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N° 862

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 février 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

relative au régime juridique des actions de groupe

 

PAR Mme Laurence VICHNIEVSKY et M. Philippe GOSSELIN

Députés

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Voir le numéro : 639.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION ............................................ 9

exposÉ gÉnéral

I. L’état du droit : la complexité et l’inefficience du régime juridique des actions de groupe

A. Encadrement constitutionnel et européen des actions de groupe

1. La constitutionnalité de l’action de groupe

2. Le cadre européen favorable au développement de l’action de groupe

B. Présentation générale des actions de groupe

1. Les sept fondements législatifs de l’action de groupe

2. La compétence réservée aux tribunaux judiciaires pour les actions de groupe relevant du juge judiciaire

3. Les principales caractéristiques du régime juridique des actions de groupe

a. La définition de l’action de groupe

b. La qualité pour agir

c. La mise en demeure préalable

d. Les deux objets de l’action de groupe : cessation du manquement ou réparation des préjudices

i. Cessation du manquement

ii. Réparation des préjudices

C. PrÉsentation spÉcifique des diverses actions de groupe

1. L’action de groupe « Consommation »

2. L’action de groupe « Santé »

3. Les actions de groupe en matière de discriminations

a. L’action de groupe « Discriminations »

b. L’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur de droit privé »

c. L’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur de droit public »

4. L’action de groupe « Environnement »

5. L’action de groupe « Données personnelles »

II. la proposition de loi : l’instauration d’un régime juridique de l’action de groupe universel et plus efficace

A. Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge judiciaire (article 1er)

1. Objet, qualité pour agir et introduction de l’instance

a. Objet de l’action de groupe

b. Qualité pour agir

c. Introduction de l’instance

2. Cessation du manquement et réparation des préjudices

a. Rôle du juge de la mise en état dans la cessation du manquement

b. Déroulement de la procédure

i. Jugement sur la responsabilité

ii. Réparation des préjudices

iii. Gestion des fonds reçus

3. Sanction civile, frais et dépens

a. La sanction civile

b. Les frais et dépens

4. Médiation

5. Registre national des actions de groupe

6. Dispositions diverses

B. Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’actions de groupe (article 2)

C. Suppression des régimes spécifiques d’actions en groupe (article 3)

D. Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif (article 4)

1. Extension de l’action de groupe au droit public

2. Régime juridique de l’action de groupe « Droit public »

E. Entrée en vigueur de la loi (article 5)

III. les travaux de la commission : une rÉÉcriture sous forme de « loi cadre »

A. La prise en compte de l’avis du Conseil d’État

1. Un avis positif sur l’action de groupe universelle et l’extension de la qualité pour agir

2. Un avis constructif qui a inspiré les amendements de réécriture adoptés par la Commission

3. Des réserves sur la sanction civile dont a tenu compte la Commission

B. La Transposition de la directive « Action reprÉsentative » du 25 novembre 2020

C. Les autres modifications

EXAMEN des articles

TITRE Ier L’action de Groupe

Chapitre Ier Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance

Article 1er Définition de l’action de groupe

Article 1er bis (nouveau) Qualité pour agir

Article 1er ter (nouveau) Contrôle des conflits d’intérêts

Chapitre II L’action de groupe en cessation de manquement

Article 1er quater (nouveau) L’action de groupe en cessation du manquement

Chapitre III L’action de groupe en réparation des préjudices

Section 1 Jugement sur la responsabilité

Article 1er quinquies (nouveau) Contenu du jugement sur la responsabilité

Article 1er sexies (nouveau) Provision et décision sur la mise en œuvre de la procédure collective de liquidation des préjudices

Article 1er septies (nouveau) Caractère exécutoire à titre provisoire du jugement

Section 2 Réparation du préjudice

Article 1er octies (nouveau) Adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure individuelle

Article 1er nonies (nouveau) Indemnisation des préjudices individuels

Article 1er decies (nouveau) Saisine du juge en cas de difficultés

Article 1er undecies (nouveau) Adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure collective

Article 1er duodecies (nouveau) Négociation de l’accord et rôle du juge

Article 1er terdecies (nouveau) Gestion des fonds reçus

Section 3 Médiation

Article 1er quaterdecies (nouveau) Accès à la médiation

Article 1er quindecies (nouveau) Homologation de l’accord

Chapitre IV Registre national des actions de groupe

Article 1er sexdecies (nouveau) Registre national des actions de groupe

Chapitre V Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe

Article 2  Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’actions de groupe

Chapitre VI Dispositions diverses

Article 2 bis (nouveau) Suspension de la prescription des actions individuelles

Article 2 ter (nouveau) Autorité de la chose jugée

Article 2 quater (nouveau) Maintien des voies de droit commun

Article 2 quinquies (nouveau) Irrecevabilité de l’action de groupe ayant le même objet que celle traitée dans un jugement sur la responsabilité ou un accord homologué

Article 2 sexies (nouveau) Substitution du demandeur défaillant

Article 2 septies (nouveau) Caractère d’ordre public de l’action de groupe

Article 2 octies (nouveau) Action directe contre l’assureur

Article 2 nonies (nouveau) Prise en charge des frais d’instruction et des dépens par l’État

Article 2 decies (nouveau) Modalités d’application

TITRE II dispositions diverses et de coordination

Chapitre Ier Sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels

Article 2 undecies (nouveau) (art. 1253 [nouveau] du code civil) Sanction civile

Chapitre II  Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Article 2 duodecies (nouveau) Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Chapitre III Dispositions de coordination

Article 2 terdecies (nouveau) (art. L. 132-1 A, L. 24111, L. 2415, L. 242181, L. 6521 et L. 6522 du code de la consommation) Coordination dans le code de la consommation

Article 2 quaterdecies (nouveau) (art. L. 77101 du code de justice administrative) Coordination dans le code de justice administrative

Article 2 quindecies (nouveau) (art. L. 21122 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire) Coordination dans le code de l’organisation judiciaire

Chapitre IV Évaluation de la loi

Article 2 sexdecies (nouveau) Rapport d’évaluation

Chapitre V Entrée en vigueur et abrogation des régimes spécifiques de l’action de groupe

Article 3 (chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation, art. L. 142-3-1 du code de l’environnement, art. L. 77-10-2 à L. 77-10-25 et chapitre XI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, art. L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire, art. L. 11431 à L. 114313 du code de la santé publique, section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail, art. 37 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 10 de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et chapitre Ier du titre V de la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) Entrée en vigueur et suppression des régimes spécifiques d’actions en groupe

Article 4 (supprimé) Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif

Article 5 (supprimé) Entrée en vigueur de la loi

Article 6  Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 

 

 


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Mesdames, Messieurs,

L’action de groupe a été introduite en droit français par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite « Loi Hamon ». L’objectif recherché par le législateur était de permettre à des consommateurs, victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel, d’obtenir une indemnisation, sur la base d’un jugement en responsabilité obtenu, pour leur compte, par une association agréée.

La procédure, prévue par le législateur, s’articule en trois temps :

– une phase juridictionnelle, opposant le demandeur à l’action et le défendeur, qui est consacrée à l’examen de la responsabilité de ce dernier ;

– une phase de réparation des préjudices qui concerne les personnes ayant décidé d’adhérer au groupe, selon un mécanisme de type « opt-in », après le jugement ayant statué sur la responsabilité ; le principe de l’« opt-in » signifie que seules les personnes ayant expressément adhéré au groupe en font partie (il s’oppose au principe de l’ « opt-out » en vertu duquel toutes les victimes potentielles sont présumées faire partie du groupe sauf celles qui s’y opposent expressément) ;

– et une phase facultative durant laquelle le juge statue sur les éventuelles difficultés de mise en œuvre du jugement sur la responsabilité pour la réparation des préjudices.

L’action de groupe devait ainsi favoriser l’indemnisation des préjudices de faible montant, ou plus conséquents, pour lesquels les victimes se seraient abstenues d’agir individuellement au regard du coût de la procédure ou de la puissance économique du défendeur. Elle devait créer un rapport de force favorable aux consommateurs et présenter, de ce fait, un caractère dissuasif.

D’abord limitée au droit de la consommation, elle a été étendue en 2016 et en 2018 aux domaines de la santé, de l’environnement, de la protection des données personnelles, de la lutte contre les discriminations et de la location immobilière.

En pratique, le bilan a été décevant. Seulement quelques dizaines d’actions de groupe ont été intentées et la plupart n’ont pas prospéré.

Les causes de cet échec ont été analysées par la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe ([1]), créée par la commission des lois au cours de la précédente législature.

La mission d’information a mis en évidence l’excessive complexité du régime juridique des actions de groupe. Il n’existe pas moins de sept fondements juridiques différents pour intenter des actions de groupe, avec pour chacun d’eux des règles procédurales et des règles de fond qui varient sur des aspects aussi importants que la qualité pour agir, la finalité de l’action (réparation des préjudices ou cessation du manquement), le champ du préjudice indemnisable ou encore les modalités de la réparation.

Dans son rapport adopté à l’unanimité par la commission des lois, la mission d’information a notamment recommandé la mise en place d’un cadre commun à toutes les actions de groupe ainsi qu’un élargissement de la qualité pour agir et du champ des préjudices indemnisables.

La présente proposition de loi s’inspire directement de ses recommandations. Elle vise à instaurer une action de groupe universelle, plus efficace et plus largement ouverte. Elle contribue ainsi à la mise en œuvre du droit constitutionnel à un recours effectif devant une juridiction. Elle tend à opérer un triple élargissement de l’action de groupe : élargissement de la qualité pour agir, élargissement de son champ d’application à tous les droits subjectifs et élargissement du préjudice indemnisable.

Elle s’appuie sur un important travail parlementaire, transpartisan, qui a débuté il y a plus de trois ans, avec les travaux de la mission d’information, qui ont donné lieu à une cinquantaine d’auditions ainsi qu’à des déplacements à Bruxelles – pour l’étude du droit européen – et à Lisbonne – pour l’étude de « l’action populaire » qui est expressément mentionnée dans la Constitution portugaise ([2]).

Son caractère transpartisan a justifié son inscription à l’ordre du jour par la Conférence des Présidents au cours d’une semaine de l’Assemblée.

La Commission a adopté plusieurs amendements présentés par vos Rapporteurs en vue de tenir compte des observations du Conseil d’État qui a été saisi pour avis par Madame la Présidente de l’Assemblée nationale.

Ces amendements ont eu principalement pour objet :

– de définir le régime juridique des actions de groupe dans une « loi cadre » ad hoc et non, comme le prévoit la rédaction initiale de la proposition de loi, dans le code civil ;

– de supprimer plusieurs dispositions qui relèvent du domaine réglementaire ou dont le caractère normatif n’était pas établi ;

– et de transposer la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs.

Sur le plan formel, la Commission a donc procédé à une réécriture de la proposition de loi.

Sur le fond, la Commission a conservé l’essentiel des dispositions initiales de la proposition de loi ci-après commentées.

Dans son avis au Parlement en date du 23 février 2023, Madame Claire Hédon, Défenseure des droits, s'est réjouie de plusieurs avancées contenues dans la proposition de loi adoptée par la Commission. Elle a rappelé que l'élargissement de la qualité pour agir s'inscrivait dans la lignée des recommandations antérieures du Défenseur des droits. Elle a salué la levée des restrictions en matière d'indemnisation des préjudices. Elle a également souligné que la proposition de loi adoptée permettait au régime juridique des actions de groupe, par l'instauration d'un cadre commun, de gagner en lisibilité et en intelligibilité. 

 

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   exposÉ gÉnéral

I.   L’état du droit : la complexité et l’inefficience du régime juridique des actions de groupe

L’action de groupe permet à un demandeur d’agir en justice, non pas pour son propre compte, mais pour défendre les intérêts d’un groupe qui rassemble au moins deux cas individuels placés dans une situation similaire, subissant un dommage ayant pour cause commune un manquement de même nature aux obligations légales ou contractuelles d’un même défendeur.

L’action de groupe a été introduite en droit français par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

Ce premier type d’action de groupe – désigné ci-après : l’action de groupe « Consommation » – a conservé un régime juridique autonome malgré l’introduction d’un socle commun procédural applicable aux autres types d’action de groupe instaurés par la suite.

L’un des intérêts de l’action de groupe est de rééquilibrer le rapport de force entre les parties lorsque le préjudice individuel subi est trop faible au regard de la complexité et des coûts d’une procédure juridictionnelle. La réunion des cas individuels similaires dans un groupe représenté par un demandeur unique, qualifié pour agir, permet plus facilement de porter ce type de litige devant une juridiction. Tel est également le cas, même en présence d’un préjudice conséquent, lorsque le défendeur est plus puissant économiquement que le demandeur.

A.   Encadrement constitutionnel et européen des actions de groupe

La constitutionalité de l’action de groupe suppose le respect du consentement des membres du groupe.

Elle est autorisée par le droit européen qui tend même à l’encourager, notamment en acceptant le financement public des entités habilitées à agir.

1.   La constitutionnalité de l’action de groupe

La constitutionnalité de l’action de groupe a été reconnue par le Conseil constitutionnel dans sa décision n° 2014-690 DC du 13 mars 2014 « Loi relative à la consommation ».

Les requérants avaient fait valoir que les consommateurs étaient absents dans la première phase de la procédure qui oppose le demandeur à l’action au défendeur sur la question de la responsabilité de ce dernier. Ils faisaient aussi grief à la loi déférée de méconnaître les droits de la défense et la présomption d’innocence notamment en raison de la publicité qui était faite au jugement statuant sur la responsabilité avant l’engagement de la seconde phase de la procédure relative à la réparation des préjudices individuels.

Le Conseil constitutionnel a écarté ces différents moyens. Il a relevé, à ce titre, que l'action de groupe n'a pas pour effet « d'attraire des consommateurs à une procédure sans qu'ils aient été en mesure d'y consentir en pleine connaissance de cause » puisque ces derniers adhèrent au groupe dans la deuxième phase de la procédure.

Il a ajouté que les droits de la défense n’étaient pas non plus méconnus « dans la mesure où le professionnel peut, lors de la première étape de la procédure, faire valoir, outre les exceptions relatives à la recevabilité de cette action, tous les moyens de défense relatifs à la mise en cause de sa responsabilité, à la définition du groupe des consommateurs à l'égard desquels celle-ci est engagée, aux critères de rattachement à ce groupe, aux préjudices susceptibles d'être réparés, ainsi qu'à leur montant ou aux éléments permettant l'évaluation des préjudices »

Enfin, il a estimé que la publicité qui était faite au jugement sur la responsabilité ne constituait pas une sanction ayant le caractère d'une punition, et ne constituait pas non plus une atteinte à la présomption d'innocence. En effet, cette publicité est seulement destinée à permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti pour adhérer au groupe.

L’encadrement constitutionnel de l’action de groupe a ainsi clairement été défini par la décision précitée du 13 mars 2014. Il a permis une extension de l’action de groupe à d’autres matières que le droit de la consommation.

2.   Le cadre européen favorable au développement de l’action de groupe

Le droit européen encourage les actions collectives et une récente directive européenne est susceptible de donner un nouvel élan à l’action de groupe : la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs – ci-après désignée : la directive « Action représentative ».

La directive devait être transposée avant le 25 décembre 2022. La France n’a pas encore procédé à cette transposition.

La directive vise à la mise en place d’un mécanisme européen harmonisé de recours collectif (l’« action représentative ») afin de protéger les intérêts collectifs des consommateurs.

Ce mécanisme européen harmonisé s’applique pour les actions transfrontières, c’est-à-dire une action intentée par une association ou tout autre entité dans un État membre différent de celui qui lui a délivré l’habilitation à agir. Les États membres demeurent libres de fixer un régime juridique différent pour les actions nationales.

L’action représentative conçue par la directive a pour objet la cessation ou l’interdiction de la pratique illégale au moyen d’injonctions à titre provisoire ou définitif. Le champ d’application de la directive est déterminé dans une annexe qui énumère 66 actes européens. Il couvre essentiellement le droit de la consommation, la protection des données, les services financiers, les transports aérien et ferroviaire, le tourisme, l’énergie, les télécommunications, l’environnement ou encore la santé. Contrairement au droit français, les préjudices résultant de pratiques anticoncurrentielles ne sont pas visés.

La directive entend conférer une compétence exclusive à des entités représentatives qualifiées pour exercer les recours collectifs. Elle prévoit que chaque État membre devra désigner à l’avance une ou plusieurs « entités qualifiées » – qui pourront être des organisations de consommateurs ou des organismes publics. L’entité qualifiée peut demander des mesures de réparation, qui obligent le professionnel à indemniser, réparer, remplacer, réduire le prix, résilier le contrat ou rembourser le prix selon le cas.

Concernant les critères d’habilitation, la directive harmonise les critères relatifs à la qualité pour agir pour les actions transfrontières. L’entité doit démontrer douze mois d'activité en faveur de la protection des consommateurs, avoir un caractère non lucratif et garantir son indépendance vis-à-vis des tiers dont les intérêts économiques s'opposent à ceux des consommateurs. Elle doit aussi ne pas avoir d’accord financier avec des cabinets d’avocats et prévenir les risques de conflits d’intérêts avec leurs bailleurs de fonds. Elle doit être évaluée au moins tous les cinq ans.

La directive implique un principe de reconnaissance mutuelle de la qualité pour agir des entités qualifiées au sein de l’Union européenne pour les actions transfrontières entrant dans son champ d’application.

Sur le plan du régime procédural, la directive impose :

-           des mesures appropriées pour prévenir les conflits d’intérêts ;

-           et un contrôle par le juge de la conformité de l’accord soumis à homologation aux intérêts des personnes auxquelles il est susceptible de s’appliquer, dans le cadre de la liquidation collective d’un préjudice.

La directive réglemente aussi le financement par des tiers des actions afin de garantir une meilleure transparence et l’absence de conflit d’intérêts. Les États membres sont encouragés à faciliter l’accès des entités qualifiées à la justice en prévoyant par exemple un financement public.

La directive permet enfin une publicité accrue quant aux actions intentées ou envisagées par les entités (site internet des entités, mise en place de bases de données électroniques nationales).

En ce qui concerne les actions nationales en revanche, les États membres sont libres d’établir les critères de désignation des entités conformément à leur droit national ainsi que le régime procédural applicable.

B.   Présentation générale des actions de groupe

L’action de groupe est particulièrement adaptée au droit de la consommation, domaine dans lequel elle fut introduite, pour la première fois, dans notre droit, par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation.

Lors des débats parlementaires, le représentant du Gouvernement avait fait valoir que l’action de groupe « Consommation » allait permettre de « redistribuer des rentes indues des professionnels vers les consommateurs » qui « correspondent à l’addition de chacun des préjudices individuels » et « représentent parfois des dizaines de millions d’euros ». Il utilisa ainsi l’argument de la défense du pouvoir d’achat pour justifier l’introduction de l’action de groupe en droit français.

L’action de groupe se justifie aussi dans les contentieux de série, en particulier lorsque les victimes se trouvent en état de vulnérabilité et peuvent être découragées, pour cette raison, de se lancer seules dans une procédure juridictionnelle. C’est pourquoi, elle fut rapidement étendue aux dommages corporels causés par des produits de santé, avec la création d’un nouveau type d’action de groupe (désignée ci-après : l’action de groupe « Santé ») par la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Pour ces mêmes motifs, en adoptant la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle (désignée ci-après : la loi « Justice du XXIème siècle »), le législateur a ensuite étendu l’action de groupe :

– à la lutte contre les discriminations (désignée ci-après : l’action de groupe « Discriminations »), y compris lorsqu’elles sont imputables à un employeur de droit privé (ci-après désignée : l’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur – droit privé ») ou de droit public (ci-après désignée : l’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur – droit public ») ;

–  à la protection des données personnelles (désignée ci-après : l’action de groupe « Données personnelles ») ;

– et aux dommages environnementaux (désignée ci-après : l’action de groupe « Environnement »).

Une nouvelle et dernière extension est intervenue, dans le cadre d’un aménagement de l’action de groupe « Consommation », pour les litiges relatifs à la location d’un bien immobilier avec la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi « ELAN »).

Au total, le régime juridique des actions de groupe est issu de quatre lois. Il se caractérise par sa diversité et sa complexité.

1.   Les sept fondements législatifs de l’action de groupe

Les lois successives intervenues en la matière ont abouti à la création de sept fondements juridiques différents permettant d’engager une action de groupe.

On les retrouve dans cinq codes et deux lois : code de la consommation, code de l’environnement, code de justice administrative, code de la santé publique, code du travail, loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés et loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

Selon la nature des litiges, ces actions peuvent relever du juge judiciaire ou du juge administratif.

Les sept fondements juridiques en matière d’action de groupe

Type d’action de groupe

Loi ayant créé le type d’action de groupe

Dispositions en vigueur autorisant le type d’action de groupe

Juge compétent

Action de groupe « Consommation »

Loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation + Loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique.

Articles L. 623-1 à L. 623-32 du code de la consommation.

Juge judiciaire

 

 

 

Action de groupe

« Santé »

Loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Articles L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique.

Juge administratif

/

Juge judiciaire

Action de groupe

« Discriminations »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle.

Article 10 de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

 

 

Juge administratif

/

Juge judiciaire

Action de groupe

« Discrimination imputable à un employeur – droit privé »

Articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail.

Juge judiciaire

Action de groupe

« Discrimination imputable à un employeur – droit public »

Articles L. 77-11-1 à L. 77-11-6 du code de justice administrative.

Juge administratif

Action de groupe

« Environnement »

Article L. 142-3-1 du code de l’environnement.

Juge administratif

/

Juge judiciaire

Action de groupe

« Données personnelles »

Article 37 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Juge administratif

/

Juge judiciaire

2.   La compétence réservée aux tribunaux judiciaires pour les actions de groupe relevant du juge judiciaire

Plusieurs juridictions spécialisées existent déjà en droit civil, comme les tribunaux de commerce, les conseils de prud’hommes et les tribunaux paritaires des baux ruraux.

La question de spécialiser les tribunaux compétents pour connaître des actions de groupe n’est pas nouvelle. Le rapport d’information sur l’action de groupe écrit par les sénateurs Béteille et Yung préconisait déjà de faire relever les actions de groupe de la compétence d’un nombre limité de tribunaux de grande instance spécialisés ([3])

Le projet de loi relatif à la consommation, déposé par le Gouvernement le 2 mai 2013 sur le bureau de l’Assemblée nationale, qui introduit la procédure de l’action de groupe, prévoyait initialement que le contentieux de l’action de groupe soit confié à des tribunaux de grande instance spécialement désignés.

Alors que l’action de groupe était réservée au domaine de la consommation, l’objectif était à la fois d’éviter un éparpillement du contentieux sur le territoire et de permettre aux juridictions de développer une expertise s’agissant d’une procédure particulière, s’appliquant dans un domaine technique. Le principe de la spécialisation et la conséquence sur les justiciables ont fait l’objet de nombreux débats au Sénat : le principe de spécialisation a été largement amoindri lors de la deuxième lecture du projet de loi au Sénat.

L’article 2 de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation confie finalement à l’ensemble des tribunaux de grande instance le contentieux des actions de groupe créées par la même loi.

L’ouverture de la procédure de l’action de groupe à de nouveaux secteurs en 2016 ne s’est pas traduite par une spécialisation des tribunaux compétents pour en connaître. L’article 84 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle crée ainsi un nouvel article L. 211-9-2 au sein du code de l’organisation judiciaire qui prévoit que le tribunal de grande instance est compétent pour connaître des actions de groupe définies au chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation et celles prévues par la loi du 18 novembre 2016.

L’article 95 de la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 a modifié l’article L. 211-9-2 précité pour confier cette compétence aux tribunaux judiciaires qui ont succédé aux tribunaux de grande instance à compter du 1er janvier 2020.

3.   Les principales caractéristiques du régime juridique des actions de groupe

Chaque type d’action de groupe obéit à des spécificités plus ou moins prononcées concernant la qualité pour agir, les conditions de son introduction, la procédure juridictionnelle, le champ des préjudices indemnisables ou encore les modalités de réparation.

L’objectif du législateur était d’éviter des dérives de type « chasseurs de primes » et certains travers de l’action de groupe « à l’américaine ». C’est pourquoi, il a prévu un encadrement strict de chaque action de groupe.

Chronologiquement, le premier régime juridique relatif à une action de groupe a été défini lors de l’instauration de l’action de groupe « Consommation » par la loi du 17 mars 2014 précitée. Il intègre une procédure de principe, d’une part, et une « procédure d’action de groupe simplifiée » lorsque les consommateurs subissent un préjudice identique et que leur identité et leur nombre sont connus, d’autre part. À cela s’ajoutent des modalités spécifiques lorsque l’action de groupe intervient dans le domaine de la concurrence.

Ensuite, la loi du 26 janvier 2016 a créé l’action de groupe « Santé » avec un régime juridique distinct de celui de l’action de groupe « Consommation ».

Enfin, la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle » a instauré les cinq autres types d’action de groupe ainsi qu’un « socle commun » procédural susceptible de s’appliquer en tout ou partie à chacun d’entre-eux, à l’exception de l’action de groupe « Consommation » dont le régime juridique est demeuré totalement autonome.

Ce socle commun comprend deux volets selon que l’action de groupe est dirigée vers le juge judiciaire ou le juge administratif.

Le volet relatif au juge judiciaire est défini aux articles 60 à 84 de la loi « Justice du XXIème siècle » tandis que le volet relatif au juge administratif a été codifié par cette même loi aux articles L. 77-10-1 à L. 77-10-25 du code de justice administrative.

Des dispositions réglementaires figurent également au sein du code de procédure civile (articles 848 à 849-28) pour les actions de groupe relevant du juge judiciaire.

Le volet relatif au juge administratif de ce socle commun procédural est issu de l’article 85 de la loi précitée et a été codifié au chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative.

Ce chapitre, intitulé « L’action de groupe », comprend les articles L. 77-10-1 à L. 77-10-25.

L’article L. 77-10-1 rappelle la liste des cinq types d’action de groupe pouvant relevant du juge administratif : l’action de groupe « Discriminations », l’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur – droit public », l’action de groupe « Environnement », l’action de groupe « Santé » et l’action de groupe « Données personnelles ». Son premier alinéa dispose que, sous réserve des dispositions particulières, le présent chapitre est applicable à ces différentes actions. Dans le même sens, l’article L. 77-10-2 prévoit que, sauf dispositions contraires, l'action de groupe est introduite et régie selon les règles prévues au code de justice administrative.

Les articles L. 77-10-3 à L. 77-10-6 définissent l’objet de l’action de groupe, la qualité pour agir et les modalités de l’introduction de l’instance.

L’article L. 77-10-6 définit les pouvoirs du juge en matière de cessation du manquement.

Les articles L. 77-10-7 à L. 77-10-9 définissent le contenu du jugement en responsabilité.

Les articles L. 77-10-10 à L. 77-10-12 sont relatifs à la procédure individuelle de réparation des préjudices.

Les articles L. 77-10-13 et L. 77-10-14 sont relatifs à la procédure collective de liquidation des préjudices.

L’article L. 77-10-15 porte sur la gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe.

Les articles L. 77-10-16 et L. 77-10-17 sont relatifs à la médiation.

Les articles L. 77-10-18 à L. 77-10-25 sont des dispositions diverses.

Régime juridique des actions de groupe

Régime juridique autonome

de l’action de groupe « Consommation »

Procédure de principe

(articles L. 623-1 et suivants du code de la consommation)

Procédure d’action de groupe simplifiée

(articles L  623-14 à L  623-17 du code de la consommation)

Modalités spécifiques dans le domaine de la concurrence

(articles L. 623-24 à L. 623-26 du code de la consommation)

« Socle commun » procédural

applicable aux autres actions de groupe sous réserve de spécificité prévues pour chacune d’entre-elles

Volet « juge judiciaire »

(articles 60 à 84 de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle)

Volet « juge administratif »

(articles L. 77-10-1 à L. 77-10-25 du code de justice administrative)

a.   La définition de l’action de groupe

Plusieurs dispositions législatives définissent l’action de groupe.

La définition la plus générale figure dans le socle commun procédural applicable devant le juge judiciaire, à l’article 62 de loi « Justice du XXIème siècle ».

Cet article définit ainsi l’action de groupe :

« Lorsque plusieurs personnes placées dans une situation similaire subissent un dommage causé par une même personne, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur ».

On retrouve la même définition pour le socle commun procédural applicable devant le juge administratif avec toutefois une précision quant à la qualité du défendeur qui doit être une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public :

« Lorsque plusieurs personnes, placées dans une situation similaire, subissent un dommage causé par une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public, ayant pour cause commune un manquement de même nature à ses obligations légales ou contractuelles, une action de groupe peut être exercée en justice au vu des cas individuels présentés par le demandeur » (article L. 77-10-3 du code de justice administrative).

Enfin, il existe une définition pour chacun des sept fondements juridiques de l’action de groupe. Chaque définition reprend les éléments du dénominateur commun des définitions du socle commun, c’est-à-dire un demandeur et une pluralité de personnes ayant subi un dommage ayant pour cause commune un manquement de même nature aux obligations légales ou contractuelles d’un défendeur.

Les définitions propres à chaque action de groupe diffèrent de la définition générale s’agissant de la qualité pour agir du demandeur, de la qualité du défendeur et du champ du préjudice indemnisable.

b.   La qualité pour agir

L’un des traits caractéristiques de l’action de groupe est la définition stricte de la qualité pour agir du demandeur. Celle-ci est réservée à certaines associations (généralement des associations agréées par une autorité administrative) ou certaines organisations (syndicats représentatifs).

Dans le socle commun prévu par la loi « Justice du XXIème siècle », la qualité pour agir est accordée, outre aux associations agréées, aux associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins et dont l’objet statutaire comporte la défense des intérêts auxquels il a été porté atteinte (article 63).

Mais des règles spécifiques sont prévues pour la plupart des actions de groupe.

Le législateur a en revanche écarté la possibilité pour les avocats d’être eux-mêmes demandeurs à l’action.

Cela ne les exclut pas pour autant de la procédure, le ministère de l’avocat étant obligatoire pour les actions de groupe relevant du juge judiciaire ainsi que pour la plupart des actions de groupe relevant du juge administratif (il n’est pas obligatoire devant le juge administratif seulement lorsque le défendeur est une collectivité territoriale, un établissement public en relevant ou un établissement public de santé par application de l’article R. 77-10-6 du code de justice administrative).

c.   La mise en demeure préalable

Dans l’idée de favoriser un règlement amiable des litiges, le socle commun issu de la loi de 2016 « Justice du XXIème siècle » prévoit que l’action de groupe doit être en principe précédée d’une mise en demeure par la partie demanderesse auprès du défendeur de cesser ou faire cesser le manquement ou de réparer les préjudices subis. L’action de groupe ne peut être introduite que quatre mois après cette mise en demeure, à peine d’irrecevabilité (article 64). Ce délai est de six mois pour les actions de groupe relatives aux discriminations imputables à un employeur.

Cette règle a été écartée pour l’action de groupe « Santé ». Elle n’a pas été prévue non plus pour l’action de groupe « Consommation ». Ces deux types d’action de groupe peuvent donc être exercés sans mise en demeure préalable.

d.   Les deux objets de l’action de groupe : cessation du manquement ou réparation des préjudices

Le socle commun procédural prévoit ainsi que l’action de groupe peut être exercée en vue soit de la cessation du manquement, soit de l'engagement de la responsabilité de la personne ayant causé le dommage afin d'obtenir la réparation des préjudices subis, soit de ces deux fins.

Pour les actions de groupe « Consommation » et « Santé » en revanche, il n’est pas possible d’agir en vue de la cessation du manquement. Ces deux types d’action de groupe ont pour seul objet la réparation des préjudices des membres du groupe.

i.   Cessation du manquement

Les règles relatives au socle commun procédural prévoient que lorsque l'action de groupe tend à la cessation du manquement, le juge peut enjoindre au défendeur de cesser ou de faire cesser ledit manquement et de prendre, dans un délai qu'il fixe, toutes les mesures utiles à cette fin, au besoin avec l'aide d'un tiers qu'il désigne. Il peut également prononcer une astreinte (articles 65 de la loi « Justice au XXIème siècle » et L. 77-10-6 du code de justice administrative).

ii.   Réparation des préjudices

En matière de réparation des préjudices, le contentieux de l’action de groupe se caractérise par une césure obligatoire entre :

– une phase qui oppose uniquement le demandeur et le défendeur et qui porte sur la responsabilité de ce dernier ;

– et une phase dédiée à la réparation des préjudices des membres du groupe.

Entre ces deux phases, des modalités d’information et de publicité sont prévues pour permettre l’adhésion au groupe.

Le champ du préjudice indemnisable est limité dans la plupart des actions de groupe. La phase de réparation des préjudices peut être individuelle ou collective.

Si les conditions de l’action de groupe sont remplies (qualité pour agir du demandeur et le cas échéant mise en demeure préalable), le juge statue sur la responsabilité du défendeur. Les règles sont les mêmes pour l’action de groupe « Consommation » et pour le socle commun applicable aux autres actions de groupe (articles 66 de la loi « Justice au XXIème siècle » et L. 77-10-7 du code de justice administrative).

En cas de manquement du défendeur, le jugement sur la responsabilité définit le groupe de personnes à l'égard desquelles sa responsabilité est engagée en fixant les critères de rattachement au groupe et détermine les préjudices susceptibles d'être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu'il a défini.

Il fixe également le délai dans lequel les personnes répondant aux critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d'obtenir réparation de leur préjudice.

Le jugement qui reconnaît la responsabilité du défendeur ordonne, à la charge de ce dernier, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d'avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.

L’objectif est de permettre un maximum d’adhésions individuelles au groupe.

Les règles relatives au champ du préjudice indemnisable varient beaucoup d’un type d’action de groupe à l’autre.

L’action de groupe « Consommation » permet uniquement la réparation des préjudices patrimoniaux (préjudices matériels). Le préjudice moral ou corporel n’est pas indemnisable.

Pour les autres actions de groupe, le « socle commun » ne prévoit rien en la matière. Il faut se référer aux dispositions spécifiques à chacune d’entre-elles.

Ainsi, l’action de groupe « Santé » a été conçue uniquement pour l’indemnisation du préjudice résultant de dommages corporels.

À l’inverse, l’action de groupe « Environnement » permet l’indemnisation de tous les chefs de préjudice (matériel et moral), sauf le préjudice corporel.

Le champ le plus large a été prévu pour l’action de groupe « Données personnelles » et les trois types d’action de groupe relative aux discriminations : tous les chefs de préjudice sont indemnisables (matériel, moral, corporel). Toutefois, pour les discriminations imputables à un employeur, seuls les préjudices nés à compter de la mise en demeure sont indemnisables dans le cadre de l’action de groupe.

L’originalité de l’action de groupe, par rapport à une action de droit commun, est de prévoir une phase dédiée à la réparation des préjudices des membres du groupe. Cette phase peut se dérouler, en tout ou partie, hors du regard du juge. Ce dernier n’intervient qu’en cas de difficultés qu’il doit trancher.

L’action de groupe « Consommation » prévoit une seule procédure pour la réparation du préjudice. Le professionnel doit procéder spontanément à l'indemnisation individuelle des préjudices subis par chaque consommateur, dans les conditions, limites et délais fixés par le jugement. Le juge n’est saisi à nouveau qu’en cas de contestation. Enfin, l’association demanderesse est habilitée à représenter les consommateurs membres du groupe qui n'ont pas été indemnisés par le professionnel dans les délais fixés, aux fins de l'exécution forcée du jugement statuant sur les demandes d'indemnisation.

Le socle commun issu de la loi de 2016 « Justice du XXIème siècle » prévoit en revanche deux procédures pour la réparation des préjudices : la procédure individuelle de réparation des préjudices (pour le juge judiciaire : articles 69 à 71 ; pour le juge administratif : articles L. 77-10-10 à L. 77-10-12 du code de justice administrative) et la procédure collective de liquidation des préjudices (pour le juge judiciaire : articles 72 et 73 ; pour le juge administratif : articles L. 77-10-10 à L. 77-10-12 du code de justice administrative).

La procédure individuelle de réparation des préjudices obéit aux principes prévus en matière d’action de groupe « Consommation ».

Les personnes souhaitant adhérer au groupe adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par le jugement statuant sur la responsabilité, soit au demandeur à l'action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d'indemnisation. Le défendeur doit indemniser spontanément les membres du groupe. Le juge n’est saisi qu’en cas de difficultés.

Une procédure collective de liquidation des préjudices est également possible si elle est décidée par le jugement statuant sur la responsabilité à la demande de l’association ou de l’organisation ayant exercé l’action de groupe (sauf pour l’action de groupe « Santé »).

L’objectif de cette procédure est de parvenir à un accord entre le demandeur et le défendeur pour indemniser tous les cas individuels. Elle consiste, pour le juge, à habiliter l’association ou l’organisation qui a intenté l’action à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe.

Les personnes souhaitant adhérer au groupe doivent se déclarer auprès du demandeur à l’action de groupe (ils n’ont pas la possibilité de se déclarer directement auprès du défendeur comme dans la procédure individuelle). Le demandeur est chargé de solliciter auprès du responsable la réparation du dommage. Dans un délai fixé par le jugement, le demandeur et le défendeur doivent trouver un accord, lequel est ensuite homologué par le juge.

Le juge peut refuser l'homologation si les intérêts des parties et des membres du groupe lui paraissent insuffisamment préservés et peut renvoyer à la négociation pour une nouvelle période de deux mois.

En l'absence d'accord, le juge est saisi aux fins de liquidation des préjudices subsistants. À défaut de saisine du tribunal à l'expiration d'un délai d'un an à compter du jour où le jugement ayant décidé une procédure collective a acquis force de chose jugée, les membres du groupe peuvent adresser directement une demande de réparation à la personne déclarée responsable. La procédure individuelle de réparation des préjudices est alors applicable et se substitue à la procédure collective de liquidation.

Une amende civile d'un montant maximal de 50 000 € peut être prononcée contre le demandeur ou le défendeur à l'instance lorsque celui-ci a, de manière dilatoire ou abusive, fait obstacle à la conclusion d'un accord.

Phase de réparation des préjudices

Procédure individuelle

de réparation des préjudices

Procédure collective

de liquidation des préjudices

Procédure de droit commun.

 

 

 

Possible sur décision du juge et à la demande de l’association ou de l’organisation syndicale qui a intenté l’action, sauf pour les actions de groupe « Consommation » ou « Santé ».

Adhésion au groupe par déclaration soit auprès du demandeur soit auprès du défendeur à l’action.

Adhésion au groupe par déclaration au demandeur à l’action de groupe.

Le défendeur doit indemniser spontanément les membres du groupe. Le juge n’est saisi qu’en cas de difficultés.

Le demandeur est habilité à négocier un accord avec le défendeur, lequel est ensuite homologué par le juge.

En cas d’échec ou au bout d’un an, la procédure individuelle de réparation des préjudices s’applique.

Pas d’amende civile.

 

Amende civile possible si l’une des parties a fait obstacle abusivement à un accord.

C.   PrÉsentation spÉcifique des diverses actions de groupe

Bien qu’il obéisse à des principes généraux récapitulés précédemment, le régime juridique de chacune des sept actions de groupe comporte des spécificités.

1.   L’action de groupe « Consommation »

L’action de groupe « Consommation »

Type de litige

Litiges nés de la vente de biens ou de la fourniture de services ainsi que de la location d'un bien immobilier.

Litiges nés de pratiques anticoncurrentielles.

Demandeur - Qualité pour agir

Associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées.

Membres du groupe

Consommateurs.

Défendeur

Professionnel.

Objet de l’action

Réparation uniquement.

Mise en demeure préalable

NON

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle).

Procédure d’action de groupe simplifiée.

Préjudices indemnisables

Préjudices patrimoniaux.

Juge compétent

Juge judiciaire.

L’action de groupe « Consommation » est issue de la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation. Elle ne concernait à l’origine que les litiges relatifs à la consommation nés à l’occasion de la vente de biens ou de la fourniture de services ainsi qu’aux préjudices subis par des consommateurs résultant de pratiques anticoncurrentielles. Elle a par la suite été étendue aux litiges relatifs à la location d’un bien immobilier par la loi « ELAN » du 23 novembre 2018.

Le régime juridique de l’action de groupe « Consommation » est aujourd’hui codifié dans un chapitre spécifique au sein du code de la consommation aux articles L. 623-1 à L. 623-32, pour la partie législative, et aux articles R. 623-1 à R. 623-33, pour la partie réglementaire.

Le plan du chapitre est légèrement différent de celui qui a été retenu pour le socle commun procédural prévu dans la loi « Justice du XXIème siècle ». Cela s’explique par le fait que le régime juridique de l’action de groupe « Consommation » a conservé une autonomie par rapport aux autres types d’actions de groupe qui ont été introduits par la suite. Ainsi, il ne permet pas d’agir en cessation du manquement. Il connaît une procédure simplifiée et des modalités spécifiques en matière de concurrence.

Ces différences expliquent que la structure du dispositif proposé par le présent article s’inspire de celle relative au socle commun procédural, et non de celle relative à l’action de groupe « Consommation ».


 

STRUCTURE des dispositions relatives au rÉgime juridique de l’action de groupe

Action de groupe « Consommation »

Socle commun

« juge judiciaire »

Socle commun

« juge administratif »

Chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation

 

 

Chapitre I du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

 

Chapitre X du titre VII du livre VII du code de justice administrative

 

 

Section 1 :

Champ d'application et qualité pour agir

(Articles L. 623-1 à L. 623-3)

 

 

Section 1 :

Objet de l'action de groupe, qualité pour agir et introduction de l'instance

(Articles 62 à 64)

 

Section 1 :

Objet de l'action de groupe, qualité pour agir et introduction de l'instance

(Articles L. 77-10-3 à L. 77-10-5)

 

Section 2 :

Jugement sur la responsabilité

(Articles L. 623-4 à L. 623-13)

 

 

 

 

Section 2 :

Cessation du manquement (Article 65)

 

Section III :

Réparation des préjudices (Articles 66 à 74)

Section 2 :

Cessation du manquement (Article L. 77-10-6)

 

Section 3 :

Réparation des préjudices (Articles L. 77-10-7 à L. 77-10-15)

Section 3 :

Procédure d'action de groupe simplifiée

(Articles L. 623-14 à L. 623-17)

 

– 

 

 

– 

 

Section 4 :

Mise en œuvre du jugement, liquidation des préjudices et exécution

(Articles L. 623-18 à L. 623-21)

Section 5 :

Médiation

(Articles L. 623-22 à L. 623-23)

 

Section 4 :

Médiation

(Articles 75 et 76)

 

Section 4 :

Médiation

(Articles L. 77-10-16 à L. 77-10-17)

Section 6 :

Modalités spécifiques à l'action de groupe intervenant dans le domaine de la concurrence (Articles L. 623-24 à L. 623-26)

Section 7 :

Dispositions diverses (Articles L. 623-27 à L. 623-32)

Section 5 :

Dispositions diverses (Articles 77 à 84)

Section 5 :

Dispositions diverses (Articles L. 77-10-18 à L. 77-10-25)

La procédure se déroule en deux phases, avec un jugement statuant sur la responsabilité du professionnel mis en cause et une procédure de réparation individuelle des préjudices.

La procédure collective de liquidation des préjudices prévue par le socle commun n’est pas applicable à l’action de groupe « Consommation ». Toutefois, l’association requérante est admise, dans le cadre d’une médiation, à négocier un accord pour l’ensemble du groupe. Cet accord est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie s'il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s'appliquer et lui donne force exécutoire.

Cet accord précise les mesures de publicité nécessaires pour informer les consommateurs concernés de la possibilité d'y adhérer, ainsi que les délais et modalités de cette adhésion.

Des règles dérogatoires sont également prévues dans deux cas de figure.

En premier lieu, une procédure d'action de groupe simplifiée est applicable lorsque l'identité et le nombre des consommateurs lésés sont connus et lorsque ces consommateurs ont subi un préjudice d'un même montant, d'un montant identique par prestation rendue ou d'un montant identique par référence à une période ou à une durée. Dans ce cas, après avoir statué sur la responsabilité du professionnel, le juge peut condamner ce dernier à les indemniser directement et individuellement, dans un délai et selon des modalités qu'il fixe. Les consommateurs intéressés sont individuellement informés de la procédure afin de leur permettre d'accepter d'être indemnisés dans les termes de la décision.

En second lieu, des modalités spécifiques sont prévues dans le domaine de la concurrence. Les pratiques anticoncurrentielles constitutives du manquement ne pouvant être sanctionnées que par l’autorité de la concurrence, l’article L. 623-24 du code de la consommation prévoit que le jugement statuant sur la responsabilité du professionnel dans le cadre de l’action de groupe ne peut intervenir que sur le fondement d'une décision prononcée à l'encontre du professionnel par les autorités ou juridictions nationales ou de l'Union européenne compétentes, qui constate les manquements et qui n'est plus susceptible de recours pour la partie relative à l'établissement des manquements. Par dérogation, l’article L. 623-26 du même code prévoit qu’un jugement provisoire peut intervenir pour ce qui concerne les seules mesures de publicité, afin de permettre aux consommateurs de se déclarer dans le délai imparti.

2.   L’action de groupe « Santé »

L’action de groupe « SantÉ »

Type de litige

Litiges liés aux produits de santé.

Demandeur - Qualité pour agir

Associations d'usagers du système de santé agréées.

Membres du groupe

Usagers du système de santé.

Défendeur

Producteur, fournisseur d’un produit de santé ou prestataire utilisant un produit de santé.

Objet de l’action

Réparation uniquement.

Mise en demeure préalable

NON

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle).

Préjudices indemnisables

Préjudices résultant de dommages corporels.

Juge compétent

Juge administratif ou juge judiciaire.

La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé a créé une action de groupe concernant les préjudices subis par des usagers du système de santé et causés par des produits de santé. Le régime juridique de cette action de groupe « Santé » est régi par les articles L. 1143-1 à L. 1143-13 du code de la santé publique.

L’action de groupe « Santé » a été conçue en réaction à divers scandales sanitaires ayant donné lieu à des dommages corporels causés par des produits de santé (tels que le Médiator, ou les prothèses mammaires PIP). Sa principale spécificité est de permettre la réparation de préjudices résultant de dommages corporels.

Autre spécificité, l’action de groupe « Santé » n’a pas pour objet la cessation du manquement. Elle ne vise donc pas au retrait des produits litigieux mais uniquement à l’indemnisation des victimes.

Avant son introduction en 2016 dans notre droit, les dommages corporels sériels causés par des produits de santé étaient réparés soit à l’issue de procédures juridictionnelles individuelles, soit par la mise en place de mécanismes extra-judiciaires, via l’Office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM).

Ont la qualité à agir les associations d’usagers de santé agréées au niveau régional et au niveau national.

Si la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle » a précisé que cette action de groupe se voit appliquer le socle commun procédural, elle conserve certaines spécificités :

– l’absence de mise en demeure préalable (article L. 1143-2 du code de la santé publique) ;

– l’absence de procédure de liquidation collective des dommages au regard du caractère singulier du préjudice corporel qui ne peut être qu’individuel ;

– les délais d’adhésion au groupe de victimes d’un dommage ayant une cause commune (qui peuvent aller jusqu’à 5 ans) ;

– et des dispositions spéciales en matière de médiation et d’expertise (avec l’accord des parties, le juge peut donner une mission particulière à un médiateur, assisté d’une Commission de médiation).

À noter que des problèmes d’articulation entre les régimes de l’action de groupe « santé » et « consommation » pourraient survenir lorsque le producteur n’est pas identifié.

La première action de groupe « Santé » a été introduite en 2017 par l’APESAC (association de victimes de la Dépakine) pour mettre en cause la responsabilité du groupe pharmaceutique à l’occasion des malformations ou des retards de développement survenus chez des enfants exposés in utero au Valproate.

3.   Les actions de groupe en matière de discriminations

La loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a créé trois types d’actions de groupe ayant pour objet la lutte contre les discriminations.

a.   L’action de groupe « Discriminations »

Le premier type d’actions est défini à l’article 10 de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Il concerne les préjudices subis par des personnes physiques qui font l'objet d'une discrimination directe ou indirecte imputable à une même personne.

L’action de groupe « DISCRIMINATIONS »

Type de litige

Litige né d’une discrimination directe ou indirecte.

Demandeur - Qualité pour agir

Associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap.

Associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins dont l'objet statutaire comporte la défense d'un intérêt lésé par la discrimination en cause (pour les candidats, pas pour les salariés).

Membres du groupe

Personnes physiques.

Défendeur

Toute personne, sauf un employeur.

Objet de l’action

Réparation ou cessation du manquement.

Mise en demeure préalable

Oui (4 mois)

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle ou collective).

Préjudices indemnisables

Tous les chefs de préjudice (matériel, moral, corporel).

Juge compétent

Juge administratif ou juge judiciaire.

b.   L’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur de droit privé »

Le deuxième type d’actions est défini aux articles L. 1134-6 à L. 1134-10 du code du travail. Il concerne les discriminations imputables à un employeur, subies au travail ou dans l’obtention d’un stage ou d’un emploi, lorsque le litige relève du juge judiciaire.

Le délai de la mise en demeure avant l’introduction de l’action est de six mois, au lieu de quatre mois prévus dans le socle commun procédural. Tous les chefs de préjudice sont indemnisables à condition qu’ils soient nés à compter de ladite mise en demeure.

Il faut noter que les syndicats disposent d’un monopole pour agir concernant les discriminations subies au cours de la carrière (les associations ne peuvent agir que pour les discriminations au stade de l’embauche). 

L’action de groupe « DISCRIMINATION imputable à un employeur de droit privé »

Type de litige

Litige né d’une discrimination directe ou indirecte.

Demandeur - Qualité pour agir

Organisations syndicales de salariés représentatives (pour les discriminations au stade de la candidature et au stade de la carrière).

Association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap (uniquement pour les discriminations au stade de la candidature).

Membres du groupe

Salariés.

Candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise.

Défendeur

Employeur.

Objet de l’action

Réparation ou cessation du manquement.

Mise en demeure préalable

Oui (6 mois).

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle).

Préjudices indemnisables

Tous les chefs de préjudice (matériel, moral, corporel) pour les candidats et tous les chefs de préjudice (matériel, moral, corporel) nés à compter de la mise en demeure pour les salariés.

Juge compétent

Juge judiciaire.

c.   L’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur de droit public »

Le troisième type d’actions est défini aux articles L. 77-11-1 à L. 77-11-6 du code de justice administrative et a le même objet que la précédente mais concerne les litiges relevant du juge administratif.

Le délai de la mise en demeure avant l’introduction de l’action est de six mois, au lieu de quatre mois prévus dans le socle commun procédural. Tous les chefs de préjudice sont indemnisables à condition qu’ils soient nés à compter de ladite mise en demeure.

Dans ce cas aussi, les syndicats disposent d’un monopole pour agir concernant les discriminations subies au cours de la carrière (les associations ne peuvent agir que pour les discriminations au stade de l’embauche). 

 

L’action de groupe « DISCRIMINATION imputable à un employeur de droit public »

Type de litige

Litige né d’une discrimination directe ou indirecte.

Demandeur - Qualité pour agir

Organisations syndicales de fonctionnaires représentatives et syndicats représentatifs de magistrats de l'ordre judiciaire (pour les discriminations au stade de la candidature et au stade de la carrière).

Associations régulièrement déclarées depuis au moins cinq ans intervenant dans la lutte contre les discriminations ou œuvrant dans le domaine du handicap (uniquement pour les discriminations au stade de la candidature).

Membres du groupe

Agents publics.

Candidats à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise.

Défendeur

Employeur.

Objet de l’action

Réparation ou cessation du manquement.

Mise en demeure préalable

Oui (6 mois).

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle).

Préjudices indemnisables

Tous les chefs de préjudice (matériel, moral, corporel) pour les candidats et tous les chefs de préjudice (matériel, moral, corporel) nés à compter de la mise en demeure pour les agents publics.

Juge compétent

Juge administratif.

4.   L’action de groupe « Environnement »

La loi du 18 novembre 2016 précitée a également créé une action de groupe pour la réparation de préjudices causés par des infractions au droit de l’environnement. Cette action de groupe « Environnement » est prévue à l’article L. 142-3-1 du code de l’environnement.

L’action de groupe « Environnement »

Type de litige

Litiges nés d’un dommage causé à l’environnement dans les domaines visés à l’article L. 142-2 du code de l’environnement (protection de la nature et de l'environnement, l'amélioration du cadre de vie, la protection de l'eau, de l'air, des sols, des sites et paysages, urbanisme, pêche maritime, lutte contre les pollutions et les nuisances, sûreté nucléaire et radioprotection, pratiques commerciales et publicités trompeuses ou de nature à induire en erreur quand ces pratiques et publicités comportent des indications environnementales).

Demandeur - Qualité pour agir

Associations agréées dont l'objet statutaire comporte la défense des victimes de dommages corporels ou la défense des intérêts économiques de leurs membres.

Associations de protection de l'environnement agréées.

Membres du groupe

Toutes personnes (physiques ou morales).

Défendeur

Toute personne.

Objet de l’action

Réparation ou cessation du manquement.

Mise en demeure préalable

Oui (4 mois).

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle ou collective).

Préjudices indemnisables

Préjudices corporels et matériels.

Juge compétent

Juge administratif ou juge judiciaire.

5.   L’action de groupe « Données personnelles »

La loi du 18 novembre 2016 précitée a également créé une action de groupe qui vise à la protection des données personnelles et qui peut être dirigée contre un responsable de traitement de données à caractère personnel ou un sous-traitant. L’action de groupe « Données personnelles » est prévue à l’article 37 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.

Initialement cantonnée à une action en cessation d’un manquement, la loi du 20 juin 2018 a étendu l’action de groupe à la réparation des préjudices matériels et moraux afin de transposer le règlement général sur la protection des données (RGPD).

L’action de groupe « données PERSONNELLES »

Type de litige

Litige relatif au traitement des données personnelles.

Demandeur - Qualité pour agir

Associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins ayant dans leur objet statutaire la protection de la vie privée ou la protection des données à caractère personnel.

Associations de défense des consommateurs représentatives au niveau national et agréées (lorsque le traitement des données affecte des consommateurs).

Organisations syndicales de salariés ou de fonctionnaires représentatives, ou syndicats représentatifs de magistrats de l'ordre judiciaire (lorsque le traitement affecte les intérêts des personnes que les statuts de ces organisations les chargent de défendre).

Membres du groupe

Personnes physiques.

Défendeur

Responsable de traitement de données à caractère personnel ou un sous-traitant.

Objet de l’action

Réparation ou cessation du manquement.

Mise en demeure préalable

Oui (4 mois).

Procédure

Jugement sur la responsabilité du professionnel + procédure de liquidation des préjudices (individuelle).

Préjudices indemnisables

Tous chefs de préjudice (matériel, moral, corporel).

Juge compétent

Juge administratif ou juge judiciaire.

II.   la proposition de loi : l’instauration d’un régime juridique de l’action de groupe universel et plus efficace

La définition du régime juridique des actions de groupe relève du domaine de la loi car elle touche aux principes fondamentaux du procès qui s’intègrent aux garanties accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques visées à l’article 34 de la Constitution (en ce sens, voir l’avis du Conseil d’État du 30 juillet 2015, n° 390291).

L’intervention du législateur se justifie également par le fait que l’action de groupe déroge au principe résultant de l’article 1341 du code civil selon lequel le créancier agit individuellement pour contraindre son débiteur à exécuter son obligation.

La présente proposition de loi comprenait initialement six articles visant respectivement à :

– définir le régime juridique des actions de groupe relevant du juge judiciaire (article 1er) ;

– définir la compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe relevant du juge judiciaire (article 2) ;

– abroger les régimes spécifiques d’action de groupe actuellement en vigueur ainsi que le socle commun procédural (article 3) ;

– définir le régime juridique des actions de groupe relevant du juge administratif (article 4) ;

– prévoir les dispositions relatives à l’entrée en vigueur de la loi (article 5) ;

– prévoir un gage pour garantir sa recevabilité financière au stade de de son dépôt (article 6).

A.   Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge judiciaire (article 1er)

L’article 1er crée un régime juridique unique de l’action de groupe relevant du juge judiciaire. Il est à mettre en lien avec l’article 4 qui crée un régime juridique unique similaire de l’action de groupe relevant du juge administratif.

L’article 1er introduit dans le code civil, après le titre XV du livre III, un titre XV bis consacré aux actions de groupe. Ce titre est composé de six chapitres.

La structure du titre introduit suit sensiblement la structure actuellement en vigueur pour le socle commun procédural relevant du juge judiciaire et prévu par la loi de 2016 « Justice du XXIème siècle ».

Les principales différences de la structure du dispositif proposé consistent en l’introduction d’une division consacrée à la sanction civile (le chapitre III) et d’une division relative à un registre national recensant les actions de groupe (le chapitre V).

STRUCTURE des dispositions relatives À l’action de groupe

Dispositif proposé

État du droit

Socle commun

« juge judiciaire »

Titre XV bis du livre III du code civil

 

 

 

 

Chapitre Ier du titre V de la loi n° 2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle

 

Chapitre I :

Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance (articles 2053 à 2053-3)

Section I :

Objet de l'action de groupe, qualité pour agir et introduction de l'instance

(articles 62 à 64)

Chapitre II :

Cessation du manquement et réparation des préjudices

(articles 2054-1 à 2054-2-8)

Section II :

Cessation du manquement

(Article 65)

 

Section 3 :

Réparation des préjudices

(Articles 66 à 74)

 

Chapitre III :

Sanction civile, frais et dépens

(articles 2055 et 2055-1)

Chapitre IV :

Médiation

(articles 2056 et 2056-1)

Section 4 :

Médiation

(Articles 75 et 76)

Chapitre V :

Registre national

(article 2057)

Chapitre VI

Dispositions diverses (articles 2058 à 2058-6)

Section 5 :

Dispositions diverses (Articles 77 à 84)

1.   Objet, qualité pour agir et introduction de l’instance

Le premier chapitre du nouveau titre s’intitule : « Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance ». Il comprend quatre nouveaux articles (articles 2053 à 2053-3).

a.   Objet de l’action de groupe

L’article 2053 définit l’objet de l’action de groupe.

Il reprend les critères de l’action de groupe dans l’état du droit relatifs à la situation similaire des membres du groupe et au manquement du défendeur. Les membres du groupe doivent ainsi être placés dans une situation similaire, subir un même dommage ou des dommages de même nature causés par un même manquement ou des manquements de même nature. Les manquements doivent porter sur des obligations légales ou contractuelles du défendeur.

Les membres du groupe possibles sont définis largement puisqu’il peut s’agir tant de personnes physiques que de personnes morales. Le défendeur doit avoir agi dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle.

L’action peut être exercée afin d’obtenir soit la cessation du manquement, soit la réparation des préjudices, soit les deux.

Tous les chefs de préjudice sont indemnisables (matériel, moral, corporel).

b.   Qualité pour agir

L’article 2053-1 définit la qualité pour agir.

Il confère la qualité pour exercer une action de groupe à des associations et des syndicats professionnels représentatifs.

S’agissant des associations, la qualité pour agir est conférée :

– aux associations agréées ;

– aux associations régulièrement déclarées depuis deux ans au moins et dont l’objet statuaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte (en l’état du droit, le socle commun procédural prévoit une durée de cinq ans) ;

– les associations agissant pour le compte d’au moins cinquante personnes physiques se déclarant victimes d’un dommage relevant de l’action de groupe (ceci doit permettre à des associations ad hoc de se constituer sur un litige particulier, ce qui n’est pas permis en l’état du droit) ;

– les associations agissant pour le compte d’au moins dix personnes morales de droit privé inscrites au registre du commerce et des sociétés (RCS) ayant chacune au moins deux ans d’existence et se déclarant victimes d’un dommage relevant de l’action de groupe (ceci doit permettre à des entreprises de se réunir pour exercer une action de groupe, ce qui n’est pas permis en l’état du droit) ;

– et les associations agissant pour le compte d’au moins cinq collectivités territoriales se déclarant victimes d’un dommage relevant de l’action de groupe (là encre, ceci doit permettre à des collectivités territoriales de se réunir pour exercer une action de groupe, ce qui n’est pas permis en l’état du droit).

S’agissant des syndicats professionnels représentatifs, leur qualité pour agir est reconnue en matière de lutte contre les discriminations et de protection des données personnelles, sans changement par rapport à l’état du droit.

Enfin, une place particulière est accordée au ministère public afin de revaloriser son rôle en matière d’action de groupe. Il peut intervenir en qualité de partie jointe de toute action de groupe. Il peut également être partie principale d’une action de groupe qui a pour objet la cessation d’un manquement.

Le présent article ne retient pas, en revanche, les avocats dans la liste des demandeurs ayant qualité pour agir.

c.   Introduction de l’instance

L’article 2053-2 renvoie aux dispositions réglementaires du code de procédure civile concernant les modalités de l’introduction de l’instance.

Enfin, l’article 2053-3 prévoit que le demandeur à l’action peut faire connaître par voie de publicité l’action de groupe qu’il intente afin d’informer les personnes concernées.

2.   Cessation du manquement et réparation des préjudices

Le deuxième chapitre, intitulé « Cessation du manquement et réparation des préjudices » comprend deux sections, l’une relative à la cessation du manquement et l’autre à la réparation des préjudices.

a.   Rôle du juge de la mise en état dans la cessation du manquement

La première section comprend un seul article, l’article 2054-1. Il prévoit que le juge de la mise en état peut, avant tout jugement au fond, enjoindre au défendeur de cesser ou faire cesser le manquement. Cette décision peut être assortie d’une astreinte.

b.   Déroulement de la procédure

La deuxième section définit les différentes étapes de la procédure de l’action de groupe.

i.   Jugement sur la responsabilité

Le jugement sur la responsabilité constitue, comme en l’état du droit, la première phase de la procédure de l’action de groupe.

Une première sous-section, comprenant trois articles, expose le contenu du jugement sur la responsabilité.

L’article 2054-2 reprend, dans les mêmes termes, certaines dispositions relatives au contenu du jugement sur la responsabilité en matière d’actions de groupe. Il dispose que ce jugement définit le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée en fixant les critères de rattachement au groupe et détermine les préjudices devant faire l’objet d’une réparation pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Le jugement fixe également le délai dans lequel les personnes remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir réparation de leur préjudice.

L’article 2054-2-1 ajoute que le jugement peut aussi prévoir des mesures de publicité adaptées pour informer les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté.

Enfin, si le demandeur en fait la demande, l’article 2054-2-2 permet au juge d’ordonner une procédure collective de liquidation des préjudices. En l’état du droit, cette procédure est réservée à certaines actions de groupe.

Dans ce cas, le jugement habilite le demandeur à négocier avec le défendeur l’indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Il détermine le montant de ces préjudices, ou à défaut les éléments permettant leur évaluation, pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini. Il fixe également les délais et modalités selon lesquels cette négociation et cette réparation doivent intervenir.

Il est également prévu, au même article, que le défendeur peut être condamné dans le jugement sur la responsabilité au paiement d’une provision à valoir sur les frais de procédure non compris dans les dépens.

ii.   Réparation des préjudices

Une deuxième sous-section expose la procédure de réparation des préjudices en distinguant une procédure individuelle et une procédure collective.

La procédure de principe est la procédure individuelle de réparation des préjudices. Elle est définie dans un premier paragraphe qui comprend trois articles.

En premier lieu, l’article 2054-2-3 prévoit que les personnes souhaitant adhérer au groupe adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par ce jugement, soit au demandeur à l’action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d’indemnisation.

En deuxième lieu, l’article 2054-2-4 prévoit que le défendeur procède aux indemnisations individuelles.

En troisième lieu seulement, en cas de difficultés, l’article 2054-2-5 prévoit que le juge peut à nouveau être saisi pour statuer sur le préjudice d’une personne en particulier.

Par exception, une procédure collective de liquidation des préjudices peut être mise en œuvre lorsqu’elle est prévue par le jugement sur la responsabilité. Elle est régie dans un second paragraphe qui comprend deux articles.

L’article 2054-2-6 permet alors au demandeur de négocier avec le défendeur le montant de l’indemnisation dans les limites fixées par le jugement pour tous les membres du groupe y ayant adhéré dans le délai fixé dans le même jugement.

L’article 2054-2-7 prévoit ensuite une saisine du juge aux fins d’homologation de l’accord. Il peut refuser l’homologation si les intérêts des parties lui apparaissent insuffisamment préservés et renvoyer à la négociation pour une nouvelle période de deux mois.

À l’issue d’un délai d’un an sans accord, la procédure individuelle de réparation des préjudices se substitue à la procédure collective de liquidation. Les membres du groupe peuvent alors adresser une demande individuelle de réparation au défendeur.

iii.   Gestion des fonds reçus

Une troisième sous-section traite de la gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe.

Elle comprend un seul article 2054-2-8 qui prévoit que les sommes reçues par le demandeur aux fins d’indemnisation des membres du groupe sont versées sur un compte ouvert à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

3.   Sanction civile, frais et dépens

Le troisième chapitre, intitulé « Sanction civile, frais et dépens », est composé de deux nouveaux articles : l’article 2055 crée une sanction civile pour faute dolosive et l’article 2055-1 traite de la question des dépens.

a.   La sanction civile

L’article 2055 crée un mécanisme à portée dissuasive : une sanction financière qui sera prononcée par les juridictions civiles.

Il définit la faute dolosive comme une faute commise délibérément « en vue d’obtenir un gain ou une économie » et « ayant contribué en tout ou partie au manquement constaté ». L’intention est bien de viser à la fois les situations où le responsable du manquement a souhaité augmenter ses recettes (gain) mais également les situations où il a cherché à diminuer ses dépenses en ne réglant pas des choses dues (économie). L’utilisation du terme « délibérément » implique une faute intentionnelle, commise en connaissance de cause. La sanction civile ayant vocation à être dissuasive, elle s’applique uniquement aux manquements commis intentionnellement.

Cette sanction est une réponse au constat que le profit réalisé par la personne responsable du manquement n’est pas nécessairement neutralisé par la seule réparation des préjudices constatés par l’action de groupe. Cette sanction civile contribue ainsi à assurer le rétablissement de l’ordre public économique.

Cette sanction civile se distingue de l’amende civile prévue à l’article 32-1 du code de procédure civile, qui permet de sanctionner les tentatives dilatoires ou abusives lors d’actions en justice. Elle se distingue aussi de l’amende civile qui peut également être prononcée en application de l’article L. 442-6 du code de commerce pour sanctionner les pratiques restrictives de concurrence.

La sanction civile peut être demandée par la partie demanderesse ou par le ministère public. La saisine par le ministère public est cohérente avec le rôle renforcé que lui attribue la présente proposition de loi lorsqu’une action de groupe est portée devant le juge. Le juge doit motiver spécialement sa décision de condamner la partie défenderesse au paiement d’une sanction civile.

Le deuxième alinéa de l’article 2055 fixe les critères pour déterminer le montant de la sanction. Celui-ci doit être proportionné à trois critères :

– la gravité de la faute commise ;

– les facultés contributives de l’auteur ;

– le profit qu’il a retiré de la faute.

L’article encadre plus précisément le montant en fixant un plafond à la sanction qui peut être décidée par le juge :

– lorsque le manquement est commis par une personne physique, le montant de la sanction ne peut être supérieur au quintuple du profit réalisé ;

– lorsque la personne à l’origine du manquement est une personne morale, le montant de la sanction est plafonné à 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France lors d’un des trois exercices clos antérieurs à celui au cours duquel la faute a été commise.

Le troisième alinéa de l’article prévoit que le produit de la sanction est affecté au trésor public. Cela distingue la sanction civile des dommages et intérêts punitifs, qui existent dans d’autres législations et qui sont alloués à la victime et dont le montant peut être supérieur au préjudice réparé. Le choix a justement été fait de ne pas contribuer à un enrichissement de la victime lié au manquement mais bien d’allouer le produit de la sanction au trésor public.

Il prévoit également que le risque d’une condamnation à une sanction civile ne peut pas être assuré. Cette précision assure l’efficacité de la sanction, dont le caractère dissuasif serait fortement amoindri si elle était assurable.

b.   Les frais et dépens

Le premier alinéa de l’article 2055-1 donne la possibilité au juge, lorsqu’il estime que l’action intentée présente un caractère sérieux, de mettre à la charge de l’État les frais avancés par les associations pour financer les mesures d’instruction ordonnées pendant la procédure. Cette prise en charge pourrait être totale ou partielle.

Le deuxième alinéa de l’article prévoit également une prise en charge partielle ou totale par l’État des dépens en cas de rejet de l’action de groupe intentée.

Cet article apporte une première réponse aux obstacles financiers que rencontrent les associations lorsqu’elles intentent une action de groupe, le remboursement des frais engagés en application des articles 696 et 700 du code de procédure civile étant souvent partiel.

4.   Médiation

Le quatrième chapitre, intitulé « Médiation », comprend deux nouveaux articles.

L’article 2056 prévoit la possibilité pour l’association ou l’organisation syndicale à l’origine de l’action de groupe de participer à une médiation selon les modalités prévues dans la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative.

L’article 2056-1 précise le rôle du juge lorsque la médiation a abouti à un accord. C’est l’homologation par le juge qui donne force exécutoire à l’accord négocié au nom du groupe qui est l’objet de l’article 2053.

Le deuxième alinéa de l’article 2056-1 donne également au juge la mission de prévoir les mesures de publicité nécessaires pour informer les personnes susceptibles d’être concernées de l’existence de l’accord homologué.

5.   Registre national des actions de groupe

Le cinquième chapitre, intitulé « Registre national », est composé d’un article unique qui prévoit la création d’un registre des actions de groupe en cours devant les juridictions. Ce registre serait public et tenu par le Conseil national des barreaux.

L’objectif est d’améliorer l’information des citoyens sur les actions en cours afin qu’ils puissent s’y joindre s’ils sont concernés.

6.   Dispositions diverses

Le sixième chapitre, intitulé « Dispositions diverses », comprend sept nouveaux articles (articles 2058 à 2058-6), qui reprennent les articles 77 à 83 de la loi « Justice du XXIème siècle ».

L’article 2058 prévoit la suspension de la prescription des actions individuelles visant la réparation des préjudices causés par des manquements qui font l’objet d’une action de groupe. L’objectif est de ne pas pénaliser les personnes qui se sont jointes à l’action de groupe si celle-ci échoue, en leur laissant la possibilité d’agir à titre individuel contre le défendeur. Le deuxième alinéa de l’article 2058 prévoit qu’une fois que le jugement n’est plus susceptible de recours ou que l’accord est homologué, le délai de prescription recommence à courir pour une période qui ne peut être inférieure à six mois.

L’article 2058-1 prévoit que le jugement sur la responsabilité, mentionné à l’article 2054-2, et le jugement d’homologation de l’accord, mentionné à l’article 2056-1, ont autorité de la chose jugée à l’égard de chacun des membres dont le préjudice a été réparé suite à la procédure : ils ne sont pas en mesure de mener une action individuelle pour réparer le même préjudice.

L’article 2058-2 prévoit que l’adhésion à un groupe n’interdit pas à une personne d’engager une action selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation de préjudices n’entrant pas dans le champ d’un jugement en responsabilité devenu définitif tel que mentionné à l’article 2054-2 ou d’un accord homologué tel que mentionné à l’article 2056-1.

L’article 2058-3 interdit d’engager une action de groupe sur le même fondement qu’une précédente action de groupe, c’est-à-dire concernant le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices. Cela ne fait pas obstacle à l’engagement d’une action individuelle sous réserve que les préjudices invoqués n’aient pas déjà fait l’objet d’une réparation.

L’article 2058-4 autorise toute personne ayant qualité à agir à titre principal à se substituer au demandeur défaillant à l’action lorsqu’une action de groupe a été engagée.

L’article 2058-5 prévoit que toute clause qui a pour effet d’interdire la participation à une action de groupe est réputée non écrite. Cette précision neutralise les éventuelles tentatives contractuelles d’éviter toute action de groupe.

L’article 2058-6 autorise le demandeur à l’action à agir contre l’assureur garantissant la responsabilité civile du responsable, en application de l’article L. 124-3 du code des assurances qui prévoit ce droit d’action directe.

B.   Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’actions de groupe (article 2)

L’article 2 modifie l’article L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire pour prévoir que des tribunaux judiciaires spécialement désignés sont compétents pour connaître des actions de groupe engagées sur le fondement du titre inséré dans le code civil par l’article 1er. Il est bien prévu que les tribunaux désignés aient une compétence exclusive en matière d’action de groupe.

La liste des tribunaux compétents sera fixée par décret, ce qui laisse une certaine souplesse pour adapter le nombre de tribunaux désignés au nombre d’actions de groupe engagées.

Le Conseil constitutionnel admet l’existence de juridictions spécialisées dès lors que certaines conditions sont remplies, conditions rappelées dans une décision QPC du 17 janvier 2019 ([4]). Il écrit ainsi : « si le législateur peut prévoir des règles de procédure différente selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s’appliquent, c’est à la condition que ces différences ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales, notamment quant au respect des principes d’indépendance et d’impartialité des juridictions ».

S’agissant de l’action de groupe, les particularités procédurales, mais aussi la complexité des dossiers impliquant potentiellement un grand nombre de demandeurs, sont deux éléments qui justifient la désignation de tribunaux spécialisés. Le fait de désigner un tribunal judiciaire comme juridiction spécialisée garantit au justiciable le respect des principes d’indépendance et d’impartialité.

L’objectif est de concentrer le contentieux sur un nombre limité de juridictions, afin de favoriser le développement d’une certaine expertise en matière d’action de groupe et donc un traitement judiciaire plus rapide de ces actions.

C.   Suppression des régimes spécifiques d’actions en groupe (article 3)

L’article 3 est une conséquence des articles 1er et 4 qui tendent à unifier le fondement et le régime des actions de groupe. Il abroge l’ensemble des fondements juridiques des actions de groupe actuellement en vigueur ainsi que leur régime spécifique.

Le I abroge le chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation. Ce chapitre, qui comprend les articles L. 623-1 à L. 623-32, est relatif à l’action de groupe « Consommation ».

Le II abroge l’article L. 142‑3‑1 du code de l’environnement. Cet article est relatif à l’action de groupe « Environnement ».

Le III abroge le chapitre XI du titre VII du livre VII du code de justice administrative. Ce chapitre, qui comprend les articles L. 77-11-1 à L. 77-11-6, est relatif à l’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur – droit public ».

Le IV abroge les articles L. 1143‑1 à L. 1143‑13 du code de la santé publique. Ces articles sont relatifs à l’action de groupe « Santé ».

Le V abroge la section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail. Cette section, qui comprend les articles L. 1134-6 à L. 1134-10, est relative à l’action de groupe « Discrimination imputable à un employeur – droit privé ».

Le VI abroge l’article 37 de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés. Cet article est relatif à l’action de groupe « Données personnelles ».

Le VII abroge l’article 10 de la loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Cet article est relatif à l’action de groupe « Discriminations ».

Enfin, le VIII abroge les articles 60 à 83 de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle. Ces articles définissent le socle commun procédural applicable à plusieurs types d’actions de groupe.

D.   Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif (article 4)

L’article 4 étend l’action de groupe à l’action administrative et transpose aux actions de groupe relevant du juge administratif l’essentiel des règles prévues à l’article 1er pour les actions de groupe relevant du juge judiciaire.

1.   Extension de l’action de groupe au droit public

Le du présent article modifie la rédaction de l’article L. 77-10-3 du code de justice administrative pour étendre très largement l’action de groupe en matière de droit public.

En effet, il prévoit que l’action de groupe peut être exercée à l’encontre d’une personne morale de droit public ou d’un organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public. L’action de groupe peut avoir pour objet tant la cessation du manquement que la réparation de tous les chefs de préjudices (matériel, moral, corporel). Les membres du groupe peuvent être des personnes physiques ou des personnes morales.

2.   Régime juridique de l’action de groupe « Droit public »

Le présent article unifie le régime juridique de l’action de groupe relevant du juge administratif.

Le abroge en conséquence l’article L. 77-10-1 du code de justice administrative. Cet article, qui énumère les différentes actions de groupe relevant du juge administratif, n’a plus de justification compte tenu de l’unification du régime de l’action de groupe.

Le 2° à 14° modifient la rédaction des articles suivants afin de rendre applicables à l’action de groupe relevant du juge administratif les principes définis à l’article 1er et devant s’appliquer à l’action de groupe relevant du juge judiciaire.

Ainsi des règles similaires sont prévues pour :

– la qualité pour agir ;

– la publicité des actions par les demandeurs ;

– le pouvoir accordé au juge de faire cesser le manquement, le cas échéant sous astreinte ;

– la procédure collective de liquidation des préjudices et l’habilitation du demandeur à négocier les indemnisations avec le défendeur ;

– l’adhésion au groupe par déclaration auprès du demandeur ;

– la publicité de l’accord homologué.

Des règles distinctes sont également prévues dont :

– l’absence de sanction civile ; l’action de groupe étant susceptible d’être dirigée contre l’État, il n’apparaissait pas opportun de prévoir une sanction civile pour les actions de groupe relevant du droit public ;

– et l’absence d’effet suspensif de l’appel, sauf décision contraire du juge.

Le 15° crée un article L. 77-10-26 permettant au juge, si l’action intentée présente un caractère sérieux, de décider que l’avance des frais afférents aux mesures d’instruction qu’il ordonne est prise en charge, en tout ou partie, par l’État.

E.   Entrée en vigueur de la loi (article 5)

L’article 5 prévoit que la loi est applicable aux seules actions dont le fait générateur de la responsabilité du défendeur est postérieur à son entrée en vigueur.

III.   les travaux de la commission : une rÉÉcriture sous forme de « loi cadre »

La Commission a adopté 16 amendements présentés par vos Rapporteurs, dont un a été modifié par l’adoption d’un sous-amendement de notre collègue Cécile Untermaier.

Sur la forme, les amendements adoptés ont conduit à une réécriture de la proposition de loi sous forme de « loi cadre » relative au régime juridique des actions de groupe, c’est-à-dire sous la forme d’un texte ad hoc non codifié. La Commission a ainsi suivi l’avis rendu par le Conseil d’État selon lequel l’insertion dans le code civil de dispositions essentiellement procédurales n’était pas opportune. 

Sur le fond, les amendements adoptés ont eu essentiellement pour objet de tenir compte de diverses observations du Conseil d’État qui ne remettent en cause ni la philosophie de la proposition de loi ni ses grandes orientations. Ils également permis la transposition de la directive « Action représentative », précitée.

A.    La prise en compte de l’avis du Conseil d’État

Dans son avis rendu le 9 février 2023, le Conseil d’État a souligné la « grande utilité » des travaux de la mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe qui a rendu son rapport en 2020. Il a ajouté que ce travail d’évaluation « permet de faire précéder l’élaboration d’un texte d’initiative parlementaire d’un bilan de l’application du droit en vigueur et d’éclairer les choix du législateur sur les réformes souhaitables » (considérant n° 4).

 

1.   Un avis positif sur l’action de groupe universelle et l’extension de la qualité pour agir

L’avis du Conseil d’État porte une appréciation positive sur les deux points majeurs de la proposition de loi : l’instauration d’une action de groupe universelle et un élargissement de la qualité pour agir.

Le Conseil d’État a estimé que « la volonté des auteurs de la proposition de loi d’instituer un régime universel de l’action de groupe applicable en toute matière et ayant vocation à réparer tout type de préjudice » est une démarche qui « va dans le sens d’une plus grande satisfaction des intérêts du justiciable et d’une meilleure défense des consommateurs ». Il a ajouté qu’« en mettant fin à la multiplicité et à la disparité des régimes existants, la proposition de loi contribue à la simplification du droit » (considérant n° 9).

S’agissant de l’élargissement de la qualité pour agir, le Conseil d’État a souligné que les craintes sur un engorgement des tribunaux devaient être tempérées par « l’exemple du Portugal où est en place un régime très favorable aux actions de groupe qui n’a provoqué ni multiplication des instances, ni fragilisation des entreprises ou des entités publiques, ni conséquences en termes d’assurance » (considérant n° 11).

Le Conseil d’État a, en outre, expressément indiqué qu’il « partage l’analyse des auteurs de la proposition de loi selon laquelle le prétoire est aujourd’hui trop peu ouvert à l’action de groupe » et que, par conséquent, « il ne propose pas une révision de la liste des associations ayant qualité pour agir » (considérant n° 12).

Les appréciations positives du Conseil d’État ne se limitent pas à ces deux aspects majeurs de la proposition de loi.

Il a également estimé :

– que la revalorisation du rôle du ministère public en matière d’actions de groupe « répond à un motif d’intérêt général » (considérant n° 15) ;

– que la mise à la charge de l’État des dépens ou des frais relatifs aux mesures d’instruction – lorsque qu’une action de groupe est fondée sur des moyens sérieux – est susceptible d’assurer la mise en œuvre de la directive « Action représentative » précitée qui incite les États membres à limiter les frais de justice des entités habilitées à agir (considérant n° 26) ;

– et que la spécialisation des tribunaux judiciaires s’inscrit « dans l’objectif de bonne administration de la justice » et « vise à renforcer l’efficacité de traitement des actions de groupe qui se caractérisent par leurs spécificités procédurales » (considérant n° 28).

2.   Un avis constructif qui a inspiré les amendements de réécriture adoptés par la Commission

Le Conseil d’État a formulé plusieurs observations en vue d’améliorer la qualité juridique de la proposition de loi. La Commission a adopté les amendements de vos Rapporteurs qui intègrent l’ensemble de ces observations.

● Le Conseil d’État a estimé que le « régime de l’action de groupe présente le caractère d’une loi de procédure qui n’a pas vocation à prendre place dans le code civil » et que « le caractère législatif de ce régime » ne permet pas « de le placer dans le code de procédure civile puisque celui-ci est de nature réglementaire ». Dès lors, il a recommandé « d’inscrire ce régime dans une loi non codifiée dédiée à l’action de groupe » (considérant n° 8).

Les amendements adoptés ont donc conduit à une réécriture de la proposition de loi. Les cinq premiers articles de la proposition de loi ont été remplacés par trente-trois articles divisés en deux titres. Le titre Ier est relatif à l’action de groupe et comprend vingt-six articles. Il forme un texte ad hoc non codifié relatif au régime juridique des actions de groupe. Le titre II contient des dispositions diverses et transitoires.

● Le Conseil d’État a suggéré qu’une « évaluation de l’application de la loi soit conduite quatre ans après son entrée en vigueur » (considérant n° 12).

La Commission a mis en œuvre cette recommandation en introduisant l’article 2 sexdecies qui figure dans le titre II du texte qu’elle a adopté.

● Le Conseil d’État a considéré que la disposition prévoyant que les demandeurs « peuvent faire connaître par voie de publicité l’action de groupe qu’ils ont intentée afin d’en informer les personnes susceptibles d’être concernées » était « dénuée de portée normative » et « n’a pas sa place dans la loi » (considérant n° 14).

La Commission a mis en œuvre cette recommandation. Les amendements de réécriture adoptés ne contiennent en effet pas cette disposition.

● Le Conseil d’État a souligné un problème de rédaction de la disposition relative au rôle du juge de la mise en état, qui pouvait être interprétée comme réservant à celui-ci la compétence pour décider de la cessation d’un manquement alors que tel n’était pas l’intention des auteurs de la proposition de loi (considérant n° 16).

La Commission a corrigé ce problème de rédaction à l’article 1er quater.

● Le Conseil d’État a relevé que la proposition de loi ne prévoyait pas, comme dans le droit en vigueur, que le juge vérifie que les intérêts des parties sont préservés lorsqu’il se prononce sur l’homologation de l’accord négocié dans le cadre d’une médiation. Il a recommandé de reprendre les dispositions du droit en vigueur (considérant n° 25).

La Commission a suivi cette recommandation à l’article 1er quindecies.

● Le Conseil d’État a recommandé de confier la tenue du registre national des actions de groupe au ministre de la justice et non pas au Conseil national des barreaux (considérant n° 27).

La Commission a suivi cette recommandation à l’article 1er sexdecies.

● Le Conseil d’État a suggéré que la compétence spécialisée des tribunaux judiciaires intervienne « en toutes matières » pour éviter des compétences spécialisées concurrentes par matière (considérant n° 28).

La Commission a mis en œuvre cette recommandation à l’article 2.

● Le Conseil d’État a émis des réserves sur les pouvoirs confiés au juge des référés devant les juridictions administratives par l’article 4 de la proposition de loi. Il a estimé que cette disposition n’était pas nécessaire dès lors qu’en l’état du droit le juge du fond peut prendre les mesures nécessaires dans des délais adaptés (considérant n° 29).

La Commission a mis en œuvre cette recommandation. Les amendements de réécriture adoptés ne contiennent pas en effet cette disposition.

● Le Conseil d’État a indiqué qu’il convenait que la proposition de loi précise les modalités d’application outre-mer (considérant n° 33).

La Commission a ainsi apporté des précisions sur l’application dans les îles Wallis et Futuna à l’article 2 terdecies.

● Enfin, le Conseil d’État a recommandé que la proposition de loi constitue le véhicule de transposition de la directive « Action représentative » (considérant n° 32).

La Commission a procédé à la transposition de la directive.

3.   Des réserves sur la sanction civile dont a tenu compte la Commission

Le Conseil d’État a émis plusieurs réserves sur la sanction civile prévue dans la rédaction initiale de la proposition de loi. La Commission en a tenu compte en adoptant un amendement de réécriture de cette disposition.  

Ces réserves portent sur trois points : le principe d’égalité, le principe de légalité et le principe de proportionnalité.

● En premier lieu, le Conseil d’État a estimé qu’une sanction civile réservée à l’action de groupe créait une différence de traitement selon la procédure suivie et portait atteinte au principe d’égalité. Il a estimé qu’un tel mécanisme devait pouvoir s’appliquer à d’autres types d’action comme les actions collectives ou conjointes (considérant n° 22).

La Commission a, dès lors, généralisé la sanction civile à toutes les actions en la détachant du régime juridique de l’action de groupe et en l’insérant dans le code civil. Elle a introduit, pour ce faire, un article 2 undecies dans le titre II du texte qu’elle a adopté.

● En deuxième lieu, le Conseil d’État a rappelé que la sanction civile devait respecter le principe de légalité. Or, il a relevé que le champ de la sanction civile n’était pas défini (considérant n° 21) et que le texte était rédigé en des termes généraux (considérant n° 23).

L’absence de définition d’un champ précis dans la rédaction initiale de la proposition de loi se justifiait par le fait que la sanction civile était attachée à la procédure de l’action de groupe. Dès lors que la sanction civile est généralisée à toutes les actions, il convient en effet de mieux définir son champ d’application.

C’est pourquoi, la Commission a précisé que la sanction civile s’appliquait dans les situations qui ont causé des préjudices sériels lorsqu’une faute délibérée a été commise en vue d’obtenir un gain ou une économie indu.

Le champ d’application de la sanction civile est ainsi clairement délimité.

● En troisième lieu, le Conseil d’État a rappelé que la sanction civile devait satisfaire à l’exigence de proportionnalité.

Il a estimé ne pas être en mesure d’apprécier le principe de proportionnalité compte tenu de la variété des cas de cumuls de la sanction civile avec une sanction d’un autre type applicable à un secteur spécifique (considérant n° 23).  

Vos Rapporteurs rappellent que le juge a toute latitude pour adapter le quantum de la sanction afin de mettre en œuvre le principe de proportionnalité.

Afin d’apporter des garanties supplémentaires en la matière, la Commission a confié au seul ministère public, devant les juridictions de l’ordre judiciaire, et au seul Gouvernement, devant les juridictions de l’ordre administratif, la faculté de demander l’application de la sanction civile.

L’application de la sanction civile a dès lors vocation à être rare et réservée à des hypothèses où l’ordre public économique a été troublé.

B.    La Transposition de la directive « Action reprÉsentative » du 25 novembre 2020

Les amendements adoptés par la Commission permettent notamment d’assurer une transposition complète de la directive « Action représentative » précitée.

Tout d’abord, selon un principe de réciprocité, la Commission a ouvert la qualité pour agir en matière d’actions de groupe aux entités habilitées dans les autres États membres pour exercer des actions représentatives (article 1er bis). 

Ensuite, elle a prévu les critères d’habilitation des associations françaises pour exercer des actions représentatives dans les autres États membres (article 2 duodecies).

Enfin, elle a opéré deux aménagements au régime procédural de l’action de groupe afin que celui-ci réponde à toutes les exigences de la directive « Action représentative » qui n’étaient satisfaites ni par la rédaction initiale de la proposition de loi ni par l’état du droit.

Elle a ainsi prévu :

– l’absence d’obligation de présenter des cas individuels lorsque l’action de groupe tend à la cessation du manquement (article 1er quater) ;

– et un dispositif permettant de s’assurer de l’absence de conflits d’intérêts entre les tiers financeurs de l’action de groupe et le défendeur (article 1er ter).

C.   Les autres modifications

La Commission a opéré deux autres modifications.

En premier lieu, elle a porté à 100 au lieu de 50 le nombre de personnes physiques pour constituer une association ad hoc ayant qualité pour agir en matière d’actions de groupe (article 1er  bis).

En second lieu, par l’adoption d’un sous-amendement de notre collègue Cécile Untermaier, elle a avancé l’entrée en vigueur du nouveau régime de l’action de groupe à toutes les actions introduites postérieurement à la publication de la loi. L’entrée en vigueur de la sanction civile a, en revanche, été maintenue aux faits générateurs postérieurs à la publication de la loi (article 3).

 

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   EXAMEN des articles

TITRE Ier
L’action de Groupe

Chapitre Ier
Objet de l’action de groupe, qualité pour agir et introduction de l’instance

Article 1er
Définition de l’action de groupe

Adopté par la Commission avec modifications

Résumé du dispositif initial et effets principaux

Le présent article définit un cadre unifié pour le régime juridique de l’ensemble des actions de groupe relevant du juge judiciaire. Il insère, pour ce faire, dans le code civil, un titre XV bis dédié aux actions de groupe, après le titre XV du livre III. Il procède à un triple élargissement de la qualité pour agir, du champ des droits subjectifs protégés et du champ des préjudices indemnisables en matière d’actions de groupe.

Dernières modifications législatives intervenues

La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (dite loi « ELAN ») a étendu le champ de l’action de groupe aux litiges entre des consommateurs et un professionnel portant sur la location d’un bien immobilier.

Position de la Commission

Suivant l’avis du Conseil d’Etat, la Commission a retiré du code civil le régime juridique de l’action de groupe. Elle a procédé à une réécriture de la proposition de loi afin que celle-ci prenne la forme d’un texte ad hoc, non codifié, relatif au régime juridique de l’action de groupe.

Par conséquent, le présent article a été réécrit à la suite de l’adoption d’un amendement de rédaction globale présenté par vos rapporteurs. Le présent article constitue le premier article du texte ad hoc adopté. Il définit l’action de groupe.

● En l’état du droit, chaque type d’action de groupe fait l’objet d’une définition spécifique qui varie sur la qualification du défendeur, le champ du préjudice indemnisable et la finalité de l’action.

● Le dispositif introduit par la commission fusionne les différentes définitions de l’action de groupe.

Le défendeur à l’action peut être « toute personne agissant dans l’exercice ou à l’occasion de son activité professionnelle, toute personne morale de droit public ou tout organisme de droit privé chargé de la gestion d’un service public ».

La double finalité de l’action – action en cessation du manquement ou action en réparation des préjudices – est généralisée.

Le champ du préjudice indemnisable est étendu à tous les types de préjudice « quelle qu’en soit la nature ».

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Article 1er bis (nouveau)
Qualité pour agir

Introduit par la Commission

 

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit la qualité pour agir en matière d’actions de groupe. 

● L'action est le droit, pour l'auteur d'une prétention, d'être entendu sur le fond de celle-ci afin que le juge la dise bien ou mal fondée (article 30 du code de procédure civile). La qualité pour agir est l’une des conditions de la recevabilité de l’action, avec l’intérêt à agir et la capacité juridique.

En principe, la qualité pour agir découle de l’intérêt à agir. Mais la loi peut conférer la qualité pour agir à des groupements qui ne disposent pas d’un intérêt personnel au succès de la sanction.

Tel est le cas en matière d’actions de groupe.

En l’état du droit, la qualité pour agir est conférée à des associations et syndicats même s’ils ne subissent pas directement le dommage. Le champ de la qualité pour agir varie d’un type d’action de groupe à l’autre.

● Le dispositif introduit par la commission définit un cadre commun, d’une part, et élargit la qualité pour agir en matière d’actions de groupe, d’autre part.

La qualité pour agir est ainsi ouverte pour l’ensemble des actions de groupe :

– aux associations agréées ;

– aux associations régulièrement déclarées ayant au moins deux ans d’ancienneté et dont les statuts prévoient la défense de l’intérêt lésé ;

– aux associations ad hoc, régulièrement déclarées, qui se constituent spécialement en vue d’exercer une action de groupe dès lors qu’elles sont composées soit d’au moins cent personnes physiques, soit d’au moins dix personnes morales inscrites au registre du commerce et des sociétés depuis au moins deux ans, soit d’au moins cinq collectivités territoriales ;

– aux entités habilitées par d’autres États membres de l’Union européenne en matière d’action représentative à condition que l’action intentée entre dans le champ de la directive (UE) 2020/1828 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2020 relative aux actions représentatives visant à protéger les intérêts collectifs des consommateurs ;

– au ministère public, en qualité de partie principale, pour les actions en cessation de manquement et, en qualité de partie jointe, pour les actions en réparation des préjudices.

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Article 1er ter (nouveau)
Contrôle des conflits d’intérêts

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit, en matière d’actions de groupe, la délivrance par le demandeur, sous peine d’irrecevabilité, d’une attestation sur l’honneur, mentionnant l’absence de conflits d'intérêts entre ses éventuels tiers bailleurs de fonds et le défendeur.

● La directive « Action représentative » précitée prévoit des obligations de transparence du demandeur et l’instauration d’un contrôle des situations de conflits d’intérêts entre ses tiers bailleurs de fonds et le défendeur.

L’article 10 de la directive prévoit que les États membres doivent veiller à ce que « les conflits d’intérêts soient évités et à ce que le financement par des tiers ayant un intérêt économique dans l’introduction ou l’issue de l’action représentative visant à obtenir des mesures de réparation ne détourne pas l’action représentative de la protection des intérêts collectifs des consommateurs ». Les États membres doivent également veiller à ce que les juridictions soient habilitées à contrôler ces situations de conflits d’intérêts « dans les cas où des doutes justifiés surgissent à cet égard ».

● Bien que les exigences de la directive ne s’imposent pas aux actions n’entrant pas dans son champ d’application, la Commission a jugé utile d’introduire dans le régime unifié de l’action de groupe qu’ils proposent un dispositif permettant un contrôle des conflits d’intérêts, y compris pour les actions nationales. Cela se justifie par l’élargissement de la qualité pour agir, en particulier aux associations ad hoc.

Le dispositif introduit par la Commission prévoit ainsi la remise par les demandeurs, sous peine d’irrecevabilité, d’une attestation sur l’honneur de leurs représentants légaux mentionnant qu’ils poursuivent un but non lucratif et que les tiers qui leur apportent des financements, sauf s’ils subissent eux-mêmes un dommage causé par le manquement reproché au défendeur, n’ont pas un intérêt économique dans l’introduction ou l’issue de l’action.

Il s’agit d’un mécanisme d’auto-certification permettant l’introduction de l’instance. La preuve contraire peut être rapportée par le défendeur.

Il est rappelé que le fait d'établir une attestation faisant état de faits matériellement inexacts est puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 euros d’amende par application de l’article 441-7 du code pénal.

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Chapitre II
L’action de groupe en cessation de manquement

Article 1er quater (nouveau)
L’action de groupe en cessation du manquement

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit le régime juridique de l’action de groupe en cessation du manquement. 

● En l’état du droit, la cessation du manquement est l’une des finalités prévues pour certains types d’action de groupe. Elle est prévue dans le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle ».

● Le présent article introduit par la Commission reprend, au premier alinéa, dans les mêmes termes, les dispositions du socle commun. Ce faisant, la double finalité de l’action de groupe – cessation du manquement et réparation des préjudices – est généralisée à toutes les actions de groupe.

● Dans un second alinéa, le présent article précise les critères d’intervention du juge de la mise en état.

Pour tenir compte d’une observation du Conseil d’État formulée dans l’avis rendu, il prévoit que le juge de la mise en état ne peut prendre que des mesures provisoires, et non des mesures définitives.

L’alinéa introduit dispose ainsi que le juge de la mise en état peut prendre « toutes les mesures provisoires utiles pour faire cesser, dans un délai qu’il fixe, le manquement allégué afin de prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite ».

Cette précision, absente en l’état du droit, permet de répondre à une exigence de la directive « Action représentative » précitée. Son article 8 prévoit en effet que les États membres doivent veiller à permettre au juge de prononcer des mesures provisoires en matière d’action en cessation du manquement.

La disposition introduite s’applique uniquement devant le juge judiciaire puisqu’il n’y a pas de juge de la mise en état dans les juridictions de l’ordre administratif.

● Le présent article ne reprend pas une disposition de la rédaction initiale de la proposition de loi qui confiait, devant les juridictions de l’ordre administratif, au juge des référés le pouvoir de prendre les mesures utiles en cessation du manquement.

En effet, vos rapporteurs ont tenu compte des observations du Conseil d’État. Dans son avis, celui-ci a considéré que, devant les juridictions administratives, l’extension des pouvoirs du juge des référés en matière d’actions de groupe « ne paraît pas nécessaire dès lors que les mesures dont il s’agit peuvent déjà être prises par le juge du fond dans des délais adaptés à l’objet d’une action en cessation d’un manquement ».

● Enfin, contrairement à l’article suivant, le présent article ne prévoit pas l’obligation pour le demandeur de présenter au moins deux cas individuels au soutien de son action.

En effet, la directive « Action représentative » précitée ne prévoit pas une telle obligation pour les actions en cessation du manquement.

Dans ces conditions, il a paru opportun à la Commission d’écarter cette obligation pour l’ensemble des actions de groupe en cessation du manquement qu’elles soient ou non dans le champ de la directive. Cette position se justifie d’autant plus que la proposition de loi ouvre au ministère public la possibilité d’agir, à titre principal, en cessation du manquement.

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Chapitre III
L’action de groupe en réparation des préjudices

Section 1
Jugement sur la responsabilité

Article 1er quinquies (nouveau)
Contenu du jugement sur la responsabilité

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit le contenu du jugement en responsabilité.  

● Le jugement en responsabilité conclut la première phase procédurale de l’action de groupe en réparation des préjudices.

Son contenu est défini dans le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle » et dans le code de la consommation pour l’action de groupe « Consommation ».

● Le présent article introduit par la Commission reprend les dispositions du droit en vigueur sur le contenu du jugement sur la responsabilité, les unifie et les complète pour mieux les articuler avec les phases ultérieures de la procédure en matière d’action de groupe.

Le présent article prévoit ainsi que ce jugement doit, s’il retient la responsabilité du défendeur :

– définir le groupe de personnes à l’égard desquelles la responsabilité du défendeur est engagée en fixant les critères de rattachement au groupe et déterminer les préjudices devant faire l’objet d’une réparation pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu’il a défini ;

– fixer le délai dans lequel les personnes remplissant les critères de rattachement et souhaitant se prévaloir du jugement sur la responsabilité peuvent adhérer au groupe en vue d’obtenir la réparation de leur préjudice ;

– ordonner, à la charge du défendeur, les mesures de publicité adaptées pour informer de cette décision les personnes susceptibles d’avoir subi un dommage causé par le fait générateur constaté ;

– fixer le délai dont dispose le défendeur condamné pour procéder à l’indemnisation ;

– et prévoir les conditions et les limites dans lesquelles les membres du groupe peuvent saisir le juge aux fins d’obtenir une indemnisation individuelle.

● Le présent article précise aussi que l’action de groupe en réparation des préjudices nécessite la présentation d’au moins deux cas individuels par le demandeur.

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Article 1er sexies (nouveau)
Provision et décision sur la mise en œuvre de la procédure collective de liquidation des préjudices

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit que le jugement sur la responsabilité peut ordonner la mise en œuvre d’une procédure collective de liquidation des préjudices ainsi que le paiement d’une provision à la charge du défendeur à l’action de groupe.

● En l’état du droit, dans certains types d’action de groupe, une procédure collective de liquidation des préjudices peut être ordonnée par le jugement en responsabilité si le demandeur à l’action l’a sollicitée.

Dans ce cas, le jugement doit habiliter le demandeur à négocier avec le défendeur l'indemnisation des préjudices subis par chacune des personnes constituant le groupe. Il doit également déterminer le montant ou tous les éléments permettant l'évaluation des préjudices susceptibles d'être réparés pour chacune des catégories de personnes constituant le groupe qu'il a défini. Il doit enfin fixer les délais et modalités selon lesquels cette négociation et cette réparation doivent intervenir.

Le juge peut également condamner le défendeur au paiement d'une provision à valoir sur les frais non compris dans les dépens exposés par le demandeur à l'action.

● Le présent article introduit par la Commission reprend les dispositions du droit en vigueur.

Ces dispositions sont intégrées au cadre unifié du régime juridique de l’action de groupe. Il s’ensuit que la procédure collective de liquidation des préjudices est étendue à toutes les actions de groupe.

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Article 1er septies (nouveau)
Caractère exécutoire à titre provisoire du jugement

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit le caractère exécutoire à titre provisoire du jugement sur la responabilité, sauf décision contraire du juge.

● En l’état du droit, devant le juge administratif, l'appel formé contre le jugement sur la responsabilité a, de plein droit, un effet suspensif (article L. 77-10-25 du code de justice administrative).

La règle est inversée devant le juge judiciaire, pour toutes les instances introduites depuis le 1er janvier 2020, en vertu de la nouvelle rédaction de l’article 514 du code de procédure civile, qui prévoit que « les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement ».

● Le présent article introduit par la Commission retient la règle applicable devant le juge judiciaire, c’est-à-dire celle d’un caractère exécutoire de plein droit du jugement sur la responsabilité sauf décision contraire du juge.

Ces dispositions sont intégrées au cadre unifié du régime juridique de l’action de groupe. Il s’ensuit que le caractère exécutoire à titre provisoire est étendu au jugement sur la responsabilité rendu par le juge administratif.

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Section 2
Réparation du préjudice

Sous-section 1 « Procédure individuelle de réparation des préjudices »

Article 1er octies (nouveau)
Adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure individuelle

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit les modalités et les effets de l’adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure individuelle.

● L’adhésion au groupe intervient après le jugement sur la responsabilité et constitue le point de départ de la deuxième phase du régime procédural des actions de groupe en réparation des préjudices.

En l’état du droit, le socle commun procédural prévoit que, dans les délais et conditions fixés par le jugement sur la responsabilité, les personnes souhaitant adhérer au groupe adressent une demande de réparation soit à la personne déclarée responsable par ce jugement, soit au demandeur à l'action, qui reçoit ainsi mandat aux fins d'indemnisation.

Il est précisé que ce mandat ne vaut ni n'implique adhésion au demandeur à l'action. Il vaut mandat aux fins de représentation pour l'exercice de l'action en justice prévue en cas de difficultés sur la réparation des préjudices et, le cas échéant, pour l'exécution forcée du jugement prononcé à l'issue.

● Le présent article, introduit par la Commission, reprend dans des termes similaires les dispositions du droit en vigueur.

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Article 1er nonies (nouveau)
Indemnisation des préjudices individuels

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit les modalités d’indemnisation des préjudices individuels.

● En l’état du droit, le socle commun procédural applicable aux actions de groupe en réparation des préjudices prévoit que la personne déclarée responsable par le jugement sur la responsabilité doit procéder à l’indemnisation individuelle des préjudices résultant du fait générateur de responsabilité subis par les personnes remplissant les critères de rattachement au groupe et ayant adhéré à celui‑ci.

● Le présent article introduit par la Commission reprend, sans changement, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 1er decies (nouveau)
Saisine du juge en cas de difficultés

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il permet au juge, à la demande des personnes intéressées, de statuer en cas de difficultés sur les demandes de réparation de préjudice individuel qui n’ont pas été satisfaites.

● En l’état du droit, le socle commun procédural applicable aux actions de groupe prévoit que les personnes dont la demande de réparation n’a pas été satisfaite peuvent saisir le juge ayant statué sur la responsabilité, dans les conditions et limites fixées par le jugement sur la responsabilité, aux fins de réparation de leur préjudice individuel. 

Le juge statue alors sur les difficultés subsistantes en matière de réparation des préjudices, ce qui constitue la troisième et dernière phase du régime procédural des actions de groupe.

● Le présent article introduit par la Commission reprend, sans changement, les dispositions du droit en vigueur.

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Sous-section 2 « Procédure collective de liquidation des préjudices »

Article 1er undecies (nouveau)
Adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure collective

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit les modalités et les effets de l’adhésion au groupe dans le cadre d’une procédure collective.

● En l’état du droit, lorsqu’une procédure collective de liquidation des préjudices est auorisée, il est prévu que les personnes intéressées peuvent se joindre au groupe en se déclarant auprès du demandeur à l'action, qui est chargé de solliciter auprès du responsable la réparation du dommage (article 72 de la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle »).

L'adhésion au groupe vaut mandat au profit du demandeur à l'action aux fins d'indemnisation. À cette fin, le demandeur à l'action négocie avec le défendeur le montant de l'indemnisation, dans les limites fixées par le jugement en responsabilité.

Ce mandat ne vaut ni n'implique adhésion au demandeur à l'action.
Il vaut mandat aux fins de représentation à l'action en justice exercée en cas de difficultés sur la réparation du préjudice. Il vaut également mandat pour l'exécution forcée du jugement prononcé à l'issue.

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans des termes similaires, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 1er duodecies (nouveau)
Négociation de l’accord et rôle du juge

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit les modalités de la négociation de l’accord dans le cadre de la procédure collective de liquidation des préjudices. Il définit également le rôle du juge chargé de l’homologation.

● En l’état du droit, le socle commun procédural aux actions de groupe prévoit pour la procédure collective de liquidation des préjudices que le juge ayant statué sur la responsabilité est saisi aux fins d’homologation de l’accord, éventuellement partiel, accepté par les membres du groupe concernés (article 73 de la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle »).

Il est saisi dans un délai qui ne peut être inférieur à celui fixé par le jugement en responsabilité.

Le juge doit refuser l’homologation si les intérêts des parties et des membres du groupe lui paraissent insuffisamment préservés au regard des termes du jugement sur la responsabilité. Il peut renvoyer à la négociation pour une nouvelle période de deux mois.

En l’absence d’accord total, le juge doit être saisi dans le délai fixé au jugement de responsabilité pour qu’il statue sur la liquidation des préjudices subsistants. Dans ce dernier cas, le juge statue dans les limites fixées par le jugement sur la responsabilité.

À défaut de saisine du juge à l’expiration d’un délai d’un an à compter du jour où le jugement sur la responsabilité est passé en force de chose jugée, les membres du groupe peuvent adresser une demande de réparation individuelle à la personne déclarée responsable. La procédure individuelle de réparation des préjudices est alors applicable.

Enfin, il est prévu qu’une amende civile d'un montant maximal de 50 000 euros puisse être prononcée contre le demandeur ou le défendeur à l'instance lorsque celui-ci a, de manière dilatoire ou abusive, fait obstacle à la conclusion d'un accord.

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

Toutefois, il ne prévoit pas d’amende civile, celle-ci faisant doublon avec d’autres amendes prévues en procédure civile, notamment celle prévue à l’article 32-1 du code de procédure civile.

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Sous-section 3 « Gestion des fonds reçus au titre de l’indemnisation des membres du groupe »

Article 1er terdecies (nouveau)
Gestion des fonds reçus

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit les modalités de la négociation de l’accord dans le cadre de la procédure collective de liquidation des préjudices. Il prévoit une obligation de dépôt à la Caisse des dépôts et consignations des fonds reçus par le demandeur à l’action de groupe au titre de l’indemnisation des personnes lesées.

● En l’état du droit, il est prévu que, sous réserve des dispositions législatives relatives au maniement des fonds des professions judiciaires réglementées, toute somme reçue au titre de l'indemnisation des personnes lésées membres du groupe est immédiatement versée sur un compte ouvert auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Celui-ci ne peut faire l'objet de mouvements en débit que pour le règlement de l'affaire qui est à l'origine du dépôt (article 74 de la loi du 18 novembre 2016 « Justice du XXIème siècle »).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Section 3
Médiation

Article 1er quaterdecies (nouveau)
Accès à la médiation

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il porte sur l’accès à la médiation des demandeurs à l’action de groupe. 

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que les demandeurs à l’action de groupe peuvent participer à une médiation, dans les conditions fixées au chapitre Ier du titre II de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative, afin d'obtenir la réparation des préjudices individuels (article 75).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 1er quindecies (nouveau)
Homologation de l’accord

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il porte sur l’homologation de l’accord par le juge à la suite d’une médiation.  

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que tout accord négocié au nom du groupe est soumis à l'homologation du juge, qui vérifie s'il est conforme aux intérêts de ceux auxquels il a vocation à s'appliquer et lui donne force exécutoire. Il précise que cet accord doit indiquer les mesures de publicité nécessaires pour informer de son existence les personnes susceptibles d'être indemnisées sur son fondement, ainsi que les délais et modalités pour en bénéficier (article 76).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Chapitre IV
Registre national des actions de groupe

Article 1er sexdecies (nouveau)
Registre national des actions de groupe

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il crée un registre public des actions de groupe en cours devant les juridictions, tenu par le ministre de la Justice.

● En l’état du droit, la loi ne prévoit pas de registre public des actions de groupe en cours. La partie réglementaire du code de justice administrative prévoit simplement que les actions de groupe en cours font l'objet d'une information sur le site internet du Conseil d'État (article R. 77-10-10). Cette disposition ne concerne que les actions de groupe relevant du juge administratif.

● Le présent article introduit par la Commission crée un registre public des actions de groupe en cours devant l’ensemble des juridictions.

Alors que la proposition de loi initiale confiait la tenue de ce registre au Conseil national des barreaux, vos rapporteurs ont entendu les réserves du Conseil d’État sur ce sujet. L’amendement qu’ils ont présenté et qui a été adopté par la Commission confie la tenue du registre au ministre de la Justice. 

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Chapitre V
Compétence juridictionnelle en matière d’action de groupe

Article 2

Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’actions de groupe

Adopté par la Commission avec modifications

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit une compétence spécialisée de certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions de groupe relevant du juge judiciaire.

Position de la Commission

Le présent article a été réécrit à la suite de l’adoption d’un amendement de rédaction globale présenté par vos rapporteurs. Il maintient le principe d’une compétence spécialisée de certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions de groupe relevant du juge judiciaire. Tenant compte de l’avis du Conseil d’Etat, il précise toutefois que cette compétence spécialisée intervient « en toutes matières » afin d’éviter une concurrence avec la spécialisation de certains tribunaux judiciaires dans certaines matières.

● En l’état du droit, les tribunaux judiciaires ont une compétence exclusive pour connaître des actions de groupe relevant du juge judiciaire (article L.211-9-2 du code de l’organisation judiciaire).

● Le présent article prévoit le principe d’une compétence spécialisée de certains tribunaux judiciaires pour connaître des actions de groupe relevant du juge judiciaire. Tenant compte de l’avis du Conseil d’État, il précise toutefois que cette compétence spécialisée intervient « en toutes matières » afin d’éviter une concurrence avec la spécialisation de certains tribunaux judiciaires dans certaines matières.

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Chapitre VI
Dispositions diverses

Article 2 bis (nouveau)
Suspension de la prescription des actions individuelles

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit la suspension de la prescription des actions individuelles durant l’instance relative à l’exercice d’une action de groupe.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que l'action de groupe suspend la prescription des actions individuelles en réparation des préjudices résultant des manquements constatés par le juge ou des faits retenus dans l'accord homologué à la suite d’une médiation. Il est également prévu que le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle le jugement n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou à compter de la date de l'homologation de l'accord (article 77).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 ter (nouveau)
Autorité de la chose jugée

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il définit la portée de l’autorité de la chose jugée du jugement en responsabilité et du jugement homologuant un accord.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que le jugement en responsabilité et celui homologuant un accord ont autorité de la chose jugée à l'égard de chacune des personnes dont le préjudice a été réparé au terme de la procédure (article 78).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 quater (nouveau)
Maintien des voies de droit commun

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit le maintien des voies de droit commun pour la réparation des préjudices n’entrant pas dans le champ du jugement en responsabilité ou de l’accord homologué.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que l'adhésion au groupe ne fait pas obstacle au droit d'agir selon les voies de droit commun pour obtenir la réparation des préjudices n'entrant pas dans le champ défini par le jugement en responsabilité qui n'est plus susceptible de recours ordinaire ou de pourvoi en cassation ou d'un accord homologué (article 79).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 quinquies (nouveau)
Irrecevabilité de l’action de groupe ayant le même objet que celle traitée dans un jugement sur la responsabilité ou un accord homologué

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit l’irrecevabilité de l’action de groupe ayant le même objet que celle traitée dans un jugement sur la responsabilité ou un accord homologué.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que n'est pas recevable l'action de groupe qui se fonde sur le même fait générateur, le même manquement et la réparation des mêmes préjudices que ceux reconnus par un jugement en responsabilité ou par un accord homologué (article 80).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 sexies (nouveau)
Substitution du demandeur défaillant

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il autorise la substitution du demandeur défaillant.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que toute personne ayant qualité pour agir à titre principal peut demander au juge sa substitution dans les droits du demandeur défaillant (article 81).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 septies (nouveau)
Caractère d’ordre public de l’action de groupe

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il dispose que toute clause ayant pour objet ou pour effet d'interdire à une personne de participer à une action de groupe est réputée non écrite.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que toute clause ayant pour objet ou pour effet d'interdire à une personne de participer à une action de groupe est réputée non écrite (article 82).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 octies (nouveau)
Action directe contre l’assureur

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit un mécanisme d’action directe contre l’assureur.

● En l’état du droit, le socle commun procédural issu de la loi du 18 novembre 2016 « Justice au XXIème siècle » prévoit que le demandeur à l'action peut agir directement contre l'assureur garantissant la responsabilité civile du responsable en application de l'article L. 124-3 du code des assurances (article 83).

● Le présent article introduit par la Commission reprend, dans les mêmes termes, les dispositions du droit en vigueur.

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Article 2 nonies (nouveau)
Prise en charge des frais d’instruction et des dépens par l’État

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit la possibilité, sur décision du juge, d’une prise en charge totale ou partielle par l’État des frais d’instruction et, lorsque la partie demanderesse est perdante, des dépens.

● En l’état du droit, l’article 696 du code de procédure civile prévoit que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge condamne l’autre partie par une décision motivée. L’article 700 du code de procédure civile prévoit que la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès doit notamment payer à l’autre partie une somme déterminée par le juge au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

● Le présent article introduit par la Commission laisse la possibilité au juge, lorsque l’action de groupe intentée présente un caractère sérieux, de mettre à la charge d’une tierce partie, l’État, la totalité ou une partie des frais d’instruction. En cas de rejet de la demande, le juge peut également mettre tout ou partie des dépens à la charge de l’État.

 Le présent article met ainsi en œuvre une disposition de la directive « Action représentative » qui incite les États membres à prendre des mesures pour limiter les frais de justice des entités demanderesses.

Cette innovation procédurale reste encadrée par la faculté d’appréciation laissée au juge sur le caractère sérieux de l’action. Lorsque le juge met les dépens à la charge de l’État, il doit spécialement le motiver.

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Article 2 decies (nouveau)
Modalités d’application

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit que les modalités d’application du titre Ier relatif à l’action de groupe sont définies par décret.  

Le dispositif introduit par la Commission prévoit que les modalités d’application du titre Ier relatif à l’action de groupe sont définies par décret.

Plusieurs dispositions du titre Ier nécessiteront des mesures réglementaires d’application, en particulier :

– la définition des critères d’agrément des associations qualifiées pour intenter des actions de groupe ;

– la désignation des tribunaux judiciaires spécialisés en matière d’actions de groupe ;

– et la mise en œuvre du registre national des actions de groupe.

Des mesures d’adaptation du code de procédure civile et de la partie réglementaire du code de justice administrative seront également nécessaires.

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TITRE II
dispositions diverses et de coordination

Chapitre Ier
Sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels

Article 2 undecies (nouveau)
(art. 1253 [nouveau] du code civil)
Sanction civile

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il crée une sanction civile en cas de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels.

 ● En l’état du droit, le juge n’a pas la possibilité de prononcer une sanction civile lorsqu’il se prononce dans un dossier de faute intentionnelle ayant causé des dommages sériels. Les juridictions civiles peuvent néanmoins prononcer des amendes dans plusieurs cas de figure.

L’article 32-1 du code de procédure civile prévoit une amende qui sanctionne tout comportement dilatoire ou abusif lors d’une action en justice. Le montant de l’amende est plafonné à 10 000 euros.

Le troisième alinéa de l’article L. 442-4 du code de commerce prévoit la possibilité pour le ministre chargé de l’économie ou le ministère public de demander le prononcé d’une amende civile à l’encontre d’un auteur de pratiques restrictives de concurrence.  

L’article prévoit un plancher qui ne peut excéder trois montants :

– cinq millions d’euros ;

– le triple du montant des avantages indument perçus ou obtenus ;

– 5 % du chiffre d’affaires hors taxes réalisé en France par l’auteur des pratiques lors du dernier exercice clos depuis l’exercice précédant celui au cours duquel les pratiques ont été mises en œuvre.

Dans une décision du 6 octobre 2022 ([5]), le Conseil constitutionnel a considéré que les dispositions adoptées par le législateur, dont l’amende civile, ne représentaient pas une atteinte disproportionnée à la liberté d’entreprendre au regard de l’objectif d’intérêt général de préservation de de l’ordre public économique qui était poursuivi.

● Dans sa rédaction initiale, la proposition de loi prévoyait la création d’une sanction civile, applicable uniquement dans le cadre d’une action de groupe, en cas de faute délibérée commise en vue d’obtenir un gain ou une économie.

Le montant de la sanction – fixé au maximum à 5 % du chiffre d’affaires pour les personnes morales et cinq fois le profit réalisé pour les personnes physiques – devait être déterminé par le juge en tenant compte de trois critères : la gravité de la faute, les facultés contributives de son auteur et le profit que ce dernier en a retiré.

● Le présent article, introduit par la Commission, reprend le mécanisme de sanction civile prévu par le texte initial en l’adaptant pour tenir compte des observations formulées dans son avis par le Conseil d’État.

La sanction civile est un mécanisme à portée dissuasive, qui peut être prononcée par le juge lorsque l’auteur du dommage a délibérément commis une faute en vue d’obtenir un gain ou une économie indu.

Le Conseil d’État a estimé dans son avis que la sanction civile prévue par la proposition créait une différence de traitement injustifiée dans la mesure où elle est applicable seulement aux actions de groupe, et non, par exemple, aux actions collectives.

La Commission a donc adopté un amendement de vos rapporteurs qui retire la sanction civile du régime procédural de l’action de groupe et qui l’intègre dans le code civil dans le but de la rendre applicable à tout type d’action, y compris les actions collectives.

Le présent article insère dans le code civil un article 1253 qui permet au juge de prononcer une sanction civile dès lors que « le manquement constaté a causé un ou des dommages à plusieurs personnes physiques ou morales placées dans une situation similaire ».

Cette sanction n’est pas assimilable à des dommages et intérêts punitifs, c’est-à-dire à un versement à la partie demanderesse supérieur à ce que représente la réparation intégrale du préjudice subi, car le texte prévoit bien que le produit de la sanction est versé au trésor public.

Comme le rappelle le Conseil d’État dans son avis, le dispositif de sanction civile proposé par le texte est bien assimilable à une « sanction ayant le caractère d’une punition », et doit donc satisfaire à la triple exigence de nécessité, de proportionnalité et de légalité.

S’agissant de la nécessité, la sanction civile se justifie en raison du trouble à l’ordre public économique. Par cohérence, la commission a supprimé la possibilité pour les victimes de demander le prononcé d’une sanction civile, qui existait dans le texte initial. L’article 1253 inséré dans le code civil par la Commission prévoit ainsi que, devant les juridictions judiciaires, le ministère public seul puisse requérir la sanction, et que, devant les juridictions administratives, le Gouvernement seul puisse demander le prononcé de la sanction. 

S’agissant de la proportionnalité, le texte initial introduisait trois critères sur lesquels le juge devait s’appuyer pour déterminer le montant de la sanction : la gravité de la faute commise, les facultés contributives de l’auteur et le profit retiré de la faute commise. La Commission, sur proposition de vos rapporteurs, a retenu deux de ces trois critères : la gravité de la faute commise et le profit retiré par l’auteur du manquement. Elle n’a pas repris le critère des facultés contributives de l’auteur, celui-ci étant plus éloigné de l’objectif de rétablissement de l’ordre public économique, sanitaire ou environnemental.

S’agissant de la légalité des peines et délits, le Conseil constitutionnel considère que le législateur, lorsqu’il crée une sanction, doit la définir en des termes suffisamment clairs et précis. À titre d’exemple, dans une décision QPC datée du 6 octobre 2022 ([6]), le Conseil a estimé que la notion d’avantage « manifestement disproportionné au regard de la valeur de la contrepartie consentie » ne présentait pas de caractère imprécis ou équivoque. Le présent article prévoit que la sanction civile ne peut être prononcée que lorsqu’un manquement à des obligations légales ou contractuelles a été constaté par le juge, et que l’auteur du manquement a, de manière intentionnelle, commis la faute à l’origine du manquement pour en tirer un bénéfice. La Commission a adopté une sanction civile générale qui puisse s’appliquer à l’ensemble des professionnels dès lors qu'ils ont manqué à des obligations définies par la loi ou par le contrat. La Commission a ainsi défini le champ de la sanction civile dans des termes conformes aux principes constitutionnels relatifs à la légalité des délits et peines.

Enfin, pour garantir l’efficacité de la sanction civile, le dernier alinéa du présent article précise que le risque d’une condamnation à une telle sanction n’est pas assurable.

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Chapitre II
Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Article 2 duodecies (nouveau)
Habilitation à exercer des actions représentatives transfrontières

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit les critères et modalités d’habilitation des personnes morales pour exercer des actions représentatives dans d’autres États membres de l’Union européenne.

● La directive « Action représentative » précitée prévoit que chaque État membre doit désigner à l’avance une ou plusieurs « entités qualifiées » pour exercer des actions représentatives dans un État membre autre que celui dans lequel elles ont été désignées.

Le paragraphe 3 de l’article 4 fixe les critères de désignation des entités qualifiées. Il doit s’agir de personnes morales qui :

– peuvent démontrer douze mois d’activité publique réelle dans la protection des intérêts des consommateurs ;

– ont un objet statutaire qui démontre qu’elles ont un intérêt légitime à protéger les intérêts des consommateurs ;

– poursuivent un but non lucratif ;

– ne font pas l’objet d’une procédure d’insolvabilité et ne sont pas déclarées insolvables ;

– sont indépendantes et ne sont pas influencées par des personnes autres que des consommateurs, en particulier par des professionnels, qui ont un intérêt économique dans l’introduction d’une quelconque action représentative, y compris en cas de financement par des tiers, et, à cette fin, qu’elles ont mis en place des procédures pour prévenir une telle influence ainsi que les conflits d’intérêts entre elle-même, leurs bailleurs de fonds et les intérêts des consommateurs ;

– et qui mettent la disposition du public, en des termes clairs et compréhensibles, par tout moyen approprié, en particulier sur leur site internet, des informations démontrant qu’elles satisfont aux critères précédents et des informations sur les sources de leur financement en général, leur structure organisationnelle, de gestion et d’affiliation, leur objet statutaire et leurs activités.

● Le présent article, introduit par la Commission, donne compétence au ministre chargé de la consommation pour habiliter des personnes morales à exercer des actions représentatives dans d’autres États membres. Il énumère les critères d’habilitation en reprenant, dans les mêmes termes, les dispositions de la directive.

Il prévoit enfin que le ministre chargé de la consommation assure la publication et la mise à disposition du public de la liste des personnes morales qu’il a agréées à l’avance aux fins d’intenter des actions représentatives.

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Chapitre III
Dispositions de coordination

Article 2 terdecies (nouveau)
(art. L. 132-1 A, L. 24111, L. 2415, L. 242181, L. 6521 et L. 6522 du code de la consommation)
Coordination dans le code de la consommation

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit les dispositions de coordination nécessaires avec le code de la consommation.

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Article 2 quaterdecies (nouveau)
(art. L. 77101 du code de justice administrative)
Coordination dans le code de justice administrative

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit les dispositions de coordination nécessaires avec le code de justice administrative. 

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Article 2 quindecies (nouveau)
(art. L. 21122 [nouveau] du code de l’organisation judiciaire)
Coordination dans le code de l’organisation judiciaire

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit les dispositions de coordination nécessaires avec le code de l’organisation judiciaire.  

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Chapitre IV
Évaluation de la loi

Article 2 sexdecies (nouveau)
Rapport d’évaluation

Introduit par la Commission

Dispositif introduit par la Commission

Le présent article a été introduit par un amendement présenté par vos rapporteurs. Il prévoit la remise au Parlement d’un rapport d’évaluation dans les quatre ans qui suivront l’entrée en vigueur de la loi.

Dans son avis, le Conseil d’État a suggéré qu’une évaluation de l’application de la loi soit conduite quatre ans après son entrée en vigueur.

Le dispositif introduit par la commission vise à mettre en œuvre cette recommandation.

Il prévoit que « quatre ans après l'entrée en vigueur de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur l'évaluation de la réforme du régime juridique des actions de groupe et préconisant, le cas échéant, des mesures complémentaires ou correctives ». 

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Chapitre V
Entrée en vigueur et abrogation des régimes spécifiques de l’action de groupe

Article 3
(chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation, art. L. 142-3-1 du code de l’environnement, art. L. 77-10-2 à L. 77-10-25 et chapitre XI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, art. L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire, art. L. 11431 à L. 114313 du code de la santé publique, section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail, art. 37 de la loi n° 7817 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 10 de la loi n° 2008496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et chapitre Ier du titre V de la loi n° 20161547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle)
Entrée en vigueur et suppression des régimes spécifiques d’actions en groupe

Adopté par la Commission avec modifications

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article abroge les différents régimes juridiques spécifiques des actions de groupe ainsi que le socle commun procédural prévu par la loi du 18 novembre 2016.

Position de la Commission

Le présent article a été réécrit à la suite de l’adoption d’un amendement de rédaction globale présenté par vos rapporteurs. Il fixe les règles d’entrée en vigueur du nouveau régime juridique unifié de l’action de groupe ainsi que les règles de transition avec les régimes spécifiques antérieurs.

● Le présent article a été modifié par un amendement de rédaction globale présenté par vos Rapporteurs, lequel a été lui-même modifié par un sous-amendement de notre collègue Cécile Untermaier auquel vos Rapporteurs ont donné un avis favorable.

● Le présent article prévoit que le nouveau régime juridique des actions de groupe s’applique aux actions intentées postérieurement à la publication de la loi.

Il abroge l’ensemble des régimes spécifiques d’actions de groupe sauf pour les actions introduites antérieurement à la publication.

Enfin, il prévoit que la sanction civile pour faute dolosive ayant causé des dommages sériels, insérée à l’article 1253 du code civil, s’applique aux actions en responsabilité dont le fait générateur est postérieur à la publication de la loi.

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Article 4 (supprimé)
Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif

Supprimé par la Commission

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article réforme le régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif.  Il modifie, pour ce faire, le code de justice administrative.

Position de la Commission

Le présent article a été supprimé à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par vos rapporteurs. Il est, en effet, devenu sans objet compte tenu de la réécriture de la proprosition de loi sous forme de texte ad hoc non codifié.  

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Article 5 (supprimé)
Entrée en vigueur de la loi

Supprimé par la Commission

 

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article porte sur l’entrée en vigueur de la loi. 

Position de la Commission

Le présent article a été supprimé à la suite de l’adoption d’un amendement présenté par vos rapporteurs. Il est, en effet, devenu sans objet compte tenu à la suite de la réécriture de l’article 3.  

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Article 6
Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

Adopté par la Commission sans modification

Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit un gage financier destiné à garantir la recevabilité de la proposition de loi lors de son dépôt.

Position de la Commission

Le présent article a été adopté sans modification.   

 

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Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 15 février 2023, la Commission examine la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe (n° 639) (Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin, rapporteurs).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ZudSsO

M. le président Sacha Houlié. Nous examinons ce matin deux propositions de loi (PPL). La première, relative au régime juridique des actions de groupe, reprend les principales propositions d’une mission d’information menée lors de la précédente législature. Mme Laurence Vichnievsky et M. Philippe Gosselin en étaient les corapporteurs, comme ils le sont de la proposition de loi que nous allons étudier. Ce texte, examiné par la commission des lois dans le cadre des semaines transpartisanes de l’Assemblée, le sera en séance publique le 8 mars prochain. J’ajoute qu’il a été soumis au Conseil d’État, dont l’avis a été transmis à tous les membres de la commission.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Comme l’a rappelé M. le président Houlié, cette proposition de loi met en œuvre les préconisations d’un rapport d’information qui, cosigné en 2020 par Philippe Gosselin et moi-même, avait été adopté à l’unanimité par cette même commission. Je tiens à souligner le travail que nous avons mené ensemble depuis le début de la précédente législature. Ce rapport établissait le bilan de la procédure d’action de groupe instaurée en 2014. Elle a d’abord concerné la consommation, puis, à partir de 2016, la santé, l’environnement, la protection des données personnelles et la lutte contre les discriminations. Elle a enfin été étendue aux locations immobilières dans le cadre de la loi portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique, dite Elan, en 2018.

Avec seulement une petite trentaine d’actions de groupe répertoriées, ce bilan était et demeure décevant. Plusieurs raisons expliquent ce maigre résultat, à commencer par une trop grande complexité juridique. De fait, les actions de groupe reposent sur sept fondements législatifs et sur des procédures différentes, relativement à des points aussi importants que la qualité à agir ou le champ des préjudices indemnisables, lesquels peuvent couvrir non seulement le préjudice corporel mais aussi, parfois, le préjudice moral, qui obéissent chacun à un régime très différent.

Ce peu de succès s’explique aussi par l’étroitesse du champ matériel : les actions de groupe ne couvrent pas l’ensemble des droits subjectifs, ce qui a conduit à l’échec de plusieurs d’entre elles, notamment en matière d’immobilier, les juridictions ayant estimé qu’elles n’entraient pas dans les champs définis par les lois de 2014 et de 2016. Depuis, la loi Elan a permis de corriger cela.

Le petit nombre d’acteurs autorisés à intenter ce type d’actions explique également ce mauvais résultat. Seules seize associations sont agréées pour mener des actions de groupe, et certaines d’entre elles n’en ont pas toujours les moyens. Je précise cependant que le socle commun introduit en 2016 autorise d’autres associations à agir, notamment celles qui ont cinq ans d’ancienneté et dont l’objet comprend la défense des intérêts visée par l’action de groupe. Cependant cela ne concerne que quelques domaines – santé, environnement, protection des données personnelles, etc.

L’action de groupe est pourtant très utile à notre ordonnancement juridique. Elle est particulièrement adaptée lorsque de très nombreuses victimes subissent un préjudice peu important et d’un faible montant, ou quand elles sont dans un état de vulnérabilité qui ne leur permet pas d’entamer seules une action en justice. L’action de groupe permet alors de rééquilibrer le rapport de force avec le défendeur.

Alors que le droit européen encourage les actions de groupe, la France est très en retard par rapport à ses partenaires. Le Portugal, où nous nous sommes rendus, a par exemple inscrit cette procédure dans sa Constitution. Paradoxalement, ce retard s’explique par l’avance que la France avait naguère s’agissant de la protection des consommateurs, avance qui, plus largement, se manifestait dans la défense de toutes les parties faibles au contrat, que ce soit en droit des assurances, du travail ou de la concurrence. Cet avantage historique se transforme aujourd’hui en inconvénient, alors même que la finalité reste la même : rééquilibrer le rapport des forces en présence.

Il nous faut à présent rattraper notre retard. Pour ce faire, et c’est la philosophie de notre proposition de loi, il faut faciliter l’accès au juge.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Bien qu’à nul autre pareil, le travail transpartisan, accompli en l’occurrence par Laurence Vichnievsky et moi-même, demeure méconnu et trop peu valorisé à l’extérieur de notre assemblée. De surcroît inscrit dans la continuité, il nous a permis de poser, au cours de la quinzième législature, les premières pierres d’un édifice qui nous paraît solide.

La class action peut faire peur. Beaucoup de nos concitoyens, des entreprises en particulier, craignent la transposition en France des pratiques américaines. Mais le modèle que nous suivons est celui d’actions de groupe applicables au droit continental. Notre culture, économique et historique – la tradition de défense des consommateurs en France a été rappelée –, est telle que nous n’avons pas envie de singer ce qui se fait aux États-Unis. Force est de constater que, malheureusement, l’action de groupe à la française ne fonctionne pas comme elle le devrait.

À la suite de dizaines d’auditions, de déplacements et du rapport déjà évoqué, nous avions formulé treize propositions dont le présent texte est en partie la mise en forme. Au risque de manquer de modestie, je dirai qu’il s’agit peut-être d’une nouvelle façon de travailler, qui consiste à ne plus laisser les rapports s’empiler, quelle que soit par ailleurs leur qualité, mais à les mettre sur la table. Ce sera le cas, notamment avec ce texte, au cours de la semaine transpartisane d’initiative parlementaire début mars.

Nous remercions la présidente de l’Assemblée, Mme Yaël Braun-Pivet, d’avoir été sensible à cette approche et d’avoir saisi le Conseil d’État sur la proposition de loi que nous vous présentons. Elle n’y était pas obligée, cette possibilité n’ayant été utilisée que quelques dizaines de fois depuis la réforme de 2008. L’avis du Conseil d’État, avec son précieux regard juridique, permet de conforter le travail parlementaire. Dès lors le rapport, si l’on veut établir un parallèle, peut être assimilé à ce qu’est une étude d’impact sur un projet de loi.

Les principales modifications apportées à la procédure de l’action de groupe se résument en deux points. Tout d’abord, notre texte harmonise les règles de procédure applicables aux actions de groupe afin de les inscrire dans un cadre unique. En deuxième lieu, il procède à un triple élargissement, d’abord de la qualité à agir, ensuite du champ matériel et enfin des préjudices indemnisables. Avec les dispositions actuelles, les préjudices indemnisables diffèrent en effet selon le secteur d’activité considéré. Nous proposons que l’ensemble de ces préjudices, qu’ils soient corporels, matériels ou moraux, soient désormais indemnisables, quel que soit le secteur concerné.

Nous élargissons également les champs d’application des actions de groupe. Si, auparavant, seuls cinq domaines étaient concernés – consommation, santé, environnement, protection des données et lutte contre les discriminations –, aucun domaine ne sera désormais exclu. L’ouverture aux actions de groupe est donc totale ; le champ d’application, quasiment universel, est celui du droit commun.

Nous enrichissons également la qualité à agir, puisque des associations ad hoc vont compléter les seize associations jusqu’à présent agréées pour entamer des actions de groupe. Pour éviter les dérives des class actions à l’américaine, la proposition de loi pose quelques conditions, comme le font également certains amendements. De même, elle n’élargit pas l’initiative des actions de groupe aux avocats, notre volonté ayant été de trouver un équilibre entre le droit continental et le droit anglo-saxon. Soulignons également que le texte renforce le rôle du ministère public, qui pourra se joindre aux actions de groupe.

Notre réflexion, qui s’est affinée depuis 2020, nous a conduits à la création d’un mécanisme nouveau, que l’on souhaite dissuasif : une sanction civile, prononcée par le juge en cas de comportement dolosif du défendeur. Cette sanction participe à la reconnaissance de l’ordre public économique en garantissant que le défendeur, s’il perd dans une action de groupe, ne conserve pas le profit réalisé grâce au manquement sanctionné. Avec une sanction modeste, des calculs d’opportunité pourraient être faits si, au regard du montant des sanctions, l’affaire restait fructueuse. Il ne s’agit pas d’assommer les entreprises, mais d’assainir certains comportements.

D’autre part, nous laissons au juge la possibilité de transférer à la charge de l’État tout ou partie des frais engagés par les associations lors de l’instruction, même lorsqu’elles sont perdantes. Il s’agit d’une sacrée nouveauté ! Bien sûr, pour éviter tout abus, cette prise en charge ne peut se faire que si le juge estime que l’action présente un caractère sérieux. Cette disposition a pour objectif de répondre aux problèmes de financement que rencontrent les associations. En effet, les seize associations agréées n’ont pas toutes été en mesure, tant s’en faut, d’intenter des actions de groupe, faute de moyens financiers. Cette approche est conforme à la directive européenne qui encourage les États membres à mettre en place des mécanismes de prise en charge des frais de procédure ou, à défaut, à réduire ces frais.

Enfin, la proposition de loi prévoit la spécialisation de tribunaux judiciaires, mesure approuvée par le Conseil d’État. Il s’agit d’aider les magistrats à s’adapter aux particularités des actions de groupe et de leur permettre de développer leur expertise. Ces procédures sont en effet complexes, à telle enseigne qu’il nous paraît impossible de les voir prises en charge par certaines juridictions – qu’il ne s’agit évidemment pas de dédaigner : notre but est simplement de parfaire le système –, sur l’ensemble du territoire.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Nous avons, la semaine dernière, participé aux travaux de la section de l’intérieur, puis à la réunion de l’assemblée générale du Conseil d’État, après avoir échangé, dès le mois de janvier, avec le rapporteur de notre texte. C’est un exercice auquel je ne m’étais pas encore livrée. Ces échanges très riches et constructifs nous obligent et nous assurent une assise juridique beaucoup plus forte.

Nous vous présenterons des amendements de réécriture de la version initiale du texte, car il nous a fallu à la fois tenir compte des observations judicieuses du Conseil d’État et transposer la directive du 25 novembre 2020.

Le code de procédure civile étant de nature réglementaire – et relevant à ce titre du Gouvernement –, nous avons pensé, initialement, qu’il fallait insérer l’action de groupe au sein du code civil, pour des raisons d’accessibilité notamment. Mais le Conseil d’État – dont les recommandations, principalement légistiques, ne concernent pas le fond du texte – a estimé qu’une loi de procédure n’avait « pas vocation à prendre place dans le code civil ». Il nous a donc conseillé de réécrire notre texte sous la forme d’une loi-cadre, type de véhicule historiquement privilégié pour l’inscription dans notre droit des principes qui régissent les actions de groupe. Nous ralliant à l’avis du Conseil d’État, nous avons donc déposé des amendements de réécriture mais, pour la loyauté des débats – et grâce à la célérité des administrateurs –, l’avons fait dès samedi afin de permettre à chacun de les sous-amender car, s’ils sont adoptés, ils feront évidemment tomber les vôtres, chers collègues.

Les principales modifications concernent tout d’abord la publicité préalable. Les dispositions la concernant ont été supprimées, le Conseil d’État considérant qu’elles n’avaient pas de caractère normatif. Je précise toutefois que des mesures de publicité sont prévues après le jugement en responsabilité.

Concernant le registre des actions de groupe en cours que nous avons instauré, nous l’avions à l’origine confié au Conseil national des barreaux. Il s’agissait pour nous d’associer les avocats à ce texte, alors qu’ils réclament, de façon récurrente, la possibilité d’être partie au procès – ce que nous leur refusons pour éviter les dérives à l’américaine. Le Conseil d’État nous a toutefois rappelé que le Conseil national des barreaux n’avait pas ce genre de compétence ; aussi avons-nous finalement confié ce registre à la Chancellerie.

D’autre part, nous proposons d’introduire une disposition importante qui ne figurait pas dans le texte initial : l’obligation, pour les demandeurs, de fournir une attestation sur l’honneur qu’ils n’ont ni objectif lucratif ni intérêt économique à agir. Avec cette obligation, nous souhaitons nous prémunir contre les faux-nez, contre l’action d’acteurs malintentionnés qui souhaiteraient déstabiliser un concurrent. Il ne s’agit pas d’un document sans grande valeur, puisque les mentions irrégulières figurant sur cette attestation seraient passibles de sanctions pénales. Nous renversons, en quelque sorte, la charge de la preuve : le demandeur est présumé de bonne foi et c’est au défenseur de prouver qu’il ne l’est pas.

Si le Conseil d’État nous accompagne positivement pour ce qui est du triple objectif – action générale, procédure unifiée et élargissement de la qualité à agir –, il émet des réserves sur la sanction civile. Si nous pensons disposer d’arguments juridiques pour la maintenir, nous avons néanmoins remodelé le dispositif pour tenir compte des observations du Conseil d’État. Ainsi, seul le parquet a désormais la possibilité de requérir cette sanction, dont le champ a par ailleurs été précisé. Grâce à ces modifications, nous croyons pouvoir maintenir la mesure de sanction civile sans encourir le risque de l’inconstitutionnalité.

Pour ce qui est de la directive ici transposée – cela aurait dû être fait en décembre –, elle ne s’applique qu’aux actions de groupe transfrontières. En effet, les États membres restent libres d’établir leur propre régime juridique pour les actions nationales. Nous prévoyons des modalités spécifiques pour agir en dehors de nos frontières, en particulier une habilitation spéciale.

La spécialisation des tribunaux se fera quant à elle en toutes matières. Ainsi, il n’existera pas un tribunal spécialiste de l’environnement à Lyon ni un autre spécialiste de la santé Marseille. Cela n’aurait aucun sens. Nous avons donc prévu que chaque juridiction spécialisée pourrait agir dans tous les domaines.

Enfin, suivant en cela une suggestion du Conseil d’État, nous prévoyons une évaluation du dispositif. Nous l’avons prévue à quatre ans, compte tenu de la longueur des procédures, même si nous espérons que notre texte contribuera à réduire leur durée.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. La question des actions de groupe n’est pas simple. Si elle l’était, le rapport dont nous avons parlé n’aurait pas été établi et nous n’examinerions pas cette proposition de loi aujourd’hui.

Pour conclure, et pour rassurer les entreprises notamment, il ne s’agit pas, je le répète, de mettre en place une class action à l’américaine, procédure dont nous connaissons les excès. Le texte ne témoigne en effet d’aucune suspicion vis-à-vis des entreprises françaises, qui, globalement, sont plutôt vertueuses par rapport à celles d’autres pays. Cependant, il doit exister des dispositifs qui permettent d’assurer la protection et la défense des consommateurs, mais aussi, plus largement, des citoyens. Nous ne cherchons pas à « nous faire les entreprises », mais à élaborer un dispositif véritablement ouvert aux citoyens grâce à un régime universel.

Notre objectif est donc d’œuvrer à l’efficacité et d’aller dans le sens de la directive transposée, laquelle incite les États membres à faciliter la défense des consommateurs et des citoyens, à rééquilibrer les relations entre les faibles et les forts, même s’il ne faut pas considérer, je le répète, que ces derniers sont toujours hors des clous.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Émilie Chandler (RE). Notre commission examine ce matin la proposition de loi sur l’action de groupe. Le rapport d’information élaboré par les deux rapporteurs lors de la précédente législature sert de fondement à cette PPL.

C’est la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation, dite loi Hamon, qui a introduit l’action de groupe dans le droit français. Le bilan de cette loi reste néanmoins insatisfaisant puisque, à ce jour, seules trente-deux actions de groupe ont été intentées, dont six seulement ont donné des résultats positifs. Les actions de groupe sont des procédures lourdes et restrictives qu’il faut ouvrir davantage. C’est l’objectif, louable, de cette proposition de loi.

Cependant, quelques interrogations subsistent quant à la rédaction actuelle du texte, qui ouvre un champ d’action de groupe plus large et étend la capacité d’agir. Or cette double ouverture, en augmentant les actions de groupe, pourrait provoquer, comme le craint le Conseil d’État, un engorgement au sein des juridictions. Les deux rapporteurs ont ainsi déposé des amendements afin de suivre certaines recommandations du Conseil d’État. Cette volonté de parfaire la PPL doit guider nos travaux à venir.

Le Conseil d’État suggère également que cette proposition serve de véhicule pour transposer la directive de 2020, ce qui aurait déjà dû être chose faite.

Je souhaite appeler votre attention sur quelques points de vigilance. D’une part, une trop grande libéralisation pourrait entraîner des difficultés dans certaines catégories d’action telles que la santé ou l’éducation ; d’autre part, le choix de la compétence judiciaire pose question : si une action de groupe était intentée contre une personne morale de droit public, un problème de constitutionnalité pourrait se poser puisque la justice administrative est compétente en la matière.

Cette proposition de loi peut être une magnifique occasion d’améliorer la vie des Français. C’est ce qu’ils attendent, c’est ce qu’ils demandent. Il est donc essentiel que nous travaillions à l’émergence du meilleur cadre possible afin de leur donner les outils juridiques leur permettant de faire entendre collectivement leurs voix.

Le groupe Renaissance votera donc en faveur de ce texte.

M. Timothée Houssin (RN). L’action de groupe permet à des consommateurs victimes d’un même préjudice de la part d’un professionnel de se regrouper et d’agir en justice, par le biais d’une association. Il s’agit donc de protéger nos concitoyens contre des entreprises qui, plus puissantes qu’eux, disposent de moyens financiers plus élevés et sont épaulées par des armées d’avocats.

Dès l’instauration des actions de groupe par la loi du 17 mars 2014, notre pays a cherché son propre modèle pour renforcer les droits des citoyens, sans tomber dans les dérives de class actions américaines. Force est de constater que cet équilibre n’a pas encore été trouvé. La mission d’information que vous avez dirigée a eu le mérite de faire le bilan de ces actions de groupe à la française et de proposer des améliorations concrètes, pour les rendre plus efficaces et réellement opérationnelles.

Le régime de l’action de groupe a déjà pu évoluer, notamment grâce à la loi du 18 novembre 2016, qui l’a étendue aux discriminations au travail, aux questions environnementales, au respect des données personnelles, puis aux préjudices subis dans le cadre de locations immobilières. Ces élargissements auraient dû provoquer une forte augmentation du nombre de ces actions et un renforcement des droits des consommateurs. Or, votre rapport d’information montre l’inverse : trente-deux actions de groupe seulement ont été intentées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation ; et parmi elles, seules six ont prospéré – trois à la suite d’une déclaration de responsabilité du défendeur, et trois autres d’un accord amiable.

Un si faible taux de réussite nous oblige à parler d’échec et, par conséquent, à agir. Aujourd’hui, ce sont des centaines, parfois des milliers de nos concitoyens qui sont victimes de préjudices, sans jamais pouvoir en obtenir réparation en justice. C’est aussi un très mauvais signal envoyé à une infime minorité d’entreprises malintentionnées qui, conscientes de n’être pas menacées par ces actions, persévèrent sans remords dans leurs pratiques frauduleuses.

En matière de santé, de nombreuses affaires judiciaires, dont certaines sont devenues célèbres, révèlent l’étendue des dégâts et mettent en lumière la nécessité de disposer d’actions de groupe plus simples et plus efficaces. C’est le cas notamment de l’affaire du Mediator, qui a fait plus de 5 000 victimes, ou encore celle des implants mammaires PIP – Poly Implant Prothèse –, où l’on a pu dénombrer 1 700 plaignantes.

Les actions de groupe en matière de protection des données personnelles prendront de plus en plus d’importance au sein de notre système judiciaire, mais elles demeurent largement insuffisantes. Ainsi, seules deux actions ont été engagées à ce jour, contre Facebook et Google, pour non-respect du RGPD – règlement général sur la protection des données.

Une procédure d’action de groupe plus efficace permettrait de mieux rendre justice et de mieux réparer les préjudices subis.

Nous nous félicitons que des mesures aient été prises pour permettre aux plaignants d’obtenir une réparation de l’intégralité du préjudice et qu’un seuil de plaignants en association puisse suffire à lancer une action. Le seuil fixé par votre proposition initiale, à savoir cinquante personnes, nous paraissait déjà un peu élevé ; en le portant à cent, comme y tendent des amendements des rapporteurs, vous affaibliriez d’autant plus, malheureusement, la portée du texte.

Bien qu’il soit largement proposé de le modifier, à travers des amendements des rapporteurs et de certains autres – je pense par exemple à celui, déposé par nos soins, relatif au Conseil national des barreaux –, nous en proposerons d’autres encore pour ouvrir la discussion sur certains points, s’agissant notamment du montant minimal des sanctions prononcées, que nous voulons, après ajout des dommages et intérêts, au moins égal à celui des profits réalisés.

Pour préserver l’équilibre de l’action de groupe à la française, nous proposons également de faciliter l’intégration des collectivités locales. Enfin, nous veillerons à ce que ne puissent être intentées des actions de groupe qui pourraient avoir pour seul objectif de nuire à la réputation d’une entreprise.

Le groupe Rassemblement national votera donc en faveur de cette proposition de loi, qui va dans le sens d’un meilleur accès à la justice.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). L’action de groupe introduite par la loi de 2014 est une procédure de poursuite collective. Elle permet aux victimes d’un même préjudice, attribué au même professionnel, d’agir ensemble dans le cadre d’une procédure unique, par l’intermédiaire d’associations et sous réserve de remplir un certain nombre de conditions.

Ce dispositif a d’abord été introduit en matière de consommation, avec un encadrement très strict, s’agissant des associations bénéficiant de la qualité à agir et de la nature des préjudices indemnisables. Il a ensuite été étendu aux litiges en matière de santé, d’environnement, de protection des données personnelles, de discrimination au travail et de location de logements.

Une mission d’information a été mise en place pour suivre le déploiement de ce dispositif. Ses conclusions, présentées en juin 2020, ont été bien décevantes, avec trente-deux actions de groupe intentées depuis 2014, dont vingt dans le domaine de la consommation, pour six résultats positifs seulement.

Nous arrivons tous à la même conclusion : il faut améliorer l’efficacité des actions de groupe, jusqu’ici largement insuffisante. Pour cela, il paraît pertinent d’élargir le cadre légal de ces actions pour les rendre effectives et utiles aux justiciables.

Votre proposition de loi prévoit notamment l’unification des textes existants au sein d’un nouveau titre dans le code civil, mais aussi la réparation intégrale du préjudice, l’extension de la qualité à agir pour un certain nombre d’associations et l’allégement des charges du procès, qui incombent normalement au demandeur, afin de lever une partie des obstacles financiers qui entravent le développement des actions de groupe. Nous sommes en accord avec ces propositions, grâce auxquelles le recours à ce type d’actions peut être facilité.

Nous sommes en revanche défavorables à plusieurs amendements déposés par les rapporteurs eux-mêmes. En suivant l’avis restrictif du Conseil d’État, certains de ces amendements vident de sa substance une partie de la proposition de loi, au point qu’ils semblent avoir été rédigés par les entreprises. Vous voulez, par exemple, réduire la qualité à agir des associations en augmentant de cinquante à cent le seuil minimal de personnes physiques victimes, là où nous demandons de l’abaisser à vingt.

Vous désirez également faire de ces dispositions une loi ad hoc et ne plus les insérer dans le code civil, comme initialement prévu. Cela désarmerait le dispositif que vous aviez prévu d’insérer dans le code civil. Nous considérons qu’il faut agir en élargissant, en simplifiant et en facilitant la procédure d’action de groupe, afin d’en permettre le recours effectif dans les domaines concernés.

M. Raphaël Schellenberger (LR). Je tiens à féliciter les rapporteurs pour le travail de qualité qu’ils ont accompli. Au-delà de l’écume de certains débats qui font la une des quotidiens, il démontre que notre institution est capable de faire un travail de fond, qui parfois prend du temps, qui n’est pas immédiatement visible, mais qui touche aux grands équilibres de nos institutions et au quotidien des administrés. L’évolution du droit est forcément lente si l’on veut qu’elle soit sûre et efficace. Nous ne devons pas nous plaindre que cela ait pris du temps, mais au contraire nous réjouir que nos travaux ne restent pas empilés sur des étagères, qu’ils se concrétisent pour servir nos concitoyens.

Nous devons nous réjouir également de la saisine, pour avis et par avance, du Conseil d’État. Comme vous l’avez dit, madame la rapporteure, cette saisine, qui n’est pas si fréquente, constitue un vrai conseil juridique : les termes que vous avez choisis me paraissent à cet égard tout à fait appropriés, et la procédure pourrait faire école dès lors que nous disposons, au sein de nos institutions, de toute l’expertise souhaitable en matière de conseil.

Pour ce qui est du fond, il convient de rappeler que la concurrence – quand on y croit – n’est utile au consommateur que si la responsabilité des producteurs de biens et de services est effective et réelle. Cette responsabilité est assurée par la possibilité d’intenter une action de groupe ; c’est inséparable de la logique de concurrence et de libre-échange dans laquelle nous nous inscrivons.

Pour conclure, je dirai que votre proposition de loi a le mérite de proposer un dispositif simple. Je crois que nous devons nous en inspirer de façon générale : quand nous écrivons le droit, nous nous devons d’être simples, clairs et faciles à comprendre. Les subtilités et les complexités inextricables rendent forcément le droit inefficient.

Simplicité et robustesse, telles sont les clés du succès de votre proposition de loi.

M. Philippe Latombe (Dem). Au-delà d’être d’initiative parlementaire, le texte qui nous est soumis est surtout transpartisan. La défense des intérêts de la partie la plus vulnérable est l’affaire de tous ; elle peut, elle doit être commune et indépendante des sensibilités politiques. C’est animés de cet esprit que nous devons mener nos travaux.

Pour le groupe Démocrate, ce texte appelle deux développements. Sur la forme d’abord, nous tenons à saluer le travail que vous avez fourni, madame la rapporteure, monsieur le rapporteur, pour établir le rapport d’information qui donne naissance à cette proposition de loi attendue. Ce travail de longue haleine est considérable, en quantité comme en qualité.

Notre groupe souhaite également saluer l’initiative de la présidente de l’Assemblée nationale. En permettant la saisine pour avis du Conseil d’État, une telle initiative donne plus de force encore à ce travail d’initiative parlementaire ; elle porte à un haut degré d’expertise cette proposition de loi, dont certains amendements, issus de l’avis du Conseil d’État, ont permis d’affiner la rédaction. Vous en avez, en effet, suivi dans une large mesure les préconisations pour rédiger ces amendements.

Rappelons que l’action de groupe a été introduite en France par la loi du 17 mars 2014 relative à la consommation. Elle a ensuite été étendue aux litiges en matière de santé, d’environnement, de protection des données personnelles, de discrimination au travail et de location de logements. Or, et cela a déjà été dit, force est de constater que huit ans plus tard, le bilan est maigre, voire très décevant : seules trente-deux actions de groupe ont été engagées dans notre pays entre 2014 et 2022, et six seulement ont eu un résultat positif pour les demandeurs. Pourtant, le nombre des dommages susceptibles de justifier une telle action n’a pas diminué. Nous devons donc fournir une réponse et un cadre, comme le demande l’Union européenne.

Le rapport issu de votre mission d’information vous a permis d’établir un diagnostic fin et d’avancer des solutions claires et ambitieuses. Après une large concertation, votre proposition de loi en formalise les différentes préconisations. En amont, la réforme majeure est que toutes les procédures jusqu’à présent spécifiques aux domaines d’activité considérés seront regroupées dans une loi-cadre unique. Celle-ci, qui va du reste au-delà du regroupement des procédures existantes, affiche une vocation universelle. Le regroupement, dans un autre champ que le pénal, d’une pluralité de victimes est une nouvelle méthode de gestion des litiges.

Sur le fond, les principales recommandations sont l’extension de la qualité à agir à un plus grand nombre d’associations, l’ouverture de la procédure aux personnes morales de droits privé et public, la réparation de l’intégralité du préjudice subi, la suppression de l’état procédural de mise en demeure, la création d’une sanction civile en cas de comportement dolosif du professionnel et, enfin, l’allégement des charges du procès incombant normalement au demandeur. L’objectif de cette proposition de loi était d’améliorer et de simplifier les textes existants, plutôt que de renverser la table en s’inspirant du modèle américain des class actions.

Le souci des auteurs a été de faciliter l’accès à cette procédure sans risquer de déstabiliser les acteurs économiques de notre pays, en particulier les petites et moyennes entreprises. Les rapporteurs ont également écarté le système d’opt-out, qui suppose que l’adhésion d’une personne physique ou morale à une action de groupe déjà engagée, et susceptible de la concerner, est présumée acquise, sauf manifestation expresse d’un refus de sa part. L’adhésion volontaire à la procédure, clairement exprimée, reste la règle.

Cette proposition de loi, que le groupe Démocrate trouve équilibrée, devrait permettre à nombre de nos concitoyens de regrouper leurs forces autour d’une même cause, pour faire entendre leurs voix en justice.

Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons ce texte sans réserve et voterons les amendements des rapporteurs, qui s’inspirent de l’avis du Conseil d’État et nous semblent aller dans le bon sens.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Ce texte est important, puisqu’il explore le vaste champ de la protection des intérêts des consommateurs, pour laquelle le dispositif actuel n’est pas satisfaisant. Comme vous l’avez dit, le bilan des lois de 2014 et de 2016 n’est pas probant, alors même que ces textes répondaient à une obligation, dictée par une directive de 2009, et à une volonté forte du législateur d’engager ces actions de groupe, qui n’existaient pas.

Si leur bilan n’est pas positif, c’est sans doute aussi parce que nous avons eu peur des dérives des class actions, de l’engorgement des tribunaux. Je m’aperçois d’ailleurs que cette crainte est toujours aussi présente, ce que le Conseil d’État n’a pas manqué de faire valoir. Nous devons à cet égard être vigilants.

Comme l’a dit Laurence Vichnievsky, le point le plus important est l’accès au juge. Notre priorité, en tant que législateurs, est de veiller à ce que cet accès soit préservé. J’ai à ce propos deux interrogations. La première concerne le registre confié à la Chancellerie, car les associations agréées sont mécontentes, notamment, du rythme de traitement de leurs dossiers d’agrément par la Chancellerie. Il faudra donc définir les conditions, non seulement de tenue du registre, mais aussi de gestion et de traitement des agréments.

Lors de l’élaboration des premiers textes, nous avions écarté les avocats pour ne pas judiciariser la procédure. Je ne suis la porte-parole d’aucun lobby, mais je m’interroge sur la nécessité ou non de trouver un moyen d’associer les avocats, dont le travail est tout de même de défendre les intérêts privés. Je ne m’en suis pas entretenue avec le Conseil national des barreaux et ne m’en fais donc pas ici la porte-parole. Mais je me demande s’il est judicieux de laisser les avocats de côté et de leur préférer des associations qui, peut-être, ne connaissent rien au droit, quand il s’agit de défendre les consommateurs. Je comprends les réserves exprimées, mais je me pose des questions quant à notre vision de la justice et à la suspicion qui entoure les uns et les autres. Cette frilosité s’illustre également par l’augmentation de cinquante à cent du nombre minimal de plaignants, mesure qui, bien que recommandée par le Conseil d’État, réduit d’autant la portée du dispositif. Nous ne devons pas avoir peur de la réalité, ni du chemin emprunté par le consommateur pour défendre ses intérêts. Cela fait trop longtemps qu’il ne peut faire entendre sa voix.

En toute hypothèse, notre groupe votera ce très bon texte.

M. Didier Lemaire (HOR). La proposition de loi que vous avez déposée vise à assouplir le régime de l’action de groupe dans le droit français. Née aux États-Unis, cette procédure permet aux victimes d’un même préjudice causé par un professionnel de se regrouper et d’agir collectivement en justice.

À l’heure actuelle, en France, seules les associations agréées et celles qui sont régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins, et dont l’objet statutaire comporte la défense d’intérêts auxquels il a été porté atteinte, peuvent intenter une telle action. Cette procédure a été introduite en France par la loi relative à la consommation du 17 mars 2014, dite loi Hamon. Initialement limité à la consommation, ce texte a depuis été étendu aux litiges en matière de santé publique, d’environnement, de discrimination au travail, de protection des données personnelles et de location de logements.

En dépit de cette extension, seules trente-deux actions de groupe ont été intentées depuis 2014. Pour ce qui est de la santé publique, par exemple, plusieurs préjudices collectifs ont fait l’objet d’actions conjointes de patients plutôt que d’actions de groupe. Je pense notamment à l’action menée contre le laboratoire Merck pour défaut d’information sur les effets secondaires du Levothyrox, à celles intentées contre le laboratoire Servier pour dissimulation volontaire du caractère anorexigène du Mediator et contre l’entreprise PIP, accusée d’avoir commercialisé des prothèses mammaires défectueuses.

Compte tenu du faible succès rencontré par les actions de groupe, votre initiative est nécessaire. Le groupe Horizons et apparentés partage votre constat : le régime juridique de l’action de groupe en vigueur, particulièrement rigide, constitue un frein à la réparation des préjudices subis et, plus généralement, au dédommagement des victimes collectives. Il est donc impératif de trouver une application effective, pertinente et protectrice du droit des consommateurs et des citoyens.

Vous proposez d’étendre le champ des associations ayant qualité à agir dans le cadre d’une action de groupe ; d’assurer une meilleure publicité des procédures engagés ; de créer une sanction civile indépendante des préjudices subis en cas de comportement dolosif du professionnel responsable du manquement ; de prévoir une compétence exclusive de tribunaux judiciaires spécialisés pour ce type d’action ; enfin, de supprimer tous les régimes spécifiques d’action de groupe au profit d’un régime unifié.

Vous avez depuis déposé des amendements pour prendre en compte les recommandations formulées dans l’avis du Conseil d’État. Nous saluons votre sagesse à ce sujet.

Cependant nous restons vigilants, tant sur l’universalité du champ d’application des actions de groupe que sur la hausse du niveau d’exigence pour la qualité à agir, qui, nous le craignons, risque de demeurer insuffisant.

Par ailleurs, même si le dispositif des sanctions civiles a été amendé, son principe même nous pose problème. En effet, nous ne souhaitons pas que le régime juridique de la responsabilité se rapproche, d’une manière ou d’une autre, de celui en vigueur outre-Atlantique.

Considérant qu’il est nécessaire de rendre le régime d’action de groupe plus flexible et plus lisible pour que les consommateurs et les victimes de manquements graves d’une même entreprise puissent agir efficacement, pour que cesse ce trouble et pour obtenir réparation du dommage subi, le groupe Horizons et apparentés ne s’opposera pas à une refonte intelligente et équilibrée de la procédure.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). On peut évaluer l’efficacité d’une procédure au nombre d’actions intentées chaque année et à leur issue. Le moins que l’on puisse dire est que l’action de groupe à la française n’est pas à l’origine de l’engorgement de nos juridictions. Peu utilisée, peu efficace, elle n’est pas parvenue à trouver sa place dans notre droit, et ce en raison de verrous procéduraux que les associations peinent à lever.

En 2014, le législateur avait voulu introduire les actions de groupe dans notre droit, mais il tenait absolument à éviter les dérives des class actions qui existent dans le droit anglo-saxon. Huit ans plus tard, nous ne déplorons effectivement aucune de ces dérives, mais aucun véritable progrès non plus.

Cette proposition de loi a le mérite de rendre la procédure plus claire et plus accessible. L’élargissement du nombre des demandeurs, la simplification de la procédure, la création de juridictions spécialisées sont des avancées que nous ne pouvons que saluer. Nous qui, au sein de cette même commission, nous sommes récemment prononcés en faveur de juridictions spécialisées pour les violences intrafamiliales, nous restons cohérents quant à notre vision de la justice. Sans doute peut-on regretter que les actions de groupe aient leurs juridictions spécialisées avant les enfants victimes de violence. Mais j’imagine que tout vient à point à qui sait attendre…

Vous l’aurez compris, nous sommes favorables aux actions de groupe. Notre seule interrogation, peut-être, porte sur le principe de l’opt-in, c’est-à-dire cette faculté pour les victimes de ne se manifester qu’à la fin d’une procédure pour obtenir indemnisation. Maria José Azar-Baud, maître de conférences à l’université de Paris-Saclay et fondatrice de l’Observatoire des actions de groupe et autres actions collectives, indique que dans les pays où ce principe est appliqué, moins de 5 % des victimes adhèrent à la procédure. Elle préconise de renverser la logique et d’adopter le système de l’opt-out, qui permet, d’emblée, d’intégrer les victimes potentielles à la procédure, à l’exception de celles qui se manifestent expressément pour ne pas l’être. L’opt-out est déjà en vigueur aux Pays-Bas et au Portugal, et il fonctionne. Du point de vue des victimes, il permettrait un plus grand nombre d’indemnisations. Il serait en outre dissuasif pour les professionnels malintentionnés qui, mécaniquement, s’exposeraient à des sanctions plus lourdes, proportionnelles au nombre de victimes potentielles.

Notre droit est vivant, et la pratique nous dira sûrement si des évolutions législatives sont encore nécessaires.

En l’état, le groupe GDR-NUPES est favorable à cette proposition de loi.

M. Benjamin Lucas (Écolo-NUPES). Comme beaucoup de collègues l’ont dit, il y avait nécessité à améliorer le recours aux actions de groupe. Le groupe Écologiste votera donc ce texte qui simplifie le dispositif et, surtout, l’élargit. Nous sommes par nature – si je puis dire – sensibles à tout ce qui peut faciliter les actions en faveur de l’environnement et de la biodiversité notamment, mais aussi des consommateurs ou des victimes de discriminations.

Je partage les interrogations de Mme Untermaier pour ce qui est du rôle des avocats, mais je n’y reviens pas. Notre ligne de conduite, la boussole qui nous guidera pour l’étude des amendements est la suivante : nous soutiendrons tout ce qui facilite et améliore la procédure des actions de groupe ; nous serons en revanche très vigilants sur tous les points qui, au contraire, constitueraient un recul ou même un statu quo.

Puisque la loi Hamon marque le point de départ des actions de groupe, je me permets de rendre hommage à l’ancien ministre en la matière.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Près de dix ans se sont écoulés depuis l’entrée en vigueur des actions de groupe dans notre droit ; une trentaine de procédures seulement ont été intentées, parmi lesquelles six ont eu une issue favorable. Parallèlement, les consommateurs et les victimes se sentent toujours aussi délaissés par la justice. On ne peut donc que déplorer le bilan quelque peu décevant des actions de groupe à la française.

Le ressentiment est tel que le régime actuel entretient une défiance durable à l’encontre du système judiciaire. Je sais que les deux rapporteurs accomplissent un travail de fond sur la question, depuis plusieurs années. Je les remercie pour cette initiative parlementaire, que notre groupe soutiendra.

En l’état actuel, la procédure d’action de groupe n’est qu’une suite d’obstacles juridiques qui restreignent l’accès des consommateurs. Les critères appliqués aux associations et les délais de procédure sont autant de freins qui empêchent une véritable protection.

Par conséquent, notre groupe salue les assouplissements apportés par cette proposition de loi, notamment pour ce qui est de l’ouverture de l’intérêt à agir des associations. Nous sommes également favorables à la suppression de la mise en demeure préalable, qui avait été introduite en 2016. Cette étape additionnelle, superflue, ne faisait qu’alourdir la procédure et allonger des délais de jugement déjà excessifs.

Toutefois, nous souhaiterons obtenir quelques éclaircissements et garanties sur plusieurs sujets, à commencer par celui de l’application du texte dans le temps. Les rapporteurs ont fait le choix de n’appliquer cette nouvelle procédure qu’aux faits générateurs de responsabilité qui sont postérieurs à son entrée en vigueur. De prime abord, cela peut paraître justifié si l’on se réfère au principe de non-rétroactivité. Mais il est en réalité inutile et défavorable aux consommateurs. À deux reprises, en 2014 et en 2016, le législateur avait préféré une application immédiate, y compris pour les faits antérieurs à l’entrée en vigueur du texte. Le Conseil constitutionnel avait expressément validé cette décision. Pourquoi donc ne pas prévoir une application immédiate ? La rédaction actuelle ne va-t-elle pas faire coexister deux régimes distincts, au risque de rendre encore plus complexe le parcours des victimes ?

Ensuite, nous avons besoin d’éclaircissements s’agissant de votre volonté d’octroyer une compétence exclusive à certains tribunaux judiciaires. Quels seront ces tribunaux ? L’accès physique à la justice dans les territoires est une question importante ; il faut veiller à ne pas aggraver encore les fractures territoriales entre justifiables et juges. Aussi souhaitons-nous inscrire des garde-fous dans la loi pour éviter que les consommateurs des zones rurales, montagneuses et insulaires ne soient lésés.

Enfin, pour ce qui est de la mise en place d’une véritable sanction civile, notre groupe soutient la démarche des rapporteurs. L’amende actuelle de 50 000 euros est dérisoire et peu dissuasive. Nous comprenons le choix d’attribuer cette amende au Trésor public, mais pourquoi ne pas en attribuer au moins en partie à un fonds général dédié à des avances, à la prise en charge des frais de procès et des actions de groupe ? Il s’agit d’un point important, puisque ces frais sont un des nombreux freins au développement des actions de groupe, notamment pour les plus démunis.

Malgré ces quelques interrogations, notre groupe votera bien évidemment en faveur de cette proposition de loi.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Je ne reviendrai pas sur les interventions de nos collègues des groupes Les Républicains et Démocrate, c’est-à-dire les groupes auxquels Philippe Gosselin et moi-même appartenons respectivement. Ils ont salué notre travail – ce qui fait du bien – et n’ont formulé aucune réserve. Je me dois donc de me concentrer sur les interrogations des autres collègues.

Je voudrais ainsi rassurer Mme Chandler quant au risque que pourrait présenter le triple élargissement que nous proposons. Tout élargissement de la capacité d’agir comporte évidemment un risque judiciaire. Mais nous l’assumons, dès lors que l’accès élargi au juge est notre principal objectif. Là où cet accès est très large, comme au Portugal, tout se passe bien et l’on ne constate aucune embolie, notamment parce qu’il y a beaucoup de médiations. Nous espérons donc qu’avec notre texte, la médiation jouera son rôle, tout comme le caractère dissuasif de la nouvelle sanction civile.

D’autre part, il n’y aura pas de difficulté si une personne morale de droit public est mise en cause, dès lors que sont maintenus les deux socles juridictionnels, celui de l’ordre judiciaire et celui de l’ordre administratif.

S’agissant de l’augmentation du nombre de victimes de cinquante à cent, c’est nous, madame Untermaier, qui le proposons. Sur ce sujet, le Conseil d’État ne fait que nous suivre.

Je veux également rassurer nos collègues de la France insoumise : le nombre important de nos amendements résulte du changement de véhicule législatif. Nous avons en effet dû réécrire notre texte pour en faire une loi-cadre. Ces amendements de réécriture, purement légistiques, ne modifient donc pas le fond de notre proposition de loi, j’insiste sur ce point.

Pour ce qui est de l’avocat, il aura toute sa place, puisque c’est lui qui a en charge la défense de l’association. Simplement, nous ne souhaitons pas qu’il soit lui-même partie au procès.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. J’apporterai quelques précisions. L’action de groupe n’est et ne sera pas uniquement réservée aux personnes physiques et aux personnes morales de droit privé. Les collectivités locales sont clairement concernées ; les actions de groupe pourront donc se dérouler devant les juridictions administratives, sans aucune difficulté.

S’agissant de la sanction civile, il ne s’agit pas d’instaurer des dommages et intérêts punitifs. Ce n’est pas le système juridique français, ce n’est pas la tradition de notre pays. En cette matière, nous le rappelons, et pour éviter les dérapages, c’est le ministère public qui détient les clés.

Comme l’a souligné Mme K/Bidi, le droit est vivant. Nous avons constaté une forme d’inefficacité de l’action de groupe telle qu’elle existait. Notre proposition est donc d’en élargir l’accès. Nous avons également prévu une évaluation du dispositif dans quatre ans. Il s’agit d’une recommandation du Conseil d’État, mais nous l’aurions fait de toute façon, dans le cadre de nos missions, comme le prévoit l’article 24 de la Constitution : nous ne faisons pas que voter la loi, nous évaluons aussi les politiques publiques et contrôlons l’action du Gouvernement. Le rapport de 2020 était ainsi une évaluation des politiques publiques sur l’action de groupe, et il est vraisemblable que, au cours d’une future législature, ou à la fin de celle-ci, nous aurons l’occasion d’évaluer le présent texte, et peut-être d’y ajouter quelques éléments. Il nous paraissait donc important de prévoir une étape sans renverser la table, même si la sanction civile ici introduite est relativement nouvelle dans le droit français.

Pour ce qui est des avocats, il n’y a aucune défiance à leur endroit. Il y en a plusieurs dans cette assemblée et nous avons, par nos fonctions au sein de la commission des lois, des échanges réguliers avec la profession. Simplement, nous restons fidèles à la procédure française dans laquelle l’avocat n’est pas partie au procès, et ce pour éviter – au risque de le formuler maladroitement – un mélange des genres. Du reste, les avocats ont toute leur place dans le dispositif – ils en sont même un maillon essentiel –, de par leur rôle de soutien ou de conseil aux associations.

S’agissant de l’application de la loi dans le temps, monsieur Acquaviva, nous avons voulu éviter un télescopage. Cependant notre choix pourrait en effet se traduire par l’existence transitoire d’un double régime. C’est un point sur lequel nous pourrions nous pencher, comme y tend d’ailleurs un amendement de Mme Untermaier : peut-être y a-t-il lieu, effectivement, d’unifier dès à présent les régimes, car leur concomitance irait à l’encontre de ce que nous souhaitons.

Avant l’article 1er

Amendement CL23 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Cet amendement vise, ainsi que les autres dont Philippe Gosselin et moi-même sommes cosignataires, à réécrire le texte dans le sens que nous avons indiqué.

La commission adopte l’amendement.

Article 1er (art. [nouveaux] 2053 à 2058-6 du code civil) : Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge judiciaire

La commission adopte l’amendement CL24 de Mme Laurence Vichnievsky et l’article 1er est ainsi rédigé.

En conséquence, les autres amendements tombent.

Après l’article 1er

Amendement CL25 de Mme Laurence Vichnievsky, sous-amendements CL39 et C40 de M. Timothée Houssin, sous-amendements CL47, CL48 et CL49 de M. Jordan Guitton.

M. Timothée Houssin (RN). Quand nous avons lu la proposition de loi, nous avons considéré que le seuil de cinquante personnes nécessaire pour lancer une action de groupe était trop élevé : le chiffre de vingt-cinq serait plus approprié. D’autres groupes partagent cette position ; l’un d’entre eux a même demandé que l’on descende à vingt, mais son amendement à l’article 1er est tombé et il n’a pas déposé de sous-amendement à l’amendement CL25.

Il n’est déjà pas facile, pour une victime, de trouver vingt-quatre autres personnes ayant subi le même préjudice et motivées pour lancer une action. Nous ne comprenons donc pas pourquoi vous souhaitez faire passer le seuil de cinquante à cent. Plus le seuil est élevé, plus on risque d’empêcher les victimes d’engager une action.

M. Jordan Guitton (RN). Mes sous-amendements traitent des collectivités territoriales. Ils ont pour objet de fixer à deux, dans le meilleur des cas – et, à défaut, à trois ou quatre au lieu de cinq –, le nombre de collectivités nécessaire pour constituer une association ad hoc.

Depuis l’introduction de la procédure par la loi du 17 mars 2014, seules trente-deux actions de groupe ont été engagées, dont six ont connu une issue positive. Cela ne fonctionne pas. Nous proposons donc d’assouplir la procédure. Par ailleurs, permettre à deux collectivités concernées – par exemple une commune et l’intercommunalité dont elle fait partie – au lieu de cinq d’y participer contribuerait à défendre les collectivités.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Comme toujours, se pose la question de l’effet de seuil. Après avoir auditionné plusieurs associations, des entreprises et des universitaires, il nous a semblé qu’il était préférable de fixer le seuil à cent personnes physiques. Certes, la portée de notre proposition de loi s’en trouve réduite dans un premier temps, mais les apports du texte sont déjà importants – extension de la qualité à agir, réparation de l’intégralité du préjudice, ou encore création d’un régime universel. Il en va de même pour les collectivités.

Par ailleurs, je ne voudrais pas que les personnes qui nous écoutent pensent que l’action de groupe est la seule modalité possible quand des dommages touchent plusieurs personnes morales ou physiques. Les actions collectives fonctionnent très bien aussi, même si nous ne cherchons pas à les privilégier à tout prix.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Les sous-amendements visent les associations ad hoc, et non les associations agréées ou celles soumises à une condition d’ancienneté. Il s’agit donc, par exemple, d’associations créées à la suite d’un accident sur un site Seveso ou d’un problème sanitaire. Certes, aucun dispositif n’est parfait, mais nous avons essayé, compte tenu des observations qui nous avaient été faites, de retenir un seuil permettant de s’assurer que ces associations soient suffisamment solides. En effet, même si nous essayons de simplifier et de raccourcir l’action de groupe, cette procédure est longue, complexe et parfois très coûteuse. Il faut que les associations ad hoc ayant qualité pour agir aient les reins solides. Dans la mesure où nous élargissons beaucoup le champ du dispositif, il faut que ces associations soient suffisamment fortes, d’où ce seuil de cent personnes.

Enfin, notre texte innove en ouvrant la possibilité à toutes les personnes morales d’agir. Les collectivités publiques ne sont pas seules concernées : certaines PME sous-traitantes peuvent être victimes de dommages de la part d’un donneur d’ordre. Toutefois, là encore, le cadre fixé doit être raisonnable.

Mme Émilie Chandler (RE). L’amendement CL25, qui vise à élargir la qualité pour agir, peut être lu à la lumière de l’amendement CL24, dont l’objet était d’instaurer l’universalité de l’action de groupe.

Dans son avis sur le texte, le Conseil d’État a clairement indiqué que les associations auxquelles la qualité pour agir serait ouverte devraient satisfaire à certaines exigences, notamment le sérieux, la bonne foi et l’indépendance. Or, si l’amendement CL25 vise à limiter la qualité à agir en portant à cent – contre cinquante dans le texte initial – le nombre minimal de personnes physiques requis pour constituer une association ad hoc, et en ajoutant le critère de déclaration régulière de l’association, le dispositif reste très large.

Le groupe Renaissance ne s’opposera pas à cet amendement : outre qu’il restreint le texte initial, il transpose une partie de la directive relative aux actions transfrontières. Toutefois, nous devrons travailler ensemble, d’ici à l’examen en séance, pour aboutir à une rédaction permettant de se conformer à l’avis du Conseil d’État et de répondre aux points de vigilance évoqués.

Il faut éviter également qu’un mauvais calibrage de l’intérêt à agir ait pour conséquence un accroissement de la charge des juridictions, auxquelles il revient d’apprécier la recevabilité des requêtes, au détriment du fond. Le texte pourrait à tout le moins reprendre certains des critères applicables aux actions de groupe transfrontières, que les amendements des rapporteurs visent par ailleurs à transposer.

M. Timothée Houssin (RN). La disposition concernant les associations ad hoc était précisément, à nos yeux, le point le plus intéressant de la proposition de loi. Elle aurait été efficace pour les dossiers où il est difficile d’identifier de nombreuses victimes. En relevant le seuil à cent personnes, vous dénaturez le texte. Si j’ai bien compris vos propos, vous souhaitez fixer le seuil à cent personnes dans un premier temps, quitte à y revenir. Nous aurions fait exactement l’inverse : nous aurions opté pour un seuil assez bas, quitte à le relever s’il y avait trop de procédures. À cet égard, vos craintes nous laissent sceptiques : il n’y a eu que trente-deux actions de groupe depuis 2014, soit trois par an, et nous peinons à croire que des centaines d’autres seront engagées.

M. Jean Terlier (RE). Je partage l’avis des rapporteurs : le texte élargit déjà beaucoup les critères de recevabilité des actions de groupe, et il ne faudrait pas emboliser nos juridictions. C’est du reste ce qui ressort de l’avis du Conseil d’État. Cent personnes est donc un bon niveau pour le seuil.

En revanche, j’anticipe certaines difficultés liées au fait que les avocats ne puissent intenter directement une action de groupe. La question n’est pas de savoir si l’avocat serait partie au procès, car ce n’est jamais le cas, mais s’il est souhaitable que les justiciables puissent être représentés directement. J’imagine, par exemple, une affaire de pollution, dans le Tarn, concernant une centaine de riverains, sans qu’il existe d’association agréée ou d’association ad hoc. Ces personnes devraient trouver une association acceptant de les représenter pour être en mesure d’engager une action de groupe. Nous devons ouvrir une réflexion sur ce point.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l’amendement. En conséquence, l’article 1er bis est ainsi rédigé.

Amendement CL26 de Mme Laurence Vichnievsky.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Il s’agit, là encore, d’un amendement réécrivant largement le texte dans le sens que nous indiquions : notre première approche, qui consistait à intégrer l’action de groupe dans le code civil, n’était pas la bonne. Cela dit, le fond reste le même.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. L’amendement concerne l’attestation sur l’honneur. Cette disposition nouvelle est importante ; elle vise à prévenir les conflits d’intérêts.

Mme Émilie Chandler (RE). L’amendement tend à transposer les dispositions de la directive relative aux actions de groupe transfrontières, qui impose notamment un renforcement du contrôle des conflits d’intérêts. Nous saluons cette démarche utile, car les délais de transposition ont déjà été dépassés. Toutefois, au-delà d’une attestation sur l’honneur, il faudra probablement définir un niveau pertinent de contrôle par le juge de l’absence de conflit d’intérêts, conformément au critère de transparence mentionné dans l’avis du Conseil d’État, tout en veillant à l’efficacité du traitement au fond des procédures.

M. Philippe Latombe (Dem). L’attestation est un dispositif simple et efficace, même s’il faudra en effet permettre au juge de contrôler son respect. Cela dit, madame Chandler, je pressens chez vous la volonté de créer une sorte de registre ou d’assurer la publicité de certains éléments, ce qui alourdirait considérablement le processus. Il faut en rester au principe d’une attestation tout en nous assurant, en séance, que le législateur indique expressément ce que ce document doit contenir, pour éviter par exemple que les juges ne demandent aux personnes concernées de fournir des pièces supplémentaires, notamment une déclaration de revenus. Les procédures doivent être aussi fluides que possible.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Prévoir une attestation est une bonne chose : c’est un premier élément d’objectivation. S’il faut en effet que l’on puisse se retourner contre les personnes qui contreviendraient à l’intention dont découle l’attestation, il serait bon de préciser le contenu du document – je ne résiste pas à l’envie de vous rappeler ce qui s’est produit la dernière fois qu’il a fallu remplir des attestations dans notre pays… Certaines attestations sont contre-productives. S’il est écrit, par exemple, qu’il faut aller dans un tribunal situé à moins de 1 kilomètre du domicile, cela peut poser quelques difficultés. Il importe également de préciser comment le contenu de l’attestation pourrait être opposé à la personne qui l’a remplie.

M. Jean Terlier (RE). Cette attestation est une très bonne chose. Contrairement à un avocat, une association n’a pas vocation à représenter une partie dans une procédure. Il faut donc trouver un moyen pour les personnes d’indiquer qu’elles approuvent la procédure.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 1er ter est ainsi rédigé.

Amendement CL27 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. À travers cet amendement, nous poursuivons la réécriture du texte.

Mme Emeline K/Bidi (GDR-NUPES). L’attestation s’apparente à un mandat de représentation. Les avocats disposent d’un mandat ad litem. Les associations, quant à elles, n’exercent pas habituellement la représentation en justice : elles doivent donc, effectivement, demander un mandat. L’attestation permet de clarifier les choses et de s’assurer que les personnes représentées souhaitent vraiment l’être – à défaut de quoi il faudrait passer de l’opt in à l’opt out.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. L’objet de l’attestation n’est pas tant de fournir un mandat que de s’assurer que la personne n’est pas en situation de conflit d’intérêts, par exemple en étant financée par une entreprise concurrente qui aurait intérêt à susciter des actions indues par l’intermédiaire de tierces personnes – autrement dit, des hommes ou des femmes de paille.

Le contenu de l’attestation peut être précisé en séance, à condition de ne pas en faire une usine à gaz. L’idée est plutôt de faire de cette attestation un acte pénalement opposable qui engage son auteur, comme c’est le cas, du reste, pour d’autres attestations sur l’honneur – je pense, par exemple, à celles qui sont fournies aux caisses d’allocations familiales (CAF) ou à la Mutualité sociale agricole (MSA) pour le versement des prestations sociales.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, les articles 1er quater à 1er sexdecies sont ainsi rédigés.

Avant l’article 2

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL28 de Mme Laurence Vichnievsky.

Article 2 (art. L. 211-9-2 du code de l’organisation judiciaire) : Spécialisation de tribunaux judiciaires en matière d’actions de groupe

Amendement CL29 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. L’amendement CL29 est relatif à la spécialisation des juridictions. Nous avons complété la disposition pour tenir compte de l’une des observations du Conseil d’État. Les tribunaux judiciaires seront spécialisés et auront à connaître des actions de groupe « en toutes matières ». Nous souhaitons que certains juges soient familiarisés avec cette procédure technique et complexe, mais sans aller jusqu’à une spécialisation par matière.

Mme Émilie Chandler (RE). Cet amendement – comme le précédent, dont il est indissociable – vise à modifier la rédaction initiale s’agissant de la compétence juridictionnelle.

Si l’amendement vise à tenir compte de l’avis du Conseil d’État en ce qui concerne le risque de compétences spécialisées concurrentes, la rédaction retenue semble poser une difficulté juridique importante, car la spécialisation est intégrée directement dans la loi-cadre, et non plus dans le code de l’organisation judiciaire, comme les rapporteurs l’avaient envisagé initialement. Combinée aux amendements CL34 et CL36, cette réécriture semble conduire à la suppression de la compétence de la juridiction administrative, et par là même au transfert au juge judiciaire d’un contentieux portant sur l’engagement de la responsabilité de la puissance publique, en méconnaissance des exigences constitutionnelles relatives à la compétence du juge administratif.

Nous sommes favorables, s’agissant des actions de groupe relevant des juridictions de l’ordre judiciaire, à la compétence spécialisée des tribunaux judiciaires, mais nous suggérons, à ce stade, d’en rester à la rédaction initiale et de se fixer pour objectif de parvenir, d’ici à la séance, à une rédaction satisfaisante.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Notre intention n’est pas du tout de dessaisir le tribunal administratif. Au titre II, nous prévoyons explicitement sa compétence. Toutefois, si une maladresse de rédaction risque de susciter un problème d’interprétation, nous sommes tout à fait disposés à préciser le texte.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. La rédaction proposée répond à votre souhait, madame Chandler : si des personnes publiques sont mises en cause, notamment les collectivités, par exemple dans le cadre d’un marché public, la juridiction administrative est obligatoirement saisie – je parle sous le contrôle de Cécile Untermaier, ancienne magistrate administrative. Si toutefois il apparaît nécessaire d’ajouter une précision d’ici à l’examen en séance, nous le ferons.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Il semble clair que la spécialisation concerne les tribunaux judiciaires et non les tribunaux administratifs.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Tout à fait.

M. Philippe Latombe (Dem). Il est important que l’on puisse réécrire l’article 2 en adoptant l’amendement et que l’on ne reste pas sur la rédaction intiale, car l’article doit préciser que la spécialisation est géographique et non par matière. C’est l’un des points importants de la réforme. Il me paraît clair qu’il n’y a pas d’exclusivité des tribunaux judiciaires : les tribunaux administratifs entrent bien dans le champ de la disposition. Toutefois, si vous souhaitez préciser le texte, nous le ferons en séance.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il ressort de nos débats que la spécialisation est géographique et non par matière, comme je le supposais. Quelle déclinaison territoriale envisagez-vous ? Le tribunal judiciaire compétent sera-t-il celui de la ville où est installée la cour d’appel ?

Bien entendu, je suis attaché à la proximité – y compris géographique – s’agissant de l’accès à la justice, mais votre choix est-il commandé par une question de moyens, ou bien existe-t-il une raison de fond ?

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Notre proposition de loi consiste précisément à faciliter l’accès au juge, ce qui suppose aussi la proximité. Cela dit, il y va aussi de l’objectif de bonne administration de la justice. Les actions de groupe sont des procédures qui requièrent, sur le plan technique, une certaine formation des juges. Tous ceux qui ont eu à en traiter vous diront que cela ne se passe pas comme une procédure classique, ni même comme une procédure collective, avec un arrêt pilote, comme il en existe dans certaines juridictions. Il faudra identifier les juridictions ayant, notamment, des effectifs suffisants pour assumer cette spécialisation.

Vous savez aussi bien que moi, monsieur Bernalicis, que la déclinaison territoriale relève du domaine réglementaire.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). C’est bien ce qui m’inquiète !

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Cela dit, j’avais imaginé que les juridictions interrégionales spécialisées (Jirs) pourraient en être chargées, car elles disposent déjà d’une structure administrative et géographique adéquate. Il ne s’agit là que d’une idée personnelle, qui n’a pas du tout été validée par les services judiciaires.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Le choix n’est pas commandé par une question de moyens. Pour le reste, en effet, il reviendra à la justice de s’organiser.

La commission adopte l’amendement et l’article 2 est ainsi rédigé.

En conséquence, l’amendement CL21 de M. Jean-Félix Acquaviva tombe.

Après l’article 2

Amendement CL30 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendements CL44, CL45 et CL42 de M. Timothée Houssin.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. L’amendement vise à insérer une section contenant diverses dispositions.

M. Timothée Houssin (RN). Il nous paraît préférable de porter à un an le délai de prescription, lequel recommence à courir une fois que le jugement est définitif.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Nous avons repris le délai qui figurait dans le socle commun de 2016, et il ne nous paraît pas utile de le modifier.

Successivement, la commission rejette les sous-amendements et adopte l’amendement. En conséquence, les articles 2 bis à 2 decies sont ainsi rédigés.

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL31 de Mme Laurence Vichnievsky.

Amendement CL32 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendement CL41 de M. Timothée Houssin.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. L’amendement CL32 est relatif à la sanction civile que nous entendons créer.

M. Timothée Houssin (RN). Le sous-amendement vise à préciser que le montant de la sanction est au moins égal, après ajout des dommages et intérêts octroyés, aux profits réalisés par l’auteur du dommage. Les fautes visées ont été commises en vue d’obtenir un gain ou une économie. Il convient donc d’éviter que l’opération soit à somme positive pour son auteur.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Vous souhaitez introduire une sorte de plancher pour la sanction. Nous considérons que les deux critères que nous avons conservés suffisent ; en imposer davantage reviendrait à contraindre trop le juge dans l’appréciation du montant de la sanction.

M. Timothée Houssin (RN). Certes, mais garantissez-vous que ces critères empêcheront toujours qu’une entreprise, malgré la sanction financière, tire un bénéfice de son action frauduleuse ? Il s’agit, je le rappelle, de dommages infligés volontairement.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. C’est au juge d’apprécier le montant de la sanction au vu du cas d’espèce dont il est saisi et du préjudice occasionné. Il tient compte, pour cela, de nombreux critères.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Compte tenu de la possibilité que d’autres sanctions viennent s’ajouter, il faut prendre garde de ne pas enfreindre la règle non bis in idem. Le niveau de l’ensemble doit rester acceptable. La rédaction que vous proposez, monsieur Houssin, pourrait briser l’équilibre, mais l’esprit de la disposition est bien le même : nous entendons éviter l’enrichissement indu et, ce faisant, décourager les fautes dolosives. Nous sommes donc d’accord sur le fond, mais, pour des raisons juridiques, nous préférons ne pas faire droit à votre demande, en tout cas à ce stade. Nous pourrions éventuellement y revenir d’ici à l’examen en séance, même si cela me paraît difficile, car nous risquerions de déséquilibrer le dispositif.

Mme Émilie Chandler (RE). Les rapporteurs souhaitent faire évoluer le régime de cette amende par rapport à leur proposition initiale. L’amendement vise à introduire le dispositif dans le code civil, conformément au principe d’égalité, à limiter au ministère public la faculté de solliciter la sanction et à préciser la faute et le manquement, de manière à satisfaire au principe de légalité.

Toutefois, le Conseil d’État émettait d’autres réserves, auxquelles nous devons être vigilants. Il indiquait ainsi qu’il ne lui était pas possible de mesurer avec précision la proportionnalité de la sanction. Le cumul de sanctions juridictionnelles à l’intérieur du même ordre soulève aussi des questions et met en cause les exigences conventionnelles tenant à l’accessibilité et à la prévisibilité du droit des sanctions. Le Conseil d’État soulignait, enfin, l’absence d’évaluation approfondie des effets et des conséquences de la disposition dans chacun des domaines concernés, ainsi que le fait que cette sanction ne s’inscrivait pas dans le cadre d’une réforme plus globale.

À ce stade, nous ne soutiendrons donc pas l’amendement CL32, sans que cela emporte d’incidences sur la cohérence globale du texte et sur sa réorganisation en loi-cadre souhaitée par les rapporteurs.

M. Philippe Latombe (Dem). La sanction civile semble indispensable au groupe Démocrate. Or, à travers cet amendement qui prend en compte de l’avis du Conseil d’État, les rapporteurs proposent une rédaction adéquate, permettant de s’assurer que la sanction est proportionnée.

Même si nous sommes d’accord sur le fond, monsieur Houssin, votre sous-amendement risquerait de fragiliser la validité juridique de la sanction civile. Nous vous proposons donc de le retirer. Nous pourrions essayer de trouver une solution d’ici à la discussion en séance, même si le chemin est très étroit.

M. Timothée Houssin (RN). Au bénéfice des réponses qui m’ont été données, je retire mon amendement. Nous verrons ce que vous proposerez en séance.

Mme Cécile Untermaier (SOC). La sanction civile représente une avancée très importante : ce dispositif n’avait été proposé ni en 2014, ni en 2016. C’est un outil de prévention : une entreprise saura que, si elle se comporte mal, elle encourra une sanction. Mon groupe votera sans réserve l’amendement CL30.

Le sous-amendement est retiré.

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 2 undecies est ainsi rédigé.

Amendement CL33 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Cet amendement vise à transposer la directive relative aux actions transfrontières ; nous établissons les critères permettant d’habiliter des entités françaises à les exercer.

M. Philippe Latombe (Dem). La directive aurait dû être transposée depuis très longtemps, et il a fallu, pour ce faire, passer par une proposition de loi. Cela illustre le fait que notre pays a un problème avec la transposition des directives. Il serait bon que le Gouvernement établisse une liste des textes qui doivent être transposés, en précisant la date limite, et qu’il nous propose un calendrier prévisionnel.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Si les retards en matière de transposition ne concernaient que les actions transfrontières, cela se saurait…

La commission adopte l’amendement. En conséquence, l’article 2 duodecies est ainsi rédigé.

Puis, elle adopte l’amendement de coordination CL34 de Mme Laurence Vichnievsky. En conséquence, les articles 2 terdecies à 2 sexdecies sont ainsi rédigés.

Avant l’article 3

La commission adopte l’amendement rédactionnel CL35 de Mme Laurence Vichnievsky.

Article 3 (chapitre III du titre II du livre VI du code de la consommation, art. L. 142‑3‑1 du code de l’environnement, chapitre XI du titre VII du livre VII du code de justice administrative, art. L. 1143‑1 à L. 1143‑13 du code de la santé publique, section 2 du chapitre IV du titre III du livre Ier de la première partie du code du travail, art. 37 de la loi n° 78‑17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés, art. 10 de la loi n° 2008‑496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, et art. 60 à 83 de la loi n° 2016‑1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle) : Suppression des régimes spécifiques d’actions de groupe

Amendement CL36 de Mme Laurence Vichnievsky et sous-amendement CL46 de Mme Cécile Untermaier.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Il s’agit ici de l’entrée en vigueur du texte. Au départ, nous avions fixé une date précise : janvier 2024. Puis, notamment en raison de la création de la sanction civile, qui revêt un caractère punitif, nous avons proposé que le texte soit « applicable aux seules actions dont le fait générateur […] est postérieur à sa publication ». À mes yeux, la sanction civile ne saurait être d’application immédiate, en raison de son caractère punitif. Pour les autres dispositions, qui relèvent de la procédure civile, cela se discute. C’est l’objet du sous-amendement de Cécile Untermaier.

Mme Cécile Untermaier (SOC). L’action de groupe est une procédure importante, dont il faut élargir le bénéfice le plus rapidement possible. Ce qui compte, ce n’est pas le fait générateur, c’est la date de promulgation de la loi : les dispositions du texte s’appliqueront pour toutes les actions de groupe intentées postérieurement à ce moment. Si nous suivions les rapporteurs, il ne serait pas possible d’intenter une action de groupe, dans les conditions définies par le texte, en cas de fait générateur antérieur à la promulgation de la loi.

M. Philippe Gosselin, rapporteur. Compte tenu de ces échanges et des interrogations que nous avions eues nous-mêmes, nous sommes favorables à la rédaction proposée par Mme Untermaier. Cela permettra peut-être de simplifier le dispositif.

M. Philippe Latombe (Dem). Le sous-amendement nous semble effectivement répondre aux questions soulevées par plusieurs collègues. Si l’on comprend les raisons qui ont conduit les rapporteurs à retenir le fait générateur, force est de constater que cela risquerait de retarder beaucoup l’entrée en vigueur effective du texte, alors même que l’objectif est de protéger nos concitoyens. Nous sommes donc favorables à l’amendement sous-amendé.

La commission adopte successivement le sous-amendement et l’amendement sous-amendé.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé.

Article 4 (Art. L. 77-10-1, L. 77-10-3 à L. 77-10-14, L. 77-10-16, L. 77-10-17, L. 77-10-20, L. 77-10-25 et L. 77-10-26 du code de justice administrative) : Unification du régime juridique de l’action de groupe devant le juge administratif

Amendement CL37 de Mme Laurence Vichnievsky.

Mme Laurence Vichnievsky, rapporteure. Les amendements CL37 et CL38, visant respectivement à la suppression des articles 4 et 5, sont de cohérence avec la réécriture de la proposition de loi.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 4 est supprimé et les amendements CL7 de M. Timothée Houssin, CL13, CL14 et CL15 de M. Jordan Guitton tombent.

Article 5 : Entrée en vigueur de la loi

Suivant l’avis des rapporteurs, la commission adopte l’amendement CL38 de Mme Laurence Vichnievsky.

En conséquence, l’article 5 est supprimé et les amendements CL1 de Mme Cécile Untermaier et CL22 de M. Jean-Félix Acquaviva tombent.

Article 6 : Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

La commission adopte l’article 6 non modifié.

Puis, elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la
législation et de l’administration générale de la République vous demande
d’adopter la proposition de loi relative au régime juridique des actions de groupe dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

 

 


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Personnes entendues

Ministère délégué auprès du ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et du tourisme

 Mme. Olivia Grégoire, ministre déléguée

 M. Vincent Alhenc-Gelas, directeur de cabinet

 M. Yanick Sala, conseiller professions libérales et rebond des entreprises

 M. Jérôme Vidal, conseiller consommation et pratiques commerciales

 Mme My-Lan Nguyen, conseillère parlementaire et élus locaux

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF)

   Mme Carla Deveille Fontinha, sous-directrice droit de la consommation et de la concurrence

   M. Philippe Guillermin, chef du bureau de la consommation

   M. Pierre Chambu, chef du service protection des consommateurs

   M. Raphaël Chauvelot-Rattier, rédacteur du service protection des consommateurs

   Mme Isabelle Jégouzo, conseillère affaires européennes et internationales

   Mme Julie Khalil, adjointe au chef du bureau du droit des obligations

   Mme Céline Boniface, cheffe du bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Delphine Chevalier, rédactrice au sein du bureau du droit processuel et du droit social

   Mme Lorraine de Chanville, rédactrice au sein du bureau du droit processuel et du droit social

   M. Emmanuel Raskin, président

   M. Didier Ribes, conseiller d’État, rapporteur

   M. Bruno Dondero, président de la Commission juridique

   M. Lionel Vignaud, directeur des affaires économiques, juridiques et fiscales

   Mme Léa Bouchet, juriste commerce, consommation, numérique

   Mme Stéphanie Robert, directrice générale adjointe

   Mme Emmanuelle Flament-Mascaret, directrice droit économique

   M. Christophe Beaux, directeur Général

   M. Bruno Zabala, directeur du pôle juridique, RSE, éthique et gouvernance

   Mme Christine Barattelli, directrice adjointe du pôle juridique

   M. Antoine Portelli, chargé de mission senior à la Direction des affaires publiques

   M. François Carlier, délégué général

   M. Adrien de Chazeaux, responsable institutionnel et plaidoyer

   Mme Jocelyne Herbinski, secrétaire confédérale en charge du pôle habitat

   Mme Nadia Ziane, directrice juridique, secteur consommation

   M. Cédric Musso, directeur national de l'action politique

   M. Raphaël Bartlomé, directeur adjoint à l'action politique en charge du service juridique

   M. Jacques Boulard, premier président

   M. Jean-Paul Besson, premier président de chambre

   M. Daniel Barlow, président de chambre à la cour d’appel de Paris

  • Confédération nationale des associations familiales catholiques (CNAFC)

   M. Nicolas Revenu, responsable du département consommation

  • Conseil national des associations familiales laïques (CNAFAL)

   M. Claude Rico, vice-président et responsable du secteur consommation et environnement

   Mme Karine Letang, chargée du service juridique / consommation

  • Association Force Ouvrière Consommateurs (AFOC)

   M. David Rousset, secrétaire général

   Mme Pascale Compagnie, première vice-présidente et coordinatrice du pôle activité économique et commerciale

 


([1])  M. Philippe Gosselin et Mme Laurence Vichnievsky, mission d’information sur le bilan et les perspectives des actions de groupe, Assemblée nationale, XVème législature, rapport n° 3085, 11 juin 2020.

([2])  Article 52-3 de la Constitution portugaise : « Le droit d'action populaire est reconnu à tous, personnellement ou par l'intermédiaire des associations de défense des intérêts en cause, dans les cas et selon les formes prévues par la loi, ainsi que le droit pour la ou les victimes de réclamer une juste indemnisation, notamment dans les buts suivants :

a) œuvrer pour la prévention, la cessation ou la poursuite judiciaire des infractions contre la santé publique, les droits des consommateurs, la qualité de la vie, la conservation de l'environnement et du patrimoine culturel ;

b) assurer la défense des biens de l'État, des régions autonomes et des collectivités locales ».

 

([3]) Recommandation n° 8 du rapport d’information fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale par le groupe de travail sur l’action de groupe, par M. Laurent Béteille et M. Richard Yung, sénateurs, publié le 26 mai 2010

([4]) Décision n° 2018-756 QPC du 17 janvier 2019

([5])Décision n° 2022-1011 QPC du 6 octobre 2022 – Société Amazon EU [Avantage sans contrepartie ou manifestement disproportionné]               

([6])  Décision n° 2022-1011 QPC du 6 octobre 2022 précitée