usines, à la délocalisation de sièges sociaux, à la fuite des capitaux et à un chômage de nouveau à la hausse ; bref, à tout ce à quoi nous avons assisté ces dernières décennies.

En 2022, grâce à notre politique économique, nous avons atteint avec 62 milliards d’euros un record de recettes pour l’impôt sur les sociétés : vous comprendrez pourquoi nous ne voterons pas cette proposition de loi.

M. Kévin Mauvieux (RN). Je remercie le groupe socialiste de reprendre les propositions du Rassemblement national, puisque nous avons été les premiers à faire cette proposition, au mois de juillet. Sans votre sectarisme, elle aurait alors pu être adoptée, mais mieux vaut tard que jamais !

Petit cadeau pour les macronistes, une telle proposition montre que l’on peut trouver des recettes même si ce ne sont sans doute pas les meilleures. Depuis plusieurs mois, nous alertons sur le fait que, dans différents secteurs, des surprofits sont dégagés par des entreprises qui profitent des différentes crises, que ce soit de celle du covid ou de la guerre en Ukraine. Il est donc normal de récupérer cet argent pour le rendre au Français.

Nous déplorons toutefois le manque d’ambition de cette proposition dont les seuils de déclenchement sont relativement élevés, qui ne vise pas les multinationales et qui est calculée sur une durée inadaptée, nous y reviendrons lors de l’examen des amendements.

À cet égard, nous regrettons que certaines de nos propositions aient été considérées comme des cavaliers législatifs alors qu’elles entraient pleinement dans le champ de la fiscalité du profit. Je pense à ceux relatifs aux dividendes qui avaient été adoptés par l’Assemblée et que, je vous le rappelle, monsieur Cazeneuve, le Gouvernement a totalement ignorés, marquant ainsi son manque de respect à l’égard du parlement.

M. le président Éric Coquerel. Je dis à M. Mauvieux comme à tous les collègues que je peux faire valoir mes arguments quant à la recevabilité des amendements, voire, s’il y a des éléments nouveaux, à revoir ma position d’ici l’examen en séance. Sachez que j’essaie de rendre le plus possible d'amendements recevables.

Mme Clémentine Autain (LFI-NUPES). Hier, un pays s’est levé en masse pour défendre ses retraites contre le recul, imposé par le Gouvernement, de l’âge de départ de 62 à 64 ans. Ce Gouvernement s’entête à vouloir faire payer aux plus modestes et aux femmes les privilèges qu’il a accordés aux grands groupes et aux hyper-riches. Il fait montre de brutalité à l’égard de l’Assemblée nationale qu’il veut court-circuiter avec le fameux article 47.1, au mépris du peuple et du fait archi majoritaire ; il avance tel un bulldozer, prétextant d’un hypothétique déficit de 12 à 17 milliards d’euros.

Or, nous pouvons rassurer Mme Borne : avec la taxe proposée ici, nous ferions entrer 14 milliards dans les caisses de l’État et nous ferions œuvre de justice alors que les Français ont découvert qu’en 2022, sommet d’indécence dans une période de crise maximale, 80 milliards d’euros ont été redistribués sous la forme de dividendes !

Il ne suffit pas aux grandes entreprises d’être d’imposées à 18 % quand les PME le sont à 24 %. Il ne leur suffit pas de recevoir, chaque année, 157 milliards d’euros d’aides publiques sans aucune contrepartie sociale et environnementale. Lisez donc le dernier numéro d’Alternatives économiques, qui titre « Un pognon de dingue » et qui montre que cet argent public ne sert strictement à rien pour nourrir un projet de société qui serait celui du partage et du bien-vivre. Mais cela ne leur suffit pas : il leur faut encore amasser des profits faramineux, gigantesques, indécents. Exemple frappant : au moment où des boulangeries ferment, ou des personnes sont aux abois en raison des factures d’énergie, Engie réalise 5 milliards d’euros de profits. C’est absolument intolérable lorsque l’on veut « faire société ».

Comment la Macronie peut-elle refuser de voter cette taxe sur les superprofits, cette mesure de justice, cette mesure qui permettrait de résoudre le conflit qu’elle a avec la majorité des Français ?

Mme Marie-Christine Dalloz (LR). Je ne ferai pas preuve d’entêtement. Alors que nous avions cherché à le faire au sein de la mission flash que nous y avons consacrée, la rapporteure donne ici une définition des superprofits, qu’elle qualifie de « bénéfices exceptionnels ».

Plus sérieusement, le ministre des comptes publics annonçait hier 7 milliards d’euros supplémentaires de rentrées fiscales en 2022. C’est assez exceptionnel et cela montre que nos entreprises ont enregistré des bons résultats. Cela représente 1,6 milliard d’impôts sur les sociétés de plus, qui s’ajoutent aux 19,2 milliards supplémentaires figurant dans les prévisions budgétaires.

Si les recettes de l’impôt sur les sociétés en 2022 se montent à 62 milliards, c’est à ce chiffre qu’il convient de comparer les 45,6 milliards d’euros de dividendes distribués en 2021 et il faut donc arrêter de dire que les dividendes sont supérieurs à la fiscalité supportée par les entreprises.

Je rappelle enfin que le taux des prélèvements obligatoires des pays de la zone euro s’établit à 42 % quand il est de 45,2 % en France, malgré les baisses d’impôts. Nous sommes donc les champions d’Europe.

M. Mohamed Laqhila (Dem). Notre commission est appelée à examiner une proposition de loi sur les bénéfices exceptionnels, qui reprend, en réalité, celle qui avait fait l’objet, en octobre dernier, d’une procédure de référendum d’initiative partagée, déclarée non conforme par le Conseil constitutionnel.

Ce texte introduit une taxe progressive de 20 à 33 % des profits supérieurs à 1,25 fois la moyenne de ceux d’avant-crise. Vous justifiez cet impôt nouveau par une succession de sophismes : votre exposé des motifs oscille entre bénéfices réalisés et dividendes distribués, tandis que vous omettez délibérément de préciser que l’impôt sur les sociétés et la flat tax que nous avons mise en place lors du précédent quinquennat ont davantage rapporté aux caisses de l’État.

Votre proposition souffre de plusieurs défauts. Tout d’abord, elle risque de rater sa cible puisqu’en raison des règles de fiscalité internationale, elle ne pourrait concerner que les profits réalisés en France. Ensuite, son champ est inadapté puisque vous comparez les résultats des entreprises sur huit ans alors qu’une augmentation de 25 % des bénéfices peut être le résultat d’une bonne stratégie de l’entreprise. Qui plus est, les profits exceptionnels de ces entreprises sont déjà en grande partie concernés par la contribution sur les rentes infra-marginales des électriciens ainsi que par la contribution de solidarité sur le secteur de l’énergie, qui ont fait l’objet d’un accord européen et ont été transposées dans la loi de finances pour 2023.

Nous avons enfin avec vous un désaccord de fond. Un chancelier social-démocrate allemand disait que les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain et les emplois d’après-demain. La philosophie de notre groupe Démocrate est assez simple : le profit, même exceptionnel, n'est pas mauvais, c'est son utilisation qui est sujette à discussion. La transition climatique, le développement numérique, l’innovation, tous ces sujets nécessitent de lourds investissements. Enfin, pour partager la valeur, encore faut-il la créer et qu’elle soit davantage taxée. Qui dit superprofits dit tout simplement super impôts, donc plus de recettes.

Nous voterons contre cette proposition texte.

M. Mickaël Bouloux (SOC). En 2020, 8,8 millions de Françaises et de Français vivaient sous le seuil de pauvreté ; ils sont 12 millions aujourd'hui. En parallèle, à la faveur de la crise du covid, la richesse des plus grandes fortunes françaises a bondi de 58 % depuis 2020. Nos grandes entreprises ont engrangé des superprofits inédits : plus 338 % pour Sanofi par rapport à 2019, plus 122 % pour Total Energie entre 2021 et le premier semestre 2022, et j'en passe : CMA CGM, BNP Paribas, Carrefour, LVMH, Axa. Autre fait : les sociétés du CAC 40 n’ont payé que 10 milliards d’impôts sur les sociétés en 2021, pour près de 164 milliards d’euros de bénéfices.

Il ne s’agit pas de les montrer du doigt : ces entreprises font du profit, tant mieux pour elles ! Mais notre philosophie doit être celle de 1848, cette révolution qui mit fin à la monarchie de juillet : nul n’a droit au superflu – et aux superprofits – tant que chacun n’a pas le nécessaire. Les bénéfices de ces entreprises doivent rejaillir dans notre économie pour rendre la situation de nos citoyens plus juste et pour favoriser la redistribution et l’innovation.

Alors que la majorité affirme que l’on manque d’argent pour sauver le système de retraite, nous proposons de prendre l’argent là où il dort, via une taxation des superprofits qui, selon l’Institut des politiques publiques, pourrait rapporter 44 milliards. Ce texte d’équilibre prévoit ainsi une contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises, à partir d’un référentiel triennal qui évite les effets de seuil, reste limité dans le temps – jusqu’en 2025 – et est progressif, avec un taux plafond aligné sur celui de la contribution européenne.

Le groupe Socialistes et apparentés vous propose un texte d’apaisement, qui enverrait un signal fort à nos concitoyens et qui fait donc appel au bon sens de chacun d’entre vous.

Mme Félicie Gérard (HOR). En ces temps de haute tension économique du fait de la crise énergétique, il est plus que légitime de se poser la question du partage de la valeur. Assurer une justice entre les différents acteurs économiques du pays est primordial ; c’est un enjeu de justice. C’est la raison pour laquelle de tels débats sont essentiels.

Pourtant, c’est parce qu’il est injuste que le groupe Horizons et apparentés ne votera pas ce texte. Il l’est, tout d’abord, car il ne distingue pas l’origine de la hausse du résultat fiscal des entreprises, ce qui aurait pour effet de pénaliser directement celles dont la croissance des bénéfices ne résulte pas de la crise mais tout simplement de la réussite de leur activité.

Il est injuste ensuite, car cette proposition de loi constitue une double peine pour nos entreprises, qui subissent déjà de plein fouet la hausse des prix de l’énergie, les conséquences à l’export des sanctions contre la Russie ou encore les difficultés de reprise post-covid dans certains secteurs d’activité.

Il est injuste enfin, car les règles internationales de fiscalité ne permettent pas que cette taxe s’applique aux bénéfices réalisés à l’étranger, alors que ce sont souvent les plus prolifiques.

Mais au-delà de ces injustices, cette proposition de loi porterait un coup d’arrêt dangereux à l’attractivité économique de notre pays. La France reste le deuxième pays européen où la taxation du capital est la plus élevée. Cette loi ne ferait qu’empirer le phénomène pour atteindre un taux marginal d’impôt sur les sociétés, applicable aux entreprises concernées, de près de 58 %, quand il est de 19 % en moyenne dans l’Union européenne.

Pour autant, des débats doivent avoir lieu sur le partage de la valeur dans nos sociétés, singulièrement au sein des entreprises. Cela demande du recul, du temps et une réflexion globale ; c’est d’ailleurs l’objet d’une mission d’information lancée récemment et qui poursuivra ses auditions dans les semaines à venir.

Mes chers collègues, les réponses aux crises que nous traversons et à l’inflation que connaît notre pays sont multiples mais, soyons lucides, aucune réponse juste et efficace ne passera jamais par une augmentation drastique de la fiscalité. L’heure est à la reprise économique, à la réindustrialisation et à l’attraction de nouveaux capitaux, pas à la taxation pour la taxation qui nous a conduits à tant de difficultés ces dernières décennies.

Mme Christine Arrighi (Écolo-NUPES). En matière de superprofits, tout a été dit : qu’ils n’existent pas, qu’ils existent sans doute mais que l’on ne sait pas les évaluer, qu’ils existent certainement mais que l’échelon national n’est pas le bon, car il mettrait en péril nos pépites industrielles françaises, pépites qui, pour certaines, je le rappelle, ne paient pas d’impôts en France ! Entre-temps, lors de la mission flash, aucun des chefs d’entreprise auditionnés n’a nié l’existence de superprofits tant les chiffres qui étaient portés à notre connaissance au fur et à mesure des auditions ne pouvaient être contredits. Bénéfices, dividendes, je vous fais grâce de la liste à la Prévert : les chiffres que nous avons entendus sont vertigineux, et les meilleurs résultats fiscaux de 2022 sont l’illustration parfaite de l’existence de ces superprofits.

Pour couronner le tout, nous a été communiquée, non par le Gouvernement mais par des chercheurs, l’information selon laquelle les entreprises, principalement celles du CAC 40, ont bénéficié de 156 milliards d’aide publique sans contrepartie ; bref, économie libérale pour les profits, économie administrée pour les pertes et les aides.

Le même qui, hier, ne savait pas ce qu’étaient les superprofits, nous explique aujourd’hui : « Nous passerons au peigne fin toutes les dépenses publiques, État, collectivités sociales et champ social... » – dans le champ social, manifestement, cela a déjà commencé – « C’est l’objet de la revue de dépenses que nous engagerons dans les prochains jours, sous l’autorité de la Première ministre. » Nous suggérons donc à M. Le Maire une revue des recettes ciblées et juste, qui mettra fin aux exonérations aux cotisations sociales, à la flat tax et qui ira effectivement vers une taxation des superprofits.

Alors que les Français subissent depuis des mois les conséquences d’une crise de la vie chère à laquelle s’ajoute un projet de réforme des retraites injustes et davantage rejeté par la majorité d’entre eux, au fur et à mesure que le Gouvernement fait de la « pédagogie », il est temps, au nom de la justice sociale et de la solidarité nationale, de faire contribuer l’ensemble des surprofiteurs de crise. Nous voterons, bien évidemment, ce texte.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). Alors que nous constatons depuis des années que les patrimoines explosent, que les ultra-riches sont de plus en plus riches, on voudrait nous faire croire que c’est naturel. Non, ce n’est pas naturel, ce sont des décisions politiques qui ont amené à cela, des décisions politiques de baisse de la contribution des plus aisés, que ce soit par la diminution de la tranche marginale de l’impôt sur le revenu ou de celle de la contribution sur des dividendes. Voilà ce qui fait que les ultra-riches sont de plus en plus riches et que les entreprises n’ont jamais versé autant de dividendes !

Mes collègues ont donné des chiffres globaux. Je vais, pour ma part, vous citer l’exemple précis de l’ami de François Rufin, qui détient 200 millions d’actions sur les 500 millions de LVMH et qui s’est versé, en 2021, 1 milliard d’euros de dividendes, placés dans des holdings sur lesquelles il est imposé à 1 %. Voilà la réalité ! Aujourd’hui, certains touchent 1 milliard de dividendes et paient 10 millions d’euros d’impôt.

On parle d’optimisation fiscale, parlons plutôt de quasi-évasion fiscale : entre optimisation et évasion, il y a l’épaisseur d’un mur de prison… C’est absolument insupportable, surtout quand on apprend, par ailleurs, que, selon le rapport de l’inspection générale des finances (IGF), les sociétés d’autoroute viennent de se gaver de 55 milliards de rentes indues, et quand le ministre Bruno Le Maire nous explique qu’il compte en récupérer 1 milliard. Qu’il est donc gentil – en tout cas, pour les sociétés d’autoroutes !

Évidemment, cette proposition de loi a tout son sens au moment où l’on met le pays à feu et à sang parce qu’on exige des citoyens des efforts alors que certains se gavent ! Évidemment, nous la voterons.

M. Christophe Naegelen (LIOT). Nous avons toujours défendu une taxation sur les superprofits. Néanmoins, j’ai quelques interrogations sur cette proposition de loi, même si nous la voterons.

On entend dire beaucoup de choses, qui manquent parfois de pragmatisme. Ainsi, à propos des entreprises du CAC 40 et de leurs 137 milliards d’euros de bénéfice, lorsque notre collègue du MODEM dit que les profits d’aujourd’hui sont les investissements de demain, il convient également de prendre en considération toute la partie reversée en dividendes à des actionnaires. Plutôt que de taxer uniquement les résultats, les profits, il vaudrait mieux taxer la partie dividendes, car une partie du résultat ira à l’investissement, une autre à l’intéressement et à la participation des salariés. En réalité, c’est cette partie des dividendes uniquement reversée à des actionnaires qui font de la spéculation, qui jouent le jeu boursier, qu’il faudrait taxer. D’ailleurs, le pourcentage moyen d’impôt que paient les entreprises du CAC 40 pourrait être étendu aux PME-TPE, dont le taux d’imposition est de 23,7 % contre 17 % pour les grandes entreprises.

Nous voterons donc cette proposition de loi, mais nous partons du principe qu’il ne faudrait pas moduler la taxation dans le temps et l’arrêter à 2025 mais, au contraire, l’inscrire dans la durée, et qu’elle devrait porter sur les dividendes reversés aux actionnaires.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je rappellerai en premier lieu que le parlement est souverain, tout comme le sont les députés et les groupes politiques. Nous n’avons qu’une niche par an et nous sommes encore libres de choisir les sujets que nous traitons, quand bien même auraient-ils été déjà discutés.

On nous dit que le niveau d’impôt serait déjà trop élevé. C’est le débat sur le taux nominal et le taux réel. En France, le taux nominal d’IS est certes de 25 %, mais le taux réel peut descendre à zéro. Total Energies, par exemple, ne paie pas d’impôt. Je vous ai rappelé que le taux moyen des pays de l’OCDE s’établissait à 3 % et que la France était en-dessous, à 2,2 % – ce sont les chiffres de l’OCDE. Quant au Royaume-Uni, que l’un d’entre vous a cité, son taux marginal s’établit à 65 % si l’on prend en compte la surtaxe sur les pétroliers.

On reproche à notre proposition de viser toutes les entreprises. Même si Mme Dalloz ne semble pas savoir définir ce qu’est un surprofit, tel n’est évidemment pas le cas : avec un seuil de 750 millions d’euros de chiffre d’affaires et une augmentation de 25 % par rapport à une moyenne triennale, ce sont bien les entreprises des secteurs qui ont réalisé des profits exceptionnels qui sont visées. Qui plus est, le seuil de 25 % est supérieur à celui de 20 % préconisé par l’Union européenne – c’est peut-être pour cela que le groupe RN juge notre proposition peu ambitieuse.

J’ai moi aussi fait des calculs : si l’on appliquait ce seuil aux résultats de 2021, seules vingt-et-une entreprises du CAC 40 seraient concernées. On ne parle donc pas de milliers d’entreprises mais de moins de 700. Je conteste donc que les PME, les ETP, les ETI, soient aussi visées.

Quant au coup d’arrêt dangereux qui serait porté à l’attractivité économique, regardez donc tous les pays qui nous entourent, qui n’ont pas eu froid aux yeux et qui ont refusé le dogmatisme qui est le vôtre.

Enfin, sur l’écart entre les estimations, l’IPP nous dit ne pas comprendre sur quelle base le Gouvernement est arrivé à 200 millions d’euros. Pour mettre fin à la polémique, le plus simple serait qu’il nous communique la base qu’il a utilisée.

Article unique : Contribution additionnelle sur les bénéfices exceptionnels des grandes entreprises

Amendement de suppression CF22 de Mme Nadia Hai.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Tout montre qu’il convient de procéder à l’inverse de cette proposition de loi. Le produit de l’impôt sur les sociétés est en hausse alors que le taux est au plus bas depuis des années, ce qui démontre que pour gagner plus, l’État doit moins taxer.

Par ailleurs, on ne change pas une équipe qui gagne : nous avons obtenu des résultats en matière de créations d’emplois, comme l’illustrent les chiffres du chômage et les investissements étrangers.

D’évidence, il convient de supprimer cet article unique.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Il serait regrettable de mettre un terme à notre discussion en adoptant d’emblée un amendement de suppression : que craignez-vous donc du débat ?

Sur le fond, cette contribution complète les articles 40 et 53 du PLF pour 2023, lesquels ciblent le seul secteur de l’énergie parce que le cadre européen n’autorise l’adoption d’une mesure d’urgence ne nécessitant pas l’unanimité, que si celle-ci concerne indirectement la question de l’énergie, quoique ce secteur ne soit pas le seul à réaliser des bénéfices exceptionnels. Cette proposition de loi va plus loin en ciblant les entreprises dont les bénéfices récents auraient été exceptionnels.

D’après l’exposé des motifs de votre amendement, elle ne viserait pas les superprofits d’une façon suffisamment précise. Or, selon les économistes que nous avons auditionnés, le seuil de 25 % d’augmentation entre la période de référence 2017-2019 et l’exercice imposable est « suffisamment élevé » pour prévenir la taxation de bénéfices qui résulteraient d’investissements productifs passés. Je répète que ce seuil est supérieur à celui que recommande l’Union européenne.

Le critère retenu présente aussi l’avantage de la simplicité.

À propos d’un prétendu matraquage fiscal, je rappelle que les sociétés du CAC40 n’ont payé que 10 milliards d’IS en France pour près de 164 milliards de bénéfices.

Enfin, le produit de l’IS augmente – ce n’est en effet pas le cas du taux – mais il en est de même du produit de l’impôt sur le revenu (IR) et de celui de la TVA, la taxation la plus injuste et la plus anti-redistributive.

Avis défavorable.

Mme Alma Dufour (LFI-NUPES). Vous nous reprochez de remettre sur la table un sujet qui a déjà été traité, mais le 49-3 ne nous a pas vraiment permis d’en débattre lors de l’examen du PLF.

Il est faux de prétendre que seulement 60 milliards de dividendes ont été versés en France au titre de l’exercice 2021. Selon l’Insee, ils se sont élevés à 260 milliards.

Comment est-on censé maîtriser une inflation galopante si nous ne nous donnons pas les moyens de contrôler les superprofits par la taxation ? Comment empêcherez-vous les sociétés de l’énergie ou de l’agroalimentaire de se gaver sur la bête si vous ne posez pas de limites ?

Je rappelle que le bouclier tarifaire, l’année dernière, a coûté 40 milliards et que l’on s’apprête à en dépenser 30 de plus. Quand mettrez-vous un terme à cette hémorragie ?

M. David Amiel (RE). J’ai beaucoup de mal à comprendre la cohérence de cette proposition de loi.

S’agit-il de taxer la rente ? Dès lors, pourquoi ne pas faire des distinctions en fonction de l’origine des revenus, comme nous l’avons fait en imposant une contribution sur les rentes infra-marginales dans le secteur de l’énergie ?

S’agit-il de taxer les plus grandes entreprises dans l’espoir d’engranger plus de recettes fiscales ? Nous serions en désaccord mais cela aurait le mérite de la clarté. Or, ce n’est pas le sens de cette PPL puisque, si nous l’adoptions, une grande entreprise qui réalise des bénéfices très importants mais stables dans le temps ne serait pas concernée par votre dispositif. En revanche, une entreprise qui réaliserait des bénéfices moins importants mais dont le bilan, ces dernières années, se serait redressé, subirait une augmentation très importante de la fiscalité.

Cette PPL ne taxe pas les rentes, ni les grandes entreprises, mais celles qui se développent. Elle n’est ni juste, ni efficace.

M. Nicolas Sansu (GDR-NUPES). La formidable augmentation des patrimoines et des versements de dividendes justifie l’instauration d’une taxation exceptionnelle des superprofits.

Selon M. Lefèvre, il ne faudrait pas changer une équipe qui gagne. Il est vrai que vous pouvez vous réjouir qu’hier, 2,8 millions de Français aient joyeusement manifesté leur approbation de la politique d’Emmanuel Macron… Soyez sérieux ! Les choix du Gouvernement sont soutenus par une toute petite minorité du pays. Vous gagneriez à être un peu plus modestes et à vous demander comment mieux partager les richesses sans accabler les classes moyennes et modestes alors que d’autres s’en mettent plein les fouilles.

M. Pascal Lecamp (Dem). Les réformes qui ont été menées sur la fiscalité et le droit du travail ont contribué à donner de notre pays une image moderne au point que, depuis trois ans, la France est devenue le pays le plus attractif pour les capitaux étrangers. Ces investissements ont permis de sauver des entreprises et de créer des emplois. De plus, un chiffre d’affaires supérieur de l’ensemble de nos entreprises se traduit évidemment par des recettes fiscales supplémentaires. Nous sommes sur une trajectoire où la France est en passe de devenir le premier pays d’Europe pour la création d’emplois et de richesses. À nous, législateurs, de travailler ensuite à une redistribution !

Mme la rapporteure se réfère souvent aux quarante entreprises du CAC40 mais sept-cents entreprises seraient visées par votre dispositif et ce sont des entreprises de taille intermédiaire (ETI), celles-là même qui créent des emplois et de la richesse.

La commission adopte l’amendement CF22.

En conséquence, l’article 2 est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l’article unique

Amendement CF24 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Certains nous ont reproché de viser tous les secteurs, sans aucune distinction. Par cet amendement de repli, je propose de cibler les concessions autoroutières.

Selon un article paru dans le Canard enchaîné le 25 janvier 2023, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique aurait reçu en février 2021 un rapport de l’Inspection générale des finances – j’ai d’ailleurs adressé officiellement hier un courrier à M. Le Maire afin qu’il soit mis à disposition des membres de la commission de finances. Selon ce rapport, la rentabilité des concessions autoroutières, évaluée à 12 %, est bien supérieure aux 6 % estimés en 2006 lorsque la droite les a privatisées. L’adoption de cet amendement permettrait d’apporter 150 millions au budget de l’État.

Mme Stella Dupont (RE). Cette PPL et cet amendement soulèvent un vrai problème. Je suis moi aussi très vigilante face au sentiment d’injustice qui, de plus en plus, se fait jour. Bien que la France soit l’un des pays les plus redistributifs, les fossés se creusent. Les aides à domicile ne gagnent pas grand-chose, entre 800 et 1 000 euros, alors qu’elles sont essentielles pour notre modèle social. La rémunération des emplois n’est plus au niveau de leur utilité sociale, ce qui suscite de fortes tensions auxquelles il importe de répondre.

M. Manuel Bompard (LFI-NUPES). La majorité a fait valoir que le dispositif de la PPL visait des profits qui ne sont pas réalisés en France mais, avec cet amendement, ce n’est plus le cas. Il en est de même s’agissant d’un ciblage qui toucherait de petites entreprises ou du risque de pénaliser des entreprises qui, pour des raisons stratégiques, auraient obtenu de meilleurs résultats cette année que les années précédentes. Par cohérence, cet amendement devrait donc faire la quasi-unanimité de la commission.

Pour la transparence du débat public, il me semblerait de bonne politique que la commission des finances demande à M. Le Maire qu’il lui communique le rapport dont le Canard enchaîné a fait état.

Mme Nadia Hai (RE). Ce rapport fait suite à un amendement gouvernemental au PLF pour 2020. Comme de très nombreux rapports de l’IGF, il n’a pas été publié, ce qui ne signifie pas qu’il a été enterré. La plupart des recommandations formulées, semble-t-il, ne relèvent pas du domaine législatif et le Gouvernement y travaillera, en prévision de la fin des concessions.

La question des tarifs autoroutiers est importante. C’est pourquoi, par décision du Gouvernement, nous avons limité leur augmentation. Les sociétés concessionnaires, pour autant, ne seront pas exonérées de leurs devoirs en matière d’investissements et c’est pourquoi nous nous opposons à cet amendement.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Selon le Canard enchaîné, ce rapport ferait état de trois pistes, dont certaines seraient difficilement envisageables car illégales. Ce n’est toutefois pas le cas de la première – la fin anticipée des concessions en 2026, soit, pour ASF-Escota, dix ans avant le terme et pour APRR-Area, neuf ans.

Je ne comprends pas pourquoi ce rapport n’est pas transmis à la commission des finances. Le Gouvernement peut fort bien travailler sur les pistes proposées par l’IGF mais le parlement est lui aussi légitime.

Le 14 octobre 2020, j’avais déposé une proposition de résolution invitant le Gouvernement à solliciter un avis juridique sur la légalité et les conditions d’amendement ou de résiliation des concessions autoroutières historiques dans laquelle j’indiquais : « On peut évoquer en particulier leur profitabilité élevée et la situation de négociation structurellement défavorable de l’État dans ces contrats » ainsi qu’un « faisceau d’indices concordants » mettant « en évidence la prédominance économique des sociétés concessionnaires d’autoroutes, préjudiciable à l’usager et à l’intérêt général ».

Que représentent 150 millions par rapport à la sur-rentabilité des autoroutes ? Peanuts ! Vos raisonnements sont purement dogmatiques.

M. le président Éric Coquerel. Qui plus est, en l’occurrence, pour un monopole.

La commission rejette l’amendement CF24.

Amendement CF25 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Vinci vous remercie…

Cet amendement cible le secteur bancaire car le résultat net des cinq plus grandes banques françaises a été multiplié par deux en 2021 pour s’élever à 30 milliards.

Certains pays ont d’ailleurs instauré une telle taxation exceptionnelle, notamment, la Hongrie, où elle est de 8 %, mais aussi l’Espagne et d’autres pays européens. Le rendement de cet amendement serait de 500 millions.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Nous nous y opposons.

Pourquoi n’avez-vous pas appliqué ces mesures pendant le quinquennat de M. Hollande, entre 2012 et 2017 ? En proposant aujourd’hui de telles taxations, vous savez pertinemment qu’elles nuiraient à notre compétitivité et qu’elles sont donc inapplicables.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je vous rappelle que des oppositions se sont manifestées au sein même de la majorité de M. Hollande.

La commission rejette l’amendement CF25.

Amendement CF26 de Mme Christine Pires Beaune.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Nous proposons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur les bénéfices réalisés depuis 2015 par les grandes entreprises afin de déterminer l’existence – ou non – de profits exceptionnels sur la période et d’évaluer l’opportunité d’introduire une contribution.

Mme Nadia Hai (RE). Il me paraît plus sage d’attendre les conclusions des deux missions d’information lancées par la commission des finances, l’une sur les bénéfices, l’autre sur le partage de la valeur.

M. François Ruffin (LFI-NUPES). Lors de ses vœux, le Président de la République a évoqué à six reprises l’unité de la nation.

Comment la maintenir après une crise du covid qui a permis à l’industrie pharmaceutique, à la grande distribution, aux secteurs du numérique et des assurances de se gaver sans que vous ne leviez jamais le petit doigt ?

Survient une deuxième crise, la guerre en Ukraine et, cette fois, les secteurs de l’énergie, des transports – les porte-containers – et de l’industrie agroalimentaire se gavent sans que vous ne leviez non plus le petit doigt.

Puisque « nous sommes en guerre », souvenez-vous de ce qui s’est passé pendant la Grande Guerre : des impôts ont été instaurés pour plus de justice.

La guerre climatique, quant à elle, nécessite une adaptation de l’ensemble de la société. Il ne sera pas possible de « faire nation » si nous savons que ceux qui peuvent le plus contribuer, contribuent le moins. Le maintien de l’unité de la nation repose sur une double nécessité, économique et morale.

La commission rejette l’amendement CF26.

Amendement CF12 de M. Kévin Mauvieux.

M. Kévin Mauvieux (RN). Cet amendement tend à ce que le Gouvernement remette au parlement un rapport sur les superprofits des entreprises du secteur de l’agroalimentaire, où l’inflation est très élevée. Il importe de faire savoir aux Français que nous nous occupons de leurs problèmes et que nous cherchons à en comprendre les raisons.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Il me semble dommageable de pointer un seul secteur, à la différence de ce que je proposais à l’amendement CF26. Avis défavorable.

Mme Nadia Hai (RE). Je suis très étonnée de cet amendement puisque le Rassemblement national a voté contre une proposition de loi de notre collègue Descrozaille visant à régulariser les relations entre distributeurs et producteurs.

D’aucuns se sont émus de notre vote contre le précédent amendement mais, étant opposés à l’ensemble de cette proposition de loi, nous les rejetons tous.

M. Kévin Mauvieux (RN). Un seul secteur est en effet ciblé, ce qui ne nous a pas empêché de voter votre amendement CF26. De plus, les classes les plus défavorisées sont particulièrement concernées par l’inflation dans le secteur agroalimentaire.

La proposition de loi Descrozaille, quant à elle, ne visait pas à limiter les surprofits mais à faciliter les négociations entre distributeurs et fournisseurs, en favorisant d’ailleurs ces derniers.

Enfin, en rejetant les demandes de rapports au motif qu’elle s’oppose à l’ensemble de cette PPL, la majorité s’abaisse au niveau de ceux dont elle dénonce en permanence les pratiques.

La commission rejette l’amendement CF12.

Mme Christine Pires Beaune, rapporteure. Je regrette les choix qui viennent d’être faits mais je suis persuadée que cette question reviendra très vite sur la table.

Si vous ne voulez pas entendre les députés de l’opposition, peut-être entendrez-vous Florent Menegaux, le directeur général de ce grand groupe qu’est Michelin, qui lors de ses vœux à la presse a considéré qu’une meilleure répartition de la richesse est nécessaire, que l’on était « allé trop loin dans les écarts » et que, « quand le travail est moins bien rémunéré que le capital, cela pose problème ».

L’article unique de la proposition de loi ayant été supprimé, le texte est considéré comme rejeté par la commission.

En conséquence, l’ensemble de la proposition de loi est rejeté.

En conséquence, aux termes de l’article 42 de la Constitution, la discussion en séance publique aura lieu sur le texte initial de cette proposition de loi.

 

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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES PAR LA RAPPORTEURE

Table ronde

Oxfam France *

– M. Quentin Parrinello, responsable plaidoyer « Justice fiscale et inégalités ».

Institut La Boétie

– M. Boris Bouzol-Broitman, auteur de la note « Taxer les superprofits pour libérer l’économie réelle ».

Institut Rousseau

– Mme Chloé Ridel, directrice adjointe ;

– M. Ano Kuhanathan, directeur des études économiques et financières.

Audition

Institut des politiques publiques

– M. Laurent Bach, responsable du pôle entreprises et co-auteur de l’étude « Exposition à la crise énergétique et taxation des profits exceptionnels des entreprises » ;

– M. Arthur Guillouzouic, co-auteur de l’étude « Exposition à la crise énergétique et taxation des profits exceptionnels des entreprises ».

 

L’association française des entreprises privées (AFEP) a transmis ses observations sur la proposition de loi à la rapporteure.

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

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([1]) Institut des politiques publiques, Conférence budgétaire 2022 : quels enjeux budgétaires face au choc énergétique ?

([2]) Statistiques des recettes publiques 2022, OCDE.  

([3]) Shafik Hebous, Dinar Prihardini et Nate Vernon, Excess Profit Taxes: Historical Perspective and Contemporary Relevance, FMI, 2022. https://www.imf.org/en/Publications/WP/Issues/2022/09/16/Excess-Profit-Taxes-Historical-Perspective-and-Contemporary-Relevance-523550

 

([4]) Mission flash sur les entreprises pétrolières et gazières et celles du secteur du transport maritime qui ont dégagé des profits exceptionnels durant la crise, communication devant la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale du 4 octobre 2022.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/content/download/494529/file/Communication-MI-Flash-entreprises-petrolieres-gazieres-et-transport-maritime.pdf   

(1) Institut des politiques publiques, Conférence budgétaire 2022 : quels enjeux budgétaires face au choc énergétique ? 

([6]) Accessible via https://www.aides-entreprises.fr/.

([7]) Institut de recherches économiques et sociales, Un capitalisme sous perfusion. Mesure, théories et effets macroéconomiques des aides publiques aux entreprises françaises, Octobre 2022.  

([8]) Environ 4,2 milliards d’euros selon le tome II des voies et moyens annexé au projet de loi de finances pour 2023.  

([9]) Loi n° 2017‑1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018, article 84.  

([10]) « Je ne veux pas voir un seul millionnaire de guerre créé aux États-Unis en conséquence de cette catastrophe mondiale. »  

([11]) Ratchford, B. U. “The Federal Excess Profits Tax. Part One: Development and Present Status.” Southern Economic Journal, vol. 12, no. 1, 1945, pp. 1–16.  

([12]) Ordonnance n° 45-1820 du 15 août 1945 instituant un impôt de solidarité nationale et édictant diverses mesures de simplifications fiscales, Journal officiel de la République française, jeudi 16 et vendredi 17 août 1945, pages 5090 et suivantes.

([13])Thomas Tørsløv, Ludvig Wier, and Gabriel Zucman (2022). The Missing Profits of Nations. The Review of Economic Studies.

([14]) Article 37 du décret-loi du 21 mars 2022, dans sa rédaction modifiée par l’article 55 du décret-loi du 17 mai 2022.

([15]) Sont concernés les secteurs du pétrole brut, du gaz naturel, du charbon et du raffinage au sens du point 17 de l’article 2 du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022.

([16]) Article 15 du règlement (UE) 2022/1854 du Conseil du 6 octobre 2022.  

([17]) Institut des politiques publiques, Conférence budgétaire 2022 : quels enjeux budgétaires face au choc énergétique ?   

([18]) Article 3 du décret n° 2008‑1354 du 18 décembre 2008 relatif aux critères permettant de déterminer la catégorie d’appartenance d’une entreprise pour les besoins de l’analyse statistique et économique.

([19]) III de l’article 299 du CGI.  

([20]) Cour des comptes, référé S2018-4023 du 23 janvier 2019 adressé au ministre de la transition écologique et solidaire sur le plan de relance autoroutier.

([21]) Rapport du Sénat fait au nom de la commission d’enquête sur le contrôle, la régulation et l’évolution des concessions autoroutières, 16 septembre 2020.

([22]) Journal officiel de la République française – Débats parlementaires, Assemblée nationale, 24 juillet 2022, pages 2923 et suivantes.   

([23]) Bénéfices imposables excédant de plus de 20 % la moyenne des bénéfices imposables des quatre exercices fiscaux commençant le 1er janvier 2018 ou après cette date.  

([24]) Institut des politiques publiques, Conférence budgétaire 2022 : quels enjeux budgétaires face au choc énergétique ?