N° 868

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 15 février 2023

 

RAPPORT

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI, ADOPTÉ PAR LE SÉNAT, autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI2017 - I4,
adoptée le 22 juin 2017

 

PAR Mme Stéphanie Kochert

Députée

——

ET

 

ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

 

 

Voir le numéro :

Assemblée nationale : 766

Sénat :  486, 254 et 255


SOMMAIRE

Pages

introduction

I. La convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception de déchets en navigation intérieure (cdni), un outil de droit et de coopération majeur pour favoriser la navigation rhénane

A. Une convention visant à protéger l’environnement des déchets produits en navigation rhénane et intérieure

B. Une convention s’inscrivant dans un écosystème de coopération rhénane et fluviale

1. Le renforcement du transport fluvial doit permettre de répondre à des impératifs de transition écologique

2. Le Rhin fait l’objet d’une coopération interétatique dense, appelée à se renforcer et à trouver des prolongements en Europe

II. une révision qui vient étendre le champ d’application de la cdni en intégrant les rejets atmosphériques

A. la modification de la cdni répond à un double objectif de protection de l’environnement et de santé publique

B. une évolution du droit dont la portée sera modeste pour la france

EXAMEN EN COMMISSION

Annexe  1 : texte adoptÉ par la commission

annexe n° 2 :  Liste des personnes auditionnÉes

 


 

—  1  —

 

   introduction

 

La commission des affaires étrangères est appelée à se prononcer sur le projet de loi n° 766 autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017. Le Sénat, saisi en première instance de ce projet de loi, l’a adopté le 25 janvier 2023 ([1]).

Entrée en vigueur en 2009 et comptant six États parties (la France, l’Allemagne, les Pays-Bas, la Suisse, le Luxembourg et la Belgique), cette convention vise à encadrer la gestion et le traitement des déchets en navigation rhénane et intérieure. Les modifications adoptées en 2017, et dont il est question dans le projet de loi, ont pour objectif d’intégrer les déchets gazeux au champ d’application de la convention ([2]). Alors que de nombreux composés organiques volatils, tels que le benzène ou l’acétone, sont transportés chaque année sur les voies de navigation rhénanes, cette modification du droit répond à des impératifs de protection de l’environnement et de santé publique.

Si l’entrée en vigueur de la convention amendée aura un impact limité pour notre pays, qui occupe une part modeste du trafic rhénan, son élaboration s’inscrit dans un cadre de coopération dense, qui permet l’adoption de réglementations harmonisées de nature à favoriser la navigation sur le Rhin. Cette coopération est d’autant plus importante que le développement du transport fluvial constitue un objectif de transition écologique, et connaît d’importantes marges de progression en France.

 

 


 

—  1  —

 

 

I.   La convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception de déchets en navigation intérieure (cdni), un outil de droit et de coopération majeur pour favoriser la navigation rhénane

A.   Une convention visant à protéger l’environnement des déchets produits en navigation rhénane et intérieure

La convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception de déchets en navigation rhénane et intérieure est un outil juridique visant à protéger l’environnement et plus spécifiquement l’eau, en définissant des règles relatives au traitement des déchets en navigation rhénane et intérieure. Pour rappel, le Rhin est l’un des principaux fleuves d’Europe, s’étendant sur 1 230 kilomètres de la Suisse à son embouchure en mer du Nord.

La CDNI est entrée en vigueur le 1er novembre 2009 et concerne la France ainsi que cinq autres États : l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays‑Bas et la Suisse. Elle avait été signée à Strasbourg le 9 septembre 1996 ([3]).

Le texte s’applique à l’ensemble du Rhin et à toutes les voies de navigation intérieure en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique mais aussi à la Moselle au Luxembourg. Pour la France, la Moselle, la Meuse et les canaux du Nord, sont concernés en plus du Rhin ([4]).

La convention définit une interdiction générale de déversement et de rejet des déchets survenant à bord et des parties de cargaison. Quelques exceptions sont admises, de façon strictement encadrée. Les principaux objectifs poursuivis par la CDNI sont les suivants :

-         encourager la prévention de la production des déchets ;

-         diriger les déchets vers les stations de réception le long du réseau des voies navigables ;

-         assurer un financement adéquat en tenant compte du principe « pollueur-payeur » ;

-         faciliter le contrôle du respect des interdictions de déversement et de rejet de surface des déchets concernés.

Champ d’application de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception de déchets en navigation rhénane et intérieure (CDNI)

https://www.cdni-iwt.org/wp-content/uploads/2021/10/Carte-CDNI_FR_BD.jpg

Source : site internet de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception de déchets en navigation rhénane et intérieure

La convention s’accompagne d’un règlement d’application, qui comporte trois parties relatives aux obligations de collecte et de traitement de différents types de déchets : les déchets huileux ou graisseux (partie A), les résidus de cargaisons (partie B) et les déchets ménagers (partie C).

Elle bénéficie aussi d’un système de gouvernance ad hoc, autour de la conférence des parties contractantes (CPC), où siègent deux fois par an les États parties. La CPC a notamment pour rôle d’examiner et de décider à l’unanimité des amendements à apporter à CDNI et à ses annexes, de décider du budget annuel (auquel les États parties contribuent de façon égale), de trancher les différends relatifs à l’interprétation et à l’application du texte ou encore de contrôler sa bonne application. En plus des représentants des États, des représentants d’autres organismes peuvent y participer à titre observateur : institutions nationales, États observateurs et organisations internationales. La conférence des parties contractantes s’appuie également sur un groupe de travail qui a pour mission d’effectuer des travaux préparatoires. Enfin, il existe une instance internationale de péréquation et de coordination, dédiée à la mise en œuvre de la partie A du règlement d’application.

Le secrétariat de la CDNI a quant à lui été confié à la commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), créée par le congrès de Vienne de 1815 et demeurant la plus ancienne organisation internationale au monde toujours en activité (voir infra).

B.   Une convention s’inscrivant dans un écosystème de coopération rhénane et fluviale

1.   Le renforcement du transport fluvial doit permettre de répondre à des impératifs de transition écologique

Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, plus de 80 % du transport fluvial européen est assuré par le réseau de navigation intérieure Nord‑Ouest européen (Rhin, Moselle, Meuse et réseau de canaux).

L’axe rhénan français est le deuxième bassin fluvial du territoire national en termes de volumes : il représentait en 2021 10,8 millions de tonnes transportées et 915 millions de tonne-kilomètres (t-km) ([5]), selon les données établies par Voies navigables de France (VNF). Si le Rhin a connu à l’été 2021 un épisode de crue massive, empêchant toute navigation pendant plusieurs semaines, on peut noter que deux filières ont vu leurs échanges croître : le secteur métallurgique d’une part (+ 15 % en t-km et + 10,5 % en tonnages), en raison de l’accroissement des transports de déchets et de ferrailles au départ de Strasbourg et à destination de la Moselle et de l’étranger, et la chimie d’autre part (+ 5,7 % en t-km et + 13,6 % en volumes).

De façon générale, le transport fluvial a affiché une hausse en 2021, renouant avec une tendance croissante interrompue en 2020 du fait de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19. Le trafic fluvial renvoie au trafic intérieur, aux importations et aux exportations.

Le transport fluvial a été identifié comme un vecteur de transition écologique, avec un objectif de renforcement du report modal vers le transport fluvial, qui bénéficie en France d’importantes réserves capacitaires non exploitées. Ainsi, 175 millions d’euros ont été alloués au développement du transport fluvial dans le cadre du plan de relance, et des engagements pour la croissance verte (ECV) du transport fluvial ont été signés le 6 juillet 2021 par M. Jean-Baptiste Djebbari, alors ministre délégué en charge des transports ([6]).

2.   Le Rhin fait l’objet d’une coopération interétatique dense, appelée à se renforcer et à trouver des prolongements en Europe

Comme cela a été indiqué à la rapporteure en audition par le bureau des services fluviaux de la direction générale des infrastructures, des transports et des mobilités (DGITM) du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, les réglementations mises en œuvre au niveau du Rhin ont souvent eu un rôle pionnier à l’échelle européenne, où elles ont pu inspirer l’élaboration de normes applicables à d’autres fleuves. Le cas de la commission de la Moselle en fournit un exemple : il s’agit d’un organe de coopération associant l’Allemagne, la France et le Luxembourg, institué par la convention de Luxembourg de 1956 dans le but de promouvoir la navigation sur la Moselle. La commission de la Moselle a ainsi transposé les règlements élaborés par la CCNR, en les adaptant si nécessaire aux particularités de la voie d’eau.

La CDNI s’inscrit ainsi dans un cadre normatif et de coopération plus large, dont la CCNR constitue le pilier fondateur. Celle-ci, qui compte cinq États membres (l’Allemagne, la Belgique, la Suisse, les Pays-Bas et la France), exerce un rôle réglementaire primordial pour la navigation du Rhin. Elle intervient dans les domaines technique, juridique, économique, social et environnemental. Une coopération étroite est entretenue avec les professionnels du transport fluvial, permettant à la CCNR de répondre au mieux aux différents besoins du marché. Dans tous ses domaines d’action, la CCNR s’attache en priorité à l’efficacité du transport rhénan, à la sécurité et au respect de l’environnement.

Conformément au mandat donné par la déclaration ministérielle du 17 octobre 2018 à Mannheim, la CCNR a élaboré une feuille de route ([7]) visant à mettre fin, autant que possible, aux émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants atmosphériques du secteur imputables à la navigation intérieure d’ici 2050. La transition énergétique représente un défi crucial pour la navigation intérieure rhénane et européenne. Si les innovations visant à réduire les émissions des bateaux déjà en activité et des nouveaux bateaux se sont développées au cours des dernières années, elles restent à ce jour limitées à des projets pilotes, essentiels pour acquérir des connaissances sur les nouvelles technologies et pour surmonter les obstacles économiques, financiers, techniques et réglementaires au déploiement des technologies pertinentes.

En outre, la CCNR constitue également un forum de discussion sur la question des basses eaux ([8]), phénomène naturel qui s’étend d’année en année sur le Rhin et fragilise l’activité des professionnels en limitant les possibilités de navigation. Or, une fragilisation de la voie de navigation rhénane viendrait remettre en question les objectifs de développement du transport fluvial et de transition écologique.

Le cadre de coopération rhénan s’appuie également sur les instruments suivants :

-         la convention pour la protection du Rhin, signée le 12 avril 1999 par les cinq États riverains du fleuve et par l’Union européenne, dans le but de protéger le caractère remarquable du Rhin, de ses berges et de son milieu alluvial. Cette convention a été élaborée dans le cadre de la commission internationale pour la protection du Rhin (CIPR), mise en place en 1994 ;

-         la conférence du Rhin supérieur, cadre institutionnel pour la coopération transfrontalière entre la France, la Suisse et l’Allemagne, associant les services gouvernementaux et administratifs des cantons suisses, des Länder allemands et des collectivités françaises et services de l’État à l’échelon régional.

Deux instruments franco-allemands doivent également être mentionnés :

-         la convention franco-allemande de 1956, qui a pour objectif de permettre un aménagement concerté du Rhin entre la France et l’Allemagne. Elle a permis de poursuivre la canalisation du fleuve et de construire des ouvrages hydroélectriques et de navigation. En 1969, une autre convention a été conclue entre les deux pays pour poursuivre l’aménagement du Rhin au nord de Strasbourg ;

-         l’accord entre la France et l’Allemagne du 6 juillet 2022, qui a permis la création de la compagnie de gendarmerie fluviale franco-allemande.


II.   une révision qui vient étendre le champ d’application de la cdni en intégrant les rejets atmosphériques

A.   la modification de la cdni répond à un double objectif de protection de l’environnement et de santé publique

Le projet de révision de la convention, via l’amendement dont le projet de loi vise n° 766 à autoriser l’approbation, a été élaboré entre 2014 et 2017 en associant des représentants agréés des industries rhénanes concernées (transport, chimie, bâtiment et travaux publics) ([9]) et des représentants des six États parties, réunis au sein du comité « CDNI-G », groupe de travail technique de la CDNI. L’organe décisionnel de la CDNI, la conférence des parties contractantes (CPC), a adopté à l’unanimité le projet de révision le 22 juin 2017, sous la forme d’une résolution ([10]).

Comme le prévoit l’article 19, paragraphe 4, de la CDNI, cette résolution entrera en vigueur le premier jour du sixième mois suivant le dépôt auprès du dépositaire du dernier instrument de ratification, d’acceptation ou d’approbation. À la date du 15 février 2023, tous les États parties hormis la France et la Suisse, cette dernière prévoyant d’achever sa procédure de ratification d’ici la fin de l’année 2023, avaient déposé leur instrument de ratification.

Il s’agit de la première modification de la convention depuis sa signature en 1996. L’objectif principal de cette révision est de compléter le texte initial, qui ne concernait que les déchets rejetés dans l’eau, par des dispositions relatives aux rejets dans l’atmosphère liés à la navigation.

En effet, parmi les cargaisons liquides transportées sur les voies de navigation rhénanes, on trouve de nombreux composés organiques volatils (COV) tels que le benzène ou l’acétone, qui présentent un danger pour l’environnement. Or, après le déchargement des marchandises liquides, une partie de la cargaison subsiste dans les citernes sous la forme de vapeurs (gaz). Elles doivent être évacuées des citernes à cargaison pour nettoyer les bateaux et les rendre aptes au transport d’une nouvelle cargaison : cette opération se nomme le dégazage. La CDNI parle de « ventilation » pour caractériser le dégazage à l’air libre, par opposition au dégazage réalisé dans des stations de réception. Or, dans le premier cas, les gaz contenus dans les citernes se trouvent libérés directement dans l’atmosphère. Comme le rappelle l’étude d’impact du projet de loi, le dégazage à l’air libre pose deux types de problèmes :

-         la précipitation de vapeurs dans l’eau et dans le milieu aquatique ;

-         une libération des vapeurs le plus souvent en un laps de temps très court, qui donne lieu à un pic de concentration en début d’opération et sur une zone très étroite, se traduisant par des pics de pollution dans l’atmosphère.

En intégrant les vapeurs parmi les déchets dont la gestion est encadrée et en définissant des seuils au-delà desquels le dégazage à l’air libre sera interdit, la révision de la CDNI répond à un double objectif de protection de l’environnement et de la santé publique. Il est estimé que trois ans après l’entrée en vigueur des amendements modifiant la convention, les émissions de vapeurs nocives dans l’atmosphère du fait de la navigation à cale citerne auront baissé de 95 %. L’objectif n’est pas de remplacer tous les dégazages dans l’atmosphère par des opérations en station de réception des vapeurs, mais également de mobiliser d’autres approches logistiques – par exemple, faire naviguer un bateau avec une même cargaison ou avec des cargaisons compatibles entre elles – permettant de se passer du dégazage.

À noter que les industries pétrochimiques, qui font l’objet d’une importante concentration dans le bassin rhénan et qui soulèvent également des risques tant en matière environnementale qu’en matière de santé publique, sont encadrées par une règlementation distincte, la réglementation sur les installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Cette réglementation impose notamment de mesurer la présence de matières polluantes dans les rejets atmosphériques et fixe des valeurs limites d’émission, mais n’est pas applicable aux bateaux fluviaux.

En outre, si l’Union européenne a élaboré, à compter des années 1990, plusieurs instruments normatifs pour répondre au problème de la libération des substances toxiques dans l’atmosphère, au niveau du bassin rhénan, il n’existe pas à ce jour de règlementation unifiée sur la gestion des vapeurs polluantes. Or, cette fragmentation règlementaire peut favoriser le « tourisme de déchets », comme cela pu être constaté à la frontière entre l’Allemagne et les Pays-Bas, à la suite de la décision des provinces néerlandaises visant à interdire le dégazage à l’air libre alors que celui-ci restait autorisé en Allemagne.

Dans le cas de la France, on peut noter un impact relativement limité du tourisme de déchets en navigation intérieure, qui s’explique à la fois par une bonne coopération globale entre États riverains et par une plus importante isolation du reste du réseau fluvial européen. Toutefois, la situation pourrait évoluer dans les années à venir et plaide pour une harmonisation la plus avancée possible des réglementations entre États. En effet, la France pourrait être plus exposée à moyen terme avec l’ouverture du canal Seine-Nord à horizon 2030, qui vise à relier par un nouveau canal à grand gabarit le bassin versant de la Seine au réseau fluvial du Nord de la France et du Benelux. Dans ce contexte, il est envisagé d’étendre le périmètre actuel de la CDNI à l’ensemble du territoire national, afin d’y appliquer un cadre harmonisé pour la gestion des déchets provenant des bateaux.

À ce jour, on constate que les textes normatifs européens et internationaux encadrant la gestion des vapeurs des cargaisons en navigation intérieure portent spécifiquement sur des types de substances, sans définir de règles uniformes de gestion des déchets ou de règles pour répartir les responsabilités des acteurs de la chaîne logistique. Parmi ces textes, on peut notamment citer :

-         l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voie de navigation intérieures, dit accord ADN, signé le 26 mai 2000 à Genève et entré en vigueur le 29 février 2008 ([11]) ;

-         la directive 94/63/CE du Parlement européen et du Conseil du 20 décembre 1994, relative à la lutte contre les émissions de composés organiques volatils (COV) résultant du stockage de l’essence et de sa distribution des terminaux aux stations-service ([12]).

Les six États parties à la CDNI ont tous signé l’accord ADN et les deux textes pourront se compléter. En effet, si la CDNI est plus restrictive que l’accord ADN, les deux textes ne sont pas contradictoires ([13]).

On peut noter que la convention révisée sera également complémentaire du droit national français, dont elle pourra renforcer l’application. En effet, si le code de l’environnement prévoit des sanctions en cas d’émission de « substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique »([14]) – catégorie dans laquelle entrent les vapeurs de cargaison liquide ([15]) – il est nécessaire de vérifier la présence de conséquences préjudiciables pour que le régime de sanctions soit applicable. Or, la CDNI amendée permet de définir des seuils à partir desquels le dégazage dans l’atmosphère est interdit. Par ailleurs, l’article L. 216-6 du code de l’environnement interdit le rejet dans les voies d’eau de substances polluantes, lorsque son impact pour la faune et la flore est nuisible.

B.   une évolution du droit dont la portée sera modeste pour la france

Formellement, les modifications apportées portent sur les dispositions pertinentes de la convention et de son règlement d’application. L’objectif poursuivi est de définir un cadre international uniforme pour la gestion des vapeurs et d’en faciliter l’appropriation par les acteurs privés intervenant dans la zone rhénane, ainsi que le contrôle par les États parties. La convention révisée introduit ainsi plusieurs modifications concrètes, en précisant la répartition des coûts et les modalités de gestion, et en fournissant un outil de suivi et de contrôle : l’attestation de déchargement.

La partie B de la CDNI, qui définit les obligations de prise en charge des déchets de cargaison et de remise en état des cales, selon le principe dit du « pollueur-payeur », se voit ainsi modifiée par l’ajout d’une nouvelle catégorie de déchets : les vapeurs de cargaisons liquides ([16]). L’article 1er de la convention, qui porte sur les définitions, précise que les vapeurs sont « les composés gazeux qui s’évaporent d’une cargaison liquide (résidus gazeux de cargaison liquide) ».

La deuxième série de modifications porte sur les obligations à charge que les États doivent faire respecter et contrôler.

En l’espèce, l’article 3 édicte dans sa version modifiée l’interdiction de libérer « des vapeurs dans l’atmosphère » sur les voies d’eau mentionnées dans l’annexe n° 1 de la convention. L’article 8 prévoit quant à lui que l’affréteur prend en charge les frais liés au dégazage des bâtiments, sauf dans les cas où le bâtiment n’était pas conforme au « standard de déchargement requis » au moment de son chargement. C’est alors le transporteur qui doit assumer les frais de lavage ou de dégazage.

La troisième série de modifications porte sur les obligations et droits des principaux concernés.

L’article 11 définit un devoir général de vigilance qui s’impose à toutes les parties prenantes à la navigation ([17]) eu égard aux rejets, dans l’eau comme dans l’atmosphère. Ce devoir de vigilance implique aussi d’œuvrer pour limiter le plus possible le nombre de déchets produits et d’éviter au maximum le mélange des différents déchets.

L’article 12 réaffirme spécifiquement à l’attention des conducteurs de bateaux l’interdiction de libérer des vapeurs dans l’atmosphère formulée à l’article 3, sauf exceptions mentionnées dans le règlement d’application ([18]) .

L’article 13 prévoit que le transporteur, l’affréteur, le destinataire de la cargaison ainsi que les exploitations d’installations de manutention ou de stations de réception doivent se soumettre à leurs obligations telles que définies par le règlement d’application, parmi lesquelles on trouve la prise en charge des frais de dégazage, selon la répartition détaillée par l’article 8. Les articles 7.01 à 7.04 du règlement d’application définissent les obligations des parties prenantes et l’intégration de la prise en charge des vapeurs à l’attestation de déchargement ([19]), document utilisé pour documenter le respect des obligations définies par la partie B de la CDNI.

La modification de la CDNI s’accompagne de précisions d’ordre pratique concernant sa mise en œuvre. Ainsi, des dispositions transitoires ont été intégrées au règlement d’application, afin de prévoir plusieurs phases dans l’interdiction du dégazage dans l’atmosphère. Cela permet notamment de répondre à l’insuffisance des capacités actuelles de dégazage des installations pour effectuer le dégazage de l’ensemble des matières concernées. L’article 11.01 du règlement prévoit une introduction progressive de l’interdiction avec, selon les types de vapeurs, une application sans délai dès l’entrée en vigueur des modifications, ou avec un délai de deux trois ans à compter de l’entrée en vigueur des amendements.

Les standards et seuils de dégazage sont détaillés par l’appendice III de la partie B de la convention. Sont ainsi définies des « valeurs admissibles pour une ventilation libre (AVFL) », seuils de concentration au-delà desquels la libération des vapeurs dans l’atmosphère est interdite, ce qui impose leur dépôt dans une station de dégazage.

Dans le cas de la France, l’impact de l’entrée en vigueur de la convention sera toutefois limité, tant sur les acteurs publics que sur les acteurs privés.

Si les États parties à la CDNI s’engagent à disposer de « stations de réception », nécessaires aux opérations de dégazage, il leur revient de les « mettre en place » ou de les « faire mettre en place » par des acteurs privés, en vertu de l’article 5.02 de la convention de 1996. Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, dans le cas de la France, les entreprises existantes spécialisées dans le dégazage devraient suffire à couvrir les besoins suscités par la convention amendée.

Pour l’État et ses services déconcentrés, la convention modifiée introduit avant tout une responsabilité en matière de contrôle, au moyen des attestations de déchargement susmentionnées. Celles-ci sont déjà utilisées et ne constituent pas une nouveauté créée par les amendements de 2017. En outre, l’État exerce déjà une mission de contrôle dans le cadre des compétences détenues au titre de la police de la navigation et de la police de l’eau.

L’impact économique sur les navires français devrait également être modeste. En effet, le transport de cargaisons liquides sur le territoire national est en majorité du transport dit exclusif (transport d’une même substance) ou compatible (transport de substances similaires ne nécessitant pas de nettoyage), et donc non soumis aux obligations de dégazage, en vertu de l’article 7.04 du règlement d’application. Par ailleurs, les entreprises françaises sont relativement peu présentes sur le marché du transport rhénan de cargaisons liquides et seront par conséquent peu exposées aux coûts de mise en œuvre de la convention révisée.

 

 


 

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   EXAMEN EN COMMISSION

Le mercredi 15 février 2023, la commission examine le projet de loi, adopté par le Sénat, autorisant l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI-2017-I-4, adoptée le 22 juin 2017.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le premier texte à l’ordre du jour de notre commission est le projet de loi autorisant l’approbation d’un amendement à la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure par des dispositions concernant le traitement des résidus gazeux. Madame Stéphanie Kochert est en la rapporteure.

Le réseau de navigation intérieure du Nord-Ouest de l’Europe – le Rhin, la Moselle, la Meuse et leurs réseaux de canaux – assure plus de 80 % du transport fluvial en Europe. La navigation sur le Rhin a fait l’objet d’accords internationaux dès 1815, date à laquelle la convention de Vienne a institué une commission centrale pour la navigation sur ce fleuve. Les enjeux écologiques ont ensuite amené cette commission à établir des normes à travers une convention internationale relative à la collecte, au dépôt et la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure (CDNI). Le projet de loi qui nous est soumis vise à autoriser l’adoption d’un amendement à cette convention, afin de prendre en considération le traitement des résidus gazeux, non prévu à l’origine.

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Le Sénat, saisi en première instance du projet de loi que nous examinons, l’a adopté le 25 janvier 2023.

La CDNI, qui est entrée en vigueur en 2009, compte six États parties : la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Suisse. Elle s’applique à l’ensemble du Rhin, ainsi qu’à d’autres voies de navigation intérieure : en France, il faut ajouter la Moselle, la Meuse et les canaux du Nord. Le texte prévoit une interdiction générale de déversement et de rejet des déchets survenant à bord et des parties de cargaison. Il s’agit de prévenir la production de déchets et de les diriger vers des stations de réception, tout en appliquant le principe du pollueur-payeur et en instaurant un contrôle par la puissance publique du respect de ces interdictions.

L’amendement soumis à notre approbation a été élaboré entre 2014 et 2017. Il répond à un objectif précis : intégrer au texte initial des dispositions relatives aux rejets dans l’atmosphère liés à la navigation. En effet, de nombreux composés organiques volatils, tels que le benzène ou l’acétone, sont transportés sur les voies de navigation rhénane. Or une partie des cargaisons subsiste dans les citernes après le déchargement des marchandises, sous la forme de vapeurs. Les bateaux doivent alors faire l’objet d’un dégazage : il s’agit d’une opération qui permet l’évacuation de ces vapeurs et le nettoyage des bateaux, indispensable pour permettre le transport de nouvelles marchandises. Lorsque le dégazage est effectué à l’air libre plutôt que dans une station de réception, les gaz contenus dans les citernes sont libérés directement dans l’atmosphère.

En intégrant les vapeurs dans la catégorie des déchets, dont la gestion est encadrée, et en définissant des seuils au-delà desquels le dégazage à l’air libre sera interdit, la convention modifiée répondra à un double objectif de protection de l’environnement et de santé publique. Il est estimé que trois ans après l’entrée en vigueur de l’amendement, les émissions de vapeurs nocives dans l’atmosphère du fait de la navigation à cale citerne auront baissé de 95 %.

L’impact de cette modification sera modeste pour notre pays, tant pour les acteurs publics que pour les acteurs privés. D’une part, car nous disposons déjà de capacités suffisantes de dégazage pour répondre aux besoins suscités par la convention amendée ; ces opérations seront réalisées par des entreprises qui sont déjà en activité. D’autre part, parce que l’essentiel du transport de cargaisons liquides dans le territoire national ne sera pas concerné par les nouvelles obligations de dégazage, compte tenu de la nature des produits transportés.

Du point de vue juridique, la convention modifiée sera complémentaire du droit français, dont elle pourra renforcer l’application. Ainsi, le code de l’environnement prévoit des sanctions en cas d’émission de « substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique », dont font partie les vapeurs de cargaison liquide, mais celles-ci ne s’appliquent que si l’émission a des conséquences préjudiciables. Or la CDNI amendée définit des seuils à partir desquels le dégazage dans l’atmosphère est interdit et qui pourront être utilisés comme repères.

Bien que l’amendement ait des conséquences réduites sur le territoire et les acteurs nationaux, son approbation permettra à la France d’honorer ses engagements au sein de la CDNI, laquelle dispose d’un système de gouvernance propre, où les représentants de la France rencontrent deux fois par an ceux des autres États parties. En l’espèce, la modification du texte de 2009 a été demandée par les Pays-Bas, bien plus touchés que notre pays par les rejets de déchets gazeux.

En outre, le Rhin a pu faire office dans le passé de laboratoire juridique, en donnant lieu à l’élaboration de réglementations qui ont ensuite été étendues à l’ensemble de l’Europe fluviale. Créée par le congrès de Vienne de 1815, la commission centrale pour la navigation du Rhin (CCNR), plus ancienne organisation internationale au monde à être toujours en activité, a ainsi fait figure de pionnière en matière de droit fluvial : elle a par exemple inspiré la création de la commission de la Moselle en 1956. La CCNR, dont le siège est situé à Strasbourg, au Palais du Rhin, est le pilier d’un cadre de coopération rhénan dense, au sein duquel s’inscrit la CDNI ; le secrétariat de la convention a d’ailleurs été confié à la commission.

Il n’existe pas à ce jour de règlementation unifiée au niveau rhénan, ni au niveau européen, sur la gestion des vapeurs polluantes, bien que l’Union européenne ait conçu des instruments normatifs tels que l’accord européen relatif au transport international des marchandises dangereuses par voies de navigation intérieure, dit ADN, pour répondre au problème de la libération des substances toxiques dans l’atmosphère. Le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires mène une réflexion pour étendre le périmètre de la CDNI à l’ensemble du territoire français, afin de disposer d’un cadre harmonisé pour la gestion des déchets provenant de la navigation. L’enrichissement de la convention permettra de mieux protéger l’environnement et la santé publique, au-delà des voies de navigation rhénanes.

À l’heure où le transport fluvial a été identifié comme un vecteur majeur de transition écologique et où notre pays bénéficie d’importantes réserves capacitaires non exploitées, l’harmonisation du droit est un outil de premier plan pour favoriser son développement en France et en Europe. Pour rappel, 175 millions d’euros ont été alloués au développement du transport fluvial dans le cadre du plan de relance, et des engagements pour la croissance verte du secteur fluvial ont été signés le 6 juillet 2021 avec les professionnels. À l’horizon de 2030, l’ouverture du canal Seine-Nord permettra de relier le bassin versant de la Seine au réseau fluvial du Nord de la France et du Benelux.

La coopération entre États riverains du Rhin constitue un autre enjeu essentiel. Le Rhin, qui s’étend sur 1 230 kilomètres, de la Suisse à son embouchure en mer du Nord, est particulièrement exposé à l’amplification du phénomène naturel des basses eaux, qui limite les possibilités de navigation et fragilise l’activité des professionnels. Dans ce contexte, la commission centrale pour la navigation du Rhin constitue un forum de discussion majeur entre acteurs publics et privés sur le phénomène et les outils pour essayer d’y répondre. La commission s’est par ailleurs dotée d’une feuille de route visant à mettre fin aux émissions de gaz à effet de serre et d’autres polluants atmosphériques du secteur imputables à la navigation intérieure d’ici à 2050. L’objectif fait écho au renforcement de la CDNI, par l’approbation de l’amendement.

Je vous invite donc à adopter le projet de loi, afin que la nouvelle version de la convention entre en vigueur dans les meilleurs délais.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexis Jolly (RN). La question de la navigation sur le Rhin et de la gestion des passages et des échanges sur ce fleuve qui sert d’interface entre les deux plus grandes économies d’Europe – la France et l’Allemagne – est stratégique : dans un moment clé de l’histoire européenne, une gestion multilatérale efficace de la région rhénane, épine dorsale et poumon économique et démographique du continent européen, constitue un enjeu de premier ordre. Elle revêt une importance environnementale particulière pour les Pays-Bas, qui sont fortement irrigués par le Rhin et son delta.

La convention de navigation intérieure vise à protéger la région rhénane des multiples atteintes à l’environnement et à garantir la qualité de l’eau, en réglementant les activités de dépôt et de traitement des déchets que produisent les navires circulant sur le fleuve, de la mer du Nord jusqu’à la Suisse. Les navires circulant sur le Rhin et ses affluents doivent ainsi être munis de systèmes de stockage de leurs déchets et de dispositifs pour traiter les eaux usées avant de les relâcher dans le fleuve. De même, les ports rhénans ont l’obligation de gérer de façon responsable et respectueuse de l’environnement les déchets rejetés par les bateaux.

Nous soutiendrons l’élargissement de la régulation aux vapeurs polluantes. Pouvez-vous cependant nous assurer que l’ensemble des États parties à la convention respectent ses dispositions ?

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Aujourd’hui, la coopération est saine : les ministères interrogés n’ont pas relevé de déviances. Avant que les conventions internationales n’entrent en vigueur, chaque pays appliquait ses propres normes et certains bateaux ont pu procéder à des dégazages massifs dans les pays moins restrictifs, comme les Pays-Bas. La convention a mis fin à cette forme de concurrence entre les pays. Toutes les études et les mesures témoignent des efforts consentis. En France, en Allemagne comme aux Pays-Bas, il existe déjà des moyens de dégazer et de déstocker des produits nocifs.

La convention modifiée ira dans ce sens.

M. Vincent Seitlinger (LR). Le groupe Les Républicains votera pour le projet de loi autorisant l’approbation d’un amendement qui concourt à améliorer l’environnement et la santé publique des populations du bassin du Rhin, un territoire que vous connaissez bien, madame la rapporteure, puisque vous être l’élue d’une partie de cette zone.

Vous avez aussi rappelé l’importance du transport fluvial, qui permet de faire transiter des volumes considérables et de réduire la saturation des réseaux routiers et ferroviaire. On peut toutefois s’interroger sur les délais : la convention, signée à Strasbourg le 9 septembre 1996, n’est entrée en vigueur que le 1er novembre 2009, et l’amendement qui fait l’objet du projet de loi dont nous sommes saisis a été adopté le 22 juin 2017. Chaque partie contractante doit certes ratifier le texte, mais la convention concerne un nombre limité d’États, tous membres de l’Union européenne.

Enfin, si les bateaux risquent une sanction en larguant leurs déchets dans le Rhin, il est probable qu’ils choisiront de les rejeter en amont, par exemple en mer du Nord. Ne risque-t-on pas de déplacer ces pollutions plutôt que de les éliminer ?

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. La convention a mis du temps avant d’être appliquée car les États membres avaient demandé des modifications. Après la France, la Suisse sera la dernière à la ratifier, à la fin de cette année. Cela est compréhensible car la question a une faible incidence dans ce pays.

Les bateaux pourraient en effet être tentés de procéder à des dégazages en mer du Nord. Des certificats seront toutefois exigés lorsque la marchandise arrivera au port : il faudra justifier que la cargaison a bien été livrée et que le bateau est aux normes.

M. Bruno Fuchs (DEM). La commission centrale pour la navigation du Rhin, l’une des plus vieilles organisations interétatiques du monde, règle la navigation de ce fleuve dont, en tant qu’élus de circonscriptions proches, nous constatons les bienfaits, en particulier en matière économique. C’est une interface d’échanges avec une partie importante de l’Europe, notamment l’Allemagne.

Plus que jamais, le transport est un enjeu central, faisant la part belle aux camions, qui engorgent nos routes et polluent l’air. Les élus alsaciens connaissent bien le problème et insistent depuis longtemps pour relancer la navigation fluviale, qui apparaît comme une solution d’avenir indispensable. Le président de la République a débloqué des fonds pour développer le canal Seine-Nord Europe, en vue de renforcer le transport fluvial et d’accélérer le développement des ports.

Alors que ce mode de transport doit être encouragé, au même titre que le ferroutage, nous devons établir un cadre réglementaire qui garantisse sa durabilité. Le groupe Démocrate votera le projet de loi, qui accompagnera les États parties vers des pratiques plus vertueuses pour l’environnement et la qualité de l’air. Que son impact pour la France soit réduit importe peu. La vision des élus de la Collectivité européenne d’Alsace est européenne : nous devons agir pour les autres territoires.

Quelles seront les conséquences d’une plus grande connectivité, grâce au canal Seine-Nord Europe, sur les réseaux fluviaux de nos voisins du Nord ?

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Nos collègues alsaciens ont bien rappelé l’importance du Rhin et de la coopération transfrontalière dont nous sommes les enfants. La nouvelle jonction Seine-Nord conduira surtout à un développement en France et à une ouverture vers les pays du Nord.

On constate une volonté de développer ce mode de transport, beaucoup plus vert que les autres. En tant qu’élu de terrain, vous connaissez la difficulté à déployer d’autres modes de transport pour acheminer la marchandise, une fois déchargée des navires : c’est un des enjeux majeurs pour les régions traversées par des fleuves. Cela ne pourra qu’être positif pour le développement des mobilités.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Cette réglementation internationale, comme de nombreuses autres, trouve aussi des réponses dans les réglementations nationales. Elle n’est pas réservée au Rhin puisque son application aura des conséquences sur le bassin de la Seine et des répercussions sur les activités fluviales des autres pays.

Avec cet amendement, chacun devra démontrer qu’il a dégazé de manière correcte, dans des installations adaptées. Cela pose la question du coût, une raison qui explique les nombreux dégazages à l’air libre. Il fallait trouver l’outil pour instaurer soit un contrôle soit une obligation, par des certificats par exemple. D’autres solutions avaient été trouvées : dans les ports maritimes, la taxe portuaire ou taxe de poste à quai intégrait le nettoyage des cuves et le dégazage. C’est vers cela qu’il faut aller : il ne devrait pas y avoir de concurrence déloyale entre des gens qui ont une attitude respectueuse de l’environnement et ceux qui sont délinquants.

Le groupe GDR votera évidemment le projet de loi, même s’il regrette que la ratification intervienne si tard, notamment parce qu’il y va de l’environnement et de la santé des populations sur les rives des fleuves concernés. Ce n’est pas qu’un texte diplomatique, et de nombreux pays n’ont pas attendu l’approbation de l’amendement pour prendre des mesures.

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Nous allons tous dans le même sens, en mettant en avant les bienfaits de la convention. Il faut que l’environnement et la santé soient davantage pris en compte dans les mobilités.

Mme Brigitte Klinkert (RE). Plusieurs d’entre vous ont évoqué l’importance du Rhin. Permettez-moi de citer Victor Hugo, qui écrivait : « Le Rhin réunit tout ».

Le titre du projet de loi est long ; le texte vise à compléter une réglementation internationale essentielle pour le transport fluvial dans l’Est de notre pays, en ce qu’elle permet de mieux protéger l’environnement de nos fleuves. Cette convention s’applique, pour ce qui est de la France, au Rhin, mais également à la Moselle, à la Meuse et aux canaux du Nord. Elle englobe l’intégralité du Rhin et toutes les voies navigables intérieures, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Belgique.

Vous l’avez dit, le principe du pollueur-payeur sur lequel il repose responsabilise les différents acteurs du transport fluvial à la gestion des déchets engendrés par leur activité, afin que nous soyons tous capables de combiner croissance économique et préservation environnementale.

L’amendement, en ajoutant les résidus gazeux de cargaisons liquides aux déchets solides et liquides dont le traitement était déjà réglementé par la CDNI, apportera un encadrement plus complet des produits les plus nocifs pouvant être transportés sur les eaux. Il édicte ainsi une réglementation de la gestion des vapeurs uniforme au niveau international, qui facilitera l’appropriation de la règle par les entreprises et le contrôle par les États parties.

Nous espérons que le devoir général de vigilance qui incombe aux acteurs préservera les fleuves du Nord-Ouest de l’Europe, qui ont été le fondement de la richesse de bien des nations au cours de l’histoire et qui constituent, à l’heure de la transition écologique, un mode de transport plus que jamais actuel et important pour la protection de l’environnement.

Le groupe Renaissance est bien entendu favorable à l’adoption du projet de loi.

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Je remercie ma collègue, elle-aussi alsacienne mais issue du Haut-Rhin, et qui est d’ailleurs très investie dans les relations franco-allemandes et connaît très bien le sujet des mobilités puisqu’elle se bat pour les transports ferroviaires, enjeu essentiel pour les régions transfrontalières.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Michel Guiniot. Même si cette convention concerne le Rhin, nous espérons qu’un tel cadre juridique s’applique au fameux canal Seine-Nord Europe.

La convention n’oblige que les parties contractantes, à savoir le Luxembourg, la Suisse, les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et la France : faut-il en déduire qu’un navire mal intentionné pourrait se livrer à un tourisme de déchets au Liechtenstein ou en Autriche ? La convention reposant sur le principe du pollueur-payeur, elle suppose un rendement : pourriez-vous nous indiquer pourquoi deux pays, l’Autriche et le Liechtenstein, ne souhaitent pas en faire partie ?

Dans la partie D de la résolution, l’article 11.02, qui porte sur les dérogations, dispose que les États parties « peuvent convenir de dérogations […] pour autant que celles-ci soient réputées équivalentes » et approuvées par la conférence des parties contractantes. Cet élément ne contredit-il pas la visée écologique évidente du texte ?

Mme Stéphanie Kochert, rapporteure. Il me semble que le Liechtenstein et l’Autriche sont très peu concernés par le texte mais nous allons demander, d’ici l’examen en séance publique, des précisions sur les raisons pour lesquelles ces pays ne sont pas cosignataires.

Pour le reste, les dérogations seront très encadrées et n’entraveront pas le but que poursuit le texte.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Peut-être que, comme le Danube vu par Claudio Magris, le fleuve est à proximité de sa source en Autriche et au Liechtenstein, équivalent au flux d’un petit robinet, et que, ce faisant, il ne se prête pas à la navigation marchande ? Cela reste le plus plausible mais mérite d’être vérifié.

M. Frédéric Petit. Je confirme qu’en amont du lac de Constance, la navigation devient très difficile. Cela me paraît donc être l’explication la plus logique.

*

Article unique (approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide, issu de la résolution CDNI‑2017‑I‑4, adoptée le 22 juin 2017)

La commission adopte l’article unique non modifié.

L’ensemble du projet de loi est ainsi adopté.

 

 

    


 

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   Annexe n° 1 : texte adoptÉ par la commission

 

Article unique

Est autorisée l’approbation de l’amendement de la convention relative à la collecte, au dépôt et à la réception des déchets survenant en navigation rhénane et intérieure et de son règlement d’application, partie B, par des dispositions concernant le traitement de résidus gazeux de cargaison liquide (vapeurs), issu de la résolution CDNI 2017 I 4, adoptée le 22 juin 2017, et dont le texte est annexé à la présente loi.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

                                                                     

N.B. : Le texte de la convention figure en annexe au projet de loi (n° 766)

 

 


 

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   annexe n° 2 :
Liste des personnes auditionnÉes

Ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

 

Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires

 


([1]) Voir le rapport n° 254, au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées de M. Ludovic Haye (session 2022-2023)

([2]) La convention consolidée peut être consultée en ligne : https://www.cdni-iwt.org/wp-content/uploads/2023/01/CDNI_2023_janv_FR.pdf

 

([3])  La convention a été ratifiée par la France en 2001, toutefois, sa publication a été différée jusqu’en 2010, en concertation avec l’ensemble des États parties, qui souhaitaient disposer d’un laps de temps suffisant pour prendre les mesures techniques nécessaires à sa mise en œuvre.

([4])  L’annexe n° 1 de la convention définit de façon précise les voies d’eau concernées dans chaque État partie.

([5]) La tonne-kilomètre est une unité de mesure correspondant au transport d’une tonne sur un kilomètre et permettant d’évaluer le volume de transport. Celui-ci se calcule en effectuant le produit de la masse transportée exprimée en tonnes par la distance parcourue exprimée en kilomètres. La tonne-kilomètre est notamment utilisée pour mesurer l’impact environnemental des transports.

([6]) https://www.fluvial.developpement-durable.gouv.fr/engagements-pour-la-croissance-verte-sur-le-a256.html  

([7])  https://www.ccr-zkr.org/files/documents/Roadmap/Communication_fr.pdf

([8]) Les basses eaux désignent l’écoulement ou niveau d’eau le plus faible de l’année. Durant cette période, le cours d’eau n’occupe que son lit mineur.

([9])  Parmi ces organisations agréées on compte notamment l’Organisation européenne des bateliers (OEB), l’Union européenne de la navigation fluvial (UENF)) et le CEFIC (European Chemical Industry Council).

([10]) La résolution CDNI 2017-I-46, disponible en ligne : https://www.cdni-iwt.org/wp-content/uploads/2019/11/recueil_r%C3%A9solutions2017-2018CDNI_fr.pdf

([11])  https://treaties.un.org/Pages/ViewDetails.aspx?src=IND&mtdsg_no=XI-D-6&chapter=11&clang=_fr

([12])  https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A31994L0063

([13]) Comme le souligne l’étude d’impact du projet de loi, « d’une part, l’introduction d’une interdiction de dégazage dans l’atmosphère par la CDNI n’est pas contradictoire avec les dispositions de l’ADN, puisque son article 7.2.3.7.0 prévoit la possibilité d’une telle interdiction par d’autres stipulations internationales. D’autre part, les dispositions relatives aux conditions de dégazage, dans l’atmosphère pour les substances autorisées ou dans des stations de réception, sont reprises dans la CDNI amendée ».

([14]) L’article L. 226-9 dispose : « Lorsqu’une entreprise industrielle, commerciale, agricole ou de services émet des substances polluantes constitutives d’une pollution atmosphérique, telle que définie à l’article L. 220-2, en violation d’une mise en demeure prononcée en application des articles L. 171-7 ou L. 171-8, l’exploitant est puni de deux ans d’emprisonnement et de 75 000 euros d’amende. »

([15]) La pollution atmosphère est définie à l’article L. 220-2 du code de l’environnement comme : « l’introduction par l’homme, directement ou indirectement, ou la présence, dans l’atmosphère et les espaces clos, d’agents chimiques, biologiques ou physiques ayant des conséquences préjudiciables de nature à mettre en danger la santé humaine, à nuire aux ressources biologiques et aux écosystèmes, à influer sur les changements climatiques, à détériorer les biens matériels, à provoquer des nuisances olfactives excessives ».

([16]) Les autres déchets concernés, initialement définis par la CDNI, sont les résidus de cargaison laissés par les opérations de déchargement, les eaux de lavage des cales et citernes, ainsi que les slops (boues et résidus de cargaison s’accumulant au fond des citernes et dans les compartiments des bateaux).

([17]) Soit le conducteur et les autres membres d’équipage, les autres personnes se trouvant à bord, l’affréteur, le transporteur, le destinataire de la cargaison, les exploitants des installations de manutention ainsi que les exploitants des stations de réception.

([18]) Les deux exceptions mentionnées par le règlement sont les suivantes :

      - Article 6.01 (2) : la concentration en gaz est inférieure à la valeur admissible pour une ventilation libre (AVFL). Elle correspond actuellement à 10 % de la LIE (Limite inférieure d’explosivité). Cette limite couvre à la fois les risques de sécurité pour le bateau et les risques pour la santé de l’équipage à bord. On présuppose qu’en dessous de cette valeur limite, les coûts de l’élimination des vapeurs ne sont pas justifiables par rapport au bénéfice pour l’environnement.

     - Article 6,01 (4) : le dégazage est autorisé lors d’un séjour imprévu au chantier naval ou d’une réparation imprévue sur place, à condition qu’il soit impossible d’évacuer les vapeurs dans une station de réception. Cette disposition permet d’intervenir dans des situations d’urgence pour effectuer des opérations de réparation, il s’agit d’une situation peu fréquente mais qui doit être prise en compte.

([19]) Les modalités d’usage de l’attestation de déchargement sont détaillées à l’article 6.03 du règlement d’application de la CDNI. Un modèle d’attestation de déchargement est fourni à l’appendice IV de la convention.