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N° 863

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME  LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 15 février 2023.

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LA PROPOSITION DE LOI
 

visant à mieux lutter contre la récidive

 

PAR Mme Naïma MOUTCHOU

Députée

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


Voir le numéro : 740 2e rect.

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 5

Exposé général

I. Les défis posés par la récidive en matière de réponse pénale

A. Le bilan nuancé des peines plancher de 2007 et une abrogation qui n’a pas réellement porté ses fruits

1. Les peines plancher mises en place en 2007

2. Le bilan nuancé des peines plancher et de leur abrogation

B. La hausse persistante du taux de récidive

C. La pertinence d’une approche globale contre la récidive

II. La proposition de loi : des outils complémentaires pour répondre à la récidive par une approche globale et prospective

A. Le premier volet : une peine minimale ciblée et équilibrée qui ne rétablit nullement les anciennes peines plancher

1. Une peine minimale d’un an d’emprisonnement ciblant les violences contre la République et la société

2. Un dispositif sans comparaison possible avec les peines plancher de 2007

B. Le deuxième volet : un accompagnement renforcé des condamnés

C. Les mesures additionnelles : une réflexion prospective et une meilleure information des élus

1. Construire les réponses de demain : l’organisation d’une conférence de consensus sur la récidive

2. Associer tous les acteurs : le renforcement de l’information des maires sur les suites données aux infractions

D. La pertinence d’une approche globale alliant peines minimales ciblées et accompagnement renforcé : l’exemple canadien

1. Le modèle canadien en matière de probation et de réinsertion

2. Un modèle de probation s’appuyant également sur des peines minimales

Examen des articles

Article 1er (art. 132191 du code pénal) Peine minimale pour les violences commises en état de récidive légale  visant les dépositaires de l’autorité publique  et les personnes chargées d’une mission de service public

Article 2 (art. L. 1323 du code de la sécurité intérieure) Renforcement de l’information des maires  en matière de lutte contre la délinquance

Article 3  Expérimentation des permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) au sein des tribunaux judiciaires

Article 4  (art. 720 du code de procédure pénale) Systématisation des programmes de prise en charge aux fins de prévention  de la récidive dans le cadre de la libération sous contrainte

Article 5  Organisation d’une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive

Article 6   Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

Compte rendu des débats

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

« Un projet de loi résolument tourné vers la recherche de l’efficacité dans la prévention de la récidive » ([1]). Telle était l’onction donnée par notre ancien collègue Dominique Raimbourg au projet de loi relatif à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, dont il était rapporteur et qui, parmi d’autres mesures, abrogeait les fameuses « peines plancher » mises en œuvre en 2007.

Applicables à tous les crimes et à la plupart des délits, reposant sur des planchers très élevés allant jusqu’à quinze ans de réclusion, ces peines, pourtant présentées lors de leur introduction comme une réponse efficace à la récidive, n’ont manifestement pas produit les effets escomptés. Pour autant, et malgré l’ambition affichée en 2014, leur abrogation et les dispositions prises à la place n’ont pas non plus, c’est peu de le dire, porté utilement leurs fruits face à la récidive, dont le taux parmi les personnes condamnées s’est considérablement accru, passant de 12,2 % en 2015 à 15,5 % en 2021.

La lutte contre la récidive et sa prévention sont, de fait, le serpent de mer du droit pénal et pénitentiaire, l’écueil sur lequel s’échouent la plupart des tentatives législatives d’y apporter une réponse. L’approche répressive n’a pas prospéré ; les réponses exclusivement dédiées à l’accompagnement n’ont pu inverser la tendance de la progression de la récidive.

Face à ce qui pourrait sembler être la quadrature du cercle, faudrait‑il renoncer à agir ? Votre rapporteure ne le croit pas, et est convaincue de la nécessité de trouver une solution face à un phénomène complexe qui, malheureusement, connaît une progression constante. Phénomène complexe, disions-nous, qui appelle des solutions multiples reposant sur une approche s’appuyant sur plusieurs piliers. Tel est, précisément, l’objet de la proposition de loi qui vous est soumise.

Ce texte offre l’opportunité d’apporter une réponse ambitieuse à la récidive pénale et de poser les jalons d’une réflexion prospective.

D’abord, la dissuasion à travers une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les auteurs de certaines violences volontaires commises en état de récidive – le juge disposant de la possibilité de déroger à ce minimum. Les violences visées sont celles qui portent directement atteinte à la République et à notre société : celles commises contre les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public, soit les forces de l’ordre, les enseignants, les professionnels de santé, les agents des douanes et de l’administration pénitentiaires, ou encore les élus locaux et les parlementaires. Dissuasive sans être excessive, cette peine minimale, utile et juridiquement robuste, ne diffère pas fondamentalement d’autres peines obligatoires existant dans notre droit.

Ensuite, l’accompagnement et le renforcement de la probation, en instituant, à titre expérimental, des permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation au sein des juridictions, et en systématisant les programmes de prévention de la récidive pour les condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte. Cet accent mis sur la probation au début et à la fin de la peine permettra de prévenir la récidive des personnes condamnées.

Enfin, la prospective et l’association de tous les acteurs concernés, au moyen, d’une part, d’une systématisation de l’information des maires quant aux suites judiciaires données aux infractions commises dans la commune et, d’autre part, de l’organisation d’une conférence de consensus. Cette dernière permettra, dix ans après la précédente, d’actualiser les connaissances et de faire émerger les propositions consensuelles pour compléter le dispositif proposé et lutter le plus efficacement possible contre la récidive.

Cette proposition de loi repose ainsi sur une approche volontairement globale, à l’image du Canada, souvent pris en modèle en matière de probation mais dont le droit pénal prévoit plusieurs peines minimales d’emprisonnement. Il serait, dès lors, doublement erroné de réduire le texte à un prétendu rétablissement des peines plancher de 2007 : la peine minimale proposée n’a rien à voir avec celles-ci, et est accompagnée d’un volet entier dédié à l’accompagnement et à la probation. Dresser une analogie entre la proposition de loi et les anciennes dispositions serait donc réducteur, voire fallacieux, sauf à vouloir susciter des craintes infondées.

La Commission a décidé de rejeter ce texte et a même adopté certains amendements supprimant des articles. Ces suppressions sèches n’ont ainsi pas permis de sortir des caricatures ou des présentations parfois simplistes pour montrer ce qu’est réellement cette proposition de loi : une réponse articulée à la récidive reposant sur des mesures complémentaires. Gageons que l’examen de cette proposition par l’Assemblée dans son ensemble permettra de mettre en évidence la pertinence, l’équilibre et l’opportunité du texte soumis.

 


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   Exposé général

I.   Les défis posés par la récidive en matière de réponse pénale

Phénomène complexe, la récidive en matière pénale représente pour l’institution judiciaire, les pouvoirs publics et, plus généralement, la société, un défi auquel il se révèle très difficile de répondre efficacement.

L’approche répressive retenue en 2007 à travers des peines plancher lourdes et larges n’a pas fonctionné, mais la disparition de ces dispositifs n’a pu enrayer la progression de la récidive, pas plus que les dernières réformes, pourtant opportunes et bien calibrées.

Il semble donc nécessaire de retenir une nouvelle approche qui, sans revêtir un aspect en particulier, serait globale et reposerait sur des volets complémentaires.

A.   Le bilan nuancé des peines plancher de 2007 et une abrogation qui n’a pas réellement porté ses fruits

1.   Les peines plancher mises en place en 2007

En 2007 ([2]), le législateur a introduit dans le droit pénal des peines plancher concernant les crimes et les délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement et commis en état de récidive légale.

Ces planchers, prévus à l’article 131‑18‑1 du code pénal pour les crimes, et à l’article 131‑19‑1 pour les délits, reposaient sur un échelonnement en fonction du quantum encouru ; ils allaient :

– de cinq ans d’emprisonnement à quinze ans de réclusion pour les crimes ;

– d’un an à quatre ans d’emprisonnement pour les délits.

Le juge disposait néanmoins de la possibilité de prononcer une peine inférieure aux planchers prévus, ou une peine autre que l’emprisonnement, en fonction des circonstances de l’espèce, afin de respecter le principe d’individualisation des peines – ce qu’a confirmé le Conseil constitutionnel.

Un mécanisme similaire, cantonné à certaines violences et reposant sur des planchers de 18 mois et de deux ans d’emprisonnement selon les peines encourues, a par la suite été mis en place ([3]) ; prévu à l’article 132‑19‑2 du code pénal, ce dispositif ne voyait pas son application subordonnée à l’existence de la circonstance aggravante de récidive légale.

Ces dispositions ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([4]).

2.   Le bilan nuancé des peines plancher et de leur abrogation

Si les peines plancher introduites en 2007 et 2011 ont été abrogées en 2014 en raison d’un bilan alors jugé négatif, il convient de porter sur ces dispositifs un regard nuancé, à l’aune du recul temporel plus grand dont nous disposons aujourd’hui.

● En matière criminelle, l’effet des peines plancher fut manifestement faible, sinon inexistant, traduisant l’échec du dispositif. Comme le relevait notre ancien collègue Dominique Raimbourg, rapporteur du projet de loi en 2014, les planchers alors prévus étaient « en tout état de cause beaucoup plus bas que les peines prononcées, en pratique, par les cours d’assises » ([5]).

En revanche, en matière délictuelle, l’effet des planchers sur les peines prononcées s’est révélé beaucoup plus tangible :

– accroissement de la durée moyenne des peines correctionnelles en présence d’un état de récidive de 9 mois sur la période 2004-2006 à 15,6 mois sur la période 2008-2010, soit une hausse de 73 % ;

– hausse significative du taux de peines minimales prononcées, de 8,4 % sur la période 2004-2006 à 40,7 % sur la période 2008-2010 ([6]).

● Si Dominique Raimbourg relevait une augmentation du taux de personnes condamnées en état de récidive légale entre 2008 et 2010 en matière délictuelle (de 8,1 % à 11,1 %, les données de 2010 étant au demeurant provisoires), l’étude des années suivantes ([7]) montre :

– une baisse du taux de condamnations en état de récidive entre 2011 et 2012 (de 12,1 % à 11,3 %), puis une stabilisation de ce taux jusqu’en 2014 ;

– un accroissement de ce taux à compter de 2015 (12,2 %), première année pleine de l’abrogation des peines planchers, et à partir de laquelle la hausse est continue pour atteindre 15,5 % en 2021.

Ces éléments sont illustrés par les graphiques suivants.

Proportion de récidivistes et de réitérants parmi les condamnés depuis 2010
(crimes et délits)

Source : Les chiffres clés de la justice, édition 2021, page 16.

 

Proportion de récidivistes et de réitérants depuis 2007

Source : Extraction de Références Statistiques Justice, Justice pénale – chapitre XI, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions pénales, édition 2022, page 123.

● Il paraît ressortir de ces données que, si les peines plancher introduites en 2007 n’ont manifestement pas résolu le problème de la récidive – bien qu’il soit possible de considérer qu’elles aient pu en ralentir la progression –, il peut en être dit autant de leur abrogation « sèche », c’est-à-dire sans dispositif de remplacement.

L’augmentation du taux de personnes condamnées en état de récidive légale à compter de 2015, après une forme de stabilisation entre 2011 et 2014, témoigne en effet des difficultés à répondre aux enjeux soulevés par la récidive, mais aussi, semble-t-il, d’une absence d’efficacité réelle de l’abrogation des peines plancher – ce qui ne signifie pas que les peines plancher générales et lourdes de 2007 aient fonctionné pour autant.

B.   La hausse persistante du taux de récidive

Sur un temps plus récent, en mettant de côté les chiffres en matière criminelle et donc en se concentrant sur les délits, le taux de récidivistes légaux augmente, tout comme l’ensemble formé par les récidivistes et les réitérants, comme il ressort du tableau ci-après.

taux de récidivistes légaux et de réitérants en matière délictuelle

(en % des condamnés)

 

2017

2018

2019

2020

2021

Récidivistes légaux

13,2

13,5

14,0

14,5

15,5

Récidivistes légaux et réitérants

40,4

40,1

40,2

41,3

41,8

Source : Références Statistiques Justice, Justice pénale – chapitre XI, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions pénales, édition 2022, page 123.

À titre liminaire, votre rapporteure souhaite apporter une précision méthodologique : les données sur lesquelles il convient de s’appuyer sont celles du RSJ (« Références Statistiques Justice »), et non sur celles figurant dans l’édition 2022 des Chiffres Clés de la Justice, qui sont erronées, comme cela a pu être confirmé à votre rapporteure.

Le fait que le total des récidivistes légaux et des réitérants augmente est, au demeurant, de nature à battre en brèche l’argument selon lequel le taux de récidivistes légaux n’augmenterait que parce qu’il s’agirait de personnes qui étaient auparavant traitées comme des réitérants.

Enfin, si seules les données concernant les condamnations pour violences volontaires sont prises en compte, un même constat haussier doit être dressé s’agissant du taux de récidivistes légaux parmi les condamnés, ainsi qu’en témoigne le tableau suivant.

Taux de récidivistes légaux
condamnés pour violences volontaires dÉlictuelles

(en % des condamnés)

2017

2018

2019

2020

2021

13,6

14,5

15,2

15,6

15,7

Source : Références Statistiques Justice, Justice pénale – chapitre XI, Le traitement judiciaire des auteurs d’infractions pénales, édition 2022, page 123.

● Il paraît ressortir de ces données que, si les peines plancher introduites en 2007 n’ont manifestement pas résolu le problème de la récidive – bien qu’il soit possible de considérer qu’elles aient pu en ralentir la progression –, il peut en être dit autant de leur abrogation « sèche », c’est-à-dire sans dispositif de remplacement.

L’augmentation du taux de personnes condamnées en état de récidive légale à compter de 2014 témoigne, en effet, des difficultés à répondre aux enjeux soulevés par la récidive.

Plutôt que de choisir entre une approche concentrée sur la répression et une démarche reposant exclusivement sur les aménagements de peine et les alternatives à la détention, il paraît ainsi judicieux de combiner ces deux méthodes : renforcer l’aspect dissuasif des peines, de façon toutefois plus ciblée et mieux calibrée qu’en 2007, tout en mettant l’accent sur l’accompagnement des condamnés et la prévention.

C.   La pertinence d’une approche globale contre la récidive

Les précédentes tentatives faites pour répondre à la récidive, en particulier celle de 2007, n’ont pas porté leurs fruits.

Les récentes réformes pénales, notamment engagées depuis la précédente législature, ne paraissent pas non plus avoir permis d’inverser la tendance à la hausse constatée depuis 2015 – même si ces réformes, votre rapporteure tient à insister sur ce point, sont plus propices à apporter une réponse efficace que les précédentes mesures, en particulier s’agissant du développement des alternatives à la détention, des dispositifs pour éviter les « sorties sèches » de prison et, plus généralement, de tout l’effort consenti depuis 2017 par les pouvoirs publics pour mieux accompagner les condamnés, en milieu ouvert comme en prison.

Les récentes réformes sont donc bienvenues, mais elles demeurent incomplètes, et supposent ainsi de nouveaux outils qui ne s’appuient pas uniquement sur la sanction, ni exclusivement sur l’accompagnement : ces deux aspects sont en réalité les deux faces de la même médaille, et doivent être conjugués.

Aussi, plutôt que de choisir entre une approche concentrée sur la répression et une démarche reposant exclusivement sur les aménagements de peine et les alternatives à la détention, il paraît judicieux de combiner ces deux méthodes : renforcer l’aspect dissuasif des peines, de façon toutefois plus ciblée et mieux calibrée qu’en 2007, tout en mettant l’accent sur l’accompagnement des condamnés et la prévention.

Telle est, précisément, l’ambition portée par la présente proposition de loi : décliner, à travers ses différents articles, des mesures complémentaires alliant dissuasion et suivi individualisé, tout en posant les jalons d’une réflexion d’ensemble sur le phénomène de la récidive.

II.   La proposition de loi : des outils complémentaires pour répondre à la récidive par une approche globale et prospective

S’appuyant sur la conviction que seule une approche d’ensemble est de nature à répondre efficacement aux défis soulevés par la récidive, la présente proposition de loi s’articule autour de deux volets, le premier reposant sur la sanction et la dissuasion, le second sur l’accompagnement des condamnés et le renforcement de la probation. S’ajoutent à ces deux volets une réflexion plus prospective que permettra l’organisation d’une nouvelle conférence de consensus, et un renforcement de l’information des élus locaux, maillon essentiel dans la chaîne de la sécurité publique.

A.   Le premier volet : une peine minimale ciblée et équilibrée qui ne rétablit nullement les anciennes peines plancher

Le premier volet de la réponse que propose d’apporter le texte repose sur la mise en place d’une peine minimale d’emprisonnement, qui n’a cependant rien à voir avec les précédentes peines plancher : leurs seuls points communs sont une application en cas de récidive légale, et le principe d’un minimum – minimum qui n’a, au demeurant, rien de révolutionnaire dans notre droit pénal, comme le commentaire de l’article 1er le démontre (cf. infra).

1.   Une peine minimale d’un an d’emprisonnement ciblant les violences contre la République et la société

Le dispositif qui vous est soumis propose une peine minimale d’un an, et uniquement pour certains délits de violences volontaires.

Concrètement, sont visées les violences délictuelles, passibles d’un emprisonnement compris entre trois et dix ans, commises sur des personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public : forces de l’ordre, magistrats, agents de l’administration pénitentiaire ou des douanes, élus locaux et parlementaires, médecins et infirmiers, enseignants, conducteurs de train et chauffeurs de bus, etc.

L’article 1er propose donc que les auteurs de ces violences ciblées, commises en état de récidive légale, fassent l’objet d’une peine d’emprisonnement minimale d’un an.

Afin de pleinement respecter le principe constitutionnel d’individualisation des peines et de ne pas brider l’office du juge, ce dernier disposera de la faculté de déroger au minimum prévu en fonction des circonstances de l’espèce, et notamment de la personnalité de l’auteur et des garanties d’insertion qu’il présente.

2.   Un dispositif sans comparaison possible avec les peines plancher de 2007

● Les modalités de la peine minimale proposée, tout comme son champ, attestent sans doute possible de l’inanité des comparaisons avec les peines plancher de 2007 auxquelles certains pourraient être tentés de se livrer :

– une peine minimale d’un an, contre un dispositif qui, en 2007, reposait sur des planchers s’échelonnant d’un an d’emprisonnement à quinze ans de réclusion criminelle ;

– un champ qui cible uniquement certaines violences particulières, contre des peines plancher qui, en 2007, concernaient tous les crimes et les délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement, soit des milliers d’infractions.

● Ces différences évidentes, outre le reflet d’une différence d’approche fondamentale qu’elles révèlent, montrent qu’il n’est pas pertinent, pour apprécier le dispositif proposé, de s’appuyer sur les évaluations faites sur les peines plancher de 2007. Transposer à un dispositif ciblé et mesuré les analyses d’un régime général et autrement plus sévère n’a en effet guère de sens, sauf à fouler aux pieds toute rigueur scientifique et méthodologique.

B.   Le deuxième volet : un accompagnement renforcé des condamnés

Deuxième volet de la réponse à la récidive qu’apporte la présente proposition de loi, l’accompagnement des condamnés fait l’objet de deux articles dédiés, les articles 3 et 4, qui renforcent la probation aux deux extrémités du déroulement de la peine.

● L’article 3 met en œuvre une proposition des États généraux de la Justice (EGJ) issue du groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion, consistant à instaurer au sein des tribunaux judiciaires des permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) afin de garantir une prise en charge immédiate du condamné à l’issue de l’audience.

Cette mesure, fruit de plusieurs mois de concertations et d’échanges, est proposée dans le cadre d’une expérimentation – comme le préconisent d’ailleurs les EGJ –, prévue pour une durée de trois ans.

Précisons à toutes fins utiles dès ici, en réponse à certaines craintes manifestées, que la mise en place des permanences de SPIP en juridiction ne constitue nullement les prémices d’un retour à la situation antérieure à la création des SPIP dans laquelle les organismes chargés de la probation étaient sous l’autorité des juges.

● L’article 4, quant à lui, concerne les condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte et prévoit la systématisation des programmes de prise en charge pour prévenir la récidive.

Systématisation n’étant, à l’évidence, pas synonyme d’uniformisation, ces programmes, définis par les SPIP, seront adaptés aux besoins spécifiques de chacun.

● Ces deux dispositions, complémentaires non seulement l’une de l’autre mais aussi de l’article 1er, amélioreront l’accompagnement des condamnés, en renforceront l’individualisation et, ainsi, participeront pleinement à prévenir la récidive de façon plus efficace.

C.   Les mesures additionnelles : une réflexion prospective et une meilleure information des élus

Parallèlement aux dispositions précédemment présentées, qui dissuadent et accompagnent et qui constituent une réponse à la récidive d’application immédiate, la proposition de loi n’omet pas le temps long, ni les autres acteurs de la sécurité.

1.   Construire les réponses de demain : l’organisation d’une conférence de consensus sur la récidive

L’abrogation des peines plancher en 2014 s’inscrivait dans la continuité des travaux d’une conférence de consensus organisée en 2012 et 2013 afin de rénover l’approche de la récidive et les réponses à y apporter.

Dix ans plus tard, et face à la progression constante de la récidive, il est apparu nécessaire d’actualiser les connaissances du phénomène et de faire émerger de nouvelles propositions.

À cet effet, l’article 5 de la proposition de loi prévoit l’organisation d’une conférence de consensus en 2023 sur la lutte contre la récidive, qui associera des personnalités qualifiées d’horizons variés et reposera sur une approche pluridisciplinaire – là aussi dans la droite ligne des EGJ.

2.   Associer tous les acteurs : le renforcement de l’information des maires sur les suites données aux infractions

Enfin, la proposition de loi renforce l’information des maires en matière de sécurité publique et de prévention de la délinquance, dont ils sont l’un des acteurs.

L’article 2 systématise l’information des maires quant aux suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire communal, qui n’est aujourd’hui possible qu’à la demande – et dont la mise en œuvre paraît d’ailleurs insatisfaisante.

Il s’agit d’une mesure que notre Assemblée a déjà adoptée à l’initiative du MoDem avant que le Sénat ne revienne dessus, et qui constituait par ailleurs l’une des propositions faites au printemps 2021 dans le cadre d’une mission d’information transpartisane de la Commission.

D.   La pertinence d’une approche globale alliant peines minimales ciblées et accompagnement renforcé : l’exemple canadien

Cela a déjà été dit, la présente proposition de loi, loin d’une réponse exclusivement dissuasive ou de mesures portant uniquement sur l’accompagnement des condamnés, repose sur une approche d’ensemble qui associe ces deux volets.

Un exemple étranger atteste de l’opportunité d’une telle démarche : le Canada.

1.   Le modèle canadien en matière de probation et de réinsertion

Le Canada est souvent donné en exemple en matière de probation – certaines des auditions conduites par votre rapporteure ont pu mettre ce fait en évidence.

● L’un des principaux modèles en matière de probation est celui dit RBR, pour « risque-besoin-réceptivité », qui correspond à la traduction française du modèle RNR (« risk-need-responsivity ») développé au Canada dans les années 1980, présenté officiellement en 1990 et « utilisé avec de plus en plus de succès pour l’évaluation et la réadaptation des criminels, au Canada et partout dans le monde » ([8]).

● Ainsi, l’exemple du Canada était expressément mentionné comme une source d’inspiration pour prévenir la récidive dans le cadre d’un appel à projet de la mission de recherche « droit et justice » lancé avec le concours de l’administration pénitentiaire en 2009 ([9]).

● La conférence de consensus de 2013 sur la récidive n’a pas fait autrement que mettre en avant l’exemple du Canada en matière de probation. Outre les abondantes références bibliographiques à des publications canadiennes que l’on trouve dans les différents documents produits dans le cadre de cette conférence, les programmes développés au Canada étaient expressément cités avec des éloges :

– « Les programmes de probation développés au Canada […] font l’objet d’un vif intérêt de la part de pays tels que la France » ([10]) ;

– en parlant du mouvement visant à déterminer les méthodes les plus efficaces en matière de prévention de la récidive, il était indiqué que ces recherches ont largement guidé « les politiques pénales et de probation développées tout d’abord au Canada, puis dans nombre de pays, y compris en Europe » ([11]) ;

– en milieu fermé, s’agissant du déroulement de la peine, le « modèle développé par le Conseil de l’Europe s’inspire de la gestion des peines privatives de liberté […] qui a été instaurée au Canada » ([12]) ;

– en matière de justice réparatrice, les initiatives canadiennes irriguent les exemples donnés dans le cadre de la conférence de consensus, qu’il s’agisse des cercles de soutien et de responsabilité associant un ex-délinquant et des bénévoles ou des rencontres détenus-victimes ([13]).

● En somme, « Le Canada, et en particulier le Québec pour ce qui est de la France, sont quasi-systématiquement pris pour exemples voire pour modèles à suivre en la matière » ([14]).

Est-ce à dire que cet accent mis sur la probation est jugé à lui seul suffisant par les autorités canadiennes ? Une étude de la législation pénale de ce pays peu réputé pour ses penchants autoritaires démontre le contraire.

2.   Un modèle de probation s’appuyant également sur des peines minimales

Le code criminel du Canada, équivalent de notre code pénal, prévoit toute une série de peines minimales d’emprisonnement, ciblées sur certaines infractions et applicables en fonction des circonstances de leur commission – telles que l’usage d’une arme pour des atteintes aux personnes, ou la commission de l’acte en situation de récidive. Ces peines minimales peuvent aller jusqu’à sept ans d’emprisonnement, comme l’illustre de façon plus détaillé l’encadré ci-après (cf. infra).

● L’exemple canadien tend ainsi à prouver qu’une approche globale, proposant des peines minimales ciblées (loin des peines plancher de 2007) conjuguées à une probation efficace et forte, semble constituer face à la récidive la meilleure réponse possible.

Dès lors, comment rester cohérent en prenant en exemple et en louant l’action du Canada contre la récidive, d’une part, et vouer aux gémonies une proposition qui retient exactement la même logique que celle mise en œuvre par ce pays, d’autre part ? Comment saluer l’exemple canadien, qui retient des peines minimales autrement plus larges et lourdes que celle ici proposée, et applicables mêmes hors récidive, et juger le dispositif de la proposition de loi excessif ?

● La proposition de loi soumise peut ainsi être vue comme transposant à notre système pénal et pénitentiaire le modèle canadien. Si ce dernier est révéré, le sort du texte proposé ne devrait dès lors que pouvoir faire l’objet d’un consensus favorable.

Les peines minimales d’emprisonnement au Canada

L’exemple international le plus connu des peines plancher est, certainement, celui de la législation de Californie dite « three strikes and you’re out » (« trois fautes et vous êtes exclu »), issu d’une loi adoptée en 1994. Ce régime impose le prononcé d’une peine allant de 25 ans d’emprisonnement à la réclusion à perpétuité dès lors qu’une personne est condamnée pour la troisième fois, indépendamment de la gravité et de la nature des infractions ayant conduit aux condamnations. Le cas de René Landa avait illustré la nature extrême du dispositif, cette personne ayant été condamnée à la réclusion à perpétuité pour vol d’une roue de secours, après avoir été condamnée deux fois dans le passé pour vol avec effraction.

Loin de cette situation presque caricaturale et, à certains égards, tragique, un autre pays d’Amérique du Nord retient des peines plancher : au Canada, le code criminel prévoit toute une série de peines minimales.

● Tel est notamment le cas pour certaines infractions, dès lors qu’elles sont commises avec l’usage d’une arme :

– en cas d’homicide involontaire coupable (correspondant à un homicide commis sous le coup d’une impulsion ou à la suite d’une négligence ou d’une imprudence), passible de la réclusion à perpétuité, la peine minimale est de quatre ans d’emprisonnement (article 236, a du code criminel) ;

– en cas de tentative de meurtre commise avec arme et pour le compte d’une organisation criminelle, la peine minimale est de cinq ans d’emprisonnement pour un primo-délinquant, et de sept ans en cas de récidive (article 239, a) ;

– pour les autres tentatives de meurtre avec arme, la peine minimale est de quatre ans d’emprisonnement (article 239, b) ;

– le vol qualifié commis avec arme pour une organisation criminelle est passible d’une peine minimale d’emprisonnement allant de cinq à sept ans, selon qu’il y ait récidive ou non (article 344) ;

– il en va de même pour l’extorsion (article 346) ou encore pour le fait de décharger une arme à feu sur quelqu’un (articles 244 et 244.2).

● Le code criminel canadien prévoit également des peines minimales d’emprisonnement en cas d’agression sexuelle :

– si la victime a moins de seize ans, le minimum allant de six mois à un an d’emprisonnement (article 271),

– si l’agression sexuelle est faite au moyen d’une arme, de menaces ou de violences, la peine minimale allant, selon les hypothèses, de quatre à sept ans d’emprisonnement (article 272, § 2) ;

– si l’agression sexuelle blesse ou mutile la victime, les mêmes peines minimales de quatre à sept ans d’emprisonnement sont prévues (article 273, § 2).

● Notons que les peines minimales obligatoires prévues en cas de vol qualifié (article 344 du code criminel) ont été très récemment jugées constitutionnelles par la Cour suprême du Canada dans une décision Hillbach rendue le 27 janvier 2023 (1).

(1) Cour suprême du Canada, 27 janvier 2023, Sa Majesté le Roi c. Ocean William Storm Hillbach & Curtis Zwozdesky,  39438.


—  1  —

Examen des articles

Article 1er
(art. 132191 du code pénal)
Peine minimale pour les violences commises en état de récidive légale
visant les dépositaires de l’autorité publique
et les personnes chargées d’une mission de service public

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les délits de violences volontaires, commis en état de récidive légale, sur les personnes dépositaires de l’autorité publique et celles chargées d’une mission de service public (policiers, gendarmes, sapeurs-pompiers, magistrats, avocats, enseignants, professionnels de santé, élus, etc.).

Le juge disposerait néanmoins de la faculté de déroger au minimum prévu, en fonction des circonstances de l’espèce.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a supprimé les « peines plancher » introduites en 2007, en cas de récidive, et en 2011, pour certaines infractions commises par des primo-délinquants.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé cet article.

I.   L’état du droit

A.   L’appréhension de la récidive en droit pénal

Régie par les articles 132‑8 à 132‑16‑5 du code pénal, la récidive légale, en droit pénal français, obéit à une définition précise qui la distingue d’autres situations (réitération et concours d’infractions), lesquelles sont néanmoins, parfois, qualifiées elles aussi, à tort, de récidive par certains observateurs – notamment dans les médias. Il s’agit d’une circonstance aggravante entraînant des conséquences sur la peine encourue.

● La récidive légale correspond à la situation d’une personne qui, ayant déjà fait l’objet d’une condamnation définitive (« premier terme de la récidive »), est à nouveau condamnée pour une infraction, sous réserve de remplir certaines conditions (« second terme de la récidive »).

Le premier terme de la récidive doit être une condamnation :

– pénale (à l’exclusion des mesures éducatives ou de la composition pénale) ([15]) ;

– définitive, les voies de recours étant épuisées ;

– prononcée par une juridiction française ou celle d’un État membre de l’Union européenne (articles 132‑23‑1 et 132‑23‑2 du code pénal) ;

– qui peut être réhabilitée, le dernier alinéa de l’article 133‑16 du même code prévoyant que la réhabilitation n’interdit pas la prise en compte de la condamnation pour l’application des règles en matière de récidive légale.

● La récidive peut être générale, spéciale, perpétuelle ou temporaire, en fonction de la nature des infractions commises :

– la récidive est générale et perpétuelle lorsque son premier terme est un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, et que son second terme est un crime ; la peine alors encourue est la réclusion criminelle à perpétuité si cette seconde infraction est passible de vingt ou trente ans de réclusion ; ce maximum encouru est toutefois limité à trente ans de réclusion criminelle si la seconde infraction est passible de quinze ans (article 132‑8 du code pénal) ;

– la récidive est générale et temporaire, et entraîne le doublement des peines d’emprisonnement et d’amende, si, après avoir été définitivement condamnée pour un crime ou un délit puni de dix ans d’emprisonnement, la personne commet :

– la récidive est spéciale et temporaire et emporte doublement des peines d’emprisonnement et d’amende si, après une première condamnation définitive pour un délit, une personne commet dans un délai de cinq ans un délit qui lui est assimilé – les règles d’assimilation sont définies aux articles 132‑16 à 132‑16‑4‑1 du code pénal) (article 132‑10 du même code) ;

– enfin, en matière contraventionnelle, la récidive est spéciale, temporaire et expresse (le règlement doit le prévoir) ; elle entraîne le doublement du maximum de l’amende (3 000 euros) si une personne a été définitivement condamnée pour une contravention de 5e classe et commet la même contravention dans un délai d’un an (article 132‑11, alinéa 1er). En outre, dans les cas où la loi prévoit que la récidive d’une contravention de 5e classe constitue un délit, la récidive est constituée si les faits sont commis dans un délai de trois ans.

Pour les personnes morales, les peines d’amende sont doublées, et les peines prévues à l’article 131‑39 du code pénal (telles que la dissolution, l’interdiction d’exercice ou l’exclusion des marchés publics) peuvent en outre être prononcées dans certaines hypothèses (articles 132‑12 à 132‑14) ([16]).

Récidive légale, réitération et concours d’infraction

La récidive légale se distingue de deux autres notions voisines, la réitération et le concours d’infractions.

● La réitération, prévue à l’article 132‑16‑7 du code pénal, correspond à la situation d’une personne qui, ayant déjà été définitivement condamnée pour un crime ou un délit, commet une nouvelle infraction qui ne répond pas aux règles de la récidive légale. Tel est ainsi le cas si, dans le cadre d’une récidive spéciale, la seconde infraction n’est pas assimilée à la première (vol et violences, par exemple) ou, dans le cadre d’une récidive temporaire, si la seconde infraction n’est pas commise dans le délai prévu par la loi.

La réitération est une cause de cumul des peines, sans limitation de quantum et sans possibilité de confusion avec les peines déjà définitivement prononcées.

● Le concours d’infractions, régi par les articles 132‑2 à 132‑7 du code pénal, correspond à la situation d’une personne qui commet une infraction avant d’avoir été définitivement condamnée pour une autre infraction : plusieurs infractions distinctes ont été commises, sans être séparées par une condamnation définitive, à la différence de la récidive et de la réitération.

Si la personne est reconnue coupable de plusieurs infractions en concours à l’occasion de la même procédure, chaque peine encourue peut être prononcée, mais les peines encourues de même nature sont prononcées dans la limite du maximum légal le plus élevé.

En cas de pluralité de poursuites, les peines prononcées s’exécutent cumulativement dans la limite du maximum légal le plus élevé ; la confusion des peines de même nature peut toutefois être ordonnée par la dernière juridiction qui statue.

● Ces deux hypothèses, en particulier le concours d’infractions, sont parfois abusivement qualifiées de récidive.

● Outre l’aggravation du quantum, la récidive légale emporte également des conséquences sur le prononcé et l’exécution de la peine. Ainsi :

– le sursis probatoire est possible pour les condamnations jusqu’à dix ans d’emprisonnement en cas de récidive légale (contre cinq ans sinon), aux termes de l’article 132‑41 du code pénal ;

– le délai de probation, en principe de trois ans au plus, est porté à cinq ans en cas de récidive légale, et à sept ans en cas de multi-récidive (article 132‑42 du même code).

S’agissant des aménagements de peine, en revanche, la situation de récidive n’emporte plus de différence avec celle d’un primo-délinquant : le seuil légal de la durée de détention restant à subir pour pouvoir bénéficier de ces aménagements est désormais le même, fixé à un an ([17]).

● Le tableau suivant dresse la synthèse du régime de la récidive légale en matière de peines encourues (pour les personnes physiques).

synthèse du régime de la récidive légale

1er terme de la récidive

2nd terme de la récidive

Délai

Aggravation de peines encourues en raison de la récidive

Fondement
(code pénal)

Crime ou délit puni de 10 ans

Crime puni de 20 ou 30 ans

Aucun

Peine maximale portée à la réclusion à perpétuité

132‑8

Crime puni de 15 ans

Peine maximale portée à 30 ans de réclusion

132‑8

Crime ou délit puni de 10 ans

Délit puni de 10 ans

10 ans

Doublement du maximum de l’emprisonnement et de l’amende

132‑9, al. 1er

Délit puni de plus d’un an et de moins de 10 ans

5 ans

Doublement du maximum de l’emprisonnement et de l’amende

132‑9, al. 2

Délit

Délit identique ou assimilé

5 ans

Doublement du maximum de l’emprisonnement et de l’amende

132‑10

Contravention de 5e classe

Même contravention

1 an

Doublement du maximum de l’amende (3 000 €)

132‑11, al. 1er

B.   La mise en œuvre de peines minimales en droit français

Depuis l’entrée en vigueur du nouveau code pénal qui a supprimé les seuils généraux de peines, des peines plancher ont existé – et existent encore – en droit pénal français, les principales ayant eu court entre 2007 et 2014.

1.   Les peines plancher en cas de récidive introduites en 2007

Afin de renforcer l’effet dissuasif des sanctions, le législateur, par la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, a mis en place des « peines plancher » ([18]).

● En matière criminelle, les peines plancher étaient prévues à l’article 132‑18‑1, prévoyant un minimum d’emprisonnement en fonction du quantum de la peine encourue, selon les modalités figurant dans le tableau suivant.

Peines plancher en matière criminelle

Peine de réclusion ou de détention encourue

Plancher prévu

Perpétuité

15 ans

30 ans

10 ans

20 ans

7 ans

15 ans

5 ans

Ces planchers n’étaient toutefois pas absolus : la juridiction disposait de la faculté de prononcer une peine inférieure au seuil prévu en considération des circonstances de l’infraction, de la personnalité de l’auteur et des garanties d’insertion ou de réinsertion que ce dernier présentait – en cas de multi-récidive, cette faculté était plus restreinte, réservée aux hypothèses dans lesquelles l’accusé présentait « des garanties exceptionnelles d’insertion ou de réinsertion ».

● En matière délictuelle, la logique était similaire ; les planchers prévus en fonction de la peine encourue, figurant à l’article 132‑19‑1 du code pénal, sont présentés dans le tableau ci-après.

Peines plancher en matière délictuelle

Peine d’emprisonnement encourue

Plancher prévu

10 ans

4 ans

7 ans

3 ans

5 ans

2 ans

3 ans

1 an

À l’image de ce qui était prévu en matière criminelle, la juridiction pouvait néanmoins prononcer des peines inférieures aux seuils prévus, dans les mêmes hypothèses (avec un resserrement en cas de multi-récidive).

En revanche, et à la différence des peines plancher criminelles, celles applicables aux délits excluaient les peines autres que l’emprisonnement pour certains délits commis en situation de multi-récidive (tels que les violences volontaires, les agressions sexuelles ou, plus généralement, l’ensemble des délits punis de dix ans d’emprisonnement).

● Appelé à se prononcer sur les dispositions des articles 132‑18‑1 et 132‑19‑1 du code pénal, le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 9 août 2007, a jugé ces peines plancher conformes aux exigences constitutionnelles et, en particulier, aux principes de nécessité et d’individualisation des peines, relevant :

– qu’elles concernaient des infractions d’une particulière gravité (crimes et délits punis d’au moins trois ans d’emprisonnement) ;

– que le législateur avait prévu la possibilité pour la juridiction de prononcer une peine inférieure au plancher, y compris en cas de nouvelle récidive, en fonction des circonstances de l’espèce et de la personnalité de l’auteur ;

– que la faculté de prononcer un sursis n’avait pas été remise en cause ([19]).

2.   Les peines plancher pour primo-délinquants introduites en 2011

● Les peines plancher ont été complétées en 2011 ([20]) par un dispositif prévu à l’article 132‑19‑2 du code pénal, qui cible certaines violences délictuelles envers les personnes hors récidive, c’est-à-dire pour les primo‑délinquants.

Étaient visées les infractions suivantes :

– violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente, prévues à l’article 222‑9 du code pénal et sanctionnées de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ;

– violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) de plus de huit jours et commises avec circonstances aggravantes, prévues à l’article 222‑12 du même code et sanctionnées de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende – peines portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, voire à dix ans d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende, dans certaines circonstances ;

– violences ayant entraîné une ITT inférieure ou égale à huit jours ou aucune ITT et commises avec circonstances aggravantes, prévues à l’article 222‑13 dudit code et sanctionnées de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende, peines portées à cinq ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende, voire à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende, dans certaines circonstances ;

– violences habituelles sur un mineur de moins de quinze ans ou sur une personne vulnérable et ayant entraîné une ITT de plus de huit jours, prévues au 3° de l’article 222‑14 dudit code et sanctionnées de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros ;

– violences commises en bande organisée ou avec guet-apens commises contre une personne dépositaire de l’autorité publique n’ayant pas entraîné une ITT pendant plus de huit jours, prévues au 4° de l’article 222‑14‑1 dudit code et sanctionnées de dix ans d’emprisonnement et de 150 000 euros ;

– le délit d’embuscade, prévu à l’article 222‑15‑1 du code pénal et sanctionné de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros, peines portées à sept ans d’emprisonnement et 100 000 euros d’amende si les faits sont commis en réunion.

● Pour ces délits, l’article 132‑19‑2 du code pénal prévoyait les planchers suivants :

– dix-huit mois d’emprisonnement si la peine encourue était de sept ans d’emprisonnement ;

– deux ans d’emprisonnement si la peine encourue était de dix ans d’emprisonnement.

Dans la mesure où ces planchers ne portent que sur les peines encourues de sept et dix ans d’emprisonnement, seules les infractions passibles de telles peines étaient concernées – excluant ainsi les violences ayant entraîné des ITT prévues aux articles 222‑12 et 222‑13 du même code et commises avec une seule circonstance aggravante.

L’article 132‑19‑2 de ce code prévoyait toutefois, de manière similaire aux précédents dispositifs, que le juge pouvait prononcer une peine d’emprisonnement inférieure aux seuils ou une peine autre que l’emprisonnement, en fonction des circonstances.

● Ces dispositions, comme celles introduites en 2007, ont été déclarées conformes à la Constitution par le Conseil constitutionnel, qui a écarté les griefs tirés de la violation des principes de nécessité des peines (eu égard à la gravité des infractions ciblées) et d’individualisation des peines (compte tenu de la faculté laissée au juge et de la possibilité de prononcer le sursis) ([21]).

3.   L’abrogation en 2014 des peines plancher de 2007 et 2011

Les peines plancher prévues aux articles 132‑18‑1 et 132‑19‑1 du code pénal, en cas de récidive, et à l’article 132‑19‑2 du même code, pour les primo‑délinquants auteurs de certaines violences, ont été abrogées par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([22]).

En effet, les objectifs des lois de 2007 et 2011 ont alors été considérés comme n’ayant pas été atteints : la durée des peines prononcées s’était accrue sans pour autant réduire ni la surpopulation carcérale, ni le taux de condamnation en récidive ([23]). Ce bilan appelle néanmoins une appréciation plus nuancée, ainsi qu’il a été vu, chiffres à l’appui, dans l’exposé général du présent rapport (cf. supra, I, A)

4.   Les autres peines minimales ou obligatoires

● Si la loi du 15 août 2014 précitée a abrogé les peines plancher des articles 132‑18‑1, 132‑19‑1 et 132‑19‑2 du code pénal, des peines minimales ont été maintenues dans notre droit après cette loi, et certaines sont toujours en vigueur, tandis qu’existent parallèlement des peines revêtant un caractère obligatoire.

a.   Le plancher criminel en vigueur

En matière criminelle, existe un quantum minimum, le « plancher criminel ».

Prévu à l’article 132‑18, ce plancher criminel, qui correspond à la peine minimum que la juridiction peut prononcer, est :

– d’un an d’emprisonnement si la peine encourue est la réclusion criminelle à temps (soit trente ans au plus) ;

– de deux ans d’emprisonnement si est encourue la réclusion criminelle à perpétuité.

Ce plancher, en vigueur depuis 1994 à la suite de la réforme du code pénal, n’a pas été modifié depuis, ni remis en cause ([24]) – notons au demeurant que l’article 132‑18 du code pénal ne prévoit aucune possibilité, pour la juridiction, d’y déroger à la différence des anciennes peines plancher.

● Il convient de noter que, parallèlement au plancher criminel, un plafond est prévu à l’article 362 du code de procédure pénale (CPP) : lorsque la peine encourue est la réclusion criminelle à perpétuité et qu’il a été décidé de ne pas prononcer cette peine, la cour d’assises ne peut prononcer de peine supérieure à trente ans de réclusion criminelle ([25]).

La peine plancher de deux ans d’emprisonnement
pour le délit de blanchiment douanier

● Jusqu’en 2018, soit bien après l’abrogation des peines plancher en 2014, le code des douanes prévoyait pour le délit de blanchiment douanier, à son article 415, un emprisonnement « de deux à dix ans ».

Si ce plancher a été abrogé par la loi du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude (1), il s’agissait alors d’une volonté de sécuriser juridiquement le délit de blanchiment douanier, en raison d’une question prioritaire de constitutionnalité transmise au Conseil constitutionnel qui remettait le plancher en cause.

Ainsi, le droit pénal français s’est accommodé pendant des années d’une peine minimale en matière délictuelle, sans que cela ne suscite une émotion particulière chez ceux ayant porté le fer contre les peines plancher.

● Notons que le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue le 14 septembre 2018, a jugé la peine minimale du délit de blanchiment douanier conforme à la Constitution (2) eu égard :

– à la gravité de l’infraction visée ;

– à l’écart important entre le plancher de deux ans et le maximum encouru de dix ans, permettant au juge de fixer la peine dans une fourchette suffisamment large ;

– à la faculté d’individualiser la peine, notamment en prononçant une peine autre que l’emprisonnement ou en dispensant le condamné de certaines peines (comme le permet le 1 de l’article 369 du code des douanes).

(1) Loi n° 2018898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, article 5.

(2) Conseil constitutionnel, décision  2018731 QPC du 14 septembre 2018, Mme Juliet I. [Peine minimale d’emprisonnement pour le délit de blanchiment douanier].

 

b.   Les peines complémentaires obligatoires

Parallèlement aux peines minimales telles que les anciennes peines plancher ou le plancher criminel, le droit pénal prévoit des peines pouvant être prononcées à titre complémentaire et qui revêtent un caractère obligatoire.

● Ainsi, les personnes condamnées pour une atteinte volontaire à la vie font, aux termes du II de l’article 221‑8 du code pénal, l’objet des peines complémentaires obligatoires d’interdiction de détenir ou porter une arme, de confiscation d’armes et de retrait du permis de chasser.

Des peines complémentaires obligatoires similaires sont prévues en matière de violences par le II de l’article 222‑44 du même code. Par ailleurs, son article 222‑48‑3 impose le prononcé de la peine complémentaire d’interdiction de percevoir la pension du conjoint survivant ou divorcé en cas de condamnation pour violences contre l’époux ou l’épouse.

Dans chacune de ces hypothèses, le juge dispose de la faculté, par une décision spécialement motivée, de ne pas prononcer la peine complémentaire en fonction des circonstances de l’infraction et de la personnalité de l’auteur.

● Ces peines complémentaires obligatoires ne sont que des exemples, qui concernent certaines infractions auxquelles elles sont expressément rattachées. Le code pénal consacre également, de façon plus générale, une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité prévue à l’article 131‑26‑2.

Créée par la loi « Sapin II » du 9 décembre 2016 ([26]) et initialement cantonnée à certains manquements à la probité (corruption, concussion, prise illégale d’intérêts ou encore trafic d’influence), cette peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité a été substantiellement étendue par la loi du 15 septembre pour la confiance dans la vie politique ([27]) et est désormais applicable :

– à tous les crimes ;

– aux manquements à la probité au sens large, incluant les manquements en matière de financement politique ou encore la fraude fiscale aggravée ;

– aux agressions sexuelles et au harcèlement moral ou sexuel ;

– aux discriminations ;

– à certaines violences volontaires – dont certaines correspondant aux infractions retenues dans la présente proposition de loi (cf. infra).

Notons qu’une récente proposition de loi prévoit d’étendre le champ de cette peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux auteurs de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail inférieure ou égale à huit jours ou aucune incapacité totale de travail ([28]).

● Ces peines complémentaires obligatoires se distinguent naturellement des peines minimales, qui sont des peines principales d’emprisonnement.

Néanmoins, elles s’en rapprochent par leur caractère obligatoire : dans les deux cas, le juge est tenu de prononcer la peine, sauf décision motivée reposant sur les circonstances de l’espèce.

II.   Le dispositif proposé

Le présent article met en œuvre le premier volet de la réponse apportée par la proposition de loi et présentée dans l’exposé général.

À cet effet, en rétablissant dans le code pénal l’article 132‑19‑1, il prévoit la mise en place d’une peine minimale d’un an d’emprisonnement concernant certaines infractions spécifiques, commises en état de récidive et ciblant les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public.

A.   Les infractions visées : les violences délictuelles ciblant les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public

Les délits constituant le second terme de la récidive et emportant l’application de la peine minimale sont limitativement énumérés : il s’agit des violences délictuelles commises sur les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public, tels que les membres des forces de l’ordre, mais aussi les enseignants, les magistrats, les médecins et infirmiers ou encore les élus.

● Dans le détail, et en premier lieu, sont ainsi concernés les violences prévues au I de l’article 222145 du code pénal, c’est-à-dire celles commises sur les dépositaires de l’autorité publique suivants :

– fonctionnaires de la police nationale ;

– agents de la police municipale et gardes champêtres ;

– militaires de la gendarmerie nationale ;

– militaires déployés sur le territoire national en application de l’article L. 1321‑1 du code de la défense (pour les besoins de la défense et de la sécurité civile sur réquisition légale, comme l’opération « Sentinelle ») ;

– sapeurs-pompiers ;

– agents des douanes ;

– agents de l’administration pénitentiaire.

Ces violences sont passibles de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende si elles n’ont pas entraîné d’ITT ou ont entraîné une ITT n’excédant pas huit jours, et de sept ans d’emprisonnement et de 100 000 euros d’amende si elles ont entraîné une ITT de plus de huit jours. Ces peines sont alourdies si les faits sont commis avec des circonstances aggravantes, telles que l’usage d’une arme, la préméditation ou le guet-apens, dans un moyen de transport collectif de voyageurs ou encore en état d’ivresse ou sous l’emprise de produits stupéfiants.

● En second lieu, le dispositif vise les violences délictuelles commises dans l’exercice ou à raison des fonctions de la personne victime, si la qualité de cette dernière est apparente ou connue, sur :

– un magistrat, un avocat, un officier public ou ministériel, un juré, un membre ou un agent de la Cour pénale internationale, un gardien assermenté d’immeubles ou un agent exerçant pour un bailleur les fonctions de gardiennage ou de surveillance d’immeubles, ainsi que sur les dépositaires de l’autorité publique autres que ceux visés à l’article 222‑14‑5 du code pénal (4° des articles 222‑12 et 222‑13 du code pénal) ;

– un enseignant ou tout personnel d’établissement d’enseignement scolaire, un agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageurs, un professionnel de santé ou toute personne chargée d’une mission de service public (4° bis des mêmes articles 222‑12 et 222‑13).

Il convient de noter que la référence aux dépositaires de l’autorité publique (aux 4°) et aux personnes chargées d’une mission de service public (aux 4° bis) permet d’inclure les élus. En effet, et comme le rappelle une circulaire du garde des Sceaux du 6 novembre 2019, « les responsables des exécutifs locaux (maires, présidents d’intercommunalités, des conseils départementaux et régionaux) mais aussi les adjoints aux maires et conseillers municipaux délégués, ont la qualité de personne dépositaire de l’autorité publique. Les autres élus, lorsqu’ils ne se voient confier par délégation aucune prérogative de puissance publique, comme les parlementaires, ont quant à eux la qualité de personnes chargées d’une mission de service public. » ([29])

● Le tableau suivant dresse la liste (non exhaustive) des personnes sur lesquelles les violences délictuelles commises sont incluses dans le champ du dispositif proposé.

personnes dépositaires de l’autorité publique
et chargées d’une mission de service public

Personnes dépositaires de l’autorité publique (PDAP)

Gendarme

Magistrat

Militaire (Sentinelle)

Juré

Policier national

Avocat

Policier municipal

Officier public ou ministériel (huissier, notaire…)

Garde champêtre

Membre ou agent de la Cour pénale internationale

Agent des douanes

Membre de l’exécutif (Président de la République, membre du Gouvernement)

Agent de l’administration pénitentiaire

Élu local responsable d’un exécutif local (maire, président d’intercommunalité, président de conseil départemental, président de conseil régional)

Sapeur-pompier

Adjoint au maire et conseiller municipal délégué

Inspecteur du travail

Préfet et sous-préfet

Inspecteur des finances publiques

Gardien d’immeuble sous certaines conditions (assimilé)

Personnes chargées d’une mission de service public

Enseignant

Élu local n’ayant pas la qualité de PDAP

Personne travaillant dans un établissement scolaire

Parlementaire

Professionnel de santé

Facteur

Agent d’un exploitant de réseau de transport public de voyageur (chauffeur de bus, conducteur de train…)

 

Source : code pénal, jurisprudence judiciaire et site du ministère de l’Intérieur.

● Dans la mesure où sont visées les violences délictuelles, il s’agit de celles qui ont entraîné :

– une ITT supérieure à huit jours, pour l’article 222‑12 du code pénal, et qui sont sanctionnées de cinq ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende – ces peines étant alourdies si plusieurs circonstances aggravantes sont réunies ;

– une ITT inférieure ou égale à huit jours ou aucune ITT, pour l’article 222‑13 du même code, et qui sont sanctionnées de trois ans d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende – là aussi, un alourdissement est prévu si les violences sont commises avec plusieurs circonstances aggravantes.

● Le tableau suivant dresse la synthèse des infractions auxquelles la peine minimale prévue par le dispositif proposé s’appliquera, et les peines qui leur sont associées.

synthèse des infractions visées par le présent article
et des peines associées

Violences

Victime

Peines normalement encourues

Première aggravation

Seconde aggravation

Fondement (articles du code pénal)

ITT > 8 jours

Professionnels judiciaires, jurés, gardiens et autres dépositaires de l’autorité publique (dont élus)

5 ans
75 000 €

7 ans
100 000 €

10 ans
150 000 €

222‑12, 4°

Professionnels d’établissements scolaires, agents de transport, professionnels de santé et autres personnes chargées d’une mission de service public (dont élus)

5 ans
75 000 €

7 ans
100 000 €

10 ans
150 000 €

222‑12, 4° bis

Policiers, gendarmes, militaires, pompiers, douaniers, agents pénitentiaires

7 ans
100 000 €

10 ans
150 000 €

222‑14‑5, I, 1°

ITT  8 jours
Aucune ITT

Professionnels judiciaires, jurés, gardiens et autres dépositaires de l’autorité publique (dont élus)

3 ans
45 000 €

5 ans
75 000 €

7 ans
100 000 €

222‑13, 4°

Professionnels d’établissements scolaires, agents de transport, professionnels de santé et autres personnes chargées d’une mission de service public (dont élus)

3 ans
45 000 €

5 ans
75 000 €

7 ans
100 000 €

222‑13, 4° bis

Policiers, gendarmes, militaires, pompiers, douaniers, agents pénitentiaires

5 ans
75 000 €

7 ans
100 000 €

10 ans
150 000 €

222‑14‑5, I, 2°

La gravité des infractions ciblées, en particulier à l’aune de la qualité des victimes mais aussi de la peine encourue, est de nature à assurer la conformité du dispositif au principe constitutionnel de nécessité des peines (les précédents du Conseil constitutionnel de 2007 et 2011 allant dans le sens de cette conformité).

B.   Une peine minimale d’un an d’emprisonnement en cas de récidive légale

● Pour que la peine minimale d’une année d’emprisonnement prévue par le dispositif proposé s’applique, les délits précédemment mentionnés devront avoir été commis en situation de récidive légale : leur auteur devra ainsi déjà avoir été définitivement condamné pour une infraction répondant aux conditions de la récidive.

Dès lors, en fonction de la nature du premier terme de la récidive et de la peine encourue au titre du second terme (et donc de la nature des violences commises), les conditions de la récidive légale tenant au délai ou encore à l’assimilation des deux délits pourront être exigées.

● À titre d’exemple, si une personne définitivement condamnée pour un délit passible de dix ans d’emprisonnement commet des violences contre un policier entraînant plus de huit jours d’ITT avec une circonstance aggravante, les dispositions de l’article 132‑9 du code pénal s’appliqueront et la récidive légale sera constituée si ces faits de violences sont commis dans un délai de dix ans à compter de l’expiration ou de la prescription de la première peine.

En revanche, si le premier terme est un fait de violence volontaire non aggravée ayant entraîné plus de huit jours d’ITT (passible de trois ans d’emprisonnement en application de l’article 222‑11 du code pénal) et que le second terme est un fait de violence contre un enseignant, la récidive sera constituée sur le fondement de l’article 132‑10 du code pénal si ce second terme est commis dans un délai de cinq ans – les deux délits de violence volontaire étant assimilés en application de l’article 132‑16‑4 du même code.

C.   Les marges de manœuvre laissées aux juridictions

● Si le dispositif proposé repose sur une peine minimale d’un an d’emprisonnement, il ne rend pour autant pas celle-ci automatique – ce qui serait d’ailleurs juridiquement hasardeux.

En effet, le deuxième alinéa de l’article 132‑19‑1 du code pénal consacre expressément la possibilité, pour le juge, de déroger au minimum prévu selon des modalités voisines de celles déjà présentées :

– par une décision spécialement motivée ;

– et en tenant compte de l’espèce, à savoir :

En faisant usage de cette possibilité, le juge pourra prononcer une peine d’emprisonnement inférieure au minimum prévu, ou prononcer une peine autre que l’emprisonnement.

Ces dispositions permettent ainsi d’assurer la conformité du présent article avec les exigences constitutionnelles et, en particulier, le principe d’individualisation des peines – étant ajouté que rien, dans le dispositif proposé, ne remet en cause la faculté pour le juge de prononcer un sursis.

● Enfin, le dernier alinéa de cet article 132‑19‑1 permet, si la juridiction l’estime nécessaire, de prononcer, en plus de l’emprisonnement prévu, une peine d’amende et, le cas échéant, une ou plusieurs peines complémentaires (en application des articles 222‑44 et suivants du code pénal).

D.   Un dispositif utile et équilibré, qui s’inscrit dans un cadre plus large de lutte contre la récidive

Si une approche superficielle et rapide du dispositif proposé pourrait, dans l’esprit de certains, faire ressurgir les échos des peines plancher de 2007 et 2011, ce n’est pas le cas et une telle association, a fortiori une telle assimilation, serait erronée et constituerait une présentation tronquée et simpliste de la proposition faite. En effet, le présent article ne constitue pas la reprise, même aménagée, des précédents dispositifs : il s’en distingue tant sur le fond qu’au regard de ses sousjacents philosophiques.

● En premier lieu, ainsi qu’il a été vu, il ne s’agit pas d’introduire des peines plancher généralisées en cas de récidive, à l’image de ce qui avait prévalu entre 2007 et 2014 en matière de crimes et de délits. Le dispositif proposé est ciblé, ne concernant que les faits de récidive consistant en des violences délictuelles commises sur les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public.

Le champ proposé est donc plus proche du dispositif qui figurait à l’ancien article 132‑19‑2 du code pénal, mais il s’écarte de ce dernier sur plusieurs points :

– les infractions visées sont plus circonscrites, réservant la peine minimale à des comportements qui, par leur nature même, portent directement atteinte aux institutions, au pacte républicain et à notre État de droit ;

– la peine minimale est inférieure, puisqu’elle est fixée à un an d’emprisonnement, contre dix‑huit mois ou deux ans pour l’ancien dispositif.

● En deuxième lieu, s’agissant précisément de cette peine minimale, sa durée d’un an, indépendamment du quantum de peine encourue, est une autre différence saillante avec les anciennes dispositions :

– elle est suffisamment importante pour remplir son office de dissuasion et, partant, limiter la récidive ;

– elle n’est pas trop élevée, évitant ainsi l’écueil d’un usage systématique de la faculté laissée aux juges d’y déroger – ce qui priverait d’utilité le dispositif ; rappelons à cet égard les chiffres donnés par notre ancien collègue Dominique Raimbourg en 2014 lors de l’examen du projet de loi ayant abrogé les anciennes peines planchers : les juridictions correctionnelles ont eu de plus en plus tendance à prononcer des peines inférieures aux seuils prévus ([30]) ;

– elle marque la fermeté de la société à l’égard de la récidive, sans pour autant risquer d’induire l’exécution de peines d’emprisonnement trop longues, qui peuvent être facteur de récidive à la sortie ([31]).

Cette peine minimale d’un an est, par conséquent, de nature à satisfaire les exigences en matière d’individualisation des peines, tout en atteignant l’objectif de dissuasion attaché au dispositif.

Les données statistiques sur la durée moyenne des peines d’emprisonnement prononcées pour les infractions ciblées par le dispositif, soit 8,5 mois en 2021 ([32]), attestent d’ailleurs pleinement de l’utilité de ce dernier, comme l’illustrent les tableaux suivants.

durée moyenne d’emprisonnement prononcée
pour les infractions ciblées par le dispositif

(en fonction du quantum encouru)

Quantum encouru

Durée moyenne d’emprisonnement prononcée

3 ans

8,3 mois

5 ans

11,8 mois

7 ans

12 mois

Source : ministère de la Justice, direction des affaires criminelles et des grâces.

Durée moyenne d’emprisonnement prononcée
(violences entraînant plus de huit jours d’ITT)

Qualité de la victime

Durée moyenne d’emprisonnement prononcée

2021

Période 2017-2021

Avocat, magistrat, juré, officier public ministériel, professionnel de santé, sapeur-pompier, gardien d’immeuble, autres personnes dépositaires de l’autorité publique ou chargées d’une mission de service public

11,2 mois

11,3 mois

Professionnel de santé

7,4 mois

6,5 mois

Personne chargée d’une mission de service public

5,5 mois

4,9 mois

Personne dépositaire de l’autorité publique

7,1 mois

6,1 mois

Source : ministère de la Justice.

La durée moyenne d’emprisonnement prononcée au titre des infractions concernées par le présent article est inférieure ou égale à la peine minimale prévue, soit un an, ce qui prouve que le dispositif proposé aurait un effet réel. Il resterait utile, par ailleurs, lorsque la durée moyenne d’emprisonnement prononcée est égale au minimum de la peine plancher, voire si elle lui est supérieure, car il s’agit d’une moyenne, impliquant que nombre de peines prononcées dans de tels cas sont actuellement inférieures à un an d’emprisonnement.

Ces durées moyennes d’emprisonnement tendent également à démontrer le bon calibrage du minimum prévu : il serait suffisamment dissuasif, sans être excessif.

Le présent article met donc en place un minimum ciblé, raisonnable et utile, qui accompagne la main du juge plus qu’il ne tend à la forcer.

● Enfin, en troisième et dernier lieu, la peine minimale prévue à cet article 1er ne saurait être appréhendée isolément, mais doit au contraire être mise en relation avec les autres mesures de la proposition de loi, n’en constituant qu’un des quatre piliers. Aux côtés de la sanction dissuasive, les articles suivants du texte soumis visent à améliorer l’information des élus, à mieux accompagner les condamnés et à anticiper les ressorts du phénomène de récidive pour lutter efficacement contre celui-ci.

Le problème posé par la récidive ne saurait, en effet, être résolu par la seule voie répressive, d’où l’accent mis dans cette proposition de loi sur les autres aspects de la question. Pour autant, la dissuasion demeure une approche pertinente pourvu qu’elle ne soit pas exclusive et qu’elle repose sur des outils bien calibrés, comme celui proposé par cet article.

III.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article en adoptant, contre l’avis défavorable de votre rapporteure, quatre amendements identiques de suppression présentés par Mme Sandra Regol (Écolo) et plusieurs de ses collègues, par M. Roger Vicot et les membres du groupe SOC, par Mme Elsa Faucillon (GDR) et plusieurs de ses collègues et par Mme Andrée Taurinya et les membres du groupe LFI.

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*     *

Article 2
(art. L. 1323 du code de la sécurité intérieure)
Renforcement de l’information des maires
en matière de lutte contre la délinquance

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit de rendre systématique l’information des maires, par les parquets, sur les suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire communal, en modifiant à cet effet l’article L. 132‑3 du code de la sécurité intérieure.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi « Engagement et proximité » du 27 décembre 2019 a prévu l’information du maire, à sa demande et par le parquet, sur les suites judiciaires données aux infractions constatées par la police municipale, et a systématisé l’information sur les suites judiciaires données aux infractions signalées par le maire.

Cette information du maire a été précisée et complétée par la loi « Sécurité globale » du 25 mai 2021.

       Position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article.

I.   L’état du droit

A.   Le cadre juridique de l’information des maires par les parquets en matière de sécurité publique : des modalités d’information variables

● En application de l’article L. 132‑1 du code de la sécurité intérieure (CSI), le maire concourt « par son pouvoir de police à l’exercice des missions de sécurité publique et de prévention de la délinquance ». Il est, notamment, associé par le préfet à la définition des actions de lutte contre l’insécurité, ainsi qu’en dispose l’article L. 132‑10 du CSI (et son article L. 132‑12 s’agissant du maire de Paris).

Pour que le maire puisse pleinement exercer ses missions, il est rendu destinataire d’informations relatives aux infractions commises sur le territoire de la commune.

● D’une part, en application de l’article 40‑2 du code de procédure pénale (CPP), de l’article L. 132‑2 et du quatrième alinéa de l’article L. 132‑3 du CSI, le maire est informé par le procureur de la République des suites judiciaires données aux crimes et délits qu’il a signalés sur le fondement de l’article 40 du CPP et dont il a eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

D’autre part, une information plus générale du maire, qui ne suppose pas nécessairement un signalement préalable de sa part, est prévue à l’article L. 132‑3 du CSI :

– il est « informé sans délai », par les responsables de la police ou de la gendarmerie nationales, des infractions causant un trouble à l’ordre public commises sur le territoire communal (premier alinéa de l’article L. 132‑3) ;

– le maire est « systématiquement informé, à sa demande », par le procureur de la République, des suites judiciaires données aux infractions causant un trouble à l’ordre public constatées sur le territoire communal et dont il a été informé par la police ou la gendarmerie nationales (deuxième alinéa de l’article L. 132‑3).

– enfin, il est « systématiquement informé, à sa demande », par le procureur de la République, des suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipale et les gardes champêtres ([33]) (troisième alinéa de l’article L. 132‑3).

L’information sur les suites données aux infractions constatées par le personnel municipal résulte de la loi du 27 décembre 2019 dite « Engagement et proximité » ([34]), qui a été complétée par la loi du 25 mai 2021 dite « Sécurité globale » ([35]).

Les suites judiciaires dont le maire est ainsi informé correspondent aux classements sans suite, aux mesures alternatives aux poursuites, aux poursuites engagées, aux jugements définitifs et aux appels interjetés.

La loi « Sécurité globale » a, en outre, prévu l’information du maire par le parquet sur les raisons juridiques ou d’opportunité ayant conduit à un classement sans suite ([36]).

● Il résulte de ces dispositions que l’information du maire, par le parquet, des suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire communal :

– est systématique s’agissant des infractions signalées par le maire sur le fondement de l’article 40 du CPP ;

– est réalisée à la demande du maire pour les autres infractions (infractions causant un trouble à l’ordre public et infractions constatées par les personnels municipaux).

B.   La tentative d’une systématisation de l’information du maire dans le cadre de la loi « Sécurité globale »

Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi « Sécurité globale », l’Assemblée nationale avait prévu de systématiser l’information du maire s’agissant des suites judiciaires concernant les infractions causant un trouble à l’ordre public ou constatées par les agents de police municipale et les gardes champêtres.

Cette évolution, qui figurait à l’article 1er bis du texte issu de l’Assemblée, résultait de l’adoption d’un amendement de Mmes Maud Petit et Josette Poueyto (MoDem) ([37]).

Le Sénat, lors de l’examen du texte, est revenu sur la systématisation de cette information, en lui substituant un dispositif moins ambitieux prévoyant que le maire est « systématiquement informé, à sa demande » – formulation qui peut au demeurant laisser perplexe, les deux termes paraissant contradictoires.

II.   Le dispositif proposé

● S’inscrivant dans la logique ayant présidé aux travaux de l’Assemblée lors de l’examen de la proposition de loi « Sécurité globale », le présent article prévoit de rendre systématique l’information du maire s’agissant des suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire communal qui causent un trouble à l’ordre public.

À cet effet, il modifie le deuxième alinéa de l’article L. 1323 du CSI, pour y supprimer l’exigence d’une demande préalable du maire : l’information serait ainsi automatique, comme cela est déjà le cas s’agissant des suites judiciaires données aux infractions signalées par le maire au titre de l’article 40 du CPP (alinéa 4 du même article L. 132‑3).

● Un tel dispositif, en plus de lever l’ambiguïté sémantique actuelle, permettrait non seulement d’améliorer l’information des maires et, ainsi, de renforcer l’effectivité de la mise en œuvre, par les élus, de leurs prérogatives en matière de sécurité publique, mais aussi de resserrer les liens entre la justice et les élus municipaux.

● La charge pour les parquets qu’induirait le dispositif proposé, si elle n’est pas ignorée, semble pouvoir être relativisée et ne paraît pas excessive – en tout état de cause, un argument tiré de cette charge tomberait de lui-même si tous les maires du ressort d’un parquet demandaient à connaître les suites judiciaires données, comme cela est dans leurs prérogatives et comme ils y sont encouragés.

Certaines auditions conduites par votre rapporteure ont évoqué le fait que les infractions dont les suites judiciaires sont fournies aux maires sont des infractions troublant l’ordre public, qui serait une notion large et potentiellement vague, rendant alors l’information difficile.

Un tel argument est pour le moins surprenant. En effet, cette notion de trouble à l’ordre public cible les infractions commises sur le territoire communal, dont le maire est d’ores et déjà informé « sans délai », aux termes du premier alinéa de l’article L. 132‑3 du CSI. Si flou il y avait, il ne concernerait donc pas tant le dispositif proposé que les dispositions actuellement en vigueur, qui n’ont pourtant pas été remises en cause lors des auditions.

● Le présent article met ainsi en œuvre, de la façon la plus claire possible, le vœu du garde des Sceaux, dans sa circulaire du 6 novembre 2019, appelant les parquets à veiller « à une information effective des maires », notamment s’agissant de celles prévues à l’article L. 132‑3 du CSI ([38]) – vœu dont la mise en œuvre concrète, d’après les informations obtenues par votre rapporteure, demeure largement perfectible : non seulement l’information des suites judiciaires données aux infractions, mais aussi l’information sur lesdites infractions, ne sont pas optimales et gagneraient à être améliorées.

Il s’agit d’ailleurs de la traduction concrète de l’une des propositions faites par votre rapporteure et notre collègue Philippe Gosselin (LR) dans le cadre de la mission parlementaire sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, en avril 2021 ([39]), qui avait mis en évidence les lacunes dans l’information des maires, les élus soulignant qu’ils n’étaient pas suffisamment informés des suites judiciaires données aux infractions commises sur le territoire communal ([40]).

III.   La position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article, malgré le rejet initial de deux amendements de suppression.

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Article 3
Expérimentation des permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) au sein des tribunaux judiciaires

Supprimé par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit d’expérimenter, dans cinq départements et pour trois ans, l’organisation de permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) au sein des tribunaux judiciaires, afin d’améliorer l’accompagnement et la prise en charge des personnes condamnées.

Ce faisant, il met en œuvre une recommandation issue des États généraux de la Justice.

       Dernières modifications intervenues

La création du code pénitentiaire, par l’ordonnance n° 2022‑478 du 30 mars 2022 et le décret n° 2022‑479 du même jour, a conduit à faire basculer dans ce code l’essentiel des dispositions relatives aux SPIP, en particulier celles relatives à leurs missions.

       Position de la Commission

La Commission a supprimé cet article.

I.   L’état du droit

A.   Le rôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP)

Services déconcentrés de l’administration pénitentiaire présents dans chaque département, les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ont pour mission principale de prévenir la récidive des personnes qui leur sont confiées, placées sous main de justice, en milieu fermé (établissements pénitentiaires) ou ouvert. Les SPIP assurent le suivi des personnes aussi bien avant que la condamnation définitive soit rendue (suivi pré-sentenciel) qu’une fois celle‑ci rendue (suivi post-sentenciel).

Créés en 1999, les SPIP ont succédé aux comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL), chargés du milieu ouvert, et aux services socio‑éducatifs des établissements pénitentiaires qui prenaient en charge les détenus en milieu fermé.

À la différence des SPIP, les CPAL étaient présents au sein des juridictions : les articles D. 572 et D. 573 du code de procédure pénale, dans leur rédaction antérieure à 1999, disposaient en effet que chaque tribunal de grande instance comprenait un CPAL, placé sous l’autorité du juge de l’application des peines qui lui donnait ses directives générales et en contrôlait l’activité.

● En milieu ouvert, les SPIP fournissent à l’autorité judiciaire les éléments d’évaluation permettant de préparer la condamnation, et aident à la compréhension de la peine par la personne confiée – notamment à travers un programme de prévention de la récidive (PPR). Ils veillent également au respect des obligations auxquelles sont soumises les personnes condamnées à des peines restrictives ou privatives de liberté ([41]), et favorisent l’accès aux dispositifs d’insertion sociale et professionnelle.

En milieu fermé, les SPIP accompagnent les détenus, d’une part, en aidant à l’individualisation des peines au regard de la situation de la personne et, d’autre part, en préparant celle-ci à la sortie de prison. Pour ce faire, ils mobilisent un réseau de partenaires institutionnels et associatifs et luttent contre la désocialisation des détenus.

● Dans le détail, le principe des missions des SPIP est prévu aux articles L. 113‑5 à L. 113‑10 du code pénitentiaire et précisé à l’article D. 112‑35 du même code, au sein duquel les dispositions figurant auparavant dans le code de procédure pénale ont été transférées.

Peuvent être mentionnées :

– la mise en œuvre des mesures de contrôle et le respect des obligations qui sont imposées aux personnes confiées (article D. 113‑36 du code pénitentiaire) ;

– la préparation des décisions de justice à caractère pénal, sur saisine de l’autorité judiciaire, consistant notamment en l’exécution d’enquêtes sur la situation matérielle, familiale et sociale des personnes faisant l’objet d’enquêtes ou de poursuites, afin de maximiser l’individualisation des décisions et de favoriser l’insertion (article D. 113‑41 du même code) ;

– l’apport d’une aide matérielle aux personnes confiées (article D. 113‑59 dudit code) ;

– le fait de favoriser l’accès aux droits et aux dispositifs d’insertion de droit commun (article D. 113‑62 dudit code) ;

– la vérification de la continuité, au bénéfice des personnes libérées, des actions d’insertion engagées en matière de formation et d’activités culturelles (article D. 552‑3 dudit code) ;

– la mise en œuvre des mesures de contrôle et le respect de l’obligation de soin prononcée à titre de mesure de sûreté en l’absence de suivi socio-judiciaire (article D. 542‑1 dudit code).

● Il existe 103 SPIP sur le territoire national (un par département, un en Polynésie française et un en Nouvelle-Calédonie) et 168 antennes locales d’insertion et de probation ; le dernier état de la répartition territoriale des SPIP et de leurs antennes résulte d’un arrêté du 23 janvier 2023 ([42]).

D’après les chiffres de l’administration pénitentiaires, en 2019, les 103 SPIP réunissaient 5 400 personnels et suivaient 246 000 personnes, dont 70 000 détenus.

B.   La recommandation des États généraux de la Justice sur la présence des SPIP en juridiction

1.   Une recommandation issue d’un processus de concertation inédit

● Conduits de novembre 2021 au printemps 2022, les États généraux de la Justice (EGJ) ont permis, après de nombreux mois d’échanges associant des citoyens et des acteurs de la justice, de faire émerger des propositions pour réformer la justice de notre pays. Le 8 juillet 2023, le rapport des EGJ a été remis au Président de la République, à la Première ministre et au garde des Sceaux, amorçant de larges concertations avec le monde judiciaire afin d’élaborer un plan d’action, présenté par le garde des Sceaux le 5 janvier 2023.

Si les EGJ et le plan d’action présenté en janvier dernier ont un champ qui dépasse très largement les seuls aspects pénaux et pénitentiaires, ces derniers ont cependant fait l’objet d’une attention toute particulière. Peuvent notamment être mentionnés les ambitions en matière de lutte contre la surpopulation carcérale et de réinsertion, à travers, entre autres leviers, le travail (travail en détention et travail d’intérêt général comme peine alternative à l’incarcération) ([43]).

● S’agissant tout particulièrement des SPIP, les EGJ ont suggéré de renforcer leur présence en juridiction « afin, d’une part, de garantir une prise en charge immédiate des condamnés à l’issue de l’audience de jugement et, d’autre part, de renforcer leurs liens tant avec les juges correctionnels  pour le pré-sentenciel notamment  qu’avec les [juges d’application des peines] » ([44]).

Comme le relevait le rapport du groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion ([45]), expérimenter une permanence des SPIP en juridiction permettrait aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) d’assister à l’audience et de recevoir les condamnés dès leur sortie d’audience, réduisant ainsi, sinon éliminant, le délai qui existe aujourd’hui entre le prononcé de la peine de probation et son exécution.

Le condamné aurait ainsi l’opportunité d’échanger immédiatement avec le CPIP sur l’audience, ce qui s’y est produit, ce qu’il a vécu, sur le sens de la condamnation prononcée par la juridiction, et sur les suites qui y seront données.

De telles permanences amélioreraient également le travail des CPIP, qui auraient accès aux notes d’audience et aux enquêtes sociales rapides, autant d’informations utiles pour mieux évaluer les condamnés et les prendre en charge de la meilleure manière possible.

2.   Une recommandation reprise par les sénateurs

La Commission des Lois du Sénat a lancé en 2022 une mission d’information sur l’évaluation des SPIP, confiée aux sénatrices Marie Mercier (LR) et Laurence Harribey (Socialiste).

Parmi les propositions faites dans le cadre de cette mission, dont le rapport a été présenté à la commission le 15 février dernier, figure l’expérimentation de permanences de SPIP au sein des tribunaux correctionnels (proposition n° 7) ([46]).

La reprise à leur compte de cette proposition par les sénateurs témoigne de l’intérêt manifeste de la démarche. Le rapport de la mission d’information relève d’ailleurs que cette expérimentation serait de nature à faciliter les rapports entre SPIP et avocats, alors que leurs liens sont aujourd’hui souvent distendus ([47]).

II.   Le dispositif proposé

● Partageant le constat tiré par les États généraux de la Justice, le présent article met en œuvre la proposition précédemment mentionnée pour renforcer la présence des SPIP en juridiction et, ce faisant, pour améliorer la prise en charge des personnes condamnées dès le prononcé de la peine.

À cet effet, il prévoit une expérimentation consistant à mettre en place, au sein des tribunaux judiciaires, des permanences de SPIP pour assurer, immédiatement après l’audience, une prise en charge optimale des condamnés.

Outre les avantages évoqués lors les EGJ à l’appui de cette proposition, les auditions conduites par votre rapporteure ont mis en évidence d’autres intérêts, dont celui, tout sauf accessoire, d’éviter que les personnes condamnées n’honorent pas leur premier rendez-vous avec le SPIP.

● L’expérimentation serait prévue pour une durée de trois ans et réalisée dans au moins cinq départements, dont la liste serait fixée par arrêté du garde des Sceaux – à l’image de ce qui avait été prévu pour les cours criminelles départementales ([48]).

Au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation, soit deux ans et demi après la promulgation de la loi qui résulterait de l’adoption de la présente proposition, le Parlement serait rendu destinataire par le Gouvernement d’une évaluation de l’expérimentation – lui permettant de statuer en pleine connaissance de cause sur les suites à donner.

 La démarche expérimentale procède d’une méthode bienvenue : elle permettra de s’assurer, pour un coût budgétaire somme toute modique, que la permanence en juridiction des SPIP est réellement utile, et d’identifier les éventuels aménagements à apporter au dispositif avant sa généralisation.

Elle permettra notamment d’évaluer l’opportunité d’une ouverture aux CPIP des données des outils Cassiopée et NPP (« numérisation des procédures pénales ») et les modalités d’une telle ouverture, ainsi que le relevait le rapport du groupe de travail précité.

Cette expérimentation permettra également d’identifier les moyens supplémentaires que supposerait la généralisation de l’expérimentation, tant humains (en effectifs de CPIP) qu’immobiliers.

Précisons enfin, à l’aune de certaines inquiétudes que cette proposition aurait pu faire naître, que les permanences des SPIP au sein des juridictions ne marquent pas les prémices d’un retour à l’ancienne organisation qui prévalait pour les CPAL, et donc d’une autorité du juge sur les SPIP : ceux-ci, naturellement, conserveront leur mode d’organisation et leur identité comme composante à part entière de l’administration pénitentiaire.

● Le dispositif ainsi proposé devrait faire consensus : il met en œuvre une recommandation issue des EGJ, après des mois de concertations entre acteurs judiciaires et pénitentiaires, et traduit directement une récente proposition émanant d’un travail d’évaluation transpartisan de nos collègues sénateurs.

III.   La position de la Commission

La Commission a supprimé cet article en adoptant, malgré l’avis défavorable de votre rapporteure, quatre amendements identiques de suppression présentés par Mme Angélique Ranc (RN) et plusieurs de ses collègues, par Mme Elsa Faucillon (GDR) et plusieurs de ses collègues, par M. Romain Baubry (RN) et par M. Roger Vicot et les membres du groupe SOC.

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Article 4
(art. 720 du code de procédure pénale)
Systématisation des programmes de prise en charge aux fins de prévention
de la récidive dans le cadre de la libération sous contrainte

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article rend obligatoire la mise en place d’un programme de prise en charge des condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte (LSC) par les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP), afin de réduire au maximum les risques de récidive.

       Dernières modifications législatives intervenues

La loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire a rendu la LSC applicable de plein droit, sous certaines réserves, pour les détenus exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté dont la durée totale n’excède pas deux ans et pour lesquels le reliquat de peine n’excède pas trois mois.

       Position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article.

I.   L’état du droit

A.   Le régime de la libération sous contrainte (LSC)

1.   La libération sous contrainte de droit commun

● Prévue à l’article 720 du code de procédure pénale (CPP), la libération sous contrainte (LSC) est un aménagement permettant à une personne détenue de purger la partie finale de sa peine sous l’un des régimes suivants :

– libération conditionnelle ;

– détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) ;

– placement à l’extérieur ;

– semi-liberté.

La LSC a été instituée par la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ([49]) et ne concernait à l’origine que les personnes :

– exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté prononcées dont la durée totale n’excède pas cinq ans ;

– et dont la durée de la peine accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restant à subir – c’est-à-dire que la personne a purgé au moins les deux tiers de la peine.

La loi de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice ([50]) a modifié le régime de la LSC en systématisant l’examen, par le juge de l’application des peines, de la situation des détenus ayant purgé les deux tiers de leur peine. La LSC est prononcée, sauf décision spécialement motivée du JAP.

Cette loi a également précisé les hypothèses d’exclusion de l’application de la LSC, pour les condamnés ayant préalablement fait connaître leur refus, et pour ceux pour lesquels une requête en aménagement de peine est pendante.

● Formellement, la LSC est décidée par le JAP, après avis de la commission d’application des peines. Le JAP, au regard de la situation de la personne, détermine le régime de LSC le plus adapté.

2.   La libération sous contrainte de plein droit

Plus récemment, la LSC a été enrichie par la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire ([51]), qui l’a rendue applicable de plein droit pour les condamnés exécutant une ou plusieurs peines privatives de liberté d’une durée totale n’excédant pas deux ans et auxquels il reste un reliquat de peine inférieur ou égal à trois mois (II de l’article 720 du CPP).

Les hypothèses dans lesquelles la LSC ne serait pas applicable pour de telles personnes sont :

– l’impossibilité matérielle résultant de l’absence d’hébergement (II de l’article 720 du CPP) ;

– les exclusions prévues au III du même article 720 :

B.   Le rôle des SPIP dans la LSC

D’après les chiffres récemment fournis par le garde des Sceaux, 41 % des détenus concernés par la LSC en ont effectivement bénéficié ([52]). L’objectif de la LSC est d’éviter le plus possible les « sorties sèches », sans aménagement de peine et qui augmentent le risque de récidive.

Ce constat est d’ailleurs documenté : une étude parue en 2021 indiquait que les sortants de prison bénéficiant d’une libération conditionnelle avaient une propension à récidiver significativement plus faible que les autres (– 9,6 points), propension encore plus réduite en cas de placement sous surveillance électronique, placement extérieur ou semi-liberté (– 12,2 points) ([53]).

La personne bénéficiant d’une LSC est suivie par le JAP et par un conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) pour la durée du reliquat de peine : la sortie de détention est progressive, suivie et accompagnée, offrant une transition plus douce et une meilleure continuité entre les milieux fermé et ouvert. C’est d’ailleurs à l’aune de ces considérations que la loi du 22 décembre 2021 précitée a systématisé la LSC pour les peines n’excédant pas deux ans.

Le rôle des services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) ([54]) à l’égard des condamnés susceptibles de bénéficier d’une LSC ou en bénéficiant a été précisé par un décret du 24 mai 2019 s’agissant de la LSC prévue au I de l’article 720 du CPP ([55]), et par un décret du 28 septembre 2022 s’agissant de la LSC de plein droit prévue au II du même article ([56]).

Dans le cadre de la LSC prévue au I de l’article 720 du CPP :

– le SPIP est chargé de constater l’éventuel refus du condamné de bénéficier d’une LSC après qu’il a été informé de cette possibilité (article D. 147‑17‑1 du CPP) ;

– en l’absence d’un tel refus, le SPIP transmet au JAP, avant la réunion de la commission d’application des peines, son avis sur les éventuelles impossibilités à mettre en œuvre l’une des mesures de la LSC (article D. 147‑17‑2) ;

– si la LSC est décidée, le SPIP remet à la personne, au plus tard le jour de sa libération, un avis de convocation à comparaître dans un délai de cinq jours devant le SPIP territorialement compétent pour mettre en place son suivi après sa sortie (article D. 147‑17‑5 du CPP).

La procédure est relativement similaire dans le cadre de la LSC de plein droit prévue au II de l’article 720, la principale différence étant (outre l’absence de dispositions relatives au refus du condamné, la LSC étant de plein droit, même si la personne s’y oppose) le fait que le SPIP transmette au JAP, avant la réunion de la commission d’application des peines et en application de l’article D. 147‑21 du CPP :

– son avis sur la mesure de LSC qui paraît la plus adaptée ;

– son avis sur les obligations et interdictions susceptibles d’être prononcées dans le cadre de la LSC ;

– les éléments permettant d’apprécier l’impossibilité matérielle pouvant faire obstacle à la LSC (absence d’hébergement compatible avec les éventuelles interdictions de paraître ou de contact, ou encore atteinte des capacités d’accueil des structures recevant les personnes en semi-liberté ou en placement à l’extérieur).

II.   Le dispositif proposé

Afin de renforcer l’accompagnement des condamnés et de maximiser leurs chances de réinsertion, le présent article prévoit l’obligation d’assortir la LSC d’un « programme de prise en charge de la personne condamnée visant à prévenir tout acte de récidive et à la réinsérer ».

Ce programme, dont l’obligation figure dans un nouveau IV de l’article 720 du CPP qu’introduit le présent article, devra être défini par le SPIP chargé du suivi de la personne – c’est-à-dire le SPIP auprès duquel la personne doit comparaître dans les cinq jours après la libération, en application des articles D. 147‑17‑5 et D. 147‑21 du CPP.

L’objectif du dispositif est, pour les personnes condamnées à des peines courtes – en particulier dans le cadre de la LSC de plein droit –, de disposer de l’accompagnement le plus fourni et individualisé possible lors de leur sortie, à travers un plan clairement établi, une assistance en matière de logement, de formation et de réinsertion professionnelle – ainsi que d’un suivi de sensibilisation pour éviter toute rechute dans la délinquance.

Insistons sur ce point : systématisation n’est nullement synonyme d’uniformisation, et l’objet du dispositif proposé est bien de permettre aux condamnés de bénéficier d’un programme adapté, le cas échéant à travers une prise en charge collective s’il s’avère que ce format est plus propice aux besoins.

Si de telles actions sont déjà mises en œuvre, et pourraient l’être à droit constant en fonction des actions que les différents SPIP souhaiteraient conduire, il semble toutefois nécessaire de les systématiser et, de ce fait, de les rendre obligatoires par la loi, dans l’intérêt des personnes concernées et de la société dans son ensemble.

III.   La position de la Commission

La Commission, malgré le rejet d’un amendement de suppression, n’a finalement pas adopté cet article.

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Article 5
Organisation d’une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

Le présent article prévoit l’organisation, en 2023, d’une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive, associant des participants variés (professionnels judiciaires et pénitentiaires, élus locaux, représentants d’associations, chercheurs, etc.) pour faire un état des lieux des connaissances sur le sujet et proposer les évolutions qui seraient jugées utiles.

       Dernières modifications intervenues

Une conférence de consensus en matière de prévention de la récidive a été organisée en 2012 et 2013, son rapport ayant été remis le 20 février 2013.

       Position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article.

I.   L’état du droit

A.   Le principe des conférences de consensus

Issue de la pratique scandinave des années 1980, la conférence de consensus est un outil d’aide à la décision sur une thématique particulière, et consistant à faire auditionner des experts par un jury, qui est ensuite appelé à délibérer pour formuler des recommandations dans le cadre d’une synthèse rendue publique : ce socle de consensus est ainsi susceptible de poser les bases d’une évolution de la politique publique considérée.

Cet outil est utilisé par différents acteurs, qu’il s’agisse des collectivités territoriales, comme la Ville de Paris en 2006 sur l’éducation populaire, ou des autorités administratives indépendantes, à l’image de la Haute autorité de santé sur la psychiatrie pénale en 2007.

Le principe directeur d’une conférence de consensus est de privilégier une approche pluridisciplinaire et scientifique d’une question faisant débat ou appelant des réponses spécifiques.

B.   La conférence de consensus de prévention de la récidive de 2012‑2013

L’outil que constitue la conférence de consensus a été mobilisé en 2012 par la garde des Sceaux d’alors, Mme Christiane Taubira, sur la prévention de la récidive ; ses objectifs étaient :

– l’établissement d’un état des lieux des connaissances et expériences, en France et à l’étranger, en matière de prévention de la récidive ;

– sur la base de cet état des lieux, la recherche des mesures susceptibles de faire évoluer la situation en France ;

– l’objectivation des termes du débat sur la prévention de la récidive, notamment pour atteindre, au-delà des seuls spécialistes, le grand public ([57]).

Cette conférence de consensus s’appuyait sur un comité d’organisation, présidé par Mme Nicole Maestracci, alors première présidente de la cour d’appel de Rouen, et constitué d’élus locaux, de chercheurs et universitaires français et étrangers, ainsi que de représentants du monde associatif et des professions judiciaires et pénitentiaires ([58]). Le rôle de ce comité était de préparer la conférence en déterminant les principales questions, en choisissant les membres du jury de la conférence et en sollicitant des experts apportant leurs contributions.

Le jury, se nourrissant des contributions des experts, avait ensuite conduit des auditions publiques avant de délibérer et d’émettre des recommandations.

Après cinq mois de travaux préparatoires sous l’égide du comité d’organisation, la conférence de consensus s’est réunie les 14 et 15 février 2013, puis le jury s’est retiré pour délibérer les 16 et 17 février suivants, dégageant à l’issue de ce processus douze recommandations, rendues publiques le 20 février 2013 ([59]).

C.   La nécessité réaffirmée par les États généraux de la Justice d’une approche pluridisciplinaire et scientifique de la récidive

● Le rapport des États généraux de la Justice (EGJ) ([60]) remis au Président de la République, en abordant la question de l’opportunité de créer une agence nationale de prévention de la récidive et de probation, relevait l’intérêt de disposer ainsi d’un organe doté d’un conseil scientifique constituant ses propres outils méthodologiques, statistiques et criminologiques et pouvant analyser et évaluer les lois ainsi que, plus largement, les politiques publiques en matière pénale et de récidive ([61]).

Dans son rapport particulier sur cette question, le groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion proposait de créer une telle agence, qui permettrait une implication « interministérielle, de la société civile, des collectivités territoriales », dans un cadre « d’études et de concertation entre les acteurs du champ de la prévention de la récidive en vue de faire des propositions stratégiques » ([62]).

Le fait que le comité des EGJ n’ait finalement pas abouti à un consensus sur la création d’une telle agence ne doit pas remettre en cause la pertinence et l’intérêt d’une démarche scientifique pluraliste d’évaluation. La nécessité d’une évaluation des politiques publiques de prévention de la récidive constituait d’ailleurs l’une des quinze propositions du groupe de travail, en associant notamment le monde universitaire, en ouvrant les services « aux données probantes de la science, à l’instar d’autres pays » ([63]), ou encore en améliorant la communication auprès du public.

● Ouverture, démarche scientifique et pluridisciplinaire, évaluation et propositions : tel est précisément l’objet du dispositif prévu au présent article.

II.   Le dispositif proposé

● S’inscrivant dans la continuité de la précédente conférence de consensus organisée en 2012 et 2013, le présent article, dix ans jour pour jour après celle-ci ([64]), propose l’organisation, en 2023, d’une nouvelle conférence de consensus sur la lutte contre la récidive.

La conférence serait composée de façon pluraliste, associant des professionnels des mondes judiciaire et pénitentiaire, des élus locaux, des représentants d’associations, ainsi que des chercheurs et universitaires – cette liste pouvant être complétée si la participation de personnes relevant d’autres catégories ou revêtant d’autres qualités se révélait utile.

À l’image de la démarche engagée en 2012, la conférence de consensus ici proposée poursuivrait trois objectifs principaux :

– l’établissement d’un état des lieux des connaissances ;

– l’objectivation des termes du débat ;

– le cas échéant, la proposition des évolutions qui seraient jugées adéquates.

Cette nouvelle conférence permettra ainsi une actualisation nécessaire des connaissances en matière de prévention de la récidive et de probation, en particulier s’agissant des mesures alternatives à la peine. La pertinence d’une telle démarche est également le fruit des récentes – et nécessaires – réformes en matière pénale et pénitentiaire engagées depuis le début du précédent quinquennat.

Les travaux de cette conférence pourront également être l’occasion d’engager une réflexion nourrie sur la façon de bien appréhender la récidive, afin de disposer dans le débat public de données, notamment statistiques, claires et complètes. Les auditions conduites par votre rapporteure ont, en effet, pu mettre en évidence la relative imperfection des chiffres sur la récidive : s’ils permettent d’apprécier la tendance générale du phénomène, ils présentent des écueils pour sa pleine appréciation.

● La conférence de consensus proposée pourra enfin poursuivre, de façon plus proactive et en étant force de proposition, la démarche scientifique et analytique qui incombait à l’Observatoire de la récidive et de la désistance, créé en 2014 et supprimé en 2020 ([65]).

III.   La position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article.

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Article 6  
Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

Rejeté par la Commission

       Résumé du dispositif et effets principaux

L’article 6 prévoit un gage financier destiné à garantir la recevabilité financière de la proposition de loi lors de son dépôt, et crée à cet effet une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et les services (articles L. 314‑1 à L. 314‑37 de ce code).

       Position de la Commission

La Commission n’a pas adopté cet article.

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   Compte rendu des débats

Lors de sa réunion du mercredi 15 février 2023, la Commission examine la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive (n° 740  2e rect.) (Mme Naïma Moutchou, rapporteure).

Lien vidéo : https://assnat.fr/ZudSsO

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Dans la continuité des travaux que nous menons depuis plusieurs années pour une justice plus efficace, plus juste et qui protège mieux, j’ai souhaité, avec mon groupe, m’emparer du problème de la récidive, qui malheureusement demeure d’actualité en dépit des politiques publiques menées depuis plus de vingt ans – je salue à cet égard les efforts du Gouvernement, de la Chancellerie en particulier, et de la majorité, pour augmenter les budgets.

Les chiffres en témoignent, nos concitoyens en sont conscients : le phénomène de la récidive progresse chaque année. Plus de 40 % des condamnés sont des récidivistes ou des réitérants. La proportion des seuls récidivistes a augmenté de 8 points en trois ans seulement, de 2018 à 2021. L’un des visages de la récidive sur lesquels nous avons souhaité mettre l’accent, ce sont les violences commises contre ceux qui sont les garants de la vie en société, représentent la République et permettent la vie en commun.

Ces violences, malheureusement, se propagent. Nos forces de l’ordre sont des cibles, ce qui est insupportable. Plus récemment, et de façon inquiétante, les pompiers, les personnels de santé, les enseignants et les chauffeurs de bus, bref les agents publics dans leur ensemble, le sont devenus, victimes eux aussi de la remise en cause de l’autorité dans notre société.

C’est pour compléter les précédentes réformes et apporter une réponse aux défis que nous constatons ensemble que le présent texte de loi vous est présenté. Il procède, par le biais de mesures complémentaires, d’une approche globale de la récidive, pour apporter une solution d’ensemble à un problème dont je ne nie pas la complexité.

Le tout répressif de 2007 n’a pas donné les résultats escomptés. Le seul accompagnement de 2014 a montré ses limites. Il faut donc agir sur ces deux leviers pour répondre efficacement à la récidive : dissuader et sanctionner, mais aussi accompagner et prévenir. Telle est l’ambition du texte, pour éviter les écueils sur lesquels se sont échouées les tentatives de réponses faites en 2007 et en 2014.

S’agissant de la dissuasion, l’article 1er prévoit une peine minimale sciemment ajustée. Elle s’applique aux faits commis en état de récidive légale, est d’un an d’emprisonnement et concerne les violences volontaires délictuelles commises contre les dépositaires de l’autorité publique et les agents chargés d’une mission de service public. Le juge dispose de la faculté de déroger à ce minimum d’un an en fonction des circonstances de l’espèce.

À en juger par les amendements à l’article 1er, certains diront que ses dispositions sont exorbitantes, d’autres qu’elles sont insuffisantes. J’y vois, modestement, la preuve de leur caractère équilibré.

Concernant le procès en excès, l’article 1er ne fait pas renaître de leurs cendres les fameuses « peines plancher » de 2007. Je rappelle que la réforme dite « Dati-Sarkozy » s’appliquait peu ou prou à tous les crimes et à tous les délits, soit quelques milliers d’infractions par an, et qu’elle prévoyait des planchers très élevés. Tout cela n’a globalement pas fonctionné. Je n’en souhaite pas le rétablissement.

Dire que les dispositions que je propose et celles de 2007 sont comparables est une erreur de lecture. J’introduis une peine minimale sur un sujet particulier : le respect de l’autorité. J’ai fait le choix de dire, de façon assumée, que la récidive doit être mieux sanctionnée, et j’ai fait le choix du calibrage. Les unes et les autres ne jouent pas dans la même cour.

L’article 1er ne bride pas le juge. Il l’accompagne dans le plus strict respect de la Constitution et du principe d’individualisation des peines, comme l’atteste l’abondante jurisprudence constitutionnelle sur ce point.

À l’accusation de manque d’ambition, je réponds que le ciblage est cohérent et pertinent, et que la durée minimale proposée sera effective et utile. Elle n’est pas démesurée et s’avère parfaitement dosée, compte tenu des peines prononcées, qui sont en moyenne de huit mois.

Il n’y a donc ni automatisme, ni laxisme, mais un équilibre qui nous paraît utile, d’autant que l’article 1er n’est qu’un aspect de la réponse que nous vous proposons, une mesure parmi d’autres qui, elles, ciblent l’accompagnement et s’appuient notamment sur les services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP).

L’article 3 prévoit la présence des SPIP en juridiction, sous forme de permanence. J’ai eu connaissance des réticences ou des inquiétudes de certains syndicats, mais les auditions que j’ai menées ont conforté ma conviction de l’intérêt d’une telle mesure. Elle n’a pas l’effet que certains redoutent, celui de placer les SPIP sous l’autorité des juridictions : les SPIP conserveront leur organisation et leur identité.

Je rappelle, à toutes fins utiles, que cette mesure est directement issue des travaux des États généraux de la Justice ; elle est donc le fruit de mois de concertation et d’échanges. Par ailleurs, il s’agit d’une expérimentation, qui n’a rien d’obligatoire, ni de systématique : elle nous permettra de savoir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, afin que nous puissions, bien éclairés, déterminer les suites à lui donner.

L’article 4 s’inscrit dans la logique du renforcement de l’accompagnement des condamnés, en rendant obligatoire l’organisation, pour les personnes bénéficiant d’une libération sous contrainte, d’un programme visant à prévenir la récidive. Obligatoire ne veut pas dire uniforme. Les SPIP seront chargés d’établir ces programmes de façon adaptée aux besoins de chacun ; c’est donc bien un accompagnement sur mesure qui est proposé.

Ces trois mesures – dissuasion, accompagnement et suivi individualisé – permettront d’apporter une première réponse à la question de la récidive.

Pour poser les jalons d’une réflexion encore plus large, nécessaire pour mieux appréhender la récidive en tant que phénomène, l’article 5 complète le dispositif en prévoyant l’organisation d’une conférence de consensus, inspirée de celle organisée par Christiane Taubira en 2012, dont notre collègue Roger Vicot était membre. Fondée sur une démarche pluridisciplinaire, associant des personnes qualifiées issues d’horizons variés et complémentaires, elle permettra d’avoir un débat plus objectif et moins politisé, ainsi qu’une actualisation des connaissances, et fera émerger des propositions consensuelles.

L’article 2 systématise l’information des maires sur les suites données aux infractions commises dans la commune. Cet outil améliore l’information des élus, qui sont chargés de la sécurité locale. Il reprend un amendement du groupe Démocrate adopté en 2021 et une proposition issue des travaux de la mission flash sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux que Philippe Gosselin et moi-même avions conduite.

En résumé, nous proposons un dispositif ciblé, mesuré, juridiquement robuste, permettant d’accompagner des mesures sur la probation en plaçant les SPIP au cœur de la lutte contre la récidive. L’article 1er ne peut pas être considéré isolément. Il est le fruit d’une démarche globale, qui appréhende la récidive dans son ensemble, pour atteindre un objectif essentiel à nos yeux : améliorer la sécurité quotidienne de nos concitoyens.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Caroline Abadie (RE). Le sujet de la lutte contre la récidive, essentiel, constitue un axe fondamental des politiques pénales et pénitentiaires que nous menons depuis 2017, avec le soutien collectif de notre majorité. Des textes sur lesquels nous avons beaucoup travaillé avec certains membres du groupe Horizons et apparentés l’illustrent, notamment la loi relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure, dont vous étiez rapporteure, madame Moutchou ; elle a permis de réprimer, par des peines plus sévères, les violences commises contre les forces de sécurité intérieure (FSI). Je citerai aussi, parmi les dispositions que nous avons soutenues ensemble depuis 2017, le renforcement du quantum de la peine en cas de violences volontaires contre les FSI, le renforcement des sanctions applicables au refus d’obtempérer et la limitation de la durée des réductions de peine pour les auteurs de violences graves contre les personnes investies d’un mandat électif public.

Les moyens de la lutte contre la récidive nous semblent devoir être appréciés à la lumière de leur efficacité : telle est la ligne directrice que nous suivons depuis 2017, et tel est l’état d’esprit dans lequel nous abordons l’examen de la proposition de loi de notre collègue Naïma Moutchou.

Nous disposons d’ores et déjà d’un bilan très clair de l’article 1er, le mécanisme des peines plancher ayant été en vigueur pendant sept ans, de 2007 à 2014, certes dans un champ d’application plus large mais avec le même régime juridique, qu’il s’agisse de la condition de récidive légale, de la faculté de décision contraire motivée du juge ou de sa faculté de prononcer une peine autre que l’emprisonnement. Ce bilan, qui figure notamment dans l’étude d’impact de la loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales ainsi que dans plusieurs rapports parlementaires, indique clairement que le dispositif n’a pas fonctionné.

L’application des peines plancher est allée diminuant, pour atteindre 37 % en 2013 s’agissant de la peine minimale d’un an d’emprisonnement prévue dans la présente proposition de loi. Par ailleurs, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007 n’a pas entraîné un recours plus important aux peines d’emprisonnement, ce recours étant resté proche de 94 % avant comme après son entrée en vigueur. Surtout, comme l’indiquent les données de l’Insee et du ministère de la justice, la part des récidivistes n’a pas diminué de 2007 à 2014, alors même qu’elle est en baisse, couplée à celle des réitérants, en 2021.

Quant au champ retenu à l’article 1er, son opportunité ne nous semble pas évidente, dès lors que les délits sanctionnés de cinq ans d’emprisonnement, s’ils sont commis en état de récidive, sont punis d’une peine moyenne d’emprisonnement de 14,2 mois, soit plus que le minimum de douze mois prévu dans le texte. Par ailleurs, 93 % de ces délits sont sanctionnés par une peine d’emprisonnement.

Pour ces raisons, motivé exclusivement par le souci de l’efficacité de la réponse pénale et à la lumière de ce bilan défavorable, notre groupe ne soutiendra pas l’article 1er. Indépendamment des réserves qu’appellent les autres dispositions, la ligne directrice du groupe Renaissance consistera, conformément au caractère global et insécable que les auteurs du texte confèrent aux dispositions de leur proposition de loi, à ne pas en rédiger, contre leur volonté, une version dénaturée ou vidée de sa substance. Notre position est donc globalement défavorable au texte.

La fermeté à l’égard de la délinquance ciblant les représentants de l’autorité est importante. Nous n’en avons jamais manqué. Toutefois, le caractère primordial de la politique pénitentiaire de réinsertion, par le recrutement massif de conseillers SPIP, par la formation professionnelle et par le travail que nous avons récemment mené pour créer le contrat d’emploi pénitentiaire, nous semble tout aussi nécessaire pour lutter contre la récidive et la prévenir.

M. Timothée Houssin (RN). Madame la rapporteure, de prime abord, le titre de votre texte est enthousiasmant. On nous promet de lutter contre la récidive, ce que nous réclamons depuis de nombreuses années. Dans la niche parlementaire du groupe Horizons et apparentés, autrement dit de la pseudo-droite de la Macronie, on peut espérer un texte ambitieux, suivant une ligne politique claire et susceptible de rassembler une majorité pour lutter activement contre la récidive, comme promis par le titre.

Malheureusement, une fois lu celui-ci, on découvre rapidement le contenu de votre proposition de loi. Soyons clairs : elle va dans le bon sens, mais la promesse du titre n’est pas satisfaite. On comprend très vite que le groupe Horizons et apparentés a pour but de communiquer auprès de l’aile droite de la Macronie, sans froisser l’aile gauche, qui gère réellement les questions de justice, par le biais du symbolique Éric Dupond-Moretti. On est dans le fameux « en même temps » macroniste : vous communiquez auprès du public sur un texte de lutte contre la récidive, alors qu’il ne prévoit de lutter que contre une minorité restreinte de cas, et, en même temps, le Gouvernement continuera de mener sa politique laxiste.

À la lecture du titre, on oublie un instant que, par définition, la ligne d’horizon est une ligne abstraite, qui recule au fur et à mesure que l’on avance, et surtout que l’on n’atteint jamais. Finalement, si ce texte peu ambitieux est présenté dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Horizons et apparentés, c’est peut-être qu’il n’y a même pas de consensus dans la minorité présidentielle en faveur d’un renforcement des peines en cas de récidive. C’est aussi ce que suggèrent les propos de M. Darmanin sur les peines plancher.

Ce texte ne lutte pas réellement contre la récidive. Il lutte uniquement, chose qui n’est certes pas sans importance, contre certaines récidives qui font partie des plus graves et des plus symboliques : les récidives d’agressions sur nos compatriotes les plus exposés que sont les élus, les membres des forces de l’ordre, les pompiers, les fonctionnaires et les enseignants.

Certes, ce renforcement est une avancée, mais nous aurions voulu protéger tous les Français contre les récidivistes, à l’heure où 40 % des personnes condamnées sont en état de récidive ou de réitération. Nous aurions voulu protéger davantage Sihem, retrouvée morte le mois dernier dans un chemin. Le casier judiciaire du principal suspect, qui a avoué les faits, compte quatorze condamnations. Nous aurions voulu davantage protéger Céleste, 15 ans, violée et tuée à Nantes par un récidiviste, condamné à dix-huit ans de prison pour neuf viols et quatre agressions, et sorti après seulement treize ans.

Des familles lambda, sans titre, sans pouvoir, frappées par les drames de la récidive, il y en a des centaines en France. Elles sont les grandes oubliées de votre proposition de loi. C’est aussi pour elles que nous voulons légiférer.

Nous proposerons donc, par voie d’amendement, de rétablir les vraies peines plancher. Nous refusons les aménagements de peine pour les agressions physiques et demandons l’alourdissement des peines encourues en cas de récidive. Nos amendements visant à rétablir la double peine ont été considérés comme des cavaliers législatifs, et pour cause : pour lutter contre la récidive, vous ne prévoyez aucune disposition facilitant l’expulsion des délinquants étrangers, qui représentent pourtant près de 20 % des condamnés.

Vous ne faites rien non plus pour lutter contre le phénomène de la réitération, qui consiste, pour un délinquant, à commettre de nouveaux crimes ou délits ne répondant pas aux critères de la récidive légale, au motif qu’ils sont différents des précédents. Pourtant, ces délinquants réitérants pourrissent la vie des Français.

Cette proposition de loi nous semble très insuffisante ; aussi proposerons-nous des pistes pour la renforcer. En l’état, nous la soutiendrons, fidèles à notre volonté de voter toute proposition allant dans l’intérêt des Français. Le renforcement des sanctions contre les récidivistes en matière d’agression des dépositaires de l’autorité publique va de soi. Il devrait faire la quasi-unanimité des élus de la République, à l’exception de quelques hurluberlus d’extrême-gauche qui considèrent que la police tue. Je rappelle que 81 % des Français estiment que la justice de ce pays est trop laxiste et invite chacun à garder ce chiffre à l’esprit lors de l’examen des amendements.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Qui, en 2023, peut encore céder aux sirènes du populisme pénal ? Le Rassemblement national, comme nous venons de le voir ; les Républicains, comme nous le verrons peut-être. Dans ce texte, c’est une députée de la minorité présidentielle qui l’affirme : certains, dans ce pays, pensent que la justice est laxiste. Qu’ils m’expliquent, dans ce cas, pourquoi nos maisons d’arrêts sont occupées en moyenne à 142 % de leur capacité maximale !

Madame la rapporteure, j’ai cru comprendre que votre proposition de loi faisait grincer les dents au sein même de votre intergroupe politique. Le délinquant rationnel que vous tirez de l’homo economicus n’existe que dans votre tête. Dites-moi, s’il vous plaît, qui sort son code pénal pour vérifier le quantum de la peine encourue avant de commettre une infraction ! Je me permets de vous donner la réponse : absolument personne.

Je dois rappeler aux nostalgiques du sarkozysme que les peines plancher introduites en 2008 n’ont jamais eu aucun effet sur la récidive, ni sur le passage à l’acte en général. Elles ont seulement augmenté la durée d’enfermement des personnes écrouées. Pour faire face à l’engorgement des prisons, une loi sur les aménagements de peine fut promptement adoptée un an plus tard.

En 2014, ces peines plancher furent enfin abolies. Elles fragilisaient le principe constitutionnel d’individualisation des peines, que notre Déclaration de 1789 protège. Dans un État de droit, la peine et ses modalités d’exécution doivent correspondre au degré de gravité des faits sanctionnés et être adaptées à la situation du condamné.

Au mépris de l’avis des organisations syndicales de la filière insertion et probation, vous organisez le grand retour des SPIP dans les tribunaux en phase post-sentencielle. Avec quels moyens ? Avec quel argent ? Dans quels locaux ? On ne le sait pas. Ce n’est pas la création, à l’article 6, d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs, en guise de gage, qui nous donnera le détail budgétaire de cette mesure.

Vous proposez de convoquer le condamné immédiatement après la fin de son procès. Vous allez saboter dès le départ son adhésion à tout programme de réinsertion. Vous ne tenez pas compte des heures tardives auxquelles s’achèvent les audiences, surtout s’agissant des comparutions immédiates. Vous allez envoyer les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation au casse-pipe.

Par son automaticité, le texte casse la logique de l’individualisation des peines. Dans ce contexte, vous ne vous donnez ni les effectifs, ni les moyens, ni le temps pour prévenir la récidive, en fixant des objectifs irréalisables à l’administration.

Au bout du compte, que reste-t-il ? Des propositions surréalistes, incohérentes et contradictoires, qui illustrent l’incompétence de ceux qui les ont rédigées. Difficile de traiter d’un sujet aussi sérieux si votre vision est obstruée par des œillères dogmatiques ! Car c’est bien cela, votre problème : vous vivez dans une réalité parallèle et refusez d’affronter le réel, qui vous est insupportable – celui d’une densité carcérale hallucinante qui n’en finit plus d’augmenter, celui d’un manque d’accès, en prison, au travail, à la formation professionnelle, à la santé, à la culture, à l’hygiène et à l’intimité, celui du taux de suicide des détenus et des conditions de travail toujours plus insupportables des surveillants, qui doivent supporter les défaillances de nos politiques publiques en matière de santé mentale !

Vous voulez vraiment lutter contre la récidive ? Commencez par introduire un mécanisme de régulation carcérale, que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL) appelle de ses vœux ! Luttez contre les conditions de détention indignes dans nos prisons !

M. Ian Boucard (LR). La proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive, présentée par notre collègue Naïma Moutchou, a notamment pour objet de créer une peine minimale d’un an d’emprisonnement pour les violences délictuelles commises en état de récidive légale ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) à l’encontre des personnes dépositaires de l’autorité publique et des personnes chargées d’une mission de service public. Elle prévoit que le juge peut déroger à ce seuil minimal par une décision spécialement motivée, ce qui fait litière de certaines critiques formulées à l’encontre de la proposition de loi.

Malheureusement, le sujet de la récidive est terriblement d’actualité, et pour cause : le bilan régalien d’Emmanuel Macron est particulièrement mauvais. Cet avis n’est pas uniquement le mien et celui de nombreux Français : les chiffres du ministère de la justice le disent.

Ainsi, 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Le taux de récidive a explosé : la proportion de récidivistes, en matière délictuelle, a augmenté de 8 points depuis 2018. Il est donc primordial que le législateur s’empare de ce sujet pour prendre les mesures adéquates, face à une délinquance qui explose et que sanctionnent des peines qui demeurent dérisoires. Pour étayer mes propos, je précise que la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance, en 2022, sont en hausse.

Par ailleurs, nos forces de l’ordre sont de plus en plus prises pour cible. On dénombre chaque jour plus de 100 actes de violence contre les dépositaires de l’autorité publique, soit une augmentation de 21 % en trois ans. Pour ne rien arranger, Emmanuel Macron a délibérément employé, en décembre 2020, pour faire plaisir à certains, l’expression « violences policières » pour désigner des bavures individuelles. En utilisant cette expression, typique d’une extrême gauche qui dit chaque jour son désaveu des forces de l’ordre, le Président de la République a abandonné celles et ceux qui risquent chaque jour leur vie pour protéger les nôtres.

Quant au nombre de délinquants et de criminels derrière les barreaux, il diminue. À l’heure actuelle, on dénombre moins d’individus incarcérés que lorsque Christiane Taubira était garde des Sceaux. La France est le deuxième pays de l’Union européenne en nombre d’agressions et le dix-septième en nombre de personnes incarcérées.

Face à ces problèmes, quelle réponse apportons-nous à nos concitoyens ? Aucune. La loi du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales a abrogé toutes les mesures adoptées par la droite républicaine en 2007. La loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs du 10 août 2007 prévoyait une peine minimale dès la première récidive pour les crimes et délits passibles d’au moins trois ans d’emprisonnement. De fait, la peine était d’au moins un tiers de la peine maximale prévue et le juge pouvait, lors de la première récidive, prononcer une peine inférieure à condition de la motiver spécialement.

Si la présente proposition de loi va dans le bon sens, elle sera bien moins efficace que celle qu’a fait voter Rachida Dati, car elle restreint le rétablissement des peines planchers aux violences commises contre les personnes dépositaires de l’autorité publique.

L’article 2 rend systématique l’information des maires par les parquets sur les suites judiciaires données aux infractions constatées sur le territoire communal par la police et la gendarmerie nationales, ce qui est une très bonne chose. L’article 3 instaure une expérimentation, pendant trois ans et dans au moins cinq départements, consistant à organiser des permanences de SPIP au sein des tribunaux judiciaires. L’article 4 généralise le suivi de programmes de prise en charge à la sortie de prison des condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte.

Les peines minimales assurent un juste équilibre entre deux exigences majeures : la répression accrue des actes commis en récidive et le respect des principes fondamentaux de notre droit pénal. La possibilité offerte au juge d’y déroger garantit le plein respect des principes de nécessité et d’individualisation des peines, qui ont une valeur constitutionnelle.

Le groupe Les Républicains votera en faveur de la proposition de loi, qui va dans le sens de ce que nous proposons depuis 2017 chaque fois qu’un texte de loi relatif à la sécurité intérieure, notamment la proposition de loi pour une sécurité globale préservant les libertés et le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, est examiné.

Nous avons mis ce sujet sur la table et sommes heureux que nos collègues du groupe Horizons et apparentés fassent de même. Nous espérons que nos amendements visant à rétablir les peines minimales de prison, telles qu’elles ont été instaurées par Rachida Dati en 2007, seront adoptés, pour que nous puissions réellement mieux lutter contre la récidive.

M. Erwan Balanant (Dem). En rejetant le droit de grâce et en instaurant le système des peines fixes, les révolutionnaires souhaitaient rompre avec l’absolue liberté des parlements d’Ancien régime. La détermination légale de la peine et le rôle réduit accordé aux juges étaient synonymes de rempart contre l’arbitraire. De nos jours, l’individualisation du judiciaire, longtemps redoutée, est heureusement réhabilitée.

Madame la rapporteure, la peine minimale, également appelée peine plancher, que votre proposition de loi tend à réintroduire dans le cas de la récidive légale, va à l’encontre de ce mouvement d’individualisation judiciaire et du principe fondamental de notre droit qu’est l’individualisation des peines. Certes, la possibilité d’y déroger reste ouverte, mais elle porte fortement atteinte à ce principe, d’autant que le Conseil constitutionnel, dans une décision du 2 mars 2018, a jugé que le principe de l’individualisation des peines impose la motivation des jugements et arrêts de condamnation, pour la culpabilité comme pour la peine. Cette réforme prétorienne est révélatrice de ce mouvement d’individualisation. Le Conseil constitutionnel pourrait censurer les peines plancher.

Outre cet obstacle constitutionnel, il me semble nécessaire de rappeler le bilan plus que mitigé des peines plancher, qui a justifié leur abrogation. En pratique, les dérogations ont été nombreuses, jusqu’à devenir majoritaires dans les décisions des juges, hostiles à ces sanctions quasi-automatiques portant atteinte à leur office.

Face à cette réticence, la ministre de la justice de l’époque avait enjoint aux procureurs de requérir systématiquement les peines plancher à l’audience et d’interjeter appel si elles n’étaient pas prononcées par le juge, sans effet. En 2012, la Chancellerie a démontré que, dans 60 % des cas où le juge pouvait prononcer une peine minimale, il a fait usage de la possibilité d’y déroger. Quant à la mise en œuvre des peines plancher, elle n’a fait que renforcer la surpopulation carcérale, ce qui constitue un risque majeur à prendre en considération.

Il faut bien constater que la récidive renvoie le système pénal à son échec, ce qui en fait un sujet central pour notre société. Le groupe Démocrate vous rejoint sur un point : il est primordial de lutter contre la récidive. C’est ce à quoi nous nous sommes attelés dans la précédente législature, notamment dans ses dernières années, au cours desquelles nous avons centré la politique pénale sur la lutte contre la récidive. La loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice et la loi du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire visent toutes deux à mieux préparer la sortie de prison et à favoriser l’insertion. Tel sera aussi le cas de la loi de programmation de la justice issue des États généraux de la Justice, que nous examinerons au printemps.

Par ailleurs, je crois fermement que nous devons écouter les acteurs du monde judiciaire, directement concernés par votre proposition de loi. Conseil national des barreaux, Conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation (CNDPIP), SPIP : tous montrent leur opposition au retour des peines plancher, en raison de leur inefficacité.

Le groupe Démocrate réaffirme qu’il est de notre devoir de protéger ceux qui nous protègent. La loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a durci la répression en cas de violences volontaires sur les FSI. La question n’est pas tant de réintroduire les peines plancher pour leur offrir une meilleure protection, et ainsi ajouter au millefeuille législatif, que d’assurer une meilleure application des textes en vigueur.

Le groupe Démocrate ne votera pas pour le texte.

M. Roger Vicot (SOC). Proposition de loi pour lutter contre la récidive et pour une justice plus efficace, avez-vous dit, madame la rapporteure.

Premièrement, vous partez de certains postulats, notamment de l’idée que les peines plancher sont efficaces dans la lutte contre la récidive. Vous avez évoqué la conférence de consensus de 2013 sur la prévention de la récidive. Aujourd’hui, nous savons à peu près tout sur la récidive. La seule bibliographie fournie à l’issue de la conférence de consensus fait 140 pages et prouve, par le biais de multiples études internationales, que les peines plancher ne fonctionnent pas dans la lutte contre la récidive. Depuis lors, d’autres études ont complété cette bibliographie. Toutes vont dans le même sens.

Vous partez d’un autre postulat, qui est aussi un constat et figure dans l’exposé des motifs : l’une des causes de la récidive est la surpopulation carcérale. Vous avez parfaitement raison, mais votre proposition de loi, même si elle vise des cas précis, aura pour effet d’envoyer davantage de gens en prison. Votre texte contredit l’exposé des motifs.

Deuxièmement, même si la peine plancher n’est pas automatique, même si le juge peut y déroger, elle fait en sorte que le juge cesse d’être le seul à apprécier les conditions dans lesquelles le délit a été commis et la personnalité de l’individu. Elle contredit donc le principe d’individualisation des peines, qui est un élément fondamental de notre droit.

Par ailleurs, je suis surpris que vous teniez si peu compte de l’avis des premiers concernés que sont les professionnels de la justice. Vous proposez l’expérimentation de la présence des SPIP dans les juridictions. On expérimente beaucoup, dans ce gouvernement ; on expérimente la réforme de la police judiciaire, la vidéosurveillance et l’intelligence artificielle en prévision des Jeux olympiques et paralympiques, et on sait presque d’avance que les expérimentations entreront dans le droit commun. La notion même d’expérimentation est donc suspecte.

En outre, pourquoi ne pas écouter ce que disent les professionnels de cette proposition d’expérimentation ? « Il nous semble donc urgent de ne pas retenir un tel article, qui aura pour conséquence de mobiliser les SPIP sur l’intervention chronophage et coûteuse en ressources humaines, sans aucun lien avec leur mission initiale de milieu ouvert, ni aucune plus-value en termes de lutte contre la récidive », dit la CNDPIP. Prenez appui sur l’avis de ceux qui font et qui sont sur le terrain au lieu de présenter une proposition de loi allant totalement à l’encontre des intérêts des professionnels et de la prévention de la récidive qu’elle prétend servir !

S’agissant de la conférence de consensus, vous faites les choses à l’envers. La conférence de consensus sert à faire le point sur un sujet, à tirer des conclusions et à faire des propositions. Vous, au contraire, vous faites une proposition de loi avant de réunir une conférence de consensus pour faire le point. Tout cela est monté à l’envers.

Nous ne soutiendrons pas la proposition de loi.

M. Philippe Pradal (HOR). Il est alarmant que, en 2019, 40 % des personnes condamnées se soient trouvées en état de récidive ou de réitération. Malgré un constat partagé et une volonté transpartisane de lutter efficacement contre fléau, la récidive ne recule pas et alimente au sein de l’opinion publique un manque de confiance dans l’institution judiciaire, prenant source dans un sentiment d’inefficacité de la justice et d’impunité des délinquants.

Notre groupe a donc souhaité poser les principes d’une vision à la fois ferme et équilibrée. En nous interrogeant sur la manière de lutter efficacement contre la récidive, nous avons constaté un cruel manque de moyens humains et financiers. Depuis l’augmentation inédite de 40 % de son budget en 2017, le ministère de la justice est pleinement investi dans la prévention de la récidive, en particulier celle des détenus. La prise en charge différenciée selon les profils et les besoins des prisonniers, assurée par le programme immobilier pénitentiaire, se trouvera renforcée par l’ouverture prochaine d’établissements et de structures d’accompagnement vers la sortie. Cette politique ambitieuse reçoit le soutien plein et entier du groupe Horizons et apparentés.

Nous soutenons la réponse en quatre temps proposée par la rapporteure Moutchou, qui cherche à sanctionner, informer, accompagner et anticiper. Nous assumons pleinement qu’il faille faire preuve de fermeté à l’égard de ceux qui attaquent les symboles de notre République, commettent des délits et portent préjudice à l’ensemble du corps social, à savoir les auteurs récidivistes de violences commises sur les personnes dépositaires de l’autorité publique – magistrats, chauffeurs de bus, enseignants, personnels soignant et élus. À ce titre, il semble nécessaire d’instaurer une peine minimale à l’encontre de délits ciblés envers les symboles de la République, les institutions et les personnes consacrant leur vie professionnelle à l’intérêt général.

Il ne s’agit cependant pas d’un retour à une généralisation des peines plancher, puisque nous proposons un dispositif ciblé, proportionné et justifié par la nécessité de lutter avec toute notre énergie contre la récidive de violences à l’encontre de personnes exerçant une mission de service publique au sens large.

Cette fermeté ne saurait être conçue sans un accompagnement immédiat, appuyé et individualisé des personnes condamnées. À la suite de la recommandation du comité des États généraux de la Justice, nous proposons donc, à titre d’expérimentation, l’organisation de permanences de SPIP dans plusieurs juridictions. Une prise en charge immédiate à la sortie de l’audience participera sans nul doute d’un meilleur accompagnement des condamnés.

Puisque la lutte contre la récidive implique une réinsertion efficace, ce texte propose de rendre obligatoires les programmes de prise en charge dans le cadre de la libération sous contrainte. L’identification de programmes adaptés au profil du bénéficiaire reste à la discrétion des SPIP, dans le cadre de la personnalisation des peines qui est indispensable à l’efficacité de la sanction.

Comme le souligne Mme la rapporteure, mener avec justesse le combat contre la récidive implique l’appréhension de ses ressorts et des dispositifs mis en place, ce qui est l’objectif de la conférence de consensus sur la prévention et la récidive ici proposée, dix ans après celle qu’avait ouverte Mme Taubira. Elle permettra l’identification des principes fondamentaux de ce débat, ainsi que la valorisation de l’approche scientifique. Cette conférence, qui comptait parmi ses membres deux élus locaux, démontrant leur importance dans la chaîne pénale, nous a convaincus de la nécessité d’améliorer la fluidité du dialogue entre les parquets et les maires en systématisant l’information sur les suites judiciaires données aux infractions ayant causé un trouble à l’ordre public commises dans leur commune. Le maire étant l’élu qui se trouve au plus près des réalités du terrain et des victimes, son rôle doit être facilité, quelle que soit la taille de la commune.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). La lutte contre la récidive est primordiale, mais la dissuasion ne doit pas en être le principal instrument. Mes collègues ont rappelé nombre d’études prouvant que les peines plancher contribuaient à renforcer le phénomène de récidive. À l’étranger, l’étude de Thomas Gabor en 1987 et celle de Florence de Bruyn en 1997 confirment la contre-productivité de cette mesure, et en France l’étude de Sebastian Roché en 2007 va dans le même ce sens.

Vous distinguez les peines planchers des peines minimales, renvoyant à la logique du code pénal de 1810, lequel instaurait des minima et des maxima pour les condamnations, ce qui amenuisait le pouvoir du juge. Or, l’impératif pour la justice de répondre aux besoins d’individuation et de progressivité des peines implique de la doter de véritables outils pour limiter la récidive.

Le risque, en confondant communication et action, est de tomber dans une inaction condamnable qui nuit aux personnes que vous souhaitiez protéger. Ainsi votre proposition sert-elle tout juste à rappeler à votre base électorale votre constant positionnement à droite de l’échiquier politique – ce sur quoi je n’avais aucun doute. Néanmoins, cet hommage à l’erreur de Nicolas Sarkozy, qui a largement contribué à tuer la droite française, n’est pas la solution la plus raisonnable.

Je m’interroge donc sur le but de cette proposition de loi, puisque l’ensemble de la littérature scientifique insiste sur le fait que ces peines conduisent à l’aggravation de la récidive, au renforcement de la délinquance et à d’importants coûts pour l’État. Tout prouve, en dehors du dogme que vous soutenez, que cette proposition est dangereuse.

Dans l’exposé des motifs, vous mettez l’accent sur l’anticipation, mais celle-ci suppose plutôt de renforcer la police dans ses missions et la justice dans son action. Cela implique d’investir davantage dans l’investigation, mais aussi de renouer le lien entre les agents assermentés et la population, plutôt que de chercher à l’effrayer avec des peines alourdies – que personne, du reste, n’a jamais vraiment craintes. Entrer dans le système carcéral du XXIe siècle revient à mettre la police au service du public, en suivant l’exemple des pays européens qui n’incarcèrent pas massivement, mais où les chiffres de la récidive sont bien meilleurs que les nôtres.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). J’ai été choquée, et même attristée lorsque j’ai pris connaissance du titre de votre proposition de loi et de son premier article, d’autant que je ne m’attendais pas à ce que vous souteniez un texte s’attachant à lutter contre la récidive tout en prônant le retour aux peines plancher, dont on connaît la dureté et l’inefficacité. L’axe de votre proposition de loi ne sera pas de sanctionner, d’informer, d’accompagner et d’anticiper, mais de soutenir le populisme pénal, permettant à l’extrême droite de proposer des mesures à la fois sécuritaires et dangereuses, quoique inefficaces et accroissant même la récidive.

Votre proposition de loi comporte un angle mort important, celui des peines alternatives, dans un contexte où les sorties sèches représentent dans notre pays environ 80 % des sorties de prison et livrent les anciens détenus à eux-mêmes, sans ressources ni liens sociaux. Une systématisation des programmes de prise en charge des condamnés bénéficiant d’une libération sous contrainte est certes prévue, mais elle n’en précise aucunement les contours, bien que l’efficacité de la liberté conditionnelle dépende de son insertion au sein d’un parcours de retour progressif à la liberté amorcé lorsque le condamné est encore écroué.

Votre proposition de loi reste muette sur le manque criant de moyens humains et financiers dédiés à la justice pénitentiaire, et ce malgré le rapport d’octobre 2022 de la Commission européenne pour l’efficacité de la justice, lequel confirme que, à PIB comparable, la France fait partie des pays qui investissent le moins dans le système judiciaire. Vous abordez en outre la question des conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), qui ont avant tout besoin de moyens budgétaires, matériels et humains. En 2016, ils n’étaient que 2 300 pour suivre les 165 000 personnes en milieu ouvert et les 11 000 personnes sous bracelet électronique.

Veiller à l’efficacité du travail des CPIP implique une vigilance quant à leur recrutement – les juristes étant plus nombreux que les assistants sociaux parmi les reçus au concours – ainsi qu’un retour à l’essence de cette profession qui valoriserait leur expertise.

L’objectif poursuivi par l’article 2 se heurte d’autre part à une impossibilité technique, du moins au regard de cette sorte de course à l’inflation carcérale à laquelle nous devrions tourner le dos.

Votre proposition me semble dangereuse dans une période comme la nôtre ; aussi notre groupe s’y opposera-t-il.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Ce texte remet sur la table un sujet qui avait autrefois divisé notre assemblée et suscité l’opposition de presque tous les professionnels du droit. Nous saluons donc l’audace de la rapporteure, même si de nombreux membres de notre groupe ne partagent pas sa vision de la lutte contre la récidive. Bien que les peines plancher répondent à la volonté d’encadrer plus strictement le quantum des peines, elles impliquent d’une certaine manière une méfiance quant à la capacité de notre justice à individualiser les peines.

Notre groupe émet pour le moment plusieurs réserves. Tout d’abord, le rétablissement des peines plancher constituerait un bouleversement juridique. Il ne pourrait se faire sans consultation, et même approbation, des magistrats et des avocats, qui pour l’instant s’y opposent farouchement.

En outre, n’est-il pas surprenant de demander une évaluation de l’état de la récidive par une conférence de consensus tout en modifiant d’ores et déjà les règles ? Pourquoi n’attendons-nous pas les conclusions de ladite conférence pour légiférer s’il en est besoin ? En 2013, cette instance avait conclu à l’inefficacité et à l’inutilité des peines plancher. Nous partageons, à ce stade, cette position, puisque les chiffres publiés par le ministère de la justice pour la période allant de 2007 à 2014, pendant laquelle des peines planchers existaient, ne montrent pas de résultats probants en matière de récidive. Pour le délit de vol, par exemple, le taux de récidive légale est passé de 13,9 % en 2007 à 18,5 % en 2014 : sept ans après l’instauration de peines minimales, il avait ainsi progressé de près de 5 points.

Vous avez choisi d’instituer des peines minimales spécifiques pour les récidives de violences contre les dépositaires de l’autorité publique. Disposez-vous de statistiques qui montreraient que, pour ces faits, les juges prononcent des peines inférieures à un an d’emprisonnement ?

Nous n’avons pas d’objection de principe quant aux dispositions relatives aux SPIP et à la création de permanences au sein des tribunaux judiciaires. Toutefois, quels moyens avez-vous prévus pour faire fonctionner ces permanences ? À moyens constants, cette innovation ne constituerait en effet pour les SPIP qu’une contrainte supplémentaire, ce qui serait contre-productif.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. J’ai entendu quelques caricatures, mais je me réjouis au moins de constater que nous partageons tous le même objectif de lutte contre la récidive.

Madame Abadie, la direction des affaires criminelles et des grâces (DACG) elle-même a reconnu une erreur dans les statistiques publiées en 2022. La part des réitérants parmi les personnes condamnées est en réalité passée de 41,3 % en 2020 à 41,8 % en 2021, tandis que celle des récidivistes légaux, qui nous intéresse davantage, est passée de 14,5 % à 15,5 %. On constate donc bien une progression du phénomène de récidive.

Madame Taurinya, vous avez évoqué de nombreux sujets qui n’ont pas forcément de lien avec le texte. La surpopulation carcérale dans les maisons d’arrêt concerne essentiellement les détenus provisoires, et non les personnes condamnées. Je comprends que vous dénonciez cette densité de population en prison, mais votre groupe n’a pas voté les mesures proposées en matière de « bloc peines » ou de peines alternatives à l’emprisonnement. Vous vous plaignez de la lenteur de la justice, mais votre groupe n’a pas non plus voté l’augmentation inédite des crédits alloués au ministère de la justice. Nous n’avions pas vu une telle hausse depuis vingt-cinq ans ! Il fallait bien rattraper le retard lié au sous-investissement dans ce domaine depuis plusieurs décennies.

Je parlerai de manière un peu triviale. J’ai appris à vous connaître : en matière de sécurité, vous considérez que deux et deux font cinq. Que deux et deux fassent quatre vous dérange, parce que cela heurte vos convictions. La réalité vous blesse car elle va à l’encontre de ce que vous pensez. Quant à moi, j’assume de regarder les choses en face : l’idéologie en politique a ses limites et peut même être particulièrement dangereuse. Mon objectif n’est pas de m’inscrire dans une case ou dans une autre : je préfère être proche des faits et apporter aux problèmes des réponses efficaces. Je vous le redirai donc à chaque fois, madame Taurinya : deux et deux font quatre.

Monsieur Houssin, je considère votre procès en mollesse comme un bon indicateur du bien-fondé de ma proposition de loi. Mon objectif n’est pas de tomber dans les slogans : je l’ai dit, je ne ferai pas de populisme pénal. Vous nous accusez de ne rien faire pour combattre la réitération, mais notre texte vise à lutter contre la récidive. Du reste, vous n’avez pas déposé d’amendements portant sur la réitération.

M. Timothée Houssin (RN). Ils auraient été considérés comme des cavaliers.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je n’en sais rien, mais vous auriez au moins pu les déposer.

M. le président Sacha Houlié. Je confirme qu’ils auraient été cavaliers…

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. En tout état de cause, ce n’est pas l’objet du texte.

M. Timothée Houssin (RN). C’est bien ce que je vous reproche.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Pourquoi n’avez-vous pas saisi l’occasion de votre niche parlementaire pour aborder le sujet de la réitération ? Chacun ses choix politiques !

Monsieur Balanant, vous craignez que l’instauration de peines plancher remette en cause le principe d’individualisation des peines. Le Conseil constitutionnel a dit le contraire en 2007, en 2011 et en 2018, dès lors que le législateur prévoit certaines garanties : que ces peines planchers sanctionnent des infractions graves, que le juge puisse intervenir à titre dérogatoire et que le sursis soit toujours possible. C’est exactement ce que prévoit ce texte. Du reste, il ne s’agit pas de restaurer le dispositif de 2007 : je propose un dispositif infiniment moins étendu, qui se limite à une infraction. Ce n’est certainement pas cela qui va changer la donne !

Monsieur Vicot, le bilan que vous dénoncez porte sur le dispositif global des peines plancher, celui de 2007 – on avait alors lancé un filet très large, qui couvrait quasiment tous les crimes et délits du code pénal, soit plusieurs milliers d’infractions. Je le répète : je prévois, pour ma part, un dispositif beaucoup plus modeste, ciblé, calibré et fonctionnel. D’ailleurs, quand on regarde dans le détail ce qui n’a pas fonctionné dans le dispositif de 2007, on s’aperçoit que la mesure n’a pas été concluante pour les crimes, mais que les résultats sont plus mitigés s’agissant des délits.

Il est important que ce dispositif de sanctions aille de pair avec des mesures d’accompagnement. Je ne comprends pas les critiques selon lesquelles la peine ne serait pas individualisée. C’est faux, puisque le juge peut reprendre la main, s’il le souhaite, en fonction des circonstances. Mais surtout, des membres de votre groupe ont proposé, pas plus tard que la semaine dernière, lors de l’examen d’une proposition de loi de Mme Santiago, que l’on puisse imposer au juge une suspension de l’autorité parentale en cas de poursuite dans des dossiers de violences commises à l’encontre d’enfants. Je ne mets pas ces deux dispositifs sur le même plan, mais ils participent du même esprit puisqu’ils dépossèdent tous deux le juge de son office. Nous avons tous voté ici des peines complémentaires obligatoires. Mme Bergé et M. Houlié proposent même d’imposer le prononcé d’une peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité en cas de violences conjugales.

M. le président Sacha Houlié. Ce n’est pas du tout la même chose.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Si, monsieur le président, cela participe du même esprit. La critique consistant à considérer que notre proposition de loi n’est pas conforme à la Constitution et que le juge doit toujours avoir la possibilité de choisir n’est donc pas très cohérente. Les interdictions de territoire, de permis de conduire, de gestion et les inéligibilités obligatoires prononcées pour plusieurs années sont susceptibles de poser beaucoup de problèmes et de porter davantage préjudice aux personnes condamnées qu’une peine minimale d’un an d’emprisonnement, qui peut d’ailleurs être aménagée et à laquelle il est possible de déroger.

Les SPIP de Paris et du Val-d’Oise, que j’ai auditionnés, ne sont pas opposés par principe aux dispositions relatives aux dispositifs d’accompagnement ; ils s’interrogent en revanche sur leurs conditions d’application. Je les ai rassurés en leur expliquant qu’il ne s’agissait pas de revenir à ce qui se faisait il y a très longtemps, à l’époque où les SPIP n’existaient pas. J’en reparlerai lorsque nous examinerons un amendement que vous avez déposé à ce sujet et qui me semble intéressant.

Madame Regol, je n’ai pas voulu rendre hommage à qui que ce soit. Je respecte tous ceux qui ont été président de la République, et je ne veux pas engager un débat qui nous conduirait à comparer le bilan des uns et des autres. Je refuse d’être mise dans une case. Ce qui m’intéresse, c’est d’essayer de faire ce qui me paraît utile et efficace pour nos concitoyens.

Vous avez beaucoup insisté sur les études visant à dresser un bilan des peines plancher. Si l’on regarde les choses dans le détail, ce bilan est plus mitigé qu’il n’y paraît. Je ne parle pas des mesures mises en œuvre à l’étranger, qui ne sont pas comparables, mais des analyses menées sur le dispositif français. On ne peut nous reprocher un quelconque dogmatisme, puisque nous disons qu’il faut non seulement sanctionner mais aussi accompagner les personnes condamnées en vue de leur réinsertion.

Madame Faucillon, ne soyez pas triste pour moi : je vais très bien. En revanche, je suis triste – et j’espère que nous le sommes tous – pour toutes les victimes d’infractions, en particulier pour nos agents publics. Vous n’attendiez pas cela de moi : je ne sais pas très bien ce que cela veut dire. Est-ce parce que je suis avocate, ce qui ferait de moi une femme de gauche ? Est-ce parce que je porte le nom qui est le mien ? (Protestations parmi les députés des groupes LFI-NUPES et GDR-NUPES.) C’est ce que j’ai entendu dans les couloirs. Je trouve cela risible. J’espère que vous entendrez mes arguments de fond.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Ce n’est pas possible ! Je demande un droit de réponse !

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je n’ai pas dit que c’étaient vos propos, mais que j’avais entendu cela dans les couloirs.

S’agissant des moyens, je vous invite à soutenir les efforts considérables réalisés dans ce domaine – par le Gouvernement et la majorité, certes, mais il ne faut pas être sectaire. Vous devriez voter les budgets que nous présentons, puisque nous mettons plus d’argent sur la table afin de corriger un certain nombre de dysfonctionnements et de rendre la justice plus rapide et plus efficace.

Monsieur Acquaviva, la loi Taubira, qui a supprimé les peines planchers, n’a pas permis d’agir contre la récidive, ni de lutter contre la surpopulation carcérale.

Enfin, monsieur Boucard, monsieur Pradal, je vous remercie pour vos propos raisonnables et raisonnés.

M. le président Sacha Houlié. Les peines planchers ne sont pas comparables à la peine d’inéligibilité complémentaire issue de la loi de 2017 pour la confiance dans la vie politique, peine à laquelle le juge peut déroger. Ce n’est évidemment pas du tout la même chose.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Vous avez raison, madame la rapporteure, la suppression des peines plancher n’a pas entraîné une diminution significative de la récidive, ni des durées d’incarcération et des quantums de peine prononcés par les magistrats. Les peines plancher ont eu un effet cliquet et rendu difficile tout retour en arrière. Il conviendrait plutôt d’interdire par la loi le prononcé de peines de prison pour un certain nombre d’infractions et de ne maintenir que les peines de probation – c’est une piste qui permettrait de lutter à la fois contre la récidive et contre la surpopulation carcérale.

Selon les statistiques européennes, la France est l’un des derniers pays en matière de surpopulation carcérale ; elle se situe dans le milieu du classement s’agissant du taux d’incarcération par habitant, mais l’Allemagne et les Pays-Bas affichent un taux deux fois inférieur, et les pays du Nord un taux presque trois fois inférieur, sans être pour autant à feu et à sang. Nous détenons aussi le triste record du plus fort taux de suicide des personnes incarcérées. Je vous invite donc à réfléchir avant d’alourdir les quantums de peine.

Certes, la mesure que vous proposez s’applique à un périmètre restreint, mais elle s’inscrit dans la course à l’échalote à laquelle se livre la majorité en voulant sans cesse alourdir les peines d’emprisonnement et supprimer les réductions de peine susceptibles d’être prononcées pour tel ou tel type d’infractions, notamment à l’encontre de personnes dépositaires de l’autorité publique. Il ne faut toucher au droit pénal que d’une main tremblante. Il convient plutôt de plancher sur des mécanismes de régulation carcérale, par exemple.

Je reviendrai sur les SPIP, car c’est une mauvaise idée que de les faire intervenir à la sortie du tribunal.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je reviendrai de manière un peu plus détaillée sur le bilan de l’application de ces fameuses peines plancher lors de l’examen des amendements. Je continue de dire que le dispositif que je propose n’est pas comparable à celui de 2007 : il ne s’inscrit pas dans le même esprit et ne concerne pas le même volume d’infractions. En revanche, j’assume de dire que certains délits doivent être sanctionnés.

Je vous rejoins s’agissant des peines de probation. Je ne suis d’ailleurs pas défavorable à un système de régulation qui réglerait le problème de la surpopulation carcérale. À ce sujet, j’attends les conclusions de la mission d’information menée par Mmes Faucillon et Abadie.

M. François Jolivet (HOR). Je soutiens cette proposition de loi. Je n’ai pas beaucoup entendu parler des victimes, à savoir des agents chargés d’une mission de service public – le gardien de HLM, l’assistante présente à l’accueil de la caisse d’allocations familiales (CAF), l’agent chargé du relevé des compteurs d’eau, le maire lui-même, son adjoint, ou encore la secrétaire de mairie – souvent agressés par les mêmes personnes. J’observe d’ailleurs que les statistiques produites par le ministère de la justice n’individualisent pas les actes de violence commis contre des personnes détentrices d’une autorité publique. J’invite donc les membres de la commission des Lois à faire en sorte que les agents chargés d’une mission de service public, ces garants du fonctionnement de nos institutions aujourd’hui si contestées, soient bien protégés, ou à tout le moins qu’ils aient le sentiment que nous les protégeons et que nous nous occupons d’eux.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Madame la rapporteure, les propos que vous avez tenus à l’encontre de ma collègue Elsa Faucillon ne sont pas acceptables dans notre commission.

Vous avez répondu à ma collègue Andrée Taurinya que nous, les Insoumis, disions que deux et deux font cinq. Vous avez ainsi fait référence au livre 1984, de George Orwell : « La liberté, c’est la liberté de dire que deux et deux font quatre » même quand le parti veut nous faire croire autre chose. Or beaucoup de gens voient dans le macronisme un mouvement qui nous fait avancer vers une forme d’État qui ressemble de plus en plus à celui de 1984. Ce dernier cherche à faire admettre au héros du roman que deux et deux peuvent faire cinq, ou trois, ou n’importe quel résultat tant que le pouvoir politique a décidé qu’il fallait que deux et deux ne fassent pas quatre. Nous ne cessons de constater que vous refusez toute critique, toute contestation, et que tout discours ne correspondant pas à la vérité officielle du parti est pour vous impossible à entendre. Plus nous avançons, plus nous avons l’impression d’être avec vous, les macronistes, dans le monde de 1984.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. C’est vraiment mal me connaître ! Depuis plus de cinq ans, dans cette assemblée, je fais partie des députés ouverts à la critique et capables de changer d’avis quand ils sont convaincus par l’opinion des autres. Tout ce qui est excessif est insignifiant. Je n’ai pas peur de confronter mes convictions et mes idées à la réalité – c’est une différence entre vous et moi.

Avant l’article 1er

Amendements CL16, CL19, CL20, CL21, CL23 et CL24 de M. Yoann Gillet.

M. Yoann Gillet (RN). Les Français expriment à juste titre leur ras-le-bol et leur exaspération face à l’incapacité des gouvernements successifs à enrayer l’insécurité, un phénomène connu de tous, mais nié par des élus déconnectés de la population – nos collègues d’extrême gauche ici présents en sont le parfait exemple.

L’un des facteurs favorisant et amplifiant l’insécurité dans notre pays est la récidive. Selon les statistiques officielles communiquées par le ministère de la justice, 41,7 % des individus condamnés en 2021 sont des récidivistes ou des réitérants. Pour y remédier efficacement, la solution la plus pertinente est de sanctionner plus fermement la récidive. Les amendements que nous proposons aujourd’hui visent donc à renforcer les mesures pénales prévues. Nous devons aller plus loin : il faut plus de fermeté, plus d’efficacité. C’est ce que réclament les Français, que nous représentons. Notre code pénal a besoin d’être modifié. En durcissant les sanctions prévues contre les récidivistes, nous lutterons plus efficacement contre la délinquance et la criminalité. Les Français n’en peuvent plus de l’insécurité qui gangrène notre pays, et l’Assemblée nationale doit agir rapidement pour répondre à la détresse de nos concitoyens.

Vous l’aurez compris : si l’objectif affiché de la présente proposition de loi est salutaire, ses dispositions sont nettement insuffisantes. En tant qu’opposition ferme et constructive, les députés du Rassemblement national donnent à notre assemblée l’opportunité d’agir pour améliorer le quotidien des Français et ainsi répondre à leurs attentes.

Vous me permettrez, madame la rapporteure, de vous apporter mon soutien devant les propos entendus ici et là à votre égard. Ils sont effectivement déplacés, hors de propos.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis défavorable. Je ne souhaite pas revenir sur les équilibres de la récidive – le problème n’est pas là. Je préférerais au contraire que nous nous concentrions sur les dispositions du texte.

Vos amendements ne permettent pas d’instaurer un système équilibré. J’observe par exemple dans votre amendement CL16 une incohérence totale avec le reste de l’article 132‑9 du code pénal et avec vos autres amendements. Cohabiteraient en effet une récidive constituée si un délit, quel qu’il soit, était commis dans les dix ans, et une autre récidive exigeant qu’un délit puni d’une peine minimale soit commis dans les cinq ans. Comment savoir quelle hypothèse prendre en compte ? La première serait incompatible avec la seconde ! Je rappelle que le dispositif de récidive légale pour tous les délits est prévu à l’article 132-10 du code pénal, sans seuil de peine, sous réserve que la seconde infraction soit un délit identique ou assimilé.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je viens de vous envoyer par mail un document produit par des scientifiques ayant compilé 116 études sur la question de la récidive et, plus précisément, sur la corrélation entre l’échelle des peines et l’évolution du taux de récidive. Pour résumer, les peines plancher, cela ne marche pas, c’est contre-productif et cela ne fait qu’allonger la durée d’incarcération. D’ailleurs, tous les autres pays européens font le contraire ! Je ne dirai pas que cette disposition est idéologique, car j’aime les idées, mais plutôt qu’elle est dogmatique, ou bornée.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Les députés de mon groupe voteront évidemment contre ces amendements qui vont dans le sens de l’inflation pénale, à rebours des chiffres mis en avant par les sciences humaines. Empreints d’idéologie, ils s’inscrivent dans votre logique sécuritaire et xénophobe.

Madame la rapporteure, mon propos s’appuyait uniquement sur ma connaissance politique de votre personne, puisque nous étions toutes les deux députées lors de la précédente législature. Je constate en revanche que ce n’est pas moi, mais vous qui êtes ici soutenue par le Rassemblement national.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements CL26 de M. Yoann Gillet et CL45 de M. Ian Boucard (discussion commune).

M. Ian Boucard (LR). L’amendement CL45 vise à restaurer les peines plancher créées en 2007 par Nicolas Sarkozy et Rachida Dati. Alors que nous sommes unanimes à souligner leur utilité et leurs effets positifs, je regrette qu’elles aient été supprimées par dogmatisme par le gouvernement socialiste nommé par M. Hollande. Beaucoup de choses ont été dites sur l’explosion de la délinquance dans notre pays et le laxisme judiciaire ressenti par nos concitoyens : il convient donc de rétablir un dispositif réclamé par nombre d’entre eux. Un alinéa permet évidemment au juge de déroger à ces peines plancher si les circonstances l’exigent.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je ne souhaite pas rétablir les peines plancher de 2007. Globalement, ce système n’a pas fonctionné, bien que les études dressent un bilan plus nuancé concernant les délits.

En matière criminelle, les peines plancher n’ont eu aucun effet réel : comme l’a relevé notre ancien collègue Dominique Raimbourg, ces planchers étaient plus bas que les peines prononcées par les cours d’assises. Rétablir un dispositif dont l’échec paraît manifeste ne me semble donc pas très judicieux.

S’agissant des délits, en revanche, l’effet des peines plancher est un peu différent. La durée moyenne des peines correctionnelles prononcées en présence d’un état de récidive est passée de neuf mois pour la période 2004-2006 à quinze mois pour la période 2008-2010, soit une hausse de 73 %. Quant au taux de peines minimales prononcées, il a également connu une augmentation significative, passant de 8,4 % en 2004 à 40,7 % en 2010. Si Dominique Raimbourg relevait une hausse du taux de personnes condamnées en état de récidive légale entre 2008 et 2010 en matière délictuelle, on a observé une baisse de ce taux entre 2011 et 2012, puis une stabilisation jusqu’en 2014, avant un nouvel accroissement à compter de 2015, la première année suivant l’abrogation des peines plancher. Depuis lors, la hausse a été continue et le taux de condamnation en état de récidive a même atteint 15,5 % en 2021. Je vous invite à regarder les graphiques présentés à la page 10 du document faisant état de l’avancement de mes travaux.

L’amendement CL26 ne rétablit que partiellement le dispositif voté en 2007, puisqu’il ne prévoit pas la possibilité, pour le juge, de déroger aux planchers en fonction des circonstances. Or, cette faculté est l’un des éléments – sans doute même l’élément clé – qui a permis au dispositif de 2007 d’être jugé conforme à la Constitution.

Encore une fois, le dispositif proposé à l’article 1er me paraît mieux calibré. Le champ des infractions est ciblé, cohérent, et permet d’améliorer la protection des policiers, des gendarmes, des magistrats, des élus, des enseignants, des médecins… Par ailleurs, la peine minimale d’un an que nous prévoyons est proportionnée, suffisamment dissuasive – le dispositif sera bien utile et effectif, la durée moyenne des peines prononcées pour les infractions ciblées étant de huit mois – sans pour autant être excessive afin de ne pas priver d’effet le dispositif et de ne pas forcer la main du juge, que nous préférons accompagner.

M. Timothée Houssin (RN). Je regrette, madame la rapporteure, que vous n’approuviez pas ces amendements, qui permettraient de mieux concrétiser le titre de votre loi en évitant de restreindre le champ de la lutte contre la récidive. Ils visent en effet à limiter le recours à l’aménagement de peine et à fixer des seuils stricts de privation de liberté pour les crimes commis en état de récidive légale, quelles que soient les victimes de ces crimes.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). N’oublions pas ce qui a été fait en 2007 et les années suivantes, lorsque Rachida Dati était ministre de la justice. Aujourd’hui, le président Sarkozy pourrait vous recommander de ne pas refaire les mêmes bêtises que lui.

M. Ian Boucard (LR). Merci, madame la rapporteure, d’avoir cité des chiffres expliquant pourquoi l’extrême gauche est opposée aux peines plancher, dont le principe est précisément une aggravation des peines. La droite républicaine assume sa volonté d’avoir une justice moins laxiste : nous avons là une différence idéologique – qui s’exprime aussi, du reste, entre les groupes de la majorité relative de l’Assemblée nationale.

Monsieur le président de la commission des Lois, le dispositif permettant au juge de ne pas automatiser l’inéligibilité qui figure dans votre proposition de loi est quasiment identique à celui qu’a proposé Mme la rapporteure – et je tiens à la soutenir sur ce point.

Le seul problème que pourrait poser l’instauration de peines plancher tient au fait que le Gouvernement n’a pas tenu ses promesses de création de places de prison. De fait, l’allongement des peines de prison et l’application de peines plus sévères se traduiront par une augmentation du nombre de détenus. Le Gouvernement nous a promis 15 000 places de prison et le ministre de la justice a réitéré plusieurs fois cette promesse devant les députés mais, au bout de six ans, 2 000 places seulement ont été construites : il en manque donc 13 000.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Boucard, je le répéterai autant de fois qu’il le faudra, une peine complémentaire à une peine principale n’est pas la même chose qu’une peine minimale en cas de récidive légale reconnue par le juge, ce sont deux choses différentes.

La commission rejette successivement les amendements CL26 et CL45.

Article 1er (art. 132-19-1 du code pénal) : Peine minimale pour les violences commises en état de récidive légale visant les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public

Amendements de suppression CL11 de Mme Sandra Regol, CL12 de M. Roger Vicot, CL37 de Mme Elsa Faucillon et CL51 Mme Andrée Taurinya.

Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). L’amendement CL11 vise à la suppression des peines plancher instaurées par Nicolas Sarkozy. Nous n’aurons jamais autant parlé, dans notre commission, de Nicolas Sarkozy et de Rachida Dati – je souligne toutefois que cette dernière s’est faite toute seule, sans les privilèges hérités de M. Sarkozy, ce qui lui vaut de ma part plus d’intérêt et un sentiment de sororité. Si je comprends bien, le pitch est aujourd’hui le suivant : « Si tu reviens, j’annule tout. »

La justification du texte repose sur l’idée qu’une répression plus stricte de la récidive serait dissuasive, idée que nous avons combattue, étude contre étude, en nous fondant sur l’ensemble de la littérature scientifique, qui la dément, et montre même que cette répression ne fait qu’aggraver la récidive. Sans fondement scientifique, votre position relève de la croyance. Pour le groupe Écologiste-NUPES, votre mea culpa et l’étude réalisée sur les erreurs de Sarkozy et Dati visent surtout à masquer une absence de réelle politique publique de prévention et de réflexion globale sur une réforme du système pénal, pourtant de plus en plus nécessaire, et à taire les demandes de moyens qui s’expriment. Il faut donc supprimer l’article 1er, qui est contre-productif et dangereux.

M. Roger Vicot (SOC). Il s’agit là d’une question de principe, qui porte sur l’intérêt, l’efficacité, la légitimité et la pertinence des peines plancher. Pour de nombreuses raisons, fondées notamment sur des arguments scientifiques, l’amendement CL12 tend à la suppression de l’article 1er.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Nous étions déjà opposés pour des raisons idéologiques aux peines plancher lorsqu’elles ont été instaurées, mais nous constatons depuis lors qu’elles ne permettent pas d’atteindre l’objectif que vous affichez dans le titre de votre proposition de loi. Nous ne trouvons pas de littérature prouvant l’efficacité des peines plancher contre la récidive – nous trouvons même plutôt l’inverse. C’est la raison pour laquelle nous demandons, avec l’amendement CL37, la suppression de l’article 1er.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). La littérature scientifique indique – comme vous l’avez du reste fait vous-même, madame la rapporteure, dans différents rapports – que les peines plancher n’ont pas eu d’impact en matière criminelle, mais en matière délictuelle, en accroissant la durée des peines prononcées. Depuis lors, il n’y a pas vraiment eu de retour en arrière, sinon durant une brève phase où il a été suggéré, avec une intention politique affichée, de prononcer des peines moins lourdes, après quoi le naturel est revenu au galop, avec même une tendance à la hausse.

Or les seuls outils qui permettent réellement de prévenir la récidive sont les peines alternatives à l’incarcération, les peines de probation, en particulier lorsqu’elles sont autonomes. Ainsi, la contrainte pénale instaurée par Christiane Taubira pour les multirécidivistes, qui avait pour objet de prendre en charge ces derniers à l’extérieur au lieu de les incarcérer, a produit de très bons résultats, mais a concerné une trop petite partie de son public cible.

On en revient ainsi à la question des moyens : quand on consacre des moyens suffisants aux alternatives à la détention, les résultats sont visibles en termes de prévention de la récidive. Il faut en effet toujours s’interroger sur les causes du passage à l’acte. De fait, une vision mécaniste telle que celle qui préside à votre proposition de peines plancher conduirait à recommander que toutes les personnes détenues trouvent une compagne ou un compagnon, puisque c’est là le principal facteur de désistance ! Ce n’est sans doute pas votre proposition, mais il y a du travail à faire en la matière.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Gardons-nous des idées reçues. D’abord, l’article 1er ne rétablit pas les peines plancher – vous comparez des choux et des carottes ! Je le répète : les peines plancher prévues par les mesures Dati et Sarkozy en 2007 concernaient quasiment tous les crimes et délits du code pénal, avec des planchers élevés qui s’échelonnaient de un à quinze ans. L’article 1er, quant à lui, prévoit une peine minimale d’une année, sans échelon : ce n’est pas comparable. Il vise en outre des infractions précises : les violences volontaires et délictuelles commises contre les dépositaires de l’autorité publique et les personnes chargées d’une mission de service public. Il a été choisi de viser les atteintes à la société, à la République et à notre vie en commun, et de leur affecter une peine minimale. C’est une réflexion tout à fait différente.

Ce dispositif n’a rien à voir avec les conclusions de la conférence de consensus de 2013, qui analysait les peines plancher dans leur globalité et dans leur volume. Du reste, cette conférence a abouti à l’abrogation des peines planchers en 2014 et le taux de condamnations en situation de récidive a significativement augmenté à partir de 2015.

Voilà donc les deux jambes sur lesquelles repose cette proposition de loi : dissuasion et sanction ciblée d’une part, accompagnement et prise en charge de l’autre.

Le principe d’une peine minimale d’un an me paraît tout à fait proportionné avec l’individualisation des peines.

On peut, certes, pour des raisons philosophiques, refuser d’introduire dans le droit des peines minimales au motif qu’on dépossède ainsi le magistrat. Cependant, personne n’a proposé de supprimer le plancher criminel qui existe depuis 1994 et auquel le juge ne peut déroger. Cette mesure est en quelque sorte entrée dans les mœurs. Les peines complémentaires obligatoires participent du même esprit. Il ne s’agit pas, cependant, d’interdire au juge d’intervenir : il peut toujours le faire.

Du reste, ce dispositif ne concernera que quelques dossiers. Il ne s’agit pas de bouleverser la politique pénale, et je n’en aurais d’ailleurs pas les moyens, mais les quelques infractions visées sont essentielles. Il n’est pas normal de s’en prendre une deuxième fois à un policier, à un enseignant, à un chauffeur de bus, à un agent de l’administration pénitentiaire ou à une personne travaillant dans une école. Nous répondons à ces situations par un dispositif de sanctions, que nous assumons, et par des dispositifs d’accompagnement dont je note qu’ils ne suscitent guère de commentaires de votre part.

M. Erwan Balanant (Dem). Comme vous l’avez compris, nous sommes opposés à ces peines plancher et au texte que vous proposez. Le sujet est néanmoins important, car la récidive est une triple peine : une peine pour la société, qui constate son échec à réinsérer un individu, une nouvelle peine pour les victimes, anciennes et nouvelles, et une peine supplémentaire pour l’auteur, qui tombe dans la spirale de la délinquance.

Si nous ne parvenons pas à régler la question de la récidive – laquelle, d’ailleurs, est en augmentation –, c’est aussi parce que notre réponse pénale est de plus en plus forte et efficace, ce qui doit nous inquiéter. Il importe que nous puissions avoir un débat serein sur cette question et notre groupe votera donc, malgré notre opposition au texte, contre les amendements de suppression.

M. Timothée Houssin (RN). Nous n’allons, bien entendu, pas voter la suppression de l’article 1er, car cela reviendrait pratiquement à supprimer la proposition de loi, dont il renferme l’essentiel. Nous verrons, d’ailleurs, ce que voteront certains macronistes car, dans la discussion générale, le groupe Renaissance laissait entendre qu’il n’était pas favorable à cet article.

Alors que, voilà quelques semaines, notre commission adoptait à l’unanimité des textes consacrés à la protection de nos élus, il serait contradictoire de refuser aujourd’hui d’appliquer des peines minimales en cas de récidive de faits de violence commis sur des personnes détentrices de l’autorité publique.

En outre, la suppression de l’article 1er contribuerait potentiellement à une culture de l’excuse, à une individualisation outrancière des peines qui placerait certaines personnes au-dessus des lois. Mme Taurinya nous objectait tout à l’heure qu’un délinquant ne se promène pas avec la loi sous le bras pour savoir si, en fonction de l’évolution des dispositions applicables, il va commettre un crime ou un délit ; mais des délinquants ou futurs délinquants savent, par le biais de leur entourage ou des médias, que certains récidivistes n’ont pas été fortement punis. Le refus de sanctionner fortement la récidive contribue ainsi au sentiment d’impunité, qui nourrit à son tour la délinquance.

Mme Caroline Abadie (RE). Face au sentiment d’insécurité qui a été évoqué, il nous revient d’objectiver aujourd’hui le travail de la justice. Le terme de « laxisme » a été employé lors de l’examen des amendements précédents, mais il est de notre responsabilité de rappeler que 2 400 condamnations ont été prononcées en 2002, contre 350 000 en 2021, à quoi s’ajoutent 50 000 comparutions immédiates. Rappelons aussi que la durée moyenne d’une peine d’emprisonnement était de 5,8 mois en 1982, contre 10,7 mois en 2021. On ne peut pas donc taxer notre justice de laxisme – ni en 2017, ni avant, ni après, à en juger par la courbe ascendante des peines.

Notre groupe est, il est vrai, partagé pour ce qui concerne ces amendements de suppression. Dans la discussion générale, nous avons fait part de notre intention de voter contre l’article 1er, compte tenu du bilan que nous faisons des peines plancher. Cependant, par respect du travail de la rapporteure, que nous créditons d’une réelle volonté de débattre hors de toute idéologie, nous recommandons l’abstention sur ces amendements.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 1er est supprimé et les autres amendements tombent.

Après l’article 1er

Amendement CL61 de M. Christophe Naegelen.

M. Jean-Félix Acquaviva (LIOT). Face à la hausse du nombre d’agressions contre les élus, il est devenu nécessaire de prévoir un quantum de peine équivalent à celui prévu pour d’autres titulaires de l’autorité publique. Cet amendement, qui reprend en partie la rédaction de l’article 15 de la loi du 24 janvier 2023 d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur, ou Lopmi, issue de la navette parlementaire, tend à rétablir ces dispositions afin d’assurer une répression plus stricte des violences à l’encontre des élus.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL83 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Cet amendement tend à introduire une peine minimale de prison ferme d’un an pour les violences commises à l’égard de ceux qui nous protègent et de ceux qui servent notre pays. Les hommes et femmes qui composent nos forces de sécurité publique sont confrontés chaque jour à l’ensauvagement de notre société. Durant sa carrière, pas un seul gendarme ou policier n’a été exonéré de violences verbales ou physiques. Ce sont aussi nos pompiers, médecins, soignants et enseignants, pourtant chargés d’une mission noble, qui sont trop régulièrement la cible de cette violence décomplexée. Il faut maintenant accompagner d’actes forts les beaux discours et, enfin, protéger ceux qui nous protègent.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis défavorable. D’abord, cet amendement vise aussi bien les récidivistes que les primodélinquants, pour lesquels je ne souhaite pas instaurer de peines minimales. La tentative qui en a été faite en 2011 n’a pas fonctionné, il faut le dire sans aucune ambiguïté. Par ailleurs, vous excluez toute dérogation possible et prévoyez même le mandat de dépôt, ce qui ne laisse aucune possibilité de prononcer une autre peine qu’un an d’emprisonnement ; c’est manifestement contraire au principe d’individualisation des peines. Enfin, vous visez toutes les violences, y compris criminelles. Or, en matière criminelle, les peines planchers n’ont absolument pas eu d’effet.

M. Ian Boucard (LR). La question posée est intéressante. En effet nous ne parvenons pas à apporter de réponse face à la recrudescence des violences visant les forces de l’ordre, qu’il s’agisse des policiers, des gendarmes ou des gardiens de prison. Nous avons aggravé les peines et je regrette, à cet égard, que l’article 1er, qui proposait une solution intéressante, ait été rejeté avant même que nous ayons pu en discuter. Il y a là une contradiction : alors que la majorité prétend défendre les forces de l’ordre, nous ne pouvons même pas discuter de la proposition de loi.

Si nous voulons protéger efficacement nos policiers et nos gendarmes, ceux qui veulent les agresser doivent savoir que ces actes sont lourdement condamnés. À titre personnel, je voterai donc en faveur de cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Article 2 (art. L. 132-3 du code de la sécurité intérieure) : Renforcement de l’information des maires en matière de lutte contre la délinquance

Amendements de suppression CL52 de Mme Andrée Taurinya et CL76 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous ne comprenons pas l’intérêt de ce transfert systématique aux maires des décisions judiciaires, qui existe d’ailleurs déjà depuis la loi relative au séparatisme, qui le rend systématique sur demande du maire. Faire des listes et des fichiers peut être nocif.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). Le lien entre cette transmission et la récidive est, tout d’abord, assez difficile à percevoir. En deuxième lieu, la mesure me semble inapplicable avec les moyens dont disposent les parquets. En troisième lieu, nous craignons pour le secret de l’instruction – et les quelques cabinets de mairie que j’ai pu consulter m’ont confirmé ces doutes.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Le dispositif proposé ne devrait pas susciter de nouvelles inquiétudes s’agissant de fiches, de listes ou d’une violation du secret de l’instruction, car le maire peut déjà demander les informations visées.

Les élus locaux sont au cœur de la sécurité publique dans leur territoire, et participent à la lutte contre la récidive – ils le disent et l’assument eux-mêmes. Cette disposition, sur laquelle nous avions travaillé à l’époque avec M. Philippe Gosselin, trouve toute sa place ici.

La lutte contre la récidive doit être globale si nous voulons qu’elle produise des résultats. Dans un tel dispositif, les maires ont leur place et il faut les accompagner. Il n’est donc pas déraisonnable de passer d’une information sur demande à une information systématique. Les maires ne sont pas toujours informés de ce qui se passe chez eux, ce qui est très dérangeant et ne contribue pas à améliorer la prévention de la récidive. Avis défavorable.

M. Philippe Pradal (HOR). Cette mesure me paraît très utile. En tant qu’ancien élu local et ancien maire, je sais toute l’importance du rôle des maires pour la détection de certains signaux faibles. Ceux qui ont eu la chance de mettre en œuvre des stratégies territoriales de prévention de la délinquance ou des conseils locaux de sécurité et de prévention de la délinquance (CLSPD) puissants savent que c’est en mettant en commun les moyens de l’éducation nationale, de la justice et de la police, les pouvoirs de police du maire et, plus généralement, les pouvoirs dont disposent ces derniers, en particulier en matière d’action sociale, que l’on parvient à assurer le plus efficacement un accompagnement propre à prévenir la récidive.

Il ne s’agit nullement de permettre aux maires de créer des fichiers. Un maire tordu pourrait, compte tenu des demandes qu’il est déjà en droit d’adresser au parquet, obtenir de telles informations, mais les maires ne sont pas tordus et les parquets, avec raison, résisteraient.

L’idée est que le flux soit systématique et qu’il soit traité, afin de faire émerger des processus et des suivis individuels propres à permettre l’apaisement – car les maires ont souvent pour obsession d’assurer la paix dans leur commune. La communication systématique de cette information sera un élément supplémentaire dans la boîte à outils dont disposent les maires, au plus près du terrain et des victimes, et donc au plus près de la prévention de la récidive.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques CL92 de Mme Naïma Moutchou, CL17 de M. Yoann Gillet et CL68 de M. Timothée Houssin.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. L’amendement CL92 tend à renforcer l’information des élus locaux, ce qui améliorera leur action dans le domaine de la sécurité publique et resserrera les liens entre le parquet et les élus, chose que nous cherchons à faire depuis plusieurs années au sein de la commission des Lois et qui se situe, du reste, dans la droite ligne des préconisations et des circulaires de M. le garde des Sceaux. Il s’agit de rendre systématique l’information des maires sur les suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents municipaux – agents de police municipale et gardes champêtres. Cette proposition est, elle aussi, issue du rapport Gosselin-Moutchou.

M. Timothée Houssin (RN). Les amendements CL17 et CL68, identiques au précédent, visent à étendre le caractère systématique de l’information des maires aux suites judiciaires données aux infractions constatées par les agents de police municipales et les gardes champêtres. Je remercie Mme la rapporteure d’avoir repris cette disposition.

La commission rejette les amendements identiques.

Puis, elle rejette l’article 2.

Article 3 : Expérimentation des permanences de services pénitentiaires d’insertion et de probation (SPIP) au sein des tribunaux judiciaires

Amendements de suppression CL32 de Mme Angélique Ranc, CL38 de Mme Elsa Faucillon, CL88 de M. Romain Baubry et CL13 de M. Roger Vicot.

M. Romain Baubry (RN). Si la proposition de loi démontre une véritable utilité en prenant en compte la nécessité de faire évoluer le cadre législatif en matière de récidive, l’article 3 doit toutefois être supprimé, car il n’apporte pas de moyens concrets ou de procédures novatrices pour l’action des agents des services d’insertion pénitentiaire.

Les délais de prise en charge des individus condamnés sont déjà relativement courts : le condamné est convoqué sous quarante-cinq jours devant les agents du service, tandis qu’un détenu ayant droit à une sortie sous sursis probatoire se retrouve devant un agent entre huit jours et un mois après sa sortie. Surtout, ce dispositif expérimental imposera le transfert d’agents de SPIP d’autres départements dans ces départements-tests, puisque le Gouvernement ne pourra pas créer d’ici là les postes nécessaires pour tenir ces permanences : cela nous a notamment été expliqué lors de la table ronde que nous avons tenue avec les représentants des SPIP, qui ne voyaient pas d’un bon œil ce dispositif.

Mme Elsa Faucillon (GDR-NUPES). L’amendement CL38 vise également à la suppression de l’article 3, qui n’ajoute pas de plus-value à l’existant et passe à côté des revendications en termes de moyens humains et financiers exprimées par de nombreux travailleurs des SPIP, dont la CGT insertion probation. L’installation des SPIP dans les tribunaux judiciaires méconnaît également le cœur de métier de ces services.

M. Roger Vicot (SOC). Pour les mêmes raisons que celles que vient d’exposer Mme Faucillon, l’amendement CL13 vise lui aussi à supprimer l’article 3. Appuyons-nous, comme je l’ai dit dans la discussion générale, sur l’avis des professionnels présents sur le terrain, qui expliquent que la mesure serait à la fois inefficace, chronophage, coûteuse et sans lien avec les missions initiales des SPIP.

Mme Gisèle Lelouis (RN). L’article 3 institue des permanences de SPIP au sein des tribunaux judiciaires, afin de garantir la prise en charge immédiate des condamnés à l’issue de l’audience.

Cette mesure va pousser les juges correctionnels à opter pour d’autres peines que l’emprisonnement. La prise en charge immédiate des condamnés à l’issue de l’audience nécessitera la réquisition de personnel de nuit, puisque les audiences pénales finissent souvent tard ; il faudra aussi de nouveaux locaux et du matériel pour les SPIP. Cette mesure sera donc coûteuse. Par ailleurs, la présence du justiciable n’est pas obligatoire au moment du prononcé de la peine et, s’il comparaît libre, il peut quitter les lieux avant la décision finale : dès lors, on voit mal l’utilité du dispositif.

Le Syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaire (Snepap) estime qu’il est inopportun et contre-productif de réexpliquer au condamné la mesure de justice dont il fait l’objet. Le président de la conférence nationale des directeurs pénitentiaires d’insertion et de probation nous informe également que le délai actuel est utile, puisqu’il permet à la juridiction de transmettre toutes les pièces nécessaires au SPIP et de vérifier, après quelques jours, que la personne condamnée a bien compris sa peine.

Les textes de 2011, renforcés par la loi de programmation et de réforme pour la justice de 2019, ont déjà permis de réduire le délai de prise en charge par les SPIP, en prévoyant la transmission directe des mesures au SPIP par le bureau de l’exécution des peines (BEX) et la convocation devant le SPIP des sortants de détention ayant un sursis probatoire.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Pour moi, la présence des SPIP en juridiction est une vraie plus-value dans la lutte contre la récidive.

Je rappelle qu’il existait autrefois des services d’insertion en milieu ouvert dans les juridictions : c’étaient les comités de probation et d’assistance aux libérés (CPAL). Ils ont disparu avec la création des SPIP, pour des raisons d’organisation hiérarchique et à cause d’une insuffisante prise en compte de l’échelon départemental en matière d’aide sociale. Avec cette proposition de loi, nous éviterons ces écueils.

Cette mesure ne sort pas du chapeau, elle n’a pas été élaborée en catimini dans le dos des SPIP : recommandée par le groupe de travail sur la récidive des États généraux de la Justice, elle est le fruit de mois de travaux et d’échanges.

Il s’agit d’abord de garantir une prise en charge immédiate des condamnés, dans leur intérêt et dans celui de la société. Il s’agit ensuite de renforcer les liens entre les SPIP et les juges – aussi bien les juges correctionnels que les juges de l’application des peines (JAP) – et de fluidifier l’information : les personnes condamnées comprendront mieux le parcours pénal, ainsi que le sens de la peine et de la sanction.

Je l’ai dit, on évitera les écueils du passé. Il n’y aura pas de double tutelle ; les SPIP conserveront leur identité et leurs spécificités. L’audition des SPIP de Paris et du Val-d’Oise m’a confirmé l’intérêt de cette expérimentation. On évitera que de trop nombreuses personnes n’honorent pas leur premier rendez-vous, ce qui retarde toute la chaîne pénale, et qu’un délai trop long, nuisible au condamné et à son état, ne s’écoule jusqu’à l’audience. Si vous voulez améliorer l’accompagnement des condamnés et favoriser leur réinsertion, alors il faut voter cette mesure, fruit d’un travail inédit de concertation.

Je rappelle enfin qu’il s’agit d’une expérimentation, qu’elle concernera les SPIP volontaires, et que si elle se solde par un échec, elle ne sera pas généralisée.

La commission adopte les amendements.

En conséquence, l’article 3 est supprimé et les amendements CL93 de Mme Naïma Moutchou, CL53 de Mme Andrée Taurinya, CL7 de M. Thibaut François et CL94 de Mme Naïma Moutchou tombent.

Article 4 (art. 720 du code de procédure pénale) : Systématisation des programmes de prise en charge aux fins de prévention de la récidive dans le cadre de la libération sous contrainte

Amendement de suppression CL39 de Mme Elsa Faucillon.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je suis très étonnée que vous proposiez de supprimer cet article, qui généralise les programmes d’accompagnement des détenus bénéficiant d’une libération sous contrainte. Chacun sait que ce sont les personnes condamnées à une courte peine qui risquent le plus de récidiver. Il importe donc de les aider à retrouver une vie sociale – grâce à un logement, un emploi, des soins, etc. Avis très défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Votre argumentaire est assez tautologique : au fond, vous proposez que les conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation fassent leur travail.

On a l’impression que cet article n’a été introduit que pour vous permettre de dire que votre texte est équilibré. Vous réintroduisez des peines plancher mais, dans le même temps, vous mettez l’accent sur l’accompagnement en milieu ouvert et à la sortie de prison. C’est exactement ce qu’avait fait Rachida Dati avec la loi pénitentiaire de 2009. Mais, maintenant que votre article 1er a été supprimé, j’imagine que vous ne tenez plus tellement à celui-ci.

Ou bien peut-être était-ce une façon de marquer votre opposition à la libération sous contrainte automatique ? Elle laisse peu de place aux conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation, puisqu’il suffit, pour qu’elle soit prononcée, que le détenu ait un hébergement, ce qui n’est pas suffisant pour prévenir la récidive.

M. Ian Boucard (LR). Je suis très défavorable à cet amendement. Les SPIP ne cessent de nous alerter sur leur manque de moyens. Or il est essentiel, pour lutter contre la récidive, d’accompagner les condamnés après leur libération. Rendre cet accompagnement obligatoire en l’inscrivant dans la loi est donc une très bonne chose.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Monsieur Bernalicis, je ne cherche pas à faire de l’eau tiède, mais à proposer un texte cohérent. Les SPIP que j’ai auditionnés trouvent que c’est une très bonne idée ; les magistrats et les avocats aussi. Je comprendrais que vous me disiez que les SPIP vont manquer de moyens matériels pour remplir cette mission, mais on ne peut pas dire qu’ils sont défavorables à cet article. Ils ont envie de continuer à accompagner les détenus et demandent d’ailleurs la création de postes d’agents de programme.

Mme Caroline Abadie (RE). Je voudrais nuancer un peu les choses : le SPIP de l’Isère est contre cette disposition, tout comme la CNDPIP.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL34 de M. Jordan Guitton.

Mme Gisèle Lelouis (RN). À la fin de l’année dernière s’est tenu à Marseille le procès de l’affaire Tatoo, une affaire tentaculaire de trafic de cocaïne entre l’Amérique du Sud, la France et l’Italie, dans laquelle de nombreux prévenus étaient des multirécidivistes. C’est aussi un multirécidiviste scandaleusement remis en liberté qui a tiré sur une députée de l’Aube.

Vous dites vouloir lutter contre la récidive, mais cela ne doit pas être qu’un slogan. Nous proposons de modifier l’article 720 du code de procédure pénale pour supprimer l’obligation d’examen d’une possible libération sous contrainte par le JAP pour les peines privatives de liberté de trois à cinq ans lorsque la durée accomplie est au moins égale au double de la durée de la peine restante. La majorité des peines doivent être exécutées pleinement ; la libération sous contrainte doit rester l’exception, pas le principe.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Les amendements CL34, CL35 et CL36 visent à réduire le champ de la libération sous contrainte et à en exclure un grand nombre de personnes qui y sont éligibles. Permettez-moi de faire une réponse commune.

La libération sous contraire est un dispositif éprouvé. Nous l’avons étendu en 2019 et en 2021, mais je rappelle que, dès l’origine, en 2014, le plafond de la peine d’emprisonnement était fixé à cinq ans et la durée de la peine restant à faire à un tiers. Or le dispositif fonctionne.

Les sorties sèches, sans aménagement, accroissent le risque de récidive. Vos amendements auraient donc un effet contre-productif – et ils remettraient en cause l’économie générale des récentes réformes, qu’il faudrait peut-être commencer par évaluer. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL35 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Pour lutter efficacement contre la délinquance et la récidive, qui sont en hausse constante, il est nécessaire que la norme reste l’exécution des peines et que la liberté sous contrainte reste l’exception. La justice française doit appliquer fermement les peines : 82 % des Français considèrent qu’elle est laxiste. Nous proposons donc que l’obligation d’examen d’une possible libération sous contrainte par le juge d’application des peines ne concerne que les condamnés ayant effectué au moins les trois quarts de leur peine.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Même avis que précédemment.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). En participant à certaines activités, les détenus peuvent « se racheter » – pour reprendre votre terminologie. Cet amendement aurait pour effet de les dissuader de participer aux activités proposées en prison, qui sont justement un outil de sociabilisation et de réinsertion.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL30 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Il s’agit de renverser le principe selon lequel l’octroi de la libération sous contrainte est automatique, sauf décision contraire du juge. Nous proposons de préciser que le JAP ne peut octroyer la libération sous contrainte que s’il constate, par ordonnance spécialement motivée, que la personne condamnée présente des garanties sérieuses d’insertion ou de réinsertion.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je suis convaincue que ce n’est pas en faisant preuve de plus de fermeté en matière d’aménagement de peine que l’on va éviter la récidive. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement CL66 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Certaines condamnations ne semblent pas compatibles avec la libération sous contrainte : nous proposons de l’exclure pour les personnes ayant été condamnées pour des violences ayant entraîné une incapacité totale de travail pendant plus de huit jours.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis défavorable. J’ajoute qu’avec votre dispositif, une personne ayant frappé quelqu’un ne pourrait pas bénéficier de la libération sous contrainte, mais un meurtrier condamné à cinq ans de prison, ou moins, pourrait en bénéficier. Cela risque de créer des incohérences. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL62 de M. Philippe Schreck.

Amendement CL36 de M. Jordan Guitton.

M. Jordan Guitton (RN). Pour répondre à Jean-François Coulomme, un individu qui est en prison purge une peine pour un acte qu’il a commis par le passé ; peu importe son attitude en prison. Il a été condamné, il a fait une victime, il doit purger sa peine. Si nous nous opposons à ce qu’il soit libéré plus tôt, c’est parce qu’il a été jugé au nom du peuple français. Il faut éviter que la réduction de peine soit automatique et, a minima, réduire le reliquat de peine. Nous proposons de modifier l’article 720 du code de procédure pénale en ce sens, en ramenant ce reliquat de trois à deux mois.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je rappelle que la libération sous contrainte est une exécution de la peine. Pour les mêmes raisons que précédemment, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL64 et CL65 de M. Timothée Houssin.

M. Timothée Houssin (RN). Madame la rapporteure, vous disiez que notre amendement CL66 allait créer des incohérences. Ces deux amendements vont les balayer, puisque nous proposons d’exclure de la libération sous contrainte les personnes condamnées pour des atteintes à la personne, telles que les meurtres, les violences, les viols ou les agressions sexuelles.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. L’amendement ne vise pas les meurtres. Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement CL14 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). La CNDPIP s’est dite favorable au dispositif introduit par l’article 4, à condition qu’il soit évalué avant d’être généralisé. Nous proposons donc de réécrire l’alinéa 2 de la manière suivante : « À titre expérimental, dans au moins cinq départements et pour une durée de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, la libération sous contrainte est obligatoirement assortie d’un programme de prise en charge de la personne condamnée visant à prévenir tout acte de récidive et à la réinsérer, tel que défini par le service pénitentiaire d’insertion et de probation qui l’accompagne. Les départements concernés sont déterminés par arrêté du ministre de la justice. Le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’évaluation de l’expérimentation au plus tard six mois avant le terme de l’expérimentation. »

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je n’ai rien contre l’idée de commencer par une expérimentation, même si elle me semble moins justifiée que celle que je proposais à l’article 3. Je m’en remets à la sagesse de la commission. Si cet amendement est adopté, il fera tomber mon amendement CL95, qui proposait une modification rédactionnelle. Il me paraîtrait utile de l’intégrer à votre amendement en vue de la séance.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, les amendements CL95 de Mme Naïma Moutchou, CL80 de Mme Julie Lechanteux et CL8 de M. Thibaut François tombent.

Puis, la commission rejette l’article 4.

Article 5 : Organisation d’une conférence de consensus sur la lutte contre la récidive

Amendement CL15 de M. Roger Vicot.

M. Roger Vicot (SOC). Il aurait semblé plus logique de réunir la conférence de consensus avant de déposer cette proposition de loi.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Je ne crois pas que nous mettions la charrue avant les bœufs en déposant cette proposition de loi. Elle comporte des mesures qui, quoique ambitieuses, restent assez ciblées, et qui ont fait l’objet d’études préalables. La conférence de consensus permettra d’enrichir notre réflexion pour l’avenir.

Dans votre exposé sommaire, vous appelez aussi au respect du pluralisme, et ce sera le cas. Vous demandez, enfin, qu’il soit tenu compte des conclusions de la conférence de consensus qui s’est réunie en 2012-2013, mais dix ans ont passé depuis. Les choses ont évolué et il importe d’avoir un regard neuf.

M. Timothée Houssin (RN). Il est cocasse que cet amendement, qui prône le pluralisme, vienne du groupe Socialistes et apparentés. La conférence de consensus qui s’est réunie en 2012 a été organisée par Mme Taubira et elle n’a pas été un exemple de pluralisme.

La commission adopte l’amendement.

Amendement CL55 de Mme Andrée Taurinya.

M. Jean-François Coulomme (LFI-NUPES). La prison ne doit pas être un outil de vengeance sociale ; elle doit permettre la déconstruction et la reconstruction des individus qui passent entre ses murs et qui ont vocation à retourner dans la société. Une proportion non négligeable de détenus est en prison pour des délits liés à leur statut social, à la pauvreté : je pense à nombre de ceux qui sont condamnés pour trafic de cannabis.

La France insoumise est favorable à la dépénalisation du cannabis : ce serait un moyen de désengorger les prisons et les tribunaux. Nous pensons que la lutte contre la récidive doit passer par la déflation pénale et la décroissance carcérale.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Il est évident que la situation des établissements pénitentiaires doit être prise en compte, mais votre amendement aurait pour effet de réduire le champ de la conférence de consensus. Si j’ai fait le choix d’une formulation large, c’est précisément pour embrasser tous les facteurs de la récidive.

Il est certain que si les délits ne sont plus des délits, la récidive va diminuer, mais ce ne serait qu’un artifice comptable. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Si le législateur veut qu’il y ait moins d’incarcérations, il doit le dire clairement. Pour notre part, nous pensons qu’il faut changer l’échelle des peines. Nous estimons que certains délits ne devraient plus donner lieu à des peines d’emprisonnement : cela ne veut pas dire qu’ils ne doivent pas être sanctionnés, mais que des peines alternatives à la prison peuvent avoir de bien meilleurs effets pour lutter contre la récidive. C’est la direction politique qu’il faudrait donner à la conférence de consensus. Il faut aller plus loin, en nous inspirant de ce qu’ont fait nos voisins européens.

M. Timothée Houssin (RN). Notre collègue Jean-François Coulomme a parlé de vengeance. La prison n’est pas l’instrument d’une vengeance ; elle est une sanction. Elle doit amener la personne condamnée à réfléchir et elle rappelle aussi à la société ce qui attend ceux qui ne respectent pas la loi. Il faut commencer par sanctionner les coupables, puis veiller à ce que leur retour dans la société se fasse le mieux possible, afin d’éviter la récidive. Cet amendement, à mon sens, renforcerait le sentiment d’impunité.

La commission rejette l’amendement.

Amendements CL96 de Mme Naïma Moutchou, CL57 de Mme Andrée Taurinya, CL85 de M. Romain Baubry, CL69 et CL70 de M. Timothée Houssin (discussion commune).

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Mon amendement CL96 vise à préciser la composition du comité d’organisation de la conférence de consensus et le rôle de ce comité. Celui-ci préparera la tenue de la conférence et sélectionnera le jury de consensus, selon des modalités similaires à celles de la conférence de consensus de 2012-2013.

La liste que je vous propose n’étant pas exhaustive, vos amendements sont satisfaits, dans leur principe, et je vous invite à les retirer. L’amendement CL59 propose de mentionner les parlementaires. Il est d’usage de préciser qu’ils doivent être issus des deux chambres, et de l’opposition comme de la majorité. L’amendement CL18, qui entend favoriser la représentation des élus locaux, plafonne leur nombre et fait référence à un double collège : je n’y suis pas favorable. L’amendement CL57 propose de mentionner les psychiatres et les psychologues, qui sont déjà inclus parmi les chercheurs, les universitaires et les professionnels du monde judiciaire et pénitentiaire. Enfin, les amendements CL85, CL 69 et CL70, qui ajoutent la mention des forces de l’ordre et des victimes, sont également satisfaits. Je vous invite à retirer tous ces amendements et à voter le CL96.

M. Romain Baubry (RN). Il est essentiel que les représentants de la sécurité publique participent à la conférence de consensus : ils sont les premiers acteurs de la chaîne pénale en matière de récidive, puisqu’ils sont directement confrontés à la réalité de la délinquance. Il en va de même des associations d’aide aux victimes, qui sont trop souvent oubliées alors qu’elles jouent un rôle important dans le conseil et dans l’exercice des droits des justiciables.

M. Timothée Houssin (RN). Il nous semble pertinent d’ajouter à la liste que vous proposez les représentants des forces de l’ordre et les associations de victimes.

La commission adopte l’amendement CL96.

Puis, elle rejette successivement les amendements CL57, CL85, CL69 et CL70.

Amendement CL56 de Mme Andrée Taurinya.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il nous semble important que la conférence de consensus évalue à quel point la comparution immédiate et la détention provisoire – qui sont de grandes pourvoyeuses de peines d’emprisonnement – favorisent la récidive. La comparution immédiate ne permet pas l’individualisation des peines, qui est pourtant consubstantielle à la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis défavorable. L’individualisation des peines est un principe que personne ne méconnaît. Cibler précisément la comparution immédiate et la détention provisoire, c’est restreindre le champ de la conférence de consensus, qui doit aborder tous les aspects de la question – sociaux, sociologiques, criminologiques, etc.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Tout le monde reconnaît que la comparution immédiate est la plus grande pourvoyeuse de peines de prison, notamment de peines courtes. On a tendance à dire qu’on ne peut pas faire autrement, que ce serait pire si ces affaires passaient en correctionnelle, parce que cela prendrait plus de temps. Vérifions que la comparution immédiate permet vraiment d’individualiser la peine. Il se peut qu’on arrive à la conclusion que la déflation pénale est la seule piste sérieuse.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CL77 de M. Philippe Schreck.

Amendement CL78 de M. Philippe Schreck.

Mme Béatrice Roullaud (RN). Le ministère de la justice a indiqué, dans les documents annexés au projet de loi de finances pour 2023, ne plus procéder à l’évaluation de la récidive au prétexte que 2018 étant la dernière année pour laquelle les données définitives sont disponibles, 2016 est la dernière année pour laquelle le taux de récidive à deux ans peut être évalué. Or, la performance des différents régimes de peine et des mesures d’aménagement de peine doit impérativement être évaluée si l’on veut statuer sur leur pertinence et rendre notre politique pénale plus efficiente, tant du point de vue des finances publiques que du devoir de sécurité de l’État envers nos concitoyens.

Un indicateur de performance de la récidive doit donc être créé ; il a un caractère stratégique. Il devra considérer le taux de récidive par an jusqu’à cinq ans pour chacun des régimes de peine, sans exception, et permettre de mesurer dans le temps l’évolution de chacun des taux de récidive, en tenant compte des réformes judiciaires et des mesures d’aménagement de peine.

La certitude de la peine est le meilleur moyen de lutter contre la récidive : c’est pourquoi les peines plancher sont une nécessité.

Mme Naïma Moutchou, rapporteure. Avis défavorable. La modification des indicateurs ne peut se faire qu’en loi de finances. Du reste, le ministère de la justice publie déjà un certain nombre de statistiques. Il convient sans doute de les compléter et ce sera aussi l’objet de la conférence de consensus. Elle doit permettre de définir la méthode la mieux à même d’appréhender la récidive.

La commission rejette l’amendement.

Puis, elle rejette l’article 5.

Après l’article 5

Amendement CL86 de M. Romain Baubry.

M. Romain Baubry (RN). Nous demandons que le Gouvernement remette au Parlement un rapport sur la récidive en matière d’infraction à la législation sur les stupéfiants. Il s’agirait notamment de déterminer si le risque de récidive baisse lorsque le magistrat prononce une interdiction de séjour dans le territoire communal ou départemental.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Article 6 : Création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs

La commission rejette l’article 6.

La commission ayant rejeté tous les articles de la proposition de loi, l’ensemble de celle-ci est rejeté.

En conséquence, la commission des Lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République vous demande de rejeter la proposition de loi visant à mieux lutter contre la récidive (n° 740  2e rect.).

 

 

 


—  1  —

   Personnes entendues

 

MINISTÈRE DE LA JUSTICE

     M. Olivier Christen, directeur

     M. Laurent Ridel, directeur

     M. Yannick Le Meur, directeur du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Paris

     Mme Alexandra Heit, directrice en formation du service pénitentiaire d’insertion et de probation de Paris

     Mme Mariella Sognigbé, directrice pénitentiaire d'insertion et de probation du service pénitentiaire d’insertion et de probation du Val d’Oise

 

REPRÉSENTANTS DES MAGISTRATS

     M. Raphaël Balland, procureur de Béziers et président de la CNPR

     M. Damien Savarzeix, procureur de Grasse et vice-président de la CNPR

     M. Nicolas Septe, procureur d’Ajaccio

     M. Jean-Bastien Risson, président du tribunal judiciaire de Béziers et vice‑président de la CNPTJ

     Mme Isabelle Gorce, première présidente de la cour d’appel de Bordeaux et présidente de la CNPP

 

SYNDICATS DE POLICE

 M. Matthieu Valet, porte-parole (SICP)

     M. Pascal Jakowlew, secrétaire national (Alternative Police)

     M. Guillaume Ruet, secrétaire national (Alternative Police)

     M. Romain Lecalier, chargé de mission (SCSI)

     M. Christophe Miette, secrétaire national (SCSI)

     M. Dominique Le Dourner, secrétaire national Unité SGP Police FSMI-FO

 

CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

 

 

 

 


([1]) M. Dominique Raimbourg, Rapport sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, Assemblée nationale, XIVe législature,  1974, 28 mai 2014, page 50.

([2]) Loi n° 2007‑1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, articles 1er et 2.

([3]) Loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, article 37, I.

([4]) Loi n° 2014‑896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, article 7.

([5]) M. Dominique Raimbourg, rapport précité, page 179.

([6]) Ministère de la Justice, Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007, Infostat Justice, n° 118, octobre 2012.

([7]) Réalisée à partir des éditions successives de la publication Les chiffres clés de la justice et pour l’année 2022, de l’édition 2022 de Références statistiques justice.

([8]) Centre interdisciplinaire de recherche appliquée au champ pénitentiaire (CIRAP), Les outils d’évaluation et les méthodes de prises en charge des personnes placées sous main de justice  Rapport de synthèse, Émilie Matignon, 2015, page 50.

([9]) Mission de recherche « Droit et justice », 2009, Appel à projet, Les groupes de parole de prévention de la récidive des personnes placées sous main de justice, page 3.

([10]) Conférence de consensus 2013, Fiche 12  Processus de suivi et méthodes de prise en charge dans la probation, page 232.

([11]) Ibid., page 238.

([12]) Conférence de consensus 2013, Fiche 10  La prise en charge en milieu fermé, page 214.

([13]) Conférence de consensus 2013, Fiche 14  La justice réparatrice, pages 5-6.

([14]) CIRAP, rapport de synthèse précité, page 111.

([15]) Notons que le paiement d’une amende forfaitaire délictuelle, prévue par les articles 495‑17 et suivants du code de procédure pénale, ne constitue pas le premier terme d’une récidive légale.

([16]) En cas de récidive portant sur une contravention de 5e classe, est encourue une amende égale à dix fois celle encourue par les personnes physiques (article 132‑15 du code pénal).

([17]) Loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, article 74. La durée restant à subir hors récidive était auparavant de deux années.

([18]) Loi n° 2007‑1198 du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, articles 1er et 2.

([19]) Conseil constitutionnel, décision  2007554 DC du 9 août 2007, Loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, § 9 à 19.

([20]) Loi n° 2011‑267 du 14 mars 2011 d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, article 37, I.

([21]) Conseil constitutionnel, décision  2011625 DC du 10 mars 2011, Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité intérieure, § 23 et 24.

([22]) Loi n° 2014‑896 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, article 7.

([23]) Voir ainsi M. Dominique Raimbourg, Rapport sur le projet de loi relatif à la prévention de la récidive et à l’individualisation des peines, Assemblée nationale, XIVe législature,  1974, 28 mai 2014, pages 178 à 183.

([24]) Si l’article 132‑18 apparaît, sur Légifrance, comme ayant été modifié par l’article 3 de la loi n° 2005‑1549 du 12 décembre 2005, il s’agit en réalité d’une renumérotation de la structure du code pénal dans laquelle il se trouve.

([25]) Un second plafond fixé à vingt ans de réclusion était prévu si le maximum encouru était trente ans ; il a été supprimé par la loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, afin de permettre une modulation de la peine entre vingt et trente ans de réclusion criminelle.

([26]) Loi n° 2016‑1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, article 19.

([27]) Loi n° 2017‑1339 du 15 septembre 2017 pour la confiance dans la vie politique, article 1er.

([28]) Proposition de loi  759 visant à étendre le champ d’application de la peine complémentaire obligatoire d’inéligibilité aux cas de condamnation pour des violences aggravées ayant entraîné une incapacité temporaire, enregistrée le 19 janvier 2023.

([29]) Circulaire CRIM n° 2019/1590/A22 du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’information entre les élus locaux et les procureurs de la République, page 3.

([30]) M. Dominique Raimbourg, rapport précité, page 179.

([31]) Id., page 181.

([32]) D’après les chiffres communiqués à votre rapporteure par la direction des affaires criminelles et des grâces.

([33]) Infractions constatées en application des articles 21‑2 et 27 du CPP.

([34]) Loi n° 2019‑1461 du 27 décembre 2019 relative à l’engagement dans la vie locale et à la proximité de l’action publique, article 59.

([35]) Loi n° 2021‑646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés, article 3.

([36]) Alinéa 5 de l’article L. 132‑3 du CSI.

([37]) Amendement  1063 de Mmes Maud Petit et Josette Poueyto, adopté avec avis favorable de la commission et avis de sagesse du Gouvernement.

([38]) Circulaire CRIM n° 2019/1590/A22 du 6 novembre 2019 relative au traitement judiciaire des infractions commises à l’encontre des personnes investies d’un mandat électif et au renforcement des échanges d’information entre les élus locaux et les procureurs de la République, page 4.

([39]) M. Philippe Gosselin et Mme Naïma Moutchou, Mission « flash » sur les entraves opposées à l’exercice des pouvoirs de police des élus municipaux, 14 avril 2021, proposition n° 16, page 30.

([40]) Id., page 28.

([41]) Telles que la semi-liberté, le travail d’intérêt général, la libération conditionnelle ou encore le placement sous surveillance électronique.

([42]) Arrêté du 23 janvier 2023 fixant le siège des services pénitentiaires d’insertion et de probation et la liste des antennes locales d’insertion et de probation, paru au Journal officiel du 26 janvier 2023.

([43]) Voir notamment Présentation du plan d’action issu des États généraux de la Justice, Conférence de presse, 5 janvier 2023.

([44]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la Justice (octobre 2021 – avril 2022), avril 2022, page 208.

([45]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la Justice (octobre 2021 – avril 2022), tome 4 : annexe 16, Rapport du groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion, avril 2022, page 58.

([46]) Mmes Marie Mercier et Laurence Harribey, Rapport d’information sur l’évaluation des services pénitentiaires d’insertion et de probation, Sénat, session ordinaire de 2022-2023,  353, 15 février 2023.

([47]) Ibid., page 34.

([48]) III de l’article 63 de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice.

([49]) Loi n° 2014‑869 du 15 août 2014 relative à l’individualisation des peines et renforçant l’efficacité des sanctions pénales, article 39.

([50]) Loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, article 83.

([51]) Loi n° 2021‑1729 du 22 décembre 2021 pour la confiance dans l’institution judiciaire, article 11.

([52]) Assemblée nationale, XVIe législature, Session ordinaire de 2022‑2023, séance du mardi 24 janvier 2023, Questions au Gouvernement (réponse du garde des Sceaux, ministre de la Justice, à la question de Mme Nathalie Da Conceicao Carvalho).

([53]) Ministère de la Justice, Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison, Infostat Justice, n° 183, juillet 2021, pages 6 et 7.

([54]) Pour une présentation plus générale des SPIP et de leur rôle, il est renvoyé au commentaire de l’article 3 de la présente proposition de loi.

([55]) Décret n° 2019‑508 du 24 mai 2019 pris pour l’application des dispositions pénales de la loi n° 2019‑222 du 23 mars 2019 de programmation 2018‑2022 et de réforme pour la justice, article 6.

([56]) Décret n° 2022‑1261 du 28 septembre 2022 relatif à la libération sous contrainte de plein droit et aux réductions de peine, articles 7, 8 et 11.

([57]) Mme Christiane Taubira, Lettre de mission du comité d’organisation de la conférence de consensus sur l’efficacité des réponses pénales afin de mieux prévenir la récidive, 17 septembre 2012.

([58]) En tout, 23 personnes, dont notre actuel collègue Roger Vicot, en qualité d’élu local.

([59]) Les douze recommandations peuvent être consultées dans le document final de la conférence de consensus (Rapport du jury de consensus remis au Premier ministre, 20 février 2013).

([60]) Il est renvoyé au commentaire de l’article 3 de la présente proposition de loi pour une présentation générale des EGJ.

([61]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la Justice (octobre 2021 – avril 2022), avril 2022, page 210.

([62]) Rendre justice aux citoyens, Rapport du comité des États généraux de la Justice (octobre 2021 – avril 2022), tome 4 : annexe 16, Rapport du groupe de travail sur la justice pénitentiaire et de réinsertion, avril 2022, page 24.

([63]) Id., page 51.

([64]) À la date de l’examen de la proposition de loi en commission, la conférence s’étant tenue les 14 et 15 février 2013.

([65])  Suppression motivée par le fait que l’analyse des données statistiques en matière de récidive est désormais directement réalisée par les services de la Chancellerie, à la suite de l’autorisation de l’exploitation à des fins statistiques des données figurant dans le fichier Cassiopée.