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N° 909

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 1er mars 2023.

 

 

 

RAPPORT

 

 

 

FAIT

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LA PROPOSITION de loi, relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans,

 

 

Par Mme Caroline JANVIER,

 

 

Députée.

 

——

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro : 757.

 

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. UN CONSTAT : l’ENTRÉE DANS L’ÈRE NUMÉRIQUE amplifie LES RISQUES D’exposition prÉcoce aux Écrans

A. de la tÉlÉvision À l’HYPERCONNEXION : LA NÉCESSITÉ ACCRUE D’UNE ÉDUCATION NUMÉRIQUE

1. La télévision pour les plus petits, un sujet de préoccupation ancien qui tend à être dépassé

2. De Gulli à YouTube Kids : la difficulté à déterminer des règles pour restreindre l’accès à une offre abondante et illimitée

3. Faire face à un phénomène nouveau : la technoférence

B. DES RISQUES BIEN IDENTIFIÉS PAR LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE

1. Des constats consensuels

2. Des risques avérés pour les plus petits

II. un objectif : mener une politique de prÉvention ambitieuse À destination des parents comme des professionnels de la petite enfance

A. Premier axe : mieux SENSIBILISER LES PARENTS

B. SECOND AXE : adapter la formation des professionnels de la petite enfance

Commentaire des articles

Article 1er Instaurer une politique publique de prévention des risques liés à l’usage des écrans par les jeunes enfants

Article 2 Introduire de nouvelles recommandations dans le carnet de grossesse

Article 2 bis (nouveau) Sensibiliser aux risques des écrans lors des visites médicales scolaires obligatoires

Article 3 Intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions de la protection maternelle et infantile

Article 4 Associer les services départementaux compétents à la politique de prévention à la surexposition aux écrans

Article 5 Mobiliser les partenaires des projets éducatifs territoriaux

Article 6 Gages financiers

Examen en commission

ANNEXE  1 : Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

Annexe n°2 : textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

 


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   INTRODUCTION

Trois heures et onze minutes. Voilà le temps passé, en moyenne, par les enfants âgés de moins de 2 ans devant les écrans en 2022 ([1]). Ce sont près de 1 200 heures par an qui sont accaparées par la consommation d’écrans toujours plus nombreux, accessibles et nomades. Ce chiffre alarmant représente entre un tiers et un quart du temps normal de veille d’un enfant, soit pour reprendre le constat déjà établi par le chercheur en neurosciences cognitives Michel Desmurget, « l’équivalent entre les âges de 2 et 8 ans, de sept années scolaires complètes ou 460 jours de vie éveillée ou encore l’exacte quotité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste » ([2]).

La puissance publique est donc confrontée à un phénomène d’ampleur, un phénomène qui, de surcroît, affecte inégalement les familles puisque plus les enfants sont issus de foyers socioculturels privilégiés, plus ils sont préservés d’une exposition excessive aux écrans. Or, les risques d’une surexposition aux écrans, indépendamment même du contenu diffusé, sont de mieux en mieux identifiés par la littérature scientifique : augmentation des risques de trouble primaire du langage, détérioration de la qualité et de la quantité du sommeil, risques d’obésité accrus comptent parmi les effets les plus néfastes désormais démontrés.

Loin d’ignorer la réalité numérique vécue par les familles, ni les effets positifs de certains usages, la présente proposition de loi a surtout vocation à réallouer du temps volé par une exposition excessive des écrans au temps d’interaction ludique et éducatif entre les parents et les enfants. Il ne s’agit pas de culpabiliser les parents mais bien de leur donner les clés de compréhension de ce qui est devenu un réel enjeu de santé publique.

Fruit d’un long travail de réflexion et de concertation mené durant plusieurs années, la présente proposition de loi repose sur deux piliers : d’une part, assurer à tous les parents le même niveau d’information quant aux risques avérés d’une surexposition aux écrans sur le développement de leurs enfants et d’autre part, mieux associer les professionnels de santé et de la petite enfance à la détermination d’une politique de santé publique ambitieuse.

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*     *


  1  —

I.   UN CONSTAT : l’ENTRÉE DANS L’ÈRE NUMÉRIQUE amplifie LES RISQUES D’exposition prÉcoce aux Écrans

A.   de la tÉlÉvision À l’HYPERCONNEXION : LA NÉCESSITÉ ACCRUE D’UNE ÉDUCATION NUMÉRIQUE

1.   La télévision pour les plus petits, un sujet de préoccupation ancien qui tend à être dépassé

● Sans prétendre à l’exhaustivité des avis et recommandations émis depuis les années 2000, il est clair que l’impact de l’exposition des enfants aux écrans, en particulier les plus jeunes, est devenu un enjeu de santé publique. Comme le rappelle le Haut Conseil de la santé publique, les premières recommandations au sujet du bon usage des écrans chez les enfants et les jeunes ont été émises par les ÉtatsUnis dès 1999 ([3]).

En France, dans un avis du 16 avril 2008 rendu dans le contexte de la création de nouvelles chaînes spécifiquement destinées aux plus petits, la direction générale de la santé considérait déjà comme « non-pertinent » le concept de programme de télévision adapté à l’enfant de moins de 3 ans, déconseillant de surcroît la consommation de la télévision jusqu’à l’âge d’au moins 3 ans, indépendamment du type de programme ([4]).

En 2013, l’Académie des sciences a élaboré des recommandations concernant l’usage des écrans, se prononçant contre une utilisation des écrans non interactifs (télévision et DVD) avant l’âge de 2 ans, et contre une utilisation sans « présence humaine » après deux ans. À l’époque, l’Académie des sciences se montrait davantage mesurée s’agissant des tablettes numériques pouvant être utilisées comme complément des tables d’éveil. Néanmoins, le développement exponentiel des écrans l’a conduite à réviser ses recommandations de 2013 en publiant en 2019 un « Appel à une vigilance raisonnée sur les technologies numériques » qui recommande notamment « de ne pas mettre à la disposition des enfants laissés seuls les écrans sous toutes les formes et surtout ceux dont les enfants peuvent eux-mêmes contrôler l’usage » ([5]).

● L’essor des écrans interactifs ne doit d’ailleurs pas faire oublier que la télévision reste encore aujourd’hui l’écran auquel sont le plus exposés les plus petits. S’appuyant sur des données de 2018, le Haut Conseil de la santé publique rappelait en janvier 2020 que la télévision est le type d’écran le plus regardé par la tranche d’âge des 2 ans. L’exposition quotidienne concerne 68 % de cette classe d’âge ; 79 % des enfants y sont exposés avant l’âge de 18 mois. La durée médiane d’exposition est de 30 minutes par jour ; 8 % de cette tranche d’âge y est exposée plus de 2 heures par jour.

Des données plus récentes collectées par l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf) confirment toujours cette proportion.

TAUX d’Équipements utilisÉs par l’enfant

 

Panel de 2012 interviews de parents, échantillon représentatif des foyers français. Réponse à la question : « Parmi ces équipements, le(s)quel(s) utilise votre enfant ? »

Source : Étude réalisée par Ipsos pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), avec le soutien de Google

● Aujourd’hui, la télévision est clairement concurrencée en termes de temps d’écran par les autres appareils électroniques. Ainsi, le temps de 3 heures et 11 minutes par jour passé par les enfants de moins de 2 ans devant les écrans cité en introduction se décompose de la manière suivante.

RÉPARTITION DU TEMPS D’ÉCRAN POUR LES TRANCHES D’Âge 0 à 2 ans et 3 à 6 ANS EN SEMAINE

Source : Étude réalisée par Ipsos pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), avec le soutien de Google, février 2022.

 

Assez logiquement, ce temps d’exposition aux écrans est encore plus élevé le week-end, s’élevant à 3 heures et 21 minutes pour les enfants âgés de moins de 2 ans et à 4 heures et 8 minutes pour les enfants âgés de 3 à 6 ans.

2.   De Gulli à YouTube Kids : la difficulté à déterminer des règles pour restreindre l’accès à une offre abondante et illimitée

● L’exposition à l’écran de télévision a conduit à des recommandations de santé publique bien connues du grand public comme la règle des « 3-6-9-12 » du docteur en psychologie Serge Tisseron.

LA RÈgle des « 3-6-9-12 »

La règle des « 4 pas » conçue par la psychologue Sabine Duflo est une autre recommandation complémentaire qui cible particulièrement la restriction des temps d’écran, quel que soit l’âge de l’enfant.

la rÈgle des « 4 PAS »

 

Il est à noter que l’âge de 3 ans retenu en France est mieux-disant que d’autres recommandations internationales. Ainsi, les États-Unis conseillent de limiter l’utilisation des écrans avant 18 mois mais en tolérant les applications de visioconférence pour maintenir le contact avec l’entourage déjà connu de l’enfant ([6]). La limite d’âge fixée à 3 ans semblerait à l’origine liée, en France, avant tout aux préoccupations de l’apparition de chaînes spécifiquement conçues pour les moins de 3 ans au cours des années 2000 ([7]).

● Les recommandations liées à l’exposition aux écrans des plus jeunes font l’objet d’adaptation à la réalité numérique des familles dans les politiques publiques de prévention. Ainsi Santé publique France préconise que :

– les enfants de moins de 2 ans ne doivent pas être exposés aux écrans ;

– les enfants entre 2 et 5 ans ne doivent pas être exposés plus d’une heure par jour ;

– les enfants entre 6 et 11 ans ne doivent pas être exposés plus de 2 heures par jour aux écrans de loisirs.

Chaque année, l’Autorité de régulation des communications (Arcom) organise une campagne « Enfants et écrans » afin de sensibiliser aux risques liés à l’exposition des enfants de moins de 3 ans aux écrans. Ainsi que l’a rappelé l’Arcom lors de son audition dans le cadre des travaux préparatoires, la protection des mineurs est devenue un fil directeur des actions de prévention qu’elle mène.

Ces recommandations tiennent de plus en plus compte du système hyperconnecté, nomade et multi-écrans ([8]) dans lequel s’inscrit désormais l’éducation des plus petits. La règle du « pas d’écran avant 3 ans », qui reste tout à fait pertinente pour le développement neurocognitif de l’enfant, peut être bien plus difficile à faire respecter par les parents dès lors que l’écran ne se cantonne plus au seul téléviseur du salon.

Aussi, de plus en plus, ces recommandations insistent sur la nécessité d’accompagner l’enfant dans son usage de l’écran. Comme l’a souligné le Conseil national professionnel de pédiatrie lors de son audition, l’enjeu actuel est d’apprendre à vivre avec les écrans et de sensibiliser les parents au nécessaire accompagnement qu’ils doivent fournir à leurs enfants dans l’appréhension des écrans. La question de l’accompagnement et de l’interaction entre parents et enfants représente pour la Fondation de l’enfance, également entendue, l’enjeu d’aujourd’hui.

● Les parents se montrent d’ailleurs réactifs à ces campagnes de prévention puisque comme l’indique l’étude réalisée par l’Ipsos, 96 % des parents déclarent avoir mis en place au moins une mesure pour contrôler l’utilisation des écrans par les enfants. En moyenne, ce sont près de cinq règles qui ont été prises par les parents comme l’interdiction de l’utilisation des écrans à table (53 % des parents) ou avant le coucher (43 %) et la limitation du temps d’écran de manière générale (52 %).

Toutefois, les familles se trouvent désormais confrontées à un phénomène nouveau : l’offre de contenus diversifiés et choisis qui incite à une consommation frénétique – voire addictive – de programmes numériques, connue sous l’anglicisme de « binge watching ». Or, si la présente proposition de loi vise moins à s’intéresser aux contenus des programmes qu’aux écrans en tant que tels, il est évident que la stratégie commerciale de certaines plateformes numériques doit nous interpeller ([9]).

3.   Faire face à un phénomène nouveau : la technoférence

● Le terme de « technoférence », créé par le chercheur américain en psychologie familiale Brandon McDaniel pour décrire les « interruptions quotidiennes dans les interactions interpersonnelles ou dans le temps passé ensemble en raison des dispositifs technologiques, numériques et mobiles » ([10]), rend bien compte du trouble des interactions entre parents et enfants qui peut avoir cours aujourd’hui.

Ce terme de « technoférence » – qu’aucune des personnes auditionnées n’a jugé inopportun ou non pertinent – trouvait déjà à s’appliquer pour décrire la situation de la télévision allumée en arrière-plan qui capte, même de manière passive, l’attention. La technoférence prend aujourd’hui une tout autre ampleur. Des études citées par Serge Tisseron montrent, ainsi, qu’un parent qui utilise son smartphone tout en parlant ou jouant fait des phrases plus courtes et répond par des mimiques plus pauvres aux sollicitations de son enfant, lui assurant en conséquence un moindre soutien éducatif ([11]).

Si les parents se montrent prompts à édicter des règles restrictives pour leurs enfants, selon l’enquête menée par l’Ipsos, seul un quart d’entre eux se déclare prêt à adapter son comportement numérique pour montrer l’exemple ou favoriser des pratiques numériques plus créatives ou pédagogiques. Interrogés plus précisément dans l’enquête Ifop pour la Fondation pour l’enfance sur les usages qu’ils seraient prêts à modifier pour éviter l’exposition indirecte de leurs enfants aux écrans, seuls 9 % des parents estiment par exemple que la désactivation des notifications serait leur premier « sacrifice ».

PROPENSION À MODIFIER CERTAINS USAGES DES ÉCRANS

Note : Les enquêtés répondaient à la question : « Vous, personnellement, quel usage seriez-vous prêt à modifier pour éviter l’exposition indirecte de vos enfants aux écrans ? En premier ? En second ? »

Source : Ifop.

Comme l’a relevé le secrétaire général du Conseil national du numérique, M. Jean Cattan, lors de son audition, la généralisation du télétravail avec la crise sanitaire de 2020 a bouleversé les habitudes numériques au sein des foyers et rendu encore plus poreuse la fragmentation entre vie professionnelle connectée et vie personnelle préservée des écrans.

● Au total, les parents confient être de plus en plus démunis pour accompagner leurs enfants dans l’usage des écrans. Toujours selon l’étude Ipsos menée pour l’Unaf et Open : 41 % des parents déclarent en 2022 peiner à montrer l’exemple en limitant leur propre temps d’écran, un chiffre en forte augmentation depuis 2019 (+ 13 points). 42 % estiment avoir du mal à limiter le temps d’usage des écrans de leurs enfants, soit 7 points de plus qu’en 2019.

B.   DES RISQUES BIEN IDENTIFIÉS PAR LA LITTÉRATURE SCIENTIFIQUE

1.   Des constats consensuels

Il faut d’emblée préciser trois éléments s’agissant des études scientifiques menées sur le risque d’exposition excessive aux écrans :

– la majorité des études réalisées proviennent des États-Unis. Si pour certains scientifiques comme Michel Desmurget, « en matière d’usages du numérique, l’exception culturelle a vécu et les habitudes des petits Français, Australiens, Anglais ou Américains sont désormais fortement similaires » ([12]), d’autres appellent à une « extrapolation prudente des résultats » ([13]) sur la population française ;

– du fait d’un recul plus important, la plupart des travaux conduits concernent toujours davantage l’exposition à la télévision qu’aux autres écrans ;

– une seule étude française d’envergure a été menée : l’étude longitudinale française depuis l’enfance (Elfe) menée sur 18 000 enfants. Or, cette enquête porte uniquement sur les enfants nés en 2011 qui n’ont donc pas été exposés pendant leurs premières années à la multitude d’écrans et aux plateformes numériques.

● La littérature scientifique converge d’abord sur l’absence de corrélation positive entre le développement du jeune enfant et l’exposition aux écrans avant 3 ans. Soit les études menées aboutissent à démontrer un lien négatif, soit elles n’établissent aucun lien. C’est ce que constate ainsi le docteur Victor Vincent sur le développement du langage, reconnaissant que « malgré des études aux conclusions parfois divergentes (corrélation négative ou résultats non significatifs), aucune association positive n’a été retrouvée entre le développement du langage et l’exposition aux écrans avant 3 ans » ([14]).

Le rapport de la commission des 1000 premiers jours de septembre 2020 ne dit pas autre chose, concluant que « beaucoup de contenus qui se disent "éducatifs" n’ont pas été évalués en ce sens : il n’y a pas de données scientifiques en faveur d’un bénéfice des logiciels commerciaux actuels pour les moins de 3 ans, même en bénéficiant d’un accompagnement par un adulte. Par contre, le temps passé devant un écran n’est pas un temps d’échange, ni un temps d’exploration motrice ni un temps de jeu. » ([15])

L’interaction tactile avec l’écran ne semble pas non plus démontrer d’effets positifs flagrants. Certaines études ont montré qu’une interaction tactile spécifique, c’est-à-dire toucher un endroit précis de l’écran, pouvait améliorer l’apprentissage d’un mot en comparaison avec une vidéo sans interaction ([16]). Néanmoins, ces résultats n’étaient probants que pour les enfants âgés de 24 à 28 mois et ne valaient de surcroît que pour une interaction tactile spécifique, le fait de toucher n’importe où sur l’écran n’entraînant aucun bénéfice dans l’apprentissage. Par ailleurs, ces études menées dans un environnement contrôlé d’expérimentation ne permettent pas de conclure que des résultats similaires adviendraient dans un environnement familial quotidien.

Le chercheur Michel Desmurget met d’ailleurs en garde sur la segmentation entre écran interactif comme la tablette et écran passif comme la télévision : « les recherches montrent que la tablette est, la plupart du temps, pour le jeune enfant, un écran "passif" servant à consommer des contenus audiovisuels dont on nous dit précisément qu’ils sont déconseillés. Par ailleurs, rien à ce jour ne prouve que la tablette possède, à travers sa supposée interactivité, un impact plus positif que la télé sur le développement cognitif, émotionnel et social de l’enfant. » ([17])

● Il existe, en outre, un consensus scientifique sur les facteurs déterminants dans l’exposition excessive :

– le milieu socio-économique. Tous les acteurs auditionnés lors des travaux préparatoires ont fait état d’un fort « gradient social » dans la surexposition aux écrans ([18]). Les études menées s’accordent à dire que ce sont dans les milieux les plus défavorisés que les enfants sont le plus exposés aux écrans ([19]). Plus le revenu par unité de consommation (RUC) est élevé, moins le temps passé devant les écrans est important ([20]). Pour reprendre les chiffres donnés par Michel Desmurget, « chaque jour, près de 90 % des enfants défavorisés âgés d’un an ou moins regardent la télévision, 65 % utilisent des outils mobiles, 15 % sont exposés à des consoles de jeux vidéo » ([21]).

Les tout-petits grandissant dans les familles défavorisées cumulent les difficultés puisque le manque d’accès aux jouets, aux loisirs et aux équipements extérieurs retarde leur développement cognitif. Ainsi, l’absence d’interactions quotidiennes fondées sur le jeu à un an provoque un risque de retard de développement socio-émotionnel dès 2 ans ;

– le niveau d’études des parents. Selon des données de l’Agence nationale de sécurité de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), plus le niveau d’étude du représentant de l’enfant est élevé, plus le temps passé devant un écran est faible ([22]). D’après les données de la cohorte Elfe – qui en raison de son ancienneté concerne essentiellement l’écran de télévision – pour la tranche d’âge des enfants de deux ans, le facteur déterminant de recours à l’usage des écrans réside dans le niveau d’études maternel et dans une moindre mesure, paternel. Lorsque la mère possède un niveau d’études primaire, 81 % des enfants regardent la télévision contre 52 % des enfants dont la mère dispose d’un diplôme bac+2 ([23]) ;

– la composition familiale. Toujours d’après les données de la cohorte Elfe, la taille de la fratrie a une influence sur le recours de l’enfant aux écrans dans un processus mimétique des grands frères et grandes sœurs. Ce phénomène serait surtout significatif pour les consoles vidéo, donc pour des enfants qui ne sont plus en bas âge. Il faut noter que le genre de l’enfant ne semble pas influer sur l’usage des écrans avant l’âge de 5 ans, où les garçons deviennent davantage consommateurs d’écrans que les filles.

S’agissant de la structure familiale, certaines études établissent une corrélation entre famille monoparentale et temps d’exposition élevé ([24]), corrélation qui a pu être expliquée lors des auditions par la nécessité d’occuper l’enfant avec un écran pendant que le parent s’occupe d’autres tâches familiales. Toutefois, l’étude menée par le chercheur Victor Vincent n’a pas établi de lien significatif.

● Enfin, un certain nombre de risques développés infra sont unanimement reconnus pour les plus petits.

2.   Des risques avérés pour les plus petits

Certaines conséquences de l’exposition excessive aux écrans sur la santé des tout-petits sont bien identifiées par les travaux scientifiques.

● L’effet des écrans sur la qualité et la quantité de sommeil est solidement établi. Chez l’adulte comme chez l’enfant, l’exposition à la lumière bleue diffusée par les écrans altère la sécrétion de mélatonine, dite « hormone du sommeil ». Elle retarde l’heure du coucher, augmente la latence d’endormissement et peut troubler le sommeil. Ces effets sont décuplés chez l’enfant, dont l’œil filtre la lumière bleue avec beaucoup moins d’efficacité ([25]).

Pour des enfants de 6 à 36 mois, chaque heure quotidienne devant un smartphone ou une tablette réduit le temps de sommeil nocturne de presque 30 minutes ([26]). L’heure du coucher est retardée de 60 minutes lorsqu’un poste de télévision est installé dans la chambre où il dort ([27]). Or le sommeil est essentiel au développement cognitif et émotionnel de l’enfant et aux apprentissages.

● L’exposition précoce aux écrans est également susceptible d’affecter l’acquisition du langage oral et, par capillarité, celle du langage écrit. Une étude de cas-témoins en Ille-et-Vilaine ([28]), menée auprès de 167 enfants, conclut que les enfants exposés aux écrans le matin, avant l’école, sont trois fois plus à risque de développer des troubles primaires du langage. Le risque est multiplié par six lorsque l’enfant ne discute pas du contenu visionné avec ses parents.

L’influence néfaste des écrans sur le développement langagier s’enracine principalement dans l’appauvrissement de la quantité et de la qualité des interactions. Une étude démontre que, si les enfants entendent en moyenne 925 mots par heure en journée, ce nombre tombe à 155 mots lorsque la télévision est allumée, soit une baisse de 85 % ([29]).

● Une forte relation est observée entre l’exposition excessive aux écrans et le risque de surpoids voire d’obésité. En sus des risques liés à la sédentarité, l’utilisation des écrans expose à de la publicité incitant à la consommation d’aliments ou de boissons sucrés ou denses en calories. L’étude menée par Zhang et al. (2016) met en évidence une relation linéaire croissante entre le risque d’obésité et le temps passé devant la télévision. Cette analyse fait état d’un risque d’obésité augmenté de 13 % par heure quotidienne supplémentaire de télévision.

RELATION ENTRE LE RISQUE RELATIF À L’OBÉSITÉ
ET LE TEMPS PASSÉ DEVANT LA TÉLÉVISION

Source : Haut Conseil de la santé publique, « Analyse des données scientifiques : effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », janvier 2020.

A fortiori, l’exposition aux écrans pendant les repas modifie de façon délétère les comportements alimentaires. Pour les tout-petits, ces distractions diminuent la capacité à ressentir la faim, la satiété, à découvrir les goûts et les textures ([30]).

● Enfin, l’exposition aux écrans favorise l’apparition de troubles de la vision et de symptômes oculaires (sécheresse, fatigue). Selon certaines études, l’utilisation prolongée des écrans favoriserait les risques de myopie. Les jeunes enfants y seraient particulièrement exposés du fait du développement actif du système visuel entre 0 et 6 ans. Partant de ce constat, l’Anses préconise de privilégier les activités en extérieur, la lumière du jour ayant « un effet protecteur sur le risque de développer une myopie chez les enfants » ([31]).

Les conséquences négatives de l’exposition prolongée aux écrans sur la santé sont perçues et exprimées par les enfants eux-mêmes. Parmi les enfants de 7 à 17 ans interrogés dans le cadre de l’étude menée par Open et l’Unaf (2022), 43 % font état de maux de tête, 42 % de difficultés d’endormissement et 39 % d’un sentiment de passivité.

 

II.   un objectif : mener une politique de prÉvention ambitieuse À destination des parents comme des professionnels de la petite enfance

A.   Premier axe : mieux SENSIBILISER LES PARENTS

 Les études récentes révèlent un effet assez ténu de sous-estimation de l’exposition des enfants aux écrans par les parents. Selon l’enquête Ipsos de 2021, les parents ont tendance à sous-estimer le temps passé par leurs enfants devant leurs écrans de 23 % sur une semaine moyenne (jusqu’à 39 % pour leur temps passé sur leur smartphone). Bien entendu, cette sous-estimation vaut davantage pour les enfants plus âgés, en particulier les adolescents.

 La proposition de loi vise spécifiquement les enfants de moins de 6 ans, une tranche d’âge exposée à des risques particuliers. En effet, il est primordial de se saisir des usages précoces des écrans pour au moins deux raisons explicitées par le chercheur Michel Desmurget ([32]) :

 d’une part, la petite enfance est un temps « d’imprégnation ». Les consommations d’écrans du très jeune enfant déterminent très largement ses utilisations tardives. Plus tôt l’enfant se trouve confronté aux écrans, plus il a de chances de devenir subséquemment un usager fervent et assidu ;

 d’autre part, les premières années d’existence sont fondamentales en matière d’apprentissage et de maturation cérébrale. Les occasions manquées de stimulations et d’expériences sensorielles du fait d’un usage excessif de l’écran sont très difficiles à rattraper. Ce qui n’est pas mis en place durant les âges précoces en termes de langage, de coordination motrice, de prérequis mathématiques ou encore d’habitus sociaux est de plus en plus coûteux à acquérir sur le tard.

Pour toutes ces raisons, la proposition de loi cible avant tout les tout-petits voire l’enfant en devenir en préconisant certaines recommandations dès la grossesse (voir commentaire de l’article 2 infra.)

 Un certain nombre de parents continuent de considérer qu’ils ne se sentent pas ou pas suffisamment accompagnés dans l’encadrement des pratiques numériques de leur enfant.

SENTIMENT D’ÊTRE SUFFISAMMENT ACCOMPAGNÉ SELON L’ÂGE DE L’ENFANT

Note : Réponse à la question « Vous sentez-vous suffisamment accompagné dans l’encadrement des pratiques numériques de votre enfant ? ».

Source : Étude réalisée par Ipsos pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), avec le soutien de Google.

C’est pourquoi la présente proposition de loi s’adresse aussi aux parents en tant que consommateurs d’appareils numériques en renforçant la diffusion de messages de prévention sur les emballages de ces appareils.

 Comme l’ont souligné les acteurs auditionnés, il persiste une fracture sociale nette entre les parents informés et les autres, ce qui engendre des difficultés à suivre les recommandations de santé publique. À partir des données de la cohorte Elfe, les chercheurs Jonathan Bernard et Lorraine Poncet de l’Inserm ([33]) ont conclu dans une étude très récente que le suivi des recommandations est fortement influencé par le milieu socioculturel dans lequel évolue l’enfant. La lecture régulière d’un journal ou d’un livre est, par exemple, très fortement corrélée à une forte adhésion au suivi des recommandations sur l’usage excessif d’écrans.

Dans ce contexte, il est fondamental de toucher les parents les plus éloignés des recommandations en consolidant le rôle joué notamment par les médecins de la protection maternelle et infantile (PMI). En effet, l’étude menée par Victor Vincent souligne que si le thème des écrans était abordé en consultation chez moins d’un quart des répondants à l’enquête, les parents dont l’enfant était habituellement suivi par un médecin de PMI étaient plus susceptibles d’avoir discuté de l’exposition aux écrans lors d’une consultation, en comparaison avec les parents dont l’enfant est habituellement suivi par un médecin généraliste ou un pédiatre.

B.   SECOND AXE : adapter la formation des professionnels de la petite enfance

 Les professionnels de la petite enfance, qu’ils exercent en PMI, en établissement d’accueil du jeune enfant, en école élémentaire ou en tant que salariés des particuliers employeurs, occupent un rôle clef dans l’information des parents et la prévention des conduites à risques.

Les modes de garde, tout particulièrement, constituent des espaces privilégiés pour veiller à l’éveil et au développement du jeune enfant. En 2019, plus de la moitié des enfants de moins de 3 ans étaient accueillis à titre secondaire ou principal dans des modes d’accueil individuels ou collectifs. Sur le temps long, cette part tend à augmenter ([34]).

Les solutions d’accueil des enfants de moins de 3 ans

Outre la garde de l’enfant par les familles, il existe différents modes d’accueil :

 l’accueil par un assistant maternel, à son domicile, en crèche familiale ou en maison d’assistants maternels (Mam). Il s’agit du principal mode de garde, avec une capacité d’accueil de 33 places pour 100 enfants en 2019 ;

 les établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE), qui regroupent plusieurs types d’établissements : crèches collectives, crèches parentales, haltes-garderies, crèches familiales, établissements multi-accueil, micro-crèches, jardins d’enfants, etc. Ils forment le deuxième contributeur à l’offre d’accueil des moins de trois ans, avec 21 places pour 100 enfants ;

 dans une proportion plus marginale, l’accueil en école préélémentaire et la garde d’enfants à domicile par une personne salariée par les parents ou employée par un prestataire.

Source : Caisse nationale des allocations familiales (Cnaf).

 La présente proposition de loi s’adresse aux professionnels de la petite enfance comme principaux contributeurs d’une politique de prévention des risques liés à l’exposition précoce aux écrans. Elle met l’accent sur la formation, dans un double objectif :

 d’une part, sensibiliser les professionnels aux conséquences liées aux écrans et leur fournir les outils d’information et de communication pour s’en faire le relais auprès des parents. Les acteurs auditionnés lors des travaux préparatoires ont fait état de l’inquiétude des professionnels, qui constatent les effets délétères des écrans sur le comportement des enfants et se disent désarmés pour intervenir auprès des familles.

 d’autre part, interroger leur propre usage des écrans dans les pratiques professionnelles.

 Or, comme l’a souligné Serge Tisseron lors de son audition, il existe une rupture d’égalité selon les modes de garde. Si les enfants accueillis en EAJE sont relativement préservés de la présence des écrans durant la journée, ce n’est pas toujours le cas des enfants accueillis en mode de garde individuel, chez les assistants maternels ou au domicile. Aussi, il est fréquent que certains professionnels proposent aux enfants de visionner des dessins animés.

Dans ce contexte, il s’agit de renforcer la prise en compte de la prévention des risques liés à l’exposition aux écrans dans les cursus de formation initiale et continue des professionnels de la petite enfance, tout en continuant de réduire les écarts de formation entre les professionnels de l’accueil individuel et ceux de l’accueil collectif.

Des initiatives existent d’ores et déjà à l’échelon départemental afin de sensibiliser les professionnels et mettre à leur disposition des outils d’information et de communication. L’objectif de la présente proposition de loi consiste à formaliser cette démarche sur l’ensemble du territoire.

 

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Commentaire des articles

Article 1er
Instaurer une politique publique de prévention des risques liés à l’usage des écrans par les jeunes enfants

Adopté par la commission avec modifications

L’article 1er met en place plusieurs leviers pour définir une politique publique de prévention des risques liés à la surexposition aux écrans.

1.   Le droit en vigueur

La protection de la santé des enfants se traduit aujourd’hui par plusieurs types d’actions de prévention.

a.   Les enfants sont soumis à des examens de santé obligatoires

● Aux termes de l’article L. 2132-2 du code de la santé publique, « tous les enfants de moins de dix-huit ans bénéficient de mesures de prévention sanitaire et sociale qui comportent notamment des examens obligatoires. Le nombre et le contenu de ces examens, l’âge auquel ils doivent intervenir et la détermination de ceux qui donnent lieu à l’établissement d’un certificat de santé sont fixés par voie réglementaire. »

Aussi, le suivi préventif des enfants comprend vingt examens médicaux obligatoires dont quatorze ont lieu au cours des trois premières années, trois de la quatrième à la sixième année et trois de la septième à la dix-huitième année ([35]). Un arrêté du ministre chargé de la santé datant du 26 février 2019 relatif au calendrier des examens médicaux obligatoires de l’enfant fixe la répartition exacte de ces vingt examens entre les huit jours qui suivent la naissance de l’enfant et sa dix‑huitième année.

Le contenu de ces examens porte sur :

1° La surveillance de la croissance staturo-pondérale de l’enfant ;

2° La surveillance de son développement physique, psychoaffectif et neuro‑développemental ;

3° Le dépistage des troubles sensoriels ;

4° La pratique ou la vérification des vaccinations ;

5° La promotion des comportements et environnements favorables à la santé, en particulier l’activité physique et sportive ;

6° Le dépistage d’éventuelles contre-indications à la pratique sportive.

● En complément de ces examens, les enfants sont également soumis à des visites médicales obligatoires dans le cadre scolaire, les « actions de promotion de la santé des élèves » faisant partie des missions de l’éducation nationale ([36]). En vertu de l’article L. 541-1 du code de l’éducation, « les élèves bénéficient, au cours de leur scolarité, d’actions de prévention et d’information, de visites médicales et dépistage obligatoires, qui constituent leur parcours de santé dans le système scolaire. Les élèves bénéficient également d’actions de promotion de la santé constituant un parcours éducatif de santé [visant à favoriser] notamment leur réussite scolaire et la réduction des inégalités en matière de santé. »

Une visite est, en particulier, organisée à l’école pour tous les enfants âgés de 3 à 4 ans. Cette visite permet notamment de dépister des troubles de santé, qu’ils soient sensoriels, psycho-affectifs, staturo-pondéraux ou neuro-développementaux, en particulier du langage oral.

b.   Les enfants sont spécifiquement protégés des messages publicitaires

● Introduit par l’article 183 de la loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, l’article L. 5231-3 du code de la santé publique interdit expressément « toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de quatorze ans ». A également été introduit l’article L. 5231-4 qui permet d’interdire, par arrêté du ministre chargé de la santé, « la distribution à titre onéreux ou gratuit d’objets contenant un équipement radioélectrique dont l’usage est spécifiquement dédié aux enfants de moins de six ans afin de limiter l’exposition excessive des enfants ».

Dans une même optique de protection des enfants face aux appareils numériques, l’article L. 5231-1, créé par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé ([37]), prévoit qu’à « la demande de l’acheteur, pour la vente de tout appareil de téléphonie mobile, l’opérateur fournit un dispositif d’écoute permettant de limiter l’exposition de la tête aux émissions radioélectriques adapté aux enfants de moins de quatorze ans ».

● Bien qu’à destination de tous, l’encadrement des messages publicitaires faisant la promotion d’aliments peu sains pour la santé entre particulièrement en résonance avec la protection de la santé des enfants, cible privilégiée des industriels de ce type de produits alimentaires.

Aussi, l’article L. 2133-1 du code de la santé publique prévoit que « les messages publicitaires en faveur de boissons avec ajouts de sucres, de sel ou d’édulcorants de synthèse ou de produits alimentaires manufacturés doivent contenir une information à caractère sanitaire ». Le non-respect de cette obligation d’information par les annonceurs et promoteurs est passible d’une amende de 37 500 euros.

Certains messages spécifiquement destinés aux enfants ont été déterminés par voie réglementaire ([38]). Les préparations à base de céréales et les aliments pour bébé doivent ainsi contenir l’information sanitaire suivante : « Apprenez à votre enfant à ne pas grignoter entre les repas » et « Bouger, jouer est indispensable au développement de votre enfant ». Le même arrêté prévoit également que « pour les écrans publicitaires télédiffusés ou radiodiffusés encadrant les programmes jeunesse destinés aux enfants ou insérés dans ces programmes et pour les publicités insérées dans la presse destinée aux enfants, les mêmes informations à caractère sanitaire peuvent être formulées en utilisant le tutoiement ».

c.   Une plateforme d’accompagnement des parents créée en février 2021

Lancée par le secrétariat d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques et le secrétariat d’État en charge de l’enfance et des familles, la plateforme « Je protège mon enfant » propose des outils et des ressources pratiques pour mieux informer et accompagner les parents dans la protection de leurs enfants.

À l’origine exclusivement dédiée à la lutte contre l’exposition des mineurs à la pornographie en ligne, la plateforme s’est enrichie en février 2022 d’un volet dédié à l’usage des écrans dans le cadre du plan d’actions gouvernemental « Pour un usage raisonné des écrans par les jeunes et les enfants » en collaboration avec l’Autorité de la régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), le Conseil national du numérique et la Défenseure des droits.

EXTRAIT DU PORTAIL « JEPROTEGEMONENFANT »

2.   Le droit proposé

L’article 1er s’articule autour de plusieurs axes dans la définition d’une politique publique de prévention d’un usage excessif des écrans.

● Introduisant un nouveau livre au sein de la troisième partie du code de la santé publique, il réaffirme tout d’abord le rôle de la puissance publique dans la protection des enfants surexposés aux écrans.

Un nouvel article L. 3611-4 énonce ainsi que « l’État met en œuvre une politique de prévention des risques liés à l’exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de six ans ». Cette politique se traduit concrètement par le développement d’outils de mesure des risques liés à l’exposition aux écrans dans les lieux d’accueil des jeunes enfants, en particulier les écoles maternelles et élémentaires.

L’article L. 3611-5 prévoit la mise en place d’une plateforme numérique à destination des parents comportant des informations sur les risques liés aux écrans numériques pour les enfants et diffusant des recommandations sur les durées et les modalités d’utilisation recommandées en fonction de l’âge des enfants.

En accord avec les remarques de plusieurs acteurs auditionnés lors des travaux préparatoires, la rapporteure tient à ce que cette plateforme s’inscrive dans la démarche existante et très récente de la plateforme « Je protège mon enfant ».

● L’article 1er vise à englober tous les acteurs intervenant aux côtés des parents dans l’éveil et l’éducation des enfants, en particulier des tout-petits.

Aussi, un nouvel article L. 3611-6 renforce le contenu des formations suivies par les professionnels de santé et du secteur médico-social ainsi que les professionnels de la petite enfance. Cette formation spécifique, délivrée au cours de la formation initiale et continue, porte sur les risques associés aux différents degrés d’exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de 6 ans.

Afin de prévenir les risques de technoférence et d’éviter les comportements mimétiques des enfants, le I de larticle L. 3611-9 encadrera l’utilisation des appareils numériques par les professionnels eux-mêmes. Ainsi les règlements intérieurs des écoles maternelles et élémentaires ([39]) ainsi que les établissements d’accueil des enfants de moins de 6 ans ([40]) devront réguler l’utilisation de ces appareils en présence des enfants encadrés. Les règlements intérieurs de ces établissements prévoiront, en outre, la mise en place d’une politique de prévention des risques liés à une exposition excessive aux écrans numériques chez les élèves (II).

● Enfin, l’article 1er vise à diffuser massivement les messages de prévention à travers les emballages des produits numériques et la publicité qui en est faite.

Un nouvel article L. 3611-7 introduit – sur le modèle des dispositions existantes pour les paquets de cigarettes ([41]) – l’obligation pour les unités de conditionnement, les emballages extérieurs et les suremballages, les boîtes de téléphones portables, ordinateurs, tablettes et produits assimilés de comporter un message de prévention visant à informer les consommateurs des risques encourus par l’usage excessif de ces produits sur le développement psychomoteur, physique et cognitif des jeunes enfants.

En complément, l’article L. 3611-8 prévoira la même obligation de mentionner une information de prévention dans le cas des messages publicitaires télévisés, radiodiffusés ou émis par voie d’imprimés et de publications périodiques édités par les producteurs ou distributeurs de ces produits. Afin de s’assurer de la lisibilité et de l’efficacité de ces messages, leurs modalités de création seront déterminées par décret en Conseil d’État, après consultation de l’Autorité de régulation professionnelle de la publicité, déjà compétente pour l’élaboration des messages visés à l’article L. 2133-1 du code de la santé publique.

3.   Les modifications apportées par la commission

● La commission a adopté plusieurs amendements de votre rapporteure :

– le dispositif de l’article 1er est désormais introduit au sein du livre premier de la deuxième partie du code de la santé publique consacrée à « la santé sexuelle et reproductive, droits de la femme et protection de la santé de l’enfant, de l’adolescent et du jeune adulte » plutôt que dans la troisième partie relative à la « lutte contre les maladies et dépendances » ([42]) ;

– deux amendements corrigent des références obsolètes ([43]) ;

– les recommandations émises par la plateforme numérique seront expressément « actualisées régulièrement à partir des études scientifiques publiées sur le sujet » ([44]) ;

– la formation spécifiquement dédiée aux risques de la surexposition est étendue aux enseignants du premier degré parce qu’ils seront amenés à exercer auprès d’enfants âgés de 3 à 6 ans ([45]) ;

– pour ne pas pénaliser financièrement les radios publiques, les messages publicitaires radiodiffusés sont exclus des obligations de prévention des risques encourus par un usage excessif des écrans ([46]).

● Sur proposition de M. Cyrille Isaac-Sibille et de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ([47]), recevant un avis favorable de la rapporteure, il est précisé que les outils de mesure mis en place par l’État seront développés avec l’appui de l’Agence nationale de santé publique.

● En outre, la commission a adopté, avec un avis favorable de la rapporteure, un amendement de M. Antoine Léaument et de ses collègues du groupe La France insoumise - NUPES ([48]) prévoyant que la formation spécifique pourra être réalisée, à la demande des professionnels concernés, sur leur temps de travail.

 Enfin, sur proposition de Mme Cécile Rilhac et plusieurs de ses collègues du groupe Renaissance, la commission a adopté avec l’aval de la rapporteure, plusieurs amendements visant à exclure les écoles élémentaires qui accueillent des enfants âgés de plus de 6 ans du dispositif de l’article 1er ([49]). En cohérence, elle a adopté un amendement de Mme Ersilia Soudais et de ses collègues du groupe La France insoumise - NUPES ([50]) visant à substituer au terme d’« élève » celui d’« enfant. »

Article 2
Introduire de nouvelles recommandations dans le carnet de grossesse

Adopté par la commission avec modifications

L’article 2 précise le contenu du carnet de grossesse remis à toute femme enceinte en introduisant de nouveaux messages de prévention.

1.   Le droit en vigueur

● L’article L. 2122-2 du code de la santé publique fournit à « toute femme enceinte, lors du premier examen prénatal, un carnet de grossesse. Un arrêté interministériel détermine le modèle et le mode d’utilisation de ce carnet où sont mentionnés obligatoirement les résultats des examens prescrits et où sont également notées, au fur et à mesure, toutes les constatations importantes concernant le déroulement de la grossesse et la santé de la future mère. »

● En sus de ce carnet de grossesse, lors de la déclaration de naissance, il est également délivré gratuitement pour tout enfant un carnet de santé en vertu de l’article L. 2132-1 du même code. Ce carnet est établi au nom de l’enfant. Il est remis aux parents ou aux personnes titulaires de l’exercice de l’autorité parentale ou aux personnes ou aux services à qui l’enfant a été confié.

Sur la base de recommandations émises par le Haut Conseil de la santé publique ([51]), le carnet de santé a été complété depuis le 1er avril 2018 par de nouveaux messages de prévention relatifs aux écrans ([52]). Le modèle homologué de carnet de santé énonce ainsi dans un paragraphe intitulé « Le bébé et les écrans (télévision, ordinateur, tablette, smartphone, etc.) » les conseils suivants :

– interagir directement avec votre enfant est la meilleure façon de favoriser son développement ;

– avant 3 ans, évitez de mettre votre enfant dans une pièce où la télévision est allumée même s’il ne la regarde pas ;

– quel que soit son âge, évitez de mettre un téléviseur dans la chambre où il dort ;

– ne lui donnez pas de tablette ou de smartphone pour le calmer, ni pendant ses repas, ni avant son sommeil ;

– ne lui faites pas utiliser de casque audio ou d’écouteurs pour le calmer ou l’endormir.

2.   Le droit proposé

Parce que le carnet de grossesse est l’un des premiers vecteurs d’information à destination des futurs parents, l’article 2 propose de l’assortir de nouveaux messages de prévention, s’inspirant des recommandations émises dans le carnet de santé depuis 2018.

Ces recommandations ont toutefois vocation à être plus détaillées que dans le carnet de santé, insistant sur la nécessité de temps d’interaction entre les parents et les enfants. L’article L. 2122-2 du code de la santé publique est ainsi complété par les huit alinéas suivants :

« Le carnet de grossesse comporte les messages de prévention suivants :

« 1° Jouer avec votre enfant est la meilleure façon de favoriser son développement ;

« 2° Évitez d’exposer votre enfant à la télévision avant l’âge de trois ans : elle nuit à son développement même s’il ne la regarde pas ;

« 3° N’installez jamais de télévision dans la chambre de votre enfant ;

« 4° Fixez des règles claires sur les temps d’écran, respectez de grandes plages de temps sans écran, et encouragez les jeux traditionnels ;

« 5° Interdisez les outils numériques durant les repas et avant le coucher, et ne les utilisez pas pour calmer votre enfant ;

« 6° Parlez avec votre enfant de ce qu’il voit et fait avec les écrans ; informez-vous sur les contenus des DVD, des programmes de télévision et des jeux vidéo ;

« 7° Pensez à sécuriser les connexions. »

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté un amendement de rédaction globale de votre rapporteure ([53]) tirant les conclusions de plusieurs remarques soulevées lors des auditions et visant à renvoyer à l’arrêté interministériel mentionné à l’article L. 2122‑2 du code de la santé publique la détermination du contenu des messages de prévention figurant dans le carnet de grossesse.


Article 2 bis (nouveau)
Sensibiliser aux risques des écrans lors des visites médicales scolaires obligatoires

Introduit par la commission

L’article 2 bis vise à sensibiliser aux risques liés à une exposition excessive aux écrans lors de la visite scolaire organisée à l’école pour les enfants âgés de 3 à 4 ans.

Cet article résulte de l’adoption par la commission d’un amendement de votre rapporteure ([54]). Il complète la deuxième phrase du quatrième alinéa de l’article L. 541-1 du code de l’éducation afin de prévoir que la visite scolaire obligatoire organisée pour tous les enfants âgés de 3 à 4 ans soit l’occasion de sensibiliser aux risques liés à une exposition excessive aux écrans.

Article 3
Intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions de la protection maternelle et infantile

Adopté par la commission avec modifications

L’article 3 vise à intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions dévolues au président du conseil départemental dans son rôle de protection maternelle et infantile.

1.   Le droit en vigueur

a.   Les missions et compétences de la PMI

Créée par l’ordonnance n° 45-2720 du 2 novembre 1945 pour lutter contre la mortalité infantile, la protection maternelle et infantile (PMI) relève de la compétence des conseils départementaux depuis les lois de décentralisation de 1982 et 1986 ([55]).

Placé sous l’autorité du président du conseil départemental, le service non personnalisé de la PMI est dirigé par un médecin et constitué d’une équipe pluridisciplinaire de professionnels (pédiatres, infirmiers, sages-femmes, éducateurs de jeunes enfants, puériculteurs, etc.).

Il assure un suivi global des enfants, de la grossesse à l’âge de 6 ans, et parfois au-delà. Ses missions, définies aux articles L. 2112-2 et suivants du code de la santé publique, relèvent d’actions de consultation, d’accompagnement et d’information.

MISSIONS DES SERVICES DÉPARTEMENTAUX DE PMI

Catégorie de la mission

Description de l’action mise en œuvre par les services de la PMI

Prévention et consultation

Consultations prénatales et postnatales

Prévention médico-sociale en faveur des enfants de moins de 6 ans

Établissement d’un bilan de santé pour les enfants âgés de 3 à 4 ans, principalement au sein des écoles maternelles

Accompagnement

Activités de promotion en santé sexuelle ainsi que la pratique d’interruption volontaire de grossesse par voie médicamenteuse

Entretien psychosocial systématique au quatrième mois de grossesse

Entretien à la demande ou avec l’accord des intéressés avec les enfants de moins de 6 ans nécessitant une attention particulière

Entretien à la demande ou avec l’accord des intéressés avec les parents dans les jours qui suivent la naissance ou lors des consultations postnatales

Information

Recueil et traitement d’informations en épidémiologie et en santé publique

Édition et diffusion du carnet de grossesse, du carnet de santé, le cas échéant et le certificat de santé pour les enfants de moins de 6 ans, à l’occasion de leur examen obligatoire

Information sur la profession d’assistant maternel et sur les actions de formation initiale à destination des personnes intéressées par ce métier

Source : commission des affaires sociales.

Outre ces missions, les services de PMI ont également compétence en matière d’agréments et de contrôle des structures d’accueil des enfants de moins de six ans. Ils instruisent les agréments des assistants maternels et familiaux et sont chargés de leur contrôle et du suivi des formations.

b.   Un rôle précurseur en matière de promotion de la santé et de réduction des inégalités largement reconnu

La fin des années 1970 a vu émerger la promotion de la santé comme un nouvel angle de santé publique. Introduite par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), cette approche vise à outiller les individus pour leur permettre de mieux maîtriser leur santé, en agissant sur leur environnement et en diminuant les facteurs de risques. Dans cet esprit, les missions de la PMI, qui étaient centrées, dans l’immédiat après-guerre, sur la lutte contre la mortalité infantile, ont été progressivement étendues en faveur d’actions d’information et de promotion de la santé auprès des jeunes parents.

● Bien que mise en œuvre à l’échelon départemental, la protection maternelle et infantile s’intègre dans le cadre d’une politique nationale partagée entre l’État, les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale, en application de l’article L. 2111-1 du code de la santé publique.

Les évolutions récentes ont conforté le rôle de la PMI comme cheffe de file en matière de prévention et de promotion de la santé des jeunes enfants et de leurs parents, en lien avec les objectifs nationaux de santé publique.

– La loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation du système de santé reconnaît la PMI comme un acteur de la politique nationale de santé, inscrite à l’article L. 1411-1 du code de la santé publique.

– La loi n° 2022-140 du 7 février 2022 relative à la protection de l’enfance a intégré l’action des services de PMI dans le cadre de la stratégie nationale de santé, aux termes de l’article L. 2111-1 du code précité. Elle prévoit que des priorités pluriannuelles d’action en matière de protection et de promotion maternelle et infantile soient identifiées au niveau national, en concertation avec les représentants des départements, afin d’identifier les thématiques de santé publique prioritaires.

c.   La PMI constitue un levier pertinent en faveur de la promotion de la santé et de l’égalité des chances

● L’article L. 2112-2 du code de la santé publique prévoit que les services de PMI organisent, entre autres, des actions de prévention médico-sociale en faveur des femmes enceintes et des enfants de moins de 6 ans. Ces actions peuvent prendre différentes formes :

– des consultations individuelles en PMI ;

– des visites à domicile, lorsque les futures mères ou enfants de moins de 6 ans requièrent « une attention particulière » ;

– des actions collectives, autour de sujets de prévention et de promotion de la santé (diversification alimentaire, sommeil, éveil psychomoteur, etc.) ;

– des bilans de santé et de dépistages (visuel, auditif, sur le trouble du langage, etc.) avant et après l’entrée à l’école de l’enfant.

● Les services de la PMI constituent un levier d’action crucial pour accompagner les enfants et leurs parents tout au long de cette période. Les rapports récemment publiés ([56]) insistent sur la plus-value de ces services en matière de prévention et de réduction des inégalités sociales de santé, en raison de leur « accessibilité géographique, financière et administrative » ([57]) ainsi que leurs modalités d’accueil du public, non stigmatisant pour les populations vulnérables.

D’après l’enquête « Aide sociale » réalisée par la direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) en 2019, les services de PMI réalisent des actions de proximité dans 4 800 points fixes de consultation répartis sur l’ensemble du territoire, hors Mayotte. En 2019, plus de 50 000 actions collectives à destination des enfants ont été organisées.

Citée par la Cour des comptes ([58]), l’étude produite par l’Ined et l’Inserm à partir des données de la cohorte Elfe démontre que « la PMI est un interlocuteur bien identifié par les familles, en particulier les moins favorisées, qui s’y rendent de façon régulière ».

2.   Le droit proposé

Le présent article vise à insérer un nouvel alinéa à l’article L. 2112-2 du code de la santé publique.

Le nouvel alinéa prévoit que soient organisées par les services de PMI des consultations et des actions de prévention sur les risques liés à la surexposition des enfants aux écrans. Les professionnels de la petite enfance du territoire et les acteurs du parcours de l’enfant de 0 à 6 ans seront associés à leur organisation.

3.   Les modifications apportées par la commission

À l’initiative de la rapporteure, la commission a adopté un amendement portant réécriture de l’article ([59]).

Cet amendement vise à compléter les actions de prévention déjà contenues dans les missions du service départemental de PMI aux termes de l’article L. 2112‑2 du code de la santé publique par la lutte contre l’exposition excessive des enfants aux écrans.

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Article 4
Associer les services départementaux compétents à la politique de prévention à la surexposition aux écrans

Adopté par la commission avec modifications

L’article 4 associe les comités départementaux en charge des services aux familles dans la sensibilisation des professionnels de la petite enfance et des parents aux risques liés à la surexposition aux écrans.

1.   Le droit en vigueur

a.   Une instance locale de gouvernance des services aux familles

 La loi n° 2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico‑sociale a posé le cadre de la gouvernance des politiques locales d’accueil du jeune enfant en rendant possible la création de commissions départementales d’accueil du jeune enfant. Par l’ordonnance n° 2021-611 du 19 mai 2021 relative aux services aux familles, ces commissions ont été remplacées par les comités départementaux des services aux familles (CDSF).

Aux termes de l’article L. 214-5 du code de l’action sociale et des familles, les CDSF constituent l’« instance de réflexion, de conseil, de proposition et de suivi concernant toutes questions relatives à l’organisation, au fonctionnement, au maintien et au développement des services aux familles ».

Présidés par le préfet et pilotés par les caisses d’allocations familiales, ils réunissent notamment les représentants des collectivités territoriales, des services de l’État, des régimes obligatoires de la sécurité sociale, de l’agence régionale de santé (ARS), des professionnels des services aux familles ainsi que des particuliers employeurs.

 Ils établissent un « schéma départemental des services aux familles » pour une durée pluriannuelle. Ce schéma comporte un diagnostic territorialisé de l’offre et des besoins d’accueil ainsi qu’un plan d’actions départemental, articulé autour de deux missions prioritaires :

– maintenir et développer les services aux familles ;

– accompagner les améliorations de la qualité des services, en application des chartes d’accueil du jeune enfant et du soutien à la parentalité, mentionnées aux articles L. 214-1-1 et L. 214-1-2 du code précité.

b.   Une mission tournée vers l’information et l’accompagnement des professionnels et des parents

● Au titre de ses missions, définies à l’article D. 214-1 du code de l’action social et des familles, le CDSF coordonne les actions de ses membres en vue d’en améliorer l’efficacité, notamment dans les champs suivants :

– l’information et de l’accompagnement des assistants maternels et des candidats potentiels à l’exercice de ce métier ;

– la formation des professionnels de l’accueil du jeune enfant et du soutien à la parentalité ;

– l’information et l’orientation des familles sur les modes d’accueil du jeune enfant et sur les services de soutien à la parentalité.

2.   Le droit proposé

Le présent article insère un nouvel article L. 214-6 bis dans le code de l’action sociale et des familles.

Ce nouvel article charge les comités départementaux en charge des services aux familles de définir les modalités de diffusion de messages de prévention sur les risques liés à la surexposition des enfants aux écrans. Ces messages s’adressent aux professionnels de la petite enfance et aux parents.

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté, avec l’avis favorable de la rapporteure, un amendement de M. Sébastien Peytavie et de plusieurs de ses collègues du groupe Écologiste -NUPES ([60]).

Cet amendement complète le présent article. Il prévoit que les comités départementaux des services aux familles informent les personnes éligibles des actions de prévention menées par les services de PMI sur les risques liés à une exposition excessive des enfants aux écrans, en application de l’article L. 2112-2 du code de la santé publique précédemment modifié.

 

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Article 5
Mobiliser les partenaires des projets éducatifs territoriaux

Adopté par la commission avec modifications

L’article 5 fait du projet éducatif territorial un vecteur de l’information et de la prévention des risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans.

1.   Le droit en vigueur

● Les projets éducatifs territoriaux (PEDT) ont été institués par la loi du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République à l’occasion de la réforme des rythmes scolaires ([61]).

Aux termes de l’article L. 551-1 du code de l’éducation, les PEDT formalisent une démarche associant les collectivités territoriales, l’éducation nationale et l’ensemble des acteurs éducatifs locaux afin de développer et de mettre en cohérence l’offre d’activités sur les temps périscolaires voire extrascolaires. L’objectif consiste à garantir la continuité éducative entre les projets des établissements scolaires, d’une part, et les activités proposées, d’autre part.

● Tels que définis par la loi, ils ont pour mission de favoriser l’égal accès des enfants :

1° Aux pratiques et activités culturelles et sportives ;

2° Aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

2.   Le droit proposé

Parce qu’il est le cadre dans lequel s’organisent les activités périscolaires, le PEDT constitue un moyen privilégié pour veiller à la santé et à l’éducation de l’enfant.

L’organisation d’activités autour des nouvelles technologies, prévue au titre de ses missions, est également l’occasion de mener des actions d’information et de prévention sur les risques liés à l’exposition excessive aux écrans.

L’article 5 vise à lui accorder explicitement ce rôle, en modifiant le deuxième alinéa de l’article L. 551-1 de la manière suivante : « Le projet éducatif territorial vise notamment à favoriser, pendant le temps libre des élèves, leur égal accès aux pratiques et activités culturelles et sportives et aux nouvelles technologies de l’information et de la communication. Il vise aussi à informer et à prévenir les risques liés à une exposition excessive des élèves aux écrans. Les établissements scolaires veillent, dans l’organisation des activités périscolaires à caractère facultatif, à ce que les ressources des familles ne constituent pas un facteur discriminant entre les élèves. »

3.   Les modifications apportées par la commission

La commission a adopté deux amendements modifiant le présent article :

– le premier est un amendement rédactionnel, à l’initiative de la rapporteure ([62]) ;

– le second est un amendement de M. Cyrille Isaac-Sibille et de ses collègues du groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) ([63]), adopté avec avis défavorable de la rapporteure. Il vise à accorder au projet éducatif territorial un rôle explicite dans l’acquisition de la littératie en santé des enfants afin de prévenir des risques de conduites addictives, telles que la surexposition aux écrans et la surconsommation de sucre.

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Article 6
Gages financiers

L’article 6 prévoit un mécanisme de compensation de la charge pour l’État, les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales qui résulterait de l’adoption de la présente proposition de loi.

La proposition de loi est de nature à accroître les charges pour l’État ainsi que pour les organismes de sécurité sociale et les collectivités territoriales. Le présent article prévoit donc de gager cette charge par la création d’une taxe additionnelle à l’accise sur les tabacs prévue au chapitre IV du titre Ier du livre III du code des impositions sur les biens et services.

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   Examen en commission

 

Lors de sa première réunion du mercredi 1er mars 2023, la commission procède à l’examen de la proposition de loi relative à la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans ( 757) (Mme Caroline Janvier, rapporteure ([64]).

 

Mme Caroline Janvier, rapporteure. Trois heures et onze minutes, voilà le temps passé, en moyenne, par les enfants de moins de 2 ans devant les écrans en 2022, et cette moyenne ne fait que s’accroître avec l’âge. Cela représente entre un tiers et un quart du temps normal de veille d’un enfant, et c’est équivalent, selon le chercheur en neurosciences cognitives Michel Desmurget, qui a beaucoup travaillé sur ce sujet, « entre les âges de 2 et 8 ans à 460 jours de vie éveillée ou encore [à] l’exacte quotité du temps de travail personnel requis pour devenir un solide violoniste ».

Tous les enfants ne sont pas égaux face aux écrans. Le milieu socio-économique dans lequel ils évoluent, le niveau d’études de leurs parents ou encore la composition familiale du foyer sont des facteurs déterminants du temps passé devant les écrans. Les familles monoparentales sont notamment plus sujettes à une surexposition des enfants aux écrans.

Il ne s’agit évidemment pas de jeter l’opprobre sur des familles qui n’ont parfois pas d’autre solution pour occuper leurs enfants et qui pensent souvent bien faire. Il ne s’agit pas davantage de nier en bloc les apports de certains usages des écrans, par exemple lorsqu’ils permettent de rester en contact avec des grands-parents ou des cousins éloignés.

En revanche, cette proposition de loi a pour ambition de donner à toutes les familles les mêmes clés de compréhension des risques de la surexposition aux écrans. Je parle bien de surexposition ou d’exposition excessive, termes que toutes les personnes auditionnées, notamment nos interlocuteurs de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), ont jugés adéquats en ce qu’ils insistent sur la dimension quantitative du temps passé devant les écrans, indépendamment du contenu diffusé. Je parlerai, non pas des contenus violents ou addictifs, ni des risques de cyberharcèlement, mais du temps d’exposition excessif compte tenu de l’âge de l’enfant.

Certaines recommandations de santé publique, notamment la règle du « pas d’écran avant 3 ans », élaborée par le docteur Serge Tisseron, sont plutôt bien connues du grand public mais elles sont de plus en plus difficiles à faire appliquer dans un monde hyperconnecté, nomade et multi-écrans. Le chiffre que j’ai cité au début de mon intervention le montre bien.

En effet, les familles se trouvent submergées par une offre pléthorique de contenus diversifiés, que l’enfant peut malheureusement choisir de consommer frénétiquement jusqu’à adopter une conduite parfois addictive, les modèles étant conçus pour solliciter le circuit de la récompense. L’irruption soudaine et massive des nouveaux appareils numériques a bouleversé le quotidien des familles, qui doivent désormais faire face à un phénomène dit de technoférence. On sait qu’un parent qui utilise son smartphone tout en parlant ou en jouant avec son enfant aura, par exemple, tendance à faire des phrases plus courtes ou à répondre par des mimiques plus pauvres aux sollicitations de l’enfant. Une pédiatre spécialiste de ces questions que j’ai vue hier rappelait à quel point le regard de l’adulte, du parent était fondamental pour la construction et le développement de l’enfant. Or le regard est moins là lorsque l’adulte utilise un écran, et le trouble des interactions entre parents et enfants a des effets délétères sur le développement cognitif et social des plus petits.

Les multiples risques d’une exposition excessive des tout-petits aux écrans sont désormais bien identifiés par la littérature scientifique. J’en évoquerai quatre, en soulignant au passage que la littérature scientifique en la matière est plus riche en anglais qu’en français. Il faudrait peut-être combler le retard en accroissant les efforts de recherche.

Tout d’abord, les écrans nuisent à la qualité et à la quantité de sommeil, chez l’adulte comme chez l’enfant, en raison de l’exposition à la lumière bleue diffusée par les écrans. Pour les enfants de 6 à 36 mois, chaque heure quotidienne devant un smartphone ou une tablette réduit le temps de sommeil nocturne de presque trente minutes. Quand on connaît l’importance du sommeil pour l’acquisition des apprentissages fondamentaux et pour l’activation des fonctions de mémorisation, on comprend combien cela renforce d’autres effets négatifs sur lesquels je reviendrai.

Par ailleurs, l’exposition précoce aux écrans crée des troubles d’apprentissage du langage, tant oral qu’écrit. Une étude cas-témoins menée en Ille-et-Vilaine a conclu que les enfants exposés aux écrans le matin, avant l’école, avaient trois fois plus de risque de développer des troubles primaires du langage. Par ailleurs, le risque est multiplié par six lorsque l’enfant ne discute avec ses parents du contenu visionné, c’est-à-dire quand il n’y a pas de médiation.

Phénomène plus connu, une exposition excessive aux écrans favorise l’apparition de troubles de la vision et de symptômes oculaires, comme une sécheresse ou une fatigue aggravée de l’œil. Selon certaines études scientifiques, une utilisation prolongée des écrans aggraverait même les risques de myopie.

Enfin, cela conduit à un risque accru de surpoids, voire d’obésité. Selon le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), que j’ai entendu et qui est très favorable à cette proposition de loi, il existe une relation linéaire croissante entre le risque d’obésité et le temps passé devant la télévision : chaque heure quotidienne supplémentaire de télévision augmente de 13 % le risque d’obésité. Des organisations internationales telles que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) et nos instances nationales tirent la sonnette d’alarme : nous devons nous préoccuper du risque d’obésité. L’augmentation de ce risque s’explique par une plus grande sédentarité, en particulier du fait du temps passé devant la télévision, et par des habitudes de consommation alimentaires déformées par la publicité pour les aliments sucrés ou riches en calories.

Il est intéressant de noter que les enfants sont les premiers à être conscients des effets nocifs des écrans sur la santé. Dans une étude récemment menée sur des enfants de 7 à 17 ans, 43 % d’entre eux faisaient état de maux de tête et 42 % de difficultés d’endormissement.

Cette proposition de loi entend ainsi répondre à un véritable enjeu de santé publique. Elle est le fruit d’un long travail de réflexion et de concertation, mené pendant plusieurs années – je l’ai commencé durant la précédente législature.

Le texte repose sur deux piliers. Il vise, tout d’abord, à mieux sensibiliser les parents, en particulier ceux qui sont les moins bien informés des risques. Il existe une inégalité des chances dans ce domaine, et c’est un peu la double peine pour certains parents, qui ont un niveau d’études et socioéconomique plus faible, notamment les familles monoparentales, et qui, faute d’informations, mettent davantage leurs enfants devant les écrans. Il revient à la puissance publique de réduire cette inégalité des chances en s’assurant de la bonne information de tous. La première cible est donc l’ensemble des parents, quel que soit le lieu où ils habitent. Les professionnels de santé et de la petite enfance sont la seconde cible de la proposition de loi. Tous les adultes en lien avec les enfants, quel que soit le mode de garde ou le lieu d’enseignement, seront ainsi touchés.

Lorsque les parents sont informés des influences néfastes des écrans et qu’ils se voient proposer, sur cette base, la mise en place de règles restrictives précises, le niveau de consommation des écrans, on le sait, chute substantiellement – en moyenne de moitié. En réalité, c’est parce que les parents ne sont pas bien informés ou qu’ils minorent les risques associés à une consommation excessive d’écrans qu’ils mettent leurs enfants – parfois même des nourrissons – devant des écrans pendant des heures chaque jour, selon les témoignages des professionnels. Si nous réduisons le manque d’information grâce à l’adoption de cette proposition de loi, nous protégerons donc mieux les enfants.

À cette fin, l’article 1er introduit au sein du code de la santé publique un titre nouveau qui comportera plusieurs leviers d’action. L’objectif est de construire une politique globale de prévention reposant sur des outils assez classiques d’information, de sensibilisation et de formation. Le dispositif que je vous propose énonce ainsi qu’il est du ressort de l’État de mettre en œuvre une politique de prévention des risques liés à une exposition excessive aux écrans.

Cette politique se traduira notamment par le développement d’outils de mesure des risques dans les lieux d’accueil des jeunes enfants, en particulier les écoles maternelles. Bien souvent, les parents mais aussi les professionnels minorent le temps passé par les enfants devant les écrans. Il faut le mesurer depuis leur arrivée, y compris dans les temps périscolaires, jusqu’à leur départ le soir.

L’article 1er donnera également une assise législative à la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr, créée il y a deux ans à l’initiative des secrétaires d’État chargés de la transition numérique et de l’enfance, qui étaient alors Cédric O et Adrien Taquet. Cette plateforme, qui a fait l’objet d’un travail avec des experts, s’est enrichie en février dernier d’un volet dédié à l’usage des écrans. Elle propose des outils et des ressources pratiques pour les parents. Afin de lever toute ambiguïté, je précise qu’il ne s’agit pas de créer une seconde plateforme mais de renforcer celle qui existe, en la gravant dans le marbre de la loi.

L’article 1er renforcera aussi la formation initiale et continue de tous les professionnels au contact des enfants de moins de 6 ans, en prévoyant une formation qui portera spécifiquement sur les risques associés aux différents degrés d’exposition aux écrans. Les auditions ont montré que les connaissances en la matière étaient assez variables selon les professionnels. Des enseignants, des pédiatres et plus généralement des médecins connaissent bien ces risques, alors que d’autres n’y ont pas du tout été sensibilisés. Il s’agit de former tout le monde de la même façon.

Concernant les parents, en tant que consommateurs, l’article 1er tend à instaurer une double obligation, sur le modèle de ce qui existe pour le tabac et pour certains produits alimentaires. Il faudra faire figurer des messages de prévention sur les emballages des produits concernés – tous les devices, téléphones, tablettes, ordinateurs ou télévisions – et assortir les messages publicitaires promouvant ces produits de mentions préventives, à l’instar du désormais célèbre « manger, bouger » pour les produits gras et sucrés. Par exemple, un logo ou une mention devra recommander aux parents de ne pas utiliser ces appareils avant l’âge de 3 ans.

Enfin, l’article 1er prévoit que les règlements intérieurs des établissements accueillant de jeunes enfants devront réguler l’utilisation des écrans et prévoir la mise en place d’une politique de prévention des risques. Il s’agit de faire en sorte que les professionnels modèrent l’usage des écrans en présence des enfants – il convient aussi de réguler le comportement des adultes.

Je vous proposerai par amendement de réécrire l’article 2 afin de tenir compte des remarques qui m’ont été faites lors des auditions sur le caractère plutôt réglementaire des préconisations concernées. Cet article vise, en effet, à renforcer les recommandations figurant dans le carnet de grossesse, qui est un des premiers vecteurs d’information pour les futurs parents. Sur le modèle de ce qui a été fait en 2018 pour le carnet de santé des enfants, il s’agit de faire figurer dans le carnet de grossesse des recommandations permettant de rappeler la nécessité d’un temps d’interaction entre les parents et les enfants qui ne soit pas parasité par l’utilisation d’écrans.

L’article 3 vise à intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au sein des missions dévolues au président du conseil départemental dans le cadre de la protection maternelle et infantile (PMI). La difficulté est d’associer et de coordonner les différentes actions, stratégies et instances. Plusieurs niveaux d’intervention existent : l’éducation nationale, le ministère de la santé – pour les professionnels – et les collectivités, s’agissant de la PMI ou des centres de loisirs municipaux. Chacun doit concourir, à son niveau, à l’amélioration de la prise en compte et de la prévention des risques. Le rôle de la PMI pour les parents les plus vulnérables, que je souhaite protéger grâce à cette proposition de loi, est bien connu. Les départements seront des acteurs importants de la politique de prévention.

En complément, l’article 4 associera les comités départementaux des services aux familles à la sensibilisation des professionnels de la petite enfance et des parents aux risques liés à la surexposition aux écrans.

Enfin, l’article 5 fera du projet éducatif territorial un vecteur de l’information et de la prévention des risques. Les temps périscolaires sont souvent l’occasion pour les enfants de passer du temps devant la télévision, et les parents n’ont pas nécessairement d’interlocuteurs : quand ils s’adressent aux enseignants, on leur répond que c’est la mairie qui gère les encadrants. L’objectif est d’associer ces professionnels et d’inclure les temps périscolaires dans la régulation de l’utilisation des écrans.

La proposition de loi, d’utilité publique, répondra par ces différentes dispositions à un enjeu nouveau, lié à la réalité numérique que nous connaissons désormais toutes et tous dans nos familles. Ce texte permettra de mieux protéger les enfants en réduisant les inégalités sociales entre les parents les mieux informés, à l’image des cadres de la Silicon Valley qui mettent leurs enfants dans des écoles sans écrans, et ceux qui sont de bonne foi, chaque parent ayant à cœur d’éduquer son enfant le mieux possible, mais sont induits en erreur quant aux bienfaits des écrans, par exemple par des publicités sur l’apport éducatif de contenus qui sont en réalité conçus pour rendre les enfants dépendants.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

Mme Claire Guichard (RE). Avant d’aborder le fond de la proposition de loi, je tiens à vous féliciter, madame la rapporteure, pour le travail que vous avez mené. Ce texte est le fruit d’un processus auquel vous avez activement associé des citoyennes et des citoyens intéressés par la question de l’exposition des enfants aux écrans numériques. Au-delà du contenu de la proposition de loi, il convient de saluer cet exercice qui souligne votre attachement à la démocratie participative, que nous partageons, et met en lumière l’importance croissante de la Civic Tech dans le paysage institutionnel.

S’agissant du fond, l’objectif est limpide. Il s’agit de permettre un usage raisonné et raisonnable des écrans par les jeunes enfants. La célèbre sentence de Paracelse s’applique admirablement : « tout est poison, rien n’est poison : c’est la dose qui fait le poison ». L’essor du numérique ces dernières années a permis des avancées considérables dans de nombreux domaines, scientifiques, économiques ou médicaux. Nul ici ne saurait remettre en cause ces progrès, et nul n’osera dire que le numérique ne fait pas partie de notre avenir commun. Néanmoins, si la technologie est capable de réaliser des merveilles, elle peut également causer des ravages lorsqu’elle est utilisée de manière abusive. C’est notamment le cas lorsque de jeunes enfants se trouvent quotidiennement exposés, durant des heures, à des écrans. Ce constat est dressé par de nombreuses études scientifiques, dont beaucoup ont été regroupées en 2020 au sein d’un rapport du HCSP – la rapporteure en a évoqué les données alarmantes.

Loin d’être un texte technophobe, il faut le souligner, cette proposition de loi permettra aux jeunes enfants de tirer le meilleur parti du numérique tout en évitant les conséquences néfastes qui peuvent en découler. L’équilibre en toute chose a toujours été la boussole de notre groupe. C’est pourquoi nous soutiendrons ce texte.

Mme Laure Lavalette (RN). Nous sommes tous ravis, je suppose, de débattre de ce texte, qui devrait faire l’objet d’un consensus. Dans son livre Les tout-petits face aux écrans, Anne-Lise Ducanda, médecin de PMI, parle d’une « épidémie silencieuse ». Protéger les plus petits d’un objet ordinaire que les adultes utilisent toute la journée et qui est en apparence totalement inoffensif, tel est l’enjeu de cette proposition de loi. Le tout-numérique s’inscrit rapidement dans nos vies, sans même que nous en ayons conscience, et c’est d’ailleurs parce qu’il est omniprésent et incontournable qu’une véritable hygiène numérique doit être mise en place.

Si les écrans ne sont pas négatifs en eux-mêmes – comme vous l’avez dit, madame Guichard, tout est une question d’équilibre – et s’ils ont même permis des avancées majeures, nous devons acquérir des réflexes protecteurs à leur sujet et légiférer sur cette réalité qui n’est plus si nouvelle. Si les adultes ont, pour la plupart, un recul suffisant par rapport aux limites que peut présenter le tout-écran, les jeunes enfants risquent gros : ralentissement de l’apprentissage des fondamentaux, troubles cognitifs, relationnels et intellectuels, obésité, impact sur le sommeil, problèmes de vue, hypertension artérielle, problèmes de concentration, les dégâts, on le sait, peuvent être nombreux.

Ce texte, comme le souligne l’exposé des motifs, a pour objet d’être une première pierre législative. Nous nous en réjouissons, mais il ne faudrait pas croire qu’une simple mention sur des emballages ou dans les carnets de grossesse suffira. Les bonnes pratiques mettent toujours plus de temps à s’ancrer dans le quotidien que les moins bonnes.

Vous avez cité, en revanche, un aspect fondamental qui est trop peu mis en avant, à savoir l’égalité des chances. Le développement d’un enfant ne devrait pas dépendre des possibilités dont disposent ses parents pour lui offrir des activités variées, loin des écrans.

C’est aussi parce que nous n’avons pas à nous immiscer dans les habitudes des foyers que nous devons être attentifs aux bons usages dans les lieux d’accueil des jeunes enfants, notamment les maternelles. Si l’écran peut être un outil, l’enfant doit d’abord être en mesure de se développer pleinement au contact du réel avant d’appréhender la vie et les apprentissages à travers les supports numériques.

Pour conclure, nous sommes favorables à cette proposition de loi, même si nous craignons que la démarche ne soit pas à la hauteur des enjeux.

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). Je suis, vous le savez, une amoureuse des jeux vidéo, et vous ne m’entendrez pas critiquer à tout-va les outils numériques. Cependant, je reste moi aussi lucide à l’égard des dérives. Depuis six ans, la Macronie nous sert à toutes les sauces des solutions dématérialisées en lieu et place de services publics réellement humains. La fracture numérique a explosé, le droit à la déconnexion a volé en éclats, et le technococon, selon la belle expression d’Alain Damasio, s’est refermé sur nous. Par une naturelle imitation, ce sont maintenant nos enfants les premières victimes.

Dans ma circonscription, une association nommée Cap ou pas cap sensibilise les parents démunis face aux comportements addictifs de leurs enfants. Lors d’une conférence, Jennifer, maman de Riley, a apporté le témoignage suivant. En 2020, après la perte de son père, elle était plus fragile et a donc cédé facilement aux demandes de son fils. Les programmes à la télé se présentaient comme éducatifs, pédagogiques, et Jennifer pensait bien faire, elle ne se méfiait pas. Or à son entrée en maternelle, Riley ne parlait pas et ne comprenait pas quand on lui demandait de rapporter trois cubes. Géraldine, de même, s’est fait duper par la mention « tablette éducative à partir de 2 ans ». L’outil numérique a assuré l’alphabétisation de son fils, lui permettant de se délester de cette tâche pour en réaliser de nombreuses autres. Très vite, le fils de Géraldine a développé des troubles autistiques et ne communiquait plus. Ces mères sont en colère, et il y a de quoi.

La surexposition aux écrans va de pair avec la vulnérabilité sociale : les enfants de familles défavorisées passent en moyenne deux heures de plus par jour devant les écrans. La Macronie a laissé ces derniers envahir les écoles et les foyers. La boulimie capitaliste de la Startup Nation, aveuglée par la marchandisation des temps de cerveau disponibles, n’a pas songé un instant à concevoir des garde-fous pour protéger les citoyens contre les nombreuses dérives. Il nous incombe maintenant de réparer les pots cassés.

Cette proposition de loi est un pansement. Tant qu’il y aura une répartition inégale des richesses et tant que les pouvoirs publics ne faciliteront pas la mobilité de tous nos concitoyens, aucune révolution ne sera possible.

M. Dino Cinieri (LR). Le groupe Les Républicains est favorable, par principe, à une telle proposition de loi. Il est essentiel de lutter contre l’exposition excessive des enfants aux écrans. Même s’il n’existe pas, selon les études, de certitude que cela induise des problèmes comportementaux, les écrans ont indéniablement un effet sur la santé et la sédentarité.

Nous avons quelques doutes, néanmoins, sur les dispositions inscrites dans cette proposition de loi, notamment celles relatives aux messages publicitaires : sommes-nous sûrs qu’ils atteindront leur but ? Les messages du type « manger, bouger » ont-ils permis d’améliorer la façon de s’alimenter ? Avant d’imposer de nouvelles obligations aux publicitaires, faisons une évaluation de tous les messages existants. En prévoir de nouveaux sur les emballages permettra-t-il vraiment d’éduquer les parents ? Quant aux conseils départementaux, ils se mobilisent déjà, notamment en Moselle et dans le Val-de-Marne. Est-il donc nécessaire de prévoir, les concernant, une nouvelle mission ? Il importe, en revanche, de soutenir les acteurs associatifs et institutionnels.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Merci à notre collègue rapporteure, Caroline Janvier, de nous avoir présenté cette proposition de loi relative à la prévention de l’exposition aux écrans – la prévention étant un sujet cher à notre commission.

Les écrans sont désormais largement présents dans notre quotidien. Nous les utilisons souvent, en tant qu’adultes, de manière excessive. Nous n’avons donc pas une conduite exemplaire pour les enfants qui nous observent et reproduisent nos actions, alors que les effets néfastes des écrans sur le développement psychologique, physique et cognitif des jeunes enfants sont avérés.

Comme vous l’avez rappelé, une exposition précoce et excessive aux écrans entraîne, entre autres, un retard de langage, des troubles émotionnels, de l’attention et du sommeil, l’apparition de pathologies visuelles, ainsi que de l’obésité. Les enfants sont des sujets vulnérables, sensibles à leur environnement, particulièrement dans la période allant de 0 à 3 ans, qui est essentielle pour le développement cognitif. Les chiffres sont alarmants : 68 % des enfants de 0 à 2 ans regardent tous les jours la télévision et 26 % des nourrissons utilisent des smartphones et des tablettes une heure par jour – 38 % pour les moins de 4 ans. Si nous ne nions pas l’intérêt pédagogique que peuvent avoir les écrans et les programmes éducatifs, il est avéré qu’en dessous d’un certain âge, qui est de 3 ans, tout contenu télévisuel, qu’il soit ou non éducatif, et encadré ou non par les parents, est associé à des conséquences développementales négatives. Les enfants de moins de 3 ans apprennent moins en étant exposés à la télévision que par le biais d’une démonstration réelle.

Il est temps que soit mise en place une politique publique visant à prévenir l’usage excessif des écrans chez les jeunes publics. Le groupe Démocrate pense qu’il faut également empêcher l’usage de ces équipements par les enfants de 0 à 3 ans, comme le préconisent les autorités françaises. Nous avons donc déposé des amendements visant à préciser et à accentuer le caractère contraignant de plusieurs mesures inscrites dans la proposition de loi, en faveur de laquelle nous voterons.

M. Arthur Delaporte (SOC). Joséphine, qui a 2 ans et demi, a tellement regardé les écrans de télévision et de téléphone depuis sa naissance qu’elle a développé des troubles du comportement – fatigue excessive, rythme complètement désajusté et retrait relationnel. Nous rencontrons malheureusement, toutes et tous, des cas semblables à celui de Joséphine, qui n’est pas isolé. Mme la rapporteure a fait part de données particulièrement inquiétantes. On sait, par ailleurs, qu’un tiers des enfants de 0 à 3 ans, ce qui est considérable, prend son repas devant un écran.

Nous partageons toutes et tous, me semble-t-il, l’objectif de cette proposition de loi : il est nécessaire de protéger les enfants contre l’exposition aux écrans. Néanmoins, permettez‑moi d’exprimer quelques réserves, liées à l’insuffisance de certaines dispositions par rapport à l’objectif visé. D’abord, certaines des mesures proposées sont d’ordre réglementaire. Est-ce, par exemple, au législateur de se saisir du contenu du carnet de grossesse ? Nous ne comprenons pas davantage la multiplication actuelle des textes, notamment issus de la majorité, sur un sujet assez proche qui est le rapport des enfants au numérique, sans qu’un véritable travail soit mené pour aboutir à une vision globale et transpartisane. Pourquoi ne pas former un groupe de travail qui pourrait saisir le HCSP et serait chargé de proposer des dispositions dotées d’un impact réel, en adoptant une vision plus large afin de mieux protéger les enfants ? Il faudrait notamment s’attaquer à la responsabilité des diffuseurs et des producteurs de contenus – cet enjeu essentiel nous semble un peu absent du texte.

Enfin, nous ne comprenons pas un présupposé qui consiste à pointer du doigt les enseignants, les animateurs ou les puériculteurs, qui pourraient être de méchants professionnels scotchés à leurs téléphones portables en présence des enfants. La proposition de loi comporte une disposition concernant les règlements intérieurs des établissements qui nous paraît un peu particulière, mais nous aurons l’occasion d’en reparler.

M. François Gernigon (HOR). Les résultats la cohorte « Étude longitudinale française depuis l’enfance » (Elfe), publiés récemment par l’Insee, sont inquiétants. Dès l’âge de 3 ans et demi, plus de quatre enfants sur dix utilisent régulièrement des écrans et, durant leurs six premières années, seuls quatre enfants sur dix sont maintenus à distance des écrans numériques. De plus, seuls 13,5 % des parents respectent la recommandation de ne pas exposer aux écrans les enfants de moins de 2 ans. Les scientifiques ont alerté sur les risques encourus par les enfants : dégradation de la qualité du sommeil, risques accrus d’obésité et de surpoids, troubles du développement, décrochage scolaire dans l’adolescence.

Cette proposition de loi prévoit une communication sanitaire grand public. L’une des mesures phares est l’apposition de messages de prévention sur les emballages de téléphones portables, ordinateurs, tablettes et produits assimilés. Cela pourrait devenir un bon repère pour les parents, à l’instar de ce qui existe pour l’alimentaire. Nous avons toutefois quelques incertitudes quant à l’applicabilité de cette disposition, notamment en ce qui concerne la notion de produits assimilés. Le décret à paraître, prévu au dernier alinéa de l’article 1er, comportera-t-il une liste précise des produits concernés ?

Nous remercions la rapporteure pour ce texte, qui constitue une belle avancée pour la santé de nos enfants. Il s’accompagnera d’autres mesures concernant les contenus sur les réseaux sociaux, qui exposent les enfants à d’autres risques. Nous saluons à cette occasion l’adoption à l’unanimité en commission des affaires culturelles, le 15 février dernier, de la proposition de loi du président Laurent Marcangeli visant à instaurer une majorité numérique.

En conclusion, notre groupe soutient pleinement cette proposition de loi et les objectifs qu’elle poursuit.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’examen de cette proposition de loi est pour moi l’occasion de remettre ma casquette de psychologue. Lorsque les smartphones sont apparus, vers 2005-2010, beaucoup se sont émerveillés de la capacité des enfants à se saisir de cet outil. Puis, à partir de 2015, j’ai reçu en consultation de nombreux parents, souvent envoyés par l’école, parce que leurs jeunes enfants de 4 ou 5 ans rencontraient de très grandes difficultés d’apprentissage, de concentration et de comportement.

Les premiers mois de la vie d’un enfant sont essentiels pour son développement. Avant 3 ans, l’enfant a besoin d’interrelations multimodales, qui impliquent tous les sens. Or les écrans empêchent d’acquérir de nombreuses compétences comme la motricité, le langage, la capacité de concentration et l’empathie émotionnelle, c’est-à-dire la capacité de considérer le visage de l’autre comme un support de communication émotionnelle. Cela a des conséquences dans la construction cognitive ainsi que dans la gestion du rapport à l’autre, du manque et de la frustration. Ces effets peuvent être terribles et être ressentis toute la vie.

Le groupe Écologiste salue donc cette proposition de loi car elle met en lumière cette question essentielle, encore largement méconnue des parents. Les mesures proposées sont certes insuffisantes mais elles permettront de sensibiliser les médecins et les professionnels de l’enfance à ce sujet.

Mme Soumya Bourouaha (GDR - NUPES). Peu de lois se sont intéressées à l’impact des écrans sur les tout-petits, raison pour laquelle nous accueillons cette proposition de loi avec beaucoup d’attention. Elle nous semble importante, tant les enfants sont exposés de plus en plus tôt, et parfois plusieurs heures par jour, aux écrans. Les chiffres sont alarmants : un tiers des enfants de 0 à 3 ans prennent leur repas devant un écran. Alors que la communauté scientifique s’accorde à recommander l’absence totale d’exposition pour les moins de 3 ans, seuls 9 % des enfants de 2 ans sont réellement tenus à distance des écrans.

Pourtant, les conclusions de l’OMS sont claires : les jeunes enfants ont besoin d’interactions avec ceux qui les entourent, d’activités et de jeux éducatifs, mais pas à travers des écrans. Alors que l’Académie nationale de médecine vient d’alerter sur l’impact des lumières LED sur les enfants, les conséquences d’une exposition excessive aux écrans pour les tout-petits sont trop importantes pour ne pas agir.

Nous partageons l’objectif poursuivi de formation, de sensibilisation et de prévention à destination des parents et des professionnels de la petite enfance. Cependant, nous nous interrogeons sur les moyens qui seront accordés aux présidents des conseils départementaux pour assurer ces nouvelles missions car nous savons que tous ne disposent pas des mêmes ressources. Le groupe Gauche démocrate et républicaine soutiendra toutefois cette proposition de loi.

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons aux interventions individuelles.

M. Thibault Bazin (LR). Cette proposition de loi s’attelle à un problème réel d’exposition excessive des enfants aux écrans, problème croissant dans notre société puisque les écrans se sont multipliés, dans le domaine privé comme dans le domaine public.

Toutefois, est-il nécessaire de légiférer pour faire face à ce fléau ? Les premiers éducateurs sont les parents, qui ont la responsabilité d’apprendre aux enfants à utiliser de manière adaptée les écrans en fonction de leur âge et de la pertinence des contenus. Faut-il légiférer pour intégrer ce sujet dans la formation des professionnels concernés ? Pas forcément mais l’intention mérite d’être soutenue. Faut-il légiférer pour insérer des recommandations dans le carnet de grossesse ? Il est nécessaire d’informer les futurs parents de ce risque mais cela ne relève pas forcément du domaine législatif.

Si je partage votre préoccupation, madame la rapporteure, je me demande s’il est nécessaire de légiférer sur cette question. Le fait d’inscrire ce texte à l’ordre du jour a-t-il pour but d’inciter l’exécutif à réagir et à s’emparer pleinement de cette question ?

Mme la rapporteure. Madame Lavalette, nous aurons l’occasion de débattre de l’utilisation des écrans dans les lieux d’accueil des enfants lors de l’examen des amendements. Je crois toutefois qu’il ne faut pas poser le principe d’une interdiction ni adopter une approche technophobe. Notre but est de mener une politique de prévention et donc de formation, de sensibilisation et d’information.

Madame Soudais, le texte que nous présentons se montre ambitieux dans la diversité des acteurs à qui sont confiés les outils de prévention et dans la diversité des solutions opérationnelles qui sont proposées.

Monsieur Cinieri, s’agissant de l’efficacité des messages de prévention sur les emballages et dans les publicités, il faut multiplier les outils et les niveaux d’information car c’est leur diversité et leur systématisation qui permettront d’atteindre l’ensemble des cibles.

Concernant les présidents de département, l’idée n’était pas de leur confier une nouvelle prérogative – le département a déjà pour mission la protection maternelle et infantile, qui comporte des objectifs de prévention – mais de spécifier l’une de ces missions de prévention. Toutefois, cette mesure n’emportant pas l’assentiment des départements, je proposerai un amendement en séance pour revenir sur cette disposition.

Vous soulevez un point juste, monsieur Delaporte, sur la nature réglementaire, et non législative, de l’inscription de recommandations très précises dans le carnet de grossesse. Je présenterai donc un amendement pour renvoyer cette disposition à un décret.

La constitution d’un groupe de travail pour étudier la responsabilité des diffuseurs et des producteurs de contenus dépasse le cadre de la présente proposition de loi : celle-ci ne cible qu’un public très jeune et s’intéresse au contenant – les écrans – plutôt qu’au contenu. Je partage toutefois votre avis sur la nécessité d’aller plus loin sur cette question, notamment concernant les algorithmes, dont l’objectif est de créer une dépendance dès le plus jeune âge.

Le texte ne vise pas non plus à pointer du doigt les professionnels mais à rappeler le rôle qu’ont les adultes, parents ou professionnels, dans l’usage qu’eux-mêmes font des écrans, d’une part parce qu’ils ont un devoir d’exemplarité et, d’autre part, parce que cela joue un rôle dans leurs interactions avec les enfants.

Monsieur Peytavie, vous avez rappelé à juste titre les effets des écrans sur la construction de l’enfant et sur l’empathie émotionnelle.

Enfin, monsieur Bazin, vous demandez pourquoi nous avons choisi la voie législative. Dès lors que l’on constate un niveau de risque important avec une inégalité des chances dans la prévention, il est de la responsabilité de la puissance publique de s’assurer que l’ensemble des adultes, professionnels comme parents, disposent de la même connaissance de ces risques. En effet, il incombe au législateur non pas d’aller voir ce qui se passe dans les foyers, mais de s’assurer que les choix éducatifs sont bien éclairés ; pour cela, chacun doit disposer du même niveau d’information.

Pour construire une politique de santé publique ambitieuse, il nous faut des moyens, il nous faut associer l’ensemble des acteurs et il nous faut développer une batterie d’outils. Tel est l’objectif de cette proposition de loi.

 

Article 1er : Instaurer une politique publique de prévention des risques liés à l’usage des écrans par les jeunes enfants

Amendement AS140 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à placer le nouveau dispositif dans le livre Ier de la deuxième partie du code de la santé publique, consacrée aux actions de prévention concernant l’enfant, plutôt que dans la partie relative à la lutte contre les maladies, afin de ne pas provoquer de confusions.

La commission adopte l’amendement.

Amendements AS44 de M. Christophe Bentz et AS62 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

M. Serge Muller (RN). L’amendement AS44 tend à fixer l’âge-pivot à 10 ans, plutôt que 6 ans, car ce repère, aisément mémorisable, correspond à un seuil manifeste dans les apprentissages – entrée au collège, début fréquent d’une activité associative régulière. Il étendrait ainsi la protection renforcée des mineurs à la totalité de leur enfance.

M. Dino Cinieri (LR). Tous les enfants doivent être protégés, pas seulement les plus jeunes d’entre eux.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Nous devons concentrer nos efforts sur la petite enfance, période cruciale dans le développement cognitif, émotionnel et social – c’est d’ailleurs la raison pour laquelle dix-sept des vingt rendez-vous médicaux obligatoires ont lieu avant la sixième année.

M. Thibault Bazin (LR). Former et sensibiliser les professionnels de l’éducation ou de la santé va dans le bon sens. Il n’est cependant pas nécessaire de modifier la loi pour cela car les organismes de formation peuvent d’ores et déjà inclure ces éléments dans leurs programmes.

Concernant l’âge, vous vous situez clairement dans le champ de la PMI, c’est-à-dire celui des moins de 6 ans. Or d’autres problèmes d’addiction existent, notamment ceux liés aux jeux vidéo, qui concernent d’autres âges de la vie. Il y aurait besoin d’une approche globale sur cette question, de manière à ce que l’on puisse bénéficier à tout âge de la prévention des risques.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS97 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à permettre au ministère de la santé d’être un acteur à part entière dans la prévention des risques que l’exposition aux écrans numériques fait peser sur la santé des enfants.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Vous souhaitez insister sur la dimension de santé publique : c’est évidemment le cas, cette proposition de loi ayant vocation à être codifiée dans le code de santé publique.

Par ailleurs, le pilotage opérationnel des différents dispositifs prévus par ce texte nécessite d’associer les autres ministères. C’est la raison pour laquelle nous avons besoin d’une loi globale car les mesures prévues impliquent des professionnels, des instances et des schémas de planification qui relèvent d’autres ministères que celui de la santé ainsi que de collectivités locales ou des départements.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques AS7 de M. Dino Cinieri et AS75 de Mme Christine Loir, amendements AS93 de M. Christophe Bentz et AS94 de Mme Alexandra Martin (discussion commune).

M. Dino Cinieri (LR). Les risques liés à l’exposition excessive aux écrans numériques sont importants pour tous les enfants, même au-delà de 6 ans. Il convient de mettre en place une politique de prévention jusqu’à 12 ans.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). Par l’amendement AS75, il s’agit de cibler les enfants jusqu’à 12 ans plutôt que 6 ans. Le fléau de la surexposition aux écrans touchant tous les âges, il importe d’adapter notre politique de prévention aux différentes catégories d’âges, mais surtout de considérer l’enfance dans son entièreté. Il est nécessaire d’aller jusqu’à 12 ans avant de mettre en place une politique de prévention généralisée à l’ensemble de la population car l’enfant d’aujourd’hui est l’adulte de demain.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement AS94 .

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les raisons déjà évoquées. Je comprends la frustration de devoir se limiter à une seule tranche d’âge mais cela nécessiterait d’autres textes, voire un groupe de travail sur cette question.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). En matière d’exposition aux écrans de l’enfant, Serge Tisseron a conçu la règle des 3-6-9-12 : pas de télévision avant 3 ans, pas de console de jeux personnelle avant 6 ans, pas d’internet non accompagné avant 9 ans et pas de réseaux sociaux avant 12 ans. La limite d’âge de 12 ans, proposée dans l’amendement AS7, paraît pertinente car la période 6-12 ans est cruciale dans le développement de l’enfant. Il nous semble donc judicieux d’adopter cet amendement.

Mme la rapporteure. Sur le fond, je préférerais que l’on cible le public le plus large possible et que l’on aborde également les questions d’exposition à des contenus violents, d’addiction aux réseaux sociaux et de cyberharcèlement. Malheureusement, pour que cette proposition de loi soit cohérente et acceptée par les différents acteurs impliqués, notamment les départements, j’ai dû me limiter à la tranche d’âge des 0 à 6 ans. Adopter ces amendements fragiliserait l’ensemble du dispositif car cela nécessiterait de réécrire de nombreuses dispositions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS131 de Mme Laurence Cristol.

Mme Laurence Cristol (RE). La prévention de l’exposition excessive aux écrans se situe au croisement de plusieurs politiques de santé publique. Elles ont donné lieu à pas moins de cinquante et un plans de santé publique entre 2003 et 2017, lesquels ont été appliqués et évalués de manière très inégale. Nous tenons tous à ce que cette proposition de loi, une fois votée, fasse l’objet d’une politique ambitieuse dont nous pourrons assurer le suivi de l’exécution. C’est pourquoi je propose que celle-ci soit intégrée à la stratégie nationale de santé.

Mme la rapporteure. Demande de retrait car je ne souhaite pas circonscrire la politique de prévention à sa dimension de santé publique. Je vous propose de travailler, en vue de la séance, à un nouvel amendement qui préciserait l’instance chargée du portage de ce dispositif.

L’amendement est retiré.

Amendement AS14 de Mme Ersilia Soudais.

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). Isolement, appauvrissement de la relation aux autres, passivité, retard dans l’acquisition du langage, irritabilité, agressivité, anxiété, désintérêt pour d’autres activités : tels sont quelques-uns des effets de la dépendance aux écrans. Ces dommages ne sont pas irréversibles, même si, selon la classe sociale, toutes les familles ne les subissent pas de la même manière.

Ni vous ni moi ne sommes des spécialistes du sujet ; ni vous ni moi ne sommes des professionnels de santé formés à la connaissance du plus jeune âge. Les enfants sont notre avenir. La France, pays des Lumières, se doit de protéger les plus jeunes, mais pas n’importe comment ni à n’importe quel prix. Nous avons vu ce qu’ont donné les précédentes campagnes de sensibilisation : les messages de prévention sont restés affichés dans les cabinets médicaux, sur le site du ministère de la santé – et c’est tout. Pourtant, les risques des écrans pour la santé physique sont avérés : la perte des capacités cardiovasculaires peut atteindre 25 % et la probabilité de développer des troubles primaires du langage est multipliée par trois, voire par six.

Nous devons donc faire confiance à des experts indépendants pour évaluer la politique publique conduite en la matière et, surtout, pour être force de proposition. Si nous tenons à le préciser, c’est parce que nous avons eu trop souvent l’habitude, dans certaines sphères, que des lobbies proposent des solutions qui leur sont profitables, à travers des amendements tout préparés. Il nous semble nécessaire que la politique de prévention des risques liés à l’exposition des jeunes enfants aux écrans numériques soit conduite en collaboration avec le Défenseur des enfants et la Haute Autorité de santé (HAS) : ces instances indépendantes sont reconnues pour leur expertise. Elles apporteront des garanties s’agissant de l’évaluation et de l’évolution de la politique menée par l’État dans ce domaine.

Mme la rapporteure. Le paragraphe visé pose le principe d’un engagement de la puissance publique en faveur de la prévention. Une définition trop précise risquerait de limiter la portée du dispositif. Par ailleurs, la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr, que la proposition de loi renforcera, a été élaborée en collaboration avec la Défenseure des droits, l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) et le Conseil national du numérique. Ces acteurs continueront donc à être associés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS8 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri (LR). Le développement des écrans numériques dans les écoles maternelles et primaires, en particulier avec la mise à disposition de tablettes en remplacement des livres et des cahiers, est inquiétant. Le phénomène nuit aux apprentissages et risque d’induire une addiction aux écrans. L’amendement vise donc à interdire les tablettes dans les lieux accueillant de jeunes enfants.

Mme la rapporteure. Je ne suis pas favorable à une interdiction sèche. Il vaut mieux concentrer les efforts sur la formation, la sensibilisation et la régulation, notamment à travers le règlement intérieur – nous aborderons la question plus tard dans la discussion.

Avis défavorable.

M. Philippe Juvin (LR). De nombreux travaux scientifiques montrent que l’utilisation des écrans dès le plus jeune âge a des effets directs sur le développement de l’attention ainsi que sur l’apprentissage de la lecture et de l’écriture. Dans ces conditions, refuser d’interdire les écrans, c’est un peu comme de dire que le tabac est dangereux tout en l’autorisant.

Mme la rapporteure. C’est le cas !

M. Philippe Juvin (LR). Pas pour les enfants de maternelle !

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS114 et AS121 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La proposition de loi s’inscrit dans le cadre de la prévention et non dans celui de la maladie. Par ailleurs, il importe de s’appuyer sur les instances existantes. Pour mener une politique de santé publique, il faut se fixer des priorités, établir un cadre et disposer d’une expertise. En l’occurrence, celle de Santé publique France est reconnue, y compris sur le plan de la communication. Il convient donc de préciser que la politique de prévention menée dans le domaine de l’exposition aux écrans repose sur cette agence, comme c’est le cas pour les autres politiques de prévention.

Mme la rapporteure. Vous avez raison : il faut s’appuyer sur les experts et les instances existantes, notamment pour développer des outils aussi précis que ceux qui permettront de mesurer les risques liés aux écrans. À cet égard, la rédaction de l’amendement AS121 me paraît plus opérante que celle de l’amendement AS114. J’y suis donc favorable et vous demande de retirer l’autre amendement.

L’amendement est AS114 retiré.

La commission adopte l’amendement AS121.

Amendement AS88 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous ne souhaitons pas que des outils de mesure soient introduits dans les lieux d’accueil des jeunes enfants, en particulier les écoles maternelles et primaires : si nous partageons l’objectif consistant à diminuer l’exposition des enfants aux écrans, nous ne voulons pas transformer les écoles en laboratoires.

Mme la rapporteure. Pour ma part, je juge cette mesure nécessaire. Les enfants sont beaucoup plus exposés aux écrans que ne le pensent les professionnels présents dans ces structures. Un enfant arrivant à huit heures dans un lieu d’accueil périscolaire peut y utiliser un écran. Ensuite, quand il va en classe, l’enseignant lui propose un support numérique à vocation pédagogique. Lors de la pause méridienne, par exemple s’il pleut, il peut se voir proposer un film. Parfois, un temps d’écran supplémentaire vient s’ajouter l’après-midi. L’enfant est ainsi exposé, dans un établissement scolaire, à un temps d’écran cumulé de plusieurs heures. Le seul objectif de l’outil de mesure que je propose est de faire prendre conscience à l’ensemble des professionnels en contact avec les enfants – qu’il s’agisse des animateurs, pendant le temps périscolaire, ou des enseignants, pendant le temps de classe – de cette exposition, de manière à adapter les pratiques pour la réduire.

M. Arthur Delaporte (SOC). Votre objectif est-il de surveiller chaque enfant à l’école, pour connaître son temps d’exposition journalier, ou bien de disposer de données statistiques ? Dans ce dernier cas, vous pouvez en rester à la rédaction que je vous propose, laquelle inclut le temps scolaire. Est-ce à la loi de préciser les lieux où sont mesurés les risques liés à l’exposition aux écrans ?

Mme la rapporteure. La loi doit préciser les objectifs qu’elle poursuit. En l’occurrence, il s’agit d’élaborer des outils de mesure – mais ces derniers pourront être très simples, par exemple un tableau rempli par les professionnels et indiquant le nombre total d’heures d’utilisation des écrans pour chaque jour de la semaine. L’idée est non pas de recueillir des données à des fins statistiques, mais de faire prendre conscience aux professionnels du temps réel d’utilisation des écrans et d’inclure cet élément dans le projet de l’établissement. Pour ces raisons, je préfère conserver la rédaction actuelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS45 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à compléter la liste des lieux où la prévention s’appliquera en l’étendant aux crèches ainsi qu’aux centres sportifs et culturels.

Mme la rapporteure. Les crèches font déjà partie des lieux d’accueil des jeunes enfants. S’agissant des centres sportifs et culturels, ils n’entrent pas dans le champ de l’article 1er.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS102 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac (RE). Comme vous l’avez précisé, madame la rapporteure, l’article 1er vise les enfants de moins de 6 ans. Nous proposons donc de supprimer la mention de l’école primaire : les écoles maternelles accueillent les enfants jusqu’à 5 ans.

Mme la rapporteure. Avis favorable.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Nous ne voterons pas en faveur de cet amendement. Il vise à corriger une erreur de rédaction – l’école primaire regroupe maternelle et élémentaire. Or nous ne souhaitons pas que la politique de prévention s’arrête à l’âge de 6 ans. À cet égard, nous préférerions que la prévention soit définie en fonction des lieux d’accueil plutôt que de l’âge, de manière à éviter tout effet couperet.

L’erreur de rédaction initiale nous arrange bien, car elle donne une base légale pour développer la politique de prévention dans les écoles primaires. C’est entre 6 et 10 ans que se joue l’acquisition d’un écran, notamment avec l’accès au téléphone portable, ce qui suppose aussi des enjeux en matière de droit à l’image et à l’intimité, en particulier sur les réseaux sociaux.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS76 de Mme Christine Loir.

M. Emmanuel Taché de la Pagerie (RN). L’amendement vise à inclure les établissements périscolaires dans le dispositif. Les dernières réformes de l’éducation nationale ont permis de démocratiser les activités périscolaires. En outre, un nombre croissant d’enfants fréquentent ces établissements parce que leurs deux parents travaillent. À l’heure du tout-numérique, il est important d’étendre la prévention à ces établissements. Une bonne prévention se doit d’être omniprésente dans la vie des enfants et des adultes.

Mme la rapporteure. Les établissements périscolaires n’entrent pas dans le champ de l’article, mais il en sera question à l’article 5. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS46 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement vise à améliorer la prévention en développant l’information des parents par le personnel éducatif.

Mme la rapporteure. Un tel dispositif est de niveau réglementaire. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS63 de M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri (LR). Il s’agit d’un amendement de précision : la plateforme doit aussi conseiller les éducateurs et enseignants pour limiter l’usage des écrans numériques, à défaut de pouvoir totalement s’en passer.

Mme la rapporteure. L’objectif de l’article est de pérenniser la plateforme jeprotegemonenfant.gouv.fr en l’inscrivant dans la loi. Or cette plateforme est tournée de façon très explicite vers la parentalité numérique. Je ne suis donc pas favorable à l’ajout que vous proposez, même si, par ailleurs, les éducateurs et les enseignants y trouveront aussi les ressources nécessaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS84 de Mme Caroline Parmentier.

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement est défendu.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS151 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. L’amendement m’a été suggéré notamment par les scientifiques et experts que j’ai auditionnés. Les usages du numérique évoluent très rapidement, et il en va de même des travaux scientifiques portant sur l’usage excessif des écrans. Il convient donc de s’assurer qu’il existe une adéquation entre les recommandations émises par la plateforme et l’état des connaissances scientifiques.

M. Philippe Juvin (LR). Adapter les recommandations en s’appuyant sur la littérature scientifique est de bon sens, mais votre démarche est paradoxale : les données scientifiques disponibles établissent déjà qu’il n’y a que des inconvénients à exposer les enfants de maternelle aux écrans. Nous pourrions donc d’ores et déjà décider d’interdire les écrans en maternelle.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS56 de Mme Joëlle Mélin.

Mme Joëlle Mélin (RN). Une image vaut mieux qu’une longue explication. À cet égard, les instruments d’imagerie modernes permettent de mettre en évidence le fait que la subtance blanche, dans le cerveau, est affectée par l’exposition aux écrans. Cette substance, d’abord en quantité limitée chez le tout jeune enfant, ne se développe qu’au cours des apprentissages. Or les études indiquent une perte d’au moins 10 % chez certains enfants âgés de 6 à 7 ans. Certes, cette évolution est peut-être liée au manque d’autres apprentissages, mais il est important que les parents puissent se représenter très concrètement ce qui se passe dans le cerveau de leur enfant.

Mme la rapporteure. D’une part, nous venons d’adopter un amendement rappelant la nécessité d’asseoir les recommandations sur les publications scientifiques les plus récentes. D’autre part, le terme « substance blanche » n’est pas suffisamment précis sur le plan scientifique.

Avis défavorable.

Mme Joëlle Mélin (RN). Je ne suis pas une grande spécialiste de neurophysiologie, mais mon long parcours de médecin rééducateur et réadaptateur m’a prouvé que certains concepts relatifs à l’anatomie et à la physiologie du cerveau étaient largement connus. C’est le cas de la substance blanche. Le terme est utilisé dans toutes les publications médicales et figure dans les cours de sciences naturelles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS68 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Nous proposons que la plateforme fasse la promotion des consultations et des actions de prévention.

Mme la rapporteure. Les missions des services de la PMI sont déjà visées aux articles 3 et 4. Il ne me semble pas opportun d’ajouter un niveau d’information supplémentaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS132 de Mme Laurence Cristol.

Mme Laurence Cristol (RE). Des plateformes comme « Tabac info service » ou « Drogues info service », qui s’adressent elles aussi à des personnes souffrant de dépendance, ont évolué au fil du temps, notamment en intégrant des solutions concrètes pour les usagers.

L’offre, en matière de soutien pour les parents, est difficilement lisible ; les professionnels eux-mêmes ne s’y retrouvent pas et s’inquiètent du manque de prise en charge précoce des addictions. Or les études montrent que les messages sont plus efficaces lorsqu’ils sont associés à un soutien concret et accessible. Je propose donc, à l’image de ce qui existe sur d’autres sites, que la plateforme numérique comprenne un « répertoire recensant les professionnels et structures de soutien à la parentalité et d’addictologie » auquel les parents pourront s’adresser près de chez eux.

Mme la rapporteure. Nous nous éloignons du sujet : les informations délivrées par la plateforme visent, de façon plus globale, à accompagner les parents dans l’usage du numérique. Je demande le retrait de l’amendement.

L’amendement est retiré.

Amendements AS154 de Mme Caroline Janvier, AS77 de Mme Christine Loir, AS133 de Mme Laurence Cristol et AS64 de M. Dino Cinieri (discussion commune).

Mme la rapporteure. Les enseignants du premier degré doivent recevoir eux aussi la formation aux risques liés à une surexposition aux écrans, puisqu’ils encadrent les enfants de 3 à 6 ans. Tel est l’objet de mon amendement.

Mme Katiana Levavasseur (RN). L’amendement AS77 vise à étendre le dispositif de formation à l’ensemble des professionnels de l’éducation travaillant avec des enfants de 0 à 12 ans y compris les instituteurs et les accompagnants d’élèves en situation de handicap : la formation initiale et continue de ces professionnels doit comprendre un cours relatif à la prévention à l’exposition excessive des enfants aux écrans.

Mme Laurence Cristol (RE). Mon amendement a pour objet d’élargir la formation aux professionnels des services de soutien à la parentalité ainsi qu’à l’ensemble des personnels enseignants.

La proposition de loi se concentre sur les enfants de 0 à 6 ans, mais il ne faut pas limiter la formation aux personnels travaillant dans le premier degré : même après 6 ans, il s’agit d’un enjeu de santé publique important. Quant aux services de soutien à la parentalité, ils aident au quotidien les familles rencontrant des difficultés et peuvent contribuer à prévenir ces dernières ; il apparaît donc fondamental de ne pas les exclure de la formation.

M. Dino Cinieri (LR). L’usage des tablettes augmente considérablement dans les écoles maternelles. Il convient donc de prévoir une formation spécifique pour les enseignants des petites classes.

Mme la rapporteure. Pour les mêmes raisons que précédemment, je suis défavorable aux amendements AS77, AS133 et AS64 : je préfère ne pas étendre la formation à l’ensemble des professionnels de l’éducation, car le public visé est celui des 3 à 6 ans.

L’amendement AS133 est retiré.

La commission adopte l’amendement AS154.

En conséquence, les amendements AS77 et AS64 tombent.

Amendement AS70 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Dans son rapport, la commission chargée de réfléchir sur les 1000 premiers jours a insisté sur la nécessité de former les professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance aux besoins et aux rythmes du bébé, à la conduite pratique de l’allaitement, à l’écoute et à la relation d’aide, aux besoins spécifiques d’un bébé prématuré ou malade. Elle a mis l’accent, notamment, sur la prise en compte de l’appétence relationnelle du bébé.

La proposition de loi ajoute à la formation initiale et continue des professionnels de santé, du secteur médico-social, ainsi que des professionnels de la petite enfance, les risques associés à l’exposition des enfants aux écrans. À travers cet amendement, nous entendons aller plus loin en inscrivant cette formation dans une approche globale et pluridisciplinaire prenant en compte les aspects sur lesquels l’exposition aux écrans des enfants a le plus d’impact.

Mme la rapporteure. Vous proposez de dispenser une formation relative au développement cognitif, émotionnel et social de l’enfant de moins 6 ans prenant en compte les risques liés à la surexposition aux écrans. La démarche que je préconise est inverse : parmi ces risques, il conviendra de ne pas oublier ceux qui sont liés au développement cognitif de l’enfant. Je veillerai, dans le cadre de l’élaboration des décrets et des autres textes précisant le contenu de la formation, à ce que les éléments que vous évoquez ne soient pas oubliés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS78 de Mme Christine Loir, AS95 de Mme Alexandra Martin et AS115 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

Mme Katiana Levavasseur (RN). La prévention de la surexposition aux écrans doit viser les enfants de moins de 12 ans. Un groupe de praticiens de terrain, de chercheurs et d’universitaires constitué par Serge Tisseron a imaginé quatre balises – situées à 3, 6, 9 et 12 ans – et conçu une prévention différente pour chaque tranche d’âge. Il est important d’adapter la politique de prévention en fonction de l’âge, mais surtout de considérer le développement de l’enfant dans son entier. Il semble dangereux de s’arrêter à 6 ans : il faut aller jusqu’à 12 ans, avant de mettre en place une politique de prévention pour l’ensemble de la population. C’est le sens de l’amendement AS78.

M. Dino Cinieri (LR). L’amendement AS95 vise à instaurer une formation spécifique aux risques associés aux différents degrés d’exposition aux écrans numériques pour les enfants de moins de 10 ans.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement a pour objet de préciser que la prévention vise les enfants de moins de 6 ans.

Mme la rapporteure. Pour les raisons déjà évoquées, je tiens conserver la cible des 0 à 6 ans. Avis défavorable.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). C’est ce que je propose.

Mme la rapporteure. Non, tel qu’il est rédigé, votre amendement fait exactement l’inverse.

L’amendement AS115 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements AS78 et AS95.

Amendement AS57 de Mme Joëlle Mélin.

M. Serge Muller (RN). L’amendement consiste à donner un caractère évolutif au contenu des formations que recevront les professionnels de santé, du secteur médico-social et de la petite enfance. Il est essentiel d’adapter les formations aux conclusions des recherches les plus récentes.

Mme la rapporteure. Votre demande est satisfaite : il est évident que les formateurs adapteront le contenu pour tenir compte de l’évolution des connaissances, des nouveaux usages et des nouvelles technologies.

Avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement AS15 de M. Antoine Léaument.

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). Cette proposition de loi reconnaît qu’il faut des compétences particulières pour lutter contre l’exposition des enfants de moins de 6 ans aux écrans numériques.

Selon le rapport de la Défenseure des droits intitulé « La vie privée : un droit pour l’enfant », publié en 2022, 44 % des parents ne se sentent pas ou pas suffisamment accompagné pour encadrer les pratiques numériques de leurs enfants. C’est un chiffre conséquent. Si autant de parents se sentent aussi démunis, il est fondamental de proposer une formation spécifique à la lutte contre l’exposition aux écrans des enfants de moins de 6 ans au sein des secteurs de la santé, du médico-social et de la petite enfance.

De fait, les professionnels de la petite enfance ne demandent qu’à être formés. Ainsi, lors de leur dernière grande mobilisation, le droit à la formation était l’une de leurs revendications.

Sans véritables efforts en ce sens, cette proposition de loi serait condamnée à énoncer de bonnes intentions.

Pour que la formation soit la plus efficace possible, il est nécessaire de la prévoir sur le temps de travail des professionnels concernés – car elle ne doit pas devenir une charge supplémentaire alors même que leurs conditions de travail sont particulièrement exigeantes. Parmi les autres doléances du secteur de la petite enfance, on peut trouver des salaires trop faibles, le manque de personnel et des horaires trop contraignants. Les professionnels sont demandeurs de formation. Mais alors que le travail exigé est déjà plus conséquent qu’il ne devrait décemment l’être, il serait immoral de leur imposer des temps de formation en dehors du temps de travail. Cela les conduirait assez logiquement à y renoncer.

Les temps de repos sont précieux et ne doivent pas être détournés à d’autres fins, car ils garantissent la bonne santé et l’efficacité des travailleurs – et donc la bonne prise en charge de nos enfants.

Mme la rapporteure. Vous proposez que la formation sur les risques associés à l’exposition aux écrans soit réalisée sur le temps de travail des professionnels. Cela me semble tout à fait logique et pertinent.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS16 de Mme Ersilia Soudais.

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). La formation doit évoluer constamment, afin de prendre en compte les évolutions du numérique et ses conséquences sur la santé.

Entre les premiers modèles de téléphones mobiles sortis dans les années 1980 et les smartphones actuels, l’évolution a été absolument fulgurante. Les téléphones sont désormais totalement multifonctions, au point de s’y perdre parfois. Cette évolution s’est accompagnée d’une amélioration du réseau de téléphonie mobile, qui est passé de la première génération à la fameuse 5G qui a tant fait grincer des dents.

Les récents événements ont bien montré que l’évolution des pratiques numériques peut être radicale. Selon l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique, depuis la crise sanitaire, la consommation numérique s’est accrue de 44 % pour les parents et de 53 % pour les enfants.

Il nous semble donc pertinent de préciser que la formation est dispensée tous les deux ans aux professionnels concernés, afin qu’elle soit continue et adaptée aux évolutions du numérique.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Je suis d’accord avec vous s’agissant de la nécessité d’actualiser régulièrement le contenu de la formation en fonction des connaissances scientifiques les plus récentes. Mais je ne crois pas qu’il soit opportun d’inscrire la périodicité des formations dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS125 de Mme Anne Bergantz.

Mme Anne Bergantz (Dem). Cet amendement porte sur la transmission des informations aux parents. Il prévoit que l’un des examens de suivi médical du nourrisson – qui constituent des moments privilégiés – soit l’occasion de remettre aux parents un document sur les risques de surexposition aux écrans numériques et d’une discussion avec les professionnels de santé.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Une telle précision relève plutôt du domaine réglementaire.

L’amendement est retiré.

Amendement AS87 de Mme Virginie Duby-Muller.

Mme Justine Gruet (LR). L’amendement vise un objectif de lisibilité et d’adaptation des canaux de diffusion des messages de prévention au public ciblé – en l’occurrence les enfants et leurs parents.

Il est important que le message soit lisible, notamment en raison de l’inflation des informations qui doivent être communiquées avant l’achat d’un téléphone mobile. En effet, les obligations d’information précontractuelle sur le lieu de vente des téléphones mobiles, dans les publicités et sur les emballages ont été renforcées depuis quelques années.

En s’inspirant des campagnes de sensibilisation de l’Arcom sur la signalétique jeunesse, l’amendement propose que les messages de sensibilisation soient relayés directement par les plateformes et les réseaux sociaux. Ces campagnes pourraient être mises à disposition sur les sites et applications mobiles, ainsi que lors du visionnage de vidéos.

Enfin, il est proposé que l’autorité de régulation du secteur veille à ce que les publicités n’incitent pas à un usage excessif des écrans – ce qui est plus efficace qu’ajouter de nouvelles mentions écrites sur les publicités.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Adopter cet amendement aurait pour effet de supprimer le dispositif essentiel qui prévoit, d’une part, l’inscription des messages de prévention sur les emballages des écrans et, d’autre part, la diffusion de mentions préventives dans les publicités.

Les opérateurs de plateformes auront bien entendu un rôle à jouer et les recommandations devront être définies dans le cadre d’une concertation avec les fournisseurs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS117 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’amendement propose d’insérer après le mot : « assimilés », les mots : « , télévisions, outils et jeux numériques disposant d’un écran ».

Mme la rapporteure. Demande de retrait, pour travailler à une nouvelle rédaction d’ici à la séance.

Je suis d’accord avec vous pour mentionner la télévision. En revanche, les outils et jeux numériques disposant d’un écran sont compris dans la notion de « produits assimilés ».

L’amendement est retiré.

Amendement AS19 de M. Antoine Léaument.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Votre proposition de loi prévoit un message de prévention sur les emballages d’appareils tels que les smartphones, ordinateurs et tablettes. Nous proposons de le compléter par des recommandations.

Préciser ce qui peut être fait pour éviter d’exposer les enfants aux écrans est une manière efficace d’agir. Mieux informer les parents permettra d’avancer.

Cela ne mange pas de pain et devrait recueillir un large consensus.

Mme la rapporteure. Pour ne rien vous cacher, cette partie de la proposition de loi a fait l’objet de nombreuses discussions. Elle suscite beaucoup d’inquiétudes, notamment parmi les industriels.

J’ai aussi beaucoup discuté avec des experts en messages de prévention. Ils m’ont expliqué qu’il fallait être le moins précis possible dans la loi. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle je retire les précisions sur les recommandations dans le carnet de grossesse, afin de les renvoyer à un décret.

Trop de précisions sur ce qui doit figurer sur un emballage peut être trop contraignant. Un logo est souvent plus efficace qu’un long message, qui ne sera pas forcément lu ou compris. L’idée est de confier à des spécialistes des messages de prévention le soin de trouver la bonne formule. Il faut que cela soit court et percutant.

Votre amendement alourdit le dispositif et restreint les marges de manœuvre des experts. J’y suis défavorable.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Je ne suis pas tout à fait d’accord.

Les industriels ne sont pas favorables à la mesure, nous expliquez-vous. Mais l’une des tâches du législateur consiste au minimum à informer les consommateurs sur la dangerosité de certains produits fabriqués par les industriels !

Une forme de prise de conscience de la dangerosité des écrans est en cours. Nous commençons à sortir d’une période où l’on ne faisait pas attention à la télévision ou aux jeux vidéo, car c’était la solution de facilité. Aujourd’hui, les parents lisent les recommandations en matière de santé, car ils sont tous soucieux de celle de leurs enfants. Il faut être en mesure de contraindre les industriels sur ce point. C’est le rôle de la loi lorsqu’il s’agit d’une question majeure de santé publique.

Mme la rapporteure. Peut-être me suis-je mal faite comprendre. J’ai eu beaucoup de mal à obtenir que cette mention sur les emballages figure dans le texte. Pour tout vous dire, le débat n’est pas encore complètement tranché. J’espère bien que nous pourrons adopter cette disposition lors de l’examen en séance publique. Les discussions continuent avec le Gouvernement alors qu’un certain nombre d’acteurs ne sont pas favorables à la mesure.

L’adoption de votre amendement fragiliserait le texte car ceux qui s’y opposent feraient valoir que les mentions sur les emballages sont trop nombreuses, ne sont pas lues et ne sont pas efficaces. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de confier à des experts indépendants – et évidemment pas aux industriels – le soin de réaliser les messages de prévention. Pour reprendre l’exemple du logo, celui-ci ne constituerait pas une charge supplémentaire pour les industriels et serait bien compris par les parents.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Je suis choqué par vos propos. Ils donnent le sentiment que les industriels exercent de fortes pressions sur vous.

Nous écrivons la loi : l’opposition des industriels ne doit pas nous distraire de notre objectif. Si nous décidons que les recommandations doivent être précises, visibles, efficaces, et non pas figurer, en minuscules, au milieu de dizaines de lignes, les industriels peuvent aller se rhabiller car le législateur est souverain. Nous représentons le peuple français et nous définissons l’intérêt général.

Il faut appeler un chat un chat : les écrans sont dangereux pour la santé de nos enfants. C’est pourquoi nous légiférons, et peu importent les pressions. Nous devons imposer notre volonté aux industriels.

Et peu importe également si le Gouvernement est d’accord ou pas. Son pouvoir procède de la légitimité issue des élections législatives. Certes, Mme Borne n’a pas demandé un vote de confiance de l’Assemblée, et n’est pas légitime à nos yeux...

M. Éric Alauzet (RE). Vous n’avez pas bien écouté la rapporteure. Vous avez tronqué son propos pour en revenir à vos déclarations habituelles, selon lesquelles nous serions dépendants du grand capital et des grandes entreprises...

Tout d’abord, il est normal que tous les acteurs fassent valoir leurs arguments – les industriels au même titre que les citoyens, les partis politiques ou les syndicats.

Ensuite, la rapporteure a fait état de débats sur l’information du consommateur que l’on a connu en d’autres occasions, par exemple sur le Nutri‑Score. Du fait de leur multitude, les informations sur les produits finissent par être totalement illisibles. Au bout du compte, beaucoup de nos concitoyens ne les lisent pas.

Enfin, le plastique constitue le support de tous ces messages qui, la plupart du temps, conduisent à multiplier les emballages.

Le sujet est donc beaucoup plus complexe que ce que vous laissez croire.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je soutiens mon collègue Léaument. Il faut que chacun s’engage sur ce sujet. Nous avons ainsi évoqué la mission de l’école. Si nous prenons des décisions sur son rôle, nous pouvons aussi en prendre pour sensibiliser le mieux possible les consommateurs. Cet amendement va dans le bon sens – et il correspond même à vos intentions, madame la rapporteure.

Mme la rapporteure. Comme l’a bien dit notre collègue Éric Alauzet, il s’agit de viser l’efficacité du message – tant sur le fond que sur la forme.

Encore une fois, les experts en messages de prévention expliquent clairement que plus le message est court et percutant, plus il est efficace. C’est par exemple le cas du logo « zéro alcool pendant la grossesse », bien plus parlant que de multiples recommandations qui ne seront pas lues.

Je maintiens mon avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS116 et AS118 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il s’agit de préciser les risques encourus par les enfants mais aussi de soulever la question de la législation européenne, et notamment de l’article 36 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Les États membres ne sont pas libres d’imposer ce qu’ils veulent sur les emballages.

Selon le droit européen, les dispositions nationales ne peuvent ni exiger qu’un produit fabriqué conformément aux dispositions de la législation applicable soit modifié, ni affecter les conditions de sa mise à disposition. Il ne faudrait pas se faire retoquer par l’Union européenne.

C’est la raison pour laquelle je retire ces amendements.

Les amendements sont retirés.

Amendement AS48 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). Avec cet amendement, nous allons un petit peu plus loin en supprimant la notion d’« usage excessif ». La comparaison avec le tabac a été faite précédemment : le tabac est nocif, que l’on fume une ou vingt cigarettes par jour. Tant que l’on ne dispose pas d’une étude démontrant l’innocuité totale d’une faible exposition aux écrans, le principe de précaution doit l’emporter.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

On ne peut pas comparer le tabac avec les écrans, puisque dans certains cas ces derniers sont utilisés dans un but pédagogique – à partir d’un certain âge et avec un temps d’exposition limité.

De même, il n’est pas dangereux pour un enfant, même de 2 ans, de converser une fois par semaine ou par mois avec des membres de sa famille par l’intermédiaire de Skype. Cet usage est parfois nécessaire pour maintenir un lien et il est recommandé par l’académie américaine de pédiatrie.

M. Christophe Bentz (RN). Il est très difficile de quantifier l’excès d’exposition aux écrans. Tant que l’on ne sait pas où se situe la frontière, la prudence doit l’emporter.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS18 de Mme Ersilia Soudais.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Cet amendement est le premier d’une série – AS20, AS21, AS27 – qui propose de supprimer les mots « excessif » et « excessive » dans l’ensemble du texte.

Parler d’utilisation excessive minimise la nocivité de l’exposition aux écrans pour les enfants. Le HCSP recommande l’absence totale d’exposition pour les enfants de moins de 3 ans. Un petit peu, c’est déjà trop. Vous évoquiez l’usage de Skype pour permettre à un enfant de 2 ans de communiquer avec des parents éloignés, même si cela peut se comprendre, ce n’est pas une bonne chose. On peut toujours utiliser le téléphone, comme auparavant.

L’exposition aux écrans a des effets sur la qualité du sommeil, sur la tension artérielle, sur le comportement alimentaire et sur le développement cognitif et relationnel. L’exposition aux écrans avant l’école multiplierait par trois les risques de troubles du langage.

Supprimer cette notion d’exposition « excessive » afin de prévenir l’exposition tout court aux écrans devrait susciter un consensus. C’est plus précis et cela correspond bien à l’esprit de la proposition de loi.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Tout d’abord, vous mentionnez les enfants de moins de 3 ans, mais qu’en est-il pour les enfants de 3 à 6 ans ?

Ensuite, comme vous le savez sans doute, la France est déjà mieux-disante avec la recommandation de ne pas exposer aux écrans avant l’âge de 3 ans. En effet, d’autres pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) recommandent plutôt une limite fixée à l’âge de 2 ans. Or les publications scientifiques étant plus nombreuses dans les pays anglo-saxons, mieux vaut rester le plus proche possible de ce qui fait consensus.

Enfin, les experts de l’Inserm, de la HAS ou d’associations de pédiatres estiment que les recommandations ne sont pas suivies si elles sont trop éloignées de la réalité quotidienne vécue par les parents et les enfants. Je rappelle que les enfants de moins de 2 ans passent en moyenne trois heures et onze minutes par jour devant les écrans. Et comme il s’agit d’une moyenne, cela peut aller jusqu’à sept heures par jour pour certains enfants.

Il faut donc s’appuyer sur les experts pour retenir des objectifs réalistes, et surtout qui soient suivis d’effets.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Supprimer la notion d’exposition excessive n’aurait guère d’effet sur les dispositions que vous proposez. En revanche, cela aurait pour conséquence de souligner le danger que représentent les écrans.

Nous devons tous avoirs conscience que les écrans sont dangereux pour le développement cognitif de nos enfants. Cela suppose de faire évoluer notre manière de penser les écrans, afin de les percevoir comme des outils potentiellement dangereux – même s’ils sont utiles et indispensables. Bien sûr, on ne peut pas laisser les enfants indéfiniment à l’écart des écrans, car cela reviendrait à les tenir à l’écart du monde moderne – ce qui n’est pas notre objectif.

Pour les enfants entre 3 et 6 ans, le dispositif fonctionnera même si l’on supprime le mot « excessif » : l’accès aux écrans sera non pas interdit mais encadré.

Par ailleurs, nous sommes toujours satisfaits quand la France est mieux-disante que les autres pays – je ne me risquerai pas à évoquer de nouveau la réforme des retraites...

M. Arthur Delaporte (SOC). Les amendements de notre collègue Léaument, notamment celui portant sur le titre, ont le mérite d’aller jusqu’au bout de la logique du texte, alors que l’adjectif « excessive » en amenuise la portée. Ce que nous voulons faire, c’est prévenir l’exposition des enfants aux écrans. Qualifier cette exposition d’excessive risquerait de laisser une marge d’appréciation. Or la prévention n’est pas l’interdiction ; il s’agit de promouvoir une utilisation raisonnée et responsable. C’est exactement le sens de ces amendements, et c’est pourquoi nous les soutiendrons.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS6 de Mme Laure Lavalette.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement tend à insérer le mot « relationnel » aux alinéas 11 et 12 de l’article 1er. En effet, si nous pensons que l’ajout d’un message de prévention sur l’emballage ne sera pas la panacée qui permettra l’utilisation raisonnée du produit, il convient de ne pas omettre de mentionner les risques que font courir ces produits en matière de développement relationnel.

Ayant durant les deux années de crise sanitaire exprimé nos inquiétudes concernant l’éveil des jeunes enfants confrontés au port du masque par les adultes, nous les réitérons s’agissant de l’utilisation excessive des écrans. Si le masque a empêché les plus petits de saisir l’état émotionnel des adultes, les écrans les détournent de l’apprentissage de la communication humaine, qu’elle soit verbale ou non verbale. Or c’est entre 0 et 3 ans que cet apprentissage est le plus important. Dans une tribune publiée par le journal Le Monde le 31 mai 2017, des professionnels de la santé et de la petite enfance lançaient déjà une mise en garde contre le manque de stimulation et d’échanges humains. Ils expliquaient que lorsque les parents retirent pour une longue durée les écrans aux tout petits, des gestes relationnels fondamentaux réapparaissent : des regards adressés directement à l’individu, un temps d’attention prolongé, des sourires, de la curiosité, une envie de jouer. À l’inverse, lorsque l’utilisation d’écrans par l’enfant est trop prégnante et que les échanges humains sont trop rares, l’enfant ne répond plus aux sollicitations humaines, qui deviennent pour lui une source de stress.

Alors que la découverte du monde pour un enfant de 0 à 3 ans est déjà éprouvante émotionnellement, des troubles relationnels liés au numérique nuiraient tant à l’épanouissement de l’enfant qu’à ses capacités à appréhender l’autre. L’ajout de la mention des risques relationnels sur les emballages ne changera certes pas la face du monde, mais il permettra au moins de viser une certaine exhaustivité.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : je ne souhaite pas alourdir la mention des types de risques sur les emballages.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS89 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le nouvel article L. 3611-7 du code de la santé publique offre l’intérêt de rendre obligatoire l’affichage de messages de prévention sur les emballages. Il convient néanmoins de s’assurer de son effectivité, en prévoyant des sanctions, sur le modèle des dispositions en vigueur pour l’étiquetage alimentaire. Nous proposons que ces sanctions soient fixées par un décret en Conseil d’État.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Il ne me semble pas utile d’inscrire dans la loi que la disposition sera assortie de sanctions.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Quel est l’enjeu de cette proposition de loi ? Que la technologie ne s’impose pas dans la société sans que cela passe par le canal de la démocratie. En l’occurrence, la protection des enfants contre les écrans, le tout-numérique et l’informatique est nécessaire, mais il serait bon de songer aussi à une régulation de ces usages au travail.

Vous ouvrez une brèche mais il est évident que ce texte ne parviendra pas à lui seul à résoudre le problème posé par les trois heures passées quotidiennement par chaque enfant devant les écrans. À travers votre refus de prévoir des sanctions, on entend la crainte envers la réaction des industriels. Or il n’existe pas en France d’industriels dans ce secteur d’activité. Le déficit commercial de notre pays atteint cette année 164 milliards d’euros – c’est un record ; le déficit du secteur informatique, électronique, numérique représente à lui seul 21 milliards. Nous aurions donc tout intérêt à ce qu’il se vende dans notre pays un minimum de produits de ce type : 99 % des achats correspondent à une importation, donc à une dépendance. Nous ne devrions nourrir aucune crainte envers des industriels qui ne produisent pas sur le territoire français – et l’on n’assistera pas de sitôt à une relocalisation de la production.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Vous dites, madame la rapporteure, qu’il n’est pas nécessaire d’inscrire des sanctions dans la loi, mais confirmez-vous qu’il y en aura ?

Mme la rapporteure. Monsieur Ruffin, je trouve votre argument un peu spécieux. Les équipements électroniques ne servent pas qu’aux enfants de moins de 6 ans ! Or l’objectif de la proposition de loi est de protéger les jeunes enfants d’un usage trop précoce et excessif.

Madame Garin, il serait bon de demander au Gouvernement lors de l’examen du texte en séance publique qu’il précise ce qu’il prévoit d’inscrire dans le décret.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Monsieur Ruffin, qu’avez-vous sous les yeux ? Votre appareil électronique provient peut-être de l’étranger, mais cela ne vous a pas empêché de l’acheter ! En outre, il existe des entreprises françaises qui reconditionnent les téléphones et le matériel informatique, et qui seront touchées par ces mesures.

Quoi qu’il en soit, le sujet dont nous débattons aujourd’hui est autre : il s’agit de la prévention de l’exposition excessive des enfants aux écrans.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je retire l’amendement. Nous en préparerons un autre en vue de la séance, en vue de définir un régime de sanctions et d’obtenir un engagement sur ce point de la part du Gouvernement.

L’amendement est retiré.

Amendement AS152 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. L’amendement tend à dispenser les radios de l’obligation de diffuser des messages de prévention. D’une part, il ne s’agit pas forcément du meilleur vecteur pour transmettre ce type de message. D’autre part, les acteurs du monde audiovisuel et du secteur de la culture m’ont dit qu’une telle mesure les pénaliserait financièrement en réduisant leurs recettes publicitaires et qu’elle fragiliserait leur modèle économique.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Certes, je ne siège plus à la commission des affaires économiques, mais j’invite les commissaires aux affaires sociales à prendre en considération l’énormité de notre déficit commercial. Comment le combler ? Il y a deux possibilités. La première est de poursuivre la politique menée depuis quarante ans, en axant tout sur la compétitivité et en se fixant pour objectif un maximum d’exportations. La seconde est de réduire le nombre des importations, en s’en tenant à ce qui est strictement nécessaire et en essayant de réduire notre dépendance au pétrole et au gaz, ainsi qu’à d’autres produits, comme ceux dont nous discutons. Est-il vraiment nécessaire de les renouveler tous les ans ou tous les deux ans ? Ne devrait-on pas développer des filières de réparation et de reconditionnement ? Vu que ce n’est pas aujourd’hui la priorité, nous devrions interdire toute forme de publicité pour ces produits, pour des raisons non seulement de santé publique mais aussi de solde commercial.

La commission adopte l’amendement.

Amendement AS91 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Il convient d’interdire la mise en scène d’enfants utilisant un écran dans les messages publicitaires portant sur les téléphones portables, ordinateurs, tablettes et produits assimilés. L’exemple des influenceurs montre que la personnalité qui incarne le message peut avoir un effet direct sur le comportement du consommateur. Cette disposition s’inspire de l’esprit de la loi Évin.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : votre amendement est en partie satisfait par l’article L. 5231-3 du code de la santé publique, qui interdit expressément « toute publicité, quel qu’en soit le moyen ou le support, ayant pour but direct de promouvoir la vente, la mise à disposition, l’utilisation ou l’usage d’un téléphone mobile par des enfants de moins de 14 ans ».

M. François Ruffin (LFI - NUPES). Je trouve nos camarades socialistes bien modérés. Je pense pour ma part qu’il faut interdire toute publicité pour ce genre de produits. J’ajoute que pour chacun d’entre eux qui est vendu, ce sont des terres rares qui disparaissent. Il ne s’agit pas de s’en priver mais leur hyperconsommation est une catastrophe non seulement pour notre solde commercial et pour la santé de nos enfants, mais aussi pour la planète.

 

M. Arthur Delaporte (SOC). Ce que je propose, en bon social-démocrate modéré que je suis, c’est d’améliorer le droit existant : l’article que vous venez de citer, madame la rapporteure, ne concerne que l’usage d’un téléphone mobile, non celui d’un écran. Il ne règle donc pas le problème des tablettes.

Mme la rapporteure. Peut-être pourriez-vous présenter en séance un amendement similaire afin que nous en discutions avec le Gouvernement ?

Monsieur Ruffin, j’ai l’impression que vous vous trompez de débat. L’objectif de cette proposition de loi n’est pas de remédier aux causes structurelles du solde commercial de la France, ni d’améliorer la gestion des ressources en terres rares. Une interdiction de la publicité sur ces équipements ne toucherait pas les seuls enfants de 0 à 6 ans, cible du texte, mais l’ensemble de leurs utilisateurs, dont vous faites partie.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS90 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Là encore, nous souhaitons rendre plus contraignant le nouvel article L. 3611-8 du code de la santé publique en sanctionnant le non-respect des obligations qu’il prévoit. Nous nous inspirons de l’article L. 2133-1 relatif aux messages sanitaires dans les publicités alimentaires, dont nous reprenons les formes des sanctions ainsi que leurs montants. L’objectif est de rendre effectives les dispositions de la future loi.

Mme la rapporteure. Comme tout à l’heure, je vous propose de retirer votre amendement et d’en débattre en séance avec le Gouvernement, qui nous dira comment il compte rendre ces dispositions opérationnelles. À défaut, mon avis serait défavorable.

M. François Ruffin (LFI - NUPES). On n’arrivera pas à changer le monde si l’on ne change pas ce qu’on met dans la tête des gens. Et si l’idéal de bonheur qui est promu suppose un rapport incessant aux écrans et que l’on possède toute la gamme de ceux-ci, nous véhiculons un modèle de société nocif pour nos enfants, pour la planète et pour le solde commercial. Sur ce plan, vous n’allez même pas jusqu’au milieu du gué : c’est à peine si vous trempez un orteil dans l’eau.

Nous voterons pour la proposition de loi, mais personne ici ne se fait d’illusion : elle n’éradiquera pas le mal endémique du rapport des enfants – et des adultes aussi – aux écrans. Il faudrait pour cela prendre des mesures plus contraignantes, touchant à notre modèle de société. On a dit tout à l’heure qu’il fallait que tous les acteurs puissent exprimer leur voix – mais il est plus facile de se faire entendre quand on possède des dizaines de milliards d’euros que quand on est l’association du coin ! Or le message publicitaire est un outil réservé à ceux qui peuvent utiliser des milliards d’euros pour imposer leur modèle de société et en tirer profit.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je ne retirerai pas cet amendement, parce qu’il est précis et qu’il s’inspire de dispositifs existants. Nous pourrions éventuellement le retoucher en séance avec le Gouvernement, mais son adoption signifierait que le Parlement entend que cette loi ne soit pas qu’incantatoire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS79 de Mme Christine Loir.

M. Serge Muller (RN). L’amendement tend à obliger l’ensemble des chaînes de télévision et des radios du service public à diffuser un spot de prévention de la surexposition des enfants aux écrans. Le problème ne se résoudra pas sans une sensibilisation intergénérationnelle générale, à l’instar de ce qui se pratique en matière de sécurité routière ou de tabagisme.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : votre amendement me semble redondant par rapport à ce que prévoit la proposition de loi et aux campagnes annuelles de sensibilisation de l’Arcom.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle adopte successivement les amendements rédactionnels AS142 et AS143 de Mme Caroline Janvier.

Amendement AS112 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Avec cet amendement, nous revenons sur l’échange que nous avons eu en discussion générale sur le rapport à l’école et la confiance que nous accordons aux enseignants et aux acteurs du système de l’éducation. Que le règlement intérieur des écoles puisse intégrer des dispositions relatives à l’encadrement de l’usage des téléphones portables, tablettes et autres outils numériques, c’est une chose, mais la rédaction actuelle de l’alinéa 15 est extrêmement contraignante. Va-t-on réglementer la manière dont les enseignants, qui disposent de compétences pédagogiques, doivent utiliser les supports numériques en classe ? Je ne sais pas ce qu’en pense le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse, ni si vous avez consulté les syndicats d’enseignants et les professionnels de la pédagogie, mais cela ne me paraît pas la bonne manière de procéder.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Néanmoins, la question de la rédaction de l’alinéa n’est pas encore totalement tranchée. Faut-il prévoir que le règlement intérieur « régule » ou « limite » l’utilisation des outils numérique ?

Il reste qu’il existe un consensus sur la nécessité de soulever la question de l’utilisation des écrans par les professionnels, pour des raisons tant d’exemplarité que de technoférence, en raison des effets que celle-ci peut avoir sur le développement de l’enfant.

M. Arthur Delaporte (SOC). La confiance dans l’école est l’une des expressions favorites du ministre de l’éducation et de la jeunesse – comme elle fut l’une de celles de son prédécesseur. Pour notre part, nous l’appliquons. Or la confiance suppose d’éviter d’édicter sans cesse des normes disant parfois tout et son contraire.

Une telle disposition comporterait en outre un risque de rupture d’égalité : suivant les directions, certains règlements seront plus restrictifs que d’autres. Peut-être aurait-il été préférable d’introduire des dispositions générales dans le code de l’éducation ? Quoi qu’il en soit, je ne suis pas sûr qu’il soit du ressort de la loi d’intervenir avec ce niveau de détail dans le règlement intérieur des écoles.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS103 de Mme Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac (RE). Cet amendement, ainsi que l’amendement AS104 que nous examinerons ultérieurement, vise à supprimer la mention de l’article L. 133-1 du code de l’éducation aux alinéas 15 et 16. D’abord, je ne suis pas sûre que la référence soit la bonne. Ensuite, je pense qu’il serait préférable d’introduire à l’article 5 ou après des dispositions à destination non pas simplement du monde enseignant, mais de l’ensemble de la communauté éducative, car il existe aussi un usage éducatif des écrans. Ma collègue Fabienne Colboc propose, par l’amendement AS129, une réécriture qui me semble pertinente. Je souhaite que nous puissions d’ici à la séance sortir ces dispositions de l’article 1er et proposer une nouvelle rédaction conforme aux intentions de la rapporteure.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Amendements AS17 de M. Antoine Léaument et AS49 de M. Christophe Bentz (discussion commune).

Mme Ersilia Soudais (LFI - NUPES). Par l’amendement AS17, nous proposons d’interdire l’utilisation de tablettes numériques dans les crèches et dans les écoles maternelles et élémentaires dans le cadre des interactions avec les enfants. La prévention des risques liés à la surexposition des jeunes enfants aux écrans doit également passer par une remise en question du tout‑numérique à l’école.

Avant d’être députée, j’étais professeure de français et j’ai pu observer de près ces dérives. La pression était forte pour nous faire abandonner le tableau et le manuel en papier, qui est pourtant le seul livre que manipulent beaucoup d’élèves. On nous dit que le numérique est plus ludique, que cela nourrit l’envie d’apprendre des enfants, mais cet argument marketing du lobby du numérique est un leurre. Il est possible d’intéresser les élèves les plus en difficulté par bien d’autres moyens, tels que les travaux de groupe, l’élaboration d’un projet de classe, etc. L’essentiel est que les enfants trouvent du sens dans ce qu’ils font et qu’ils ne se sentent pas mis en échec sans échappatoire possible. S’il est nécessaire de travailler avec le numérique dans le secondaire, notamment pour apprendre le vocabulaire cinématographique, le traitement de texte ou sensibiliser les élèves aux dangers d’internet et des réseaux sociaux, cela doit toujours s’inscrire dans un projet pédagogique précis, qui relève de la libre appréciation de l’enseignant.

Les objets numériques envahissent le quotidien des enfants comme celui des adultes, dans la vie privée et publique. Nous estimons que les crèches, les écoles maternelles et les écoles élémentaires doivent être des lieux de développement de l’enfant, où celui-ci est protégé au maximum de la surexposition aux écrans. D’ailleurs, l’OMS recommande le moins d’écrans possible pour les enfants de moins de 5 ans et l’absence totale d’exposition pour ceux de moins de 2 ans.

M. Christophe Bentz (RN). Mon amendement traite d’un point de sémantique : nous proposons de remplacer le terme « régule », qui est un peu naïf, par « limite ou interdit ».

Mme la rapporteure. Avis défavorable aux deux amendements.

Le débat n’est pas que sémantique, monsieur Bentz : en introduisant la notion d’interdiction, vous changez complètement la nature de la disposition proposée. L’objectif de cette proposition de loi est non pas d’interdire, mais de sensibiliser, de former et de réguler.

M. Christophe Bentz (RN). Je propose de limiter ou interdire : cela ne change en rien la nature du texte.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS50 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). Il s’agit d’ajouter les ordinateurs dans la liste des supports numériques considérés.

Mme la rapporteure. Avis défavorable : l’ordinateur n’est pas un outil comme les autres. Son usage pédagogique est plus évident que celui de la télévision ou du téléphone portable. En outre, les directeurs d’établissement qui souhaitent en réguler l’usage peuvent d’ores et déjà le faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS58 de Mme Joëlle Mélin.

M. Serge Muller (RN). L’amendement vise à insérer, à l’alinéa 15, après le mot « télévisions », les mots « montres et lunettes connectées ». Il s’agit de compléter la liste des écrans que les enfants sont susceptibles d’utiliser dans l’enceinte d’un établissement.

Mme la rapporteure. Défavorable. Ces équipements sont déjà couverts par la notion d’« équipements assimilés ».

La commission rejette l’amendement.

Amendements AS122 de Mme Anne Bergantz et AS126 de M. Cyrille Isaac-Sibille (discussion commune).

Mme Anne Bergantz (Dem). Nous souhaitons ajouter une précision relative à la durée journalière d’utilisation des écrans à l’école afin que les parents modulent le temps d’exposition à la maison. Selon une étude du programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa), les enfants qui utilisent le moins d’outils numériques dans le cadre scolaire en font un meilleur usage, car ils ont pu développer au préalable des capacités de synthèse et de hiérarchisation de l’information. Une simple annonce du temps d’utilisation pourrait être faite à la rentrée.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Mon amendement vise à interdire l’utilisation des écrans par les enfants de moins de 6 ans dans les temps scolaires et périscolaires. En effet, chacun s’accorde à reconnaître que cette pratique a des effets néfastes à un si jeune âge. On a une position très ambivalente en la matière puisqu’on encourage l’informatisation dans les écoles. On peut envisager l’utilisation de ces outils à partir de 6 ans mais pas en maternelle.

Mme la rapporteure. Madame Bergantz, la règle des « 3-6-9-12 » constitue une balise importante mais les recommandations que vous proposez ne me paraissent pas de niveau législatif ; elles sont en outre susceptibles d’évoluer en fonction des usages et de l’efficience des préconisations.

Avis défavorable.

Monsieur Isaac-Sibille, vous proposez d’interdire l’usage des écrans jusqu’à l’âge de 6 ans. À titre de comparaison, je rappelle que, dans d’autres pays, cette interdiction ne concerne que les enfants de 0 à 2 ou à 3 ans. Cela me semble aller trop loin.

Avis également défavorable.

Mme Anne Bergantz (Dem). Mon amendement a surtout pour objet d’informer les parents sur le temps d’utilisation des écrans à l’école afin qu’ils adaptent la durée d’exposition à la maison.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). L’interdiction des écrans avant l’âge de 6 ans constituerait un message fort à destination des structures scolaires et périscolaires.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS51 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). Nous proposons de supprimer la référence à l’excès d’exposition aux écrans, dans la mesure où celui-ci ne peut pas être quantifié.

Mme la rapporteure. Défavorable pour les raisons exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Puis, suivant l’avis de la rapporteure, elle adopte l’amendement AS104 de Mme Cécile Rilhac.

Amendement AS29 de Mme Ersilia Soudais.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Nous proposons de remplacer le mot « élèves » par le mot « enfants » par parallélisme avec la rédaction de l’article L. 133-1 du code de l’éducation.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Elle adopte ensuite l’amendement rédactionnel AS144 de la rapporteure.

Puis elle adopte l’article 1er modifié.

 

Après l’article 1er

Amendement AS109 de Mme Lisette Pollet.

Mme Katiana Levavasseur (RN). Par cohérence avec la proposition de loi visant à lutter contre l’exposition précoce des jeunes enfants aux écrans, votée le 20 novembre 2018 par le Sénat, l’amendement propose de sensibiliser très tôt les élèves aux risques que l’utilisation des outils numériques représente pour leur santé, en termes de troubles du comportement, d’addiction, de nervosité, etc.

Mme la rapporteure. Défavorable.

L’article L. 312-9 du code de l’éducation, que vous visez, précise déjà que les élèves bénéficient « d’une sensibilisation au bon usage des outils numériques et des réseaux sociaux ainsi qu’aux dérives et aux risques liés à ces outils ».

L’amendement est retiré.

Amendement AS2 de Mme Laure Lavalette.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à interdire l’usage des écrans dans les écoles maternelles. Le problème n’est pas tant l’écran en soi que son usage. Cela étant, le simple fait d’exposer un jeune enfant à un écran dans sa classe de façon aussi précoce risque de créer une accoutumance qu’il sera difficile de réduire par la suite. L’étude Elfe menée par l’Inserm et Santé publique France a montré que l’utilisation prolongée d’écrans par des enfants de 2 à 3 ans est associée à une augmentation du risque de troubles du sommeil, du comportement et de problème en matière d’apprentissages précoces. De nombreux professionnels insistent sur le fait que les écrans, qu’ils soient à visée récréative ou pédagogique, ne permettent pas à l’enfant d’intégrer et de comprendre pleinement les informations qui y apparaissent, même lorsque l’adulte est présent.

Or, il faut promouvoir l’égalité des chances dès la maternelle. Les classes populaires sont précisément davantage concernées que les autres par l’exposition excessive des enfants aux écrans. De la même façon que tous nos enfants doivent avoir accès à une nourriture de qualité à l’école, ils doivent bénéficier dès la maternelle d’activités riches et variées, qu’ils ne sont pas toujours en mesure de pratiquer avec leur famille. L’usage de l’écran, même à des fins pédagogiques, ne semble pas favoriser l’acquisition de compétences ni ne contribue à l’épanouissement des enfants. Soyons donc courageux : allons à contre-courant de nos habitudes d’adultes afin de ne pas nuire au développement serein de chaque enfant.

Mme la rapporteure. Pour les mêmes raisons que celles évoquées précédemment, je ne souhaite pas aller jusqu’à l’interdiction de l’utilisation des écrans dans les écoles maternelles.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS106 de Mme Lisette Pollet.

M. Serge Muller (RN). À l’heure où les enfants passent la majeure partie de leur temps, chez eux, devant les écrans, il paraît nécessaire d’interdire les temps d’écran à l’école maternelle. Les deux tiers des enfants de 2 ans regardent la télévision tous les jours, et un enfant sur deux commence à la regarder avant 18 mois. L’utilisation précoce et excessive des écrans peut conduire à un phénomène de dépendance, qui, chez les jeunes enfants, est un problème croissant susceptible d’affecter leur capacité à interagir et à apprendre de manière significative. Il est donc nécessaire de limiter l’utilisation des écrans par les jeunes enfants, en particulier à l’école, au sein de laquelle il importe de favoriser l’interaction avec le monde réel, les relations sociales et les activités physiques.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS3 de Mme Laure Lavalette.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à inclure les effets des écrans sur l’alimentation dans le champ de l’information et de l’éducation à l’alimentation dispensées dans les établissements d’enseignement scolaire. Dans son rapport de novembre 2020 sur l’inactivité physique et la sédentarité chez les jeunes, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) a établi un lien entre sédentarité et temps d’exposition aux écrans. Or cette relation est trop peu évoquée dans les études françaises, contrairement à celle unissant l’obésité à la sédentarité, qui n’est contestée par personne.

L’Institut de Barcelone a montré que les enfants les plus exposés aux écrans à l’âge de 4 ans ont un risque accru de surpoids, d’obésité et de syndrome métabolique à 7 ans. C’est un cercle vicieux : l’enfant regarde trop les écrans, ce qui l’empêche de dormir et le manque de sommeil le conduit à prendre du poids sans même changer ses habitudes alimentaires. Manque de sommeil, d’activité, d’envie, de curiosité : la passivité devant l’écran l’emporte. Cela peut même conduire à un nouveau mode de vie car les écrans mènent au grignotage et que, souvent, l’enfant prend ses repas devant l’écran. Les signaux de satiété sont complètement brouillés. De tels comportements augmenteraient de 20 à 30 % la ration calorique.

Le lien entre l’obésité et les écrans doit faire l’objet d’une action de prévention spécifique dans les établissements, qui pourrait parfaitement s’inscrire dans le cadre du programme national relatif à la nutrition et à la santé, élaboré tous les cinq ans par le Gouvernement.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Votre objectif légitime sera atteint si nous adoptons l’amendement AS146, portant article additionnel après l’article 2, qui vise à renforcer la sensibilisation des enfants et des parents dans le cadre de la visite médicale obligatoire à l’école maternelle.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS110 de Mme Lisette Pollet.

M. Serge Muller (RN). L’amendement vise à limiter la durée journalière d’exposition des élèves aux écrans des téléphones, tablettes et ordinateurs dans le cadre des activités pédagogiques. L’exposition précoce aux écrans peut interférer avec le développement du cerveau des enfants de moins de 6 ans. Les écrans peuvent réduire le temps passé à interagir avec le monde réel, ce qui est susceptible de nuire au développement cognitif et social.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Je ne souhaite pas graver dans le marbre de la loi les recommandations de santé publique telle celle dites des « 3-6-9-12 ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS4 de Mme Laure Lavalette.

M. Thierry Frappé (RN). L’amendement vise à expérimenter le zéro écran dans les classes de maternelle dans un dixième des départements français pour une durée de deux ans. Cette expérimentation montrerait les bénéfices de l’arrêt de l’écran de la petite à la grande section. Le neuroscientifique Michel Desmurget met en garde contre les dangers du cumul des heures d’écran dès 2 ans. Il a montré que les enfants occidentaux passent en moyenne plus de trois heures par jour devant un écran, ce qui représente près de mille heures pour un élève de maternelle, soit davantage que le volume horaire d’une année scolaire.

En 2015, l’étude Pisa de l’OCDE sur les élèves et les nouvelles technologies a montré que les Français, qui ont consenti d’importants investissements en faveur des technologies de l’information et de la communication dans le domaine de l’éducation, n’ont enregistré aucune amélioration notable des résultats des élèves en compréhension de l’écrit, mathématiques et sciences.

L’étude a également souligné l’inefficacité du numérique pour réduire l’écart de compétences entre les élèves les plus favorisés et les plus défavorisés. « Le fait de garantir l’acquisition pour chaque enfant d’un niveau de compétences de base en compréhension de l’écrit et en mathématiques semble bien plus utile pour améliorer l’égalité des chances dans notre monde numérique que l’élargissement ou la subvention de l’accès aux appareils et services de haute technologie », est-il précisé. À quoi bon, dès lors, maintenir les écrans comme outils pédagogiques dans les écoles maternelles ?

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que celles exposées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Article 2 : Introduire de nouvelles recommandations dans le carnet de grossesse

Amendement AS145 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. L’amendement vise à réécrire l’article 2 pour renvoyer à un arrêté la détermination du contenu des messages de prévention qui devront figurer dans le carnet de grossesse. En effet, cela n’est pas du niveau législatif.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et les amendements AS69 de M. Sébastien Peytavie, AS22 de Mme Ersilia Soudais, AS80 de Mme Christine Loir, AS138 de M. Victor Catteau, AS53 de M. Christophe Bentz, AS61 de M. Dino Cinieri, AS98 de M. Thierry Frappé, AS52 de M. Christophe Bentz, AS1 de Mme Laure Lavalette, AS137 de M. Victor Catteau, AS9 de M. Dino Cinieri, AS23 de M. Antoine Léaument, AS59 de Mme Joëlle Mélin, AS10 de M. Dino Cinieri, AS60 de Mme Joëlle Mélin, AS130 de Mme Fabienne Colboc, AS81 de Mme Christine Loir, AS124 de Mme Anne Bergantz et AS99 de M. Thierry Frappé tombent.

 

Article 2 bis (nouveau) : Sensibiliser aux risques des écrans lors des visites médicales scolaires obligatoires

Amendement AS146 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. Il s’agit de faire en sorte que la visite scolaire obligatoire organisée pour tous les enfants de 3 à 4 ans soit l’occasion de sensibiliser enfants et parents aux risques liés à la surexposition aux écrans.

La commission adopte l’amendement.

 

Après l’article 2

Amendement AS136 de M. Victor Catteau.

M. Serge Muller (RN). L’amendement vise à inscrire dans le carnet de santé de l’enfant les principaux risques liés à une surexposition aux écrans. Cela paraît aussi nécessaire que de faire figurer des messages de prévention dans le carnet de grossesse. Il s’agit d’indiquer les risques avérés sur lesquels les spécialistes s’accordent : troubles du sommeil, problèmes d’attention, fatigue oculaire, problèmes de surpoids et de communication, rupture de lien social... Cette mesure de bon sens ne coûterait rien et fait partie des pistes de réflexion évoquées dans l’exposé des motifs de la proposition de loi.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

C’est une disposition de nature réglementaire, à l’instar de la définition des recommandations devant apparaître dans le carnet de grossesse. Un arrêté de 2018 détermine le contenu des messages figurant dans le carnet de santé, y compris concernant les risques liés à la surexposition aux écrans.

La commission rejette l’amendement.

Article 3 : Intégrer la politique de prévention des risques liés aux écrans au nombre des missions de la protection maternelle et infantile

Amendement AS153 de Mme Caroline Janvier.

Mme la rapporteure. Cet amendement rédactionnel vise à compléter les actions de prévention relevant des missions du service départemental de PMI, ce qui me paraît préférable à la création d’un paragraphe dédié à cette question.

La commission adopte l’amendement.

En conséquence, l’article 3 est ainsi rédigé et les amendements AS11 de M. Dino Cinieri, AS82 de Mme Christine Loir et AS96 de Mme Alexandra Martin tombent.

Après l’article 3

Amendement AS72 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). Il s’agit d’un amendement d’appel, dans la mesure où les modalités d’organisation des examens obligatoires de l’enfant relèvent du domaine réglementaire.

Le rapport sur les 1000 premiers jours préconisait que les rendez-vous obligatoires de suivi de l’enfant soient l’occasion d’évoquer la façon dont les écrans sont gérés au sein du foyer. Il demandait aux professionnels de proposer des solutions alternatives selon les modalités d’exposition du foyer, en insistant sur l’importance du jeu et des interactions sociales. L’amendement vise à introduire ces dispositions dans le code de la santé publique.

Mme la rapporteure. Je partage votre objectif et vous propose que nous retravaillions cette disposition afin d’adopter un amendement sur ce sujet en séance publique.

L’amendement est retiré.

 

Article 4 : Associer les services départementaux compétents à la politique de prévention à la surexposition aux écrans

Amendement AS92 de M. Christophe Bentz.

M. Christophe Bentz (RN). Nous proposons de supprimer la référence aux « jeunes » enfants. En effet, si l’exposition aux écrans est nocive pour un enfant de 2 ou de 4 ans, elle l’est également pour un enfant de 8 ou de 10 ans.

Mme la rapporteure. Défavorable pour les raisons évoquées précédemment.

La commission rejette l’amendement.

Amendement AS20 de Mme Ersilia Soudais.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). L’amendement revient sur un débat que nous avons déjà eu et je pressens donc un avis défavorable...

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

Amendement AS71 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement s’inspire des campagnes d’incitation au dépistage réalisées par les centres régionaux de coordination des dépistages des cancers (CRCDC). Dans le cadre de leur politique de prévention et de lutte contre le cancer, les CRCDC ont institué des dispositifs d’« aller vers », en ciblant les populations qui sont éligibles à des dépistages périodiques.

Les dispositifs de l’« aller vers » tendent à se démocratiser compte tenu de leur efficacité. Afin que les consultations nouvellement créées par le texte puissent être connues des bénéficiaires potentiels, nous proposons que la commission départementale de l’accueil des jeunes enfants se voie reconnaître une mission d’information sur le modèle des CRCDC.

Mme la rapporteure. Avis défavorable au profit de l’amendement AS73.

L’amendement est retiré.

Amendement AS73 de M. Sébastien Peytavie.

M. Sébastien Peytavie (Ecolo - NUPES). L’amendement s’inspire des campagnes d’incitation au dépistage réalisées par les CRCDC. Il vise à compléter l’alinéa 2 par la phrase suivante : « Ces messages de sensibilisation comportent une information à destination des personnes éligibles aux consultations prévues au 8° de l’article L. 2112-2 du code de la santé publique. »

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 4 modifié.

Après l’article 4

Amendement AS113 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Il peut être nécessaire d’interdire et d’informer, mais il est préférable d’éduquer et de former. Je crois à la culture des individus en santé, aux compétences psychosociales que peuvent acquérir les enfants. Notre commission a travaillé sur ces questions sous l’angle de l’estime de soi et de l’esprit critique. L’amendement vise à renforcer la prévention et l’éducation.

Mme la rapporteure. Défavorable. Je préfère les dispositions que nous avons adoptées à l’article 1er sur la formation des professionnels de santé et de l’enseignement.

La commission rejette l’amendement.

Article 5 : Mobiliser les partenaires des projets éducatifs territoriaux

Amendement AS149 de Mme Caroline Janvier, amendements AS54 et AS55 de M. Christophe Bentz (discussion commune).

Mme la rapporteure. L’amendement AS149 est rédactionnel.

M. Christophe Bentz (RN). Mes amendements visent à distinguer les notions de risque et de dommage. Le risque de la surexposition des enfants aux écrans est avéré. En revanche, il faudrait préciser les dommages qui en résultent, mais on manque probablement de distance pour bien les évaluer.

Mme la rapporteure. Défavorable. Je préfère le terme de « risque » à celui de « dommage ».

La commission adopte l’amendement AS149.

En conséquence, les amendements AS54 et AS55 tombent.

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement AS21 de M. Antoine Léaument.

Amendement AS120 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Dans le même esprit que l’amendement précédent, il s’agit de miser davantage sur l’éducation. Il est bon de former les professionnels mais il est encore meilleur d’éduquer les enfants. Les projets éducatifs territoriaux peuvent être mis au service d’un tel objectif.

J’insiste, l’éducation est la meilleure des préventions ; l’information et la sanction ne peuvent suffire.

Mme la rapporteure. Avis défavorable. Votre amendement s’éloigne de l’objet du texte.

En outre, les comités de pilotage des projets éducatifs territoriaux définissent des priorités en fonction notamment des problématiques identifiées dans chaque territoire. Il me semble préférable de ne pas leur imposer une liste énumérative qui limiterait leur choix.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). La liste n’est pas limitative. Le développement de l’esprit critique des enfants est la meilleure réponse à la surexposition contre laquelle la proposition de loi cherche à lutter par les seuls outils de l’information et de la punition.

La commission adopte l’amendement.

Puis elle adopte l’article 5 modifié.

Après l’article 5

Amendement AS127 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). Puisque nous admettons tous la nocivité de l’exposition aux écrans avant l’âge de 4 ans, il semble logique de considérer celle-ci comme une maltraitance.

Jusqu’en 1956, du vin et du cidre étaient proposés dans les cantines scolaires. Leurs effets sur la santé étaient alors méconnus. La nocivité des écrans est aujourd’hui avérée. Ce n’est pas un hasard si les patrons des grandes entreprises du secteur numérique ne veulent pas que leurs enfants soient exposés aux écrans.

Si vous refusez la qualification de maltraitance, la réponse que vous apportez au problème est incomplète.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Il me semble excessif de mettre sur le même plan l’exposition aux écrans et les situations de maltraitance, c’est-à-dire de violences physiques, sexuelles, psychologiques ou de privation volontaire de soins.

La maltraitance d’un enfant est un fait grave, qui déclenche l’intervention des services sociaux. L’auteur encourt des sanctions pénales lourdes, jusqu’à vingt ans de réclusion criminelle lorsqu’elle est commise par un parent aux termes de l’article 222-10 du code pénal.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Nous ne voterons pas l’amendement qui, en effet, va un peu loin même si l’article L. 119-1 du code de l’action sociale et des familles auquel il fait référence précise que « les situations de maltraitance peuvent être ponctuelles ou durables, intentionnelles ou non ». En tout cas, l’amendement a le mérite de mettre en lumière le nécessaire changement de paradigme en ce qui concerne notre rapport aux écrans.

L’exposition aux écrans peut être le reflet d’une difficulté sociale. Elle est ainsi inévitable dans les logements exigus malgré la bonne volonté des parents. L’amendement risque dans de tels cas d’avoir des conséquences éloignées du but recherché.

Mme Annie Vidal (RE). L’exposition aux écrans ne me semble pas entrer dans la définition de la maltraitance issue de la loi relative à la protection des enfants.

Cette définition est le fruit des travaux du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge ainsi que d’une démarche de consensus de la HAS. Elle a fait l’objet pendant plus d’un an de très nombreux échanges avec tous les professionnels qui interviennent dans les situations de maltraitance au cours desquels chaque mot a été pesé.

M. Arthur Delaporte (SOC). Je partage l’argumentation de Mme Vidal.

Il faut mesurer les conséquences d’une rédaction en vertu de laquelle toute exposition, qu’elle soit prolongée ou non, constituerait une maltraitance. C’est manifestement disproportionné.

M. Éric Alauzet (RE). Parmi les situations domestiques comparables, la consommation de tabac par les parents dont la nocivité pour les enfants est établie pourrait‑elle être qualifiée de maltraitance ? Il faut veiller à la cohérence de notre réflexion.

 

Mme Maud Petit (Dem). La définition de la maltraitance fait référence à « une action ou un défaut d’action [qui] compromet ou porte atteinte » au développement de l’enfant. C’est cette atteinte qui est visée par notre collègue dans son amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille (Dem). J’entends vos remarques et je retravaillerai l’amendement en vue de la séance pour préciser le caractère prolongé de l’exposition.

Nous avons tous en tête des exemples d’enfants que leurs parents laissent dès 1 an pendant des heures devant la télévision. Nous savons les troubles cognitifs et psychomoteurs qui en résultent et qui sont souvent à l’origine de faits divers.

L’exposition prolongée systématique constitue à mes yeux une maltraitance.

Mme Annie Vidal (RE). Nous connaissons les effets délétères de l’exposition aux écrans. La réponse relève de la prévention et c’est l’objet de la proposition de loi.

La maltraitance, lorsqu’elle est établie, déclenche un processus visant à apporter une réponse adaptée, qui peut être pénale. Dans le cas de l’exposition, il faudrait prouver le caractère intentionnel ou l’incapacité à appréhender la nocivité de la part la personne responsable de l’enfant. Vous risquez de créer une usine de gaz inadaptée à l’objectif que vous recherchez. En outre, cela pourrait nuire à la prise en charge de la maltraitance.

L’amendement est retiré.

Amendements AS83 de Mme Christine Loir et AS85 de M. Thierry Frappé (discussion commune).

M. Serge Muller (RN). Par ces amendements, il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur les effets en matière d’ophtalmologie de l’exposition aux écrans.

Dans de nombreux pays tels que la Chine, Taïwan ou le Canada, les chiffres montrent une croissante importante du nombre de jeunes de moins de 12 ans atteints de myopie.

Mme la rapporteure. Avis défavorable.

Il existe déjà des travaux sur les risques ophtalmiques, parmi lesquels un avis sur les effets sur la santé humaine et sur l’environnement des diodes électroluminescentes rendu par l’Anses en avril 2019.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement AS28 de Mme Ersilia Soudais.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). L’amendement a pour objet de demander un rapport sur le développement de l’accès à la culture et aux loisirs auprès des jeunes enfants. Pour réussir à limiter l’exposition aux écrans, il faut offrir des activités alternatives.

Mme la rapporteure. Je vous invite à vous rapprocher de M. Peytavie, dont un amendement fort intéressant s’est heurté à l’obstacle de la recevabilité. Il visait à évaluer les contenus dits éducatifs afin d’aider les parents à s’y retrouver face à l’offre pléthorique et à ne pas se laisser séduire par la publicité mensongère.

Vous pourriez présenter ensemble un amendement tendant à demander un rapport sur la création d’un label garantissant des contenus de qualité.

L’amendement est retiré.

Amendement AS86 de M. Thierry Frappé.

M. Thierry Frappé (RN). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport permettant d’évaluer les effets des écrans sur les résultats scolaires et la sociabilité afin d’améliorer la prévention.

Mme la rapporteure. Il existe de nombreux travaux sur les effets des écrans, notamment de l’Inserm et du HCSP. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Article 6 : Gages financiers

La commission adopte l’article 6 non modifié.

 

Titre

Amendements identiques AS27 de M. Antoine Léaument et AS43 de M. Christophe Bentz.

M. Antoine Léaument (LFI - NUPES). Une nouvelle fois, il s’agit de supprimer le terme « excessif ». J’en profite pour vous remercier de la qualité de nos échanges ce matin.

M. Christophe Bentz (RN). L’amendement, dont l’objet est de retirer du titre le mot « excessif », illustre notre position : l’exposition aux écrans, quand bien même elle ne serait pas excessive, comporte un risque pour les enfants.

Mme la rapporteure. Avis défavorable pour les mêmes raisons que précédemment.

M. Arthur Delaporte (SOC). Nous sommes contre les excès, raison pour laquelle nous sommes favorables à la suppression du terme « excessif ». La commission des affaires sociales est un espace de dialogue respectueux et serein.

La commission rejette les amendements.

 

Puis elle adopte l’ensemble de la proposition de loi modifiée.

 

*

*     *

En conséquence, la commission des affaires sociales demande à l’Assemblée nationale d’adopter la présente proposition de loi dans le texte figurant dans le document annexé au présent rapport.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b0909_texte-adopte-commission#

 


  1  —

ANNEXE  1 :
Liste des personnes auditionnÉes par lA rapporteurE

(Par ordre chronologique)

  Fondation pour l’enfance M. Vincent Dennery, directeur

  Conseil national professionnel de pédiatrie (CNPP)  Dr Pascal Le Roux, secrétaire général, Dr Fabienne Kochert et Dr Jean-Louis Chabernaud

  Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – M. Jonathan Bernard, chargé de recherche, équipe de recherche sur les déterminants précoces de la santé (EAROH)

  Google (*)  M. Olivier Esper, responsable des relations institutionnelles, et Mme Charlotte Radvanyi, chargée des relations institutionnelles

  Table ronde :

 Conseil national du numérique (CNN)  M. Jean Cattan, secrétaire général, et M. Serge Tisseron, psychiatre et membre du CNN

 Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) Mme Laurence Pecaut-Rivolier, membre du collège, et M. Guillaume Blanchot, directeur général

 Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) (*)  M. Stéphane Martin, directeur général, et Mme Magali Jalade, directrice des affaires publiques et juridiques

  Association française des industries du numérique (Afnum) (*)  Mme Stella Morabito, déléguée générale, et M. Philippe De Cuetos, directeur des affaires techniques et réglementaires

  Association des maires de France  M. Xavier Madelaine, maire d’Amfreville, Mme Clothilde Robin, première adjointe à la mairie de Roanne et viceprésidente Roannais Agglomération, tous deux co-présidents du groupe de travail petite enfance de l’AMF, Mme Sarah Reilly, conseillère technique, et Mme Charlotte de Fontaines, chargée des relations avec le Parlement

  Assemblée des départements de France (ADF)  Mme Marie-Louise Kuntz, vice-présidente du département de la Moselle, déléguée à la protection de l’enfance, à la famille et à la prévention spécialisée, M. Éric Bellamy, directeur Solidarités, et M. Brice Lacourieux, conseiller pour les relations avec le Parlement

 

 

  Audition conjointe :

 M. Mehdi Mahammedi-Bouzina, conseiller parlementaire au cabinet du ministre de la santé et de la prévention

 M. Guillaume Zucman, conseiller parlementaire au cabinet du ministre des solidarités, de l’autonomie et des personnes handicapées

 Mme Baltis Méjanès, cheffe de cabinet, conseillère chargée de la protection de l’enfance dans l’espace numérique au cabinet du ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications

 M. Clément Lethielleux, conseiller parlementaire, élus et associations au cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’enfance

  Haut Conseil de la santé publique (HCSP) Mmes Pascale Duche et Virginie Halley des Fontaines, personnalités qualifiées qui ont piloté respectivement les deux avis du HCSP sur la prévention de l’exposition des enfants aux écrans, et Dr Jean-Michel Azanowsky, membre du secrétariat général

  Union nationale des associations familiales (Unaf)  M. Olivier Gérard, coordonnateur du pôle médias, usages numériques, et Mme Claire Ménard, chargée des relations parlementaires

  Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) M. Thomas Rohmer, président

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


  1  —

   Annexe n°2 :
textes susceptibles d’être abrogés ou modifiés à l’occasion de l’examen de la proposition de loi

Proposition de loi

Dispositions en vigueur modifiées

Article

Codes et lois

Numéro d’article

1er

Code de la santé publique

L. 21371 à L. 21377 (nouveaux)

2

Code de la santé publique

L. 2122-2

2 bis

Code de l’éducation

L. 541‑1

3

Code de la santé publique

L. 2112-2

4

Code de l’action sociale et des familles

L. 214‑6‑1 (nouveau)

5

Code de l’éducation

L. 551‑1

 


([1]) Étude réalisée par Ipsos pour l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation numérique (Open) et l’Union nationale des associations familiales (Unaf), février 2022.

([2]) Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, 2019, p. 219.

([3]) Haut Conseil de la santé publique, « Effets de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », janvier 2020, p. 14.

([4]) Avis de la direction générale de la santé suite aux travaux du groupe d’experts réuni le 16 avril 2008 sur l’impact des chaînes télévisées sur le tout petit enfant (0 à 3 ans).

([5]) Sur l’évolution des recommandations de santé publique, voir la thèse de Victor Vincent, « Les écrans interactifs chez l’enfant de moins de 3 ans : évaluation de la prévention médicale auprès des parents et état des lieux de l’exposition. Médecine humaine et pathologie », octobre 2019.

([6]) Manon Collet, « Évaluation du lien entre l’exposition aux écrans chez les jeunes enfants et l’apparition de troubles primaires du langage : étude cas-témoins en Ille-et-Vilaine », thèse soutenue en mai 2017.

([7]) Voir la controverse suscitée par la création de la chaîne Baby TV en 2008.

([8]) Un phénomène que les Anglo-Saxons résument par l’acronyme ATAWAD pour « AnyTime, AnyWhere, AnyDevice ».

([9]) Voir le rapport du Conseil national du numérique, « Votre attention, s’il vous plaît ! Quels leviers face à l’économie de l’attention ? », janvier 2022.

([10]) Terme repris par Catalina Briceno et Marie-Claude Ducas, Parents dans un monde d’écrans, Éditions L’Homme, mai 2019.

([11]) Serge Tisseron, « Facilités et pièges de la communication à distance : les leçons du confinement » dans Droit, santé et société n° 2, 2020.

([12]) Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, 2019, p. 213.

([13]) Victor Vincent, « Les écrans interactifs chez l’enfant de moins de 3 ans », op.cit, p. 18.

([14]) Ibid, p. 16.

([15]) Rapport de la commission des 1000 premiers jours, septembre 2020, p. 26.

([16]) Kirkorian H.L., Choi K., Pempek T.A., « Toddler’s word learning from contingent and non contingent video on touch screens », 2016 et Choi K., Kirkorian H.L., « Touch or watch to learn ? Toddler’s object retrieval using contingent and noncontingent video », 2016.

([17]) Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, op.cit., p. 112.

([18]) Audition de Jonathan Bernard, chercheur à l’Inserm.

([19]) Études de Poulain et al., 2018 et Kabali et al., 2015 citées par le rapport du Conseil national du numérique, « Votre attention, s’il vous plaît ! Quels leviers face à l’économie de l’attention ? », janvier 2022.

([20]) Le revenu par unité de consommation est le niveau de vie égal au revenu disponible du ménage divisé par le nombre d’unités de consommation.

([21]) Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, op.cit., p. 217.

([22]) Haut Conseil de la santé publique, « Analyse des données scientifiques : effet de l’exposition des enfants et des jeunes aux écrans », janvier 2020, p. 61.

([23]) Ibid, p. 62.

([24]) Olivia Bezerghianu, « Évaluation de l’exposition des enfants de moins de 3 ans à la télévision, étude quantitative à partir de 536 questionnaires. », décembre 2014.

([25]) Anses, « Effet sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED) », avril 2019.

([26]) Cheung C.H. et al., « Daily touchscreen use in infants and toddlers is associated with reduced sleep and delayed sleep onset », Scientific Reports, 2017.

([27]) Helm, A.F., and Spencer, R.M.C., « Television use and its effects on sleep in early childhood », Sleep Health, 2019, 5, pp. 241-247.

([28]) Manon Collet, « Évaluation du lien entre l’exposition aux écrans chez les jeunes enfants et l’apparition de troubles primaires du langage : étude de cas-témoins en Ille-et-Vilaine », Université de Rennes 1, mai 2017.

([29]) Christakis D.A. et al., « Audible television and decreased adult words, infant vocalizations, and conversational turns », Archives of Pediatrirc Adolescent Medicine, 2009, 163.

([30]) Fitzpatrick, E., Edmunds, L.S., and Dennison, B.A, « Positive effects of family dinner are undone by television viewing ». Journal of the American Dietetic Association., 2007 107, 666-671.

([31]) Anses, « Effet sur la santé humaine et sur l’environnement (faune et flore) des diodes électroluminescentes (LED) », avril 2019.

([32]) Michel Desmurget, La Fabrique du crétin digital, op.cit., pp. 213-214.

([33]) Lorraine Poncet et Jonathan Y. Bernard, « Sociodemographic and behavioural factors of adherence to the non-screen guideline for toddlers among parents from the French nationwide Elfe birth cohort », International Journal of Behavioral Nutrition and Physical Activity (2022), 19:104, août 2022.

([34]) Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge, « Pilotage de la qualité affective, éducative et sociale de l’accueil du jeune enfant », avril 2019.

([35]) Article R. 2132-1 du code de la santé publique.

([36]) Article L. 541-1 du code de l’éducation.

([37]) Article 61 de la loi n° 2016-41 du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

([38]) Article 1er de l’arrêté du 27 février 2007 fixant les conditions relatives aux informations à caractère sanitaire devant accompagner les messages publicitaires ou promotionnels en faveur de certains aliments et boissons.

([39]) Visées par l’article L. 133-1 du code de l’éducation.

([40]) Visés par l’article L. 2324-1 du code de la santé publique.

([41]) Article L. 3512-20 du code de la santé publique.

([42]) AS140.

([43]) AS142 et AS143.

([44]) AS151.

([45]) AS154.

([46]) AS152.

([47]) AS121.

([48]) AS15.

([49]) AS102, AS103 et AS104.

([50]) AS29.

([51]) Haut Conseil de la santé publique, « Carnet de santé de l’enfant. Recommandations d’actualisation. », 25 mai 2016.

([52]) Arrêté du 28 février 2018 relatif à la forme et au mode d’utilisation du carnet de santé.

([53]) AS145.

([54]) AS146.

([55]) Loi n° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions ; loi n° 86-17 du 6 janvier 1986 adaptant la législation sanitaire et sociale aux transferts de compétences en matière d’aide sociale et de santé.

([56]) Rapport d’information (n° 1234) déposé par la commission des affaires sociales, présenté par Mme Ericka Bareigts et M. Cyrille Isaac-Sibille et relatif à la prévention santé en faveur de la jeunesse, septembre 2018 ; Rapport de Michèle Peyron, « Pour sauver la PMI, agissons maintenant ! », mars 2019 ; Rapport « Les 1000 premiers jours : là où tout commence », septembre 2020.

([57]) Igas, « Étude sur la protection maternelle et infantile », novembre 2006.

([58]) Cour des comptes, « La santé des enfants », décembre 2021.

([59]) AS153.

([60]) AS73.

([61]) Décret n° 2013-77 du 24 janvier 2013 relatif à l’organisation du temps scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires.

([62]) AS149.

([63]) AS120.

([64])  https://videos.assemblee-nationale.fr/video.13006661_6400602c62060.commission-des-affaires-sociales--prevention-de-l-exposition-excessive-des-enfants-aux-ecrans--1-mars-2023